Journal des débats de la Commission des transports et de l'environnement
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mercredi 20 septembre 2023
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Vol. 47 N° 17
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi concernant l’expropriation
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11 h (version non révisée)
(Onze heures seize minutes)
Le Président (M. Jacques) : Bonjour
à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
transports et de l'environnement ouverte.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations...
Le Président (M. Jacques) : ...et
aux auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi concernant
l'expropriation.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Nous entendrons ce matin les organismes suivants : la ville de
Mascouche ainsi que l'Institut de développement urbain du Québec.
Je souhaite la bienvenue aux représentants
de la ville de Mascouche. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échanges avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et a commencé
votre exposé.
M. Tremblay (Guillaume) : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, Mme la vice-première ministre et ministre des
Transports, Mesdames et Messieurs les membres de la Commission, vous me
permettrez de saluer particulièrement mon député, donc M. le député de Masson.
Je vous remercie de nous donner l'occasion aujourd'hui de vous faire part de
nos commentaires sur cet important projet de loi qui était tant attendu,
ardemment, par le milieu municipal, dont bien sûr la ville de Mascouche. Je
suis accompagné aujourd'hui par M. Yohann Champagne, le directeur général
adjoint et urbaniste de formation, ainsi que Me Charles Turcot,
assistant-greffier, avocat de formation, qui cumule également 12 ans
d'expérience en pratique privée en droit municipal.
M. Turcot (Charles) : Bonjour.
M. Tremblay (Guillaume) : La
réforme de la Loi sur l'expropriation était souhaitée depuis un bon moment par
la ville de Mascouche, si bien que nous appuyons ce projet de loi qui, à notre
avis, permettra de rétablir un meilleur équilibre entre expropriants et
l'exproprié. Nous sommes d'avis que l'intérêt collectif doit parfois primer sur
les intérêts privés, notamment lorsqu'il est question de protection de l'environnement
et du patrimoine de même que pour le développement de logements sociaux et
communautaires. Soyons clairs ici, il ne s'agit pas de décider d'aller faire de
l'acquisition de terrains à rabais. Il s'agit d'avoir des balises permettant
l'acquisition d'immeubles à juste prix au bénéfice de la collectivité tout en
permettant une compensation équitable et raisonnable aux propriétaires
expropriés. Le manque de précision de la loi actuellement en vigueur a fait en
sorte que les tribunaux ont accordé des indemnités sur des éléments purement
spéculatifs faisant fi des pouvoirs discrétionnaires du conseil quant au
développement du territoire.
Dans ce contexte, il y avait lieu de
revoir la législation puisqu'en vertu de la loi actuelle les tribunaux ont
souvent écarté le zonage en vigueur pour retenir un usage pourtant prohibé afin
de fixer la valeur potentielle future. En ce sens, le projet de loi n° 22
constitue une approche équilibrée se fondant sur la juste valeur marchande au
lieu de la valeur au propriétaire à titre d'indemnité principale. Ainsi, le
projet de loi n° 22 devrait permettre aux municipalités d'avoir une
certaine prévisibilité quant à l'indemnité totale qui devra être versée à
l'occasion d'une expropriation. Cette prévisibilité, elle est essentielle à la
saine gestion des finances publiques.
Bien que nous soyons en accord avec
l'essence du projet de loi, nous sommes d'avis que certains amendements
devraient être apportés afin de poursuivre le travail de modernisation de
celle-ci. Mais pour cela vous me permettrez de céder la parole à deux experts à
mes côtés, donc tout d'abord à M. Champagne et par la suite à
M. Turcot.
M. Champagne (Yohann) : Merci.
Donc, effectivement, le projet de mémoire de la ville de Mascouche appuie
spécifiquement deux éléments phares du projet de loi et également vient
formuler cinq recommandations dans le cadre de la bonification souhaitée du
projet de loi.
Le premier élément central qu'on désire
appuyer fortement, c'est évidemment le concept de fixation de l'indemnité en
fonction de la juste valeur marchande et non pas d'une valeur au propriétaire.
Les responsabilités au niveau environnemental notamment... font en sorte
qu'actuellement, sur la base de la valeur aux propriétaires, c'est extrêmement
difficile et... d'être capable de rencontrer des objectifs de conservation,
préservation des espaces verts au niveau de la ville. Et également le tribunal,
actuellement, ne reconnaît pas ou vient écarté... en fait, vient faire fi de
l'usage qui est actuellement exercé sur un terrain et même des usages qui
pourraient être conformes au niveau du zonage. Donc, il y a un volet
extrêmement spéculatif pour nous et hypothétique dans le cadre de
l'établissement... du concept de valeur aux propriétaires est conflictuel, et
ça fait en sorte qu'il y a des indemnités qui sont versées actuellement et qui
sont complètement spéculatives et qui ne représentent pas le réel potentiel
d'utilisation conforme du terrain. Donc, c'est un des éléments qu'on désire
appuyer fortement.
• (11 h 20) •
M. Turcot (Charles) : Le
concept de valeur aux propriétaires a également contribué à alourdir grandement
les délais devant les tribunaux et dans les dossiers judiciaires, parce que ça
exige une démonstration, une preuve complexe sur la faisabilité des projets,
sur la rentabilité des projets et sur la planification des municipalités. J'ai
vu des dossiers ayant plus de 100 jours d'audition en matière
d'expropriation, ce n'est vraiment pas l'idéal pour l'accès à la justice. Mais
on parle beaucoup de l'impact sur les ressources financières d'une municipalité
quand il y a un dossier d'expropriation avec peu de prévisibilité sur les
indemnités pouvant être versées. Bien, en fait...
M. Turcot (Charles) : ...Oui,
il y a cet impact-là, mais il y a aussi l'impact sur les ressources humaines
des municipalités, parce qu'un dossier qui dure plus de 100 jours ça demande
beaucoup de travail à l'interne, du travail qu'on ne peut pas mettre sur
d'autres dossiers, qui demande beaucoup de présence devant les tribunaux et de longs
délais, parce que le 100 jours d'auditions ne se fait pas toujours en continu,
donc ça alourdit grandement les auditions devant les tribunaux. Et on pense que
le projet de loi va contribuer à rapprocher les parties, ça va permettre de
régler davantage de dossiers, en ramenant ça à la juste valeur marchande et,
aussi, en limitant aux usages probables, réalisables et permis sur un horizon
de trois ans.
Donc, cet équilibre-là entre les intérêts
collectifs et les intérêts individuels permettra de diminuer le nombre de
litiges ou d'auditions devant le Tribunal administratif du Québec ou encore
devant la Cour supérieure, en expropriation déguisée. Il s'agit aussi d'une
approche qui va permettre de respecter davantage le pouvoir discrétionnaire des
conseils municipaux sur le développement de son territoire également, car c'est
sur un horizon de trois ans qu'on doit regarder qu'est-ce qui est probable
comme usage.
Une autre recommandation qu'on fait, et
ça, c'est une précision qu'on souhaite voir le législateur adopter, à l'article
87, il est question d'un usage probable, et non seulement possible. On pense
que cette notion-là de «probable» devrait être précisée pour exclure
spécifiquement de l'usage probable qu'est-ce qui requiert une approbation du
conseil ou une entente avec le conseil municipal pour accorder un usage ou des
éléments de zonage plus favorables. On peut penser au Règlement sur les plans
d'aménagement d'ensemble ou, encore, sur le règlement sur les ententes sur les
travaux municipaux.
Donc, actuellement, avec la valeur aux
propriétaires, avec des usages qui sont accordés puis qui ne sont pas prévus à
la réglementation, on se retrouve à prendre pour acquis que ces
développements-là seraient permis par les municipalités. Donc, on pense que
c'est essentiel de prévoir spécifiquement que, lorsque c'est un projet qui est
prévu par le Règlement sur les plans d'aménagement d'ensemble, ce n'est pas un
usage probable, et uniquement un usage possible, qui demanderait l'autorisation
du conseil municipal, donc ça ne pourrait pas servir de base de réclamation
dans un projet de loi. Évidemment, là, je ne parle pas des règlements sur les
plans... les PIIA. Dans ce cas-ci, c'est une approbation sur des aspects
esthétiques d'un projet. Donc, ce n'est pas de ce pouvoir discrétionnaire là
dont je parle, mais c'est vraiment de négocier... Oui, on t'accorde peut-être
une plus grande densité à ton projet, mais selon des balises négociées. Donc,
c'est cet élément-là qu'on veut préciser, donc, que ce ne soit pas un usage probable.
Aussi, un autre point qu'on souhaite voir
au projet de loi, c'est prévoir l'immunité, pour les municipalités, ou un
mécanisme de compensation, pour les expropriations déguisées ou... les dossiers
d'expropriation déguisés découlant d'une règle de concordance. On est d'avis
qu'il ne revient pas aux contribuables d'une municipalité locale de payer la
facture lorsqu'elle se fait poursuivre pour une expropriation déguisée à la
suite de modifications à la réglementation pour une concordance réglementaire.
On a parlé des... on en entend parler. Mais, lorsqu'il s'agit d'une orientation
gouvernementale qui entraîne, en définitive, une modification à la
réglementation, la ville devrait avoir une immunité complète face aux
poursuites pour les expropriations déguisées. Mais, en même temps, on soutient
que le propriétaire a quand même droit à une compensation juste, mais que ça ne
devrait pas être à la municipalité locale de le payer. On défend ce principe
puisque, comme le mentionne le gouvernement sur le site Consultation Québec,
les orientations gouvernementales constituent le véhicule des préoccupations du
gouvernement en matière d'aménagement du territoire. Les orientations
gouvernementales dépassent les intérêts purement locaux. En ce sens, le coût
d'acquisition de tels terrains devrait être assumé collectivement, et non pas
localement.
M. Champagne (Yohann) : À
titre d'exemple, on peut, par exemple, donner, effectivement... pour un terrain
pour un centre de services scolaire, pour l'établissement d'une nouvelle école,
là. Avec, présentement, les orientations gouvernementales, bon, qui découlent
dans le PMAD, elles sont venues fixer des seuils de densité, donc, à
l'intérieur d'un certain secteur, pour nous, au niveau, par exemple, de la gare
de Mascouche. Concrètement, évidemment, c'est une évaluation augmentée, pour
l'ensemble des terrains, de façon substantielle. On vient cumuler à cet
élément-là, également, l'exigence d'un choix de terrains, à l'intérieur. Bien,
ça nous donne un scénario où est-ce que le centre de services scolaire pourrait
déterminer un terrain spécifique, avec une augmentation extrêmement haute, une
évaluation qui est extrêmement haute, au niveau des valeurs, alors que la ville
n'a ni fait le choix des seuils de densité et ni le choix de l'emplacement.
Donc, pour nous, il y a une incohérence par rapport au volet de concordance des
orientations.
M. Turcot (Charles) : Un
autre élément du projet de loi qu'on appuie, c'est les indemnités précisées et
plafonnées. Il y a un plafonnement pour les indemnités pour troubles, ennuis et
inconvénients, il y en a aussi pour les indemnités de convenance, et il y a
beaucoup de précisions qui ont été amenées sur les indemnités de...
M. Turcot (Charles) : ...de
l'entreprise. On croit que ça va aider à simplifier les dossiers parce que
beaucoup d'expropriés faisaient preuve de beaucoup d'originalité dans le type
de réclamations qu'ils formulaient, ce qui éloignait les parties d'un règlement
ou d'une entente de gré à gré et qui exigeait souvent des jours d'audition
devant le Tribunal administratif du Québec ou encore dans des dossiers devant
la Cour supérieure. Donc, à nouveau, pour alléger les délais devant les
tribunaux, alléger les dossiers devant les tribunaux et favoriser une bonne
entente entre les parties, on appuie les indemnités précisées et plafonnées.
Ensuite, une autre proposition, c'est on
aimerait voir une présomption au bénéfice des municipalités à l'effet qu'une
relocalisation sur le territoire de la municipalité constitue une relocalisation
à proximité. Dans le projet de loi, il y a des dispositions sur la
relocalisation de la partie expropriée, mais pour le gouvernement provincial,
ce n'est pas la même notion que pour une municipalité, la proximité. La
municipalité peut offrir des options sur son territoire. Donc, on voudrait
qu'il y ait une présomption irréfragable que si on relocalise sur le
territoire, à ce moment-là, c'est à proximité. Il restera toujours la
possibilité de faire le débat. Est-ce que ce terrain-là permet de rétablir sa
situation? Donc on garde l'équilibre entre exproprier et expropriant quand
même, parce que le débat va se centrer sur : est-ce que ça permet de
rétablir la situation. On peut penser à un bord d'eau. Bien, sur le territoire,
il n'y en a peut-être pas énormément de bords d'eau, mais, en plus, si on
limite la notion de proximité, ça va être encore plus difficile de localiser
cette personne-là. Donc, on pense que c'est de quoi qui est susceptible d'aider
à régler des dossiers en disant : Vous êtes sur le territoire de la
municipalité, c'est à proximité, maintenant, est-ce que ça permet de rétablir
la situation? Et il restera maintenant la question de : est-ce que le
terrain a la même valeur ou non? Et ça, il y a déjà des précisions au projet de
loi et qu'on appuie qui viennent baliser une possibilité d'indemnité selon la
valeur des terrains.
Ensuite, une autre précision un peu...
Le Président (M. Jacques) : En
terminant.
M. Turcot (Charles) : Oui,
oui, tout à fait. À l'article 592 de la Loi sur les cités et villes,
actuellement, le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation ne
considère pas une décision du Tribunal administratif du Québec comme étant un
jugement. La conséquence, c'est que, pour une municipalité qui n'aurait pas les
sommes requises à ses fonds courants pour payer une indemnité d'expropriation,
elle doit passer par un processus... par le processus des personnes habiles à
voter pour faire approuver son règlement d'emprunt. Donc, on croit que ce
serait bien de préciser qu'une décision du tribunal administratif en matière
d'expropriation équivaut à un jugement, ce qui permettrait de seulement aller
chercher l'autorisation du ministère des Affaires municipales et de
l'Habitation. Sur ce, je vous remercie.
M. Tremblay (Guillaume) : Merci
beaucoup. On est prêt à répondre à vos questions, M. le Président.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour
une durée de 14 min 13 s.
Mme Guilbault :Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Messieurs,
d'être avec nous aujourd'hui. Très intéressant de vous entendre. Je vais
partager mon temps, vous l'aurez deviné, avec mon collègue de Masson qui serait
intéressé aussi de s'adresser à vous. Mais je vais quand même y aller d'emblée
avec une ou deux questions.
Mais d'abord, comme je le dis toujours,
là, vous êtes peut-être le 5, 6, 7e groupe d'une lignée de groupes issus
du milieu municipal pour lesquels il y a des commentaires qui se recoupent,
évidemment l'accueil favorable au projet de loi. Vous l'avez dit et je l'ai dit
souvent depuis le début des consultations, c'est un engagement qu'on avait pris
dans le dernier pacte fiscal qu'on a réitéré aussi depuis le nouveau mandat. Et
donc ce projet de loi là vient le concrétiser. Donc... puis sans surprise,
c'est ça, c'est bien accueilli, parce qu'on le sait tous, les projets
d'infrastructure qu'on essaie de livrer pour nos citoyens, tant vous que nous,
le gouvernement, que ce soit du transport, du transport collectif, des
logements, des CPE, des écoles, etc., des parcs aussi, des milieux, des milieux
de vie qu'on essaie de développer, l'accès à la nature, et tout ça, c'est très
long et compliqué pour une foule de raisons. Mais si au moins on peut s'aider en
modernisant la loi sur l'expropriation, alors qu'on est par ailleurs pris avec
d'autres enjeux de coûts puis de chaînes d'approvisionnement, etc., mais, au
moins, ce sur quoi on peut agir, on agit aujourd'hui. Donc, on est sur la même
longueur d'onde là-dessus.
• (11 h 30) •
Vous amenez des commentaires intéressants,
des nuances, des suggestions, des recommandations. Peut-être, je vous amènerais
sur l'expropriation déguisée. Ça a été abordé par pas mal tout le monde, pas
mal tous les groupes qui sont venus nous rencontrer à date. Je note que vous
souhaiteriez une compensation en cas d'expropriation déguisée. Il y a d'autres
groupes... bien, en fait, il y a un groupe, la Ville de Montréal, qui eux
disaient les articles 170, 171 qui aborde l'expropriation déguisée,
devrait être retirée du projet de loi. Ça devrait être traité autrement, aux
Affaires municipales, l'ensemble des autres groupes, pour plusieurs,
disaient : On ne devrait pas pouvoir réclamer d'indemnité quand on est....
11 h 30 (version non révisée)
Mme Guilbault :...ce n'est pas tout à fait la même chose que l'expropriation
déguisée, mais, tu sais, quand on exproprie pour des objectifs gouvernementaux,
pour des objectifs nobles, d'environnement, et tout ça. Et, sinon, pour ce qui
est de l'expropriation déguisée, c'est ça, la plupart des groupes disaient :
On devrait peut-être l'encadrer même encore davantage. Donc, vous, où est-ce
que vous vous situez dans ce spectre-là de possibilités?
M. Tremblay (Guillaume) : Écoutez,
clairement, nous, on est vraiment du côté de la Communauté métropolitaine de
Montréal, donc on appuie le fait qu'il faut que ça reste à l'intérieur. Mais de
l'encadrer un petit peu mieux, je veux dire, on serait à l'aise avec ça. Je ne
sais pas, du côté de mon avocat professionnel, si vous avez des suggestions à
aller de l'avant avec ça.
M. Turcot (Charles) : Évidemment,
la rétroactivité de la loi, on peut avoir une crainte qu'il y ait une série de
poursuites qui soient déposées avant l'entrée en vigueur de la loi. Donc, c'est
sûr que ça amène un effet intéressant s'il y a un effet rétroactif. Encore là,
il faut le baliser, à quel moment, un dossier en cours, est-ce que ça s'applique
là? Est-ce que le dossier a été plaidé mais que le jugement n'a pas été rendu?
Il y a peut-être des précisions à amener à ce niveau-là, mais, oui, on est
favorable parce qu'il y ait une rétroactivité, mais, par contre, la possibilité
de revenir sur notre réglementation qui a été adoptée dans le cadre d'une
OGAT... qui a débuté par une OGAT dans un concept de concordance, à ce
moment-là, bien, on n'a pas la possibilité de revenir sur notre réglementation
parce qu'on sera pas conforme au schéma d'aménagement. Donc, c'est sûr, je
pense qu'il faut continuer à travailler ces dispositions-là. Il y a encore du
travail à faire. Puis, évidemment, on va être là si... pour collaborer, au
besoin.
Mme Guilbault :D'accord. Puis peut-être une autre question, avant de céder
la parole, sur... Parce qu'il y a une diversité de points de vue, là, évidemment,
puis c'est normal, sur ce projet de loi là. Il y a certaines personnes, la
plupart... tout le monde l'accueille favorablement, mais il y a certaines
personnes qui font valoir que le fait de venir encadrer les indemnisations, les
montants, de venir encadrer de façon générale le processus d'expropriation,
évidemment, ça fait aussi le pari, ce projet de loi là, d'envoyer un certain
signal aux gens qui pourraient être intéressés à faire des acquisitions avec
des motifs bon, disons, de faire de l'argent ou, en tout cas, de rentabiliser
cet investissement-là. Donc là, c'est sûr que ça envoie un certain message. Et
donc il y en a qui peuvent dire, tu sais : Est-ce que ça va freiner le
développement? Quelle incidence ça peut avoir sur des projets de développement,
sur des investissements? Puis on pense beaucoup au logement, là, on est tous
très, très habités par le besoin criant de logements ou la pleine jouissance de
nos... du bien, de la propriété, tout ça. Alors, qu'est-ce que... quelles sont
vos impressions là-dessus?
M. Tremblay (Guillaume) : On
en parlait justement avant la rencontre, Mme la ministre. Je vais céder aussi
la parole à MeTurcot.
M. Turcot (Charles) : Il y a
des régimes semblables qu'on retrouve dans d'autres provinces, et ça n'a pas
nui au développement. Également, je pense qu'il va y avoir peut-être moins d'acquisitions
à titre spéculatif, donc, un promoteur, un entrepreneur qui fait l'acquisition
d'un terrain, il va être incité à développer plus rapidement son terrain au
lieu de s'asseoir en se disant : Bien, peut-être qu'éventuellement la
municipalité va en avoir besoin et, avec la valeur au propriétaire, ça va être
très rentable ou que ça va prendre de la valeur. Donc, on pense que ça peut
inciter les promoteurs à développer plus rapidement.
M. Tremblay (Guillaume) : Et,
si vous permettez aussi, Mme la ministre, je pense aussi que ça va être plus qu'intéressant
pour tout l'aspect du logement social, avec les OMH, dans nos communautés. Si
on veut faire l'acquisition d'un terrain, présentement, il n'y a pas trop de
prévisibilité. Là, on va avoir un peu plus de prévisibilité, puis je pense que,
pour le logement social, ça va vraiment donner un coup de main à l'ensemble des
villes du Québec.
Mme Guilbault :Merci beaucoup. Je vais céder la parole à votre député
de... Merci beaucoup, messieurs.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
Mme la ministre. M. le député de Masson, la parole est à vous.
M. Lemay : Merci, M. le
Président. Salutations d'usage à M. Tremblay, M. Turcot et M. Champagne.
Content de vous retrouver ici, en commission. Vous savez, les projets que vous
avez mentionnés tout à l'heure dans le mémoire, là, c'est une réalité, dans
notre territoire, bien entendu, à proximité de la gare de Mascouche, là, ce que
vous mentionnez, les possibilités, là. Vous avez fait mention pour une école
dans ce secteur-là. On sait la forte croissance démographique qu'on a et les
contraintes que nous avons avec le TOD, et, bien entendu, à proximité de Montréal,
le fait que les coûts de construction sont très élevés dans notre secteur.
Peut-être, si vous voulez préciser sur l'exemple
qui ferait du pouce sur les questions de Mme la ministre, là, un peu. C'est
quoi les impacts? Est-ce que vous pouvez le chiffrer? Est-ce que vous avez un
exemple au niveau monétaire de c'est quoi, la différence que ça représente pour
votre municipalité?
M. Tremblay (Guillaume) : Bien,
écoutez, je pourrais vous donner un exemple, par exemple, d'un dossier, un
golf, là, que vous connaissez bien. Et donc, écoutez, sans le nommer, parce que
vous savez qu'il y a une cause... on est devant la cour présentement, mais, si
on fait juste comparer l'évaluation foncière du terrain de golf de Mascouche, l'évaluation
foncière, c'est public, est environ à 3 954 000 $, et, présentement, le
promoteur nous poursuit pour expropriation déguisée pour 62 millions. Vous avez
un exemple assez...
M. Lemay : ...très bien. Merci
pour cet exemple-là aussi. On en aurait parlé ultimement, mais bref vous l'avez
abordé déjà, donc c'est bien correct. Vous savez, dans votre mémoire, vous
parlez, au point 5, à la page 5 de votre mémoire, là, sur la
présomption au bénéfice des municipalités à l'article 7 du projet de loi
n° 22. Puis là vous voulez avoir un petit peu plus de précisions, parce
qu'à l'article 7 on fait mention que, si l'expropriant peut acquérir de
gré à gré ou une expropriation ou un démembrement du droit de propriété au
bénéfice de l'immeuble, dans le fond, ce qu'on vient mentionner, c'est qu'on
peut rétablir la situation en faisant l'acquisition d'un autre lieu à
proximité. Puis, vous, votre point, c'est de mentionner que... vous
dites : «Le terme "proximité" devrait être précisé davantage.»
Là, je crois comprendre que vous voulez inclure... En tout cas, si je lis le
mémoire que vous nous avez remis, est-ce que je dois comprendre que, pour vous,
la proximité devrait être à l'intérieur du territoire de la municipalité?
M. Turcot (Charles) : Exactement.
Il y a une présomption que, si on relocalise à l'intérieur de la municipalité,
c'est nécessairement à proximité, et restera le débat à savoir si cette
localisation-là permet de rétablir la situation de l'exproprié. Donc, ça laisse
quand même... ça permet quand même à l'exproprié de prétendre : Mais non,
ce n'est pas une situation qui permet de me rétablir, mais au moins ça évite un
débat : Bien, je suis à plus de deux kilomètres de mon ancien terrain,
donc je ne suis pas à proximité. Ça va simplifier les dossiers, ça va ouvrir les
possibilités pour la municipalité dans un dossier d'expropriation en ouvrant
les perspectives de relocalisation sur l'ensemble du territoire, peut-être des
terrains qu'on a déjà en mains, ce qui va éviter une nouvelle acquisition dans
le cadre d'un dossier pour relocaliser.
M. Tremblay (Guillaume) : Puis
je pense que, pour le gouvernement, vous l'avez... vous le faites déjà, je
pense, dans la loi... est ainsi faite. Ça fait que vous pourriez appliquer la
même mentalité pour les villes en tant que telles.
M. Lemay : O.K. Sans dire que
c'est un point pour lequel c'est bon ou mauvais, là, je fais juste mentionner
que, tu sais, certains groupes nous arrivent puis nous disent... pour eux, la
définition de proximité, c'est le même quartier, en voulant dire que, si on
déracine quelqu'un de son quartier dans lequel il est présentement, tu sais, on
devient hors proximité. Ça fait que je voulais juste avoir cette précision-là
puis les explications sur votre point.
M. Turcot (Charles) : Oui,
bien, on pense que, de toute façon, une entreprise, on ne va pas la
relocaliser. On a un territoire, nous, 70 % agricole, c'est sûr que ça va
être dans le périmètre urbain. Il y a plein de réalités dans les municipalités,
mais quand même, sur le territoire de la municipalité, maintenant, il y a quand
même un... Si le terrain a une moindre valeur, il y a déjà des précisions, dans
le projet de loi, pour le considérer. Sur l'achalandage, il y a des précisions.
Donc, je pense que tout le monde est bien protégé, mais ça va ouvrir le monde
des possibilités. C'est vraiment pour faciliter les dossiers et éviter qu'un
dossier d'expropriation fasse en sorte qu'on doive exproprier un autre terrain
pour régler un premier dossier d'expropriation, donc ça... encore ça amène une
lourdeur au processus d'expropriation. C'est ça, l'idée derrière cette
précision qui est demandée au projet de loi.
M. Tremblay (Guillaume) : Puis
là on parlait, M. le député, d'un dossier plus industriel, là, pour être bien
compris, on ne parlait pas d'une résidence privée.
M. Turcot (Charles) : Une
résidence privée, le débat se situe sur la possibilité de rétablir la... sa
situation. Donc, on peut penser aux... Est-ce que l'enfant va pouvoir
poursuivre ses études à la même école? Donc, c'est sûr qu'il y a quand même une
considération pour la situation de l'exproprié, on ne l'exclut pas, mais ça
ouvre le monde des possibilités quand même. Une municipalité, si elle
délocalise totalement une partie expropriée d'une résidence familiale, bien,
évidemment, on va considérer le quartier, parce que sinon, ça ne permettra pas
de rétablir la situation. Donc, c'est quand même... c'est une décision qui
serait importante, mais ça n'enlève... ça n'évacue pas totalement le débat de
rétablir la situation.
• (11 h 40) •
M. Lemay : O.K., merci pour
les précisions. Puis, M. Turcot, tout à l'heure, vous mentionniez, à
l'article 592 de la Loi sur les cités et villes... puis ça fait partie de
votre mémoire, là, votre item 6, là, à la page 5 de votre mémoire, puis
vous mentionnez que ça serait bien d'avoir un amendement, si on veut, une
modification à l'alinéa 2 de l'article 592 sur la Loi sur les cités
et villes. Et là moi, je ne suis pas juriste, là, mais j'aimerais juste avoir
un petit peu plus de précisions. Parce que je comprends, au niveau des
règlements d'emprunt, qu'il y a des enjeux, mais qu'est-ce que ça viendrait
faire concrètement pour vous si on faisait cette modification? Ça vous
permettrait d'avoir quel type d'agilité supplémentaire?
