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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 4 février 2020 - Vol. 45 N° 43

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l’électrification


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Conseil québécois des entreprises en efficacité énergétique (CQ3E)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

Équiterre

Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Intervenants

Mme Christine St-Pierre, présidente

M. Benoit Charette

M. Denis Tardif

M. Richard Campeau

Mme Agnès Grondin

Mme Marie Montpetit

M. Sylvain Gaudreault

Mme Ruba Ghazal

M. Gregory Kelley

Mme Marie-Louise Tardif

*          M. Michel Méthot, CQ3E

*          M. François Dussault, idem

*          M. Charles Milliard, FCCQ

*          M. Philippe Noël, idem

*          M. Marc-André Viau, Équiterre

*          Mme Caroline Brouillette, idem

*          M. André Bélisle, AQLPA

*          M. Dominique Neuman, idem

*          Mme Geneviève Paul, CQDE

*          Mme Anne-Sophie Doré, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Seize heures deux minutes)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, bonjour à vous tous et à vous toutes. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Lamothe (Ungava) sera remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Reid (Beauharnois), par M. Provençal (Beauce-Nord); M. Barrette (La Pinière), par M. Kelley (Jacques-Cartier); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Gaudreault (Jonquière).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci. Donc, cet après-midi, nous entendrons le Conseil québécois des entreprises en efficacité énergétique, la Fédération des chambres de commerce du Québec et Équiterre.

Donc, je pense que nous sommes prêts à entendre nos premiers intervenants. Alors, bienvenue, le Conseil québécois des entreprises en efficacité énergétique. Veuillez décliner vos titres et vous avez la parole.

Conseil québécois des entreprises en efficacité énergétique (CQ3E)

M. Méthot (Michel) : Mon nom est Michel Méthot. Je suis consultant, ingénieur en efficacité énergétique avec plus de 30 ans d'expérience, porte-parole du Conseil québécois des entreprises en efficacité énergétique.

M. Dussault (François) : Bonjour. Mon nom est François Dussault, je suis également membre du conseil d'administration du conseil québécois. Moi, je suis à l'emploi de la firme Ambioner et actif dans le domaine de l'efficacité énergétique depuis plus de 20 ans.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, bienvenue. Vous avez 10 minutes.

M. Méthot (Michel) : Merci. Le Conseil québécois des entreprises en efficacité énergétique remercie les membres de la Commission des transports et de l'environnement de cette invitation à participer aux consultations publiques sur le projet de loi n° 44.

Le Conseil québécois des entreprises en efficacité énergétique désire profiter de l'occasion pour souligner l'importance ainsi que les avantages et bénéfices de prioriser l'efficacité énergétique dans la démarche d'électrification du Québec et de la lutte aux changements climatiques.

Les commentaires du CQ3E visent également à faire valoir l'expérience pratique des acteurs du marché dans sa gouvernance des actions gouvernementales en matière de lutte contre les changements climatiques et de transition énergétique.

Pour commencer, je vais citer M. Legault, une citation qui a plus d'un an, à l'ouverture de la dernière législature : «…au fur et à mesure qu'on va réussir à vendre [de l']électricité […] donc à éliminer [les] surplus[…], il va falloir relancer la production, […]on va le faire dans l'ordre, d'abord avec ce qui coûte le moins cher [à produire, soit] l'efficacité énergétique. Il faut aider nos entreprises à être plus efficaces [et] aider les [familles québécoises] à diminuer leurs factures [d'énergie].»

Alors, je vais passer la parole à François, qui va poursuivre en présentant l'organisme CQ3E.

M. Dussault (François) : Je vais effectivement prendre quelques minutes pour présenter le CQ3E, puisque nous sommes une organisation relativement nouvelle, bien que nos membres sont des entreprises très présentes dans le marché. Mais le CQ3E en tant que tel est une coalition nouvellement formée qui représente, en fait, un ensemble de fournisseurs de services, de produits et de solutions oeuvrant dans le marché de l'efficacité et de la transition énergétique au Québec.

Le CQ3E vise à positionner et valoriser l'efficacité énergétique dans le portefeuille énergétique québécois en tant que première filière énergétique en favorisant la coalition des forces du marché.

Notre rôle, le rôle qu'on se donne dans le marché consiste à essentiellement quatre éléments : contribuer à l'essor de l'industrie de l'efficacité énergétique; collaborer avec les associations de clients et de donneurs d'ouvrage existantes pour les amener dans la bonne voie; positionner l'efficacité énergétique comme première source d'approvisionnement énergétique auprès des décideurs publics et parapublics; et finalement créer des alliances avec des organisations aux missions similaires à travers le Canada ou à l'étranger.

Les entreprises et les professionnels membres du CQ3E se définissent — puis là je pense que c'est le point le plus important qu'on veut souligner — se définissent d'abord et avant tout comme des praticiens, des praticiens avec une expérience unique du marché acquise sur le terrain. Nous concevons, finançons, mettons en oeuvre des projets d'efficacité énergétique de toutes natures, des projets de gestion de demande de puissance, des projets d'électrification, et ce, auprès de clientèles très variées, résidentielles, commerciales, institutionnelles et industrielles.

Notre organisation inclut des firmes de génie-conseil, des entreprises de services énergétiques, des bureaux d'architectes, des firmes de consultants, des fournisseurs et des distributeurs de produits et d'équipements, et même des acteurs du secteur financier dans le domaine du financement de projets, et finalement des entrepreneurs généraux et spécialisés. Donc, le dénominateur commun, c'est le mot «fournisseur».

Plusieurs membres du CQ3E ont, à leur crédit, des réalisations exemplaires, primées tant à l'échelle du Québec qu'à l'extérieur, qui démontrent un savoir-faire et une ingéniosité uniques.

L'industrie de l'efficacité énergétique contribue déjà de manière significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la transition énergétique. Et nous sommes déjà des acteurs très présents, c'est pour ça qu'on est ici et qu'on va faire valoir certains points de vue.

Et, en outre, une étude d'ECO Canada indique que l'efficacité énergétique joue un rôle important dans l'économie canadienne puisque 436 000 travailleurs bien rémunérés sont déjà directement employés dans ce secteur d'activité.

Maintenant, pourquoi prioriser l'efficacité énergétique? Le rapport intitulé Trajectoires de réduction d'émission de GES du Québec préparé par le ministère... par ou pour le ministère de l'Environnement, pardon, prévoit que «pour délaisser les énergies fossiles, le Québec aura besoin de 125 à 185 TWh de plus à l'horizon 2050 par rapport à 2015». Ce rapport précise qu'il est essentiel de miser sur l'efficacité énergétique pour atténuer une partie des besoins additionnels en électricité.

En outre, un récent rapport d'étude de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal révèle qu'«une grande partie — environ 80 % — des usages du gaz naturel d'origine fossile au Québec pourraient être électrifiée». Ce même rapport précise — puis c'est là que ça devient vraiment intéressant — qu'une conversion conventionnelle améliore l'efficacité énergétique de 15 %, mais qu'une conversion combinée à des mesures d'efficacité énergétique pourrait améliorer l'efficacité énergétique et l'effort de 45 %.

Et donc, évidemment, vous comprendrez que le CQ3E favorise cette électrification efficace. Selon le CQ3E, il importe que l'amélioration de l'efficacité des systèmes soit prise en compte dès le moment d'une conversion et non de façon indépendante ou subséquente.

Bon. Grâce à leur expertise sur le terrain, les membres du CQ3E sont en mesure de faire la promotion, la conception, l'implantation et le suivi de la performance des mesures d'économie d'énergie qui conjuguent à la fois les objectifs de réduction, l'électrification de la chauffe et des procédés et la minimisation des impacts sur l'appel de puissance du réseau d'Hydro-Québec.

Dans son Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétique du Québec, le plan 2018-2023, TEQ s'est doté d'une cible d'amélioration d'un peu plus de 1 % par année de l'efficacité énergétique moyenne de la société québécoise. Le CQ3E est d'avis que le savoir-faire et l'expertise québécoise, et ce, dans toutes les régions du Québec, est tel que cette cible pourrait être plus ambitieuse. Il faut réellement conjuguer l'efficacité énergétique avec la transition et l'électrification.

Finalement, les membres du CQ3E partagent entièrement la position qui a été exprimée ici même par Hydro-Québec la semaine dernière, je crois, dans le cadre de la commission, à l'effet qu'il faille électrifier le Québec en misant d'abord sur une utilisation judicieuse de notre électricité. Nous sommes heureux qu'Hydro-Québec compte privilégier l'efficacité énergétique en tant qu'approvisionnement à part entière avant d'envisager de nouveaux projets de production d'électricité.

Maintenant, je vais laisser Michel poursuivre avec nos points de vue un peu plus pointus sur le projet de loi.

• (16 h 10) •

M. Méthot (Michel) : Oui, pour ce qui est de la gouvernance environnementale, le CQ3E accueille favorablement toute démarche visant à simplifier la gouvernance environnementale dans le respect des principes de transparence et de reddition de comptes.

Nous comprenons que le projet de loi n° 44 prévoit l'abolition du conseil du Fonds vert, dont les activités sont rapatriées au sein du ministère de l'Environnement et de la lutte aux changements climatiques.

Le projet de loi crée aussi un comité consultatif permanent ayant pour fonction de conseiller le ministre sur les orientations des politiques, des programmes et des stratégies en matière de lutte aux changements climatiques. Il est prévu que les membres du comité possèdent collectivement une compétence, une expérience significatives pluridisciplinaires en matière de lutte aux changements climatiques et que la majorité soit issue du milieu scientifique.

Le CQ3E appuie la création d'un tel comité consultatif et est d'avis que ce comité devrait aussi avoir... compter sur l'expérience pratique des experts de l'industrie qui conçoivent, qui financent, mettent en oeuvre les mesures visant l'électrification des bâtiments et des procédés industriels visant la réduction des gaz à effet de serre. À ce titre, le CQ3E offre son entière collaboration au ministre de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques et exprime un grand intérêt à participer à un tel comité.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Il vous reste une minute.

M. Méthot (Michel) : Oh! c'est bien. Également, du côté de TEQ, la même mécanique se fait, il y a un comité qui va être créé. On serait grandement intéressés à participer à de tels comités en tant que praticiens également et de...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, si vous avez encore des choses à ajouter, M. le ministre me disait que vous pouviez continuer, terminer votre exposé.

M. Méthot (Michel) : On peut continuer? O.K., on a un peu de temps? O.K. C'est bien, c'est gentil.

Alors, oui, TEQ, depuis sa création, est un organisme extrêmement efficace, agile. On a un interlocuteur. C'est un guichet unique, pour nous, c'est un moteur extrêmement important sur nos projets d'efficacité énergétique. Souvent, on va chercher de la subvention, un levier de financement à un niveau de cinq pour un ou quatre pour un sur les argents privés qui sont investis en efficacité énergétique, et on s'attend à ce que TEQ demeure tout aussi efficace dans la nouvelle structure. On ne suggère aucune structure, mais on aimerait participer à des comités qui permettraient d'avoir un pouls également, là, de la ligne de front, ceux qui vivent vraiment avec les bienfaits des programmes.

Le CQ3E est d'avis que la stabilité et la prévisibilité des programmes et des crédits budgétaires sont des conditions essentielles à l'atteinte des objectifs en matière d'efficacité énergétique, ce que je viens de dire, et de réduction des gaz à effet de serre.

Je vais aller à la conclusion. Le CQ3E insiste sur la nécessité de prioriser l'efficacité énergétique. Je crois que le message est clair. C'est ce qu'il y a de moins cher à faire. On peut faire de l'efficacité énergétique à 0,015 $ le kilowattheure. C'est de dégager des négawatts, on a un terme à l'interne, qu'on appelle des négawatts, c'est de dégager des kilowattheures pour faire un bon usage.

La nouvelle structure, on l'accueille favorablement également. Et on insiste, on aimerait faire partie, vraiment, des comités. On est des scientifiques... appliqués, on est des ingénieurs en efficacité énergétique. On vit la ligne de front, on sait ce qui peut se faire dans nos environnements, dans nos régions également. L'efficacité énergétique n'est pas limitée aux pôles citadins, soit Montréal et Québec, c'est vraiment une industrie sans frontières. Alors, on peut faire de l'efficacité énergétique en région.

En grande partie, ce qu'on fait, c'est de créer des emplois également. Il y a un grand, grand contenu de main-d'oeuvre dans nos projets. Alors, c'est des salaires, c'est des salaires bien payés, c'est de l'expertise également. Alors, j'enverrais une grappe industrielle, un appui à la formation, un appui aux salaires payés dans cette industrie-là. C'est quelque chose, là, qui serait très bienvenu...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, merci beaucoup. Merci pour votre exposé. Maintenant, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci d'être avec nous cet après-midi. Il n'y a aucun, aucun doute dans notre esprit que, pour réussir, il faudra passer par, notamment, l'efficacité énergétique.

Deux petites questions. Je sais que j'ai d'autres collègues qui souhaitent intervenir. Vous parliez au niveau du comité, la présence souhaitée. Ça, ça sera un gros défi, je l'ai mentionné à plusieurs reprises, parce que tous souhaitent être sur ce comité-là...

M. Méthot (Michel) : ...y être, oui…

M. Charette : ...mais, au niveau des structures elles-mêmes, vous dites... dans le fond, votre souci à vous, c'est de garder la même agilité, la même efficacité. Qu'il y ait une intégration au sein du MERN, en autant qu'on garde le même plan directeur et autres, ça vous satisfait.

M. Méthot (Michel) : Tout à fait.

M. Dussault (François) : Bien, on a vu, dans nos petites notes qu'on a un peu escamotées, on a quand même vécu, à travers les années, l'Agence de l'efficacité énergétique, le BEIE, le bureau de l'efficacité et de l'innovation en énergie, quelque chose comme ça. Alors, ces changements-là, à chaque fois, amènent des temps morts, des arrêts de programme, des suspensions. Tu sais, quand on parle de prévisibilité, de fluidité, c'est bien important pour nous, pour nos clients qui attendent des confirmations pour que ça avance, les projets, puis atteindre les objectifs. Donc, c'est un peu ça, notre souci par rapport à TEQ, là. Ça peut se vivre dans d'autres structures, mais c'est ce qu'on vit sur le terrain.

M. Méthot (Michel) : Et ce n'est qu'un souci, c'est... mais... Oui.

M. Charette : Que je comprends tout à fait. Donc, le but, c'est d'éviter, là, les temps morts ou, à tout le moins, qu'il y ait une période d'incertitude, là.

M. Méthot (Michel) : Tout à fait.

M. Charette : Et ça, c'est notre intention, là, de vous rassurer rapidement une fois le projet de loi adopté, s'il est adopté, à ce niveau-là.

Ceci dit, vous parliez qu'on pourrait être plus ambitieux en matière de pourcentage atteint en matière d'efficacité énergétique. Le frein, actuellement, c'est quoi? C'est du financement qui est inexistant? C'est les règles qui ne sont pas suffisamment claires?

M. Dussault (François) : Il n'y a pas... En fait, le frein... ce n'est pas tellement qu'il y a un frein, c'est qu'on voit que les cibles fixées sont beaucoup moins ambitieuses que ce qu'on vit dans la réalité du... Quand on réalise un projet dans un hôpital, un centre d'hébergement, une école, pour parler du secteur public, ou un édifice à bureaux, peu importe, ce n'est pas rare, c'est même la norme, pour nous, d'atteindre des réductions de 20 %, 25 %, 30 %. On s'étonne de voir le 1 %.

M. Méthot (Michel) : C'est un potentiel… qui est bien au-delà des cibles qu'on se donne. Ce que ça prend, ça prend du courage pour mettre les projets en oeuvre. Je crois que les leviers, au niveau du financement, au niveau de la subvention, les leviers sont là. C'est des obligations qu'il faut qu'on se crée en tant que société aussi de faire les choses, d'avoir le courage de lancer les projets. C'est ce qui manque actuellement, oui.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

M. Tardif : Merci, Mme la Présidente. Oui, effectivement, l'énergie la moins chère est celle qu'on ne consomme pas, on est d'accord. Au risque de me répéter, je suis l'heureux propriétaire de la première maison LEED platine écologique faite en dehors de Montréal. Donc, je vous reprends. Oui, en région, nous pouvons...

M. Méthot (Michel) : ...oui, c'est ça.

M. Tardif : ...et ça fonctionne très bien.

M. Méthot (Michel) : Je le sais.

M. Tardif : Nous avons eu le courage et l'audace surtout, et on peut le faire en région, étant député de région dans le Bas-Saint-Laurent.

Donc, moi, j'aimerais revenir à vos propos. J'aimerais connaître un exemple de projet où vos priorités, en termes de projets que vous avez, là... Parce qu'on parle, puis vous disiez des commentaires par rapport à des édifices publics, mais, que ce soit dans le privé ou dans le public, juste trois priorités pour vous, là, que vous voyez que ça... dans lesquelles on pourrait agir. Parce que vous dites : On peut aller chercher plus que nos objectifs. Alors, on viserait où pour...

M. Dussault (François) : Quand on arrive dans un bâtiment existant... Puis, d'ailleurs, je fais juste une parenthèse pour dire qu'il y a deux univers, hein, il y a les nouvelles constructions puis il y a les bâtiments existants. Mais, quand on arrive dans les bâtiments existants puis qu'on parle d'électrification, si on y va en faisant du remplacement un pour un, un équipement qui chauffe au gaz naturel puis qu'on veut le convertir à un équipement qui chauffe à l'électricité sans avoir regardé l'ensemble de l'oeuvre, on passe à côté des opportunités d'amélioration de la performance. Bien sûr que la chaudière électrique est plus performante que la chaudière au gaz, mais il faut regarder la globalité d'un bâtiment, puis c'est là que notre expertise fait en sorte qu'on va amalgamer des mesures d'économie d'énergie, des conversions d'éclairage, des améliorations dans les systèmes d'automatisation, des remplacements d'équipement. Je suis très terrain en ce moment, là, je veux dire...

M. Tardif : C'est ce que je vous demandais aussi.

M. Dussault (François) : ...mais c'est important d'encourager ou de favoriser des approches qui regardent l'ensemble de l'oeuvre d'un bâtiment en faisant la transition, parce que, quand la conversion à l'électricité va être faite, si on n'a pas fait tout ça, en même temps, on va avoir du mal à rentabiliser ces autres mesures d'économie d'énergie là. Il faut vraiment les «packager», si vous m'excusez l'anglicisme, là, pour faire des beaux projets.

• (16 h 20) •

M. Méthot (Michel) : Juste au niveau de la chauffe, une conversion pure, il y a un facteur 3, environ… installer une thermopompe versus mettre un grille-pain pour se chauffer. Comme je dis, il y a un facteur 3, environ, au niveau consommation énergétique. On favorise le déplacement d'énergie, le thermopompage, c'est quelque chose qu'on favorise sur tous nos projets et l'électrification ne devrait se faire que de cette façon-là avec... Puis, si on attaque un projet qui chauffe au mazout ou qui chauffe au gaz, bien, on va chercher des gaz à effet de serre également.

M. Tardif : Donc, si je vous comprends bien, on remet en valeur ce qui existe comme bâtiments. Et, dans les constructions, vous suggérez — puis on va rester dans le domaine public, là — vous suggérez fortement d'aller vraiment, là, au maximum pour les nouvelles technologies.

M. Méthot (Michel) : Tout à fait, puis d'avoir le temps de réfléchir sur les projets aussi. Souvent, on fait vite, on fait à la va-vite, et faire vite, peu efficace, ça va de pair. Ça prend un peu plus de temps de réflexion pour bien faire puis faire efficace. Alors, le génie-conseil a peut-être besoin d'un petit peu plus de temps de réflexion puis de sous pour faire ses projets aussi.

M. Tardif : O.K. On est presque prêts, si je comprends bien.

M. Méthot (Michel) : Oui.

M. Tardif : Ah! O.K., presque. On n'est pas loin de pouvoir aller rapidement? Parce que ce genre de commande là, il faut quand même passer à l'exécution à un moment donné, là, ou ça tarde, ou ça va vite, là.

M. Méthot (Michel) : Oui, puis il se fait du très bon travail au Québec, là, on est quand même des pionniers en efficacité énergétique. On consomme encore trop, on consommera toujours trop. On consomme vert, ça, c'est sûr, notre électricité est propre, mais on consomme encore trop. Mais on fait beaucoup de belles choses, beaucoup de projets primés à l'échelle de l'Amérique du Nord, on fait du très bon travail de génie. On est réputés pour nos barrages, on est réputés pour notre électromécanique aussi.

M. Tardif : Parfait, merci beaucoup d'être ici.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Deux autres demandes d'intervention du côté gouvernemental, M. le député de Bourget et Mme la députée d'Argenteuil, et vous avez 4 min 20 s pour tout faire.

M. Campeau : Merci de votre présence aujourd'hui. C'est drôle, parce que je vous écoutais parler, et ça me rappelait les temps que j'ai travaillé en usine. Ce n'est pas les sujets sexys, ça. C'est : Quand est-ce que le projet commence? Quand est-ce qu'il finit? Combien on sauve? Et on fait le calcul. Et, il y a quelques jours, on recevait Dominic Champagne... c'est une présentation un peu différente, n'est-ce pas? Et ce n'est pas parce que je n'apprécie pas, j'apprécie beaucoup Dominic Champagne et, d'ailleurs, je vais avoir l'occasion de le rencontrer prochainement, ça fait que... mais c'est bien différent, point.

J'aimerais ça vous donner juste l'occasion d'expliquer aux gens, parce que vous n'avez pas eu l'occasion de le faire, c'est quoi, des négawatts. Parce que, je pense, vous ne l'avez pas dit. Je le sais c'est quoi, là, mais c'est important, je crois.

M. Méthot (Michel) : C'est des kilowattheures qu'on ne consomme pas, qu'on peut remettre sur la grille pour les vendre aux Américains, si jamais on arrive à vendre des kilowattheures aux Américains. C'est des kilowattheures très peu coûteux. Comme je vous dis, ils nous coûtent 0,015 $ de subvention pour les dégager. C'est de les remettre sur le réseau puis de voir comment est-ce qu'on peut aller vendre ces kilowattheures non consommés là.

M. Dussault (François) : Je vais me permettre de dire que ce n'est pas que pour l'exportation, parce que, dans la démarche d'électrification, on va créer de la nouvelle consommation électrique chez nous, mais, si on est capable de la combler par de l'électricité qu'on a sauvée ailleurs, on va sauver dans les grandes infrastructures, les barrages, les lignes de transmission. Parce que c'est ça, l'enjeu pour Hydro-Québec... bien, je ne veux pas parler à leur place, mais...

M. Méthot (Michel) : Alimenter le transport électrique avec les négawatts, ça serait un beau bilan.

M. Campeau : Éviter les pics de consommation, vous y contribuez beaucoup, à ce moment-là, aussi. Vous avez parlé d'un comité sur lequel… sur lesquels vous aimeriez siéger. J'ai l'impression que c'est à la fois... est-ce qu'on ne pourra pas faire plaisir à tout le monde puis à sa mère en même temps? On va finir par manquer de chaises. C'est sûr, maintenant, que vous ayez... quand vous dites : Avec une expérience pratique, je pense que, oui, ça, ceci, ça me semble intéressant, parce qu'on ne pourra pas juste avoir des professeurs d'université, là, ça va prendre une application pratique. Ça ne veut pas dire que les professeurs d'université ne peuvent pas être pratiques, il y en a qui le sont beaucoup plus que d'autres. Il y en a qui font des comparaisons avec le monde entier mais il y en a qui font des analyses dans des usines aussi. Mais cet aspect de comité qui doit rester pratique, je suis sûr que c'est très important. Et là je vais laisser du temps un petit peu, même si j'en avais beaucoup d'autres, je vais laisser du temps.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Bon. Allez-y, Mme la députée d'Argenteuil, vous avez 1 min 40 s.

Mme Grondin : En fait, ça ne sera pas très long. Parlons de bâtiments existants. Un exemple dans mon comté... et c'est là que je voudrais voir, est-ce que ça nécessite, quand on fait de l'efficacité énergétique, une expertise particulière quand on veut s'attaquer à des bâtiments patrimoniaux?

M. Dussault (François) : Certainement. Il y a, en fait, une expertise ou une sensibilité, je dirais, parce qu'il y a des équipements que, dans l'électrification, ou la conversion, ou la modernisation, peu importe, on va ajouter. Des fois, on ajoute des équipements. Fréquemment, on ajoute des équipements. Alors là, il faut se soucier de... On va mettre ça où? Est-ce qu'on va créer un impact négatif visuel? Est-ce qu'on va dénaturer le bâtiment? Il y a toujours des solutions, je pense. Il peut y avoir des cas d'exception, mais, généralement, on trouve des solutions. Mais ça prend cette sensibilité-là pour avoir des... arrimer à la fois le souci de l'amélioration de la performance avec le respect du bâti, là.

Mme Grondin : Est-ce qu'on en a une, expertise, au Québec? Parce que, si on veut allier bâtiment patrimonial et efficacité énergétique...

M. Dussault (François) : Oui, oui.

Mme Grondin : Nous, on l'a vécu, dans mon comté. Ce n'était pas si simple, la notion de performance notamment, qui est peut-être, cette fois-ci, trop élevée par rapport à...

M. Dussault (François) : Bien, encore là, le temps... Mais il y a des aspects architecturaux, il y a des aspects mécaniques, des aspects électriques, les technologies d'éclairage, tout ça. Quand est-ce qu'une technologie ou une solution vient en... frapper le mur des contraintes patrimoniales, il s'agit d'avoir le dialogue avec les experts du patrimoine, qui parlent avec les experts...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre.

M. Dussault (François) : ...en technologie énergétique.

Mme Grondin : Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre. Alors, on m'informe qu'il n'y a pas eu de consentement entre les leaders pour poursuivre après 18 heures. Donc, les temps sont plus courts pour chacune des parties.

Alors, Mme la députée de... pas de Crémazie, mais... excusez-moi...

Mme Montpetit : Maurice-Richard.

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...Maurice-Richard, vous avez la parole.

Mme Montpetit : Pour ma...

Une voix : ...

Mme Montpetit : Oui, je... j'allais... Vas-y.

M. Gaudreault : …appel au règlement.

Mme Montpetit : J'allais faire la même chose, mais vas-y. Je m'en allais dans cette direction-là, je crois.

M. Gaudreault : Normalement, les travaux de la commission, là, c'est des consentements entre les membres de la commission. Je ne comprends pas c'est quoi, le consentement des leaders. Puis, nous, là, le deuxième groupe d'opposition puis le troisième groupe d'opposition, à 2 min 50 s, si on commence à réduire notre temps, on va juste avoir le temps de dire bonjour, puis ça va être terminé. Alors, moi, j'ai... pour prolonger après 6 heures, là, bien, en tout cas, après l'heure qui était prévue d'être... c'était quoi, 17 h 45, moi, je n'ai aucun problème pour ce consentement-là ou, si on réduit le temps, que ce soit sur le temps du gouvernement, mais pas sur le temps des deuxième et troisième oppositions.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Donc, la commission n'est pas liée par les décisions des leaders. Donc, est-ce qu'il y a un consentement pour poursuivre après 18 heures?

Des voix : Consentement.

M. Charette : On l'avait donné dès le départ, pas de problème.

M. Gaudreault : O.K. Parfait, merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Ça veut dire que, du côté du gouvernement, il y aurait encore trois minutes. Ça va? Ça va de votre côté?

(Consultation)

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Merci. Pourquoi est-ce qu'on irait plus vers l'efficacité énergétique pour aller sauver des gaz à effet de serre que vers d'autres approches? Est-ce que votre coût à la tonne est plus bas? Est-ce que ça coûte moins cher le projet? Est-ce que c'est plus facile? Est-ce que...

