L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des transports et de l'environnement

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des transports et de l'environnement

Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 23 janvier 2020 - Vol. 45 N° 42

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l’électrification


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Ouranos inc.

Institut de l'énergie Trottier

Conseil national des jeunes ministres de l'environnement de la Fondation Monique Fitz-Back

Fondation David-Suzuki

M. Pierre-Olivier Pineau

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Propulsion Québec

Hydro-Québec (HQ)

Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

Autres intervenants

M. Saul Polo, président suppléant

Mme Agnès Grondin, vice-présidente

M. Benoit Charette

Mme Marie-Louise Tardif

M. Gregory Kelley

M. Sylvain Gaudreault

M. Richard Campeau

Mme Marie Montpetit

Mme Ruba Ghazal

Mme Joëlle Boutin

*          M. Alain Bourque, Ouranos inc.

*          M. Normand Mousseau, Institut de l'énergie Trottier

*          M. Benoît Mercille, Conseil national des jeunes ministres de l'environnement de la
Fondation Monique Fitz-Back

*          Mme Emilie Robitaille, idem

*          M. Jasmin Cartier, idem

*          Mme Ève-Gabrielle Grégoire, idem

*          M. Karel Mayrand, Fondation David-Suzuki

*          Mme Mélanie Le Berre, idem

*          M. Diego Creimer, idem

*          M. Yves-Thomas Dorval, CPQ

*          Mme Norma Kozhaya, idem

*          Mme Sarah Houde, Propulsion Québec

*          M. Dave Rhéaume, HQ

*          Mme France Lampron, idem

*          Mme Hélène Lauzon, CPEQ

*          M. Mustapha Ouyed, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Polo) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lamothe (Ungava) sera remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Reid (Beauharnois), par Mme Boutin (Jean-Talon); M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata), par M. Lefebvre (Arthabaska); M. Barrette (La Pinière), par M. Kelley (Jacques-Cartier); M. Benjamin (Viau), par M. Polo (Laval-des-Rapides); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Gaudreault (Jonquière).

Auditions (suite)

Le Président (M. Polo) : Merci. Cet avant-midi, nous entendrons quatre groupes : tout d'abord, Ouranos; ensuite, M. Normand Mousseau, directeur académique de l'Institut de l'énergie Trottier; par la suite, le Conseil national des jeunes ministres de l'environnement de la Fondation Monique-Fitz-Back; et ensuite des représentants de la Fondation David-Suzuki.

Nous allons débuter en souhaitant la bienvenue aux représentants d'Ouranos, M. Alain Bourque, directeur général. Je vous rappelle que vous disposez d'une enveloppe de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Ouranos inc.

M. Bourque (Alain) : Bonjour. Alors, merci pour cette opportunité à permettre à Ouranos de contribuer... une analyse qu'on a faite dans le cadre du dépôt du mémoire que vous avez probablement entre les mains. Alors, on espère que cette analyse va aider les membres de la commission dans l'étude du projet de loi.

J'en profite pour remercier chaleureusement les nombreux chercheurs universitaires, les gens du monde académique et de différentes organisations qui nous ont aidés, là, dans une approche assez habituelle. Ouranos, c'est-à-dire, on travaille continuellement en collaboration avec le monde scientifique pour développer les documents qui permettent de... Et là je vais faire un lien avec l'esprit de la contribution d'Ouranos. Ouranos n'est pas tellement là pour donner ses opinions personnelles sur ce qui devrait être fait. On veut plutôt faire quelques observations ou amener quelques faits scientifiques qui seront, donc, à votre disposition pour prendre les bonnes décisions. Et donc je remercie, là, notamment les collègues, là, qui ont pu nous aider dans tout ça.

Alors, avant de parler peut-être un petit peu plus du projet de loi ou de l'analyse qu'on a faite et de notre mémoire, je veux peut-être quand même rappeler quelques messages clés en faveur de l'adaptation aux changements climatiques. Je suis convaincu que vous avez entendu beaucoup parler de cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais probablement très peu d'adaptation. Je vous rappelle que la littérature scientifique, l'Accord de Paris, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques dit clairement que la lutte aux changements climatiques a deux composantes : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'adaptation à la partie incontournable du changement climatique, qui est déjà bien amorcé.

En fait, même si on éliminait les gaz à effet de serre à zéro, à partir d'aujourd'hui, sur l'ensemble de la planète, le climat continuerait à changer pour au moins 20 ans, donc les changements... Et ce n'est pas pour retourner à un climat historique, mais d'éventuellement stabiliser grâce à une lutte efficace en matière de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Donc, il y a de l'irréversible dans tout ça, déjà en cours, il y a de l'incontournable, et donc l'adaptation est inéluctable.

Ça me donne aussi l'opportunité de peut-être exprimer trois messages chers à Ouranos. Premièrement, je crois qu'il est important d'avoir un volet adaptation, dans les mécanismes de gouvernance, qui soit tout aussi audacieux que celui de l'atténuation. J'y reviendrai.

Le deuxième, c'est que, lorsqu'on a préparé notre mémoire, on a constaté qu'il y avait relativement peu de recherches scientifiques sur la gouvernance climatique, la performance de différents pays autour de lois ou même dans des cas où il n'y a pas de loi. Donc, ça a été assez... en fait, on a été assez limités dans nos études parce qu'il y a relativement peu de recherches.

Et l'autre, le troisième message, c'est qu'Ouranos est d'avis qu'il devrait probablement y avoir une répartition plus stratégique du financement dans le futur PECC entre le volet atténuation et adaptation. Dans le dernier plan de lutte aux changements climatiques, c'était à peu près 93 % des budgets octroyés pour la réduction et 6 % pour l'adaptation. Alors, on est d'avis que 6 % n'est clairement pas suffisant pour faire face aux risques climatiques, qui s'amplifient dans le temps.

• (9 h 40) •

Alors, pour ce qui est de notre document, alors, notre mémoire se base sur deux grands piliers. Premièrement, faute de temps, là, on a fait une analyse des mécanismes de gouvernance qui sont utilisés dans huit juridictions qui ont donc adopté des lois dans la lutte aux changements climatiques. Il y avait à la fois des nations et parfois des provinces ou des États : Colombie-Britannique, Royaume-Uni, Écosse, Nouvelle-Zélande, Catalogne, Danemark, Suède, Norvège. Elles sont généralement perçues comme des juridictions qui sont à l'avant-garde de la lutte aux changements climatiques. Et donc, bien qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'avoir une loi pour être efficace en matière de changements climatiques, la littérature tend à démontrer que, lorsqu'on a une loi, ça met en place des processus, des façons de faire, etc., plus rigoureuses et qui contribuent à, donc, faire en sorte que ces États-là, ces juridictions-là sont perçus comme étant à l'avant-garde.

Naturellement, on a fait aussi une recension de la littérature scientifique qui a exploré ou analysé ces différentes juridictions là et leurs performances. Comme je le disais, on avait un peu un manque de temps et donc on a fait seulement ces huit-là. Naturellement, il y a aussi d'autres pays, bon, la Finlande, par exemple, qui est très avancée en matière d'adaptation aux changements climatiques, qui a aussi des mécanismes de gouvernance qui seraient probablement intéressants à aller regarder pour voir ce qu'ils font de bien.

Et donc la conclusion, et puis, en fait, c'est le corps de notre mémoire, c'est de dire qu'on a identifié quatre traits communs dans les huit juridictions que j'ai détaillées, donc quatre traits communs autour de mécanismes de gouvernance dans les réglementations, donc, qui ont été analysés.

Le premier, c'est un processus crédible de fixation et de suivi de cibles et d'objectifs à moyen et long terme. Naturellement, quand je dis ça, «fixer et suivre des cibles», vous avez probablement déjà en tête les cibles de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Je reviendrai un tout petit peu sur le fait qu'on peut aussi avoir des cibles et des objectifs en adaptation, on devrait en avoir. Il y en a relativement peu, partout à travers le monde, mais je vais vous montrer, là, qu'il y a quand même quelque chose à faire là.

Le deuxième volet, c'est justement le fait que les juridictions ont généralement une gouvernance spécifique en matière d'adaptation aux changements climatiques.

Le troisième mécanisme, c'est un comité indépendant d'experts qui conseille et vérifie l'action du gouvernement pour s'assurer... En fait, le changement climatique... La science joue un rôle assez important dans le domaine des changements climatiques, et donc il est absolument crucial de connecter les faits scientifiques, l'information scientifique à la prise de décision.

Et le quatrième mécanisme, c'est un mécanisme de surveillance et de reddition de comptes périodique, d'ailleurs, qui a tout à fait le droit d'identifier qu'on a essayé quelque chose, puis ça n'a pas fonctionné, puis on corrige les choses par la suite. Mais donc c'est important d'avoir ce mécanisme de surveillance, reddition de comptes indépendant, obligatoire, qui vérifie à la fois les actions gouvernementales mais aussi la société en général.

Alors, pour le premier mécanisme, je ne vais pas aller dans les détails, vous les avez probablement déjà vus ou entendus. Donc, les différentes juridictions se sont généralement donné... en fait, se sont au moins donné une cible pour 2050 et souvent des cibles intermédiaires en matière de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Il y a toutes sortes d'avantages liés à ça, qui sont documentés dans la littérature, bon, le fait d'avoir des cibles climatiques légalement contraignantes, un peu comme se donner une loi pour un déficit zéro, on a déjà vu ça par le passé, une plus grande imputabilité des acteurs politiques et appliquée à l'ensemble du gouvernement et de la société, et aussi une meilleure prévisibilité aux acteurs économiques, qui savent très clairement vers où le gouvernement et la société veut aller pour la suite des choses.

Ceci étant dit, c'est bien d'avoir des cibles enchâssées dans une loi. Ce qui est plutôt... Ce qui est particulièrement fondamental, c'est les outils et les processus qu'on se donne derrière ça pour réussir à les suivre. On a quand même passé les derniers 20 ans, parfois, à adopter des cibles de façon à paraître mieux que son voisin. Alors, ce n'est certainement pas le processus de décision qui est à privilégier.

J'en profite pour faire le lien avec le deuxième mécanisme autour de l'adaptation. Comme vous vous en doutez probablement, les objectifs d'adaptation à l'horizon 2050 sont assez difficiles à identifier. Bon, déjà, il y a des discussions, de dire des choses comme : Ce serait bien qu'il y ait moins de gens qui meurent de canicule lorsqu'elles se produisent sur le territoire. Ce serait bien de réussir à reprendre le contrôle des coûts pour les compagnies d'assurance en lien avec les inondations et les refoulements d'égout. Donc, il y a, de plus en plus, des indicateurs qui commencent à être identifiés. Par contre, on en a très peu pour l'instant, mais ça avance.

Et ce qui est particulièrement intéressant dans certaines juridictions, comme au Royaume-Uni en particulier, je connais bien ce cas-là, c'est qu'on a mis en place des cibles ou des obligations de faire un rapport sur l'état des risques climatiques pour la juridiction en question. Et donc, ça, ça force... Donc, on vise moins des cibles, mais on vise un processus qu'on enchâsse dans la loi et qui force une dynamique et des processus qui... Par exemple, donc, à tous les cinq ans, on fait une évaluation de risques, c'est présenté au Parlement, et naturellement on demande des comptes au gouvernement pour dire : Bien, qu'est-ce qu'on fait avec ces risques-là? Comment doit-on les gérer, etc.? Et donc ça a permis à l'Angleterre d'être vraiment à l'avant-garde en matière d'adaptation à cause de ces mécanismes-là qui ont été mis en place.

Troisième mécanisme, un comité indépendant d'experts qui conseille et vérifie l'action gouvernementale. Je pense qu'un des éléments qui est particulièrement clé, c'est le processus de nomination, qui doit être quand même assez balisé pour s'assurer que l'on couvre l'ensemble de la problématique des changements climatiques, incluant, naturellement, l'adaptation.

Et, parce que je comprends que mon temps file, le quatrième mécanisme, une surveillance et une reddition de comptes périodique et obligatoire des actions gouvernementales, comme celle que je viens de vous mentionner, notamment par rapport à l'Angleterre où, donc, non seulement il y a un comité qui fait cette évaluation de risques là, mais il y a des organisations derrière qui ont les moyens pour pouvoir produire ce type d'analyse périodique là sur l'évaluation des risques, et ce qui fait en sorte que notamment l'Angleterre a désormais des objectifs très concrets de dire que l'on va réduire de 5 % le nombre d'habitants qui sont à risque d'inondation. Ça, c'est quelque chose qu'on n'a pas vraiment au Québec puis, en fait, qu'il y a, honnêtement, très peu dans les autres juridictions.

Alors, c'est à peu près le survol de notre mémoire, et je suis naturellement tout à fait disponible à répondre à vos questions, en particulier si elles concernent l'adaptation.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, M. Bourque. Nous allons débuter la période d'échange. La parole est au ministre.

M. Charette : Merci beaucoup, M. le Président. M. Bourque, un plaisir de vous retrouver ce matin. D'abord, vous remercier de votre présence mais aussi vous remercier pour le travail incontournable que fait Ouranos depuis quelques années maintenant, au quotidien, pour le gouvernement, pour plusieurs acteurs de la société québécoise, là. C'est un partenariat qui est tout simplement incontournable. Donc, merci à ce niveau-là. Merci de nous avoir fait aussi le portrait des meilleures pratiques à travers le monde au niveau de la législation en matière de changements climatiques au niveau de l'adaptation.        Et ça me permet de penser que le projet de loi, sans prétendre qu'il est parfait, sans prétendre qu'il n'y aura pas d'amendement d'apporté... mais, lorsque vous parlez des critères de réussite, on les retrouve en grande partie dans le projet de loi. Lorsque vous parlez de, naturellement, fixer les cibles, nous, on reconnaît la cible de 37,5 %.

Vous parlez aussi d'adaptation, ce qui est la grande oubliée, vous avez bien raison, dans bon nombre de discours lorsqu'il est question d'environnement ou de changements climatiques.

Vous avez parlé du comité scientifique. Nous, on insiste beaucoup sur cette nouvelle mesure là, avec un comité scientifique, oui, c'est bien certain, un incontournable, mais surtout l'obligation de rendre systématiquement publics leurs avis et leurs rapports de sorte que la pression, que je qualifie de constructive, sur le gouvernement soit réelle.

Vous avez parlé d'un mécanisme de surveillance. C'est le mandat qu'on entend confier au Commissaire au développement durable pour que lui aussi, année après année, nous remette notre bulletin, en quelque sorte, pour éviter ce que l'on a vécu beaucoup trop souvent au cours des dernières années, c'est-à-dire un plan d'action sur plusieurs années et, à l'échéance de ce plan-là, tout simplement dire : Bien, c'est bien dommage, on n'atteindra pas nos objectifs. Donc, on souhaite avoir un suivi régulier autant de la part du comité scientifique que du Commissaire au développement durable.

Vous avez parlé d'un défi important, la composition elle-même de ce comité scientifique là. Je vous avoue que, depuis le début de la consultation, je n'y vois pas notre principal défi mais un des gros défis, une fois le projet de loi adopté, s'il devait être adopté, parce que tout le monde souhaite être sur ce comité-là. Donc, pour vous, la sélection est un enjeu. Comment la faire adéquatement et sur quelles bases?

• (9 h 50) •

M. Bourque (Alain) : En fait, là, je n'ai pas à l'esprit les détails de ce que différentes juridictions font, mais, en Angleterre, on s'assure, par exemple, d'avoir des gens qui vont s'inspirer des différents groupes de travail, du GIEC, par exemple, pour s'assurer de couvrir toutes ces composantes, donc surtout, notamment, l'aspect de la lutte à long terme des changements climatiques.

Donc, souvent, lorsqu'on a des processus de vérification, donc, par exemple, vous avez mentionné le Commissaire au développement durable, bien, souvent, on regarde les aspects financiers, les aspects court terme, est-ce qu'on réduit les émissions de gaz à effet de serre à très, très court terme. Puis c'est vrai qu'il faut le faire, mais parfois il y a d'autres actions, notamment la recherche scientifique qui doit aussi être entreprise avec une perspective de générer des changements technologiques majeurs, qui se font à beaucoup plus long terme.

Mais enfin, bref, tout ça pour dire qu'il faudrait aller revoir, dans les différentes juridictions... l'Angleterre étant une de celles qui est à l'avant-garde et qui s'assure, avant de nommer les gens, de se dire : Voici les différents secteurs... Comme par exemple, en Colombie-Britannique, on a décidé de prendre une approche notamment sectorielle, s'assurer que chacun des secteurs était représenté, chacune des disciplines scientifiques est représentée, etc. Et donc c'est ce que je dirais, là, à ce moment-ci.

M. Charette : Vous évoquiez l'importance de ce comité, nous en sommes également, mais tout bon comité qui n'a pas les moyens suffisants pour opérer sera tôt ou tard limité dans son action, et c'est sans doute un autre élément important du projet de loi avec l'article 15.0.5, où il est question de doter ce comité-là de moyens suffisants.

Pour vous, qui accordez une importance réelle à la science, est-ce que ce sont des engagements qui sont rassurants? Est-ce que c'est réconfortant de dire : Non seulement on va avoir un comité scientifique, mais on va s'assurer qu'il soit doté des moyens suffisants, là, pour pouvoir compléter sa mission, en quelque sorte?

M. Bourque (Alain) : Bien oui, ça va certainement dans une très bonne direction. Naturellement, tout tombe dans les détails sur qu'est-ce qu'on définit par les «moyens suffisants».

M. Charette : C'est bien certain, et vous l'avez dit, je l'ai mentionné également, on parle beaucoup d'environnement. Ça devient un sujet d'actualité pratiquement quotidiennement. Il y a des oubliés, par contre, je le mentionnais depuis le début de la consultation, on parle d'environnement, oui, mais malheureusement... pas que ce n'est pas important, pas que ce n'est pas prioritaire, il y a la question de la réduction des gaz à effet de serre, nous en sommes, mais on a perdu un peu de vue, dans le discours mondial, ces dernières années, l'importance de la biodiversité, notamment l'importance de la qualité de l'air, de la qualité de l'eau. Vous nous rappelez l'importance, aujourd'hui, de l'adaptation aux changements climatiques. C'est vrai qu'il ne faut pas la perdre de vue et c'est là aussi où le projet de loi n° 44 devient important et intéressant. On y fait mention, on réitère son importance.

Maintenant, comment financer ça? Je comprends, il y a plusieurs questions qui ont été posées ces derniers jours, et c'était à nous de rassurer les collègues par rapport à l'importance du financement du secteur des transports. Actuellement, il y a une garantie des deux tiers du Fonds vert qui vont directement aux transports. Nous, dans le projet de loi, on veut se garder de la souplesse. On ne dit pas que ce sera moins que les deux tiers, mais on veut se garder de la souplesse pour une raison fort simple : on veut miser énormément, notamment, sur les transports collectifs. Mais financer les transports collectifs, on peut avoir plusieurs sources de financement, notamment le PQI, étant donné qu'on parle de milliards en investissements, alors que financer l'adaptation aux changements climatiques, le financement à travers le PQI, par exemple, ou d'autres formules, est plus limité.

Donc, pour vous, se donner la marge de manoeuvre pour financer adéquatement l'adaptation aux changements climatiques, c'est aussi une étape incontournable dans notre démarche, là, pour les prochaines années?

M. Bourque (Alain) : Oui, bien, en fait, nous sommes tout à fait d'accord avec ça. On croit effectivement que de ne pas avoir cette règle du deux tiers, là, donne davantage de flexibilité et l'opportunité d'être davantage stratégique par rapport aux investissements dans la lutte aux changements climatiques. Puis c'est vrai que le dossier adaptation a toujours été historiquement beaucoup plus difficile à financer.

Et puis, en passant, je l'ai dit tout à l'heure puis, à chaque fois je le dis, je suis... je n'aime pas tellement ça dire ça, qu'il y a eu 93 % investi en réduction puis 6 % en adaptation. Ça sonne comme s'il y avait une compétition entre la réduction et l'adaptation. Je pense que ce n'est vraiment pas ça. L'idée, c'est que la lutte aux changements climatiques est en train de devenir très transversale, et donc l'idée, ce n'est pas d'avoir en tête qu'il y a une somme limitée autour du Fonds vert ou du FECC et plutôt de se dire qu'effectivement il y a plein d'investissements en infrastructures, des budgets, des budgets opérationnels de ministères, etc., qui doivent devenir teintés par la lutte aux changements climatiques, continuellement. Donc, ce n'est pas une enveloppe finie où on compétitionne.

Par contre, cette enveloppe-là nous donne l'opportunité d'être stratégiques avec les investissements. Puis là je pense qu'on est rendus à un jour, aujourd'hui, où, pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, on peut penser à de l'argent en infrastructures, on peut penser à l'argent à toutes sortes d'autres aspects, alors que présentement, pour l'adaptation, il y a un peu moins de marge de manoeuvre. Je pense qu'un jour...

Bon, on a, par exemple, les Pays-Bas qui investissent quelque chose comme 1,5 % de leur PIB dans l'adaptation au rehaussement du niveau de la mer, pour des raisons assez évidentes, mais il faut aussi éventuellement en venir à... En fait, la tendance lourde un peu partout, dans l'ensemble des pays, c'est que l'adaptation est en train de prendre une part de plus en plus importante de l'intérêt des gens, parce qu'on le voit bien, là, les crises climatiques qui apparaissent à gauche et à droite à un rythme toujours un peu plus soutenu. Et, comme je disais tout à l'heure, même si on réduit les émissions de gaz à effet de serre là, ça ne va pas s'améliorer au cours des 20 prochaines années, là, il ne faut pas se faire d'illusions.

M. Charette : Effectivement. Une dernière petite question rapide pour ma part, pour laisser la chance à mes collègues, là, qui souhaitent intervenir.

Trouver des cibles et suivre des cibles en adaptation climatique, c'est un petit peu plus complexe, effectivement, que des cibles au niveau de la réduction des gaz à effet de serre. Vous avez donné quelques exemples, mortalité liée aux périodes de chaleur accablante, et autres. Peut-être nous en donner d'autres, juste pour nous aider à déterminer quelles cibles pourraient être identifiées, sans prendre trop de temps, parce que, malheureusement, le temps file, et mes collègues veulent intervenir aussi.

M. Bourque (Alain) : Oui. Bien, en fait, un des commentaires qu'Ouranos fait par rapport à ces questions de cibles là, c'est qu'on a quand même une belle opportunité, au cours des 10 prochaines années, là, à la régler, cette question-là, à en trouver, des cibles robustes qu'on va suivre dans le temps, etc. Puis donc, oui, ça prend de la recherche, etc.

Mais bon, l'imperméabilisation des villes a fait en sorte que l'intensification des pluies a tendance à amener davantage d'eau dans les réseaux d'égout, qui crée des débordements, etc. Donc, on peut penser au verdissement des villes, donc est-ce qu'on réussit à verdir nos villes et à intercepter davantage d'eau. Bon, pour les zones côtières, là, je veux dire, on n'a même pas vraiment une très bonne cartographie du nombre de maisons qui sont à risque, et donc ça, ça permettrait de se donner des cibles très précises et, en plus, d'inciter des actions qui vont s'attaquer à réduire le nombre de personnes vulnérables.

Il y a toutes sortes de cartographies aussi. Vous avez juste à regarder le plan d'adaptation de la ville de Montréal, qui a fait un assez bon travail, donc qui a cartographié les régions vulnérables à six risques climatiques. Et donc ça, ça devient une bonne base ensuite pour se donner des objectifs puis se vérifier dans 10 ans ou dans cinq ans pour voir si on a bel et bien diminué ou augmenté la vulnérabilité.

Le Président (M. Polo) : La députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être là. Merci du travail que vous avez fait.

Vous parlez de comités indépendants qui conseillent mais aussi qui surveillent le gouvernement. Je trouve ça intéressant, mais je me demande, dans le «wrap-up», là — très mauvais français — que vous avez fait, qu'est-ce que vous avez vu et quels sont les pouvoirs de ce comité-là, des membres du comité par rapport au gouvernement. Comment est-ce que c'est constitué pour que ça ait un réel pouvoir de vérification?

M. Bourque (Alain) : Bien, je pense que peut-être le meilleur exemple que je peux donner, c'est la... si on se donne des cibles, d'analyser, de faire le suivi de l'état des lieux par rapport à ces cibles-là et de voir si les moyens qui ont été adoptés ont été efficaces ou pas.

Mme Tardif : Oui, mais je clarifie ma question. Suivre une cible, c'est très technique. Cependant, quand on dit que le comité vérifie l'action, il y a une vérification qui peut être assez platonique, mathématique, mais est-ce que ça va au-delà de ça? Parce que ça, ça a plus ou moins besoin d'être un comité d'experts. Est-ce que ces comités-là vont jusqu'à avoir des pouvoirs comme un vérificateur général ou c'est juste un pouvoir de conseil ou de recommandation?

M. Bourque (Alain) : De recommandation. Bien, en fait, c'est un pouvoir de recommandation. Par contre, dans certaines législations, si le ministre ne suit pas la recommandation, il doit publiquement s'expliquer de façon officielle pourquoi il ne le fait pas.

Donc, on laisse dans la main des décideurs de décider et de faire des choix de société, ce que les scientifiques, peut-être, particulièrement dans ce rôle-là, ne vont pas nécessairement faire. Mais donc il est prévu dans la loi que, lorsqu'il y a des recommandations qui vont dans une direction ou dans une autre, l'État doit répondre à ces vérifications-là et il doit se justifier s'il décide de ne pas faire la recommandation. Donc, déjà ça, en soi, ça éclaircit les choses, ça met une base de crédibilité, ça connecte avec la science, ce qu'on n'a pas nécessairement, là, dans les endroits où il n'y a pas de juridiction, pas de loi.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Il reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Polo) : Ah! il reste 2 min 45 s.

• (10 heures) •

Mme Grondin : Parfait. M. Bourque, très heureuse que vous mettiez l'accent sur l'adaptation aux changements climatiques, là. C'est de la musique à mes oreilles. À travers toutes les études que vous avez faites un peu partout à travers le Québec, quand on parle d'adaptation aux changements climatiques, on pense souvent à la question de l'eau, là, les inondations, tout ça, pouvez-vous nous dire si, en termes de gestion de risques ou de vulnérabilité, il y a d'autres secteurs d'activité, notamment en région, qui peuvent être touchés? Je pense à l'agriculture, la biodiversité, la foresterie.

M. Bourque (Alain) : Bien, en fait, c'est assez impressionnant, la quantité de secteurs économiques qui sont affectés par le climat, là. Je veux dire, Ouranos a été créé au début des années 2000 parce qu'Hydro-Québec manquait d'eau dans ses réservoirs. On leur a fait des études pour dire qu'avec les changements climatiques il y en aurait plus, et depuis ils en ont plein d'eau, mais... Donc, ça rappelle... Bon.

Mais, en fait, tu sais, vous dites «les inondations» parce qu'honnêtement c'est le dossier du moment à cause de ce qui s'est produit. Mais, je veux dire, allez dans des communautés côtières au Québec, là, puis c'est l'érosion côtière qui est le gros dossier. Allez dans des communautés inuites dans le Nord, là, puis ce n'est pas les inondations, là, c'est la fonte du pergélisol, c'est la transformation complète de leur environnement, etc.

Donc, nous, on le pense souvent en fonction de quel endroit on est. C'est très régionalisé puis c'est un des défis de l'adaptation d'avoir des cibles. C'est que c'est très contextuel, c'est très en fonction des régions. Donc, les régions urbaines, c'est les canicules, les pluies abondantes avec défaillance d'infrastructures. En région plus rurale, autour des bassins versants, c'est souvent des inondations.

Et, «by the way», là, ce que les changements climatiques disent aussi, c'est les risques en lien avec les sécheresses estivales. Alors là, c'est très «low profile» présentement, on en parle très peu, là, mais il y a un risque significatif de voir des épisodes de mauvaise qualité de l'eau, des algues bleu-vert, des manques en approvisionnement d'eau dans les mois d'août, septembre, octobre, qui vont aller en rehaussant.

Bon, ensuite, on va dans les régions plus éloignées, les forêts. Je veux dire, il y a quelques études qui pointent vers le fait qu'en fait le Québec est vulnérable aux feux de forêt aussi, peut-être un peu moins que d'autres régions très critiques, comme on le voit dans les nouvelles présentement, mais il y a des risques là.

Donc, très rapidement, là, je vous ai fait toute une liste de différents risques. Et, à quelque part aussi, tout ça commence aussi à décaler autour des investisseurs, là, qui vont devoir aussi revoir l'impact des changements climatiques sur la continuité de certaines opérations, etc.

Je vous donne le petit exemple de la Thaïlande, qui avait vécu des inondations majeures en 2012. Tout le monde a manqué de disques durs pendant deux mois. Alors, bon, ça, c'était un événement extrême qui s'est produit en Thaïlande et qui se ramasse à avoir des impacts économiques un peu partout à travers le monde. Et puis, avec l'accélération de tout ça, bien, il va y avoir de plus en plus de problèmes, notamment pour les compagnies d'assurance.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Bourque, pour votre présentation et votre mémoire. Je partage la même opinion, idée de ma collègue d'Argenteuil concernant l'adaptation. Je pense que c'est vraiment le prochain sujet. Puis, au début, dans votre mémoire, vous mentionnez spécifiquement que quand même, si Québec fait sa part, nous habitons dans une autre réalité, avec un voisin au sud qui est moins préoccupé avec l'enjeu de la lutte contre les changements climatiques, des autres juridictions où c'est peut-être moins important, et c'est des grosses économies, des gros émetteurs de GES. Alors, c'est un gros défi pour la planète.

Mais une question pour vous. L'important, c'est peut-être : Pourquoi plus en plus les juridictions regardent vers une politique ou un plan de l'adaptation? Est-ce que c'est parce que les impacts des changements climatiques sont plus sévères que prévus, selon vous? Je demande une question scientifique, parce qu'il y a beaucoup d'informations dans les médias et dans la sphère publique qui dit : Ah oui! c'est plus pire qu'on a pensé. Est-ce que ça, c'est vrai, selon la science? Et je pose la question, c'est très global.

M. Bourque (Alain) : Effectivement, la communauté scientifique entend souvent ces affirmations que c'est pire que prévu. Naturellement, ça dépend de certaines régions, là, il y a une variabilité naturelle qui fait que, parfois... Je veux dire, en Australie, c'est particulièrement frappant, ce qui se déroule, puis là ça sonne comme si c'était plus important que prévu.

Moi, ce que j'aurais le goût de vous dire plutôt, ce n'est pas tant que le changement climatique se déroule plus rapidement que prévu, je pense que c'est parce qu'on a fait un développement économique, au cours des 40 dernières années, où on s'est mis davantage les pieds dans les plats. On s'est davantage installés dans des zones à risque, on n'a pas vraiment tenu compte de la science des changements climatiques, puis il y a eu une densification de la population, il y a eu une augmentation de la population. Donc, c'est peut-être aussi un peu normal.

Mais je pense qu'il y a beaucoup de décisions qui ont été prises, de développement économique, etc., qui ont fait que les impacts se matérialisent peut-être encore un petit peu plus rapidement qu'ils l'auraient été s'il n'y avait pas eu de développement économique supplémentaire. Puis ça, c'est important, parce que les gens disent toujours : Ah! c'est la météo, c'est le climat, on ne peut rien faire. Mais ce n'est pas vrai, là. Je veux dire, on prend des décisions d'aménagement du territoire qui vont nous mettre à risque pour les prochaines années, et c'est pour ça que l'adaptation et les politiques d'aménagement du territoire, par exemple, là, c'est tout à fait crucial et fondamental pour les prochaines décennies, là.

M. Kelley : Merci, merci. Et, en lien aussi avec l'adaptation, juste, quand vous avez fait de la recherche sur la question, est-ce que vous avez trouvé qu'une juridiction... Je sais que vous avec déjà mentionné un petit peu le UK, mais est-ce qu'il y a certaines... une autre juridiction que vous vous êtes dit : Wow! ça, c'est quelque chose qui est impressionnant, ce pays est vraiment avant le reste du monde? C'est juste pour nous, pour inspirer, pour peut-être notre propre stratégie, une place de commencer, de regarder ou... quand même peut-être une autre juridiction avec le même climat que nous.

M. Bourque (Alain) : Je vous ai parlé de UK, Finlande. Donc, la Finlande est réputée, depuis le début des années 2000, à avoir été dans les premiers à avoir une stratégie d'adaptation aux changements climatiques. Ils ont continué à travailler là-dessus, et c'est une juridiction que je recommanderais.

M. Kelley : Parfait, parfait. Une autre question. C'est aussi juste... ce n'est pas sur l'adaptation, mais, pendant les deux dernières journées, on a entendu beaucoup des différents groupes qui suggéraient que le gouvernement du Québec crée un secrétariat ou un superministère pour la lutte contre les changements climatiques. Encore, dans vos recherches, est-ce que vous avez vu des juridictions où un État a créé un superministère ou un secrétariat, et ça a vraiment aidé de faire tout le suivi des cibles et tout ça, ou est-ce que ça varie vraiment de juridiction en juridiction?

M. Bourque (Alain) : Je ne pourrais pas le dire. Il y en a peut-être, là, mais on n'en a pas identifié dans le travail quand même assez rapide que l'on a fait.

Ceci étant dit, c'est comme un équilibre, là, entre ajouter une nouvelle organisation et une nouvelle structure versus travailler avec les structures en place. Il y a quand même des avantages et des désavantages de l'un ou l'autre, là, puis c'est certainement à bien analyser.

Parce que vous avez raison de soulever quelque chose, là, un des défis aussi, autant de l'adaptation que de la réduction, c'est de faire travailler, par exemple, les ministères ensemble de façon à s'assurer que la lutte aux changements climatiques n'est pas, à la limite, là, réorientée avec d'autres objectifs où la lutte aux changements climatiques devient un petit peu secondaire. Donc là, le défi, c'est vraiment de trouver des instances, soit existantes ou créer peut-être une nouvelle... qui fait en sorte qu'on a une action transversale dans l'économie, là.

M. Kelley : Ça, c'est bien intéressant parce que, quand même, s'il y a un comité de suivi qui a peut-être certains pouvoirs, ça demeure toujours la responsabilité du gouvernement de coordonner des actions. Mais alors c'est quelque chose pour réflexion, c'est sûr.

Et, sur les cibles, si, dans nos lois, on a plus un suivi, si c'est comme par mi-chemin... donc on prend l'exemple de, comme, cinq ans, par exemple, est-ce que vous pensez que c'est une bonne suggestion, idée de faire quelque chose qui est vraiment... chaque cinq ans, faire une révision complète de nos cibles puis faire des recommandations ou est-ce que c'est mieux de faire quelque chose, comme en Colombie-Britannique, qui est à chaque 10 ans?

M. Bourque (Alain) : Je n'aurais pas d'opinion là-dessus. Encore une fois, l'important, c'est vraiment de s'assurer d'amorcer un processus, un momentum. En science, on appelle ça une boucle de rétroaction positive, c'est-à-dire, bon, changements climatiques, le méthane est émis du pergélisol, ce qui accélère le changement climatique, donc ce n'est pas une très bonne nouvelle, mais là il faut le faire, mais dans une perspective de mobiliser l'ensemble de la société, des ministères, etc., à lutter contre les changements climatiques. Puis c'est sûr que, si on a le moindrement des mécanismes récurrents, ça va permettre de ne pas, par exemple, entre deux inondations, complètement oublier que le dossier d'inondations est à surveiller et à continuellement considérer dans nos règles d'aménagement du territoire.

M. Kelley : Et juste une dernière question. Selon les différentes juridictions que vous avez analysées, lesquelles étaient... selon vous, a eu les meilleurs résultats avec leurs cibles puis les suivis?

M. Bourque (Alain) : En fait, on n'a pas eu le temps de faire cette analyse-là. Mais, en passant, je veux dire, il est quand même tôt dans le processus. C'est pour ça que je vous ai dit tout à l'heure que ces juridictions-là sont perçues comme innovantes, mais c'est dans le temps qu'on va aussi réussir à vraiment confirmer si l'utilisation d'une loi et des différents mécanismes prévus a réellement été efficace.

Puis je reviens avec la question en background de continuellement continuer... de s'assurer de continuer à financer ces recherches scientifiques là, objectives, neutres, externes, de façon à continuellement contribuer à analyser les performances, les nouvelles méthodes, à favoriser l'innovation et à développer des nouvelles approches.

• (10 h 10) •

M. Kelley : Parfait. Juste une question, M. le Président. Est-ce que la deuxième opposition officielle a partagé leur temps avec la troisième? Sinon, je vais donner le reste de mon temps à mon collègue.

Le Président (M. Polo) : En fait, c'est que, normalement, les règles... puis le député de Jonquière pourrait nous le confirmer, normalement, les règles, c'est que le temps qui ne sera pas utilisé par la deuxième opposition doit être réparti parmi l'opposition officielle et le troisième groupe d'opposition. Sauf que, par consentement, on peut s'entendre que vous pouvez donner votre temps à la troisième opposition et que la deuxième opposition donne tout son temps à la troisième opposition. C'est bien ça, M. le député de Jonquière?

M. Gaudreault : Bien, par consentement, on peut tout faire, sauf changer un homme en femme ou l'inverse peut-être, là. Mais oui, si l'opposition officielle veut céder le temps et en... Et normalement, par habitude, quand il y a un député qui n'est pas là, d'un des deux groupes, là, puis je ne veux pas souligner l'absence d'un des députés, mais effectivement ça se retrouve ici.

Le Président (M. Polo) : Oui, M. le ministre.

M. Charette : ...entièrement d'accord, le consentement, sans problème. Mais, juste pour notre gouverne, est-ce que c'est pour toute la journée? Est-ce que les...

Le Président (M. Polo) : Non, non, non. Je veux dire, à ma connaissance, c'est juste pour ce premier groupe.

M. Charette : Sans aucun problème.

Le Président (M. Polo) : Parfait. Vous pouvez procéder, M. le député de Jonquière. On va réajuster votre temps, là. Ça va vous donner sept minutes. Mon Dieu!

M. Gaudreault : Wow! Je suis comme déstabilisé. J'ai besoin d'adaptation pour la suite des choses. Bien, écoutez, ça me donne du temps pour vous dire merci d'être là, mais surtout, moi aussi, pour passer un message de reconnaissance pour tout le travail que vous faites, oui, au Québec, mais à l'échelle internationale. Je veux dire, je peux en témoigner, je veux en témoigner, de la très grande compétence reconnue d'Ouranos à l'échelle internationale. Je vous remercie infiniment de votre présence.

J'aurai plein de questions et je veux juste commencer peut-être par la plus grosse, au fond. Sur les cibles de réduction de gaz à effet de serre — après ça, on pourra parler des cibles d'adaptation, que je trouve intéressantes — avez-vous commencé à réfléchir ou avez-vous des suggestions à nous faire comme commission parlementaire? Parce qu'hier on a eu des témoignages qui nous demandaient de les hausser, les cibles de réduction de gaz à effet de serre. Comment vous voyez ça de votre côté?

M. Bourque (Alain) : Bien, en fait, je vais vous redonner une réponse, malheureusement, assez plate, dans le sens où le mandat d'Ouranos est de travailler sur la science des changements climatiques et de travailler pour développer l'adaptation. Donc, on ne travaille pas sur la question de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Puis même, à l'interne, il y a eu de nombreuses discussions à savoir si on pouvait avoir ce mandat-là puis donc il a été décidé, compte tenu, en fait, qu'il y avait relativement peu de groupes qui s'attardaient à l'adaptation, que c'était plus stratégique pour Ouranos de se concentrer sur l'adaptation et de laisser d'autres groupes qui sont financés, au Québec, pour commenter sur la réduction.

Donc, à part ce qui est écrit dans les rapports du GIEC, qui, naturellement, est un peu la ligne de conduite d'Ouranos, là, nous, on ne fait pas vraiment beaucoup de recommandations en lien avec les réductions des émissions de gaz à effet de serre. Et puis en plus, là, la difficulté, dans ce cas-ci, par rapport à votre question, c'est qu'il faut un peu transposer les recommandations ou les conclusions du GIEC dans une région très spécifique qu'est le Québec. Et donc, ça, il y aurait nécessairement un travail à faire pour tenter de déterminer, de dire... Bon, si, par exemple, on dit qu'il faut réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre sur la planète d'ici x, bien là, le défi, c'est comment qu'on se partage la tarte de l'effort de réduction. Et là il y a toute une panoplie de débats là-dessus ou d'analyses qui peuvent être faites, et ça Ouranos ne l'a pas fait. Donc, je ne peux pas commenter là-dessus.

M. Gaudreault : O.K. Maintenant, pour les cibles d'adaptation, vous amenez cette nuance ou cette proposition, plutôt, qui est extrêmement intéressante et qui est un champ nouveau, je dirais, en tout cas, dans l'administration publique québécoise, là, parce qu'on met beaucoup le focus sur les cibles de réduction de gaz à effet de serre. Mais, sur les cibles d'adaptation, est-ce que je comprends bien de votre propos que nous pourrions les fragmenter, je ne sais pas si c'est la bonne expression, là, mais, disons, des cibles d'adaptation, est-ce que je comprends bien de votre propos que nous pourrions les fragmenter, je ne sais pas si c'est la bonne expression, là, mais, disons, des cibles d'adaptation pour le Grand Nord, des cibles d'adaptation pour les bandes côtières, ou on y va plus sur un point de vue global? Comment ça se mesure, ça?

M. Bourque (Alain) : Non, malheureusement, pour l'adaptation, il faut, en général, des cibles assez diversifiées. C'est vraiment un portefeuille de cibles qui peut être effectivement en lien avec les régions, mais qui peut aussi être en lien avec, par exemple, des cibles en matière d'environnement naturel, d'écosystème, biodiversité, ensuite des cibles sur les infrastructures, ensuite des cibles sur... Ça peut être des cibles par rapport à la réduction des impacts économiques ou du moins le contrôle de l'ampleur de l'impact économique des impacts des changements climatiques. On a beaucoup parlé... puis ça, c'est peut-être une des cibles qui est les plus avancées, c'est, par exemple, le nombre de personnes qui est à risque ou qui est vulnérable à différents risques climatiques. Ça, c'est probablement le créneau où on est le plus avancé.

Et puis je veux dire, en passant, on ne part pas de zéro non plus, là, je vous ferais remarquer. Puis ça, ça a été une action du gouvernement du Québec, notamment de l'Institut national de santé publique, qui a créé l'Observatoire québécois de l'adaptation aux changements climatiques. Alors, présentement, cet observatoire-là, il est tout petit, je pense qu'il n'y a personne qui connaît vraiment beaucoup cette observation-là, mais ils ont commencé à faire les travaux pour développer des indicateurs. Et, par exemple, l'une de leurs conclusions très intéressantes à date, c'est que ça dit qu'il y a quand même beaucoup d'informations scientifiques qui existent, mais il semble y avoir un blocage autour de la mise en oeuvre de l'adaptation. Et donc il y a plusieurs indicateurs, puis là, ça, c'est des genres d'études ou d'analyses qui nous permettent de travailler sur ce volet-là pour s'assurer qu'on va atteindre notre cible ou notre indicateur qu'on a pu identifier auparavant.

Est-ce que je répondais à la question?

M. Gaudreault : Oui, oui, oui. Bien, ce que je comprends, c'est qu'on peut y aller, comme vous dites, soit par région ou par secteur. Par exemple, on pourrait avoir des cibles aussi en adaptation du côté de la santé, j'imagine.

M. Bourque (Alain) : Oui, tout à fait.

M. Gaudreault : Parce qu'il y a des enjeux extrêmement importants sur la santé.

M. Bourque (Alain) : D'ailleurs, en passant, ça m'avait frappé quand il y avait eu un des plans de changements climatiques antérieurs. Il y avait toute une panoplie de cibles que le gouvernement s'était données, s'était fixées par rapport à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et, quand on parlait d'adaptation, c'était écrit «non applicable», tu sais. Donc, il faut clairement aller vers autre chose là-dessus. Parce que naturellement, la cible, tout était concentré autour du chiffre de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, qui ne s'applique, naturellement, pas à l'adaptation.

M. Gaudreault : Je veux entendre le scientifique en vous qui a le souci que ses recherches et les résultats de ses recherches aient une emprise dans la population, dans le réel, que ça atterrisse. Hier, on a eu un témoignage, entre autres, de Dominic Champagne, qui nous a parlé de... que ce qui est en jeu, c'est la fin de l'espèce humaine, qui a comparé la lutte actuelle à la lutte contre le fascisme et le nazisme durant la Deuxième Guerre mondiale. C'est des images qui sont fortes, mais qui peuvent être aussi polarisantes.

Alors, moi, j'aimerais avoir votre point de vue de scientifique qui est branché sur le terrain. Comment on fait pour aller davantage dans une optique d'adhésion plutôt que de polarisation?

M. Bourque (Alain) : Je ne sais pas si, là, je vais exprimer l'opinion d'un scientifique ou l'opinion d'un scientifique directeur général d'Ouranos. Je pense, ça va plutôt être le deuxième, parce qu'Ouranos a quand même une approche au développement des connaissances scientifiques assez particulière, c'est-à-dire qu'on essaie de faire des projets assez appliqués avec les parties prenantes. Donc, on parle de plus en plus de coconstruction de projets scientifiques, en fait, qui croisent les connaissances scientifiques avec les connaissances terrain, les connaissances stratégiques, avec, naturellement, l'objectif de créer des retombées. Mais on pense que le processus pour arriver aux connaissances est tout aussi important que la connaissance qui est développée elle-même. Et moi, je pense que ça, c'est une avenue particulièrement intéressante et particulièrement constructive, là.

Bon, je reviens toujours avec l'exemple du projet qu'on a fait avec la municipalité de Percé en lien avec l'érosion côtière. On a travaillé... tu sais, c'est des scientifiques, dont des océanographes de top réputation mondiale, qui se sont assis avec le maire de Percé puis avec l'aménagiste, et etc., puis on a travaillé...

Le Président (M. Polo) : Je vous demande de conclure. Le temps est écoulé.

M. Bourque (Alain) : O.K. Donc, on a travaillé ensemble de façon à ce que, justement, probablement qu'il y ait davantage... moins d'emphase sur les problèmes et peut-être un peu plus d'emphase sur les solutions.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, M. Bourque. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à M. Normand Mousseau de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 10 h 20)

(Reprise à 10 h 22)

Le Président (M. Polo) : Je souhaite la bienvenue à M. Normand Mousseau, directeur académique de l'Institut de l'énergie Trottier, accompagné, si je ne me trompe pas, par M. Louis Beaumier, directeur exécutif de l'Institut de l'énergie Trottier. C'est bien ça? Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et débuter votre exposé, et la parole est à vous.

Institut de l'énergie Trottier

M. Mousseau (Normand) : Merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission. D'abord, je dirais, malgré une volonté générale, une reconnaissance assez largement partagée au niveau du Québec qu'il faut faire quelque chose sur les changements climatiques, trop d'efforts et d'investissements ont été vains, au Québec, depuis 2006, à cause de politiques incohérentes, de travail en silo, du refus des meilleures pratiques puis du déni des connaissances scientifiques. Et malheureusement, la structure actuelle est toujours incapable de livrer les résultats attendus.

Il n'y a aucune excuse à l'échec, je dirais, et, comme députés, vous n'avez pas le droit de vous défiler, je pense, comme le montre l'exemple du Royaume-Uni, qui est revenu à plusieurs reprises, là, depuis le début de votre commission, qui, malgré les tumultes du Brexit, réussit à être en avance sur ses objectifs climatiques et a encore annoncé des objectifs et des mesures très, très ambitieuses pour faire une transition vers une société à zéro carbone. Ce succès-là, ce n'est pas un hasard, en Angleterre. Il s'appuie sur une structure de gouvernance efficace, forte, avec une fonction publique qui est très professionnelle, très efficace, et des contrepoids indépendants.