M. Turcot (Charles) : En fait,
on n'a jamais eu un cas problématique, mais il n'y a jamais de problème tant
qu'il n'y en a pas un. Donc, les indemnités d'expropriation, c'est souvent des
montants importants. Et, si on ne l'a pas au fond courant, il faut procéder par
règlement à l'emprunt, et les personnes habiles à voter peuvent signer un
registre pour demander la tenue d'un scrutin référendaire. Et, en matière
d'expropriation, si on a un règlement d'emprunt, on est obligé de passer par ce
processus-là. Donc, le jour que des citoyens signeraient le registre, il
faudrait faire un scrutin référendaire, ce qui va retarder le paiement d'une
indemnité d'expropriation qui a pourtant été déterminée par le tribunal...
M. Turcot (Charles) : ...administratif
du Québec. Donc, c'est juste une précision qui permettrait de faciliter, en
allant voir au ministère des Affaires municipales et de l'Habitation, en
demandant : Voici, j'ai un règlement d'emprunt, pouvez-vous l'approuver?
On a eu un... une décision qui a été rendue par le Tribunal administratif du
Québec, ce qui est un... ce qui est déjà prévu pour un jugement de la Cour
supérieure ou de la Cour du Québec dans la loi, mais pas pour une décision du
Tribunal administratif du Québec. C'est une interprétation au ministère des
Affaires municipales et de l'Habitation. En venant baliser le tout dans la loi,
bien, il n'y aura plus de doute sur l'interprétation et on pourrait passer
directement à l'approbation du ministère.
M. Lemay : Merci, M. Turcot,
pour ces précisions. J'aimerais ça revenir maintenant sur le golf de Mascouche,
là, si vous pouvez en parler ou pas. Mais, en fait, on a d'autres groupes qui
vont venir nous rencontrer, au courant de la journée et demain aussi, sur les
associations de golf, puis ils mentionnent, eux, dans leurs mémoires, que leur
inquiétude, ce serait qu'une municipalité pourrait décider d'exproprier en
partie le terrain, et là, dans le fond, ce qui ferait en sorte qu'il y aurait
une partie du terrain de golf qui ne serait pas exproprié, mais une autre partie
qu'il le serait. Est-ce que vous avez pris connaissance de cette information-là
ou est-ce que vous avez une réaction face à cette possibilité-là?
M. Tremblay (Guillaume) : Bien,
écoutez, moi, tant et aussi longtemps que ça... Dans le mémoire, je pense que
de la manière qu'il est expliqué, c'est tant et aussi longtemps que ça
correspond à un objectif, par exemple, des OGAT, donc tant que ça reste pour un
objectif public, que... là, je ne vous parlerai pas de l'exemple de Mascouche,
mais je pourrais parler d'un autre exemple d'un autre golf dans une autre
municipalité. Si une ville décide de conserver une grande portion puis, sur une
petite portion, par exemple, de mettre une école, bien, je veux dire, on
s'entend que c'est toujours dans un objectif public. Je pense que, de ce
côté-là, c'est important de toujours avoir la notion d'une priorité en lien
avec les OGAT ou dans une propriété d'une communauté et non pour faire, par
exemple, un parc d'affaires ou... On est vraiment dans un souci, là, de
préservation. Et, quand on parle de préservation en milieu humide, je pense que
ça fait l'unanimité au Québec, là, qu'il faut de plus en plus faire attention à
l'environnement.
M. Lemay : Oui, merci
beaucoup. C'est tout le temps qu'on avait ensemble, mais je vous salue puis au
plaisir de vous recroiser à Mascouche.
M. Tremblay (Guillaume) : Merci,
M. le député de Masson.
Une voix : Merci.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
M. le député. Je cède maintenant la parole à l'opposition officielle, le
porte-parole, M. le député d'Acadie.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Alors, bonjour, merci d'être là avec nous. Merci également pour
votre mémoire. D'emblée, j'aimerais aborder un élément que vous soulevez dans
votre mémoire, et il n'y a à peu près personne qui a soulevé ça jusqu'à
maintenant, c'est à la page quatre, trois, en haut, quand vous prévoyez une
immunité aux municipalités ou un mécanisme de compensation. Et donc est-ce que
je comprends bien en disant que vous souhaitez la création d'un fonds
gouvernemental pour les municipalités locales qui seraient obligées de verser,
par exemple, une indemnité d'expropriation plus élevée ou qui dépasse leur
budget? Est-ce que je comprends bien?
M. Tremblay (Guillaume) : Bien,
nous, ce qu'on dit, c'est que, lorsque c'est pour correspondre à une
orientation gouvernementale.... Puis, tu sais, on va laisser au législateur
trouver la meilleure solution possible, mais clairement, pour nous, ce qui est
important, c'est que, quand ça vient d'une orientation puis que la ville est
obligée de faire un changement, puis là, après ça, on se fait poursuivre pour
expropriation déguisée, bien, il y a clairement... Vous comprenez que ce n'est
pas juste à une petite ville, puis là, Mascouche, je peux dire... je pense
qu'au Québec on est pareil une ville de grande importance, mais imaginez-vous,
au Québec, des plus petites villes qui arriveraient avec une obligation de
préserver tel, tel terrain dans le cadre d'un plan métropolitain ou d'un
objectif, puis là la ville se fait poursuivre pour expropriation déguisée. Il y
a clairement là un enjeu important, oui, pour Mascouche mais pour l'ensemble
des villes du Québec. Donc, ce qu'on invite au législateur, c'est de réfléchir
à ça puis de mettre de l'avant peut-être un mécanisme financier pour
accompagner les villes quand c'est pour une demande en lien avec des
orientations gouvernementales ou des institutions qui sont au-dessus des
villes, disons.
M. Turcot (Charles) : C'est
ça, c'est un enjeu national et non pas local, alors que cet enjeu national là,
c'est la localité qui doit en assumer la facture actuellement. C'est le point
qu'on veut faire valoir. Donc, on va... on ne peut pas dire au législateur de
quelle façon baliser ça, mais on veut soumettre ce souci-là, que cet enjeu
national là, bien, ce soit à la collectivité, globalement, d'assumer les coûts.
M. Morin : Écoutez, c'est un
point très intéressant que vous soulevez parce que je comprends que, tout
dépendant de l'aménagement du territoire, des lois en vigueur, notamment pour
la protection de l'environnement, il y a... vous avez des obligations, et donc,
si vous voulez consacrer une partie importante de votre ville, par exemple, à
des espaces verts, bien, vous allez peut-être devoir faire face... vous allez
devoir exproprier des...
19 253
M. Morin :
...et ça, vous êtes obligés de le faire parce que la réglementation vous
oblige à le faire. Donc, ce n'est pas finalement votre décision, et vous vous
ramassez dans une situation où le propriétaire, lui, légitime, peut dire :
Bien, écoutez, expropriez-moi, mais moi, je ne veux pas perdre d'argent non
plus. J'ai un droit de propriété valable. Donc, au fond, ce que vous dites,
c'est que le gouvernement devrait créer un fonds pour ces cas-là parce que, vous,
vous êtes obligé d'agir. L'exproprié va devoir perdre son droit de propriété,
mais vous ne voulez pas être obligé d'en faire les frais compte tenu que c'est
une obligation que la loi du gouvernement vous impose. Donc, c'est...
M. Tremblay (Guillaume) : C'est
exactement ça, M. le député. Si, mettons... Je vais vous donner un exemple plus
que concret, là, mais quand vous regardez dans la CMM qui a des objectifs de
conserver de plus en plus d'espaces verts, vous savez, la réalité de Montréal
versus ses banlieues, c'est souvent dans les banlieues qu'on retrouve... Moi,
chez nous, j'ai la chance d'être à la tête d'une ville qui a 34 %
d'espaces boisés. Beaucoup de Montréalais, beaucoup de gens du Grand Montréal
viennent s'amuser chez nous, puis c'est même notre carte d'entrée, puis on en
est fiers, mais si on veut garder des espaces boisés de grande importance à
travers la grande... la grande région de Montréal, ce n'est pas juste à la
ville qui a des espaces boisés d'assumer à 100 % les coûts lorsque ça va venir
d'une directive, par exemple, du Plan métropolitain d'aménagement et de
développement de la CMM.
C'est un exemple que je vous donne au
niveau du boisé, mais ça pourrait être la même chose avec les milieux hydriques
et les milieux humides, là. Vous savez, on met tout à jour nos plages et nos
milieux hydriques, là, présentement, et il va y avoir des impacts importants.
Puis je pense, comme tout le monde, collectivement, pas parce qu'une ville
s'est développée à vitesse grand V puis qu'une autre ville a décidé de
préserver plus d'espace boisé qu'il faut qu'elle soit pénalisée à terme parce
que, cette ville-là, elle a pris ses responsabilités de conserver des espaces
verts.
19 253
M. Morin :
C'est ça, non. Puis c'est un excellent... c'est un excellent élément que
vous soulevez. Effectivement, si une ville est diligente et qu'elle croit
véritablement à la conservation d'espaces verts, et donc qu'elle agit, bien,
elle ne voudrait pas être pénalisée. Et cette idée là, je la trouve très
créative parce qu'au fond, tout dépendant du fonds et de la façon dont il est
géré, ça pourrait permettre à l'exproprié d'avoir une valeur qui va lui
permettre de se relocaliser, donc de ne pas perdre, parce qu'évidemment, on ne
veut pas nécessairement que les gens perdent, mais ça permettrait aussi à la
ville de mieux gérer, évidemment, son budget parce que, vous, vous êtes obligés
d'agir.
Donc, je voulais juste vous souligner,
très peu, très peu de villes ont souligné ça, ont demandé ça ou ont eu une
réflexion là-dessus, et je trouve ça particulièrement créatif. Alors, merci
pour cette suggestion-là.
Une voix : Merci.
19 253
M. Morin :
Je vous en prie. Maintenant, dans votre expérience, parce qu'évidemment la
loi donne des balises, on parle de la juste valeur marchande avec d'autres
types d'indemnités bien définies. Mais ça, c'est quand, évidemment, il n'y a
pas... il n'y a pas nécessairement d'entente. Dans votre expérience, c'est quoi
le pourcentage de dossiers d'expropriation qui se règlent de gré à gré?
M. Turcot (Charles) : À
Mascouche, est-ce qu'on a une idée?
M. Tremblay (Guillaume) : Honnêtement,
on pourrait même vous revenir à la commission avec la réponse exacte, mais
l'objectif ultime, là, moi, je pense que ça, c'est important de le dire, c'est
toujours de faire du gré à gré. On n'est vraiment pas dans... Tu sais,
l'expropriation, ce n'est pas quelque chose qu'on utilise très, très souvent.
Malgré, tu sais, qu'à un moment donné, si on veut être assis dans le siège un
peu de chauffeur pour avoir une négociation plus juste et plus équitable, on
pense que cette modification-là est plus qu'importante. Mais on pourrait vous
revenir avec la donnée, si vous voulez, le nombre de fois qu'on a été de gré à
gré versus... Ça nous fera plaisir de le partager avec les membres de la
commission.
• (11 h 50) •
M. Turcot (Charles) : C'est
sûr que, quand c'est une parcelle de terrain, souvent, ça se règle plus
facilement que quand c'est un terrain... un terrain qui a... où la personne
prétend qu'elle va pouvoir faire un développement éventuellement. Mais quand
j'étais au privé, en fait, souvent, le dossier se retrouvait sur notre bureau
parce que ça ne s'était pas réglé de gré à gré. Donc, j'aurais un peu une
opinion déformée du pourcentage qui peuvent se régler. Mais c'est au moins nous
donner par les nouvelles précisions au projet de loi, ça va nous donner
beaucoup plus de rapprochements. Par exemple, si on parle de la valeur de
convenance, c'est maximum 20 000 $, bien, si c'est ça qui sépare les
parties, je pense qu'on va tous être conscients que d'aller devant le Tribunal
administratif du Québec, le 20 000 $, il va fondre comme neige au
soleil.
19 253
M. Morin :
Très bien...
M. Tremblay (Guillaume) : Et
c'est un avocat qui dit ça.
19 253
M. Morin :
Oui, non. Je vous... Je vous remercie. Très, très intéressant. Bon, on a...
Mme la ministre en a parlé, on a parlé beaucoup des articles 170, 171. Il
y a des villes qui demandent une immunité, d'autres qui demandent une
présomption. Toute la question de l'expropriation...
M. Morin : ...déguisée, vous,
dans votre réalité, est-ce que ça pose un gros enjeu pour votre ville? Puis
vous demandez quoi, une immunité, une présomption? C'est quoi, votre position
là-dessus? Puis, dans votre expérience, est-ce que ça entraîne des difficultés
particulières chez vous, à Mascouche?
M. Tremblay (Guillaume) : Bien,
il faut comprendre, là, tantôt je vous donnais un exemple concret, avec un
terrain de golf, que, présentement, on est poursuivis pour expropriation
déguisée. C'est des données qui sont publiques, là, c'est pour ça que je peux
les donner, je vais faire attention dans mes... Ça, on est poursuivis pour
62 millions versus un terrain qui, selon l'évaluation foncière, en vaut
3,9 millions. Donc, vous allez comprendre que, pour nous, c'est une
donnée, dans le projet de loi, qui est plus qu'importante, de là nous nous
collons très grandement sur la position de la Communauté métropolitaine de
Montréal. Pour nous, c'est plus qu'important.
M. Morin : O.K. Je vous remercie.
Autre question, vous avez souligné, et corrigez-moi si je fais erreur, que,
pour vous, à l'article 7, quand on parle, évidemment, de la possibilité
d'être relocalisé à proximité, vous voulez que ça soit précisé «à l'intérieur
de la même ville». Est-ce que je vous comprends bien ou si vous voulez
donner... vous voulez quand même laisser une certaine... en fait, une certaine
discrétion ou marge de manœuvre, comme c'est écrit à l'article 7?
M. Turcot (Charles) : Le
concept «à proximité», ce serait spécifiquement pour les municipalités locales,
ce serait sur le territoire de la municipalité, c'est présumé être à proximité.
Et là il resterait à faire le débat à savoir si ça permet de rétablir la
situation pour l'exproprié. Donc, c'est juste pour ouvrir la possibilité, pour
éviter que ce soit un débat d'un kilomètre, deux kilomètres, là, est-ce que
c'est à proximité ou non? Sur le territoire, ce le serait.
M. Tremblay (Guillaume) : Si
vous permettez, M. le député, aussi on pourrait y aller avec l'usage. Je pense
que notre message qu'on lance aujourd'hui, si, par exemple, une industrie se
doit d'être relocalisée, vous allez comprendre, comme mon collègue disait
tantôt, ça ne serait pas dans un parc... ça ne serait pas dans un... dans une
terre agricole, ça serait dans un autre parc industriel. Mais je peux
comprendre... Puis tantôt c'est venu me chercher, l'exemple qu'on donnait avec
un citoyen, dans un quartier, qui va à l'école. Moi, je peux comprendre que,
quand on parle de résidences privées, on est dans un autre débat. Mais nous,
ici, notre message, c'est surtout pour le commercial, pour l'industriel. Quand
on dit commercial, industriel dans la même localité, dans la même ville, on
pense que ce n'est pas là l'impact majeur si tu restes dans la même communauté,
là.
M. Morin : O.K. Donc, en
fait, il faudrait spécifier davantage et réserver votre demande à un usage
commercial. Parce qu'évidemment, moi, l'exemple...
M. Tremblay (Guillaume) : Et
industriel.
M. Morin : Et industriel.
M. Tremblay (Guillaume) : Et
industriel.
M. Morin : Parce que
l'exemple que j'allais vous donner... tout dépendant, évidemment, de la
grandeur de la ville, de la municipalité, mais, si vous prenez par exemple une
ville comme Québec ou Montréal puis que vous restez, je ne sais pas, moi, dans
un arrondissement de la ville dans l'est puis vous vous ramassez complètement
dans l'ouest, donc non seulement vous changez d'école, vous changez de centre
de services scolaire, vous vous ramassez dans un autre milieu de vie. Donc, je
comprends que votre demande ne vise pas ça, mais que vous la limitez à un usage
commercial ou industriel.
M. Tremblay (Guillaume) : Tout
à fait.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie.
M. Tremblay (Guillaume) : Parce
que, dans les villes... dans les municipalités, là, avec toutes les
possibilités, des fois, de... comment qu'on appelle ça, tu sais, quand tu
prends un secteur, tu le...
M. Champagne (Yohann) : Gentrification...
changements...
M. Tremblay (Guillaume) : Donc,
quand on fait des changements, c'est facile pour nous puis ça pourrait nous
permettre justement de... c'est ça, d'avancer.
M. Morin : Très bien. Autre
chose, dans votre mémoire, vous avez piqué ma curiosité à la page 5. Vous
en avez parlé récemment, mais je veux juste m'assurer de bien comprendre. Vous
soulignez que le MAMH ne considère pas les décisions du TAQ comme un jugement,
puis il me semble qu'un jugement du TAQ, c'est un jugement. Donc, je voudrais
juste essayer de comprendre.
M. Turcot (Charles) : Le
ministère considère que... Vu que ça provient d'un choix discrétionnaire de la
ville d'aller en expropriation, il ne considère pas que c'est un jugement en
tant que tel qui entraîne l'application de l'article 592 de la Loi sur les
cités et villes pour éviter le processus référendaire pour une indemnité
d'expropriation. Nous croyons, à la ville de Mascouche, effectivement, qu'une
décision du Tribunal administratif du Québec devrait être considérée comme un
jugement pour éviter ce processus-là. Comme je le mentionne, on n'a pas eu de
problématique particulière à la ville de Mascouche, mais on profite de
l'occasion de discuter du projet de loi pour... qui a aussi un but de faciliter
les débats et faciliter aussi... accélérer le processus. Eh bien là, c'est...
Pour accélérer le processus d'indemnisation, si on peut juste aller chercher
l'approbation du ministère, comme pour un autre jugement, on croit que ce
serait un amendement profitable au projet de loi.
M. Tremblay (Guillaume) : Si
vous me permettez, M. le député, j'ai rapidement un...
M. Tremblay (Guillaume) : ...une
ville...
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup, ça... Merci beaucoup, ça termine l'intervention avec l'opposition
officielle. Je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition, en
l'occurrence M. le député de Taschereau.
M. Grandmont : J'ai combien
de temps, M. le Président?
Le Président (M. Jacques) : Pour
quatre minutes.
M. Grandmont : Merci
beaucoup. Donc, on a 4 minutes. Merci, M. le Président. M. Chabot, M.
Champagne, M. le maire Tremblay, content de vous retrouver. Merci pour votre
présentation, votre mémoire, c'est très important, évidemment. Je vous
amènerais peut-être sur deux éléments. Le premier concerne un élément, là, que
la CMM nous a proposé, le fait de pouvoir exproprier... donner les pouvoirs
expropriants à une ville pour aller récupérer une terre agricole qui n'aurait
pas été exploitée dans les trois dernières années. Il y a un territoire
agricole assez important, là, dans votre ville, évidemment. Donc, je voulais
savoir est-ce que vous êtes d'accord avec cette proposition-là proposée par la
CMQ... la CMM, pardon.
M. Tremblay (Guillaume) : Bien,
honnêtement... La CMM. Écoutez, on ne s'est pas arrêtés là-dessus, mais, je
veux dire, ça pourrait être quelque chose d'intéressant à évaluer. Tu sais,
cependant, il faut comprendre tout le personnel puis le temps qu'on aurait...
Puis je comprends l'objectif derrière. Maintenant, c'est le... comme on dit, le
jus de bras qu'il faudrait avoir pour nous accompagner, mais, si on veut
manger... continuer à manger local, clairement il faut s'assurer que nos terres
agricoles sont en exploitation. Donc, sur le principe, on est d'accord.
Maintenant, c'est sur le comment qu'on pourrait y arriver. Clairement, on
aurait besoin d'aide, là, mais on n'est pas nécessairement en désaccord.
M. Grandmont : Parfait. Merci
pour votre réponse. L'autre chose que je voulais aborder avec vous aussi
touche, là, les articles 170, 171, les expropriations déguisées. Je pense
que, dans le fond, c'est peut-être une question de clarification que j'ai
besoin, là... une clarification que j'ai besoin de votre part. Si, d'un côté,
vous demandez l'immunité pour toute action qui serait posée par la ville de
Mascouche en concordance avec les orientations gouvernementales puis le schéma...
puis le PMAD puis le schéma... PMAD, oui, c'est ça, PMAD puis le schéma, est-ce
que... Donc, vous voulez l'immunité mais, de l'autre côté, un fonds qui
permettrait de dédommager les expropriés, en fait, pour ces mêmes actions là
pour lesquelles vous avez une immunité. Ça fait que j'ai de la misère à
comprendre la mécanique entre les deux. Si on a une immunité, en quoi on a
besoin d'un fonds pour dédommager?
M. Turcot (Charles) : En
fait, c'est notre position qu'on veut quand même que l'exproprié puisse avoir
une juste valeur pour sa propriété, et, de l'autre côté, on mentionne que ce
n'est pas à la municipalité de payer. Donc, l'immunité éviterait de recevoir
des poursuites, mais quand même cet exproprié-là pourrait se tourner vers un
fonds. Parce que, lui, qu'est-ce qu'il va prétendre, c'est que la
réglementation a un effet équivalent à l'expropriation, donc ne pourrait pas
poursuivre la ville mais pourrait quand même se tourner vers un fonds pour être
indemnisé selon la juste valeur marchande de son terrain. Donc, c'est la
position de la ville à ce niveau-là. On n'a pas été en profondeur sur la
rétroactivité de la loi, on n'a pas soumis un point particulier à ce niveau-là
parce qu'on voyait qu'il y avait des positions divergentes et on n'était pas en
mesure de se positionner exactement qu'est-ce qu'on pensait sur la
rétroactivité, mais on croyait que c'était quand même une bonne idée sur
l'indemnité. Mais on pense important de penser à la personne expropriée quand
même, qui doit recevoir une juste valeur marchande, de là l'idée du fonds.
M. Grandmont : D'accord.
Est-ce que vous avez envisagé également, dans vos réflexions, là... je
comprends qu'il n'y a rien d'arrêté précisément, mais que ce fonds-là aussi ait
une valeur rétroactive?
M. Tremblay (Guillaume) : ...il
va falloir clairement, avec tous les dossiers qui sont en cours présentement.
Tu sais, si vous faites juste regarder les dossiers des golfs à travers le
Québec, là, même le gouvernement du Québec est mis en cause, c'est à peu près pour
500 millions de dollars, présentement, qu'on est poursuivi pour
expropriation déguisée. Donc, il y a une réalité, et il va falloir, parce que
sinon, là, c'est collectivement : comment qu'on va y arriver?
M. Grandmont : O.K., parfait.
Bien, je vous remercie pour ces précisions-là. Je vous remercie encore pour
votre mémoire, c'est très éclairant. Et puis, bien, au plaisir.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre participation à la commission.
On allait suspendre quelques instants pour
faire place au prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 heures)
12 h (version non révisée)
(Reprise à 12 h 06)
Le Président (M. Jacques) : Je
souhaite la bienvenue maintenant à l'Institut de développement urbain du
Québec. Je vous rappelle que vous disposez...
Le Président (M. Jacques) : ...disposez
de 10 minutes pour faire votre exposé avant de débuter les échanges avec
les membres de la commission.
Mme Melançon (Isabelle) : Alors,
merci, M. le Président. Mme la vice-première ministre, ministre des Transports
et de la Mobilité durable, messieurs, Mesdames les députés, je suis très
heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour cette commission parlementaire.
Avant d'entrer dans le vif du sujet,
j'aimerais d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent, donc Me
Adina Georgescu, qui est associée au cabinet d'avocats Miller Thomson, et
maître Luc Gratton, également avocat chez Miller Thomson. Je tiens à les
remercier particulièrement d'avoir accepté d'être à mes côtés aujourd'hui. Et
je tiens également à souligner le travail exceptionnel qu'ils ont fait dans
l'analyse du projet de loi n° 22.
Comme le mentionnait la ministre, dans ses
remarques préliminaires en début de cette consultation particulière, le projet
de loi n° 22 répond aux demandes répétées des instances municipales qui
souhaitent essentiellement réduire les coûts d'expropriation. Mais la ministre
a aussi mentionné vouloir chercher l'équilibre entre expropriants et expropriés
avec cette réforme.
Je tiens à la rassurer, nous aussi, nous
souhaitons que soit respecté l'équilibre entre les droits et obligations de
l'expropriant et ceux de l'exproprié. Malheureusement, non seulement le projet
de loi n° 22 ne préserve pas cet équilibre fondé sur plus de 100 ans
de jurisprudence, il fait exactement le contraire.
Si le projet de loi devait être adopté,
tel quel, cela se traduirait en un déséquilibre important à l'avantage de
l'expropriant qui deviendrait en quelque sorte juge et partie. Nous sommes donc
ici pour exprimer le point de vue de la partie expropriée, qui, je le souligne
au passage, n'a jamais été consultée au moment de l'élaboration de ce projet de
loi. En effet, seuls les représentants de la partie expropriante ont été
consultés.
Ce qui devait initialement être un
exercice visant à uniformiser la procédure d'expropriation pour réduire les
délais se conclut avec un projet de loi qui propose de nouvelles règles en
matière d'indemnisation des expropriés. Uniformiser la procédure
d'expropriation était souhaité et faisait consensus, faire table rase sur plus
de 100 ans de jurisprudence en modifiant les règles d'indemnisation,
certainement pas.
Nous sommes d'avis que toute réforme de la
loi devrait respecter l'équilibre entre les droits et les obligations de
l'expropriant et ceux de l'exproprié tant à l'égard de la procédure
d'expropriation qu'à l'égard de l'indemnisation.
Nous avons donc pris le soin d'analyser le
projet de loi article par article afin de formuler des recommandations qui
visent à rétablir cet équilibre et ainsi s'assurer que les réformes puissent se
faire tout en respect des droits de l'exproprié.
Mme la ministre, saviez-vous que plus de
90 % des dossiers d'expropriation au Québec se règlent hors cour, preuve
que le mécanisme actuel fonctionne? Est-ce qu'il est perfectible?, absolument,
mais pour solutionner des cas d'exception, est-ce vraiment nécessaire de créer
un déséquilibre à l'avantage unique de l'expropriant en enlevant des droits aux
expropriés? Certainement pas.
Dans les faits, l'expropriation constitue
déjà l'atteinte la plus radicale au droit de propriété. Il s'agit d'un pouvoir
extraordinaire, un pouvoir d'exception dans une démocratie, sa contrepartie
doit être le paiement d'une juste indemnité qui tient compte du préjudice
infligé. Exproprier, c'est d'abord confisquer. Le citoyen exproprié est dépouillé
de son bien contre son gré. Un exproprié, c'est un propriétaire qui ne demande
pas à vendre, mais que l'on achète malgré lui, alors ce n'est pas un prix,
c'est une indemnité qui lui est due.
• (12 h 10) •
La loi actuelle définit l'indemnité en termes
simples et courts : «l'indemnité est fixée d'après la valeur du bien
exproprié et du préjudice directement causé par l'expropriation.» En clair, une
indemnité doit permettre au citoyen frappé par l'expropriation de se procurer
une chose absolument semblable.
Le projet de loi n° 22 retire des
droits à l'exproprié. Il va à l'encontre de la règle fondamentale d'une juste
indemnité énoncée à l'article 952 du Code civil du Québec et balaie du
même coup près de 100 ans de jurisprudence des tribunaux canadiens et
québécois. En retirant des droits à l'exproprié, le projet de loi n° 22
marque un recul historique du droit de propriété.
