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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 4 février 2025 - Vol. 47 N° 77

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi modifiant diverses dispositions en matière d’environnement


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. St-Louis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 81, Loi modifiant diverses dispositions en matière d'environnement.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce); M. Grandmont (Taschereau) est remplacé par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve); et M. St-Pierre Plamondon (Camille Laurin) est remplacé par M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

Le Président (M. St-Louis) : Merci. Alors, nous entendrons ce matin les témoins suivants, soit : Nature Québec, le Regroupement des organismes de bassins versants du Québec et Mobilité électrique Canada.   Donc, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux gens de Nature Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Mme Simard (Alice-Anne) : Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous recevoir ce matin. Je m'appelle Alice-Anne Simard, je suis la directrice générale de Nature Québec. Je suis accompagnée de Marie-Audrey Nadeau-Fortin, qui est analyste biodiversité, et Anne-Céline Guyon, qui est analyste climat chez Nature Québec...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...Québec. Bien, tout d'abord, pour Nature Québec, le p. l. n° 81, c'est une occasion manquée de réformer en profondeur le cadre législatif qui encadre la désignation et la conservation des espèces menacées ou vulnérables. On avait espoir, en fait, que le p. l. n° 81 ferait suite à la consultation ciblée menée en 2023 par le député de Masson qui concernait cette révision de la législation. Nous, on a participé à cette consultation-là, mais pour l'instant elle n'a pas eu de suite. Alors, on espérait que ça soit inclus dans... dans ce projet de loi. Dans le cadre de cette consultation-là, en fait il y a cinq membres indépendants du comité aviseur sur les espèces fauniques menacées et vulnérables qui ont démontré en fait que le cadre législatif actuel, il date de plus de 30 ans, il est désuet, il est inefficace, il manque de transparence, et sa portée a même été réduite grandement, là, en 1992 avec l'ajout de mesures de dérogation et d'exception. Donc, ce qu'on demande au gouvernement, c'est de poursuivre les démarches afin de réviser rapidement et en profondeur le cadre législatif qui concerne les espèces menacées et vulnérables en y intégrant des critères de transparence, de cohérence et des mesures de suivi contraignantes.

Concernant maintenant les dispositions du p. l. n° 81, là, qui encadrent l'autorisation de détruire l'habitat d'espèces menacées ou vulnérables en échange d'une compensation, là. Bon. Nous, en 2021, on avait fait un mémoire sur le projet de loi n° 88. Je ne sais pas si vous en souvenez, là, c'est le projet de loi qui modifiait la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et, à l'époque, on avait formulé la recommandation, là, de ne pas autoriser la destruction d'espèces... la destruction d'habitats d'espèces menacées ou vulnérables. On était d'avis que toute modification, destruction de ces habitats critiques ne devrait en aucun cas être permise et encore moins compensée. Notre position demeure inchangée aujourd'hui et s'applique aussi aux espèces floristiques. Bon, cependant, même, bon, considérant que la notion de compensation a été introduite dans la loi depuis, bien, on fait des recommandations dans notre mémoire, là, pour qu'on encadre mieux cette procédure-là, parce qu'en fait ce qu'il faut comprendre, c'est que recréer... recréer ou restaurer l'habitat d'une espèce menacée ou vulnérable, c'est un défi qui est extrêmement complexe. Il faut compter des années, voire même des fois des décennies avant de voir si c'est un succès. Puis, en cas d'échec, bien, ça va être constaté longtemps après la destruction des habitats, puis ça va être impossible de revenir en arrière.

Dans la science... en fait, ce que la science dit, c'est qu'il n'y a rien qui indique qu'on peut réellement remplacer un habitat perdu. Pourtant, actuellement, les cas d'autorisation de travaux dans l'habitat d'espèces menacées vulnérable sont loin d'être exceptionnels au Québec. Dans un article qui a paru dans le Globe and Mail, là, en août dernier, bon, cet article-là a montré qu'il y a eu 1 528 demandes d'autorisation de travaux susceptibles d'altérer ces habitats qui ont été formulées, là, par des promoteurs sur une période de six ans. Là-dessus, il y en a seulement trois de ces demandes qui ont été rejetées versus 1 520 qui ont été acceptées, là.

Ensuite, concernant les milieux humides et hydriques, ce qu'on déplore, c'est que les modifications proposées dans le projet de loi privilégient une approche fondée sur la compensation au détriment, selon nous, d'une approche qui priorise réellement l'évitement avant tout de la destruction et la détérioration de ces milieux. En fait, ce qu'on constate, c'est que ni dans la législation actuelle ni dans les modifications proposées dans le p. l. n° 81, il n'y a rien en fait qui oblige le ministre à protéger et à restaurer ces milieux, malgré qu'il y a vraiment un objectif annoncé d'aucune perte nette, là. Ce que la législation fait, c'est qu'elle donne au ministre le pouvoir d'autoriser que ces milieux soient détruits en échange d'une compensation. Pourtant, bien, tu sais, au fil des ans, la Vérificatrice générale du Québec, la Commissaire au développement durable du Québec, des scientifiques, des groupes environnementaux ont tous montré que cette façon de procéder là, elle ne permet pas réellement de protéger et de restaurer les milieux humides et hydriques. Le ministère, en fait, présentement, il n'applique pas dans l'ordre et de façon rigoureuse la séquence, là, éviter, minimiser, compenser durant son analyse, et ça, c'est sans compter qu'il y a près de 70 % des autorisations qui sont accompagnées d'une justification de réaliser le projet à l'endroit prévu plutôt que d'une réelle démonstration que c'est impossible d'éviter de porter atteinte à ces milieux. Donc, ce qu'on craint, c'est que certaines dispositions du p. l. n° 81 qui vont permettre... qui ne vont pas permettre en fait de régler ces problématiques-là puis qui vont, au contraire, même les accentuer.

• (9 h 50) •

Maintenant, en matière d'évaluation environnementale, pour nous, c'est clair, le Québec doit se doter de lois environnementales ambitieuses et cohérentes pour atteindre ses cibles et non assouplir les règles. Nature Québec, on émet de très sérieux doutes quant à l'autorisation de réaliser certains travaux préalables avant la fin de la procédure d'évaluation environnementale. Encore une fois, on ne remet absolument pas en cause, là, le caractère urgent de la transition écologique et sociale que le Québec doit opérer évidemment. Mais pour nous, c'est clair que cette transition-là doit être accomplie de manière exemplaire et cohérente. Sinon, ce qu'on risque de voir, c'est une montée de l'inquiétude et de la méfiance de la population québécoise...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...c'est une montée de l'inquiétude et de la méfiance de la population québécoise qui viendrait miner l'acceptabilité sociale envers les projets de transition énergétique, de façon générale, puis ça pourrait même provoquer, dans certaines régions, de véritables levées de boucliers, là.

Donc, dans ce contexte-là, autoriser des travaux préalables ne peut pas... selon nous, ça peut juste miner la confiance du public envers les processus d'évaluation environnementale, parce qu'alors le public serait invité à se prononcer sur l'acceptabilité d'un projet alors même qu'une partie des travaux aurait été déjà autorisée.

Nature Québec se positionne aussi en faveur du principe des évaluations environnementales sectorielles et régionales. Mais ce qu'on craint, c'est qu'il y a certaines dispositions, dans le p.l. 81, qui pourraient permettre aux promoteurs de contourner le régime d'autorisation environnementale. Et ensuite il y a certaines dispositions aussi du pl 81, qui mettent fin à l'obligation, pour les municipalités, là, d'obtenir une approbation du ministre afin de réglementer en matière d'environnement. Ça, c'est une avancée qui est significative, qu'on souligne et qui répond à une demande de longue date de l'UMQ. On appuie cette avancée-là, puis ce qu'on recommande, en fait, c'est qu'elle soit mise en œuvre dans les plus brefs délais et rétroactivement.

Finalement, juste... petite mention, là, on tient à souligner que l'élargissement du mandat de la Fondation de la faune du Québec à la biodiversité, de façon générale, et son changement de nom, c'est une excellente nouvelle qu'on attendait depuis longtemps. Alors, merci.

Le Président (M. St-Louis) : Alors, je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Donc, M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s. 

M. Charette : Merci beaucoup, M. le Président, Mesdames, bonjour. Un plaisir de vous recevoir et de débuter la semaine avec vous dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 81. Merci pour votre éclairage. Je regardais, à l'instant, encore quelques-unes de vos recommandations, tout en vous écoutant, bien sûr.

Je comprends les revendications, là, qui sont les vôtres, au niveau d'une protection stricte, autant en milieux humides ou les habitats pour les espèces menacées. J'imagine que c'est un petit peu le modèle de la loi fédérale que vous souhaiteriez que l'on implante du côté québécois. Cette loi-là a certainement des mérites, mais elle aussi beaucoup de contraintes qui permettent difficilement une discussion avec les milieux.

L'exemple le plus récent et le plus médiatisé des dernières années, c'est sans doute celui du caribou, la loi fédérale, un, le gouvernement fédéral peine à l'appliquer, et, deux, elle braque les milieux contre une protection nécessaire du caribou. Ce qui fait qu'au final, une menace de décret, par exemple, a davantage mobilisé les milieux contre la protection du caribou que de favoriser une protection, là, qui donne des résultats concrets.

C'est la raison pour laquelle on n'a pas voulu, à travers la loi no 81 mais également les lois précédentes, nous limiter à un cadre strict qui ne permet pas, justement, une analyse différenciée du projet, qui ne permet pas de bien mobiliser les milieux, là, vers un objectif commun. Est-ce que vous comprenez, en quelque sorte, les contraintes et les défis que pose la loi fédérale, versus la loi québécoise?

Mme Simard (Alice-Anne) : Oui, bien sûr. En fait, nous, ce qu'on demande... on n'a pas demandé que le Québec fasse exactement la même loi que ce qu'on retrouve au fédéral, là, évidemment. Ce qu'on dit, c'est de suivre les recommandations qui proviennent de votre propre comité aviseur sur le sujet, en matière d'espèces menacées ou vulnérables, notamment, bon, tout ce qui est question d'être plus transparent dans les étapes de désignation de ces espèces-là, d'inclure les recommandations, finalement, des deux comités aviseurs dans le processus, de s'assurer que ça c'est présenté... cette information-là est présentée de façon transparente pour que le public puisse comprendre quelles ont été les recommandations de désignation, pourquoi ces recommandations-là ont été suivies ou non. On peut penser, par exemple, au cas du caribou migrateur, présentement, qui, selon les spécialistes, devrait être mis sur la liste des espèces menacées, vulnérables et qui ne l'est pas, présentement.

Ce qu'on demande aussi, c'est de revoir, oui, la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune puis les règlements qui en découlent, pour s'assurer que le ministre responsable n'ait pas seulement le pouvoir d'appliquer ces règlements-là, c'est lois-là, mais vraiment l'obligation d'exercer ses responsabilités en matière de protection des espèces.

On veut s'assurer aussi que la durée de chacune des étapes du processus de désignation est vraiment plus claire, plus clairement définie. On veut aussi que la notion d'habitat essentiel soit ajoutée à la législation québécoise et on veut aussi s'assurer qu'il y aurait une durée maximale, finalement, qui serait requise entre... pour délimiter, finalement, l'habitat d'une espèce désignée officiellement puis permettre d'identifier puis de mettre en œuvre les étapes du processus de rétablissement plus rapidement, là.

Donc ça, c'est vraiment toutes des recommandations qui viennent d'ailleurs, là tu sais. Ma collègue a apporté, là, l'article, ici, finalement, là, des membres indépendants du comité, qui a été paru dans un article...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...journal scientifique, finalement, toute une recommandation pour revoir en profondeur ce cadre législatif là, qui est vraiment déficient puis qui, au final, sert à protéger nos espèces menacées, vulnérables et qui ne le fait pas adéquatement, présentement, parce que, bon, la biodiversité continue de décliner à un rythme effréné au Québec. Clairement, il y a, dans nos processus, notre législation, des façons de faire qui seraient plus optimales, et c'est ce qu'on vous recommande.

M. Charette : Et vous parliez également, vous faisiez référence à des articles où le nombre de projets acceptés versus le nombre de projets refusés était relaté. C'est vrai qu'a priori ça peut être frappant de dire : La quasi totalité des projets sont acceptés. Ce que ces articles-là ne mentionnaient pas, par contre, c'est qu'entre le moment où un projet déposé, versus l'autorisation, il y a quand même un travail qui se fait avec le ministère de l'Environnement pour venir minimiser les impacts et rare... bien, sans dire, de pourcentage, disons qu'une majorité de projets étaient acceptés avec des modalités différentes. Donc, on est venu accompagner le promoteur pour dire : Sur le site que vous envisagez, bien, voici telle section à considérer avec un regard particulier, à préserver ou à ne pas développer. Donc au final, la superficie développée ou le projet réalisé est différent du projet initial.

Et on est venu justement permettre ce développement-là en minimisant les impacts, tout en étant conscients, là, que, dans certains cas, des impacts pouvaient avoir lieu. Mais on a un gros défi, au Québec, vous le voyez à travers... Et d'ailleurs je me souviens de questions de la collègue de l'opposition à ce niveau-là, ne serait-ce qu'au niveau de l'habitation, dans des milieux qui sont déjà largement développés. Si on est en pénurie de logements, les options se font, par moment, plus rares. Dans d'autres milieux, bien, c'est une école qui est nécessaire, et l'école, on ne peut pas la mettre trop loin de la population, des jeunes qui vont en bénéficier. Dans d'autres cas, on a eu, dans les médias, que ce soit maisons des aînés, que ce soit des établissements de soins de santé... Donc, ce n'est jamais de gaieté de cœur où ces sacrifices-là, au niveau de la biodiversité, sont faits, mais c'est aussi une réalité comme gouvernement.

Naturellement, moi, j'ai, personnellement, avec les collègues, avec le ministère, la responsabilité de l'environnement, mais on ne peut pas agir comme si les autres besoins de l'État étaient inexistants. Donc, c'est là où on préfère la souplesse qui est proposée à travers le projet de loi no 81, mais également à travers le cadre réglementaire et législatif, et dire : On a besoin d'une école, on a besoin d'habitations, on a besoin d'établissements de santé. Mais essayons de faire les choses intelligemment pour minimiser les impacts. Et c'est cette latitude-là que l'on souhaite maintenir.

Mme Simard (Alice-Anne) : On comprend. Par contre, dans la loi, tant pour les espèces menacées ou vulnérables que pour les milieux humides et hydriques, la séquence qui est inscrite dans la loi, c'est : éviter, minimiser, compenser, pas juste minimiser, compenser.

Présentement, ce qu'on dit, c'est que l'analyse pour s'assurer que tout évitement a été pris en considération, qu'il n'y a aucune autre... eu aucune autre possibilité de mettre ce... de développer ce projet-là, que ce soit résidentiel, l'école, ce que vous dites, ailleurs, ça, cette analyse-là, elle n'est pas faite de façon rigoureuse. On passe tout de suite à la séquence minimiser. Et vous l'avez... le ministre, vous l'avez dit vous-même, qu'il y a eu une analyse avec le ministère pour s'assurer qu'on minimise au plus le plus possible la destruction de l'habitat. Ce n'est pas cette analyse-là que ça devrait faire en premier, c'est l'analyse de comment éviter la destruction de l'habitat. C'est ce qui est inscrit dans la loi.

Si vous... le gouvernement reconnaît que ce n'est pas possible de faire ça, bien, enlevez cette référence-là dans la loi, enlevez la séquence. Si on se dit : On n'est jamais capable d'éviter, on va toujours permettre qu'il y ait une destruction de l'habitat aux endroits prévus, bien, pourquoi l'avoir inscrit dans ces deux lois-là, finalement?

• (10 heures) •

On comprend qu'évidemment il y a... il y a des contraintes, puis on comprend les enjeux de logement, tout ça. Au Québec, là, les habitats d'espèces menacées ou vulnérables, là, ce n'est pas 90 % du Québec qui est couvert de ça. Il y a quand même plusieurs autres endroits qui sont disponibles. Nous, on a vu des maisons des aînés se faire construire sur des boisés qui ont été rasés, alors qu'il y a des terrains ailleurs qui sont vacants, qui existent. Par contre, au Québec, encore une fois, économiquement, c'est plus avantageux de raser un milieu naturel pour faire une nouvelle construction que de décontaminer un terrain vacant. Ça, c'est un problème aussi. Puis il y a des mesures d'écofiscalité qui pourraient être mises en place pour qu'il y ait des incitatifs économiques à ce qu'on utilise les terrains qui sont déjà existants, vacants, et qu'on ne fait pas juste continuer à gruger, finalement, dans le territoire. Parce qu'on comprend, les enfants ont besoin d'école, mais les enfants ont besoin aussi d'avoir des espèces, de la nature de la biodiversité aussi, là...


 
 

10 h (version non révisée)

M. Charette : ...merci pour votre réponse. Un commentaire rapide, parce que je sais que j'ai une collègue qui souhaite intervenir. Le projet de loi initie quand même une obligation du promoteur de démontrer les efforts d'évitement qu'il a pu faire. Ça, c'est une... c'est une nouveauté, là, à travers ce qui est proposé comme texte de loi.

Vous avez parlé des travaux préalables... et ce n'est pas une question, là, pour laisser ma collègue aussi échanger avec vous, mais peut-être vous rassurer, c'est ciblé, là, ce n'est pas des travaux préalables qui seraient admissibles à tout type de projet. On veut y aller d'abord avec les organismes publics, on veut y aller pour des intérêts publics. On pense beaucoup au développement d'énergies renouvelables compte tenu des grands besoins d'énergie, là, que le Québec a et aura dans le futur. Juste vous rassurer, là, ce n'est pas une possibilité, là, qui est élargie à tout type de projet.