Je dirais, l'analyse qu'on fait du projet de loi n° 44 dans sa forme actuelle nous force à conclure que, si plusieurs éléments structurants sont mis de l'avant, l'orientation générale du projet a des trous et s'éloigne des meilleures pratiques. Et, bon, je ne reviendrai pas sur l'ensemble du mémoire, vous pourrez le lire. En 10 minutes, je ne pourrai pas tout faire. Ça s'appuie sur les travaux qu'on a faits avec Le climat, l'État et nous, un groupe, une initiative lancée en 2017, qui avait pour but de développer une proposition pour une gouvernance environnementale efficace, qui a rassemblé une vingtaine d'universitaires spécialistes à travers le Québec, qui a été suivie par plusieurs observateurs, dont M. Richard Campeau, et qui a mené, après une consultation à un forum national, à une proposition soutenue par des organisations qui représentent plus de 1 million de citoyens et citoyennes du Québec, et qui s'est conclue par un débat où trois partis politiques se sont présentés. Et on a justement Richard Campeau, Sylvain Gaudreault qui est ici, et il y avait Ruba Ghazal aussi qui était là.

Donc, les principes sur lesquels on s'entend et qui reprennent pas mal ce que vous avez entendu il y a quelques minutes... Pérennité. Donc, on a besoin de plans qui nous projettent dans l'avenir, de structures capables de nous amener, puis d'une certaine cohérence, puis une capacité de prévoir où est-ce qu'on veut aller.

Une participation. Ça ne peut pas se faire simplement au niveau des élus, il faut que ça implique l'ensemble de la société. Il faut une coordination forte, c'est-à-dire qu'on doit avoir une coordination interministérielle puis une ligne de pouvoir très claire pour s'assurer que les choses se fassent et que l'ensemble des élus avancent sur la question, l'ensemble de l'appareil gouvernemental avance sur la question. On a besoin d'une rigueur qui s'appuie sur les meilleures pratiques et la science, et ça, c'est important dès le départ, et une imputabilité qui est forte.

On avait proposé un modèle, il y a quelques années, avec une vision à long terme, une loi intégratrice, structurante, qui force vraiment l'ensemble de l'appareil à bouger. On proposait un comité ministériel sur le développement, piloté par un ministre du Développement durable, dont le seul mandat, c'est de s'assurer que tout avance, donc, et qui dirige, en gros, un secrétariat qui est placé au comité... au ministère du Conseil exécutif, donc qui relève aussi du premier ministre, et c'est important d'avoir une volonté claire du premier ministre dans ces cadres-là.

Planification stratégique menée par ce comité-là et une agence, une société d'État qui aurait le mandat de rassembler les compétences pour appuyer l'ensemble de l'appareil, l'ensemble des municipalités et aussi le soutien et le dialogue, avec une imputabilité qui reprend le comité, donc on en a déjà parlé, je vais revenir là-dessus, et un commissaire au développement durable plus à même d'avoir une vision large.

Donc, en termes de conseils généraux, je veux revenir sur le projet de loi n° 44 brièvement. En termes de pérennité, je pense qu'il manque des aspects de pérennité dans le projet de loi n° 44, une vraie vision à long terme puis une façon d'intégrer cette vision-là par des révisions régulières. Pour le moment, on a, en gros... c'est le PECC, qui est 10 ans, qui est assez à court terme, et on n'a pas les processus de révision plus réguliers.

De même, on n'a pas donné au ministre de l'Environnement les pouvoirs suffisants pour vraiment intégrer. Donc, on lui donne le mandat, mais, en même temps il doit partager, par exemple, avec le ministre des Ressources naturelles, 70 % de la lutte aux changements climatiques, qui est la partie énergétique. Et ça, ça ne peut pas marcher. On l'a vu, entre... les tensions entre TEQ et le Fonds vert, par exemple, que, quand on laisse à deux organisations ou deux ministères un mandat concurrent, ça ne peut pas fonctionner. Donc, il faut absolument que le ministre de l'Environnement ait l'ensemble des outils.

Même chose, il partage avec le ministre des Finances la décision de l'argent qui va aller dans le transport. Bien là, entre le ministre des Finances puis le ministre de l'Environnement, au Conseil des ministres, ce n'est pas clair qui... on n'a pas besoin de se poser la question sur qui gagne la partie, c'est le ministre des Finances. Donc, voici encore un parti où le ministre de l'Environnement n'a pas vraiment le contrôle du fonds, malgré ce qui est écrit dans la loi.

De même, d'un point de vue de coordination, on n'intègre pas, dans le projet de loi n° 44, avec le développement économique. Or, pour que ça fonctionne, il faut qu'on lie fortement la lutte aux changements climatiques et tous les aspects climatiques au développement économique. Il n'y a rien, par exemple, dans le projet de loi n° 44, qui amène le ministre de l'Économie à intégrer, dès qu'un projet arrive sur la table, les questions climatiques ou à s'assurer qu'on implique le ministre de l'Environnement dès que quelque chose arrive à l'Économie, qui touche l'environnement de proche ou de loin.

Rigueur. On annonce la formation d'un comité consultatif composé majoritairement de scientifiques. Ça, c'est essentiel. Il faut que ça soit des experts indépendants. On n'a pas défini le budget. Pour moi, ça pose un problème. Puis on n'a pas non plus créé une structure de savoir et d'appui qui va être capable d'amener l'entièreté de l'appareil gouvernemental à avancer. Si vous avez des questions, ça me fera plaisir de parler de ce qui se fait à la Caisse de dépôt, par exemple, pour donner un exemple qui est plus proche du Québec que l'Angleterre.

Imputabilité. On est revenus là-dessus un peu. Le comité consultatif doit avoir une capacité de parler pour forcer l'imputabilité beaucoup plus grande que d'attendre 30 jours que le ministre permette les publications.

Donc, je vais passer aux recommandations rapidement. Unifier la responsabilité de la planification. Donc, en effet, ramener au ministre de l'Environnement l'entièreté de la planification, qui revient aussi à la transition énergétique, tout ça intégré dans un ministre qui a l'ultime responsabilité, même s'il peut y avoir un peu de délégation, évidemment. L'ultime responsabilité quant au fonds aussi, au FECC, pour tous les secteurs de l'économie, doit revenir au ministre de l'Environnement.

Il faut intégrer les leviers financiers, c'est-à-dire que le ministre de l'Environnement puisse aussi faire des montages financiers. Le FECC, ce n'est pas beaucoup d'argent, là. Donc, il faut être capable de s'assurer que les autres dépenses... vous parliez du plan d'infrastructures. Il faut que les autres dépenses soient intégrées, donc que le ministre puisse avoir son mot à dire là-dedans et un peu de leviers.

Il faut lier la responsabilité et le contrôle. Si le ministre... que l'ensemble des ministères et organismes soient obligés de demander des avis pour tout ce qui leur arrive qui touche l'environnement. Construction d'une école, ça touche le changement climatique, construction de routes, tout ça doit demander l'avis... et que, si le ministre ne respecte pas l'avis du ministre de l'Environnement, il doit y avoir une publication officielle, ouverte, de dire : Moi, je ne respecte pas l'avis du ministre de l'Environnement et voici pourquoi. Et je pense que le président du Conseil du trésor doit recevoir l'avis du ministre et les réponses et en tenir compte dans l'approbation finale des crédits. Donc, ça, ça donne un levier que le ministre de l'Environnement n'a pas au quotidien. Si le président du Conseil du trésor doit aussi être dans l'obligation de faire cette analyse-là avant de libérer les fonds, ça va donner un peu de bâton, qui manque beaucoup présentement.

• (10 h 30) •

Pour le secrétariat, il faut un secrétariat aux changements climatiques, sous la tutelle du ministre de l'Environnement, et ça pourrait être mené par, par exemple, un ministre délégué, là, qui aurait ce mandat-là seulement, qui rassemble des fonctionnaires, des professionnels de l'ensemble de l'appareil, mais qui développe des compétences pour aider tous les ministères et organismes, mais aussi les municipalités, qui ont un besoin immense d'aide et de compétences pour faire le travail.

Il me reste une minute. Donc, assurer la rigueur, le comité scientifique, j'ai plusieurs propositions par rapport à ça. Il faut que ce soit relativement petit, indépendant, libre de s'exprimer. Ça ne doit pas être des représentants de groupes de pression. Il faut que le comité puisse prendre position à n'importe quel moment sur tout ce qui touche des projets de développement économique, actions ponctuelles, projets de loi, pas simplement passer par le ministre de l'Environnement. Il doit avoir un budget garanti, une indépendance avec le secrétariat.

Et finalement, reddition de comptes. Il faut absolument que le comité consultatif fasse ses rapports, mais puisse sortir, comme je disais, à d'autres moments. Il faut, à ce moment-là, qu'il ait accès aux données. Et vous en parliez tout à l'heure, ailleurs, en Angleterre, l'appareil d'État sort des données de manière exceptionnelle. Au Québec, la qualité des données est très mauvaise. Donc, il faut aussi s'assurer que ce soit là pour qu'on puisse faire les suivis. Il faut aussi qu'un commissaire au développement durable... On demande maintenant qu'il fasse un rapport annuel sur le FECC, mais il faudrait que ça soit plus large, qu'il ait la capacité, annuellement, de parler sur l'ensemble des mesures et programmes liés aux objectifs climatiques. Le Commissaire au développement durable, c'est plus un regard en arrière. Comité consultatif, c'est un regard vers l'avant. Donc, on aurait une reddition de comptes.

Donc, je reviens encore. Il n'y a pas d'excuse aujourd'hui de choisir une gouvernance inefficace. Là, ce qui est sur la table a des éléments. Il n'est pas complet, mais vous n'avez pas le droit et vous allez porter, je dirais, l'odieux si vous ne décidez pas de dire : On sait ce qu'il faut faire. Il n'y a rien qui est parfait, il faut continuer à s'améliorer, mais mettons en place aujourd'hui des éléments essentiels. Sinon, c'est l'échec garanti. Et ça, je n'ai pas besoin de le dire, vous choisissez l'échec, si vous ne faites pas les bonnes mesures. Merci.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. La parole est au ministre.

M. Charette : Merci, M. le Président. Messieurs, un gros merci pour votre présence ce matin. Je le dis souvent, c'est la partie frustrante de l'exercice qui commence parce qu'on manque toujours et immanquablement de temps. On est très, très limités dans le temps. Mais merci pour vos commentaires.

J'aurais plein de petites questions ou, sinon, quelques commentaires. La rigueur, la science, on en est. Vous avez parlé de l'importance du comité scientifique. Vous m'avez entendu dire que ce sera un défi de retenir la composition adéquate. Question simple, vous dites : Le plus petit nombre possible, c'est quoi? C'est six, c'est sept, c'est huit, c'est 10, c'est 12?

M. Mousseau (Normand) : Entre cinq et huit. Si on regarde qu'est-ce qui se passe en Angleterre, par exemple, si on regarde en France, ce sont des comités relativement petits, parce que l'idée, ce n'est pas de développer des consensus sociaux, là, mais c'est vraiment d'avancer. Donc, ces comités-là ne représentent pas l'ensemble de la communication avec le grand public.

Donc, c'est sûr que ce comité-là et le gouvernement, mettons, via le secrétariat, doivent parler aux groupes de pression, aux autres groupes autour. Donc, ça ne sort pas, ces gens-là, de la communication ni de la société, mais c'est vraiment un comité scientifique, qui s'appuie sur la science. Et ça, il faut vraiment faire la différence, et on entendait certains groupes qui ne font pas nécessairement la différence, et vous le faites dans le projet de loi, là. Et donc pas trop gros, pour qu'on puisse fonctionner.

M. Charette : Ça, je le conçois parfaitement, mais j'ai la société civile qui nous demande aussi d'être représentée, ou le milieu des affaires, par exemple, qui disent : Oui, des scientifiques pour les concepts, mais comment les rendre applicables, comment les appliquer? Donc, ce petit groupe là, il est composé, selon vous, uniquement de scientifiques ou on laisse place aussi à une certaine représentation de la société civile?

M. Mousseau (Normand) : Non, pas de... L'idée, c'est qu'il faut que ce soit des gens qui comprennent les enjeux. Donc, ça peut, les scientifiques... il peut y avoir des scientifiques qui proviennent du secteur privé. Ce n'est pas nécessairement tous des universitaires, mais quand ils sont sur le comité, ils doivent être indépendants. Et en Angleterre, par exemple, il y a une chimiste qui vient de l'industrie. Chaque fois qu'on parle d'un sujet qui la touche, elle, en conflit d'intérêts, elle sort et elle ne se positionne pas.

C'est vraiment un groupe... Il faut comprendre, ce n'est pas un groupe de consultation. Et je pense que le problème, c'est un peu le titre, peut-être. Il faut comprendre que ce groupe-là doit être appelé à consulter, mais le gouvernement doit aussi mettre en place des structures de... Et on le met dans notre mémoire que le gouvernement doit aussi, via le secrétariat, par exemple, qu'on propose, mettre en place des canaux de communication avec la société civile. C'est essentiel.

M. Charette : C'est là où je voulais pouvoir arriver. S'ils ne sont pas sur le comité, il y aura un espace de dialogue pour les maintenir mobilisés.

M. Mousseau (Normand) : Absolument. Absolument. Ah oui!

M. Charette : Parce que vous avez dit, à juste titre, et à notre champion de la mobilisation, mon collègue de Bourget nous le rappelle, c'est bien beau avoir ce comité-là, peu importe le projet de loi qui sera adopté, si on ne mobilise pas notre population, le gouvernement peut faire sa part, certainement, mais les citoyens peuvent... Donc, il y a un espace de dialogue dans le scénario, là, que vous nous proposez.

M. Mousseau (Normand) : Ah! c'est essentiel. Et on le voit, par exemple, avec le PECC, là, il y a eu... beaucoup de gens semblent... tu sais, ça a été fait vite, et tout — trouvent que la consultation réelle n'a pas pris autant que nécessaire. Donc, il faut que ce soit là, mais ce n'est pas nécessairement... ce n'est pas ce comité-là. Il faut que ça soit fait ailleurs, et nous, on propose via, entre autres, le secrétariat...

M. Charette : Est-ce que le comité est en lien avec les groupes ou le... le comité...

M. Mousseau (Normand) : Oui, il peut l'être, en lien, et ce qu'on voit... Encore une fois, je reviens avec l'Angleterre, parce que j'ai regardé ça beaucoup plus en détail, Corinne Le Quéré, une Québécoise, est au comité. Donc, c'est plus facile aussi de discuter, et ce qu'ils s'aperçoivent, c'est qu'eux, le comité fait beaucoup aussi... sort beaucoup sur la place publique. Ils rencontrent les gens, ils rencontrent les groupes aussi, donc, en disant : Nous, on n'a pas la science infuse, mais on est la partie indépendante, et, si on est indépendants, il faut qu'on n'ait pas à défendre nos propres intérêts.

M. Charette : Je comprends. Peut-être un élément pour vous rassurer, vous parliez du comité, de son nécessaire financement adéquat. Nous y sommes. Mais vous disiez être déçu que le budget ne soit pas défini. Peut-être juste relativiser ou... Je ne veux pas pondérer les attentes, mais un projet de loi ne vise pas à déterminer le budget de chacune des instances. Donc, il ne faut pas s'attendre à ce que, dans le projet de loi, on détermine : le comité sera doté annuellement d'une enveloppe de tant. Cependant, un article précise clairement qu'il sera doté des moyens suffisants. Puis juste au niveau des attentes par rapport au projet de loi, dans la mécanique, dans l'application, ce sera... Ce n'est pas précisé dans le projet de loi, mais l'intention, elle y est.

Je serais curieux de vous entendre au niveau de la responsabilité du premier ministre. Alors, quelques intervenants, avant vous, ont aussi fait ce choix-là. Je comprends, la cause qui nous réunit tous aujourd'hui, c'est l'environnement. C'est notre priorité à nous, mais il y a plein, plein de gens, au Québec, qui sont inquiets, à juste titre, de la situation dans les urgences, qui souhaiteraient que le premier ministre soit le premier répondant. J'ai plein de gens qui sont inquiets au niveau de la pénurie d'emplois, et ils aimeraient que le premier ministre en soit le premier répondant. C'est là où notre système parlementaire répond à ces réalités-là. Le premier ministre, le nom le dit, il est le premier ministre. Donc, il est le ministre, en quelque sorte, de tous les ministères, mais il délègue son autorité à une personne pour le représenter, en quelque sorte.

Donc, pour moi, honnêtement, ce n'est pas un enjeu que le premier ministre ne soit pas le ministre de l'Environnement. Autrement, on lui demanderait, comme je vous disais, d'être ministre de la Santé aussi, ministre de tout. Donc, c'est là où la gouvernance doit être précisée et c'est là où il y a une confusion de rôle, actuellement. Je ne dis pas qu'il ne faut pas bonifier le projet de loi, on y est, mais au niveau de l'attente à l'égard du premier ministre, moi, si je n'ai pas un plan ou une politique-cadre intéressante, c'est là où il va prendre sa responsabilité de premier ministre puis dire, soit que ce n'est pas acceptable, ou je serai remplacé par un autre. Donc, juste voir, au niveau de la gouvernance, comment s'assurer que les bonnes personnes font les bonnes choses, en quelque sorte.

M. Mousseau (Normand) : On est conscients, ce n'est pas le... C'est pour ça que même dans la proposition du climat, l'État et nous, on proposait un ministre du développement durable, mais avec un secrétariat rattaché au ministère du Conseil exécutif. Le problème, c'est qu'il faut s'assurer que le ministre ait le pouvoir d'imposer aux autres ministres, O.K.? Et chaque ministre arrive au même niveau, certains plus puissants que d'autres, pour des raisons de finances, et tout.

• (10 h 40) •

Donc, ce qu'on essaie de proposer ici, ce sont des leviers qui donnent au ministre responsable de la Lutte aux changements climatiques, qui est ministre de l'Environnement, présentement, les leviers. Donc, ce qu'on propose, dans le cadre du projet de loi, c'est de s'assurer la question des avis et des réponses. Et ça, ça force les autres ministres à tenir compte... une obligation que tout dossier qui touche de près ou de loin les changements climatiques, il y a une obligation d'aller voir, est-ce que vous avez un avis, vous, sur ça et à publier une réponse si on ne le suit pas.

Donc, la question, c'est comment remonter. Il faut, pour ça, un appui du premier ministre, parce que, si le premier ministre trouve que ce n'est pas un dossier important, bien, les leviers ne se feront pas. Même chose en donnant au président du Conseil du trésor l'obligation de tenir compte de votre avis... de l'avis du ministre de l'Environnement, pardon, et de la réponse. Bien là, ça donne un levier supplémentaire, ça donne une force plus grande aux avis.

Donc, on essaie, justement, en reconnaissant que le premier ministre ne peut pas tout faire, de faire une proposition qui va quand même amener des leviers suffisants. Parce que, quand je suis ministre des Transports, ma priorité, c'est le transport, ce n'est pas la lutte aux changements climatiques. Ça fait que, tu sais, quelqu'un qui m'emmerde en arrière pour me dire : N'oublie pas ça... Il faut donner une raison pour ne pas l'oublier, puis c'est un peu ça qu'on essaie de mettre en place.

M. Charette : Deux petites choses, parce que j'ai des collègues qui veulent intervenir. Ça se fait déjà. Lorsqu'il y a un projet de loi ou lorsqu'il y a un projet qui est sur la table et que c'est amené au Conseil des ministres, chaque ministère a l'occasion de partager ses avis avant même que la décision soit prise, mais je comprends au niveau de la hiérarchisation de...

M. Mousseau (Normand) : C'est beaucoup trop tard. C'est beaucoup trop tard quand ça arrive à ce moment-là. Et la Caisse de dépôt a mis en place un processus, là, où, dès qu'un analyste a un projet qui arrive sur la table, dès qu'il ouvre les... il faut qu'il se pose des questions sur les changements climatiques. Quand le projet arrive à la table des ministres, il est trop tard. Tout a été ficelé. On a déjà les promoteurs, les gens qui appuient le projet dans la communauté. Aller dire que le projet ne marche pas parce qu'il ne répond pas aux problèmes climatiques, il est trop tard. Ça ne se ferait pas. Si le ministre de l'Économie l'avance, c'est très difficile de dire non. C'est pour ça que nous, on propose de faire rentrer ça beaucoup plus tôt dans la machine pour s'assurer que, quand il arrive à la table des ministres, là, le projet tient la route. Ce n'est plus le moment de dire : Non, vous n'avez pas tenu compte des émissions de gaz à effet de serre, recommencez à zéro parce que ça, ça ne se fait pas.

M. Charette : Bien, c'est sûr qu'on pourrait discuter de longues heures sur la mécanique, mais actuellement, et c'est relativement nouveau comme façon de faire, c'est le gouvernement actuel qui l'a instaurée. Mais on a plein de mécanismes en place avant même que ça aboutisse au Conseil des ministres, ne serait-ce que la composition des différents comités ministériels. On a un comité ministériel économie et environnement et, avant même les premiers balbutiements d'un projet, avant même qu'il y ait du financement d'accordé, du financement de réfléchi, cette discussion-là a lieu.

Donc, oui, un projet de loi, ça aide au niveau de la gouvernance, mais c'est comment un gouvernement, peu importe sa couleur, peu importe son allégeance, au moment... comment le gouvernement va l'interpréter. Et nous, avant même de se doter d'une loi, nos comités ministériels ont été adaptés de cette façon-là. Donc, tout projet économique est réfléchi avec mon collègue de l'Économie notamment, et ça permet d'adapter ou de bonifier un projet. On entend parler de projets qui peuvent potentiellement être une source plus grande de gaz à effet de serre, mais si on le développe dès le départ pour atténuer cet impact-là, on fait des gains substantiels sur le projet en question avant même qu'il soit officiellement accepté. Mais là, c'est le temps qui court, et je sais que j'ai des collègues qui veulent intervenir, mais on gardera cet espace de communication volontiers, là, dans l'avenir. Merci.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Merci beaucoup pour la présentation. J'étais content d'entendre le nom de Corinne Le Quéré qui est quand même une incontournable. C'est une Québécoise, mais c'est une incontournable, et en Angleterre, et en France. Et c'est avec elle qu'on a regardé l'aspect de la Caisse de dépôt.

Je sais la réponse, là, mais pour le bénéfice de tout le monde, est-ce qu'on pourrait avoir un peu plus d'explications sur ce qui se fait et comment ça se fait à la Caisse de dépôt, s'il vous plaît?

M. Mousseau (Normand) : Oui. Donc, la Caisse de dépôt a mis en place un processus qui vient de Michael Sabia disant : On veut réduire les émissions, le poids climatique, le poids carbone de nos investissements. Pour ça, donc, ça vient... c'est une volonté ferme qui vient d'en haut. On a créé, justement, un équivalent d'un secrétariat, un groupe d'experts qui vont appuyer l'ensemble des employés de la caisse, l'ensemble des analystes. On a redescendu pour que, dès qu'un analyste reçoit quelque chose, décide de regarder l'investissement ou non, il doit tenir compte de la lutte aux changements climatiques. Mais on forme les gens. On leur explique, parce que la plupart n'avaient aucune idée, c'était quoi les gaz à effet de serre, pour le calcul et tout, là.

Donc, on a ça et, en plus, on s'assure qu'il y a des pénalités. Donc, les primes, les salaires des analystes sont liés non seulement à l'atteinte des cibles financières, mais aussi à l'atteinte des cibles climatiques, et ce qui a permis à la caisse de maintenir ses revenus. O.K.? Et c'est quelque chose qu'on ne comprend pas souvent, on peut faire du développement économique à zéro émission. La caisse maintient ses revenus et baisse rapidement, était en avance sur ses objectifs. Et là ils ont revu leur objectif récemment, parce que c'est allé plus vite que prévu, pour réduire leur impact environnemental, et sans coût, sans coût économique. Ils ont les rendements quand même, O.K.? Et c'est pour ça que c'est important de commencer un projet, d'être capable de dire : Non, ce projet-là, il ne rentre pas dans notre plan de gaz à effet de serre. Je ne le regarde même pas. Revenez-moi avec un projet qui rencontre, puis là, on va en parler. Première journée, lui dire non, votre promoteur. Vous venez? Ça ne marche pas? Retournez à votre table de travail. Vous reviendrez me parler.

Puis il faut cette capacité-là de répondre très tôt. Mais aussi, l'aspect important, c'est la formation. Et c'est pour ça que nous, on dit : Il nous faut un secrétariat, une capacité d'agir parce que cette formation-là est cruciale. Les fonctionnaires, si je suis en santé, si je suis dans l'éducation, si je suis... Je ne comprends pas nécessairement les liens. Donc, on a besoin... et même chose, les municipalités. Souvent, elles veulent... elles adoptent des plans, des projets, mais elles ne sont pas capables de livrer, parce que personne, au niveau de la municipalité, ne comprend les enjeux techniques, l'ingénieur, celui qui fait l'appel d'offres, celui qui choisit les achats et tout. Et ça, c'est crucial.

M. Campeau : O.K. Un autre aspect qui a été mentionné, c'est que le projet de loi n° 44 manque de pérennité. Est-ce que ça veut juste dire que la cible 2050 n'est pas dedans ou c'est... On peut-u développer un petit peu plus là-dessus, s'il vous plaît?

M. Mousseau (Normand) : Pour moi, il faut des mécanismes qui, tu sais, qui projettent... Encore une fois, je reviens au Royaume-Uni, ils adoptent un budget carbone 12 ans d'avance. O.K.? Donc, quand les investisseurs décident d'investir aujourd'hui, ils connaissent 12 ans d'avance quelles vont être les règles strictes appliquées puis qu'est-ce qui va être permis et pas permis, et ça, c'est extrêmement important. Si on veut faire du développement économique, il faut que l'industrie connaisse, avec assez de précision, où est-ce qu'on s'en va en termes d'efforts qui vont être demandés. Si on passe notre temps à rater les cibles, là, l'industrie dit : Est-ce que ça vaut vraiment la peine que j'investisse si, finalement, personne ne va le faire, puis il n'y aura aucun problème?

Donc, cet aspect-là de projection, on a besoin de cibles, on a besoin de revoir régulièrement est-ce qu'on est en chemin, qu'est-ce qu'on doit revoir, qu'est-ce qu'on doit adapter, qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui ne marche pas pour être capables de se projeter. Donc, à la fois, on a besoin de cibles long terme et de faire des plans de 10 ans aux cinq ans, d'une certaine façon, des plans de 15 ans aux cinq ans, pour avoir des recouvrements. Pas dire : Moi, j'ai un plan de 10 ans, qui est valide 10 ans. La dernière journée, je recommence. C'est ce qu'on fait avec le PECC, là. On avait le PACC, on a attendu 10 ans puis on s'est dit : Bien là, pensons aux 10 prochaines années, qu'est-ce qu'on va faire. Il n'y a pas de lien, il n'y a pas... Tu sais, on n'a pas de continuité. Et ça, ça pose un problème majeur pour les investisseurs aussi, pour le développement économique, la capacité de se projeter.

M. Campeau : Si je comprends bien, ça veut dire qu'on ne veut pas se retrouver dans une situation de «too bad», on a manqué notre coup. Il faut le vérifier beaucoup plus souvent, c'est ça?

M. Mousseau (Normand) : Voilà. On a manqué notre coup.

M. Campeau : Ça, je pense, la volonté...

M. Mousseau (Normand) : On a poussé dans une direction puis, dans 10 ans, on va repousser ailleurs. Il faut refaire des investissements. Ça coûte cher.

M. Campeau : O.K. À l'intérieur du projet de loi n° 44, on a voulu viser l'aspect imputabilité. Des fois, en mettant les choses directement sous un ministre, c'est plus facile de voir l'imputabilité, elle est directe. Quand on met un comité et l'autre comité, on risque de diluer. Cet aspect imputabilité, j'aimerais vous entendre là-dessus, un comme l'autre, là, sur comment vous voyez le projet de loi n° 44 par rapport au fait qu'on parlait aussi d'arbitrage par le président du Conseil du trésor. L'idée peut être intéressante, mais on vient de diluer l'imputabilité, il n'y a pas de ligne directe à ce moment-là.

Le Président (M. Polo) : Il reste 30 secondes.

M. Mousseau (Normand) : 30 secondes. O.K. Pour l'imputabilité, pour moi, il faut les différents mécanismes, mais, pour ça, il faut un rapport séparé. Donc, ça ne doit pas être dans le rapport annuel du ministère, il doit être séparé. Mais, en ayant un rapport interne, imputabilité interne, plus un comité externe, plus le Commissaire au développement durable, je pense, ça permet de couvrir les différents aspects, parce que, de l'interne, il faut le faire aussi, c'est certain, parce que ça permet de motiver les troupes puis de voir qu'on est capables d'avancer, hein?

M. Campeau : Merci beaucoup pour la présentation.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Maurice-Richard.

• (10 h 50) •

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, M. Mousseau, M. Beaumier. Merci d'être avec nous aujourd'hui.

Tout d'abord, je voudrais, bien, vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Il est très complet, très précis. Je sais que ça demande toujours beaucoup de temps de faire ce genre de travail, et vous l'avez fait avec, honnêtement, avec beaucoup de rigueur. Et ça va venir nous supporter comme parlementaires dans le travail que nous avons à faire dans l'étude détaillée, parce que vous avez vraiment pris, article par article, là, le projet de loi, en le commentant, et c'est un travail très rigoureux. Mais vraiment je vous en remercie, ça va... Je suis sûre que ça va nous aider, tous les parlementaires autour de la table, quand va venir le temps de faire l'étude détaillée.

Vous avez dit... parce que nous, notre lecture, elle est la suivante. Je pense qu'elle est partagée par plusieurs aussi, qu'on... Avec le projet de loi n° 44 qui est sur la table, on revient à un modèle qui a déjà fait la démonstration qu'il ne fonctionnait pas, un modèle qui a déjà... qui a été critiqué largement par le Commissaire au développement durable, qui a été critiqué par la Vérificatrice générale. Vous avez dit tout à l'heure que faire le... La direction qu'on est en train de prendre avec le projet de loi qui est sur la table, vous avez dit : C'est le choix de l'échec assuré. Vous l'aviez... J'avais un article, là, dans lequel vous aviez, à peu de choses près, utilisé les mêmes termes. Vous aviez dit : «Intégrer le Fonds vert au ministère de l'Environnement, c'est l'échec garanti.»

Et bon, avant de parler d'éléments comme justement le comité ou d'autres choses, moi, je veux vraiment vous entendre sur la structure qui est proposée. Parce qu'essentiellement, le projet de loi, on peut prendre toutes les directions puis étudier chacun des articles un par un, je pense qu'il y a un principe derrière ça qui est les structures en place, qui sont le Fonds vert et qui sont TEQ. On a eu de nombreux groupes qui sont venus, depuis deux jours, en disant... Il y avait une satisfaction au niveau de jeunes instances, quand même, mais qui font leurs preuves.

On élimine, dans le fond, deux structures qui sont des structures qui demandaient le plus d'indicateurs solides, qui demandaient aussi le plus de résultats. Moi, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

Vous avez pris le temps aussi d'écrire une lettre ouverte, là, que j'ai sous les yeux, en novembre dernier, lettre ouverte signée par plus d'une vingtaine de chercheurs, d'experts du domaine, des gens de renom, des gens qui sont très réputés et qui soulignent qu'avec le projet de loi n° 44 la transparence et l'indépendance du processus est à risque. Et donc vous avez souligné, entre autres, c'est ça, que ça compromet l'indépendance de la gestion du Fonds vert, la cohérence des actions vers l'atteinte des objectifs climatiques. Donc, vous mettez vraiment en garde de continuer dans cette direction.

Et, fait intéressant, dans cette lettre-là, parce qu'elle est très bien campée, là, vous mentionnez, entre autres, que le ministre de l'Environnement, en ramenant, en rapatriant le Fonds vert au sein du ministère de l'Environnement, se met dans une situation, vous notez, là, d'être «dans la position d'être à la fois juge et partie d'un fonds dont son ministère est lui-même bénéficiaire», notamment.

Donc, j'aimerais ça vous entendre vraiment sur ces aspects-là, parce que moi, je partage complètement cet avis-là au niveau de la reddition des comptes, au niveau de l'imputabilité, au niveau de la transparence, mais surtout au niveau du fait qu'on le sait que ça ne fonctionnera pas. Et, on le sait, ça a déjà été fait, et toute la démonstration a été faite que ça ne fonctionnait pas, et c'est la raison pour laquelle TEQ avait été mise sur pied, c'est la raison pour laquelle le Conseil de gestion du Fonds vert a été mis sur pied également. Et là on revient à quelque chose, justement, qui ne fonctionnait pas, et c'est pour ça que vous parlez d'un échec assuré, là.

M. Mousseau (Normand) : Oui. Bien, d'abord, je dirais, là, TEQ et le Fonds vert, séparé comme c'était, c'était aussi une assurance de ne pas être capable de livrer la marchandise. Présentement, les leviers ne sont pas là, par exemple, pour le code du bâtiment. Puis TEQ a la responsabilité de la transition énergétique, n'est pas capable de faire changer le code de bâtiment parce que ça appartient à un autre ministère. Donc, il y a des problèmes structuraux aujourd'hui qui font que ça ne bouge pas au Québec.

Donc, nous, ce qu'on avait proposé, avec Le climat, l'État et nous, c'était de dire : Il faut rassembler TEQ, le Fonds vert, l'ensemble des... dans une société d'État ou une agence capable d'agir avec accès au fonds directement. On propose, ici aussi, de sortir le Fonds vert du fonds consolidé de la province parce que... quand, à chaque fois qu'on fait un chèque du Fonds vert, ça joue sur le déficit de la province. Et on a vu, ces dernières années, que ça a limité beaucoup des dépenses parce qu'on voulait protéger le budget du Québec. Donc, ça, c'est un problème. Donc, on a besoin de centraliser ça, et c'est clair.

Présentement, on laisse ça dans deux ministères encore, puis ça, ça pose problème. Avec une agence, une société d'État, on a une capacité de sortir l'argent, de faire des projets, de faire des montages financiers qui sont beaucoup plus efficaces. J'y crois encore. Par contre, nous, ce qu'on a dit, il est clair que le gouvernement actuel n'aime pas les sociétés d'État, veut garder le contrôle. Donc, les propositions qu'on a mises de l'avant, ce sont des propositions qui ne sont pas notre préférence, mais on dit : Étant donné la philosophie du gouvernement, comment est-ce qu'on peut s'assurer qu'on livre le maximum de marchandise? Et c'est comme ça qu'on a construit les recommandations, à la fin, en disant...

Moi, je veux bien proposer une autre société d'État, mais, si ça va à l'encontre de la philosophie du gouvernement, ça ne se fera pas. Donc, proposons quelques choses qui sont des modifications acceptables puis qui vont quand même nous faire avancer, en sachant que tout est toujours... On peut toujours améliorer les choses, là, mais, au moins, allons dans le bon sens. Et c'est ça vraiment qui me fait peur, moi, c'est que, si on recule puis on garde tout ça éclaté, c'est un choix. Pour moi, c'est clair, on le sait que ça ne peut pas marcher. Si on le fait, c'est un choix délibéré. Et comme...

Tu sais, on a des objectifs qu'on s'est donnés. On doit au moins atteindre ces objectifs-là. Sinon, soyons ouverts puis disons : On ne veut pas atteindre nos objectifs, on n'y croit pas, on s'en balance, on continue comme on faisait. Ça va. C'est vous. C'est vous autres, les élus. Ce n'est pas moi qui peux décider ça, mais il faut être honnêtes au moins dans nos choix.

Mme Montpetit : Bien, je comprends. C'est ça, ça fait que la proposition qui est dans votre mémoire, puis c'est tout à votre honneur, là, d'avoir travaillé avec ce qui est sur la table, dans le fond, c'est comme ça que vous l'avez abordé.

Mais moi, j'aimerais vous entendre sur l'idéal. Donc, vous parlez d'une société d'État. TEQ est une société d'État avec un conseil d'administration indépendant, certainement. Au niveau de l'opposition officielle, on n'a jamais nié le fait qu'il y avait des améliorations à faire, là. Ça, ça a toujours été clair que de venir faire une révision de tout ça, c'est une bonne démarche.

Ceci dit, puis c'est ce que plusieurs groupes ont souligné aussi au cours des deux derniers jours, que l'idée d'avoir une société d'État, justement, est une bonne idée dans ce contexte-là, est-ce que ça pourrait être... Bon, tu sais, il y a eu un TEQ 2.0, un TEQ bonifié. Est-ce qu'il aurait été possible d'intégrer le conseil de gestion? Est-ce qu'il aurait été possible de le modifier?

Ce que je veux savoir, c'est votre vision d'idéal, je vais le dire comme ça, au niveau du fonctionnement pour s'assurer... parce qu'en théorie on partage tous la même préoccupation de prendre la bonne direction puis de s'assurer qu'on atteigne nos objectifs climatiques. Donc, quel devrait être l'idéal, là?

M. Mousseau (Normand) : Mais ce n'est pas suffisant, tu sais. Vous revenez sur la société d'État. On l'a mentionné, je l'ai dit, mais il y a d'autres aspects importants. Il faut que le gouvernement puisse bouger de manière cohérente. Une société d'État n'est pas assise à la table des ministres. C'est pour ça que nous, on dit : Il faut qu'il y ait un ministre fort qui soit, avec un secrétariat, au comité... au ministère du Conseil exécutif, avec les leviers capables de faire bouger l'appareil.

Donc, une société d'État, oui. Mais c'est ça qu'on dit, nous, on ne s'accroche pas juste là-dessus parce qu'il y a d'autres enjeux qui doivent être mis de l'avant pour que ça fonctionne, le comité d'experts, la reddition de comptes... Donc, on a plusieurs blocs, et il y a d'autres blocs aussi où on a poussé, qui sont importants et qui sont accessibles dans la philosophie du projet de loi.

Donc, ce n'est pas... Pour moi, c'est vraiment... On ne l'a pas fait en disant : Ça ne marchera pas, mais, au moins, on aura fait semblant. On a proposé quelque chose qui n'est peut-être pas aussi efficace que ce qu'on pense, mais qui peut quand même nous faire progresser significativement, et il faut... Société d'État tout seul, là, ça ne peut pas faire tourner un gouvernement. Il faut, de l'intérieur, des bons outils aussi.

Mme Montpetit : Et quels enjeux, justement... parce que vous l'avez souligné à plusieurs reprises que la proposition d'intégrer le Fonds vert au ministère de l'Environnement, c'est une assurance d'échec. Quels enjeux vous y voyez à prendre cette direction-là?

M. Mousseau (Normand) : Bien, il y a le conflit d'intérêts, évidemment. Il y a le fait que le Fonds vert... Je veux dire, à l'intérieur du gouvernement, c'est beaucoup plus long de bouger. Les montages financiers sont plus restreints aussi à l'intérieur du gouvernement que si on était à l'extérieur. Donc, le type de projet privé-public et tout, c'est beaucoup plus complexe à mettre en place de l'intérieur du gouvernement. Or, le Fonds vert, ce n'est pas beaucoup d'argent. Donc, si on n'est pas capable de prendre ça comme levier multiplicateur, dans beaucoup de cas, on ne pourra pas y arriver.

Donc, pour moi, ça soulève... Ça rend les choses plus difficiles à l'intérieur du gouvernement, mais il était déjà à l'intérieur du gouvernement. Même avec le Conseil de gestion du Fonds vert, on avait les mêmes problématiques à ce moment-là. Donc, ça, je veux dire, ce n'est pas nouveau.

Mme Montpetit : Mais ce que je comprends, c'est que ce que vous avez souligné, c'est que ça enlève aussi... En enlevant le Conseil de gestion... Est-ce qu'il aurait fallu le modifier? Est-ce qu'il aurait fallu le faire autrement? Ça enlève une instance qui a quand même une indépendance d'examiner ce fonds, et ce n'est pas remplacé par autre chose, là.

La Présidente (Mme Grondin) : M. Mousseau.

M. Mousseau (Normand) : Absolument. Non, Le comité scientifique pourrait faire l'affaire.

La Présidente (Mme Grondin) : M. Mousseau, il vous reste à peine 30 secondes pour répondre.

M. Mousseau (Normand) : Donc, le comité scientifique pourrait faire l'affaire, si le mandat est clair de ce côté-là. Et s'il a accès aux données, ça pourrait être une façon de s'assurer... Mais le comité scientifique, est-ce qu'il va développer les indicateurs? Il faut les développer. Ça se joue à plusieurs niveaux, l'imputabilité en amont puis aussi en aval, là, pour la...

La Présidente (Mme Grondin) : Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. Merci pour votre présentation. Désolée, je n'étais pas présente pour le début, mais j'ai pris connaissance de votre mémoire puis aussi en arrivant.

Il y a un élément que vous mentionnez beaucoup. Là, je comprends que vous dites : Ce n'est pas juste une bonne structure que ça prend, c'est important que... une société d'État, vous êtes pour ça, mais que ça ne sera pas entendu. Donc, vous avez été pragmatique, vous avez dit : Bien, suivons la logique du gouvernement puis proposons quelque chose. L'important, c'est que ça donne des résultats.

Puis un des éléments clés, puis vous aviez une discussion avec le député de Bourget là-dessus, un des éléments clés de votre message, de ce je comprends, c'est de lier la lutte aux changements climatiques aux questions économiques. Donc, c'est extrêmement important de lier les deux. Puis le ministre souvent nous dit : C'est important aussi, les deux peuvent aller de pair, etc.

Est-ce que, selon vous, un bon projet de loi, le projet de loi n° 44, est-ce que ce qu'il est important qui se retrouve dans ce projet de loi devrait faire en sorte qu'un projet économique comme GNL, de 14 milliards, comme aime souvent nous le répéter le premier ministre, ne devrait pas passer? Est-ce que le critère de dire : C'est un bon projet de loi, oui, ça l'est, parce que, si on l'applique, ce projet-là... cette loi-là, bien, GNL, ça ne passe pas?

• (11 heures) •

M. Mousseau (Normand) : Bon, d'abord, ma position, comme analyse, c'est que GNL n'a pas de sens, là. Mais l'idée, c'est...

Mme Ghazal : On partage ça.

M. Mousseau (Normand) : Après ça, il faut avoir un projet de loi qui fasse l'analyse correctement. Donc, je peux... L'idée, c'est : il faut faire l'ensemble des chiffres, on ne les a pas. Il y a des trous, j'en mentionnais dans Le Devoir, cette semaine, là-dessus. Donc, on ne sait pas. O.K.?

Mais il faut être capable de dire non. Il faut que les leviers... et ça, c'est important, il faut que les leviers soient structurés pour que le ministre de l'Environnement puisse être capable, si ça ne cadre pas... Et c'est là, aussi, la pérennité. Si on n'a pas... Et, pour moi, un budget carbone, par exemple, on le mentionne brièvement, si on n'a pas une vision de dire : O.K., moi, j'approuve ça, ça me rajoute tant de millions de tonnes au Québec, là, j'ai-tu les moyens de couper pour atteindre mes objectifs... On n'a aucune vision intégrée comme ça au Québec, ça fait qu'on fait des actions puis on ne les lie pas. Et c'est pour ça, la question de pérennité, la question de vision, c'est : Est-ce que je lie? Donc, si on dit : Oui, ça peut aller, ça me rajoute 2 millions de tonnes, 1 million de tonnes, mais je peux aller le chercher ailleurs puis j'arrive à mes objectifs, que ça soit une voiture, que ça soit un problème de GNL, que ça soit une cimenterie, tout ça s'équivaut, d'une certaine façon. À la fin, une tonne de carbone, c'est une tonne de carbone.

Mme Ghazal : ...troisième lien.

La Présidente (Mme Grondin) : Il vous reste 10 secondes.

M. Mousseau (Normand) : Donc, pour moi, c'est ça qu'il faut, il nous faut un projet de loi qui permette d'intégrer puis de faire que les décisions cessent d'être prises à la pièce.

Mme Ghazal : Exact. Qu'on annule les...

La Présidente (Mme Grondin) : Parfait, merci beaucoup. On va passer la parole... Je suis désolée de vous couper de façon aussi cavalière, mais c'est les règles du jeu. M. le député de Jonquière, s'il vous plaît.

M. Gaudreault : Oui, merci. Vos paroles sont de la musique à mes oreilles. Admettons que le ministre fait peu... ou des changements à la marge sur le projet de loi n° 44, est-ce qu'on est mieux de se dire : Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, autrement dit, on a ça puis on ramasse nos billes, même si c'est hyperimparfait, ou on ne fait rien? Autrement dit, est-ce que... Quand vous dites : C'est un échec garanti, on est-u mieux d'aller vers l'échec garanti quand même? Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Mousseau (Normand) : Ce que je dis, c'est : C'est un choix d'échec. Donc, c'est pire. Ce n'est pas juste un échec, c'est : on choisit délibérément l'échec.

M. Gaudreault : D'être en échec.

M. Mousseau (Normand) : Et, pour moi, à ce moment-là, c'est de dire : Moi, je ne crois pas à ce que je dis, O.K.? Et, pour moi, c'est un problème. Si on ne veut pas le faire, qu'on dise ouvertement, qu'on dise : Moi, je n'en ai rien à cirer, des changements climatiques. Si on pense qu'on est sérieux, il faut mettre en place les mesures qu'il faut.

M. Gaudreault : C'est très, très, très clair. C'est comme si je commence un cours, puis je dis : Je sais, je vais le rater à la fin de la session, tu sais?

Les données, on n'a pas eu le temps d'en parler dans l'échange, là. Je sais que vous vous réveillez la nuit pour penser à ça, là, les données qui ne sont pas à jour, l'inventaire qui est hyperpolitisé, parce que le ministre peut le sortir quand ça fait son affaire, l'inventaire des GES, les données... Alors, avec le temps qui nous reste, là, allez-y. Qu'est-ce qu'on doit faire avec les données?

M. Mousseau (Normand) : Il faut des données récentes, et de bonne qualité, et publiées indépendamment. Et ça, c'est un problème au niveau du Québec, au niveau du fédéral, on travaille au fédéral aussi là-dessus, là, mais, je veux dire, ça n'a aucun sens qu'on ait des données qui ont trois ou quatre ans. Je veux dire, on n'est pas capables d'évaluer nos problèmes... nos programmes, d'évaluer les mesures qu'on met en place. Donc, c'est un gros, gros problème.

Une voix : ...

M. Mousseau (Normand) : Il faut mettre de l'argent. L'idée, c'est : il faut mettre les équipes qu'il faut pour récolter, on le met dans le ministère des Finances, on a les données de... puis tout, trois mois après ou deux mois après. On met le même effort, puis on dit : On va chercher les données du même type, c'est tout.

M. Gaudreault : Parfait. Et...

La Présidente (Mme Grondin) : 30 secondes.

M. Gaudreault : Ah oui! Encore? Mon Dieu! L'ultime responsabilité... Bien, hier, il y en a qui nous ont parlé d'un ministre d'État à l'Environnement. L'ultime responsabilité, pour vous, c'est un superministre de l'Environnement avec un secrétariat?

M. Mousseau (Normand) : Bien, un secrétariat près du premier ministre.

M. Gaudreault : Au Conseil exécutif.

M. Mousseau (Normand) : Parce que la question, c'est : Comment on peut avoir des leviers sur les autres ministres? Puis, je comprends, chaque ministre veut son indépendance, je comprends ça très bien, donc il faut presser un peu sur l'indépendance, puis on n'a pas le choix, parce que les priorités des autres ministres ne sont pas la lutte aux changements climatiques, et il faut que ça en devienne. Et c'est dur parce que, quand tu as la Santé, tu ne veux pas t'en faire rajouter par-dessus, mais c'est comme ça, c'est un problème horizontal.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup, M. Mousseau, M. Beaumier. Merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Donc, je suspends quelques minutes afin de permettre aux représentants du Conseil national des jeunes ministres de l'Environnement de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 05)

(Reprise à 11 h 08)

La Présidente (Mme Grondin) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux.

Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil national des jeunes ministres de l'Environnement de la Fondation Monique-Fitz-Back. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous invite à vous présenter, s'il vous plaît. Par la suite, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et nous procéderons, par la suite, à une période d'échange avec les différents groupes parlementaires. La parole est à vous.

