(Quinze heures vingt-quatre
minutes)
Le
Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on va commencer un petit peu avant le délai qui était imparti.
Nous allons commencer immédiatement. On me dit que tout le monde est là. Alors,
ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission des
transports et de l'environnement
ouverte. Nous commençons avec un nouveau projet de loi qui est déposé. Une
belle aventure! On va être ici quand
même un bon temps ensemble. Alors, je
vous invite tous et chacun à vous aimer les uns les autres.
Alors, je déclare la séance de la Commission des
transports et de l'environnement, je le répète, ouverte. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 102, Loi
modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin de moderniser le régime
d'autorisation environnementale et modifiant
d'autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du
Fonds vert.
Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président, il n'y a aucun remplacement.
Remarques préliminaires
Le
Président (M. Iracà) : Alors, voici l'ordre du jour de cet
après-midi. Nous allons débuter par les remarques préliminaires. Par la suite, nous entendrons les
groupes suivants : le Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement, le Centre québécois du
droit de l'environnement et la Fédération des chambres de commerce du
Québec.
Alors, sur
ce, je cède la parole au ministre du Développement durable, de l'Environnement
et de la Lutte contre les changements
climatiques pour ses remarques préliminaires. M. le ministre, la parole est à
vous, vous disposez de six minutes.
M. David Heurtel
M. Heurtel : Merci, M. le
Président. Et permettez-moi de vous féliciter pour votre accession à la
présidence de cette commission.
Chers
collègues, chers membres du ministère, mesdames messieurs, comme vous le savez,
en juin dernier, j'ai présenté aux
membres de l'Assemblée nationale ce projet de loi d'envergure, soit le projet
de loi n° 102 modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement
afin de moderniser le régime d'autorisation environnementale et modifiant
d'autres dispositions législatives notamment
pour réformer la gouvernance du Fonds vert. La Loi sur la qualité de
l'environnement a été adoptée en 1972. Il n'y a eu aucune modernisation majeure
depuis bientôt 44 ans.
Dès mon
arrivée en poste comme ministre, j'ai sillonné le Québec. Partout, on m'a
demandé de rendre la LQE plus
efficace et plus prévisible, de simplifier les processus et de réduire les
délais. Notre vision est sans équivoque. Nous voulons doter le Québec d'un régime d'autorisation environnementale
moderne, clair, prévisible, optimisé et conforme aux plus hauts standards en matière de protection de
l'environnement. La modernisation du régime d'autorisation se ferait sur
trois fronts : législatif, réglementaire et administratif.
Le projet de
loi propose d'accroître la modulation du régime d'autorisation en fonction du
risque pour l'environnement. Les
projets seraient classés selon quatre niveaux de risque qui nécessiteraient
quatre types d'encadrement différents :
risque élevé, risque modéré, risque faible et risque négligeable. Cela
éliminerait environ 1 500 autorisations ministérielles.
Le projet de
loi n° 102 propose de simplifier les autorisations et accroître la
prévisibilité des processus d'analyse. Un
seul type d'autorisation remplacerait la grande majorité des certificats,
autorisations, attestations, approbations, permis et permissions
auparavant requis par la loi. Le régime serait simplifié pour les projets
pilotes à des fins de recherche et d'expérimentation.
La réduction des délais serait significative pour de nombreuses activités,
jusqu'à 20 % pour les projets soumis à la procédure d'évaluation et
d'examen des impacts sur l'environnement.
Le projet de loi vise à mieux équilibrer les
responsabilités entre le ministère et les initiateurs de projets. Une demande incomplète ne serait plus recevable. Il y
aurait des rencontres de démarrage, et cela permettrait d'éliminer les
allers-retours de questions-réponses, qui peuvent durer des mois et parfois
même des années.
Le ministère reçoit en moyenne
12 000 demandes d'accès à l'information chaque année. La population
veut plus d'information plus tôt dans le processus. Pour les projets à risques
élevés, il y aurait un registre des évaluations environnementales avec une information complète livrée tôt dans le
processus et au fur et à mesure. Il y aurait aussi la possibilité pour le public de faire part de ses
observations sur les enjeux que l'étude d'impact devrait aborder. Il y
aurait aussi un registre des autorisations ministérielles qui donnera le
contenu complet des documents.
Le
projet de loi propose l'introduction également d'un test climat. Cela
permettrait d'intervenir en amont, alors à titre de prévention. Il y aurait un seuil d'émissions de GES fixé par
règlement. L'initiateur de projet serait tenu de justifier ses choix technologiques, ses procédés ou ses sources
d'énergie ou fournir un plan de réduction de GES, le cas échéant. Le
gouvernement pourrait également assujettir à la procédure d'évaluation et
d'examen des impacts sur l'environnement les projets qui ne le seraient pas et
qui comporteraient des enjeux majeurs en matière de changements climatiques.
Le projet de
loi propose également de modifier la loi constitutive du ministère pour créer
le Conseil de gestion du Fonds vert.
Il serait composé de neuf membres nommés par le gouvernement et majoritairement
issus de la société civile. Il aurait
notamment comme mandat de conseiller le ministre sur les programmes, les
projets ou les activités financés par le Fonds vert, d'évaluer la
performance des programmes, des projets ou des activités financés par le Fonds
vert et de recommander au ministre les
ajustements requis pour favoriser une meilleure performance, et d'assurer la
supervision et le suivi des activités de
trésorerie du Fonds vert et collaborer avec le ministre à la préparation des
prévisions du Fonds vert pour chaque exercice financier.
Ce projet de
loi se veut : au bénéfice de la population, avec plus de transparence, plus de participation citoyenne, et l'environnement qui est toujours aussi bien protégé; au bénéfice des entreprises,
qui pourraient bénéficier d'un régime d'autorisation
simplifié, prévisible, clair et optimisé, d'une réduction du nombre
d'autorisations et d'une réduction des délais;
au bénéfice du monde agricole également, qui est un moteur économique important
et qui verrait notamment des seuils de production de phosphore rehaussés
avant de devoir faire une demande d'autorisation; au bénéfice du monde municipal,
car la majorité des prolongements de réseaux d'aqueduc ou d'égouts seraient
considérés comme des activités à risques
faibles. Les municipalités pourraient débuter les travaux 30 jours après
le dépôt de leur déclaration de conformité. Aujourd'hui, la moyenne de
traitement de ces demandes est de 200 jours. Le ministre pourrait exempter
de l'obligation d'obtenir une autorisation pour la totalité ou une
partie des travaux à réaliser. Les employés municipaux auraient les mêmes
pouvoirs que ceux du ministère lorsqu'ils sont tenus d'appliquer un règlement
pris en vertu de la LQE.
En
conclusion, M. le Président, ce projet
de loi se veut au bénéfice de tous.
Je tiens à remercier à l'avance tous les intervenantes et intervenants qui participeront à cette commission
parlementaire, de même que toutes ceux et celles qui nous permettront des... qui nous présenteront, pardon,
des mémoires. J'écouterai avec le plus grand intérêt leurs suggestions
et leurs réflexions. Merci, M. le Président.
• (15 h 30) •
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le ministre. J'invite le porte-parole de l'opposition officielle et député de
Jonquière à faire ses remarques préliminaires, pour une période maximale de
3 min 30 s.
M. Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault : Oui. Merci,
M. le Président. Alors, moi aussi, je
veux saluer tout le monde, particulièrement les gens du ministère
qui sont ici, qui nous accompagnent et qui vont nous accompagner. Je veux
saluer évidemment les collègues parlementaires qui sont ici, Étienne
Pomerleau-Landry, qui m'accompagne comme recherchiste, évidemment, tous
ceux et celles qui viendront témoigner ou viendront présenter des mémoires en
cette commission.
Donc,
effectivement, avec une loi qui est adoptée depuis 1972, on a, avec le temps,
constaté un certain alourdissement, voire une désuétude de certaines
procédures de la Loi sur la qualité de l'environnement. Le BAPE, également, qui
a été ajouté en 1978 — donc,
ça fait quand même presque 40 ans que cette institution existe — et
qui mérite certainement d'être revu
pour diminuer la bureaucratie. Moi, j'abonde en ce sens, mais jamais, jamais,
au grand jamais au détriment de la qualité de l'environnement, qui doit
nécessairement primer, d'autant plus dans un contexte de lutte contre les
changements climatiques.
Le ministre, dans le projet de loi n° 102,
nous propose quatre niveaux de risque pour faire une évaluation des risques, justement, donc de négligeables à élevés,
en passant par faibles et modérés. Évidemment, nous aurons un très grand
nombre de questions à cet égard, notamment sur toute la question de la
discrétion ministérielle. Quand on lit le projet
de loi n° 102, on s'aperçoit
qu'à plusieurs places il
y a de la discrétion ministérielle
qui est permise. Ce n'est pas nécessairement mauvais, mais, vous savez,
il faut quand même baliser cette discrétion ministérielle. C'est une raison d'ailleurs pour laquelle on souhaite ardemment
obtenir les règlements. À plusieurs reprises, le ministre va nous dire, ou, dans le projet
de loi, on dit : Ça viendra par règlement.
Je sais que les groupes également auront l'occasion d'en parler quand ils viendront nous présenter leurs mémoires,
mais, si je regarde, par exemple, dans le projet de loi n° 106,
avec le collègue du ministre mais à l'Énergie et aux Ressources naturelles, le
ministre a déposé un certain nombre d'intentions réglementaires. Alors, si
nous, on veut être capables de bien faire notre travail, on aura besoin également
de ces intentions réglementaires, surtout sur la question des niveaux de
risque, là, des quatre niveaux.
La question
de la gestion du Fonds vert, évidemment, nous préoccupe au plus haut point également, notamment la question de la reddition de compte, de sa
gouvernance en lien aussi avec Transition
énergétique Québec, justement,
qui est abordée dans le projet de loi n° 106, hein? Le travail qu'on aura
à faire, ce sera d'être capable de faire des liens et de briser les silos, si on reprend l'expression
consacrée. Parce que Transition
énergétique Québec, dans le projet de loi n° 106, aura une partie
de la gestion du Fonds vert, alors il faut s'assurer, là, que ça se fasse
correctement.
La question
du test climat, même chose. Le test climat que le ministre amène dans le projet de loi n° 102, il faudra le regarder attentivement, et, encore une fois, on va avoir besoin des
intentions réglementaires du ministre à cet égard pour bien
faire notre travail.
Et je termine
en vous disant aussi que toute la question de la contestation juridique, par
exemple, de décisions prises par le ministère, pour nous, elle doit
s'appliquer à l'ensemble des citoyens, et notamment au niveau du droit d'appel,
qui doit se faire pour tous, pas seulement pour des entreprises, mais également
pour des citoyens. Alors, merci.
Le Président
(M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le député de Jonquière. J'invite
maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition, le député de
Masson, à faire ses remarques préliminaires, pour une période maximale de
2 min 30 s.
M. Mathieu Lemay
M. Lemay :
Alors, M. le Président, à mon tour de saluer les collègues parlementaires,
saluer M. le ministre et notre
collègue député de Jonquière. Je suis accompagné aujourd'hui de Fanny Cantin,
ma recherchiste. Et, en fait, on veut souligner
aussi la présence de tous les groupes qui vont venir ici, en consultation,
prendre la parole devant cette commission. On les remercie à l'avance
pour la présentation de leurs mémoires, qui vont porter notamment sur la
modernisation du régime d'autorisation environnementale et la réforme de la
gouvernance du Fonds vert.
Donc, il
était très important pour nous d'avoir l'occasion d'entendre les divers
intervenants sur les sujets bien précis qui balisent la Loi sur la qualité de l'environnement. On peut penser
juste à des sujets en termes d'eau, d'atmosphère, de sol, de contaminants, polluants, matières
résiduelles, matières dangereuses, et j'en passe, M. le Président. Bref, on est
ici pour se pencher sur un projet de loi qui
est très technique, qui aura des impacts sur de nombreux secteurs et de
nombreuses entreprises québécoises.
Donc, ma
formation politique est d'avis que cet exercice de révision de la loi était
devenu nécessaire — M.
le ministre l'a mentionné tout à l'heure, 44 années — et
puis on va s'assurer, par la modernisation de cette loi, qu'on va atteindre les objectifs de simplification du
processus d'autorisation. En effet, il y a plusieurs exemples d'entreprises
qui sont coincées dans un processus sans fin
qui se multiplie, des délais pour obtenir des autorisations qui sont de plus en
plus longs. Donc, M. le Président, il
est essentiel que la révision de la LQE puisse encadrer nos entreprises
innovantes afin de mieux permettre la réalisation de leurs projets selon
un échéancier raisonnable. Donc, on va garder en tête que, tout au long des
consultations, la notion d'efficience devrait être au rendez-vous à la ligne
d'arrivée.
Alors, M. le Président, je suis fier de siéger
sur cette commission pour écouter chacun des groupes et leurs propositions
d'amendement afin de rendre ce projet de loi réellement efficace. Merci, M. le
Président.
Auditions
Le Président (M. Iracà) : Merci
beaucoup, M. le député de Masson. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du groupe Regroupement national des
conseils régionaux de l'environnement. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui
vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, et, par la suite, nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.
Regroupement national
des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)
M. Bourke
(Philippe) : Merci beaucoup. M. le ministre, MM. et Mmes les
commissaires, M. le Président. Écoutez, mon nom est Philippe Bourke, je suis le directeur du regroupement des
conseils régionaux de l'environnement. Je suis accompagné de mon collègue Cédric Chaperon, qui est responsable des
dossiers changements climatiques et énergie chez nous, et de M. Alexandre Turgeon, directeur général du Conseil
régional de l'environnement de la Capitale-Nationale.