M. Méthot (Michel) : C'est un double impact, l'efficacité énergétique et les gaz à effet de serre. Si on s'attaque à un projet qui concerne des carburants fossiles, c'est sûr qu'on va dégager des gaz à effet de serre. Notre électricité est propre au Québec, alors le bilan en GES sur nos projets est moindre que chez les Américains, qui consomment beaucoup, là, de gaz à effet de serre. Un autre impact aussi, il y a les halocarbures, sur lesquels on a un impact. Il y a une grosse transition qui devrait se faire sous peu. On fait de la mécanique, on traite les problèmes d'halocarbures qu'il peut y avoir également sur nos projets, qui ont un facteur de 2 000 environ. Une tonne d'halocarbures équivaut à... Une tonne de CO2 équivaut à peu près à 2 000 tonnes d'halocarbures. Si on est capable d'en sortir également, on peut y avoir un impact.

Alors, il y a une dynamique qui s'installe sur nos projets. Chaque projet est unique. On doit en faire un amalgame, là, qui joue un peu sur les deux paliers.

M. Campeau : À moins que j'aie mal compris, je pense que vous voulez dire qu'une tonne d'halocarbures vaut beaucoup plus de tonnes de CO2.

M. Méthot (Michel) : …il y a un facteur de 2 000 environ.

M. Campeau : Je pense que vous l'avez dit à l'envers, si j'ai bien compris, là, je crois. En tout cas, ce n'est pas grave.

M. Méthot (Michel) : Oui, 1 800. Je l'ai dit à l'envers, excusez-moi. C'est ma première aujourd'hui, là.

M. Campeau : Vous avez insisté... Oui, c'est pas pire... J'avais un patron qui me disait qu'il avait fait la dernière en 1968, je ne l'ai jamais cru.

Des voix : ...

M. Campeau : Vous avez insisté sur la prévisibilité des programmes. Jusqu'à maintenant, vous trouvez que les programmes n'ont pas été assez prévisibles, trop court terme?

• (16 h 30) •

M. Méthot (Michel) : Développer un projet, ça prend de 12 à 18 mois environ. Alors, on rentre à la table à dessin avec un programme de subvention qui vient appuyer nos mesures qu'on construit, qu'on met en plan et qu'on design. Il faut s'assurer qu'on a une stabilité des programmes qui viennent appuyer nos systèmes mécaniques qu'on développe en cours de projet. Souvent, on arrivait à la fin de nos projets, le programme était suspendu. On peut parler peut-être d'écoperformance, il y a une petite période de suspension à un moment donné. Nos projets étaient construits autour de ça, et le programme était suspendu, il est revenu par après, puis on a continué. Mais cette dynamique-là est importante, développer nos projets prend beaucoup de temps, et il est important d'avoir une stabilité au niveau des programmes.

M. Dussault (François) : Et je dirais que la prévisibilité, elle s'est beaucoup améliorée avec TEQ, c'est surtout ça, le message. Ce serait dommage que ça se redilue, là.

M. Campeau : Dans ce cas-ci — je m'étire le cou un peu, là — mais c'est quand même un programme 2020‑2030, dans le cas de la baisse, de ce qu'on vise, la réduction à 37,5 %, les gaz à effet de serre et, en plus de ça, on sait qu'on ne veut pas arrêter là.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, je dois vous interrompre, M. le député de Bourget. Maintenant, c'est Mme la députée de Maurice-Richard qui a la parole pour 10 min 40 s.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Alors, c'est ce que j'allais vous demander, Mme la Présidente, puis j'en profite, le député de Jonquière m'a tiré le tapis sous les pieds, mais je trouvais effectivement que, pour un projet aussi important et qui aura des conséquences majeures, c'était important. Nous, on avait donné notre consentement aussi pour poursuivre. Donc, merci beaucoup.

M. Méthot, M. Dussault, bonjour. Je vais reprendre sur la question de la stabilité, de la prévisibilité aussi des programmes, parce que j'ai l'impression un petit peu de reprendre où on a terminé, donc les consultations il y a deux semaines. C'est un peu le jour de la marmotte, hein, c'est dans le thème de la semaine. Vous venez nous dire, parce que moi, j'ai un peu de difficultés à comprendre votre ouverture à un certain aspect du projet, vous venez nous dire, je vous cite, là : «TEQ est extrêmement — vous n'avez pas juste dit efficace, vous avez dit — extrêmement efficace et agile.» Pour vous, c'est quoi, les avantages du projet de loi qui est sur la table au niveau de TEQ?

Puis je vais continuer sur la question… vous avez parlé beaucoup de stabilité, de prévisibilité des programmes, il y a plusieurs groupes qui sont venus nous rencontrer, qui ont soulevé les mêmes préoccupations, les mêmes inquiétudes pour les différents entrepreneurs, les différents clients, de perdre, dans le fond, cette expertise, cette agilité-là qui est présente. Donc, ce que je comprends, c'est que vous trouvez que TEQ fonctionne bien. Est-ce que vous n'avez pas des inquiétudes qu'on perde tout ça?

M. Méthot (Michel) : Des inquiétudes, je ne crois pas, c'est plutôt un souci, un souci dû aux changements, de quelle façon est-ce que ça va s'imbriquer sous le ministère. TEQ demeure un guichet de service pour nous dans la mesure où ce n'est pas altéré, qu'on est capable de garder les mêmes gens, c'est une organisation d'environ 80 personnes. Ces gens-là sont quand même assez habilités à nous servir sous une autre structure qui ne créera aucune entrave, on n'a aucun problème, mais on n'a pas les détails. Comme nous, on est sur la ligne de front, on interface avec TEQ et… je ne dirais pas malheureusement, mais je n'ai pas à aller plus loin que ça. Je vous dis juste que j'ai un souci, il y a un changement actuellement, je ne dirais pas qu'on est opposés aux changements, mais il y a un souci qui peut être généré par le changement. Je ne sais pas si…

M. Dussault (François) : Bien, je voudrais quand même ajouter quelque chose là-dessus, c'est qu'il faut comprendre que notre association qui est toute récente, c'est une première en fait. Ne pensez pas, l'AQME qui existait auparavant, ne pensez pas… on a vraiment décidé de fédérer des fournisseurs. Il n'y a pas Hydro-Québec, il n'y a pas Énergir, il n'y a pas de donneur d'ouvrage, on a dit : Nous, on est des acteurs qui réalisons des projets. Fédérons-nous pour avoir une voix commune. Puis on est nouveaux comme porte-voix.

Alors, on n'est pas ici pour antagoniser nécessairement, on veut surtout montrer qu'on apprécie les programmes puis ce qu'il se fait à l'intérieur de TEQ. Puis, oui, ça a été une amélioration par rapport à l'agence, par rapport au BEIE, et tout ça, il n'y a pas de doute pour nous, puis que ça roule bien. Mais est-ce que ça va rouler moins bien dans une autre formule? Pas nécessairement, mais on exprime le souci.

Mme Montpetit : Pas nécessairement ou peut-être, parce que je vous reprends sur ce que vous dites, vous me dites : On n'a pas les détails, nous non plus, on n'a pas les détails ici. Il reste quand même, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup… là, on est un peu dans la simplicité de : On prend une structure, on l'abolit, on la remet dans un ministère. La seule chose qu'on sait, à l'heure actuelle, avec certitude, c'est que ça n'a pas fonctionné dans le passé. On a eu beaucoup d'intervenants qui sont venus, il y a deux semaines, ils sont tous venus nous dire… c'est qu'ils ont repris le terme, c'est le choix d'un échec, ça a été démontré, le Commissaire au développement durable en a fait la démonstration, la Vérificatrice générale, ils ont dit que ça ne fonctionnait pas. Donc, tu sais, je veux dire, on... Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais je... Les inquiétudes, ou les soucis, ou les préoccupations, je pense qu'elles sont... historiquement, elles sont légitimes, je vais le dire comme ça. Ceci dit, je comprends que ce n'est pas dans cette posture-là que vous venez... Vous ne voulez pas antagoniser le gouvernement qui dépose un projet de loi. Et je le comprends bien. Je vais reformuler ma question peut-être plus simplement. Ce que je comprends, c'est que TEQ, à l'heure actuelle, de la façon dont ça fonctionne, vous en êtes satisfaits.

M. Méthot (Michel) : Tout à fait.

M. Dussault (François) : Tout à fait.

Mme Montpetit : Aussi au niveau de l'efficacité énergétique, parce que vous avez fait un très long laïus sur les questions, là, d'efficacité énergétique, puis c'est normal vu votre mission, j'aurais quelques questions là-dessus, mais est-ce que vous... Encore là, est-ce que vous avez l'impression que le projet de loi, tel qu'il est déposé à l'heure actuelle, ça vous permet de croire qu'on va faire un pas supplémentaire dans cette direction-là?

M. Dussault (François) : Je n'ai pas de certitude par rapport à ça. Est-ce que j'ai une opinion? Est-ce que je pense que, si... On a tous entendu, dans le public, disons, là, les difficultés avec le Conseil de gestion du Fonds vert, qui ne priorisait pas nécessairement des bons projets puis l'argent n'allait pas nécessairement aux bons endroits. Bon, ça, c'est de un. TEQ, on vient d'en parler. Alors, est-ce que les changements apportés présentement vont... sont porteurs? Je pense que le questionnement était légitime pour le Conseil de gestion du Fonds vert. C'était peut-être moins une nécessité par rapport à TEQ. Mais l'important, c'est que ça soit dans l'actualité, qu'on en parle, puis qu'on priorise, puis qu'on accélère davantage les efforts qui sont faits.

Mme Montpetit : Bon. Je pensais que vous vouliez ajouter quelque chose. O.K. Et puis je suis avec vous, je pense que c'est intéressant, en ce sens, d'avoir de... Ça donne l'occasion d'en discuter, mais je pense qu'on aurait pu discuter d'autres choses que de structures. Si vous voulez mon avis bien personnel, puis... Puis, quand quelque chose fonctionne bien, je trouve que c'est — comment je pourrais vous dire ça — peut-être ne pas mettre l'énergie à la bonne place. Il y a beaucoup à faire en lutte aux changements climatiques, il y a beaucoup à faire en efficacité énergétique. Est-ce que changer une structure qui fonctionne bien pour faire qu'elle fonctionnera tout aussi bien, je trouve ce n'est pas mettre l'énergie à la bonne place. Mais ça, c'est mon éditorial bien personnel dans lequel je ne veux pas vous faire entrer.

Pour les quelques minutes qu'il reste, je serais curieuse de vous entendre, parce que j'imagine que vous avez peut-être... Vous avez suivi les travaux de notre commission. Donc, vous avez sûrement entendu Hydro-Québec. Parfait. Vous me faites signe que oui de la tête. Et je serais curieuse de vous entendre, puis mon collègue de Jonquière l'a souligné assez largement, puis je partageais tout à fait son opinion sur le fait que c'était, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais mince, je dirais pauvre comme présentation, mais je vais dire mince, mince en termes d'épaisseur, mais mince en termes d'argumentaire, puis on leur a posé certaines questions, justement, sur l'efficacité énergétique. Mais, plus largement par rapport à leur présentation, par rapport au plan qui est sur la table, de faire des gains en efficacité énergétique, je présume que vous devez penser qu'on peut faire mieux que ce qui est sur la table présentement, là.

M. Méthot (Michel) : On peut faire plus. On doit se mettre des cibles, c'est sûr. Il y a énormément à faire. Il y a un potentiel latent d'électrification encore important. Il y a à peu près 80 % du gaz qui va à travers de la chauffe actuellement au Québec. Il y a énormément à faire de ce côté-là. À quelle vitesse est-ce qu'on le fait? À quelle vitesse on s'engage à le faire? Il y a bien des choses hypothétiques. Nous, on va faire les projets dans la mesure qu'on est capable... le marché est capable de les absorber, puis de les délimiter, puis d'avancer. Mais on n'est pas là pour fixer des cibles. Les cibles ne sont jamais assez ambitieuses pour nous. On doit... On pourrait pousser beaucoup plus.

• (16 h 40) •

M. Dussault (François) : Oui. Moi, ce que je ne sais pas, c'est, à un moment donné, quel... Hydro-Québec a l'obligation d'avoir ses propres programmes pour générer, pour appuyer. TEQ en a. Il y a des programmes un peu partout. Il y a des aides financières, il y a des appuis, il y a des priorités un peu partout, puis ça... Et ce qui est important pour nous, c'est un peu de bien capter tout ça, que ça ne change pas constamment. Est-ce que, Hydro-Québec, on en est satisfait? Je pense que, dans l'électrification, la base, c'est de ne pas faire d'électrification simpliste, de passer d'une solution à une autre sans regarder l'ensemble de l'oeuvre, je l'ai dit tantôt. Michel a parlé de grille-pain tantôt, moi, je vais aller dans... faire une autre image, si c'était... si moi, j'avais le choix de dicter des solutions, des technologies, probablement que je proscrirais la plinthe électrique dans la nouvelle construction pour aller vers des thermopompes. Je ne comprends pas qu'on construise des tours à logement à qui mieux mieux, à Montréal, avec la plinthe électrique. Bon, je fais un éditorial à mon tour, là, mais est-ce qu'Hydro-Québec pourrait appuyer des technologies un peu plus poussées que laisser les contracteurs puis les promoteurs faire de la construction un peu bête et méchante? On est bien contents que ce soit électrique, là, mais ça pourrait être pas mal mieux fait.

M. Méthot (Michel) : Et on en aura besoin avec l'électrification des transports, il va falloir dégager de la capacité de conservation aussi. Les transports vont être arrimés à ces bâtiments-là qui vont être énergivores. De quelle façon est-ce qu'on va gérer les plinthes électriques? Il y a toute une dynamique, là, qui va s'installer également avec l'électrification des transports. Mais de l'électrification bête et méchante, non, il ne faudrait pas, il faudrait faire de l'efficacité énergétique en utilisant l'électricité.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, merci. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. Vous avez mentionné, dans votre mémoire, une étude IGOPP qui classe TEQ au huitième rang des sociétés d'État et organismes en matière de gouvernance, où c'est très efficace, puis vous en avez beaucoup, beaucoup parlé. Est-ce que ce serait possible de déposer cette étude-là à la commission?

M. Méthot (Michel) : Elle est publique, je crois, oui. Elle est publique, on pourrait la déposer.

Mme Ghazal : Oui, mais la déposer, comme ça, elle va être sur un site...

M. Méthot (Michel) : Tout à fait, oui, oui.

Mme Ghazal : ...puis présente à tous les membres, puis on va tous la lire, parce que ça serait intéressant. Puis je vais revenir aussi à l'efficacité énergétique qui est extrêmement importante, puis vous avez... dans le fond, vous dites : C'est vraiment dommage que le gouvernement, et dans le plan directeur, on ait aussi peu d'ambition, que ça soit uniquement 1 %, alors que, vous, quand vous faites des projets, ça va 20 %, 25 %. Pour le Québec, si vous aviez à conseiller le gouvernement, quelles cibles vous lui conseilleriez, au lieu du 1 %? Sûrement plus haut, mais par exemple?

M. Dussault (François) : Est-ce qu'on parle de cibles de réduction de consommation ou de cibles d'émissions de gaz à effet de serre? C'est deux choses.

Mme Ghazal : Non, non, cibles de l'efficacité énergétique, de réduction de consommation, oui, oui, le 1 % que vous avez dit.

M. Dussault (François) : Dans les bâtiments existants, on pourrait facilement avoir des cibles de 20 %, là, dans...

M. Méthot (Michel) : Les commissions scolaires se sont engagées à 15 % il y a environ, je dirais, une dizaine d'années. Il y avait un programme, on coupait les budgets simplement puis il fallait faire quelque chose pour rentrer dans le budget. Alors, ils se sont mis à faire de l'efficacité énergétique, puis il y a des très beaux projets qui se sont faits.

Mme Ghazal : Donc, on s'explique mal ce manque d'ambition, parce que c'est tout à fait possible, c'est...

M. Méthot (Michel) : C'est ça.

Mme Ghazal : ...il faudrait le réviser dans le plan directeur.

M. Méthot (Michel) : À l'époque, c'était une obligation, puis les gens ont bien réagi et puis l'industrie a réagi, il s'est construit une entreprise, là, en efficacité énergétique.

Mme Ghazal : Très bien. Puis comme on veut que tout le monde fasse de l'efficacité énergétique, vous parlez des écoles, hôpitaux, etc., mais on veut que ça soit tout le monde. Moi, je pense, par exemple, aux propriétaires... aux locataires, souvent, les locataires, c'est sûr que, quand tu loues, tu n'as pas vraiment l'argent, ou ça ne vaut pas la peine d'investir dans un appartement ou un logement qui ne t'appartient pas pour faire de l'efficacité énergétique, parce que... puis, en plus, tu veux faire baisser ta facture, mais ça serait le propriétaire qui devrait le faire, sauf qu'ils ont peu d'intérêt à le faire, les propriétaires, parce que ce n'est pas eux, de toute façon, qui paient la facture dans la majeure partie du temps.

Ce serait quoi, les mécanismes, selon vous, qui devraient être mis en place pour faire en sorte que même ces propriétaires-là qui louent leurs logements fassent, eux aussi, de l'efficacité énergétique?

M. Dussault (François) : Ces projets-là, il ne faut pas oublier que, quand il y a des appuis financiers, l'appui financier ne couvre pas 100 % de l'investissement, hein, il y a toujours une mise de fonds du capital privé, du financement bancaire, etc. Ça fait que le problème, c'est que les propriétaires, s'ils n'y voient pas leur compte, alors s'ils ne voient pas leurs bénéfices, ils perdent... ils n'ont pas nécessairement la motivation. Puis on parle de logements, mais les édifices à bureaux, les baux commerciaux, l'énergie est tout le temps refilée aux locataires...

Mme Ghazal : Tout à fait.

M. Dussault (François) : ...ou presque tout le temps, à moins d'être un édifice à bureaux avec un propriétaire occupant. Alors, dans le secteur privé, là, il faut penser à des mécanismes de financement de projets...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre. Je suis désolée. Alors, maintenant, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Je veux juste être sûr de bien comprendre. Quand vous parlez des cibles d'efficacité énergétique, c'est en électricité, c'est en électricité, donc c'est de réduire la consommation électrique au Québec.

M. Dussault (François) : Vous référez à un passage de notre...

M. Gaudreault : Bien, vous faites… bien, vous avez répondu à ma collègue de Mercier, mais, dans le mémoire, vous faites référence aussi au plan de TEQ, là, qui parlait d'une cible d'amélioration de 1 %.

M. Dussault (François) : Ça, c'est toute source d'énergie, pas juste l'électricité.

M. Gaudreault : C'est ça, exact. Mais ma question est un peu ça, est-ce que c'est toute source d'énergie?

M. Méthot (Michel) : Oui, c'est toute source d'énergie, le gaz fossile également, il y a beaucoup de travail à faire de ce côté-là aussi.

M. Gaudreault : O.K. Bon. Maintenant, vous plaidez quand même, de belle façon, pour Transition énergétique Québec, c'est effectivement important de le dire et de le faire. Mais vous entretenez un flou artistique sur le Conseil de gestion du Fonds vert, vous dites que vous comprenez que ça sera aboli, mais êtes-vous pour ou contre? Qu'est-ce que vous proposez pour le Conseil de gestion du Fonds vert?

M. Méthot (Michel) : On interfère très peu avec… on travaille surtout avec TEQ, du côté de l'efficacité énergétique, et tout. Je dirais qu'on est neutres, on voudrait quand même participer… ça fait partie du volet énergétique, pour l'ensemble du Québec. Les deux choses, c'est quand même des vases communicants, on aimerait participer au comité. Mais, si on avait à prioriser, ça serait du côté de TEQ, oui.

M. Gaudreault : Mais vous ne pensez pas qu'on aurait avantage, au Québec, à avoir une vision plus intégrée de l'ensemble du défi climatique, qui comprend, oui, des nouvelles technologies avec le Fonds vert, mais aussi de l'efficacité énergétique avec TEQ, au lieu de travailler en silo?

M. Dussault (François) : Je pense… oui, certainement, une vision globale… qu'une approche globale, c'est parfait. Ce qu'on cherche, c'est surtout qu'il y ait une place pour les praticiens, les gens… vous parlez d'innovation, mais, sur le terrain, quand on présente des projets à des clients, les clients ne veulent pas nécessairement être des cobayes, ils veulent avoir des technologies qui ont déjà été éprouvées, ils veulent être un peu rassurés par rapport à la démarche qu'ils entreprennent en efficacité énergétique. Alors, là où nous, on a un plus gros impact, c'est dans le domaine des technologies existantes, des nouvelles technologies, mais qui sont proches d'une maturité, mais on n'est pas nécessairement dans la grande innovation.

M. Gaudreault : O.K.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre ici. Alors, c'est terminé pour vous. J'invite maintenant la Fédération des chambres de commerce du Québec à venir prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

(Reprise à 16 h 49)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue aux représentants de la chambre… de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange entre les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous. Bienvenue.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Milliard (Charles) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous. Alors, je me présente, Charles Milliard, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de M. Philippe Noël, directeur, stratégie et affaires économiques à la fédération.

Donc, la Fédération des chambres de commerce du Québec est un organisme qui regroupe 132 chambres de commerce, 1 100 membres corporatifs et plus de 50 000 entreprises. Comme vous le savez, les membres de la fédération exercent leurs activités dans tous les secteurs de l'économie et sur l'ensemble du territoire québécois. Étant le plus important réseau de gens d'affaires et d'entreprises au Québec, la FCCQ agit également comme chambre de commerce provinciale, mettant de l'avant l'intérêt de ses membres en matière de politique publique.

Pour nous, le nouveau modèle d'administration du Fonds d'électrification et de changements climatiques, proposé dans le projet de loi n° 44, devrait viser à s'assurer que la gestion des programmes soit efficiente, souple, et réponde aux besoins des entreprises. Ce modèle devrait démontrer que, en plus des objectifs de réduction des GES, que la transition énergétique peut être un vecteur de développement économique et permettre de créer des opportunités d'affaires et d'innovation tout en soutenant les entreprises dans la lutte aux changements climatiques. Les entreprises, comme beaucoup de citoyens, par ailleurs, ont exprimé et démontré, au fil des années, une volonté d'améliorer leur performance sur le plan environnemental, mais de façon pragmatique et en lien avec leur capacité technologique et évidemment financière.

• (16 h 50) •

Au niveau gouvernemental, le Fonds vert joue un rôle central au coeur de cette transition. Par contre, force est de constater que des ratés ont été observés dans l'administration de ce fonds au cours des dernières années. De façon déconcertante, nous avons observé que le Fonds vert disposait d'environ 1 milliard de dollars de surplus sur une bonne période, des sommes considérables qui demeuraient alors inutilisées pour les mesures de soutien à la transition énergétique alors que les besoins sont grands, immenses, en fait, surtout dans l'atteinte des cibles.

Une meilleure utilisation des sommes disponibles aurait donc été nécessaire avant, pour que les montants servent réellement aux projets permettant de réduire les GES, ce qui n'a pas toujours été le cas, malheureusement, dans le passé. Ça signifie en avoir plus pour notre argent en évitant autant que possible l'éparpillement dans différents programmes visant à atteindre le même objectif. Bref, le comportement à adopter est simple, avoir une saine obsession pour les programmes performants.

Des améliorations ont été apportées, dans les dernières années, à la gestion du fonds, mais des changements au projet de loi n° 44 nous font craindre un retour en arrière. Le gouvernement dispose pourtant d'une belle occasion de bâtir sur des améliorations récentes pour corriger les lacunes qui persistent, notamment sur le plan administratif. Par exemple, l'abolition du Conseil de gestion du Fonds vert soulève des questions quant à la reddition de comptes de la gestion du fonds afin qu'elle soit indépendante du ministère de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques. Selon nous, le Conseil de gestion du Fonds vert livrait des résultats escomptés dans l'analyse de la performance du fonds.

En effet, l'analyse des 185 mesures du Plan d'action 2013—2020 sur les changements climatiques, dévoilé en décembre 2018 par le conseil, répondait, d'ailleurs, aux demandes passées de la FCCQ d'avoir ce type d'évaluation critique. Les programmes performants étaient identifiés et ceux qui ne répondaient pas aux attentes également. La FCCQ souhaite que le gouvernement maintienne un mécanisme de reddition de comptes transparent et externe au ministère afin de ne pas répéter le scénario passé quant aux manquements observés dans la gestion du Fonds vert. Aussi... les rôles et les obligations, pardon, devraient être qualifiés entre les différents acteurs gouvernementaux impliqués afin d'éviter toute mésentente dans les responsabilités et les délais induits.

Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi n° 44 abolit également Transition énergétique Québec afin de confier au ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles la responsabilité d'élaborer un plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétique. La FCCQ a appuyé, dès le départ, la création de TEQ afin qu'il puisse y avoir plus de flexibilité et d'agilité dans les programmes de transition énergétique et regrette, malheureusement, son abolition.

Nous constatons que, durant sa trop courte existence, TEQ était appréciée des entreprises, donc de nos membres, puisqu'elle permettait un accompagnement des parties prenantes, et une rapidité dans les approbations, ainsi qu'une prévisibilité dans les programmes retrouvés sur une base pluriannuelle. Les résultats de TEQ, depuis sa création en avril 2017, sont positifs. On pouvait lire, dans le rapport annuel 2018‑2019, entre autres, que TEQ avait un taux de réalisation à 100 % des mesures sous la responsabilité de TEQ du plan directeur prévu en 2018‑2019. On pouvait y lire aussi que les programmes liés à TEQ ont le potentiel de générer plus de 60 % de réduction de gaz à effet de serre au Québec, avec moins de 18,5 % des sommes retrouvés dans le Fonds vert.

Toutefois, reconnaissons que le Commissaire au développement durable a identifié, dans les présentes consultations particulières, des lacunes qui, selon lui, touchaient à la production des audits et des états financiers. Des améliorations sont donc toujours possibles. Nous recommandons de maintenir TEQ, minimalement, jusqu'à la fin de son plan directeur en transition énergétique 2018‑2023 et de prévoir des dispositions dans le projet de loi pour renforcer l'imputabilité et la transparence dans la gestion des programmes de la société d'État qui seraient à la satisfaction, évidemment, du Vérificateur général du Québec.

 Si elle exprime le souhait de maintenir TEQ dans le présent mémoire, la fédération supporte toutefois l'obligation énoncée dans le présent projet de loi que les membres du comité consultatif du ministre possèdent une compétence et une expérience significative et pluridisciplinaire dans la lutte aux changements climatiques. Pour s'assurer que le Québec puisse atteindre les objectifs en matière de réduction des émissions de GES en tenant compte des réalités des entreprises, il faudrait en effet s'assurer d'impliquer les acteurs industriels, économiques et des affaires québécois dans l'ensemble des démarches associées au fonds et au Plan d'électrification et de changements climatiques, et ce, davantage que par le passé. Si le gouvernement maintient les deux comités consultatifs amenés par le projet de loi, il devrait donc y avoir une compréhension de l'univers dans lequel évoluent le secteur industriel, les entreprises et leur réalité économique.

Nous souhaitons également réitérer notre demande d'impliquer davantage les ministères à vocation économique non seulement dans les processus entourant les programmes du PECC, mais également dans la reddition de comptes servant à connaître les performances des différentes mesures.