J'aimerais à présent dire quelques mots
sur l'argumentation développée par certains groupes de la partie expropriante
lors de leur passage devant cette commission. En laissant entendre que les
entrepreneurs immobiliers s'enrichissent en faisant... en se faisant déposséder
de leurs biens, ils leur font subir un procès d'intention.
Mme la ministre, les membres de l'Institut
du...
Mme Melançon (Isabelle) : ...urbain,
que je représente aujourd'hui, sont des femmes et des hommes qui ont la fibre
entrepreneuriale, qui développent des projets, qui bâtissent des quartiers, des
milieux de vie, des habitations, dont nous avons besoin plus que jamais. Ils ne
sont pas de méchants spéculateurs sans scrupule, comme voudraient nous faire
croire certains groupes d'expropriants. Et j'ajouterais qu'avec ce genre de
logique certains expropriants remettent également en doute l'impartialité des juges,
car, lorsqu'il y a litige, c'est le rôle du tribunal de fixer une juste
indemnité permettant à l'exproprié de reconstituer son patrimoine, comme il
l'était avant de se faire confisquer, sans être appauvri ni injustement enrichi
aux dépens des fonds publics.
Dans sa version actuelle, le projet de loi
n° 22... du projet de loi n° 22, Québec se trouve à faire cavalier
seul et deviendrait l'endroit le plus restrictif au Canada. C'est un mauvais
signal qu'on envoie aux investisseurs d'ici et d'ailleurs. Dans notre mémoire,
on démontre de façon claire que, contrairement à ce qu'avancent certains
groupes expropriants pour justifier la modification des règles entourant
l'indemnisation, les lois des autres provinces n'ont pas tenté de modifier le
concept de l'usage le meilleur et le plus profitable. Il demeure toujours le
principe fondamental en... en matière, dis-je, d'indemnisation, principe qui
est confirmé par la jurisprudence de ces provinces.
Donc, ne pas accorder une juste et pleine
indemnisation aux propriétaires serait non seulement injuste et abusif, mais
cela porterait également atteinte à l'attractivité économique du Québec.
Pourquoi un propriétaire voudrait-il investir au Québec s'il risque de ne pas
être pleinement indemnisé en cas d'expropriation? En pleine crise du logement,
l'objectif devrait être de sécuriser les investissements privés, notamment dans
le contexte où la SCHL estime que le Québec a besoin de
860 000 logements de plus d'ici 2030 pour rétablir l'équilibre et
l'abordabilité, ce qui veut dire qu'il faudrait construire plus de
120 000 logements de plus par année. Le problème, c'est qu'en même
temps plusieurs facteurs conjoncturels... Donc, on vit actuellement des
facteurs conjoncturels autres, notamment la hausse du taux directeur, les coûts
de construction, des conditions de prêt, tout ça a plombé la construction
résidentielle. Cette année, elle connaît ses pires résultats en plus de
20 ans avec une baisse des mises en chantier d'autour de 50 %. Le
résultat? Seulement 35 000 logements auront été construits en 2023.
On s'éloigne donc dangereusement de la cible qui vise à rétablir l'équilibre et
l'abordabilité. Devant une telle situation, le gouvernement devrait mettre en
place urgemment des incitatifs permettant la construction d'unités dans les
plus brefs délais plutôt que de débattre de la dépossession rapide et à rabais
des biens des entrepreneurs immobiliers.
Maintenant, j'aimerais entretenir la
commission des changements proposés dans les règles procédurales. Si l'un des
objectifs du projet de loi est d'accélérer l'expropriation pour permettre de
réaliser plus rapidement des projets publics, L'IDU soumet respectueusement que
la réforme des règles d'expropriation proposée ici ne permettrait pas
d'atteindre ce but. Au contraire, ces nouvelles règles auraient pour effet de
rendre le processus substantiellement plus lourd et rigide, multipliant les
étapes procédurales et allongeant par le fait même les délais, cela aurait pour
conséquence d'ajouter une pression supplémentaire sur les tribunaux, déjà
débordés. Et, je le rappelle, 90 % des dossiers d'expropriation
actuellement se règlent hors cour. Plusieurs dispositions du projet de loi font
en sorte d'accorder un pouvoir extraordinaire à l'expropriant.
Le premier élément sur lequel je veux
insister est la fixation d'un délai de trois ans aux fins d'établir l'usage le
meilleur et le plus profitable à l'article 87. Ce délai est arbitraire et
inapproprié quand on sait que les autorités expropriantes, les gouvernements
supérieurs et les municipalités sont largement responsables des délais pour
autoriser des projets immobiliers, délais d'ailleurs qui ne cessent de
s'allonger depuis quelques années. Avec le projet de loi n° 22, on place
notamment les municipalités dans une situation privilégiée puisque ce sont
elles qui autorisent au préalable toute modification de zonage et qui octroient
les différents permis nécessaires à la réalisation de projets immobiliers,
situation dans laquelle une ville se trouverait à être ainsi juge...
Mme Melançon (Isabelle) : ...et
partie. Le projet de loi autoriserait dorénavant les villes qui souhaitent
exproprier un propriétaire de modifier le zonage du terrain au préalable, au
préalable, de sorte à en diminuer la valeur aux fins du calcul de l'indemnité
due aux propriétaires expropriés.
Le deuxième élément concerne les dépenses
d'un exproprié... qu'un exproprié peut engager. À l'article 74 du projet
de loi, l'expropriant se voit octroyer un droit de regard, un droit de
désaccord, ainsi qu'un droit de s'adresser aux TAQ à l'égard des dépenses
qu'elle souhaite engager l'exproprié et qui sont liées à une indemnité que
celui-ci entend réclamer.
Alors, je serai tout à fait disponible
pour répondre à vos questions, M. le Président. Je vois que le temps manque,
mais en définitive le projet de loi n° 22 donne la capacité aux villes de
devenir juge et partie. Merci. Je suis prête à répondre à vos questions.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre présentation. Je cède maintenant la parole à Mme la
ministre pour une période de 15 min 40 s.
Mme Guilbault :Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Melançon
et les personnes qui vous accompagnent. Merci d'être ici. Je ne sais pas si les
personnes en arrière vous accompagnent aussi, mais donc tous les membres de
l'institut présents, merci beaucoup d'être avec nous et d'apporter ce point de
vue là, parce que vous l'avez dit, et on a eu beaucoup de représentants issus
du milieu municipal, et on a eu l'UPA, on a eu divers groupes, et ils étaient
tous favorables au projet de loi, sauf peut être l'Ordre des évaluateurs
agréés, quoiqu'il se disait favorable mais avec plusieurs bémols. Mais, bref,
tout ça pour dire que vous amenez un point de vue... un point de vue différent,
donc c'est très intéressant. Et vous avez raison de dire que, mon souci, puis
je crois qu'il est partagé par tout le monde autour de la table sans vouloir
leur mettre de mots dans la bouche, c'est la recherche de l'équilibre entre
l'expropriant, l'exproprié. Et le principe de l'expropriation dit qu'on ne
devrait ni s'enrichir ni s'appauvrir lors d'une expropriation. Donc c'est ce
qu'on sait ce qu'on se propose de faire avec le projet de loi. Et notre
sensibilité...
Évidemment, nous, on est au gouvernement,
donc un peu comme les villes d'ailleurs, on a cette pression de pouvoir livrer
des projets pour nos citoyens dans des délais et des coûts qui sont les plus
raisonnables possible. C'est vraiment ce qu'on a. C'est la principale
préoccupation qui est derrière ce projet de loi là. Et vous le savez, ayant été
vous-même une élue qui attendait après des projets dans votre circonscription
dans le passé, vous savez que notamment les expropriations, pas seulement ça...
Et vous avez dit à juste titre, là : Les paramètres conjoncturels sont à
la hausse. Il y a toutes sortes de paramètres conjoncturels qui sont complexes
pour plein de raisons dans le monde en ce moment.
Mais il reste que l'expropriation, c'est
une loi qui relève du gouvernement, sur laquelle on a une emprise, et beaucoup
de délais actuellement et beaucoup de coûts, une partie importante des coûts
dans les projets d'infrastructure sont liés aux procédures d'expropriation qui
sont lourdes, qui sont longues et qui ouvrent la porte à des coûts. Et là, on
regardait, là, on a plusieurs exemples de projets où les coûts ont explosé,
notamment à cause des expropriations. Puis là, dernièrement, il y avait un
article à Sherbrooke, le pont Grandes-Fourches, où on évaluait les coûts
d'expropriation à 3 millions qui sont rendus à 14 millions au moment
où on se parle. Alors...
Et je sais que vous dites que les
propriétaires sont là pour faire du développement, sont là pour la bonne cause,
pour faire des projets pour nos citoyens. Ils ne sont pas là pour s'enrichir et
tout ça mais... Et je vous et je vous donne un autre exemple la CMM qui est
venue la semaine dernière, qui nous disait : Nous, en ce moment... Puis
vous savez aussi que les villes sont prises avec son partenaire dans l'atteinte
d'objectifs environnementaux aux 30 % d'aires protégées et tout ça. Alors,
ils disaient : Nous la CMM, en ce moment, on a un lot de terrains qu'on
évalue, nous, à 68 millions et les propriétaires l'évaluent à 504 ou
508 millions. Alors déjà là, il y a un delta qui est de la plus grande
importance à plus grande incidence financière. Donc, je pourrais vous donner
toutes sortes d'exemples comme ça.
• (12 h 20) •
Mais donc, comment est-ce qu'on concilie
votre point de vue sur la chose avec la réalité du fait que, dans la vraie vie,
les projets coûtent cher? Et la STM était ici hier, on est en plein
prolongement de la ligne bleue après tant d'années, puis a une des choses qui
fait que c'est si long, c'est justement les procédures d'expropriation, entre
autres, et eux estiment à 13 % du coût du projet lié aux expropriations.
Donc sur un projet évalué actuellement à 6,4 milliards, c'est
832 millions en expropriations. Une partie de ça continuerait d'être
déboursée même avec la nouvelle loi. C'est ce que je dis toujours, les chiffres
ne tomberont pas à zéro, mais on peut penser que ça serait moindre. Donc,
comment est-ce que vous conciliez le point de vue que vous amenez avec la
réalité du fait que, dans plein de projets d'infrastructure, ça fait exploser
les coûts et les délais?
Mme Melançon (Isabelle) : Bien,
je vais le répéter parce que je pense que c'était important qu'on se le dise
ici là. 90 % même 93 %, j'ai lu chez les évaluateurs, pour cent....
Mme Melançon (Isabelle) : ...des
cas d'expropriation se règlent de gré à gré. Je ne pense pas que ce soit...
Puis, tout à l'heure, vous disiez avec justesse, Mme la ministre, que les
entrepreneurs immobiliers sont là pour faire du développement. Quand on
dit : Ils ne sont pas là pour s'enrichir, ils sont là pour s'enrichir.
Bien sûr, on est dans un modèle capitaliste, mais ils ne sont pas là pour
s'enrichir sur le dos des contribuables. Ce n'est pas en faisant de
l'expropriation qu'ils s'enrichissent, c'est en faisant des projets. Donc, ce
qu'on entend, là, actuellement, puis c'est ce qui est très difficile pour les
membres de l'IDU, bien entendu, c'est de croire que les expropriés, donc les
propriétaires actuellement, sont assis puis ils attendent la parade pour faire
de l'argent. Je veux juste vous dire, les promoteurs, ils font des sous quand
ils font des projets, pas quand ils attendent pour être expropriés. Ça, c'est
totalement faux de croire ça.
Est-ce que les promoteurs actuellement
veulent voir du développement, du développement, par exemple, pour du transport
en commun? La réponse, c'est oui. La réponse, c'est oui. Tout le monde est pour
la vertu, là. Honnêtement, tout le monde veut avoir des projets. Est-ce que
cela va diminuer les coûts? Vous parliez de 13 % tout à l'heure. Est-ce
qu'on va tomber à moins de 13 %? Et je vous le rappelle, là, vous êtes en
train de faire un projet de loi pour 7 % de cas d'exception qui se
retrouvent devant les tribunaux actuellement.
Alors, nous, ce qu'on veut principalement,
c'est que ça ne se fasse pas sur le dos des propriétaires. L'équilibre dont
vous parliez tout à l'heure, Mme la ministre, là, avec lequel je suis tout à
fait d'accord, on ne le retrouve pas versus le projet de loi, versus la loi de
1973 dans lequel il y avait des droits pour les expropriés. Ces droits-là, on
ne les retrouve plus à l'intérieur du projet de loi n° 22
et, à un moment donné, nous, on veut surtout faire valoir qu'on a un besoin
d'équilibre, mais on a aussi un besoin de stabilité. Parce qu'actuellement,
vous parliez avec justesse de la crise du logement qui sévit, honnêtement, au
Canada, au Canada, le Québec va être le plus restrictif, et ça, ça va faire
fuir certains investisseurs. Qu'ils soient du Canada, qu'ils soient du Québec,
ça va faire... il va y avoir une fuite, malheureusement, dans nos capitaux qui
vont se faire, alors que c'est maintenant qu'on a besoin d'argent, c'est
maintenant qu'on doit sortir du logement de terre. Mais à partir du moment où
il y a des propriétaires qui vont regarder ça puis qui vont dire : Là,
attends un petit peu, là, au Québec, c'est là où c'est le plus dangereux où on
peut se faire exproprier avec une perte de droits. Bien, c'est certain qu'il va
y avoir une fuite de capitaux. Est-ce que vous aviez d'autres choses à ajouter?
Me Gratton?
M. Gratton (Luc) : Je veux
juste juste dire la chose suivante ce n'est pas en faisant l'économie de payer
la juste indemnité à des propriétaires de façon à ce que des projets coûtent
moins cher que l'on va atteindre l'objectif désiré. Il y a un principe qui est
celui de la valeur à l'exproprié qui veut que l'exproprié soit replacé dans la
même situation au terme de... en vertu de par l'indemnité qu'il l'était avant
d'être exproprié. Ce principe-là, il est attaqué de plusieurs façons dans le
projet de loi et ces attaques-là visent à réduire les coûts. Mais ce n'est pas
en réduisant les coûts que l'on atteint la justice, et on va avoir toutes
sortes d'effets pervers qui vont résulter de cette situation-là.
Je reprends votre exemple. Je ne connais
pas l'exemple du pont de Grandes-Fourches. Je ne sais pas si le 3 millions,
c'est une mauvaise estimation de départ. Ce que je sais, c'est que si ça coûte
14 millions, selon les règles que l'on a actuellement, bien, c'est parce
que ça vaut 14 millions. Et si on veut réaliser le projet, bien, ça va
être 14 millions, de la même façon que si les coûts de construction
augmentent sur le marché, on peut bien trouver ça déplorable, mais ce sont les
coûts sur le marché et on doit vivre en fonction de ça.
Dans la Loi sur l'expropriation, il y a
une notion de justice qui est fondamentale, la règle de la valeur à
l'exproprié. Le but, l'objectif de le mettre dans la même situation où il
l'était s'il n'avait pas été exproprié, ce but-là est fondamental et il existe
depuis plus de 100 ans, et on ne devrait pas le supprimer juste pour faire
des économies. Il y a une question de justice et d'équité fondamentale entre
les corps publics expropriants et les expropriés. Et ce ne sont pas que les
développeurs dont on doit parler, ce sont tous les expropriés. Tous les
expropriés, et, malheureusement, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas
représentés par des organisations, vont être dans cette situation-là. Et comme
le dit Mme Mélançon, en pratique, il va y avoir... ça va avoir des impacts
sur le marché.
M. Gratton (Luc) : ...parce
que ça... Sachant que, si vous risquez d'être exproprié, vous n'allez pas être
payé le montant que ça prend pour vous replacer dans la même situation. C'est
bien sûr qu'il y a des investissements qui ne se feront pas. Voilà.
Mme Georgescu (Adina-Christina) :
…ajouter peut-être un point, ici, on se compare aux autres juridictions,
justement, en parlant de l'attractivité du Québec, pour les investissements,
les autres juridictions canadiennes, pour la plupart, à titre d'exemple,
l'Ontario et la Colombie-Britannique ont un régime de compensation,
d'indemnisation de l'exproprié qui ressemble à ce qui est actuellement en place
au Québec. Donc, une valeur à l'exproprié pour l'indemniser entièrement du
préjudice subi en raison de l'expropriation. Donc, certainement, les
investisseurs qui se trouvent dans une situation à devoir choisir entre une
juridiction comme le Québec, avec un projet de loi qui est beaucoup plus
restrictif, versus l'Ontario, la Colombie-Britannique ou une autre juridiction
canadienne, le choix ne sera pas très, très, très difficile à faire.
Mme Guilbault :Oui, merci, j'aurais eu d'autres questions, mais je vais
laisser le reste de mon temps à ma collègue de Châteauguay. Merci.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
Mme la ministre. Donc, je cède la parole à la députée de Châteauguay pour cinq
minutes 40 s.
Mme Gendron : Merci beaucoup.
Bonjour, Mme Melançon, Maître Gratton, Me Adina. Bienvenue chez vous, Mme
Melançon. En fait, j'ai bien entendu ce que vous avez parlé. Et puis, vous
parlez beaucoup de logement. Oui, ça a une importance capitale. Par contre, on
a eu plusieurs groupes qui nous ont confirmé que c'est certain qu'ils préfèrent
faire des ententes gré à gré avec les expropriés. Vous l'avez même confirmé en
disant qu'il y a 93 % des gens qui font... la majorité des expropriations
se font hors cour. Donc, il resterait... bon, hors cour de gré à gré, il
resterait comme un 7 %. Moi, j'aimerais savoir, dans des... on parle de
logements, mais dans des situations comme mettons le corridor vers
Châteauguay... Qu'est-ce que vous répondez aux municipalités ou aux groupes
environnementaux qui veulent protéger ces lieux de biodiversité et ces terrains
verts là? Qu'est-ce que vous leur répondez à ces groupes-là?
Mme Melançon (Isabelle) : Bien,
il y a deux cas, puis je connais un peu le projet... le projet dont vous
parlez. Actuellement, là, ça ne peut pas... Tout ne peut pas se faire sur le
dos des propriétaires. Tout ne peut pas se faire sur le dos des propriétaires.
Quand on parle d'un projet collectif, bien, je pense que c'est collectif. À
partir du moment où il y a des ententes qui peuvent être faites, puis vous avez
raison de rappeler que c'est 93 % des ententes qui se font de gré à gré.
L'autre 7 %, il se règle où? Il se règle devant le tribunal administratif
et ce n'est pas l'exproprié qui règle, qui donne... qui fait un boulier, là,
puis qui sort les chiffres. C'est un juge qui prend une décision quant à la
valeur. Alors, honnêtement, au moment où on se parle, actuellement, s'il y a 7%
des cas qui se retrouvent devant les tribunaux, il faut faire confiance aux
juges qui actuellement regardent la loi, font les évaluations. Maître Gratton,
je pense que, sur les 7 %, ce n'est pas toujours en gain de cause pour les
expropriés, n'est-ce pas?
• (12 h 30) •
M. Gratton (Luc) : Bien, pas
du tout parce que le tribunal, puis la jurisprudence, le principe de base, de
remettre l'exproprié à la même situation, on dit bien, dans la
jurisprudence : Sans sans l'appauvrir ni l'enrichir injustement. Alors, on
cherche justement à lui donner le juste montant qui va le compenser, mais qui
ne le compensera pas d'une façon qui est excessive. Les tribunaux sont
extrêmement préoccupés par la question de la double indemnisation, par la
question de la spéculation. Ne pensez pas qu'ils sont là pour récompenser la
spéculation. Les principes qui sont élaborés par la jurisprudence depuis
100 ans ne visent pas à encourager la spéculation, ils visent à engager
une juste indemnité. Et la juste indemnité, c'est celle qui récompense
l'exproprié du plein potentiel de son immeuble, mais d'un potentiel qui est
réalisable, qui est probable, d'un préjudice qui a vraiment été causé par
l'expropriation, sans l'enrichir. Et donc il y a une préoccupation pour le coût
collectif. Et ça existe depuis 100 ans et c'est ça, notre jurisprudence.
Mme Melançon (Isabelle) : Et
si je peux simplement ajouter, il y a toute la procédure aussi qui est dans le
projet de loi n° 22 qu'on va devoir revoir. Donc, je dirais aux citoyens là-bas :
Ça va être encore plus long avec le projet de loi n° 22. Parce que savez-vous
quoi? Le 7 % actuellement qui se retrouve devant les tribunaux, bien, le
chiffre ne va pas gonfler, là, il va exploser...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Melançon (Isabelle) : ...maître
Georgescu, probablement que vous pourriez... vous pourrez donner plus de
détails à Mme la députée.
Mme Georgescu (Adina-Christina) :
Absolument. Je peux le faire tout de suite. Effectivement, à travers
certaines des nouvelles règles qui sont introduites du point de vue procédural
dans le nouveau projet de loi, on pense faire accélérer le processus. Et, quand
je parle du processus, je parle du processus, du processus de l'instance d'expropriation,
donc, devant les tribunaux. Mais, contrairement à cet objectif que l'on essaie
d'atteindre, je pense qu'on réussit à faire exactement le contraire.
Quelques exemples concrets. En vertu de l'article
108 du projet de loi, on permet au tribunal administratif de traiter des questions
incidentes qui sont essentielles pour la détermination de l'indemnité
définitive à laquelle l'exproprié aura droit. Ce que ça veut dire en pratique,
c'est que le tribunal administratif pourra être saisi, pendant l'instance d'expropriation,
de certaines questions fondamentales, comme, par exemple, la détermination de l'usage
le meilleur et le plus profitable, qui sert à déterminer la valeur marchande de
la propriété qui est expropriée. Et d'autres qui sont d'aussi grande
importance, déterminer la valeur marchande elle-même, déterminer les chefs de
réclamation de chaque type d'indemnités, selon le cas, qui sera applicable.
Et, en ayant, en ayant ce type de petit
procès à l'intérieur de l'instance d'expropriation, on est en train de créer
des débats additionnels qui vont, d'une part, lier les parties rendues au
procès au fonds pour l'indemnité définitive, alors que le tribunal n'a pas
entre les mains, au moment de rendre sa décision interlocutoire incidente,
toute la preuve nécessaire. Et, d'autre part, à cause des délais d'appel, on
pourrait se retrouver à être, devant les tribunaux, des instances supérieures
également pendant plusieurs, plusieurs années.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Ceci termine la période d'échange avec la partie gouvernementale. Je
cède maintenant la parole au député d'Acadie pour 12 minutes 23.
M. Morin : Merci, merci, M.
le Président. Alors, bonjour. Merci, merci d'être là. Merci de nous éclairer et
merci pour votre mémoire. Merci de nous donner, finalement, un éclairage
différent, parce que ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, c'était quand même
assez unanime. Je trouve les considérations que vous apportez particulièrement
intéressantes. En fait, il y a l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec qui,
eux aussi, bon, en fait, ont mis un peu en garde le législateur. Ils ont dit
par ailleurs que le projet de loi n'était pas mauvais, mais qu'il pouvait
être... il était perfectible. Puis évidemment, bien, vous le savez, c'est ça,
le rôle d'un législateur, c'est-à-dire de s'assurer qu'un projet de loi va être
juste, qu'il va y avoir un équilibre. Puis c'est particulièrement vrai, je vous
dirais, pour l'opposition officielle, parce que ça nous permet d'inviter le
gouvernement à regarder différents aspects d'un projet de loi.
La question que j'ai pour vous, parce qu'évidemment
moi aussi, je recherche l'équilibre, on veut que personne ne s'enrichisse
indûment, puis on ne veut pas que les gens s'appauvrissent non plus. Il est
très probable que, compte tenu de la majorité gouvernementale, ce projet de loi
soit adopté. Ça, je pense que ce n'est pas une grosse vérité que je viens de
sortir là. D'après vous, quel est le point le plus critique qui devrait être
modifié, amendé, avec le projet de loi, pour qu'on soit capable de rétablir un
équilibre? Parce que ce que vous nous dites, au fond, c'est que ça crée un
déséquilibre.
Mme Melançon (Isabelle) : Bien,
merci, merci pour cette question. J'attirerais votre attention, si vous me
permettez, M. le député, sur deux articles, article 87. L'article 87 dans le
fond, permet, dorénavant, à un expropriant de modifier un zonage au préalable
pour diminuer la valeur pour le calcul de l'indemnité. Ça, honnêtement, ça s'appelle,
le «Planning Bright», ce qui est interdit actuellement. Dans l'actuel projet de
loi, ça va donner, donc... ça va permettre, puis on va le dire, là, aux
municipalités de changer des zonages pour être sûr de pouvoir payer moins cher
une indemnité. Donc, l'article 87... puis je vais laisser les avocats peut-être
aller un peu plus loin. L'article 74...
Mme Melançon (Isabelle) : ...l'article 74,
c'est sur les dépenses autorisées par l'expropriation pour l'exproprié.
Honnêtement, là, on parle non seulement d'un recul quant au droit de propriété,
mais, en plus de ça, on parle de recul pour les droits d'un propriétaire
d'avoir des avis de professionnels pour pouvoir... parce qu'on va se le dire,
là, ma mère qui se fait exproprier demain matin, là, elle ne connaît pas la
loi, elle va avoir besoin d'avoir des professionnels autour d'elle, mais elle
va devoir demander la permission à l'expropriant avant de pouvoir décider de
donner un contrat à un professionnel qui va pouvoir l'accompagner. Ça,
honnêtement, c'est du jamais vu.
Donc, sur l'article 87, sur l'article 74,
je vous dirais que c'est les deux points de déséquilibre majeurs. Il y en a
plusieurs autres, là, je vais vous laisser le soin de bien éplucher le mémoire
qu'on vous dépose. Mais assurément, à cause de ça, la finalité, c'est qu'il va
y avoir un recul quant à l'attractivité économique du Québec. Et ça, c'est
important. Ça, honnêtement, on ne peut pas perdre ça de vue actuellement, là,
quand on sait que le Québec va devenir, donc, le plus exigeant en matière de
processus d'expropriation. À un moment donné, ça, il y a des gens qui vont se
gratter la tête puis qui vont dire : Bien, des investissements, on va
peut-être les faire ailleurs qu'au Québec, alors qu'on est dans une crise du
logement, alors qu'on a besoin de montants importants actuellement pour pouvoir
permettre de lever des logements un peu partout, parce que la crise du logement
n'est pas uniquement à Montréal, n'est pas uniquement à Québec, est dans toutes
les régions du Québec. Me Georgescu.
Mme Georgescu (Adina-Christina) :
Si je peux me permettre, relativement au «planning blight» auquel Mme
Melançon vient de faire référence, je veux juste faire un comparatif avec
d'autres juridictions. La Colombie-Britannique, dans sa loi sur
l'expropriation, exclut expressément, à l'article 33, la possibilité pour
le tribunal de tenir compte, dans la fixation de l'indemnité à l'exproprié, des
démarches du corps expropriant pour changer les usages, changer le zonage,
changer les règles en place afin de notamment réduire la valeur de la propriété
en vue de l'expropriation. Le «planning blight» est textuellement et
expressément interdit par la législation de la Colombie-Britannique.
En Ontario, la situation est très
similaire, quoique pas aussi expresse dans la loi. Les tribunaux, depuis des
années, des dizaines d'années, sont aux mêmes effets, le «planning blight» est
une pratique qui est interdite et on ne tient pas compte des démarches
antérieures à l'expropriation prises par le corps expropriant pour changer les
règles, changer les usages autorisés afin d'essayer de réduire la valeur lors
de la fixation de l'indemnité définitive à l'exproprié. Donc, je vous dirais,
si on compare avec les autres juridictions, le Québec serait, avec ce nouveau
projet de loi, le plus restrictif.