Donc, je vais y aller très brièvement sur la
présentation de notre organisation... pour la plupart, vous nous connaissez bien. Donc, les 16 conseils
régionaux de l'environnement du Québec qu'on représente interviennent en
faveur de la protection de l'environnement dans chacune des régions du Québec,
en favorisant l'intégration des préoccupations environnementales dans les processus de développement, et contribuent
ainsi à harmoniser durabilité écologique, équité sociale et
développement économique.
Hier, le
21 novembre, le regroupement fêtait ses 25 ans, et récemment,
moi-même, j'ai célébré mes 20 ans à la direction du regroupement. Et jamais je n'aurais pensé qu'un jour enfin
on allait réformer la Loi sur la qualité de l'environnement. Et je tiens... on l'a déjà dit, mais je tiens à saluer
le travail du ministre là-dessus, parce que d'autres ont essayé avant lui d'arriver à une réforme, et, on
le mentionnait, ça fait plus de 40 ans que cette loi-là n'a pas été
réformée, et, de notre point de vue, c'est aussi nuisible pour la protection de
l'environnement que ce l'est pour le développement économique du Québec. Donc, en soi, enfin, on constatait qu'il y avait deux
grandes lacunes, qu'on pouvait faire oeuvre utile en réformant cette Loi sur la qualité de l'environnement et donc
faire progresser le Québec dans le XXIe siècle. Donc, on est très contents, donc, d'être rendus à cette
étape-ci. On a participé aux autres étapes avec le livre vert, et donc on
est contents de voir que la mobilisation se poursuit et que bientôt on aura une
loi sur la qualité de l'environnement qui sera à jour.
• (15 h 40) •
Évidemment, pour
nous, c'est important que le ministère de l'Environnement puisse avoir des
outils adéquats pour remplir son rôle de protection de l'environnement, et
évidemment que cet outil-là, qui est le principal outil du ministère, c'est
important qu'il soit à jour. En même temps, comme on le répète souvent
lorsqu'on vient ici, on est convaincus que,
si on veut que le ministère puisse jouer son rôle de protection de
l'environnement de façon adéquate, ça lui prend des ressources humaines et financières à la hauteur de ce défi-là.
On ne cesse de constater d'année en année
une diminution du budget du ministère, en dépit du fait qu'on lui ajoute des responsabilités
en matière de développement durable, de changements
climatiques. À un moment donné, je pense que le citron a été assez pressé, et ça nous
prend, si on veut
être sérieux avec cette réforme-là, un réinvestissement majeur dans le financement du ministère.
Donc, on en a fait, encore une fois, notre première recommandation. On pense que
c'est fondamental qu'on dise ce message-là une fois de plus.
Au sujet des objectifs
de la réforme, je le disais tout à l'heure, on n'a rien contre l'idée d'alléger
le processus d'autorisation environnemental, parce que c'est clair qu'il y a
un enjeu là qui est nuisible pour le développement du Québec. Mais, en même temps, on est préoccupés par le fait
qu'on a tendance à mettre en priorité ces éléments de nuisance là et de négliger peut-être l'idée qu'on devrait avoir une
loi sur l'environnement qui est encore plus forte, qui va mieux protéger
l'environnement. Et ça, on le sent moins, et
c'est pour ça que notre deuxième recommandation porte là-dessus. On
pense qu'en inscrivant, dès les dispositions
préliminaires du projet de loi, quelque chose de plus fort par rapport à
l'importance que le Québec veut donner à la
protection de l'environnement — on fait une recommandation ici, mais
évidemment on peut en discuter — nous, on pense que ça
viendrait donner le ton et recentrer peut-être davantage les objectifs de cette
réforme-là sur l'idée d'améliorer la protection de l'environnement.
Évidemment,
on a peu de temps, et j'ai déjà près de la moitié de mon temps de passée, je ne
vais pas passer en revue toutes les
recommandations dans le mémoire. Évidemment, on a voulu s'attarder à beaucoup
de choses qui sont importantes. Je
vous amène tout de suite à la page 8 de notre mémoire. Encore une fois, on
mentionne qu'on a... évidemment, on partage les objectifs que poursuit le gouvernement, notamment l'idée d'améliorer
la clarté, la prévisibilité et l'efficacité du régime d'autorisation. Et, en ce sens-là, pour nous, on
croit que c'est indispensable de revaloriser nos processus de
planification au Québec. Donc, on le fait bien, déjà, en intégrant dans le
projet de loi la question de l'évaluation environnementale stratégique. C'est une excellente chose. Mais il y
a d'autres mécanismes de planification à l'échelle des territoires :
les schémas d'aménagement, les plans
d'urbanisme, ce genre de choses là. Nous, on pense que, si on revalorise
l'importance de faire une bonne
planification du territoire, ça va rendre l'application des lois comme celle-là
beaucoup plus facile, ça va diminuer les problématiques d'acceptabilité
sociale, et ça aussi, ça va améliorer notre capacité à mieux développer le
Québec et à faire en sorte qu'il réponde aux impératifs du XXIe siècle.
Ensuite,
je vous amènerais... Bon, évidemment, on arrive à la partie IX, où on a
une section plus détaillée où on a regardé, dans la colonne de gauche,
le texte des notes explicatives du projet de loi et on a fait des commentaires,
des propositions. Souvent, on a salué les
avancées qui sont faites dans le projet de loi, on est très contents, donc je
ne passerai pas en revue tout ça parce qu'évidemment on n'a pas le
temps.
Je
vous amènerais peut-être à certains éléments qu'on voudrait mettre à votre
attention, en page 12, où on parle de la question des consultations
ciblées. Pour nous, c'est quelque chose qui est un peu... on a besoin de
réponses, là, sur qu'est-ce qui est perçu ou qu'est-ce qui est entendu par ça.
Même à l'interne, il y en a qui disaient : Bien, c'est-u une consultation où on cible les personnes qui
participent ou c'est une consultation sur un thème qu'on cible? Juste en
partant, il y avait une confusion chez nous.
Donc, je pense que c'est sans doute une bonne idée, puis sans doute que ça
répond à un besoin, mais, pour nous, il faudrait d'abord clarifier ce qu'on
entend par là.
Il
y avait des inquiétudes au niveau de la médiation, pas parce que ce n'est pas
intéressant, au contraire, nous, qui sommes
des organismes de concertation, on privilégie ce mode de résolution de conflit
qui est la médiation. Ce qui nous inquiétait
un peu, c'est la disparition du fait que, lorsque la médiation échoue,
maintenant, on n'aurait plus automatiquement le recours à l'audience
publique en bonne et due forme.
Je
vous amène maintenant en page 14, où on parle de la question des matières
résiduelles, un secteur dans lequel les
conseils régionaux interviennent beaucoup. Plusieurs d'entre eux ont participé
aux travaux de consultation qui ont eu lieu au cours des derniers mois sur la mise à jour des plans de gestion des
matières résiduelles. C'est dont... ce qu'on parle ici. Le projet de loi
propose d'alléger ces processus-là. On n'a rien contre certaines dispositions.
Par contre, on est inquiets sur l'idée de
reporter de cinq à 10 ans la durée des plans, d'autant plus que nous, on
perçoit qu'il y a des lacunes au niveau de l'application de ces plans-là. Donc, ce qu'on propose, c'est qu'en
contrepartie les MRC soient forcées de faire un bilan annuel de mise en
oeuvre du plan, ce qui permettrait de compenser l'extension de la durée du plan.
Je
vous amène en page 15, c'est un... Je vais attirer votre attention
là-dessus parce que c'est un sujet
important pour nous. Évidemment, on s'intéresse énormément aux enjeux de changements
climatiques, au plan d'action sur les changements
climatiques, à l'utilisation des sommes par le Fonds vert, et on tenait ici à être très, très
précis sur certains commentaires et recommandations. Donc, je vais vous
faire la lecture.
Le
regroupement reconnaît que la gestion du Fonds vert est loin
d'être optimale et que les nombreuses irrégularités qui ont été constatées au cours des dernières
années méritent une grande attention. En
ce sens, le RNCREQ salue la
mise en place du conseil de gestion du Fonds vert.
Cela dit, au-delà
du caractère spectaculaire des cas d'irrégularité qui ont fait la manchette et
qui justifient aujourd'hui la mise en place de ce conseil de gestion, il
se cache d'autres problèmes, dans la mise en oeuvre du plan d'action sur les changements climatiques, que le conseil de
gestion ne va pas nécessairement pouvoir résoudre. Premièrement, à l'inverse du manque de contrôle observé sur
certaines dépenses — on le
concède — on
observe en contrepartie une volonté de contrôle
comptable excessive sur les activités, en particulier, du ministère de l'Environnement.
Et c'est complètement contre-productif et même inadapté au contexte de
la protection de l'environnement.
Je
donne quelques exemples. Quand on est en train de faire de la transition
énergétique, des changements climatiques, ça implique de l'éducation,
des changements de comportement, des modifications de normes sociales,
l'adaptation aux changements climatiques. C'est toutes des choses qui ne se
comptent pas dans les colonnes d'un fichier
Excel. Alors, quand on demande aux fonctionnaires du ministère de traduire ça
en nombres dans des colonnes de fichiers
Excel, ils ne sont pas en train de protéger l'environnement puis de trouver une
façon de faire accélérer la mise en oeuvre
du plan sur les changements climatiques. Donc, je pense que ça, là, en soi, il
faut essayer d'inverser cette tendance-là à la numérotation de notre
action en changements climatiques et en protection de l'environnement en
général.
Le Président (M. Iracà) :
...secondes, M. Bourke. Tout simplement pour vous aviser.
M. Bourke
(Philippe) : C'est gentil. Merci beaucoup. L'autre chose peut-être que
je pourrais mentionner rapidement, bon,
évidemment, de façon spécifique, on ne sera pas les seuls à en parler, mais,
dans les lacunes qu'on observe au
niveau de la mise en oeuvre du Fonds vert, il y a un grand volet qui appartient
aux responsabilités du ministère des Transports.
Il y a des propositions ici pour trouver une façon de corriger ce tir-là.
D'autres vont en parler, parce qu'on s'est partagé un peu le travail sur une proposition pour aider le ministère de
l'Environnement à améliorer sa capacité à orienter correctement les dépenses du Fonds vert qui vont
en transport. Donc, je vous laisse là-dessus regarder nos propositions.
Et, bien, je pense, ça va être tout. Écoutez, il y
a plein d'autres sujets dont on parle, mais que je n'ai malheureusement
pas le temps d'aborder. On le fera sans doute dans les questions.
Le
Président (M. Iracà) : Oui. Alors, merci, M. Bourke, pour
votre exposé. Effectivement, lors des échanges, vous aurez l'occasion certainement d'approfondir, là, au niveau de votre
exposé. Alors, sur ce, nous allons maintenant commencer la période
d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Heurtel :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bourke. Bonjour, messieurs. Merci pour
votre mémoire ainsi que votre
présentation aujourd'hui. Oui, c'est un projet de loi assez volumineux, on
pourrait en dire beaucoup, mais je vais prendre pour acquis que
c'étaient les priorités que vous avez mentionnées, les faits saillants les plus
importants. Le mémoire couvre beaucoup de travail, d'ailleurs, comme toujours.
Je
vais commencer par l'ordre inverse, je vais commencer par le Fonds vert. Quand
vous parlez d'une crainte qu'on soit sous l'emprise des comptables, si
je paraphrase votre propos, je veux juste comprendre, est-ce que vous avez spécifiquement... Parce que ce n'est vraiment pas
ça, l'objectif. L'objectif de la disposition, c'est véritablement
s'assurer que, du début d'un projet et même
avant même qu'on prenne la décision d'investir de l'argent du Fonds vert dans
un projet, quel qu'il soit, que de
soit un projet de transport, de recherche scientifique ou de sensibilisation de
la population, qu'on s'assure qu'on ait bien réfléchi, qu'on ait
véritablement une gestion par projet, qu'on ait des livrables, des indicateurs de performance, qu'on puisse déterminer, en fin de
projet et même durant le projet, bien, est-ce qu'on dépense les fonds, parce que les fonds des Québécoises et des
Québécois, là, qu'on dépense, qu'on s'assure que l'argent va... doit
aller...
Je
veux juste m'assurer. Est-ce que vous lisez vraiment, dans le libellé du projet
de loi, qu'on va juste s'en tenir à des
projets de réduction de gaz à effet de serre, ou est-ce que vous exprimez plus
une crainte que ça devienne l'interprétation? Je veux juste bien
comprendre votre propos, parce que moi, je ne lis pas le projet de loi comme
ça. Mais c'est le but des consultations, là.
• (15 h 50) •
M. Bourke
(Philippe) : Vous avez raison de dire qu'on ne le lit pas comme ça.
Mais c'est une crainte qu'on sent. Elle est plus latente, puis on a
juste peur que ce nouveau conseil de gestion, dont ce n'est pas le but,
assurément, de s'empêtrer dans des
processus, des procédures, mais de bien faire les choses, bien, on voudrait
éviter qu'il tombe dans, finalement, de la procédurite, donc. Mais on ne
l'a pas lu. Donc, c'est une crainte qu'on vous soumet et on porte à l'attention
des parlementaires de juste veiller à ça, parce qu'on touche à... On n'est pas
dans... En environnement, en changements de
comportements, je pense qu'il faut comprendre qu'il ne faut pas nécessairement
penser qu'on va suivre les... les indicateurs vont être de la même
nature que dans d'autres domaines.