Selon nous, plusieurs principes fondamentaux doivent guider la vision du gouvernement dans l'élaboration du nouveau Plan d'électrification et de changements climatiques. Il faudra que l'accès des entreprises aux mesures soit facile en évitant, autant que possible, l'éparpillement dans différents programmes visant à atteindre le même objectif. En ce sens, nous favorisons une approche axée sur l'accompagnement des entreprises afin de réaliser la transition énergétique plutôt que sur la coercition. Il est impératif également de maximiser les sommes disponibles pour mieux soutenir les secteurs industriels, des transports et du bâtiment grâce aux mesures qui se trouveront dans le plan.

Une multitude de solutions existent dans la lutte aux changements climatiques et méritent l'attention du gouvernement. Malgré l'importante et nécessaire place de l'électricité dans la transition énergétique, nous savons tous qu'elle ne peut, à elle seule, combler tous les besoins énergétiques au Québec. La nouvelle mouture du Plan d'électrification et de changements climatiques devra non seulement resserrer le nombre de mesures pour assurer leur efficacité, mais également faire une place à une pluralité énergétique répondant aux besoins des entreprises et aux réalités des régions. Dans un contexte où les besoins en hydrocarbures sont encore nécessaires, la transition énergétique doit inclure des sources d'énergie plus propres que le mazout ou le charbon, par exemple, tel que le gaz naturel et le gaz naturel renouvelable, la biomasse forestière, l'énergie solaire, le propane ou l'hydrogène en complément à la stratégie d'électrification. Aussi, il est important de mentionner que des préoccupations sont entendues de la part de certains acteurs du transport collectif, entre autres quant à l'absence de précision concernant la part exacte consacrée au transport.

Dans le projet de loi, le terme «peut» laisse entendre, pour plusieurs, une certaine zone grise sur l'importance des sommes qui y sont consacrées. Étant donné les besoins nombreux, des acteurs du milieu ont évoqué minimalement de remplacer «peut» par «doit» afin de garantir l'obtention d'une part minimale, d'autant plus que le secteur des transports demeure évidemment un émetteur de GES très important. Il faut dire que la règle des deux tiers nous apparaît comme étant justifiée, toujours justifiée, puisqu'elle permettait de quantifier, avec précision et dans une perspective de prévisibilité, la part réservée au financement des mesures de transport au moment où les besoins demeurent si importants. Dans ce contexte, il serait nécessaire de ne pas envoyer des signaux contraires, notamment pour respecter l'atteinte des cibles retrouvées dans la politique de mobilité durable. Nous recommandons donc d'abroger l'article 8 du projet de loi n° 44 afin que la règle des deux tiers soit maintenue comme part minimale réservée au transport et que l'implication du ministre des Transports, dans la ventilation des sommes, demeure.

En conclusion, souhaitons qu'un fonds d'électrification et de changements climatiques amélioré permettra de mieux utiliser les sommes disponibles en évitant de s'éparpiller et en se concentrant sur l'essentiel, soit la réduction des gaz à effet de serre. La transition énergétique doit être un vecteur de développement économique qui permet de créer des opportunités d'affaires et d'innovations, et ce, tout en soutenant les entreprises dans la lutte aux changements climatiques. Si le milieu politique et celui des affaires travaillent ensemble pour réaliser cette transition, c'est l'ensemble de la population qui en ressortira gagnante. Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci beaucoup. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

• (17 heures) •

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. À vous deux, messieurs, merci de votre présence cet après-midi, mais je vous dirais merci aussi de votre présence et de votre soutien au cours des derniers mois. Vous savez que, oui, l'étude du projet de loi n° 44, qui chemine bien à travers les consultations, qui devraient d'ailleurs se terminer demain… mais il y a aussi ce plan d'action que l'on entend déposer, au cours des prochaines semaines, pour guider notre action pour la prochaine décennie, et ce plan d'action va reposer sur une large consultation. Quand je vous dis merci, si vous avez aidé et contribué au succès de cette consultation-là dans chacune des régions que nous avons visitées, donc merci pour le rôle actif que vous avez joué.

Je vous entendais au niveau des critiques que vous reprenez, hein, ce n'était pas nouveau, au niveau de la gestion du Fonds vert. C'est vrai que ça fait l'actualité depuis quelques années malheureusement, et au point où certains ont perdu confiance dans notre système de marché du carbone ou, à tout le moins, concluaient qu'on aurait pu faire nettement mieux avec les sommes qui étaient à notre disposition. C'est le pourquoi du projet de loi n° 44. Si jamais on avait eu une instance ou des instances qui produisaient leurs résultats au niveau de l'encadrement du Fonds vert, naturellement, on n'en serait pas là aujourd'hui et on serait heureux de travailler sur autres choses. Mais le constat des dernières années, c'est qu'il n'y avait personne d'imputable, il n'y avait personne de responsable. Lorsque l'on questionnait les ministres de l'Environnement qui m'ont précédé par rapport à ces résultats-là, on invoquait tout plein d'arguments comme quoi, bon, ce n'était pas réellement eux, qu'ils n'avaient pas réellement le contrôle là-dessus. Lorsqu'on questionnait le ministère ou le ministre des Finances de l'époque, on avait essentiellement les mêmes réponses. Bref, on avait des problèmes manifestes, mais aucun responsable, aucune personne imputable. C'est la raison pour laquelle on intègre la gestion du Fonds vert au sein du ministère et TEQ au sein du MERN, pour qu'il y ait une responsabilité ministérielle claire, qu'on n'ait plus à se faufiler ou à se défiler comme on l'a fait au cours des dernières années. Mais je comprends votre besoin de prévisibilité, je comprends votre désir d'agilité et de flexibilité, et soyez assurés qu'on va travailler dans ce sens-là.

Vous disiez souhaiter une possibilité d'évaluation externe de ces sommes-là qui seront engagées, de la gestion du fonds. Je ne sais pas si vous avez porté attention au rôle que l'on confie au Commissaire au développement durable, notamment. Oui, il y a le comité scientifique, qui va nous aider dans l'élaboration des programmes, dans le suivi de ces programmes-là, mais le bulletin, en quelque sorte, va venir du Commissaire au développement durable, qui aura le mandat et la latitude nécessaire pour, justement, déterminer le potentiel des mesures mises en place. Donc, si c'était une de vos craintes, je vous dirais qu'il n'y a pas plus neutre que le Commissaire au développement durable, là, qui est sous la tutelle... Ce n'est pas le bon mot, mais qui est sous le... essentiellement, c'est la Vérificatrice générale, le Commissaire au développement durable. Donc, ça, est-ce que c'est de nature à vous rassurer, de dire : Une instance complètement indépendante, année après année, va nous donner notre bulletin pour éviter qu'on reproduise un peu les réserves et les erreurs du passé?

M. Noël (Philippe) : Oui, en fait, bien, on a écouté attentivement, notamment dans la consultation particulière, le passage de M. Lanoie, qui est le Commissaire au développement durable. Il suscitait certaines questions par rapport au projet de loi. On sentait qu'il avait beaucoup d'interrogations sur des mesures qui étaient prévues au projet de loi, s'il serait en mesure de livrer, en fait, ce qui est attendu de votre côté par rapport à ça.

Nous, le Conseil de gestion du Fonds vert a réalisé l'analyse qu'on demandait depuis des années, c'est-à-dire de mesurer chaque mesure, chaque programme du Fonds vert et de voir la performance. Et on n'est pas certains, en fait, vraiment pas, que le Commissaire au développement durable va pouvoir être en mesure d'évaluer la performance des programmes, programme par programme, comme le Conseil de gestion du Fonds vert l'a fait. Il l'a fait de manière indépendante, en étant un petit peu un point central, en allant vérifier dans les autres ministères aussi qui ont un lien avec le Fonds vert et qui ont un intérêt à la bonne performance du Fonds vert. Donc, tout ça combiné ensemble, nous, ça nous amène plusieurs questionnements.

Et, lorsqu'il est passé, il a dit, notamment, que la structure de gouvernance du Fonds vert était similaire à ce qui précédait en 2016. Donc, nous, à l'époque, on avait fait plusieurs sorties pour dire qu'il fallait, justement, revoir cette gouvernance-là et que ça nous préoccupait beaucoup. Donc, c'est pour ça qu'on est vraiment préoccupés, notamment par ça.

Et puis je crois qu'il y a une... le Conseil de gestion du Fonds vert a une obligation de publier des analyses aux six mois. Donc, le suivi est beaucoup plus rigoureux que le Commissaire au développement durable, qui... je crois que c'est annuel, sa révision. Donc, tout ça combiné ensemble, c'est ce qui est prévu, je pense, au projet de loi.

M. Charette : En fait, je comprends l'obligation de résultat. Et moi, je dis, toujours en sourire en coin, par le passé, il n'y avait pas responsable, tout le monde se renvoyait la balle. Là, clairement, si ça ne fonctionne pas, il y aura un responsable. Je ne dis pas que j'occuperai indéfiniment cette fonction-là, mais le ministère de l'Environnement… le ministre, c'est-à-dire, peu importe qui sera titulaire, aura des comptes à rendre, ce qui sera déjà une nette amélioration. Je comprends, par rapport au Commissaire au développement durable, mais là ça vient à l'autre comité, celui d'experts, qui, lui, va conseiller non pas le MERN, parce que, lui aussi, aura son comité, mais au niveau du ministère de l'Environnement, et là aussi on ne veut pas des rapports de complaisance. Et, par le passé, ce qu'il arrivait avec le conseil de gestion, il pouvait y avoir des rapports transmis au ministre, mais le ministre était dans le droit ou avait la possibilité de ne jamais les rendre publics, donc, ce qui était un petit peu embarrassant, on n'en avait pas écho. Et là, dans la constitution de ce nouveau comité-là, c'est précisé que tous les rapports, pas à la discrétion du ministre, tous les rapports seront rendus publics. Donc, quand ça va mal, ce sera su, et sans délai. Et là il n'y a pas de précision à savoir est-ce que c'est une fois l'an, est-ce que... Quand le comité le souhaitera, ils auront, ces membres-là, la possibilité de produire des avis, et ils seront systématiquement et obligatoirement rendus publics.

Est-ce que c'est là un peu le type de garantie ou d'indépendance qui vous met en confiance pour s'assurer qu'on ne finance plus, comme par le passé, des produits ou des projets qui, malheureusement, n'apportaient pas les résultats escomptés?

M. Milliard (Charles) : Bien, je vous dirais... Premièrement, je vous remercie pour vos commentaires positifs sur notre implication. Ça fait plaisir d'être un joueur actif et d'avoir des critiques constructives. Je pense que le message doit être clair à ce titre-là.

Pour être très bref, je vous dirais que je suis ravi de ce que j'entends. Par contre, je pense que le différend, il est peut-être un peu conceptuel dans le sens que je ne doute du tout de la bonne volonté du ministre actuel, probablement pas de celui ou de celle qui vous remplacera ni de l'autre d'après, mais pourquoi se priver d'une structure qui, même si elle était perfectible, livrait quand même des résultats intéressants en termes d'évaluation de la performance, de l'efficience de la stratégie sur la lutte aux changements climatiques? Alors, comme on dit en anglais, peut-être, «agree to disagree» sur ce point-là. Mais ce que vous nous mentionnez, c'est effectivement porteur.

M. Charette : Et, en même temps, vous avez écouté l'échange avec le Commissaire au développement durable. Je ne sais pas si vous avez écouté celui avec la représentante du Conseil de gestion du Fonds vert. Malheureusement, c'est une structure qui, dans les faits, pouvait avoir ses mérites, mais, dans sa constitution, comment le gouvernement précédent l'avait créée, ça a généré énormément de conflits de juridiction. J'ai fait référence à bon nombre d'avis juridiques qui étaient partagés, donc c'était un conflit souvent ouvert avec le ministère de l'Environnement, souvent ouvert avec le ministère des Transports, souvent ouvert avec TEQ. Et, encore là, on n'arrivait pas à faire reconnaître le principe d'imputabilité ministérielle. Que le Conseil de gestion remette en question la demande de vérification de résultats du ministère de l'Environnement, on s'éloigne étrangement du principe d'imputabilité ministérielle. Donc, ça explique un petit peu le cheminement qui est le nôtre.

Vous avez questionné, vous n'êtes pas les seuls, la question du deux tiers au niveau des transports. Moi, ça me permet de faire la précision à chacune, des fois, le Fonds vert n'engendrera pas des revenus suffisants pour financer adéquatement le domaine du transport, notamment le transport collectif, tant les besoins sont importants. C'est pour ça qu'on se laisse cette latitude-là.

Et il y a des associations de transport qui sont venues nous voir et qui disaient : Effectivement, il faut enlever cette obligation-là, parce qu'il y a des transferts d'argent qui se font de façon automatiquement, mais sans qu'il y ait pour autant de programmes pour les recevoir ou sans pour autant arriver à dépenser les argents qui sont automatiquement transférés. Donc, la solution qu'on préconise… là, vous êtes obligé un petit peu de me croire sur parole, mais vous allez avoir la démonstration dans quelques semaines… c'est à travers le budget beaucoup qu'on va répondre à ces besoins-là, parce que les budgets offrent une latitude plus grande, notamment le PQI. Donc, dans quelques semaines, je pense que vos craintes par rapport aux deux tiers seront totalement rassurées.

Et, sinon, dernier mot, ce n'est même pas une question, juste vous dire à quel point on est d'accord. Possibilité de développement économique, c'est très, très, très vrai. C'est un défi colossal qui nous attend, mais quelle belle opportunité, en même temps, de mettre de l'avant l'expertise québécoise, de mettre de l'avant l'innovation qui est faite ici, au Québec. J'étais, ce matin, avec un regroupement de gens d'affaires en économie verte ce matin sur le côté de Trois-Rivières. Et tous, naturellement, y voient un beau, beau potentiel pour, oui, relever le défi, mais, en même temps, contribuer au développement économique du Québec. Donc, à ce niveau-là, encore une fois, vous serez de précieux partenaires. Donc, merci. Je sais que j'ai des collègues aussi qui souhaitent intervenir.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Oui, M. le ministre, vous avez trois collègues, qui ont 5 min 20 s pour poser leurs questions. Alors, la parole est au député de Bourget en premier.

• (17 h 10) •

M. Campeau : Moi, j'aimerais souligner deux choses que vous avez mentionnées que j'aime bien, que j'ai trouvées drôles aussi. C'est la saine obsession de l'efficacité. Je trouve que c'est bien dit et c'est très utile. Et l'autre que vous avez mentionnée, c'est d'utiliser la carotte plus que le bâton. J'ai l'impression que ça marche toujours mieux. Quand les gens sont convaincus et qu'ils embarquent, ça va toujours mieux.

J'aimerais revenir sur l'histoire des deux tiers dont le ministre parlait. Juste pour une... C'est vu, d'un côté, qu'il n'y aura pas assez d'argent, mais, vu d'une autre façon aussi, il y a beaucoup de ces projets-là qui, rendus en 2024, 2025, 2026, vont arriver à être mis en place, puis, à ce moment-là, si tout se passe comme prévu, ça ne sera plus 43 % des GES qui vont être dans le transport. Alors, ça nous permet une certaine flexibilité d'envoyer l'argent où il doit aller pour être le plus efficace. Parce que ce projet de loi là, bien, on imagine qu'il va durer plus que deux ans, qu'il va durer sur une longue période. En fait, on le fait avec ça en tête. Et, par rapport à ça, bien, je vois ça plus comme, peut-être, ça va être plus que deux tiers au début, mais, après un bout de temps, selon les besoins, selon le nouveau bilan qu'on aura, de gaz à effet de serre, bien, on pourrait peut-être l'adapter d'une façon plus optimale. En tout cas, c'est ma lecture, moi, personnellement, de cet article-là.

J'aimerais vous parler aussi de quelque chose que vous n'avez pas beaucoup parlé, et ça m'a surpris, parce que la fédération des chambres de commerce... Les chambres de commerce, ils parlent à tous les ministères, et ce projet de loi là a un aspect de transversalité permettant au ministre d'aller toucher à tout dans tous les autres ministères. Est-ce que vous voyez ça comme utile, dérangeant? Est-ce que c'est un aspect que vous avez vu, dans le projet de loi, comme étant intéressant?

M. Milliard (Charles) : Bien, je pense que qui dit transversalité dit possibilité de communication, puis c'est un peu ce qu'on vient dire aujourd'hui, c'est que, s'il y a des ministères, entre autres, à vocation économique… ne sont pas consultés parce que, justement, il y a un certain rapatriement au niveau du ministère de l'Environnement, c'est problématique pour nous, pour que la voix des entrepreneurs puis le pragmatisme dont les entrepreneurs ont besoin soient entendus dans les instances.

Maintenant, le ministre nous a rassurés à plusieurs égards sur ce point. Alors, on verra évidemment à l'usage, mais voilà. Ça me fait plaisir que vous aimiez l'expression «saine obsession», je pense que ça traduit bien ce qui devrait nous animer. Voilà.

Philippe, est-ce que tu avais...

M. Noël (Philippe) : Oui. En fait, c'est peut-être… puis je ne veux pas enlever du temps non plus nécessairement du côté du gouvernement… c'est sur la règle des deux tiers. On a des sociétés de transport qui sont membres chez nous, en fait, qui sont préoccupées parce qu'il y a comme une sorte de zone grise par l'avènement, en fait, de l'article 8 du projet de loi, sur le fait que : Est-ce qu'il va y avoir du financement nécessaire pour répondre à leurs besoins en matière de transport?, de un, de deux, l'implication du ministre des Transports dans la détermination des sommes réservées aux mesures prévues au... en fait, les sommes prévues dans le budget du Fonds vert réservées aux mesures en transport. Pourquoi enlever cette implication-là? J'ai entendu aussi l'Association du transport urbain du Québec le dire ici, en commission parlementaire. Donc, tout ça combiné ensemble, on entend beaucoup ces préoccupations-là, puis c'est pour ça qu'on vous faisait cette suggestion-là, là.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme St-Pierre) : 1 min 40 s.

Mme Grondin : Une minute. Donc, une seule question. Vous avez participé à la tournée des régions, donc vous connaissez bien la réalité des régions. Rassurez-moi. Vous avez beaucoup focussé votre mémoire ainsi que votre exposé, en termes de lutte aux changements climatiques, à la réduction des gaz à effet de serre, O.K., à la transition énergétique. Vous savez qu'il y a moins de 1 % du budget du Fonds vert qui a été accordé à l'adaptation aux changements climatiques. Est-ce que vous avez des membres qui parlent de ça?

M. Noël (Philippe) : Bien, oui, en fait, à la fédération, nous, on a un comité qui est en place, qui est le comité énergie, environnement, qui a des membres de tous les secteurs, de tous les horizons, des membres aussi de notre comité transport et logistique qui a également des préoccupations par rapport à la lutte aux changements climatiques. Nous, notre position par rapport à ça, c'est essentiellement, sur la transition énergétique, d'avoir, en fait, des mesures qui peuvent répondre à l'ensemble des besoins en transport, et pour les industries, et pour les bâtiments. Et ce n'est pas nécessairement que des solutions en électrification, et ça, c'est un message qu'on veut vous porter par rapport à ça. Pour nous, c'est extrêmement important que le futur PECC puisse également contenir des mesures pour les autres sources plus propres de transition énergétique.

Et, lorsqu'on a fait les consultations, évidemment, on est allés dans toutes les régions du Québec aussi, avec le gouvernement. Là-dessus, on a eu des retombées, en fait, énormes de la part de nos membres, des chambres de commerce notamment, qui nous ont dit à quel point ils avaient apprécié, en fait, ce passage-là, cette consultation-là avec le gouvernement, et puis...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre. Nous devons passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. M. Milliard, M. Noël, merci beaucoup. Rappelez-nous, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, combien d'entreprises... Vous parlez au nom de combien d'entreprises aujourd'hui quand vous vous présentez devant nous?

M. Milliard (Charles) : 50 000.

Mme Montpetit : C'est...

M. Milliard (Charles) : Non, 50 000, non, 1 100 entreprises. Mon Dieu! J'ai un peu d'ambition. Pardonnez-moi. 1 100 membres corporatifs, donc, dans la chambre provinciale et 132 chambres de commerce.

Mme Montpetit : Voilà. Donc, on pourrait dire que c'est significatif, représentatif de l'ensemble des régions.

M. Milliard (Charles) : Je crois bien, oui.

Mme Montpetit : Parfait. Quand vous... puis je vous pose la question parce que j'entends beaucoup le gouvernement reprendre un des éléments qu'on... je ne sais pas, comme si c'était une nouveauté, là, d'allier l'économie et l'environnement et la lutte aux changements climatiques, là, c'est quelque chose qui n'est pas nouveau dans l'écosystème québécois, puis vous êtes une organisation majeure à cet effet-là, et je suis très contente de vous avoir avec nous aujourd'hui. Je ne vous cacherai pas que je partage évidemment les préoccupations que vous soulevez. Comme opposition officielle, on l'a souligné à plusieurs reprises, puis j'en profite pour... Le ministre souligne de façon assez répétitive qu'il y a eu plusieurs problèmes dans le passé, mais il oublie de dire dans la même foulée que, justement, il y a des organisations, il y a des instances qui s'appellent le Conseil de gestion du Fonds vert et Transition énergétique Québec, qui ont été mises en place relativement récemment pour venir corriger ça.

Et ce que les différents groupes nous disent depuis plusieurs journées de consultation, c'est qu'il y a... non seulement que TEQ fonctionne très, très bien et qu'au niveau du Conseil de gestion du Fonds vert, et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre, notamment… Le Conseil de gestion du Fonds vert, là, peut-être, encore là, pour la gouverne des gens qui nous écoutent, ça a été mis en place en 2017, hein, c'est une organisation qui est récente. Elle a été mise en place, justement, pour venir corriger des problèmes, pour avoir une indépendance, pour venir améliorer la gouvernance du Fonds vert, et puis là je ferai référence, parce que vous y faites référence dans votre document, au plan qui a été déposé en décembre 2018, donc sous la gouverne de l'actuel gouvernement, et qui venait analyser, justement, les 185 mesures pour dire lesquelles sont efficaces, lesquelles ne le sont pas. Et je trouve ça… puis j'en profite pour le souligner, mais je trouve ça extrêmement dommage qu'on ne laisse pas le temps à ces organisations-là, à ces instances-là de faire la démonstration de leur efficacité.

Ce que je lis, dans le fond, dans le mémoire, c'est que, de votre côté, au niveau du Conseil de gestion du Fonds vert, premièrement, vous avez fait des demandes aussi par rapport à l'évaluation de ces mesures, vous étiez satisfaits du rapport qui a été déposé en 2018 et vous aviez bon espoir que la suite des choses allait aller dans la bonne direction. C'est ce que je comprends?

M. Noël (Philippe) : Oui. En fait, on était extrêmement satisfaits, parce que c'est une demande qu'on avait depuis longtemps, à ce moment-là, qu'il y ait cette évaluation-là. Et, quand c'est sorti, ils ont identifié les programmes performants, les programmes qui l'étaient moins, et la prochaine étape, c'était comment on peut bonifier, en fait, les programmes qui étaient identifiés comme étant performants, comment on peut aller encore plus loin pour s'assurer que les mesures puissent être efficaces pour les entreprises. Et, tu sais, on avait cette impression-là aussi qu'il y ait cette transparence de publier des avis de manière aussi régulière par un organisme qui est externe, indépendant, en fait, du ministère, et ce qu'on a entendu ici, à la commission, c'est que, souvent, dans les relations avec le ministère, ils avaient l'impression de déranger avec leurs questions, avec leurs interventions. C'est pour ça que, dans notre mémoire, on propose de clarifier peut-être les dispositions ou les responsabilités entre le Conseil de gestion du Fonds vert et le ministère, notamment qui publie les audits, qui les produit, à quelle fréquence, puis c'est quoi, le calendrier. Donc, si tout ça avait été mis en place ou clarifié, peut-être qu'on se serait évité certains différends entre les deux organismes.

• (17 h 20) •

Mme Montpetit : Bien, vous avez vu comme nous, Mme Chagnon, quand elle est venue en consultation, et ce dont elle a fait mention par rapport à tous ces questionnements-là, et je suis certaine qu'on aura, comme parlementaires, l'occasion d'y revenir, mais je suis vraiment, honnêtement, je suis contente que vous le souligniez, parce que, comme je disais, vous êtes représentatifs, vous avez une voix qui est très forte, vous êtes à même de témoigner du fait qu'on allait dans la bonne direction, puis je trouve toujours ça dommage de se retrouver dans une situation où, justement, on est dans une transition, donc on fait de la structurite, on vire ce qui a été fait avant, on en remet des nouvelles, alors qu'on sait très bien que, par le passé, ça n'a pas fonctionné, donc, on reprend, je ne sais pas si on avance par en arrière ou on recule par en avant, là, je ne maîtrise pas bien cette expression-là, mais, de toute évidence, on allait dans une direction qui s'améliorait, qui se bonifiait, qui fonctionnait bien, et ce n'est pas ce qu'on fait.

Et j'aimerais ça vous entendre aussi sur TEQ, parce que ça aussi, je m'ébaubis, de groupe en groupe, de voir que tout le monde a une opinion qui est quand même assez unanime sur l'agilité, sur la rapidité, sur l'efficience de TEQ, sur à quel point, vous l'avez mentionné, c'est apprécié par vos membres. Je présume que vous devez avoir… là, je ne sais pas s'il faut que je reprenne «soucis», ou «inquiétudes», ou «préoccupations» comme mot, je vous laisse le choix du synonyme, mais sur le fait que, justement, ça revienne dans un ministère, je présume que vos membres doivent craindre, justement, de perdre cette efficacité-là, avec toutes les conséquences économiques que ça peut engendrer, là.

M. Milliard (Charles) : Bien, je pense que vous avez utilisé beaucoup d'adjectifs qu'on aurait pu utiliser aussi, parce qu'en fait, si on parle de TEQ, c'est une solution pratico-pratique, pour les entreprises qui sont membres chez nous d'avoir accès, et de mieux comprendre, et de mieux utiliser les différents programmes du gouvernement. Donc, c'est certain, pour nous, que c'est une des plus grandes pertes, je pense, en tout respect, de ce projet de loi là. Il ne faut pas, encore une fois, présumer qu'une nouvelle structure sera absolument inefficiente, mais pourquoi se priver d'une structure comme ça, comme je le disais tout à l'heure, qui était perfectible, mais qui servait grandement dans toutes les régions du Québec?

Et, quand je parle de pragmatisme, je parle d'entrepreneurs qui n'ont peut-être pas vraiment d'intérêt pour la chose politique ou pour tous les processus et qui ont besoin d'aide concrète pour comprendre comment leur entreprise peut avoir accès à un programme x, y, z. Et TEQ était efficace ou est efficace encore aujourd'hui à ce titre.

M. Noël (Philippe) : Puis peut-être pour ajouter, en fait, il y avait un plan directeur 2018‑2023 qui était en place. Et, comme ça fonctionne superbien si on se fie au rapport annuel — un taux de réalisation de 100 %, c'est quand même exceptionnel — puisqu'il y a de l'agilité, il y a de la flexibilité, puisque les programmes, il n'y a pas cette obligation-là de dépenser les crédits à l'intérieur de la première année d'existence d'un programme, par exemple, et puis que l'entreprise doive soumette sa demande à un moment peut-être qui n'est pas opportun dans son cycle de production ou pour changer ses équipements, tout ça réuni ensemble faisait en sorte que TEQ permettait aux entreprises d'avoir cette flexibilité-là sur peut-être deux, trois ans, de pouvoir avoir une prévisibilité des sommes disponibles pour les programmes issus de TEQ. Donc, c'est pour ça que c'était notamment apprécié de la part des entreprises.