M. Morin : Dans la loi... en
fait, projet de loi, on parle de la juste valeur marchande, mais avec ça, bien
là, il arrive un cadre qui va venir baliser les indemnités. Est-ce que je me
trompe si, dans d'autres juridictions au Canada, notamment en Ontario, en
Colombie-Britannique, on parle aussi de la juste valeur marchande?
• (12 h 40) •
Mme Georgescu (Adina-Christina) :
Je peux y aller. Tout à fait, on parle de la juste valeur marchande dans
ces autres juridictions également, mais la juste valeur marchande est toujours
calculée sur la base du même principe, l'usage, le meilleur est le plus
profitable, selon l'interprétation qui en est faite aujourd'hui au Québec par
nos propres tribunaux. C'est un principe de base fondamental qui est applicable
à travers le Canada et depuis une centaine... plus d'une centaine d'années,
comme le mentionnait Me Gratton tout à l'heure et Mme Melançon dans ses mots
introductifs. Ce n'est pas quelque chose qui est hors de l'ordinaire. Même si
on utilise le terme «valeur marchande», la valeur marchande est basée sur des
principes d'évaluation foncière, d'évaluation... quand on parle de l'Ordre des
évaluateurs du Québec, c'est à eux qu'on fait référence. C'est un principe
d'évaluation qui est utilisé pour fonder cette valeur marchande là et c'est le
même principe qui est utilisé partout, il n'y a aucune distinction.
On parle, au Québec, de façon plus
particulière, de ce qu'on appelle la valeur à l'expropriété, qui est une
particularité, mais ce n'est pas parce qu'on utilise ce terme-là que ça veut
dire nécessairement que les autres juridictions ne font pas l'exercice de la
même manière, c'est juste qu'ils l'appellent différemment. Dans les autres
juridictions, ça s'appelle... je m'excuse, je n'ai pas le terme... Le terme ne
me revient pas, je n'arrête pas de l'oublier, mais je vais vous le donner dans
un instant, il y a un terme en anglais. Le «special economic advantage», qui
tient compte... on peut le traduire, au Québec, dans le nouveau projet de loi,
comme...
Mme Georgescu (Adina-Christina) :
...étant l'indemnité de convenance. Le «special economic advantage» est la
valeur particulière que l'on peut donner à un bien par rapport au propriétaire
qui, lui, en bénéficie d'une manière très spéciale, d'une manière dont un autre
propriétaire, qui serait propriétaire de la même propriété, ne bénéficierait
pas. Dans toutes les autres juridictions canadiennes, cette portion de
l'indemnité bénéficie à tous les types d'expropriés. Avec le nouveau projet de
loi n° 22, on limite au Québec l'indemnité de convenance strictement au
secteur résidentiel, donc seulement si quelqu'un se fait exproprier de sa
résidence principale.
M. Morin : Je vous remercie.
Il y a plusieurs municipalités... puis vous avez peut-être regardé les
audiences de la commission, là, ça fait plusieurs jours qu'on siège. Il y a
plusieurs municipalités qui nous ont dit : Écoutez, c'est un bon projet de
loi. Il faut faire quelque chose parce que, nous, on a des obligations en vertu
de la loi. On est obligés de refaire nos zones d'urbanisme. On est obligé de
protéger des zones, éventuellement, pour protéger l'environnement. On a des
zones hydriques. Donc, nous, on n'a pas le choix, là, on est obligés d'adopter
des règlements. Et là, bien, évidemment, après ça, ça fait en sorte qu'il y a
des gens qui vont être expropriés, mais on ne voudrait pas qu'on ait à payer
pour ça ou qu'on plaide de l'expropriation déguisée parce que finalement, on
n'a pas le choix de faire ça. Qu'est-ce que vous répondez à ces villes-là qui
disent : Écoutez, nous, on est coincés, là, on n'a pas le choix, là?
M. Gratton (Luc) : Je
comprends qu'effectivement, en vertu du cadre d'aménagement, elles peuvent ne
pas avoir le choix, mais il faut bien comprendre que ça ne va pas résulter
nécessairement dans des situations qui ne pourront pas se régler conformément
aux règles actuelles.
D'abord, ce n'est pas parce que, je veux
dire, vous êtes obligés d'exproprier un milieu humide que ça va vous coûter une
fortune. Si le milieu humide, il était déjà zoné depuis 40 ans comme un
milieu naturel, la personne qui l'a acquis il y a 20 ans, elle ne sera pas
indemnisée d'une façon indue. Elle a un bien qui est déjà zoné milieu humide,
et sa valeur, c'est celle d'un milieu humide déjà zoné comme tel.
Si, par contre, elle a un zonage
résidentiel à l'égard d'un milieu que tout à coup on découvre qu'il est humide,
et sur ce milieu... dans ce milieu résidentiel, elle a posé divers gestes, par
exemple adopter un zonage résidentiel, négocier des ententes sur la desserte
des terrains en cause, signer des protocoles de développement du terrain, et
qu'elle change son fusil d'épaule, parce qu'elle se sent contrainte par ce
cadre-là, et qu'elle le zone conservation en application de ce nouveau cadre là,
et qu'elle l'exproprie, bien, c'est bien malheureux, mais en vertu de nos
règles, elle va devoir indemniser le propriétaire pour le potentiel qu'il avait
à l'égard de ce logement-là.
Alors, il va y avoir différentes
situations, et c'est ça notre jurisprudence, comme je vous dis. On... Il y a
des règles qui font en sorte qu'on doit considérer la situation concrète devant
laquelle on fait face. Et probablement que ça va être plus difficile dans cette
situation-là, mais ce n'est pas une raison pour priver le propriétaire de ce à
quoi il a droit, de ses investissements, de ce qu'il a payé en termes de taxes
pendant les années passées, des efforts qu'il a faits, des frais professionnels
qu'il a engagés, puis de lui dire : Bien, écoute, nous, collectivité, on a
besoin de ton terrain, puis c'est bien dommage, c'est le cadre dans lequel on
doit agir, puis on ne paiera pas ce que ça vaut, point à la ligne. Ce n'est pas
la réponse acceptable. J'ai entendu parler tantôt de fonds qui pouvaient être
mis à la disposition des municipalités si on leur impose des obligations qu'en
vertu du cadre actuel dans une perspective d'indemniser justement l'exproprié.
Si on a besoin de fonds, bien, il va falloir dégager des fonds autrement. Mais
on ne peut pas demander au propriétaire d'être celui qui va, dans le fond,
donner son terrain à la communauté pour exécuter ce... pour entrer dans ce
nouveau cadre là. Voilà.
M. Morin : Merci. Il me reste
encore une minute, deux minutes?
Le Président (M. Jacques) : Trois
secondes.
M. Morin : Trois secondes...
Qu'est-ce que vous pensez d'un protocole d'instance pour faciliter la procédure
devant le TAQ?
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Ceci met fin à la période d'échanges. Je cède maintenant la parole au
député de Taschereau pour 4 minutes, 8.
M. Grandmont : Oui. Merci, M.
le Président. Me Gratton, Me Georgescu, Mme Melançon, merci
d'être là aujourd'hui. J'aimerais d'abord aller sur le 93 % versus
7 % que vous avez beaucoup évoqué...
M. Grandmont : ...93 %
des cas qui se règlent de gré à gré. On comprend que, sur l'ensemble de ce qui
se passe au Québec, j'imagine qu'il y en a beaucoup, là. J'ai beaucoup suivi le
dossier du tramway, évidemment, des fois, c'est des petites... on appelle ça des
lichettes de terrain. Donc, des cas, il doit y en avoir énormément au Québec.
Je peux comprendre que le 7 % représente peut-être plus des cas qui sont
coûteux, complexes dans des projets, des grands ensembles, ligne bleue et
autres projets de ce type-là. Le 7 %, là, sur la valeur totale des
expropriations au Québec, des montants qui sont versés en indemnisation, là, ça
représente combien, ce 7 % là de l'ensemble?
M. Gratton (Luc) : On n'a
pas... on ne peut pas vous donner de réponse, ça doit varier avec les années,
là. Écoutez, c'est comme dans le domaine civil, on a des règles, dans le Code
civil, qui aménage les droits des... les droits et obligations des gens entre
eux. Comme avocats, nous autres, l'expérience que l'on a, c'est que 90 %
des dossiers de litigieux vont se régler hors cours. Mais, je veux dire, d'une
année à l'autre le montant qui va se régler, je n'en ai pas connaissance. Et je
ne pense pas...
M. Grandmont : On peut
soupçonner que ça... On peut soupçonner que ça va être un montant quand même
plus important que 7 %.
M. Gratton (Luc) : Ah! ça,
c'est évident, c'est évident.
M. Grandmont : Parfait. Vous
avez parlé aussi de la crise du logement. Je m'interroge quand même, parce que
depuis... La crise du logement, elle existe... ce n'est pas un phénomène
récent, elle existe depuis au moins... Moi, j'ai commencé à travailler dans des
comités de citoyens il y a longtemps, en 2005, puis déjà on parlait de la crise
du logement, qui avait débuté en 2000. On joue dans des règles, le p.l. n° 22
n'est pas encore adopté, sanctionné, il y a une crise du logement. En quoi le
contexte actuel n'a pas permis de régler cette crise du logement là? Donc, vous
soupçonnez que le 22 l'empêcherait... empêcherait de régler cette crise du logement
là, alors qu'elle existe depuis déjà 20, 23 ans, cette crise-là. Alors, il est
où, le risque? Elle est où, la crainte, finalement, là?
Mme Melançon (Isabelle) : Bien,
il y en a plusieurs. Dans le fond, ça va être un nouveau cadre juridique qui
sera exclusif au Québec, si on adopte le projet de loi n° 22 dans sa
mouture actuelle, là, contrairement à tout ce qui est fait ailleurs dans le
Canada. Je pense que Maître Georgescu vous l'a bien élaboré tout à l'heure. La
problématique, c'est qu'actuellement... Puis là je vais mettre vraiment mon
chapeau IDU, là. Actuellement, on a un problème conjoncturel avec les taux
d'intérêt, avec tout ce qui se passe, là, vous le savez mieux que quiconque,
là, on a cette problématique-là, mais il vient s'ajouter des couches à chaque
fois sur le dos des entrepreneurs immobiliers.
Par exemple, là, on a décidé, du côté
d'Ottawa, d'enlever la TPS. Du côté de l'Ontario, on a décidé d'enlever la taxe
provinciale, chose qu'on n'a pas décidé de faire du côté du Québec. Savez-vous
que les investisseurs vont se dire : Il y a un problème, actuellement,
avec le projet de loi n° 22 au Québec, il n'y a plus de TVQ... il n'y a
plus de TVO, donc, la taxe de vente de l'Ontario, il y a plus de... on va s'en
aller en Ontario, on va aller investir, on va aller mettre des capitaux en
Ontario. Ils vont faire la même chose avec la Colombie-Britannique, qui ont
aussi fait des choix autres. Donc, c'est... les choix qui sont faits
aujourd'hui mettent une pression supplémentaire, alors que je veux juste vous
dire, là : Les promoteurs ont besoin de tout sauf d'une pression
supplémentaire, actuellement, pour faire du logement.
M. Grandmont : Il y a des
groupes qui sont venus nous voir, puis ils nous ont dit : Ce que les
promoteurs ont besoin, c'est de la prévisibilité. Puis ils nous ont dit qu'à
l'intérieur du p.l. n° 22, de la façon dont il est écrit, il y a même de
la matière à lutter contre la crise du logement, au contraire... tout à fait au
contraire de ce que vous dites actuellement, là.
Mme Melançon (Isabelle) : Bien,
moi, je peux vous dire que je représente quand même la très, très grande partie
des entrepreneurs immobiliers, puis il n'y a pas personne qui est venu me dire
qu'à l'intérieur du projet de loi n° 22, tel qu'il est rédigé
actuellement, avec le déséquilibre que ça va créer, ça va permettre de sortir
du logement de terre.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Ceci termine la période d'échanges avec les membres de la commission.
Je vous remercie pour votre participation.
Et la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 02)
Le Président (M. Jacques) : Bonjour
à tous. La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux.
Nous poursuivons les consultations particulières et les auditions publiques sur
le projet de loi no 22, Loi concernant l'expropriation. Cet après-midi, nous
entendrons les organismes suivants : Vivre en ville, l'Association
nationale des propriétaires de terrains de golf du Canada et le Centre
québécois du droit de l'environnement.
Je souhaite la bienvenue aux représentants
de Vivre en ville. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire
votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter
votre exposé.
M. Savard (Christian) : Bonjour
à tous. D'abord, merci à la commission pour l'invitation pour venir commenter
cet important projet de loi. Mon nom est Christian Savard, je suis directeur
général de Vivre en ville. Je suis accompagné de Samuel Pagé Plouffe, directeur
affaires publiques chez Vivre en ville, également.
Donc, d'entrée de jeu, on tient à saluer l'intention
du gouvernement de moderniser le régime d'expropriation québécois. On sait que
le Québec s'est donné des objectifs importants en matière environnementale,
notamment en protection du territoire. On sait que, lors de la COP15, de l'année
dernière, on a décidé de viser une protection de 30 % de notre territoire.
On sait également qu'on a des enjeux en matière de logement, et une des clés, c'est
le contrôle du foncier pour les villes, si on veut construire plus de
logements, que ce soit privé ou public, il faut que les villes aient davantage
d'outils pour avoir un certain contrôle du foncier, particulièrement pour le
logement social, où est-ce qu'avoir des terrains est très difficile.
Considérant aussi que le gouvernement a pris des engagements de construire de
grands projets de transport public, ayant vu, dans les dernières années, des
projets de transport public menacés, en matière de coûts, en raison du régime
actuel d'expropriation, et considérant également que le Québec s'est doté d'une
politique nationale d'architecture et d'aménagement du territoire qui marque un
certain virage dans l'importance qu'on donne à comment on aménage nos villes et
qui va demander aux différents paliers de gouvernement, que ce soit le
gouvernement du Québec ou les villes, davantage d'outils pour atteindre les
objectifs, on ne peut qu'encourager le gouvernement à aller le plus loin
possible dans la modernisation de cette loi-là afin de faciliter les processus
et de diminuer les coûts pour les pouvoirs publics.
Nous avons... on n'a pas... on ne croit
pas avoir la finesse sur les technicalités juridiques. Toutefois, sur la portée
du projet de loi, on croit qu'on a quelques recommandations dans notre mémoire,
qu'on vous a transmis, qui pourraient le bonifier et l'amener, là, un peu plus
loin. Donc, je laisse maintenant mon collègue vous présenter quelques-unes de
ces recommandations.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Merci.
Merci, Christian. Bonjour, tout le monde. Je commencerais rapidement par une
statistique : en 1980, 75 % des enfants québécois allaient à l'école
à pied. Aujourd'hui, c'est moins de 25 % des enfants qui peuvent le faire.
Et ça, la raison pour laquelle c'est le cas, c'est que les écoles, comme d'autres
services publics, se sont beaucoup éloignées, hein, notamment en raison de l'étalement
urbain. Donc, les services du quotidien se sont éloignés. Et là je veux juste
vous dire, on ne prétend pas que l'expropriation, le régime d'expropriation à
lui seul est responsable de cette statistique-là, bien sûr que non, par contre,
il est vrai...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...comme
il est souvent plus cher et plus compliqué d'aller chercher un terrain qui est
bien situé, qui est sous-utilisé, mais qui se trouve à proximité des services,
ça a comme conséquence, effectivement, que les services sont souvent moins bien
localisés. Et on a encore tout récemment un exemple d'école qui se retrouve,
là, en périphérie, sur le bord d'une autoroute, à un endroit où même la qualité
de l'air est néfaste pour les enfants. Et ce que l'on se dit, c'est : Avec
un régime de l'expropriation renouvelé, c'est vrai pour les écoles, mais ce
sera vrai pour les autres services publics, ce sera vrai même pour le
développement de la mobilité durable, ce sera vrai pour l'habitation. Il sera
possible d'en faire plus pour pour moins cher.
Alors, notre mémoire, là, ça s'appelle
Pour un régime d'expropriation au service de l'intérêt public. Et on trouve que
cette idée-là d'intérêt public est vraiment fondamentale dans la discussion
qu'on a à avoir, intérêt public, certes, pour ce que ça coûte aux contribuables
québécois de développer des infrastructures, mais intérêt public aussi pour une
qualité de vie collective, là. On passe beaucoup plus de temps, je veux dire,
je donnais l'exemple, là, avec les écoles, beaucoup plus de temps dans la
congestion, parce que... parce qu'on a un développement qui est très étalé,
parce que les terrains les plus intéressants, souvent, sont... sont trop chers.
Alors, je passe rapidement à nos
principales recommandations. La première recommandation. Élargir la portée du
projet de loi pour habiliter les pouvoirs publics à utiliser l'expropriation
pour accélérer et encadrer le développement des terrains autour des
infrastructures de transport en commun. Je ne crois pas être le seul, en tout
cas, que... Vivre en ville, on n'est pas les seuls à avoir fait cette
proposition-là devant cette commission. Je sais que la STM, notamment, en a
fait part. On a regardé un peu ce qui se passe, là, en Colombie-Britannique,
puis effectivement on trouve que c'est un modèle qui est inspirant. Donc, c'est
notre première recommandation.
Ensuite, peut-être notre recommandation la
plus originale, exiger que toute expropriation soit réalisée en cohérence avec
les finalités de la planification territoriale. Donc, les finalités de la
planification territoriale, c'est un... c'est un article qui se retrouve dans
la... dans la LAU, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui a été modifiée,
là, tout récemment, donc, au mois de juin dernier. Et on a ajouté donc une
série d'objectifs de pourquoi on fait de la planification territoriale. Et,
pour nous, c'est un petit peu un garde-fou parce que ces objectifs-là, vous...
vous pourriez, vous pourriez aller les consulter, ce sont tous des objectifs
qui vont dans le sens de l'intérêt public.
Alors, comme disait Christian tout à
l'heure, on a une nouvelle politique d'aménagement du territoire. Et définitivement
le renouvellement du régime d'expropriation, ça peut être un puissant outil
pour l'aménagement durable du territoire. Et pourquoi pas, là, on a même une
proposition de libellé sur comment on pourrait le faire, là, mais pourquoi pas
donc avoir les finalités de la planification territoriale pour guider,
finalement, pour guider le législateur qui décide d'exproprier, ou enfin les
pouvoirs publics?
Recommandation 3. Inclure la lutte
contre les changements climatiques et la protection de la biodiversité comme
motif d'utilité publique ou de fins municipales. Là, ce que je dirais
là-dessus, là, notamment pour guider les tribunaux dans leur interprétation et
peut-être une interprétation qui pourrait être évolutive en fonction de
l'évolution de la science. Et concrètement, demain matin, comment... comment
cette recommandation-là transformerait l'interprétation des tribunaux? Je ne le
sais pas, mais je pense que, justement, les tribunaux seraient invités à,
justement, à se fier davantage à la science climatique.
• (15 h 10) •
Recommandation 4. Consacrer la valeur
marchande comme base de la fixation de l'indemnité d'expropriation, comme le
propose le projet de loi, et baliser davantage ce concept. Donc, pour
l'essentiel, comme le... comme le disait Christian tout à l'heure, nous à Vivre
en ville, on reçoit bien le projet de loi, on le voit d'un bon oeil et on
appuie, là, la décision d'y aller avec la valeur marchande pour... pour
déterminer les montants d'expropriation. On constate qu'il y a différents... différents
partenaires, notamment de la CMQ, qui ont souhaité que ça... qu'il y ait un
balisage un peu resserré de la manière dont on détermine l'indemnisation qui
doit être fournie. Mais somme toute, cette recommandation-là, le message que
l'on veut passer, c'est que l'on appuie l'orientation générale du projet de
loi.
On a deux propositions aussi où, là,
franchement, on a une grande humilité, là. On propose d'étudier la possibilité
d'indemnités réduites pour décourager la négligence et l'abandon d'immeubles et
pour encourager la construction résidentielle...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...terrain
qui est vague ou qui est sous-utilisé depuis très longtemps, est-ce qu'il ne
pourrait pas y avoir une certaine, disons, pénalité dans le montant de
l'indemnisation, justement, pour encourager la construction résidentielle, pour
faire face à la crise de l'habitation? C'est une question qu'on pose. Puis
peut-être que ce serait un régime transitoire, mais on propose aux décideurs, à
tout le moins, d'y réfléchir. J'ai essayé de consulter, là, l'analyse d'impact
réglementaire du projet de loi. J'ai trouvé une version préliminaire, mais je
n'ai pas trouvé, donc, tous les détails, je ne sais pas si ça a été considéré.
Recommandation 7, adopter les articles sur
l'expropriation déguisée inscrits dans le projet de loi, et recommandation 8 — il
faut vraiment les lire ensemble — lors d'une prochaine intervention
législative du ministère des Affaires municipales, donc, codifier le principe
et, essentiellement, donc, protéger les pouvoirs des municipalités en matière
d'urbanisme, de zonage, tout ça, parce qu'on ne croit pas qu'à travers
n° 22 on va régler la question de l'expropriation déguisée. C'est une
question qui est particulièrement, disons, urgente depuis les deux dernières
années, depuis les décisions récentes des tribunaux. Le ministère des Affaires
municipales aura à fournir, je crois, une solution législative pour clarifier
les choses, mais je ne crois pas qu'on y arrivera à ce moment-ci.
Donc, ce sera tout pour ce qui est de nos
recommandations spécifiques, et on est, évidemment, disposés à prendre
l'ensemble de vos questions.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre présentation. J'invite maintenant la députée d'Argenteuil à
débuter les échanges.
Mme Grondin : Merci, M. le
Président. M. Savard, M. Pagé-Plouffe, peut-être, avant tout, excusez la
ministre, qui est absente, elle est au salon bleu en motion du mercredi. Elle
aurait bien aimé être avec vous. Donc, je vais tenter d'être aussi éloquente
qu'elle.
On sait que, bon, le dépôt de projet de
loi, vous l'avez bien vu, c'était une demande, depuis des années, à maintes
reprises, par le milieu municipal et d'autres acteurs de la société. On voit
que la loi actuelle a d'importants impacts sur la hausse des outils... des
coûts des projets d'infrastructure, des infrastructures, notamment, ou des
projets structurants, et sur les délais de livraison. Et depuis le début de la
consultation, il y a une majorité, là, d'intervenants, à ce jour, qui sont en
faveur du projet de loi.
En novembre 2021, vous aviez co-signé
une lettre, notamment, M. Savard, où vous souhaitiez que la réforme devait
avoir pour objectif une meilleure localisation, un meilleur contrôle des coûts
des équipements publics et une réalisation plus efficace des projets. Malgré ce
que vous nous avez partagé, est-ce que vous considérez que l'objectif est
atteint?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien,
pour l'essentiel, je crois que l'objectif est atteint. On devra, je crois,
mesurer l'atteinte de cet objectif-là au moment de la mise en œuvre de la
nouvelle loi. J'ai essayé de me faire une tête combien on va économiser avec
ça, et c'est difficile parce que ce que le projet de loi vient faire, c'est
limiter la spéculation, et la spéculation, bien, parfois, un projet de loi...
excusez-moi, une expropriation... Par exemple, pour la ligne bleue, certains
terrains ont coûté quatre fois plus cher que l'estimation du départ. Est-ce que
ce sera le cas pour l'ensemble des expropriations? Est-ce que les
indemnisations vont être réduites de manière faramineuse à chaque fois? C'est
évident que la réponse est non. Et on sera bien intéressés de voir à quel point
ça contribue à améliorer, à diminuer les coûts, dans certains cas, et, aussi, à
améliorer la rapidité de la livraison.
Mais ce que j'ai à dire là-dessus, c'est
que, je crois, le gouvernement a fait, c'est de répondre positivement à la
demande qui a été faite, beaucoup par le milieu municipal, mais, vraiment, pas
que par le milieu municipal. Vous avez nommé la lettre ouverte que l'on avait
signée. Donc, il n'y a pas de surprise pour nous, hein? La demande qui a été
faite, c'était, effectivement, d'y aller sur la valeur marchande, et donc, oui,
somme toute, le projet de loi va dans le bon sens...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...je
spécifie quand même sur la question de l'expropriation déguisée, c'est tout
autre sujet.
Mme Grondin : J'aurais
évidemment des questions à ce sujet. Mais... mais avant d'embarquer dans cet
aspect-là du projet de loi et surtout sur toute la question de la protection
des milieux naturels - c'est mon dada, donc on pourra en parler si nous avons
le temps - on a eu quelques intervenants, là, qui sont venus pour nous
expliquer en fait que ce projet de loi aurait des impacts sur le développement
d'habitations, par exemple, ou qui viendrait réduire l'attraction des
investissements. J'aimerais vous entendre sur ce sujet-là.
M. Savard (Christian) : Nos
difficultés à comprendre pourquoi ça ferait ça, oon l'a entendu, puis on n'est
pas... on ne comprend pas. Il n'y aurait... Il n'y aurait personne qui va
perdre sa chemise. Il n'y a pas de remise en question du droit de propriété. On
n'est pas en train de saisir des terres, on est en train de moderniser une
vieille loi qui, de par son évolution avec le temps, a montré ses limites de
manière flagrante.
On l'a vu, il y a un paquet d'intervenants
qui sont venus nous dire : Vous voyez, on n'a pas pu faire ça à cause de
ça ou ça nous a coûté des dizaines de millions de plus à cause de ça. Et je
crois... Je ne crois pas que les propriétaires vont être floués dans
l'expropriation. Il ne faut pas oublier non plus que, tu sais, il y a une
limite à ce que les pouvoirs publics vont pouvoir exproprier, là. Tu sais, tu
ne le fais pas pour le faire. Tu le fais parce que tu as des très bonnes
raisons d'intérêt public. Et je pense que les défis auxquels font face... qu'on
fait face nécessitent ce genre d'intervention là.
On se rend compte qu'à travers le monde
les sociétés qui réussissent, là, à relever un certain nombre des défis
environnementaux, sociaux qu'on a, très souvent les pouvoirs publics n'ont plus
accès à du foncier. Mais il y a différentes manières de ça. Des fois, ils
possèdent d'avance, mais parfois il faut pouvoir acheter. Et le régime actuel
ne fonctionne pas et est en quelque sorte brisé.
Je pense que personne qui... Nous, on n'a
pas cette interprétation-là qui est que les gens. Puis il ne faut pas oublier
que le régime québécois... il y en a d'autres ailleurs, des régimes
d'expropriation qui sont souvent mieux calibrés, et je ne pense pas qu'on
quitte ces juridictions-là pour ça, là. Donc, probablement que le régime
québécois actuellement est trop généreux.
Mme Grondin : Oui, allez-y.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Un
petit élément complémentaire. Si on réussit à construire plus efficacement et à
moindre coût des projets de transport collectif, bien, forcément à construire
plus parce qu'on en aura plus pour notre argent. Et je nous invite à penser au
développement immobilier qui se fait tout autour du REM. On voit ce que ça a
comme conséquences quand on lance des projets de mobilité, de mobilité durable,
ça propulse en fait le développement de l'habitation. Après, bien, c'est vrai
qu'il faut avoir les capacités d'offrir de l'habitation qui réponde aux
différents besoins. Et je sais que les gens en habitation, notamment logement
social, tout ça, ont des revendications pour le projet de loi. Je crois que
c'est important de les entendre. Mais somme toute, on voit d'un bon oeil, à la
fois pour la fois pour le transport et pour l'habitation, ce qui se trouve dans
un projet de loi.
• (15 h 20) •
Mme Grondin : M. le
Président, il me reste combien de temps pour que... parce que j'ai beaucoup de
questions
Le Président (M. Jacques) : 9 min
31 s.