M. Heurtel :
Je reçois très bien ça, puis nous sommes d'accord, là, ce n'est pas du tout ça,
l'objectif. En effet, il va y avoir
des projets puis il y a déjà des projets financés par le Fonds vert, en
sensibilisation, par exemple, ou en recherche scientifique. Il n'y a pas
un lien direct qu'on peut dire : Bien, investir dans Ouranos, par exemple,
va nous donner x réductions de GES. Ça, on
est d'accord. Mais, encore, veux veux pas, je crois que la structure de
gouvernance actuelle du Fonds vert n'est pas adaptée à la réalité, n'est
pas adaptée à des exigences, même les exigences de plusieurs groupes environnementaux qui veulent mieux comprendre,
mieux voir où l'argent va puis c'est quoi, le lien entre les investissements
et tout l'écosystème. Parce qu'il y a deux
ans, presque trois ans, on n'avait pas tous les outils qu'on a aujourd'hui, on
n'avait pas une stratégie gouvernementale de
développement durable, on n'avait pas la politique énergétique, le Plan
d'action en électrification des transports,
on n'avait pas la cible de 2030 ni celle de 2050 de réduction d'émissions.
Alors, je crois que... puis c'est ça, le but.
Puis
je vais faire la transition avec votre commentaire sur le préambule. On a fait
bien attention, dans le préambule du
projet de loi, qui serait le nouveau préambule de la Loi sur la qualité de
l'environnement, d'intégrer la Loi sur la qualité... la lutte contre les changements climatiques,
plutôt, puis justement pour s'assurer que, lorsqu'on interprète la loi puis
lorsqu'on fait... que ça soit au niveau de
l'évaluation des dépenses du Fonds vert ou des autorisations
environnementales, qu'on tienne compte...
plus qu'on tienne compte, qu'on intègre dans la réflexion, dans nos procédés,
la lutte contre les changements
climatiques et tous les outils qui existent présentement, mais qui vont... Il
va y en avoir d'autres à l'avenir, nécessairement,
dans l'ensemble des actions qu'on pose. Alors, je veux juste m'assurer, sachant
qu'il y a un projet de loi sur les
milieux humides qui s'en vient, sachant qu'il va y avoir, par exemple, une loi
spécifique sur les pesticides qui s'en vient également, je veux juste...
je crains que... Est-ce qu'on n'essaie pas de trop en faire avec un long
préambule, là? Je veux juste essayer de comprendre.
Vous
envoyez des messages très, très clairs puis au niveau de vos priorités, mais
moi, je vois un... Puis ça, c'est mes vieux
réflexes d'avocat, mais, je veux dire, si on en laisse trop, là, on restreint
aussi l'interprétation possible, tu sais, je veux dire, dans le sens que, si on fait une liste trop
exhaustive dans le préambule d'un projet de loi, bien là, ce qui n'est
pas écrit risque de dire : Bien, le
législateur a voulu l'exclure. En tout cas, ça peut être plaidé. En tout cas,
moi, j'essaie de penser pour l'avenir : Est-ce qu'il ne faut pas
rester plus général?
Mais, si je vous demanderais c'est quoi, les
enjeux principaux que vous proposez, là, dans votre préambule... Qu'est-ce qui
vous laisse croire que la LQE, dans sa forme actuelle ou dans la forme proposée,
serait affaiblie ou ne ferait
pas le travail dans ces enjeux-là? Je vois, par exemple, la biodiversité, bon,
la protection de la biodiversité, c'est... J'essaie d'aller plus concrètement où vous voyez un risque de faiblesse
ou... Quand vous dites : Il faudrait être plus fort, avez-vous des
exemples concrets ou quelque chose de plus... bien, plus clair là-dessus?
Le Président (M. Iracà) :
M. Bourke.
M. Bourke
(Philippe) : Bien, déjà, on a proposé, entre autres, c'était déjà
quelque chose qui était dans les notes explicatives,
la volonté du gouvernement d'intégrer la santé humaine comme un élément
important à ajouter, donc de faire le lien fondamental qui existe entre
la protection de l'environnement et la santé humaine. Donc, ça, on le retrouvait
déjà dans les notes explicatives, donc, ça
nous apparaît nécessaire de minimalement l'intégrer dans ça pour montrer...
Puis je pense que, pour nous qui travaillons
dans le domaine de la protection de l'environnement, de faire la démonstration
que c'est lié, ces choses-là, ça va assurément aider à faire progresser les
choses.
Ceci dit, écoutez,
notre intention de vouloir augmenter ou d'ajouter des choses à la disposition préliminaire, je le rappelle,
vient du fait qu'on présume que l'intention est surtout axée sur l'amélioration de l'efficacité du processus. Puis, comme
on l'a dit, on n'a rien contre, et on cherchait une façon de contrebalancer
cette tendance-là, puis on pensait, à cet endroit-là, c'était le mieux. Maintenant,
je ne suis pas juriste, je n'ai pas réfléchi aux... les effets...
Une voix : ...
M. Bourke
(Philippe) : C'est ça.
Je suis content, ils vont pouvoir me donner leurs commentaires après. Mais, ceci dit, donc,
c'était notre proposition de vouloir mettre ces choses-là sur la table, à ce moment-ci, pour clairement
montrer qu'au-delà de la nécessité d'alléger le processus
le gouvernement maintient que la priorité, pour lui, c'est quand même son rôle de gardien de la protection
de l'environnement, et on pense que, formulé comme ça, ça aiderait.
M. Heurtel : Je comprends. Puis ce l'est. Je veux dire, encore
une fois, tu sais, quand on parle... par
exemple, avec la nouvelle structure, bien, fondée sur le risque, par exemple,
on se donne la latitude d'intégrer tous les projets sur les hydrocarbures, ce qu'on ne pouvait pas faire avant. Avec le test climat, on réussit maintenant
à approfondir puis, en amont, dès le
départ, de poser toutes les questions nécessaires, justement, reliées à la lutte contre les changements climatiques puis avoir des
réponses claires dès le départ.
Toute la question
de transparence, de participation
citoyenne, tu sais... puis encore, moi aussi, je suis limité dans le temps, là, mais il y a beaucoup de dispositions
dans le projet de loi pour mieux impliquer les citoyens et citoyennes,
groupes et autres plus tôt dans le
processus, en plus, avoir plus d'accessibilité; tout ça est fait dans une
optique de justement mieux protéger
l'environnement, je veux dire, il y a plusieurs exemples, là, comme ça. Mais
j'entends bien que ce qui ressort plus, ce que vous ressentez plus,
vous, de votre côté, c'est qu'on mise plus sur la simplicité, l'efficacité, la
prévisibilité. Mais je veux juste bien être
clair, les standards de protection de l'environnement ne sont pas du tout
affectés, au contraire, nous pensons, et moi, je le pense profondément,
qu'on améliore nos outils.
Sur la
question... vous parliez de schéma d'aménagement, tout ça, encore une fois, on
essaie d'y aller par étapes, parce
que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme couvre justement la question de
schéma d'aménagement, comme vous le savez,
et ne relève pas du ministère de l'Environnement. C'est clair que c'est quelque
chose qu'il faut regarder, surtout quand
on parle de planification de transport, l'étalement urbain, tout ça. Mais,
encore une fois, ma question, c'est : Vous ne voyez pas, dans le test climat, une façon
justement de nous permettre d'analyser, justement, si un projet, justement,
va générer des émissions importantes? Puis ça peut aller jusqu'à une autoroute,
ça peut aller... Ça ne nous permet pas, justement,
d'entrer... de pouvoir approfondir les questions soulevées par de tels projets
et se rendre jusqu'à la question d'aménagement,
de planification urbaine? Je me demande si vous ne voyez pas là quand même une
partie de la solution.
Le Président (M. Iracà) :
M. Bourke.
M. Bourke
(Philippe) : Bien, je
pourrai te laisser compléter. Mais vous m'amenez sur la question
du test climat. Justement,
dans la section où on en parle, on insiste énormément, justement,
sur... Et c'est un bon point que vous faites, parce que ce qu'on dit justement,
c'est que ce test climat là doit, en priorité, s'appliquer à ce genre de planification là. C'est là qu'on va faire les meilleurs gains, c'est en
amont, lorsqu'on réfléchit de la manière dont on va occuper le territoire,
la manière qu'on va développer nos villes,
la manière qu'on va... À la rigueur, ça peut être aussi au niveau
des politiques de développement, notre plan d'action sur l'exportation, par
exemple, en quoi il est connecté aux enjeux climatiques du Québec.
Donc, pour nous, le test climat, c'est là qu'il va avoir sa plus grande
importance, son plus grand pouvoir de faire changer les choses dans la
bonne direction.
L'idée de
l'appliquer à des projets spécifiques, on n'est pas contre, au contraire, mais je pense que ça pose plus de questions en
termes d'application. Mais, au contraire, moi, je pense que ça, cette idée-là,
elle est vraiment très importante, du
test climat, mais appliquée à la planification. Je ne sais pas si tu avais
peut-être un point, Alexandre, à rajouter là-dessus.
• (16 heures) •
M. Turgeon (Alexandre) : Bien,
si c'est une façon de mieux regarder, pour le gouvernement, ce que font les
municipalités dans leur planification, dans leurs outils de planification, dans
les plans d'urbanisme, dans les schémas d'aménagement qui peuvent avoir des
conséquences environnementales assez dramatiques, non seulement par le développement urbain, sur le drainage des sols,
mais également sur notre consommation énergétique de par les modes de
transport qui sont associés au développement urbain, si le test climat permet
de poser un regard, et d'être un peu plus sévères, et de requestionner le travail des
municipalités... Vous savez, on a une approche où on dit que les
municipalités... On est d'accord avec une
plus grande autonomie envers les municipalités sur leurs façons de faire les
choses, mais que cette autonomie-là
doit s'accompagner d'une obligation plus grande de résultat par rapport à des
objectifs de société qui sont établis
dans différentes politiques gouvernementales. Et, en ce sens là, si ça donne
une meilleure poignée au gouvernement pour
rappeler à l'ordre des municipalités sur leur travail à faire en matière
d'aménagement du territoire et de transport, bien, tant mieux.
Le Président (M. Iracà) :
Merci, M. Turgeon. M. le député de Maskinongé, en
2 min 30 s.
M. Plante : Bon, bien, écoutez, bien, merci beaucoup, M. le Président. Donc, écoutez, très rapidement... Tantôt,
je vous ai entendu parler au niveau des ressources du ministère, et on a eu la
chance de faire, même, des tournées de consultation, tout ça. On entend le même
commentaire souvent que, bon, soit qu'il manque de ressources ou l'accompagnement est plus difficile dans certains
cas. Et j'ai entendu dire aussi... puis, lors des consultations, on a pu le constater ensemble,
il y a certaines personnes qui disaient qu'on pourrait donner ou faire jouer un
rôle plus important à des sociétés
d'État comme RECYC-QUÉBEC dans différents dossiers à différents niveaux, un
exemple : des sites d'enfouissement, ou
des choses comme ça, et j'aimerais entendre votre point de vue là-dedans, là,
très rapidement, puisque je pensais qu'il me restait sept minutes, mais
c'est deux minutes.
Le Président (M. Iracà) :
Alors, M. Bourke.
M. Bourke
(Philippe) : Écoutez, si on parle spécifiquement du dossier des
matières résiduelles, puis, tu sais, je ne veux pas faire de lien par contre avec la question... l'enjeu des ressources
humaines ou financières du ministère, mais c'est clair que, dans ce dossier-là, on le constate, nous, de notre
point de vue, il y a effectivement un besoin, assurément, de trouver une façon de réduire les dédoublements,
de clarifier les rôles respectifs du ministère et de RECYC-QUÉBEC pour rendre plus opérationnel ce chantier
important qu'est notre politique de gestion des matières résiduelles. Alors,
est-ce que c'est la bonne solution de
confier plus de responsabilités à RECYC? Assurément que ça vaut la peine de
regarder. Moi, je vous encourage à le faire
parce que vous touchez là à une problématique importante, de notre point de
vue, où il y a un dédoublement, une
grande inefficacité dans ce dossier-là, mais je me... sous toutes réserves
parce qu'évidemment je n'ai pas consulté, là, mais c'est à explorer,
sans doute.
Mais, pour ce qui est d'autres mandats, je ne me
prononcerais pas parce que les sociétés d'État qui sont liées au ministère de l'Environnement, à part celle-là,
je n'en connais pas d'autre. Puis je pense que je réitère l'importance
de bien doter le ministère, aussi, d'effectifs, de ressource qui est capable de
bien jouer son rôle de surveillance, de contrôle, et... c'est ça.
Le
Président (M. Iracà) : Alors, merci beaucoup, M. Bourke.
Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous
allons procéder à la période d'échange avec le premier groupe d'opposition. M.
le député de Jonquière, la parole est à vous.
M. Gaudreault : Avec le
groupe d'opposition officielle, M. le Président.
Le Président (M. Iracà) : Ah!
le premier groupe... bien sûr, officielle.
M. Gaudreault : Avec le
groupe d'opposition officielle.
Le Président (M. Iracà) : Le
groupe d'opposition officielle, bien sûr.