Mme Montpetit : Ah! je pense que c'est intéressant, puis je suis certaine que le ministre tend une oreille à vos propos, parce que je pense que ce n'est pas… ni un ministre, ni un gouvernement, ni les députés de la banquette gouvernementale ne souhaiteraient mettre en place un projet de loi qui viendrait, je dirais, ralentir l'efficacité de nos entrepreneurs au Québec. Ce serait dommage qu'on ne fasse pas des gains au niveau de la lutte aux changements climatiques, ou des gains nuls, je vais le dire comme ça, comme on a une instance qui fonctionne bien, mais qu'on se retrouve dans une situation où on a des entrepreneurs, finalement, qui ont accès moins rapidement à des programmes. On sait que c'est le nerf de la guerre quand on est un entrepreneur sur le terrain de pouvoir avoir une réponse relativement rapide. Donc, je pense que ça, c'est peut-être un élément qu'il faut ajouter, comme je les ai entendus parler beaucoup d'économie dans les derniers jours, qu'il faut s'assurer que le volet économique, qu'il soit bien présent aussi dans la réflexion qui est faite aussi par rapport aussi à la transition énergétique.

J'aurais... Je ne sais pas, il ne doit pas me rester...

La Présidente (Mme St-Pierre) : 1 min 40 s.

Mme Montpetit : Très rapidement. On l'a souligné, là, le fait de ramener TEQ au niveau du ministère, du MERN, là, du ministère de l'Énergie, Ressources naturelles, ça soulève beaucoup de questionnements par rapport à un possible conflit d'intérêts dans ses missions : transition énergétique en même temps que le gaz, en même temps que les hydrocarbures. J'aimerais vous entendre là-dessus, si vous vous êtes penchés sur la question.

M. Noël (Philippe) : On ne s'est pas penchés directement sur la question du conflit d'intérêts. Seulement, nous, on constate que Transition énergétique Québec était apprécié des entreprises et c'était un service, en fait, qui permettait, justement, cette flexibilité-là, mais, pour ce qui est de conflit d'intérêts, ce n'est pas vraiment venu à nos oreilles.

Je crois qu'Hydro-Québec, de son côté, qui est un partenaire chez nous avec qui on travaille beaucoup, souhaite également avoir cette agilité-là, et eux ne s'opposent pas nécessairement à l'abolition de TEQ, mais souhaitent avoir, au moins, l'agilité, et qu'il n'y ait pas, notamment, justement, peut-être cette perception de conflit d'intérêts là, là.

Mme Montpetit : Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Vous avez 40 secondes, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Très rapidement sur le deux tiers. Si ce n'est pas ce niveau-là, est-ce que vous avez une suggestion ou une recommandation que le gouvernement garde juste un minimum?

Mme Montpetit : Sur le transport collectif.

M. Kelley : Transport... bien… ou le transport en général.

M. Noël (Philippe) : Bien, en fait, notre recommandation, dans le mémoire, c'est de maintenir le deux tiers, parce que c'est ce que les sociétés de transport nous disent, et on se fie à elles, notamment, pour amener ce point-là, notamment dans notre mémoire et dans nos positions publiques, là.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Je partage ce que vous avez dit par rapport au Conseil de gestion du Fonds vert ou TEQ, qu'il ne faut pas abolir pour question d'efficacité, etc. Donc, ça, je partage ça, mais là où je vous suis un peu moins, c'est quand vous dites dans votre mémoire qu'il y a une nécessaire transition, mais, malgré ça, il faut continuer à utiliser les hydrocarbures comme, par exemple, le propane, le gaz naturel, donc, il faut continuer à l'utiliser, vous dites ça à la fin de la page 3.

Vous parlez aussi du SPEDE. Vous dites : Oui, il faut maintenir, c'est important. Mais vous avez une crainte par rapport à la compétitivité des entreprises, puis il y a eu des représentations qui ont été faites par vos membres. Moi, si je comprends bien ce que vous voulez dire, peut-être, vous parlez, je pense, des allocations d'émissions gratuites, que vous ne voulez pas qu'elles soient réduites, vous voulez qu'elles soient maintenues. Vous dites aussi qu'il faut miser sur l'innovation technologique puis laisser tomber les mesures réglementaires, que vous qualifiez de contraignantes.

Donc, tous ces aspects-là m'inquiètent. Je vais vous dire pourquoi, parce que, mettez-vous à la place du ministre, qui doit atteindre la cible de 2030 de 37,5 %. Si on regarde ce que la science nous dit, il faudrait plutôt arriver à couper de moitié nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030; 2050, atteindre la carboneutralité. Donc, je veux savoir : Est-ce que vous comprenez bien l'ampleur de la tâche? Parce que ça concerne tout le monde, ça concerne les gens, ça concerne le gouvernement, les municipalités, les travailleurs, mais ça concerne aussi les entreprises quand on parle de responsabilité sociale des entreprises. Donc, qu'est-ce qu'on fait avec ce dilemme-là, avec tout ce que vous nous dites, puis l'ampleur de la tâche que le Québec doit accomplir?

M. Noël (Philippe) : Excellente question. On est dans un drôle de contexte, actuellement, c'est que nous, au Québec, en fait, on a une tarification carbone qui est sept fois plus élevée qu'à l'échelle mondiale et on demande un effort, d'ici 2030, de réduction de 26 %, ce qui est quand même colossal. On est dans un drôle de contexte, parce que, pendant qu'on est quand même extrêmement exigeant au Québec, et c'est bien, là on fait un pas en avant au moment où les États autour de nous, qui sont nos principaux compétiteurs, eux, ne font pas ce pas-là actuellement, et on souhaite même qu'ils adhèrent au SPEDE. L'Ontario s'est retirée l'année dernière, les États du Nord-Est américain, qui sont nos principaux concurrents pour attirer de l'investissement, bien, eux, ne font pas nécessairement cet effort-là. Donc, actuellement, pour faire, si on veut... pour les efforts, en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le risque que ce soit déplacé ailleurs, autour de nous, dans un système beaucoup moins contraignant que ce qui se trouve actuellement, nous, ça nous préoccupe, et ce n'est pas ce qu'on souhaite, en fait, pour le Québec.

Mme Ghazal : Donc, on fait quoi? On nivelle par le bas ou, plutôt, on garde les ambitions?

M. Noël (Philippe) : Pas du tout, pas du tout.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre ici. Je m'excuse, Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Très bien, merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, merci beaucoup pour votre présence. À la page 7, vous dites que... vous demandez d'impliquer davantage les ministères à vocation économique, non seulement dans les processus entourant les programmes du PECC, mais, dans la reddition de comptes. Quel est le rôle que le gouvernement pourrait confier à Investissement Québec, par exemple, dans le projet de loi n° 44 et dans, plus globalement, la lutte contre les changements climatiques?

M. Noël (Philippe) : Bien, en fait, l'importance, c'est que les entreprises puissent avoir leurs voix là-dedans, dans le choix, en fait, même des mesures, qu'ils puissent... en fait, que les mesures qui sont prévues dans le futur plan d'électrification, de changements climatiques puissent correspondre, en fait, à la réalité des entreprises, mais également aux aspirations des entreprises en termes de productivité. Il y a un défi, en termes de productivité, qui est colossal au Québec. On a un retard par rapport au Canada et par rapport également à l'Amérique du Nord et même à l'échelle mondiale. Donc, on est en queue de peloton à ce niveau-là.

Le rôle d'Investissement Québec, par rapport à ça, je pense qu'il devrait être un partenaire. On a toujours dit qu'Investissement Québec devait avoir un rôle à jouer extrêmement colossal en termes de partenariat avec les entreprises. Maintenant, s'ils peuvent contribuer, évidemment, à être la voix des entreprises, auprès, notamment, du ministère pour l'élaboration des mesures du PECC ou du plan d'électrification, changements climatiques, je pense que ça pourrait être positif.

• (17 h 30) •

M. Gaudreault : O.K. Mais comment vous voyez le rôle du ministre? Parce que le ministre va avoir un genre de rôle hybride, là, il se donne un pouvoir d'avis et de conseil, mais, au final, chaque ministre, selon ses ministères, va pouvoir prendre une décision. Il n'y a pas de décision transversale ou d'autorité transversale. Il est un ministre comme les autres, mais avec une pression supplémentaire pour réaliser des gains en réduction de gaz à effet de serre. C'est une question un peu large, mais, au niveau de la gouvernance, on a été beaucoup interpelés là-dessus, à l'effet que ça devrait aller plus haut, c'est-à-dire au Conseil exécutif, et là ce n'est pas le cas, là.

M. Noël (Philippe) : Ça peut être une solution intéressante. C'est pour ça qu'on revient avec notre positionnement sur le Conseil de gestion du Fonds vert pour évaluer la performance des programmes du PECC et que cette évaluation-là soit vraiment faite de manière rigoureuse et constante. Et, comme le Commissaire au développement durable a dit qu'il n'avait pas nécessairement les ressources actuellement pour évaluer la performance ou les performances des programmes et qu'il craignait même d'être revenu à la structure de gouvernance qui précédait, en fait, la création du Conseil de gestion du Fonds vert, bien, tout ça, ça nous amène beaucoup de préoccupations pour ce qui est du suivi des mesures puis...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre. Merci beaucoup pour votre participation à notre commission.

Alors, je suspends quelques secondes... quelques minutes les travaux pour appeler maintenant Équiterre à venir nous faire les commentaires.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise à 17 h 35)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants d'Équiterre. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous. Bienvenue.

Équiterre

M. Viau (Marc-André) : Merci, Mme la Présidente. Donc, mon nom est Marc-André Viau, je suis directeur des relations gouvernementales pour Équiterre.

Mme Brouillette (Caroline) : Je suis Caroline Brouillette, experte en changements climatiques pour Équiterre.

M. Viau (Marc-André) : Donc, Mme la Présidente, M. le ministre, distingués membres de la Commission des transports et de l'environnement, merci de nous recevoir ici aujourd'hui. Nous sommes ici aujourd'hui pour représenter Équiterre, une organisation comptant plusieurs milliers de membres et sympathisants qui, depuis plus de 25 ans, propose des solutions concrètes pour accélérer la transition vers une société où les citoyens, les organisations et les gouvernements font des choix écologiques sains et équitables.

Tout comme la grande majorité des Québécoises et des Québécois, nos membres et sympathisants sont extrêmement préoccupés par les effets de la crise climatique que nous ressentons déjà ici, au Québec. Cette préoccupation est partagée par les membres de l'Assemblée nationale, et c'est pourquoi nous reconnaissons que les élus, dont ceux ici présents, ont pris acte de l'urgence climatique, et que projet de loi n° 44 fait partie de la réponse législative mise de l'avant par le gouvernement.

Le p.l. n° 44 est un pas dans la direction des transformations requises et, en ce sens, nous saluons cet effort. Cependant, notre mémoire fait le constat que les mécanismes décisionnels traditionnels ne sont pas adaptés à la réalité de l'urgence climatique. Nous croyons nécessaire de bonifier le cadre de gouvernance proposé pour le rendre plus robuste et conforme à la réalité d'aujourd'hui.

Je passe maintenant la parole à ma collègue Caroline Brouillette, experte en changements climatiques.

Mme Brouillette (Caroline) : Merci. Équiterre est d'avis que le Québec peut et doit être un leader mondial en réponse à la crise climatique. Or, pour y arriver, l'action climatique ne doit pas être enclavée à l'action d'un seul ministère, pas plus qu'elle ne doit être reportée à plus tard. Les silos doivent être brisés pour que chaque décision, chaque règlement et chaque projet de loi adopté par le gouvernement soit cohérent avec la nécessité de décarboniser notre économie, et ce, dès maintenant.

Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de continuer à se fixer des cibles sans se donner les moyens de les atteindre et ainsi risquer de les rater. Pourtant, plusieurs États dans le monde, incluant des États fédérés, comme la Catalogne, l'Écosse et la Colombie-Britannique, se sont dotés de cadres législatifs ambitieux, rigoureux, et rendant leurs gouvernements imputables de leurs actions en matière de climat. Le Canada s'est également engagé, à Madrid, en décembre dernier, à légiférer en ce sens. Le Québec qui, historiquement, s'est doté de politiques publiques environnementales avant-gardistes risque de perdre sa position dans le peloton de tête s'il ne se dote pas d'un tel cadre.

Les recommandations d'Équiterre se basent donc sur une étude détaillée des meilleures législations climatiques dans le monde et des éléments clés qui s'y retrouvent. Le premier élément que nous avons identifié est une obligation légale de résultat quant à l'atteinte des cibles de réduction des émissions de GES. Nous recommandons donc de réviser la cible du Québec et de l'enchâsser dans la loi, de manière à aligner cette cible avec la science. Nos émissions devraient être réduites d'au moins de moitié sous les niveaux de 2010, d'ici 2030, et nous devons également prévoir l'atteinte du zéro émission nette avant 2050, pour être compatibles avec les recommandations du GIEC. L'imputabilité du gouvernement, quant à ses objectifs climatiques, est la pierre d'assise d'une loi climat.

Le second élément commun à ces législations est la présence de mécanismes pour se fixer des cibles intermédiaires aux cinq ans, des cibles par secteur et des budgets d'émissions. Les années 2030 et 2050 peuvent paraître lointaines, il est donc essentiel, pour le Québec, de se fixer des indicateurs de succès intermédiaires, d'en faire le suivi et de les modifier au besoin. En quantifiant le nombre d'émissions qui peuvent être émises par période, il est donc beaucoup plus facile de faire un bilan sur ce qui a été accompli et sur le travail qu'il reste à faire.

• (17 h 40) •

Notre troisième recommandation est de doter le gouvernement d'outils permettant d'évaluer l'impact climatique de toutes ses décisions. Le gouvernement serait, par exemple, mieux outillé pour évaluer la pertinence de projets de développement d'infrastructures, de transformation d'énergies fossiles ou d'infrastructures routières, l'objectif étant ici que toutes les décisions soient cohérentes avec nos cibles. À cet égard, nous signons que des outils évaluant la cohérence des décisions gouvernementales avec ses objectifs globaux existent déjà pour d'autres motifs, comme la politique gouvernementale sur l'allègement réglementaire et administratif. L'appareil gouvernemental a donc la capacité de mener un tel travail.

Le quatrième élément commun à ces législations est l'établissement d'une institution indépendante qui dispose de l'expertise nécessaire pour évaluer le progrès du gouvernement envers l'atteinte de ses cibles. Nous saluons ainsi la création d'un comité scientifique indépendant qui conseille le ministre et qui rend ses avis publics. Nous suggérons toutefois quelques ajustements. Ce comité devrait être doté d'une fonction de surveillance et de révision du progrès du gouvernement en matière de lutte à la crise climatique, avoir des critères de sélection précis pour ses membres, nommés par résolution de l'Assemblée nationale, et être doté de ressources humaines et financières suffisantes à l'exercice de ses fonctions.

Le cinquième élément commun aux lois climat que nous avons étudiées est la reddition de comptes du pouvoir exécutif face au pouvoir législatif. À ce titre, il est pertinent que le projet de loi n° 44 rende publics les avis du comité consultatif au ministre. Toutefois, il semble nécessaire que l'ensemble des directives du ministre soit également accessible afin que ce dernier soit imputable de son rôle bonifié de chien de garde du gouvernement en matière de climat. En plus d'aviser en continu les décisions gouvernementales, un rapport de progrès plus global doit être effectué afin de faire état sur l'ensemble de l'action climatique gouvernementale. Le comité consultatif devrait donc faire rapport annuellement sur le progrès accompli. Ce rapport devrait être déposé à l'Assemblée nationale, et le ministre devrait y répondre.

Finalement, comme nous avons entendu le ministre le dire plusieurs fois en commission, on parle souvent d'atténuation, et ce, parfois au détriment de l'adaptation. Il est essentiel que le cadre de gouvernance dont nous discutons en ce moment nous garde sur la bonne voie en matière d'adaptation aussi. Les législations que nous avons analysées incluent l'adaptation dans leur loi climat. Le comité consultatif devrait donc effectuer un suivi des progrès du gouvernement sur cette matière. Ayant suivi de très près les travaux de votre commission, nous remarquons que l'ensemble de ces recommandations font consensus auprès de plusieurs groupes qui ont été consultés. Je repasse maintenant la parole au directeur des relations gouvernementales.

M. Viau (Marc-André) : Merci. Avec un cadre législatif solide responsabilisant l'État face à ses obligations climatiques, nous aurons également besoin d'une institution dotée de la marge de manoeuvre requise pour opérationnaliser l'action climatique au Québec. Le p.l. n° 44 propose l'abolition de Transition énergétique Québec pour rapatrier ses programmes et fonctions au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Pourtant, aucune démonstration n'a été faite voulant que TEQ n'ait pas rempli sa mission. L'intégration de TEQ, au sein du MERN, semble donc être une solution à la recherche d'un problème.

Équiterre s'inquiète aussi des répercussions d'une possible structure administrative climatique à deux têtes, entre le ministère de l'Environnement et celui des Ressources naturelles, sur la cohérence de l'action gouvernementale. C'est pourquoi nous recommandons, tout comme Switch, la création d'une société d'État responsable d'exécuter le plan stratégique, de gérer les enveloppes budgétaires et les programmes et d'assurer la cohésion entre l'appareil administratif et l'exécutif.

Quant au Fonds vert, dorénavant appelé FECC, il sera important d'assurer que les investissements les plus stratégiques soient priorisés, le tout de manière transparente. Nous rappelons que le Fonds vert a déjà été utilisé pour verser des subventions aux énergies fossiles. C'est pourquoi nous suggérons une exclusion explicite de tout financement de projets d'infrastructure de transport, d'exploration ou d'exploitation fossile par le FECC.

Également, le coût par tonne de GES réduite ne devrait pas être la seule mesure d'évaluation utilisée par le FECC. À titre d'exemple, l'impact d'un investissement en transport collectif ne se limite pas à la réduction des émissions de GES liée au transfert modal des nouveaux passagers. En améliorant l'offre de transport, on obtient un retour sur l'investissement, une réduction des coûts pour les ménages et pour la collectivité, une amélioration de la qualité de vie et une réduction indirecte des GES grâce à la réduction des distances parcourues. Nous recommandons donc que les cobénéfices des investissements du FECC soient aussi pris en compte.

Ensuite, le p.l. n° 44 abrogerait la règle actuelle selon laquelle les deux tiers des revenus du marché du carbone sont réservés aux mesures applicables au transport. Or, devant l'ampleur de la tâche qui nous attend dans ce secteur, il nous semble peu judicieux d'éliminer la garantie qu'une part minimale du financement disponible y soit allouée, laissant l'allocation de fonds à la discrétion du législateur. Équiterre demande le maintien de ladite règle.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Vous avez 30 secondes encore.

M. Viau (Marc-André) : Finalement — merci — Équiterre salue la décision de donner le mandat de vérification de la bonne gestion du FECC au Vérificateur général du Québec. Afin d'assurer que ses recommandations soient prises en compte, Équiterre propose que le ministre en soit redevable devant l'Assemblée nationale. Nous suggérons, par ailleurs, de bonifier le rôle du Commissaire au développement durable de façon à ce qu'il puisse évaluer l'application de la politique-cadre sur les changements climatiques et l'atteinte des cibles à long terme.

Pour conclure, nous souhaitons que l'ensemble des formations politiques représentées à l'Assemblée nationale adhèrent au nouveau cadre de gouvernance qui émanera de cette consultation et que ce cadre de gouvernance soit bonifié avec les recommandations que nous venons de présenter.

La Présidente (Mme St-Pierre) : C'est tout, merci. Alors, M. le ministre.

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous tous. Toujours un plaisir d'échanger avec vous sur ces importantes questions. Je vois déjà des collègues qui manifestent de l'intérêt pour poser des questions, donc je tenterai d'être bref.

Vous avez parlé du comité, c'est une, je pense, des belles avancées qu'apporte le projet de loi, là, qui est à l'étude actuellement, un comité scientifique indépendant. Je ne sais pas si vous étiez présents pour les groupes précédents, mais tout le monde veut être sur ce comité-là. On est au 29... je pense que vous êtes le 29e groupe actuellement et je pense qu'il n'y en a pas un qui a dit : Nous, on ne souhaiterait pas y être, c'est plutôt le contraire, tous souhaiteraient y être. Vous avez parlé de l'importance de ce rôle-là, l'importance de sa composition, mais comment nous aider à le composer pour nous assurer d'atteindre l'objectif visé, là, par sa création?

Mme Brouillette (Caroline) : Merci pour la question. En fait, notre réponse va peut-être diverger un peu de celle que vous avez entendue précédemment. Pour nous, on ne cherche pas un comité qui va représenter les intérêts des groupes qui vont siéger sur le comité, mais plutôt un comité qui va représenter l'intérêt collectif de notre société dans le contexte de la crise climatique.

Donc, dans notre mémoire, on a, en fait, détaillé les expertises qui devraient être détenues collectivement par le comité. Je vais vous les énumérer, donc : la lutte contre les changements climatiques, tant au niveau de l'atténuation, que de l'adaptation; les sciences climatiques ou toutes sciences environnementales pertinentes; l'économie, la finance, les mécanismes de tarification du carbone, les politiques publiques, notamment les politiques climatiques nationales et internationales et leur mise en oeuvre; les sciences sociales, notamment sur les effets distributifs des changements climatiques; la transition énergétique; et, finalement, la compréhension des particularités des régions du territoire québécois et des impacts spécifiques des changements climatiques sur ceux-ci, notamment dans les communautés inuites et les Premières Nations.

M. Viau (Marc-André) : Ceci étant dit, si je peux me permettre, si vous nous invitez, nous répondrons présent.

M. Charette : ...la composition, donc vous évoquez une structure la plus simple possible, c'est-à-dire, on ne parle pas d'un comité à plusieurs membres ou, de préférence, à neuf personnes sur la composition même du comité. La place de la société civile, parce que je me reconnais effectivement dans les profils que vous identifiez, mais est-ce que c'est aussi la place de la société civile? C'est un des éléments qui a été mentionné, d'autres proposaient un comité purement scientifique, mais avec une procédure ou un espace de communication avec la société civile. Quel est le rôle que devrait jouer la société civile à travers ce comité-là ou comment doit-elle être mobilisée ou consultée?

M. Viau (Marc-André) : Je pense que, dans les profils qui ont été identifiés, il y a certainement certains de ces profils-là qui sont représentés dans la société civile. Maintenant...

Mme Brouillette (Caroline) : On demande au comité consultatif, là, dans les amendements qu'on a proposés, de prendre en compte l'intérêt public et donc d'avoir un rôle de consulter également, là, la société civile.

M. Charette : Donc, on pourrait avoir un comité davantage d'experts avec un profil social. Pour moi, un profil social, ça peut être un profil d'expert aussi sans forcément représenter une organisation de la société civile, mais le minimum serait qu'il y ait cet espace de consultation avec les membres de la société civile. Bref, on ne souhaite pas un comité qui soit en vase clos, qui travaille dans sa bulle sans avoir d'interrelation, là, avec la société civile.

• (17 h 50) •

M. Viau (Marc-André) : C'est exact. Non, on veut effectivement que les avis de la société civile soient entendus, que les positions de la société civile soient entendues, mais ça, c'est aussi le travail de chacun des élus de l'Assemblée nationale. Et donc... mais à travers aussi les membres et les descriptions qu'on a identifiées, comme je l'ai dit un peu plus tôt, il y a aussi une possibilité de représenter ces opinions de la société civile et les avis de la société civile.

Donc, loin de nous l'idée de se substituer au travail du gouvernement afin de déterminer quelles sont les meilleures personnes. Donc, je pense que les gens qui siègent à l'Assemblée nationale sont compétents en la matière et sauront prendre les meilleures décisions dans l'intérêt de la société québécoise. Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Merci beaucoup. C'est peut-être parce qu'il est tard que ça me fait penser à ça, mais je pense qu'il y a un mélange avec le numéro du projet de loi, ce n'est pas 44 personnes qu'on veut sur le comité, là, c'est ça, le mélange, je pense. Vous avez parlé de briser les silos, ça, là, je trouve ça excellent, je pense qu'on en a beaucoup parlé. Vous avez aussi parlé de visées intermédiaires, qu'est-ce que ça veut dire, c'est-u une visée de 2021, 2022, 2023, 2024 peut-être, ou bien non 2025‑2030? Parce que je pense qu'on ne veut pas se ramasser en 2029 puis dire : Je pense qu'on va le manquer, là, alors...

Mme Brouillette (Caroline) : Oui. Merci pour votre question. En fait, ce qu'on a remarqué dans les lois climat qu'on a étudiées, c'est qu'en plus de se fixer des cibles à l'horizon 2030 et 2050, les juridictions vont venir se fixer des cibles intermédiaires à chaque cinq ans, et ça, dans l'objectif d'avoir une vision un peu plus rapprochée et des objectifs à plus court terme finalement, parce que, quand nos cibles sont fixées très loin dans le temps, c'est facile de se dire que ça sera la responsabilité d'un prochain gouvernement, comme malheureusement ça a déjà été le cas au Québec, au Canada et dans d'autres juridictions dans le monde.

On suggère aussi, là, de quantifier le nombre d'émissions qui peuvent être émises pendant cette période-là de cinq ans, afin vraiment, là, de venir circonscrire ce qu'on doit faire en matière de réponse à la crise climatique. Et ensuite les décisions du gouvernement peuvent être analysées en fonction de ces émissions-là qui sont disponibles.

M. Campeau : Un autre item, vous avez parlé de ne pas accepter de projet qui nécessiterait l'exploitation fossile quelconque en relation avec le PECC. C'est quoi, ça, c'est tout, tout ce qui peut arriver là, c'est-u même le gaz naturel?

Mme Brouillette (Caroline) : En fait, je pense, peut-être, pour préciser ce dont il a été question et ce qu'on a écrit dans notre mémoire, c'est que le Fonds vert, par le passé, a déjà financé des infrastructures qui visaient, justement, l'exploitation de combustibles fossiles; dans ce cas-là, c'était le gaz naturel. Notre recommandation, c'est qu'il y ait une exclusion explicite, par rapport au financement du futur FECC, de toute infrastructure de transport, exploitation, exploration de combustibles fossiles. Pour nous, c'est la moindre des choses que le financement... les sommes obtenues via le marché du carbone ne soient pas utilisées dans ce qui constituerait, en fait, une subvention aux énergies fossiles.

M. Viau (Marc-André) : Bien, petite précision, simplement pour vous dire que, dans notre mémoire sur le PECC, justement, une des recommandations est d'exclure, donc, le développement des nouvelles infrastructures pour le développement d'infrastructure pour l'exploitation des énergies fossiles, et, oui, le gaz naturel en fait partie.

M. Campeau : C'est parce que j'avais un exemple, là. Moi, ce que je connais le plus, c'est les pâtes et papiers et, dans les usines kraft, on a des fours à chaud, des fours à chaud, normalement, on chauffait ça avec du bunker, du mazout. Et maintenant on est capable, en perdant un petit peu de capacité de production, de chauffer ça avec du gaz naturel. Autrement que ça, ça ne marche pas, mais le fait de passer d'un à l'autre est quand même une amélioration. Alors, je me dis... puis les quantités sont énormes, à ce moment-là, alors, je me dis qu'à la fois je suis, en principe, d'accord avec ce que vous dites, mais il y a des cas où c'est comme difficile de faire autrement, et on pourrait quand même avoir un impact sur les émissions de GES.

Je voudrais vous demander aussi, quand vous avez mentionné, et ça a passé vite un petit peu ce bout-là, rendre public tout ce que va décider, prôner le ministre, ça va jusqu'où, ça, pourriez-vous être plus précis, précise là-dessus, s'il vous plaît?