Mme Grondin : Ah! yé. Si on
va du côté de la protection des milieux naturels, si on prend l'aspect, par
exemple, d'expropriation déguisée, il y a eu, au cours de la présente
consultation, différentes propositions. Vous soulignez le fait qu'il est
probablement très important d'enchâsser le principe - en fait, je le résume
comme ça, mais n'hésitez pas à me corriger - le principe qui reconnaît les
devoirs du milieu municipal, des devoirs qui sont sans équivoque en matière de
protection de la biodiversité. Vous en parlez notamment à la page 17 de
votre mémoire. Est-ce que je comprends bien, dans le fond, qu'il y a peut-être
un autre véhicule que le projet de loi n° 22 qui viendrait enchâsser ce principe-là?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui,
absolument. Donc, ce que le projet de loi fait, c'est...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...de
débuter une certaine codification de la question de l'expropriation déguisée.
Ceci dit, on est loin d'avoir une clarification et une protection des pouvoirs
des municipalités en matière de zonage, d'urbanisme, de réglementation. Et
donc, bon, nous, on est à l'aise, là, à ce que le gouvernement adopte les
articles qui concernent l'expropriation déguisée dans le projet de loi. Ceci
dit, on est convaincus qu'il sera nécessaire d'y avoir une seconde intervention
législative, celle-ci du ministère des Affaires municipales et de l'Habitation,
spécifiquement pour protéger les pouvoirs des municipalités en matière de
protection du territoire, protection des milieux naturels, et essentiellement
ce sont des pouvoirs de zonage, hein? Et, à cet égard-là, bien, quand les
municipalités utilisent ces pouvoirs-là, il ne faut pas que ça donne... il faut
que ça donne lieu à des indemnités. Et l'expropriation déguisée, c'est un
concept qui a été interprété par les tribunaux, et là, maintenant qu'on
constate, là... On avait fait partie, à Vivre en ville, même d'un recours à la
Cour suprême, on y réfère dans notre mémoire, et, bon, la Cour suprême a refusé
de l'entendre. Et donc, maintenant, la balle est complètement dans le camp du
législateur.
Et moi, une chose qui me rassurerait
beaucoup en fait, c'est qu'il y ait un engagement, peut-être de Mme la ministre
ou, enfin, du gouvernement, que, dans un deuxième temps, on y revienne, à la
question de l'expropriation déguisée, peu importe lequel véhicule, mais
peut-être dans un omnibus municipal, donc pour donner de la... de la clarté, de
la prévisibilité aux municipalités qui ont des obligations très importantes en
matière de protection du territoire puis qui vont devenir de plus en plus
importantes. Christian parlait tout à l'heure de la politique d'aménagement du
territoire. Dans les nouvelles orientations gouvernementales, on va exiger
d'identifier, de protéger, par exemple, les corridors écologiques, tout ça.
Mais on se retrouve en ce moment dans une espèce de flou ou de vide... pas de
vide juridique, en fait, je dirais, dans une incertitude qui limite
définitivement la capacité des municipalités à le faire.
Mme Grondin : Bien, en fait,
peut-être, pour vous rassurer d'emblée, je sais que la ministre discute
actuellement avec la ministre des Affaires municipales et le ministre de
l'Environnement. Donc, effectivement, là, ils sont en train de regarder de
quelle façon et si c'est possible d'intervenir à ce niveau-là.
Vous avez parlé... En fait, il y a
certains intervenants qui suggèrent de définir ce que c'est, une expropriation
déguisée. Est-ce que vous considérez que c'est un élément qui est essentiel?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Pas
à ce moment-ci.
Mme Grondin : Parfait.
Peut-être une autre petite question. Je vous ramène à la recommandation numéro
deux, en fait : «Exiger que toute expropriation soit réalisée en cohérence
avec les finalités de la planification territoriale». Vous en avez parlé. En
fait, j'aimerais bien saisir parce que je vous avoue que, d'emblée, je suis un
peu préoccupée. La connaissance du territoire au sein des MRC, elle n'est pas
pareille partout au Québec, puis il y a encore beaucoup de connaissances à
acquérir. Il y a des enjeux qu'on va découvrir, notamment avec les changements
climatiques ou l'adaptation aux changements climatiques, il y a des... Donc,
est-ce que ce n'est pas un peu comme encarcaner la loi sur l'expropriation si
on le met dans un outil de planification territoriale qui n'est pas révisé
quotidiennement, nécessairement?
M. Savard (Christian) : J'aurais
tendance à dire que... Puis je comprends pourquoi on pose la question. J'aurais
tendance à dire qu'à notre lecture c'est le contraire, elle renforce la loi,
parce que les finalités sont relativement larges, hein, et concernent notamment
l'adaptation aux changements climatiques. Et c'est aussi une manière de
lancer... de renforcer le message de la bonne planification et que ce n'est pas
qu'un caprice, par exemple, d'un gouvernement, de faire de l'expropriation,
c'est parce que ça s'inscrit à travers les orientations qu'il a inscrites dans
une... dans sa loi qui concerne le territoire, donc la LAU.
Donc, pour nous, ça vient au contraire
embrasser un peu plus large et donner plus de force aux motifs d'expropriation.
Donc...
M. Savard (Christian) : ...C'est
un enjeu de cohérence et de renforcer, je dirais, tout le régime d'aménagement
du Québec en faisant ça. Donc, c'est comme ça que... C'est dans... c'est le
sens de notre proposition.
Mme Grondin : ...en
désaccord, mais peut-être, pour le commun des mortels, peut-être, c'est
peut-être le terme «finalité», en fait, qui, selon moi, n'est peut-être pas
assez concret. Qu'est-ce que ça veut dire, vraiment, là? Est-ce que vous
êtes... Vous seriez en mesure de me donner un exemple, par exemple, pour la
protection de la biodiversité? Ça serait ça, le grand... La grande finalité,
même si on ne connaît pas les endroits où il faudrait conserver sur un
territoire, par exemple?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Absolument.
En fait, les finalités, c'est un terme, effectivement, qui est assez technique.
Les finalités de la planification territoriale, c'est tout simplement un
article auquel on réfère qui se trouve dans la nouvelle loi sur l'aménagement
et l'urbanisme. Et donc il y a une série d'objectifs communs qu'on se donne sur
la planification territoriale. Et l'objectif neuf se lit ainsi : «la conservation
et la mise en valeur des milieux naturels, de la biodiversité ainsi que
l'accessibilité à la nature». Donc, effectivement, ce à quoi vous référiez s'y
trouverait directement, disons, impacté, où on aurait le réflexe, finalement,
quand on fait des expropriations, de s'assurer de respecter cette finalité-là,
de protection de la biodiversité.
Peut-être un dernier élément. La bonne
planification nous permet aussi d'aller plus vite. Parce que, justement, quand
on se rend compte sur le tard que le choix du terrain qui a été fait pour une
école ou pour x service public se retrouve à être contesté par la population,
parce qu'il est loin des services, parce que, comme on disait tout à l'heure,
parce que la qualité de l'air est mauvaise, bien là, il faut revenir à la
planche à dessin puis il faut revenir en arrière. Donc, la planification a
cette vertu-là, la bonne planification, quand on se donne un plan de match,
d'arriver à mettre en œuvre plus rapidement nos projets.
Mme Grondin : Donc, c'est
comme un argument de plus en termes de prévisibilité?
M. Savard (Christian) : Oui,
c'est un argument de plus en termes de prévisibilité et de légitimité des
opérations d'expropriation. C'est comme ça qu'on l'a pensé. Mais... puis... et
de manière générale, on parle de prévisibilité, c'est pour ça que nous, je
conclurais peut-être votre... En disant : On dit, à la fin, que le projet
de loi devrait être... Entrer en vigueur, le nouveau régime, lors de l'adoption
du projet de loi, donc ne pas attendre six mois et... Mais également prendre
tout de suite les recommandations sur la... l'Expropriation déguisée, parce
qu'il y a comme une urgence d'agir dans tellement de domaines que... Et on a...
qu'il faut agir le plus vite possible et ne pas attendre au projet parfait et
ne pas faire des délais. Je pense que c'est un outil qui est essentiel. Je
voulais préciser ça.
Mme Grondin : C'est
malheureusement fini.
M. Savard (Christian) : Merci.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre intervention, Mme la députée. Je cède maintenant la parole
au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député d'Acadie, pour
16 minutes 31 s.
• (15 h 30) •
M. Morin : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, bon après-midi. Merci d'être là avec nous. Merci
pour votre mémoire.
J'ai quelques questions pour vous.
Notamment, à la recommandation quatre de votre mémoire, à la page cinq, donc,
vous suggérez de consacrer la valeur marchande comme base de fixation de
l'indemnité d'expropriation, comme le propose le projet de loi, et de baliser
davantage ce concept. J'aimerais ça que vous puissiez nous parler davantage,
qu'est-ce que vous entendez par «baliser davantage ce concept». Parce que,
quand on regarde le projet de loi, la valeur marchande du droit exproprié est,
au fond, la valeur que le législateur retient. Puis après ça, quand on va voir
aux articles, entre autres, 75, 84, 87, 88 et suivants, le législateur, dans
son projet de loi, nous propose déjà des formules pour calculer les indemnités.
Donc, qu'est-ce qu'on pourrait baliser davantage?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien,
c'est le concept, là, de l'usage possible et l'usage probable. En fait, comme
la CMQ l'a dit dans son mémoire, on a l'impression que des précisions
pourraient être apportées sur les éléments de preuve qu'une personne expropriée
doit présenter pour démontrer, là, la probabilité...
15 h 30 (version non révisée)
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...par
exemple de la concrétisation d'un usage qui pourrait être fait par le terrain.
Encore une fois, on a une certaine humilité aussi. Peut-être que le projet de
loi va assez loin, mais on entend différents intervenants nous dire : Là
dessus, là, sur l'usage possible, l'usage probable, il y a un flou qui
gagnerait à être précisé. Et, à cet égard-là, je serais bien même curieux d'entendre
ce que... tu sais, ce que le gouvernement a à dire sur le risque d'interprétation
que les tribunaux pourraient faire de ce concept-là. Et, bien, la CMQ y a
référé, la FUM aussi. Donc, on fait écho à cette préoccupation là, mais avec
une certaine humilité.
M. Morin : Donc, en fait,
vous, vous référez au fond plus spécifiquement à l'article 87 du projet de
loi, si je ne me trompe pas, où... quand le législateur dit dans son projet de
loi : L'usage le meilleur et le plus profitable d'un droit est celui que
confère au droit la valeur la plus élevée en argent. Puis, après ça, bien, en
quatre, on dit : Il est probable et non seulement possible que cet usage
se concrétise dans les trois ans qui suivent la date de l'expropriation. Donc,
c'est de ça dont vous parlez?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Exactement
de ça dont on parle.
M. Morin : O.K. O.K.,
parfait. Donc, vous voudriez au fond que le législateur...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...clarifie...
M. Morin : ...précise
davantage c'est quoi, probable?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : L'usage
le meilleur et l'usage probable, effectivement. Et peut-être que c'est à
travers des clarifications au cours de la commission que ça se fera. Est-ce
que, nécessairement, c'est par un amendement au projet de loi? On n'en est pas
certain. On sait que les tribunaux vont souvent se référer aux discussions qui
ont lieu lors de l'adoption des articles. Mais oui, clarifier les choses nous
semblerait dans ce cas-là utile.
M. Morin : O.K. Dans ce même
paragraphe là, quatre, le législateur propose une période de trois ans suivant
la date de l'expropriation pour, évidemment, l'usage probable qui va se
concrétiser. Il y a des groupes qui nous ont dit que trois ans, ce n'était
peut-être pas assez long, parce que, dans bien des cas, pour obtenir
différentes autorisations, permis, des différents paliers de gouvernement, ça
prend beaucoup de temps. Est-ce que vous pensez que le trois ans, c'est
suffisant? Est-ce que ça devrait être plus long que trois ans?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : On
n'a pas commenté sur le trois ans dans notre mémoire, et je pense qu'on n'a
même pas échangé entre nous là-dessus. À ma lecture et à la lecture de collèges
qui ont travaillé sur le mémoire, c'était un temps qui était justifié. C'est
certain que nous, dans la balance entre intérêt public et l'intérêt de l'exproprié,
bien, on penche du côté de l'intérêt public. Donc, rajouter des années, je
pense qu'on le verrait avec suspicion. Mais on n'a pas davantage une position
là-dessus.
M. Savard (Christian) : De
manière générale, on... Il y a... rajouter des années pourrait nous faire
glisser dans une nouvelle série d'interprétations et qui nous mèneraient à des
possibles dérives du régime actuel. A priori, là, pour répondre à votre
question à chaud, c'est... ce serait inquiétant d'aller plus loin. Et puis
même, c'est l'élément qui nous chicotte, là, de dire : Cet aspect là du
projet de loi peut-tu ouvrir la porte à... dans le fond, on ait encore des
indemnités trop élevées puis qu'on ne réduit pas à réduire les coûts des
expropriations. Donc, comme on le disait, c'est avec une certaine humilité.
Donc c'est pour ça qu'on croit qu'il faut s'attarder à cet aspect-là pour être
sûr qu'on fasse tout ça pour que ça ait le résultat voulu en ce qui concerne l'accélération
des projets et la réduction des coûts.
M. Morin : Il est clair, à la
lecture de votre mémoire, et vous n'êtes pas le seul groupe... Mais là, vous
venez de souligner spécifiquement qu'évidemment vous accordez une attention et
une importance particulière, au fond, au droit de l'expropriant. Mais
évidemment, c'est important. Et puis d'autres groupes nous ont dit qu'il
fallait rechercher un équilibre. Donc, que faites-vous du droit de l'exproprié?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien,
dans l'estimation de l'indemnisation, déjà, il y a quand même une approche cas
par cas. Alors, il y aura certainement certains cas où des... des parties
expropriées se retrouveront avec une indemnisation moindre qu'espérée. Mais il
demeure qu'une... il y a encore...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...la
prise en compte du préjudice, donc, au-delà de l'unique valeur marchande, ces
éléments-là sont encore pris en compte. Et moi, dans la lecture que je fais des
articles du projet de loi, c'est qu'effectivement il y a une approche au cas
par cas. Donc, on n'est pas dans une rigidité absolue qui empêche de prendre en
compte la situation des parties expropriées. Donc, voilà. A priori, on est
assez rassurés, en fait, du respect du droit de propriété. On est plutôt, à
l'inverse, inquiets des coûts très, très, très importants qui s'emballent souvent
pour de nombreux projets d'infrastructures, là.
M. Morin :
O.K. Merci. Toujours dans votre
mémoire, vous faites une référence, à la page 11, en haut, au régime qui
est utilisé en Colombie-Britannique, et vous suggérez qu'au fond le législateur
s'inspire de ce qui se fait en Colombie-Britannique dans le cadre de projets de
loi qui ont été adoptés à la Loi sur les transports pour du développement,
transport durable et collectif, avec les nouveaux pouvoirs d'expropriation en
lien avec leur système TOD, Transit Oriented Development. Avez-vous fait une
analyse ou est-ce que vous savez si le processus d'expropriation en
Colombie-Britannique est comparable à celui du Québec ou... Parce que, là, vous
voulez des pouvoirs accrus pour l'expropriant, est-ce que vous savez comment
ils compensent l'exproprié?
M. Savard (Christian) : C'est
une très bonne question qu'on pourrait fouiller. C'est un pouvoir relativement
nouveau en Colombie-Britannique. Ils font face à des enjeux encore plus criants
que nous, en matière d'habitation, en matière de développement d'unités
d'habitation, et donc afin d'accélérer le redéveloppement autour du transport
en commun, ils se sont dotés de cet outil-là, un peu à la manière, là, que, je
pense, j'ai cru comprendre, que la Société de transport de Montréal le
proposait, également. Ils se sont dotés de cet outil-là pour accélérer. Et donc
le but étant de faire en sorte de fournir plus rapidement des unités
d'habitation construites aux abords du transport en commun. Parce que ça peut
arriver, des fois, que, bien... Tu sais, la plupart du temps, ce que les
pouvoirs publics vont préférer, c'est que, bon, bien... Si ça se redéveloppe
parce qu'il y a un propriétaire qui a acheté les terrains et que ça va vite,
les pouvoirs publics n'utiliseront pas l'expropriation, là. Ça coûte de
l'argent, il ne faut pas oublier que c'est un régime d'exception, là, ce n'est
pas... le but n'est pas... on n'aura pas l'argent pour acheter le Québec, donc,
mais le but étant, bien, s'il y a un terrain très stratégiquement situé et qui
ne bouge pas parce qu'il y a des propriétaires que ça ne les intéresse pas, qui
sont assis sur leur terrain, que... pour plein de raisons, bien, qu'ils aient
cet outil-là pour dire : Écoutez, là-dessus, on pourrait construire deux
belles unités d'habitation situées à 800 mètres du transport en commun, ça
serait du toit pour du monde, bien, donnons-nous cette possibilité-là de
pouvoir... que les pouvoirs publics puissent exproprier pour cette fin-là, à
proximité du transport en commun.
• (15 h 40) •
Mais la... Votre question est bonne, pour
revenir très précisément. On n'est pas des spécialistes du droit, de la
question des expropriations, mais aller fouiller un peu serait intéressant. On
va peut-être essayer de le faire. On essaie de le faire, mais c'est...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : On
aime ça faire des...
M. Savard (Christian) : On
pourra vous revenir, même, éventuellement, si on trouve des choses.
M. Morin : Non. Mais
j'apprécierais parce que, tu sais, je reconnais votre expertise puis la...
toute la pertinence de vos propos puis de ce que vous voulez faire comme
groupe, comme association. Sauf qu'un peu plus tôt ce matin... puis, je ne sais
pas, vous avez peut-être écouté le témoignage de l'Institut de développement
urbain du Québec. Mais, entre autres, il nous mentionnait qu'en
Colombie-Britannique par exemple, les tribunaux bien... Comprenaient comme base
la valeur marchande, avaient beaucoup plus de discrétion que ce que le projet
de loi au Québec veut faire, et donc que, souvent, on utilisait, par exemple,
la valeur au propriétaire pour compenser les expropriés.
Donc, ce que je comprends... Puis c'est
pour ça, si vous pouvez évidemment vérifier puis nous revenir, j'apprécierais
grandement. Parce que ce que je comprends, c'est que l'autorité...
M. Morin : ...ce que je
comprends, c'est que l'autorité expropriante a peut-être plus de pouvoir pour
agir rapidement, mais par ailleurs l'exproprié, lui, perdrait probablement
moins qu'avec les balises qui sont suggérées dans la loi ou dans le projet de
loi actuel du Québec. Donc, on retrouverait cet équilibre, qu'on risquerait
peut-être de perdre si le projet de loi était adopté tel qu'il est?
M. Savard (Christian) : Personnellement...
De notre côté, on trouve que l'équilibre, actuellement, n'est pas le bon et que
d'élargir certains pouvoirs, notamment pour du développement autour du
transport en commun, dans la lignée du projet de loi, est le meilleur des
mondes pour l'intérêt public, selon nous. Mais je peux comprendre que d'autres
tiennent une position différente, là, mais il ne faut pas... Comme je le dis,
il n'y a pas de remise en question du droit de propriété, et tout le monde sera
indemnisé, personne ne va perdre de l'argent. De l'argent potentiel,
éventuellement, peut-être, mais c'est ça qui nous a menés à la situation
actuelle, qui a fait en sorte que... - je pense, la ligne bleue est un bel
exemple - mais que les villes aussi ne peuvent pas agir pour protéger le
territoire, pour protéger la biodiversité. Donc, en ce sens-là, je pense qu'il
y a...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Mais,
quand on parle de...
M. Savard (Christian) : Vas-y.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Mais,
quand on parle de l'intérêt public, là, il y a la question pécuniaire, là, donc
que les sommes des expropriations, pour les contribuables, soient raisonnables.
Mais loger le monde, développer suffisamment d'unités d'habitation, ça nous
semble être d'autant plus fondamental. Et, à cet égard-là, bien, comme l'a dit
Christian, ça nous fera plaisir d'analyser et d'approfondir la réflexion sur le
modèle de la Colombie-Britannique.
M. Morin : Puis je suis tout
à fait d'accord avec vous que se loger, un logement, pour quelqu'un, c'est
quelque chose qui est vraiment fondamental. D'ailleurs, le projet de loi, ici,
parle d'une forme d'indemnité pour les locataires. Est-ce que vous trouvez que
c'est suffisant? Parce qu'évidemment, un locataire - puis vous l'avez dit, là,
on le vit avec une crise du logement présentement - un locataire qui resterait
dans un appartement depuis 10 ou 12 ans, donc qui a un loyer évidemment qui
augmente, mais qui est probablement moindre que des loyers qu'il paierait dans
le même quartier, là, aujourd'hui... Est-ce que vous pensez que le projet de
loi le protège suffisamment, qu'il pourrait se relocaliser ou s'il va être
obligé d'aller véritablement ailleurs?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Encore
une fois, moi, ma compréhension, c'est qu'il y a... il demeure qu'il y a une
approche au cas par cas. Est-ce que dans la pratique, ce sera suffisant? Bien,
la question est bonne, parce que les prix de l'immobilier évoluent tellement
rapidement qu'il faudrait quasiment une mise à jour en continu de la manière
dont on détermine les indemnités, là. Donc, c'est le genre de choses qu'il
faudra, je pense, apprécier dans la pratique. Ceci dit, une chose qui est
certaine, si on exproprie et qu'on construit 10 fois, 15 fois, 20 fois plus de
logements dans le secteur, c'est certain que pour l'ensemble de la population
on se retrouve avec des meilleures conditions, là, d'abordabilité, là.
M. Savard (Christian) : Mais
c'est quand même intéressant d'aborder la question des locataires et de prévoir
quelque chose dans le projet de loi. Ce n'est pas quelque chose que j'ai
regardé en particulier, mais de... on aurait pu juste regarder l'intérêt du
propriétaire seul, tu sais, et d'ouvrir la porte est intéressant.
M. Morin : Parce
qu'évidemment, la question des locataires m'interpelle aussi, puis je comprends
que, si dans un projet collectif un promoteur construit plusieurs logements,
bon, après quelques années, ça va être mieux pour l'ensemble de la
collectivité. Mais, entre-temps, les locataires et propriétaires qui ont été
expropriés, eux, doivent se reloger maintenant. Donc, très bien. Écoutez, je
vous remercie.
Dernière question, parce qu'il me reste à
peu près une minute, M. le Président, à peine. La ville de Mascouche, ce matin,
nous disait que dans certains cas ils n'ont pas le choix de procéder à des
expropriations, parce qu'ils doivent se conformer à des règlements, que ce soit
de... Communauté métropolitaine ou des règlements du gouvernement en matière,
par exemple, de protection de milieux humides, protection de l'environnement et
que, là, ils sont obligés d'agir, puis des fois, que ça leur coûte cher. Et ils
prévoyaient où ils suggéraient un fonds que le gouvernement pourrait mettre à
la disposition des municipalités pour compenser les sommes qu'ils auraient à
payer. Est-ce que c'est quelque chose sur laquelle vous avez réfléchi? Est-ce
que vous ça vous apparaît une option utile pour aider les villes ou pas?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien,
je... On peut y aller?
Le Président (M. Jacques) : Trois
secondes.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : La
priorité doit être du côté de la clarification de l'expropriation déguisée,
donc, davantage que de miser sur l'expropriation pour protéger le milieu
naturel...
Le Président (M. Jacques) : ...merci
beaucoup à vous deux pour votre participation aux travaux de la commission.
Donc, nous suspendons quelques instants
pour faire place au prochain groupe.
(Suspension de la séance à 15 h 46)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Jacques) : Je
souhaite maintenant la bienvenue à l'Association nationale des propriétaires de
terrains de golf du Canada. Je vous invite à vous présenter et à faire votre
allocution de 10 minutes. Après coup, les membres de la commission vous
interpelleront et discuteront avec vous. Merci.
M. Pilon (Daniel) : Merci
beaucoup, M. le Président. Je vais changer un petit peu mon discours puisque
Mme la ministre n'est pas là. Donc, bonjour à vous, députés et députées membres
de la commission. Merci de nous recevoir aujourd'hui pour discuter de la
loi 22. Nous sommes très heureux d'être ici présents. Donc, je m'appelle
Daniel Pilon, propriétaire de troisième génération du terrain de golf à
Saint-Zotique. Je suis actuellement le président du conseil d'administration
national de l'Association nationale des propriétaires de terrains de golf du
Canada. Je suis accompagné ici de Mme Lucie Charlebois, que vous devez tous
connaître, Mme Charlebois, qui connaît aussi l'industrie du golf, étant
elle-même de la famille du golf, sa fille étant la troisième génération du club
de golf familial. Aussi avec moi, j'ai M. David Bérubé, directeur régional, Mme
Carole Bergeron, vice-présidente, ainsi que Nathalie Lavallée, directrice des
opérations au Bureau chef à Ottawa.
L'Association existe depuis plus de
30 ans, et nous offrons à nos 1 500 membres canadiens et
130 membres québécois une grande variété de services allant du marketing
jusqu'à la défense des droits et des intérêts. D'entrée de jeu, j'aimerais
spécifier que l'association n'est pas ici, aujourd'hui, pour démontrer une
contrepartie de la loi mais bien pour travailler ensemble, pour faire évoluer
la loi, pour que tout le monde en... puisse en être gagnant. Aujourd'hui,
l'ANPTG est présente devant vous pour établir nos préoccupations face à cette
nouvelle loi et les règlements encadrant le droit d'expropriation au Québec.
Nous croyons que cette loi, dans le contexte politique actuel, pourrait
rapidement faire reculer, même voir disparaître une portion considérable de
l'industrie du golf dans la province.
Vous savez, le golf est bien plus qu'un
simple sport, c'est une tradition profondément ancrée dans notre province.
C'est une portion unique de notre tissu social des banlieues, villes, villages
et régions du Québec. Ce sont aussi des liens familiaux qui se tissent à travers
des générations. Combien de jeunes enfants jouent avec leurs grands-parents?
Donc, c'est des souvenirs d'été. C'est des emplois d'été pour nos jeunes et
c'est aussi des emplois d'été pour nos semi-retraités. Ce sont aussi des
entreprises locales, des petites PME qui contribuent à notre économie et qui
motivent les adeptes à visiter des endroits de toutes les communautés partout
au Québec. Rappelons-nous que le golf a été un moyen de détendre les Québécois
de tous les âges et niveaux sociaux, de relâcher leur stress pendant la...
M. Pilon (Daniel) : ...la
pandémie, étant la seule activité qui a été permise aux Québécois et
Québécoises en mai 2020. Soulignons que la majorité d'entre eux,
d'ailleurs, ont continué sur le merveilleux sport qu'est le golf. C'est sûr
qu'on ne peut pas passer sous silence le merveilleux travail des «frontliners»,
des gens de la première ligne pendant la pandémie, mais lorsqu'on a eu
l'autorisation d'ouvrir nos terrains de golf, le 20 mai 2020, bien,
ce sont nos employés qui étaient là pour accueillir les golfeurs, pour les
déstresser, leur faire prendre le plein air, prendre une bonne marche dans un
club de golf.
De plus, le golf a un impact important sur
la santé physique, la santé mentale. D'ailleurs, plusieurs études démontrent
les bienfaits du golf, tels que la diminution des risques cardiovasculaires,
réduction du cholestérol nocif. Le golf permet aussi de travailler le souffle,
tonifie le corps, réduit le stress. Il permet de profiter du plein air et
favorise la détente. Le golf inculque aussi la patience, la concentration ainsi
que la persévérance. D'ailleurs, combien de jeunes enfants sont dans des camps
de jour dans les clubs de golf du Québec pour justement apprendre ces belles
valeurs-là que le golf peut inculper?
D'après l'étude d'impact économique du
golf au Canada faite en 2009 par l'Alliance nationale des associations de golf,
NAGA, le golf a injecté près de 3,2 milliards dans le PIB du Québec. C'est
un pilier sur lequel reposent de nombreuses familles, surtout dans les régions.