M. Gaudreault :
Merci d'être ici, M. Bourke, M. Turgeon, M. Chaperon, vous
cassez la glace. Alors, vous êtes les
premiers et soyez assurés que vos recommandations seront prises en compte, même
si les consultations vont continuer. Vous
pouvez avoir l'impression que, ah, ça a évolué puis qu'on est un peu loin quand
on arrive plus tard dans le processus, mais je veux vous rassurer quant
à ça.
Maintenant,
moi aussi, je veux y aller sur le Fonds vert pour commencer. J'aime bien votre
expression quand vous dites,
M. Bourke : La gestion du Fonds vert ne doit pas se limiter à une
feuille Excel, là, grosso modo, là, bon, parce que ce n'est pas que comptable, là, quand on parle de
réduction de GES. Mais, en même temps, à la page 16 de votre
mémoire, il y a un point, là, à la toute fin, où, justement, vous faites une
critique des sommes allouées... la gestion des sommes allouées au MTQ, et là vous soulevez quatre préoccupations majeures,
là : aucune cible de réduction de GES n'est exigée, bon, etc., je ne veux pas le lire ici. Justement, cet exemple-là que vous donnez fait
paradoxalement la confirmation qu'il faut avoir une gestion quand même serrée du Fonds vert. Donc, comment on peut
trouver le bon équilibre, là, entre pas trop de contraintes, tenir compte de la réalité intrinsèque du Fonds vert et de
ses objectifs, mais quand même avoir une reddition de comptes qui est
correcte et qui est collée à l'objectif qui est d'atteindre des cibles de
réduction de GES?
Le Président (M. Iracà) :
M. Bourke.
M. Bourke
(Philippe) : C'est un bon point que vous soulevez, effectivement.
D'une part, on dit qu'il y a un contrôle
trop serré, puis, après ça, on vient dire qu'il n'y en a pas assez. Écoutez, ma
remarque, je pense que je l'avais déjà abordé quand on a adopté la Loi sur le
développement durable, on a créé le poste de Commissaire au
développement durable puis on lui a demandé
de surveiller en particulier la mise en oeuvre de cette fameuse loi, mais ça
s'est adonné que le commissaire
semble avoir interprété son rôle comme de la surveillance du ministère du
Développement durable, et, année après année, est très dur à en faire...
de la manière dont le ministère fait ses choses, et donc le force à
continuellement corriger et de plus surveiller,
contrôler, compter. Puis, pendant ce temps-là, d'autres ministères qui prennent
des décisions à tous les jours qui
vont complètement à l'envers du développement durable, comme décider de
construire une autoroute qui va drainer un important étalement urbain,
bien, personne ne les surveille.
Bien,
on retrouve à peu près la même chose ici lorsqu'on parle de la gestion du Fonds
vert. Donc, le ministère de l'Environnement
est continuellement mis au banc des accusés pour comment ça se fait, telle
dépense, puis pourquoi c'est telle
chose, puis là il est obligé de toujours s'expliquer puis dire... puis là,
après ça, là, être forcé de continuellement rajouter des briques autour de qu'est-ce qu'il fait. Puis,
pendant ce temps-là, bien, le ministère des Transports, qui est
responsable de près du deux tiers des dépenses du fonds, bien, lui, on lui
confie le fonds en disant : Bien, voici, tu dois faire de la réduction de gaz à effet de serre, mais avec des
modalités de contrôle qui sont moindres. Donc, nous, on dit : Est-ce
que c'est le conseil de gestion qui va régler ça? On ne le sait pas. En
attendant, une des choses qu'on perçoit, c'est que, minimalement, si on réussissait à distinguer l'argent qui va dans le
fonds de celle qui irait à des actions vraiment dédiées à la réduction des gaz à effet de serre, déjà ça
améliorerait énormément le contrôle au niveau des dépenses du ministère
des Transports. Et donc c'est dans ce sens-là, là... Effectivement, c'est un
peu deux poids, deux mesures. Je pense que, peut-être, il faut changer notre
mode de contrôle et l'orienter un peu plus aux endroits où ça compte un peu
plus.
Le Président
(M. Iracà) : M. le député.
M. Gaudreault :
Bien, peut-être qu'au fond la solution se trouve dans la page 15 de votre
mémoire, un, deux, trois, quatrième
paragraphe, quand vous dites : «...la réforme en cours doit permettre de
fixer des cibles de réduction sectorielles qui incitent les principaux
ministères à intégrer plus formellement la lutte aux changements climatiques à
l'ensemble de leurs activités.» Autrement dit, est-ce que vous dites qu'on
devrait aller plus loin en prévoyant, dans une
loi, soit la LQE ou une autre, j'en ai suggéré une, moi, en ce qui me concerne,
en tout cas, en ce qui nous concerne... Est-ce qu'on pourrait, à ce moment-là, fixer des cibles de réduction
sectorielles, donc transport, qui permettrait de trouver cette voie de
passage? Parce que, là, présentement, il n'y en a pas. On a des cibles
politiques, mais qui ne sont pas contrôlées par une loi, d'une certaine
manière.
M. Bourke
(Philippe) : On a fait la proposition, cet été, lorsqu'on a participé
aux travaux de la commission des... c'est la...
Une voix :
Ressources naturelles.
M. Bourke
(Philippe) : ...ressources naturelles, sur le projet de loi
n° 106, qui met en place Transition énergétique Québec. Nous, on a
fait la suggestion que ça soit une loi sur la transition énergétique et qui
intègre, justement, des cibles sectorielles
parce que, sinon, ça devient tout simplement une gestion de programme, puis
finalement un ministère peut recevoir
des sommes pour établir des programmes de réduction, mais entre-temps établit
des politiques publiques qui vont en
sens inverse. Donc, en mettant une cible, on s'assure qu'à la fois dans la
façon dont ils délivrent les programmes et à la fois dans les plans de développement qu'ils mettent en oeuvre ils
aient cette obligation et même cette imputabilité à rendre des comptes
sur l'atteinte de leurs cibles de GES.
Moi,
j'arrive du Maroc. L'année passée, je suis allé en France, puis c'est comme ça
que ça fonctionne, il y a des obligations de résultat. Et on pense qu'en
termes de saine gestion, saine gouvernance, ça devrait aller de soi qu'on se
donne ce genre de cibles là.
M. Gaudreault :
Mais est-ce que ça, ce devrait se faire dans la loi actuelle qu'on est en train
d'étudier?
• (16 h 10) •
M. Bourke
(Philippe) : Écoutez, nous, on le propose. Parce qu'après ça il faut
le calculer, là. C'est facile de le dire,
mais, après ça, c'est combien on l'attribue? On est conscients que c'est un
défi. Peut-être que, dans le prochain plan d'action, 2020‑2030, ça pourrait être l'occasion. Sinon, nous, on n'a
pas perdu espoir que, dans la stratégie énergétique, ça devrait se retrouver là, ça devrait être la
première responsabilité de Transition énergétique Québec que de fixer des
cibles.
M. Gaudreault :
Que ce soit évaluable et que ce soit mesurable. O.K.
M. Bourke
(Philippe) : Bien, exactement. Donc, il y a des opportunités en ce
moment, oui, mais là pour vous dire à
quel endroit c'est le mieux... Je pense que nous, on fait juste soulever la
problématique ici que c'est important qu'on se donne cet outil-là.
M. Gaudreault :
Ça m'amène justement, moi aussi, à vous questionner sur les dispositions
préliminaires parce que, quand je
lis, à la page 7, là, le bout en gras que vous voulez ajouter, c'est
quasiment des mots qui en font un genre de loi un peu fondamentale parce que vous parlez du caractère collectif, d'intérêt
public, les générations futures. C'est comme si vous voudriez y donner un statut un peu plus solennel, je ne sais pas
trop comment l'exprimer, là, mais vous arrivez quand même avec des dispositions ou des mots qui donnent
un caractère un peu plus formel. Est-ce que je vous lis bien ou...
Est-ce que vous pouvez nous parler davantage de ça?
M. Bourke
(Philippe) : Je m'excuse... Écoutez, quand elle a été créée, cette
loi-là, en 1972, on ne vivait pas dans un
monde où les ressources étaient limitées, c'était un monde encore de ressources
illimitées, il fallait juste faire de la mitigation. On constatait que
le développement entraînait des conséquences, et on se disait : Bien, il
faut limiter ces conséquences-là, mais on continue le développement. Aujourd'hui,
en...
Une voix : 2016.
M. Bourke (Philippe) :
... — 2016,
oui, c'est ça, je cherche parce que 2015, 2014, 2016 — ...
Une voix : ...
M. Bourke
(Philippe) : ...2016 — oui,
c'est ça, c'est peut-être ça — on
est rendus ailleurs. Et donc là, là, il
faut... cette loi de la protection d'environnement, là, elle n'a plus la même responsabilité qu'à l'époque, elle est là pour garantir
le maintien des conditions d'existence sur
la terre. Ça peut paraître ésotérique, ce que je vous dis, là, mais c'est la
réalité, lorsqu'on lit les rapports, à
chaque jour, qui nous tombent, que ce soit de l'ONU, d'un peu partout sur la
planète, sur la disparition de la
biodiversité, sur les changements
climatiques, etc. Donc, à quelque part, là, il faut repréciser un peu plus ce qu'on veut faire
avec cette loi-là.
Le Président (M. Iracà) : Une
minute.
M. Gaudreault : Merci,
oui. Il nous reste une minute, donc le temps file vite, mais je veux absolument
vous entendre, parce que
vous avez l'air très inquiet sur l'idée des consultations ciblées. Je ne
relirai pas votre mémoire, là, page
12, mais pouvez-vous nous expliquer un peu plus... Vous suggérez quoi, là, vu
que vous êtes inquiet, là? Vous ne donnez pas votre appui, comme vous
dites : «[On] réserve donc [notre] appui à cette proposition»,
page 12.
M. Bourke
(Philippe) : Bien, la seule
chose qu'on suggère, c'est une définition. Pour le moment, notre
inquiétude est plus liée au fait qu'on ne
sait pas ce que c'est. Ce n'est pas vraiment une inquiétude comme une... Avant de dire
quoi que ce soit, on va attendre de voir ce que ça veut dire. Donc, je pense
que ce serait nécessaire d'expliquer un peu mieux l'intention et ce que ça veut dire dans les faits. Parce qu'évidemment, dès qu'on touche aux enjeux
comme les consultations publiques,
là, on sait que les Québécois tiennent beaucoup au BAPE, au processus
classique. Alors, quand on arrive avec des nouvelles choses, je pense,
c'est important de le définir correctement.
Le Président (M. Iracà) : Merci
beaucoup, M. Bourke. Ceci met fin à l'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle. Nous allons débuter un autre échange avec le porte-parole du deuxième groupe
d'opposition, le député de
Masson. La parole est à vous.
M. Lemay :
Merci, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer. Je vais vous amener à
la page 10 de votre mémoire.
Dans votre premier encadré, quand vous parlez, dans le fond, que «l'examen
attentif des règlements d'application devient
une condition essentielle pour juger de la saine gestion du risque» au niveau
des quatre types de risques — bon, je
crois que vous apportez des nuances ici, là — est-ce que voulez en dire
davantage?
M. Bourke
(Philippe) : Bien, écoutez, on dit : Le diable est dans les
détails. Je me souviens que, lorsqu'on était venus présenter notre mémoire ici sur le livre vert, on avait fait la
suggestion de faire des tests, d'essayer de mettre des idées de projet, sur la table, fictifs puis de voir où
est-ce qu'ils se situeraient dans ces quatre échelons-là pour qu'on soit
capables de figurer un peu de quoi on parle,
parce que, compte tenu du fait qu'effectivement on n'a pas la réglementation,
c'est difficile. Le principe, on y adhère,
mais où est-ce qu'on va situer le changement de case pour des niveaux de
risque, tel projet va être dans un ou
dans l'autre? Tant qu'on n'a pas cette réponse-là, effectivement, c'est une
source d'inquiétude.
Et, nous, un des éléments qu'on mentionne aussi,
l'importance, là-dedans, c'est de tenir compte de certaines particularités territoriales. Donc, un risque peut
être faible à certains endroits... comme la perte d'un milieu humide sur
la Côte-Nord versus la perte d'un milieu
humide à Laval, on s'entend que ce n'est pas la même problématique, ce n'est
pas le même risque. Alors, si on se fie
uniquement à des tailles, bien, on risque de passer à côté de quelque chose
d'important. Donc, c'est la seule nuance qu'on voulait apporter ici.
Le Président (M. Iracà) : M. le
député.
M. Lemay :
Merci. Donc, ce que je peux comprendre, c'est que vous verriez, à travers la liste qui va être
émise par règlement, de peut-être
avoir, peut-être, une grille d'analyse pour pouvoir dire : Ah!
compte tenu des particularités régionales, il pourrait être soumis à une
autre catégorie de risques que ce qui est écrit dans le règlement.
M. Bourke
(Philippe) : Bien,
exactement. On s'attend à ce que les critères soient quand même multiples, là,
que ça ne soit pas uniquement limité, par
exemple, à un tonnage, ou à une taille d'un territoire, ou quoi que ce soit, parce que tout ça peut avoir des... L'effet de cumul, je n'en ai pas parlé, mais c'est
la même chose. Donc, plusieurs petits projets dans un territoire restreint, globalement, peut avoir un
impact grand, mais, si on les prend un à un, on va juger qu'ils sont à
faible risque. Donc, c'est le genre de chose qu'il faut regarder.