Conseil national des jeunes ministres de l'environnement
de la Fondation Monique Fitz-Back

M. Mercille (Benoît) : Alors, je me présente rapidement, ça va être à peu près ma seule intervention, je laisse la place aux jeunes. Moi, c'est Benoît Mercille, je suis le directeur général de la Fondation Monique-Fitz-Back.

Mme Robitaille (Emilie) : ...ma seule intervention. Emilie Robitaille, coordonnatrice du projet Sors de ta bulle pour la Fondation Monique-Fitz-Back.

M. Cartier (Jasmin) : Bonjour. Je m'appelle Jasmin Cartier. J'ai 17 ans. Je me mobilise principalement dans mon école secondaire des Laurentides. Je m'implique énormément parce que, comme d'autres jeunes de ma génération, je vois mon futur puis la vie d'autres personnes, en ce moment même, directement impactés par la crise écologique.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Bonjour. Moi, c'est Ève-Gabrielle Grégoire. J'ai 17 ans aussi puis je vais au cégep du Vieux Montréal. Moi, je m'implique aujourd'hui parce que je ne peux pas rester seule, les bras croisés, à attendre que ça change. Je pense qu'on a tous un impact à avoir puis on a tous un grain de sable à apporter. Donc, c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui. Je pense que c'est important d'avoir des jeunes de moins de 18 ans qui ont leur mot à dire aussi, là. Donc, voilà.

• (11 h 10) •

M. Cartier (Jasmin) : Donc, le Conseil national des jeunes ministres de l'Environnement est une initiative de la Fondation Monique-Fitz-Back qui a débuté en 2017. Cette fondation a pour mission de promouvoir l'éducation relative à l'environnement et à un milieu sain depuis sa création en 2006. Elle a justement créé le Sommet jeunesse sur les changements climatiques, qui a lieu chaque année depuis 2017. C'est un événement de deux jours, où de nombreux jeunes se rencontrent pour discuter de l'urgence climatique et des divers moyens pour diminuer notre impact.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Le conseil actuel, il est formé de 12... excusez, 20 jeunes. On a été élus lors du sommet jeunesse en 2018. Depuis notre élection, on a le mandat de représenter les jeunes de notre région et de réaliser des projets de lutte aux changements climatiques dans chacune de nos régions. On a notamment organisé une campagne de sensibilisation à l'achat local, on a écrit une lettre ouverte au ministre de l'Environnement, qui a été publiée dans Le Devoir, et on a réalisé une vidéo témoignage destinée au gouvernement du Québec pour poursuivre le financement d'initiatives en éducation relative aux changements climatiques. Les membres du conseil, on a également pris position sur la question climatique sur plusieurs tribunes et on a contribué comme ça à sensibiliser plusieurs jeunes.

M. Cartier (Jasmin) : Nous ne pouvons prédire le futur du Conseil des jeunes ministres de l'environnement, mais ce que nous pouvons affirmer, c'est que ce groupe a permis à plusieurs d'entre nous de s'impliquer en environnement et de réduire leur niveau d'écoanxiété, qui est, selon nous, le mal de notre siècle.

Aujourd'hui, on va vous présenter quatre constats et plusieurs demandes.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : O.K. Premièrement, par rapport au projet de loi, on constate que le nouveau Fonds d'électrification et de changements climatiques est essentiellement axé sur l'électrification des transports et l'innovation technologique.

Considérant que la technologie a failli à régler la crise climatique, ces dernières décennies, et a plutôt participé à l'aggraver, qu'une transition doit se baser, d'abord et avant tout, sur l'éducation de la population québécoise et sur une décroissance et qu'une électrification massive des transports ne suffirait pas à une réelle transition écologique, on demande que la transition se base sur l'implantation d'une éducation en matière d'environnement et d'écocitoyenneté, comme la Stratégie québécoise d'éducation en matière d'environnement et d'écocitoyenneté, proposée par la Coalition Éducation Environnement Écocitoyenneté, qui a été écrite par 57 institutions et organismes comme Oxfam et Équiterre.

Nous, on est dans le système, en ce moment, on voit qu'est-ce qui se passe. Puis moi, je peux vous parler de mon expérience au secondaire, rapidement. Dans mon parcours, je dois avoir entendu parler des changements climatiques deux, trois fois, puis ce n'est pas normal. Les gens autour étaient zéro sensibilisés. Dans mon cours de Monde contemporain, on a parlé des hommes les plus riches, mais on n'a parlé aucunement des inégalités sociales qui sont causées à cause des changements climatiques. Si on n'en parle pas, on ne règle pas la situation. Ça fait que je pense que le système d'éducation a une réforme à avoir. Donc, voilà.

Aussi, on a besoin du soutien d'organismes promouvant l'éducation relative à l'environnement comme la Fondation Monique-Fitz-Back. On veut l'investissement massif dans les modes de transport actif et collectif à l'échelle du Québec et non uniquement dans les plus grandes villes. Moi, j'habite à Laval, en banlieue de Montréal, puis ça me prend 1 h 30 min aller au cégep, ce n'est pas normal, tandis que... 30 minutes en auto. Trois fois plus de temps, ça ne fait aucun sens. Ça fait que je peux comprendre que les gens continuent de prendre la voiture, même avec des bonnes intentions.

Puis, dans une perspective de décroissance, un arrêt complet, immédiat de tout projet envisagé d'exploration, d'exploitation et de transport d'hydrocarbures, c'est une urgence.

M. Cartier (Jasmin) : Par «un investissement massif», on parle d'investir pour avoir des réels changements, contrairement à des projets comme le troisième lien.

Nous constatons également que, sous le présent projet de loi, le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques possède l'entière responsabilité quant à la répartition de ce fonds.

Considérant qu'il est risqué que la lutte contre les changements climatiques soit utilisée à des fins politiques, notamment en période électorale, et que la gestion du fonds par le gouvernement crée une instabilité politique en matière d'environnement, ce que les jeunes veulent, c'est une stabilité en matière de lutte aux changements climatiques. Quand on voit notre futur directement impacté, c'est extrêmement difficile de vivre avec ça parce qu'on voit les impacts directs de chaque décision politique sur notre futur.

Nous demandons alors que le Comité consultatif sur les changements climatiques soit constitué sous forme d'assemblée citoyenne élue de façon aléatoire, composée à moitié de représentants de la société civile et à moitié d'experts scientifiques en environnement, tout en s'assurant que ceux-ci n'ont pas d'intérêt à l'exploitation de la nature; qu'au sein de cette assemblée citoyenne, la jeunesse soit représentée de façon proportionnelle au profil démocratique du Québec... démographique; que cette assemblée citoyenne ait un pouvoir décisionnel car, voyant que le gouvernement actuel considère des projets comme GNL Québec comme étant verts, nous doutons fortement de la capacité du gouvernement actuel à prendre des bonnes décisions pour notre avenir.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Aussi, on constate que, dans ce projet de loi là, le ministre établit, tous les cinq ans, des orientations, des objectifs généraux et des cibles à atteindre en matière de transition, d'innovation et d'efficacité énergétique.

Considérant le peu de temps qu'il nous reste pour effectuer une transition efficace et porteuse de justice sociale, que des cibles aux cinq ans porteraient leur échéance dès les prochaines élections, puisque les mandats sont de quatre ans, on demande que le ministre établisse ces cibles de façon annuelle. Ceci le contraindrait alors à respecter celles-ci lors de son mandat, à être plus réactif en matière de lutte aux changements climatiques et à rendre compte annuellement des résultats à la population.

Nous, on remarque beaucoup que les gens ne se sentent pas concernés par les politiques en ce moment. Les jeunes, bien, il y en a beaucoup qui ne se sentent pas concernés, il y a beaucoup... un gros mouvement de gens qui ne vont pas voter parce qu'ils sentent que leur vote ne fait pas de différence. Il manque de la grosse communication entre le gouvernement et les citoyens. Donc, en ayant des cibles annuelles, ça permettrait un échange plus courant entre le gouvernement et les citoyens.

M. Cartier (Jasmin) : Nous constatons que les cibles sur lesquelles ce présent projet de loi est basé proposent une réduction de 37,5 % sous le niveau de 1990, d'ici 2030, et une réduction de 80 % à 95 % sous le niveau de 1990 d'ici 2050.

Considérant que les cibles québécoises sont inférieures à celles présentées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui visent une réduction des émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique de 45 % sous les niveaux de 2010, d'ici 2030, et la carboneutralité pour 2050 afin de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C, nous demandons que le gouvernement du Québec soit plus ambitieux et qu'il se base, au minimum, sur les cibles rédigées par le GIEC. Merci.

La Présidente (Mme Grondin) : Vous avez terminé vos interventions? Oui? D'abord, félicitations. J'espère que vous allez poursuivre vos implications.

Donc là, nous allons poursuivre les échanges avec les différents groupes parlementaires. Nous allons commencer avec le groupe parlementaire du gouvernement. M. le ministre, vous avez 16 minutes.

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. Un réel plaisir de vous retrouver ce matin. Je vais faire une petite confidence aux groupes, ce matin, et à vous en même temps. Lorsqu'on prépare une commission parlementaire, lorsqu'on prépare une consultation de cette nature-là, on laisse aux groupes parlementaires le soin d'établir les groupes qu'ils souhaitent entendre. Donc, c'est un travail qui se fait entre les différentes formations politiques. Je n'ai pas voulu m'immiscer dans cette discussion-là entre les groupes parlementaires, à une exception, la vôtre. Je tenais à ce que vous soyez parmi nous.

Je suis allé en personne vous porter la demande de venir présenter un mémoire ce matin pour une raison fort simple. On entend beaucoup de scientifiques, et c'est très bien, ils ont tous un regard très pertinent pour l'étude du projet de loi. On entend différents opérateurs, que ce soit de réseaux de transport collectif... Bref, on entend plusieurs groupes organisés de la société civile, mais ça me semblait tout simplement inconcevable d'étudier un projet de loi sur l'environnement sans que la jeunesse elle-même soit interpelée. On parle des horizons 2030, on parle des horizons 2050. Bref, on parle beaucoup plus de votre avenir que du nôtre, donc je trouvais important que vous soyez entendus. Donc, merci. Merci d'être avec nous ce matin.

Puis c'est vrai, très, très agréable d'avoir pu constater la préparation que vous avez faite, ces dernières semaines, à lire le projet de loi, à y voir des éléments positifs, des éléments négatifs, des éléments à corriger. Donc, bravo pour le sérieux que vous y avez mis.

Moi, je serais intéressé d'interagir avec vous sur votre réalité, vous en avez parlé un petit peu tantôt, comme étudiante, comme quoi, malheureusement, dans votre cursus scolaire, jusqu'à maintenant, il y a eu très peu d'informations transmises. Et je pense que c'est effectivement une situation à corriger, au niveau de la place de l'écocitoyenneté, aussi tôt que le primaire, secondaire. Vous avez peut-être entendu parler mon collègue à l'Éducation qui souhaite, justement, accroître cette importance-là, dans le cursus, à l'écocitoyenneté. Bref, c'est réellement quelque chose à faire. Une société qui est mobilisée est une société qui est plus susceptible d'apporter des changements dans ses façons de faire. Et on l'a dit à plusieurs reprises, ces derniers jours, le gouvernement a beau avoir le meilleur projet de loi qui soit, le meilleur plan d'action, la meilleure politique-cadre, si la population n'est pas mobilisée pour opérer ce changement-là, on n'aura pas les résultats escomptés.

Donc, dans votre perception à vous, au niveau de l'écocitoyenneté, ça prend quelle forme à l'école? Est-ce que c'est beaucoup des cours magistraux? Est-ce que c'est réservé un petit peu à une plage horaire comme on le fait pour le français ou pour les mathématiques? Quelle est la meilleure façon, selon vous, de parvenir à transmettre ces connaissances-là et à mobiliser notre jeunesse qui, on le sait, va ensuite interpeler ses parents, qui... Bref, il y a une émulation qui va se faire. Bref, très intéressé à vous entendre à ce niveau-là.

• (11 h 20) •

M. Cartier (Jasmin) : Au niveau du secondaire, on entend peu parler d'environnement jusqu'en secondaire V, à moins qu'on ait des profs qui soient mobilisés. Puis, encore là, parler d'environnement, c'est un grand mot. On parle du cours de Monde contemporain, qui aborde le sujet, mais qui, selon moi, fait plus désensibiliser les élèves que les sensibiliser parce que c'est un cours qui reste strictement théorique. On aborde certaines questions vaguement sans non plus aborder ce qu'on doit faire puis comment tout ça derrière marche.

Ça fait que, selon moi, je crois qu'un cours d'écocitoyenneté doit largement être offert au secondaire et non juste en secondaire V. Donc, j'espère fortement que la décision de retirer le cours d'écocitoyenneté qui a été prise, dans la deuxième ronde de consultations, par le ministre de l'Éducation...

Une voix : D'éthique, tu veux dire.

M. Cartier (Jasmin) : Non, il y a eu un cours d'éducation en environnement... d'éducation relative à l'environnement qui est en cours. J'espère fortement qu'on va avoir des cours d'éducation relative à l'environnement très bientôt.

M. Charette : Donc là, vous nous... Est-ce que vous aviez aussi un élément? Allez-y.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Oui. Bien, c'est ça, moi, comme j'ai dit tantôt, dans mon cours de monde, on a parlé de beaucoup de sujets mais pas de ça. Bien, comme j'ai dit, là, on a appris c'étaient qui, les 10 personnes les plus riches dans le monde. Est-ce que ça, c'est pertinent de savoir ça? Pas du tout. On ne parlait pas des inégalités sociales, en ce moment, qui sont créées par comment on consomme, par notre surconsommation ici, en Occident. C'est grave, moi, je trouve. Puis j'ai beaucoup souffert à cause de ça au secondaire parce que je trouvais que les jeunes n'étaient justement pas sensibilisés puis ils n'étaient aucunement au courant, puis les profs n'avaient pas non plus l'air. Ça fait que je pense que, tu sais, oui, les élèves, mais même les profs devraient avoir des cours, tout le monde, là, ça devrait juste être obligatoire, une base dès le primaire, là, oui.

M. Charette : En fait, vous m'avez devancé sur la prochaine question. Donc, oui, c'est une formation qui est nécessaire pour les étudiants eux-mêmes, mais avec le besoin aussi de donner la bonne qualification, la bonne formation aux enseignants aussi. Donc, c'est une autre étape incontournable. Content de savoir... J'ai des jeunes aussi, primaire, secondaire, université, donc je le vois, à travers les devoirs, que ce n'est pas forcément quelque chose qu'ils abordent, mais content de voir que l'écho est le même dans différentes régions.

Et peut-être nous parler maintenant de votre relation comme ministres de l'Environnement. Moi, je vous avais dit, la première fois qu'on s'est rencontrés : Je me sens moins seul de savoir qu'il y a autant de ministres de l'Environnement au Québec. Peut-être nous parler de votre expérience à travers la Fondation Monique-Fitz-Back, comment vous avez eu cette idée de vous impliquer, quel a été le processus, que ce soit de nomination, d'élection, et comment ça vous aide aujourd'hui à être des citoyens plus mobilisés pour l'environnement.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Bien, c'est ça, comme j'ai dit un petit peu rapidement tantôt, on a été élus pendant le sommet jeunesse 2018. Donc, on était 200 jeunes, environ, de partout à travers le Québec, puis chaque groupe de jeunes de chaque région élisait un jeune ou plusieurs, dépendamment de la région, là, puis c'était proportionnel. Ça fait qu'après ça, après le processus, là, ça fait environ un an et demi qu'on siège sur le conseil puis on fait des projets. Puis, tu sais, faire partie du conseil, ça nous permet, bien, d'avoir une certaine opportunité de parler à des jeunes de partout à travers le Québec puis de pouvoir faire des projets communs. Ça fait que, pour ça, c'est très pertinent. Ça fait que c'est ça.

M. Cartier (Jasmin) : Le conseil m'a permis de m'exprimer sur plusieurs tribunes, dont aujourd'hui, puis je salue l'invitation du ministre de l'Environnement, mais je pense qu'on a essayé d'apporter le même message que plusieurs jeunes, au Québec, qu'on a vus le 27 septembre. Je crois que les jeunes s'expriment beaucoup, que la politique est forcée d'entendre. Maintenant, il reste que la politique... prendre des actions concrètes.

M. Charette : Et, au niveau de la fondation, une fois que votre mandat sera terminé, est-ce que c'est votre intention de continuer de vous impliquer? Je parle de la fondation, mais, à travers... comme citoyens, votre intention est de continuer votre implication une fois votre mandat terminé?

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Bien oui, c'est clair. Ce n'est pas parce que notre mandat termine qu'on arrête, là. Au contraire, là, ça fait juste commencer. Puis je pense qu'on a tout un travail à faire, là, qu'on soit ministre ou pas ministre. Il y a des façons de s'impliquer partout, puis c'est très important, là.

M. Cartier (Jasmin) : ...rien à rajouter.

M. Charette : C'est bien. Bien, en fait, je suis réconforté par votre réponse, et ça illustre l'importance de la mobilisation. Vous l'avez mentionné, c'est notre préoccupation aussi d'en faire un enjeu de société et non pas uniquement le mandat seul du gouvernement. Des initiatives comme celles-là, ça requiert du financement. La fondation est appuyée notamment par les outils mis en place, là, par le gouvernement du Québec. C'est important de financer des activités de mobilisation de cette nature-là pour vous permettre d'éveiller vos esprits et de poursuivre ensuite votre implication citoyenne?

M. Cartier (Jasmin) : Je crois que, justement, créer des espaces comme ça qui sont non scolaires fait en sorte de réunir les personnes qui ont la lutte à coeur. Puis ça, ça aide beaucoup pour, personnellement, continuer, parce que c'est vraiment difficile, quand on est dans un milieu, autour de nous, qui n'est pas sensibilisé par le milieu scolaire, de voir que pas tout le monde n'a une aussi grande conscience de la crise en ce moment, puis ça peut être très démotivant. Ça fait qu'avoir des espaces comme ça, pouvoir discuter avec d'autres jeunes qui ont d'autres initiatives, pouvoir s'inspirer de ça, pouvoir réaliser qu'on n'est pas tout seul dans cette lutte-là, bien, ça fait en sorte que c'est beaucoup moins anxiogène.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Boutin : Bien, premièrement, je tiens à vous féliciter de votre engagement. Vous avez un rôle superimportant dans la société. Je pense aussi que la sensibilisation, ça permet d'amener un enjeu qui devient de plus en plus politiquement pressant, on est tous d'accord avec ça.

Moi, j'ai une question, j'aimerais ça vous entendre, avoir une suggestion de votre part. En ce moment, la discussion entre le gouvernement et les jeunes, tu sais, ce n'est pas toujours facile parce que... Bon, là, je vous remercie, vous êtes venus aujourd'hui puis vous vous exprimez. Mais est-ce qu'il y aurait des mécanismes ou des choses qui pourraient être mis en place pour améliorer la collaboration, la conversation, même la cocréation entre le gouvernement puis les jeunes de la société? Parce que vous êtes l'avenir, là.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Oui, bien, il en a parlé rapidement dans le constat, je pense, 3, là, mais... 2, mais faire des assemblées citoyennes avec les jeunes, leur demander leur opinion. On a des opinions. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas le droit de voter qu'on ne pense rien. En bas de 18 ans, on en voit partout, les jeunes, ils ont des... ils veulent parler, mais on n'a pas l'opportunité. Tu sais, nous, on est chanceux, là. Il n'y en a pas beaucoup, de jeunes qui ont la chance de venir ici, puis ils devraient, parce qu'une vraie démocratie, ça fait que chaque personne a son mot à dire, puis, en ce moment, c'est zéro ça. Ça fait que, oui, des assemblées dans les écoles, de venir, n'importe quoi, mais... Puis, même dans votre comité consultatif pour le projet de loi... bien, pour le Fonds vert, en fait, il faudrait qu'il y ait des jeunes, des moins de 18 ans. Même si on n'a pas le droit de voter, selon moi, on a une place à avoir...

Mme Boutin : Pensez-vous que les jeunes viendraient dans des assemblées plus classiques ou il y a des choses qui pourraient être... je ne sais pas, moi, des consultations numériques? Tu sais, mettons qu'on... n'importe quoi, là.

M. Cartier (Jasmin) : ...l'enjeu d'aller chercher les jeunes est quand même un grand enjeu, mais je pense qu'il y a beaucoup de jeunes qui sont amplement mobilisés puis qui n'attendent que ça, avoir un appel pour participer à des discussions, comme nous aujourd'hui. Je crois qu'il faut juste avoir une bonne communication, puis envoyer les messages à la bonne place, puis être à l'écoute des mouvements, depuis un an, qui sortent dans les rues, dont Pour le futur Mtl, et Québec, et tous les autres, LPSU, le DEC. Ces mouvements-là ont des revendications qui sont claires, puis ça peut apporter une grande réponse de la volonté des jeunes, parce que c'est des décisions qui sont prises démocratiquement aux mouvements puis qui représentent beaucoup plus l'image des jeunes que seulement deux personnes aujourd'hui.

Mme Boutin : Merci.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Merci. Merci de votre présence aujourd'hui. Ce que je remarque, c'est... votre implication est directement en ligne avec le mot que je semble toujours avoir à la bouche, selon certains, c'est vrai, «la mobilisation». Alors, à chaque fois que vous faites un événement, vous avez de la visibilité, vous créez de la visibilité, vous dérangez de la bonne façon. Et, par rapport à ça, c'est essentiel, je suis sûr, sûr, sûr que c'est essentiel.

Il y a une chose sur laquelle je voudrais revenir, c'est quand vous dites que les cibles sont inférieures au Québec. Ça dépend toujours par rapport à quoi on mesure, mais c'est vrai qu'on est inférieurs par rapport au Danemark, par exemple, c'est vrai. Je vais juste faire remarquer qu'il y a des pays, encore, qui utilisent pas mal le charbon, et, quand on va fermer une mine de charbon, on a un impact majeur au niveau du pourcentage. Dans le cas du Québec, étant donné que c'est déjà décarbonisé, notre électricité, à 99 % plus, aller chercher les autres points de pourcentage, c'est plus difficile. Alors, personnellement, je pense que viser 37,5 %, c'est atteignable. Ça prend la volonté de le faire, et elle est là. Mais, en même temps, je suis convaincu, moi, qu'on va chercher 37,5 %... plus compliqué que d'autres pays qui ont encore du charbon. Alors, je pense qu'il y a une nuance là-dedans à avoir par rapport à ça.

Vous avez parlé de cibles annuelles... Ah! excusez, avez-vous des commentaires? Excusez. J'écoute.

• (11 h 30) •

M. Cartier (Jasmin) : Oui. Je pense que les jeunes ne s'intéressent pas à la façon dont c'est plus compliqué qu'un autre pays ou non. Ce n'est pas le fait que ce soit complexe ou non de changer les choses qui vont apporter des plus grands changements ou non. Le GIEC est clair, 45 % pour 2030. Oui, 37,5 % est atteignable, puis les jeunes ne veulent pas savoir comment ça va être fait nécessairement dans les détails, si ça va être compliqué ou non. Ce qu'on sait, ce que la science nous dit, c'est 45 % pour 2030, ça limite le réchauffement planétaire sous les 1,5°, puis c'est ça qui est nécessaire pour s'assurer un futur viable.

M. Campeau : O.K. Cibles annuelles versus des cibles cinq à 10 ans, on peut développer un peu plus là-dessus? Parce que, je me dis, on a de la difficulté... puis je suis d'accord avec mon collègue de la troisième opposition de dire que, si on a plus d'efforts qu'on met, comme au niveau du ministre du Revenu, bien, on trouve des données rapidement à l'intérieur de trois mois. Alors, si on met plus d'efforts pour aller chercher nos données, on va avoir nos données plus rapidement. Mais actuellement, avoir des cibles annuelles, c'est assez compliqué étant donné que nos données datent de trois ans en arrière. Alors, à ce moment-là, comment voyez-vous les cibles annuelles par rapport à cinq ou 10 ans?

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : ...les bilans, mais ce qu'on voulait plus apporter comme point, c'est qu'on se sent très dépolitisés puis pas conscients d'être des vrais résultats qui arrivent à chaque année, à chaque cinq ans. Puis, tu sais, on met des cibles aux cinq ans, mais vos mandats sont de quatre ans. Ça fait que, là, c'est le gouvernement d'après qui dit que, ah, eux, ils n'ont pas fait leur job, puis à chaque fois ça fait... c'est un cercle vicieux.

Ça fait que, c'est quoi qu'on fait, là, pour que ça change, ça? Parce que, là, les cibles aux cinq ans, tu sais, il n'y a rien qui vous oblige à les respecter, si vous n'êtes pas réélus, tu sais, vous comprenez. Il manque un peu de communication puis de liens avec les citoyens.

M. Cartier (Jasmin) : Ça fait un lien avec notre point qu'on veut que la lutte aux changements climatiques soit dépolitisée. Tu sais, ça fait en sorte que c'est tout le temps une game politique. On veut être réélus pour atteindre nos cibles. Puis, une fois qu'on établit des cibles sur cinq ans, on peut se donner des balises sur ces cinq ans-là pour dire se dire : O.K., à la place d'arriver au bout de ces cinq ans-là puis faire : Ah! bien là, il faut faire nos cibles, bien, on ne peut pas du jour au lendemain tout changer. Ça fait que, forcément, quand on regarde un plan puis qu'on met des cibles aux cinq ans, il y a des balises à mettre, puis on veut que ces balises-là soient claires et définies.

M. Campeau : Si je comprends bien, vous voulez plus un effort de groupe de tous les partis et non pas d'arrêter de... Je vous comprends. C'est toujours difficile à aller chercher...

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : On parle beaucoup de...

M. Campeau : ...mais ce n'est pas une bonne excuse non plus.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Oui. Bien, c'est parce qu'on parle beaucoup de qu'est-ce que les autres n'ont pas fait avant, mais on peut-u parler de qu'est-ce qu'on va faire là, là, maintenant, pas qu'est-ce qu'eux ils n'ont pas fait? Tu sais, on s'en fout, qu'est-ce que le Parti libéral, il a fait avant. Là, c'est là, là, qu'est-ce que vous, vous pouvez faire, puis vous avez le pouvoir de faire quelque chose. Ça fait que c'est ça...

M. Campeau : Merci.

Le Président (M. Polo) : Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Oui. Merci beaucoup de votre présentation. Il y a un changement dans le projet de loi concernant le financement pour le transport. Présentement, le Fonds vert, deux tiers est réservé pour le transport. Alors, ça peut être le transport collectif, ça peut être pour l'électrification des transports, et tout ça. Le présent projet de loi présenté par le gouvernement va changer ça, de rendre ça plus flexible pour le gouvernement de faire des investissements un petit peu partout. Selon vous, est-ce que ça, c'est un bon changement ou c'est toujours important... je vais utiliser le mot en anglais, de «earmark», deux tiers de ces fonds pour le transport?

M. Cartier (Jasmin) : Bien, les transports, c'est une question qui est assez large, puis on s'était positionnés face au deux tiers. C'est que l'électrification des transports n'est, selon nous, pas la solution. On doit investir dans les transports collectifs et actifs. Mais non, on ne croit pas que ne pas se donner d'objectif ou financer, ce n'est pas une bonne idée parce que ça laisse amplement au parti à financer ce qu'il veut.

C'est sûr que nous, idéalement, on veut que ça soit d'autres personnes que les personnes étroitement reliées à la politique qui fassent ces décisions-là. Mais oui, avec une plus grande communication avec la population, également, il faudrait qu'on communique avec eux où que l'argent va être investi pour être sûr que c'est vraiment la volonté du peuple.

M. Kelley : Et, j'ai trouvé ça intéressant, est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi l'électrification des transports, ce n'est pas une solution, ça ne va pas marcher?

M. Cartier (Jasmin) : Bien, ne pas réduire les transports individuels... La production d'une auto automobile pollue. Après ça, recycler ces automobiles-là pollue. C'est sûr que c'est moins pire que des automobiles qui marchent aux hydrocarbures, mais le fait qu'on individualise tout dans notre société puis qu'on ne met pas collectif, c'est forcément plus polluant que juste tout changer. Et ça ne règle pas d'autres problèmes non plus de congestion. Donc, investir dans les transports collectifs, selon nous, est beaucoup une plus grande solution que les transports individuels électriques.

M. Kelley : Et je suis d'accord avec vous sur le point d'investir dans les transports collectifs. Comme vous autres, j'utilise le métro souvent, l'autobus souvent, le train souvent. Mais on a vu des chiffres, cette semaine, qu'on a frappé peut-être un petit peu un plateau, après des années d'une augmentation de l'utilisation des transports collectifs, je parle, dans la région de Montréal.

Selon vous, est-ce que c'est peut-être une question aussi du prix pour utiliser le système? Est-ce que c'est mieux de rendre ça gratuit pour tout le monde ou, par exemple, commencer avec des étudiants et peut-être des aînés? Est-ce que ça, c'est une façon peut-être d'inciter puis inviter plus de personnes d'utiliser le transport collectif?

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Oui, mais ça dépend vraiment. Moi, si je regarde dans mon coin, encore, comme j'ai dit, ça me prend 1 h 30 min aller au cégep en transport en commun, puis, si j'avais une auto, ça me prend 30 minutes. Moi, je le fais en transport en commun, mais parce que j'ai une grosse volonté. Mais il y en a qui ne l'ont pas totalement, puis je peux comprendre qu'ils ne se sentent pas concernés à 100 % par la crise climatique. Ça fait que, même si l'autobus, en haut de la rue, il est à 0 $, ils vont la prendre, leur auto, parce qu'ils ont les moyens.

Ça fait que qu'est-ce qui est problématique, c'est que ce n'est pas accessible, le... Tu sais, on manque de temps, tout le monde manque de temps, tout va vite dans notre société. Puis c'est ça, le problème, c'est que, là, ils se disent : Ah! tu sais, ça va vite en auto, pourquoi je me compliquerais la vie, tu sais? Ça fait que, c'est ça, c'est, oui, les transports gratuits, mais, en même temps, non. Si tu as les moyens d'acheter une auto, tu as les moyens de prendre l'autobus, là, tu sais, on s'entend.

M. Cartier (Jasmin) : J'habite en région. Je pense que, tout d'abord, il faudrait avoir des transports en commun pour les rendre gratuits, puis je pense que c'est beaucoup plus là, l'enjeu, parce que beaucoup de personnes sont prêtes à payer. Mais évidemment que, si les transports... si on aurait un bon réseau de transport collectif et que celui-ci serait gratuit, bien, ça serait beaucoup plus accessible pour l'entièreté de la population.

Puis, en fait, finalement, on parle de gratuité des transports, mais on va tout le temps finir par payer, là. On est une nation au complet puis on va payer pour ça, ce n'est pas gratuit. Mais juste que tout le monde finance à ses capacités pour donner la chance à tout le monde d'avoir accès à ces transports-là.

M. Kelley : Parfait, merci.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Oui, je vous remercie. Bonjour à vous quatre. Merci beaucoup, merci beaucoup d'être là. C'est fort intéressant. Puis vous parliez du sommet annuel, j'ai eu l'occasion d'y aller l'année dernière et de voir à quel point c'était supereffervescent. C'était vraiment superintéressant parce que... puis, s'il y a d'autres parlementaires qui ont l'occasion d'aller au prochain sommet, je leur suggère vraiment fortement, parce que c'était beau de voir comment c'était très pragmatique aussi, les échanges d'information sur les meilleures pratiques, sur les initiatives qui ont été prises dans différentes écoles, entre autres. Puis je trouve que c'est une belle émulation puis c'est une belle façon, justement, vous le dites, là, de s'impliquer pour lutter un peu contre l'écoanxiété, de se dire : Bien là, je suis sur les banquettes d'un côté, je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas, c'est un problème qui a l'air gigantesque, puis de ramener ça à une échelle qui est : Qu'est-ce que moi, je peux faire, dans le fond, puis comment moi, je peux contribuer au sein de mon quotidien? J'avais trouvé ça très intéressant.

• (11 h 40) •

Puis lors de... J'en profite aussi pour dire, là, en ce moment il y a le Parlement des jeunes qui se tient ici, donc un peu plus jeunes que vous, parce que ce sont les élèves de secondaire III et IV, qui sont très actifs aussi, hein? Puis ce que je trouve intéressant, c'est qu'il y a plusieurs regroupements, plusieurs initiatives de jeunes qui viennent présenter des choses. Puis j'ai une jeune de ma circonscription qui est là, qui a fait partie de l'initiative le pacte pour l'école, qui a été présenté à différents endroits, là, dans la dernière année, puis elle est ici aujourd'hui, c'est ça, elle vient présenter ça. Puis le pacte pour l'école, là, ça a été... c'est un peu, encore là, un guide des meilleures pratiques qui a été développé par des jeunes puis qui est en train... il y a plein d'écoles qui sont en train d'adhérer à ça pour voir, justement, au niveau de la gestion des matières résiduelles, au niveau du zéro déchet, de comment on peut diminuer l'empreinte carbone ou l'empreinte écologique, si on veut, de nos écoles. Puis je trouvais ça intéressant d'avoir des initiatives où on n'est pas en attente, justement, seulement des gouvernements ou... En tout cas, je trouvais ça très intéressant. Donc, merci d'être là. Tout ça pour dire ça. Une longue introduction.

Vous avez parlé de la Stratégie québécoise d'éducation en matière d'environnement et d'écocitoyenneté, puis je ne sais pas si les élus du gouvernement sont tous bien au courant qu'il y a déjà une stratégie qui a été déposée. Puis je pense que ça, c'est important, puis vous nous donnez l'occasion de le resouligner. Moi, j'étais présente en mai, l'année dernière, avec mes collègues de Québec solidaire et du Parti québécois quand la stratégie a été déposée, et, bien évidemment, on appuie totalement cette stratégie-là. Ça fait presque un an que ça a été déposé.

Alors, je pense que c'est une très bonne initiative puis j'invite l'ensemble des collègues du gouvernement à en prendre connaissance. J'invite le ministre à s'en saisir puis à la mettre en place. Parce que je vous rejoins tellement sur l'importance de l'éducation. Moi, j'ai fait une maîtrise en sciences de l'environnement et je pense que, quand on a une formation, on se repose, justement, sur les faits, sur la science, puis c'est des débats qui sont complexes, et ça nous permet de bien comprendre l'impact de décisions sur des écosystèmes parce que ça a des conséquences qui sont complexes.

Et donc je veux juste vous dire que moi, je suis extrêmement favorable à cette stratégie, je suis extrêmement favorable à la formation. Puis j'aimerais vous entendre, parce qu'il y a un groupe qui a proposé hier, puis je trouvais ça très intéressant, qui soulignait... mais il parlait des élus plutôt au niveau municipal, mais soulignait que ce serait important que les élus aient des formations au niveau de l'environnement, au niveau des changements climatiques. Moi, je trouve que c'est une proposition sur laquelle on devrait faire du millage et l'ensemble des élus de tous les paliers gouvernementaux, que ce soit au provincial, au fédéral, au municipal, aient ce genre de formation pour... parce que je ne suis pas encore convaincue que tout le monde saisit bien l'ampleur de ce à quoi on est confrontés et la vitesse à laquelle on doit aller. Donc, j'imagine que ça, c'est quelque chose qui peut-être aurait... Je serais curieuse de vous entendre là-dessus.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Bien, moi, selon moi, tout le monde devrait avoir une formation, en ce moment, en environnement. Mais donc, oui, je suis totalement en accord avec le fait que les élus, mais pas juste municipaux... Tu sais, oui, c'est eux...

Une voix : ...

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Oui, c'est ça, O.K., bien, oui, totalement, là. C'est vous qui avez le gros bout du bâton, en ce moment, sur les grosses décisions qui sont prises. Donc, que vous soyez tous bien au courant de ce qui se passe, puis de l'ampleur du problème, puis de qu'est-ce que vous pouvez faire, ce serait extrêmement pertinent et, oui, nécessaire, selon moi.

M. Cartier (Jasmin) : Oui, c'est pour ça que viser le secondaire est une bonne stratégie, parce que c'est là que tout le monde passe, que tu deviennes politicien ou mécanicien, mais c'est sûr qu'en ce moment, vu que ce n'est pas encore en place, les politiciens actuels n'ont pas eu ces cours-là. Ça fait que ça serait super intéressant. Puis je pense que même ceux qui comprennent l'ampleur de la crise ne comprennent pas non plus tous les mécanismes qui font en sorte... pourquoi que, bien, le Québec, on pollue plus par habitant. Parce qu'on entend souvent parler de la Chine, de l'Inde, mais la Chine de... l'Inde est beaucoup plus peuplée par habitant et pollue beaucoup moins que nous. Tu sais, on se range derrière notre 2 %, mais, par habitant c'est faramineux.

Puis j'aimais beaucoup quand vous avez apporté le fait que les écoles prennent le pas et avancent plus vite. Pour faire un lien avec mon école, on est en train de faire des demandes concrètes à notre direction, on est en train de vouloir installer des poubelles à trois voies puis, bien, justement, on heurte des murs, que ce soit économiques ou... Tu sais, la bureaucratie est tellement lente qu'on essaie de pousser les choses, puis, bien, ça ne bouge pas. Puis, bien, c'est là que les élèves... les jeunes ont emboîté le pas, mais il faut que la politique suive.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Puis, tu sais, on fait des initiatives dans nos écoles, on a du recyclage, on a du compost, mais si, à la base le recyclage, il ne marche pas — tu sais, on en entend parler en ce moment — nous, on fait tout ça dans le vide, vous comprenez? Puis c'est lourd, genre, ça nous prend de l'énergie. Puis, tu sais, après ça, on voit des articles qui passent : Ah! seulement 8 % de nos matières sont recyclables. Comme, là, ça fait réfléchir, tu sais, c'est vous en ce moment, là, qui pouvez faire... Tu sais, nous, on a beau faire toutes les petites actions individuelles qu'on veut, tu sais, c'est à vous de...

Le Président (M. Polo) : Merci. Oui, Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation puis pour votre présence. Vous savez, le ministre, tout à l'heure, a dit que c'était inconcevable qu'on ne vous entende pas, qu'on n'entende pas les jeunes, et il a dit... parce qu'on a, par exemple, invité des experts, des scientifiques qui sont venus nous parler, mais ce n'est pas suffisant, les experts, les scientifiques, il faut aussi avoir les jeunes, alors que moi, ce que j'entends, c'est que ce n'est pas : Ah! il y a les scientifiques, les gens sérieux, puis, après ça, il y a les jeunes. Moi, ce que j'entends du discours des jeunes, de ce que vous nous avez présenté maintenant... où vous avez un discours extrêmement construit, vous pouvez parler des transports en commun, vous parlez de gestion des matières résiduelles, une connaissance incroyable, vous pouvez nous donner cette formation-là, vous-même.

Puis ce que j'entends aussi que les jeunes disent, c'est : On veut être entendus, pas parce qu'on croit à un monde qui est inaccessible et incroyable. Vous vous faites les porte-voix de la science, vous lisez les rapports scientifiques. Je suis sûre que vous le faites. Moi, j'ai eu la chance aussi de rencontrer des jeunes à la COP, récemment, il y avait une grande délégation, et, une des choses qu'ils disaient, ils lisent, ils font des liens entre les enjeux, ils savent que le changement climatique, ça ne passera pas juste par le transport, mais que ça passera aussi par l'aménagement du territoire. Ils font aussi le lien avec la transition juste, et tout ça, et c'est des liens incroyables. Le discours que j'entends des jeunes ferait rougir beaucoup d'élus entre nous à tous les paliers, municipaux, fédéral, provincial, etc. Donc, c'est un discours construit et extrêmement important, et il n'est pas juste... il est utile aussi. Il n'est pas juste essentiel, il est utile.

Puis j'ai envie de vous poser la question, comme certains jeunes me l'ont dit, qu'ils étaient tannés de ça : Est-ce que vous êtes tannés du ton paternaliste avec lequel on vous parle quand vous parlez des changements climatiques?

M. Cartier (Jasmin) : Oui. Je crois que...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Cartier (Jasmin) : Bien non... Bien, c'est un super bon point, puis, oui, les jeunes ont quelque chose à apporter qui est vraiment différent. C'est que les jeunes n'ont aucun intérêt, que ce soit économique ou autre, les jeunes, le seul intérêt qu'ils ont, c'est leur futur. Je veux dire, on se voit directement impactés.

Puis... se demander c'est quoi, la différence entre les jeunes aujourd'hui, c'est quoi, l'émotion qu'on ressent comparé aux jeunes, voilà 20 ans, qui se mobilisaient, parce que ce n'est pas depuis hier qu'on réalise que l'environnement va mal. C'est que nous, on voit notre futur puis même la vie de certaines personnes autour de nous directement affectée. Puis c'est ça qui fait en sorte qu'on est capables de faire des liens entre des choses, parce qu'on n'est pas biaisés par d'autres données économiques, parce que, rendu là, nous, c'est notre futur qui est affecté. Là, on nous parle de dollars, ce n'est plus le sujet qu'on veut.

Puis oui, je crois que, des fois, il y a des discours qui sont paternalistes, mais je pense qu'il faut peut-être essayer de les tasser de côté puis écouter les discours qui sont inspirants puis les projets qui sont inspirants. Mais effectivement, le paternalisme, ce n'est pas quelque chose de plaisant, à tous les niveaux.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : ...

Mme Ghazal : Oui, allez-y. Non, non, allez-y, allez-y.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Non, bien, je suis totalement d'accord, là. Bien, moi, qu'est-ce qui m'énerve plus, dans les discours, c'est que c'est beaucoup, souvent : Ah! c'est beau, vous vous impliquez, c'est beau, bravo! Continuez, mais on s'en fout de qu'est-ce que vous dites, on ne l'écoute pas vraiment. Mais comme... O.K., mais nous, ce n'est pas ça, tu sais, notre but, ce n'est pas de se faire dire qu'on est bons...

Le Président (M. Polo) : En conclusion.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : ...puis qu'on fait du bon travail, tu sais.

Une voix : ...

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Oui, c'est ça, mais, tu sais, ça fait que... Voilà.

Mme Ghazal : Merci.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci infiniment d'être ici. Moi, j'aimerais ça vous proposer un pacte, c'est le cas de le dire, de continuer de vous impliquer pour toujours dans l'action politique, qui n'est pas un monde à part, mais l'action politique qui est outil pour changer les choses, changer le monde. Moi, je suis convaincu que tout le monde ici est là pour ces raisons-là. C'est compliqué, mais ça marche, tu sais. Autrement dit, moi, je veux que vous deveniez des vrais ministres de l'Environnement, dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans. C'est ça qu'il faut faire, peu importe le parti, là, je ne suis pas là pour ça.

Maintenant, Mme Grégoire, tout à l'heure, vous parliez que, dans votre cégep ou autour de vous, puis j'imagine que c'est la même chose avec M. Cartier, il y a des jeunes qui ne se sentent pas concernés à 100 %, bon. Puis on pourrait tomber dans le cliché de dire : La cour du cégep est pleine de chars, puis il y en a plus que dans mon temps, tu sais.

Alors, qu'est-ce qu'on doit faire pour qu'ils se sentent concernés? Parce que moi, je ne veux pas embarquer, là, en disant : Toute la jeunesse est pareille. Ce n'est pas vrai, tu sais. Alors, qu'est-ce qu'on doit faire pour embarquer les jeunes à 100 %?

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Bien, c'est une excellente question. En ce moment, le problème, c'est que les gens, les jeunes, ce n'est pas qu'ils ne se sentent pas concernés, c'est qu'ils se disent : Le seul pouvoir que j'ai, c'est mon vote aux quatre ans, puis ce n'est pas assez. Parce qu'ils ont plus de choses à dire qu'un vote aux quatre ans qui ne change rien au final, tu sais. On entend parler du système de vote dans lequel on est, na, na, na, qui ne marche pas. Ça fait qu'il faut que, plus qu'aux quatre ans, ils aient leur mot à dire pour qu'ils sentent qu'ils ont vraiment un impact dans qu'est-ce qu'ils pensent...

M. Cartier (Jasmin) : ...on parlait d'éducation relative à l'environnement, c'est une grande chose. J'ai de la misère à concevoir à quel point quelqu'un qui est conscient de tout ça peut finalement continuer à vivre sans ne poser aucun geste. Je ne veux aucunement blâmer les gestes individuels, parce que, trop souvent, dans notre société, c'est ça qu'on fait. Tu prends ton char, tu ne recycles pas, mais c'est une infime partie comparée à tout ce qu'on peut faire collectivement.

Ça fait qu'il ne faut pas s'opposer à ces personnes-là, il faut essayer de leur donner les outils puis les connaissances pour réaliser à quel point c'est urgent puis que, oui, il y a peut-être d'autres choses, dans ta vie, qui sont importantes, tu aimes peut-être mieux faire du sport, mais ce ne sera peut-être plus possible de faire ces choses-là si, en ce moment, on ne se penche pas sur cette question-là qui est la crise climatique.

Mme Grégoire (Ève-Gabrielle) : Qu'est-ce que vous pouvez faire, c'est de nous montrer que c'est votre priorité. Puis comme ça...

Une voix : ...

Le Président (M. Polo) : Si vous voulez juste conclure, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Bien, encore une fois, bravo! Merci. Revenez, l'Assemblée nationale vous appartient.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup.

Nous prenons une pause avant de recevoir les représentants de la Fondation David-Suzuki. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

(Reprise à 11 h 52)

Le Président (M. Polo) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fondation David-Suzuki, représentée aujourd'hui par M. Karel Mayrand, directeur général pour le Québec; M. Diego Creimer, responsable des affaires publiques; et Mme Mélanie Le Berre, analyste des politiques climatiques. C'est bien ça.

Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et débuter votre exposé. La parole est à vous.

Fondation David-Suzuki

M. Mayrand (Karel) : Merci, M. le Président. Merci de nous accueillir. Donc, je suis Karel Mayrand de la Fondation David-Suzuki, à la direction pour le Québec, avec Mélanie Le Berre et M. Diego Creimer.

Alors, d'entrée de jeu, ce qu'on aimerait vous dire, c'est qu'on a fondé la rédaction de notre mémoire sur deux aspects importants. D'abord, le premier, c'est vraiment l'ampleur du défi qui est devant nous, compte tenu du peu de temps qui reste pour atteindre nos cibles et les cibles qui sont fixées par la science, qui sont de plus en plus ambitieuses. Donc, ça va requérir une mobilisation des ressources de l'État mais une mobilisation aussi de l'ensemble de la société qui va bien au-delà de ce qu'on a réussi à faire jusqu'à maintenant. Et donc le contexte dans lequel on se voit aujourd'hui est totalement différent de celui qui existait il y a une dizaine d'années, quand on avait plus de temps devant nous. Et donc c'est la première chose qu'on s'est demandée : Est-ce que ce qui est présenté dans le projet de loi n° 44 nous permet de mobiliser les ressources de l'État d'une manière qui nous permet vraiment d'aller à ce niveau d'ambition là?

La deuxième chose, évidemment, qui a orienté la rédaction de notre mémoire, c'est une dizaine d'années à être partenaires de l'État, travailler avec différents gouvernements, soit sur trois ou quatre comités-conseils sur les changements climatiques, sous des gouvernements successifs, avec différents ministres. Ensuite, on a travaillé avec le gouvernement sur la stratégie énergétique, sur la Politique de mobilité durable, pour son élaboration puis ensuite sa mise en oeuvre, et finalement sur la Table des parties prenantes de Transition énergétique Québec. Donc, ça permet, là, d'avoir un peu... de comprendre ce qui va bien, ce qui doit être amélioré, les limites de l'action gouvernementale. Donc, c'est sur cette base-là qu'on a fait neuf recommandations. On va les survoler rapidement pour approfondir celles qui susciteront votre curiosité ou votre intérêt.

La première, la Fondation David-Suzuki propose de légiférer les cibles, donc que ces cibles-là deviennent des cibles qui engagent vraiment le gouvernement puis l'ensemble du Québec, donc, et que, dans le cadre de cette législation-là, on prévoie aussi la révision cyclique des cibles à tous les cinq ans. Puis bon, évidemment, on peut aussi... puis on en parlera plus tard, il y a des questions aussi de reddition de comptes, d'imputabilité.