Mme Brouillette (Caroline) : Oui. Le projet de loi n° 44 prévoit de rendre publics les avis que le comité consultatif va donner au ministre. Toutefois, dans l'esprit du projet de loi, il y a l'idée de rendre le ministre imputable de ses décisions, celles qu'il transmet aux organismes et ministères concernés. Pour nous, il y a une nécessité que ces avis-là soient rendus publics, justement, pour avoir cette imputabilité-là. Dans le contexte actuel, on ne peut pas se fier... on ne peut pas savoir, si ces avis-là ne sont pas rendus publics, quel type d'avis le ministre va émettre à l'égard de ses collègues.

M. Viau (Marc-André) : Et aussi pour comprendre la décision finale qui sera prise par un ministère en fonction de l'avis qui lui aurait été donné par le ministre de l'Environnement.

M. Campeau : Ça veut dire que, sur n'importe quel projet qui serait transversal, comme une nouvelle école qui dépendrait du ministère de l'Éducation, si le ministre de l'Environnement dit : On pourrait faire mieux, au niveau climatique, en mettant de la géothermie, il faudrait que cet avis-là soit public jusqu'à ce niveau-là.

Mme Brouillette (Caroline) : Si c'est en lien avec une réponse de l'État à la crise climatique, oui.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci, Mme la Présidente. Je trouvais ça intéressant... merci pour le partage de votre expertise. Je trouvais ça intéressant, dans le Comité consultatif sur les changements climatiques, vous avez ciblé les sciences sociales, on pense souvent aux sciences pures et dures, mais pourquoi les sciences sociales, pour parler de changement de comportement ou...

M. Viau (Marc-André) : Je pense qu'il y a un travail de sensibilisation et d'éducation qui est identifié, d'ailleurs, dans le projet de loi n° 44, et donc on y faisait référence un peu plus tôt, pendant l'allocution sur les questions d'écobénéfices. Je pense que les sciences sociales ont aussi un rôle à jouer pour expliquer, pour communiquer, pour faire comprendre, pour faire accepter et pour prendre de l'information qui est plus technique puis la rendre plus accessible aussi, entre autres.

Mme Grondin : Parfait. Vous avez également mentionné la question de l'adaptation aux changements climatiques — je sens que je suis la seule qui porte ce dossier-là — vous avez mentionné que ça serait plus en termes de surveillance que vous avez vu dans les autres... Ailleurs dans le monde, c'est plus une question de surveiller ce qu'il se passe ou on va plus loin que ça?

Mme Brouillette (Caroline) : En fait, il y a les deux. Merci pour la question. Les gouvernements, dans le cadre de leur cadre de gouvernance climatique, incluent une réponse en adaptation. Et donc, oui, il y a un rôle du comité aviseur, qui est de surveiller les progrès du gouvernement en cette matière, mais il y a aussi le rôle du ministre... ou, peu importe, la personne qui est porteuse de dossier dans telle ou telle juridiction, mais également de formuler des programmes en matière d'adaptation.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Bourget, peut-être une autre question? Vous avez trois minutes.

M. Campeau : Oui, j'en ai toujours, des questions.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Ah oui!

M. Campeau : Ah oui! Dans le cas du comité scientifique, vous avez parlé d'avoir des critères de sélection et, si j'ai bien compris, vous voudriez même que ces personnes-là soient entérinées par l'Assemblée nationale. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Brouillette (Caroline) : Oui, vous avez bien compris.

M. Campeau : Je comprends l'idée d'aller chercher de la transparence, c'est très bien, là. Ça me semble lourd, devoir identifier neuf personnes par l'Assemblée nationale. C'est des personnes très techniques, et on va demander à des gens vraiment pas techniques, dans la majorité des cas, de choisir des gens très techniques. Est-ce qu'on n'irait pas plutôt vers identifier la personne en charge du comité? Parce que je trouve qu'identifier neuf personnes me semble compliqué et je ne suis pas trop sûr ce qu'on y gagne, personnellement.

M. Viau (Marc-André) : Effectivement, on demande beaucoup, mais on demande beaucoup aussi pour un sujet qui est important et pour des gens qui auront à faire un travail qui est également important.

• (18 heures) •

À la fin de l'allocution, on a précisé qu'on souhaitait que ce cadre de gouvernance là reçoive un appui qui soit... qui transcende les lignes de parti, et c'est une des façons. Donc, nous, on exprime que cette façon de transcender les lignes de parti... de façon à ce qu'il y ait un consensus qui se dégage à l'Assemblée nationale, de façon à ce que les gens qui avisent ensuite, dans ce cadre de gouvernance là, aient l'appui de tous les partis à l'Assemblée nationale.

M. Campeau : Je comprends plus l'idée, à ce moment-là, même si je trouve le processus lourd. L'idée de s'assurer que ce comité-là ne soit pas partisan me semble primordiale, parce qu'on a besoin que tous les organismes et toute la population croient en ce comité-là, parce qu'il y a vraiment de la viande à l'intérieur de ce projet de loi là... qui est un comité extrêmement important.

Vous avez… en quelques secondes, j'imagine?

La Présidente (Mme St-Pierre) : 1 min 15 s.

M. Campeau : O.K. Vous avez parlé d'un rapport annuel à l'Assemblée nationale. Donc, c'est le rapport de ce comité-là, finalement, et la réponse du ministre serait faite à l'Assemblée nationale. Avez-vous plus d'idées comment ça aurait lieu, le niveau de précision que vous voyez là-dedans? Est-ce que ça existe dans d'autres endroits dans le monde, s'il vous plaît?

Mme Brouillette (Caroline) : Merci pour la question. En fait, c'est un des mécanismes clés de ce qu'on appelle la responsabilité climatique. Dans les lois climat qu'on a regardées, ça existe au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Colombie-Britannique également. Le comité, finalement, fait une surveillance des progrès du gouvernement en matière de sa réponse à la crise climatique, il fait un rapport devant l'Assemblée nationale, ce qui amène un regard, là, de la démocratie, de la législature sur ce progrès-là.

Pour nous, c'est fondamental que l'État ait vraiment une obligation, puis c'est un des mécanismes qui permet au gouvernement de vraiment faire un progrès par rapport à ses cibles de réduction des émissions de GES.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, vous mentionnez l'adaptation aux changements climatiques dans plusieurs différentes recommandations et sections. Est-ce que vous pouvez juste bien expliquer c'est quoi, votre idée, sur comment le gouvernement peut mieux implémenter des stratégies pour l'adaptation aux…

Une voix : ...

M. Kelley : Adaptation, excusez-moi, aux changements climatiques.

Mme Brouillette (Caroline) : Oui, tout à fait. Comme on l'indique, dans notre mémoire, ça fait partie de la réponse des gouvernements qui se sont dotés de législations ambitieuses en matière de changements climatiques, d'inclure l'adaptation là-dedans, et donc de se faire un plan qui est aussi sérieux pour atteindre les objectifs d'adaptation. Il peut y avoir différentes réponses, là, selon les juridictions, mais les pays vont se faire des programmes d'adaptation et les comités consultatifs vont venir surveiller, là, les progrès des gouvernements par rapport à ces objectifs-là d'adaptation.

M. Kelley : Et j'imagine que vous trouvez que la présente stratégie en place, qui, je crois, a été mise en place par le gouvernement de l'ancien premier ministre, M. Charest... et c'est un petit peu daté pour la province de Québec.

Mme Brouillette (Caroline) : Je peux vous revenir là-dessus. On n'a pas fait une analyse, là, détaillée de ce programme-là dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.

M. Kelley : Alors, c'est parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie beaucoup. Bonjour à vous deux, merci beaucoup de votre présence et de votre mémoire bien étayé. Si vous me permettez, Mme la Présidente, un tout, tout petit aparté. Je veux vous féliciter pour la lettre que vous avez publiée de façon conjointe avec l'UPA, la semaine dernière, jeudi dernier, la lettre ouverte sur l'agriculture, sur la commission sur les pesticides. Je me permets de vous féliciter, je me permets de le faire ici parce qu'on se rencontre ici, mais aussi parce que l'ensemble des membres de la partie gouvernementale siègent aussi sur la Commission de l'agriculture.

Et s'ils n'ont pas eu l'occasion de lire cette lettre ouverte qui s'appelle Un jalon vers une agriculture durable, je les invite à le faire. Et sachez que, comme opposition officielle, et je pense que… je ne veux pas parler pour mes collègues qui ne sont pas ici des deux autres oppositions, mais... partagent pleinement votre demande d'avoir des recommandations, comme vous l'avez mentionné, des recommandations audacieuses pour la protection de la santé des Québécois, des agriculteurs, des travailleurs agricoles aussi, mais pour l'environnement. Donc, merci beaucoup d'avoir pris le temps d'écrire cette lettre-là, et j'espère que la finalité de nos travaux iront en ce sens, parce que, je pense, c'est un dossier qui est extrêmement important, comme nous l'a montré l'actualité, mais il est quand même question de santé publique, donc c'est particulièrement important.

Ceci dit, pour en revenir au projet de loi qui nous occupe, vous avez mentionné, avec raison, que la trame de fond de vos préoccupations, c'est la crise climatique. Est-ce que vous avez l'impression que le projet de loi qui est devant nous présentement répond, de quelque façon, à cette crise climatique? Est-ce que ça nous aide à faire un pas dans cette direction-là rapidement? Parce qu'il y a crise, il y a urgence climatique.

Mme Brouillette (Caroline) : Je pense qu'il n'y a pas un seul projet de loi qui va répondre d'un coup à la crise climatique. C'est sûr que le projet de loi n° 44 amène certains progrès en matière d'imputabilité du ministre sur ses décisions sur la crise climatique, mais le point qu'on a voulu faire dans notre présentation, dans notre mémoire, c'est que nos institutions actuelles, telles qu'elles sont, ne permettent pas la réponse cohérente qu'on a besoin en matière de changements climatiques. C'est un défi qui est sans précédent, qui est transversal, comme plusieurs d'entre vous, là, l'avez mentionné. Il faut s'assurer que chacun des ministères, chacun des organismes du gouvernement, dans ses décisions, soit cohérent avec la nécessité de réduire nos émissions, mais aussi de s'adapter à la crise.

Donc, ce qu'on propose, c'est un changement de paradigme, finalement, et on espère que ces mesures-là vont être intégrées au projet de loi n° 44, qui permettraient alors d'avoir un cadre et d'intégrer des décisions gouvernementales qui seraient, à ce moment-là, cohérentes face à la crise climatique.

M. Viau (Marc-André) : Si je peux me permettre... Merci pour votre question. On est partis, aussi, d'une situation où on a identifié certains problèmes avec le Fonds vert. Ces problèmes-là ont été documentés, rapportés dans les médias, et on a tenté de régler ces problèmes-là, et nous reconnaissons que ce projet-là répond à cette question-là et s'avance davantage dans les enjeux climatiques.

Maintenant, ce que nous proposons, et je pense que ma collègue en a fait état de façon très éloquente, c'est d'aller encore plus loin et de pousser la réflexion juste pour la faire correspondre à l'état de crise, ce qui, à notre avis, n'est pas nécessairement contenu dans le projet de loi. Mais, oui, force est d'admettre qu'il s'agit d'un pas dans la direction où nous voulons aller.

Mme Montpetit : Vous avez quand même fait plusieurs recommandations assez substantielles, dont une qui a été soulignée par plusieurs groupes aussi sur l'importance de venir enchâsser les cibles de réduction de GES dans la loi. J'aimerais vous entendre plus largement sur cet aspect-là, là. Vous faites écho, justement, à plusieurs groupes qui sont venus nous dire que c'est l'occasion, dans le fond, de venir l'enchâsser dans une loi. Pourquoi, pour vous, comme groupe, justement, c'est important de faire... Je pense, c'est votre première recommandation dans votre communiqué d'aujourd'hui, hein, d'ailleurs? Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Brouillette (Caroline) : Oui, merci pour la question. Bien, nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on a regardé les projets de loi les plus ambitieux en matière de climat partout dans le monde. Donc, je les ai à côté de moi, on a le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l'Écosse, la Catalogne, la Colombie-Britannique, la France. Puis la première chose qui est faite dans tous ces projets de loi là, c'est de venir inscrire, directement dans le projet de loi, une cible, une cible qu'on voudrait, d'ailleurs, Équiterre, qui soit compatible avec les recommandations du GIEC, mais donc c'est vraiment la première étape, et donc qui rend, finalement, l'État responsable, donne une obligation de résultat face à l'atteinte de ces cibles.

M. Viau (Marc-André) : Rappelons aussi que c'est... et ma collègue l'a mentionné un peu plus tôt, mais c'est aussi la volonté du gouvernement fédéral qui est exprimée lors de la dernière COP et qu'on retrouve aussi dans la lettre de mandat du ministre de l'Environnement fédéral.

Mme Montpetit : Est-ce que j'entends que vous suggérez, du même coup, justement, la révision des cibles actuelles? Puis ça aussi, si vous pouvez profiter de l'occasion pour nous en parler, parce que ce sera certainement au coeur de maintes discussions des prochaines semaines… Et, moi, à savoir est-ce qu'on devrait aussi... il y a des groupes qui sont venus faire des propositions d'avoir des cibles intermédiaires, je vais les appeler comme ça, mais d'adopter des cibles aussi à plus long terme également, là.

• (18 h 10) •

Mme Brouillette (Caroline) : Merci pour la question. Équiterre, dans le cadre de son implication dans les consultations sur l'élaboration du PECC, c'est quelque chose qu'on dit depuis le début : Les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec doivent être révisées. Les cibles, en ce moment, du Québec, à l'échéance de 2030, ne sont pas alignées avec ce que recommande le GIEC, donc avec la science, mais aussi avec la responsabilité qu'a le Québec en tant qu'État développé. On est une nation riche, un État où la consommation d'énergie per capita est extrêmement élevée, et on a un énorme potentiel de venir réduire ces émissions-là avec notre énergie qui est majoritairement renouvelable, avec notre population qui est une des plus mobilisées dans le monde, et le secteur des affaires, là, qui est prêt à mettre la main à la pâte. Donc, oui, il faut réviser la cible de 2030 pour qu'elle soit... au moins, réduire de moitié nos émissions de GES sous les niveaux de 2010. Et puis, également, ce qu'on recommande, là, c'est, je pense, la deuxième recommandation de notre mémoire : d'instituer des cibles intermédiaires à chaque cinq ans à partir de cette cible-là, donc de reculer et de venir se fixer des cibles à plus court terme, finalement.

Mme Montpetit : Parfait. Puis vous avez parlé aussi beaucoup de — je vous écoutais tout à l'heure, là — de transversalité, puis je pense que, je vais dire, c'est une posture que vous portez depuis longtemps dans ce dossier-là. Et moi, j'essaie de comprendre, avec le projet de loi qui est devant nous, en quoi, justement, ça va donner davantage force au ministre de l'Environnement sur les décisions gouvernementales, en ce sens que, bon, on avait des structures qui étaient indépendantes. On les remet dans deux ministères différents, avec toutes les difficultés que ça peut représenter d'avoir des ministères qui ne se parlent pas, ou plus ou moins, ou, en tout cas, avec certaines difficultés.

Et vous parlez, entre autres, de rendre obligatoires les analyses d'impact climatique. Encore là, est-ce que... Avec ce qui est sur la table présentement, avec le projet de loi, je vois difficilement comment le ministre de l'Environnement va être à l'abri d'une certaine politisation, va être à l'abri de... tu sais, on sait comment ça fonctionne, un conseil des ministres... va avoir force d'influence, je vais le dire comme ça, sur ses collègues, sur les différents projets d'infrastructure qui vont être présentés, avec ce qui est sous nos yeux présentement, là, justement, parce qu'on remet ça dans les mains d'un seul ministre-«ish», avec, là, le ministre aux Ressources naturelles aussi, là.

Mme Brouillette (Caroline) : Effectivement, on a la recommandation de doter le ministre d'outils et des ressources nécessaires pour exercer ces outils-là pour l'accompagner dans sa prise de décision. Ce qu'on veut, nous, c'est que les avis du ministre soient basés sur des données, soient basés sur la science, donc on peut penser, là, par exemple, à des analyses de cycles de vie. Et ce qu'on recommande, finalement, c'est d'utiliser une structure qui existe déjà, là, dans le gouvernement...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre. Alors, Mme la députée de Mercier, c'est à vous la parole.

Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation puis votre mémoire, qui est très, très complet. Le projet de loi n° 44 permet au ministre de — comme vous le dites aussi dans votre mémoire — d'émettre des avis sur les décisions qui sont prises par ses collègues des différents ministères, puis vous reconnaissez que c'est quand même délicat. Puis vous insistez aussi beaucoup dans votre mémoire, puis avec raison, sur l'importance qu'il y ait une cohérence dans toutes les décisions et les investissements qui sont faits par le gouvernement dans son ensemble, pour éviter, dans le fond, d'annuler d'une main ce qu'on fait de bien de l'autre. J'aimerais vous entendre sur le projet de loi n° 44 tel qu'il est. Est-ce qu'il permet au ministre de faire cette évaluation-là complète pour des projets, par exemple, comme le troisième lien ou GNL Québec?

Mme Brouillette (Caroline) : Dans sa forme actuelle, non, le gouvernement n'aurait pas de mécanisme qui lui permettrait de vérifier si des projets comme ça sont compatibles avec ses objectifs de réduction des émissions de GES. C'est vraiment ce qu'on vient proposer, là, avec les différents mécanismes sur lesquels on élabore dans notre mémoire : c'est d'avoir différents outils pour venir valider que des projets comme ça, comme des projets d'infrastructure, d'exploitation de fossiles, des projets d'infrastructure routière, mais aussi l'entièreté des décisions du gouvernement — il y a plusieurs exemples qui ont été nommés — soit cohérente et nous permette d'atteindre nos cibles, finalement.

Mme Ghazal : Donc, il n'y a pas cet outil-là dans le projet de loi. Justement, vous avez beaucoup de propositions. Il y a quelque chose dont on a peu parlé, c'est le budget carbone. On comprend c'est quoi, un budget financier, mais peut-être que le budget carbone... il y a eu d'autres intervenants qui en ont parlé, si vous pouviez aussi en parler un petit peu, puis pourquoi c'est important de l'avoir inscrit dans le projet de loi n° 44.

Mme Brouillette (Caroline) : En fait, le budget carbone, c'est qu'on part de notre cible intermédiaire sur cinq ans et on vient quantifier ce qu'on peut émettre en termes de GES pendant ces cinq années-là. Donc, en faisant ça, on vient rendre beaucoup plus lisible le travail qu'on doit faire pendant ces cinq années-là et le nombre de GES qu'il nous reste à émettre, finalement. Vous avez utilisé la métaphore des finances. C'est un peu comme lorsqu'on regarde qu'est-ce qu'il nous reste dans notre compte de banque. C'est assez facile, là, après ça, de venir évaluer, là, nos dépenses.

Mme Ghazal : Et j'imagine qu'avec un budget carbone, si on le regardait puis on comptabilisait ce que, par exemple, le troisième lien, GNL ou d'autres projets émettaient, peut-être que, là, on se dirait : Ah! bien, on va dépasser notre compte en banque, là, de GES qu'on peut émettre.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre. Alors, maintenant, c'est au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci beaucoup. Concernant votre recommandation n° 1 sur les cibles, selon le dernier inventaire, en 1986, on avait 86,46 mégatonnes; en 2010, 82,47 mégatonnes. Donc, si on fait la moitié des émissions de 2010 d'ici 2030, comme vous le proposez, on arrive à 41,24 mégatonnes pour 2030. Ce 41,24 mégatonnes, si je le mets sur 1990, ça représente, finalement, une diminution de 52,3 % des GES par rapport au niveau de 1990.

Donc, si on prend le même barème par rapport à ce qu'on est habitués de discuter, on a 37,5 % comme objectif. Là, vous nous proposez de hausser à 52,3 % de moins de GES par rapport à 1990. Moi, j'ai fait sciences humaines sans maths au cégep, mais est-ce que je passerais, au moins, mon cours de secondaire V avec... Je suis pas mal dedans, là.

Mme Brouillette (Caroline) : Merci pour la question. C'est sûr que vous le ramenez au niveau de 1990. On suggère, là, d'utiliser le cadre de référence de 2010, qui est celui qui est utilisé en ce moment dans les discussions internationales. Mais, oui, effectivement, c'est possible d'utiliser une bonne vieille règle de trois, là, pour...

M. Viau (Marc-André) : De là l'importance des sciences sociales, oui.

M. Gaudreault : Bien, c'est parce que, déjà, tout le monde est mélangé avec les pourcentages puis les années, là, ça fait que j'essaie de rester dans les mêmes barèmes pour que tout le monde se comprenne, pour montrer l'effort supplémentaire qu'on veut faire. Allez-y, excusez.

M. Viau (Marc-André) : Non, c'est juste... Je disais : De là l'importance des sciences sociales, tel que mentionné par votre collègue tantôt.

M. Gaudreault : C'est ça, oui. O.K. Donc, c'est un effort qui est important, beaucoup plus par rapport à l'effort actuel qu'on a à faire. Donc là, la question... Vous dites : C'est un pas dans la bonne direction. Vous avez répondu ça à ma collègue de Maurice-Richard tout à l'heure, mais, tant qu'à ça, là, est-ce qu'on est mieux de faire : Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, le «tiens» étant le projet de loi n° 44, puis d'avancer mais de façon boiteuse, ou on serait mieux de tout mettre sur une tablette puis de recommencer avec une vraie loi sur le respect d'obligations climatiques avec un budget carbone? Moi, je suis comme pris entre les deux, là.

M. Viau (Marc-André) : On parle ici d'un cadre de gouvernance qui va être accompagné d'un plan aussi, donc ça dépend aussi de ce qui est mis dans le plan. Et donc, ça, M. le ministre sera en mesure de vous en parler et de le présenter bientôt, mais nous, on propose d'avoir un projet de loi. Puisqu'on est dans cet exercice-là, aussi bien bonifier le projet de loi là pour s'assurer que la responsabilité soit enchâssée dans la loi. À partir de ce moment, c'est aux élus à faire le travail.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, je vais devoir terminer nos travaux ici. Alors, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 18)

(Reprise à 19 h 31)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Alors, je vous demande de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification.

Alors, je souhaite la bienvenue, bien sûr, aux prochaines personnes qui vont prendre la parole, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Bienvenue.

Association québécoise de lutte contre la
pollution atmosphérique (AQLPA)

M. Bélisle (André) : Merci. Bien, bonsoir, Mme la Présidente; bonsoir, M. le ministre; bonsoir, Mmes, MM. les commissaires; bonsoir, M. le député. Je m'appelle André Bélisle, je suis président de l'AQLPA, j'ai mon collègue Dominique Neuman, qui est procureur de l'AQLPA. On vous remercie de l'occasion que vous nous offrez de déposer notre mémoire, qu'on a rédigé en collaboration avec Stratégies énergétiques et GroupMobilisation, responsable de la déclaration d'urgence climatique et des 11 chantiers d'urgence climatique.

Le message que j'ai à apporter, c'est un message que j'espère qui va résonner beaucoup dans vos oreilles, et qui va rester dans votre esprit, et qui va encourager l'action, parce que c'est très décevant, en 2020, de voir où le Québec est rendu dans la lutte aux changements climatiques. Alors, sans plus tarder, nous... fidèles à notre façon de faire, notre engagement indéfectible, nous serons francs et directs. Nous tenons à mettre en lumière l'échec dans l'atteinte des objectifs de réduction de nos gaz à effet de serre. Il importe de comprendre pourquoi un tel fiasco s'est produit.

Mais, tout d'abord, nous désirons attirer, de façon particulière, votre attention, M. le ministre et membres de la commission, quant au fait que nos outils de suivi, de reddition de comptes et de surveillance de nos engagements en lutte contre les changements climatiques en transition, innovation et efficacité énergétique ne nous ont, jusqu'à présent, pas permis de respecter nos engagements, et que le projet de loi n° 44, tout en visant un redressement que nous appuyons, propose également de supprimer plusieurs des outils dont nous avons disposé jusqu'à présent à cette fin.

Depuis 1998, aucun des engagements de réduction de gaz à effet de serre n'a été respecté malgré des investissements substantiels, qui se comptent par centaines de millions de dollars, et des promesses toujours plus solennelles les unes que les autres. C'est inexcusable. C'est sur les épaules des jeunes que le gouvernement du Québec a laissé tomber ce fardeau, car il faudra bien assumer nos responsabilités, notre part de responsabilités, rattraper le temps perdu puis compenser l'argent disparu.

Malheureusement, nous devons réaliser que, pendant ce temps-là, la crise climatique s'est accélérée, intensifiée et nous la subissons de plus en plus chaque année.

Depuis 1998, le Québec évolue dans la naïveté, la complaisance, la médiocrité, le mensonge, passant des bonnes résolutions aux échecs annoncés. Le gouvernement du Québec a camouflé les faits, mais nous avons toujours défendu la vérité, et nous la défendons encore aujourd'hui ici, ce soir, envers toute stratégie de relations publiques trompeuse. Parce que je me souviens combien de fois le Québec s'est pété les bretelles de dire qu'on était les leaders dans le monde, bien, c'est faux. On n'est pas des leaders, on n'est même pas des suiveux.

Maintenant, il faut bien que la vérité prévale dans l'intérêt supérieur des Québécoises et des Québécois, des générations actuelles et des générations qui nous suivent. Il est important de constater ces échecs et les causes qui nous y ont menées, afin de les corriger.

Je vous invite ou nous vous invitons à regarder les articles qu'on a écrits, qui confirment ce qu'on vous dit. Et, dès 2013, on le disait : Oubliez ça, là, on n'est pas dedans pantoute.

Alors, on demande que le gouvernement du Québec, par la voix de son premier ministre, déclare l'état d'urgence climatique, reconnaisse le temps perdu, les échecs... voyons, successifs dans sa lutte contre la crise climatique. Cette déclaration d'urgence climatique serait également inscrite au projet de loi n° 44.

Que le gouvernement du Québec adopte des cibles de réduction drastiques basées sur la science et les recommandations du groupe d'experts sur l'évolution du climat, le GIEC, soit de réduire nos émissions actuelles de 55 % pour 2030 et atteindre zéro émission nette pour 2050.

La déclaration d'urgence climatique. Eh bien, vous avez vu, avec l'AQLPA, on a créé le GroupMobilisation, et ça, c'est à la suite de nos représentations à COP25, parce qu'on fait plusieurs COP, COP25, COP... vous avez COP21, et COP22, là, soit Paris, Marrakech, où, contrairement aux autres qui, dansaient la java et qui étaient très heureux de penser que tout était réglé, pour nous, c'était clair que Paris n'était pas contraignant, ne proposait rien. Et, dès 2015, on a dit et on a lancé à Paris qu'on était en crise d'urgence climatique et qu'il fallait agir, mais que ça ne se passait pas. Bien, aujourd'hui, on est obligés de réaliser qu'on avait raison. Et on ne dit pas ça pour se péter les bretelles, on dit ça pour encourager l'action, parce que c'est la seule chose qui compte, c'est d'arriver à assumer nos responsabilités.

Avec GroupMobilisation, on a lancé la déclaration d'urgence climatique et les chantiers, les 11 chantiers d'urgence climatique. On vous invite à en prendre connaissance et vous en inspirer. Puis c'est vraiment encourageant de réaliser qu'effectivement GroupMobilisation a fait changer le discours et le narratif. Quand on a commencé à parler d'urgence climatique, on a passé, même chez les écolos, pour des radicaux. Ça fait 40 ans qu'on est au front, on commençait un petit peu à savoir de quoi on parle. Il n'y a pas de radicalité dans reconnaître la réalité. Alors, la suite logique de la déclaration d'urgence climatique, c'est les chantiers d'urgence climatique, et on vous invite à en prendre connaissance.