M. Lemay : Merci pour les précisions. Pour le souci du
ministre, là, j'ai entendu tantôt le député de Jonquière aussi mentionner que ça serait important
qu'on ait accès audit règlement ou auxdites listes, donc j'imagine
qu'éventuellement, dans l'étude détaillée, ce sera rendu disponible pour
permettre l'étude du projet de loi convenable.
J'aimerais
vous poser une question. Si on s'en va à la page 11, là, vous allez...
dans votre premier encadré, vous parlez
sur le principe f, de l'accès au savoir, de la Loi sur le développement durable. Vous mentionnez que c'est toute l'information qui devrait être publique, pas seulement une majorité ou
davantage, là. Vous voulez m'en dire davantage sur cet encadré, s'il
vous plaît?
M. Bourke
(Philippe) : C'est à quel endroit qu'on en a parlé?
Des
voix : ...
M. Bourke
(Philippe) : Ne bougez pas,
c'est parce que, cette portion-là du mémoire, on l'a faite voilà
deux jours puis là je me... Bien, on
est censés avoir rajouté une section où on traite d'une façon plus spécifique
de ce qu'on entend, donc, par cette
information... voyons, nécessairement importante à avoir. Écoutez, je vais prendre la question en
délibéré puis je vous enverrai notre
réponse, là, parce que je ne retrouve pas... On avait vraiment fait
l'exercice de bien détailler le genre d'information... bon, évidemment,
quand on dit «toute l'information», on est conscients qu'il y a des limites,
là, il y a toujours des...
M. Lemay :
...parce que...
Le Président
(M. Iracà) : Excusez-moi, M. Bourke, simplement l'envoyer au
secrétariat, on va s'assurer de l'envoyer à tout le monde.
M. Bourke
(Philippe) : Oui, absolument. Ça sera fait.
Le Président
(M. Iracà) : Merci.
M. Lemay : Si je me rappelle, lorsqu'on faisait l'étude du
livre vert, il était mention de certaines informations de nature industrielle ou concurrentielle, là, que peut-être
qu'elles ne seraient pas rendues publiques, mais, bon, si vous avez vos
précisions à cet effet, ça sera apprécié.
M. Bourke
(Philippe) : Parfait, merci. On fera ça.
M. Lemay : Parfait. Je vais vous ramener, d'abord, à la
page 8 de votre mémoire, là, dans l'encadré de la... bien, en fait, dans la recommandation 4. Quand que
vous parlez de revaloriser les évaluations environnementales
stratégiques, vous semblez voir ça d'un bon oeil. Je ne sais pas si vous voulez
en dire plus.
M. Bourke
(Philippe) : Oui, bien,
c'est un bon point, on l'aborde plus loin aussi dans le mémoire. On est
contents de voir l'intégration de cette question de l'évaluation
environnementale stratégique dans le projet de loi. Nous, ça fait longtemps qu'on milite pour cet outil-là. Par
contre, on dénote que, oui, il y a un bon début, mais il reste du travail à
faire parce qu'on aurait besoin que ça soit plus évident :
quand est-ce qu'on l'applique, à partir de quand, qui s'en occupe, à quelles fins. Toute cette mécanique-là mérite, à
notre point de vue, d'être mieux explicitée soit dans le projet de loi ou dans un règlement; là-dessus, on laisse la discrétion aux
parlementaires de décider. Mais visiblement, oui, il y a une avancée. On est contents de le voir là, mais ça nous
apparaît encore bonifiable, là. Disons qu'il y a du travail à faire pour
rendre cet outil-là, qui est fondamental, qui est un vrai outil moderne de développement
durable... lui rendre vraiment toute sa capacité d'action puis de nous faire
avancer.
M. Lemay : Parfait. Il nous reste à peine une minute. Je ne
sais pas s'il y a quelqu'un d'autre qui voulait ajouter quelque chose ou si vous vouliez compléter, parce
que vous semblez mentionner que vous
n'aviez pas tout dit dans vos remarques préliminaires.
M. Turgeon (Alexandre) : Bien, écoutez, Philippe me demande de peut-être
compléter sur une question qu'on aborde
à la page 16 du mémoire et qui concerne la question des milieux humides, qui
va être traitée dans un autre projet de loi, mais nous, on rappelle l'importance, dans des négociations qui ont cours
avec les municipalités sur la délégation de pouvoirs... On sait que les municipalités ont des demandes de délégation
de pouvoirs en matière d'autorisations environnementales,
notamment en ce qui traite la question des milieux humides. Nous, on vous
rappelle que les villes gèrent l'aménagement
du territoire... qui reconnaît, dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme,
que c'est un rôle politique. Délivrer
des autorisations environnementales, ça relève davantage d'une question
scientifique que d'un pouvoir politique, et donc il faut être extrêmement prudents sur cette délégation-là de
pouvoirs à faire aux municipalités. Nous, on pense que, non, au contraire, c'est le l'État qui doit être
le gardien de ces autorisations-là parce que les villes sont en conflit
d'intérêts sur qu'est-ce qui se passe sur
leur territoire et ils ne peuvent, à notre avis, pas bien faire les arbitrages et de se préoccuper
des questions scientifiques qui doivent être derrière les décisions de protéger
un milieu ou d'autoriser un projet ou pas.
Le Président
(M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Turgeon, M. Bourke,
M. Chaperon. Merci beaucoup de votre contribution à cette commission.
Je suspends les travaux quelques instants et je
vais demander au deuxième groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Iracà) : Merci
beaucoup. Nous allons reprendre les travaux.
Je souhaite
la bienvenue aux représentants du Centre québécois du droit de l'environnement. Je vous demande de bien
vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous
rappelle que vous disposez de 10
minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Alors, messieurs, la parole
est à vous.
Centre québécois du
droit de l'environnement (CQDE)
M. Baril
(Jean) : Merci. M. le ministre, M. le Président, MM. les législateurs et députés — je crois qu'il n'y a pas de Mme législateur
aujourd'hui — mon
nom est Jean Baril, je suis avocat, docteur en droit, professeur de droit au Département de sciences juridiques de l'UQAM et
vice-président du Centre québécois
du droit de l'environnement.
Je suis accompagné, à ma gauche, de
Me Michel Bélanger, avocat émérite, président fondateur du Centre québécois du droit de
l'environnement. Je vais passer,
étant donné le temps limité, la présentation de notre organisme. Je pense que
vous nous connaissez suffisamment.
Donc,
conformément à la mission et aux valeurs du CQDE, aujourd'hui, on veut
principalement aborder les droits d'accès à l'information, de
participation et d'accès à la justice en matière environnementale, que je
rappelle : Le principe 10 de la
déclaration de Rio sur le développement durable, en 1992, dit que la meilleure
façon de traiter les questions d'environnement, c'est d'assurer aux
citoyens ces trois droits-là procéduraux; pas une bonne façon parmi d'autres,
la meilleure façon.
En 1978, il y
a eu une importante réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui
donnait pour la première fois à la
population du Québec certains droits en matière d'environnement. Alors, on
était un précurseur. Malheureusement, ces
droits-là ont resté inchangés depuis. Et le CQDE est tout à fait d'accord avec
le ministre et le projet de loi qu'il faut absolument moderniser nos
mécanismes, non seulement ceux d'autorisation, mais aussi ceux qui donnent des
droits aux citoyens.
Il faut
rappeler que l'objectif essentiel, et on rejoint un peu les préoccupations des
intervenants précédents... la réforme
vise principalement à satisfaire les demandeurs d'autorisation environnementale
en simplifiant les mécanismes d'autorisation,
ce avec quoi on est d'accord, et en réduisant leur nombre de 30 %, comme
l'indique l'analyse d'impact réglementaire du projet de loi préparée par
le gouvernement.
Donc, l'objectif
central de la réforme quand on lit l'analyse réglementaire, ce n'est pas la
protection de l'environnement,
c'est... il n'est pas de répondre aux besoins ou exigences des seuls
bénéficiaires du droit à la qualité de l'environnement,
en vertu de la loi et de notre charte, que sont les citoyens et citoyennes du
Québec. Une façon de le faire, d'améliorer non seulement les mécanismes
d'autorisation pour les demandeurs, c'est par la fameuse disposition préliminaire dont il y a été fait mention tantôt. Nous
aussi, on considère que, si on veut tenir compte des enseignements du
droit international qui sont survenus depuis une trentaine d'années, depuis
l'adoption de la LQE, entre autres, la disposition devrait clairement indiquer
le caractère collectif et d'intérêt public de l'environnement ainsi que le rôle
de l'État, son gardien, de le protéger et de
l'améliorer parce que la question de la protection de l'environnement,
c'est essentiel, mais l'amélioration de la qualité de l'environnement est aussi
une responsabilité du ministère.
L'importance de lutter contre les changements
climatiques, de préserver la biodiversité en respectant la capacité du support des écosystèmes. Capacité de
support des écosystèmes, c'est une notion centrale du développement durable parce qu'on ne peut pas dépasser cette
capacité-là. Et à l'heure actuelle on retrouve cette notion-là à l'article 24,
donc — M. le ministre est un ancien... est un avocat — ça
veut dire que cette notion-là ne s'applique qu'à la section des
autorisations ministérielles. Nous, ce qu'on voudrait, c'est que la notion de
capacité de support des écosystèmes s'applique — le mot «transversalité» — à
l'ensemble de la loi. C'est un aspect essentiel si on veut
atteindre un jour un développement qui soit durable.
Ce type de
disposition introductive, un peu à l'exemple de celle qui est contenue au Code civil
du Québec, par ailleurs,
servirait à mieux baliser les nombreux pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre
dans la loi, et ce, au bénéfice de
tous les bénéficiaires du droit à l'environnement. L'intégration de telles balises atteindrait
aussi les objectifs de clarté et de prévisibilité dans lesquels dit
s'inscrire le projet de loi.
Par ailleurs, nous nous interrogeons fortement
sur le sens et la pertinence d'inclure, et je cite, «les réalités des
territoires et des collectivités qui les habitent» à la fin de cette
disposition. Alors que les autres éléments énumérés peuvent être compréhensibles, on s'interroge sur l'objectif qui est visé
par cette énumération-là. Si c'est la prise en compte des collectivités
qui habitent les territoires qui préoccupent le ministère, on devrait plutôt le
faire en réaffirmant le principe de
subsidiarité dans la loi, qui est un principe reconnu autant en droit
international qu'en droit interne canadien, et en renforçant le rôle et les pouvoirs des municipalités dans la loi, ce qui est inexistant dans l'actuel projet de loi. Par exemple, selon nous, les municipalités devraient avoir
le pouvoir d'adopter des réglementations supérieures à ce qui est prévu et adopté par les réglementations nationales au
Québec. On réaffirme aussi que le droit à la qualité de l'environnement,
qui est affirmé dans la Loi sur la qualité
de l'environnement et dans notre charte, doit s'appliquer également sur
l'ensemble du territoire québécois, et nous ne comprenons pas ce qui est
recherché par cet ajout.
Un
des principaux points forts de la loi n° 102 — et ça, j'en suis très content, j'ai fait ma
thèse de doctorat sur l'accès à l'information, l'Assemblée nationale
m'avait remis un prix par rapport à ça — c'est la question de l'accès
à l'information — il y a des gens qui ont lu ma thèse et j'en
suis très content. Cependant, et je remercie le ministre, il y a
beaucoup d'efforts qui ont été faits sur ça, mais il y a une lacune quand même
assez grave : les demandes d'accès à l'information, au moment où les
demandeurs d'autorisation vont déposer une demande d'accès à l'information, les
documents ne seront rendus accessibles
qu'une fois l'autorisation accordée par le registre de 118.5. Les demandes ne
feront l'objet que d'un simple avis sur le
registre, comme on peut le voir actuellement, donc : une compagnie à
numéro, région administrative Bas-du-Fleuve, déposé le 17 janvier 2017,
une demande en vertu de l'article 22. Ça n'explique pas du tout les
enjeux, les impacts ni pour les élus municipaux ni pour la population, donc
impossibilité pour les citoyens de connaître,
de faire des représentations. Ils sauront... ils obtiendront
effectivement — c'est un
progrès — ces
renseignements-là au moment où l'autorisation aurait été émise. Et,
Michel va en parler tantôt, malheureusement, à ce moment-là, ils n'auront plus
aucun recours parce qu'il n'y a aucune avancée sur la question de l'accès à la
justice.
Sur
la participation publique, encore là, il y a de nombreuses avancées qui
répondent à des demandes historiques de plusieurs groupes de recherche qui avaient été avancés. Malheureusement,
selon nous, la question de l'EES, si, oui, c'est un progrès de mettre les évaluations
environnementales stratégiques dans la loi, la mécanique qui est proposée nous
semble vraiment déficiente, manquer
d'indépendance, relever de la très haute fonction publique de cinq ministères,
qui peuvent avoir des intérêts à
s'entendre entre eux, et avec un rôle très limité pour le Bureau d'audiences
publiques en environnement.
Le
BAPE, ça aussi, c'est une autre question. On est déçus de voir que toutes les propositions,
recommandations à l'effet du mécanisme de
nomination des commissaires n'ont pas été retenues. Ce qu'on dit, c'est :
Il y aura un mécanisme qui pourra éventuellement proposer un mécanisme
de nomination des membres du BAPE. Donc, sur la question de la participation
citoyenne, notre principale critique porte sur l'EES, sur la mécanique comme
telle, et aussi, comme les intervenants
précédents, sur la question des audiences ciblées. On a vu, dans le dernier
rapport... dans la dernière audience du BAPE sur Énergie Est, en vertu
de 6.3, que le ministre avait donné comme mandat d'exclure les considérations économiques.