Donc, pour laisser la possibilité à ma collègue d'échanger avec vous, je lui cède le temps de parole qui reste, mais en vous remerciant, là, pour votre présence ce matin. Merci.

Le Président (M. St-Louis) : Je cède, donc, maintenant la parole à Mme la députée d'Argenteuil. La parole est à vous. Vous disposez d'un peu moins de sept minutes.

Mme Grondin : Ah! mais c'est parfait. Merci, M. le Président. Bonjour, Mesdames. C'est toujours un réel plaisir de pouvoir échanger avec vous, sincèrement. J'ai deux questions, en fait. Espérons qu'on va pouvoir se rendre à la deuxième.

La première va porter sur toute la question des milieux humides et hydriques. J'entends bien votre préoccupation sur la question d'éviter et minimiser et compenser, la séquence. J'aimerais mieux comprendre les préoccupations que vous avez, parce que, quand je lis la proposition dans le projet de loi, M. le ministre en a parlé, il y a dorénavant une obligation de la part des promoteurs, qui sont souvent accompagnés de consultants, de démontrer qu'ils ont tout fait pour éviter. S'ajoute à ça l'obligation de tenir compte de la zone d'alimentation en eau des milieux humides et hydriques et s'ajoute aussi à ça toute la notion qu'est... je suis très heureuse, de la connectivité écologique, qui vont être ajoutées aux fonctions écologiques dans la Loi sur l'eau.

Moi, ce que je constate, c'est qu'aujourd'hui, par rapport à il y a quelques années, on a des meilleures connaissances. Parce que, tu sais, dans le fond, il y a aussi une communauté, il y a des décideurs, il y a des promoteurs, il y a des gens qui accompagnent des consultants. Moi, ce que je constate, c'est qu'on a une meilleure connaissance en termes de cartographie détaillée, que ça soit à travers les plans régionaux, les milieux humides et hydriques, que ça soit l'obligation, dans le cadre des OGAT, de tenir compte davantage. Moi, chez moi, je vois tout le travail qui a été fait de vulgarisation des décideurs, notamment des élus municipaux, mais aussi des gens du milieu économique, des gens du milieu agricole. Ce que je constate aussi, c'est qu'il y a de plus en plus, ce que je n'avais pas à l'époque, d'argumentaire économique qui démontre la valeur économique des services écologiques. On n'a qu'à penser à toutes les études de Jérôme Duprat. Je pense qu'il y a de plus en plus... Tu sais, des changements de pratiques et de comportements, ça ne prend pas deux semaines, ça prend une éternité à mes yeux à moi.

Qu'est-ce... Qu'est-ce qui vous inquiète davantage, là, sur cette question-là d'évitement? Pourquoi vous pensez qu'on... il n'y aura pas un travail qui va se faire, là, beaucoup plus sérieux?

Mme Nadeau Fortin (Marie-Audrey) : Oui. Merci pour la question. Bien, en fait, à travers le projet de loi, notre compréhension, c'est que l'évitement est dilué à plusieurs endroits. Tu sais, on voit, par exemple... on parle d'éviter au maximum, je pense qu'Alice-Anne en a parlé tantôt. Pour nous, éviter au maximum, ça veut dire minimiser, ça ne veut pas dire éviter. On évite ou on n'évite pas, tu sais. Si on évite au maximum, on minimise. Puis à d'autres endroits, bon... là vous parliez peut-être des milieux humides et hydriques, mais on voit aussi, pour les espèces menacées et vulnérables, on dit que le promoteur a exigé des... a évalué des solutions de rechange. C'est correct, d'évaluer des solutions de rechange, mais il faut que ce soit plus clair. Il faut... des solutions de rechange ont été évaluées, mais aussi il y a un argumentaire qui explique pourquoi elles n'ont pas été retenues.

Juste pour vous dire, j'ai été fonctionnaire, moi aussi, au fédéral, certes, mais aux examens réglementaires pour Pêches et Océans Canada. Ce n'est pas tous les promoteurs qui sont de mauvaise foi, ce n'est vraiment pas ça, mais s'ils ont l'option d'y aller avec la voie qui est la plus simple, la plus facile, c'est certain qu'ils vont avoir tendance à choisir celle-là.

Ça fait qu'on n'est pas contre une certaine flexibilité, mais on pense que cette flexibilité-là, elle doit être clairement encadrée, qu'il doit y avoir vraiment des balises, qui sont bien définies, qui sont...

Mme Nadeau Fortin (Marie-Audrey) : ...parce que là, en plus, les milieux humides et hydriques, les articles sont... les dispositions sont réparties dans plusieurs articles de loi, dans plusieurs lois aussi. Pour nous, ça a été extrêmement difficile de l'analyser. Ça fait que, je pense que pour les fonctionnaires, ça doit être aussi très difficile de les... les mettre en œuvre, en fait d'émettre les autorisations et tout. Donc, je pense que je me suis un peu éparpillée dans ma réponse, mais je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.

Mme Grondin : C'était excellent, là, puis je... vous pouvez... je ne peux pas être en désaccord avec ce que vous dites. Sauf que moi, ce que je constate, c'est que, oui, le travail est incontournable et tellement précieux des fonctionnaires et des analystes du gouvernement au ministère de l'Environnement. Mais moi, ce que je constate, c'est qu'il y a aussi des communautés et des gens et des influents et des... ce n'est plus que juste entre les mains des fonctionnaires et des groupes environnementaux. Je pense qu'il y a une prise de conscience puis il y a beaucoup d'argumentaires de plus en plus, puis c'est ça qui, moi, me donne espoir.

Mon autre question... puis, si vous me permettez — je ne sais pas combien de temps il me reste, 2 minutes — parce qu'elle est importante, puis j'ai vraiment besoin de votre réponse sur ça. Il y a des récents sondages qui nous disent que les Québécois n'ont plus... ne sont plus préoccupés ou beaucoup moins préoccupés par les enjeux environnementaux, vous l'avez vu, c'est la santé, c'est de l'économie. Dans le contexte actuel, qu'est ce que vous répondez à ça?

Mme Simard (Alice-Anne) : Écoutez, mais là, c'est sûr que, là, présentement, on se fait bombarde, là, de nouvelles à chaque jour, avec les hauts et les bas, là, de maniaques complètement déconnectés de toute forme de réalité et de raison, là. Donc, c'est sûr que c'est difficile de... que les gens s'intéressent à autre chose. Par contre, ça reste que vous, vous êtes le gouvernement, vous êtes en pouvoir, vous avez des lois que vous devez vous assurer qu'elles sont respectées. Vous avez des objectifs, vous avez des cibles aussi, tant au niveau climatique que de protection de la biodiversité. Malgré tous les hauts et les bas, malgré tout le bruit qu'il y a autour, vous avez quand même des responsabilités puis des objectifs que vous devez remplir et, pour ça, c'est important que vous continuiez à faire ce travail-là, puis vous le faites pour... pour les générations futures aussi qui veulent... peut-être que vous ne l'avez peut-être pas demandé à ma fille de deux ans, mais peut-être qu'elle ça la préoccupe l'environnement.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Si je peux compléter? Moi je ne dirais pas que les enjeux environnementaux préoccupent moins les Québécois et les Québécoises. Moi, j'ai des sondages aussi qui montrent que le taux, par exemple, d'adhésion à l'action climatique est extrêmement élevé. Et de toute façon, les crises, elles, continuent, peu importe si la population est préoccupée ou pas, et c'est votre rôle de gouvernement de protéger la population. C'est aussi une question de sécurité publique d'aller de l'avant avec la protection environnementale, qu'il s'agisse de perte de biodiversité ou de changements climatiques. On le voit, la planète, elle brûle. Peu importe ce qui est en train de se passer au niveau géopolitique, il y a des véritables enjeux, et la crise climatique ne s'arrêtera pas parce que M. Trump a décidé qu'elle n'existait pas. Donc...

Le Président (M. St-Louis) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Guyon (Anne-Céline) : ...nous, on pense qu'il faut vraiment continuer l'action. C'est le seul moyen de protéger la population du Québec.

Mme Grondin : Merci, mesdames.

Le Président (M. St-Louis) : Merci, merci infiniment. Je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle. Mme la députée. La parole est à vous.

Mme McGraw : Merci. Merci beaucoup. Donc, si je comprends bien, juste pour enchaîner sur la dernière question, selon vous, c'est vraiment une question de leadership, de volonté politique, et c'est le devoir du gouvernement de vraiment passer à l'action puis de respecter les lois puis et même aller plus loin. Et aussi peut-être qu'il y a un enjeu de communication, et c'est de faire le lien entre la santé humaine, l'économie et évidemment les enjeux environnementaux qui soutiennent le tout.

Donc, première question, juste pour revenir, si je comprends bien, vous êtes en faveur des évaluations environnementales sectorielles ou régionales, mais vous parlez plus de balises qui... des balises qui devraient être respectées pour que le processus fonctionne réellement et pas juste à contourner, bon, les règles si je vous comprends bien. Est-ce qu'on peut élaborer sur ces balises?

• (10 h 10) •

Mme Guyon (Anne-Céline) : Oui, tout à fait. Écoutez, la manière dont présentement, c'est... les dispositions sont écrites dans le... dans le projet de loi no 81, déjà on a du mal à voir comment, si encore une fois on est vraiment complètement d'accord avec le principe de ce type d'évaluation-là, on a du mal à voir comment, par contre, ces évaluations vont s'arrimer avec le reste, avec les autres types d'évaluations environnementales. On pense qu'elles devraient s'inscrire dans... avec les règlements sur les évaluations environnementales stratégiques, règlements qui n'ont d'ailleurs toujours pas été adoptés et qu'il faudrait adopter le plus rapidement possible justement pour permettre aussi d'évaluer des filières entières, etc., par rapport justement aux enjeux de transition énergétique à l'heure actuelle au Québec. Donc, ça, c'est une chose.

L'autre élément, c'est.. j'ai envie de vous dire, on a... on a vraiment besoin, au Québec, de prendre en compte justement les impacts cumulatifs sur le territoire...

Mme Guyon (Anne-Céline) : ...prendre en compte, justement, les impacts cumulatifs sur le territoire. C'est le genre de... de chose que, je pense, ce type d'évaluation là permettrait de manière adéquate. Maintenant, il faut venir préciser tout ça.

Donc, en fait, ce qu'on... ce qu'on amène, c'est que la manière dont sont rédigées les différentes dispositions du projet de loi n° 81, que ce soit, d'ailleurs, pour les évaluations environnementales ou, même, pour le reste du projet de loi, il y a beaucoup de flou dans la manière dont le vocabulaire est utilisé, et on vous demanderait d'apporter beaucoup plus de précisions à... à ce niveau là, pour, justement, venir beaucoup mieux encadrer les différents types, notamment, d'évaluation.

Mme McGraw : Merci. Autre question. Là, vous avez parlé aussi de... de la séquence, ça a été très clair, éviter, minimiser et, ensuite, compenser. C'est un peu comme réduire, réutiliser et recycler. Si on met l'emphase juste sur le recyclage, on va avoir des... En tout cas, je pense que la séquence est très claire. Et, là-dessus, juste sur la question de la compensation en dernier recours, vous voulez... vous recommandez de rendre obligatoire, et non facultative, la compensation. Est-ce qu'il y a des tendances dans les projets, les types de projets, qui ne résultent pas en compensation? Est-ce que c'est disparate ou est-ce qu'il y a certains types de projets qui reçoivent plus de compensation que d'autres?

Mme Nadeau Fortin (Marie-Audrey) : Bien, en fait, cette recommandation-là venait du fait que, dans la loi, on ne parle pas que le ministre doit demander de la compensation, mais peut demander de la compensation. Ça fait que c'est pour ça que, selon nous, c'est important de le préciser que ça... ça doit être demandé, la compensation. Ça fait que c'est pour ça qu'on a apporté cette précision.

Mme McGraw : Alors, quel serait le... un bon moyen de s'assurer que la compensation des milieux humides est réellement réalisée, et que des millions de dollars ne dorment pas dans les coffres? C'est votre recommandation n° 13.

Mme Nadeau Fortin (Marie-Audrey) : Oui, bien, je vais encore parler de mon expérience passée, en tant que fonctionnaire au fédéral, mais la Loi sur les pêches oblige, pour la destruction d'habitats du poisson, qu'il y ait de la compensation, puis elle oblige aussi que le... bien, donc, ça... c'est de la compensation en nature, donc en aménagements qu'on crée, restauration ou création d'habitats du poisson. Il ne peut pas y avoir de compensation financière. Ça fait que, déjà, ça empêche que des fonds dorment dans... dans des coffres. Ensuite, aussi, elle met la responsabilité, sur le requérant ou le promoteur, de trouver son projet de compensation, de soumettre son... son concept, les plans et devis, au promoteur... au... au ministère, finalement, qui doit approuver le concept avant. Puis c'est aussi le... le promoteur, finalement, qui doit soit réaliser lui-même, ou engager une firme, ou travailler en collaboration avec un organisation pour réaliser des travaux, puis ensuite, assurer les suivis pour démontrer l'efficacité, jusqu'à tant que le ministère est satisfait de l'efficacité des projets de compensation.

Ça fait que, selon nous, cette obligation-là, à la fois de demander des... des compensations en aménagement, et non pas financières, et ensuite, de responsabiliser les requérants dans la réalisation des projets de compensation, bien, ça éviterait, justement, qu'il y ait juste de l'argent qui s'accumule puis qui ne soit pas utilisé à bon escient, finalement. C'est que, quand un projet de développement est autorisé, il devrait être ficelé, déjà, avec son projet de compensation. Puis on ne peut pas dire que c'est impossible de faire ça, parce que ça se fait déjà en vertu de la Loi sur les pêches.

Mme McGraw : Juste pour revenir, encore une fois, sur vos recommandations de responsabiliser les requérants. Il y a une suggestion parmi plusieurs groupes, qui ont mis de l'avant l'idée de... de créer une banque de projets de restauration qui pourrait servir aux requérants. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition?

Mme Simard (Alice-Anne) : Ça pourrait être une bonne idée, en effet. Ça pourrait accélérer les processus, sans doute, là.

Mme McGraw : Pouvez vous élaborer sur le moment de la consultation publique? Pouvez vous expliquer l'impact de consulter durant la directive, plutôt que l'avis d'intention?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Oui, tout à fait. Bien, c'est tout simplement parce que la directive, on le sait, il y a... ça... ça comporte les avis des ministères et d'autres organismes étatiques. Alors, on pense que ça vient, justement, compléter l'avis d'intention, qui, lui, est juste issu, évidemment, des... des études du promoteur. Donc, on pense que, pour que la... Déjà, à la base, on tient vraiment à dire que c'est une bonne chose, je pense, d'impliquer le plus en amont possible, effectivement, la population. Ça, là-dessus, on est totalement en accord avec cette proposition du projet de loi. Maintenant, on pense que le fait de... que cette consultation là se fasse sur la directive, plutôt que sur l'avis d'intention, permettrait vraiment à la population d'avoir des... des avis différenciés et objectifs, beaucoup plus objectifs que juste sur l'avis... que juste sur l'avis d'intention.

Mme Simard (Alice-Anne) : Puis, pour compléter, tu sais, ça reste que, M. et Mme Tout-le-monde, ça peut être vraiment difficile, là, de... de lire toute cette documentation-là sans avoir une analyse qui aurait été faite, préalablement, par les spécialistes des différents ministères impliqués, là. Donc, c'est... c'est ça qu'on recommande, au final. Ça permet aux... aux citoyens et citoyennes de se faire une tête, mais avec...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...première analyse qui a été faite par les fonctionnaires.

Mme McGraw : Parfait. Et peut-être une dernière question, dépendamment de la durée de la réponse. Vous avez parlé de la notion d'habitat qui requiert... Qu'est-ce qui... qu'est-ce qui manque présentement dans la notion d'habitat, qui requiert une modification? Quels sont les enjeux dans le flou? Et peut-être une dernière si on laisse le temps. Vous avez commencé votre présentation en disant que c'est vraiment une opportunité manquée de vraiment réformer le cadre législatif. Selon vous, est-ce que ce projet de loi représente, dans son ensemble, un pas de là vers l'avant, en arrière, ou c'est vraiment mixte?

Mme Nadeau Fortin (Marie-Audrey) : Oui, bien, je peux y aller avec... Pour ce qui est de la notion d'habitat de remplacement, bon, je vous dirai, je ne suis pas juriste, mais quand j'ai analysé le projet de loi à cet effet-là, je n'ai pas trouvé de définition claire de c'est quoi, un habitat de remplacement. Donc, pour moi, ça peut laisser trop de place à l'interprétation si ce n'est pas clairement défini.

Après, si mon interprétation est erronée, si c'est clairement défini ailleurs, je ne l'ai pas trouvé, tant mieux, mais je n'ai pas trouvé cette notion-là clairement encadrée dans la loi.

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, pour le projet de loi, de façon générale, c'est un peu mi-figue, mi-raisin, là, tu sais. Il y a des avancées intéressantes, évidemment, on les a mentionnées, il y a des éléments qui sont problématiques, qui mériteraient plus de balises aussi, puis y a certaines occasions manquées.

Après ça, nous, c'est parce que la modernisation du cadre législatif sur les espèces menacées au vulnérables, ça fait longtemps qu'on le demande. On a décidé de, ce matin, utiliser cette tribune-là pour vous le redemander, le réitérer, l'importance de ce cadre-là, mais on comprend aussi qu'une modification d'une telle ampleur dans un omnibus peut être difficile, voire impossible. Par contre, on espère vraiment que le gouvernement va poursuivre les démarches pour s'assurer qu'on ait un réel cadre qui protège bien les espèces menacées ou vulnérables.