Alors, on demande que le projet de loi n° 44 de la première session de la 42e législature du Québec soit amendé afin d'adopter la déclaration d'urgence climatique.

Que le projet de loi n° 44 de la première session soit amendé afin de déclarer l'état d'urgence climatique.

Que le gouvernement du Québec adopte et mette en oeuvre les chantiers d'urgence climatique.

Là-dessus, je vais céder la parole à mon collègue, Me Dominique Neuman. Merci.

M. Neuman (Dominique) : Merci beaucoup, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés.

Je vais traiter des sections 4 et 5 de notre mémoire, qui traitent, respectivement, du Fonds d'électrification et de changements climatiques ainsi que de Transition énergétique.

Si vous avez un projet de loi devant vous, c'est que, présumément, vous essayez de conserver et de maintenir ce qui fonctionne bien actuellement et d'éviter ce qui ne fonctionne pas bien actuellement pour le remplacer par quelque chose de meilleur. Si on divise le projet de loi quant à ses deux sections, pour ce qui est du Fonds vert, ce qui fonctionne bien, actuellement, c'est la planification. Vous avez eu, le gouvernement du Québec a eu, au cours des années, des plans d'action sur les changements climatiques magnifiques, fantastiques, et on présume que le prochain qui s'en vient bientôt, lui aussi, sera fantastique, qu'il y aura un très long énoncé de mesures, que ce sera le fruit d'une réflexion intense et que ce sera très poussé comme réflexion. On pense qu'au niveau de la planification vous travaillez bien.

C'est au niveau de la mise en oeuvre qu'il y a des problèmes. On le sait, ça a été dit et redit, le Fonds vert n'a pas livré ce qu'il devait faire. Ce que le fonds devait aider à financer, il ne l'a pas financé et, au contraire, il a financé d'autres choses qui étaient sans rapport avec le plan d'action sur les changements climatiques. Donc, en ce sens, c'est une bonne chose que le ministère, dans son projet de loi, reprenne en main, sous sa gouverne, le contrôle du fonds.

Mais il y a quelque chose qui fonctionnait bien jusqu'à présent, le conseil de gestion. Le conseil de gestion est un organe qu'on peut appeler interne ou externe, en fait, il est interne, mais qui assure une supervision de ce que le fonds a fait, a bien ou a mal fait dans le passé. Il a produit un très bon rapport sur l'état de la situation, très constructif, qui reprend beaucoup de choses que nous disions depuis des années, que d'autres disaient également. Donc, le conseil a bien fonctionné, et nous pensons que ce serait une erreur de l'abolir, et notamment parce que nous sommes dans une situation d'urgence climatique, comme ça a été mentionné. On ne peut pas se permettre de perdre de nouveau d'autres années où on va avoir un très bon plan, s'apercevoir, avec quelques années de retard, qu'il n'a pas fonctionné, ensuite, faire un nouveau plan pour essayer de réparer ce qui n'a pas été fait. Il faut avoir un outil qui permet rapidement et efficacement de voir les résultats, de les évaluer et de les redresser au besoin. Et cet outil qu'est le conseil de gestion est plus flexible, il doit s'ajouter à la vérification plus en aval qui vient après, et que vous prévoyez, à juste titre, par le Vérificateur général et son Commissaire au développement durable. Ça, ça vient plus loin.

Mais il faut quelque chose d'intermédiaire, et nous pensons que le conseil de gestion doit être conservé, surtout parce qu'il fonctionne bien, et vous ne pouvez pas vous permettre de faire d'autres erreurs et de dépendre uniquement du vérificateur pour redresser les situations éventuellement.

Je passe maintenant à Transition énergétique Québec.

• (19 h 40) •

La Présidente (Mme St-Pierre) : Il vous reste 45 secondes.

M. Neuman (Dominique) : 45 secondes. Là encore, vous avez eu des plans fantastiques. Et, au niveau de la mise en oeuvre, ça a bien fonctionné, à l'époque où c'était l'Agence de l'efficacité énergétique, et maintenant que c'est Transition énergétique Québec. Lorsque ça n'a pas fonctionné, c'était dans la période de 10 ans intermédiaire, où c'était le ministère des Ressources naturelles par son BEIE, Bureau d'efficacité et d'innovation énergétiques. Là, il n'y a pas eu de plan pendant ces 10 ans. Il y a eu des défaillances majeures dans la mise en oeuvre. Il n'y avait presque pas de rapports de suivi, il y avait trois pages par année de rapport annuel. Et nous pensons que, dans ce cas-là, c'est une erreur que d'abolir ces organismes séparés, que sont maintenant TEQ, Transition énergétique Québec, pour retourner à une situation qui, historiquement, n'a pas marché, qui est de mettre ça dans un autre organisme interne avec peu de suivi…

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre.

M. Neuman (Dominique) : Donc, nous recommandons de garder TEQ.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je pense que vous allez pouvoir continuer la conversation. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci d'être avec nous en cette fin de journée. Ce sont les plus vaillants qui acceptent de se présenter à ces heures en commission parlementaire, donc merci de votre présence.

On parle naturellement des cibles, c'est vrai que ce n'est pas inscrit dans le projet de loi. Actuellement, ce qui a été voté à l'Assemblée nationale, pour 2030, c'est effectivement une réduction de 37,5 % par rapport à l'année de référence de 1990. Avec les derniers chiffres, on est actuellement à moins 9 %. Donc, il reste encore un écart assez considérable pour atteindre les cibles. Même dans le milieu environnemental, il y a plus ou moins de consensus à ce niveau-là, par rapport aux différents groupes qu'on a reçus. Vous êtes, je pense, le 30e groupe, vous êtes, possiblement, si mon décompte n'est pas mauvais, là, vous êtes peut-être le troisième à demander une hausse des ambitions en matière de réduction de gaz à effet de serre.

Je comprends. Quand on est environnement, notre lunette, c'est l'environnement, mais, quand on est au gouvernement, notre lunette, c'est l'ensemble, là, de la situation politique, sociétale. On a un réseau de la santé à faire vivre, on a un réseau de l'éducation à faire vivre, on a un écosystème économique qui est nord-américain. Je comprends qu'on n'est pas parfait, loin de là, mais, en Amérique du Nord, c'est quand même au Québec où les émissions sont les plus basses.

Comment, selon vous, on pourrait arriver à hausser les cibles de façon significative? En fait, non, je me reprends, parce que hausser les cibles sur papier, c'est très, très, très facile. On l'a fait au fil des ans, puis on ne se donnait jamais les moyens de les atteindre, mais déjà, celle de 37,5 %, elle n'est pas du tout évidente. Comment réussir à atteindre 37,5 %, sinon 50 % — c'est votre souhait — sans, justement, débalancer l'équilibre qu'on doit avoir avec l'éducation, avec la santé, avec l'économie? C'est l'équilibre qui, actuellement, là, est potentiellement menacé.

M. Bélisle (André) : M. le ministre, si vous me permettez, vous parlez d'équilibre, mais on est dans un déséquilibre total. On continue à parler puis faire à croire qu'on va faire plein de choses; on n'a rien fait. Je suis un vieux de la vieille en environnement, je pense que la plupart des gens qui sont ici n'étaient même pas en environnement puis ils ne parlaient pas d'environnement, que j'étais au front. Alors, moi, on ne m'en passerait pas, O.K., que ça soit un ministre, un premier ministre ou un fonctionnaire, je les ai tous vus, je les ai tous entendus. Ce qu'on a dit demeure ce qui est la vérité, on n'a pas fait la job, O.K.?

Bien, avant d'être écolo, j'étais un gars de la construction, je suis très pratico-pratique, O.K.? Alors, ce qu'il faut faire, selon nous, et c'est écrit dans la déclaration d'urgence climatique, il faut aborder la question comme si on était en état de guerre. Il faut faire un effort de guerre. Quand le Québec a décidé de faire un effort de guerre, bien, moi, je suis monté à la Baie-James, O.K? J'ai travaillé pendant 10 ans à la Baie-James. Puis, après ça, on s'est rendu compte que, aïe! on était les meilleurs, mais pas sur papier. Très concrètement. Parce qu'on a pris les moyens, on avait la volonté, et le gouvernement a dit : On ne niaisera pas avec le puck, on va y aller... Puis, là-dedans, il y avait René Lévesque puis Robert Bourassa. On peut-u avoir deux personnes qui représentaient deux conceptions politiques différentes puis, tout d'un coup, s'entendent là-dessus et fonctionner? Bien, ça a donné que, quand on a décidé de travailler ensemble, on a relevé les défis les plus importants.

Puis je pense que je n'ai pas besoin de faire de dessin à personne, là, le virage de l'hydroélectricité au Québec, c'est ce qui a permis de développer l'économie du Québec comme jamais. Bien, quant à nous, le retard et le défi qu'on a à relever, c'est à peu près la même occasion. Si on le regarde d'un côté positif, c'est une occasion de se développer, de devenir meilleurs. Qu'on se passe des combustibles fossiles en 2020, là, ce n'est pas une grosse révolution, surtout pas au Québec. Comment ça se fait qu'on n'a pas de train électrique au Québec, hein? Puis je pourrais vous en nommer plein, d'affaires comme ça. Ce qu'il faut, là, c'est changer ce qu'on a entre les deux oreilles, là, puis revenir avec une mentalité de fonceurs. On a un défi à relever, comment on fait, puis on le fait.

M. Charette : En fait, on se rejoint. On a lamentablement échoué dans le passé. Il faut éviter de reproduire les mêmes erreurs, pour qu'en 2029 on arrive à la conclusion… encore une fois, l'objectif de 2030 sera raté. Je comprends l'idée d'efforts colossaux. On peut parler d'effort de guerre, si on reprend vos termes. Pour moi, l'effort de guerre, c'est 37,5 %, tellement on est loin de cette cible-là. On est à moins neuf, je le disais. 2030, c'est demain, hein? On est déjà le deuxième mois de 2020, donc le temps court. On est entièrement d'accord sur l'électrification des transports, notamment le transport collectif, que ce soit train... Je pense qu'on aura de belles nouvelles à ce niveau-là dans les prochains mois, au cours du mandat, très, très certainement. Mais malgré tout, 2030, c'est demain.

Donc, je reviens à la question. L'effort est nécessaire, mais comment arriver à des cibles aussi élevées sans menacer d'autres aspects qui sont nécessaires? À l'inverse, je vous dirais, si on est mort parce qu'on a un mauvais système de santé, la lutte aux changements climatiques, elle est déjà moins pertinente. Donc, il y a d'autres domaines de l'État qui sont essentiels. L'éducation, si on veut arriver à relever ce défi-là des changements climatiques, il faut avoir un bon système d'éducation, parce que ça va beaucoup passer par l'innovation. Mais ces deux systèmes-là nécessitent des investissements, des investissements qui sont rendus possibles à travers une économie qui est dynamique.

Donc, moi, en fait, c'est un petit peu la quadrature du cercle. Le défi, il est là, mais on veut à tout prix éviter de se fixer une cible. On était, bon, les collègues des quatre formations politiques, sur le côté de Madrid, il y a quelques semaines à peine, à la COP25. Il y en a qui ont levé la main pour dire : Ah! nous, on passe à carboneutralité. Mais, bon, les paroles, c'est une chose, mais, si on ne se donne pas de plan, si on ne se donne pas de moyen concret pour y arriver, ça ne donne rien. Donc, on est dans ce défi-là actuellement. Mais l'urgence, on la saisit, puis je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est d'ailleurs l'expression qu'on retient. Il y a une situation, oui, qui nécessite une réaction forte, mais quelle belle opportunité ça représente dans bien, bien des domaines, et ça, on le saisit très bien.

• (19 h 50) •

M. Neuman (Dominique) : Si je peux me permettre d'ajouter, la clé, c'est dans la mise en oeuvre. La mise en oeuvre, la surveillance, le suivi. Parce que la planification, vous la faites, et vous la faites correctement. Là où les choses deviennent défaillantes, c'est quand il s'agit de mettre en oeuvre cette planification que vous faites, que vous êtes capable de faire correctement. On a eu l'exemple avec le Fonds vert. Il y avait des sommes disponibles qui n'étaient pas dépensées, alors qu'il y avait des gens, des associations, des organismes comme le nôtre qui étaient prêts, qui avaient des programmes, qui avaient des demandes d'aide financière, qui correspondaient à ce qui est écrit dans le plan d'action sur les changements climatiques, et qui ne recevaient pas ces sommes qui auraient permis de réaliser des aspects de ce plan. Donc, c'est au niveau de la mise en oeuvre qu'il y a une défaillance, et c'est pour ça que... C'est la clé des années à venir.

Et, à la fois, c'est une bonne chose, comme vous le proposez, que votre ministère reprenne sous sa responsabilité le Fonds vert, qui s'appellera Fonds d'électrification et de changements climatiques, mais de garder à l'organisme qui fonctionne, Transition énergétique Québec, la responsabilité de la mise en oeuvre, de la politique énergétique, parce que ces organismes fonctionnent et il faut simplement s'assurer qu'au-delà de la mise en oeuvre, qu'il y ait les outils nécessaires pour suivre annuellement ou plus fréquemment, même, la réalisation de ce qu'on avait dit que l'on ferait. Et c'est pour ça qu'on commente à la fois le maintien du conseil de gestion et le maintien des outils de contrôle de Transition énergétique Québec, qui sont la Régie de l'énergie. Et je vous invite à regarder ce qui est écrit plus amplement dans la section 5 de notre mémoire.

M. Bélisle (André) : Et, en complément de réponse, M. le ministre, je vous invite fortement à regarder les 11 chantiers d'urgence climatique qu'on a rédigés. On n'a pas fait ça sur le bord de la table avec deux bières dans le corps, là, pas pantoute, ça fait des années qu'on travaille là-dessus, et on estime que c'est un des meilleurs plans. Maintenant, il faut regarder la situation d'une façon différente, là.

Je comprends qu'un ministre de l'Environnement au Conseil des ministres... puis je l'ai entendu de Clifford Lincoln : Tu sais, André, quand un ministre de l'Environnement rentre au Conseil des ministres, c'est un scout en culottes courtes. Oui, monsieur, je la connais celle-là, O.K., mais c'est ça qu'il faut changer. L'avenir de nos enfants, là, ce n'est pas de se trouver drôles, de se trouver bons dans les discours, mais c'est d'être capable de regarder nos enfants, comme le dit M. Legault, et je le mets au défi de le réaliser, d'être capable de regarder nos enfants puis dire : Quand c'était le temps, on a mis l'épaule à la roue puis on a pris nos responsabilités. Et, là-dessus, je blâme le gouvernement du Québec, tous partis confondus, d'avoir joué la comédie et de ne pas avoir livré la marchandise. Puis, quand je dis ça, là, je pèse chacune de mes paroles.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Cet après-midi, on a rencontré des gens à l'Agence d'efficacité énergétique, puis je comparais le ton de la présentation avec le ton quand on rencontre Dominic Champagne. Alors, ce soir, on est revenu au ton pour se faire brasser. Très correct, là, ça ne me dérange pas du tout, très bien. Ça ne me dérange pas de me faire brasser, moi, j'écoute le fond de ce que vous me dites.

Vous n'avez pas à me convaincre quand vous dites : L'échec de l'atteinte des objectifs et les promesses solennelles. Ça ne me tenterait pas de faire partie d'un gouvernement qui continuerait ça. Je serais très mal à l'aise. Mais je prendrais quand même un bémol, parce qu'à part ce que vous avez dit, on est à 9,6 tonnes de GES par habitant, est-ce que c'est bon ou ce n'est pas bon… Mais là, là, c'est compliqué à dire. Moi, je pense que, par rapport à d'autres endroits dans le monde, on est pas pire. Par rapport au fait qu'on a l'hydroélectricité, on aurait pu faire beaucoup mieux. Mais j'aimerais vous compter une histoire, pareil, qui m'est arrivée hier. Puis, vous allez voir, je fais un petit détour, là, mais je revenir vraiment vous poser une question.

Je vais parler de moi-même, là, bon, mais, moi, ça fait 10 ans que je paie mes voyages en avion en les compensant par des arbres, même quand je fais des voyages d'affaires, et plus. J'ai une auto électrique puis je viens en train, ça fait que c'est une chose à laquelle je crois énormément. Hier soir, en arrivant en train avec une autre députée, par hasard, on est ensemble puis on prend le taxi. Le chauffeur se met à nous parler d'environnement, puis il a 73 ans, puis c'est lui qui nous le dit, puis il nous dit qu'il ne comprend vraiment pas c'est quoi, l'urgence climatique. Il dit : Il fait toujours aussi froid en hiver, il fait...

Une voix : ...

M. Campeau : J'y arrive à la... je pense, vous me voyez venir, hein? Puis, après ça, il était rendu en arrière de son taxi à me dire : Regardez ça, la grosseur de ce qui sort, et c'est gros de même ces affaires-là, vous ne viendrez pas me dire que ça vient déranger le… Ce que je veux vous dire, là, c'est, quand on regarde le nombre de VUS qu'il y a sur les routes, et les commentaires de ce monsieur-là, et les commentaires de plein de monde, ce n'est pas juste le gouvernement qu'on a à convaincre, là, c'est les gens individuellement. Et, quand on prend un discours moralisateur, ça ne marche pas. Il va falloir convaincre les gens, vraiment, individuellement. Et j'ai vraiment l'impression qu'à la fois… vous pouvez beaucoup aider, mais, si on prend un discours de brassage qui est moralisateur, j'ai peur, j'ai peur que ça ne marche pas. Êtes-vous... Vous n'avez pas cette inquiétude-là? Ressentez-vous ça?

M. Bélisle (André) : Pas du tout.

M. Campeau : Non?

M. Bélisle (André) : Je peux vous dire, Mme St-Pierre, dans sa période journalistique, se souvient des sorties qu'on a faites sur les pluies acides. C'était dans les années 80 puis avec le ministre Clifford Lincoln...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Vous ne me rajeunissez pas, là.

M. Bélisle (André) : Bien, vous êtes plus jeune que moi, là, ça fait que ne vous en faites pas avec ça, hein? Bon. On a brassé le pommier puis pas à peu près, O.K.? Et qu'est-ce que ça a fait? Ça a fait que les gens ont dit : Les écolos, ils ont raison, O.K.? Il faut faire autrement, il faut faire mieux. Les pluies acides détruisent nos forêts, nos lacs, et ça n'a pas de bon sens.

Et là on a consenti à un effort majeur, O.K.? Pour l'époque, là, c'était majeur. Je me souviens des discussions avec Clifford Lincoln, où on a investi des centaines de millions de dollars, au Québec, pour réduire les émissions. C'était la Noranda. Et qu'est-ce que ça a fait? Ça a créé de l'emploi, O.K.? Moi, je me faisais courir après, là, par la CSN puis par la famille Bronfman, qui disaient que ce que je leur disais, c'était pour les mettre dans la rue puis mettre plein de travailleurs dans la rue.

Bien, ce n'est pas ça pantoute qu'il s'est passé. Faire le ménage, dans la fonderie Rouyn-Noranda, pour réduire de 70 % ses émissions, ça a fait travailler 200 personnes pendant trois ans pour dessiner et bâtir l'usine puis, après ça, 80 personnes à temps plein. Puis la compagnie qui nous haïssait n'a jamais reconnu qu'elle était très heureuse que nous les avions convaincus de faire ça, puis ils faisaient 15 à 20 millions de profit par année. C'est ça qu'il faut changer.

Les gens, là, il y avait 500 000 personnes dans les rues, le 27 septembre dernier, pour demander à ce qu'on agisse. Là, là, c'est les structures gouvernementales administratives qui sont trop lourdes, et vous avez la responsabilité d'alléger le processus pour que ça marche.

Quand vous trouvez des raisons pour ne rien faire, là, je m'excuse, là, mais ça, ça ne passe plus. Bien, ça va me faire plaisir d'aller souper avec vous puis vous donner toutes les idées qu'on peut mettre sur la table pour dire comment on peut améliorer la situation. Voilà.

M. Neuman (Dominique) : M. le député, vous mentionnez qu'il y a essentiellement un enjeu d'éducation, de sensibilisation, mais c'est les jeunes qui sont en train de nous brasser et de nous pousser. C'est eux qui... C'est d'eux que ça vient, en très grande partie, maintenant.

M. Campeau : Très conscient de ça. Mais j'aimerais revenir exactement sur l'exemple que vous avez dit. Bien, ce n'était pas facile d'aller investir des centaines de millions, mais c'est plus facile faire deux, trois actions avec beaucoup d'argent que de convaincre les gens à l'autre étape. Parce que le Québec a déjà décarbonisé son électricité, ce qui n'est pas le cas de bien d'autres pays.

Pour aller à l'étape suivante, et mon exemple, c'est la Suède, pour en avoir parlé avec le SEPA, qui est le Swedish EPA, eh bien, lui... eux autres, ce qu'ils nous disent : Bien, notre discours, maintenant, c'est de convaincre les gens et leurs habitudes. Bien là, ça devient un enjeu différent.

On ne peut pas mettre 100 millions à quelque part et dire : Ah! on va régler telle usine. Non. C'est des habitudes des gens, une par une, et ça nous... Et je ne suis pas en train de vous dire que le gouvernement n'a rien à avoir là-dedans, là, mais pas du tout. Je ne suis pas en train de me laver les mains, je suis juste en train de dire que le discours est un petit peu différent...

M. Bélisle (André) : …si vous me permettez, là, quand il y a 500 000 personnes dans les rues de Montréal pour dire qu'il faut que ça bouge, je pense qu'il y a du monde de convaincu.

M. Campeau : Hum.

M. Bélisle (André) : Bon, bien, c'est ça. Donc, la question n'est plus de dire : Il faut convaincre les gens, c'est plutôt : Il faut donner les moyens aux gens.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, je dois vous interrompre ici pour passer à la députée de Maurice-Richard, de l'opposition officielle. Mme la députée.

Mme Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. Merci d'être avec nous relativement tardivement un soir de semaine. On apprécie beaucoup, mais je sais que c'est un dossier qui est bien important pour vous.

Puis je profiterai de l'occasion pour vous remercier. Je ne sais pas si vous étiez là à l'époque, mais vous avez sûrement des collègues qui l'étaient. J'ai eu le grand bonheur, dans ma vie, de faire une maîtrise en sciences de l'environnement, et mon sujet de thèse portait sur l'impact des facteurs environnementaux sur la santé des gens, et je me suis... j'ai eu beaucoup, beaucoup de collaboration de votre association, entre autres, sur toute la question de l'impact sur les maladies pulmonaires, et je sais que vous avez une grande expertise dans le dossier, et vous êtes d'un grand apport là-dessus, et je vous en remercie encore aujourd'hui, et j'espère qu'on pourra travailler pour la suite.

Pour en revenir au projet de loi, peut-être certaines questions précises, parce que vous avez été très loquaces et très clairs non seulement dans votre présentation, mais dans vos échanges avec le ministre aussi. Puis je vous poserai des questions que j'ai posées à d'autres groupes, mais c'est pour... vous comprendrez que nos consultations nous servent à étayer les échanges que nous aurons par la suite dans l'étude détaillée. Donc, ne soyez pas surpris si vous m'entendez vous reposer des questions que vous avez déjà entendues.

Mais je voudrais vous entendre sur la question des cibles de diminution des GES. Vous suggérez, si je le comprends bien, de revoir les cibles basées sur les recommandations du GIEC. C'est ce que vous nous recommandez. Est-ce que vous recommandez également d'avoir... Certains groupes nous ont recommandé d'avoir des cibles intermédiaires.

• (20 heures) •

M. Bélisle (André) : Oui, mais...

Mme Montpetit : Oui, mais non? Ce n'est pas... On peut vivre...

M. Bélisle (André) : Oui. L'important, là, c'est d'établir une feuille de route, O.K.? Si ça comprend des cibles intermédiaires, mais qu'on a les moyens de les atteindre et que ce n'est pas une manière de retarder le temps, bien, allons-y, mais ce que j'ai entendu depuis 38 ans, là... C'est parce que, quand j'ai commencé à parler des pluies acides, on parlait aussi du réchauffement planétaire. Dans ce temps-là, là, ce n'était pas à la mode, hein? Bien, voilà, on n'a pas bougé, mais on a trouvé toutes sortes de manières de nous dire que : Ah! on va faire mieux, puis vous allez voir, ça va être bon. Non, non. Soyons sérieux, établissons un plan, rendons-le obligatoire avec une loi passée au gouvernement, O.K., pour atteindre des cibles et soyons à la hauteur du défi.

Tantôt on parlait... C'est compliqué, oui, mais, si on élimine l'utilisation des combustibles fossiles, là, c'est 14 milliards de dollars qu'on n'exportera pas du Québec. Puis, si on le transforme en hydroélectricité ou en électricité qu'on utilise, c'est 14 milliards de dollars équivalents qu'on injecte dans notre économie. Il faut penser autrement.

M. Neuman (Dominique) : Sur la question des cibles intermédiaires, les plans, à la fois le plan sur les changements climatiques et le plan de Transition énergétique Québec, doivent, oui, sur la durée de ces plans, avoir des cibles intermédiaires et donc des mesures qui correspondent à ces cibles pour qu'on puisse mesurer les résultats, pour ne pas qu'on soit dans le brouillard jusqu'à la fin pour dire : Ah! on ne l'a pas atteint, et on ne s'est pas aperçu qu'on n'atteignait pas le résultat en cours de route, c'est seulement à la fin qu'on s'en aperçoit. Donc, il faut qu'il y ait ces cibles intermédiaires.

Mais le danger — et je vais vous donner un exemple très concret qui est cité à la recommandation n° 11 de notre mémoire — le danger, c'est que les cibles intermédiaires en viennent à devenir un dogme qui remplace les cibles finales. Ce qu'on a vu avec Transition énergétique Québec, c'est que, par la loi, c'était dans l'ancienne loi... dans le nouveau projet de loi, le ministre avait fait approuver par le gouvernement des cibles, des orientations et des cibles intermédiaires pour une période de cinq ans, alors que la politique énergétique a des cibles jusqu'en 2030, pour la politique énergétique. Le problème qu'on a vu avec l'actuel plan directeur de transition énergétique, c'est que les cibles gouvernementales étaient trop faibles. Donc, Transition énergétique elle-même, on a vu, dans son plan, s'est presque révoltée contre la faiblesse des cibles faibles que le gouvernement lui dictait en disant : Bien, on n'atteint presque rien, puis, si la tendance se maintient, on n'atteindra pas l'objectif de 2030. Donc, ils sont allés au-delà de ce que le gouvernement leur demandait de faire, et on s'est même retrouvé avec de la difficulté avec la Régie de l'énergie, que la loi nous obligeait uniquement à évaluer la conformité du plan avec les cibles intermédiaires, pas avec les cibles finales de 2030. Donc le plan, oui, respectait les cibles faibles intermédiaires de cinq ans du gouvernement, mais était insuffisant, même avec la bonification de TEQ, était insuffisant à mener à une courbe qui nous mène à l'atteinte des objectifs de 2030.

Donc, il ne faut pas que les cibles intermédiaires en viennent à être construites dans la loi d'une manière qui les fait remplacer les cibles finales, et donc le focus doit toujours être sur l'atteinte des cibles finales.