On se souviendra qu'il y a eu des débats aussi entre la Régie de l'énergie et même entre le BAPE, il y a eu des prises de bec sur... si la capacité de production énergétique du Québec
ne devrait pas être étudiée par les... durant
les auditions publiques du BAPE parce
que ça aurait fait l'objet de débats à la Régie de l'énergie. Selon nous,
et, encore là, il n'y a aucune définition de qu'est-ce que ça
serait, une audience ciblée, personne ne peut demander une audience ciblée en
vertu du projet de loi, mais le ministre
peut décider qu'il y aura une audience ciblée. À notre avis, c'est les deux
grandes questions, sur la question de la participation publique, qui nous
semblent préoccupantes.
Je vais laisser la
parole à Michel sur l'accès à la justice.
• (16 h 30) •
M. Bélanger
(Michel) : Oui, je vais être assez bref pour prendre plus de questions
plutôt après.
Dans
un premier temps, au niveau des mécanismes d'autorisation, on n'a pas beaucoup
d'opinions sur le fait d'avoir changé,
de passer d'un régime de 22 à quatre régimes. On vivait quand même dans un
système qui ressemblait à ça, mais avec
peut-être moins de... c'était moins clair qu'on avait quatre régimes, là, aussi
distincts que maintenant. Mais, pour nous
autres, il n'y a pas grande différence à ce chapitre-là. Bien entendu, par
contre, comme on l'avait mentionné au livre vert, donc, on avait anticipé, il y a plus d'un an, que c'est ce qui
arriverait, et ça, malheureusement, c'est ce qui arrive. Ça prenait ou
ça nous prend... ça aurait pris les règlements d'application à plusieurs égards
pour savoir exactement où le ministère s'en allait sur beaucoup d'enjeux.
Juste
donner un exemple : quand on prend, à l'article... nouvel article 24,
qu'on va tenir compte des changements climatiques,
c'est intéressant de le lire, mais, quand on lit l'analyse d'impact du
règlement, on dit clairement que ça va s'appliquer
dans des cas exceptionnels, ce que, donc, le règlement nous aurait permis de
jauger éventuellement qu'est-ce qu'on
entend par... dans l'analyse réglementaire, que l'analyse des impacts sur les
changements climatiques va être faite exceptionnellement seulement.
Le Président (M.
Iracà) : Vous avez 40 secondes, simplement pour vous aviser.
M. Bélanger (Michel) : D'accord. L'autre élément, probablement l'un des
éléments les plus fondamentaux de la loi,
on l'a mentionné, vous l'avez souligné tout à l'heure, la grande discrétion donnée
au ministère et au ministre dans cette loi-là est quelque chose qui est à déplorer parce que c'est un net recul.
Parmi les dispositions où le plus... selon moi, une des plus importantes, c'est l'abrogation totale de la
disposition de l'article 24, qui était la seule disposition impérative de
la loi. Le mot «doit» apparaissait une seule
fois, et ça disait que le ministre, dans la délivrance des autorisations, se
doit de respecter la loi. Ça a
l'air... c'est tellement absurde comme disposition, tellement qu'elle est
évidente, et on ne comprend pas qu'on l'ait enlevée dans la nouvelle loi. Les tribunaux s'en étaient accommodés, la
jurisprudence s'est reposée là-dessus. Or, on va recommencer avec un
régime totalement nouveau, et, M. le ministre l'a mentionné, lorsqu'on ajoute
des choses, on enlève, par le biais de l'interprétation des lois... Bien
entendu, on va se poser la question : Pourquoi le législateur est allé enlever l'obligation pour le ministre de
respecter sa propre loi?
Le Président (M.
Iracà) : Merci beaucoup, M. Bélanger. Merci pour votre exposé. Nous
allons procéder maintenant à la période d'échange avec la partie
gouvernementale, et je vais céder tout de suite la parole au ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, maîtres. Mécanique EES.
Alors, ça serait quoi qu'il faudrait qu'on fasse?
M. Baril
(Jean) : Nous, on a consulté, autant pour le livre vert que sur la
question du projet de loi n° 102, des
gens, par exemple, de l'association québécoise d'évaluation des impacts, que
vous allez recevoir, M. Gilles Côté, du Secrétariat international francophone pour l'évaluation
environnementale. On a regardé aussi ce qui se passe dans l'État de New York, où ils ont, depuis plus longtemps que
nous, l'évaluation environnementale stratégique des plans, politiques et
programmes, et ce qui nous apparaît... parce
que c'est... on est dans une discussion, là, on comprend qu'est-ce qui est
en avancée, c'est une avancée de mettre,
dans la loi, une obligation de tenir des EES, mais ça apparaît quand même au
niveau de la participation publique, c'est un comité interne de cinq ministères
qui sont les cinq plus grands ministères qui peuvent avoir des impacts par...
M. Heurtel :
...maître, je sais ce qui est écrit, je vous demande qu'est-ce qu'il faudrait
améliorer.
M. Baril (Jean) : Oui. Bien, donc, améliorer l'indépendance de votre mécanique. Par
exemple, ça pourrait être le président
du BAPE qui pourrait participer à ça, peut-être, on peut penser au Commissaire
au développement durable. On peut
penser à des gens indépendants de la haute fonction publique qui ont un intérêt
eux-mêmes à ce que des projets, qui vont
découdre de leurs filières, de leurs plans, politiques et programmes, ne soient
pas nécessairement... Je ne crois pas que
le BAPE soit... fasse partie nécessairement des priorités de la très haute
fonction publique. On se bat souvent, comme groupe, mais... comme les groupes environnementaux, pour obtenir que les
BAPE se tiennent sur des projets ou sur des plans, des politiques ou des programmes. Donc, augmenter, améliorer
l'indépendance de l'organisme qui est en charge de l'évaluation
environnementale stratégique.
M.
Heurtel : À New York, comment c'est fait? Alors, dans les cas... Parce
que, moi, l'idée de l'EES, ça provient de
la notion américaine, là, de «scoping». Et donc, si vous dites que vous avez
étudié New York, alors, qu'est-ce qu'ils font, à New York?
M. Baril (Jean) : L'idée de «scoping», c'est aussi ce que vous allez faire, et je vous en
félicite, la question de permettre la
consultation publique sur un projet, initialement, pour que les gens puissent
s'exprimer sur les enjeux avant qu'on envoie l'entreprise élaborer une
étude d'impact.
M. Heurtel :
Des fois, ça se fait aussi dans le cadre d'un processus, ça.
M. Baril
(Jean) : Oui. Mais, dans...
M. Heurtel :
Ce n'est pas seulement que de la consultation, ce n'est pas seulement...
M. Baril
(Jean) : Non, ce n'est pas seulement de la consultation.
M. Heurtel :
...recevoir, c'est de faire un véritable processus.
M. Baril
(Jean) : Exactement.
M.
Heurtel : Alors, j'essaie de savoir, moi — c'est très bien, vous avez émis votre
critique — j'essaie
de voir : Ce serait comment qu'on améliorerait le processus des
EES?
M. Baril
(Jean) : À notre avis, le Bureau d'audiences publiques en
l'environnement, qui est un des rares organismes, en tout cas, un des
organismes administratifs qui jouit d'une grande crédibilité... on voit comment
c'est important quand on regarde ce qui s'est passé avec l'ONE au fédéral...
devrait avoir un rôle dans l'EES comme dans l'évaluation des projets pour
intégrer la démarche, pour que les mécanismes de consultation, d'information et
de participation, qui relèvent de l'EES,
soient pris en compte, après ce qui est considéré par tout le monde... par les
audiences publiques sur des projets. Donc, il y aurait un rôle du BAPE qui, à
l'heure actuelle... c'est une possibilité, c'est à la discrétion. Nous, on considère que c'est absolument essentiel, si on veut
avoir une procédure d'évaluation intégrée, comme vous le dites, que, dès
le départ, le BAPE ait un rôle à jouer là-dedans.
M.
Heurtel : Donc, si je vous comprends bien, toute la question... Une
EES, ça serait géré par le BAPE, tout le processus serait géré par le
BAPE.
M. Baril (Jean) : Au niveau de la consultation. Le mandat du BAPE, c'est au niveau de
favoriser, vous le savez, c'est de favoriser l'information et la
participation du public. Il faut que le BAPE... ce n'est pas au BAPE à contrôler
ce que les ministères veulent faire en
termes de filières, de nouvelles filières, de plans, de politiques et de
programmes, mais qu'il y ait un
accompagnement dès le départ pour s'assurer que l'information, qui permet le
«scoping», soit accessible au public
en amont, et que les gens aient confiance à la crédibilité du processus, que,
si c'est réservé à cinq hauts fonctionnaires, aussi honnêtes... je ne
remets pas du tout en question cette chose-là, mais ça reste que c'est un
processus qui paraît un petit peu incestueux.
M. Heurtel :
En tout cas, je veux juste vous rassurer, si vous pensez que ces cinq
ministères-là s'entendent tout le temps, là, vous êtes radicalement dans
l'erreur.
M. Baril
(Jean) : Bien, ils peuvent
s'entendre peut-être pour ne pas avoir le BAPE dans les jambes. Ça, je ne
suis pas sûr que je suis radicalement dans l'erreur.
M.
Heurtel : ...donc, on garderait la structure proposée, mais, sur
l'aspect audiences publiques de l'EES, ça, il faudrait donner ça au
BAPE. Ça, je comprends, c'est ça, la recommandation du CQDE.
M. Baril
(Jean) : La recommandation
centrale au niveau de l'information, participation publique, oui. Il y a
des gens, vous allez en entendre d'autres,
l'Association québécoise de l'évaluation d'impacts, qui vont dire que, par
exemple, bien là, c'est plus dans la mécanique, que, dans une vraie évaluation
environnementale stratégique, il faut avoir des alternatives aux plans, aux politiques, aux programmes. Il faut être
capable d'avoir des alternatives, dont l'option zéro, ne rien faire.
Mais ça, ça n'a pas nécessairement à se retrouver dans le projet de loi. Je
sais qu'il y a des gens qui vont vous en parler.
M.
Heurtel : Pour l'EES encore, d'après vos recherches, dans le système
qu'on a présentement, du BAPE, puis les évaluations environnementales qui intègrent, là, un processus
d'audiences publiques, vous voyez l'utilité de l'EES comment?
M. Baril
(Jean) : Bien, juste si je
veux prendre un exemple concret, à l'époque, en 2006, quand on a décidé,
au Québec, de développer la filière de
l'éolien, le BAPE, dans plusieurs de ses rapports sur des projets de
développement particuliers, a dit : On
aurait dû faire une évaluation environnementale stratégique de la filière avant
de se lancer. Et, quand on aurait fait l'étude environnementale
stratégique de la filière éolienne, on aurait pu discuter, la population, le gouvernement, tous les intervenants : Est-ce
que ça devrait être laissé au privé, comme actuellement, ou Hydro-Québec
ne pourrait pas en faire? Les distances
minimales, les aspects du paysage, la question des baux pour les gens qui
laissent des producteurs éoliens sur leurs terres; il y aurait un
ensemble de critères qui auraient été discutés puis établis au niveau national.
Après ça,
quand on aurait eu des audiences publiques sur un projet de développement
précis de parc éolien, les gens auraient discuté des impacts locaux qui
peuvent être... ce n'est pas tout le monde qui a à être d'accord... on est tous
d'accord probablement avec l'éolien, mais
l'éolien, ça ne se fait pas nécessairement n'importe où. Il y a des gens qui
ont raison de s'y opposer.
Autre
critique sur l'évaluation environnementale stratégique : danger quand on
dit que c'est l'étude environnementale stratégique et qu'il n'y a pas nécessairement
le bon niveau de consultation et d'information qui déterminerait les conditions d'acceptabilité sociale. Je ne suis pas
convaincu que, si les conditions d'acceptabilité sociale sont déterminées
par en haut, par un mécanisme qui, selon les gens, n'est pas assez indépendant,
bien, que ça va... on va arriver à ce qu'on espère tous, qui est une
acceptabilité sociale pour les projets. Donc, c'est un autre point là-dessus.
• (16 h 40) •
M. Heurtel : Est-ce que je comprends
bien en disant que l'EES ne sert qu'à justement adresser ces grandes questions-là?
Moi, dans mes lectures, à moi, je voyais aussi l'EES, puis c'est un «et», là,
ce n'est pas un «ou», de la façon... ce que vous avez décrit, tu sais,
approfondir une question vaste, là, comme justement la filière des éoliennes.
Bon, on approfondit ça, puis là, après, là,
tout ce travail-là va nous aider
justement. Quand on a un projet plus précis, bien, on aura déjà débroussaillé beaucoup de questions. Mais
est-ce que ça peut, une EES, aussi, selon vous, servir à cerner des
questions d'un projet spécifique?
M. Baril
(Jean) : Bien, normalement,
la doctrine sur les évaluations environnementales, je regarde en Europe,
la Convention d'Aarhus, là, qui s'applique
quand même à 47 pays, qui porte, entre autres, sur l'évaluation
environnementale stratégique, ça dit... ça
porte spécifiquement sur les plans, les politiques et les programmes
gouvernementaux, ce n'est pas normalement l'EES sur des projets
particuliers. Ça, c'est l'évaluation des impacts en environnement comme on est habitués de faire au Québec depuis 1978, et comme,
10 ans plus tard, le rapport Lacoste disait déjà : Bien, avant de
faire des rapports sur des projets particuliers, il faudrait y aller en amont,
et déjà il proposait l'évaluation environnementale stratégique pour regarder les filières, par exemple, pour les différents
plans, politiques et programmes du gouvernement.