On parle ici de plus de 27 000 emplois directement reliés au golf,
18 000 emplois indirects pour un total de 45 000 emplois
qui est relié au golf. Donc, on parle d'un revenu des ménages de
1,9 milliard, ça, c'est si on parle de 2019. La prochaine étude va être
effective au mois d'avril 2024.
Donc, ce projet de loi, même basé sur une
volonté légitime de moderniser le processus d'expropriation, pourrait avoir des
conséquences dévastatrices pour les terrains de golf de la province. Il ouvre
alors la porte à des expropriations à moindres coûts pour les municipalités,
mettant ainsi en danger des entreprises familiales qui sont le cœur même de
notre communauté.
Les expropriations sont déjà un cauchemar
pour les propriétaires, mais cette loi rend la relocalisation pratiquement
impossible en dissociant l'indemnisation de la réalité du marché. Par exemple,
un propriétaire de terrain de golf se fait exproprier et il veut se
relocaliser. Il va devoir discuter avec un autre propriétaire pour acheter un 5
ou 6 millions de pieds carrés à la valeur du marché et la valeur de
l'activité économique dans toute sa potentialité où est probablement le bon
zonage. De plus, il faut se rappeler qu'il y aura des délais pour l'obtention
des permis, des autorisations en fonction des problématiques, telles que le
respect des zones humides. Ensuite, nous devons ajouter les délais sur la
construction du parcours, les installations, construction du pavillon
principal. Donc, la loi n° 22 décourage aussi les
investissements dans l'industrie du golf en amplifiant considérablement le
risque d'expropriation et en diminuant les montants d'indemnisation.
Un autre exemple. Je n'irai pas investir
un 2 millions de dollars sur un système d'irrigation, un système de
drainage si j'ai au-dessus de ma tête une épée de Damoclès, ce qui peut faire
que, excusez, M. Pilon, on vous exproprie votre terrain de golf. Je ne
récupérerai pas mes investissements. Ça peut aussi faire fuir les gens qui
veulent investir pour bâtir un nouveau parcours. Ça peut faire fuir aussi les
investisseurs d'une autre province, d'un autre pays qui veut acheter un club de
golf au Québec pour peut-être juste l'emmener dans un niveau international,
amener un tournoi de LPGA. Donc, c'est toutes ces choses-là qui peuvent être
vraiment... côté investissement.
• (16 heures) •
Une réduction progressive du nombre de
terrains de golf signifiera moins de nouveaux parcours, moins de possibilités
d'emploi pour nos jeunes et nos jeunes retraités, moins de dynamisme touristique
et moins de revenus pour nos communautés aussi. S'ajoute à tout ça le drame, un
drame trop souvent oublié dans les articles traitant de ce projet de loi, des
familles expropriées qui ont consacré leur vie et parfois plusieurs générations
à faire prospérer leur entreprise. Parfois, ces entreprises familiales
opéraient à perte pour une année ou deux, comme un été, comme cette année, où
est-ce qu'il a plu beaucoup, c'est difficile pour les golfs. Ce sont des
propriétaires qui ont travaillé sans compter les heures, qui ont manqué des
parties de soccer de leurs enfants, des parties de baseball, qui ont sacrifié
leur santé pour le bienfait de leur entreprise car c'était leur bébé, c'était à
eux. Il y avait la pression des générations aussi auparavant qui fait qu'on
continue la business, mais ils savaient qu'ils avaient devant eux une valeur
sûre avec leurs investissements, que leurs terrains gagnaient en valeur au même
titre qu'un multiplexe, qu'une maison ou simplement des REER.
Vous savez, mon père, il me disait
souvent : Dan, du pied carré, ça ne perd pas de valeur. Achète-toi une
terre, une terre agricole ne peut pas perdre de valeur. Un terrain de golf,
c'est du pied carré, ça ne perd pas de valeur. Mais, aujourd'hui, une menace
plane au-dessus...
16 h (version non révisée)
M. Pilon (Daniel) : ...de
leur tête la menace qu'ils peuvent perdre leurs investissements de plusieurs
générations. Je ne connais aucun Québécois qui aimerait et accepterait sans se
défendre que leurs investissements d'une vie, un patrimoine familial, soit
amputé de 20 %, 30 %, voire même 40 % après une expropriation.
L'ANPTG est consciente que, derrière cette
loi, l'intention du ministère n'est pas de provoquer plus d'expropriation mais
bien de moderniser et de clarifier le processus. Par contre, en pratique, l'indemnisation
financière a toujours été le principal frein limitant les villes et
gouvernements. Il s'agissait alors d'un pensez-y-bien, un pensez-y-bien
important. En changeant les modalités de ce pensez-y-bien en faveur des corps
expropriants, cet équilibre fragile est déstabilisé et met à risque l'ensemble
des propriétaires de terrains de golf du Québec. Nous connaissons tous l'impact
communautaire dévastateur qu'ont eu les expropriations requises pour le
développement de l'aéroport de Mirabel ainsi que du parc Forillon. Mon but ici
n'est pas de vous faire faire une comparaison mais plutôt de rappeler au
gouvernement concerné d'être prudent et de faire preuve de beaucoup de
vigilance dans le déploiement de cette nouvelle loi.
Premièrement, il est nécessaire d'offrir
au public plus de détails et de nuances sur les indemnisations reçues suite à
une expropriation. L'indemnisation financière est le contrepoids légal à ce
pouvoir exorbitant et les Québécois méritent d'obtenir plus d'informations intelligibles
pour tout sur les implications de cette loi. Avant le déploiement du projet de
loi n° 22, il est impératif que le gouvernement présente, détaille et
discute de l'analyse d'impact réglementaire menée par le ministère des
Transports avec les industries potentiellement affectées par une augmentation
des expropriations.
En conclusion, nous vous invitons à
prendre en considération les enjeux que nous soulevons aujourd'hui et à
envisager les amendements au projet de loi n° 22. L'ANPTG ne conteste pas
la nécessité d'équilibrer les intérêts des municipalités ou des propriétaires,
mais nous plaidons en faveur d'une réforme qui protège l'industrie du golf au
Québec et les autres industries dépendantes d'un grand terrain. Vous
comprendrez que l'industrie du golf ne se limite pas à un sport, elle est un
moteur économique, touristique, social pour les jeunes comme pour les moins
jeunes dans les quatre coins de la province. Si nous ne protégeons pas nos
terrains de golf, les Québécois risquent de perdre bien plus que des fairways
et des greens, nous risquons de perdre des emplois, des entreprises familiales,
des traditions et une partie de notre identité touristique.
Messieurs, dames, je vous remercie
énormément de votre écoute. Je suis à votre entière disposition pour répondre à
vos questions.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Châteauguay pour une intervention de 16 minutes 20.
Mme Gendron : Merci, M.
le Président. Bonjour. Bienvenue chez vous. Mme Charlebois, M. Pilon,
un grand merci d'être là aujourd'hui. Je ne doute aucunement que ça doit avoir
un certain défi de venir aujourd'hui pour vous. Je tiens également à souligner
la présence de votre équipe mais également vous vous féliciter pour... Je sais
c'est quoi, une entreprise familiale, je sais à quel point on peut s'investir,
puis je... on le constate tous ici aujourd'hui, là. Je pense qu'en fait vous
êtes un passionné, là, ça s'entend puis ça se voit. Donc, un gros, gros merci.
Je reconnais votre présence ici. Puis surtout aussi j'entends bien vos
inquiétudes, mais je dois aussi vous remercier pour votre ouverture. C'est très
apprécié.
En fait, moi, si je me permets, je veux
juste remettre quelque chose en contexte. Mme Charlebois, vous avez une
grande expérience politique. Puis, si on se remet dans le contexte d'un dossier
que vous connaissiez très bien et que vous connaissez très bien encore, vous
savez, la lourdeur, en ce moment, des démarches d'expropriation en lien avec,
justement, le financement, et tout ça, est-ce que certains projets de nature,
bien, publique, en fait, tel que l'hôpital de Vaudreuil-Soulanges, le
processus, bon, on avance tranquillement, il n'est même pas terminé encore
aujourd'hui, vous ne croirez pas... Vous... Est-ce que vous pensez que des
choses importantes comme un hôpital n'auraient pas pu être rendues possibles
plus rapidement, si on avait bénéficié d'un projet de loi comme celui-ci?
Mme Charlebois (Lucie) : Bien,
merci de me poser la question. Vous me faites extrêmement plaisir de vous
parler de l'hôpital Vaudreuil-Soulanges, parce qu'on l'a initié, Yvon Marcoux
et moi, puis je l'ai fini avec Mme la députée de Vaudreuil. Je n'ai pas perdu
mon langage parlementaire, vous voyez, je ne l'appelle même pas par son nom.
Mais c'est un projet qui me tient encore à cœur et que je vois que le
gouvernement poursuit.
Je tiens à saluer la poursuite de la
chose. Mais ceci étant dit, oui, ça aurait été plus facile, effectivement,
si... puis on n'est pas...
Mme Charlebois (Lucie) : ...ce
que M. Pilon vous a dit. On n'est pas contre la modernisation de la loi
puis on n'est pas contre la réduction des délais. On n'est pas contre la
modernisation de cette loi-là, là. Ce qu'on dit, c'est : Soyons prudents,
pour ne pas... Tu sais, s'il y avait eu un choix comme d'aller, exemple,
construire l'hôpital sur son terrain de golf ou le terrain de golf de ma fille,
pas sûre que ça aurait été une bonne idée. Il aurait fallu faire des recherches
plus approfondies. Puis je me souviens, à cette époque, comment on a fait de
recherches, puis même qu'après toutes les recherches, puis mon Dieu! qu'il y en
a eu de fait, on le mettait dans la forêt, on le remettait sur le terrain où il
est actuellement, on l'a mis à plusieurs endroits, l'hôpital. Mais quand vous
êtes arrivés au pouvoir, la première chose que vous avez faite, c'est remettre
ce processus décisionnel là en question, ça fait que ça a tardé. Mais,
effectivement, est-ce qu'on aurait pu faire plus vite? Oui, je vous l'accorde,
bien oui, parce que, si la loi avait été modernisée, ça aurait été plus rapide.
Vous avez raison, parce que là, il y a eu une question d'expropriation avec les
gens qui étaient là, puis ça a tardé, puis, pourtant, le terrain ne servait pas
à grand-chose. Vous avez tout à fait raison.
Mais ce qu'on vous dit... Puis là, je vais
laisser la parole à M. Pilon, parce que c'est lui qui est le représentant
pour les terrains de golf. Moi, je suis ici seulement pour l'appuyer, avec ma
petite expérience politique. Et ce que je veux vous dire, c'est qu'on est ici
pour vous parler spécifiquement des terrains de golf et de dire : Faites
attention pour ne pas qu'on perde cette expertise-là. Parce que, comme il vous
le disait, si on relocalise un terrain de golf qui a une valeur X puis qu'on le
met ailleurs, premièrement, il faut tenir en compte : Est-ce qu'on aura la
meilleure... le même environnement économique? Un. Deux, est-ce qu'on aura le
même... Parce qu'il faut faire des affaires, hein? Ça fait que, si tu as moins
de monde où tu t'en vas, c'est bien moins payant à la fin. Puis, deux, est-ce
qu'on aura la même enveloppe pour reconstruire? Parce que, si le terrain de
golf vaut... je ne sais pas, moi, je vous donne un chiffre... 10 millions, bien,
ça me prend 10 millions pour reconstruire, et même plus, parce qu'il y a
des équipements qui ne fonctionneront plus. M. Pilon peut poursuivre
là-dessus.
M. Pilon (Daniel) : Non.
Effectivement, Lucie, vous avez entièrement raison. Donc, nous, on est vraiment
là pour... Effectivement, il faut que le processus soit accéléré, parce qu'il
est déjà très long, on le sait. Mais nous, côté golf, ce qu'on veut,
c'est : on ne veut pas que chaque expropriation arrive à la fermeture d'un
club de golf, à la perte de 70, 80, 100 emplois dans une petite
communauté, des fois, de 2 500, 3 000 habitants. On parle souvent, tu
sais, des grosses usines qui ferment puis qui... on parle de ceux-là, mais là
on parle vraiment d'une industrie qui engage des étudiants, des semi-retraités.
C'est des emplois d'été, effectivement, mais c'est vraiment... c'est 70 à
100 personnes, par terrain de golf exproprié, qui vont perdre leur emploi,
tout simplement.
Mme Gendron : Je
comprends. Puis, dans une optique où est-ce que dans... en tout cas,
semble-t-il que les chiffres, c'est autour de 93 % des ententes sont en
faites hors cour, donc de gré à gré, puis, tu sais, que les deux parties sont
satisfaites d'une entente, vous ne pensez pas que la nouvelle loi, justement,
elle pourrait être plus prévisible puis laisser plus de latitude, justement,
puis favoriser le gré à gré, mais également auprès des terrains de golf tels
que le vôtre, là?
M. Pilon (Daniel) : Bien,
comme Mme Melançon disait ce matin, c'est 93 % des expropriations qui
sont réglées au gré à gré. Si ça continue encore comme ça, ça va être
merveilleux, ça va être bien. Mais moi, par la suite, je ne peux pas répondre,
je ne peux pas mettre des mots dans la bouche d'un propriétaire ou d'un
exploitant d'un terrain de golf de comment est-ce qu'il peut s'entendre avec la
municipalité ou le gouvernement pour établir son indemnité. Moi, je suis ici
pour dire qu'en ce moment, où est-ce que ça s'en va, bien, les risques sont que
c'est des clubs de... C'est la perte d'une industrie peut-être, là. Donc, c'est
là-dessus qu'on s'en va.
• (16 h 10) •
Mme Gendron : Bien,
j'entends vraiment ce que vous dites.
Mme Charlebois (Lucie) : C'est
la valeur marchande qui nous inquiète, là.
Mme Gendron : Oui, je
comprends.
M. Pilon (Daniel) : Puis
c'est surtout... tu sais, je vais vouloir reprendre un petit peu une phrase que
j'ai prise. C'est surtout si c'est un club de golf exproprié, puis on parle
d'un terrain de 5 à 6 millions de pieds carrés, et dans... J'essaie de trouver
le bon terme, là, que quelqu'un a utilisé aujourd'hui, là. On doit être
capables de relocaliser ce terrain de golf là, OK, dans une condition, la même,
si on veut, dans une même région économique. Donc, il faut acheter un autre
terrain de golf.
Moi, j'aime beaucoup prendre mon exemple,
moi, à Saint-Zotique, une petite municipalité puis... Parce que je connais mon
dossier puis je connais ma municipalité. J'ai un terrain de 5 millions de
pieds carrés en plein centre du village. Demain matin, la municipalité décide
de m'exproprier pour des raisons x, y, z, qui sont pour le bien de la
communauté, je le comprends. Mais je dois être en mesure d'être capable de me
relocaliser aussi. Parce que moi, je suis troisième génération de mon
entreprise familiale, j'ai un petit gars de six ans qui s'en vient puis
j'aimerais ça qu'elle reprenne, la business. Mais, si je me fais exproprier
puis je ne peux pas me rebâtir un terrain de golf, si je n'ai même pas les
moyens de m'acheter un terrain pour me rebâtir un terrain de golf, c'est juste
terminé, on tourne la page, puis, tu sais, c'est tout, là...
Mme Gendron : ...mais je crois
que je vais passer la parole à ma collègue, la députée d'Argenteuil.
Mme Grondin : Maintenant,
oui?
Mme Gendron : Bien, oui. Je
n'irai pas à mon autre question. Je vous laisse...
Le Président (M. Jacques) : Merci.
Le droit de parole, c'est au président à le donner, donc... Je vous ai laissé
faire depuis deux jours, là, mais là ça devient un peu trop fort. Donc, Mme la
députée d'Argenteuil, à vous la parole.
Mme Grondin : Merci, M. le
Président, de nous remettre à l'ordre. M. Pilon, Mme Charlebois, je
trouve ça beau. Vous rendez un très bel hommage, là, à la pratique du golf au
Québec. Vous savez, chez moi, on vient de fêter le 100ᵉ anniversaire du club de
golf de Lachute. Donc, je comprends très bien. Puis je comprends aussi, là,
qu'un terrain de golf peut être un moteur économique ou de vitalité dans un
milieu, dans une communauté. Par contre... Puis je suis contente, à l'instar de
ma collègue, ici, que j'entends une certaine ouverture. Vous avez dit que vous
n'êtes pas contre le projet de loi, contre sa modernisation. J'entends aussi
certaines de vos préoccupations. Mais moi, j'ai une question. Tu sais, il y a
des exemples très concrets de golf au Québec. Tu sais, je pense à Beloeil, à
Candiac, à Lorraine puis même chez moi, peux être, où le golf n'est plus
rentable. Les propriétaires ont de lourdes pertes de dettes, et là, leur
volonté, c'est de transformer cet usage-là, qui est honorable, en condos. Là,
on est ailleurs. Et donc j'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là que, là,
n'a pas abordé encore. Mais c'est l'une des raisons pour laquelle, tu sais, on
amène ce projet de loi là. Parce que, là, on est dans... on est ailleurs, là.
On n'est pas dans ce que vous décrivez de façon honorable, là.
M. Pilon (Daniel) : Vous avez
entièrement raison, mais je ne suis pas là pour débattre les intérêts des
promoteurs immobiliers. Ce que vous me parlez, c'est vraiment une poignée de
terrains de golf dans la région de Montréal. Vous me parlez de Belœil qui est
un club de golf qui est encore en opération, puis je ne veux pas tomber dans
les détails, mais, eux, ils ne demandent pas grand-chose, ils demandent juste
une petite partie de terrain pour être capable de continuer nos opérations par
la suite, qui est le champ de pratique. En ce moment avec la RCI, tu sais, ils
sont bloqués dans leurs projets. La RCI, c'est un peu le début d'une
expropriation, on va s'entendre. Il y a d'autres terrains de golf dans la
région métropolitaine qu'il y a un RCI qui est implanté puis ça fait que ça
gèle à leur propriétaire. Donc, c'est un peu encore un début d'une
l'expropriation, un RCI.
Ce que je veux dire, c'est... vous me
parlez de quelques terrains de golf. On peut les nommer, là, Rosemère,
Mascouche ce matin, la Ville de Mascouche, La Prairie, Candiac, c'est tous des
terrains de golf qui ont été vendus il y a plusieurs années, il y a quelques
années, mais moi, je ne suis pas là pour défendre les intérêts de ces
personnes-là, moi, je suis là pour défendre les intérêts du Club de golf de
Lachute, du Club de golf Léry qui est juste à côté, Club de golf Summerlea,
Atlantide, Île-Perrot, Saint-Zotique, Rivière-Rouge. Je suis là pour défendre
les intérêts de ces clubs de golf là, qui se passent de génération en
génération pour être capables de continuer la pérennité de l'industrie du golf
au Québec. Donc, les quelques clubs de golf qui ont été vendus pour des condos,
tu sais, l'IDU peut s'en occuper, là. Est-ce que ça répond à la question?
Mme Grondin : C'est très
clair. Merci. M. le Président, j'ai fini.
Le Président (M. Jacques) : M.
le député de Masson, à votre tour.
M. Lemay : Merci beaucoup, M.
le Président. Vous savez, dans vos recommandations que vous avez apportées dans
votre mémoire, votre quatrième recommandation, ça parle d'un mécanisme pour...
si jamais il y avait une expropriation partielle. Puis là j'aimerais vous
entendre davantage sur c'est quoi vous voyez comme mécanisme, dans le fond.
Parce que je comprends... tu sais, vous, vous voyez ça un mécanisme pour un
golf qui est actuellement ouvert et en opération. Tu sais, c'est différent de,
si exemple, le golf a fermé, c'était un golf, puis là il y a quelqu'un qui
détient les titres de propriété pour un éventuel projet, là. Ça fait que ça,
vous parlez pour un golf en opération.
M. Pilon (Daniel) : Oui.
M. Lemay : Parfait. Puis
avez-vous des détails ou des exemples de comment vous voyez ce mécanisme-là?
M. Pilon (Daniel) : C'est sûr
qu'il y a plusieurs manières de voir les choses. Puis il faut vraiment, après
ça, s'asseoir tous ensemble, puis vraiment plus négocier, puis regarder ça
ensemble. Mais on comprend que, si un club de golf...
M. Pilon (Daniel) : ...se
fait exproprier, je ne sais pas, il y a un beau site sur le bord du fleuve
Saint-Laurent, par exemple, puis la municipalité décide que ça serait un beau
parc pour les citoyens, d'avoir quatre trous, prendre les quatre trous qu'il y
a sur le terrain de golf puis faire un beau parc sur le bord du fleuve, comme
ça, ils vont avoir... les gens vont avoir accès à l'eau.
M. Lemay : Ça, on comprend.
On peut vous en donner, des exemples, ça pourrait être une école, ça pourrait
être une maison des aînés, ça pourrait être n'importe quoi. Mais, tu sais, si,
exemple, une ville ou une instance décidait de, justement, faire cette
expropriation-là, partielle parce qu'ils veulent juste un petit bout, comme
vous dites, c'est quoi le mécanisme que vous voyez, vous?
M. Pilon (Daniel) : bien,
c'est que là, en expropriant quatre trous, le terrain de golf vient de perdre
toute sa valeur.
M. Lemay : Mais ça, on le
comprend, là.
M. Pilon (Daniel) : On le
comprend. C'est quoi le... mais est-ce que c'est un changement de zonage pour
être capable de faire d'autres choses par la suite? Tu sais, il faut aussi que
la municipalité soit ouverte à dire : Regarde, oui, on va prendre quatre
trous, on s'excuse, il vous en reste 14. Mais un terrain de golf à 14 trous, je
ne sais pas si vous jouez au golf, là, mais ce n'est pas intéressant, là, on va
dire la vérité. Mais, tu sais, après ça, est-ce que la municipalité peut
dire : Regardez, non, on va faire tel projet, on peut faire telle chose
avec, on peut acheter le terrain pour... tout racheter le terrain ou,
carrément, juste changer le zonage pour...
M. Lemay : Ça fait que, si je
reformule, dans le fond, votre idée, c'est que, pour vous, un mécanisme, ça
serait... Si on fait un usage collectif partiel, ça serait de pouvoir permettre
un autre usage sur la balance du reste du terrain.
M. Pilon (Daniel) : Ou la
revente totale. Tu sais, ça reste que, tu sais, c'est un sport qui requiert 18
trous, donc, en enlever quatre, ce n'est même plus considéré comme du golf.
Excusez-moi, ça, c'est une opinion personnelle.
M. Lemay : Non, non, je
comprends.
Mme Charlebois (Lucie) : Puis
la valeur marchande, là, il faut faire attention, parce que la valeur
marchande, ce n'est pas la valeur aux taxes, ce n'est pas la valeur... C'est un
genre d'entreprise où il y a le chiffre d'affaires, il y a la valeur du
terrain, il y a la valeur de l'entièreté de l'entreprise, comment elle est
équipée, tout ça. Ça fait que c'est tout ça à voir, là. Puis, dépendamment où
elle est située, l'entreprise, elle vaut plus cher ou moins cher. Tu sais, en
Gaspésie, ça ne vaut pas le même prix qu'à Saint-Zotique. Puis je n'ai rien
contre la Gaspésie, là, je suis allée à Fort-Prével, c'est un beau terrain,
tout ça, mais ce n'est pas la même valeur... Voilà.
M. Lemay : Merci beaucoup
pour les éclaircissements, c'est très apprécié.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Donc, ça termine l'intervention de la partie gouvernementale. Je cède
maintenant la parole à l'opposition officielle, M. le député d'Acadie, pour 14
minutes 18 secondes.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour. Bon après-midi. Merci, merci d'être là. Ça apporte un
éclairage particulier, vraiment différent sur ce projet de loi. Votre
témoignage est intéressant, parce que, jusqu'à maintenant, on a entendu
beaucoup, beaucoup d'organisations municipales, villes, sociétés de transport,
mais très, très peu d'associations, par exemple, sauf peut-être pour l'UPA dans
le domaine agricole avec les agriculteurs, mais peu d'associations qui
représentaient, par exemple, des propriétaires qui ont une corporation ou une
compagnie quelconque, là. Donc, j'imagine qu'un terrain de golf, ce n'est pas toujours
un organisme à but non lucratif, là, donc le montage, sa capacité juridique est
sûrement différente.
• (16 h 20) •
Donc, c'est superintéressant, parce qu'au
fond, ce que je comprends de votre témoignage, c'est que vous n'êtes pas contre
le projet de loi, vous voulez que ça aille plus vite, mais, au fond, vous
recherchez un équilibre entre le droit des expropriants et le droit des
expropriés. Et est-ce que je me trompe si... Parce que, tu sais, on a entendu
plusieurs histoires de golf ou même de terrains de golf qui avaient été vendus,
puis là le promoteur, ou bien il y a un changement de zonage, ou il ne peut
développer, où là il poursuit la ville. Mais ça, ce n'est plus vraiment une
expropriation, je comprends que le terrain a été vendu, puis là, bien, c'est
quelqu'un d'autre. Vous, les gens que vous représentez, ils ont des terrains de
golf puis les gens veulent continuer de jouer au golf. Puis c'est des terrains
de golf qui fonctionnent, mais évidemment vous êtes un peu inquiets des
dispositions du projet de loi actuel. Je résume bien, je résume bien l'affaire.
Vous avez parlé, à un moment donné, que
vous avez peut-être peur. Puis, si j'exagère, rappelez-moi à l'ordre, mais vous
avez peut-être parlé que vous aviez peur même que l'industrie disparaisse à un
moment donné. Il y a combien... Avez-vous une idée, il y a combien d'employés
qui travaillent au Québec, dans des terrains de golf présentement?
M. Pilon (Daniel) : Notre
ancienne étude, qu'on a faite en 2019, parlait de... 25 000... 27 000 employés,
excusez-moi, qui travaillaient dans l'industrie du golf...
M. Pilon (Daniel) : ...comme
je mentionnais un peu plus tôt, on est en train de refaire la nouvelle étude
économique au Canada, donc elle va être remise au mois d'avril 2024, mais c'est
27 000 emplois directs et 18 000 emplois indirects, donc
pour un total de 45 000 emplois qui est relié au golf.
M. Morin : 45 000
emplois reliés au golf au Québec présentement. O.K. Merci. Et donc je comprends
que, dans le projet de loi, le gouvernement parle beaucoup de la valeur
marchande. Donc, ça, évidemment, ce n'est pas la valeur qu'il y a sur
l'évaluation municipale, on s'entend. Puis l'article... la loi définit un peu
comment est évaluée la valeur marchande, mais la loi impose aussi plusieurs
paramètres en ce qui a trait aux indemnités pour le Tribunal administratif du
Québec. Parmi ces paramètres-là, d'abord, est-ce que vous êtes d'accord ou pas
avec le prix de la valeur marchande? Parce qu'il y a des paramètres des
indemnités qui sont trop restrictives, donc qui feraient en sorte qu'un
exproprié se ramasserait véritablement désavantagé. Puis est-ce qu'il y a
des... vous avez des solutions à apporter qui feraient en sorte que l'équilibre
pourrait être respecté?
M. Pilon (Daniel) : C'est sûr
que, nous, notre idéal, c'est vraiment : on veut être capable de prendre
le golf puis de le mettre ailleurs, c'est... notre priorité numéro un, c'est
ça. Et, avec les limites d'indemnités qui sont établies, en ce moment, par le
projet de loi, c'est carrément impossible, c'est... ça tient du miracle si on
est capable d'être capable de faire ça, là.