Mme McGraw : Bien, vous avez été très efficaces dans vos réponses, donc je crois qu'il me reste encore une minute, à peu près. Donc, peut-être une dernière question. Vous semblez être fermement en faveur de la fin de l'obligation des municipalités d'obtenir l'approbation du ministre pour réglementer en matière d'environnement. Avant tout, même... est-ce que vous avez quand même une crainte quant à l'adaptation d'organismes qui oeuvrent dans plusieurs municipalités, par exemple?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Oui. Bien, en fait, oui, on est vraiment en faveur. Ça, je pense que c'est... On l'a dit, c'est une demande de l'UMQ depuis plusieurs années, et on approuve totalement. Puis nous, dans nos différents dossiers, on a pu voir à quel point les municipalités font preuve de leadership, au niveau environnemental, en ce moment, donc on pense que ça ne peut être que bénéfique.

Par contre, on tient quand même à soulever un certain bémol au niveau, justement, des pouvoirs discrétionnaires qui seraient donnés au gouvernement et au ministre, notamment au niveau des enjeux émergents ou stratégiques à l'échelle nationale. Cette désignation-là pourrait s'appliquer à à peu près tous les projets à l'heure actuelle au Québec. Donc, on a vraiment peur que, juste cette désignation-là viendrait renverser, en fait, au final, le principe même de cette disposition-là, ce qui serait vraiment dommage. Et je vais vous utiliser un exemple qui va vous paraître peut-être une peu extrême...

Le Président (M. St-Louis) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Oui, mais c'est, tu sais... Les enjeux émergents, à l'heure actuelle... Est-ce que, par exemple, on pourrait aller fabriquer, laisser monter une usine d'armement sous prétexte de répondre à des enjeux émergents ou stratégiques, tu sais? C'est extrême, comme exemple, mais, dans la situation actuelle, ça pourrait désigner ça.

Le Président (M. St-Louis) : Merci. Je suis désolé, c'est... le temps est déjà écoulé, malheureusement. Ça passe très vite. Alors, je cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition. M. le député, la parole est à vous.

M. Leduc : Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. St-Louis) : Plus ou moins trois minutes.

M. Leduc : Merci beaucoup. Bonjour à vous trois. Content de vous voir. J'aime bien faire la chose suivante avec des groupes avec qui je suis bien en accord avec l'essentiel des recommandations, qui est de vous demander... vous êtes trois personnes, si vous aviez le crayon du ministre et que vous aviez l'occasion de soit modifier un article ou rajouter un article dans le projet de loi, qu'est-ce que vous feriez?

• (10 h 20) •

Mme Soucy (Andrée-Anne) : Bien, il y a quand même l'article... on l'a quand même mentionné dans... bon, là, il faut que j'aille revoir exactement c'est lequel, là, mais la disposition, là, le deuxième alinéa de l'article 31.9.16 de la LQE devrait être retiré, là, vraiment important, là, où est-ce que les projets qui seraient, donc, dans une évaluation environnementale, régionale et sectorielle. Que certains de ces projets-là pourraient ne pas être assujettis du tout à une évaluation environnementale, pour nous, ça peut être problématique. Puis nous, on veut retirer cette disposition-là. Parce qu'on le sait, actuellement, les promoteurs utilisent... Bon, ma collègue nous l'a dit, souvent, un promoteur, un requérant utilise la façon la plus facile, là, pour que son projet aille de l'avant, puis, s'il y a une possibilité pour un promoteur de séparer son projet en plusieurs parties pour éviter des évaluations environnementales ou dire que, finalement, il va produire telle quantité de matériaux, puis, finalement, il dépasse le seuil plus tard, tu sais, mais qu'il se met toujours juste en dessous des seuils... Tout ça, c'est toutes des façons de faire pour contourner les règles environnementales.

Et là, de donner la possibilité que, si le secteur a été évalué au complet, un projet peut aller de l'avant sans évaluation environnementale, pour nous, c'est vraiment problématique, puis on voudrait que cette disposition-là soit...

M. Leduc : ...donc, ça, c'est une première. Ensuite?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Écoutez...

M. Leduc : Une seule. Vous avez le droit à une seule.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Bien, je vais y aller, moi, du côté positif, par rapport à... Moi, je pense qu'effectivement le principe de conciliabilité au niveau municipal, c'est définitivement à garder. Et j'insiste pour que, justement, aussi le chantier réglementaire soit accéléré, pour véritablement laisser les coudées franches aux municipalités de légiférer le plus ambitieusement possible sur la question environnementale.

Mme Nadeau Fortin (Marie-Audrey) : Oui, bien, de mon côté, c'est que là, je ne retrouve pas l'article de loi comme tel, mais, à un moment, on parle qu'un projet a été autorisé si le ministre est d'avis qu'il ne va pas porter atteinte à la survie d'une espèce menacée ou vulnérable. Puis moi, cette notion-là, de survie, là, je la trouve problématique, tu sais. C'est comme si on maintenait des espèces sous respirateur artificiel, finalement, là. Je pense qu'il faudrait vraiment parler de protection et rétablissement ou de survie et rétablissement, mais, du moins, modifier ça pour qu'on apporte la notion de rétablissement.

M. Leduc : Donc, la survie, c'est un critère qui est trop extrême, en quelque sorte?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, pour moi...

Mme Nadeau Fortin (Marie-Audrey) : Bien, ce n'est pas suffisant, en fait, ce n'est pas suffisant pour... La loi, ce qu'elle dit, c'est qu'il faut amener le rétablissement des espèces. Donc, oui, elles survivent, actuellement. Il y a certaines espèces, présentement, qui sont sur le bord de l'extinction, là, on ne peut pas les maintenir à ce seuil-là, tu sais, il faut qu'elles soient rétablies, finalement. Donc, de rajouter avec le crayon du ministre, juste «et rétablissement» serait si simple.

M. Leduc : C'est des belles suggestions. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. St-Louis) : Merci. Alors, je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député, la parole est à vous.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci, mesdames, pour votre présentation et votre mémoire, très intéressant. C'est la conclusion des consultations, là, pour ce qui est de votre témoignage. J'essaie de me faire une tête. Vous avez mentionné, Mme Simard, que c'était l'occasion, avec le dépôt d'un projet de loi comme celui-là, selon vous, de resserrer ou de restreindre un certain nombre de mesures ou imposer des mesures plus contraignantes. Est-ce que j'ai bien compris que vous avez dégagé du projet de loi que c'est plutôt le contraire, qu'on s'apprête à faire, donc assouplir les conditions pour les promoteurs, pour réaliser des projets qui vont affecter, essentiellement, les espèces et leur environnement?

Mme Simard (Alice-Anne) : Ce n'est pas clair, justement, comme ma collègue l'a dit, parce que c'est vraiment... il y a beaucoup de flou, dans le projet de loi, de façon générale, ce n'est pas clair si ça va permettre de resserrer ou d'assouplir les règles, mais, par exemple, justement, de permettre des travaux préalables avant la fin de l'évaluation, ça, c'est une façon d'assouplir les règles, que les promoteurs ne soient pas soumis à une évaluation s'ils sont dans l'évaluation sectorielle ou régionale, ça, ça peut assouplir les règles.

Au niveau des milieux humides et hydriques et des espèces menacées, il y a certaines balises qui permettent d'un peu plus encadrer les pouvoirs discrétionnaires du ministre. C'est des bonnes nouvelles, mais il y a certaines dispositions, comme on l'a dit aussi, des mots qui sont rajoutés, comme «éviter au maximum», qui pourraient assouplir les règles. Encore une fois, c'est vraiment... c'est... bien, c'est un gros projet de loi, évidemment, un omnibus, c'est classique, avec plusieurs dispositions, mais très floues et qui sont... Même la portée, pour nous, on s'est cassé la tête plusieurs jours pour réussir à analyser la portée de toutes ces dispositions-là. Donc, clairement, être plus clair serait bénéfique pour tout le monde.

M. Arseneau : O.K. De façon générale, est-ce que c'est un pas en avant, ou un pas en arrière, ou un pas en avant, deux pas en arrière, c'est difficile d'avancer?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, comme on a dit, c'est ça, c'est mi-figue, mi-raisin pour l'instant.

M. Arseneau : D'accord. D'accord. J'ai retenu que vous mentionniez que le ministre n'a pas nécessairement, selon ce que j'ai compris de votre propos, d'obligation. C'est comme si, en bout de ligne, le ministre, quel qu'il soit, là, je n'identifie pas le ministre actuellement, mais le cadre législatif va permettre qu'un ministre déroge, essentiellement, à toutes les règles qu'on tente de se donner pour mieux protéger notre environnement. Est-ce que c'est... Comment on pourrait faire en sorte que le ministre, lui, soit assujetti aux plus hauts standards concernant, par exemple, la protection des milieux humides et hydriques, sur la question... la notion de l'évitement, la minimisation et la compensation?

Mme Simard (Alice-Anne) : On ne pense pas qu'il y a une mauvaise intention, là, tu sais, de voir que le ministre souhaite déroger, là, vraiment pas. C'est plus, des fois, dans le choix des mots, où est-ce qu'on se questionne, où est-ce que... Quand c'est écrit «le ministre peut» faire ça, pourquoi pas indiquer «le ministre doit» faire ça, tu sais, tout simplement? Et c'est juste cette... cette notion-là de... de... pour s'assurer, en effet, que... que le ministre s'assure que les promoteurs respectent la séquence, qu'il s'assure aussi que la compensation est... est fournie dans le cas...

Donc, évidemment, c'est... c'est... les balises sont intéressantes, puis, tu sais, on le souligne, là, quand même. Au niveau des espèces menacées ou vulnérables...

Le Président (M. St-Louis) : 30 secondes.

Mme Simard (Alice-Anne) : ... de venir mieux encadrer ce pouvoir là du ministre d'autoriser la destruction de ces habitats-là ou de les altérer, c'est une bonne nouvelle. Il faudrait le faire, ces mêmes genres de balises là, pour les espèces fauniques aussi, pas seulement floristiques. Et il faudrait s'assurer que... des fois, juste un petit changement de mots viendrait clarifier...

Mme Simard (Alice-Anne) : ... le tout, là.

Le Président (M. St-Louis) : Merci beaucoup. Alors, Mme Nadeau Fortin, Mme Simard et Mme Guyon, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous allons suspendre quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 10 h 27)

(Reprise à 10 h 29)

Le Président (M. St-Louis) : Donc, la commission reprend ses travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants du Regroupement des organismes de bassins versants du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter tour à tour puis à commencer l'exposé. Merci.

Mme Dauphin (Karine) : Bonjour. Karine Dauphin, donc, directrice générale du ROBVQ, Regroupement des organismes de bassins versants du Québec. Donc, M. le Président, M. le ministre, Mme l'adjointe à la protection de l'eau et la biodiversité, Mmes et MM. les députés et chers partenaires présents et à l'écoute, donc, bonjour. Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui pour cette présentation du mémoire du ROBVQ.

• (10 h 30) •

Depuis plus de 20 ans, le ROBVQ représente les 40 organismes de bassins versants, donc les OBV du Québec, qui accompagnent les usagers dans la mise en œuvre des plans directeurs de l'eau, donc les PDE. Les OBV sont des lieux de concertation qui sont incontournables pour la gestion de l'eau, qui réunissent près de 4 500 acteurs de l'eau à travers le Québec, dont environ 1 200 sont issus du milieu municipal. Ces tables de concertation permettent de structurer les échanges entre les différents intervenants concernés par la gestion des milieux hydriques, favorisant ainsi une approche intégrée et cohérente.

Nous sommes ici aujourd'hui parce que le projet de loi n° 81 apporte des modifications qui sont importantes à plusieurs lois touchant la gestion des autorisations environnementales, et que cela aura des répercussions directes sur les milieux hydriques et humides du Québec.

L'eau est une ressource essentielle à la vie, mais aussi un élément structurant du territoire, qui impose ses dynamiques propres, qui interagissent directement avec nos pratiques d'aménagement du...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme Dauphin (Karine) : ...nous accueillons donc favorablement les efforts du ministère pour améliorer l'efficacité des processus administratifs en environnement. Nous voulons également souligner que ces améliorations doivent être accompagnées de mécanismes solides de concertation et de suivi. Nos recommandations visent donc à assurer que ces modifications législatives renforcent la cohérence des actions en matière de gestion de l'eau, qui maximisent les bénéfices environnementaux et garantissent aussi une gouvernance efficace et concertée des milieux humides et hydriques.

À cet effet, je tiens à rappeler qu'à travers le processus d'évaluation environnementale, les PDE, donc, les plans directeurs de l'eau, tout comme les PRMHH, les plans régionaux des milieux humides et hydriques, sont des planifications incontournables dans les compréhensions des enjeux à l'échelle des bassins versants, comme mentionné dans la loi sur l'eau. Je cède maintenant la parole à mon collègue... Sébastien - excuse-moi - Sébastien Cottinet, qui vous exposera donc nos principales recommandations.

M. Cottinet (Sébastien) : Alors, bonjour, tout le monde. Sébastien Cottinet, je suis directeur des politiques pour le regroupement. Je suis aussi un élu municipal dans la belle municipalité de Stoneham-et-Tewkesbury. Donc, pour vous présenter un peu ou mettre de l'avant certaines des recommandations de notre mémoire qui nous apparaissent essentielles pour assurer une mise en œuvre cohérente, j'apporterais votre attention d'abord sur les recommandations R1 et R2, qui concernent l'importance d'une meilleure intégration des connaissances et des suivis environnementaux dans l'accélération des autorisations environnementales. Si l'objectif d'une modernisation des processus administratifs est pertinent, il ne peut se faire sans aucun... Il ne peut se faire sans qu'un renforcement... sans un renforcement - pardon - de la collecte et la mise à jour des données sur l'état des milieux humides et hydriques. Nous recommandons donc que toute accélération des autorisations environnementales s'accompagne de mécanismes de suivi robustes et d'un accès accru à des données actualisées. Il est essentiel que les décisions prises aujourd'hui reposent sur des bases scientifiques solides et des données à jour afin d'éviter des impacts négatifs à long terme.

Ensuite, la recommandation R3 met de l'avant la nécessité d'utiliser des références opérationnelles en matière de gestion des risques cohérente et intégrée, en s'appuyant sur les principes de l'ISO 31 000. Ces principes, qui sont connus à l'intérieur de l'administration publique, sont proposés par le Secrétariat du trésor à l'intérieur de son modèle de politique de gestion intégrée des risques, à l'intention des ministères, des organismes assujettis à la Loi sur l'administration publique. Cette norme internationale, proposée dans le modèle du secrétariat, met en avant l'importance d'une approche structurée et préventive qui repose sur des indicateurs de performance et des données de première main.

Afin d'assurer une gestion efficace des risques environnementaux et hydriques, mais aussi des risques d'impacts financiers, le ROBVQ recommande une utilisation officielle de cette référence en gestion intégrée des risques, qui garantirait une analyse systématique des vulnérabilités et une meilleure coordination entre les acteurs concernés, particulièrement entre le ministère et ses partenaires. Cette approche permettrait d'intégrer les connaissances scientifiques les plus récentes et d'assurer... et de s'assurer que les décisions soient prises en tenant compte des impacts à moyen et à long terme, réduisant ainsi incertitudes et conséquences négatives potentielles sur les bassins versants, mais aussi sur les finances publiques dans une optique de prévention des coûts. Ce sont des pratiques judicieuses à mettre en place quand les pressions budgétaires sur le ministère augmentent et que les solutions viennent directement du Trésor.

Une autre recommandation du ROBVQ est la création d'un registre des milieux humides et hydriques propice à la restauration, un élément qui fait écho à la banque de projets mentionnés par Canards illimités Canada lors de leur présence ici en commission. Cela permettrait de mieux structurer et de débloquer les investissements issus du programme de compensation. Actuellement, l'accumulation des fonds, sans projet concret, pose un problème d'efficacité dans la mise en œuvre des mesures compensatoires. Ce registre permettrait d'identifier, sur le terrain et en amont, les sites ayant un fort potentiel de restauration et d'assurer une meilleure planification des interventions, en l'occurrence un arrimage direct entre les propositions contenues... le registre et les propositions contenues dans une banque de projets. Ces outils offriraient des possibilités tangibles aux prometteurs et aux acteurs régionaux afin que les fonds disponibles puissent être investis rapidement et efficacement dans les projets ayant un potentiel d'impact réel sur la conservation et la résilience hydrique.

Nous souhaitons aussi souligner l'importance de la recommandation R4 concernant la participation des directions régionales au ministère... du ministère aux tables de concertation des organismes de bassins versants. Actuellement, les directions régionales ne participent pas à la concertation, ce qui nuit... ou, en tout cas...

M. Cottinet (Sébastien) : ...n'aide pas à la transmission des informations stratégiques et à la compréhension des réalités locales. En permettant aux directions régionales de jouer un rôle actif au sein des OBV et surtout de leur table de concertation, nous assurions une meilleure coordination entre les instances gouvernementales et les acteurs du terrain. Une telle concertation garantirait que les décisions du ministère soient adaptées aux enjeux territoriaux et fondées sur des connaissances aussi issues des acteurs territoriaux directement. Peut-être même un espace pour faciliter la conviabilité annoncée dans le projet de loi, pour plusieurs MRC ou municipalités qui participent aussi à ces tables de concertation.

En conclusion, le ROBVQ reconnaît que le projet de loi n° 81 offre des opportunités pour améliorer l'efficacité des processus environnementaux. Il est cependant impératif que ces modifications s'accompagnent de mécanismes robustes de concertation et de suivi. Nous réitérons notre engagement à collaborer avec le ministère et les autres acteurs du territoire pour assurer une gestion intégrée et durable de l'eau au Québec. Nous sommes convaincus que la modernisation des processus environnementaux peut se faire sans compromis sur la rigueur scientifique et la préservation des milieux hydriques. Nous appelons donc à des mesures complémentaires qui garantiront que l'accélération des décisions soit accompagnée d'une intelligence collective optimisée et d'une prise en compte adéquate des réalités locales. Nous vous remercions pour cette introduction et nous sommes ouverts à répondre à vos questions.