M. Heurtel : Merci.
Le
Président (M. Iracà) : Alors, merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions pour cette période d'échanges? Alors, le député
de Mégantic.
M. Bolduc : Merci, M. le Président.
Bonjour, messieurs. Vous avez mentionné, tout à l'heure, quelque chose qui m'a frappé. Vous avez parlé du fait que vous
désireriez ou que vous espéreriez à ce que les municipalités aient des droits qui lui sont supérieurs à celui du
gouvernement en matière environnementale. Je ne sais pas si j'ai bien
compris, là, mais j'aimerais bien vous
entendre là-dessus parce que ça me semble un peu contradictoire avec le rôle de
responsabilités traditionnelles.
Le Président (M. Iracà) : Me Baril.
M.
Baril (Jean) : Oui. Par
exemple, j'ai un exemple concret : la situation qu'on a connue il y a
peut-être... dans les dernières années à Gaspé. Je rappelle que le
principe de subsidiarité qui est avancé par le droit international de l'environnement, qui est reconnu au Québec dans
notre Loi sur le développement durable, dit que les décisions devraient se prendre au niveau le plus près pour qu'elles
puissent être efficaces. On a une loi, un règlement, sur le prélèvement
des eaux qui établit la distance minimale à 500 mètres, qui est adoptée par le
Québec. C'est le minimum. On serait tout à fait
contre qu'une municipalité, comme il a été dit précédemment, puisse dire :
Bien, nous, on s'en fout, c'est à 50 mètres. C'est la norme nationale. Mais, si une municipalité considère que, s'ils
adoptaient une norme de 2 kilomètres, ils sont prêts, parce que c'est
effectivement vrai, ils vont éliminer des entreprises qui ne viendraient pas
chez eux, peut-être qu'il va y avoir un prix
économique à adopter une norme plus haute que celle qui est en vigueur au
Québec, mais c'est leur choix. En
quoi ça nuit au reste du Québec que des municipalités décident d'adopter des
normes supérieures à ce qui existe au plan national? À notre sens, c'est
un exemple concret de l'application du principe de subsidiarité.
M.
Bélanger (Michel) : Puis un
exemple qui s'est vécu, qui est vécu, c'est à la ville de Montréal, qui s'est
vu accorder ce privilège-là, d'avoir ses
propres normes, et qui a monté une norme de soufre au-delà de celle de...
provinciale. On comprendra qu'il y avait beaucoup de raffineries à Montréal,
mais ça n'a pas fait fuir, au contraire, les raffineries. Vous allez me dire : Ça ne se déplace pas
facilement, une raffinerie. Mais ça a été l'avantage des Montréalais de
pouvoir avoir une norme de soufre beaucoup plus rigoureuse que celle du reste
de la province.
M.
Bolduc : Là, je comprends bien, c'est donc que vous voulez avoir le
droit que les municipalités aient une norme plus sévère que celles, minimales, du gouvernement provincial ou fédéral
qui fait la même chose, là? On peut toujours serrer en descendant, c'est
correct. Je comprends bien, merci.
Vous avez
parlé aussi de la faiblesse du système de nomination des commissaires du BAPE.
Pourriez-vous élaborer là-dessus, puis est-ce que vous avez des points
de vue?
M. Baril
(Jean) : Oui. Bien, encore
là, de nombreux rapports gouvernementaux, parce qu'il y a eu de nombreux
projets de réforme de la Loi sur la qualité
de l'environnement, il y a même eu une loi d'adoptée dans les années 90
qui n'a jamais été mise en vigueur et cette loi-là prévoyait la nomination du
président du BAPE par un vote à l'Assemblée nationale des deux tiers, un peu
comme il se passe pour le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen, etc.
Nous, pour
garantir... parce que vous savez qu'il y a toutes sortes de débats publics qui
se passent à chaque fois qu'il y a une nomination par un gouvernement ou
un autre, là, peu importent les partis politiques, sur le caractère partisan ou
non des nominations. Parce que le BAPE a quand même une crédibilité. C'est
important, un rapport du BAPE. Le rôle du
président du BAPE est important dans la nomination des commissaires qui vont
entendre les gens. Donc, nous, ce qu'on constate, on considère que la
nomination par l'Assemblée nationale, ça améliorerait la crédibilité du
processus.
Et on
s'interroge, d'ailleurs, pourquoi le projet de loi abroge l'obligation pour le
BAPE de déposer un rapport annuel à
l'Assemblée nationale, ce qui nous apparaissait un avantage. Il y a plein...
pour les législateurs d'apprendre... Et, dans ce rapport annuel là, le BAPE peut faire mention aux législateurs
de différents problèmes rencontrés. Donc, pour nous, tout ce qui sert à renforcer la crédibilité d'un
processus d'information et de consultation, on est favorables. Et, à
notre avis, la nomination par l'Assemblée nationale sert à renforcer la
crédibilité des gens du BAPE.
Le Président (M. Iracà) : M. le
député.
M. Bolduc : Il nous reste combien de
temps?
Le Président (M. Iracà) : Il reste
trois minutes.
M. Bolduc : O.K. Veux-tu y aller
avec la tienne?
Le Président (M. Iracà) : Ah! alors,
M. le député de Dubuc.
M.
Simard : Merci, M. le Président. Vous parlez, à la page 12, que
le ministère... la décision de ne pas émettre un permis peut être contestée par un promoteur, mais que la municipalité,
elle, n'a pas le droit de contester, justement, une décision. J'aimerais
vous entendre là-dessus parce que je voudrais que vous me l'expliquiez comme il
faut.
M. Baril (Jean) : C'est la situation
actuelle qui prévaut, là. Malheureusement, selon nous, le projet de loi ne
modifie pas ça. À l'heure actuelle, un demandeur d'autorisation qui se fait
refuser une autorisation ou imposer des conditions
trop sévères peut aller devant le TAQ, le Tribunal administratif du Québec. Une
municipalité, un citoyen... Parce
qu'on considère, autrement dit, que le ministre peut se tromper en étant trop
sévère, en refusant ou en mettant des conditions
trop sévères, et qu'il y a un tribunal administratif qui peut corriger ça. Par
contre, cette possibilité-là n'existe pas pour les citoyens ni les élus municipaux : on ne peut pas contester
une autorisation. Le ministre, semble-t-il... et ce n'est pas personnel,
pas du tout, c'est comme si les ministres de l'Environnement ne peuvent pas se
tromper en donnant une autorisation, mais
ils peuvent se tromper en la refusant. Et, selon nous, c'est un déni de
justice. On aurait espéré que... Et, par
exemple, en Ontario, on en parle dans notre mémoire, en Ontario, la possibilité
existe, depuis 1993, de contester des autorisations
ministérielles. Et, en France, c'est un système juridique différent, mais, en
France, en droit administratif, toute autorisation
d'un ministre est contestable devant les tribunaux administratifs. Et, selon
nous, il y a des balises à mettre là-dessus.
Je sais qu'il y a des gens qui se préoccupent beaucoup de la sécurité
juridique, là, des entreprises qui vont
demander des permis puis si on nous poursuit... mais, en Ontario... ça n'a pas
empêché, semble-t-il, le développement de la province voisine. Donc, on
pense qu'il y a des possibilités.
M.
Bélanger (Michel) : Si je
pouvais ajouter un élément, ça laisse entendre aussi, mis à part le fait que ça
peut... on peut juste se tromper dans un sens quand on en émet, mais, si on
prend pour acquis que cette loi-là, elle est là pour protéger l'environnement, si on prend pour acquis que, dans cette
loi-là, on donne des droits... pas à des promoteurs, on ne dit pas : Tout promoteur a droit à un permis,
c'est : Tout citoyen a droit à la qualité de son environnement — et la Charte des droits et libertés de la personne est venue rajouter ça en 2006, le
même droit — donc, si
on prend pour acquis que cette loi-là est pour protéger l'environnement,
lorsque... toutes les autorisations qui sont délivrées, c'est des autorisations
pour polluer, c'est des autorisations qui
permettent la pollution. Or, le fait de ne pas pouvoir en appeler, que ce soit
même d'une municipalité, c'est qu'on peut
présumer que tous les gens qui sont exclus de ce droit d'appel là, c'est des
gens qui seraient intervenus pour
dire : Je pense qu'il y a une erreur dans une perspective de protection de
l'environnement. Je serais bien
surpris que quelqu'un intervienne en appel d'une autorisation juste pour
dire : On voudrait que ça pollue davantage. Donc, c'est vraiment un droit d'appel pour corriger une situation qui,
en droit, est inéquitable, parce que tu ne peux pas avoir deux poids, deux mesures, deux droits... un
droit d'appel à sens unique, mais c'est dans une perspective aussi de
protection de l'environnement.
Le Président (M. Iracà) : Merci
beaucoup, Me Bélanger. Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période
d'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle, le député de
Jonquière. La parole est à vous.
• (16 h 50) •
M.
Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Bienvenue, M.
Bélanger, M. Baril. Ça fait plaisir de vous recevoir ici, comme toujours. Je constate que vous êtes
quand même assez critique à l'égard du projet de loi n° 102 dans votre
mémoire. Vous parlez beaucoup de risques accrus à certains égards, puis on
pourra y revenir dans la discussion, voire même de plusieurs reculs, entre autres sur la question du droit d'appel dont
vous venez de discuter avec mon collègue de Dubuc. J'aimerais ça qu'on en parle davantage, mais en
commençant par la question du pouvoir discrétionnaire. Parce que là, dans votre mémoire, à la page 26, là, c'est
même en gras, je pense,
si vous aviez pu le mettre avec des néons qui flashent, là, vous l'auriez fait dans le mémoire, là : «La
formulation de cet article ne respecte pas les fondements conceptuels de
la démarche d'analyse des impacts.» En fin de compte, c'est le résultat d'une analyse sur la question du pouvoir
discrétionnaire, là, parce qu'à la page 25, à la suite de
l'article 24, troisième paragraphe, vous dites : «D'une obligation,
le projet de loi n'exigera plus que le ministre "prenne notamment
en considération certains éléments".»
Alors,
j'aimerais ça vous entendre davantage, là, sur cette question du recul que
vous... la qualification de recul, au fond, là, relié au pouvoir
discrétionnaire.
M. Bélanger
(Michel) : Oui, bien, je l'ai
esquissé rapidement tout à l'heure. Quand la loi a été rédigée...
probablement que le Barreau va avoir l'occasion de revenir, je n'ai pas lu leur
mémoire, mais j'anticipe, c'est un élément qui va les fatiguer aussi. C'est
qu'il y a une logique intrinsèque dans cette législation-là. Il y a
effectivement beaucoup de pouvoirs discrétionnaires qui sont donnés, il y a une
marge de manoeuvre importante, mais il y a un minimum
d'encadrement. Et, quand on parlait que cette loi-là devait avoir de la clarté
et de la prévisibilité, on comprend mal comment on peut substituer un
processus qui, quand même, encadrait...
Nous, dans le cadre du livre vert, on avait
recommandé qu'en tablant sur ce qui avait déjà été décidé par les tribunaux, qu'on puisse au moins baliser cette
discrétion ministérielle là, comme, par exemple, en fonction de
précédents qui ont eu lieu, à savoir, je ne
sais pas, moi, lorsqu'un projet se déroule dans l'habitat essentiel d'une
espèce menacée, on se doit d'en
prendre en considération. Ce sont des impératifs, à notre avis,
environnementaux, mais on parle d'impératifs.
Et,
lorsqu'une disposition... et la seule de la loi mentionnait que le ministre se
doit de respecter sa loi en émettant ses autorisations et qu'on retire cette disposition-là pour dire que le
ministre peut considérer x, y, z autre chose, nous, comme juristes, on
saute ça de haut, parce qu'il y a une finalité claire dans une disposition
comme celle-là, et je l'ai dit très rapidement tantôt dans mon exposé, mais ça
va se jouer dans les deux sens. Autrement dit, le fait de l'avoir enlevé va
être éventuellement interprété comme étant : Il y avait bien une raison
qui a fait que les tribunaux l'ont retiré. Et toutes les causes qu'on a vues
dans le passé, dont l'affaire des bélugas, la juge Roy s'est reposée là-dessus
en disant : Écoutez, il y a une logique
dans la loi, c'est l'article 22, qui est l'autorisation, ce qu'on amende
ici; 24, qui disait dans quelles
conditions tu peux l'émettre, et l'article 20, qui disait que tu ne peux
émettre un contaminant susceptible de porter atteinte à l'environnement.
Et, dans son jugement, elle a dit : Et l'environnement, il faut être
d'autant plus prudent lorsqu'il s'agit d'une espèce menacée.
Cette
logique-là, je crains et nous craignons que le fait d'avoir changé cette
disposition-là de la loi... à elle seule va marquer un recul dans l'interprétation. On est partis sur une prochaine
vague d'interprétations et, honnêtement, d'augmenter la discrétion
ministérielle limite les pouvoirs de contrôle d'abus potentiel de la part de
l'appareil gouvernemental, et c'est à
déplorer. Autant l'industrie va probablement dire : Il n'y a pas de
discrétion, mais il faut comprendre que, lorsque nous, on dit : On doit limiter la discrétion, c'est dans une
perspective essentiellement de protection de l'environnement. Quand c'est certain qu'on ne doit pas aller là ou
que ça ne doit pas se faire, il n'y a pas de raison de ne pas encadrer
cette discrétion-là du ministre. D'ailleurs,
ça va être prévisible pour tout le monde. Comme je l'ai mentionné, il n'y a pas
de droit à développer, il y a un droit à protéger.