Puis... Excuse-moi... O.K., excusez. Puis
l'intérêt public aussi... Tu sais, le projet de loi pour l'intérêt public,
c'est une bonne chose, mais il ne faut pas oublier que le golf a aussi
l'intérêt public en tête avec la santé physique, la santé mentale des jeunes
Québécois, des plus vieux, l'économie. On parle de 1,9 milliard sur les
revenus familiaux au Québec, ça, c'est encore l'étude de 2019, ainsi que 3,2 milliards
sur le PIB. Ça fait partie, ça aussi, de l'intérêt public. C'est le tourisme,
l'environnement, tu sais, la TVQ, les... on peut en nommer, en nommer, en
nommer, là, mais, tu sais, le golf, l'industrie, a aussi l'intérêt du public en
tête. C'est pour ça qu'on demande d'être capable de se replacer à une autre
place et non pas juste offrir le tiers de la valeur pour une construction.
Mme Charlebois (Lucie) : ...de
payer le vrai montant qui... ça coûterait une relocalisation, à ceux qui ont investi
toute leur vie là-dedans. Moi, je pense à son grand-père, je pense à son père,
à lui. Tu sais, c'est toute une vie qui a été investie, trois générations en
ligne, la valeur du terrain, elle a changé au fil des années. Alors, moi, s'il
n'est pas capable de se relocaliser, il faut qu'il ait la même valeur que s'il
se relocalisait, à mon sens, parce que c'est comme leur fonds de pension qu'ils
se sont transmis de génération en génération. Qui voudrait se voir amputer son
fonds de pension? Personne ici, je pense, mais pas plus les terrains de golf.
Parce que, comme l'a dit Mme tantôt, il y a des terrains qui ont des années
déficitaires, mais, sur une moyenne, ils arrivent, là, mais ce n'est pas... tu
sais, ce n'est pas nécessairement la panacée pour tout le monde, sauf qu'ils
misent sur leur fonds de pension, mais s'ils se le font enlever... Moi, je
pense qu'il y a un pouvoir excessif pour les municipalités en ce moment. Ça,
c'est mon avis. Excusez, M. le Président.
M. Morin : Avec le projet de
loi actuel. Au projet de loi, parce que vous en parlez dans votre mémoire, les
articles 104 et 106, la perte de valeur de convenance dans le projet
actuel ne peut excéder 20 000 $. Je comprends que, dans votre cas, ce
serait nettement insuffisant.
M. Pilon (Daniel) : ...même
pas le déménagement des meubles d'une place à l'autre.
M. Morin : Et puis,
évidemment, on fixe, à 106, l'indemnité pour les troubles, les ennuis, les
inconvénients. Ça ne peut pas excéder 5 000 $. Donc j'imagine que ça
non plus...
M. Pilon (Daniel) : Il faut
enlever les limites dans... Ces deux articles de loi là, il faut les enlever
parce qu'il faut enlever ces limites-là. Et je crois que ces deux articles de
loi là, ces deux articles, ils sont basés beaucoup sur une maison familiale,
ils ne prennent pas en considération les commerces en général ou même les...
ceux... les propriétaires terriens comme les golfs ou les industries, là.
M. Morin : Bien. Est-ce que
vous avez pensé à d'autres fourchettes? Est-ce que vous avez des statistiques
sur ce que ça pourrait être pour aider...
M. Morin : ...législateur ou
si vous préférez laisser ça au tribunal, suite, par exemple, à une évaluation
qui serait faite au cas par cas?
M. Pilon (Daniel) : C'est
tout du cas par cas, parce que, comme j'expliquais tout à l'heure, un terrain
situé, comme Lucie a dit, à Saint-Prime... racheter un terrain de 5 millions de
pieds carrés à Saint-Prime, c'est une valeur, mais racheter un terrain de 6
millions, 5 millions de pieds carrés à Laval, ce n'est pas du tout la même
chose, là. Et donc c'est... tout est du cas par cas, mais il faut vraiment
prendre en considération tous ces tenants et aboutissants-là, là.
M. Morin : O.K. Parfait. Ce
matin, l'Institut de développement urbain du Québec nous soulignait qu'après
avoir parlé avec l'Ordre des évaluateurs agréés, finalement, ils trouvaient que
la valeur au propriétaire était probablement une valeur qui serait plus juste,
dans certains cas, pour les expropriés. Est-ce que c'est quelque chose que vous
partagez?
M. Pilon (Daniel) : Valeur au
propriétaire... Oui. Ça dépend jusqu'où ça va, je crois, tu sais. Je crois que
la valeur au propriétaire a été établie à 10 ans, je crois, dans le nouveau
projet de loi, est-ce que je me trompe ou... Donc, si on revient, mettons, au
principe où est-ce qu'on est exproprié en partie, donc quelques trous, la
valeur au propriétaire sur 10 ans n'est pas la même valeur que si on est
exproprié au complet, à 100 %, juste pas exproprié du tout, là.
M. Morin : Dans votre
recommandation 2, vous dites qu'«il est impératif que le gouvernement présente,
et détaille, et discute de l'analyse d'impact réglementaire menée par le
ministère des Transports avec les industries potentiellement affectées par une
augmentation des expropriations». Donc, cette analyse -là, d'impact, est-ce que
vous l'avez demandée? Est-ce que vous avez essayé de... Vous l'avez? O.K. O.K.
M. Pilon (Daniel) : Oui. Tout
est à zéro. C'est ce que... Tu sais, je regarde puis j'en parlais avec nos
professionnels, puis même eux sont... bien, il manque des choses. Ce n'est pas
complété. Les périodes d'implantation sont toutes à 0 $, tous les chiffres
dans l'analyse des impacts réglementaires du 11 mai 2023 sont à zéro, partout,
partout.
Donc, on veut juste avoir une meilleure...
Assurément, elle a été faite dans les règles de l'art, je suis persuadé, mais
il nous manque des chiffres, il nous manque des statistiques pour être capable
de faire une thèse par la suite, pour dire : O.K., oui, c'est correct, ou
ce n'est pas correct, mais, pour le moment il nous manque des spécifications.
M. Morin : O.K. Je vous
remercie. Parfait, je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
M. le député. Et j'invite maintenant... je donne la parole à Mme la députée de
Vaudreuil pour une intervention de 2 min 12 s.
Mme Nichols : C'est trop
gentil, M. le Président. J'apprécie vraiment beaucoup, merci. Bien, merci,
merci d'être parmi nous. Je n'ai pas beaucoup de temps, ça fait que je vais
essayer de faire ça vite. Je pense que vous avez compris d'emblée que vous
n'avez pas à convaincre les gens autour de la table. Il doit y avoir une couple
de golfeurs autour de la table... ah! peut-être même la ministre, qui est une
golfeuse... un golfeur, oui, le président aussi est un golfeur. Donc, il y
avait vraiment de l'intérêt, là, pour les clubs de golf, ça, je pense que
c'était clair, on peut le cocher.
Bien, dans le fond, moi, ce que je
comprends de votre intervention, là, c'est que, tu sais, vous avez peur...
bien, je comprends qu'il y a une peur, là, en arrière de tout ça puis je que je
comprends, là, la volonté puis l'esprit familial aussi, là, derrière tout ça,
mais vous avez peur d'être les premiers visés par les municipalités dans le cas
d'une expropriation, est-ce que c'est ça que je comprends?
• (16 h 30) •
M. Pilon (Daniel) : Bien oui,
c'est facile, puis je vais en profiter pour le mentionner à Mme la ministre
que, tu sais, d'entrée de jeu, on est favorable à la loi, mais, quand on
regarde tous les groupes qui sont passés ici cette semaine, lundi, mardi,
mercredi, c'est tous le même discours. Tout le monde parle des golfs, c'est la
cible, c'est les golfs. Toutes les commissions parlementaires que j'ai écoutées
depuis la semaine dernière, il y a au moins quelqu'un, à quelque part, qui
parle du «target» des golfs et d'économies substantielles. C'est les trois mots
qui font que, bien, on va s'ouvrir les yeux puis on va se dire : C'est ça qui
est inquiétant, c'est nous qui est la cible.
Mme Nichols : Oui, c'est
inquiétant, c'est sûr. Les golfs, c'est des zones vertes, aussi, dans les
municipalités. Mais je comprends que vous, vous avez peur d'être ciblés en
premier, suite... particulièrement suite à ce que vous avez entendu cette
semaine, là, dans le cadre...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Nichols : ...de cette
commission-là. On a compris aussi qu'il y avait une ouverture, peut-être pour
une certaine mixité, hein peut-être les golfs qui fonctionnent moins bien, qui
voudraient vendre un neuf trous ... fonctionner à un autre neuf trous. Donc,
est-ce que vous pensez que ça... ou je suggère, là, qu'une possibilité de
développer, là... des balises ou des critères dans le cas que la ville
ciblerait particulièrement, particulièrement un club de golf. Est-ce qu'on
pourrait mettre des règles, en particulier, dès que le club de golf est visé?
Je le sais que c'est une expropriation, puis absolument, une expropriation, c'est
rare que, quand on se fait dire : Tu es exproprié, c'est rare qu'on dit :
Aïe! Youpi, c'est donc bien le fun, tu sais, c'est plutôt rare, là. Mais est-ce
que vous voudriez qu'on mette en place certains critères dans les cas
particuliers où un golf est visé?
M. Pilon (Daniel) : ...c'est
possible s'il y a d'autres consultations, puis si le ministère en place veut
écouter les groupes qui sont dans la partie expropriée, on est prêt à s'asseoir,
nous puis l'équipe, pour peut-être travailler ces balises-là pour arriver à une
balance, un balancier où est-ce que tout le monde va être heureux là-dedans.
Donc, je suis vraiment ouvert à discuter par la suite, là, dans les prochains
mois, là.
Le Président (M. Jacques) : Merci.
Merci pour votre intervention. Merci de votre présence en commission. J'ai
laissé un peu de latitude à Mme la députée de Vaudreuil.
Donc, nous allons suspendre quelques
instants pour accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 33)
(Reprise à 16 h 39)
Le Président (M. Jacques) : Je
souhaite maintenant la bienvenue à M. Voghel, du Centre québécois du droit de
l'environnement. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé.
(Visioconférence)
M. Voghel (Merlin) : Merci,
M. le Président. Donc, bonjour, Mme la ministre. Bonjour, Mesdames, Messieurs
les parlementaires. Mon nom est Merlin Voghel. Je suis avocat au Centre
québécois du droit de l'environnement, qui vous remercie de l'occasion qui lui
est offerte de venir s'exprimer devant vous au sujet du projet de loi n° 22,
qui est d'une importance fondamentale pour la transition écologique. En fait,
c'est le vecteur par lequel le Québec se dotera ou non de la capacité de mener
à bien cette transition écologique.
• (16 h 40) •
Le phénomène de l'expropriation déguisée,
tout autant que de l'indemnisation pour expropriation d'ailleurs, met en péril
notre capacité à conserver notre territoire au bénéfice de l'environnement pour
lui-même, mais aussi au bénéfice de notre économie et de nos collectivités. Nos
collectivités n'ont pas les moyens de protéger le territoire selon un coût
imprévisible dicté par la spéculation foncière ou par les projets futurs d'un
entrepreneur.
Dans ce contexte-là, à la présentation du
projet de loi n° 22, le CQDE saluait l'initiative annoncée du gouvernement de
s'attaquer à ces problématiques. Suivant la lecture et une analyse détaillée du
projet de loi n° 22, ce sont davantage les mots prononcés par la juge en chef
du Québec, l'honorable Manon Savard, lors de la rentrée judiciaire, en
septembre, qui me viennent à l'esprit. Elle comparait alors deux des grands
défis de notre temps : l'accès à la justice et la crise climatique. Elle
disait : «Nous connaissons les causes de la précarité de notre situation,
nous savons ce qui doit être fait pour y remédier, mais il y a encore des
acteurs qui ne sont pas habités par le sentiment d'urgence que requiert la
situation.» Avec égards et malgré toute prétention contraire, le projet de loi
n° 22...
M. Voghel (Merlin) : ...deux
échouent, selon nous au CQDE, à offrir des réponses qui sont adaptées à
l'urgence que représentent les changements climatiques et la perte de la
biodiversité.
Avant la présente allocution, le CQDE a eu
l'occasion de prendre connaissance de plusieurs des interventions devant la
commission et de plusieurs des mémoires qui ont été déposés. Je tiens à le
dire, notre organisme n'a pas l'habitude de crier au loup pour le plaisir de le
faire ou pour faire sensation. Nous avons cependant l'avantage d'être
parfaitement indépendants et de bénéficier d'une expertise juridique exempte de
tout intérêt quant aux dynamiques de l'expropriation, si ce n'est notre intérêt
pour la protection de l'environnement. Et pour le projet de loi n° 22,
nous persistons et nous signons, nous sommes plus qu'inquiets des effets du
projet de loi s'il était adopté sous sa forme actuelle.
D'emblée, malgré les notes explicatives
qui apparaissent au projet de loi et son désir allégué de répondre au phénomène
de l'expropriation déguisée, le projet de loi n'encadre pas ce qui est ou ce
qui n'est pas de l'expropriation déguisée. Il n'encadre pas les critères de
l'utilisation raisonnable qui est employée par les tribunaux pour déterminer si
les contraintes imposées à un propriétaire ont un effet de dépossession. Il
laisse encore ce poids reposer sur le corps judiciaire avec toute
l'imprévisibilité que l'exercice comporte en l'absence de balises légales
claires. Le projet de loi, il n'instaure aucune prévisibilité non plus pour les
instances provinciales ou municipales qui sont désireuses d'user de leurs
pouvoirs de conservation sans verser dans l'expropriation. Il témoigne tout au
plus d'une tentative d'encadrer la réparation qui serait applicable en cas
d'expropriation déguisée. Et encore, le projet de loi n° 22 n'est le fait
que pour les pouvoirs municipaux en oubliant les pouvoirs provinciaux de
conservation.
Dans ce contexte, notre constat est à
l'effet que le projet de loi, il ne diminue absolument pas le risque de
poursuite judiciaire en expropriation déguisée avec tous les frais et
honoraires que cela comporte, mais il accentue ces risques en vertu des
articles... par les articles, pardon, 170 et 171. Et s'il y a une chose que
j'aimerais voir retenue de la présente allocution, c'est que les
articles 170 et 171 ne doivent pas, selon nous, être adoptés sous leur
forme actuelle. J'ai entendu certains des acteurs qui se sont présentés devant
la commission alléguer le caractère essentiel de ces dispositions-là que sont
les dispositions... en fait, les articles 170 et 171, et le CQDE est loin
d'être de cet avis.
En fait, l'article 170, il élargit la
possibilité d'alléguer une expropriation déguisée en raison de l'effet de dépossession
d'un droit plutôt qu'en raison d'une contrainte de céder la propriété. Sans
verser dans le jargon juridique, ce que je souhaite porter à votre attention,
c'est qu'un droit, selon les termes mêmes du projet de loi n° 22, donc, à
son article deux, et selon le sens juridique du terme entendu par le Code
civil, ça comprend aussi des démembrements du droit de propriété qui sont des
droits réels.
En vertu du projet de loi, dès qu'un usage
sera restreint ou limité, c'est donc dire qu'il sera possible de se pourvoir
devant les tribunaux, d'alléguer une dépossession sur un droit et de demander
une indemnisation pour expropriation déguisée, c'est un des dangers que tient à
porter à votre attention le CQDE et qui ne semble avoir été souligné par aucun
des acteurs qui s'est présenté devant la commission. Or, par essence, lorsqu'on
parle de conservation des milieux naturels, ces pouvoirs-là, ils ont toujours
pour effet de venir limiter les usages sur un terrain, constituent donc un
démembrement ou une modalité du droit de propriété. Ce qu'on constate, c'est
donc un élargissement considérable du spectre de l'expropriation déguisée qui
est présente dans le projet de loi n° 22 et pas une limitation de
l'expropriation déguisée. Et je vous épargne ici les autres problématiques
qu'on constate aux articles 170 et 171.
Une autre approche qui existe, outre celle
qu'adopte le projet de loi n° 22, c'est d'accorder une immunité aux
instances municipales pour les pouvoirs exercés en vertu de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme ou pour se conformer aux OGAT notamment, on l'a
entendu à quelques reprises. En matière de protection de l'environnement, le
CQDE n'est pas fermé à cette avenue. Cependant, il faut garder certains
éléments à l'esprit, notamment qu'une immunité de la nature de celle qui est
demandée, juridiquement, elle n'empêche pas les recours judiciaires, elle
l'empêche pas de recourir aux tribunaux pour alléguer une expropriation de
fait. Il y a des recours présentement pendants malgré une immunité de cette nature-là
et ces recours durent depuis fort longtemps. Je pourrais vous en reparler s'il
y a des questions à cet égard.
Mais il y a plus que ça, c'est que les
pouvoirs pour lesquels sont demandées des immunités par les instances
municipales ne concernent pas que la conservation, ils visent en fait toutes
les fins municipales prévues notamment aux articles 113, 115 de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme. Et il faut se rappeler que l'adoption d'immunité
revient à légaliser le fait que, dans certains cas, il y aura un acte ou un
règlement qui aura effectivement pour effet d'entraîner un...
M. Voghel (Merlin) : ...dépossession,
une expropriation déguisée ou de fait, comme on préfère l'appeler, et donc qui
constituera une expropriation sans indemnisation. Juridiquement, l'Assemblée
nationale, elle dispose du pouvoir d'adopter des mesures qui prévoient une
expropriation sans indemnisation. C'est, à notre avis, incontestable. La
question ici, c'est plus de se demander si vraiment, en l'occurrence, dans une
loi d'application générale, c'est l'approche qui est souhaitable.
Notre recommandation, au CQDE, elle
constitue une solution mitoyenne. En fait, ce qu'on vous recommande, vous le
trouvez majoritairement à l'annexe un de notre mémoire assez, assez étoffé, qui
a été déposé, et, à l'annexe un, ce qu'on vous recommande, c'est de définir
concrètement ce qui est et ce qui n'est pas une expropriation dans un contexte
de conservation. C'est aussi d'écarter la possibilité de recourir aux tribunaux
lorsque les recours sont dénués de chance de succès raisonnable, donc selon un
mécanisme d'autorisation préalable. Et, finalement, dans les cas où nous
serions face à une expropriation de fait, donc dans les rares cas où nous
serions face à une expropriation déguisée ou de droit en contexte de
conservation, alors le CQDE considère qu'il y a aussi lieu de rétablir
l'équilibre souhaitable en s'attaquant à l'indemnisation.
Selon plusieurs acteurs qui se sont
présentés devant vous, et en tout respect, ce qu'on entend, c'est que la valeur
au propriétaire, elle aurait été écartée par le projet de loi n° 22. Il y
en a plusieurs qui allèguent que c'est une avancée majeure que propose le
projet de loi. Or, la valeur au propriétaire, c'est ce qui était anciennement
prévu par l'article 58 de la loi sur l'expropriation, qui prévoit une
indemnisation pour la valeur marchande d'un bien, selon l'UMEPP, l'utilisation
la meilleure et la plus profitable, ainsi qu'une indemnisation des préjudices
qui sont subis en raison de l'expropriation, ce qui forme le tout de
l'indemnisation. Or, c'est, à toutes fins pratiques, ce que prévoit le projet
de loi n° 22, qui n'écarte pas la valeur au propriétaire, mais qui plutôt
la concrétise et la cristallise dans un projet de loi, en déterminant différents
pôles d'indemnisation ou en s'en remettant largement à la notion de l'UMEPP.
La seule distinction notable au projet de
loi, c'est le retrait des indemnités lorsqu'on s'en remet à une valeur selon
l'utilisation la meilleure et la plus profitable. On voit ça à
l'article 96, alinéa trois du projet de loi. Or, dans un contexte de
conservation des milieux naturels, ce ne sont pas et ça n'a jamais été les
indemnités accessoires qui sont problématiques, c'est bel et bien l'UMEPP.
C'est l'UMEPP qui entraîne des indemnités qui sont prohibitives et c'est le
caractère imprévisible de l'UMEPP qui entraîne aussi des débats qui sont
interminables, des débats d'experts devant les tribunaux qui se produisent aux
frais de la collectivité. Les recommandations du CQDE visent justement à
endiguer ces deux problématiques-là.
Dans un contexte adversarial, bien, c'est
aussi l'UMEPP qui déporte sur les évaluateurs agréés un fardeau qui... au
contour qui est flou et qui met à risque, je le dis avec tout respect, la
crédibilité de la profession, dans une certaine mesure. Pour le CQDE, lorsque
s'impose une indemnisation pour expropriation aux fins de conservation, l'État
n'a pas à garantir les aspirations aux profits, et il est temps de se donner
les moyens de protéger notre territoire tout en maintenant la justice sociale.
• (16 h 50) •
Selon nous, il doit y avoir des avancées
majeures qui sont réalisées avec des impacts concrets sur les coûts
d'indemnisation et non pas uniquement sur les questions d'indemnités qui n'ont
qu'une incidence peu significative en matière d'indemnisation pour
expropriation lorsqu'on se situe en contexte de conservation ou d'exercice de
pouvoir de conservation. C'est pourquoi ce que nous proposons, c'est une
solution encore ici mitoyenne, raisonnable, à savoir de se fonder davantage sur
une indemnisation fondée sur la valeur de l'évaluation municipale, l'évaluation
foncière, tout en accordant à l'exproprié des indemnités qui sont prévues au
projet de loi pour éviter les injustices, tout ça afin de fixer l'évaluation
dans le temps, la valeur évaluée dans le temps, afin de mettre fin aussi aux
débats d'experts devant les tribunaux, de désengorger les tribunaux, au
bénéfice, bien entendu, de l'environnement, mais tout en assurant aussi une
protection adéquate aux propriétaires.
Ça complète mon allocution. Je vous
remercie, M. le Président. Je pense que je suis dans les temps.
Le Président (M. Jacques) : Un
petit peu... une minute de plus, mais on vous a... on l'a prise sur le temps du
gouvernement. Je vous remercie pour votre exposé.
M. Voghel (Merlin) : Merci.
Le Président (M. Jacques) : Je
voulais vous souligner aussi que vos documents ont été remis par greffier aux
membres de la commission.
Donc, je cède maintenant la parole à Mme
la ministre pour une intervention de 15 minutes 30.
Mme Guilbault :Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. Merci
à vous pour l'exposé très, très intéressant, très enrichissant. On commence
à... Vous êtes... Je pense qu'on est, quoi, peut-être à notre 18e groupe. Donc,
on commence à avoir une bonne idée, un peu, de divers points de vue puis de
gens qui amènent des angles nouveaux. On a eu beaucoup de gens issus...
Mme Guilbault :...du milieu municipal qui avaient des points de vue
sensiblement similaires. Mais après, on a eu aussi d'autres intervenants et
vous faites partie des intervenants qui ont leur propre angle. Alors, on trouve
ça toujours très intéressant nous ici. D'ailleurs, j'aurai ma collègue
d'Argenteuil qui aura des questions aussi, sans doute pour vous.
Donc, je vais commencer par un élément que
vous n'avez pas abordé, sauf erreur, là, mais j'aimerais juste savoir ce que
vous en pensez, parce que vous êtes vous-même juriste. Et j'aurai aussi une
autre question... bien, en fait, j'aurai au moins deux, trois questions, mais
il y a des gens qui ont dit, et je pense qu'on aura le Barreau du Québec
normalement demain, je crois... demain, c'est ça, demain. Mais ça a été, le
fait que ce projet de loi là aurait pour effet de... puis, en fait, vous le
dites quelque part, il y a une citation à quelque part en exergue, dans votre
mémoire, où vous dites qu'on augmente le risque de poursuites judiciaires et
que... et que c'est ça, finalement on... la protection des milieux naturels, je
ne sais pas, je paraphrase, là, mais bref, sur la partie poursuites
judiciaires, et le... je dirais, l'opinion générale selon laquelle... avec ce
projet de loi là, parce que, nous, évidemment, le pari qu'on fait avec le
projet de loi, c'est de deux ordres. Premièrement, on vient encadrer toutes
sortes de notions qui actuellement ne le sont pas, à la faveur de coûts
d'expropriation moins élevés, donc de coûts de projets moins élevés. C'est sûr
que nous, comme gouvernement, on paie ça avec l'argent des contribuables,
alors, puis là avec le coût de la vie, l'inflation, et tout ça, des choses dont
vous êtes conscients aussi, sans doute. Alors, tu sais, on veut que les projets
coûtent moins cher.
Et ensuite de ça, les délais. Donc, pour
nous, le signal que le projet de loi envoie, puis le fait de moderniser la loi
après 40 ans, va faire en sorte que chacun va savoir davantage à quoi s'en
tenir et que tout va prendre moins de temps, finalement. Parce qu'à la fois
dans la procédure d'expropriation comme telle et justement dans le risque de
poursuites, parce que les gens... ça va être tellement plus encadré, ça va être
suffisamment plus encadré pour que, peut-être, ça dissuade des gens d'aller au
tribunal. Bref, il y a quand même, c'est ça, certains points de vue à l'effet
que ça pourrait avoir pour effet l'effet inverse, finalement, et qu'on embourbe
encore davantage le réseau de la justice. Parce que... et mon collègue l'avait
déjà évoqué, mon collègue d'Acadie ici qui est juriste aussi, on a derrière aussi
ce souci là du fait qu'il y a beaucoup déjà de cas dans nos tribunaux. Puis
bon, les délais en justice, c'est un... complètement autre chose, là, mais ça
touche ça. Alors, bref, vous, qu'en pensez-vous? Pensez-vous qu'on atteint
l'objectif de désembourber?
M. Voghel (Merlin) : Bien,
d'abord, je tiens à dire que j'espère que vous aurez deux, trois questions pour
moi. C'est le but de ma présence et je tiens à dire que je suis conscient,
c'est un sujet qui est extrêmement complexe, l'expropriation, hein? Lorsqu'on
s'y plonge, il y a un degré de réponse qui pourrait être adopté par le
gouvernement, et ce n'est pas... par l'Assemblée nationale, pardon, mais ce
n'est pas facile de déterminer lequel rétablit réellement l'équilibre, donc
d'où la disparité des points de vue, j'en conviens.
Assurément, le CQDE, on ne dit pas que le
projet va venir nuire à la protection des milieux naturels. Ce qu'on réitère,
par contre, c'est qu'effectivement il risque d'encourager les recours.
Pourquoi? Parce que, comme je viens de le dire, en vertu de l'article 170,
on élargit le spectre de l'expropriation déguisée. Donc, je vous donne un
exemple, un propriétaire qui, sur son terrain, ne peut plus utiliser une partie
de son terrain qu'il n'a jamais utilisé, qui est un boisé, qui soudainement est
conservé, ne perd pas l'usage qui a toujours eu cours sur sa propriété, mais se
voit plutôt dépouillé de l'usage qu'il peut faire sur une partie de la
propriété, ce qui peut être considéré comme un démembrement en vertu de
l'article 70, et donc appeler à un recours en expropriation déguisée et en
indemnité. C'est là qu'on voit un élargissement important du spectre de
l'expropriation déguisée, donc un potentiel accroissement des recours devant
les tribunaux.
Au niveau temporel, maintenant, si vous me
permettez de répondre en deux volets, au niveau temporel, le projet de loi, ce
qu'il prévoit, de mémoire, à l'article 240, c'est une sanction, une entrée
en vigueur six mois après la sanction du projet de loi. Selon le CQDE, ça
risque d'engendrer une course contre la montre pour se prévaloir de recours qui
sont sous un régime plus favorable, notamment, en fait, d'indemnisations. Parce
qu'on ne nie pas que le projet de loi n° 22 va avoir un certain effet dans
la réduction des coûts, ce qu'on... des coûts d'indemnisation. Ce qu'on vous
dit, par contre, c'est que cette diminution-là, elle n'est pas suffisante pour
permettre non seulement au gouvernement et à l'État, les instances municipales,
de s'acquitter de leur devoir de conservation, mais d'un même souffle,
reconnaître aussi la responsabilité des propriétaires dans cet effort de
conservation là qui n'incombe pas uniquement à l'État, mais aussi aux
individus, selon nous.