Et la deuxième recommandation qu'on a est une recommandation, je pense, qui est importante et qui va vraiment au-delà des symboles, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec, qui est une des plus grosses organisations, sinon la plus grosse organisation au Québec, se dote lui-même d'une cible de réduction de ses émissions qui est à la hauteur de ce qui est exigé de la société. Parce que c'est très difficile pour le gouvernement d'exiger des entreprises et des citoyens des réductions de ses émissions, et des municipalités en plus, quand lui-même ne s'est pas doté d'une cible, on pourrait appeler, corporative, là — habituellement, dans le secteur privé, on appelle ça comme ça — donc d'une cible de réduction de ses propres émissions.

Donc, il y a un enjeu de crédibilité, mais il y a aussi un enjeu qui va plus loin que ça. C'est que le gouvernement du Québec, c'est le plus gros donneur d'ordres au Québec. Donc, c'est une quarantaine de milliards d'achats de biens et services annuellement, et c'est évident que, si le gouvernement du Québec utilise son pouvoir de dépenser dans le marché au Québec pour accompagner, si on veut, l'économie québécoise, le signal qui est lancé est très, très fort. Et donc c'est vraiment un enjeu. Je pense qu'on peut utiliser ce pouvoir-là de l'État comme levier et aussi comme levier de mobilisation des ressources.

Ensuite de ça, on a une troisième recommandation qui est... et je vais passer la parole à ma collègue.

Mme Le Berre (Mélanie) : Dans le fond, l'idée, là, à partir du moment où on légifère des cibles, l'idée, c'est aussi de trouver un moyen d'inscrire dans la loi un mécanisme qui puisse nous permettre d'opérationnaliser l'atteinte de ces cibles légiférées, puis, pour y arriver, on recommande d'inscrire dans la loi des budgets carbone. On pourra revenir, si vous voulez, dans la période de questions, sur un peu plus la définition de ce que c'est, mais l'idée, ça serait d'inscrire dans la loi la définition même des budgets carbone et le fait de les figer une fois qu'ils seraient fixés. Puis ça pourrait être, par exemple, pour des périodes de cinq ans, à partir d'aujourd'hui jusqu'à 2050, puis l'idée, ça serait d'arriver à l'atteinte des cibles, donc, de moins 37,5 %, d'ici 2030, et quasiment la carboneutralité d'ici 2050. Donc, dans le fond, il faut vraiment le voir comme un mécanisme de suivi régulier qui permettrait de prendre en compte les risques de non-respect de nos objectifs, au fur et à mesure que le temps avance, histoire de ne pas reporter ce fardeau sur les générations futures.

Puis une petite note juste pour vous expliquer, si jamais vous n'êtes pas au courant qu'au Royaume-Uni ça a été instauré en 2008 puis ça fonctionne très bien, parce qu'à date les deux budgets carbone qui ont été fixés au Royaume-Uni ont été respectés et donc permettent à l'ensemble de l'appareil gouvernemental d'avancer dans ce sens-là.

M. Creimer (Diego) : Un peu dans le même sens, on propose d'appliquer un test climat pour l'ensemble des décisions de l'État. Nous considérons qu'en ce moment les politiques de transition, d'efficacité et de sobriété énergétique ne sont pas encore au coeur de l'action publique et nous pensons qu'un test climat pourrait probablement remettre les pendules à l'heure.

Et ces tests climat, un peu... ça existe, il y a des exemples. Par exemple, à la Caisse de dépôt et placement, en ce moment, toutes les décisions des équipes d'investissement sont soumises à des évaluations d'impact climatique. Cela ne permettrait pas seulement de répertorier les déficiences, mais aussi de mesurer les bons coups. Donc, on pense qu'un test climat aussi pourrait rendre compte de son efficacité, de sa pertinence via un rapport annuel qui pourrait dresser un bilan en regard de la politique-cadre sur les changements climatiques. Donc, bref, ce qu'on veut donner, c'est, à l'État, les moyens d'être exigeant envers lui-même.

M. Mayrand (Karel) : Notre cinquième recommandation concerne... bon, a trait à la question de l'abolition de Transition énergétique Québec. J'ai contribué pendant 18 mois, deux ans même, aux travaux de la Table des parties prenantes de Transition énergétique Québec, puis évidemment on a été pris par surprise lorsque la décision a été prise d'abolir Transition énergétique Québec. Je peux témoigner que les membres de la Table des parties prenantes n'ont pas été consultés là-dessus, puis on aurait aimé voir une évaluation de la performance de l'organisme avant de statuer, si on veut, sur son rôle.

• (12 heures) •

C'est toujours un... J'attire votre attention sur le fait que, souvent, les groupes comme les nôtres puis les groupes aussi du milieu d'affaires vont participer à des tables comme ça, et on contribue, et c'est des efforts très importants, puis tout d'un coup, d'un trait de crayon, il y a des choses qui sont refaites, et parfois ça devient démobilisant pour les partenaires, bien qu'on comprenne que le plan directeur qui a été adopté va continuer d'être appliqué, ce qui est une excellente chose.

Ce que la Fondation David-Suzuki recommande et, je pense, qui a été amené ici par plusieurs autres groupes, c'est de créer un organisme indépendant, sous forme d'une société d'État ou une autre forme, qui permettrait de regrouper toutes les structures associées à la lutte aux changements climatiques et qui soit doté d'un conseil d'administration indépendant, constitué d'experts de divers enjeux climatiques, avec un pouvoir décisionnel. L'idée, ce serait de dépolitiser, d'une certaine façon, la lutte aux changements climatiques, faire en sorte qu'il y ait une constance dans l'action gouvernementale et un niveau d'ambition élevé.

Je me tourne maintenant à la sixième recommandation, qui est de ne faire qu'un seul fonds, de fusionner le Fonds d'électrification et de changements climatiques et le Fonds de transition, d'innovation et d'efficacité énergétiques. Bien que ces deux fonds-là, peut-être, aient, comment on dirait, des missions un peu différentes, on s'entend, je pense, pour dire que c'est deux fonds qui vont dans le même sens et qui pourraient gérer des programmes en étant constitués d'un seul et même fonds. On n'a pas nécessairement besoin d'avoir deux fonds pour faire ça. Et l'idée aussi là-dedans, c'est d'éviter des situations où les coûts de transaction, dans l'appareil gouvernemental, sont de plus en plus élevés parce qu'il y a de la concurrence entre les ministères, puis on a de la difficulté après ça à aligner les choses pour agir de façon diligente.

Je me tourne maintenant à la septième recommandation...

Le Président (M. Polo) : ...

M. Mayrand (Karel) : Une minute. Parfait. Création d'un comité consultatif. Pour avoir siégé sur plusieurs comités, je peux vous dire que ce qui n'a pas... qui a mal fonctionné par le passé, c'est le manque de ressources, le manque de transparence de ces comités-là et parfois le manque d'expertise.

Il existe un comité, en Angleterre, un comité consultatif qui est doté de pouvoirs beaucoup plus élevés que ceux qu'on a ici, une équipe de 30 personnes qui travaillent pour eux, un budget de 4 millions, je crois, de dollars annuellement.

Si on veut vraiment aller chercher, comment je dirais, là, l'input des gens du milieu, il va falloir donner les moyens, parce que les comités qu'on a eus, malheureusement, étaient un peu... n'avaient pas les ressources pour les ambitions qui leur étaient confiées. Je laisse ma collègue terminer.

Mme Le Berre (Mélanie) : Bien, rapidement, parce qu'on ne va pas avoir le temps d'élaborer pendant cette présentation, mais les deux autres recommandations qu'on avait, c'est, d'une part, de maintenir les deux tiers des revenus du marché du carbone aux transports parce que le secteur des transports est encore très problématique dans la lutte aux changements climatiques, au Québec, et le fait de renforcer la notion d'adaptation aux changements climatiques dans le projet de loi.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Merci pour votre exposé. Maintenant, nous allons débuter la période d'échange. La parole est au ministre.

M. Charette : Je comprenais qu'il y avait 10 recommandations. Il vous en restait deux à... Si vous voulez prendre le temps de nous les présenter, là, soyez bien, bien à l'aise.

Mme Le Berre (Mélanie) : Oui. Bien, dans le fond, je voudrais particulièrement prendre le temps de parler de la notion d'adaptation aux changements climatiques. On salue le fait que le projet de loi inclut, dans sa définition de la lutte aux changements climatiques, la notion d'adaptation, mais on pense qu'elle n'est pas encore assez forte dans le projet de loi.

Quand on regarde que, dans le cours des dernières années, Québec a fait face à trois épisodes d'inondations majeures, à des tempêtes, à un épisode de canicule qui a laissé 62 victimes juste dans le territoire du Grand Montréal... Je ne sais pas si vous avez vu passer aussi, cette semaine, une sortie du Bureau d'assurance du Canada, qui a estimé que l'année 2019 a été la plus coûteuse pour les assureurs au Québec depuis 1998, donc la crise du verglas. Donc, bref, tout ça pour dire qu'on subit déjà les effets des changements climatiques, effets qui vont s'accroître de manière exponentielle dans la prochaine décennie tel que nous disent les experts.

Donc, nous recommandons que le projet de loi n° 44 aille plus loin dans la définition de l'adaptation aux changements climatiques, notamment en rendant obligatoire pour le gouvernement de produire ou de commander, sur une base régulière, une évaluation des risques, au Québec, actuels et futurs, liés aux changements climatiques, qui le forcerait, en fait, à élaborer une stratégie concertée de réduction des risques.

M. Charette : C'est gentil. Merci de votre présence ce matin. Vous êtes effectivement un des groupes incontournables, là, pour discuter de ces questions-là. Quelques éléments... je vous dis déjà qu'on va manquer de temps parce que les questions seraient trop nombreuses, mais quelques éléments, là, qui m'interpellaient davantage, là, pour ce matin.

J'aime l'idée, lorsque vous dites, pour le gouvernement, de se doter de cibles pour lui-même aussi, pour donner l'exemple, en quelque sorte. Il y a des municipalités au Québec qui ont commencé à le faire. On pense à Montréal, notamment. La mairesse était avec nous hier, au cours de la journée. Est-ce que cette cible-là, elle est chiffrée, chiffrable? Comment vous la percevez pour le gouvernement du Québec?

M. Mayrand (Karel) : Il faudrait faire une analyse de vraiment où sont les émissions du gouvernement puis qu'est-ce qui est compressible, qu'est-ce qui ne l'est pas, et tout ça.

Ceci dit, je pense qu'au minimum le gouvernement devrait tenter d'atteindre la cible qu'il exige des grands émetteurs et des citoyens, donc le moins 37,5 %, et voir s'il y a une possibilité d'aller plus loin. Par exemple, d'ici 2010, ça serait relativement faisable pour le gouvernement de modifier sa flotte de véhicules pour aller vers des véhicules zéro émission, de convertir les bâtiments qui sont au mazout ou au gaz naturel vers l'électricité. Je pense, entre autres, aux écoles. On parlait récemment du fait que les écoles n'ont pas de détecteur de monoxyde de carbone, mais, en même temps, je me disais : Mais est-ce qu'on devrait encore chauffer avec du gaz naturel ou du mazout dans nos écoles, au Québec, aujourd'hui?

Alors, il y aurait à se doter d'une cible qui serait réaliste, parce qu'évidemment, à la fin, pour que l'État soit crédible, il doit livrer le résultat. Mais je pense qu'aller à la hauteur de ce qu'on demande au reste de la société, ce serait faire preuve, je pense, d'exemplarité puis de leadership.

M. Charette : Concernant ces mêmes cibles là, que ce soit pour le gouvernement ou la société en général, actuellement, la cible de 37,5 % en 2030, elle a été convenue à travers un débat à l'Assemblée nationale, à travers un vote à l'Assemblée nationale, mais c'était aussi la même chose pour la cible de 2020, qu'on a, de façon assez dramatique, manquée. En quoi l'intégrer dans un projet de loi, ça nous empêche de revivre ce qu'on a manqué? On l'avait votée, la cible de 2020 aussi, mais malheureusement ce n'est pas tant, à mon sens, la volonté d'un gouvernement, la volonté politique que de l'avoir inscrite dans une loi ou de l'avoir fait voter à l'Assemblée nationale.

M. Mayrand (Karel) : Alors, bien, c'est là où c'est toujours difficile de découper les morceaux. Les recommandations qu'on fait dans le mémoire, c'est un peu comme une architecture de plusieurs choses qui vont ensemble puis qui transformeraient la manière de faire les choses au gouvernement, qui mobiliseraient les ressources du gouvernement. Donc, légiférer les cibles en soi, séparément, sans aucun moyen de reddition de comptes, d'imputabilité ou sans des outils comme des budgets carbone ou un test climat, effectivement, ça ne pourrait pas nécessairement avoir l'effet structurant qu'on recherche.

Par contre, si on légifère une cible puis qu'on se donne ensuite un certain nombre de moyens de reddition de comptes, d'imputabilité puis les moyens de le faire, là, à ce moment-là, ça peut être intéressant. Donc, dans le fond, ma réponse, et peut-être tu voudras compléter, ma réponse, c'est : en soi, légiférer la cible, ça implique qu'on va amener aussi d'autres éléments qui en forcent l'atteinte.

M. Charette : On est à essentiellement moins 9 % par rapport à 1990. Donc, en 30 ans, 9 % de diminution. Dans l'intervalle, la population a crû. Dans l'intervalle, le PIB a augmenté, mais n'empêche, 30 ans, moins 9 %. On est à 10 ans de notre prochaine cible établie. Donc, il faut faire un saut de 9 % à 37,5 %. On convient que c'est colossal. Est-ce que c'est la bonne cible malgré tout?

Certains nous demanderaient d'être à 50 % en 2030. Bien honnêtement, ce serait très, très facile pour nous, encore une fois, de dire : Notre cible, c'est 50 % en 2030. Mais là on satisfait quelques individus, mais on sait fort bien qu'on n'y parviendra pas. Si on se donne tous, tous les moyens nécessaires pour que le 37,5 % soit un minimum pour 2030, est-ce que c'est déjà une cible qui est très ambitieuse et souhaitable?

• (12 h 10) •

M. Mayrand (Karel) : Il y a deux éléments de réponse. Le premier élément, c'est : les cibles, elles sont dictés par la science. Donc, dans le fond, c'est mathématique, hein, c'est les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère puis le temps qu'il nous reste avant de dépasser 1,5°, 2°. Donc, ça, on est un peu captifs de la science là-dessus.

Maintenant, effectivement, c'est facile pour un gouvernement de mettre des cibles pour 2050 ou de mettre n'importe quelle cible pour 2030 puis ensuite de laisser le temps passer. Et donc, là-dessus, pour nous, ce qui est important, c'est de dire : On aspire, oui, à la cible qui est fixée par la science, mais il faut se donner les moyens d'y arriver, et donc c'est... Puis on est rendus maintenant à redoubler d'ardeur parce que peut-être que... autant les entreprises, les citoyens que les gouvernements successifs, ça a été plus facile de reporter, si on veut, les décisions à plus tard.

Donc, ce qu'on cherche à voir, c'est un signal qu'on ne va pas encore reporter l'action concrète. Et donc c'est pour ça qu'on pense que le projet de loi devrait rehausser le niveau d'ambition dans tout ce qui est mobilisation de l'appareil gouvernemental parce que, je pense, ce qu'il y a dans le projet de loi pourrait ou non accélérer le rythme des choses mais peut-être pas au niveau où on a besoin de le faire. Et là, là-dessus, bien, des débats de cibles, on pourrait les faire pendant longtemps, mais, pendant ce temps-là, on n'a pas convaincu les Québécois d'agir puis on n'a pas proposé les solutions.

Et là il y a un travail énorme à faire, pour l'État du Québec, de sensibiliser la population, parce que la population s'attend à des gestes mais, en même temps, des fois, va avoir des sensibilités par rapport à certains gestes qui vont modifier les habitudes de vie ou qui vont toucher le portefeuille, et souvent c'est à ce moment-là que le gouvernement va reculer. Et là on ne peut pas danser ce tango-là encore pendant 20 ans. Il faut vraiment être capable... que quelqu'un ait le leadership de dire : Écoutez, on va faire chacun un pas en avant; des fois, ça ne sera pas facile, mais il faut le faire. Puis je pense qu'on est rendus là, il faut communiquer concrètement parce que, pour les cibles, les structures, les choses comme ça, les citoyens, les citoyennes ne comprennent pas nécessairement de quoi on parle, là.

M. Charette : Tout à fait. C'est très, très juste. C'est pour ça, l'importance que l'on veut accorder au comité indépendant majoritairement de scientifiques et au Commissaire au développement durable. Hier, on l'a reçu. Je lui ai donné, en quelque sorte, la vision du gouvernement, c'est-à-dire il a déjà un mandat; je lui ai dit : C'est important de le maintenir. Donc, à tout moment, le Commissaire au développement durable peut produire des rapports sur l'évaluation, l'appréciation qu'il fait en matière de développement durable.

Mais le projet de loi vise à lui en donner un autre, c'est-à-dire évaluer notre performance. Et le comité scientifique a aussi ce mandat-là, à travers des rapports que l'on souhaite et qu'on exigera publics, pour que cette pression-là... pour éviter les erreurs du passé, c'est-à-dire, on se donne un plan, puis, à la veille de l'échéance, on se dit : C'est plate, on n'y arrivera pas.

Là, à chaque année, on veut ces bulletins-là de deux sources complètement, complètement indépendantes pour mettre de la pression constructive sur le gouvernement pour éviter de reprendre les cycles passés. Ça, c'est quelque chose de nécessaire, selon vous?

M. Mayrand (Karel) : Tout à fait. Tout à fait, puis ça doit forcer une certaine cohérence dans les prises de décision du gouvernement.

Puis je vais seulement vous illustrer, vous donner un exemple. Si, par exemple, dans notre plan de... la Politique de mobilité durable, on dit qu'il faut densifier nos milieux puis faire un développement axé sur les transports collectifs, notre politique... en fait, notre plan d'action sur les changements climatiques va probablement s'inspirer de ça. Mais quand la Société des alcools du Québec décide d'implanter une nouvelle succursale, ils la mettent sur le bord de l'autoroute. Alors, vous comprenez, le principe qu'on a, c'est qu'il ne faut plus que la main droite et la main gauche du gouvernement fassent des choses qui vont à l'encontre l'une de l'autre.

Et souvent le Commissaire au développement durable ou le Vérificateur général vont regarder, par exemple, comment on dépense l'argent du Fonds vert ou ils vont regarder un morceau, et c'est utile, mais il faudrait regarder aussi l'ensemble des politiques gouvernementales, est-ce qu'elles sont cohérentes, compatibles avec les objectifs qu'on s'est fixés.

Et c'est pour ça qu'on proposait d'instaurer soit une forme de test climat ou une forme, comment je dirais, d'évaluation dans les décisions qui oblige l'ensemble de l'appareil gouvernemental à se poser la question : Est-ce que ce que je fais nous expose plus aux changements climatiques en termes d'augmentation des émissions, mais aussi en termes de vulnérabilité aux changements climatiques? On pense aux milieux humides, on pense à...

Le Président (M. Polo) : M. le ministre, juste avant de poursuivre, compte tenu qu'on... il faudrait le consentement de tout le monde pour qu'on déborde d'à peu près six, sept minutes. On est tous d'accord?

M. Charette : Consentement. Volontiers.

Le Président (M. Polo) : Parfait. Poursuivez.

M. Charette : Merci pour le consentement. D'ailleurs, je vous le disais, le temps allait manquer de toutes les façons. Je comprends.

Il y a un principe d'imputabilité qui est très précieux dans l'esprit du projet de loi que l'on propose. Vous n'êtes pas les premiers à questionner le choix, là, qui est proposé à l'égard de TEQ. On comprend les arguments qui nous ont été partagés, mais je vous explique un petit peu le pourquoi. C'est le manque d'imputabilité. On souhaite, par exemple, à travers vos propos, un TEQ plus, possiblement, ou sinon un TEQ complètement indépendant. J'en suis, je comprends les arguments qui peuvent être invoqués, mais quand on insiste sur l'indépendance d'une instance, c'est de voir où est le degré d'imputabilité. Encore une fois, on peut avoir des bonnes intentions, mais, si on n'a pas de chien de garde ou si on n'a pas d'imputabilité directe, comment s'assurer de l'atteinte des résultats?

Puis une petite, petite parenthèse, vous avez bien fait de le dire, au niveau de TEQ, naturellement, le plan directeur, et tout ça, on le fait nôtre. Donc, il n'y a aucune, aucune intention de renier l'excellent travail qui a été fait à ce niveau-là. Mais la question de l'imputabilité... Comment s'assurer que la bonne idée soit accompagnée de résultat et qu'il y ait quelqu'un qui puisse soit écoper, parce que le résultat n'est pas atteint, ou, au contraire, reconnaître les mérites, là, de l'action posée?

M. Mayrand (Karel) : Bien, ma réponse va être très, très simple. Je pense que le président d'Hydro-Québec, ou le président de Loto-Québec, ou les autres sociétés d'État, ou de la Caisse de dépôt et placement sont imputables, doivent atteindre une performance, sont imputables envers leurs conseils d'administration, mais ultimement envers l'État, et ils sont forcés d'atteindre des résultats, sinon, bien, évidemment, ils doivent rendre des comptes. Donc, je pense que cette notion-là d'imputabilité, elle existe déjà dans des sociétés d'État au Québec. Et on a des sociétés d'État qui fonctionnent très bien, je pense, et on pourrait s'en inspirer. Il y a une longue expérience là-dessus. Donc, cette notion-là d'imputabilité ne m'inquiète pas trop.

M. Charette : Au niveau des transports, là aussi, plusieurs ont questionné le pourquoi du deux tiers. Moi, je ferais le parallèle avec l'autre point... en fait, ça, c'est votre point 8, je ferais le parallèle avec votre point 9 au niveau de l'adaptation aux changements climatiques. On a eu la même conversation avec M. Bourque d'Ouranos, un petit peu plus tôt, il y a plusieurs domaines qui vont nécessiter une action de l'État et qui vont nécessiter un financement de l'État. Le transport, qui est capital, c'est notre premier défi en termes de sources d'émissions, est à 43 %. Mais financer une structure de transport collectif, comme le gouvernement s'est engagé à le faire, et le gouvernement réitère son intention de tendre vers le 50-50, c'est-à-dire 50 % en transport collectif, 50 % au niveau du réseau routier, c'est des milliards, on s'entend, ça peut être financé de différentes sources, ça peut être planifié à travers le PQI notamment.

Mais, lorsque vient le temps de financer l'adaptation aux changements climatiques, ça prend aussi beaucoup de sous, mais malheureusement c'est des sources de financement qui sont plus difficiles à obtenir à travers un PQI, par exemple. C'est la raison pour laquelle, à travers le projet de loi, on propose non pas renier le deux tiers mais se donner la possibilité d'évaluer comment mieux financer une initiative. Le transport collectif, je pense que le prochain budget sera assez révélateur à ce niveau-là, mais ça ne doit pas être financé uniquement à travers le FECC, parce que le FECC en entier pourrait aisément même être largement insuffisant pour le financer.

Donc, c'est la raison pour laquelle... Je comprends l'inquiétude, mais il ne faut pas y voir une intention du gouvernement de diminuer nos efforts à l'égard du transport collectif. Au contraire, on veut le faire, mais on veut être sûrs que d'autres missions incontournables, qui ont été beaucoup négligées, notamment au niveau de l'adaptation aux changements climatiques, puissent aussi se voir reconnaître une certaine importance. Je vous lance un petit peu l'esprit gouvernemental derrière ça, mais, peut-être, commentez un petit peu par rapport à vos inquiétudes.

M. Mayrand (Karel) : Oui. Bien, écoutez, si vous lisez bien notre recommandation, on a recommandé de conserver les deux tiers ou d'établir un financement équivalent, prévisible, pérenne et garanti de la mobilité durable. L'idée là-dedans, c'est qu'il y a eu des fluctuations par le passé, et, quand on investit en transport collectif, que ce soient les agences de transport, les municipalités, les acteurs ont besoin d'avoir une certaine prévisibilité du financement, et les usagers, parce que, sinon, il y a un yoyo dans les services, hein, l'autobus ne passe plus régulièrement, il y a moins de fréquence, des choses comme ça. Et c'est pour ça qu'on n'est pas opposés à ce qu'il y ait d'autres sources de financement. Au contraire, plus il va y avoir de financement en transport collectif ou en lutte aux changements climatiques, mieux ça va être. Mais, par le passé, les gouvernements ont souvent coupé dans les transports collectifs. Ça a été un des endroits qui a été coupé, par exemple, dans les années 90. Donc, on aimerait s'assurer que ce qu'on enlève dans le FECC est remis ailleurs et qu'on conserve un financement accru pas seulement en immobilisation, mais aussi en opération des transports collectifs.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Maurice-Richard.

• (12 h 20) •

Mme Montpetit : ...M. le Président. Bonjour à vous trois. Merci de vous être déplacés et d'avoir préparé votre mémoire. Nous en sommes à la troisième journée des consultations. J'imagine, vous avez entendu les groupes. C'est intéressant de voir qu'il y a certains consensus qui se dégagent. Notamment, on vient de parler de la question de l'obligation légale d'allocation du deux tiers du Fonds vert aux transports. Nous, c'est quelque chose aussi... on a des préoccupations importantes par rapport à ça, on les a soulignées.

Et aussi j'étais contente de vous entendre sur TEQ notamment. Puis vous le mentionnez bien, dans votre mémoire, où, vous dites, vous êtes perplexes devant l'absence d'analyse qui justifie cette décision. On est aussi, vous imaginez bien, très perplexes par rapport à ça, surtout qu'il y a des groupes qui sont venus aussi nous confirmer que c'est une société d'État qui fonctionne bien, qui était efficace, qui était agile, qui faisait ses preuves, alors que... avec, tu sais, un plan directeur sérieux. Je pense que c'est important, au-delà de la décision, vous soulignez aussi toutes les années de travail qui ont... toute l'énergie qu'il y a derrière la mise en place de cette nouvelle structure là puis l'argent également qui a été dépensé, et là on revient à zéro, dans le fond, on retourne dans le passé. Mais, en tout cas, tout ça pour dire que je pense qu'à ce niveau-là il y a une certaine communauté de pensée.

J'aurais aimé ça vous entendre sur la question du... vous avez parlé du test climat. Il y a d'autres groupes qui nous ont parlé d'un réflexe climat aussi, là, je pense que ça se recoupe. Ce que je comprends, c'est que vous souhaiteriez qu'au niveau, par exemple, du Conseil des ministres, à chaque fois qu'il y a un projet d'infrastructure qui est évalué, qui est proposé ou à chaque fois qu'il y a un engagement, que ce soit infrastructure ou financier, dans le fond, qu'il soit évalué avec une évaluation d'impact sur les changements climatiques, dans le fond.

M. Mayrand (Karel) : Peut-être commencer...

Mme Le Berre (Mélanie) : Vas-y.

M. Mayrand (Karel) : Bien, en fait, ça se fait déjà, hein? On a déjà cette règle-là, par exemple, des mémoires au Conseil des ministres sur l'impact sur les finances publiques. On l'a, par exemple, sur l'impact sur la pauvreté. On pense que ça serait probablement le temps de se donner une mesure semblable sur l'impact sur, je dirais, à la fois la vulnérabilité aux changements climatiques et les émissions de gaz à effet de serre, parce qu'il y a deux choses qu'on ne peut plus nier, là, la question de l'adaptation... Il y a différentes façons de le faire, et c'est évident que, là, on pourrait creuser beaucoup plus. Je vais laisser ma collègue vous en parler un peu plus.

Mme Le Berre (Mélanie) : Oui. Bien, dans le fond, c'est une question assez technique, mais ce que je trouverais intéressant, c'est que le projet de loi puisse s'inspirer des exemples internationaux. Il y a plusieurs pays qui ont déjà travaillé sur ce genre de mécanismes, comment les intégrer dans la loi.

Donc, nous, on a pris le temps, pour l'élaboration de notre mémoire, d'étudier un peu ce qui a été recommandé, notamment en France, par le Haut Conseil pour le climat, qui est donc un peu leur comité consultatif indépendant et permanent. Puis eux, ils ont fait une analyse, justement, de ce qui se fait au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie. Il y a un rapport très intéressant de l'IDDRI, en France, l'Institut du développement durable, que je vous encourage à lire là-dessus, qui va dans des questions assez techniques.

Mais l'idée, c'est vraiment d'essayer d'imaginer, au sein même de la loi, un mécanisme qui puisse permettre, d'une part, de définir quelles lois ou grandes mesures devraient être évaluées en regard du climat. Donc, je pense qu'il faut être réaliste. Ce n'est pas réaliste pour l'appareil d'État d'imposer une évaluation climat pour absolument toutes les lois et toutes les mesures. Donc, je pense que le mécanisme d'évaluation doit avoir une première étape de... comme ce qu'on peut appeler un peu une gare de triage, c'est-à-dire avoir un mécanisme qui puisse, par exemple, intégrer des consultations publiques pour pouvoir, justement, consulter les parties prenantes et définir, pour, par exemple, tel ministère qui porte telle loi, en quoi est-ce que telle loi devrait ou non être évaluée pour son impact, négatif ou positif, d'ailleurs, sur la lutte aux changements climatiques.

Puis après ça il y aurait une deuxième étape qui serait l'évaluation en elle-même, puis là le projet de loi pourrait aller aussi, encore une fois, définir un peu plus spécifiquement qu'est-ce que ça devrait être, cette évaluation. Et donc le projet de loi pourrait, par exemple, avoir, soit au sein du projet de loi en lui-même ou dans un règlement, la méthodologie d'évaluation, donc accompagnée de grands principes. Donc, par exemple, dans notre mémoire, je pense qu'on parlait de grands principes comme le fait d'avoir une autorité indépendante qui puisse attester que les études d'impact qui sont effectuées sont de qualité, que ça soit un mécanisme transparent. Donc, il y a des grands principes qui pourraient être nommés comme ça dans la loi.

Et je pense que l'autre élément qu'on pense essentiel, c'est qu'une fois qu'on a mis en place ce mécanisme d'évaluation... Ça, ça voudrait dire que ça serait un mécanisme, par exemple, qui évaluerait une loi, un projet de loi avant qu'il soit adopté par le Parlement, mais donc ça, ça veut dire qu'une fois que la loi serait adoptée, potentiellement, elle aurait évolué, donc il faudrait qu'il y ait un mécanisme qui puisse aussi permettre d'évaluer cette loi dans sa version finale, voire même de façon régulière dans le temps, pour qu'on puisse... dans le fond, pour que ça puisse devenir un mécanisme pour le gouvernement, pour lui-même évaluer, en fait, l'impact de ses propres mesures et lois sur la lutte aux changements climatiques.

Mme Montpetit : Merci. Merci beaucoup. Vous avez abordé aussi, dans votre présentation, la... je pense, je vais encore faire parler Mme Le Berre, mais la question du budget carbone. Vous l'avez effleurée, vous souhaitiez y revenir. Je pense que, pour le bénéfice de tous, là, si vous pouviez nous expliquer votre... parce qu'il y a différentes définitions aussi de comment c'est abordé, c'est appliqué de différentes façons dans différents pays aussi. Si vous pouviez nous... Vous, votre perception par rapport à ça, quelle est-elle?

Mme Le Berre (Mélanie) : Bien, dans le fond, je pense que ça répond bien à toute la première conversation qu'on a eue avec M. le ministre en début de discussion ici. À partir du moment où on veut légiférer des cibles, l'idée, c'est vraiment de graver dans le marbre notre objectif ultime sur les dernières recommandations scientifiques. Ça, je pense qu'on s'entend tous là-dessus. Après ça, ce qui est le plus difficile, c'est la question d'opérationnaliser ça, comment est-ce qu'on s'assure qu'effectivement on ne reproduit pas les mêmes erreurs que par le passé, c'est-à-dire que, finalement, le temps avance, puis on se rend compte qu'on a du mal à avancer aussi vite que prévu.

Nous, on a beaucoup analysé ce qui s'est fait notamment au Royaume-Uni parce que c'est un modèle qui existe depuis 2008, donc on a déjà un certain recul sur ce qui s'est fait. On sait déjà que les deux premiers budgets carbone qui ont été fixés ont été atteints et même ont été plus loin que ce que les budgets carbone demandaient. Donc, l'idée, en fait, d'un budget carbone, il faut le voir comme, en fait, un système un peu de budget juste financier, tout simplement. Ce n'est vraiment pas plus compliqué que ça. C'est vraiment un outil de reddition de comptes pour le gouvernement.

Donc, par exemple, au Royaume-Uni, ce que la loi exige, c'est que le gouvernement doit produire, en fait, par rapport à ses cibles. Donc là, mettons, je pense que, d'ici 2030, le gouvernement du Royaume-Uni a une cible de moins 57 % ou quelque chose comme ça. L'idée, c'est qu'ils ont des périodes de cinq ans dans lesquelles, en fait, ils répartissent leurs efforts, donc, d'ici aujourd'hui jusqu'à une certaine période donnée, puisqu'on a déjà les chiffres qui sont donnés par les scientifiques... d'ici 2030, il faut couper de moitié, en gros, mondialement puis, d'ici 2050, il faut essayer de se rapprocher le plus possible de la carboneutralité. Donc, puisqu'on connaît notre objectif final, bien, divisons sur des périodes de cinq ans, quatre ans, selon les pays, bien, c'est quoi, les efforts qu'on veut mettre à chaque période.

Puis ce que le projet de loi peut faire, c'est... Justement, par exemple, au Royaume-Uni, il propose de... en fait, il exige que le gouvernement fasse cet exercice au moins 12 ans en avance par rapport à une période donnée. Donc ça, ça veut dire que ça permet aussi à l'ensemble des parties prenantes, notamment au secteur économique, d'anticiper, en fait, ce qui s'en vient.

Puis ce qui est assez fort, en fait, dans ce processus-là... C'est sûr que, là, comme disait Karel, on parle de nos recommandations un peu en silo, mais tout ça, ça se parle. Donc, par exemple, notamment au Royaume-Uni, leur comité d'experts indépendant doit conseiller le gouvernement sur comment est-ce qu'on fixe les budgets carbone, donc sur quel budget carbone doit être fixé pour quelle période, et comment les différents secteurs d'activité sont impactés par ce budget carbone. Donc là, le comité d'experts vient en plus appuyer le gouvernement, puis après c'est le Parlement, au Royaume-Uni, qui fixe le budget carbone pour une période donnée.

Après ça, le projet de loi, lui, ce qu'il dit, c'est que le gouvernement, en fait, n'a pas le droit de dépasser ce budget carbone, puis, s'il le dépasse, il faut qu'il l'explique devant tout le Parlement, ce qui permet d'avoir des commissions parlementaires qui discutent de ce sujet de façon régulière, en fait. Puis c'est pour ça, en fait, qu'à date ça fonctionne au Royaume-Uni. Donc, pourquoi ne pas s'en inspirer?

Le Président (M. Polo) : Une minute.

Mme Montpetit : Merci beaucoup... Ah! bien, vas-y...

M. Kelley : Juste très, très rapidement sur le deux tiers. Si ce n'est pas deux tiers qui est indiqué dans la loi, est-ce que c'est toujours important d'avoir un montant réservé, si c'est 50-50 ou un tiers?

M. Mayrand (Karel) : Oui, c'est important d'avoir un montant prévisible. Est-ce que ça doit être dans le projet de loi n° 44, ou dans le budget, ou les deux? Ça, là-dessus, je ne peux pas vous répondre. Partout, ça serait bien.

M. Kelley : Merci.

Le Président (M. Polo) : Merci. Mme la députée de Mercier.

• (12 h 30) •

Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup. Ce que vous décriviez pour le Royaume-Uni, moi, je suis jalouse, là, à entendre tout ça. Puis je pense que vous parliez d'une étude, je ne sais pas si c'est possible de la déposer aussi, même si elle doit être disponible sur Internet. Donc, je ne sais pas comment... on demande le consentement, pour nous éclaircir.

Puis, par rapport au budget carbone aussi, c'est très bien de dire que c'est un budget financier. Il ne reviendrait jamais à l'idée de personne... d'une personne raisonnable, et, encore plus, on a un premier ministre comptable, de dire : Bien, on se fixe un objectif de réduire les coûts, d'ici 2030, de 37,5 %, puis après ça on ne fait pas de budget carbone puis une obligation. Donc, tout ça, c'est très clair, je pense, pour tout le monde. Parce que, quand on en parle, des fois, ce n'est pas... les gens, ils disent : C'est quoi? Mais là vous l'expliquez bien.

On a parlé de l'abolition de la règle du deux tiers, l'abolition de TEQ. Vous avez eu l'échange tout à l'heure avec le ministre de l'Environnement. J'aimerais vous entendre. Est-ce que, selon vous, le projet de loi n° 44, tel qu'il est, est-ce qu'il permet de répondre à l'urgence climatique ?

M. Mayrand (Karel) : Le projet de loi n° 44, tel qu'il est, fait un tour de vis, c'est-à-dire il fait des modifications à l'action gouvernementale en restant un peu dans le cadre dans lequel on a toujours été. Donc, c'est une évolution. On n'est pas dans une réforme majeure. Et là j'espère ne pas avoir raison là-dessus, mais ça va être très, très difficile, encore une fois, de mobiliser l'appareil gouvernemental pour atteindre les cibles qui sont exigées par la science.

Il faut comprendre, là, que ça ne s'est jamais fait, hein, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de, je ne sais pas, là, 8 % par année globalement et tout ça. Le niveau d'effort que ça demande, puis je pense que la comparaison n'est pas mauvaise, hein, c'est l'équivalent du plan Marshall, ou des fois on parle d'économie de guerre, de la Deuxième Guerre mondiale où, tu sais, on est dans des ordres... On est rendus dans des ordres de grandeur où, des fois, on a l'impression qu'on est dans l'hyperbole, là, mais non, c'est vraiment... Et donc, c'est évident que notre appareil gouvernemental n'est pas conçu pour agir comme ça, sauf en situation de crise, où là, vraiment, on arrête tout puis on fait quelque chose.

Et donc, le projet de loi n° 44 ne nous met pas dans une situation où on arrête tout, ce n'est pas ce qu'on veut non plus, mais on n'est pas dans la mobilisation générale, là, en anglais on dit souvent «all hands on deck». On ne sent pas que tout le monde dans l'appareil gouvernemental, à partir de l'adoption du projet de loi, va être aligné pour atteindre les cibles. C'est ce qu'on aimerait voir.

Mme Ghazal : Et pour y arriver, c'est ce que vous mentionniez, budget carbone, mettre les cibles et d'autres, par exemple. Puis je voulais vous amener sur le comité consultatif. Bon.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Mercier, la parole est au député de Jonquière. Merci.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Évidemment, il y a plusieurs éléments dont vous faites mention, notamment le budget carbone, qui se retrouve dans le projet de loi n° 194 que j'ai eu l'occasion de déposer. C'est un moment extrêmement important que nous avons avec ce projet de loi n° 44. Un peu la même question que j'ai posée tout à l'heure à M. Mousseau, vous, vous dites, c'est un, pour reprendre votre expression, c'est un tour de vis de plus, là. Bon, rendus là, là, on est-u mieux de faire le tour de vis de plus ou de retourner à la table à dessin, tu sais, ou un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ? Bon, on n'a pas la totale, mais au moins, on a un premier tour de vis de la CAQ. Donc, qu'est-ce qu'on fait ?

M. Mayrand (Karel) : C'est une occasion. On est à un point tournant, je pense, et il faut absolument se donner les moyens d'agir. Puis je pense que le dilemme du gouvernement puis de tous les gouvernements en ce moment, c'est l'exécution rapide. Donc, rapidement, d'arriver avec des moyens qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre et, en même temps, des grandes réformes qui vont permettre de transformer la façon dont on fait les choses. Avec le projet de loi n° 44, je pense qu'on est allés sur rapidement aller faire des gestes qui vont permettre d'aller... peut-être d'accélérer les choses, mais ça ne nous amène pas au niveau où on devrait l'être.

Donc, je ne jetterais pas le bébé avec l'eau du bain, mais certainement qu'on ne peut pas se dire, si le projet de loi est adopté tel quel, ça va nous mener automatiquement aux cibles de 37,5 % ou plus loin. On va devoir faire des réformes qui vont plus en profondeur que ça.

M. Gaudreault : Autrement dit, sentez-vous qu'on a, face à nous, un projet de loi ordinaire pour un problème extraordinaire ? C'est comme si ce gouvernement, et via ce projet de loi, ne mesure pas l'ampleur du problème, mais c'est un projet de loi qui ne va pas à la hauteur de ce que le gouvernement devrait faire comme action, au moins en matière de gouvernance.

M. Mayrand (Karel) : Pour aller plus loin, il faudrait se donner plus de temps, et donc il y a des enjeux là-dessus. Je pense qu'on a besoin d'aller plus loin, oui. Puis je vais répéter ce que j'ai dit, en fait, c'est que le projet de loi, sous sa forme actuelle, ne va pas assez loin pour garantir la mobilisation dont on a besoin, mais fait un pas en avant qui va permettre d'accélérer certaines choses. Mais dans un moment crucial comme en ce moment, je pense qu'on devrait continuer la réflexion pour aller encore plus loin.

Le Président (M. Polo) : En conclusion.

M. Gaudreault : Bien, en conclusion, écoutez, je veux vous remercier de votre présence. Continuez d'être actifs. Je suis très préoccupé par le fait que vous avez dit aussi que les parties prenantes n'ont pas été consultées lors de l'abolition de TEQ, là. On n'a pas eu le temps d'en parler ici, mais le message a été entendu. Merci.

Le Président (M. Polo) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

(Reprise à 14 h 03)

Le Président (M. Polo) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous demande de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières pour le projet de loi n° 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace dans la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification.

Cet après-midi, nous entendrons M. Pierre-Olivier Pineau, professeur titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal, c'est bien ça, par la suite, le Conseil du patronat du Québec, Propulsion Québec, Hydro-Québec et enfin le Conseil patronal de l'environnement du Québec.

Je souhaite donc la bienvenue à M. Pineau. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes comme temps de parole pour votre exposé et, par la suite, suivra une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

M. Pierre-Olivier Pineau

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Donc, Pierre-Olivier Pineau de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie, HEC Montréal.

Je vais vous présenter un mémoire que ma collègue Johanne Whitmore et moi-même avons préparé ces derniers temps. Il est dans la lignée du mémoire qu'on avait déposé, il y a presque quatre ans, pour le projet de loi n° 106, qui avait été discuté auparavant, ce qui présidait notamment à la création de TEQ, et il y avait plusieurs... de Transition énergétique Québec. Il y avait plusieurs éléments que nous soulevions à l'époque pour le projet de loi n° 106. J'en relèverais deux qui sont, d'après nous, extrêmement importants.

Le premier, c'est... la coordination entre les ministères était un enjeu qu'on soulevait pour le projet de loi n° 106. Avec la création de TEQ, on trouvait qu'il y avait un... il y avait toujours des enjeux au niveau de la coordination entre les ministères dans la lutte contre les changements climatiques et la transition énergétique et aussi un risque de politiser la gouvernance avec la création de TEQ, qui est un organisme indépendant mais qui, d'après nous, n'était pas assez indépendant du gouvernement.

Donc, c'étaient des principes qui nous animaient il y a quatre ans, qui nous animent toujours. Aujourd'hui, on a... Bien, aujourd'hui, on est dans un... Avant le projet... Avant la loi n° 44, on est dans une situation où on a le conseil... Le gouvernement Couillard, en même temps qu'il a créé TEQ, il a créé le Conseil de gestion du Fonds vert, et donc il y avait un problème de gouvernance parce que ces deux organismes-là n'étaient pas conçus pour travailler de manière coordonnée et harmonieuse.

Donc, on s'entend que la gouvernance était problématique au niveau de la transition énergétique et de la lutte contre les changements climatiques, d'autant plus que, quand vous regardez les données... et, dans la Chaire de gestion du secteur de l'énergie, on regarde beaucoup les données énergétiques, on s'aperçoit que, quand on regarde les changements... les émissions de GES, c'est essentiellement, en grande partie, l'énergie, notamment dominée par le pétrole, et le pétrole, c'est le transport, et le transport, eh bien, c'est aussi... on a aussi un plan de mobilité durable qui est indépendant de notre plan de lutte contre les changements climatiques et indépendant du plan de transition énergétique. Et donc l'éparpillement de la gouvernance et de la coordination entre ministères était là, est là aujourd'hui et, évidemment, ne se résout pas aujourd'hui complètement avec le projet de loi n° 44. Et évidemment, quand on parle de transport, qui est l'essentiel du secteur où on consomme le pétrole, le transport est éminemment dépendant de l'aménagement du territoire, qui relève d'un autre ministère. Et, encore une fois, pour une gouvernance unifiée, on souhaiterait avoir un peu plus de coordination.

Évidemment, le projet de loi n° 44 résout plusieurs enjeux qui sont existants aujourd'hui. Donc, on accueille quand même avec beaucoup de positivisme la résolution d'enjeux avec le fait qu'on a une certaine centralisation des responsabilités au niveau du ministère de l'Environnement. Donc, on pense que c'est une bonne chose d'établir clairement des responsabilités, chose que le ministre, jusqu'à ce jour, n'avait pas... n'a jamais eu aussi clairement.

Au fond, on accueille bien le fait qu'il y ait une politique-cadre qui soit déterminée, donc, par le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Et on pense donc qu'il y a plusieurs avancées positives dans le projet de loi n° 44, justement, pour rassembler, même si nous pensons qu'il faudrait rassembler davantage encore, notamment au niveau du transport, au niveau de l'aménagement du territoire, parce qu'il y aura forcément des enjeux qu'une politique-cadre sur les changements climatiques... des enjeux qui toucheront le secteur du transport et de l'aménagement du territoire, et il va falloir trouver des mécanismes, et ces mécanismes-là ne sont pas encore inclus, même s'il y a certains mécanismes, en termes de l'articulation de ce que Transition énergétique Québec ou le Plan directeur de la transition fait... va mieux s'articuler dans la politique-cadre que le ministère va mettre de l'avant. On a donc quelques bémols, notamment, donc, sur le fait qu'on n'a pas encore réuni l'ensemble des éléments dans une gouvernance qui serait plus intégrée avec les grands secteurs que j'ai mentionnés, transport et aménagement du territoire.

La reddition de comptes était problématique avant la création du Conseil de gestion du Fonds vert et elle va rester problématique, à mon avis, tel que le projet de loi n° 44 est énoncé, parce qu'il y a un certain éparpillement. C'est sûr que le ministre et le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques auront plus de responsabilités, mais il reste qu'il y aura une certaine délégation de la reddition de comptes. Quand le ministère va donner, déléguer certains programmes à des organismes, c'est eux qui vont être en charge de la reddition de comptes. Le Vérificateur général, à travers le Commissaire au développement durable, aura aussi un oeil à dire sur la manière dont se passent les choses. Le comité-conseil, le comité consultatif, jusqu'à un certain point, aura aussi son mot à dire. Et on a un éparpillement de la reddition de comptes qui, encore une fois, pourrait devenir problématique parce qu'on pourrait ne plus savoir à qui demander quoi.

• (14 h 10) •

Un autre bémol que j'ai, c'est celui de... enfin, que nous avons à la chaire, c'est celui du mot «électrification», qui est placardé un peu partout et, à mon avis, à mauvais escient. L'électrification est un moyen qui va servir extrêmement bien la transition énergétique, l'électrification va évidemment être au coeur de la transition, mais ce n'est qu'un moyen et non pas une fin en soi, un objectif. Et il faut pouvoir communiquer de manière extrêmement claire à la population quels sont les objectifs, qu'est-ce qu'on veut faire. On ne veut pas électrifier, on veut décarboniser, on veut rendre le Québec plus riche. Mais électrifier, c'est probablement une très bonne chose dans plein de cas, mais ce n'est pas ce qu'on veut faire de manière dogmatique. Et je pense que c'est... en fait, ça porte préjudice aux efforts de la lutte contre les changements climatiques de présenter l'électrification comme une solution. Même pour Hydro-Québec, ça lui porte préjudice parce qu'on va probablement lui demander plus que ce qu'elle peut livrer à court terme et faire croire qu'elle peut résoudre plus de problèmes que ce qu'elle peut réellement résoudre. Alors, c'est un problème.