Le Président (M. St-Louis) : Alors, merci à vous deux pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Charette : Merci, M. le Président. Vous deux, merci d'être avec nous ce matin. Vous constaterez que les temps d'échange sont limités, malheureusement. Et déjà vous indiquer que la partie gouvernementale va partager son temps, étant donné que j'ai quelques collègues, là, qui ont manifesté un intérêt d'échanger avec vous. Naturellement, le ROBVQ est un partenaire important sur toutes les questions liées à l'eau. Donc, c'est d'autant plus intéressant, là, de vous entendre ce matin. Et sans vous mettre en opposition avec les autres groupes, vous avez sans doute entendu, là, un petit peu plus tôt, un groupe qui disait qu'on devrait interdire toute atteinte à des milieux sensibles. C'est le souhait, de limiter les atteintes, c'est bien certain, mais en même temps, ce que je voulais faire valoir avec l'échange un petit peu plus tôt, c'est de dire, dans certains cas, les alternatives sont inexistantes, malheureusement. Si on doit construire une école dans un milieu qui est déjà développé, qui laisse place à très peu d'alternatives, on ne veut pas que cette école-là soit trop excentrée, donc loin des jeunes, des élèves, là, qui vont en bénéficier. Encore là, le rôle du ministère, dans des circonstances semblables, c'est d'accompagner le promoteur et de dire : Bien, voici. Sur un terrain x, il y a des lieux encore plus sensibles qu'il faudrait tenter, dans la mesure du possible, de préserver. Donc, vous n'êtes pas dans une position de dire on doit tout interdire. On doit encadrer, certainement, mais dans certaines circonstances, malheureusement, les alternatives sont inexistantes. Est-ce que je décode bien votre propos?

M. Cottinet (Sébastien) : Oui, exactement. En fait, je peux le rappeler devant vous. Vous faites partie de la classe des décideurs au Québec. Le développement durable contient trois grands piliers. Puis l'art du développement durable, c'est d'abord l'art du compromis. Hein, en environnement, l'absolutisme est toujours dangereux parce qu'on va créer un effet de balance. Soit on... Et puis la protection est importante. La science va nous dire des choses, mais quand on arrive dans la réalité du développement, où est-ce qu'on essaie de concilier l'aménagement du territoire, je dirais même la nature aussi de l'assiette fiscale des municipalités qui ont... qui ont comme revenus la possibilité ou à peu près la seule possibilité de s'étendre sur leur territoire, il faut concilier après ça la protection de l'environnement. Il y a une cohabitation avec nos écosystèmes qui nous demande d'être très agile sur le compromis.

• (10 h 40) •

Après la rigueur dans les compromis, puis c'est ce qu'on souligne dans notre mémoire, est basée, oui, sur une forme d'encadrement réglementaire, mais ça, ce n'est qu'un côté de la balance. On doit aussi avoir des processus itératifs de concertation, de discussion. C'est exactement le procédé que vous utilisez en commission parlementaire. Il y a certains aspects quantitatifs, hein, le minutage qui vous est offert selon votre résultat de scrutin, mais en même temps on s'attend à ce que vous travailliez à l'intérieur de ça avec un peu de qualité pour trouver les bonnes questions qui vont vous amener des éclairages qui vont nous permettre de vous expliquer correctement. Ça fait qu'à la lumière de ce que je vous explique, en environnement, on veut travailler, puis c'est pour ça qu'on a souligné quelques principes du développement durable. On veut que le gouvernement devienne meilleur pour faire les meilleurs compromis possibles pour notre cohabitation avec les écosystèmes.

Mme Dauphin (Karine) : Et sur le terrain, moi, si je peux me permettre, les organismes de bassins versants sont là aussi pour discuter, pour concerter puis pour...

Mme Dauphin (Karine) : ...intégrer toutes les composantes dans, justement, une prise de décision, à savoir où, à quel endroit et de quelle façon on développe une partie du territoire. Et l'avantage aussi, c'est que les décisions sont basées sur des données qui nous permettent de prendre cette décision-là. Donc, que ce soit de la science ou du social, mais des données qui soient pertinentes pour qu'on puisse prendre les bonnes décisions.

M. Charette : Par rapport aux mesures de compensation financière qui sont déjà prévues, depuis un certain temps, il se dit ouvertement du côté du gouvernement, il y a un problème en ce sens que, oui, il y a des argents qui rentrent. On est rendus à des montants assez substantiels, mais il y a une problématique au niveau du décaissement. Et ce n'est pas le but du gouvernement de faire de l'argent, au contraire, on veut utiliser cet argent-là pour des fins de rétablissement ou de restauration. On introduit une formule du 15 % qui nous permettrait, là, d'aller financer un projet à l'extérieur de la région où le prélèvement s'est fait. C'est généralement bien accueilli, certains groupes, par contre, y voient une menace. Le milieu municipal ou régional souhaiterait que cet argent-là reste dans leurs frontières. Peut-être un mot sur ce fameux 15%...

M. Cottinet (Sébastien) : Ah! plusieurs mots, plusieurs mots, M. le ministre. En fait, oui, la nature des compensations ou le fait présentement qu'il y a une accumulation, notre lecture à nous est plutôt systémique. Ce n'est pas tant un problème qu'un symptôme en fait, peut-être d'un manque de souplesse ou de capacité d'adaptation des programmes du ministère. Et c'est ce qu'on souligne, de devenir plus agile pour réagir au fur et à mesure qu'on constate, par exemple, que les décaissements sont plus difficiles. Ces mécanismes là, peut-être, plus proactifs, auraient été mis en place, on serait déjà en train de corriger. Là, dans les cycles longs, puis le gouvernement vit avec ça. Dans le monde politique, vous avez ces cycles-là assez courts de reddition de comptes, mais qui sont, en contrepartie, des écosystèmes qu'on a, qui sont sur des plus grandes périodes. Ça fait que l'agilité de ce programme-là, puis, on le voit, le gouvernement s'est mis à se poser des questions et s'est tourné vers ses partenaires pour réfléchir comment changer cette dynamique-là. Vous le faites en commission aussi. Ça vient appuyer notre point qu'en fait le processus de la réflexion qualitative sur ces problèmes-là, ces processus-là, on doit devenir encore plus agile, parce qu'on va pouvoir les régler, mais on va éviter que d'autres types de problèmes ou de symptômes comme ça, qui sont le propre des grandes organisations, viennent nous empêcher d'être résilients, parce qu'on parle aussi de résilience. On veut être proactif, donc, il faut avoir des systèmes agiles.

M. Charette : Merci. Pour ne pas accaparer tout accaparer le temps de parole, je vais laisser la parole à mes collègues. Mais, de nouveau, merci pour votre présence ce matin. 

Le Président (M. St-Louis) : Donc, je cède la parole à la députée d'Argenteuil. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. Combien de temps, nous avons?

Le Président (M. St-Louis) : Tout près de 10 minutes.

Mme Grondin : Ah! je vais pouvoir partager à mes collègues, parce que l'intérêt est grand, de vous poser des questions. Merci, Mme Dauphin, M. Cottinet. Merci. C'est toujours avec grande curiosité que j'ai hâte d'entendre vos recommandations, parce que je trouve qu'elles sortent souvent des sentiers battus, et c'est le cas encore une fois. Vous nous parlez d'intégration des connaissances, de concertation, de gestion des risques., ce qu'on n'a pas encore entendu à date, auprès de d'autres collègues... de d'autres organismes, en fait? Peut-être... Évidemment, je vais, avant de tomber sur ces questions-là, je vais quand même... Je pense que c'est important, on va parler de milieux humides et hydriques, on va revenir sur la question de l'évitement. Auprès des autres organismes, je leur ai posé la question pour mieux comprendre ce qui les préoccupait sur cette question-là, parce qu'en fait le projet de loi ajoute l'obligation, auprès des promoteurs et de leurs consultants qui les accompagnent, de démontrer l'évitement. On rajoute aussi l'obligation d'aller évaluer comment sont alimentés ces milieux humides ou hydriques, là, et on y intègre aussi la notion, dans la loi, de corridor écologique. Donc, moi, je trouve que ce sont de grandes avancées très intéressantes qui répondent à la science aujourd'hui.

Là, on parle de corridors écologiques, c'est fondamental au Québec, surtout dans le sud du Québec...

Mme Grondin : ...ce que j'ai compris de la part de certains organismes en environnement, c'est le mot «au maximum», donc éviter au maximum. C'est ça qui a l'air d'accrocher. Moi, je veux juste rappeler que si, dans le cadre légal actuel, on ne met pas ce mot-là et on évite, donc, on vient de fermer la demande d'autorisation. N'oublions pas que, dans le cadre actuel légal, on fait une demande d'autorisation quand on intervient dans les milieux humides. Et là, si on met «éviter», bien, tout s'arrête. Donc, c'est pour ça qu'il y a un terme «éviter au maximum». Ça fait que je ne sais pas si ça vous rassure davantage. Puis probablement qu'en étude détaillée le ministre va pouvoir mieux l'expliquer, et on verra à ce moment-là, mais ça, je tenais à le rappeler. Je trouve que c'est très important. C'est une question plus juridique que...

Bon, moi, j'ai envie de vous entendre sur... Vous avez amené la recommandation 1 et 2, qui est meilleure intégration des connaissances puis ISO-31 000. C'est bien, ça, toute la notion de gestion intégrée des risques? Concrètement, là, il y a un promoteur, chez moi dans Argenteuil, qui souhaite faire... Bon, parlons d'un développement résidentiel, parlons de n'importe quoi, là. Et là il se fait accompagner, il dépose une demande d'autorisation parce que, clairement, il y a... il y a une problématique. Il risque d'avoir des interventions dans des milieux humides ou un complexe de milieux humides. Ça veut dire quoi, les deux recommandations, concrètement, là, meilleure intégration des connaissances? Ça fait que, là, le dossier, il est entre les mains d'un analyste. Qu'est-ce qu'il faut faire?

M. Cottinet (Sébastien) : Bien, éventuellement, a priori, l'analyste va devoir utiliser ou faire un diagnostic qui va se baser sur des données. Les milieux humides sont des données complexes, puis souvent, dans la problématique, parce que c'est beaucoup d'argent aussi, aller sur le terrain, faire des suivis, faire de l'acquisition de connaissances, il y a un terme qu'on va souligner beaucoup, puis quand on parle de contrepartie avec la réglementation, une réglementation qui flotte sans l'opérationnalisation des procédés qui vont avec, bien, on a une belle recommandation, mais qui est très difficilement opérationnalisable. Ça fait que l'acquisition de connaissances, c'est super important parce que l'analyse est importante. On ne se posera pas la question en santé, est-ce qu'on coupe les prises de sang pour quel... On ne se posera pas cette question-là. Les prélèvements, les analyses, il faut les partager entre ce que le promoteur a à faire en caractérisation, il assume l'évaluation ou il présente la nature de son projet. Mais le gouvernement doit être aussi capable d'impartialité et de travailler le meilleur compromis possible, comme je le disais, en s'appuyant sur ses propres données en contrepartie. Puis, plus on s'éloigne dans les régions du Québec, moins on a accès à de l'expertise, plus c'est difficile d'avoir accès à une contrepartie de connaissance fine du milieu, basée sur des suivis réguliers, puis des acquisitions de connaissances pour couvrir cette complexité-là.

• (10 h 50) •

Ça fait que ce qu'on veut par... C'est parce qu'on aurait pu aller dans des articles très précis puis jouer dans la réglementation, là, mais on vous amène l'aspect complémentaire de la réglementation, puis on veut que les analystes soient les meilleurs possibles pour pouvoir, après ça, produire des décisions basées, parce que c'est des décisions compromissionelles basées sur des données solides. Et ça, si c'est juste le quantitatif, c'est une chose, mais quand l'analyste a entendu parler des problématiques de la région par des élus ou des organismes qui sont sur la table de concertation... On ne va pas nécessairement participer en disant : Nous, on veut représenter gouvernement. On dit : Non, j'ai juste entendu parler. Bien, la sensibilité et la connaissance des parties sociales et économiques de l'analyse qui est faite, et pas strictement de la partie environnementale, va prendre toute une richesse. Et là on va arriver à une décision basée... ou une décision qui oriente vers le meilleur compromis possible.

Mais c'est quelque chose qui est complexe, et ça appelle à l'intelligence collective. On a une réaction très facile d'aller ad hominem quand on... qu'on dit en latin, de trouver un coupable ou d'essayer de pointer sur le maillon faible dans une chaîne. Mais si la chaîne au complet se met à travailler sur le maillon faible, bien, c'est tout le monde qui en profite. Puis c'est un peu l'angle qu'on aborde, là, dans notre mémoire. Nous, on souhaite que le gouvernement...

M. Cottinet (Sébastien) : ...pas meilleur, mais on met à disposition notre expertise par rapport à la connaissance des milieux hydriques, mais par rapport aussi à la mécanique de gestion intégrée. Et on souhaite que vous abusiez de ça pour qu'on complète le travail des analyses puis qu'on donne une dimension encore plus empirique même à ça, parce qu'on veut intégrer les Premières Nations dans les processus, on va aller chercher des gens qui vivent le territoire. Puis ils vont nous en parler d'une certaine façon, qui n'est pas parfaite, mais qui leur appartient. Et ça, ça doit faire partie de la compréhension des analyses du gouvernement.

Mme Grondin : Pour ce qui est de la gestion des risques...

M. Cottinet (Sébastien) : Oui

Mme Grondin : ...concrètetement, là, O.K.?

M. Cottinet (Sébastien) : ISO 31000, O.K.

Mme Grondin : Ça veut dire quoi, là? Ça mange quoi en hiver, une ISO 31000? Et concrètement, pour un analyste ou une analyste en direction régionale qui est... qui est devant une demande d'autorisation de remblayer un milieu humide sur un terrain, prenons, par exemple, à Harrington, chez moi, là, je ne sais pas si vous savez où est-ce que c'est, mais c'est un peu perdu.

M. Cottinet (Sébastien) : À peu près, là. Mais je pourrais vous parler du Kamouraska de façon très profonde, mais, en fait, l'analyste, il va savoir qui appeler rapidement. Aïe! c'est vrai, l'autre jour, j'ai entendu... Il était question de ça dans telle municipalité. Il va savoir à qui parler. Pourquoi? Parce qu'il vit le territoire avec les acteurs et... Et là j'ai mon petit côté élu municipal qui sort, mais cette proximité-là permet d'être plus agile, d'être plus efficace, de ne pas s'étirer en temps. Puis éventuellement... Éventuellement, que l'analyste soit accompagné dans ses équipes par des gens qui connaissent le terrain, ça ne peut qu'être bénéfique pour une analyse plus riche.

Mme Grondin : Là, je suis vraiment désolée, là, il reste à peu près une minute, puis je sais que j'avais deux collègues qui souhaitaient intervenir. Je ne sais pas si c'est...

Une voix : ...

Mme Grondin : Oui? Donc, je... Désolée d'avoir pris tout ce temps.

Le Président (M. St-Louis) : Mme la députée, je vous cède la parole. Rapidement.

Mme Tardif : Merci. Alors, vite, vite! Merci d'être là. Merci pour votre travail. Vous parlez d'une meilleure harmonisation. C'est une très bonne suggestion d'ailleurs, là. Ce pour quoi je veux vous entendre, vous parlez d'une meilleure harmonisation des plans directeurs de l'eau avec les plans des MRC. Mais on veut aussi diminuer l'administratif. Qu'est-ce que vous nous proposez de faire?

M. Cottinet (Sébastien) : Bien, présentement, il y a des directives, des... des orientations gouvernementales en matière d'aménagement du territoire qui sont pilotées par la ministre des Affaires... le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation, qui demande de s'assurer... Parce que, dans la LAI, il y a eu cette modification-là, d'ajouter le lien entre les PDE et les PRMHH qui sont l'appropriation par la MRC, je dirais, de sa compréhension des écosystèmes hydriques, milieux humides. Ça, c'est... Puis ça, c'est... Il faut le faire. Donc, il y a une façon, je dirais, quantitative de le faire. On prend les informations puis on essaie de les arrimer, mais il y a tout un processus à mettre en place, puis un dialogue à entretenir entre les organismes de bassins versants, mais les MRC et les municipalités sont déjà sur les tables de concertation, puis ce travail-là existait déjà. Là, on l'officialise, en fait.

Mme Tardif : Merci.

Le Président (M. St-Louis) : Malheureusement, c'est tout le temps qu'on avait. Donc, je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, la parole est à vous.

Mme McGraw : Merci beaucoup, M. le Président. Et merci beaucoup pour votre présentation et votre présence avec nous ce matin. Je crois que j'ai eu la chance de rencontrer le regroupement lors de la... du projet de loi sur le Fonds bleu. Donc, merci pour tout votre travail, votre excellent travail. Plusieurs questions. Donc, j'aimerais revenir à la question des pertes de fonctions écologiques, parce que je crois que vous êtes le seul groupe à date qui a parlé justement dans l'analyse détaillée de mettre... mettre l'accent sur cette évaluation des pertes de fonctions écologiques plutôt que la seule mesure des superficies touchées. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

M. Cottinet (Sébastien) : Bien, en fait, c'est l'idée d'adresser une évaluation... On veut donner une valeur économique, là. Le système d'aucune perte nette ou l'idée de ne faire aucune perte nette est basée d'abord sur des superficies, mais on sait très bien que la complexité... Puis il y a une modération, là, selon l'aspect... la situation puis certaines fonctions, là, du milieu humide. Mais, en fait, cette valeur-là, si... puis là je vais caricaturer, mais si on détruit assez de milieux humides qui effectuaient un service de filtration puis qu'il faut en l'occurrence transférer ça vers une usine de filtration, bien, qu'est-ce qu'on a perdu au change là-dedans? Ou si on installe des systèmes où on remet, on reméandre, par exemple, un cours d'eau parce qu'on veut atténuer l'effet des inondations, mais les milieux humides qui étaient là avant, qui ont... qui ont été...