Mme Montpetit : Oui, peut-être que c'est le mot de «cibles». Est-ce que ce serait un indicateur? Ce n'est pas une réussite ou échec, là, je ne sais pas si c'est une très bonne traduction en anglais, mais est-ce que c'est un indicateur intermédiaire? Peut-être, mais je suis avec vous... Ce que j'entends de ce que vous nous dites, c'est que, dans le fond, il y a de la science, il y a un consensus scientifique international, qui sont, justement, les cibles du GIEC, et c'est sur ça, dans le fond, qu'on doit se baser.

Puis j'aimerais ça vous entendre sur pourquoi, à votre avis, ces cibles-là, c'est un incontournable qu'elles se retrouvent dans la présente loi. Parce que le ministre nous l'a répété à plusieurs fois, il y a plusieurs groupes qui sont venus avant, vous dire : Elles doivent se retrouver dans la loi. Il nous a dit : Bien, la loi, le plan, c'est deux choses différentes, mais la loi a quand même une force juridique. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur pourquoi, pour vous, c'est incontournable que ces cibles se retrouvent dans le projet de loi qui est devant nous.

M. Neuman (Dominique) : Bien, elles devraient se retrouver... non seulement ça, mais je vais même vous dire que, dans la loi actuelle, il y a des cibles qui sont là implicitement. Puis ce que les objectifs... Je parle d'un sujet que je connais très bien, qui est la Loi sur la Régie de l'énergie, qui mentionne que les décisions doivent tenir compte des objectifs des politiques énergétiques gouvernementales. Donc, dans les objectifs, il y a les cibles de 2030. Donc, c'est déjà implicitement... implicitement, ça fait partie de la loi existante, donc, parce que la loi incorpore la référence à une politique énergétique qui contient ces cibles.

Donc, il n'y a pas de problème, ça se fait déjà. Vous pouvez continuer de le faire en inscrivant des cibles, que ce soit dans un décret ou autre, ou dans la loi elle-même, mais, si c'est un décret, que la loi peut y référer comme étant un guide, un critère qui doit être respecté dans les prises de décision. Mais c'est beaucoup plus simple que ce soit clairement inscrit dans la loi puisqu'on ne va pas changer la loi tous les ans, là, ça peut durer une dizaine d'années, ces cibles-là, ou une vingtaine d'années. Donc, on peut inscrire ces cibles-là dans la loi. De cette manière, tout ce qui en découle doit être clairement conforme.

Et, pour revenir aux cibles intermédiaires, les cibles intermédiaires, il peut y en avoir, mais il faut s'assurer qu'elles s'inscrivent dans une courbe qui mène à ça, qu'elles ne soient pas déconnectées comme ça a été le cas et qu'on a vu dans le cas de TEQ il y a quelques années.

M. Bélisle (André) : Si vous me permettez, j'aimerais juste souligner un petit quelque chose. Je vous attire votre attention dans un des textes que j'ai écrit, il y a quelques années, à la... Kyoto : la magie des chiffres et des mots, O.K.? Et prenez le temps de lire ça, puis on reparlera des cibles intermédiaires et des calculs, et des ci, et des ça, mais tout ça a servi à faire parler, à faire jaser, à faire, même, écrire plein de choses dans les journaux, mais, en termes de réduction de gaz à effet de serre, là, je m'excuse, là, mais on ne l'a pas faite, la job.

Le 9 % dont on nous parle maintenant, ça aussi, on le questionne, parce que c'est tellement théorique, parce qu'il y a... quelque part, on devait, en 2008 et 2012, réduire de... Puis on s'est engagé, hein? Vous regardez dans le texte, là, à l'Assemblée nationale : voté à l'unanimité. On devait respecter Kyoto : moins 6 %, 2008-2012. Après ça, le discours a baissé, a changé, cibles intermédiaires, patentes à côté, ci puis ça. Puis, finalement, on arrive, on dit : Hé! on est bons pareil, on fait moins 9 %. Bien, tu pars d'où pour dire que tu as moins 9 %? C'est quoi, l'année référence? C'est quoi que tu calcules? Est-ce que la fermeture de Shell faisait partie du plan de réduction des gaz à effet de serre? Est-ce que le ralentissement économique de 2008-2010 faisait partie du plan d'action de réduction des gaz à effet de serre? Voyons donc, tu sais.

Tout ça, là, il faut être vraiment sérieux, puis, pour y arriver, il faut que ce soit impliqué ou inscrit dans une loi et que chacun des partis prenne la responsabilité de dire : On va travailler ensemble, parce que, là, si on ne le fait pas, là, on laisse ça aux jeunes qui nous suivent, puis ça va être plus cher, ça va être plus compliqué, ça va être plus dur. Les canicules qu'on connaît... Le monsieur tantôt parlait de gens en santé, mais on a-tu besoin de vous rappeler qu'il y a eu une centaine de personnes, là, qui sont mortes, là, dans les canicules, dernièrement, puis que le système de santé n'était pas capable de répondre à la situation? À un moment donné, on va-tu arriver en 2020 ensemble ou nous, les écolos, on est encore des années-lumière en avant de la réalité pour vous? Posez-vous la question.

Mme Montpetit : Est-ce que je me trompe ou ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que ça ne peut pas être le travail d'un seul homme ou d'une seule femme, là, ou d'un seul ministre? Je vais le résumer comme ça. C'est ce que j'entends... Pardon?

Une voix : Il ne faut pas que ce soit genré.

Mme Montpetit : Il ne faut pas que ce soit genré. C'est ça, mais ça ne peut pas être le travail d'une seule personne, là. Ça doit être...

M. Bélisle (André) : Non, il faut que ça soit le gouvernement au complet et tous les partis politiques ensemble. On travaille solidairement à sauver l'avenir de nos enfants, mais ce n'est pas que le gouvernement. Il faut que les industries, il faut que les gens, il faut que tout le monde participe, mais ça prend une feuille de route claire. Ça prend un plan qu'on est capable de suivre et de voir que, si on investit des centaines de millions de dollars dans quelque chose, ce n'est pas pour se faire fourrer au bout de la ligne. Il faut que ça donne quelque chose.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je vais devoir vous interrompre ici. Nous allons passer à la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, merci beaucoup. Vous avez dit quelque chose que je trouve intéressant : Ce qu'on a de la difficulté au Québec, c'est dans la mise en oeuvre. Donc, on peut avoir le meilleur plan au monde, mais, si la mise en oeuvre n'est pas bonne, ça ne sert à rien. Puis c'est un peu ça l'importance du projet de loi n° 44, de la gouvernance climatique.

Vous êtes venus aussi en audition pour le projet de loi n° 34, qui a passé sous bâillon. On fait peu souvent le lien avec la Régie de l'énergie puis aussi la question de la transition depuis qu'on a commencé les auditions particulières. J'aimerais vous entendre sur votre recommandation n° 10. Le fait qu'on ait affaibli le rôle de la Régie de l'énergie, comment est-ce que ça a un impact sur la transition?

M. Bélisle (André) : Je vais laisser notre procureur à la régie vous l'expliquer.

• (20 h 10) •

M. Neuman (Dominique) : Écoutez, à l'époque de l'Agence de l'efficacité énergétique, la Régie de l'énergie approuvait le plan directeur, qui, à l'époque, était triennal — par la suite, c'est devenu quinquennal — de l'organisme. Ça a été un travail très bien fait et il y a un très bon plan qui a été proposé par l'Agence de l'efficacité énergétique, et a été grandement amélioré, et qui est ressorti de l'étude de la Régie de l'énergie.

Par la suite, tout a été transféré au ministère dans le BEIE, et là il n'y avait presque plus de documentation disponible, plus de plan. Aucun plan n'a existé de la part du BEIE pendant 10 ans. Il n'y avait presque pas de suivi, donc... et la Régie de l'énergie, évidemment, n'était plus là... n'était plus dans le portrait. Quand TEQ a été créé, la Régie de l'énergie a reçu deux mandats : d'une part, d'approuver les programmes d'efficacité énergétique qui relèvent des trois distributeurs d'électricité et de gaz — donc, ça, ça continue, c'est dans le projet de loi encore, le projet de loi n° 44 — et aussi de donner non pas son approbation, mais un avis sur le plan directeur dans son ensemble, donc, toutes mesures confondues, concernant tous les ministères et organismes.

Donc, la régie a bien exécuté son mandat, mais avait des bâtons dans les roues, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, bâtons dans les roues qu'on propose d'enlever, à savoir que, dans son avis, elle n'avait pas le droit — c'est dans une de ses décisions — elle n'avait pas le droit de déterminer la conformité du plan avec la Politique énergétique 2030. Pourquoi? Parce que le texte de la loi, et qui est encore, incidemment, qui se trouve... qui est encore à l'article 17.1.5 de la Loi sur le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, proposé par l'article 44 du présent projet de loi, la conformité du plan s'évaluait uniquement en fonction des cibles intermédiaires. Le texte, c'est : Les orientations, objectifs généraux et aux cibles qui sont établis aux cinq ans par le ministère et approuvés par le gouvernement...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je sais que c'est très frustrant pour vous, mais je dois passer maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Neuman (Dominique) : Oui. O.K., d'accord. Je vais peut-être avoir l'occasion de compléter.

M. Gaudreault : Ça m'étonnerait, parce que je...

Des voix :

M. Gaudreault : Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on est mieux de travailler avec ce projet de loi là ou on recommence à zéro?

M. Neuman (Dominique) : Non. Vous fonctionnez avec ce projet de loi là, puis on vous a proposé comment l'amender. Pour ce qui est du Fonds vert, du fonds d'électrification, donc, nous vous proposons d'effectuer ce transfert des responsabilités vers le ministère, mais de garder le conseil de gestion en plus du rôle du Vérificateur général et son Commissaire au développement durable. Pour ce qui est de TEQ, nous, essentiellement, ce que nous vous proposons, c'est de garder la loi actuelle, donc, de ne pas dissoudre TEQ, de ne pas abroger la loi sur TEQ, de garder les dispositions actuelles et même de les bonifier en donnant un rôle plus grand à la régie de surveillance de ce plan et, oui, aussi de suivi par la suite de vérifications de conformité.

M. Gaudreault : Donc, vous nous dites : Ce n'est pas un grand pas, c'est un mini pas. On va essayer de le faire du mieux qu'on peut, mais on va, au moins, le prendre, le projet de loi n° 44.

M. Neuman (Dominique) : Bien, il y a le Fonds vert. Le Fonds vert, il fautle redresser.

M. Gaudreault : O.K. Les cibles. Je veux revenir aussi sur les cibles. Mettons que je vais à Montréal. Quand je pars de Québec, des fois, je prends la 20, des fois, je prends la 40. Dans les deux cas, j'arrive à Montréal. Dans le cas des GES, ma cible, mon Montréal, c'est la carboneutralité en 2050. Alors, je peux prendre un chemin où il y a 37,5 % en 2030, je peux prendre un autre chemin où il y a 50 % en 2030, mais mon objectif, c'est d'atteindre mon Montréal, qui est la carboneutralité pour 2050. Donc, vu qu'on n'a presque pas fait de gains puis que, vous avez raison, c'est peut-être juste la fermeture de Shell, finalement, qui a fait les gains qu'on a jusqu'à maintenant, est-ce qu'on n'est pas mieux de prendre un chemin plus réaliste?

La Présidente (Mme St-Pierre) : 30 secondes.

M. Bélisle (André) : La réalité, c'est qu'on est en crise climatique, et il faut agir en fonction d'une crise climatique et non en fonction de notre pensée de ce qui est réalisable. Il va falloir faire des miracles puis il faut se «gearer» comme ça. C'est aussi simple que ça. Si René Lévesque n'était pas arrivé un jour puis dire : On va nationaliser l'hydroélectricité puis on va révolutionner le monde, on serait encore avec des centrales au charbon. Un jour, il y a des gens qui se sont dit : On va changer le tout. Puis il y en a deux, un après l'autre — dans deux partis politiques différents, malgré qu'ils étaient dans le même au début — O.K., bien, qui ont pensé que c'était une bonne idée. Puis c'est ça qui a sauvé le Québec ou qui a mis le Québec sur la «map».

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre ici. Merci beaucoup d'avoir participé à notre commission. Je vous souhaite une belle soirée.

Nous allons suspendre quelques instants pour accueillir le Centre québécois du droit de l'environnement. Merci.

(Suspension de la séance à 20 h 15)

(Reprise à 20 h 17)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, je souhaite la bienvenue aux représentantes du Centre québécois du droit de l'environnement. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous. Bienvenue.

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Mme Paul (Geneviève) : Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Au nom du Centre québécois du droit de l'environnement, le CQDE, le seul organisme à but non lucratif au Québec à offrir une expertise juridique indépendante en matière environnementale, je vous remercie pour l'opportunité ce soir de s'adresser, avec vous, sur le plus grand défi de notre époque, à savoir l'urgence climatique.

On salue votre volonté, M. le ministre, de se pencher, avec ce projet de loi là, sur la complexe question de la gouvernance climatique, c'est important et nécessaire. Comme vous le savez, ça a été nommé à plusieurs reprises, il y a plus d'une vingtaine de juridictions, là, qui ont adopté des lois dites lois climat, et, je me permets d'ajouter, qui vont bien au-delà de la tarification carbone. Le premier ministre affirmait, la semaine dernière, l'intention du gouvernement de faire de 2020 l'année de l'environnement. Voici, après examen du projet de loi d'un point de vue juridique, cinq aspects que nous recommandons d'inclure ou de modifier pour débuter cette année 2020 avec l'adoption d'une véritable et nécessaire loi climat.

D'emblée, on croit que le projet de loi devrait préciser qu'il faut d'abord... l'objectif doit d'abord être d'éviter les émissions de gaz à effet de serre avant de tenter de les réduire ou de les séquestrer. On doit également tenter de porter davantage attention aux mesures d'adaptation, et ça aussi, ça a été souligné, je crois, dans différents mémoires, notamment pour les personnes et communautés plus vulnérables.

Notre deuxième point a été répété à maintes reprises aussi, on ne pourrait insister davantage sur l'importance d'inscrire dans la loi des cibles pour 2030 et 2050. En enchâssant celles-ci dans la loi plutôt que dans une motion, par exemple, on vient s'aider, finalement, on vient s'assurer que l'atteinte des cibles, qui va déjà être difficile parce qu'on sait que le temps est limité, ne soit pas tributaire, ou, dans la moindre mesure possible, de la volonté politique.

On est conscients, là, que c'est l'entièreté d'un paquebot de la société, mais y compris du paquebot gouvernemental, hein, qui doit effectuer rapidement, et avec cohérence, le virage nécessaire. Pour y arriver, la loi doit donc inclure des cibles intermédiaires et sectorielles et des budgets carbone, et on propose l'adoption d'un budget quinquennal, et ça aussi, ça s'est fait dans d'autres juridictions.

On doit aussi imposer ce qu'on appellerait ou ce que j'appellerais le port de lunettes climat. On le fait déjà au Québec pour certains... bien, pour des projets de loi ou de règlement, on regarde...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous arrêter quelques secondes. Vous devez vous identifier pour qu'on puisse mettre votre nom sur la superimpression de la commission, pour la diffusion.

Mme Paul (Geneviève) : Alors, Geneviève Paul, directrice générale du CQDE et Me Anne-Sophie Doré, avocate au CQDE.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Voilà. Merci beaucoup.

• (20 h 20) •

Mme Paul (Geneviève) : Pas de problème. Donc, les lunettes climat. On analyse déjà les impacts, par exemple, sur l'économie, avant d'adopter un projet de loi ou de règlement. On demande que ça soit la même chose pour l'impact climatique, pour l'ensemble des décisions législatives, réglementaires, budgétaires, mais aussi pour les investissements gouvernementaux. Avoir cette grille d'analyse là comme une obligation permettra aux différents ministères de conserver une certaine marge de manoeuvre dans les moyens, mais ça nous amènerait vers une obligation de résultat et on s'assurerait qu'on reste sur la bonne trajectoire.

Troisième point, le comité scientifique. On doit d'abord saluer la volonté de créer un comité scientifique indépendant. C'est une bonne chose dans le projet de loi. Ce qu'on propose, dans nos amendements, c'est de renforcer le processus de sélection en ayant un comité, donc, qui procéderait à la nomination des membres, mais en s'inspirant un peu de ce qu'il se fait déjà avec le BAPE. En plus, bon, d'être majoritairement issus du milieu scientifique, on recommande que les membres du comité consultatif possèdent des expertises multidisciplinaires, on en a parlé, d'autres en ont parlé aussi. On pense, par exemple, évidemment, à des compétences en sciences climatiques, en politique publique, en sciences sociales, et je rajouterais aussi en économie, avec la mention que, je pense, il y a de plus en plus d'économistes, beaucoup d'économistes sensibles à l'urgence climatique qui n'opposent plus environnement et économie. Enfin, pour contribuer à préserver l'indépendance et l'impartialité des membres dans l'exercice de leurs fonctions, on suggère que ceux-ci soient nommés, là, officiellement par une résolution de l'Assemblée nationale, comme ça se fait déjà au Québec pour différentes commissions, par exemple, là, la Commission des droits de la personne.

On recommande d'élargir le rôle et le mandat du comité pour que ça soit lui qui soit le conseiller climat pour l'ensemble de l'appareil gouvernemental, en s'inspirant des meilleures pratiques aussi dans d'autres juridictions. Vous l'avez dit, M. le ministre, la semaine dernière, je crois : Tout bon comité qui n'a pas les moyens suffisants pour opérer sera limité dans son action. Et nous sommes bien d'accord, donc c'est pourquoi on suggère d'inclure, dans la loi, des dispositions pour qu'on s'assure que le comité soit suffisamment financé, et de manière récurrente, et donc pour éviter ce problème-là.

Je pense qu'il est maintenant accepté que les changements climatiques, ça concerne l'État et la société dans son ensemble. Le CQDE reste donc préoccupé de voir qu'on prévoit, en quelque sorte, de déléguer la question de la transition énergétique au ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Donc, on insiste vraiment sur, plutôt, l'importance que tous les ministères adoptent une analyse climatique, là, obligatoire, et on suggère en plus que ce soit le rôle du ministre de l'Environnement qui soit revu et renforcé, ce qui m'amène à mon quatrième point : la reddition de comptes.

Vous avez déjà les pleins pouvoirs, M. le ministre, pour agir à titre de conseiller auprès de vos collègues au sein du Conseil des ministres. Ce que nous aimerions suggérer, c'est que vous puissiez agir comme chef d'orchestre, chef d'orchestre d'un ensemble musical qui, pour l'instant, et avec respect, manque, selon nous, d'unisson et agit souvent de manière contradictoire, pour ne pas dire cacophonique, quand il s'agit de l'action climatique. Ce qu'on demande, donc, et qu'on suggère, c'est de prévoir dans la loi une disposition impérative, c'est-à-dire non pas que le ministre assure, mais bien qu'il doive assurer la mise en oeuvre de la politique-cadre sur les changements climatiques. Vous seriez donc responsable, M. le ministre, d'orchestrer les différentes actions gouvernementales en matière de lutte aux changements climatiques.

Le ministre serait également responsable de fournir annuellement une estimation du niveau d'émissions atteint pour chaque budget carbone, ainsi qu'un portrait du niveau d'adaptation du Québec aux changements climatiques. Et, lorsque le ministre ou l'un de ses homologues choisit d'ignorer un avis du comité consultatif ou si on n'atteint pas les cibles, il devrait motiver les décisions pour pouvoir fournir des explications à la population.

Enfin, et pour qu'on s'assure et qu'on s'aide à garder le cap — parce que, oui, c'est une tâche difficile — on suggère d'amender le mandat du Commissaire au développement durable pour que celui-ci puisse évaluer et doive évaluer la mise en oeuvre de la politique-cadre sur les changements climatiques de manière annuelle au-delà de l'évaluation liée au Fonds vert, ce qui permettrait de nourrir le travail du comité consultatif, qui, lui, va être tourné vers l'avenir.

Notre cinquième et dernier point, et non le moindre, concerne la participation citoyenne. Je pense qu'on ne le répétera jamais assez, la meilleure façon de traiter des questions d'environnement, c'est d'impliquer les citoyens et les citoyennes. Québec le reconnaissait déjà en 1972, lors du fameux Sommet de la Terre, à Rio. Ça fait partie de notre identité au Québec, la participation citoyenne, et c'est pour ça qu'on recommande d'utiliser des outils qui sont déjà à notre disposition. Et on pense, par exemple, à la possibilité de mener des études environnementales stratégiques sous l'égide du BAPE, outil que, notamment, la Coalition avenir Québec avait soutenu, là, lors de son inscription dans la Loi sur la qualité de l'environnement. C'est un sujet qui nous concerne tous et toutes, donc il nous semble indispensable que la population, qui est aussi détentrice d'un savoir, puisse jouer un rôle actif et central dans la réflexion entourant la politique-cadre sur les changements climatiques, parce que le virage qu'on va prendre va nécessiter des choix de société courageux, voire difficiles, qu'on sait parfois polarisants. Donc, informer, sensibiliser et impliquer la population va nous aider, vous aider aussi à générer l'adhésion de la population, il suffit d'adopter le règlement nécessaire.

Conclusion : Comme on reconnaît ce que nous dit la science et qu'au nom de la justice environnementale et de l'équité intergénérationnelle, nous estimons que ces éléments doivent être inscrits dans la loi pour nous permettre de garder les yeux fixés sur les objectifs pour l'horizon 2030 et 2050... M. le ministre, vous affirmiez, il y a quelques jours, que les Québécoises et les Québécois sont prêts à faire des sacrifices et à modifier leur comportement pour agir pour l'environnement, mais qu'ils ont besoin d'être convaincus que les efforts vont donner des résultats.

Comme on le sait, il est scientifiquement démontré que l'action individuelle ne suffira pas pour freiner les conséquences de la crise climatique en cours. Selon nous, donc, la meilleure manière de démontrer à la population que l'effort en vaut la chandelle, c'est d'abord que l'État soit exemplaire et que, pour le guider là-dedans, l'État envoie un message fort à la population en se fixant un cadre législatif avec des objectifs clairs et précis pour y arriver, et en offrant, par le fait même, de la prévisibilité, y compris aux entreprises. Le leader, ici, ça doit être l'État. L'histoire du droit nous enseigne comment celui-ci peut jouer un rôle de catalyseur lors de transformation sociale. Le droit a été et reste profondément lié aux communautés humaines, au sein duquel il évolue, se transforme. Le milieu est prêt, il nous l'a encore montré aujourd'hui avec le baromètre de l'action climatique, avec la nouvelle coalition étudiante : la loi doit suivre le milieu.

Qu'est-ce qui nous empêcherait, avons-nous envie de demander, d'inscrire ces objectifs dans une loi? Adoptons une loi qui soit le socle de l'action climatique au Québec. Il y a certaines choses, comme législateurs, que vous êtes les seuls à pouvoir faire. Lorsque vous allez utiliser ce pouvoir pour passer à l'action, vous pouvez être assurés qu'au moment où vous le ferez nous ferons certainement partie des très nombreux acteurs qui salueraient votre leadership. Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, merci d'être avec nous ce soir. Plusieurs petites questions, je sais que les collègues en auront également. D'autres groupes avant vous ont effectivement souhaité que les cibles soient inscrites dans le projet de loi, ce à quoi on n'est pas fermés, ça mérite réflexion, encore faut-il s'entendre sur la cible elle-même.

Vous l'avez vu tout à l'heure, au niveau des oppositions, je ne sais pas quelle est la cible idéale — peut-être à l'exception de Québec solidaire, mais, encore là, Québec solidaire, aujourd'hui, a appuyé un groupe qui revendique la carboneutralité pour 2030. Donc, s'ils exigent cette cible-là, à travers la… Si vous n'êtes pas informée à travers les médias sociaux, votre leader a soutenu le mouvement qui a été créé, ce matin... qui prévoit une grève à la fin mars et il réclame, justement, la carboneutralité pour 2030. Bref, je fais juste informer ma collègue tout en vous parlant. Pour ce qui est du Parti québécois, c'est une chose, l'opposition officielle, c'en est une autre. Bref, on a des visions différentes sur la cible à atteindre.

Donc, quelle cible doit-on considérer, dans les circonstances? Celle qui nous unissait déjà, c'est-à-dire 37,5 %, qui est déjà excessivement ambitieuse, compte tenu… c'est-à-dire, si on était à 20 %, comme on devait l'être en 2020, on se dit : L'effort pourrait être bonifié, mais on part de beaucoup, beaucoup plus loin qu'on devrait l'être à ce moment-ci. Donc, on inscrit une cible dans la loi, soit, mais quelle cible, selon vous, serait souhaitable et susceptible de nous rallier, les différents groupes parlementaires?

Mme Paul (Geneviève) : Merci, M. le ministre. Je pense qu'un des principes qui guident nos propositions, c'est vraiment que la science… donc, on s'appuie sur la science pour prendre ce genre de décision. Dans les bonnes pratiques qu'on a pu observer et étudier à l'échelle internationale, l'expertise scientifique permettait, là, d'aider à fixer les cibles. Je pense que ce qui ressort de plus en plus de la science, donc, et d'un consensus international à ce niveau-là, c'est qu'on va devoir, en fait, réévaluer les cibles à la hausse, c'est l'un des objectifs de la COP26, d'ailleurs.

• (20 h 30) •

Je pense que plusieurs groupes ont souligné à quel point le 37,5 % était, en fait, vraiment un seuil minimal, et donc qu'il va falloir… en fait, le message que la science est en train de nous envoyer, c'est qu'en fait il faudrait être davantage ambitieux et donc travailler avec, bon, l'expertise scientifique pour pouvoir établir des cibles. Et, oui, on a très peu de temps pour le faire, on se retrouve au pied du mur, mais la réalité est telle que l'on doit, finalement, faire preuve, bien, de courage et de leadership pour hausser les cibles.

M. Charette : ...avec le groupe précédent, c'est beaucoup de courage et de leadership. Déjà, vous passez de moins 9 % à moins 37,5 % en 2020. J'ai beaucoup aimé la question de mon collègue de la... deux... trois... excusez... troisième opposition, sans offense, il se fait tard, donc il y a certains calculs de base qui sont plus difficiles entre la deuxième et la troisième.

Une voix : On n'ira pas plus bas.

M. Charette : Voilà, il n'y a pas d'offense, mais j'ai aimé sa question de dire : L'objectif ultime, c'est 2050 avec l'objectif de carboneutralité. On est à moins... et là, il faut savoir que le plan d'action va couvrir l'année 2021 à 2030, donc c'est un plan d'action de neuf ans en quelque sorte. Donc, on perd déjà une première année, en quelque sorte, avant de le déployer entièrement. Est-ce que, si on se dit : On vise la carboneutralité en 2050 avec cette cible de 37,5 % en 2030, qui, encore une fois, est excessivement ambitieuse, est-ce qu'on ne vise pas le même objectif ultimement?

Mme Paul (Geneviève) : Je préciserais peut-être deux éléments par rapport à ça. Évidemment, d'un point de vue juridique, je pense que ce qui est intéressant d'analyser dans les autres législations, entre autres, c'est que 100 %, en fait, des projets de... pas des projets de loi, des lois que nous avons analysées incluent, enchâssent, dans la loi, des cibles, y compris, bon, la carboneutralité, quand ce ne sont pas également des cibles intermédiaires. Il y a un mix des deux.