Donc ça m'amène directement à nos grandes recommandations. J'en aurai quatre. Le première est directement en lien avec ce que je viens de dire. C'est simplement, et ça serait très facile, simplement renoncer au mot «électrification» dans tous les titres qu'on a. Vous l'enlevez complètement, et puis voilà, c'est réglé. Vous pouvez le remplacer par «efficacité» à mon avis. «Efficacité», ça serait un meilleur choix si on devait mettre quelque chose. Mais de façon plus simple encore, économisons les mots, enlevons ça.

Il faut une reddition de comptes plus unifiée, donc de trouver un moyen... Et, à la chaire, on n'a pas de solution particulière qu'on privilégie. Il y a plusieurs manières de faire de la reddition de comptes. Nous ne sommes pas une chaire de gouvernance en tant que telle, mais nous pensons qu'il faut unifier parce qu'éparpiller avec différentes entités qui doivent se prononcer sur est-ce qu'on fait bien les choses, ce n'est pas optimal, à notre avis.

Il faut aussi trouver une manière, en fait, d'avoir une collaboration interministérielle plus élargie. C'est évident que le ministre et le ministère auront des avis à donner à tous leurs collègues. Maintenant, est-ce que des avis sont suffisants? Quand on développe, au ministère des Transports, une politique de mobilité durable, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, justement, de l'intégrer directement de manière plus formelle, de la même manière qu'on a développé un plan directeur de la transition énergétique qui est, jusqu'à un certain point, du moins dans ma perspective, largement redondant avec le futur plan d'électrification et de changements climatiques? Parce que ce sont des plans qui auraient dû être conçus de manière plus unifiée, plus intégrée, de façon similaire pour l'aménagement du territoire.

Et dernière recommandation, dont je n'ai pas touché mot encore, c'est la... Il y a deux comités consultatifs qui sont créés, un pour les questions de changements climatiques et un pour la transition énergétique. Je recommanderais... nous recommanderions de faire un seul comité consultatif pour simplement unifier les forces. C'est largement le même problème, celui de la transition énergétique et celui de la lutte contre les changements climatiques. Il y a certains enjeux qui ne sont pas équivalents. Il y a des émissions de gaz à effet de serre qui sont de source non énergétique, de processus, et donc là, jusqu'à un certain point, tout le développement industriel pour ces procédés en industrie ou en agriculture sont directement touchés, et ça va donc toucher d'autres ministères. Mais, comme il faut intégrer tout ça, si on multiplie les comités consultatifs, encore une fois, on multiplie les possibilités de dissonance et de direction... de divergence, en fait, et je ne pense pas que ça soit utile de multiplier les possibilités de divergence.

Donc, encore une fois, réunir, donner plus... donner des moyens à ces comités consultatifs pour qu'ils aient la possibilité de faire leur travail. Et c'est ce qui conclut mon petit aperçu de notre mémoire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Charette : Merci, M. le Président. M. Pineau, un réel merci d'être avec nous cet après-midi. D'ailleurs... d'abord, c'est-à-dire, mes excuses, je suis avec une petite minute de retard, une petite urgence à régler. Mais très apprécié, très apprécié. On a eu l'occasion de se parler à quelques reprises dans le passé, et je comprends très bien soit les propositions que vous faites... là où vous êtes davantage en phase avec le projet de loi.

J'aurais le goût de commencer sur la question des comités. Vous avez conclu avec cette question-là, qui est fondamentale. Là, c'est essayer de trouver le consensus, en quelque sorte. J'ai des... et je ne le dis pas méchamment, j'ai des collègues de l'opposition qui craignent, et je peux comprendre leur crainte, une certaine politisation du FECC, pour ne pas reproduire, justement, les erreurs du passé. Donc, je comprends l'inquiétude, bien qu'on a les bons mots, je pense, pour rassurer bien des gens à ce niveau-là. Donc, pour plusieurs, le danger, c'est qu'il y ait une trop grande concentration du pouvoir et une trop grande latitude laissée à ce pouvoir-là.

Donc, lorsqu'on parle de comités, de notre côté, c'est pour avoir des chiens de garde, en quelque sorte, totalement indépendants, avec la possibilité de nous remettre à l'ordre, en quelque sorte. Donc, un, on veut rassurer ceux qui sont inquiets par rapport à une trop grande concentration du pouvoir, mais, en même temps, ça suscite chez vous des craintes par rapport à un trop grand éparpillement de la reddition de comptes, également au niveau de la prise de décision. Comment concilier les deux craintes ou les deux types de crainte, qui sont totalement compréhensibles, là, dans les deux cas?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Il n'y aura pas de structure parfaite, je crois, donc il y aura toujours des craintes. Mais, au niveau des comités consultatifs, donc le mot le dit, dans notre mémoire, on propose plusieurs suggestions très détaillées — puis là je n'ai pas passé en détail toutes ces suggestions-là, mais je pense que vous avez des copies du mémoire — en ce qui concerne le comité consultatif, donc, qui serait unique à la transition énergétique et à la lutte aux changements climatiques. Parce qu'on pense, en fait, que les deux enjeux sont tellement liés qu'il faut les unir et, à la limite, même, par les prendre... je ne sais pas, pour la mobilité durable, si on a un comité consultatif, mais, encore une fois, c'est lié, donc il faudrait les intégrer.

Il y a des processus de nomination de membres, un petit peu, même, comme en commission parlementaire, vous appelez des témoins, c'est une négociation que le gouvernement fait avec l'opposition. Je pense qu'il y a des manières assez neutres d'avoir des nominations sur ces comités consultatifs de telle sorte que différents experts et différentes parties prenantes soient autour de la table et puissent exprimer leur opinion et donner des conseils, des recommandations au ministre ou au gouvernement.

M. Charette : Il y a une autre partie du débat à ce niveau-là. Est-ce que ce ne sont que des experts? Si oui, dans quelle proportion par rapport à quels champs d'expertise? Est-ce qu'on ajoute la société civile? Si oui, combien de sièges on leur réserve et qui on invite? Ou le comité n'aurait pas plutôt comme mandat d'être en communication avec la société civile?

En fait, je vous résume les différentes propositions qui nous ont été faites jusqu'à maintenant. À partir du moment où on rouvre la porte au comité, tout le monde veut y entrer. Naturellement, tout à l'heure, et je comprends tout à fait leur souhait, on avait de jeunes ministres de l'environnement qui étaient présents ce matin, âgés de moins de 18 ans, et eux souhaitent que les moins de 18 ans soient aussi représentés sur le comité.

Bref, les attentes sont très grandes par rapport à cette instance-là, qui va jouer, pour la suite des choses, un rôle tout à fait capital. C'est une instance qui, à travers leurs rapports publics, mettront de la pression sur le gouvernement pour qu'il se dirige dans la bonne direction. Donc, la composition, c'est un élément clé, mais les attentes sont très élevées. Comment arriver à les concilier, ces attentes-là?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : En fait, moi, je viserais à ce que le comité consultatif joue un rôle le plus négligeable possible. Et comment est-ce qu'il peut jouer un rôle tout à fait négligeable? C'est, si les consultations qui vont mener au PECC, au plan d'électrification et de changements climatiques, mènent à un plan d'électrification aux changements climatiques qui est crédible, nous amène aux cibles, suscite l'adhésion, eh bien, après, ça va être une question de mise en oeuvre. Et cette question de mise en oeuvre, si on a les bons organismes pour le faire avec, justement, une assurance de transparence, le comité consultatif sera là et il va dire : On avait un bon plan, on a mis les bons outils, on les a bien déployés, on est en accord. Et là tout le monde va se dire : Mais ce n'est pas là que ça se passe.

En fait, moi, je souhaite que ça ne se passe jamais au comité consultatif, parce qu'il ne devrait intervenir que s'il y a dérive, et je souhaite qu'il n'y ait pas dérive, parce qu'on aura fait des bons plans au départ, et qu'on aura les bons organismes et une bonne reddition de comptes avec une bonne transparence, et que les gens verront que les sommes investies le sont pour les bonnes raisons, aux bons endroits, avec efficacité, choses que nous n'avons pas eues par le passé. Mais, à partir du moment où on a confiance dans la direction... il peut y avoir évidemment des... on peut trébucher à droite, à gauche, mais de façon mineure. Le comité consultatif ne devrait pas jouer un rôle si important que ça, et, pour qu'il ne joue pas un rôle important, il faut que ça soit solide au départ et qu'il y ait une transparence après dans la réalisation.

M. Charette : Je ne souhaite naturellement pas de dérive, mais je suis surpris de vous entendre dire : Il faudrait qu'il ait le rôle le plus négligeable possible.

Je vous explique un petit peu la philosophie ou la vision que nous avons à travers les articles actuels. Nous avions, par le passé — et je dis «nous» comme société, comme Assemblée nationale — des balises. On a adopté des cibles. Les gouvernements précédents avaient adopté des plans d'action, mais on ne s'est jamais même rapprochés des cibles qu'on avait convenues. C'est le piège que l'on souhaite éviter avec le projet de loi pour que systématiquement... Par exemple, par rapport à l'actuel plan d'action, toujours en vigueur pour les prochains mois, d'ailleurs, il y a des avis qui pouvaient être transmis au ministre de l'Environnement, mais il n'y avait pas cette obligation-là de les rendre publics, d'une part. Il y a eu beaucoup, beaucoup de politicaillerie dans le choix des projets financés, ce que l'on souhaite également éviter de notre côté.

• (14 h 20) •

Donc, moi, ce comité-là, je ne le vois pas comme accessoire. Oui, notre intention, c'est de produire la meilleure politique-cadre dès le départ, mais c'est de s'assurer que, régulièrement, on ait un indicateur, est-ce qu'on va dans la bonne direction ou non, pour ne pas reproduire les erreurs du passé. Donc, ce comité-là, je le vois avec un petit peu plus de... non pas de mordant, puis je ne le vois pas en confrontation, c'est un travail de collaboration, c'est bien certain, mais, s'il y a une orientation qui n'est pas la bonne, il faudrait qu'il y ait des cloches qui sonnent quelque part.

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Oui. Je suis en accord avec vous. Ceci dit, on a eu... on sort d'un exercice de consultation sur la politique d'électrification et de changements climatiques. Ce sont largement... Parmi ce bassin de personnes qui ont participé aux différents comités, il y en a... et c'était large, là, je veux donc... je ne veux pas exclure personne, mais c'est, grosso modo, ce bassin de personnes là dans lequel on va aller piger pour trouver des gens. Ils ont déjà dit, lors de cette consultation-là, les grandes lignes de ce qu'ils ont à dire, et ils l'avaient déjà dit auparavant lorsqu'on a travaillé sur les orientations du plan de transition énergétique, et on l'avait dit auparavant. Donc, il y a eu une série de consultations. Donc, ce comité consultatif, en gros, on sait déjà qu'est-ce qu'il peut dire, même s'il n'est pas constitué.

L'enjeu n'est pas tant au niveau des conseils que de la mise en oeuvre, alors... Et ce que je dis, ce que nous disons, c'est qu'il faut une reddition de comptes solide. Est-ce qu'on se fie uniquement et surtout sur le comité consultatif pour faire cette reddition de comptes? Je ne crois pas que ce comité... On pourrait dire que oui et on suggère dans notre mémoire que, si ce comité doit faire ça, bien, il faut lui donner des moyens, justement, d'avoir accès aux chiffres et aux données et que ça, c'est un vrai travail d'analyse et de suivi. Je ne pense pas que ça soit au comité consultatif d'être responsable de la reddition de comptes. Des orientations, oui, mais ça, les orientations, on les connaît. Et que régulièrement il fasse un avis, ça peut se faire, mais je pense que si, au départ, on a bien conçu les orientations, il n'aura pas à jouer le rôle de chien de garde très souvent.

M. Charette : Vous avez fait référence aux consultations des derniers mois. C'est important de le rappeler, on est ici réunis pour l'étude d'un projet de loi, mais il y a plusieurs démarches parallèles qui vont mener notamment à la présentation de la politique-cadre. Et, dans ces démarches parallèles là, il y a eu la constitution de groupes de travail. Et merci, d'ailleurs, pour la collaboration assurée au cours des derniers mois à ce niveau-là. Il y a eu la tournée, il y a eu consultation en ligne. Donc, effectivement, on a mobilisé beaucoup de gens. Avez-vous le sentiment, sans la qualifier forcément, mais que... Comprenez-vous... ou comment recevez-vous toutes les démarches préalables qui ont été faites pour essayer de mobiliser le plus grand nombre possible?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Je pense que c'était une démarche qui a été une bonne démarche, un peu trop comprimée dans le temps, dans le sens où on a été quand même assez pressés pour sortir des recommandations, chose qu'on a faite du mieux qu'on a pu. Si on m'avait demandé mon avis sur comment organiser les choses, j'aurais fait des propositions différentes, mais je pense que ça n'enlève rien au fait que la démarche peut amener un bon plan et avoir du succès.

Donc, je pense que l'élément, le maillon manquant, c'est la sensibilisation du grand public. Je le dis souvent quand je parle du marché du carbone, qui est quand même... Une des pierres angulaires de la lutte contre les changements climatiques au Québec, c'est le marché du carbone, le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission. La population n'en comprend pas grand-chose et souvent demande même de faire des présentations à des organismes desquels je m'attendais à une meilleure compréhension.

Et ça, c'est très important parce qu'il va y avoir... Il y a un prix sur le carbone aujourd'hui. Il va y avoir un prix plus élevé le 20 février quand il y aura les enchères, les premières enchères de cette année. Et, dans les trois prochaines années, le prix ne peut qu'augmenter et possiblement de manière brutale parce qu'il y a une pénurie de droits d'émission qui va se faire sentir sur le marché. Si on ne prépare pas la population... On parle beaucoup de changements climatiques, on parle beaucoup moins des outils.

Et il y aura un choc politique. Vous êtes politiciens ici, vous devez vous préparer à ce choc politique. Les gouvernements précédents ont lamentablement échoué à bien communiquer à la population le rôle central que joue le marché du carbone et l'impact de prix que ça a sur le litre d'essence à la pompe. Quand ça va augmenter brutalement de 0,05 $ ou 0,10 $, et je pense véritablement que ça va arriver dans les deux prochaines années, eh bien, ça va sonner dans vos bureaux de comté. Et je pense que plus on aura préparé à l'avance, mieux on s'en sortira, surtout que ça va inciter les gens à eux-mêmes revoir leur consommation d'essence.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Merci de votre présentation, M. Pineau. La Chaire de gestion du secteur de l'énergie produit annuellement un rapport extrêmement intéressant, essentiellement Johanne Whitmore et vous-même. J'étais là la semaine passée, et, à la fois, c'est un rapport qui est central, qui est extrêmement utile, et ce n'est pas simple à lire, c'est complexe. Je n'aurais pas de meilleure façon de le présenter.

Et la raison pour laquelle j'insiste là-dessus, c'est quand vous avez dit : électrifier versus décarboniser. En théorie, je suis bien d'accord, mais, en pratique, il y a une communication à la population, dont vous avez aussi parlé, et je me dis, si je dis à des gens : On veut décarboniser... pas sûr que ça va marcher, mais, si on parle d'électrifier, il me semble que c'est plus, peut-être le mot est-il bon, mobilisateur parce que ça parle plus aux gens dans leur vie de tous les jours. Mais je suis d'accord que le vrai mot, techniquement, ça devrait être de «décarboniser».

N'avez-vous pas une inquiétude que, justement, en jouant avec ces mots-là, qu'on mêle les gens plus qu'autre chose?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Non, j'ai surtout suggéré d'enlever le mot «électrification», pas de forcément rajouter «décarbonisation». C'est un plan de... Un fonds de lutte contre les changements climatiques, à mon avis, ça serait suffisant. Je pense que le danger, c'est de faire croire qu'électrifier est une solution. La voiture électrique va rendre des grands services à la société québécoise et au monde, mais, si on substitue un véhicule électrique pour chaque véhicule à essence, on aura autant de congestion, autant de problèmes de santé, d'épidémie d'obésité, etc.

Donc, il ne faut pas laisser croire que la transition énergétique se fera à travers une électrification simplement, mais... à plusieurs fois, c'est mentionné, il faut aller dans des changements d'habitudes. Le ministre Julien l'a mentionné à des journalistes, cette semaine, que ça devait passer par des changements d'habitudes. Dans la politique énergétique de 2016, c'était mentionné, les changements d'habitudes, mais ça a été vite mis sur le côté pour parler d'électrification.

Je comprends la contrainte politique d'avoir un message simple, et c'est tout un enjeu de communication, mais il ne faut pas induire en erreur. Et ça ferait... Moi, j'enlèverais en disant : Il faut être plus efficaces pour nous rendre plus riches, plus productifs, parce qu'ultimement c'est vers ça qu'on pourrait aller si on fait bien les choses.

M. Campeau : J'apprécie le commentaire et, je dirais, j'achète ça. Je trouve ça fort intéressant.

J'aimerais revenir sur le comité consultatif. Vous en avez déjà parlé, mais j'aimerais ça encore plus vous entendre sur la dimension du comité et sur sa composition. Comment vous le verriez plus dans le détail, s'il vous plaît?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Donc, c'est sûr que je ne vois pas un comité de 50 personnes. Je pense, ça serait ingérable. Mais je pense qu'il y a un comité consultatif, dont les noms sont connus, et c'est à peu près la seule chose qu'on connaît, qui... je pense que le ministre de l'Environnement a son comité consultatif avec une quinzaine de personnes. Je verrais un comité d'une taille similaire avec, oui, quelques experts, mais aussi des gens qui représentent différents groupes de... Et je verrais autant des gens qui sont dans l'industrie de l'énergie, du côté de la production, que des groupes de consommateurs et, oui, quelques ONG qui seraient là aussi pour avoir le pouls de la société civile.

Mais je pense qu'une quinzaine de personnes, avec une répartition, peut-être, un tiers-un tiers-un tiers, ou de cet ordre-là, universitaires, industries, sociétés civiles, pourraient convenir.

M. Campeau : Très rapidement, y verriez-vous la présence d'experts en communication?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Ça serait une très bonne idée, peut-être pas forcément directement dans le comité, mais certainement en soutien des travaux. En soutien, oui, parce c'est clair qu'on ne réussit pas la communication, d'une manière générale, sur ces sujets-là.

Le Président (M. Polo) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard... M. le député de Jacques-Cartier.

• (14 h 30) •

M. Kelley : Oui. M. Pineau, merci beaucoup pour la présentation mais aussi pour tout le travail que vous avez fait depuis plusieurs années, particulièrement sur nos lignes de transmission et comment on peut exporter plus l'électricité, pas vers les États-Unis exclusivement, mais aussi vers Ontario. Parce que je me souviens, quand j'étais en université, j'ai lu un article, peut-être que vous avez écrit, pour the Institute for Research on Public Policy, je ne me souviens pas, mais j'étais jeune, j'ai dit : Ah! ça, c'est une excellente idée, là, de vendre plus d'électricité en Ontario. Et, dans votre document sur l'État de l'énergie au Québec 2020 — je sais que vous avez travaillé sur plusieurs — il y a une excellente carte du Québec avec toutes nos lignes de transmission, et juste la réalité qu'on n'a pas bâti notre système d'avoir une meilleure interconnexion avec nos voisins canadiens, c'est plus vers le sud, mais c'est un document très, très intéressant.

Et ça, c'est le début de ma question parce que vous avez mentionné quelque chose dans votre document, une ligne, des nouvelles approches en transport, et je fais le lien avec l'État de l'énergie au Québec, il y a aussi un autre tableau. On est tellement fiers que, oui, on a beaucoup... on utilise beaucoup d'hydroélectricité ici, mais le pétrole demeure le roi de notre énergie ici, au Québec.

Alors, en ordre, pour nous, de faire un changement, je veux juste que vous nous expliquiez très, très bien c'est quoi. Les nouvelles approches sont quoi exactement, précisément?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : En transport, pour sortir le pétrole?

M. Kelley : Oui.

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Bien, la beauté de la chose, c'est qu'on est extrêmement inefficaces et qu'on dépense beaucoup d'argent dans le problème aujourd'hui, là. On le rapporte dans l'État de l'énergie au Québec, en 2018, les Québécois ont dépensé 13 milliards de dollars pour acheter des camions légers. C'est autant d'argent... 13 milliards, c'est beaucoup, là. C'est plus cher qu'Énergie Est, que ça coûterait de construire Énergie Est, le pipeline auquel on s'oppose tant. Et ces 13 milliards de camions légers, là, ils sont beaucoup plus structurants, malheureusement, pour notre futur d'accros au pétrole que, d'après moi, un pipeline. Mais je ne veux pas parler de pipeline. Il faut amener les gens vers des plus petits véhicules. Il ne faut pas nier la place des véhicules dans la vie de tous les jours, mais aujourd'hui, on a plus de véhicules, des plus gros véhicules. Il faut amener les gens, les ramener vers des plus petits véhicules, les ramener vers du covoiturage, les ramener vers de l'autopartage. Communauto, c'est démontré, réduit le nombre, la nécessité d'avoir à acheter une voiture.

Et moi, je suis à Montréal. Ma famille est de... J'ai deux filles. On n'a pas de voiture grâce à Communauto et on... mais ce n'est pas quelque chose qui n'existe qu'à Montréal. J'ai habité Rimouski. J'avais des amis à Rimouski qui avaient organisé eux-mêmes leur système d'autopartage et qui partagent. Donc, dans toutes les villes du Québec, ça peut se faire pour éviter l'achat de véhicules. On peut louer des véhicules de manière très facile, pour éviter l'achat d'un pickup. Donc, il faut faciliter ce genre de chose là, donc, sans qu'il y ait de frais supplémentaires, faciliter la... enlever les obstacles réglementaires à la diffusion de ce type de véhicule. Autopartage, covoiturage, ce sont des bonnes choses.

Je pense qu'ultimement il va falloir aussi taxer les plus gros véhicules de manière plus agressive. La manière de le faire de façon progressive, ce serait à travers une taxe kilométrique parce qu'on va avoir un problème de finances publiques avec l'électrification des transports qui va arriver inévitablement. Mais, avec l'électrification des transports, on va vendre moins d'essence. Même si on en vend plus aujourd'hui, ultimement, on va en vendre moins. L'État québécois va moins collecter de taxes sur les carburants. Donc, taxe kilométrique va être très importante, qu'on pourrait moduler selon les heures de congestion et le type de véhicule qu'on utilise.

Ça va être un outil, et ça, s'il y a un problème, il va y avoir un défi de communication. Remarque, ça va être très, très difficile à communiquer à la population. Mais, si on s'y prend en 2020, peut-être qu'on va y arriver en 2030. Alors, il faut s'y prendre tôt parce que, si on veut atteindre nos objectifs de 2030, commençons aujourd'hui à travailler dans cette direction-là.

Évidemment, le transport en commun va être nécessaire, et surtout pour rejoindre les régions du Québec, le rail. Dans l'État de l'énergie au Québec, on donne des statistiques sur l'efficacité énergétique, là, du rail versus le camion, les camions et les autobus. Le train va permettre aux gens d'aller dans les régions de manière très efficace à un coût énergétique minime qui va augmenter à la fois la qualité de vie mais le dynamisme économique parce qu'on pourra échanger entre régions. Et donc, ça, encore une fois, pour l'atteindre en 2030, il faut y penser en 2020, comment l'organiser.

M. Kelley : Merci beaucoup. Et, dans le projet de loi, il y a une section qui va, en lien avec le Fonds vert, qui va enlever le deux tiers qui est dédié au transport. Selon vous, est-ce que ça, c'est une bonne idée? Est-ce que c'est mieux de garder un minimum critère et une minimum somme réservée, dans le Fonds vert, pour le transport?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Non, je ne pense pas que ça soit... Je pense que c'est une bonne idée d'enlever ce seuil-là. L'argent, en transport, avait de la difficulté à être dépensé, étrangement, parce que les règles pour dépenser de l'argent du Fonds vert étaient tellement compliquées que même les sociétés de transport ne pouvaient pas vraiment investir. Alors, on a ce paradoxe où il y a de l'argent dans le Fonds vert pour le transport, mais les sociétés de transport qui n'arrivent pas à y accéder pour développer.

Donc, à mon avis, il faut... L'argent du Fonds vert doit aller là où c'est le plus efficace, et, par ailleurs, en transport, il faut penser, de manière structurelle, comment interconnecter nos régions pour justement ne pas avoir à prendre une voiture pour aller d'une ville à une autre. Et ça, ça doit dépasser le cadre de réflexion du Fonds vert. Donc, je pense que c'est une bonne chose d'enlever ce deux tiers de réservé au transport.

M. Kelley : Merci beaucoup.

Mme Montpetit : Bonjour, M. Pineau. Un petit commentaire justement sur une de vos... bien, recommandations ou propositions, d'enlever le mot «électrification». Je trouve ça intéressant que vous l'apportiez comme idée, parce que je pense qu'on est très fiers au Québec de nos ressources naturelles, on est très fiers de ce qui a été fait aussi en termes d'électrification. Je pense qu'il y a une certaine continuité entre les différents gouvernements à ce niveau-là. Je pense, c'est très bien, mais effectivement, vous le soulignez, c'est un moyen, c'est un outil parmi d'autres, et je trouve que c'est fort à propos de le souligner pour... Et, je pense, vous avez raison dans votre explication de dire que, pour éviter que ça porte à confusion ou de garder, que ce soit au niveau...

J'imagine, vous faites le commentaire tant pour le projet de loi mais que pour le fonds également, parce que le fonds, c'est le fonds d'électrification, alors que ça devrait être un fonds de lutte aux changements climatiques ou lutte... Appelons-le comme on le souhaite, adaptation, résilience, il y a d'autres mots qui peuvent être ajoutés, mais ça ne devrait pas être un fonds dont l'objectif est uniquement dédié à l'électrification, ou, en tout cas, ça donne cette impression-là. C'est ce que vous notez, là.

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Oui, tout à fait, puis, je pense, c'est très important de... C'est une petite recommandation, mais, à mon avis, ça clarifierait bien des choses et éviterait de la confusion.

Mme Montpetit : Oui. Non, non, elle est petite mais elle est fort pertinente, je trouve. Je voulais... Je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Le temps file toujours assez rapidement dans ces échanges-là, mais votre collègue Mme Whitmore, puis on en a parlé tout à l'heure, avec M. Mousseau, ont écrit une lettre. Je ne sais pas si vous faisiez partie également des signataires.

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Non.

Mme Montpetit : Non, hein? C'est ça, je n'avais pas vu votre nom, mais elle a été... Comme vous parlez au nom de votre collègue également, lettre qui a été signée par plus d'une vingtaine de chercheurs, d'experts du domaine, je vous ai entendu aussi faire plusieurs entrevues suite au dépôt du projet de loi n° 44, je sais qu'il y avait beaucoup d'inquiétudes sur toute la question de la transparence. Vous en parlez beaucoup aussi, dans le mémoire que vous avez déposé, des préoccupations par rapport à cette perte de transparence.

De quelle façon, avec le projet de loi qui est sur la table, on peut remédier à ces préoccupations?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : À mon avis, il y a plusieurs manières. Mais il faut qu'un organisme ait la responsabilité de dire comment l'argent est dépensé, quels sont les objectifs, quels sont... et de vérifier ça. On peut imaginer que le ministère de l'Environnement dise : Voici le plan, voici ce qu'on veut faire, voici les programmes qui vont être mis en oeuvre. Mais il faut que, dans tout ça, il y ait les chiffres et il y ait les comptes. Comme ce n'était pas le cas dans le plan d'action sur les... le plan actuel, le PACC actuel, il n'y avait pas de documentation, c'était mal fait, c'était difficile de voir et, quand on le voyait, c'était problématique. Donc, il faut qu'il y ait une culture de rigueur, d'analyse des programmes qui se développe.

Elle peut se développer à l'interne et avec une vérification externe ponctuelle. Avec le Conseil de gestion du Fonds vert, on avait des gens qui étaient dédiés à la vérification, qui avaient une certaine autonomie, mais c'était tout croche d'un point de vue de gouvernance. Alors, il fallait trouver... il faut trouver une solution à ça. L'important, c'est qu'on ait ces chiffres-là, une entité qui a cette responsabilité-là.

Mme Montpetit : Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

Le Président (M. Polo) : 1 min 14 s.

Mme Montpetit : C'est ça. Merci. Oui, parce que c'est ça, encore ici, vous avez donné plusieurs entrevues là-dessus. Mme Whitmore a... C'est parce que j'ai son texte sous les yeux. Elle a donné une longue entrevue, justement, où elle parlait du rôle essentiel que jouait le comité de gestion à ce niveau-là de transparence. Donc, il y une perte en abolissant le comité. Donc, est-ce que... Tu sais, vous proposez d'avoir un autre comité, justement. Est-ce qu'on ne remplace pas un comité par un autre comité qui était déjà là et qui faisait déjà ce travail?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Bien, il faut placer le... Je veux dire, Transition énergétique Québec, par exemple, est dans un processus d'avoir des indicateurs de performance et de suivre ces programmes-là. Donc, est-ce qu'on veut avoir un double emploi, eux, ils le fassent, puis, au Conseil de gestion du Fonds vert, ils le fassent aussi? Non, on ne veut pas que tout le monde se mette à faire ça. Donc, il y a un problème de gouvernance. Et alors il faut que ça soit clair.

Peut-être que ce n'est pas assez limpide, mais peut-être que la solution est déjà dans le projet de loi n° 44 dans le sens où c'est clair que le ministre délègue certains programmes à différentes entités. Et si cette reddition de comptes est vraiment explicitement imposée à ceux qui mettent en marche le... ceux qui mettent les programmes en marche, eh bien, eux, ils ont leur reddition de comptes. Et si c'est bien fait, avec des normes qui sont standards pour tout cela, c'est peut-être suffisant.

• (14 h 40) •

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. Merci pour votre présentation. Vous avez beaucoup parlé, au début de votre présentation, de toute la question de l'éparpillement. On s'éparpille, alors que la transition, ça touche énormément de ministères. Il y a aussi des redondances, par exemple, dans le plan directeur versus le plan de mobilité durable, et tout ça n'est pas mis ensemble.

Il y a beaucoup d'acteurs dans ce projet de loi, vous dites, c'est un petit avancement. Là, il y deux ministères qui vont être touchés, le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, le ministère de l'Environnement, mais il y a le transport, l'aménagement du territoire qui touchent deux autres ministères. Toute la question du transport qui est extrêmement importante, vous dites, ce n'est pas juste de l'électrification, mais c'est beaucoup plus que ça, c'est un moyen et non un objectif. J'aimerais avoir votre avis sur le rôle du ministère du Transport du Québec par rapport à la transition et à l'inertie dans laquelle on est.

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Bien, c'est clair qu'il doit être partie prenante de toutes les discussions, là, qu'on a sur la mobilité durable. Ils ont une vieille politique de mobilité durable. On a annoncé un ministre des Transports qui est là, qui a mis des choses en place, mais on est loin d'être en fusion et d'avoir l'intégration. Donc, c'est... Je pense qu'il y aurait lieu, puis ça dépasse le projet de loi n° 44 qui essaie de rassembler... mais il aurait fallu probablement rassembler bien davantage, avoir une réforme bien plus en profondeur. Je pense qu'on peut avancer, même si on n'a pas cette réforme complète, si on a la collaboration des autres ministères et si on a véritablement un travail collaboratif.

C'est très difficile de dire si on l'aura. Historiquement, il y avait quand même des silos entre certains ministères, et ce n'est pas facile d'aligner les planètes. Mais il va falloir que le ministère des Transports et le ministère de l'aménagement du territoire soient intégralement amenés sur le plan d'électrification, c'est comme ça qu'il s'appelle, mais le plan de changements climatiques pour qu'on fasse clairement comprendre qu'il y a des changements qui doivent avoir lieu, là, et qu'il faut organiser tout ça de manière plus cohérente et efficace.

Mme Ghazal : Et d'où votre idée de dire : Bien, il faudrait que ça soit peut-être un organisme qui chapeaute le tout et qu'il y ait une reddition de comptes et une indépendance. Vous êtes intervenu aussi... On a un peu parlé, là, depuis trois jours, sur le projet de loi sur les tarifs d'Hydro-Québec, le p.l. n° 34, le rôle de la Régie de l'énergie qui a été énormément réduit. C'est quoi son impact par rapport, par exemple, au plan directeur, par rapport à la transition?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Ça va être difficile... c'est-à-dire que, comme on veut, justement, que l'électrification joue un rôle important comme moyen, il va falloir revoir la réglementation du secteur électrique. Le projet de loi n° 34, à mon sens, empêche, gèle les choses pendant cinq ans, parce qu'il va falloir des nouveaux tarifs, il va falloir faire beaucoup de choses, et ça va être problématique.

Donc, il y a une réflexion qu'il va falloir continuer sur comment réglementer de manière optimale le secteur de l'électricité pour permettre, justement, d'utiliser de la meilleure manière l'électricité en permettant d'intégrer plein de nouveaux producteurs qui vont vouloir produire de manière décentralisée, chose qui aujourd'hui est difficile dans le cadre réglementaire actuel.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Merci beaucoup pour votre présence. Moi, ma crainte, c'est qu'on passe à côté d'une occasion extraordinaire, où on pourrait travailler, revoir, avoir une gouvernance solide dans la lutte contre la crise climatique. C'est ça qui me fait le plus mal, là. On a un projet de loi puis on voudrait tellement qu'il soit plus fort, qu'il soit différent.

On s'est fait beaucoup dire par d'autres intervenants, je pense à Ouranos, à M. Mousseau, à Suzuki, puis ça, c'est juste aujourd'hui, là, mais on en a eu hier aussi, ça prendrait comme une grille pour être capable de vraiment se saisir des enjeux climatiques, de la réduction des GES, d'analyser ça, que le gouvernement s'en saisisse et qu'on puisse déterminer si des projets doivent aller de l'avant ou non en fonction d'une grille GES, par exemple, ou énergétique. On s'est fait proposer un test climat à l'intérieur du... d'intégrer un test climat à l'intérieur du projet de loi. Je ne sais pas si vous connaissez cette formule et si vous pensez que ça pourrait être une formule intéressante. Et est-ce qu'un tel test climat permettrait d'écarter un projet comme GNL Québec?

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Je comprends le devoir, faire des tests, rajouter... Moi, je suis... En fait, je suis peut-être trop simpliste, mais, je me dis, les solutions, elles sont en transport marchandise et transport individuel. Après, dans les bâtiments, on sait qu'on a des bâtiments dont on pourrait améliorer grandement la performance énergétique. Après, dans le secteur industriel, puis là c'est trois grands secteurs, on sait qu'on peut faire des améliorations, mais ça demande des innovations technologiques ou des capitaux.

Donc, on a trois enjeux, il faut bien les gérer. On peut faire des tests climat. On peut dire non. Jusqu'à un certain point, je dirais, les projets comme GNL Québec sont probablement meilleurs pour le climat s'ils sont faits au Québec que s'ils sont faits à l'extérieur, parce qu'on a un marché du carbone, parce qu'on a de l'hydroélectricité. Et donc, jusqu'à un certain point, c'est des émissions de GES qui seront faites dans un cadre responsable, parce qu'avec les plafonds d'émissions qu'on au Québec, c'est fait de manière responsable.

Mais évidemment, si on fait GNL Québec, il y aura plus d'émissions de GES. Donc, ça va mettre d'autant plus de pression sur les automobilistes, sur les autres industries, et donc politiquement ça va être difficile à gérer si on accepte trop de projets industriels comme ça parce qu'il n'y aura plus de droit d'émissions pour les gens qui ont leur motoneige puis qui veulent faire la motoneige tout l'hiver possible...

M. Gaudreault : Tant qu'ils ne calent pas dans le lac.

M. Pineau (Pierre-Olivier) : Tant qu'ils ne calent pas dans la neige ou dans la glace. Alors, vous savez...

Le Président (M. Polo) : En conclusion.

M. Pineau (Pierre-Olivier) : ...il vaut mieux communiquer sur le marché du carbone. C'est ça, le test climat. Est-ce que les projets passent le test de payer des droits d'émissions en sachant que la rareté va se faire? Et là, s'ils communiquaient bien le marché du carbone, les gens devraient intégrer le prix du carbone, la rareté à venir et voir d'eux-mêmes que leur projet n'est pas compatible.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, M. Pineau. On va prendre une pause avant d'accueillir Propulsion... pardon, le Conseil du patronat du Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

(Reprise à 14 h 48)

Le Président (M. Polo) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je souhaite la bienvenue aux...

Des voix : ...

Le Président (M. Polo) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat du Québec, représenté ici par M. Yves-Thomas Dorval, président et chef de la direction; Mme Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef et M. Arnaud Champalbert, conseiller principal, affaires publiques. Bienvenue à l'Assemblée. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Alors, vous avez déjà identifié les gens qui m'accompagnent. Merci beaucoup. Alors, mon nom est Yves-Thomas Dorval, et je suis président et chef de la direction du CPQ, Conseil du patronat du Québec.

Peut-être un petit mot, en partant, pour rappeler que le CPQ représente 70 000 employeurs au Québec, grâce à sa structure à la fois associative — on regroupe des associations — et corporative. On regroupe des employeurs, des employeurs de toute nature dans les ressources naturelles, dans la transformation, dans les services, des employeurs du secteur privé, mais aussi du secteur parapublic, coopératif, communautaire et ainsi de suite. Donc, on est une vaste confédération d'employeurs au Québec.

• (14 h 50) •

Et nous avons, du côté des sujets qui sont traités ici, en cours de cette commission parlementaire, nous nous sommes impliqués énormément, au cours des dernières années, à différents niveaux. On a préparé des études qu'on a initiées nous-mêmes. On a participé à des études avec des groupes de la société civile de toute nature, des groupes environnementaux, syndicaux, le milieu des affaires, bien sûr, et des groupes également communautaires. Et on s'est impliqué dans différentes initiatives des gouvernements précédents ou du gouvernement actuel. Nous avons siégé sur presque tous les comités qui ont pu être fait mention, ici, au cours des commissions parlementaires, que ce soit la Table des parties prenantes pour TEQ, que ce soit la politique de mobilité durable, que ce soit le plan qui est en cours de préparation pour le Plan d'électrification et de lutte aux changements climatiques.

Alors, je crois qu'on a eu la chance de collaborer, et de s'impliquer, et de démontrer... Et les gens ont bien reçu notre participation parce que notre ADN, c'est le dialogue social. Donc, c'est de travailler avec les différents groupes pour essayer de comprendre et d'élaborer des positions qui tiennent compte à la fois des préoccupations de nos membres et aussi de l'intégration de ces préoccupations-là au sein de la société.

Un mot d'introduction. Vous avez reçu notre mémoire un peu tardivement, on s'en excuse, mais, vous savez, on est au début janvier, et les consultations de nos membres, ce n'est pas toujours facile au cours de cette période-là. Vous pourrez prendre connaissance, si vous ne l'avez déjà fait, de notre mémoire. Mon objectif, dans ces 10 minutes, n'est pas de reprendre ce qui est dans le mémoire, c'est peut-être vous parler plus directement des préoccupations, des informations que nos membres nous ont communiquées au cours des dernières semaines, notamment.

D'abord, rappeler que le Québec, si on faisait une analyse, hein, dans le domaine des affaires, on fait des «SWOT analysis», je m'excuse de l'anglicisme, des analyses des forces, faiblesses, opportunités et menaces. Je vais en nommer une par catégorie. Le Québec, en termes de forces, compte sur un potentiel et sur une capacité réelle de production d'énergie renouvelable extraordinaire, pas seulement l'hydroélectricité, bien sûr, qui est le coeur, mais également d'autres types d'énergies renouvelables. La faiblesse, on est aussi une société qui gaspillons beaucoup, dans tous les secteurs, y compris l'électricité dont on est très, très, je dirais, jaloux.

Opportunité. La société québécoise contient quand même... comporte quand même très peu de climatosceptiques. Il y a quand même, je dirais, un consensus social très fort sur les questions, les enjeux en matière de changements climatiques. Ce n'est pas unanime, mais, comme société, ça ne peut jamais être unanime, mais vraiment il y a un consensus très fort. C'est une opportunité lorsqu'on a à travailler, que le gouvernement, que le législateur ou que la société, de façon générale, si elle peut compter sur des assises comme celles-là, c'est quand même une opportunité extraordinaire.

La faiblesse... La menace, pardon, c'est que c'est un sujet très complexe. Tous les gens sont pour aller au ciel, mais personne ne veut mourir. Alors, ce n'est pas compliqué, c'est une vieille chanson, mais c'est une réalité, c'est-à-dire que tous les gens pensent que c'est à l'autre à faire l'effort et pas à soi-même. Il y a beaucoup d'initiatives qui disent qu'est-ce qu'on peut faire soi-même, mais il y a peu de compréhension de ce qui va avoir vraiment de l'impact. Et, étant donné l'urgence de ce qui s'en vient, le peu de délais, les objectifs extrêmement ambitieux qu'on doit avoir, en même temps, les gens n'ont pas tellement conscience de l'impact que ça va avoir pour chacun. Et ça, c'est majeur, je pense que le précédent témoin, ici, à la commission parlementaire, en a parlé abondamment. Donc, c'est très rapidement un survol de la situation et du contexte.

Les réactions au projet de loi comme telles. D'abord, le contexte. Je vous transmets ici ce qu'on nous a dit, de la part de membres, etc. Première des choses, la décision qui avait été prise auparavant de sortir de la fonction publique directement, d'enlever l'administration publique et de créer des organisations comme TEQ ou le Conseil de gestion du Fonds vert, était perçue comme étant une bonne décision, de dépolitiser ce qui se produisait dans le passé, pour l'amener dans un contexte où il y a un peu moins d'interventions directement politiques en fonction des pressions de toutes sortes qui peuvent venir par toutes sortes de groupes. C'était donc une décision qui était dans la bonne direction. Le processus était en évolution. On voyait ce qui s'est passé avec TEQ, on a vu son rapport annuel déposé, on a vu qu'à Transition énergétique il y avait vraiment des choses qui se faisaient. Il y a eu vraiment des problèmes au niveau de la gestion du Fonds vert, au niveau de l'utilisation des fonds, mais il y avait une direction, il y avait une évolution vers beaucoup plus de rigueur en termes de gouvernance. Et donc ces éléments-là, dans la perception des gens qui nous ont communiqué leurs impacts... leurs réactions, ça allait dans la bonne direction.

Autre point. Le gouvernement est tout à fait légitime, il a été élu, il avait une plateforme, il a décidé maintenant de s'adresser à cette question environnementale des changements climatiques, d'électrification de manière... Il est tout à fait légitime pour lui d'arriver avec sa façon de vouloir intervenir dans le processus. C'est pour ça qu'on ne déchirera pas... que les gens ne déchireront pas leurs chemises nécessairement sur ces questions-là. Les gens disent : Bien, on était dans la bonne direction. Là, c'est une autre direction.

Maintenant, le gouvernement est légitime. Tout va dépendre, quand on a des bonnes intentions, de la façon dont on va réaliser, mettre les actions, et de la façon dont on va communiquer, qu'on va être transparent et qu'on va rendre des comptes. Dans le fond, les gens vont juger l'arbre à ses fruits, les gens vont regarder les résultats, et est-ce que l'action va suivre l'intention. C'est ça qui est important. Donc, on ne peut pas critiquer nécessairement, à ce moment-ci, ce qu'on ne connaît pas qui va arriver. Le gouvernement a fait son choix, c'est sa décision, avec les caveats que je vous ai mentionnés, que les gens sont préoccupés.

Les craintes que les gens ont. Un, la difficulté... Les gens perçoivent — quand je dis «les gens», je parle des membres, des entreprises, des employeurs — la difficulté de prendre des bonnes décisions au sein d'un ministère en particulier. Ça ne veut pas dire qu'un ministère ne peut pas prendre une bonne décision. Il y a plein de décisions que les ministères prennent. Mais, dans un enjeu aussi fondamental, aussi global, qui touche tous les domaines de la société, tous les secteurs, toutes les régions, c'est difficile de penser que, dans un ministère, on va retrouver nécessairement toute la capacité, l'expertise, la possibilité de faire... de prendre toutes les décisions.

Deuxièmement, là, on a Transition énergétique, on a le Fonds vert. Donc, c'est des décisions qui vont se prendre même dans deux ministères dont les vocations sont très, très différentes. Donc, deuxième préoccupation, comment ça va s'arrimer, tout ça? Malgré la bonne volonté des individus, hein, des ministres, des sous-ministres, etc., je veux dire, ça reste quand même des ministères à vocation différente et qui devront travailler.

Et le troisième élément, c'est que, malgré tout ça, ce n'est pas juste une question d'un ministère de l'Environnement ou d'un ministère de l'Énergie, c'est aussi... et des Ressources naturelles, c'est aussi, hein, une décision des Affaires municipales, du Transport, c'est une décision technologique, c'est une décision de l'État comme employeur lui-même, c'est une décision qui touche tous les domaines, l'économie, etc., voire la santé, et ainsi de suite.

Donc, comment est-ce qu'un gouvernement, à travers tout ça, quand les deux pièces maîtresses sont dans des ministères, vont être capables de travailler tout le monde ensemble, alors que ça va prendre beaucoup de leadership, à la fois des personnes qui sont responsables du dossier et, je dirais, de la plus haute autorité, donc du premier ministre lui-même? Le défi d'avoir une approche globale, c'est ça que les gens sont inquiets.

Finalement, je compléterai ou je terminerai mon propos en disant, vous savez, on peut s'objecter d'une façon ou d'une autre. Dans notre mémoire puis dans notre communiqué de presse, on dit aujourd'hui : Tous les chemins mènent à Rome. Ça veut dire, on peut se rendre à destination. Le problème, c'est qu'il y a urgence. Les délais sont très courts. Donc, il ne faut pas se tromper de chemin, hein? Il ne faut pas s'égarer dans un chemin tortueux. Il va falloir prendre le bon chemin et surtout être extrêmement vigilants par rapport aux écueils qu'on va avoir sur la route pour y arriver.

Et là-dessus le CPQ terminerait en disant simplement que nous avons démontré dans le passé que nous sommes vraiment... Nous portons à coeur cette cause d'arriver à lutter contre les changements climatiques, à réduire les émissions de gaz à effet de serre. On veut continuer à faire partie de la solution. On veut continuer d'être une partie prenante qui fera partie des discussions actuelles et futures par rapport à ça.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Dorval. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Charette : Merci, M. le Président. Vous trois, merci d'avoir fait le déplacement et d'être avec nous cet après-midi. Vous l'avez mentionné, je suis entièrement d'accord, vous êtes un interlocuteur précieux sur bon nombre d'enjeux au Québec, notamment celui qui nous réunit cet après-midi. Donc, merci d'avoir accepté de vous prêter au jeu.

Vous l'avez dit, il y a urgence. L'Assemblée nationale a reconnu cet état d'urgence et parle même d'urgence climatique. Il y a un défi par contre au niveau de la cohésion. Il y a un défi au niveau de contre-réactions potentielles. Moi, je m'inquiète beaucoup pour la suite des choses lorsque, qu'on soit une formation politique ou des groupes, qu'on accepte, par exemple, de créer la division, bloquer un pont, perturber le quotidien de dizaines de milliers de personnes, je ne pense pas qu'à travers des gestes comme ceux-là on arrive à créer la cohésion nécessaire qui nous permettra de mobiliser la population. Donc, c'est un point.

L'autre point, c'est : Oui, on n'a pas beaucoup de temps, mais il faut le faire de façon adéquate sans compromettre... On a les gens de la FTQ, hier ou avant-hier, qui disaient qu'au niveau des changements climatiques il y aurait, au bas mot, entre 400 000 et 700 000 travailleurs au Québec qui pourraient être affectés d'une façon ou d'une autre dans leur emploi. Donc, on ne peut pas dire du jour au lendemain à ces 400 000 à 700 000 personnes : Vous vous levez le matin pour aller polluer? On vous condamne. Donc, on n'a pas d'égard à votre statut de travailleur.