M. Cottinet (Sébastien) : ...discartés dans certains types d'aménagement faisaient cette fonction-là, bien là, le coût des infrastructures qu'on met en place en échange des milieux humides qu'on déplace, bien, à un moment donné, c'est... c'est à somme nulle, sauf qu'on a perdu tout ce temps-là puis qu'on aurait pu les conserver au départ, ou à tout le moins comprendre et compenser à l'intérieur du système hydrique du bassin versant la même fonction. Ça fait que c'est pour ça qu'en 2021, dans notre mémoire sur les compensations, on amenait l'idée ou en soulignait le fait qu'on n'était pas assez agiles collectivement sur ces connaissances-là à produire une analyse qui permet de compter pas juste la valeur en superficie avec des modulations, mais toutes les fonctions qui sont touchées. C'est complexe, ce n'est pas évident, et on doit devenir meilleurs dans cette évaluation-là.

Mme McGraw : Bien, justement, pour revenir, vous avez parlé d'agilité, justement. Vous avez parlé de devenir plus agile, proactif. Bien, pour être plus proactif et résilient, donc, il faut être plus agile. Et là, dans ce contexte-là, il me semble que vous êtes... selon la recommandation numéro six de votre mémoire, vous êtes en opposition au transfert du 15 % des fonds de compensation des milieux humides et hydriques. Évidemment, c'est une mesure qui se retrouve dans ce projet de loi. Donc, est-ce que vous pouvez nous parler des barèmes qui peuvent être ajoutés pour être certain que ce fonds... ces fonds soient optimisés pour les milieux?

M. Cottinet (Sébastien) : En fait, on revient sur la base du principe d'aucune perte nette. Pour nous, c'est évident, notre biais, là, aucune perte nette, c'est à l'intérieur d'un même bassin versant. Si on enlève les fonctions d'un bassin versant ou d'un sous-bassin versant pour les transférer ailleurs, oui, au Québec, il n'y a pas de perte, mais, en fait, pour une collectivité qui vit à l'intérieur d'un bassin versant, cette perte-là peut être importante en termes de recharge de nappe phréatique, d'accumulation d'eau, de, bon, toutes les fonctions qu'on nomme dans le mémoire.

Mme Dauphin (Karine) : Puis on peut parler... On en parlait tout à l'heure, de la continuité écologique, là, ça permet effectivement aussi d'éviter cette continuité écologique, là. Le fait... Le fait de garder... de restaurer un milieu humide dans un même bassin versant, ça permet de garder la continuité écologique aussi.

M. Cottinet (Sébastien) : Après, on souligne quand même dans le mémoire qu'à la base, de déplacer ça... puis on... ça a été souligné, les PRMHH n'ont pas été tous approuvés encore, ce processus-là doit terminer, mais c'est important aussi de considérer un espace pour des décrets ou des exceptions, parce que, dans un contexte où est-ce qu'il y aurait des vulnérabilités exacerbées par des changements climatiques, que là on transfère les sommes pour palier à ces vulnérabilités-là, là il y a un justificatif, mais de le faire systématiquement et d'aller vers la facilité, il faut éviter de, je dirais, gratifier le fait qu'on devient bon pour éviter l'évitement, ou en tout cas qu'on travaille à déplacer le problème pour aller dans ce qu'il y a de plus facile. Le challenge environnemental est difficile, mais, si on l'adresse ensemble, on peut aller plus loin. Si on le travaille en silo fermé, c'est beaucoup plus difficile.

Mme Dauphin (Karine) : Puis c'est l'importance de connaître, finalement, les services écologiques du milieu qu'on veut détruire pour au maximum le retrouver dans le bassin versant. Si on enlève une fonction de retenir l'eau en cas d'inondation, bien, il faut trouver... Si... Donc, si on détruit ce milieu-ci, il faut retrouver, autre part dans le bassin versant, le fait qu'on puisse récupérer cette eau-ci qui est en surplus puis qu'on puisse la stocker dans le cas d'inondation aussi.

Mme McGraw : D'ailleurs, Mme Dauphin, vous parlez... on revient aux fonctions écologiques. Pour les... la population québécoise, pour les gens peut-être qui nous écoutent à la maison, est-ce que vous pouvez nous parler, pour les non-experts, de ces fonctions écologiques et la valeur, l'importance? C'est... Quelles sont ces fonctions écologiques, entre autres?

• (11 heures) •

Mme Dauphin (Karine) : Fonctions écologiques, c'est des fonctions naturelles gratuites qui est offert par ces milieux-là, donc ça va... comme la régulation des crues, j'en parlais tout à l'heure. Tu sais, les milieux humides, il faut les voir comme des éponges. Et, du coup, à chaque inondation ou à chaque grosse pluie, ces milieux-ci sont capables de stocker l'eau qui est en trop, finalement, et de pouvoir restituer cette eau-là quand il y a moins de... en période de sécheresse, par exemple. Donc, c'est vraiment régulation des crues. Ça filtre les polluants, Sébastien en a parlé tout à l'heure. Le fait que de l'eau de ruissellement aille se concentrer dans un milieu humide, ça permet de, justement, filtrer, filtrer ces éléments-là. La biodiversité, tout ce qui est habitats, c'est incroyable, toute la faune et la flore qu'on retrouve dans ces milieux-ci, du fait que ce soient des milieux humides. Donc, ça veut dire qu'ils sont des fois secs, peut-être, ça peut être... ça peut être humide, entre les deux, ou ça peut être fortement avec un excès d'eau, donc qui fait que ça crée des diversités d'habitats, puis on a effectivement une faune, une flore qui est beaucoup plus diversifiée. Dans certains cas aussi, on peut avoir une séquestration du carbone, très...


 
 

11 h (version non révisée)

Mme Dauphin (Karine) : ...ce ne sont pas tous les milieux humides, mais certains ont cette capacité-là. Donc, quand on parle de services écologiques, c'est ces services... c'est des services que les milieux humides nous offrent gratuitement. Puis quand on parlait d'infrastructures, bien, c'est des infrastructures naturelles finalement.

Mme McGraw : Exact. Puis avec les changements climatiques, ça devient de plus en plus important.

Mme Dauphin (Karine) : Exactement.

Mme McGraw : Et des solutions basées sur la nature...

Mme Dauphin (Karine) : Sur la nature.

Mme McGraw : ...pour contrer les changements climatiques, c'est... c'est vraiment essentiel. Merci. Ona peut-être le temps pour une couple d'autres questions. Donc, pour revenir à votre recommandation numéro 5 sur un registre des milieux humides et hydriques, pouvez-vous nous parler davantage de l'expertise qui est requise pour construire et maintenir un tel registre? Est-ce qu'il y a une expertise existante qui pourrait se charger de fournir ce registre?

M. Cottinet (Sébastien) : Bien, en fait, je parlais d'agilité, puis de capacité collective, puis ça a été cité par les Canards illimités. En fait, il faut aller sur le terrain valider. Parce qu'on peut entendre que certains endroits peuvent être propices, mais il faut aller sur le terrain pour valider. C'est sûr que les organismes de bassins versants qui sillonnent leurs bassins versants, qui font des prélèvements, qui font des suivis, sont aptes à faire ça et collaboreraient parce qu'on sait bien, ce n'est pas une discussion qui date, là, de cette semaine, là, mais on pourrait collaborer facilement avec Canards illimités pour générer, justement, les validations terrain. Il faut aller caractériser. Est-ce que le potentiel existe pour vrai? Et c'est ça dans la proposition de Canards illimités, de la banque de projets, c'est cette partie-là aussi qu'il faut aller vérifier. Ça fait que, oui, l'expertise, la nature technique pour réaliser la capacité ou la restauration, mais la validation terrain, c'est un des problèmes qu'il y a pour décaisser l'argent présentement. Il faut faire la caractérisation ou déployer des efforts avant pour vérifier s'il y a un potentiel de restauration. Puis tous ces efforts-là, si finalement on trouve que c'est plus ou moins le cas, bien, il faut l'assumer à sa charge. Alors, collectivement, il y a peut-être un effort de repérage à faire pour nourrir cette banque-là, additionné avec de l'expertise comme celle de Canards illimités, je le répète encore, puis que... Allier le terrain à l'expertise, là-dessus, on aurait quelque chose d'intéressant, ou en tout cas, on pourrait débloquer beaucoup de projets en ce sens-là.

Mme Dauphin (Karine) : La science est très importante aussi, hein? On parlait beaucoup d'évaluation des services écologiques, mais il faut l'évaluer. C'est quoi ces... C'est quoi ces services qu'il nous rend pour pouvoir le caractériser aussi? Donc, il faut aller avec la science dans ce cas-ci.

Mme McGraw : Il ne me reste plus de temps.

Le Président (M. St-Louis) : 30 secondes.

Mme McGraw : 30 secondes? Est-ce que vous avez des choses à ajouter avant qu'on conclue? J'avais une autre question, mais allez-y.

M. Cottinet (Sébastien) : Bien, oui. Oui. En fait, l'essentiel de notre remarque, si on pouvait le résumer, c'est que c'est bien d'avoir des mécaniques basées sur la réactivité, c'est le principe d'encadrement réglementaire, nais il faut devenir proactif. Et il existe des références dans le domaine en termes de gestion intégrée, celle qu'on a nommée là, un processus qui s'appelle l'approche agile aussi, dans les entreprises privées, qui est utilisée beaucoup. La gestion intégrée est un processus de participation qui met de l'avant l'intelligence collective.

Le Président (M. St-Louis) : Merci. Je cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition. M. le député, la parole est à vous.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Je vous écoute et j'écoute tous les groupes qui passent depuis la semaine dernière. Et force est de constater qu'on dirait que... Je me pose la question si on n'a pas fait, je dirais le mot une erreur, ou si on n'a pas ouvert une boîte de Pandore avec tout le système de compensation. Est-ce que ça fonctionne? Je ne parle pas nécessaire de juste celui qui est dans le projet de loi, mais de d'autres types de compensation au sens plus large.

M. Cottinet (Sébastien) : Je vais répondre, mais avec, en partie, par une boutade pour commencer. À quelle échelle de temps? Une échelle de temps politique de deux ou trois ans ou une échelle écosystémique de 15, 20, 30 ans? De l'argent qui s'accumule, c'est un capital utilisable. Après, oui, je l'ai dit tantôt, c'est plutôt un symptôme pour nous que la capacité réactive du ministère a peut-être été surestimée, mais qu'en partenariat on serait capable de devenir plus agile et éventuellement de sortir l'argent. Ce qui serait dommage parce que cet argent-là, c'est une contrepartie pour combler les pertes et éviter, hein, être au net avec les pertes. De rebrasser tout ça ou que ça retourne éventuellement au fonds consolidé parce que ce n'est pas de l'argent utilisé, ça serait très dommage. Et ce n'est pas l'intention. Le ministère ne va pas aller dans cette direction-là. Mais la pression pour décaisser l'argent, elle ne vient pas des écosystèmes, elle vient de notre système d'évaluation de l'utilisation de l'argent public. Puis est-ce qu'on est efficace à sortir tout cet argent-là rapidement? Après, est-ce que les écosystèmes ont leur mot à dire? Bien, c'est ça. On va les faire parler à travers la science puis tout ça, mais ils sont patients, les écosystèmes. C'est nous qui dépendons d'eux, et pas le contraire.

M. Leduc : Mais si on avait choisi d'être plus sévère sur les normes à l'époque plutôt que d'aller vers un système de compensation...

M. Leduc : ...est-ce qu'on serait dans un meilleur état aujourd'hui?

M. Cottinet (Sébastien) : Non, parce qu'en fait il y a une précaractérisation à faire. Le potentiel de restauration doit être évalué pour qu'on mette tout le monde dans le même panier, sinon il faut attendre que des promoteurs fassent des projets, détruisent en partie un milieu humide, qu'on ajoute l'obligation de repérer sur le... Mais même le repérage qu'on déléguerait au promoteur... Il s'en va où si ce n'est pas son expertise? Est-ce qu'on met des gestionnaires de centre de services, j'allais dire commission scolaire, à l'affût des milieux... pour reprendre l'exemple du ministre tantôt sur une école qui détruirait les milieux humides, est-ce que c'est à eux à parcourir le territoire puis à nous proposer une compensation? Non, il faut que cette base-là existe, il faut que ces référents-là soient là. C'est pour ça que l'acquisition de connaissances devient hyperimportante dans ce cas-ci. Et on l'a même dit dans notre document, pour nous, c'est une dépense incompressible qui devrait être un service essentiel pour nourrir les décisions du gouvernement.

M. Leduc : Je m'en allais justement là, votre recommandation deux, dépense incompressible. Vous dites «service essentiel». C'est un référant au droit du travail?

M. Cottinet (Sébastien) : Non, service essentiel comme le fait...

Le Président (M. St-Louis) : En 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Cottinet (Sébastien) : ...qu'on veut guérir les gens. Je mets mon petit chapeau d'élu municipal. S'occuper des services aux citoyens, à un moment donné, c'est incompressible. Si le gouvernement veut prendre des décisions sur l'environnement... doit connaître de façon précise la situation et doit en faire les suivis de façon intense, je dirais, surtout quand on veut accélérer les processus d'intervention.

M. Leduc : Merci beaucoup.

Le Président (M. St-Louis) : Merci. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : M. le Président, merci. Merci, Mme Dauphin, M. Cottinet. Je vous inviterais à garder votre petit chapeau d'élu municipal pour répondre à la question suivante. On nous a dit beaucoup, lors des consultations particulières, que les municipalités n'avaient pas l'expertise pour réglementer sur les questions environnementales de façon pointue autant que le ministère puis que ça allait donner place à des régimes réglementaires fragmentés, différents, tu sais, une espèce de chaos, capharnaüm. Qu'est-ce que vous avez à répondre à ça?

M. Cottinet (Sébastien) : Bien, en fait, les organismes de bassins versants sur le terrain sont des alliés précieux pour les municipalités qui sont rurales. Qu'on soit sur les Îles-de-la-Madeleine, dans le Kamouraska ou dans les régions plus profondes de la MRC d'Argenteuil, les municipalités doivent tout faire, puis c'est la même chose dans le monde des agriculteurs. On leur demande de tout faire avec des capacités de temps réduites puis des connaissances réduites, parce qu'il faut être expert dans tout maintenant dans une petite municipalité, puis je mets les agriculteurs-là puis d'autres intervenants qui ont beaucoup à couvrir avec peu.

M. Arseneau : Mais les agriculteurs, justement, nous ont dit : Là, si chaque municipalité édicte ses propres lois, par exemple sur les pesticides, puis ils n'y connaissent rien, puis la science, bien, elle est la même dans toutes les municipalités, on ne s'en sortira jamais. Vous, vous pensez quand même qu'on peut y aller avec des régimes...

M. Cottinet (Sébastien) : La science ne change pas d'une région à l'autre. Si l'accompagnement puis le travail collectif se fait bien autour de ça, les municipalités sauront qui consulter pour avoir des règlements efficaces. Après, si on réinvente la science à travers ces règlements, oui, il y a un danger, mais je suis quand même assez confiant là-dessus.

M. Arseneau : Merci. Merci.

Mme Dauphin (Karine) : ...

M. Arseneau : Oui?

Mme Dauphin (Karine) : ...les tables de concertation sont des... sont des entités autour desquelles il y a tous les représentants des différents types d'usages. Et donc c'est cette force-là, c'est... tu parles toujours de collectif, là, mais c'est ça, c'est d'avoir plein d'expertises autour d'une table qui puissent échanger entre eux et...

M. Arseneau : Sur le plan plus régional, d'accord.

Mme Dauphin (Karine) : ...pour prendre les bonnes décisions, et c'est...

M. Arseneau : J'ai deux autres questions à poser.

Mme Dauphin (Karine) : Pardon.

• (11 h 10) •

M. Arseneau : On a beaucoup parlé, là, de la question de l'évitement versus le fait de minimiser ou de compenser. Est-ce que vous n'avez pas l'impression un peu qu'actuellement, là, c'est : Détruisez maintenant, payez plus tard, ou compensez plus tard, ou réparez plus tard, puis que ce régime-là, il est intenable? Oui, on accumule de l'argent, mais on ne répare pas le... justement. Donc, les services environnementaux dont vous parliez, là, on ne les répare pas.

Moi, j'entends le ministre, depuis le début des audiences, nous dire qu'il y a beaucoup de cas où il n'y a pas d'alternative existante, mais j'ai... tu sais, s'il y a 1 500... au-dessus de 1 500 demandes qui ont été acceptées, moi, je n'ai pas vu 1 500 écoles, là, se construire dans les milieux humides au cours des 10 dernières années, là. En d'autres mots, est-ce qu'on...

Le Président (M. St-Louis) : En 30 secondes.

M. Arseneau : ...est-ce que ce qu'on n'exagère pas un peu, là, dans, justement, l'octroi de cette permission de détruire?