Le deuxième élément, c'est ce qu'on propose dans la loi, c'est, justement, cette grille d'analyse climatique qui nous permettrait de pouvoir répondre à la question avec le plan actuel, avec les mesures : Est-ce qu'on va les atteindre, les cibles? Est-ce qu'on va atteindre 2050? Je pense que c'est ça, la question qui doit guider. Et, pour faire ça, c'est là où on dit qu'il faut s'aider, et donc il faut inclure dans la loi à la fois les cibles mais aussi les budgets carbone. Et ce qui est intéressant, c'est que les juridictions qui ont adopté des lois il y a quelques années sont maintenant en train de les réviser, et le Royaume-Uni le faisait la semaine dernière, l'Écosse le fait en septembre. Là, il y a un nouveau projet de loi au Royaume-Uni, où, là, finalement, ce qu'on fait, c'est qu'on voi que les parlementaires font des propositions pour écourter, justement, les échéances pour forcer des révisions plus rapides aux cinq ans, et donc se mettre, finalement, des échéances et tenter de dépolitiser le plus possible le processus.

M. Charette : Dernière petite question, pour ne pas accaparer tout le temps à notre disposition. Vous avez parlé du comité, c'est une autre question qui est soulevée par plusieurs groupes. Votre inquiétude est beaucoup le financement, inquiétude qui est légitime. Cependant, lorsqu'on lit le projet de loi, lorsqu'on lit les articles qui le concernent, ce comité-là, c'est clairement indiqué que l'on doit assurer un financement adéquat. Comment vous rassurer à ce niveau-là? Est-ce que vous aimeriez voir carrément un budget précisé? Si oui, je dois vous avouer que les attentes seraient difficilement conciliables, parce qu'on ne peut pas préciser un budget dans un projet de loi. Donc, comment, autrement que ce qui est déjà écrit dans le projet de loi, on peut vous rassurer qu'il sera doté des moyens suffisants, là, pour s'acquitter de son mandat?

Mme Doré (Anne-Sophie) : En fait, nous, on fait une proposition précise de texte, on vous propose un amendement assez précis, parce que le problème, en fait, avec la proposition actuelle du projet de loi, c'est qu'il y a trop de discrétion et il y a quand même un risque fort que ce soit, justement, selon la volonté du gouvernement qui est en place ou du ministre de donner un certain budget, mais qu'il soit clairement insuffisant pour que le comité puisse remplir son mandat. Donc, il faut simplement reformuler ce qui est inscrit dans le projet de loi pour assurer la pérennité de l'action du comité consultatif. Et nous, on fait une proposition assez précise en ce sens, là, dans les articles 15.0 et suivants.

M. Charette : J'inviterais, si c'est possible, de le lire, parce que ceux qui nous écoutent n'ont pas forcément la possibilité de vous lire. Donc, quel serait l'amendement proposé?

Une voix : …c'est 15.0.6.

Mme Doré (Anne-Sophie) : Ah oui! C'est ça. Donc, dans le fond, nous, on propose que, par l'Assemblée nationale, il y ait «un budget ajusté et pérenne assurant que le comité consultatif sur les changements climatiques dispose des ressources nécessaires lui permettant de mener les activités nécessaires à la pleine réalisation de son mandat».

Donc, nous, on a été un petit peu plus précis parce qu'on a vraiment une inquiétude, en fait, à ce que ça relève simplement de la discrétion, là, comme c'est indiqué en ce moment dans le projet de loi.

M. Charette : C'est gentil. Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit sur le Sommet de la Terre à Rio. Moi, j'y voyais à la fois quelque chose d'intéressant et quelque chose d'ironique, parce que c'est mentionné par des gens qui n'étaient pas nés en 1972. Bravo.

Il y a quelque chose que vous avez mentionné que je trouve... Ça fait longtemps que je parle de la mobilisation, là, puis j'insiste beaucoup là-dessus — il y a en a même qui me taquinent un peu aussi, des fois, et puis c'est bien correct — mais ce que vous avez dit, c'est que, si l'État est exemplaire, ça va aider à mobiliser, et, ça, je pense que je vais le... je l'achète, ça, je l'achète réellement.

Une question, vous venez ici avec un aspect juridique, et c'est très correct, souvent, dans une loi, on a une conséquence si on ne fait pas quelque chose, alors je vous demande, pour aider à la mobilisation, pour aider dans l'ensemble du problème, la carotte ou le bâton? Comment vous voyez ça?

Mme Paul (Geneviève) : Je pense que ça prend les deux. Je pense que c'est important de reconnaître l'importance que le processus législatif, que les lois, que le cadre qu'on se donne répondent au défi auquel on fait face. Quand on passe dans le corridor pour rentrer dans cette salle-ci, on voit un peu les jalons législatifs depuis 1940 qui ont permis d'atteindre une plus grande justice sociale, politique et juridique, pour les femmes. On doit adopter notre cadre législatif aux enjeux climatiques auxquels on fait face, sans parler de la perte de la biodiversité. On a besoin d'une gouvernance intégrée. On l'a vu dans plusieurs enjeux, dans plusieurs secteurs, la législation permet de donner une impulsion nécessaire quand on a besoin de faire des changements importants, et là c'est le cas. Donc, on doit absolument s'assurer qu'il y ait cette dimension-là, et c'est ce que viserait à faire, entre autres, évidemment, certaines des mesures adoptées, y compris notre recommandation d'impliquer activement la population dans ce processus-là pour, justement, discuter incitatifs aussi, sensibilisation, éducation, information.

M. Campeau : J'ai d'autres questions, mais je sais qu'il y a des collègues qui veulent en poser, alors je vais laisser la place.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci pour la présentation, c'était vraiment, vraiment, vraiment intéressant. Vous avez proposé, dans vos recommandations, la première qui est assez intéressante, c'est d'abord et avant tout d'éviter. Est-ce que c'est dans un esprit éviter, minimiser, compenser, ou c'est tout simplement, la première action à faire, là, c'est d'éviter les émissions de gaz à effet de serre dans tout projet? C'est un peu ça?

Mme Paul (Geneviève) : En fait, on se base sur la littérature scientifique. Et donc on a travaillé aussi avec, évidemment… c'est comme ça que le CQDE travaille, avec différentes... en multidisciplinarité. Et donc, ça, c'est la séquence reconnue, y compris internationalement, là, pour adresser la question des changements climatiques. Donc, on trouvait important de s'assurer que ça soit inclus dans le projet de loi, parce que ça va guider... évidemment, c'est la définition, hein, on ouvre, comme ça, le projet de loi, donc il faut d'abord qu'on aborde la question de comment est-ce qu'on fait pour éviter, avant de commencer à penser à séquestrer, par exemple. Donc, c'est de là que vient... on a mis les références aussi dans notre mémoire.

Mme Grondin : Parfait.

Mme Doré (Anne-Sophie) : Je me permettrais juste un petit ajout. C'est aussi que, dans le projet de loi, en ce moment, il y a une suggestion, en fait, de qu'est-ce que devrait être la lutte contre les changements climatiques. Et nous, on propose de revoir le libellé pour que vraiment ce soit cette séquence-là, qui est reconnue par les scientifiques, donc éviter, minimiser, séquestrer, qui soit utilisée dans le projet de loi et non pas la séquence d'action qui est présentement inscrite dans l'article 1, dans le fond, du projet de loi.

Mme Grondin : Qui ressemble beaucoup à celle des milieux humides en fait, c'est une approche qui se ressemble. L'autre question rapide, c'est évidemment sur la question de l'adaptation. Vous avez dit... C'était votre deuxième point. Juste rapidement, vers quoi vous... qu'est-ce que vous souhaitez sur cette question-là au niveau de l'adaptation aux changements climatiques?

• (20 h 40) •

Mme Paul (Geneviève) : Dans le même esprit que de se fier et d'y aller avec les meilleures pratiques, y compris internationales, il nous semblait important d'inclure les mesures d'adaptation. Après, le rôle du CQDE, c'est un rôle juridique, et, avec cette lunette-là, je vous dirais, entre autres, qu'on voulait s'assurer aussi que, dans le projet de loi, on porte une attention particulière à l'impact des changements climatiques et de la crise climatique sur les populations vulnérables, notamment. Et c'est pour ça aussi qu'on a certaines recommandations, notamment dans la création d'un comité de sélection pour nommer les gens sur le comité consultatif, de s'assurer qu'il y ait une représentativité autochtone et également de genres, pour alimenter les travaux éventuels du comité consultatif. Ça nous semble vraiment important.

Mme Grondin : Merci.

Mme Paul (Geneviève) : Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : Merci, madame. Vous avez abordé, là, déjà, le sujet de ma question, je vous dirais, parce que vous parlez d'impliquer la population, et, outre le fait qu'on les informe, qui n'est pas une implication très active, là, j'entends que vous… et c'est ce que je veux vous faire dire, là, comment, concrètement, vous avez parlé de nommer, de choisir des gens sur le comité consultatif, comment vous feriez, qu'est-ce que vous avez à nous recommander, là, pour impliquer la population, pour non seulement l'impliquer, mais l'embarquer dans le projet, là?

Mme Paul (Geneviève) : L'une des recommandations que j'ai abordées rapidement en présentation, c'est l'utilisation d'un outil dont on s'est doté récemment, lors de la dernière réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement, et qui s'appelle une évaluation environnementale stratégique, qu'on propose, là, bon, qui soit menée sous l'égide du BAPE, parce qu'on a de beaux outils au Québec, on peut les utiliser. Et donc ça nous semble important, voire même impensable, en fait, que la population ne soit pas plus activement impliquée dans la réflexion collective sur, donc, sur la politique-cadre sur les changements climatiques. On a cet outil-là, mais ça va faire trois ans, hein, que la nouvelle Loi sur la qualité de l'environnement a été adoptée, et on attend toujours, bon, les règlements pour pouvoir utiliser, entre autres, cet outil d'évaluation environnementale stratégique. Ça serait une excellente opportunité que de l'utiliser pour un sujet aussi important.

Mme Doré (Anne-Sophie) : Puis je peux ajouter également qu'il ne faut pas non plus diminuer, je dirais, le rôle que le comité consultatif peut avoir dans cet aspect de mobilisation et d'information. Entre autres, ce qu'on remarque, dans l'étude des autres lois, c'est que, par exemple, en Grande-Bretagne, le comité consultatif a un rôle très large d'informer, entre autres, par ses rapports, et ça a vraiment joué un rôle de mobilisation extrêmement fort, parce qu'il y a une meilleure compréhension des enjeux environnementaux, une transparence dans ce qui est donné comme information.

Mme Tardif : Et faites-moi la différence ou la division entre... là, vous parlez du BAPE et du comité consultatif.Quel serait le rôle spécifique de chacun? Vous imbriquez les deux ensembles ou...

Mme Doré (Anne-Sophie) : Non, non, pas du tout. En fait, le BAPE, lui, a vraiment son rôle d'audiences publiques en environnement, donc, de mener ces audiences-là, entre autres, sur des grands projets, qu'il continue à faire.

Nous, ce qu'on propose, en fait, c'est plus à la pièce. Par exemple, justement, tel que la Loi sur la qualité de l'environnement le propose à l'article 95.10, le BAPE peut mener des audiences publiques sur des politiques. De la même manière, en fait, en ce moment, il y a… soit par règlement ou soit par pouvoir discrétionnaire du ministre, le comité pourrait, de la même façon que le ministre peut le faire, demander une évaluation environnementale stratégique sur un enjeu climatique crucial, ou sur le développement d'une politique, ou d'une directive qui est vraiment essentielle pour agir dans l'urgence climatique.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre ici. Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. Je vais peut-être continuer sur... Bonjour, mesdames. Bonsoir, mesdames. Excusez-nous, hein, on est vraiment rendus en fin de journée, on passe des étapes. Je reviendrais sur certains des derniers échanges que vous avez faits sur la composition du comité consultatif. Vous avez... puis je vais le lire tel quel, là, vous avez... parce que vous avez fait plusieurs recommandations par rapport au comité consultatif, c'est fort pertinent, puis vous avez mentionné que le comité devrait avoir comme mandat, mission, mandat, je pense, de donner son avis sur les impacts des changements climatiques et des mesures de lutte contre les changements climatiques sur les populations les plus vulnérables, et sur les populations inuites, et sur les Premières Nations. Vous avez mentionné il y a quelques minutes qu'il serait de bon augure, dans le fond, d'avoir quelqu'un, justement un représentant des Premières Nations, sur le comité, mais j'aimerais ça vous donner l'opportunité... oui, des Premières Nations, sur le comité… j'aimerais vous donner l'occasion peut-être de nous en parler davantage, puis en quoi, pour vous, c'est important d'avoir une voix pour ces populations qui sont affectées peut-être de façon différente, je vais dire, par les changements climatiques.

Mme Paul (Geneviève) : Alors, merci pour votre question. En fait, comme, je pense, beaucoup d'intervenants avant nous l'ont fait, de la même manière, on soutient, en fait, que le comité consultatif sur les changements climatiques soit un comité majoritairement composé d'experts scientifiques possédant des compétences multidisciplinaires. Ça, c'est la recommandation qu'on fait à la page 16 de notre mémoire à l'article 15.0.2.1, mais, pour former ce comité-là, on recommande qu'il y ait un comité de sélection qui nomme ces gens-là pour s'assurer de son indépendance et de son expertise.

Ce qu'on propose de faire, c'est de se fier, par exemple, au règlement pour la nomination des membres du BAPE. Donc, pour ne pas réinventer la roue non plus, on propose de s'inspirer de ce règlement-là, tout en suggérant toutefois de s'assurer que, dans ce comité de sélection là, il y ait des représentants des communautés inuites et Premières Nations, entre autres, pour s'assurer que, dans l'expertise qui va être sélectionnée pour le comité scientifique, donc le comité consultatif sur les changements climatiques, qu'il puisse y avoir cette expertise-là, à la fois parce que, comme vous l'avez bien dit, il y en a déjà, en fait, des impacts particuliers, voire, bon, évidemment, plus importants sur certains groupes, et notamment sur les peuples autochtones, et aussi parce qu'il y a là un savoir précieux dont il faut, en fait, s'inspirer pour les mesures et les solutions qui seraient apportées, entre autres, les solutions dites natures, là, qui ont un potentiel incroyable.

Mme Montpetit : Dans un tout autre ordre d'idée — puis c'était une question qui a été abordée, encore là, par la partie gouvernementale — on a entendu le ministre, dans les derniers jours, dire que la question du bonus-malus, pour lui, ce n'était absolument pas une option, que ce n'était pas du tout une direction qu'il souhaitait prendre, alors que — je vais dire «vous», mais je vais dire «il», je vais laisser une petite marge de manoeuvre — il y a plusieurs groupes qui soulignent le fait que c'est la seule façon de répondre à l'urgence climatique, c'est d'instaurer un bonus-malus, justement, pour s'assurer d'avoir... on parlait tantôt de carotte et de bâton, je ne sais pas si c'est la bonne façon à exprimer, mais d'avoir une façon d'inciter et de désinciter, dans le fond, des gens à adopter certains comportements. Je sais que ce n'est pas nécessairement le coeur du projet de loi qui nous occupe, mais, en même temps, comme c'est censé être un projet de loi structurant de la suite des choses de l'épiphanie verte du gouvernement, j'aimerais ça vous entendre sur ce point-là, parce que le ministre l'a dit très, très ouvertement, que ce n'est pas une voie qu'il souhaite prendre. Je ne sais pas si vous avez pris des positions là-dessus, si vous souhaitez nous informer là-dessus davantage.

Mme Paul (Geneviève) : En fait, je commenterais simplement... pourra compléter. Je commenterais simplement pour dire que l'écofiscalité est certainement l'une des disciplines ou des mesures... les mesures d'écofiscalité pourraient très certainement être examinées par le comité consultatif, être recommandées par le comité consultatif, qui... De toute façon, on le sait, on va avoir besoin d'un éventail de mesures.

Ce qu'on demande, de manière générale, toutefois, pour le projet de loi n° 44, c'est d'abord de se donner un cadre structurant, comme vous l'avez dit, pour ensuite être capable de mettre en oeuvre assez rapidement... et de faire le suivi, y compris publiquement, sur les mesures qui ont été prises et pourquoi certaines mesures n'auraient pas été retenues. Ça va permettre aussi également d'impliquer la population, là, dans ce processus-là.

Mme Doré (Anne-Sophie) : Puis, en fait, moi, je compléterais, justement, en disant : il y a un des aspects qu'on mentionne à plusieurs reprises dans notre mémoire, c'est qu'il faut qu'il y ait des mesures qui soient transversales. Donc, dans une vision, justement, d'avoir une implication de l'ensemble de l'appareil gouvernemental, si, par exemple, on adresse l'enjeu de l'aménagement du territoire puis qu'on se dit, comme c'est dans les médias récemment, qu'il faut avoir une vision globale du territoire, qu'il faut faire attention à ne pas perdre les noyaux villageois, mais que d'un côté, on ne demande pas aussi d'avoir une action sur les transports, sur le bonus-malus, l'écofiscalité, bien, il y a une perte de cohérence. Donc, en effet, il faut qu'il y ait des actions qui soient globales, qui soient à toutes les échelles et qui soient cohérentes et qui traversent l'ensemble des ministères. Donc, c'est un bon exemple de, justement, pourquoi mettre de côté une mesure d'écofiscalité qui sera nécessaire, en effet, pour agir dans l'urgence climatique et qui va arriver en cohérence avec différents autres plans gouvernementaux.

• (20 h 50) •

Mme Montpetit : Le groupe qui vous précédait — puis j'ai vu que vous étiez dans la salle, donc vous avez entendu leur intervention — nous ont rappelé beaucoup le fait que l'Assemblée nationale, l'ensemble des parlementaires, le 25 septembre dernier, avons décrété l'urgence climatique, ce qui n'est pas une petite chose. C'est trois minutes et demie dans le monde de l'Assemblée nationale et dans notre journée de parlementaires, mais ça a un sens qui devrait être très fort et qui n'a pas percolé de façon très structurante jusqu'à maintenant. Parce qu'il y a plusieurs groupes qui ont fait des représentations, justement, pour, entre autres, que les cibles d'atteinte des GES se retrouvent dans la loi, est-ce que le terme, est-ce que la notion d'urgence climatique devrait se retrouver enchâssée dans ce projet de loi là? Est-ce que, justement, ça ne viendrait pas mettre une espèce de force juridique autour du concept?

Mme Paul (Geneviève) : L'expression qu'il a choisi de retenir, et vous l'aurez vu dans le mémoire, c'est celle de l'urgence climatique, en se basant sur, bon, ce que la science nous dit et le constat, finalement, qui est fait, notamment, bon, l'urgence d'agir face aux conséquences catastrophiques — je pense qu'on peut quand même le dire, là — qui nous attendent et qui ont déjà commencé.

C'est un geste symbolique fort, le fait que l'Assemblée nationale reconnaisse, souligne l'urgence climatique. Il y a une manière, justement, de le faire percoler de manière structurante, en saisissant cette opportunité-là pour insérer ces éléments-là et adopter une loi climat, à l'instar d'autres juridictions.

L'important, je dirais que c'est de fonder ça sur la science, que ça, ça soit nommé dans le projet de loi là, et la séquence dont on parlait, là, pour s'adresser, pour répondre aux changements climatiques, je pense que c'est ça qui est important, et c'est se donner, justement, les moyens d'y arriver, en commençant par une législation forte et cohérente.

Mme Montpetit : Puis je sais que le temps file, mais, dans le communiqué de presse que vous avez émis — parce que, là, je reviens sur le fait que vous parlez de loi climat — vous avez dit que le projet de loi qu'on a devant nous, qui a été déposé par le gouvernement a comme objectif de revoir la gouvernance climatique. Ça, on s'entend là-dessus. Vous avez dit : «Pourtant, dans sa version actuelle — là, je lis directement votre communiqué — le projet de loi effleure à peine le sujet et échoue à jeter les assises essentielles d'une véritable loi climat.» C'est quand même sans ambiguïté comme analyse.

J'aurais envie de vous donner les quelques minutes qui nous restent. Je le sais, c'est toujours un peu frustrant sur le nombre de temps qu'on a, mais on fait quoi, avec ce qu'on a devant nous? On le bonifie? Il y a moyen de se rendre à une loi climat, ou c'est un échec, puis on n'est pas du tout dans la bonne direction?

Mme Paul (Geneviève) : Il y a définitivement moyen de se rendre à une loi climat. On salue, je vais le dire à nouveau, la volonté, justement, de se pencher sur l'enjeu de la gouvernance climatique. Il y a d'autres éléments dans le projet de loi, donc, nos propositions, c'est de s'assurer qu'on s'inspire aussi des meilleures pratiques, des leçons apprises aussi d'autres juridictions, pour se donner cette loi climat là. Je ne pense pas nécessairement qu'on a le... et, vous le savez, on en parle, et vous l'avez aussi, vous vous le faites répéter tous les jours, on ne peut pas se permettre, en fait, le luxe, non plus, d'attendre. Donc là, oui, il y a une opportunité, et on peut définitivement transformer le projet de loi n° 44 en loi climat.

En plus, vous avez ce qu'on appelle des projets clés en main. Il y a plusieurs amendements qui ont été proposés. Et là je fais une blague à part, mais ça va faire plaisir au CQDE d'apporter tout le soutien pro bono nécessaire pour finaliser et aider, soutenir les parlementaires dans votre travail. Je pense que c'est important de prendre le temps, mais là il y a une base, et il faut construire sur cette base-là. Il y a certains éléments essentiels à inclure, dont la porte est déjà ouverte, que ce soit sur le comité consultatif ou d'autres éléments... il y a déjà des éléments qui s'y retrouvent. Donc, on vous appellerait à saisir cette opportunité-là et renforcer le projet de loi.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre ici. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Oui. Merci beaucoup pour votre présentation en cette heure tardive. Dans votre mémoire puis dans votre présentation, vous avez beaucoup mis l'emphase sur les cibles qui doivent être mises, des cibles qui tiennent compte de ce que la science nous dit, qui doivent être mises dans la loi. Le comité consultatif, vous nous présentez aussi les États modèles et vers où ils sont allés pour qu'on s'en inspire.

Vous avez effleuré, dans votre mémoire, je pense, à la page 7, le fait que vous êtes préoccupés par l'abolition de TEQ. Vous n'avez pas mentionné le Conseil de gestion du Fonds vert. Et je voulais un peu vous entendre là-dessus, peut-être sur votre préoccupation. Et toute la question de la gouvernance, c'est ça que ça touche. Par exemple, dans les pays modèles, ça serait quoi, le meilleur exemple? Il y a des groupes qui sont venus en commission nous parler d'une société d'État pour enlever, justement, les mains du politique pour que le climat soit géré de cette façon-là. J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus.

Mme Paul (Geneviève) : Bon, l'une des raisons pour laquelle nous ne nous sommes pas prononcés en détail, c'est que ça ne fait pas partie du mandat du CQDE, et ce ne sont pas des dossiers dans lesquels on a été directement impliqués. On a tout de même formulé une position, une position de principe notamment qui concerne, justement, le fait qu'on délègue, d'une certaine manière, des nouvelles responsabilités au ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Et de cela on est inquiets et on le souligne.

Et on ramène, justement, le principe de transversalité, qui est, je pense, là, vraiment l'un des principes qui sous-tend notre mémoire et qui est vraiment essentiel et, oui, qui s'inspire aussi des bonnes pratiques ailleurs, c'est-à-dire qu'avec certains éléments, dont l'imposition d'une grille d'analyse climat, ça ferait en sorte, là, qu'on amènerait aussi les autres ministères. Et on est conscients que la dynamique n'est pas simple, là, non plus, nécessairement, au Conseil des ministres, donc on essaie de réfléchir aussi à des outils qui peuvent faciliter ce travail-là de coordination et on pourrait même aller plus loin.

Une autre de nos recommandations, ça serait aussi d'inviter, finalement, les parlementaires à réfléchir aussi à l'opportunité de modifier certaines lois créant les ministères pour que chaque ministère ait la responsabilité, l'obligation d'effectuer son mandat à l'aune des impératifs liés à l'urgence climatique.

Mme Ghazal : Et, dans ce sens-là — parce que, là, vous êtes inquiète que ça soit le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, vous voulez que le ministre de l'Environnement soit le chef d'orchestre — ça ne serait pas mieux, comme beaucoup de groupes l'ont proposé, que ce soit plutôt le Conseil exécutif, si on se fie, par exemple, aux pays modèles, là? Je n'ai pas lu tout le tableau que vous nous avez présenté, s'ils en parlent.

Mme Paul (Geneviève) : On serait certainement ouverts à étudier des propositions législatives qui concerneraient le Conseil des ministres. Le principe, encore une fois, c'est la transversalité. Là, il existe évidemment des ressources aussi au ministère, et c'est directement lié à sa compétence de...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous interrompre ici. Alors, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, votre présentation, très, très forte, très puissante, très pertinente, mais j'ai l'impression qu'on parle de deux choses, là. Vous parlez réellement, avec des comparaisons extraordinaires, avec un tableau sur les meilleures pratiques internationales, d'une véritable loi climat, mais ce n'est pas ça qu'on a ici, là. On a une loi dans laquelle il n'y a même pas de cible d'enchâssée, il n'y a pas du budget carbone, il n'y a pas de gouvernance intégrée, il n'y a pas de cible intermédiaire, puis le ministre, il n'arrête pas de nous dire qu'il ne veut pas hausser les cibles de 37,5 % actuelles. Ça fait que, là, moi, je veux bien, là, travailler pour essayer de rafistoler quelque chose qui ne tient pas la route par rapport à l'urgence qu'on a devant nous, mais on fait quoi, là, on commence par quoi, là? Si vous aviez une recommandation à nous faire pour essayer de convaincre le ministre de nous écouter, ça serait quoi?

Mme Paul (Geneviève) : C'est difficile de nous en tenir à une seule, parce que c'est comme si vous me demandiez de vous proposer d'avoir une chaise, mais qui n'a pas toutes les pattes nécessaires pour se tenir. Nous, ce qu'on sait, c'est que, oui, on entend certaines inquiétudes par rapport à cette opposition dont je mentionnais tout à l'heure et que j'ai entendue aussi dans le cadre de ces auditions, de ces sessions, donc l'opposition entre l'économie et l'environnement. Ce que notre analyse démontre, et je pense qu'on a été très nombreux, et je pense que vous avez dit 30 intervenants, intervenantes qui sont passés devant vous, c'est que c'est possible d'avoir ces cinq éléments-là, ça a déjà été fait dans d'autres pays, y compris dans des pays de tailles similaires avec des économies plus ou moins similaires. Donc, qu'est-ce qu'on fait? On inclut ces cinq éléments essentiels là. Il y a des portes déjà ouvertes. Comme je disais, on n'invente pas tout, on l'inclut puis là on part sur des bonnes bases qu'on peut réviser dans cinq ans, comme certains pays le font. Au moins, on se donne une chance de réussir.

• (21 heures) •

Mme Doré (Anne-Sophie) : Puis je pense qu'en fait vous pouvez constater aussi, avec l'ampleur des amendements qu'on propose — tu sais, on n'en propose pas deux, trois, là — c'est, quand même, on refait le projet de loi. Puis c'est parce que chacun des éléments va ensemble et s'imbrique et c'est difficile de choisir un, justement, parce que chaque élément que nous avons mis est relié à l'autre. C'est un ensemble.

Justement, c'est ce qu'on constate, par exemple, le Danemark avait mis en place une loi qui était un peu similaire au projet de loi n° 44, qui était plutôt modeste, puis ils se sont rendu compte, trois ans plus tard, que c'était largement insuffisant, et ils ont révisé la loi pour créer un véritable cadre juridique très contraignant.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, je vous remercie beaucoup. Merci pour votre contribution.

La commission ajourne ses travaux au mercredi 5 février 2020, après les affaires courantes. Alors, merci beaucoup. Bonne soirée à vous tous et à vous toutes. On se donne rendez-vous demain. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 01)

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