Donc, il y a un défi de cohésion qui est important, qui est intéressant. Et moi, il y a une initiative qui remonte au début de l'année 2019, qui m'avait impressionné, qui me disait : On est sur la bonne voie, lorsque le milieu syndical et le milieu patronal, à travers un même écrit, invitent le gouvernement à se mobiliser, à considérer les notions de transition juste, je me dis : On vient de réunir deux joueurs incontournables pour la suite des choses. Donc, la division n'a pas sa place, les gestes d'éclat, les gestes radicaux, ce n'est pas ce qu'on a besoin, on a besoin de fédérer les gens.

• (15 heures) •

Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur cette volonté de travailler ensemble, le milieu patronal et le milieu syndical, pour incarner cette transition? On doit la faire le plus rapidement possible, j'en conviens. On ne peut pas la faire du jour au lendemain, comme certains le souhaiteraient. Mais quel est le degré de discussion entre le milieu patronal et syndical, à ce niveau-là?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, d'abord, M. le Président, c'est une excellente question, mais je vais déborder, parce que ce n'est pas juste le milieu patronal et syndical, il y a le milieu aussi environnemental et le milieu municipal qui font partie de ces réflexions-là.

Alors, oui, écoutez, le CPQ, dès le début de la création d'une organisation qui s'appelle Switch, qui est L'Alliance pour une économie verte, s'est réuni avec des groupes environnementaux auxquels participaient des gens d'affaires, des gens environnementaux, des gens institutionnels et également certains fonds, par exemple, de travailleurs ou de coopératives financières pour trouver des solutions ensemble, et on a publié plusieurs rapports. Écoutez, je me souviens très bien, j'ai coprésidé deux rapports avec Steven Guilbeault, un sur l'écofiscalité, un sur la mobilité durable. On a ensemble témoigné sur toutes les tribunes de ces choses-là. Donc, on a l'habitude de faire ça.

Et plus tard est arrivé, justement, le lien avec les syndicats. Alors, nous, on a pris l'initiative, avec la CSN, de publier une étude sur l'impact des changements climatiques sur les emplois au Québec, et quelles sont les pistes qu'on doit prendre maintenant pour comment on pourrait prévenir les impacts, et surtout comment on pourrait saisir les opportunités à travers ça.

Et, par la suite il y a eu aussi une espèce de colloque, où, là, l'ensemble des forces syndicales, patronales, environnementales se sont retrouvées pour parler de transition juste.

Alors, écoutez, la dernière COP, en Espagne, le monde syndical sont venus expliquer à quel point le Conseil du patronat devant... Je parle des gens du Québec, ils sont venus dire à quel point le Conseil du patronat du Québec s'était impliqué dans ces questions-là.

Donc, la société civile n'a pas attendu, hein? On a 50 ans d'existence, c'est notre 50e anniversaire au cours de 2019‑2020, et ça a été basé sur le dialogue social, puis c'était beaucoup à la demande, d'abord, des groupes syndicaux, des groupes du gouvernement puis des associations patronales pour dire : Écoutez, au Québec, on va se doter de structures de dialogue social, le CCTM, le paritarisme en santé et sécurité au travail, l'ancienne société de développement de main-d'oeuvre, qui est rendue la Commission des partenaires du marché du travail, et on travaille très bien ensemble. Mais ça, ça a été une initiative beaucoup aussi du gouvernement. Dans ce cas-ci, c'est vraiment la société civile qui a dit : On n'attendra pas après le gouvernement, parce que ça n'arrive pas. On va prendre l'initiative, comme société civile, de travailler ensemble et d'essayer de proposer des choses. Le gouvernement a pris, après ça, acte de ça. D'ailleurs, la politique de mobilité durable découle beaucoup de ça, puis, aujourd'hui, vous avez le comité de suivi de la mobilité durable où on retrouve ces intervenants-là. Même chose du côté de TEQ, même chose du côté, maintenant, du PECC. On voit... Moi, j'ai siégé sur un des comités du PECC, puis j'avais des gens de la partie syndicale, des gens de la partie environnementale.

Puis je vais rajouter quelque chose, M. le Président, là-dessus, qui est très important, parce qu'il y a plusieurs questions qui se posent sur la composition du fameux comité de suivi. Ça nous prend des scientifiques puis des experts qui vont vraiment être rigoureux dans le besoin d'information et le besoin d'avoir une réflexion sur le résultat, parce que ça, ça fait partie de nos propos, là, dans notre mémoire. C'est important de vérifier, de voir... d'abord, de prendre les bonnes décisions sur des bons faits, des bonnes informations, mais aussi d'avoir une reddition de comptes très rigoureuse. Ça prend aussi des parties prenantes directement touchées. Ça prend, on le sait, dans les milieux, actuellement, où il y a une croissance d'émissions de gaz à effet de serre, le transport. Donc, ça prend des gens qui connaissent un peu le milieu des transports. On l'oublie trop souvent, mais le milieu de l'agriculture est aussi un des endroits où il y a plus de croissance d'émissions de gaz à effet de serre, après le transport. Alors, le milieu de l'agriculture doit faire partie aussi de ça. On oublie, mais il y a aussi toute la question de la construction, l'efficacité du bâtiment, les énergies. Il y a eu une réduction énorme, mais il y aura beaucoup de décisions à faire. Puis il y a un milieu même au niveau de... le territoire... la question du...

Une voix : ...

M. Dorval (Yves-Thomas) : Pardon?

M. Charette : L'aménagement du territoire.

M. Dorval (Yves-Thomas) : L'aménagent du territoire. Alors, voyez-vous, il y a des éléments puis il y a des parties prenantes qui doivent être là. Et je me souviens de discussions, M. le Président, c'est extrêmement intéressant, parce qu'un expert dans les technologies, hein, soit d'électrification ou de réduction de gaz à effet de serre, qui commentait en disant : Oui, il y a les technologies qui existent, x, y, z, mais là ce qu'on amenait souvent : Oui, mais Montréal, c'est une chose, mais est-ce que ça s'applique à Rimouski, est-ce que ça s'applique en Gaspésie, est-ce que ça s'applique au Saguenay? Il faut ramener tous ces éléments très technologiques, très théoriques aussi, sur le pied... je dirais, le pied à terre.

15 407 Le Président (M. Polo) : Allez-y, M. le ministre.

M. Charette : Le temps file. Dans le cadre du projet de loi n° 44, par rapport à cet énorme défi là de la transition juste, est-ce qu'il y a une bonification que vous seriez prêt à faire ou c'est un système qui s'organise par lui-même déjà entre la partie patronale, syndicale? Vous disiez à juste titre qu'il y a d'autres acteurs, naturellement, mais comment s'assurer d'une transition juste réussie? Est-ce que c'est à travers un projet de loi, est-ce que c'est à travers la politique-cadre? Comment souhaiteriez-vous voir le gouvernement agir à ce niveau-là?

M. Dorval (Yves-Thomas) : On a parlé de gens qui doivent intervenir. Que ce soit dans un comité consultatif ou autre, je pense que ça prend des gens qui représentent ces parties prenantes là. Ça ne veut pas dire des tonnes de personnes, là, ça veut dire au moins une personne de chaque type de partie prenante. Donc, on peut résumer ça quand même à un moins grand nombre, pas obligé d'être cinquante autour de la table.

Deuxièmement, il y a un élément qui a été très peu discuté, effectivement. Quand on parle du Fonds vert ou qu'on parle des investissements, on parle beaucoup d'investissements dans des infrastructures, dans le transport, dans des technologies, etc., on n'en parle pas beaucoup au niveau de la préparation de la main-d'oeuvre, de la formation et ainsi de suite. Donc, c'est des éléments qui doivent être pris en considération. C'est exactement les résultats de ce qu'on proposait au niveau de la transition juste, de dire : Écoutez, au-delà de la pierre, au-delà de la machine, il y a des humains puis il faut s'en occuper aussi.

Mais au-delà de ça, puis il y a une question qui a été posée précédemment, je vous ai parlé tout à l'heure que la menace et l'incapacité du citoyen de suivre, là, la communication est extrêmement importante, l'information est extrêmement importante. Puis ça, c'est des humains qui sont les publics cibles, là, et ça, c'est majeur. Quand vous me parlez de transition juste, bien, ça veut dire de la communication, de l'information, de la formation, mais, à la fin, ça veut dire qu'il doit y avoir une préoccupation, pas seulement sur la brique, pas seulement sur l'électronique, mais également sur l'humain.

15 407 Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget.

17 843 M. Campeau : J'ai deux sujets, M. Dorval. Si je comprends bien ce que vous dites par rapport aux structures, vous avez l'air pas ou peu inquiet de l'aspect structures, vous avez plus l'impression que ça va prendre de la volonté pour les résultats. Est-ce que je lis bien ce que vous dites?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, ça fait un lien direct avec ce que je viens de dire. À la fin, c'est l'humain. Alors, vous pouvez avoir des structures ou vous pouvez avoir toutes sortes de bonnes choses, mais c'est l'humain qui va faire fonctionner ça. Quand on parlait de tous les chemins qui mènent à Rome, bien, à la fin, c'est des humains qui vont conduire. Ça ne sera pas des voitures téléguidées, là, ça va être des humains qui vont conduire les décisions. On est en politique, on est en administration, on est en réglementation. C'est des humains qui prennent la décision.

Moi, ce que je dis toujours, c'est : Il y a plusieurs façons d'arriver à destination. Il y a des façons qui étaient déjà en cours et qui s'amélioraient, puis les gens étaient critiques sur certains aspects, mais de plus en plus confortables avec la direction que ça prenait. Puis je donne l'exemple de TEQ. Je pense que TEQ était un succès, malgré des enjeux difficiles, par exemple, TEQ, c'était... ça allait d'un bord, mais ça dépendait des fonds du Fonds vert, puis là il y avait des discussions, puis le temps d'avoir des autorisations, puis de ci, puis de ça, puis à la fin...

Alors, si le leadership gouvernemental se transpose d'abord en leadership gouvernemental interministériel, global, et si la société est dans le coup... Vous savez, tout le monde nous parle toujours de la Norvège puis du succès de la Norvège. Le plus grand succès de la Norvège, ce n'est pas la politique, c'est que les gens de la société ont décidé de dire : Oui, c'est comme ça qu'on y va, parce que les gens étaient formés, informés, puis ils ont décidé d'y aller ensemble. Si on impose aux gens des... alors que les gens n'ont pas toute l'information, bien là, on va avoir de la résistance constamment. Puis l'information, ce n'est pas dire : Oui, les changements climatiques sont importants, c'est : Voici ce que ça veut dire, voici ce que ça implique, le prix de l'essence va grimper, le prix de telle chose va grimper, votre façon de vous comporter, hein, dans le transport, dans l'utilisation de... dans votre maison, dans votre... Et les entreprises aussi, en passant.

Mais ce qui est intéressant de voir, c'est quand on parle de croissance et d'émissions de gaz à effet de serre, c'est le secteur industriel, qui a connu la plus grande réduction, avec les secteurs du bâtiment et institutionnel, commercial et résidentiel.

Donc, l'industriel a déjà fait un effort assez significatif, mais l'individu consommateur aussi, comme consommateur, dans la demande de produits, et dans son comportement, dans l'utilisation des différentes énergies, dans son transport, et ainsi de suite.

• (15 h 10) •

15 407 Le Président (M. Polo) : Allez-y, M. le député de Bourget, parce que je pense que la députée de Laviolette—Saint-Maurice voudrait également poser une question.

17 843 M. Campeau : Très rapidement, je reviens à ce que vous venez de dire. On a parlé de réduction visée de 20 %, on dit qu'on ne l'a pas atteint. L'industrie l'a atteint. Alors, parfois, il y a eu des fermetures, etc., mais, au total, on a baissé d'un peu plus de 20 %.

Ma question, c'est : Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que le CPQ se donne une cible de réduction, comme entité? Est-ce que vous voulez... que c'est farfelu? Est-ce que c'est trop compliqué? Est-ce que c'est gérable, cette idée-là?

M. Dorval (Yves-Thomas) : On est une petite organisation, avec, heureusement, une certaine influence, mais on se donne comme exemple... Je vous donne un exemple très simple, hein? La location du transport, chez nous, au lieu d'être... payer un stationnement ou payer... c'est dans des gestes continus. Quand vous nous dites «des cibles», il faudrait être en mesure... C'est très complexe de calculer des cibles, combien on émet, etc., pour une petite organisation, mais c'est assez simple de regarder les comportements puis les actions qu'on peut agir.

Alors, par exemple, c'est dans mon contrat de travail, comme président du CPQ, d'avoir l'obligation de me transporter avec un véhicule avec une source d'énergie renouvelable. C'est dans mon contrat. Je ne peux pas me faire rembourser une allocation de transport si ce n'est pas en utilisant une voiture à énergie renouvelable. C'est la même chose pour les employés qui ont droit à des paiements pour le stationnement. Au lieu d'être un remboursement de stationnement, non, non, non, c'est un montant d'argent en incitant les gens à prendre le transport en commun. Donc, il y a différents moyens. Puis il y a plein d'organisations, en passant, au Québec, puis à Montréal, et ainsi de suite, qui travaillent justement pour aider les employeurs, petites, moyennes ou grandes, à trouver des façons de mettre en place des politiques.

Si vous me posez la question : Avez-vous des cibles?, nous, là, à notre dimension, là, je pense que ce serait bien coûteux de commencer à évaluer tous nos impacts de ce côté-là. Mais je pense que, comme individus responsables, on ne peut pas dire : C'est important, la réduction des émissions de gaz à effet de serre... on ne peut pas publier des rapports ou des études, dans ce cas-là, sans démontrer l'exemple nous-mêmes. Alors, ça ne veut pas dire qu'on est parfaits, qu'on doit s'améliorer, mais juste une affaire, par exemple, c'est... si on pouvait avoir un transport fréquent et rapide entre Québec, Montréal et Ottawa, je peux vous dire qu'on en sauverait beaucoup, beaucoup d'émissions de gaz à effet de serre.

15 407 Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice. Il vous reste 1 min 12 s.

18 071 Mme Tardif : En fait, mon collègue a posé la question que je voulais poser, mais d'une façon différente parce que ma vision ou ma compréhension de votre rapport était plus alarmiste que lui. Moi, je voyais que vous n'étiez pas d'accord avec les changements qui ont été faits, et que vous étiez inconfortables, justement, avec le fait du transfert du Conseil de gestion du Fonds vert sous le ministère de l'Environnement, et avec la dichotomie du TEQ, qui va être au ministère de l'Énergie aussi. Et, si on fait ça, c'est évidemment dans un but d'efficacité des processus puis d'efficacité des structures. Si vous aviez été à la place du ministre, en sachant que ça ne fonctionnait pas de façon optimale, qu'est-ce que vous auriez fait?

15 407 Le Président (M. Polo) : En 15 secondes.

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, je me serais présenté en politique, d'abord.

Des voix : Ha, ha, ha!

            M. Dorval (Yves-Thomas) : Deuxièmement, et je pense que j'ai répondu un peu dans mon laïus, c'est... Je vous ai transmis, M. le Président, aux membres de l'Assemblée ici, je vous ai transmis les préoccupations des gens, qui se retrouvent dans notre mémoire, et c'était à peu près l'essentiel. Mais, en même temps, nous sommes des gens très pragmatiques, en disant : Écoutez, il n'y a pas juste un chemin, il n'y a pas juste une façon de faire. Les gens pensaient que c'était déjà dans la bonne direction. Le gouvernement a choisi une autre direction, puis c'est possible de le faire. On jugera à la... je veux dire, avec les résultats et avec les actions qui seront prises.

15 407 Le Président (M. Polo) : ...l'arbre à ses fruits. C'est l'expression, voilà. Mme la députée de Maurice-Richard.

15 369 Mme Montpetit : Je vous remercie. Bonjour à vous trois. Je vais faire du millage sur ce que disait la députée de Laviolette—Saint-Maurice, parce que moi aussi, j'étais un peu surprise de la lecture que faisait de votre mémoire le député de Bourget ou des commentaires que vous avez faits. Je comprends qu'on l'a reçu un petit peu... un peu tardivement, mais je fais un peu la même lecture que la députée du gouvernement sur... Vous soulevez quand même beaucoup de préoccupations dans votre... dans le mémoire qui est déposé.

Là, je comprends que vous avez un discours qui est quand même pragmatique et enthousiaste. Mais, si on se réfère au mémoire qui est déposé, j'ai l'impression qu'il est un petit peu plus... qu'il y a plus d'inquiétude. Et quand vous dites : Tous les chemins mènent à Rome, ce qu'on sait, c'est que le chemin qui est emprunté présentement par le projet de loi n° 44, on sait qu'il ne mène pas à Rome. On le sait, ça a été démontré. Le Commissaire au développement durable a fait deux rapports sur ces questions-là, sur tous les enjeux qu'il y a au niveau de la reddition de comptes, au niveau de la transparence, au niveau de l'imputabilité. Donc, on sait que le chemin... ce n'est pas tous les chemins qui mènent au même endroit, et celui-ci, on sait qu'il ne mènera pas là.

On avait M. Mousseau, ce matin, directeur de l'Institut de l'énergie Trottier, que vous connaissez certainement, qui réitérait que, faire le choix qui est sur la table présentement, c'est faire le choix d'un échec assuré. Je pense que c'est très clair comme lecture.

Et je lisais, dans votre rapport... c'est ça, vous soulevez quand même plusieurs préoccupations qu'on partage comme opposition officielle, que plusieurs groupes aussi sont venus nous exposer, entre autres par rapport au Conseil de gestion du Fonds vert, son abolition. Vous avez mentionné des préoccupations par rapport à la reddition de comptes, par rapport aussi à l'importance de prévoir... de prévenir, en fait, l'intervention politique dans les processus.

Et ce sur quoi j'aimerais vous entendre notamment... parce que vous représentez, si je ne me trompe pas, plus de 70 000 employeurs au Québec, c'est énorme, des gens qui sont autant dans le secteur privé que dans le secteur parapublic. Vous avez certainement une opinion qui est très importante à nous partager sur ces questions-là. Puis dans votre mémoire, encore là, vous parlez de... vous soulignez aussi des préoccupations par rapport... ou des questionnements par rapport à l'abolition de TEQ. Vous êtes très... encore là, vous soulignez la bonne performance de TEQ. Vous soulignez qu'il y a un taux de réalisation supérieur de 100 % des mesures 2018‑2019 dans son plan d'action. Vous soulignez qu'il y a déjà 34 % des mesures qui ont été mises en oeuvre d'ici 2003... ont déjà été mises en place. Donc, vous dites que c'est un... dans le fond, que TEQ a un bilan qui très positif, qui jouit d'une bonne réputation.

J'aimerais vous entendre parce qu'il y a certainement plusieurs de vos membres qui ont fait affaire avec TEQ. La lecture qu'on en fait, nous, elle est la même que celle qui est dans votre document. On a reçu plusieurs groupes qui nous ont dit aussi que c'était très performant. Est-ce qu'il n'y a pas des inquiétudes, justement, à perdre cette agilité que TEQ a et de se retrouver... parce qu'on le sait, on l'a entendu que les programmes ministériels, certaines fois sont plus... ça apporte des délais. Donc, est-ce que c'est des inquiétudes qui vous ont été communiquées par vos différents groupes?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, en fait, c'est effectivement ce qui est dans le mémoire, c'est-à-dire qu'on a reçu des inquiétudes de plusieurs de nos membres qu'on a consultés au cours des dernières semaines. Ça ne veut pas dire que c'était parfait avant. Puis donc, autrement dit, il y avait... on pense au Fonds vert, il y a eu beaucoup de choses, hein, puis il y a eu beaucoup de critiques, il y a beaucoup d'analyses, etc., il fallait changer les choses. Il y a eu des modifications qui ont été apportées. On n'a pas pu voir les résultats de ça parce que les modifications ont été apportées trop récemment.

15 369 Mme Montpetit : Je vous parle de TEQ.

• (15 h 20) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : Le TEQ, c'est différent, mais TEQ, encore là, c'est une année d'opération sur un plan quinquennal. D'ailleurs, dans le projet de loi, on parle d'aller jusqu'à 2023. Pour le maintien, 2025, mais le plan, il se finit en 2023. Il y a peut-être un petit écart, là, que je ne comprends pas tout à fait entre 2023 et 2025, parce que le plan, il se termine en 2023. Mais ce n'est pas grave, ça, c'est un détail, mais c'est une incompréhension qu'on avait, mais oui, effectivement, le travail s'est bien fait.

Moi, je peux vous dire que, comme je siégeais à la Table des parties prenantes, le rapport a été rendu public ou le plan directeur a dû être rendu public. Le rapport du comité des parties prenantes de la table a été obligé d'être rendu public. Donc, il y avait beaucoup de transparence dans tout ça. Les débats ont été extrêmement vigoureux au sein de la Table des parties prenantes parce qu'on avait vraiment des gens de tout acabit. Mais ça reste une structure aussi. Ça ne veut pas dire qu'une autre structure ne peut pas réussir.

C'est peut-être... puis là c'est peut-être personnel, M. le Président. J'ai travaillé à la transformation de beaucoup d'organisations dans ma carrière, et, dès qu'il arrive un nouveau président, bien, souvent, il va adapter la structure, il va la changer pour l'adapter à son style de leadership. C'est pour ça qu'on a dit : Le gouvernement, il est légitime d'aller de l'avant dans ce sens-là. Cependant, l'observateur ou celui qui utilisait les services était relativement satisfait. Ça ne veut pas dire que tout le monde était satisfait. Par exemple, quand TEQ devient un tiers parti pour administrer un programme d'efficacité énergétique, ça veut dire qu'il doit y avoir une équipe pour offrir ce service-là. Peut-être qu'un fournisseur d'énergie a déjà, lui, le contact constant avec la clientèle puis il y a peut-être un bénéfice que le programme passe plutôt par le fournisseur d'énergie directement parce qu'il est contact quotidien avec la clientèle. Puis la clientèle, au moment où le client est en décision ou en action sur un domaine énergétique d'efficacité ou quoi que ce soit, c'est le bon moment de le sensibiliser à ce moment-là, parce que, là, il est à l'écoute. Tandis que, s'il n'est pas en train de faire une action puis que l'information lui arrive, peut-être qu'il va dire : Bien, ce n'est pas ma priorité aujourd'hui. Donc, ça peut passer comme ça.

Alors, je vous dis juste, tout est perfectible, tout peut changer. On vous a transmis les réactions de nos membres. Nos membres sont inquiets. J'ai manifesté des craintes. J'ai parlé que les gens étaient plutôt satisfaits, mais, en même temps, les gens reconnaissent qu'il y a un enjeu extrêmement important à court terme. Mais surtout ce que les gens disent, ce n'est pas tellement par rapport au projet de loi, c'est surtout par rapport à qu'est-ce que vous allez faire comme actions, comme décisions, comme interventions par la suite. C'est ça qui compte, parce qu'à la fin, encore une fois, on peut le faire de différentes façons.

15 369 Mme Montpetit : On se pose les mêmes questions et on est aussi avide d'avoir une réponse à cet effet-là qui, j'imagine, viendra.

Une autre petite question sur... Encore là, dans votre mémoire, vous soulevez certaines préoccupations, puis il y a quelques... autres groupes, pardon, qui nous en ont parlé, sur des possibles conflits de mission pour le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Vous mentionnez, justement, une certaine crainte de confier au MERN la tâche d'élaborer... Dans le fond, il devient responsable d'élaborer le plan directeur en transition énergétique. Et, dans sa mission, il a aussi comme responsabilité de développer des énergies, dont les énergies fossiles, de donner des licences d'exploitation, d'exploration. Et donc vous soulevez... Ça a été soulevé par d'autres groupes également, mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur cette préoccupation-là.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Comme j'ai eu l'occasion, M. le Président, de le dire dans les remarques préliminaires, effectivement, les vocations sont différentes. C'était déjà le cas avant. Le ministère de l'Environnement avait déjà un rôle à jouer de ce côté-là. Le ministère de l'Énergie et des Ressources aussi. Quand on le mettait dans des tables à l'extérieur, bien, à quelque part, ça n'empêche pas l'interaction interministérielle, mais il y avait comme un point de retour qui donne, je dirais, au politique, à tout le moins, un pas de recul pour laisser les organisations avec les experts qui sont moins directement impliqués dans d'autres dossiers d'ordre... par rapport à la mission du ministère.

Alors, c'est une crainte que ça peut arriver. Une crainte, ça ne veut pas dire que ça va s'avérer. C'est une crainte et c'est ce qu'on nous a communiqué. Encore une fois, moi, je ne suis pas ici pour vous dire ce que je pense toujours, là. Je suis ici pour vous dire : Voici ce que les membres qu'on a consultés ont exprimé.

15 369 Mme Montpetit : Parfait. Merci.

15 407 Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Mercier.

17 933 Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation et votre présence ici. Bien, en plus des inquiétudes que vous soulevez sur la structure qui est proposée, là, le MERN, le ministère de l'Environnement, et tout ça, au début de la semaine, il y a eu Switch qui est venu ici présenter, et dont vous êtes membre, puis eux, ce qu'ils proposaient c'était vraiment d'avoir une société d'État et de tout combiner ça ensemble, que ce soit le plan directeur, le Fonds vert, et tout ça, puis de sortir le politique. Ça, c'est le monde idéal vers lequel on aspire puis c'est ça que, nous aussi, on défend.

Mais si on veut suivre, par exemple, la logique du gouvernement qui dit que non, on préfère que... pour une meilleure reddition de comptes ou, en tout cas, les arguments qui sont amenés par la ministre... je vous pose la question. Est-ce que ça serait moins pire ou moins risqué, au lieu d'avoir TEQ sous le MERN et d'avoir le Fonds vert et toutes les actions qui doivent être suivies par le ministère de l'Environnement, ça ne serait pas plus logique, au lieu de s'éparpiller de cette façon-là, que tout soit sous le ministère de l'Environnement? Moins risqué, moins pire, là. On connaît notre monde idéal, mais est-ce que ça... je vous pose la question. Supposons que ça serait cette structure-là qu'on enlève le... Ça ne serait pas le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, mais le ministère de l'Environnement.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oh! je pense que, dans mon... le membership, il y aurait beaucoup de craintes de ce côté-là. Je pense que la vocation économique des employeurs, dont plusieurs sont des entreprises... puis la préoccupation, c'est que la vocation économique passe en dernier. Or, on parle... puis vous parliez de Switch, c'est une Alliance pour une économie verte. Alors, on parle ici d'intentions pour faire en sorte que ça ne soit pas une perte ou une menace, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, que ça soit plutôt une opportunité, des gains de productivité, une amélioration, même, un potentiel de développement économique. Puis c'est vrai à travers l'électrification, mais c'est vrai aussi à travers l'amélioration des processus et ainsi de suite, la compétitivité, la demande des clients, de plus en plus, qui vont demander à ce qu'il y ait un impact, une réduction des émissions de gaz à effet de serre dans ce qu'ils vont acheter.

Donc, il y a des questions économiques derrière ça. Là, vous me parlez... M. le Président, la députée me parle d'une question auprès de l'environnement. Je vous dirais que ce que les gens nous auraient dit, c'est : Ça devrait se situer au plus haut niveau, étant donné que ça devrait être une des priorités stratégiques de...

17 933 Mme Ghazal : D'où la proposition de la société d'État.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Exactement. Mais cela dit, aussi, je vous ai dit qu'on est pragmatiques, à un moment donné, ça serait vrai pour toutes les priorités du gouvernement, il faudrait que ça soit toujours le conseil exécutif qui soit responsable de tout. Je veux dire, c'est pour ça qu'un gouvernement existe avec des ministères.

17 933 Mme Ghazal : Je voulais vous amener un peu plus sur la transition juste, mais là... Je sais que, de ce que vous avez parlé, il y a des gens qui parlent de plan de décarbonisation. Comment aider les entreprises à aller vers ça? Puis un petit peu à l'image de la santé et sécurité où ça a été fait de façon paritaire, quels besoins vos membres auraient pour y aller de l'avant? De dire : Bien, on va avoir des comités de transition paritaires avec tout le monde puis on va regarder qu'est-ce qui pourrait être fait pour décarboniser les entreprises, par exemple, les grandes entreprises?

15 407 Le Président (M. Polo) : En 15 secondes, M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Écoutez, au sein du CPQ, on essaie de faire ça actuellement avec les différents écosystèmes. Par exemple, on a publié une étude sur le transport des marchandises. Juste vous donner cet exemple-là, on n'a pas pris juste le camionnage, mais on a pris le camionnage, le ferroviaire, le maritime, même l'aérien pour voir ensemble qu'est-ce qu'on peut faire. On a fait des propositions...

15 407 Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Alors, je suis heureux de voir que le CPQ a le même âge que moi. Alors, je vais avoir 50 ans cette année, j'attends l'invitation pour partager un gâteau ou quelque chose. Maintenant... ça me rajeunit, d'ailleurs, ça me fait du bien.

Sur votre mémoire, vous êtes préoccupés, bien sûr, et c'est normal, dans le secteur... dans le monde économique dans lequel vous êtes, de la pérennité des programmes versus les cycles politiques, hein. Là, on a parlé hier avec un intervenant, on avait l'Agence de l'efficacité énergétique, qui a été transformée en bureau, qui a été abolie, qui a été créée par TEQ, puis là le Conseil de gestion du Fonds vert est arrivé, puis on change de gouvernement, on rebrasse la sauce. C'est dur pour les entreprises qui souhaitent avoir de la prévisibilité puis de la pérennité. Prévisibilité, on a parlé de ça à boire et à manger dans ce qui est devenu la loi n° 34, adoptée sous le bâillon.

Alors, est-ce que le projet de loi n° 44 vous inquiète sur cette question de pérennisation des programmes au-delà des cycles politiques versus les entreprises, bien sûr?

Mme Kozhaya (Norma) : Effectivement, comme la prévisibilité est un élément très important puisque, pour la décarbonisation, ça prend des investissements quand même substantiels, qui se font à long terme. La bonne nouvelle, par contre, dans le projet de loi, c'est que le plan directeur de TEQ est reconduit et on espère que les orientations... qu'il va y avoir des sommes qui vont être dédiées, prévisibles, pour éviter, justement, les cycles politiques. Donc, c'est une inquiétude, effectivement, et, pour nos membres, c'est important, la prévisibilité et la pérennité. Mais on pense qu'il y aurait peut-être moyen... c'est pour ça qu'on recommande, par exemple, que les fonds dédiés soient dans le programme et on salue le fait que le plan directeur...

Maintenant, il y a la... ce que M. Dorval disait, le plan directeur de TEQ, qui était 2018‑2023, il a deux ans de plus, jusqu'en 2025, avec peut-être des ajustements, ce qui est peut-être un peu normal, mais le plus tôt on sait c'est quoi, les orientations, et le plus tôt on est rassurés sur la présence de fonds disponibles. Ça peut contribuer à régler un peu le problème, mais effectivement, c'est important.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Et c'est vrai, M. le Président, pour la politique de mobilité durable aussi, qui a été adoptée sous le gouvernement précédent puis qui est maintenue.

M. Gaudreault : O.K. Il me reste quelques secondes. En 15 secondes, le rôle d'Investissement Québec, est-ce que vous le voyez à quelque part là-dedans? Fondaction CSN nous a dit oui, nous a fait des propositions. Comment vous voyez ça, en 10 secondes?

Mme Kozhaya (Norma) : On comprend qu'il va y avoir un rôle plus important pour le capital privé. On n'a pas nécessairement regardé les propositions concrètes de Fondaction, mais c'est sûr que le capital privé va avoir un rôle important, puisque je crois que les fonds publics ne seront pas suffisants de toute façon.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Nous allons prendre une pause avant de recevoir les représentants de Propulsion Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 30)

(Reprise à 15 h 32)

Le Président (M. Polo) : Alors, bonjour. Je souhaite la bienvenue à la représentante de Propulsion Québec, Mme Sarah Houde, présidente-directrice générale. C'est bien ça? Oui. Parfait. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à débuter. La parole est à vous.

Propulsion Québec

Mme Houde (Sarah) : Merci. Je vais mesurer mon temps. Voilà. Alors, bonjour. Merci de me recevoir et de recevoir notre organisation, Propulsion Québec.

Je vais peut-être prendre un moment pour vous la décrire, puisque nous sommes une toute nouvelle organisation qui a seulement deux ans. On est la dernière grappe métropolitaine à avoir été mise en place. On couvre l'industrie du transport électrique et intelligent. Notre mission est, comme toutes les grappes, d'accélérer le développement de ce secteur-là qui couvre à la fois toute la chaîne de valeur des véhicules électriques, les infrastructures de recharge, les véhicules intelligents, donc connectés, autonomes, l'intelligence véhiculaire, l'intelligence dans les infrastructures ainsi que toutes les nouvelles solutions de mobilité.

Notre mission, c'est d'augmenter le nombre d'entreprises dans ce secteur-là, leur taille, le nombre d'emplois dans le secteur, les exportations, etc., et nous avons maintenant 150 membres, principalement des membres industriels, des petites et moyennes entreprises mais aussi de grandes entreprises, ainsi que des institutions comme des universités, des centres de recherche, des institutions de financement ainsi que des utilisateurs opérateurs de flottes de véhicules, donc les sociétés de transport, des opérateurs privés, donc en tout 150 membres qui sont localisés partout au Québec.

Donc, dans le cadre de mes fonctions chez Propulsion Québec, je siège également sur le comité de suivi de la Politique de mobilité durable. J'ai également participé aux travaux du Plan d'électrification et de changements climatiques et je préside aussi le comité stratégique transport de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Donc, bon, alors, dans le mémoire qui vous a été distribué, évidemment, on rappelle, là, l'importance du transport dans la lutte aux changements climatiques. D'ailleurs, on est bien heureux de l'accent qui a été mis sur l'électrification. Évidemment, pour faire bouger l'aiguille sur le tableau de bord des émissions de gaz à effet de serre, le transport, c'est un incontournable qui représente encore 43 % des émissions, comme vous le savez.

Bon, on a la chance, au Québec, d'avoir une industrie forte dans le transport électrique, le transport intelligent. On ne fait pas de véhicule individuel, passager individuel, on fait tout autre type de véhicules qui s'inscrit... qui s'inscrivent, plutôt, dans une vision de la mobilité qui est intégrée, qui est vraiment... On produit, au Québec, tous les véhicules qui sont nécessaires à la mobilité du futur comme on en entend parler partout dans le monde, c'est-à-dire une mobilité qui est axée sur les véhicules connectés, les véhicules partagés, les véhicules intelligents puis les véhicules autonomes.

Donc, on va vraiment, comme on l'a vu dans tant d'autres industries, passer d'une possession individuelle, comme on l'a vu avec des grandes entreprises comme Spotify, Netflix, avec les CD ou les DVD... Maintenant, on ne possède plus, c'est dématérialisé. On s'abonne plutôt à un service. Et on a le bon véhicule au bon moment, et tous les véhicules sont optimisés pour limiter leur nombre sur nos routes et plutôt optimiser leurs trajets et leurs performances environnementales. Au Québec, comme on produit toutes sortes de véhicules, bien, on pense qu'on est très bien positionnés pour tirer notre épingle du jeu, ce qui nous offre vraiment une belle opportunité de marier à la fois lutte aux changements climatiques et développement économique.

Donc, dans notre mémoire, on rappelle, tout comme l'a fait d'ailleurs le comité de suivi de la Politique de mobilité durable, qu'on souscrit à l'approche «Éviter-Transférer-Améliorer». Et c'est pour cette raison-là qu'on va évidemment soutenir tous les efforts du gouvernement en faveur des investissements dans le transport collectif mais aussi dans l'électrification des véhicules récents. Et c'est pour cette raison-là que, notamment, dans le cadre du PECC, du groupe de travail sur le plan d'électrification et la lutte aux changements climatiques, nous avons recommandé que la loi zéro émission soit bonifiée pour que 100 % des véhicules vendus neufs en 2030 soient électriques. Donc, comme le projet de loi n° 44 touche la loi zéro émission, c'est un des points qu'on recommande dans notre mémoire.

On recommande également, puis ça s'inscrit, là, dans la même idée, que le projet de loi n° 44 s'arrime avec la vision existante de la Politique de mobilité durable, bien sûr, mais aussi des autres plans d'action, notamment celui sur l'industrie du transport terrestre et de la mobilité durable.

Et puis c'est vraiment, là, le point principal de notre intervention, ce qu'on recommande, c'est qu'il y ait... que le projet de loi n° 44, on saisisse cette opportunité-là pour améliorer l'efficience et l'efficacité de la gouvernance, de la gestion des fonds et de la livraison des programmes qui touchent nos membres, c'est-à-dire avec une meilleure coordination. Plusieurs autres acteurs qui nous ont précédés ont proposé soit une société d'État ou ont proposé, bon, que ça soit maintenu dans le ministère comme le projet de loi le recommande. Nous, bon, je pense qu'il y a des avantages et des désavantages aux deux.

Par contre, ce qu'on recommande, c'est que ça... à la fois la gestion des programmes et la gestion des fonds soient centralisées sous un seul et même chapeau. Une des suggestions qui a été également faite, et je pense que vous en avez discuté juste avant moi, c'est que ça passe sous le ministère du Conseil exécutif. Bon, on pense que, compte tenu de l'urgence climatique et de la nécessité, là, vraiment d'une action transversale, d'une action bien coordonnée, ce ne serait pas nécessairement une mauvaise idée. Mais, en tout cas, de toute façon, ce qu'on recommande, c'est que ce soit centralisé, là. On pense que c'était une des problématiques, là, de l'ancien système.

On recommande également que le lien soit maintenu... un lien fort soit maintenu avec le MTQ, notamment par la présence du ministre, là, sur les recommandations, là, afin que le ministre des Transports puisse émettre des recommandations sur la gestion des fonds, notamment en transport collectif. Je vous parle ici de l'article 8 du projet de loi.

On recommande également que la règle des deux tiers soit maintenue pour les investissements en transport. Bon, on sait qu'une des raisons qui... on soupçonne qu'une des raisons qui vous poussaient à modifier cette règle-là, c'était la difficulté de dépenser toutes les enveloppes. On pense que, vraiment, encore une fois, comme les transports sont responsables, là, d'une portion importante des émissions de gaz à effet de serre, on doit maintenir cette règle-là. On vous suggère d'ailleurs plusieurs idées de projets et d'investissements, et nos membres n'en manquent pas, de projets. Donc, on pense qu'au Québec, là, il y a plusieurs façons, là, d'investir dans la mobilité du futur. On a grandement besoin d'investissements dans ce secteur-là.

Grosso modo, ça fait le tour de notre mémoire.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, Mme Houde. Je cède maintenant la parole au ministre afin d'initier la période d'échange avec les parlementaires.

M. Charette : Merci, M. le Président. Madame, un plaisir de vous recevoir cet après-midi, un plaisir de poursuivre la communication. Vous l'avez mentionné, vous représentez plusieurs entreprises, souvent des entreprises excessivement innovantes au niveau du transport, de la mobilité durable. Peut-être nous faire un petit portrait, et le temps est malheureusement très, très limité.

• (15 h 40) •

Vous disiez qu'on produit différents types de véhicules au Québec. Donc, c'est bien vrai, on en est bien contents. Est-ce qu'on est en mesure de répondre à la demande potentiellement exponentielle des prochaines années? Où est l'état de nos entreprises, à ce niveau-là, pour anticiper, en quelque sorte, la demande à venir?

Mme Houde (Sarah) : Donc, on a des membres qui produisent des véhicules plutôt individuels, en micromobilité, là, trottinettes, vélos électriques, «pods» électriques. On a également des membres qui produisent des autobus, de toutes tailles, électriques. Il y a des autobus pour le transport de passagers étudiants, scolaires mais aussi qui visent les sociétés de transport ou des gestionnaires de flottes privées. On a également des manufacturiers de camions électriques et de trains électriques. Donc, grosso modo, là, c'est très rapidement ce qu'on produit au Québec.

Certains de ces membres-là vont produire des tout nouveaux véhicules, d'autres vont adapter des véhicules existants, ce qui est une belle solution en attendant que la production massive soit en route pour répondre à la demande, ce qui est très, très bien entamé, là. Donc, au niveau de la production, ce n'est pas une inquiétude puis, au niveau aussi de toutes les technologies de transition non plus, là, ce n'est pas du tout une inquiétude. En fait, on exporte la très grande... ces membres-là exportent la très grande majorité de leur production, ce qui est un peu paradoxal, puisque le Québec pourrait en acheter beaucoup plus.

M. Charette : Ce sont des dossiers qui intéressent, naturellement, plusieurs ministères, dont mon collègue à l'Économie notamment, et on s'en parle régulièrement, on veut miser beaucoup sur l'électrification. C'est, d'abord et avant tout, le thème du plan, de la politique-cadre que l'on va mettre de l'avant. On veut que ça devienne un formidable... ou une formidable occasion de développement économique.

Donc, comment est perçue cette volonté gouvernementale d'appuyer sur l'accélérateur, sans jeu de mots? On parle de transport électrique, est-ce que c'est bien perçu? Est-ce que les entreprises que vous représentez se sentent bien accompagnées, justement, par le gouvernement dans leur volonté de croissance, dans leur volonté d'exportation, lorsque ça s'applique à elles?

Mme Houde (Sarah) : Nos membres sont à différents stades de développement, donc ont différents besoins. Certains sont plutôt dans le stade de la R&D, donc développent des prototypes, d'autres ont besoin de mettre ces prototypes-là au test de la vraie vie, donc sur la route ou dans des circuits fermés, et d'autres sont vraiment à l'étape de la commercialisation.

J'imagine que votre question touche les programmes, là, qui sont identifiés dans le projet de loi n° 44 et je ne sais pas si vous parlez du... En fait, je vous retourne la question. Est-ce que vous parlez du gouvernement en général ou vous parlez de Transition énergétique Québec et des programmes qui sont touchés par...

M. Charette : En fait, c'est un travail que l'on fait collectivement entre les différents ministères concernés. C'est tantôt l'Économie, c'est tantôt l'Environnement, on travaille tous ensemble. Donc, c'était davantage : Quel est l'accompagnement qui est actuellement offert? Est-ce qu'il est jugé suffisant? Est-ce que le fait de vouloir miser beaucoup, comme notre gouvernement souhaite le faire, sur l'électrification, est-ce que ça crée un dynamisme nouveau dans la grappe que vous représentez?

Mme Houde (Sarah) : C'est clair que la volonté du gouvernement de... le soutien du gouvernement à l'électrification des transports est indéniable, et nos membres, évidemment, en sont très heureux. C'est sûr que, comme je le disais tantôt, puisqu'ils sont à différents stades de développement, ils rencontrent différents enjeux. Quelquefois, ce sont des enjeux de financement, quelquefois, ce sont des enjeux réglementaires. Je pense qu'on a encore du travail à faire pour que la réglementation, notamment, évolue à la vitesse du marché et que les programmes aussi évoluent à la vitesse de l'écosystème, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de gens qui souhaiteraient, par exemple, faire une transition de leurs flottes vers l'électrique et qui doivent encore s'adresser à différentes portes au gouvernement. Parce que, dans une flotte, ça comprend des plus petits véhicules, des plus gros véhicules, il faut installer des bornes de recharge. Donc, il y a beaucoup de...

Donc, il y aurait certainement un arrimage à faire, encore une fois, comme je le disais, entre les programmes pour faciliter la transition écologique et technologique. Parce que, quelquefois, l'électrification améliore définitivement la performance environnementale du véhicule, mais, en insufflant de la technologie, on peut optimiser les trajets, donc diminuer le nombre de kilomètres, donc, bon... Il y a plusieurs stratégies, là, technologiques comme celles-là à implanter et pour lesquelles certains programmes pourraient définitivement être regroupés, optimisés pour faciliter, là, la transition.

M. Charette : Et vous parliez, dans les recommandations, si je vous ramène davantage au projet de loi n° 44... notamment la loi zéro émission, vous suggérez de l'étendre à tout type de véhicule. Effectivement, ça s'est fait ailleurs. Vous parlez d'en faire une condition pour l'année 2030 notamment. Est-ce que 2030, ce n'est pas trop loin même pour tenter d'élargir la portée de cette loi zéro émission?

Mme Houde (Sarah) : Ce qu'on recommande, c'est que 100 % des nouveaux véhicules vendus, véhicules passagers, soient des véhicules électriques. Ça s'inscrit dans la grande tendance mondiale. Il y a plusieurs autres pays, il y a toute une liste d'autres pays qui ont déjà mis cette démarche-là en place. Pour tout autre type de véhicule, c'est... À l'intérieur de notre membership, il y a beaucoup de gens qui croient que ce serait tout à fait possible aussi d'étendre à tout autre type de véhicule, pour les camions, mais, dans une perspective, je dirais, de consensus, on s'est vraiment concentrés sur les plus petits véhicules. Mais il y aurait définitivement possibilité de l'étendre, en voyant venir, là, dans quelques années, à tout type de véhicule.

M. Charette : J'étais la semaine dernière à l'inauguration de la zone électrique du salon de l'auto à Montréal. On voit, il y a de plus en plus de modèles, il y a de plus en plus de modèles performants, mais l'enjeu de la disponibilité m'a été répété par l'ensemble non pas des fabricants mais des consommateurs qui visitaient le salon en même temps que moi. Dans certains cas, quelques semaines pour obtenir un modèle en particulier, mais, dans d'autres cas et dans d'autres nombreux cas, on est à peine en janvier 2020, et tous les stocks pour l'année 2020 sont déjà vendus, donc la personne qui achète se fait promettre un véhicule l'année prochaine.

Donc, la problématique de la disponibilité, comment aidons-nous... comment pouvons-nous aider à la résoudre? Comment une organisation comme la vôtre est interpelée à ce niveau-là?

Mme Houde (Sarah) : Je vous dirais qu'on est... je n'ai pas de membres qui vendent des petits véhicules passagers, mais je peux quand même vous donner une opinion que j'ai collectée suite à différentes conversations. C'est clair que le fait que peu de modèles sont homologués au Canada, c'est problématique parce qu'évidemment, bien, ça diminue le bassin. Si plus de modèles étaient homologués, des modèles européens par exemple, ça offrirait la chance à plus de manufacturiers de mettre des véhicules sur la route. Cette compétence-là, malheureusement, est de... elle relève du fédéral, donc, bon, ce n'est pas quelque chose sur lequel on peut agir ici, là, mais... enfin, ou sur lequel on a une influence limitée. Puis je pense que les accords commerciaux sont aussi responsables, là, de ces standards-là, en fait, qui forcent les manufacturiers européens à faire des adaptations à leurs véhicules en fonction des normes. Donc, voilà, je pense que c'est là le coeur du problème, là.

• (15 h 50) •

M. Charette : Vous avez parlé de la présence nécessaire du MTQ dans la discussion. On a fait référence, à plusieurs reprises au cours des derniers jours... de la PMD, de la Politique de mobilité durable. Peut-être vous rassurer, la présente démarche, autant la consultation l'automne dernier que la politique-cadre qu'on va présenter dans les prochaines semaines, intègre la PMD. Donc, oui, le ministère de l'Environnement évoque ou dépose une politique-cadre mais va forcément impliquer l'ensemble des ministères. Au niveau de la détermination des ratios, au niveau... le ministère du Transport demeure intimement impliqué, je vous rassure à ce niveau-là.

Concernant le questionnement sur le fameux deux tiers, je ne sais pas si vous étiez déjà des nôtres, mais, deux intervenants avant vous, le Pr Pineau nous disait que c'est un piège, c'est un carcan un petit peu, le deux tiers, tel qu'il se vit présentement. Un, nous, on n'est pas opposés à la formule. Ce que l'on dit, c'est que, dans certains cas, il y a un manque de souplesse. Donc, on ne dit pas que ce sera forcément moins que deux tiers, mais le fait que ce soit figé dans nos obligations actuellement, c'est problématique. Souvent, c'est un transfert de fonds qui se fait de façon automatique sans pour autant qu'il y ait une agilité au niveau des programmes, et, au final, on finit par se perdre dans le potentiel à notre disposition. Il n'est pas le seul qui a évoqué cet argument-là.