M. Cottinet (Sébastien) : En fait... En fait, puis je vais... je vais vous citer en introduction de la commission, vous vouliez faire mieux, puis, dans le cas d'un projet d'un particulier, on oppose le droit individuel ou le droit d'une corporation à celui du droit collectif de profiter des services écologiques, et ce «gap» là entre la... C'est comme quelqu'un qui ne veut pas se faire vacciner, ça ne change rien sur la couverture complète. La personne peut revendiquer son droit de ne pas vouloir ça, mais, à un moment donné, il faut que ça se rejoigne et qu'on crée cet espace-là où on va chercher le meilleur compromis possible. C'est ça je parlais tantôt. Il faut éviter les absolus, et là on va être capable...

M. Cottinet (Sébastien) : ...collectivement d'appuyer quelqu'un qui va détruire un milieu humide, mais on va l'aider à comprendre...

Le Président (M. St-Louis) : Malheureusement, ceci conclut ce bloc d'échange. Je suis désolé. Mme Dauphin, M. Cottinet, merci infiniment pour votre contribution aux travaux de cette commission. Je vais suspendre les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 11 h 12)

(Reprise à 11 h 16)

Le Président (M. St-Louis) : Alors la commission reprend maintenant ses travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de Mobilité électrique Canada. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter tour à tour puis à commencer votre exposé.

M. Breton (Daniel) : Bonjour, merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, les députés, personnel politique. Mon nom est Daniel Breton. Je suis P.D.G. de Mobilité électrique Canada, un ancien locataire, ici. MEC est une association industrielle nationale qui compte environ 190 organisations membres qui incluent des fabricants de voitures, de camions, d'autobus, d'autobus scolaires, de véhicules hors route, des fournisseurs d'électricité comme Hydro-Québec mais des fournisseurs d'électricité à travers le Canada, mais aussi des fournisseurs d'infrastructures de recharge, des entreprises technologiques, des compagnies minières, des centres de recherche, des villes, des universités, des syndicats. Bref, on présente le portrait ou l'espèce de parapluie national canadien de l'électrification des transports, on va des PME jusqu'aux multinationales.

Je vais passer la parole à Louise qui va se présenter.

Mme Lévesque (Louise) : Oui. Bonjour. Louise Lévesque. Je suis directrice des politiques à Mobilité électrique Canada.

Alors je vais commencer par un résumé de nos principales recommandations : adopter une norme zéro émission pour les camions et autobus exigeant la vente de... 100 % de vente de véhicules zéro émission en 2040 au plus tard, ne pas exclure les autobus et minibus de la loi zéro émission, adopter des programmes de financement pour l'infrastructure de recharge pour véhicules moyens et lourds, accélérer l'intégration des camions électriques dans les flottes commerciales, accélérer la formation des techniciens d'entretien spécialisés dans les véhicules électriques, soutenir l'économie circulaire des batteries de véhicules électriques, soutenir la planification de la transition dans les entreprises, aider à financer l'achat de véhicules moyens et lourds via un programme tel qu'Écocamionnage ou, même mieux, adopter un système bonus-malus où les véhicules les plus polluants aideront à financer l'achat de véhicules zéro émission de manière fiscalement neutre. À l'instar de plusieurs autres pays, le Canada a déjà eu un programme de bonus-malus pour financer ces véhicules moins polluants. En effet, en 2007, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a adopté un tel système. Le gouvernement pourrait aussi enlever graduellement les frais de carburant de la liste des dépenses admissibles.

M. Breton (Daniel) : Nous recommandons aussi que Québec adopte un cadre réglementaire spécifique aux matières dangereuses résiduelles présentant un intérêt, comme les batteries de véhicules électriques, en tenant compte de leur valeur intrinsèque. Un tel mécanisme d'exemption faciliterait leur revalorisation et contribuerait à accélérer le développement de l'économie circulaire.

Par ailleurs, dans la Stratégie québécoise sur la recharge de véhicules électriques, le gouvernement a annoncé qu'une réglementation serait adoptée en 2024 pour prévoir l'installation d'infrastructures de recharge dans les nouveaux bâtiments multilogements de cinq logements et plus. Or, cette réglementation se fait toujours attendre.

Voici quelques données importantes à prendre en considération pour ce dont... notre principal sujet qui est les véhicules électriques légers et lourds.

Mme Lévesque (Louise) : Entre 1990 et 2022, les émissions de GES des véhicules lourds ont augmenté de 81 %. Ainsi, les véhicules lourds sont responsables de près de 30 % des émissions de GES du secteur du transport routier, alors qu'ils ne représentent que 3,7 % du parc de véhicules.

• (11 h 20) •

M. Breton (Daniel) : Les ventes de véhicules lourds zéro émission au Québec restent relativement limitées avec 3,7 % du marché au troisième trimestre 2024 par rapport aux ventes de véhicules électriques légers avec 32,8 % au même trimestre. Cela dit, nous tenons à rappeler qu'au troisième trimestre 2017, donc il y a moins de huit ans, les ventes de véhicules zéro émission légers étaient d'à peine 1,6 %.

Mme Lévesque (Louise) : Beaucoup de gens se préoccupent à juste titre de l'augmentation importante du nombre de camions légers sur les routes du Québec, avec une hausse de 24 % entre 2014 et 2022. Or, la hausse du nombre de camions lourds et tracteurs routiers au Québec a été de 29 % durant cette même période.

M. Breton (Daniel) : Selon Statistique Canada, les ventes nettes d'essence ont diminué de 9 % en 2022 comparativement à 2017, malgré une hausse de 10 % du nombre de voitures et de camions légers immatriculés au Québec durant la même période, en partie grâce à des véhicules moins énergivores, mais aussi grâce à la croissance du nombre de véhicules électriques sur les routes du Québec. Or, durant la même période, les ventes nettes de diesel ont au contraire augmenté de 10 %.

Mme Lévesque (Louise) : Comme les ventes nettes de diesel au Québec ont été de 3,3 milliards de litres en 2022, cela a représenté près de 4 milliards de dollars avant taxes sortant du Québec...

Mme Lévesque (Louise) : ...on parle donc d'une fuite de capitaux potentielle de 60 milliards de dollars d'ici 2040.

M. Breton (Daniel) : Selon un rapport publié en 2022 par Santé Canada, malgré le fait qu'il y a 25 fois plus de véhicules légers que de camions, autobus et autobus scolaires au Canada, ces véhicules lourds ont causé deux fois plus de décès prématurés que les véhicules légers à cause de la pollution atmosphérique plus importante qu'ils émettent. On parle ici d'un impact monétaire d'au moins 1,5 milliard de dollars par année au Québec.

Mme Lévesque (Louise) : Voici quelques autres frais... faits, désolée, liés au développement des batteries de véhicules électriques qui changent rapidement la donne. Entre 2008 et 2020, la densité des batteries est passée de 55 wattheures par litre à 450 wattheures par litre, ce qui correspond à une multiplication par huit de la densité énergétique des batteries en 12 ans.

M. Breton (Daniel) : Alors qu'en 2013 le prix d'une batterie était d'environ 780 $ US par kilowattheure, celui-ci devrait osciller autour de 82 $ US par kilowattheure en 2026 et de 60 $ US par kilowattheure à l'horizon 2030, pour une baisse d'environ 92 % entre 2013 et 2030, et ça va continuer.

Mme Lévesque (Louise) : Alors qu'une batterie lithium-ion ordinaire dure de 1 500 cycles à 2 400 cycles, soit 500 000 à 960 000 kilomètres, avant d'atteindre la limite de 80 % de sa capacité, en décembre 2024, des chercheurs de l'Université Dalhousie ont analysé un nouveau type de matériau de batterie lithium-ion appelé électrode monocristalline. Les chercheurs ont constaté qu'elle avait tenu plus de 20 000 cycles avant d'atteindre une limite de 80 % de sa capacité. Cela correspond à 8 millions de kilomètres parcourus.

M. Breton (Daniel) : Ces avancées technologiques font en sorte que les batteries sont de plus en plus durables et de moins en moins chères, rendant les véhicules légers, moyens et lourds électriques de plus en plus compétitifs.

Mme Lévesque (Louise) : Des camions légers, moyens et lourds sont déjà sur nos routes. Alors qu'il y a 10 ans on ne retrouvait aucun camion léger électrique sur les routes du Québec, du Canada et des États-Unis, on retrouve aujourd'hui un nombre sans cesse croissant. Des marques telles que Rivian, Chevrolet, Ford, Peterbilt, Tesla, Volvo, Hino, Daimler, Kenworth, etc., sillonnent déjà les routes de l'Amérique du Nord.

M. Breton (Daniel) : Nous vous invitons d'ailleurs à venir voir les camions légers, moyens et lourds qui sont présentement devant l'Assemblée nationale, car nous partirons dans quelques minutes, couple d'heures, faire le tour du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec ceux-ci pour démontrer qu'il ne s'agit pas d'un hypothétique avenir lointain mais d'une réalité actuelle. Imaginez où nous serons dans 10 ou 15 ans.

Ce qui nous amène à la discussion sur la norme zéro émission. Ça fait longtemps que je travaille dans le domaine, vous le savez. Les arguments comme : Ce n'est pas possible, ça va coûter trop cher, ça va détruire l'industrie, ça va supprimer des emplois, les consommateurs n'en veulent pas, le marché résoudra le problème, ce sont des arguments que j'entends depuis des décennies. En 2006, j'étais ici en commission parlementaire sur la norme zéro émission sur les véhicules légers, j'entendais exactement les mêmes arguments.

Mais, croyez-le ou non, l'histoire démontre que, depuis trois quarts de siècle, plusieurs constructeurs se sont battus bec et ongles contre la réglementation, quelle que soit la réglementation, en matière de sécurité, de santé ou d'environnement. Qu'il s'agisse de ceintures de sécurité, ça remonte aux années 50-60, de systèmes antipollution, les années 70-80, de coussins gonflables, années 80-90, ou de normes de consommation, certains constructeurs, pas tous, s'y opposent et continueront à s'y opposer. Il y a une norme zéro émission en Californie depuis 1990, il y a des constructeurs qui s'y opposent depuis 35 ans.

Donc... Il y en a d'autres aussi qui sortent toutes sortes d'excuses en disant : Là, c'est les rabais, il n'y a pas assez d'infrastructures, Donald Trump a été élu, la température a changé, bref, pour tenter soit de s'y soustraire, soit de ralentir autant que possible la transition.

D'ailleurs, en 2005, le gouvernement fédéral avait signé l'entente de réduction volontaire d'émission de gaz à effet de serre avec les constructeurs automobiles. Or, comme cette entente était volontaire, les constructeurs ont raté leur objectif de 95 %.

Mme Lévesque (Louise) : La réglementation a déjà sauvé des milliers de vies. Ensemble, les ceintures de sécurité, les pots catalytiques et les coussins gonflables ont sauvé près de 525 000 vies aux États-Unis seulement depuis les années 1970. Ces technologies ont été adoptées grâce à la réglementation et non au marché. Il en va de même pour les normes zéro émission. Elles contribueront également à sauver des milliers de vies et des milliards de dollars.

M. Breton (Daniel) : En terminant, nous trouvons déplorable d'entendre des représentants de certaines industries venir dire à des élus : N'adoptez pas vos propres lois et règlements, alignez-vous plutôt sur les normes...

M. Breton (Daniel) : ...d'autres juridictions, fait en sorte qu'elle soit plus basse possible pour qu'il y ait une seule norme en Amérique du Nord. Il semble qu'aux yeux de certains d'entre eux, le Québec et le Canada ne sont que des marchés. Ce sont d'abord et avant tout des territoires avec leur propre culture, leur histoire, leurs lois, leurs règlements. En tant qu'élus, il est de votre responsabilité d'adopter des lois et règlements. Votre contribution est certainement plus grande qu'un simple suivi des lois et des règlements d'autres juridictions et d'autres pays. Peut-on adopter nos propres lois, être maîtres chez nous?

Le Président (M. St-Louis) : Alors, je vous remercie infiniment pour votre exposé. Nous allons maintenant député... débuter, pardon, la période d'échange. Et, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Charette : M. le Président, vous deux, toujours un plaisir d'échanger avec vous. C'est un sujet qui est fascinant. Vous... Vous faisiez l'historique des dernières années. C'est effectivement un domaine qui a évolué à vitesse grand V et certainement dans la bonne direction, au point d'en surprendre plusieurs. Et je suis intimement convaincu de la justesse et de la pertinence des lois et règlements à ce niveau-là. Notre VZE au niveau des véhicules passagers a rempli ses objectifs. Et je disais sans méchanceté aux constructeurs et aux concessionnaires qui se sont présentés la semaine dernière... Ils étaient contre au départ, jugeant les objectifs impossibles à atteindre, et ils ont été largement dépassés, ces objectifs-là. Ce qui semblait être impossible a été surpassé, là, de façon manifeste.

Cependant, ce que j'ai eu l'occasion de répéter, au cours des derniers jours spécialement, c'est qu'on n'est pas seuls sur notre île. Le marché québécois ne peut pas dicter le marché nord-américain. Avant d'aborder spécifiquement les dispositions du projet de loi, je serais curieux de vous entendre sur les bouleversements des derniers jours, dernières semaines, derniers mois, bouleversements, malheureusement, qui se confirment et qui changent de jour en jour, pour ne pas dire d'heure en heure.

Une voix : ...

M. Charette : Et je dois vous avouer, ce qui... En fait, il y a plusieurs éléments qui m'inquiètent, mais par rapport aux cibles que l'on s'est données, sur les véhicules passagers notamment, c'était dans un contexte où plusieurs États avaient le même calendrier que nous. Un tiers essentiellement du marché nord-américain et l'Europe est essentiellement sur le même calendrier que nous. Les constructeurs, les grands constructeurs étaient aussi sur le même calendrier. Plusieurs d'entre eux avaient pris l'engagement, il y a quelques années, de cesser la production de véhicules thermiques après... après 2035. Dans certains cas, c'était même 2030. Mais cette dynamique-là évolue. Là, plusieurs constructeurs ont renoncé à cet échéancier. Plusieurs appuis qui venaient du côté américain ont cessé, pas uniquement la subvention à l'achat, mais pour la construction d'usines de batteries et tout ça. Bref, c'est l'écosystème qui... qui est bouleversé. Je serais curieux... Oui, le temps est limité, malheureusement, mais une petite, petite appréciation générale, là, de ce marché-là en évolution.

M. Breton (Daniel) : Bien, rapidement, Donald Trump a dit qu'il voulait faire reculer l'exemption pour les États comme la Californie. Puis moi, j'ai joué dans ce film-là au début des années 2000 avec Georges Bush, et lorsque Donald Trump a été élu la première fois. Puis ça n'a jamais fait reculer les normes dans les États, les ZEV States. Ça fait qu'au contraire il y a de plus en plus de ZEV States. Donc, on parle de presque 40 % du marché américain. B.C. a continué dans la même direction. L'Union européenne a annoncé qu'il continuait la même direction, mais la réalité, c'est qu'il y a certains constructeurs qui en arrachent, parce qu'il y a des constructeurs qui se sont battus contre la réglementation, qui se sont battus contre la transition et donc qui, aujourd'hui, se retrouvent un peu les culottes baissées. Ce qui fait en sorte que, moi, je m'attends à que d'ici quelques années, il y ait des constructeurs, soit qui fusionnent ou qui disparaissent.

• (11 h 30) •

En 2009, on s'en rappelle, il y a des divisions des constructeurs, comme Saab, Plymouth, Pontiac, Oldsmobile, Saturn, Mercury, qui sont disparues parce qu'il y avait un bouleversement économique avec la crise financière. Donc, est-ce qu'il va y avoir des perdants et des gagnants? La réponse est oui. On a vu Honda, Nissan qui sont en train de se fusionner justement parce que c'est difficile. Étonnamment, les Coréens n'ont pas ce problème-là parce que les Coréens ont foncé vraiment rapidement là-dedans, et eux gagnent des parts de marché sur des constructeurs japonais qui, eux, avaient donné une bonne leçon dans les années 80 aux constructeurs américains.

Donc d'un... On ne peut pas dire que c'est le marché qui change ou que le marché qui se rebiffe. Dans la réalité, c'est qu'il y a des constructeurs qui vont bien, des constructeurs qui vont moins bien puis des constructeurs qui vont carrément mal. Mais ça, tu sais, par exemple, Stellantis, ça fait 50 ans, moi, je suis assez âgé pour me souvenir de ça, Stellantis, ça fait 50 ans qu'ils ont des problèmes. Donc, moi, je vois que la réglementation, si on la maintient au Québec telle quelle, on va tirer avantage du fait que... Puis je vous rappelle que Donald Trump n'a pas...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Breton (Daniel) : ...dit qu'il enlevait les rebelles. Il a dit qu'il avait l'intention de, qu'il y songeait. La première fois, il a dit la même chose, puis il n'a pas enlevé les rabais. Il a ralenti sur la réglementation.

Donc, dans les circonstances actuelles, moi, je considère que, comme on l'a vu en 2018, lorsque Doug Ford a décidé de reculer sur les véhicules électriques, qu'est-ce qu'on a fait, on s'est retrouvés avec plus de véhicules électriques au Québec. Et, lorsque Donald Trump a été élu dans son premier mandat, ça n'a pas eu d'enjeu, ça n'a pas eu d'impact sur les ventes de véhicules électriques au Québec. Ça fait que c'est sûr qu'on cherche une prévisibilité de marché puis une prévisibilité réglementaire, tout le monde veut ça, et, ces temps-ci, c'est tout sauf ça avec Donald Trump. Mais, dans les faits, les états zéro émission, californien et autres, continuent d'avancer dans cette direction-là, vont se battre bec et ongles. Et, d'ici les élections de mi-mandat, moi, je m'attends à ce que les choses se soient calmées considérablement.