Donc, d'où notre suggestion d'agir sur
l'indemnisation en fixant la valeur dans le temps. Mais j'aurais tendance à
vous dire, pour éviter un engorgement des tribunaux, en raison de la portée
temporelle du projet de loi n° 22, ce qu'on vous suggère, c'est d'agir
rétroactivement. L'Assemblée nationale, elle a le pouvoir de le faire, elle a
le pouvoir d'intervenir pour modifier, y compris l'interprétation de la loi,
alors qu'un recours est déjà pendant...
M. Voghel (Merlin) : ...les
tribunaux se sont déjà prononcés sur cet aspect-là, dont la Cour suprême, il
est possible de venir modifier l'interprétation de la loi. Et si vous regardez
notre mémoire à notre dernière recommandation, ce que nous suggérons, c'est de
mandater le procureur général afin qu'il intervienne, fasse suspendre les
instances jusqu'à ce que le projet de loi soit sanctionné pour s'assurer qu'on
répande... réponde réellement au cri d'alarme qui a été lancé par les
municipalités. J'ai écouté notamment la CMM qui reconnaissait faire face à plus
d'1 milliard de dollars en indemnisations demandées dans le cadre de recours.
Reconnaître qu'on veut agir sur l'expropriation déguisée, selon nous, c'est
vouloir se donner les moyens d'agir pour endiguer un transfert massif de fonds
publics vers des intérêts privés, notamment dans le cas des recours pendants,
mais aussi immédiatement dès la sanction.
Mme Guilbault :Puis pour les notions, justement, je disais qu'on venait
encadrer certaines notions qui actuellement ne le sont pas. Donc... Bien,
d'abord remplacer la valeur du propriétaire par la valeur marchande, venir
encadrer l'UMPP, vous avez abordé l'UMPP... l'UMEPP, je pense que vous
l'appelez?
M. Voghel (Merlin) : L'UMEPP.
Mme Guilbault :L'UMEPP. Parfait. Je vais appeler ça comme ça maintenant.
Donc l'UMEPP et... Et donc... Et même l'expropriation déguisée, les
articles 170, 171, quoique certainement imparfaits, on vient quand même
ajouter des balises, tu sais, le trois ans. On vient ajouter aussi pour les
municipalités une possibilité de se retirer. Donc, ces notions-là qu'on vient
baliser, est-ce qu'à tout le moins vous considérez que c'est un gain ou une
avancée? Ou est-ce que, selon vous, ça n'atteint pas l'objectif? Toujours
d'avoir de la prévisibilité puis...
M. Voghel (Merlin) : En
tout respect...
Mme Guilbault :Oui, allez-y.
M. Voghel (Merlin) : Ça
accroît la prévisibilité. Je pense que personne ne peut le nier. En toute
franchise, ça accroît la prévisibilité. Cependant, est-ce que ça fait
suffisamment de travail? Est-ce que ça répond suffisamment aux problématiques?
En tout respect, la réponse, elle est non. Je reviens aux articles 170,
171. Ce qu'on voit, c'est qu'elle permet le retrait d'un acte qui aurait un
effet de dépossession uniquement lorsqu'il découle notamment de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme ou de la Loi sur le patrimoine culturel. Ces deux
dispositions là ne couvrent même pas la compétence des municipalités en matière
environnementale qui sont prévues à la Loi sur les compétences municipales.
Donc, on occulte le plan réglementation environnementale qui est la sphère de
prédilection de l'expropriation déguisée. Donc, dans sa portée et dans leur
portée, les articles 170, 171 ne s'intéressent même pas à la compétence
environnementale municipale. Les pouvoirs provinciaux ne bénéficieraient pas...
Je ne veux pas prendre trop de temps non plus, là, je... Donc les pouvoirs
municipaux ne...
Mme Guilbault :Le partage du temps, c'est toujours complexe.
M. Voghel (Merlin) : Oui,
ça, c'est... Je n'ai aucun doute. Mais les pouvoirs provinciaux ne bénéficieraient
même pas de cette mesure-là. Il faut toujours garder à l'esprit aussi que
donner l'opportunité à une municipalité de retirer un acte, généralement, elle
ne pourra pas le faire. Pourquoi? Bien, parce que cet acte-là, qui a un effet
de dépossession, un effet expropriant, bien, il découle d'obligations qui
proviennent du gouvernement provincial. Donc, on offre finalement la
possibilité aux municipalités de retirer ce que, dans la plupart des cas, elles
ne pourront pas retirer. Et encore, lorsqu'elles le pourront, on le fait au
détriment de l'environnement. Ce qu'on dit, c'est finalement payer ou retirer
ce qui vous coûtera trop cher pour vous acquitter de vos obligations en matière
de protection environnementale. C'est une approche qui est assez inquiétante.
Je reviens sur l'UMEPP, sur les
indemnités. Je vous ai fait transmettre une feuille en soutien à l'allocution
que je vous présente aujourd'hui. Je ne sais pas si vous l'avez sous la main,
Mme la ministre, mais j'attire votre attention sur la deuxième page, donc
l'endos, ça a été imprimé recto verso. J'y ai recensé trois cas que j'ai pris
au hasard en matière de conservation. J'ai tenté de regarder quand même des
décisions du Tribunal administratif du Québec relativement récentes en matière
d'expropriation. Et le projet de loi no 22 prévoit entre autres que
lorsqu'on s'en remet à l'UMEPP pour calculer l'indemnité, il n'y a pas
d'indemnité accessoire en préjudice pour convenance, troubles, ennuis,
inconvénients.
• (17 heures) •
Si vous regardez les chiffres dans la
colonne de droite, dans le tableau que je vous ai fourni, ce que vous allez
constater, c'est que les montants pour ces indemnités accessoires là, ils sont
d'une incidence très faible par rapport à l'indemnité immobilière qui est accordée
selon l'UMEPP. L'UMEPP, pour le CQDE, elle est problématique sous diverses
dimensions, notamment temporelles. Je ne veux pas vous embourber dans les
détails, mais on élabore beaucoup sur cet aspect-là dans notre mémoire, mais
l'UMEPP, elle est aussi problématique en termes d'imprévisibilité. Lorsque vous
regardez le document, vous ne l'avez peut-être pas sous les yeux, mais ce qu'on
voit, c'est que les débats d'experts devant les tribunaux en matière de
détermination de l'UMEPP, ça entraîne des disparités importantes des montants.
La première affaire, Sintra, c'est une affaire qui a été tranchée en 2023, en
juin 2023, si ma mémoire est juste. L'expert évaluateur de l'expropriante
mentionnait un coût, selon l'UMEPP, de 894 000 $. Je suis dans la
colonne...
17 h (version non révisée)
M. Voghel (Merlin) : ...au
centre, le premier carré au centre, dans la colonne du centre. Selon l'exproprié,
l'expert de l'exproprié, cette évaluation-là, elle était de 2,6 millions de
dollars. On a une disparité de près de 2 millions. Et l'indemnité finalement
accordée par le tribunal, elle est de 2 millions. Lorsqu'on regarde les
indemnités accessoires accordées, on parle de 5 000 $. Entre vous et
moi, en termes de fonds publics, 5 000 $ versus près de 2 millions de
dollars pour une indemnité immobilière, ce n'est pas en contournant les
indemnités accessoires qu'on réalise des gains intéressants en termes d'équilibre
souhaitable entre l'intérêt collectif et individuel en matière d'indemnisation
pour expropriation. Même chose si je regarde la décision tout de suite en
dessous, Terrebonne, c'était pour la création d'un corridor de biodiversité. Ce
qu'on constate, c'est : pour l'expropriante, la valeur, selon l'UMEPP,
était de 11,4 millions et, selon les expropriés, donc un évaluateur agréé
et mandaté par les expropriés, on était à 140,6 millions de dollars
de valeur.
Donc, lorsqu'on dit que l'UNEPP est un
barème prévisible, en tout respect, ça me semble assez erroné et c'est surtout
un barème qui ne semble pas suffisamment fiable pour permettre aux tribunaux d'éviter
des débats d'experts qui sont extrêmement lourds. Et surtout, au risque de me
répéter, le fait d'agir sur les indemnités ne s'attaque pas au réel problème
des indemnités prohibitives qui découle davantage de l'application de l'UMEPP.
Le projet de loi, à son article 87,
effectue certaines codifications de ce qu'est l'UMEPP. Il reprend, cependant,
presque précisément mot pour mot les normes actuelles de pratique des
évaluateurs agréés. C'est une codification de ce qu'on voit déjà dans la jurisprudence
de ce qui est déjà appliqué par les évaluateurs. Et, selon nous, le fait de
codifier n'aura pas pour effet d'endiguer les problématiques qu'on constate en
termes d'indemnisation.
Mme Guilbault :Parfait. Merci beaucoup. Je vais céder la parole à ma
collègue d'Argenteuil pour le reste de notre temps. Merci beaucoup. Très
intéressant.
M. Voghel (Merlin) : Ça fait
plaisir. Merci, à vous.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
Mme la ministre.
Mme Grondin : Vous me donnez la
parole, M. le Président?
Le Président (M. Jacques) : Oui,
Mme la députée d'Argenteuil.
Mme Grondin : Merci. Me
Voghel, merci beaucoup. En fait, je constate que vous avez dédié, évidemment,
votre mémoire sur toute la question de la protection des milieux naturels, la
conservation, mais il reste que le projet de loi actuel a aussi probablement
des effets intéressants sur d'autres projets structurants d'utilité publique si
on pense au transport en commun ou au logement abordable, ou tout autre enjeu
que l'on vit comme société. Est-ce que... si on met de côté la partie
conservation, est-ce que vous considérez, d'une part, qu'il y a comme un juste
équilibre que l'on retrouve entre l'exproprié et l'expropriant? Et est-ce que
vous trouvez que ce projet de loi là répond à certains objectifs, qui sont une
meilleure localisation, un meilleur contrôle des coûts pour les équipements
publics et peut-être une réalisation plus efficace des projets structurants
publics?
M. Voghel (Merlin) : Assurément
notre organisme ne s'intéresse qu'à la conservation environnementale. Notre
mission, c'est la protection de l'environnement. Donc, lorsque vient le temps
de s'intéresser aux autres dynamiques, c'est un choix conscient de notre part
de cibler notre mémoire et notre analyse uniquement sur les... que sur les
pouvoirs de conservation.
Je vous explique pourquoi brièvement. C'est
qu'actuellement on fait face à une crise. La Cour suprême, en 2021, nous le
disait, les changements climatiques, c'est un défi existentiel qui met en péril
la survie, bon, de notre espèce, de nos collectivités, pas uniquement au Canada
mais à l'échelle planétaire. C'est reconnu par le plus haut tribunal au pays.
Cette urgence-là, elle nous impose des efforts dans un laps de temps très
réduit et des efforts très importants dans un laps de temps réduit, ce qui
emporte donc une pression importante sur les finances publiques dans un laps de
temps réduit. En bon Québécois, les actions qu'on veut poser pour lutter contre
les changements climatiques, il faut les poser maintenant par des actions
concrètes, sérieuses et de grande ampleur. Est-ce que l'État, avec les fonds
dont elle dispose, elle a les fonds pour s'acquitter de cette mission-là? Selon
nous, elle a besoin de bénéficier d'un certain apport qui découle notamment des
propriétaires, tout en respectant leurs droits. On doit s'assurer que l'État
peut répondre et se dote des moyens de répondre à l'urgence climatique.
Quant aux autres projets structurants, j'en
reviens à votre question, Mme la députée d'Argenteuil. Les autres...
M. Voghel (Merlin) : ...projets,
ils sont généralement vitaux pour les collectivités, personne ne peut le nier,
s'exerce toujours à des fins publiques. L'expropriation doit s'exercer à des
fins publiques, c'est un concept légal. Malgré tout, dans certains cas, il y a
de ces projets d'infrastructure là qui peuvent être reportés.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup. Ceci termine le temps du gouvernement, donc je cède
maintenant la parole à M. le député.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Merci, Me Voghel. Merci pour votre mémoire, en fait, très, très
fouillé, avec un nombre important de décisions jurisprudentielles à l'appui.
Je comprends qu'évidemment, compte tenu de
votre organisme, vous vous intéressez en matière de conservation, protection de
l'environnement, et c'est vraiment votre expertise. Maintenant, j'aimerais...
Parce qu'on essaie de rechercher un équilibre. Je comprends ce que vous dites
également, qu'il y a urgence d'agir, là, puis vous citez la Cour suprême pour
appuyer votre énoncé. Mais, en termes d'équilibre entre l'expropriant puis
l'exproprié, parce qu'évidemment la personne qui va perdre un bien, forcément,
va devoir se relocaliser ailleurs, ça peut être une entreprise, ça peut être un
particulier avec sa résidence, ça peut être des locataires, et donc, dans cet
équilibre-là, il faut qu'il y ait une indemnité qui soit donnée à un moment donné.
Je comprends que vous, vous craignez, au fond, que le projet de loi n° 22
n'aille pas assez loin en termes de pouvoir qu'il pourrait donner à des
organismes expropriés. Est-ce que je vous comprends bien?
M. Voghel (Merlin) : En fait,
ce n'est pas... Notre position n'est pas à l'effet que le projet de loi ne
donne pas suffisamment de pouvoir. C'est plutôt qu'il n'encadre pas un
phénomène qui se produit déjà devant les tribunaux, l'expropriation de fait. On
se remémore que l'expropriation de fait, ça découle d'allégations comme quoi un
acte ou un règlement, qui n'est pas un règlement d'expropriation, un pouvoir
d'expropriation, a un effet de dépossession sur le propriétaire. Donc, le
projet de loi devrait encadrer pour réduire la possibilité d'alléguer une
expropriation de fait, donc devrait créer des balises légales claires, qui
permettent de résorber ce phénomène. Le projet de loi, à notre sens, ne met pas
en cause les pouvoirs d'expropriation qui sont déjà prévus dans la loi.
Je me permets d'aborder ce que vous
disiez...
M. Morin : Donc là, vous
faites référence aux articles 170, 171, notamment?
M. Voghel (Merlin) : En fait,
170 et 171 abordent la réparation en cas d'expropriation, de conclusion d'un
tribunal comme quoi il y a expropriation déguisée. Donc, ce qu'on dit, c'est, à
ce moment-là, la chance sera donnée à l'instance municipale de retirer l'acte
ou de faire le choix de payer l'indemnité qui aura été déterminée par les
tribunaux. Donc, on parle de la réparation, mais on ne vient pas encadrer ce
qu'est ou ce qui n'est pas de l'expropriation déguisée.
M. Morin : Et, à ce
moment-là, est-ce que, selon vous, inclure dans le projet de loi une définition
de ce que c'est que l'expropriation déguisée pourrait augmenter, finalement, la
portée ou l'utilité du projet de loi?
• (17 h 10) •
M. Voghel (Merlin) : Certainement,
certainement, en fait, c'est même une recommandation directe que fait le CQDE
dans le cadre de son mémoire. Vous allez le trouver à l'annexe un de notre
mémoire. Je vais vous donner la disposition précise. Donc, vous en verrez un
exemple à l'article 176, qui est proposé en page 60 de notre mémoire.
Et, bien entendu, nous y réfléchissons uniquement en termes de conservation.
Pourquoi? Bien, parce que l'urgence de la situation appelle à encadrer
strictement ce qui est et ce qui n'est pas de l'expropriation de fait.
Le fait d'adopter une disposition, telle
qui vous est suggérée à l'article 176 de notre mémoire, permettrait aux
instances municipales et provinciales de venir se coller sur les critères
légaux qui seraient élaborés lorsqu'elles exercent des pouvoirs qui ne sont pas
des pouvoirs d'expropriation. Donc, autrement dit, en s'assurant de respecter
les critères qui sont là, nos instances publiques n'auraient pas à s'inquiéter
d'un recours en expropriation de fait, éviteraient donc les frais d'honoraires,
les frais judiciaires et l'engorgement des tribunaux.
En fait, le corpus qu'on vous a soumis en
annexe un reflète l'ensemble de nos recommandations. S'il est intégré tel quel
au projet de loi n° 22, le CQDE n'aurait pas d'inquiétude en matière
d'expropriation de fait lorsqu'on est en contexte de conservation. Pourquoi?
Bien, parce qu'on viendrait donner les coudées franches à l'ensemble des
autorités publiques pour agir en matière de protection de l'environnement...
M. Voghel (Merlin) : ...tout
en assurant l'équilibre envers le propriétaire, une protection qui est
suffisante. Vous me posez la question, à savoir il faut lui donner une
indemnité à ce propriétaire-là qui fait l'objet d'une expropriation.
Certainement, qu'il faut le faire, c'est une question, à notre sens, de justice
sociale, mais encore faut-il que cette indemnité ne verse pas non plus dans le
profit ou dans la spéculation.
C'est la raison pour laquelle on se remet
à une évaluation municipale, qui, parfois, pourra être moindre qu'un...
parfois, pour être plus qu'un... On le reconnaît, il peut y avoir certains
glissements. Là où on atteint des garanties suffisantes, c'est en combinant une
indemnité selon l'évaluation municipale à d'autres pôles d'indemnisation,
notamment préjudices, valeur de convenance, troubles, ennuis, inconvénients, y
compris, selon ce que projette le projet de loi no 22, des indemnités en
réaménagement aussi.
Donc, la valeur municipale, on vous le
soumet, il ne faut pas la démoniser, parce qu'elle est complétée par d'autres
indemnités que prévoit déjà le projet de loi et qui permettent donc aux
propriétaires d'en sortir la tête haute sans subir un préjudice, tout en réinstaurant
un équilibre pour la société aussi, qui doit agir en matière de conservation.
M. Morin : On a écouté, cet
après-midi, l'Association des propriétaires de terrains de golf, qui, eux,
évidemment, ont des craintes parce que, justement, ils disent : Si jamais
on est expropriés ou si on est expropriés partiellement, ça pourrait être pour
des fins de conservation, même si un terrain de golf, en soi, c'est un espace
vert, que, finalement, ils ne pourront jamais se relocaliser, donc, avec le projet
de loi actuel, et donc continuer évidemment cette activité-là, sportive et
commerciale. Vous en pensez quoi?
M. Voghel (Merlin) : Ce
pouvoir, il existe déjà, hein, projet de loi no 22 ou non. Les propriétaires de
terrains de golf sont déjà à risque de se faire exproprier, comme tout citoyen,
d'ailleurs, lorsqu'un citoyen a sur son terrain des espaces verts. Les pouvoirs
d'expropriation, ils existent, ils ne sont pas nouveaux. En fait, Mme la
ministre le soulignait tout à l'heure, ça va être la première refonte de la loi
depuis près de 40 ans. Ça ne change pas la donne, en termes de pouvoirs, mais
alors pas du tout.
Là où on veut voir la donne changer, c'est
en termes d'indemnisation. Et encore, bien, si un terrain de golf ne peut pas
se relocaliser, peut-être en va-t-il d'un choix de société aussi. Peut-être que
les valeurs sociales ont évolué et appellent à des mesures qui sont autres. Il
faut le considérer, ça aussi, en tout respect pour les propriétaires de golf,
qui est une activité parfaitement sensationnelle, je le dis avec un sourire,
mais, malheureusement, il y a cette réalité dans la difficulté de se retrouver
un endroit où habiter pour tout le monde, et c'est peut-être un autre enjeu
social. Quand on pense aux logements sociaux aussi, il y a d'autres dimensions
qui doivent être considérées. On ne parle pas uniquement d'expropriation, mais
d'une myriade de dimensions collectives, là, de dimensions sociales.
M. Morin : Et je comprends de
vos propos, en fait, quand on réfère aux articles 170, 171, qu'au fond
permettre à une municipalité de se retirer plutôt que de payer un montant,
bien, dans bien des cas, la municipalité ne peut pas parce que le règlement
l'oblige à faire ce qu'elle fait. Donc, au fond, c'est deux articles qui ne
sont peut-être pas très utiles pour les municipalités. En tout cas, ça n'ajoute
pas beaucoup de mécanismes utiles pour eux, parce qu'ils sont obligés d'adopter
certaines réglementations, ils ne pourraient pas se retirer de toute façon.
Donc, je comprends que, là-dessus, le projet de loi, selon vous, fait fausse
route.
M. Voghel (Merlin) : Oui,
tout à fait. Et fausse route notamment par l'élargissement de la possibilité de
plaider l'expropriation déguisée.
M. Morin : O.K., parfait.
J'ai une dernière question. Le projet de loi permet aussi des types
d'indemnités pour les locataires. C'est aussi quelque chose, évidemment, moi,
qui m'habite. Quelqu'un qui resterait dans un logement, parce que, des fois, il
y a des expropriés qui sont de grands propriétaires, il y en a, des fois, c'est
des petits propriétaires, il y a des locataires. Quelqu'un qui vit dans son
logement depuis 10, 12 ans... On a une crise du logement, pensez-vous que le
projet de loi est suffisant pour que ces gens-là puissent se relocaliser et trouver
un logement ailleurs ou s'il faudrait bonifier le projet de loi en ce sens-là,
quant aux indemnités?
M. Voghel (Merlin) : Avec
égard, ce qu'il faudrait peut-être bonifier, c'est la disponibilité des
logements sur le marché locatif. Lorsqu'on réfléchit, au CQDE, à la question de
l'expropriation, c'est sûr qu'on y réfléchit beaucoup en termes d'expropriation
de fait, parce que c'est ce qui affecte beaucoup les pouvoirs de conservation.
Lorsqu'on vient protéger des milieux, ce sont généralement des milieux qui ne
sont pas développés, des milieux naturels non développés qu'on souhaite
conserver. Dans ce contexte-là, la mise en jeu des droits des locataires est
beaucoup moins fréquente, beaucoup moins importante. Un locataire n'est pas un
propriétaire et ne peut donc pas alléguer une expropriation...
M. Voghel (Merlin) : ...déguisée.
Donc, c'est la raison pour laquelle le CQDE ne s'intéresse pas à ces
dimensions-là dans le cadre de son mémoire. Je ne voudrais pas me prononcer sur
quelque chose qui n'a pas été creusé et je ne voudrais pas vous induire en
erreur.
M. Morin : Parfait, je vous
remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
M. le député d'Acadie. Je cède maintenant la parole à M. le député de Taschereau.
M. Grandmont : Merci
beaucoup. Merci, Me Vogel, pour votre intervention, votre mémoire aussi, très,
très étayé, très, très complet. Merci de votre participation. Écoutez, j'ai
envie de vous entendre, d'abord, sur ce que vous proposez, en fait, là, à la
page 53, là. Vous parlez d'un régime particulier d'indemnisation pour les
expropriations à fins de conservation. Est-ce que ça veut dire que, pour le
reste du p.l. n° 22, on est à la bonne place pour les expropriations qui
sont d'autres finalités? Est-ce qu'on va assez loin? Parce que vous semblez
vous concentrer vraiment sur les fins de conservation. Est-ce que le reste,
dans le fond, le p.l. est correct, est assez solide?
M. Voghel (Merlin) : J'aimerais
beaucoup pouvoir vous répondre. Encore une fois, en tout respect, je ne veux
pas le faire, pour ne pas vous induire en erreur et pour respecter la mission
de l'organisme que je représente. Notre mission se concentre exclusivement sur
la conservation, sur la protection des milieux naturels. C'est la raison pour
laquelle on vous soumet un régime qui est distinct. Pourquoi? Encore une fois,
j'y reviens, urgence d'agir. Par contre, pour ce qui est des autres dimensions,
ce n'est pas notre mission d'avancer là-dedans, ce n'est pas notre mission de
se pencher sur ces sujets-là.
M. Grandmont : Parfait,
excellent. Bien, en tout cas, c'est une idée qu'on va retenir, qui est
intéressante. Sinon, pour l'article 170, vous mentionnez que ça ne couvre même
pas les pouvoirs de zonage régulier des municipalités ni les expropriations
effectuées par le gouvernement. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu
là-dessus, s'il vous plaît?
M. Voghel (Merlin) : Oui,
certainement. En fait, c'est que l'expropriation, ce n'est pas l'apanage
uniquement, là, des municipalités. C'est l'apanage aussi du gouvernement
provincial, des autorités provinciales, ministères, organismes de l'État, à
proprement parler. Donc, le provincial, si vous me permettez ce langage, ne
s'octroie aucune réparation, donc, même imparfaite, en tout respect, selon ce
qu'on constate aux articles 170 et 171. Les autorités publiques provinciales ne
bénéficieront même pas de ce régime-là.
Mais, plus encore, lorsqu'on regarde le
libellé même de l'article 170... je ne sais pas si vous avez le projet de loi
sous les yeux, j'y vais dans un petit instant... ce qu'on peut y lire, c'est
que, bon, «le recours d'un titulaire d'un droit portant sur un immeuble, devant
la Cour supérieure, en réparation du préjudice subi en raison de l'effet de dépossession
de son droit ou de suppression de tout usage raisonnable qui résulte d'un acte
municipal — donc, on exclut les instances provinciales — pris
en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ou en vertu de la section
III du chapitre IV de la Loi sur le patrimoine culturel»... Or, la compétence
des municipalités en matière d'environnement, elle est à la Loi sur les
compétences municipales.
Donc, je vous donne un exemple. Une
municipalité qui, aujourd'hui, adopterait un règlement, en vertu de ses compétences
environnementales, pour venir encadrer les usages, par exemple, en milieu
forestier, aux fins de protection de l'environnement, ne bénéficierait même pas
du mécanisme qui est prévu à 170 et, dans un cas où elle adopterait une telle
réglementation, en réponse à une obligation qui découle d'une loi provinciale
ou d'OGAT, orientations gouvernementales en matière d'aménagement du
territoire, ne pourrait même pas, non plus, bénéficier, ici, de ce pouvoir-là.
• (17 h 20) •
Donc, on est face à un silence de la loi,
un grand vide, où, finalement, on tente d'offrir un plan B aux municipalités,
un plan B qui est dangereux, parce qu'il accroît le phénomène de
l'expropriation déguisée, mais qui, en plus, omet la compétence principale des
municipalités en matière environnementale.
M. Grandmont : Parfait,
merci, c'est très éclairant. J'ai vu des yeux s'écarquiller quand vous parliez.
Peut-être une dernière chose, rapidement. Il y a la CMM qui nous a proposé, là,
un élément intéressant, elle disait... elle demandait des pouvoirs
d'expropriation pour les municipalités sur des terres agricoles non exploitées
depuis trois ans. Est-ce que vous pensez que c'est un élément qui peut être
intéressant à ajouter au p.l.?
M. Voghel (Merlin) : J'ai
tendance à vous dire : Je n'ai pas exploré cette voie-là. Ce n'est pas
quelque chose qu'on a envisagé, parce qu'on se situe davantage dans encadrer,
du côté du CQDE, encadrer ce qui est ou ce qui n'est pas de l'expropriation,
et, à notre sens, ça, ça suffit. Ensuite de ça, les pouvoirs d'expropriation,
ils sont déjà prévus dans des lois particulières. Les municipalités, elles ont
déjà des pouvoirs d'expropriation qui sont prévus au Code municipal, qui sont
prévus aussi à la Loi sur les cités et villes, dépendamment de quelle instance
municipale on parle. Donc, le pouvoir d'expropriation, il existe déjà.
Ensuite, c'est une question éminemment
juridique. Pourquoi? Mais parce que le zonage agricole, il est de la compétence
de la...
M. Voghel (Merlin) : ...le TAQ
avec une compétence exclusive accordée à la CPTAQ.
M. Grandmont : Merci beaucoup
pour vos propos éclairants.
M. Voghel (Merlin) : Merci à
vous.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup, M. le député. Je vous remercie aussi, M. Voghel, pour la contribution
à nos travaux.
Compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux à jeudi, 21 septembre 2023, à 7 h 30, où
elle se réunira en séance de travail.
(Fin de la séance à 17 h 22)