Et la perspective gouvernementale, c'est de dire : Le domaine du transport, il est à ce point important que, si on réunissait tous les revenus du FECC, ce serait encore insuffisant pour répondre à la demande. Donc, on pense et on croit pouvoir mieux financer certains aspects du transport, notamment les infrastructures lourdes de transport collectif, à travers d'autres outils budgétaires.

Donc, peut-être vous rassurer, il n'y a pas de désaveu de l'importance du transport, au contraire, mais le carcan actuel, il est lourd puis il nous fait perdre de belles opportunités. Donc, si vos membres étaient inquiets à ce niveau-là, vous pouvez les rassurer sans problème.

Et, au niveau Écocamionnage, Roulez vert, et autres, vous le disiez, c'est deux types de véhicules différents. Donc, on peut avoir une même flotte avec... Ça, c'est problématique, d'avoir plusieurs programmes en mobilité dans différentes soit instances ou ministères? Ça, c'est quelque chose qui vous est rapporté par vos membres?

Mme Houde (Sarah) : Absolument. Comme nous, on souhaite vraiment agir sur les flottes... Les flottes, ce sont des véhicules qui roulent constamment, donc qui émettent beaucoup. Donc, on a un potentiel de gains, ici, importants, puis ce sont de bons clients pour nos manufacturiers québécois. Donc, on vise les gestionnaires de flottes dans nos actions, là, pour favoriser la transition.

Et c'est un des freins qu'ils rencontrent, là, c'est qu'ils doivent s'adresser à diverses portes, puisqu'au sein d'une flotte on peut avoir des plus petits véhicules, des camions, des camions-outils. Donc, comme je le disais, on a besoin de bornes. Donc, c'est plusieurs portes, là, auxquelles on doit aller cogner, là, pour... et présenter à chaque fois un dossier, alors que, dans le fond, ça devrait être pris dans son ensemble, cette volonté-là. Puis on devrait saluer et célébrer ceux qui souhaitent effectuer cette transition-là parce que souvent c'est quand même un investissement important, là, à plusieurs niveaux, là, pour eux.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Merci d'être là aujourd'hui. Considérant que vous souhaitez que 100 % de l'ensemble des nouveaux véhicules électriques vendus en 2030 soient électriques, est-ce que vous avez des membres, au sein de votre association, qui adressent la problématique de la récupération ou du recyclage des batteries de lithium?

Mme Houde (Sarah) : Oui, oui, tout à fait. Actuellement, il y a deux projets qui sont menés par deux groupes de membres qui développent de la technologie pour recycler des batteries. Ce sont des technologies très, très innovantes sur le marché mondial, là, qui sont très, très prometteuses. Un de ces deux groupes-là est déjà en aménagement de son usine pilote à Anjou. Donc, c'est un exemple très, très, très intéressant, là, et très prometteur pour le recyclage des batteries, là. Ils ont vraiment amélioré grandement le pourcentage qui va pouvoir être récupéré et la qualité aussi des matériaux qui vont pouvoir en être extraits pour être ensuite réutilisés dans de nouvelles batteries, par exemple.

Donc, oui, on a... C'est évidemment un des sujets qui nous préoccupent le plus parce qu'on sait, là, que c'est absolument... C'est un problème qui n'est pas tellement présent actuellement parce que le nombre de batteries en fin de vie n'est pas tellement grand, mais c'est un enjeu très, très important d'un point de vue environnemental, d'un point de vue de sécurité aussi. Ce sont des produits sous haute tension, là, qui peuvent représenter un danger, là, s'ils sont laissés dans la nature. Donc, c'est important, là, pour tout le monde, là, de trouver des solutions puis de gérer ça adéquatement.

Mme Tardif : Merci.

Le Président (M. Polo) : ...Bourget, pour 1 min 45 s.

M. Campeau : J'ai moi-même un véhicule électrique depuis un petit peu moins de deux ans, et, oui, ça a pris six mois. Je n'avais pas l'impression que ça avait empiré. Ça semble donc être un peu pire qu'avant encore au niveau disponibilité, ce qui est réellement un problème.

Quand vous parlez, à la recommandation 3, que la loi VZE, donc véhicules zéro émission, soit bonifiée, il faut que 100 % des nouveaux véhicules vendus... Là, vous parlez de véhicules électriques, mais parlez-vous d'hydrogène en même temps?

Mme Houde (Sarah) : Non, je ne vous parle pas d'hydrogène. Bon, sur l'hydrogène... Bon, premièrement, je n'ai aucun membre qui produise quoi que ce soit, un véhicule à hydrogène ou une station de ravitaillement à hydrogène. Donc, ce n'est pas une industrie typiquement québécoise, ce n'est pas une industrie sur laquelle il y a des retombées québécoises pour l'instant. Je ne défends pas... je n'ai aucun membre, dans mon membership, qui sont actifs dans ce secteur-là.

Il y a aussi de grandes questions qui se posent sur les petites distances et la solution de l'hydrogène pour les petites distances, les petits véhicules, parce qu'en fait la technologie, le marché est presque mature dans les véhicules à batterie électrique, et donc d'installer, de développer tout un système de ravitaillement en parallèle du système de recharges actuel nous amènerait à des investissements majeurs. Parce que ça prend une densité pour vraiment encourager les gens à faire la transition, là, ça prend beaucoup de stations, pas juste une station, pour vraiment faire la différence. Donc, au sein de notre membership, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de doutes quant à l'avenir de la voiture à hydrogène.

Le Président (M. Polo) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard ou M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Oui. Merci pour votre présentation et pour le mémoire. Juste une question sur les deux tiers. J'imagine que beaucoup de vos membres ont utilisé le Fonds vert dans le volet de ces deux tiers-là. Est-ce que vous pouvez juste expliquer peut-être quelques problématiques qui existent dans le processus présentement? En place... juste d'enlever le deux tiers, peut-être qu'on peut proposer des choses pour améliorer le processus.

Mme Houde (Sarah) : Oui. Bien, comme je le disais, certains de nos membres ont effectivement appliqué sur le Fonds vert mais aussi ont appliqué sur plusieurs autres programmes, donc, et ont rencontré certaines difficultés.

Comme je le disais un petit peu plus tôt, le fait que le fonds est sous un ministère, l'organisation qui délivre les services est sous un autre ministère et que cette organisation-là était relativement nouvelle, donc a pris un temps à se mettre en place, ça a été, là... Nous, on a eu des commentaires de nos membres qui trouvaient que le processus était long, que ce n'était pas toujours clair, le processus, non plus. Donc, on a eu plusieurs commentaires de nos membres qui ont trouvé l'expérience fastidieuse.

M. Kelley : C'est intéressant, parce que... et ce n'est pas juste vous, mais on a eu des autres personnes qui ont mentionné la même chose, qui veulent un processus qui est accéléré mais, en même temps, plus rigoureux et transparent. Et je demande la question : Comment on est capables d'aller plus rapidement mais, en même temps, être plus prudents?

Mme Houde (Sarah) : En fait, plusieurs de nos membres nous ont aussi parlé de leur expérience avec TDDC, qui est un peu le miroir de Technoclimat au fédéral, et nous ont dit que le processus avait été rapide, nous ont aussi dit que le paiement avait été fait... ils avaient reçu les fonds en avance. Donc, ça, évidemment, pour leur trésorerie, là, c'est intéressant, là. Pour des petites entreprises en démarrage, ça peut faire vraiment toute la différence. Donc, on pourrait s'inspirer de ce modèle-là.

En fait, je pense que c'était aussi la volonté, là, de pouvoir présenter une seule demande aux deux programmes puis que ce soit traité conjointement ou, enfin, d'une façon facilitée, là. Donc, bien, je pense qu'avec des processus clairs, des processus aussi «lean», je m'excuse de l'anglicisme, disons, simplifiés ou, bon, optimisés, voilà, je pense qu'il est possible d'être à la fois rigoureux et rapide dans l'exécution.

M. Kelley : O.K., parfait. Et, juste rapidement, encore sur le deux tiers, j'imagine que la stabilité était aussi toujours un message très important pour vos membres.

Mme Houde (Sarah) : Absolument. C'est clair que la prévisibilité, la stabilité, c'est toujours des termes gagnants auprès d'entreprises, peu importe leur stade de développement.

M. Kelley : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Merci beaucoup. Bonjour. Très contente de vous avoir avec nous aujourd'hui. Question sur votre première recommandation. C'est ça, vous soulignez, puis ça aussi, ça a été souligné par d'autres groupes... mais je trouve que c'est important de vous avoir ici et de vous entendre le dire, de l'expliquer, là, par rapport au fait que vous souhaitez que soit maintenu le ministre des Transports dans son rôle de recommandation. Effectivement, ça ne figure plus, il ne joue plus ce rôle-là dans le projet de loi n° 44. J'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là...

• (16 heures) •

Mme Houde (Sarah) : ...tel que mentionné dans notre rapport, on émet cette recommandation-là, à l'instar du Comité de suivi sur la politique de mobilité durable. Évidemment, le ministre des Transports a une connaissance fine de plusieurs éléments qui sont très utiles à... qui pourraient contribuer de façon très positive, là, aux réflexions sur l'octroi des fonds. Donc, c'est dans cette optique-là, là, évidemment, qu'on pense que son apport devrait être maintenu, et aussi ça permet de faire le lien avec la Politique de mobilité durable. C'est aussi l'objectif, là, de... Comme le gouvernement a décidé de maintenir cette politique-là et de la poursuivre, on pense que c'est important, là, d'avoir un liant, là, entre les différentes actions gouvernementales. C'est dans cette optique-là.

Mme Montpetit : Parfait. Merci beaucoup. Vous recommandez aussi, à l'instar d'autres groupes, dans le fond, que soit confiée non pas au ministre de l'Environnement mais au MCE, au ministère du Conseil exécutif, la responsabilité de l'attribution... de la gestion du Fonds vert. Je présume que, dans les commentaires qui ont été faits par différents groupes, c'est dans une idée un peu parapluie, dans le fond, d'avoir une transversalité, de s'assurer, justement, qu'il y a un rapport de force et qu'il y a un... je vais dire un «top-down», là, du haut vers le... il n'y a vraiment pas une très bonne traduction de cette expression-là, mais de s'assurer, dans le fond, qu'il y ait une autorité qui vient d'en haut par rapport aux demandes des différents ministres plutôt que d'avoir un ministre qui est sur le même poids d'égalité, si on veut, que ses collègues. Est-ce que c'est la façon dont vous l'entendez dans la recommandation que vous faites?

Mme Houde (Sarah) : En fait, actuellement, bon, c'est ça, comme je le disais précédemment, la gestion des fonds et la gestion du programme sont sous deux ministères. En centralisant le tout sous un seul et même ministère, on pense que, d'abord, ça permettra de mieux arrimer et de mieux coordonner l'action gouvernementale. L'idée qui a été évoquée de ramener ça sous le ministère du Conseil exécutif, et je reprends les mots de mon collègue d'Écotech qui disait qu'en fait, sous le ministère du... Lorsque c'est un ministre qui est responsable, bien, c'est une position d'influence, alors que, lorsque c'est au ministère du Conseil exécutif, bien, on est plutôt dans une position plutôt de leadership évident, là, de par la structure. Donc, c'était dans cette optique-là.

Le plus important, pour nous, c'est que ce soit centralisé. Comme je le disais précédemment, on pense que ça pourrait nettement améliorer, là, la coordination, mais on ajoute cette... on souscrit à cette proposition-là, là, que ce soit ramené sous le ministère du Conseil exécutif compte tenu de l'importance de l'enjeu.

Mme Montpetit : Parfait. Je vous remercie. Merci.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Oui. Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. On a entendu des groupes qui disent que c'est important que, quand on va... le choix des projets dans lesquels on va investir du Fonds vert, que l'indicateur qui pourrait être utilisé, c'est le coût gaz naturel... gaz naturel, excusez... gaz à effet de serre, exactement, les GES, et ça, c'est un autre sujet, je n'embarquerai pas là-dedans avec vous, donc, et d'autres qui disent que non, ça ne devrait pas être ça, ça devrait être autre chose. C'est quoi, la position de votre organisme?

Mme Houde (Sarah) : Bon, ça, c'est un autre sujet qui... Je comprends la position de ceux qui sont en faveur d'un tel calcul. D'autres, certains de nos membres produisent des technologies qui sont difficiles à quantifier à leur stade de développement. Je pense, par exemple, au recyclage des batteries, c'est un bon exemple. Ce n'est pas évident, au stade de développement de la technologie, de mesurer exactement combien ça va diminuer ou l'effet que ça aura, précisément, sur les émissions de gaz à effet de serre.

Je salue quand même la volonté de la mesure, je pense que c'est important, mais je pense que ça prend aussi une certaine flexibilité pour évaluer certaines technologies qui sont encore en développement, qui pourraient nécessiter des investissements et qui sont... ce n'est pas nécessairement leur meilleur argument de vente. Par contre, elles contribuent de plein de façons, dans le cycle de vie, dans la réutilisation de certains matériaux. Elles peuvent... Ça peut être des options qui sont très intéressantes.

Mme Ghazal : Puis ça serait quel autre indicateur qui devrait être utilisé pour dire, oui ou non, on y va ou on n'y va pas?

Mme Houde (Sarah) : Je n'ai pas vraiment de réponse à vous donner, claire, à votre question. Par contre, j'aimerais ça y penser puis vous revenir, si c'est une procédure qui est possible.

Mme Ghazal : Ou peut-être parmi vos parmi vos membres, là, si...

Mme Houde (Sarah) : Oui, c'est ça, c'est qu'on a... il y a quand même une variété. Il y a quand même une variété de mesures qui pourraient émerger, là, d'une consultation de mes membres à cet égard-là, mais je pourrais tout à fait faire ça.

Mme Ghazal : Bon, bien, écoutez, je vais vous dire merci à mon tour.

Le Président (M. Polo) : Et vous pouvez communiquer au secrétariat, et l'information que vous allez communiquer va être partagée avec tous les parlementaires.

Mme Houde (Sarah) : Parfait.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Alors, je suis heureux de voir que votre recommandation 3 est plus ambitieuse que celle de Québec solidaire qui, eux, proposaient de vendre exclusivement des véhicules électriques en 2040. Alors, vous nous emmenez en 2030, c'est bon signe qu'on est capables d'y arriver pour 2030.

Maintenant, ma question, c'est... Dans votre industrie... On se fait souvent demander par des Québécois qu'on rencontre sur la rue, un peu partout... Ah! le fameux rêve d'un véhicule électrique entièrement québécois, là, du premier parechoc jusqu'à l'autre parechoc, là. Est-ce que c'est davantage dans des marchés de niche, donc des portions de véhicules? Si oui, comment on peut intervenir dans la loi qu'on a devant nous pour s'assurer de faire émerger cette industrie dans des niches? Est-ce qu'il faut donner un rôle davantage à Investissement Québec? Fondaction CSN nous a fait des propositions intéressantes. Est-ce que vous embarquez là-dedans? Si on veut une vision transversale, bien, il ne faut pas que ça soit juste le ministère de l'Environnement puis des Transports, là, il faut en mettre d'autres dans le décor.

Mme Houde (Sarah) : Bon, plusieurs éléments dans votre question...

M. Gaudreault : C'est parce que je n'ai pas beaucoup de temps, ça fait que je les garroche.

Mme Houde (Sarah) : Je vois votre... bien, je salue votre capacité de synthèse, parce qu'il y a beaucoup d'éléments dans votre question. O.K.

Bien, pour développer vraiment, effectivement, ce marché de niche... qui est actuellement un marché de niche, mais qui, selon moi, va aller vraiment en grandissant, compte tenu de la mobilité que je vous ai décrite, là, dans les prochaines années... Plusieurs manufacturiers automobiles, d'ailleurs, cherchent de nouvelles façons d'investir dans des compagnies, dans de nouveaux types de véhicules. Ils développent des nouveaux types de véhicules qui sont beaucoup plus des véhicules partagés, qui permettent de faire un peu ce qu'UberPool fait, c'est-à-dire qu'on optimise son trajet en temps réel en permettant de mutualiser des déplacements de plusieurs personnes qui ne se connaissent pas nécessairement, donc en développant des nouveaux types de véhicules. Donc, le véhicule passager, je ne pense pas que c'est nécessairement l'avenir, en toute franchise, et je pense que les marchés de niche d'aujourd'hui vont se déplacer vers des marchés de masse. Ça, c'était votre première question.

Votre deuxième question, c'est le rôle du gouvernement. Bien, effectivement, c'est clair que, bon, des investissements d'Investissement Québec dans nos entreprises québécoises viendraient compléter des subventions et vont se marier avec du capital privé, là. Ça, c'est évident, et ça nécessite un... puisque c'est un chantier important qui nécessite beaucoup d'innovations dans un contexte ultraréglementé et qui, en plus, s'inscrit dans une course mondiale parce qu'il y a beaucoup de compagnies qui ont les poches profondes qui se lancent dans cette course-là, c'est clair que ça demande des investissements importants et ça demande une coordination impeccable. Donc, de là notre principale recommandation, là, vraiment, d'arrimer le plus possible les décaissements et la gestion des programmes.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, Mme Houde.

Nous prendrons une pause avant d'accueillir les représentants d'Hydro-Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 10)

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Polo) : Alors, nous reprenons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants d'Hydro-Québec, Mme France Lampron, directrice, Électrification des transports, et M. Dave Rhéaume, directeur principal, Affaires réglementaires et approvisionnements en électricité. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé puis que nous procéderons par la suite à une période d'échange avec les parlementaires. Je vous invite donc à débuter votre présentation et à procéder à votre exposé. Merci. La parole est à vous.

Hydro-Québec (HQ)

M. Rhéaume (Dave) : Merci, M. le Président. Hydro-Québec remercie les membres de la Commission des transports et de l'environnement de l'invitation à participer aux consultations particulières sur le projet de loi n° 44.

La lutte contre les changements climatiques est une priorité planétaire. Partout dans le monde, la course à l'énergie verte est lancée. Hydro-Québec dispose déjà de sources d'énergie propre et renouvelable à plus de 99 %. Pourtant, l'électricité ne représente que 35 % de l'énergie consommée au Québec. Outre leur impact sur l'environnement, les combustibles fossiles sont à l'origine de la majeure partie du déficit commercial du Québec. Le remplacement de ces énergies par de l'électricité propre, renouvelable, abordable et produite ici enrichirait le Québec dans son ensemble et améliorerait la qualité de vie de tous.

Le projet de loi n° 44, qui favorise l'utilisation du plein potentiel de notre électricité pour décarboner le Québec, est en phase avec les objectifs du plus récent plan stratégique 2020‑2024 d'Hydro-Québec, dans lequel nous annonçons notre intention d'alimenter de façon importante le développement économique du Québec et nous voulons contribuer à réduire les émissions de GES tout en améliorant la profitabilité d'Hydro-Québec.

Nous sommes d'avis que les mesures proposées dans le projet de loi n° 44 contribueront à l'atteinte de ces objectifs. Nous tenons à réaffirmer notre volonté d'électrifier le Québec en misant d'abord sur une utilisation judicieuse de notre électricité. L'efficacité énergétique est une source d'approvisionnement à part entière. Nous comptons privilégier cet approvisionnement avant d'envisager de nouveaux projets de production d'électricité.

Mettons d'abord la table avec quelques données tirées de notre plus récent Plan d'approvisionnement 2020‑2029, transmis à la Régie de l'énergie en novembre dernier. Ce plan fait état des besoins en électricité prévus de la clientèle québécoise pour les 10 prochaines années et des moyens envisagés pour y répondre. Les bilans dressés par Hydro-Québec dans ce plan montrent l'équilibre entre l'offre et la demande prévue pour deux mesures de l'électricité, soit la puissance et l'énergie.

Rappelons que la puissance, c'est la demande d'énergie à un moment précis. Elle est calculée en mégawatts. Par exemple, les besoins en puissance des clients au Québec, à la pointe de l'hiver dernier, ont atteint plus de 38 000 MW. C'était le 22 janvier à 8 heures. Quant à l'énergie, c'est la puissance multipliée par la durée. Elle est mesurée en mégawattheures. Par exemple, une consommation de 1 MW pendant trois heures correspond à 3 MWh. L'hiver dernier, le jour où la plus forte demande a été enregistrée, la même journée, la consommation de nos clients atteint plus de 816 000 MWh pour 24 heures.

Pour respecter nos engagements auprès de la clientèle québécoise et pour commercialiser de l'électricité sur les marchés d'exportation, nous avons besoin d'importants moyens de production. Nous exploitons aujourd'hui un vaste parc de production d'une puissance installée de 37 310 MW. Nous disposons aussi d'autres sources d'approvisionnement d'une puissance totale de plus de 10 000 MW, en vertu de contrats conclus avec des producteurs indépendants d'énergie renouvelable.

Les diverses initiatives en efficacité énergétique pour réduire la consommation de notre clientèle font aussi partie de nos sources d'approvisionnement. Au total, nous prévoyons que l'impact de ces mesures appliquées par notre clientèle résidentielle et d'affaires de 2019 à 2029 équivaut à une diminution de 5,6 TWh, soit l'équivalent de la consommation de 300 000 ménages.

Selon les prévisions actuelles, nos approvisionnements sont suffisants pour alimenter le développement économique du Québec tout en contribuant davantage à la décarbonation des marchés voisins en signant de nouveaux contrats d'exportation à long terme.

En plus des besoins prévus, nous anticipons que le Plan d'électrification et de changements climatiques 2020‑2030 du Québec entraînera une augmentation de la demande d'électricité. Pour répondre à cette demande supplémentaire, nous continuerons de miser sur la sensibilisation aux meilleures pratiques en efficacité énergétique, sur des appuis financiers et sur l'accompagnement des clients en gestion de l'énergie au cours des prochaines années.

Au Québec, c'est plus de 80 % des ménages québécois qui chauffent leur résidence à l'électricité. La contribution de chaque ménage, aussi petite soit-elle, peut donc faire une grande différence. Parmi les nouvelles mesures d'efficacité énergétique qui seront offertes à nos clients sur une base volontaire, pensons, par exemple, aux produits et services de notre filiale Hilo et à la tarification dynamique, qui module le prix de l'électricité en fonction de la demande au Québec.

Nous entendons en faire encore plus. Depuis 2016, Hydro-Québec et Transition énergétique Québec, TEQ, travaillent de concert à harmoniser les mesures et les programmes existants, en plus de se pencher sur de nouvelles initiatives à promouvoir. Hydro-Québec souhaite poursuivre ce travail de collaboration à la suite du rapatriement des activités de l'organisme au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, comme prévu dans le projet de loi n° 44.

Nous considérons que notre expertise unique en matière d'utilisation efficace de l'électricité, conjuguée à nos informations sur la consommation de nos clients, nous procure les outils et la crédibilité nécessaires pour guider ces derniers vers les meilleures solutions énergétiques. C'est le cas particulièrement pour nos clients affaires, à qui nous offrons un accompagnement personnalisé. Ces activités font partie intégrante de nos services et répondent aux attentes de nos clients. Elles constituent une source d'approvisionnement en électricité importante, sur laquelle nous voulons exercer le meilleur contrôle possible.

Je cède la parole à ma collègue.

• (16 h 20) •

Mme Lampron (France) : Merci, Dave. M. le Président, le domaine des transports est responsable de 43 % de la production des gaz à effet de serre au Québec. L'atteinte des cibles de réduction des GES que le Québec s'est fixées passe donc impérativement par une électrification accrue des transports, et ce, tant pour le transport des marchandises, le transport individuel que le transport collectif.

L'élan est déjà donné et doit continuer à être soutenu. Depuis 2015, le nombre de véhicules électriques sur les routes du Québec est passé de 8 000 à plus de 67 000 en... 66 000, pardon, en décembre dernier. La majorité des projets importants de transport collectif, soit en construction ou annoncés, sont également électriques. Le projet de loi n° 44 transforme le Fonds vert en Fonds d'électrification et de changements climatiques et propose que ce fonds soit affecté uniquement au financement de mesures visant la lutte contre les changements climatiques.

Le projet de loi permet aussi au gouvernement de déterminer la part minimale des revenus du système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de GES qui sera réservée aux mesures applicables aux transports. Nous espérons que ces modifications pourront favoriser l'intensification des investissements dans le développement du transport électrique individuel, de marchandises et collectif.

En ce qui concerne plus précisément le transport individuel, Hydro-Québec va continuer à en stimuler l'électrification, déjà en plein essor. Notre plan stratégique fait d'ailleurs état d'un engagement concret à cet égard, notamment le déploiement de 1 600 nouvelles bornes de recharge rapide d'ici 2030.

En complément, nous recommandons trois sphères d'intervention gouvernementale pour viser une mobilité zéro émission dans les transports individuels. Premièrement, il faut agir sur l'offre. Il y a actuellement, on en a entendu parler plus tôt, un problème de disponibilité de véhicules électriques chez les concessionnaires. L'attente de plusieurs mois pour un véhicule décourage de nombreux clients potentiels.

La loi actuelle oblige les constructeurs automobiles à ce qu'un certain pourcentage de leurs ventes soit des véhicules électriques. Or, le pourcentage exigé présentement n'est pas assez élevé, ni pour répondre à la demande des clients ni pour que la norme permette d'atteindre à elle seule la cible du gouvernement de 1 million de véhicules électriques d'ici 2030.

Comme le projet de loi n° 44 modifie la loi visant l'augmentation du nombre de véhicules zéro émission, le moment semble idéal pour amender cette loi de façon à remédier à la situation. La manière d'y arriver consisterait à changer la valeur des crédits qui sont attribués aux différents types de véhicules rechargeables.

Deuxièmement, il faut agir sur la demande par le maintien des incitatifs à l'achat jusqu'à ce que le prix des véhicules électriques soit comparable à celui des véhicules à essence. Il faut également mettre en place une vaste campagne de sensibilisation, à la population québécoise, aux avantages des transports électriques.

Troisièmement, il faut stimuler l'achat de bornes de recharge qui permettent de gérer les pointes de consommation d'électricité en orientant les incitatifs financiers à l'achat de bornes intelligentes qui permettront de programmer la recharge à des moments opportuns pour le réseau d'Hydro-Québec.

L'électrification du transport collectif est également essentielle pour contribuer à l'atteinte des objectifs de réduction de GES. Le projet de loi n° 44 prévoit que le Fonds d'électrification et de changements climatiques sera affecté au financement de toute mesure visant la lutte contre les changements climatiques. Cela se fera au moyen de l'électrification dans le respect des principes, des orientations et des objectifs établis dans la politique-cadre. Hydro-Québec estime que les mesures pour le financement de projets d'électrification de transport collectif devraient être priorisées.

Le Président (M. Polo) : En conclusion. Il vous reste 10 secondes.

Mme Lampron (France) : Je cède la parole à mon collègue.

M. Rhéaume (Dave) : En conclusion, Hydro-Québec appuie le projet de loi n° 44, qui mise sur l'électrification pour lutter contre les changements climatiques. Compte tenu de notre rôle clé dans la transition énergétique, Hydro-Québec mettra son expertise à la disposition du gouvernement pour participer aux travaux du comité consultatif permanent, pour fournir des orientations sur les politiques, programmes et stratégies en matière de lutte contre les changements climatiques.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup pour votre exposé. La période d'échange avec les parlementaires va débuter. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Charette : Merci, M. le Président. Merci à vous deux d'être avec nous cet après-midi. C'est difficile de parler d'électrification sans entendre... et échanger avec Hydro-Québec. Donc, doublement apprécié.

L'environnement, c'est vaste. On parle d'un défi majeur, celui de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, nous y sommes, mais l'environnement, c'est aussi, je le mentionnais à quelques reprises, la biodiversité, c'est notre qualité de l'air, c'est notre qualité de l'eau.

Certaines personnes ont manifesté la crainte suivante... On va avoir besoin de beaucoup plus d'hydroélectricité, vraisemblablement, qu'au cours des dernières années, et la crainte est davantage au niveau de la protection de nos rivières, de nos cours d'eau. Certains craignent que l'on commence, à tout rompre, à construire de nouveaux barrages. Donc, c'est une crainte qui concilie une autre facette du domaine de l'environnement. On peut comprendre les inquiétudes.

En même temps, vous avez mentionné, de votre côté, avoir suffisamment de marge de manoeuvre, à travers votre planification, pour entrevoir positivement une demande croissante en matière d'hydroélectricité. Comme gouvernement, on ne dit pas qu'on ne construira plus jamais de barrages, mais, dans un avenir prévisible, vous êtes confiants d'avoir l'énergie suffisante. Vous avez fait référence à ce que pourrait générer comme demande le nouveau PECC. Donc, vous avez fait des calculs, des évaluations à ce niveau-là.

Comment rassurer davantage les gens sur la capacité de production, de maintien de ce capital-là d'hydroélectricité par la société d'État qu'est Hydro-Québec?

M. Rhéaume (Dave) : De notre côté, on est très rassurés de notre capacité à rencontrer les besoins en énergie, grandissants, qui vont venir avec l'électrification, notamment parce qu'aujourd'hui on a des surplus existants, mais aussi parce qu'on sait qu'on a un potentiel important d'efficacité énergétique qu'on pourra aller chercher avant d'avoir à aller de l'avant avec de grands ouvrages.

La plus grande préoccupation que nous avons et sur laquelle on s'affaire, notamment avec la filiale Hilo, c'est la question de la puissance. On a un peu un défi de bouchons d'étranglement sur le réseau électrique puis par rapport aux infrastructures de production électrique, comme on peut avoir dans la circulation. Si tout le monde veut utiliser l'électricité en même temps, ça veut dire avoir plus de puissance de centrales hydroélectriques, des lignes de transport encore plus puissantes, plus de postes, plus de réseaux de distribution. C'est des coûts qui sont importants pour des situations qui se produisent seulement quelques heures dans une année.

Donc, actuellement, on met tout en place pour créer les bons incitatifs puis rentrer les bonnes technologies pour essayer de venir un peu réduire l'appel de puissance qu'on constate au Québec puis venir le répartir un peu dans le temps. De notre point de vue, on aime comparer ça un peu à un restaurant. Le samedi soir, tout le monde veut être assis dans le restaurant, vers 7 heures, 19 heures. Bien, le restaurant, il essaie de créer un incitatif, des fois, avec des prix plus bas, en début de soirée puis en fin de soirée, pour inciter les gens à venir se répartir, parce que, sinon, sa salle à manger n'est pas assez grande. C'est le même signal de prix qu'il faut envoyer aux Québécois, avec de la technologie puis des incitatifs financiers, pour voir comment on est capables, avec les mêmes infrastructures énergétiques, qui sont précieuses, de desservir le plus d'usages à l'électricité possible.

M. Charette : J'y ai fait référence hier ou avant-hier, à votre planification stratégique 2020‑2030, qui a été présentée, corrigez-moi, en décembre, je pense, il y a quelques semaines seulement, à tout le moins. J'en ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt. On parle naturellement d'hydroélectricité, c'est une grande fierté pour les Québécois, mais de voir Hydro-Québec résolument engagée à explorer d'autres avenues, c'est aussi, je pense, réconfortant pour l'ensemble de la population.

On a évoqué le dossier de l'hydrogène à travers le groupe qui vous a précédés, Propulsion Québec. Je suis plutôt d'avis, comme Propulsion Québec, que l'hydrogène, compte tenu de la place de l'hydroélectricité, compte tenu de la maturité du marché du véhicule passager électrique, ne sera vraisemblablement pas la niche à envisager, mais, pour le longue distance, pour le camionnage, pour d'autres types de réservoirs d'énergie, en quelque sorte, il y a un potentiel qui est intéressant.

Peut-être nous parler de votre vision ou de la place que pourrait occuper l'hydrogène dans... Tout à l'heure, vous disiez qu'il y avait à peine 35 % de l'énergie consommée au Québec qui était hydroélectrique. Quelle pourrait être la place ou quelle devrait être la place de l'hydrogène pour nous aider... en autant qu'il soit vert, cet hydrogène, c'est bien certain, mais quel est le potentiel pour nous aider à atteindre nos réductions, nos cibles de réduction de gaz à effet de serre?

M. Rhéaume (Dave) : On voit la même chose que ce à quoi vous avez mentionné. Pour nous, l'hydrogène, c'est une filière intéressante pour la croissance de l'électricité au Québec et la décarbonation de l'économie du Québec. Ce n'est pas dans le véhicule passager où, actuellement, on anticipe davantage la croissance, c'est plutôt au niveau du transport lourd puis au niveau de certaines utilisations, notamment industrielles, où il y a encore beaucoup de place à de l'énergie fossile et où on pense que l'hydrogène peut représenter un vecteur de croissance important et de décarbonation.

Aujourd'hui, on estime qu'on est encore à cinq ans, à 10 ans... c'est dans le plan stratégique que c'est au cours de la période des cinq à 10 prochaines années où on va voir la croissance plus significative de l'utilisation de l'hydrogène. Donc, on n'a pas encore des estimés précis des volumes qu'on anticipe, mais c'est, selon nous, un vecteur de croissance intéressant, positif pour le Québec, dans lequel Hydro-Québec s'affaire présentement.

M. Charette : Et quels sont les défis qui expliqueraient ces délais-là? En Europe, par exemple, l'Europe... l'hydrogène, à bien des égards, est davantage utilisé. Sa fabrication ne serait sans doute pas la même au Québec, mais, à tout le moins, le produit est bien connu. Qu'est-ce qui expliquerait des délais aussi longs que 10 ans? C'est au niveau de la transformation des procédés industriels au Québec? C'est au niveau de l'adaptation des entreprises elles-mêmes à cette nouvelle source d'énergie?

• (16 h 30) •

M. Rhéaume (Dave) : À court terme, c'est davantage au niveau... Bien, ça répond à votre question, c'est davantage au niveau de la compétitivité à court terme de cette alternative-là, compte tenu que le Québec est un endroit où on a accès à de l'énergie à très bas prix, incluant certaines énergies fossiles qui sont très compétitives. Donc, avant d'arriver à des volumes de production d'hydrogène qui peuvent être compétitifs et attrayants pour le secteur industriel, notamment, on pense qu'on est encore à quelques années de développement technologique d'être plus près de la parité.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Merci. Bien, vraiment content d'entendre qu'on va viser l'efficacité énergétique avant la construction. Pas surpris, là, mais c'est vraiment la façon d'y aller. J'ai entendu parler et je voulais juste savoir si c'est vrai, cette chose-là, qu'il y aurait des problèmes avec l'électrification des garages d'autobus, parce que c'est vraiment une façon d'aller chercher beaucoup de gaz à effet de serre, cette façon-là.

Est-ce que vous avez entendu parler d'une telle chose, qu'Hydro-Québec veut bien collaborer, mais n'investit pas directement ? Est-ce que vous avez entendu parler de quelque chose là-dessus ?

Mme Lampron (France) : En fait, on est en contact constant avec les sociétés de transport, justement, sur ce sujet-là, l'électrification des dépôts, parce que, comme vous le savez très bien, à partir de 2025, les sociétés ne pourront plus acheter que des autobus électriques. Donc, elles sont toutes en phase pour électrifier leurs dépôts. Alors donc, Hydro-Québec participe de très, très près là-dessus puisqu'on peut les aiguiller, par exemple, sur le meilleur emplacement pour un dépôt en fonction de la capacité du réseau. Donc, c'est des comités auxquels on participe régulièrement. Et, bien sûr, il y a des défis, c'est certain, mais de dire qu'il y a des problèmes, je ne pourrais pas être du même avis que vous.

M. Campeau : C'est tout à fait réel qu'il faut qu'ils soient bien constitués pour que la capacité du réseau local puisse le prendre. Et ça, je comprends, mais ce que j'ai plutôt compris, c'est qu'il y avait, au début, une possibilité qu'Hydro-Québec vienne investir pour ensuite se payer à partir de l'usage et que... finalement, est-ce que ceci irait de l'avant, pas de l'avant ? Avez-vous des... Peut-être vous ne pouvez pas en parler ouvertement, mais je pose la question à tout hasard.

Mme Lampron (France) : En fait, vous faites référence à la disposition dans la Loi sur Hydro-Québec, qui permet à... ou qui dit qu'Hydro-Québec peut financer les infrastructures nécessaires à l'électrification des transports collectifs. Alors donc, il s'agit clairement d'une possibilité et non pas d'un devoir, et comment ça peut se réaliser, cette possibilité-là, c'est par un décret gouvernemental. Alors, ultimement, ce sera une décision gouvernementale d'aller de l'avant ou pas avec ces projets-là puisque ces projets-là vont avoir un impact sur le bénéfice net. Donc, ce sera une décision gouvernementale.

M. Campeau : O.K. Un deuxième point qu'on a, je pense, peu exploré, c'est qu'une des façons de ne pas perdre l'eau qui passe dans un barrage, c'est, dans les périodes où on a une basse utilisation, de repomper l'eau l'autre côté du barrage. Ça, est-ce que c'est une chose qui est actuellement explorée ?

M. Rhéaume (Dave) : Je ne suis pas du tout un spécialiste en hydraulicité. Je dirais simplement que les situations, bien qu'il est déjà arrivé une instance, il y a quelques années, où il y a eu des déversements qui ont dû être faits pour assurer la sécurité du public et des installations... On n'est pas dans une situation où on laisse aller de l'eau, à travers le barrage, qui ne produit pas d'électricité. Donc, aujourd'hui, l'électricité qui passe à travers les centrales, c'est de l'électricité qui est pour répondre à la demande de consommation des Québécois. Je ne pourrais pas vous en donner plus, là, par rapport à l'aspect technologique auquel vous référez.

Le Président (M. Polo) : Il reste cinq minutes.

M. Campeau : Quand on parle de tarification dynamique, j'aimerais que... Je sais très bien de quoi on parle, on parle d'îlots entre autres, on parle de possibilités que des chauffe-eaux ne soient pas alimentés la nuit, par exemple. On en est où dans le développement actuellement ? Pouvez-vous nous donner une idée où on en est rendus, comment ça évolue ? Est-ce que le marché réagit bien à ça, etc. ?

M. Rhéaume (Dave) : Par rapport à la tarification dynamique dans son ensemble?

M. Campeau : S'il vous plaît.

M. Rhéaume (Dave) : Oui. Bien, cette année, c'est la première année où on a lancé la tarification dynamique. On a 20 000 clients, on a déjà eu... donc, qui participent de façon volontaire à la tarification dynamique. On a déjà eu, depuis le mois de décembre, je vous dirais, approximativement, à peu près cinq à six épisodes qu'on appelle de gestion de pointe, où on a contacté la clientèle, les 20 000 inscrits, pour leur dire : Bon, demain, c'est un épisode de gestion de pointe. Vous pouvez bénéficier d'un rabais si vous optimisez votre consommation pour revenir réduire l'impact. On est très satisfait des résultats. C'est intéressant de voir que les participants sont en mesure, dans certains cas, d'avoir des impacts significatifs sur leur consommation. On parle de plusieurs kilowattheures que quelqu'un qui a un appartement est capable de faire. Donc, pour l'instant, c'est très positif. À la fin de l'année, évidemment, on aura des post-mortem pour voir, lorsque ce sera déployé à plus grande échelle, l'ampleur que ça pourrait prendre.

M. Campeau : O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Boutin : Vous avez mentionné que vous étiez intéressés à collaborer avec le comité consultatif, ce qui est naturellement très logique, là, vu votre expertise. On a beaucoup plus parlé d'électrification des transports, mais est-ce que vous vous êtes arrêtés sur la question de l'adaptation aux changements climatiques? Parce que vous avez quand même des barrages puis un gros parc?

Mme Lampron (France) : On a actuellement, à l'intérieur de l'entreprise, un comité qui a été formé pour, justement, regarder l'impact des changements climatiques. Alors donc, il y a des travaux qui ont cours en ce moment et qui vont aboutir à des conclusions ou à des démarches, des programmes à mettre en place. Donc, on a vraiment une équipe d'experts qui est dédiée aux changements climatiques à l'intérieur de l'entreprise.

Mme Boutin : Puis, au niveau de l'adaptation, c'est plus au niveau de vos infrastructures, dans le fond.

Mme Lampron (France) : Bien, en fait, c'est tous les impacts des changements climatiques sur l'ensemble des installations et des activités d'Hydro-Québec.

Mme Boutin : Superintéressant.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : En fait, ma collègue m'a volé ma question, mais je vais quand même...

Le Conseil du patronat nous a présenté une façon de voir la lutte aux changements climatiques et l'adaptation aux différents enjeux sociaux et climatiques d'une façon très intéressante. Il nous disait que la société québécoise, quand on a une vision du SWOT, là, la force, c'est qu'il y a un potentiel énergétique, en énergies renouvelables, magnifique au Québec. Notre faiblesse, c'est qu'on gaspille. Les opportunités, c'est qu'on a un consensus social au niveau de la lutte aux changements climatiques, peut-être moins au niveau de l'adaptation aux changements climatiques, et la faiblesse, c'est qu'il faut absolument se responsabiliser.

Comme société d'État, à travers ce que vous nous avez expliqué, je vois très bien la force, la faiblesse, l'opportunité. En fait, je vois très bien votre contribution au niveau des forces, du gaspillage aussi, efficacité énergétique, tout ça, mais, au niveau du consensus social, mais de la responsabilisation, la mobilisation de la société sur cette question-là, pouvez-vous me dire si, à travers la société, vous avez des groupes de travail ou des experts qui s'impliquent de cette façon-là ?

M. Rhéaume (Dave) : Absolument. Nous, on constate, chez Hydro-Québec, une évolution certaine dans la vision de la population par rapport à la lutte aux changements climatiques lorsqu'on constate les taux de participation, notamment, à certaines activités de consultation. Lorsqu'on va de l'avant avec des programmes comme la tarification dynamique, comme le lancement d'Hilo, c'est toutes des choses où, dans le fond, le citoyen accepte de moduler son comportement pour, ultimement, répondre à un impératif environnemental. De notre point de vue, il y a clairement une transition qui est en train de s'effectuer.

Vous savez, chez Hydro-Québec, on investit à peu près, en programmes d'efficacité énergétique, là, j'arrondis, là, mais une centaine de millions de dollars par année. Quand on investit en efficacité énergétique, ça prend un client qui, lui aussi, investit. Ce n'est pas Hydro-Québec qui paie 100 % des nouveaux équipements plus performants. Ça veut dire des entreprises qui décident d'investir, par exemple, dans une technologie qui, oui, coûte plus cher, qui ne lui donne pas un retour sur l'investissement qui est instantané, mais qui voit l'importance de venir moduler sa consommation énergétique. Donc, pour nous, c'est une priorité, mais on constate que les clients sont aussi intéressés à aller de l'avant dans ces changements-là.

Le Président (M. Polo) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour à vous deux. Contente de vous avoir avec nous en cette troisième journée de consultations.

Premièrement, on parlait tout à l'heure, justement, des capacités. Je serais curieuse de... Est-ce qu'avec, dans le fond, les actifs actuels, est-ce qu'Hydro-Québec serait capable de subvenir à la totalité de la demande en énergie au Québec sans nouvelles infrastructures ?

M. Rhéaume (Dave) : La totalité, comme si tout le gaz et tout le pétrole devenaient électriques ?

• (16 h 40) •

Mme Montpetit : Bien, c'est parce qu'on est en train de travailler... Ce qui est déposé devant nous, c'est un plan... c'est un projet de loi sur l'électrification. On parle d'un fonds d'électrification. On a entendu le premier ministre et le ministre parler d'électrification. Donc, on comprend qu'il y a une volonté d'électrifier davantage et de maximiser l'électrification.

M. Rhéaume (Dave) : La réponse simple, c'est non. L'électricité représente 35 % du mixte énergétique au Québec. On n'en a pas trois fois trop. On a des surplus qui sont significatifs, qui nous permettent d'aller de l'avant avec plusieurs opportunités d'électrification, mais c'est certain que, si demain, la totalité des sources d'énergie devenait électrique à 100 %, ça veut dire des... Je ne dis pas qu'on n'est pas capables de le faire juste avec les actifs existants, comme vous l'avez précisé. Aujourd'hui, on...

Mme Montpetit : C'est ça, avec les actifs existants. Donc, ça veut dire que, s'il y avait une volonté, effectivement, là, de tendre... je vais dire, tendre vers un 100 %, mais d'électrifier vraiment beaucoup davantage, ça passe donc forcément, nécessairement, par des nouvelles infrastructures. Vous avez dit, c'est 30 %...

M. Rhéaume (Dave) : 35 %.

Mme Montpetit : 35 %. Donc, ça passe nécessairement par des nouvelles infrastructures.

M. Rhéaume (Dave) : Forcément, et je préciserais d'emblée que des nouvelles infrastructures de production, mais aussi de transport et de distribution, parce qu'évidemment il faudrait voir déjà, cette consommation-là qui se transférerait vers l'électricité, c'est à quel moment de la journée, parce qu'évidemment, si tout le monde veut transiger des usages aujourd'hui fossiles vers électriques, à 7 h 30 le matin, quand il fait moins 25°, on a des investissements à faire en transport puis en distribution, c'est certain.

Mme Montpetit : D'accord. Et vous parliez tout à l'heure aussi d'efficacité énergétique. Vous évaluez à combien les gains qui peuvent être faits juste dans ce secteur-là ?

M. Rhéaume (Dave) : Aujourd'hui, ce qu'on a mis dans notre planification sur les 10 prochaines années, c'est 5,6 térawattheures, donc l'équivalent de 300 000 ménages, 100 % de consommation. Ça, c'est, je dirais, ce qu'on est très confiants de livrer parce qu'on planifie, dans le fond, les approvisionnements énergétiques sur la base de ça.

Dans la mesure où on continue d'avancer, puis qu'on voit la croissance de la demande au Québec, puis l'électrification, l'incitatif à investir davantage, lorsqu'on se rapproche d'avoir besoin de faire des appels d'offres pour aller chercher de nouveaux approvisionnements en électricité, ça accroît l'incitatif financier à aller de l'avant pour développer des nouvelles mesures d'efficacité énergétique. Donc, aujourd'hui, on n'a pas d'objectif chiffré sur c'est quoi la prochaine, je dirais, ronde, mais c'est le genre de chose sur lequel on travaille, notamment avec Transition énergétique Québec, puis qu'on entend de continuer à travailler avec eux. Là, il y a un plan directeur qui couvre les prochaines années, mais, par la suite, il va falloir continuer à travailler pour voir c'est quoi, les nouveaux niveaux de technologie qu'on rentre en place au Québec puis qu'on incite pour être capable de réduire la consommation unitaire.

Mme Montpetit : Quand vous dites vous n'avez pas de plan chiffré, vous n'avez pas un objectif ou vous n'êtes pas... ce n'est pas évalué, le gain qui peut être fait en efficacité énergétique. Il n'y a pas un ordre de grandeur, il y a...

M. Rhéaume (Dave) : Non, ce que je veux dire, c'est que, là, actuellement, il est chiffré à 5,3 térawattheures. Donc, on l'a planifié. Il n'est pas déjà livré, mais, au cours des 10 prochaines années, on va le livrer, ce 5,3 térawattheures. Si vous me demandez : Combien on peut faire de plus?, je vous dirais que ça, c'est l'étape suivante, c'est-à-dire, lorsqu'on va identifier qu'il faut en faire plus puis qu'on va avoir mesuré la quantité qu'on a de besoin, supplémentaire, on va aller de l'avant avec davantage de mesures de ce côté-là.

Mme Montpetit : Merci beaucoup. Dans votre mémoire, vous soulignez aussi la qualité de la collaboration que vous avez avec TEQ et vous soulignez que vous... Vous le mentionnez, là, que vous souhaitez avoir le même type de collaboration avec le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Est-ce que vous le soulignez... parce que vous avez des... je vais dire, préoccupations par rapport à ça . Il y a plusieurs groupes qui sont venus nous rencontrer, qui nous ont parlé, justement, d'une possible perte d'agilité, aussi, au niveau de la confusion des rôles, qu'il y a certains... des missions, en fait, qu'il y a certains enjeux, certaines inquiétudes sur la perte d'efficience, d'efficacité aussi. Est-ce que c'est quelque chose qui vous préoccupe ?