Ce qui veut dire que, quand on regarde la Chine, qui est déjà à 50 % de ventes de véhicules électriques, l'Europe, où ça a reculé dans deux marchés mais ça va repartir avec une réglementation de plus en plus sévère à compter de cette année, quand on regarde le «worst-case scenario», selon Bloomberg New Energy Finance, qui est sorti la semaine passée, sur Donald Trump, on parle de tripler les ventes de véhicules électriques. Ça, c'est le «worst-case scenario» de BloombergNEF. Le meilleur scénario, c'est fois cinq. Ça fait qu'au Québec, moi, je ne vois pas qu'il y a d'enjeux, même s'il y a des constructeurs qui se rebiffent, je ne veux pas nommer de nom, là, mais je pense que vous les connaît aussi bien que moi, là, les constructeurs qui se rebiffent, qui ont de la misère à faire la transition, pendant ce temps-là, bien, il y en a d'autres qui prennent des parts de marché.

M. Charette : Et... Non, je suis d'accord. Et on se souvient, et de façon très claire, là, des tentatives de l'administration Trump lors du premier mandat. Mais là, il y a cette menace sur le IRA qui se concrétise. Donc, les constructeurs, c'est une chose, mais l'appui à l'écosystème en est un autre.

M. Breton (Daniel) : La chaîne.

M. Charette : Effectivement.

M. Breton (Daniel) : Bien, pour le IRA, c'est intéressant. Parce que le nouveau... ils appellent ça le «automototive tsar», qui est un gars qui vient du secteur automobile, déjà, il est confronté avec plusieurs sénateurs et gouverneurs républicains où la majorité des investissements du IRA sont allés dans des États républicains. Eux autres, ils ne veulent pas qu'on... en bon québécois, tire la plogue sur des investissements pour des usines de batteries, des usines de véhicules parce que c'est des emplois dans leur juridiction. Ça fait que la bataille du recul sur le IRA, moi, je m'attends à ce que le IRA ne recule pas pantoute. Parce qu'il y a des États qui disent : Nous, il est hors de question que ce soit en Georgie, au Tennessee, au Texas, où c'est des emplois en jeu. Donc c'est de la rhétorique, pour moi, c'est du «posturing» de la part du président américain. Mais je vois déjà, parce que je parle avec des gens au sud de la frontière, que le IRA ne reculera pas du tout à la hauteur de ce que Donald Trump prétend que ça va reculer.

M. Charette : Bien, vous comprenez que ça génère beaucoup d'incertitude.

M. Breton (Daniel) : Ah, ça, c'est clair.

M. Charette : Et c'est la raison pour laquelle, là, du côté gouvernemental, il y a une évaluation constante qui se fait.

J'ai des collègues qui souhaitent intervenir. Juste un petit mot rapide avant de leur laisser la parole pour ne pas accaparer tout le temps de parole. On vous a entendu ces derniers mois sur les contraintes additionnelles aux produits chinois. C'est toute la question à savoir est-ce qu'on veut développer une économie nord-américaine versus une concurrence qui, oui, pourrait avoir des bienfaits, c'est-à-dire amener sur le marché des produits moins dispendieux mais qui en même temps pénaliseraient le développement de cette... ou de ces filières-là en Amérique du Nord. On en est où de votre côté avec la situation actuelle? Est-ce que ça... la position a évolué? Ou comment résumer...

M. Breton (Daniel) : Bien, en fait... en fait, notre position... On n'a jamais été d'accord avec le gouvernement fédéral avec 100 % de taxe sur les véhicules chinois. Nous autres, on disait qu'on devrait s'aligner sur l'Europe, qui a dit : On va faire des enquêtes par constructeur pour savoir quels sont les avantages spécifiques qu'un constructeur chinois a par rapport à un autre constructeur. Ce qui fait qu'il y a des taux qui varient entre 10 % et 35 %, dépendant du constructeur.

Le 100 % du gouvernement canadien, ça a été pour être gentil avec le gouvernement américain, qui nous a beaucoup remerciés en disant : On va faire des tarifs de 25 % sur nos véhicules. Ça fait que je pense qu'on est un peu les dindons de la farce dans cette histoire-là.

Donc, nous, on persiste et on signe. Et on dit que les tarifs sur les véhicules chinois... Je pense que les tarifs sur les véhicules chinois sont pertinents, parce que, moi, je peux vous le dire, là, parce que je le sais de source sûre, il y a de l'espionnage industriel qui s'est fait au Québec, au Canada, en matière de recherche sur les batteries, entre autres, à Hydro-Québec. Donc, pour ces raisons-là, on dit : Ils ne jouent pas «fair play», bien, il n'y a pas de raison qu'on leur donne des avantages. Mais de là à dire : C'est 100 % à la largeur du marché, pour nous, ça n'a pas plus de bon sens.

M. Charette : Merci.

Le Président (M. St-Louis) : M. le député de Masson. La parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Breton, Mme Lévesque. Très heureux de vous retrouver aujourd'hui, ici, en commission parlementaire.

Vous savez, dans votre mémoire, à la page 11, là, vous mentionnez que le diesel des véhicules lourds, là, ça représente environ une fuite de capitaux de 4 milliards par année...

M. Lemay : ...un horizon jusqu'en 2040 d'environ 60 milliards de fuites de capitaux. Vous mentionnez à votre recommandation 1, justement, que vous, vous voudriez qu'on ait la norme VZE qui exige 100 % de vente des véhicules lourds zéro émission d'ici 2040. Il y a aussi une étude récente qui est sortie, là, de flotte rechargeable en 2025, là, qui démontre que l'électrification des camions lourds est rentable avec un temps de retour sur investissement de trois à cinq ans. Dans votre introduction de votre mémoire, vous mentionnez que le véhicule lourd, ça représente 3,7 % du parc de véhicules, mais 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Si on se compare aussi, vous a fait une belle... un beau tableau aussi, que vous démontrez qu'en 2016, quand on l'a fait pour les véhicules légers, on était environ à ça, 3,6 %, et aujourd'hui on est à 36 %. Ça fait que, là, pourquoi vous ciblez 2040? Est-ce que c'est en lien avec le scénario 2 dans l'analyse d'impact réglementaire? Puis, tu sais, pourquoi, pour vous, c'est cette cible-là qu'on devrait... qu'on devrait choisir?

M. Breton (Daniel) : Bien, en fait, nous autres, on a choisi ça parce qu'on a parlé avec nos membres, parmi lesquels il y a des fabricants de camions puis des gens de l'industrie. Et on a dit que c'était une norme, que c'était une exigence qui se voulait raisonnable. On voulait être pragmatique. Tu sais, il y a des gens qui disaient : Pragmatique puis pas de réglementation? Non. Parce que si tu n'as pas d'objectif, tu ne vas nulle part. Puis un des enjeux avec lesquels on est confronté, c'est... pour le moment, c'est l'approvisionnement de véhicules. Je vais donner un exemple. Dehors, on a quelques camions électriques. On voulait en avoir plus, mais les rares camions de classe 8 qu'on aurait pu avoir devant l'Assemblée nationale sont à EXPOCAM à Montréal. Ça fait qu'ils en ont un pour le Québec, puis il est au Palais des Congrès. Donc, l'enjeu, c'est de faire en sorte que les constructeurs aient le temps de s'ajuster, mais en ayant, comment dirais-je, une prévisibilité de marché qui va être amenée par la réglementation, pareil comme pour les véhicules légers. Donc, on considère que c'est une cible qui, pour nous, est raisonnable.

M. Lemay : O.K. Merci pour cette précision. Puis vous parlez aussi, je crois que c'est, attendez, à la recommandation 5 de votre mémoire, au niveau de la formation des mécaniciens. Je crois qu'on s'attend à avoir un déficit d'environ 11 000 mécaniciens spécialisés en véhicules électriques d'ici 2030. Je pense que c'est appuyé aussi par la Fédération des chambres de commerce du Québec. On a des mesures de transition qui sont prévues, mais tu sais, selon vous, j'aimerais vous entendre sur c'est quoi le genre de partenariat qu'on pourrait avoir entre les constructeurs, les cégeps, les syndicats, tu sais, pour accélérer la requalification, tu sais. Y a-tu des formations qui sont manquantes en ce moment au Québec pour soutenir l'électrification des transports, qui auraient avantage à être mieux développées?

M. Breton (Daniel) : Oui. Allez-y, Louise.

Mme Lévesque (Louise) : Bien, je vais commencer, Daniel, puis après ça, tu pourras... tu pourras poursuivre. Dans un premier temps, il y a deux volets. Un, c'est le volet de la relève au niveau des techniciens qui arrivent sur le marché du travail. Mais dans les flottes commerciales qui sont en train de faire la transition, on rencontre le besoin de former les mécaniciens qui sont présentement dans les entreprises. Alors, il ne faut pas oublier les deux facettes. Et puis... Et ce ne sera pas un après l'autre, là, c'est... Il faut commencer les deux en même temps.

M. Breton (Daniel) : Simultanément.

Mme Lévesque (Louise) : Simultanément. Alors, il y a une demande actuelle, un besoin actuel dans les entreprises de pouvoir former leurs mécaniciens pour faire cette transition-là. Et ça, on voit ça dans les entreprises de livraison, mais aussi dans les sociétés de transport.

• (11 h 40) •

M. Breton (Daniel) : En passant, son conjoint est mécanicien de véhicule électrique. Il travaille... C'est un des spécialistes au Québec. Mais dans les faits, effectivement, nous, on travaille avec des collèges, des universités, des centres professionnels à travers le Canada pour créer des curriculums. Parce qu'en fait ce n'est pas qu'on risque de manquer de main-d'oeuvre pour réparer des véhicules électriques. On risque de manquer de main-d'oeuvre pour réparer le véhicule, point. Donc, le problème de la relève est un problème réel, mais l'attrait de la technologie autour des véhicules électriques fait en sorte que ça peut constituer une source d'attraction supplémentaire pour les jeunes de la relève.

Mme Lévesque (Louise) : Puis au Québec on a déjà des programmes qui sont en train de se mettre en place. On est avant-gardiste. Encore une fois, bravo!

M. Breton (Daniel) : Avec la Colombie-Britannique.

Mme Lévesque (Louise) : Avec la Colombie-Britannique. Donc, ça fera certain de poursuivre sur cette voie-là et puis d'établir des ententes avec les autres provinces également pour accélérer les processus.

M. Lemay : Puis j'ai lu... Je lisais votre mémoire, là. Dans les pages 8, 9, 10, vous parlez des différentes compositions chimiques des batteries. Puis là il y en avait plusieurs. Puis on voit que l'innovation est au rendez-vous puis que les gens trouvent des solutions puis, justement, qu'on augmente la densité des batteries, ce qui fait en sorte qu'on a une meilleure autonomie avec les cycles de vie de recharge, tout le kit. Puis vous avez fait un commentaire qui était quand même, somme toute, intéressant. Vous avez dit : L'utilisation de l'intelligence artificielle générative permet de faire des recherches plus approfondies pour trouver des nouvelles compositions chimiques, ce qui fait en sorte qu'on a de nouvelles batteries, qu'on ne connaît même pas encore l'existence aujourd'hui, mais pour lesquelles on va avoir encore davantage de densité et de légèreté pour les véhicules du futur. Puis là je faisais un parallèle avec votre réponse...

M. Lemay : ...précédente au niveau de la formation pour les mécaniciens, est-ce que vous croyez aussi... tu sais, comment qu'on peut intégrer les compétences, l'intelligence artificielle aussi dans le diagnostic des véhicules, est-ce que vous croyez qu'il y aurait d'autres développements qui devraient se faire de ce niveau-là?

M. Breton (Daniel) : Absolument, absolument, parce que... Écoutez, je vais vous donner un exemple. Quand j'ai écrit ce livre-ci, pour le traduire, ça m'aurait coûté 25 000 $. Celui-ci, je l'ai traduit pour 20 $ avec l'intelligence artificielle 10 ans plus tard. Ça fait que c'est certain que l'intelligence artificielle va jouer un rôle dans la formation au fur et à mesure où on va avancer dans les hautes technologies.

M. Lemay : O.K. Puis, dites-moi... Revenons aux batteries puis à l'économie circulaire, là, puis, justement, de qu'est-ce qu'on fait avec la récupération des batteries des véhicules électriques devant le nombre de compositions chimiques différentes, tu sais. Y a-tu des enjeux de sécurité ou de stockage quand on vient avec la récupération? Parce qu'il y a d'autres groupes qui sont venus nous mentionner qu'on devrait faire un ajustement à la loi pour justement faire en sorte que le statut de la batterie ne soit pas considéré comme une matière dangereuse.

M. Breton (Daniel) : Mais, en fait, je dirais plutôt que, oui, en fait, il faut changer le statut parce que, pour le moment, lorsqu'il est question de recyclage, c'est considéré comme une matière résiduelle dangereuse, alors que c'est... d'abord, c'est une opportunité. Puis moi, je me rappelle de discussions que j'ai eues depuis une couple d'années avec les gens de l'industrie puis du gouvernement. Ce qu'on disait, c'est qu'il faut cesser de voir ça comme si c'était RECYC-QUÉBEC puis que c'étaient, tu sais, des bouteilles d'alcool, c'était du papier, etc. Ce n'est pas du tout la même chose. Ça a une valeur intrinsèque. Et on en a parlé déjà, c'est qu'avant d'aller au recyclage, si on peut faire de la réutilisation, comme des entreprises font déjà au Québec... ce qui est l'espèce de «gap» qu'on a présentement dans la discussion, c'est-à-dire qu'il y a des batteries qui sont encore bonnes, qu'on peut mettre dans d'autres véhicules ou qu'on peut utiliser comme...

Le Président (M. St-Louis) : En conclusion, M. Breton, s'il vous plaît.

M. Breton (Daniel) : ...batteries stationnaires, donc... J'ai perdu mon fil, mais bref...

Le Président (M. St-Louis) : Désolé.

M. Breton (Daniel) : ...là où je veux en venir, c'est que, oui, il faut s'ajuster à la nouvelle réalité.

M. Lemay : Merci beaucoup pour vos commentaires.

Le Président (M. St-Louis) : Merci. Je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme McGraw : Merci, M. le Président. D'ailleurs, merci pour votre présence et votre présentation. Pour enchaîner sur mon collègue, justement, pour revenir... récupération, réutiliser et éventuellement reconditionner les batteries, qu'est-ce qu'il manque présentement? Qu'est-ce qu'il manque concrètement pour y arriver ou aller plus loin? Et, par la même occasion, est-ce que vous pouvez nous parler d'une éventuelle REP?

M. Breton (Daniel) : Bien, écoutez... Veux-tu parler de la REP?

Mme Lévesque (Louise) : Oui.

M. Breton (Daniel) : O.K. Parle de la REP...

Mme Lévesque (Louise) : Bien, je peux commencer.

M. Breton (Daniel) : O.K., vas-y.

Mme Lévesque (Louise) : Oui. Alors, c'est très important, dans une REP, qu'on s'assure de faciliter et de favoriser le transfert de responsabilité. Donc, ça, c'est quelque chose que... En l'absence d'une REP, présentement, les producteurs d'origine vont se protéger contre la réutilisation, la remise en marché de leurs produits. Alors, on souhaite que cela soit plus facile à faire. Donc, avec une... des... une façon de transférer la responsabilité, si on remet une batterie sur le marché pour un usage secondaire, bien, il y a un nouveau producteur qui sera responsable de cette batterie-là.

Et, quand on a parlé de matières résiduelles, on le sait, que ce sont quand même des produits relativement dangereux, mais il ne faut pas les considérer comme des rebuts à se débarrasser. On va les transporter de façon responsable et sécuritaire et on va les traiter de façon responsable et sécuritaire. Et ça, il faut aussi adresser les défis de ce côté-là dans la réglementation. Il y a besoin de moderniser certains aspects de la réglementation de transport.

Daniel.

M. Breton (Daniel) : On ne peut pas... Tu sais, il y a quand même un paradoxe, c'est qu'on veut que le prix des batteries ne cesse de diminuer, et plus le prix des batteries diminue par kilowattheure, moins c'est payant de recycler les batteries. Donc, à un moment donné, il faut trouver un point où tu dis : Bien, si tu ne mets pas une réglementation en place, il y a des gens qui vont dire : Bien, je suis aussi bien de changer de batterie que de recycler la batterie. Et c'est pour ça qu'une réglementation est extrêmement importante et que des constructeurs automobiles doivent être tenus responsables ou les gens qui ont justement les... les producteurs puissent faire en sorte qu'on s'assure que cette... ces batteries-là soient recyclées.

Pour le moment, c'est un programme volontaire, et là ce qu'on voit, c'est des lacunes, c'est-à-dire qu'il y a des batteries où on a de la misère à trouver preneur parce que les... tu sais, genre, un garage comme celui de son collègue... de son ami, qui, lui, des fois, il appelle puis il dit : Bon, bien, je vais appeler Call2Recycle pour être capable de gérer cette batterie-là, cette batterie-là, cette batterie-là d'un véhicule électrique plus vieux, puis là les gens dit : Ah! ces batteries-là, on ne les prend pas.

Donc, c'est justement pour régler des problèmes comme ça. Puis là je ne vous parle même pas du fait qu'il y a des... en bon québécois, des cours à scrap qui se retrouvent avec des batteries, ils ne savent pas quoi faire avec parce qu'ils ne sont même pas informés sur l'existence du programme...

M. Breton (Daniel) : ...donc il y a... il y a de l'éducation à faire, ça, c'est clair, mais la réglementation aussi.

Mme Lévesque (Louise) : Oui. Et, ce qu'il faut dans la réglementation, c'est que 100 % des batteries qui ne trouvent pas preneur sur le marché, hein, elles sont non voulues sur le marché, soient récupérées par le producteur d'origine. Donc le taux de récupération ne devrait pas forcer le recyclage prématuré des batteries. Mais on se retrouve avec une batterie que plus personne ne veut sur le marché pour des raisons chimiques ou de dégradation, bien, il faut qu'elle soit prise en charge par le producteur.