M. Rhéaume (Dave) : Du côté d'Hydro-Québec, non, ce n'est pas une préoccupation. Le rôle que joue TEQ aujourd'hui, et qui va continuer avec les mêmes employés, à notre compréhension, c'en est un déjà du plan directeur, puis c'est vraiment, un, d'être l'intégrateur. Lorsque vous côtoyez les gens de Transition énergétique Québec, c'est beaucoup d'expertise, et d'engagement, et de connaissances sur la transition énergétique puis la lutte aux changements climatiques. Puis ça, c'est les mêmes personnes puis ça va continuer d'aller de l'avant de côté-là. Donc, pour nous, c'est dans la continuité.

Mme Montpetit : Parfait. Une dernière question aussi sur... Dans votre mémoire, encore là, vous avez apporté une proportion. Bon, vous parlez d'électrification des transports, là. Vous avez apporté une grande proportion de votre mémoire à l'électrification des transports individuels et une toute petite portion à l'électrification des transports collectifs. C'est peut-être une mauvaise lecture ou c'est... mais, en tout cas, en termes de proportions, dans le texte, c'est ainsi que c'est écrit.

Puis évidemment, bon, je n'ai pas besoin de mentionner qu'on y croit beaucoup, à l'électrification des transports, avec la loi VZE qui a été mise en place par notre gouvernement, et tout. Mais, encore là, c'est une solution parmi d'autres. On voyait M. Pineau, un petit peu plus tôt aujourd'hui, qui est titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie, je suis certaine que vous connaissez bien, puis la mairesse de Montréal, Mme Plante, hier, qui tous deux mentionnaient que ce n'est pas la solution miracle, là. Même si, demain matin, on électrifiait, il n'y avait que des voitures électriques, ce n'est pas la seule solution, que ça ne règle pas de toute façon plein d'autres externalités, entre autres au niveau de la congestion.

Donc, je voulais savoir les proportions que vous voyez entre le transport collectif puis le transport individuel, parce que je trouvais ça, justement, curieux dans votre... Ça me soulevait quelques questions qu'il y ait une aussi grande partie, dans le fond, qui soit consacrée au transport individuel et assez peu au transport collectif, finalement, là.

Mme Lampron (France) : En fait, nous, en tant qu'Hydro-Québec, on a un devoir de fiduciaire de protéger les intérêts de nos clients. Et, lorsqu'on regarde l'impact qu'on peut avoir dans les transports collectifs et dans les transports individuels, c'est très différent. Dans le secteur des transports légers, les infrastructures coûtent relativement peu pour beaucoup de revenus en vente d'électricité, alors que dans le secteur des transports collectifs, c'est exactement l'inverse. Donc, c'est sûr que d'un point de vue Hydro-Québec, on accentue notre rôle dans les transports légers, ce qui ne veut pas dire qu'on n'est pas d'accord avec ce que les intervenants avant nous ont avancé. Effectivement, ce n'est pas la solution miracle à tout. On ne peut pas penser que de convertir la totalité du parc de véhicules électriques, c'est la solution. On est complètement d'accord avec ça, mais c'est là où, nous, on a le plus grand rôle à ce moment-ci.

M. Rhéaume (Dave) : J'ajouterais peut-être par intérêt qu'aujourd'hui, alors que, dans notre plan d'approvisionnement, par exemple, en 2020, on estime à moins de 200 autobus électriques puis moins de cinq gigawattheures de consommation électrique pour le transport public, là, les autobus, à l'horizon du plan, donc la fin de la décennie, on passe de moins 200 à plus de 5 000 autobus électriques et à plus de, environ, là, 140 gigawattheures de consommation. Donc, la croissance de la demande du transport électrique public... du transport public électrique, on la voit, puis elle est planifiée aux fins de nos approvisionnements.

Mme Montpetit : O.K. Puis vous, c'est ça, vous faites mention du transport léger. Je voyais, dans le transport individuel, vous parlez de voiture, vous parlez d'automobile, vous ne parlez pas de transport lourd, d'électrification des camions, alors que c'est un endroit où on pourrait faire des gains très, très appréciables en termes de diminution de GES. Est-ce que c'est volontaire de ne pas avoir parlé d'électrification des camions ?

Mme Lampron (France) : En fait, c'est que, pour l'instant, nous, on fonctionne ou on travaille avec ce qui est commercialement disponible. Donc, ce qui est commercialement disponible, actuellement, ce sont les véhicules légers. Et donc, pour l'instant, nos efforts se sont concentrés là-dessus, ce qui ne veut pas dire qu'on ne regarde pas les camions, au contraire, et les flottes. Actuellement, on est en train de mettre en place plusieurs choses pour ce domaine-là. On est en train de mettre en place un banc d'essai d'infrastructures de recharge ultrarapide de deuxième génération qui vont servir notamment aux camions.

On est en train également de mettre en place, de regarder à faire des projets pilotes avec différentes sociétés pour tester des camions électriques. La difficulté ou le défi qu'on a, à l'heure actuelle, c'est que ces véhicules-là sont très difficiles à trouver et donc... mais aussitôt que ça va être disponible, c'est bien certain qu'on pense qu'on a un rôle à jouer dans le transport de marchandises et le transport lourd.

Mme Montpetit : Merci beaucoup.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci beaucoup pour votre présentation. Je veux revenir aussi sur l'efficacité énergétique. Vous dites même que c'est une source d'approvisionnement, donc c'est vraiment important. Évidemment, c'est extrêmement important qu'il y en ait lors des pointes, mais pas seulement, il faut qu'il y en ait à la longueur d'année. Et vous faites une prévision, pour 2019‑2029, pour 300 000 ménages. Ça toucherait 300 000 ménages, et on viendrait avoir une économie de 5,6 térawattheures. Est-ce que ça, ça touche aussi les clients d'affaires?

M. Rhéaume (Dave) : Oui. En fait, je préciserais, notre prévision d'économie énergétique, c'est 5,6 térawattheures puis c'est l'équivalent d'économiser la consommation complète de 300 000 ménages.

• (16 h 50) •

Mme Ghazal : Donc, c'est pour nous l'expliquer, pour nous donner une image, mais ça peut autant comprendre affaires que ménages. C'est ce que je comprends.

M. Rhéaume (Dave) : Ça comprend autant affaires que ménages. Puis je vous dirais, en fait, la majorité provient du secteur d'affaires.

Mme Ghazal : Affaires. Et, comme on dit souvent, le futur est garant... En fait, le passé est garant de l'avenir. Donc, ça, c'est une prévision. Est-ce que c'est possible de nous chiffrer c'était combien, les investissements qui avaient été faits dans le passé, puis c'était quoi, la tendance ?

M. Rhéaume (Dave) : Oui, je peux vous donner une idée, puis ça va être des approximations, mais de façon générale, Hydro-Québec investit, à chaque année, à peu près 100 millions de dollars en efficacité énergétique. Et il y a une tendance à la baisse dans les dernières années, et là on prévoit une augmentation, une accélération, mais on économise à peu près un demi-térawattheure par année.

Mme Ghazal : Puis pourquoi il y a eu une tendance à la baisse dans les dernières années ?

M. Rhéaume (Dave) : Au cours des... Bon, je vais rester à haut niveau, mais la façon dont la Régie de l'énergie autorise un programme d'efficacité énergétique, c'est... dans le fond, ils se posent la question : Est-ce que c'est plus économique de donner un incitatif pour économiser de l'énergie que d'aller acheter un kilowattheure de plus ? C'est ça, le calcul.

Dans la mesure où on avait beaucoup de surplus énergétiques dans les dernières années, ça faisait que, quand tu demandais c'est quoi, le coût d'une unité supplémentaire... Lorsque l'infrastructure a déjà été bâtie, il est forcément beaucoup plus bas que lorsqu'on arrive puis qu'on voit, dans les prochaines décennies, plus la fin des surplus, puis qu'on se retrouve dans une situation où on se dit : Bon, bien là, le coût de l'unité marginale pourrait être très cher.

Donc, il y a une transformation, au niveau de l'incitatif financier à faire de l'efficacité énergétique, qui crée une pression pour l'accélération des mesures d'efficacité énergétique.

Mme Ghazal : Puis, en parlant de la Régie de l'énergie, vous me ramenez à l'autre projet de loi, le projet de loi n° 34, sur les tarifs d'Hydro-Québec, où une des choses, une des critiques qu'il y avait, c'est que la Régie de l'énergie était un frein pour vous amener à faire les projets. Puis moi, ce que j'entendais de l'autre côté... c'est parce que, des fois, les programmes étaient mal ficelés, d'Hydro-Québec, et c'est pour ça aussi que la Régie de l'énergie les refusait. Est-ce que c'est... Je veux juste comprendre.

Le Président (M. Polo) : Très rapidement, parce qu'on...

Mme Ghazal : Oui, rapidement, qu'est-ce que vous pensez de ça ? C'est quoi, la cause de cette baisse-là ?

M. Rhéaume (Dave) : L'intention d'Hydro-Québec et le projet de loi n° 34 ne nous empêchent...

Le Président (M. Polo) : Merci. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Écoutez, je ne veux pas que vous preniez personnel ce que je vais dire. Ne pas aller de l'avant avec l'accélération des mesures d'efficacité énergétique pour éviter d'avoir à construire des nouveaux moyens de production à court terme, ce n'est pas contre vous personnellement, mais moi, je suis déçu. Je trouve que c'est une contribution modeste d'Hydro-Québec à la pièce maîtresse du gouvernement en matière de gouvernance contre la crise climatique, alors que, pour moi, dans cet objectif social méga, qui est de diminuer les gaz à effet de serre partout sur la planète, au Québec, notre champion, notre vaisseau amiral doit être Hydro-Québec. Mais il faut que ce soit hyper bien coordonné avec le chantier gouvernemental pour y arriver.

Et là vous arrivez avec un mémoire de cinq pages, pas justifiées à droite, interligne simple. Rien sur l'adaptation, sur les changements climatiques, rien sur l'impact du givre, par exemple, qui peut être plus nombreux sur les lignes de transmission, rien pour un chantier en habitation pour faire l'efficacité énergétique, la reconversion industrielle, l'intégration du solaire, le déploiement plus large de l'éolien, l'exportation. Le premier ministre se promène partout en disant qu'il veut faire du Québec la batterie du Nord-Est de l'Amérique. Rien sur l'abolition de Transition énergétique Québec, sauf que pour dire que vous voulez travailler avec le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. J'espère.

J'espère que vous voulez travailler avec le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Rien sur le rôle-conseil que le ministre de l'Environnement s'attribue dans ce projet de loi là, alors que tout le monde, ici, depuis trois jours, se disent : Bien là, il va y avoir comme un double chapeau. C'est un rôle-conseil, mais il n'aura pas vraiment de pouvoir décisionnel. Hydro-Québec, vous êtes superimportants et puissants dans ça. Pas un mot là-dessus. Sur le comité consultatif, il a fallu vous poser des questions. On ne sait pas du tout combien de GES évités. Honnêtement, moi, j'adore Hydro-Québec. Alors, moi, les gens que j'aime, là, j'aime ça les pousser plus haut.

Le Président (M. Polo) : Il vous reste 30 secondes, M. le député.

M. Gaudreault : Alors, c'est un cri du coeur, mais moi, je souhaite qu'Hydro-Québec fasse en sorte que le Québec devienne le leader mondial dans la lutte contre les changements climatiques, avec l'expertise qu'on a. Alors, il vous reste 20 secondes, juste pour nous dire un peu de oumpf, s'il vous plaît, dans la lutte contre la crise climatique et Hydro-Québec.

M. Rhéaume (Dave) : Là où on est d'accord avec vous, c'est que ce mémoire-là ne rend pas justice à l'ensemble de l'expertise et du travail qui se fait chez Hydro-Québec sur les questions environnementales, autant sur le plan technologique que sur le plan de la réduction des GES. C'est notre intention de demeurer un leader au niveau des technologies vertes, du renouvelable, puis d'aider à décarboner le Québec.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Nous prendrons une pause avant de recevoir les représentants du Conseil patronal de l'environnement du Québec.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

(Reprise à 16 h 58)

Le Président (M. Polo) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil patronal de l'environnement du Québec, représenté ici par Mme Hélène Lauzon, présidente, et M. Mustapha Ouyed, vice-président exécutif, Pyrobiom Énergies. Voilà. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à procéder à la présentation de votre exposé. La parole est à vous.

Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

Mme Lauzon (Hélène) : Alors, M. le Président, bonjour. M. le ministre, bonjour. Mmes et MM. les parlementaires, alors, j'ai appris que nous étions les derniers. Alors, on va faire tout ce qu'il faut pour que vous soyez éveillés et puis enthousiastes devant notre présentation. Donc, je n'ai pas besoin de me présenter, je pense, puisque vous l'avez fait, M. le Président. Ça va, Mme la secrétaire ? Est-ce que je suis obligée de représenter ? Non, ça va. O.K. Parfait.

Donc, juste vous dire que le Conseil patronal de l'environnement du Québec, c'est l'organisation qui représente l'ensemble du secteur d'affaires du Québec pour les questions d'environnement et de développement durable. L'ensemble de nos membres génère 300 000 emplois puis des revenus combinés de 45 milliards de dollars.

Donc, je comprends, nous comprenons la volonté gouvernementale, volonté gouvernementale de simplifier la gouvernance, de clarifier les responsabilités, d'améliorer l'imputabilité des ministères, d'éviter les dédoublements. Donc, en ce sens-là, on ne peut que favoriser un tel souhait.

• (17 heures) •

On a un malaise un peu par rapport à cette abolition de certaines organisations, M. le ministre, puis je veux être transparente dès le départ, parce que nous avions salué l'arrivée du Conseil de gestion du Fonds vert, à l'époque, puis l'arrivée de Transition énergétique Québec. Donc, c'est toujours un petit peu délicat.

Cela dit, on comprend votre volonté. Nous savons ce que nous perdons, mais nous ne savons pas encore ce que nous gagnons. Ce que nous aurions besoin, c'est d'être rassurés sur les enjeux, par exemple, qui ont été évoqués par le Commissaire au développement durable dans ses différents rapports de 2012 à 2019. Est-ce qu'ils ont été réglés? Ce que nous souhaitons aussi, c'est que l'agilité, la flexibilité, la transparence de Transition énergétique Québec... on souhaiterait être rassurés que ce sera maintenu, on souhaiterait être rassurés que cette organisation pourra continuer à livrer les réductions d'émissions de gaz à effet de serre comme ce fut le cas, comme nous l'avons vu dans le bilan mi-parcours.

Donc, mon deuxième message... parce que mon premier message, c'est : Nous savons ce que nous perdons, nous ne savons pas encore ce que nous allons gagner. Mon second message, c'est : Pour bien gérer, il faut savoir mesurer, donc, bien mesurer. Les entreprises sont habituées de faire de la reddition de comptes, elles sont habituées à tous les jours d'apporter des modifications à leur gestion pour atteindre des résultats. Donc, elles ont des tableaux de bord, puis on apporte les corrections ou on ajuste le tir.

Ce que nous souhaiterions, c'est être rassurés sur la façon dont les résultats seront mesurés dorénavant et comment les corrections seront apportées, le cas échéant. Nous souhaiterions qu'il y ait, bien sûr, beaucoup de transparence et que le rôle du Commissaire au développement durable ne soit pas un simple rôle de conseiller, mais qu'il puisse avoir un droit de regard sur les dépenses du Fonds vert, sur les cibles à atteindre et aussi sur la performance ou la non-performance des programmes.

Pour ce qui est du Fonds d'électrification et de changements climatiques, bien, nous sommes ravis de voir, dans le projet de loi, que vous allez favoriser une gestion axée sur les résultats, et c'est ce que nous demandons. Nous demandons une gestion pour que les évitements ou les réductions d'émissions de gaz à effet de serre soient... qu'ils soient valorisés, finalement. On a une nécessité d'assurer la pérennité des programmes.

Mon troisième message, c'est le dernier, mais il va être un petit peu plus long que les deux autres, c'est la grande préoccupation que nous avons par une disposition qui est intégrée dans le projet de loi et qui fera en sorte que nos industries assujetties au marché du carbone perdront des droits d'émission gratuits et, par le fait même, verront leurs coûts d'exploitation augmenter considérablement. Et je voudrais, pour l'ensemble des parlementaires et l'ensemble des parties prenantes qui vont peut-être lire, un jour, les notes ou entendre ce qui se dit aujourd'hui... ce n'est pas un privilège que les entreprises reçoivent des droits d'émission gratuits dans le cadre du marché du carbone. On le fait pour protéger la compétitivité des entreprises. Donc, à partir du moment où on réduit les droits d'émission gratuits, on réduit aussi... on atteint la compétitivité des entreprises. Ce qui est important, je pense, c'est qu'en ce moment il y a de l'inquiétude, hein? Dès qu'on commence à rejouer avec les règles, on crée de l'incertitude dans le marché, de l'inquiétude, puis, quand il y a de l'incertitude, ça ne favorise pas les transactions.

Un message que je voudrais que vous reteniez aujourd'hui : On parle toujours des émissions de gaz à effet de serre des industries, on ne mesure jamais ce que les industries font, c'est-à-dire ce que les produits que les industries fabriquent et mettent en marché permettent de réduire comme gaz à effet de serre. Et je donne l'exemple facile. Comment peut-on faire des véhicules électriques, comment peut-on faire des autobus électriques, comment peut-on faire un Réseau électrique métropolitain, réseau d'électrification métropolitain, un REM, comment peut-on faire des panneaux solaires, comment peut-on faire des éoliennes sans avoir de l'acier, sans avoir de l'aluminium et d'autres produits? Donc, pourquoi vouloir porter atteinte à la compétitivité des entreprises... de mettre de la pression qui ferait en sorte que les industries pourraient peut-être ne plus pouvoir produire et contribuer à la solution?

Mon message, c'est : L'industrie contribue à la solution. Si on stigmatise l'entreprise, on ne pourra plus utiliser ses produits pour permettre la réduction de gaz à effet de serre, parce qu'on va continuer à générer des produits qui vont permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Donc, oui, l'industrie fait partie de la solution.

Ce que je vous dirais... Probablement que je n'ai pas épuisé mon 10 minutes, mais peut-être que Mustapha Ouyed, mon collègue, va vouloir renchérir. Ce que nous voulons, c'est un mécanisme de transparence et de reddition de comptes. Nous voulons être rassurés sur la gouvernance qui sera mise en place. Nous voulons que l'industrie fasse partie de la solution, qu'on cesse de la stigmatiser et qu'on reconnaisse sa contribution. Je vous rappelle qu'avec le dernier inventaire des émissions de gaz à effet de serre l'industrie a réduit de 25 % ses émissions de gaz à effet de serre. Or, la cible à atteindre à la fin de l'année, cette année, c'est 20 %. Alors, l'industrie a déjà atteint sa cible, elle.

Donc, soyons lucides et reconnaissons que c'est tous les citoyens qui n'ont pas encore fait ce qu'il fallait pour que le transport réduise ses émissions. Parce que, selon le dernier inventaire, toujours, d'émissions de gaz à effet de serre, le transport a augmenté ses émissions de 23 %, alors que l'industrie les a réduites de 25 %. C'est ce que je voulais vous passer comme message aujourd'hui. Je vous remercie.

Le Président (M. Polo) : Merci. M. Mustapha Ouyed, souhaitez-vous intervenir? Il reste 2 min 12 s.

M. Ouyed (Mustapha) : Ah! merci. Peut-être renchérir sur le dernier point, à savoir que toutes les politiques, les mécanismes, les règlements sont, finalement, un moyen et non pas un objectif en soi. L'objectif ultime, c'est définitivement de réduire les gaz à effet de serre au Québec. Plus particulièrement, je dirais, le plus important, c'est de réduire l'intensité des émissions, c'est-à-dire de produire autant ou plus mais avec moins d'énergie, moins de gaz à effet de serre, pour être plus performants.

Donc, je nous invite tous, et je pense que l'industrie a toujours dit qu'elle était partie de la solution, pour qu'à la fin on atteigne l'objectif qui est la réduction des gaz à effet de serre.

Le Président (M. Polo) : Merci. Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Charette : Merci, M. le Président. C'est vrai que ça peut sembler ingrat, passer en dernier après une longue journée de consultations, mais soyez assurés que nous sommes très attentifs malgré tout. Moi, j'ai une petite consolation particulière, je finis ma journée avec vous, mais je commence celle de demain avec vous aussi. Donc, c'est un cycle qui se poursuit.

• (17 h 10) •

Écoutez, merci pour vos commentaires. J'entends, à travers vos propos, que vous souhaitez être rassurés sur les résultats, voir un petit peu ce que cette réforme-là va apporter de positif afin qu'on ne travaille pas pour rien, afin qu'on n'investisse pas des efforts pour rien.

On a beaucoup parlé, au cours des derniers jours, du rôle confié à un comité indépendant qui va s'assurer qu'on travaille dans la bonne direction pour obtenir les bons résultats. Vous avez parlé vous-même du Commissaire au développement durable. Son rôle n'est pas limitatif. Le Commissaire au développement durable a déjà un mandat qu'il conserve. Nous, on veut lui en donner un supplémentaire, à travers le projet de loi, pour qu'il puisse évaluer aussi la performance du fait que... d'évaluer la performance un peu des stratégies mises de l'avant. Donc, si on doit être rassurés par... ou on a besoin d'être rassurés par les résultats, on a deux instances qui vont nous forcer, année après année, à être meilleurs pour pouvoir atteindre nos cibles.

Vous avez parlé du système des droits d'émission gratuits. Je comprends tout à fait que c'est une préoccupation. Dans le milieu des affaires, une grande préoccupation, c'est toujours la notion de prévisibilité. Donc, c'est la raison pour laquelle, dès l'automne dernier, avec votre collaboration, précieuse collaboration, dois-je ajouter, on a commencé cette consultation-là pour le régime qui va s'appliquer à partir de 2024. Donc, on était en 2019, mais déjà on souhaitait favoriser cette prévisibilité-là, donc amorcer la discussion le plus rapidement possible. La consultation va reprendre dans les prochaines semaines.

Cependant, au niveau des émissions gratuites, il y a plusieurs entreprises pour qui un certain équilibre était observé. Pour d'autres, elles en recevaient trop, de ces droits-là, au point où elles pouvaient les revendre. Donc, la stratégie du gouvernement, c'est de créer un certain équilibre, en quelque sorte. Et une des lacunes importantes du système actuellement en place, il favorisait indirectement la fuite de capitaux à l'étranger. Donc, avec la notion de consigne que l'on souhaite implanter, là — je regarde ma collègue de Mercier — on parle de consigne, oui, mais d'une autre consigne... que celle sur les contenants de verre notamment, mais ce système-là de consigne vise à faire en sorte que les capitaux restent au Québec, que l'entreprise qui est appelée à contribuer davantage puisse bénéficier de ces sommes-là pour améliorer ses propres procédés.

Bref, la consultation, la discussion se continue, se poursuit, mais il faut réaliser qu'on est dans un système où le marché du carbone, où le prix du carbone va continuer à augmenter. Nous, c'est un marché du carbone qu'on a établi, au Québec, mais, au fédéral, à travers la taxe, cette taxe-là va aussi augmenter. Bref, il faut s'attendre à des modifications, mais on va s'assurer que les modifications puissent favoriser le plus possible les transformations énergétiques ici même, au Québec. Bref, je comprends la préoccupation, mais l'espace de dialogue est maintenu à ce niveau-là.

Sinon, à travers l'étude du projet de loi lui-même, on a entendu certaines préoccupations, mais comment situez-vous la volonté ou comment percevez-vous la volonté du gouvernement de simplifier la gouvernance, faire en sorte qu'on ait des responsables de dossiers clairement établis? Comment cette volonté-là globale est reçue au niveau du conseil?

Mme Lauzon (Hélène) : Comme je vous disais, c'est délicat, parce que c'est difficile de venir appuyer une décision qui abolit deux organisations pour lesquelles on s'était montrés heureux à l'époque. Mais, si vous nous rassurez sur les enjeux qui avaient été soulevés par le Commissaire au développement durable, bien, on va vouloir... bien sûr, on va collaborer puis on respecte votre décision, puisque, comme gouvernement, on comprend très bien que vous voulez simplifier le tout, mais il faut qu'on sache comment ça va se passer compte tenu du passé, justement.

M. Charette : Mais je veux justement mieux comprendre vos inquiétudes. Votre inquiétude se situe au niveau de l'agilité que vous craignez voir menacée...

Mme Lauzon (Hélène) : Disparaître, oui, notamment pour Transition énergétique Québec. Oui, l'agilité, la flexibilité puis aussi l'écoute aux besoins des clientèles, hein? Nous, on a plusieurs entreprises qui ont fait affaire avec Transition énergétique Québec depuis sa création et qui nous ont dit qu'ils avaient toujours été très bien desservis. La flexibilité, parce que cette organisation a toujours essayé de trouver des solutions pour que les entreprises puissent s'améliorer en termes de réduction d'émissions, de combustion ou de procédés, comme on appelle dans le jargon.

Je ne sais pas si, Mustapha, vous voulez intervenir.

M. Ouyed (Mustapha) : Aussi, il y a l'aspect qui est toujours propre au ministère de l'Environnement, c'est que le ministère de l'Environnement a, à la base, aussi une responsabilité de surveillance, une responsabilité d'intervention dans les infractions. C'est un organisme gouvernemental.

Là, ce que nous avons vu et apprécié de Transition énergétique Québec, c'est un organisme complètement détaché qui est dédié à la transition énergétique du Québec. C'est une mission très claire qui n'est pas rattachée nécessairement à des considérations plus globales du ministère. C'est sûr que, pour les entreprises, c'est comme faire affaire à un guichet unique dans lequel on s'adresse.

S'adresser au ministère de l'Environnement pour des programmes, par exemple, ou le ministère de l'Énergie en tant qu'organisme, ça pourrait fonctionner. C'est juste, comme disait Mme Lauzon, on est très habitués, on sait ce qu'on va perdre. Mais, comme vous le savez, souvent, le diable est dans les détails. Quels sont les détails? Quelle organisation? Il faudra se réadapter.

M. Charette : Vous disiez sentir le besoin d'être rassurés, à travers vos propos, je pense que je peux le faire aisément. À travers le projet de loi lui-même, il n'est pas écrit nulle part, il n'est pas dit nulle part que c'est le ministère de l'Environnement qui va gérer ces programmes-là. Au contraire, les programmes sont maintenus, le plan directeur de TEQ est maintenu, mais tout ça au sein du ministère des Ressources naturelles.

Donc, la relation, et je la saisis très bien, amour-haine, souvent, entre le milieu des affaires et le ministre de l'Environnement, elle n'est pas exacerbée à travers ce projet de loi là. Au contraire, les programmes continueraient à être administrés au ministère des Ressources naturelles, à travers le volet énergie et transition énergétique, et ce sont les mêmes gens, donc les gens de TEQ, avec la même expertise, qui y seraient toujours associés, avec le même plan directeur.

Donc, si votre crainte était de voir le ministère de l'Environnement opérer, administrer ces programmes-là, je vous rassure, ce n'est pas du tout, du tout l'esprit du projet de loi lui-même. Et quant à cette relation amour-haine, je travaille très fort pour l'améliorer, pour faire en sorte que les irritants, à différents niveaux, puissent être aplanis. On a des belles discussions aussi à ce niveau-là.

Donc, est-ce que votre perception était que la gestion des programmes allait se retrouver au sein du ministère de l'Environnement?

Mme Lauzon (Hélène) : C'était une interrogation, c'est-à-dire : Est-ce que ça allait être dilué? Est-ce qu'il y a une partie qui allait être au ministère de l'Environnement, une partie au ministère d'Énergie et Ressources naturelles? Alors, oui, c'était une préoccupation.

Vous nous demandez aussi qu'est-ce qu'on pense de ces institutions qui sont soit abolies, soit créées, mais le comité consultatif, bien, on peut vous féliciter d'en faire une institution permanente. Ce n'est pas écrit dans le projet de loi, mais c'est écrit dans le préambule que ce serait un comité permanent dont les avis seraient rendus publics, donc on ne peut que favoriser. Ce qu'on peut vous dire, c'est qu'on souhaiterait que le monde industriel soit représenté pour que la réalité de l'industrie soit entendue au sein de ce comité.

Peut-être une autre chose qui nous préoccupe, je vous dirais, de façon assez importante, c'est qu'en ce moment, en vertu de la loi, vous avez l'obligation de consulter, si vous établissez une cible sectorielle. Notre préoccupation, c'est que si, un jour, vous vouliez imposer une cible au secteur industriel, on n'aurait plus l'occasion d'être consultés puisque la loi réduit la consultation désormais à la cible du Québec. Pour nous, c'est une préoccupation. Nous souhaiterions pouvoir être consultés si, un jour, une cible nous était imposée par secteur.

M. Charette : Tout à fait, et je vous rassure, la volonté de consultation... je pense, uniquement sur l'exemple que l'on donnait, des allocations gratuites, c'est un bel exemple de consultation. Ces décisions-là sont toujours prises après avoir été longuement réfléchies.

Déjà rassuré d'avoir pu vous rassurer un petit peu sur où se retrouveraient les programmes en question. Autrement, je sais que le temps file, je sais que j'ai des collègues qui me font des petits signes, donc je céderais la parole à un collègue, tout simplement...

Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Ça a l'air que je fais des petits signes, ça se peut. Je reviens sur ce que vous disiez, Mme Lauzon, tantôt, sur le fait que l'industrie a baissé de 25 %. Je suis conscient de ça, on en a déjà parlé ensemble, je sais que c'est réel. Puis quand on regarde... quand on dit ça à des citoyens, qu'on voit deux gros points d'interrogation dans les yeux... C'est tellement plus facile de voir une cheminée avec de la fumée blanche, dire : Bien, les voilà, les gaz à effet de serre, alors que c'est probablement de la vapeur d'eau. Mais, autrement dit, malgré que l'industrie a atteint ses cibles et continue à travailler, ce message à la population que la prochaine étape doit être des changements de comportement, je pense qu'on fait tous partie du besoin de passer ce message-là, et il n'est pas facile à passer, malheureusement.

Je voudrais insister, vous avez parlé des résultats mesurés, que vous avez une inquiétude par rapport à ça. Je ne saisis pas vraiment bien votre inquiétude. Pourriez-vous être plus précise à ce sujet-là?

• (17 h 20) •

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. On a une cible globale à atteindre, au Québec, puis la façon, en ce moment, dont les sommes du Fonds vert sont dépensées, c'est par l'intermédiaire de différents programmes que chaque ministère administre, et c'est le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques qui conclut une entente avec un ministère différent. C'est un endroit où on retrouve des sommes, donc c'est normal que chaque ministère veuille éventuellement cogner à la porte puis présenter son programme de réduction ou de contribution à la lutte aux changements climatiques. Et, comme c'est une série d'ententes avec de nombreux objectifs, bien, pour nous, ce n'est pas toujours facile de s'y retrouver.

Ce qu'on voudrait, c'est savoir comment le ministère se dotera d'une méthodologie qui sera uniformément appliquée à travers les différents programmes que chacun des ministères appliquera. Donc, c'est le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques qui devra mettre en place une telle méthodologie. Et, jusqu'à maintenant, ce qu'on a souvent lu, c'est que ce n'était pas toujours clair sur la performance des programmes. Certains programmes n'ont pas donné de résultat jusqu'à maintenant, d'autres, comme ÉcoPerformance... est un gagnant qui a donné beaucoup de résultats, beaucoup de réductions. Alors, c'est en ce sens-là qu'on souhaiterait avoir une méthodologie uniformément appliquée, qui soit très transparente sur la façon d'analyser les résultats.

Je ne sais pas si, M. Ouyed, vous voulez intervenir.

M. Ouyed (Mustapha) : Oui. Aussi, dans la transparence des choix des projets qui sont faits, c'est aussi de bien mesurer les potentiels de réduction à long terme de ces projets-là. Et c'est pour ça que Mme Lauzon disait tout à l'heure qu'on souhaiterait mettre de l'avant l'efficacité des résultats, et donc il faut pouvoir avoir des méthodologies pour bien les mesurer.

Mme Lauzon a parlé d'ÉcoPerformance. Nous avons aussi Technoclimat pour développer des nouvelles technologies. Peut-être que le projet, sur place, n'a pas réduit, mais il permet de développer une nouvelle technologie qui a un potentiel très élevé dans l'avenir. Donc, c'est vraiment d'orienter toujours, comme on le disait tout à l'heure, par rapport à l'objectif ultime, qui est la réduction d'émissions de gaz à effet de serre, et rendre la mesure plus claire et plus précise.

M. Campeau : Une autre question, c'est... Quand j'ai travaillé en industrie, ce que je détestais beaucoup, c'est quand mon patron m'arrivait avec des objectifs. Alors, j'avais résolu le problème, j'arrivais avec les miens avant. Et, si jamais il écoute aujourd'hui, il doit trouver ça drôle, parce qu'il l'a vécu quelques fois.

Alors, je me disais : Est-ce que vous voyez ça comme une possibilité que le CPEQ, avec vos membres, vous arriviez avec une proposition : Voici ce qu'on veut viser comme baisse du CPEQ pour 2030? Avez-vous déjà réfléchi à cette possibilité-là? Est-ce que vous voyez ça comme quelque chose de potentiel?

Mme Lauzon (Hélène) : Franchement, on n'en a jamais parlé encore, on n'a pas réfléchi, mais moi, je trouve ça plutôt séduisant comme idée. Pourquoi pas? On pourrait s'asseoir, parce qu'on connaît ce que les secteurs sont en mesure de faire encore. Nous savons tous que, pour les émissions de combustion, beaucoup a été fait et peu reste à faire, puisque nos entreprises se sont prévalues des programmes existants.

Là où le bât blesse ou le nerf de la guerre, ce sont les émissions de procédés, comme vous le savez. Et donc qu'est-ce qu'on peut faire? Et on est en train, justement, de débuter une série de réunions pour savoir qu'est-ce qu'il est possible de faire, et je vais vous le résumer en disant : ou bien la technologie n'existe pas, dans certains cas, auquel cas il va falloir attendre et faire de la recherche et développement, ou bien la technologie existe, et on n'a pas les capitaux, ou on a les capitaux, mais les coûts d'exploitation sont beaucoup trop dispendieux. Parce qu'en ce moment les coûts du gaz naturel sont beaucoup moins élevés par rapport aux coûts d'électricité, malheureusement, donc ce qui fait qu'une entreprise ne fera pas le choix d'investir dans une électrification, par exemple, d'un procédé.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Mme Lauzon, M. Ouyed, merci d'être avec nous, de finir la journée avec nous.

Vous mentionnez, puis vous l'avez mentionné d'entrée de jeu en commençant votre... non, dans votre allocution de départ, qu'effectivement vous étiez... Vous aviez souligné avec beaucoup d'enthousiasme la création du Conseil de gestion du Fonds vert et la création de Transition énergétique Québec également et vous mentionnez, dans votre mémoire, comme l'ont fait de nombreux groupes, là, depuis le début des consultations, l'efficacité de ces deux organisations, là... puis je le cite. J'aime bien, moi aussi, le citer, comme vous le disiez, pour que ce soit bien inscrit dans les galées de l'Assemblée, comme les mémoires, des fois, malheureusement, se perdent au fil du temps dans nos institutions. Mais vous mentionnez que «le Conseil de gestion du Fonds vert nous a habitués à une reddition de comptes rigoureuse et des rapports très instructifs sur l'atteinte des cibles du Québec mais aussi sur la performance. Une telle transparence devrait être maintenue.» Je veux dire, c'est des commentaires qui sont très positifs. Sur l'abolition de TEQ, vous parlez de la flexibilité, de l'agilité, de la transparence de TEQ, à quel point ça a été apprécié par ses différentes clientèles, de même que son écoute par rapport aux besoins des entreprises.

C'est des commentaires qui sont très unanimes, depuis le début de nos consultations, puis je tiens à le souligner, parce que, bien, je le répète, on est d'accord avec le fait qu'il y avait des modifications, qu'il y a des modifications à faire à ces deux structures, tout est toujours perfectible, que c'est bonifiable, mais vous êtes un groupe qui s'ajoute à la parole des autres groupes qui sont venus nous présenter... qui sont des acteurs extrêmement importants, qui avaient une bonne connaissance de ces deux organisations, et vous venez mentionner que ces deux organisations fonctionnaient bien, faisaient leurs preuves. Et je répète que, malheureusement, en poursuivant des objectifs, je pense qu'on jette le bébé avec l'eau du bain. On avait deux structures qui faisaient leurs preuves, on aurait pu... on devrait... de toute façon, ces structures-là existent encore, malgré le fait que le projet de loi est déposé, ces deux structures fonctionnent, et on devrait construire sur ce qui fonctionne et bonifier ce qui fonctionne.

Ceci dit, vous avez parlé de vos inquiétudes par rapport aux droits d'émission gratuits, et c'est très intéressant. Je veux juste vous dire, je trouve ça très pertinent et très intéressant que vous soyez venus aussi expliquer la proportion et souligner la proportion de GES, bon, de l'industrie versus les individus. On a parlé beaucoup de transport et on parlera beaucoup de transport encore, certainement, dans les prochaines semaines, jours, mois. Mais j'aimerais que vous nous parliez spécifiquement des impacts que ça pourrait avoir sur la compétitivité, parce que, je pense, c'est un élément très, très important et ça vient toucher beaucoup d'enjeux. Le marché du carbone va être au coeur, oui, de ce projet de loi mais de beaucoup d'autres choses également, et donc j'aimerais que vous veniez nous souligner spécifiquement comment ça peut toucher les entreprises du Québec.

Mme Lauzon (Hélène) : ...une petite phrase, puis je laisse mon collègue répondre. La tarification carbone, elle n'est pas répandue à travers le monde encore. Bon, on sait que le gouvernement fédéral en a adopté une, donc toutes les provinces, normalement, devraient en avoir une maintenant, mais nous sommes dans un marché lié avec la Californie, et leur marché est contesté, comme vous le savez, par Washington. Et il y a plein d'États américains qui n'en ont pas, puis, à travers le monde, nos entreprises sont en concurrence avec des entreprises qui sont situées sur des territoires où il n'y en a pas aussi. Donc, il faut qu'on protège nos entreprises qui sont en concurrence avec ces entreprises.

Donc, quand on parle de compétitivité, là, c'est ça. Et, dès qu'on commence à mettre de la pression pour réduire les droits d'émission gratuits, ça veut dire qu'on monte les coûts d'exploitation, et, si on monte les coûts d'exploitation, bien, on est moins concurrentiels. Donc, je vous laisse continuer.

M. Ouyed (Mustapha) : Oh! rapidement, c'est juste pour expliquer le principe. C'est qu'aujourd'hui une entreprise qui reçoit des allocations gratuites, dans le projet de règlement, le gouvernement... Pardon?

Mme Lauzon (Hélène) : De loi.

M. Ouyed (Mustapha) : Oui, mais après ça va être appliqué dans le règlement. Donc, le règlement dira : Je vous enlève une partie de ces droits gratuits, je les vends et je garde cet argent de côté pour vous, et vous avez cinq ans pour le consommer. Par contre, pendant ces cinq ans, cette entreprise va devoir payer chaque année plus pour acquérir des droits d'émission pour peut-être, un jour, récupérer cet argent lorsqu'elle a un projet.

Si on fait comme ça, ça veut dire qu'une entreprise qui est déjà très performante, elle est... on en a, des fleurons, au Québec, qui sont les meilleurs à travers le monde en tonnes de gaz à effet de serre par tonne de produits. Il n'y a quasiment rien d'autre à faire dans cette usine-là, elle est déjà dans son poids santé, si je peux comparer la chose. Donc, elle ne reverra jamais cet argent-là parce qu'elle n'aura pas de projet à faire. Et qu'est-ce qu'on aura fait? On lui aura demandé de payer plus pour acheter des allocations gratuites... des allocations, et donc ça aura augmenté ses coûts d'opération.

Donc, il y a peut-être des... L'idée est noble. Peut-être, dans les détails, de moduler ça, peut-être de le rendre volontaire ou de cibler des entreprises plus particulièrement qui ont réellement un capital de réduire les émissions...

Mme Montpetit : Parce qu'il y aurait vraiment un risque... C'est ça, là, il y aurait un risque, dans le fond, puis assez à court terme, là, de ce que je comprends, si c'était mis en application, sur la capacité, sur la compétitivité de nos entreprises, là.

Mme Lauzon (Hélène) : Ça serait en 2024.

Mme Montpetit : Parfait. Bien, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Polo) : Bon, Mme la députée de Mercier.

• (17 h 30) •

Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup, merci pour votre présentation. On se connaît même dans mon ancienne carrière, où j'avais même suivi une formation avec M. Mustapha, je me rappelle très bien, parce que je travaillais en environnement dans les entreprises.

Et, vous savez, j'écoute votre présentation, et là je sais que vous êtes les porte-parole des industries, puis j'ai tiqué à plusieurs reprises. Vous parlez, par exemple, pour le fait d'avoir des objectifs sectoriels, alors que beaucoup de gens disent qu'on ne peut pas juste avoir une cible lointaine pour tout le Québec. Il faut avoir ça... puis votre inquiétude, c'est de ne pas être consultés. Ça, je comprends, mais vous n'avez pas insisté que c'est important qu'il y ait des cibles sectorielles si l'objectif est d'atteindre celui du Québec, là, les 37,5 %.

J'ai cherché dans votre mémoire, je ne trouve pas le mot «urgence climatique». Écoutez, il y a toute une mobilisation des citoyens qui est extrêmement importante, qui est présente. Moi, je me rappelle, en entreprise, on parle du concept de responsabilité sociale des entreprises, qui ne doit pas... parce que je travaillais dans les... en santé et sécurité, environnement, qui ne... j'espère, ce n'était pas seulement un slogan vide, mais que ça voulait dire quelque chose. Puis les entreprises aussi reconnaissent qu'il y a urgence climatique. Les compagnies d'assurance commencent à en parler.

Donc là, j'ai retrouvé... il y avait un article, qui a fait grand bruit en septembre dernier, dans Radio-Canada, qui nous disait qu'«en 2017, Québec a distribué 18,8 millions de tonnes de CO2 en allocations gratuites aux émetteurs, alors que ces derniers avaient émis 18,3 millions de tonnes». Donc, ils ont payé moins que le... ils ont plus de droits de polluer que ce qu'ils... c'est-à-dire qu'ils ont plus d'allocations gratuites que ce qu'ils émettent. Et aujourd'hui vous... l'industrie vient nous dire : Il faut maintenir ça, il faut garder ça. Je ne sais pas.

Moi, ce que j'aimerais vous demander... Vous savez, aujourd'hui, la tonne de gaz à effet de serre se transige à 20 $ la tonne. Est-ce que vous avez le chiffre, en moyenne, combien coûte la tonne de gaz à effet de serre pour vos membres?

Le Président (M. Polo) : En 40 secondes.

Mme Ghazal : C'est un chiffre.

M. Ouyed (Mustapha) : Alors, les dernières enchères sont plutôt situées autour de 23 $...

Mme Ghazal : Pour réduire, oui.

M. Ouyed (Mustapha) : Oui, de 23 $, qui est le coût des dernières enchères.

Mme Ghazal : Excusez-moi, peut-être que j'ai mal précisé. Combien coûte de réduire la tonne de gaz à effet de serre?

M. Ouyed (Mustapha) : Oui. Alors, justement, le Conseil patronal de l'environnement du Québec a participé à plusieurs consultations avec le ministère, et on a élaboré toute une liste de différents projets potentiels. Nous avons consulté nos membres, et les réductions de moins de 100 $ la tonne, c'est très difficile, c'est quasiment impossible.

Mme Ghazal : 100 $ la tonne.

M. Ouyed (Mustapha) : Oui, mais ce n'est pas pour autant que les entreprises restent les bras croisés. Donc, il y a des développements technologiques qui sont en train d'être faits. Et je reviens au commentaire qu'on a fait au début, il faut aussi regarder qu'est-ce que les produits de l'industrie permettent de réduire comme émissions de gaz à effet de serre...

Le Président (M. Polo) : En conclusion.

M. Ouyed (Mustapha) : ...au niveau de l'économie globale.

Mme Ghazal : Vous dites, vous avez fait une consultation. Est-ce que c'est possible d'avoir...

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Mercier, malheureusement, votre temps est terminé. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Merci beaucoup. Il y a beaucoup d'intervenants qui sont venus nous parler de transition juste. C'est un enjeu extrêmement important, notamment dans les régions, dans les milieux mono-industriels, dans lesquels sûrement vos membres sont installés, que ça soit dans l'industrie forestière ou ailleurs. Alors, comment vous voyez votre rôle dans la transition juste et comment vous pouvez même contribuer, là, davantage à cet objectif?

Mme Lauzon (Hélène) : D'abord, je dois vous dire que j'ai eu l'impression, en analysant le projet de loi, que la transition juste, elle est codifiée. Mais peut-être que... je voulais juste dire ça...

M. Gaudreault : Allez-y.

Mme Lauzon (Hélène) : ...parce que, quand j'ai vu ça, je me suis dit : Tiens, ça, c'est intéressant... Attendez un instant que je la retrouve... Bon. Oh là là! Non, attendez... Il faut juste que je retrouve... parce que je m'étais mis une note. En tout cas, je vais essayer de me dépêcher parce que je voudrais bien vous le montrer... Ah oui! c'est un endroit où j'ai...

M. Gaudreault : Le temps file.

Mme Lauzon (Hélène) : M. le Président, je ne veux pas pénaliser M. Gaudreault. Attendez un instant.

Le Président (M. Polo) : Poursuivez, M. le député de Jonquière, puis...

M. Gaudreault : Bien oui, je peux poursuivre pendant que vous cherchez. C'est parce que...

Mme Lauzon (Hélène) : Non, mais je vais répondre à votre question plutôt, hein, parce que je ne veux pas vous faire perdre votre temps.

M. Gaudreault : Oui, O.K., puis vous me le direz après si vous le retrouvez, à micro fermé.

Mme Lauzon (Hélène) : Bien oui, je vais le retrouver...

M. Gaudreault : Oui, allez-y.

Mme Lauzon (Hélène) : Parce qu'il y a un endroit où on dit qu'on doit prendre en compte les impacts économiques de la transition, je crois. On va devoir... Quand on commence à s'asseoir... quand je dis... on commence une série de réunions pour voir qu'est-ce qu'on est en mesure de faire en termes de réduction d'émissions de procédés et on va voir aussi ce que le gouvernement va nous suggérer comme orientations en termes de réduction de droits d'émission gratuits. Et là on va voir qu'est-ce que ça implique, parce qu'on a commencé à le documenter, parce qu'il y a des entreprises qui nous ont dit : Pour nous, c'est majeur, ce que ça veut dire. Donc, «majeur», quand on entend ça de la part des entreprises, c'est toujours inquiétude par rapport au maintien des emplois. Donc, c'est ça qu'on veut commencer à faire avec.

Et les centrales syndicales nous ont dit qu'elles voulaient aussi nous parler par rapport à ça, pour nous dire quels sont leurs enjeux. Donc, on va devoir écouter aussi ce que les centrales vont nous dire. On va travailler en concertation.

M. Gaudreault : En tout cas, la bonne nouvelle, c'est que votre industrie, vos membres sont prêts à s'asseoir avec les centrales syndicales pour regarder comment on peut, selon, évidemment, les encadrements proposés par le gouvernement, entre autres, sur les allocations gratuites et compagnie, comment on peut arriver à une situation plus socialement acceptable pour tout le monde, là, parce que le défi est immense.

Le Président (M. Polo) : En conclusion.

M. Gaudreault : Fin.

Le Président (M. Polo) : Parfait. Merci beaucoup, M. le député de Jonquière. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux au mardi 4 février, après les affaires courantes. Bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 36)

Document(s) associé(s) à la séance