Mme McGraw : Donc on comprend qu'il faut réglementer. Mais, en même temps, il y a un enjeu écologique, si je comprends bien, au niveau de la présence des PFAS dans les batteries qui est vraiment préoccupante. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose là-dessus, ces fameux contaminants éternels?

M. Breton (Daniel) : En fait, quand on regarde les batteries qu'on peut recycler, je considère qu'il y a moyen de récupérer à peu près tous les contaminants. Et je répondrais souvent ça, que, tu sais, le pétrole, il n'y a pas de problème de recyclage, parce que le taux de recyclage du pétrole brûlé, c'est 0 %.

Mme McGraw : Excellent point. J'ai plusieurs questions aussi de notre formation, donc je vais y aller peut-être plus vite.

Que pensez-vous de l'évaluation... d'évaluer les GES des véhicules sur l'ensemble, cycle de vie, incluant la production et l'extraction des métaux des batteries? Parce que ça a été suggéré à la commission. Est-ce qu'on peut vous entendre là-dessus, cycle de vie?

M. Breton (Daniel) : Bien, j'ai écrit un livre là-dessus, c'est dans mon livre.

Mme McGraw : Bien, écoutez, en résumé?

M. Breton (Daniel) : Puis je pense qu'il m'en manquait une copie. Mais, en résumé, une analyse de cycle de vie complet, j'ai étudié là-dedans à l'université, ça inclut l'extraction des matières premières, la fabrication, l'utilisation, la mise au rancart, le recyclage. Donc, de facto, c'est absolument oui. Et on a fait des calculs là-dessus exactement, dans mon livre, avec le Conseil national de recherche du Canada.

Mme McGraw : Donc, on va lire le livre. Merci. Que pensez-vous de la possibilité de changer le carburant? Parce qu'il y a des groupes qui ont suggéré comme GNR provenant de la biométhanisation pour les camions lourds. Parce que présentement, si on comprend bien, il n'y a aucune alternative électrique qui existe.

M. Breton (Daniel) : C'est faux.

Mme McGraw : C'est faux. O.K.

M. Breton (Daniel) : Je veux dire, il y a déjà des camions classe huit qui circulent, des Kenworth, des Tesla, etc., des Volvo, qui font du moyen longue distance. Quand on parle de gaz naturel renouvelable, là, de biométhane, le biométhane, en fait, d'un point de vue de densité énergétique, c'est extrêmement faible. Et le... comment dirais-je, le modèle d'affaires n'est pas rentable. Puis, le hasard... Je peux vous en parler parce qu'il y a deux semaines j'étais avec les gens de la ville de Saint-Hyacinthe, qui, eux, ont des plus beaux plans de biométhane au Canada. Et ils avaient une flotte de véhicules à hydrogène... «à hydrogène», au gaz naturel, désolé, puis ils sont tous en train de se convertir à l'électricité. Parce que, dans les transports, le gaz naturel, renouvelable ou non, d'un point de vue de densité énergétique, ce n'est pas très efficace. Et, comme il y a des fuites quand il est question de gaz naturel, au final, les émissions de gaz à effet de serre du gaz naturel sont plus élevées que celles d'un moteur diesel. Si on parle de gaz naturel renouvelable, comme le coût est très, très élevé, pour le moment, ce n'est pas du tout rentable. Il peut y avoir des utilisations de niche pour ça. Mais, dans les transports, que ce soit le gaz naturel, même l'hydrogène, le modèle d'affaires, là...

D'ailleurs, il y a un test qui a été fait, là. M. le ministre, vous êtes certainement au courant du test qui a été fait sur les véhicules à hydrogène. Quand on regardait les résultats des tests des véhicules en hiver, à moins 6 degrés, avec une augmentation de la consommation de 70 % des véhicules à hydrogène, c'est épouvantable comme rendement négatif. Moins 6 degrés, là, c'est pas mal plus chaud qu'aujourd'hui dehors.

Mme McGraw : Bien, justement, l'Association du camionnage nous parlait du fait que le poids des batteries les empêchait de circuler avec une charge viable économiquement... économiquement viable pendant la période de gel, dégel. Comment est-ce que vous répondez à cette...

• (11 h 50) •

M. Breton (Daniel) : En fait, c'est que la plupart des camions qui circulent sur les routes n'ont pas des problèmes de poids. Ils ont des problèmes de volume. C'est-à-dire que oui, il y a des camions qui sont plus lourds, qui transportent des charges plus lourdes. La plupart des camions mi-lourds et lourds, c'est du volume qu'ils ont besoin, ce n'est pas tant du poids. Donc effectivement, il peut y avoir des cas spécifiques où effectivement il peut y avoir des besoins pour des véhicules à hydrogène à court terme. Mais, ce qu'on voit, c'est qu'au fur et à mesure où la densité énergétique des batteries ne cesse d'augmenter, donc le poids des batteries ne cesse de diminuer, moi, je m'attaque à l'horizon 2035, là. Le modèle d'affaires des véhicules à hydrogène, légers, c'est déjà réglé, véhicules lourds, moi, je ne m'attends pas à ce qu'il y ait un avenir là-dedans.

Puis il y a un excellent rapport du Conseil national de recherche Canada là-dessus qui dit que la vaste majorité des... comment dirais-je, du transport lourd et mi-lourd va être déjà faite en 2025 avec des véhicules électriques. Je pourrais vous envoyer le lien vers le rapport du Conseil national de recherche si vous voulez.

Mme McGraw : Merci. Ce serait très... Je pense que j'ai le temps pour une dernière question...

Mme McGraw : ...bien, il nous reste deux minutes. Donc, une dernière question, puis vous pourriez en ajouter si vous avez d'autres choses que vous voulez partager.

M. Breton (Daniel) : Oui, oui.

Mme McGraw : Votre recommandation numéro 11 sur le registre de suivi des matières résiduelles dangereuses, quelles sont les complications d'un potentiel désalignement avec les outils fédéraux? Est ce qu'il y a...

M. Breton (Daniel) : Bien, pour le moment, il n'y a pas... Moi, je sais que... Moi, je travaille beaucoup avec le gouvernement fédéral puis le gouvernement fédéral observe ce qui se fait aussi bien en Colombie-Britannique qu'au Québec, pour voir comment est-ce qu'on peut s'aligner. Donc, pour le moment, je dirais qu'on est en train de trouver nos repères d'un point de vue nord-américain, puis on regarde qu'est-ce qui se fait en Europe avec le passeport batterie. Bien, moi, je pense que le Québec, comme la Colombie-Britannique, peuvent être une source d'inspiration pour le fédéral. Pour le moment, là, ces gens-là cherchent à comprendre les enjeux au niveau fédéral. Et moi, je le sais, là, je veux dire, il y a des discussions entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral sur ces enjeux-là.

Mme McGraw : Donc, il reste à peu près une minute peut-être. Alors, est-ce que vous avez des points saillants que vous voulez souligner ou ajouter qui n'ont pas été abordés lors de votre présentation?

Mme Lévesque (Louise) : Oui. Je voulais juste... Sur la réglementation, tu sais, je ne pourrais pas... Je n'aurais pas la compétence pour rentrer dans les détails, mais je sais qu'il y a un enjeu de transport des batteries usagées d'une province à l'autre ou d'un côté de l'autre de la frontière. Donc, on nous demande de voir à ce qu'on puisse harmoniser, au moins faciliter le transport des batteries d'une province à l'autre. Si on veut rester au Québec, il faudrait qu'on soit capable de les amener ailleurs.

M. Breton (Daniel) : Sauf que, quand il est question de déchets... Tu sais, considérant la façon dont on est, comment dirais-je, considéré au sud de la frontière, qu'on continue à importer des déchets dangereux, je ne parle pas de batteries, des déchets dangereux «at large» des États-Unis vers le Québec, moi, il me semble que ce serait une affaire sur laquelle... Je n'aurais pas de misère, moi, à dire : Je pense que vous pouvez vous les garder, vos déchets.

Mme McGraw : Merci pour... Merci beaucoup.

Le Président (M. St-Louis) : Alors, je vous remercie. Je cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition. M. le député, la parole est à vous.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. On pourrait peut-être mettre des tarifs sur les déchets. Peut-être que ce serait populaire. On verra. Merci pour votre contribution. C'est très apprécié. J'ai deux questions plus pointues parce que beaucoup de sujets ont été abordés déjà par mes collègues. Vous êtes un des seuls, je pense, à date, qui parle des mécaniciens, programme de formation pour l'entretien spécialisé des véhicules électriques. C'est de manière large ou en particulier pour les véhicules lourds?

M. Breton (Daniel) : C'est de manière large.

M. Leduc : On est en retard là-dessus?

M. Breton (Daniel) : Oui, vas-y.

Mme Lévesque (Louise) : Oui. Bien, c'est ça. Nous, on est une association industrielle. Dans mon quotidien, je parle avec des centaines de personnes, pas tous les jours, là, mais je travaille avec des centaines de personnes qui font partie de l'industrie, et ça revient de plus en plus, ce besoin-là. Mais c'est généralisé, véhicules légers et véhicules lourds. Mais si on veut accélérer la transition chez les véhicules lourds, on a besoin d'adresser cette... ce besoin.

M. Breton (Daniel) : C'est vrai. Je vais vous donner deux exemples très frappants, là. J'ai un ami à moi avec qui je joue au hockey, qui me dit : Écoute, il dit, je suis allé au garage. Le mécanicien m'a dit qu'il faut que je change la batterie. Ça va me coûter 12 000 $ plus ta main-d'œuvre. J'ai dit : Va au garage à son chum. Ça lui a coûté 325 $, parce qu'il y en avait un qui n'était pas capable d'identifier correctement c'était quoi le problème. Puis il y a des gens qui pensent que si tu as un problème avec ta batterie, il faut que tu changes la batterie, alors que les batteries peuvent se réparer, on peut changer le module. Donc, ça, c'est un vrai enjeu, et ça va faire une vraie différence pour les consommateurs d'avoir des gens qui soient bien formés. Bon.

Mme Lévesque (Louise) : C'est un enjeu économique.

M. Breton (Daniel) : C'est un enjeu économique. Puis il va toujours y avoir des gens malhonnêtes, là, dans les garages, là, mais la réalité, c'est que les gens bien formés, là, ce sont des gens qui sont précieux. Et ça, ça vaut aussi bien pour les véhicules légers que les véhicules lourds. Je pourrais vous donner plein d'exemples comme ça. Je pourrais écrire un autre livre sur ça.

M. Leduc : Bon. Une belle collection de lectures. C'est bien. Est-ce que vous êtes en train de me dire que quelqu'un qui commence un DEP en mécanique automobile aujourd'hui, ce n'est pas... ce n'est pas intégré de base, les formations sur l'électrique?

M. Breton (Daniel) : Pas automatiquement. Puis moi, d'ailleurs, la semaine passée... En passant, j'ai fait 2 400 kilomètres la semaine passée en voiture électrique. Je suis allé au Nouveau-Brunswick puis en Nouvelle-Écosse, puis j'ai parlé avec des étudiants d'écoles de mécanique. Il n'y avait aucun point, aucune formation sur les véhicules électriques. Et je vois ça un peu partout à travers le Canada. Au Québec, on est un peu en avance, mais on a encore quand même du retard à rattraper.

M. Leduc : O.K. Une question similaire sur les bornes. Mais ça, on en a parlé un peu avec d'autres groupes qui sont passés avant vous, qui constataient que le déploiement des bornes n'était pas... mais avait quand même été, comment je dirais ça, efficace dans un premier temps. Mais là l'accélération des voitures, de l'achat de voitures, puis là, si on bouge vers les camions lourds aussi, on n'était pas prêts, là.

M. Breton (Daniel) : O.K. Si on... Prenons les véhicules légers. O.K. Au troisième trimestre 2024, on était à 34.6 % de ventes de véhicules électriques légers. Notre objectif pour 2026, c'est 32,5 %. Donc, on est deux ans en avance. Donc, au niveau du déploiement des bornes, on a pris du retard. C'est la réalité. Quand on regarde une partie du financement qui vient du gouvernement du Québec, il y a une autre partie qui vient du fédéral. Or le fédéral a le programme PIVEZ, le Programme d'infrastructure...

M. Breton (Daniel) : ...véhicule émission zéro, lui, a été arrêté pendant un an. Donc, ça, ça a fait du retard partout au Canada, dont au Québec. Et là, le programme est relancé maintenant, il y a des annonces, il y a des ententes, des contrats qui sont en train de se signer ces jours-ci. D'ailleurs, il y a une entente qui s'est signée avec Kruger et Bectrol, ça a été rendu public ce matin, sur les infrastructures pour véhicules lourds.

Donc, évidemment que... Écoutez, quand j'ai été élu à l'Assemblée nationale, là, je pouvais... je ne pouvais pas avoir une voiture électrique pour partir de Montréal pour venir ici, il y avait une borne rapide au Québec, elle était à Boucherville ou Saint-Hubert.

Le Président (M. St-Louis) : Malheureusement, M. Breton, je dois vous interrompre encore une fois. C'est tout le temps que nous avions. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci, M. Breton, Mme Lévesque, pour cette présentation-là, qui est très costaude, pleine de statistiques, et tout ça. Il va falloir digérer ça au cours des prochains jours.

Mais votre discours est diamétralement opposé évidemment à d'autres groupes qui sont venus dire, un peu comme l'a dit mon collègue, que les véhicules lourds catégories sept, huit, bon, n'étaient pas prêts, les recharges n'étaient pas disponibles, le poids des batteries... Puis évidemment, pour le commun des mortels, on se dit : Bien oui, mais il y a aussi, là, Lion qui a des problèmes, la compagnie de construction de véhicules lourds, les autobus... par exemple, les autobus de transport collectif où on nous raconte que l'hiver ça ne fonctionne pas, il faut ajouter une génératrice à gaz, puis juste ça, ça émet plus de gaz à effet de serre qu'un autobus au complet. Comment vous répondez à cette espèce d'objection majeure, là, là-dessus, là? Oui, c'est votre livre, mais...

M. Breton (Daniel) : Moi, écoutez, en 2016, quand j'ai écrit ce livre-ci, j'avais 10 pages sur les mines, là j'en ai 240. C'est comme si, contrairement à ce que... Tu sais, j'ai été naïf, moi, de penser qu'en 2024 les gens avaient tout compris, mais c'est le contraire. Il y a de plus en plus de mythes, de mauvaises informations, de fausses informations véhiculées, entre autres, par les médias, les médias sociaux, puis Éric Duhaime Ce qui fait en sorte qu'il y a beaucoup, beaucoup de mauvaises informations qui sortent. Si on veut parler des véhicules lourds, on dit que ce n'est pas possible, on n'y arrivera pas, bien, il y a un classe 7, qui est stationné juste devant, ici. Vous allez pouvoir venir le voir, puis il s'en vient faire un tour... le tour du Lac-Saint-Jean, des classes 8, comme je vous disais, des Volvo, des Tesla, des Kenworth, si ça arrive sur le marché. Donc, de dire en 2035-2040 : On ne sera pas prêts, écoutez, je trouve ça sidérant.

M. Arseneau : Mais je ne sais pas le coût d'un classe 7, mais je sais qu'il y a des propriétaires de compagnies d'autobus scolaires, par exemple, nous ont dit : C'est astronomique, on peut pas faire ça, c'est l'autonomie, tout ça. Comment vous leur répondez, parce qu'ils résistent beaucoup, là?

M. Breton (Daniel) : O.K. Si on parle d'autobus scolaires, O.K., je tiens à rappeler qu'il y a toujours des subventions pour l'achat de diesel pour les transporteurs d'autobus scolaires diesel. Ça fait qu'eux ils sont subventionnés pour acheter du diesel. Ça fait que ça, ça fait en sorte de faire perdurer la non-transition vers les autobus scolaires électriques. Ça fait que, ça aussi, c'est un enjeu. Puis quand on parle de camions moyens et lourds, les camions moins lourds, c'est vrai que, pour le moment, tous les camions moyens et lourds ne peuvent pas faire le travail. Je dirais que la majorité des camions moins lourds peuvent le faire, le travail. Ça fait que de dire que c'est comme si c'est zéro ou 100, ce n'est pas vrai, on fait une transition. Pareil, comme je vous le disais quand j'étais ici en 2016, en commission parlementaire, je leur disais : On ne peut pas avoir de norme zéro émission, il n'y a pas de pickup électrique. Ils nous disaient ça il y a neuf ans. Là, il y en a des pickups électriques stationnés devant.

• (12 heures) •

M. Arseneau : Comment vous voyez... Quelles sont vos projections pour les années à venir, surtout la prochaine année, là, quand on regarde les normes VZE pour les véhicules légers, avec l'abandon, essentiellement, du programme Roulez vert puis la diminution des subventions fédérales également?

Le Président (M. St-Louis) : Quelques secondes.

M. Breton (Daniel) : Bien, le programme Roulez vert, pour moi, il n'a pas été abandonné, il continue encore cette année. M. le ministre, on m'a dit que le 1er avril, ça repartait, si je ne m'abuse, mais...

M. Arseneau : Il va diminuer.

M. Breton (Daniel) : ...il va diminuer, et puis... Et c'était prévu et prévisible qu'il diminue. Bon, moi, je préférerais qu'on diminue plus rapidement les subventions aux énergies fossiles, là. Cette année, ça fait 113 ans que les compagnies pétrolières sont subventionnées aux États-Unis, 113 ans...

Le Président (M. St-Louis) : Malheureusement, même si les échanges sont très, très intéressants, et je le sens très bien, je dois... Mon travail... mes responsabilités m'obligent à conclure. Mais, avant toute chose, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

M. Breton, Mme Lévesque, je vous remercie pour votre contribution à cette commission. Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 01)


 
 

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