M.
Gaudreault : Et vous dites, au fond, la même chose concernant
le pouvoir discrétionnaire du ministre d'ordonner des consultations ciblées et
de réduire les délais. Alors, est-ce que vous nous suggérez ou vous nous recommandez de baliser... que ce soit sur la
question justement du pouvoir discrétionnaire de façon large, à
l'article 24, ou du côté des
consultations ciblées, vous nous proposez d'amener des balises ou de carrément
arriver avec une obligation comme le verbe «doit»?
M. Bélanger (Michel) : ...trouver, et ce n'est pas... je ne suis pas
contradictoire en disant ça, parce que je m'attends à ce qu'il y ait une nuance qui soit faite. Quand
on demande de baliser le pouvoir discrétionnaire du ministre et quand l'industrie va demander la même chose, les
promoteurs, on ne vise pas le même objectif. Et, là-dessus, on a eu quand
même des discussions assez importantes,
parce qu'il y a de la discrétion qui est mise dans cette loi-là qui n'est pas
nécessairement mauvaise, on avait
recommandé, dans le livre vert, et il y a des mécanismes qui ressemblent à ça
dans le projet de loi, de permettre,
par exemple, d'«upgrader» le degré d'évaluation environnementale lorsqu'un projet
le nécessite. Donc, non, mais c'est
parce que là où il y a une nuance, effectivement, qui est importante, parce que
je tiens à la faire... c'est qu'à partir du moment où il y a un risque que l'absence ou l'augmentation de
discrétions fasse en sorte qu'on va reculer au niveau de la protection de l'environnement, là, effectivement,
c'est un moins. Et on estime, nous autres, qu'à partir du moment où on peut ne pas respecter la
Loi sur la qualité de l'environnement en délivrant une autorisation, c'est un recul.
À partir du moment où est-ce qu'on peut passer à travers l'habitat essentiel
d'une espèce menacée, c'est un recul.
Autrement dit, si les pouvoirs discrétionnaires sont donnés au ministre
de manière à s'assurer qu'il peut... parce
que la loi vise la protection de l'environnement, pas au développement
du Québec. Il ne faut pas compromettre ce développement-là, mais il faut
protéger l'environnement de façon primordiale. Si le ministre a, dans certains
cas, l'opportunité de moduler l'exercice du processus
de décision, soit, ça peut être, effectivement,
environnementalement une bonne chose.
M.
Gaudreault : Il y a comme un test, au fond, qui est globalement...
qu'on pourrait appeler la protection de l'environnement. Et on doit toujours interpréter ou
essayer de baliser ce pouvoir discrétionnaire en fonction de ce test
d'une certaine manière. C'est un peu ça que vous dites.
M. Bélanger (Michel) : Oui. Puis il faut comprendre que la loi va
survivre aux ministres, aux
différents ministres qui vont se
succéder. Et, tout en donnant la bonne foi du ministre actuel — on n'en doute absolument pas — il faut prévoir qu'un jour on peut tomber sur un ministre qui,
lui, va avoir le goût d'être plus... de faire des passe-droits. Donc
autant de discrétion, autant de difficulté de contrôler les abus.
M.
Gaudreault : O.K. J'aimerais ça vous amener sur la question des
ententes intergouvernementales. Vous en parlez à la page 40, là. Vous parlez aussi, peut-être pas d'un recul,
mais, en tout cas, d'un risque que vous évaluez, là. Il ne faudrait pas
perdre le BAPE pour l'ONE ou l'ACEE, là, la consultation canadienne. Alors,
est-ce que vous pouvez nous en dire un petit
peu plus, là, sur ce que vous évaluez comme un risque de substitution et qui
pourrait se retrouver dans le projet de loi n° 102?
M. Baril
(Jean) : Oui, effectivement, le CQDE est d'accord à la coordination
des mécanismes d'évaluation environnementale.
Il existe d'ailleurs un accord entre le Québec et le Canada, entre l'Agence
canadienne d'évaluation environnementale, là. Malheureusement, l'ONE
n'était pas là-dedans.
Ce
qui nous a fait un peu sursauter, ce n'est pas tellement le projet de loi,
c'est que le texte de l'analyse d'impact réglementaire qui a été faite par le gouvernement, à la page 17, qui dit
que «le Québec serait donc en mesure de demander au gouvernement fédéral
la substitution ou l'équivalence de la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement»... Au niveau canadien, il y a plusieurs provinces
dans l'Ouest qui demandent, c'est le terme, là, la substitution du processus provincial par le processus fédéral. Je ne
pense pas qu'ici ça serait vraiment le cas. Quand on a lu le projet de loi, ça ne nous apparaissait pas
comme ça, mais, quand on lit l'analyse d'impact réglementaire qui, je
répète, est préparée par le gouvernement, là, ce n'est pas Greenpeace qui l'a
écrite, ça, ça nous a inquiétés. Et ça demanderait peut-être une clarification
que, oui aux coordinations — les
citoyens non plus, là, n'aiment pas aller à se déplacer à deux endroits
différents pour déposer des mémoires différents sur le même projet, il faut se
coordonner, il y a moyen de faire ça — mais non, totalement, à
l'abandon de nos compétences pour des mécanismes d'évaluation fédéraux.
M.
Gaudreault : O.K. Merci de nous faire cette précision-là.
Le Président (M.
Iracà) : 40 secondes, M. le député.
M.
Gaudreault : Oui. Sur la question, dans les 40 secondes, j'aimerais ça
vous entendre sur l'importance, pour nous,
comme parlementaires, dans le travail qu'on entame, de recevoir rapidement,
autant que faire se peut, évidemment, là, la question des intentions
réglementaires du gouvernement.
M. Baril (Jean) : Bien, comme Michel l'a dit, dans notre mémoire sur le livre vert il y a
un an, on le disait. Quand vous allez
arriver avec votre projet de loi, arrivez avec les règlements, parce que sinon
c'est très difficile de se prononcer. On est...
M. Gaudreault : ...
M. Baril (Jean) :
Oui, parce qu'on... c'est très difficile de se prononcer. On est tout à fait
d'accord qu'il y a des... l'expérience accumulée permet de diminuer certaines
attentes, certains niveaux d'autorisation, mais il y a aussi l'expérience
accumulée qui devrait nous dire qu'il y a des projets qui... actuellement les
projets commerciaux ne sont pas évalués et... qui devraient l'être. Donc, sans
les règlements, c'est très difficile de se prononcer. Tout ce qu'on a, c'est le
chiffre de 30 %.
Le Président (M. Iracà) : Merci
beaucoup, Me Baril. Nous allons procéder à la période d'échange avec le
porte-parole du deuxième groupe d'opposition, le député de Masson. Je vous cède
la parole.
M. Lemay : Merci, M. le Président.
Merci, M. Baril et M. Bélanger. Moi, je vais vous poser une question. À la page
10 de votre mémoire, vous mentionnez, là, au deuxième point, là, qu'on fait
l'introduction dans la loi d'un principe de médiation. Et puis j'aimerais
savoir, dans le fond, comment vous percevez l'introduction de la médiation.
• (17 heures) •
M. Baril (Jean) : On est favorables
à cette introduction-là. Encore là, c'est une avancée historique qui a été
demandée dans de nombreux rapports commandés par le gouvernement ou des groupes
d'étude indépendants. La médiation, il s'en
est fait puis il s'en fait depuis le milieu des années 90, même si ce n'était
pas dans la loi. Le BAPE fait des rapports sur la médiation. Maintenant,
c'est correct, c'est dans la loi.
Ce qui nous
inquiète, c'est qu'à l'heure actuelle, quand
il y a un processus de médiation, les gens ne perdent pas le droit à l'audience publique. Si la médiation ne
réussit pas, bien, on retourne devant l'audience publique, comme c'était
prévu initialement. Si le projet de loi est adopté tel quel, bien, là, ça sera au ministre,
c'est un autre pouvoir discrétionnaire qui
lui est donné, de dire si, oui ou non, le droit à l'audience est maintenu ou
s'il y aura ou non des audiences. Mais, l'idée, on n'est pas obligés toujours de sortir l'arme la plus totale qui est le
BAPE et les audiences publiques, etc., quand il y a un ou deux
requérants. Il n'y a absolument aucune raison. La médiation environnementale,
c'est un point positif, et c'est positif qu'elle soit mise dans la loi.
M. Lemay : ...si je peux
comprendre, c'est qu'on devrait prévoir un mécanisme après la médiation, revoir
le mécanisme?
M. Baril
(Jean) : Bien, en cas
d'échec de médiation, actuellement, il en existe un, il existe l'audience
publique. Le ministre n'a pas le choix. Là,
ce qu'on dit, c'est que là il aurait le choix. C'est un autre pouvoir
discrétionnaire qui est accordé. Et,
selon nous, en tout cas, à moins que ça ne soit clarifié, là, là-dessus, les
gens ne devraient pas perdre le droit à l'audience publique. Parce qu'il
y a d'autres intervenants qui peuvent vouloir se prononcer aussi, comme Michel.
M. Bélanger
(Michel) : Parce que
l'expérience de la médiation, pour ceux qui l'ont vécue, elle a soulevé
quand même beaucoup de problématiques. À
partir d'une demande restreinte de groupes environnementaux de demander
une audience en identifiant un ou deux
enjeux, on pourrait être très rapidement portés à dire : On va vous
recommander d'aller en médiation. Or,
durant la médiation, on l'a vu... je l'ai vu dans le passé, dans des dossiers,
les municipalités, tout d'un coup, il
y a un enjeu, l'enjeu déborde, et on rajoute la municipalité en médiation. Et
considérant que c'est un processus de décision
sur des projets à impacts majeurs qui ont été pensés par le législateur, à
l'époque, comme étant un processus qui va permettre au gouvernement et non plus au ministre, parce que c'est le
gouvernement qui en décide ultimement, d'avoir un éclairage général, à partir du moment où on remplace ce processus-là qui est destiné à
éclairer le jugement de l'ensemble du gouvernement par un processus de
médiation sur des enjeux ciblés, il y a un risque effectivement de banaliser et
de limiter les enjeux. Donc, il faut
être en mesure, s'il y a un échec, de retourner à l'esprit général de ce que veut être cette
procédure-là d'impact pour des projets majeurs, à savoir d'éclairer le
gouvernement sur sa décision.
M. Lemay : Excellent. On va
aller à la page 11, dans la partie que vous êtes en désaccord, le dernier
point. Dans le fond, vous dites que le
projet de loi, il écarte totalement l'idée de permettre aux citoyens puis aux
municipalités d'être minimalement consultés
puis informés dans le cadre des autorisations émises sous l'article 22
pour les projets de forage ou de fracturation dans le shale. Alors, je
ne sais pas si vous pouvez me donner plus de détails, s'il vous plaît.
M. Baril
(Jean) : Oui. En 2010, suite
à la controverse du gaz de schiste dans le sud... dans les basses-terres
du Saint-Laurent, le gouvernement libéral
avait... votre prédécesseur, M. Arcand, avait fait une modification au
règlement d'application sur la Loi sur la
qualité de l'environnement, qui permettait, dans les cas de fracturation et de
forage dans le shale, une
consultation des citoyens et aussi des municipalités. C'est l'article 8 du
règlement. Nous, on avait espéré... C'est le seul cas, le seul type d'autorisation sur l'article 22 où les
gens sont consultés et informés préalablement. Nous, on aurait espéré qu'en modernisant la Loi sur la qualité de
l'environnement... qu'on élargisse. Il y a pas mal de raisons, au
Québec, sur d'autres projets que sur la
fracturation hydraulique. À l'heure actuelle, ça s'est fait une fois à
Port-Menier, Anticosti. Mais, sur
l'ensemble et, ici, le règlement qu'on n'a pas sur les autorisations
ministérielles, à notre avis, ces autorisations ministérielles là, ces
projets-là devraient prévoir un mécanisme d'information et de consultation pas
seulement des citoyens, mais des municipalités sur les territoires desquelles
ces projets-là vont se faire.
M. Lemay :
Merci de la précision. J'aimerais vous amener aux pages 42 et 45 de votre
mémoire, dans lesquelles vous
commentez sur la section III des établissements industriels. Je ne sais
pas si vous avez... vous n'avez pas eu la chance d'en parler, mais
peut-être que vous pourriez faire vos commentaires.
M. Bélanger (Michel) : Ça a été énormément de travail, ce projet de loi
là, ça remettait en question des morceaux importants de la loi, et, honnêtement, c'est le volet que... J'ai tenté
de le comprendre parce qu'on manque beaucoup de... on a réduit, on a changé, on annonce un règlement, on
ne sait pas tout à fait si on a vraiment changé le Programme de
réduction des rejets, le PRRI, par un
nouveau système qui va s'appliquer à d'autres choses que des catégories de
projets, mais... Et, quand on regarde, techniquement, on a... Puis,
quand je dis que ça a été un exercice de fou, parce qu'on cherchait les morceaux pour voir s'il y en avait eu qui étaient
enlevés complètement, on voit qu'on ramène ça au régime de 22 pour de
nouveaux projets. Mais ça fait quand même particulier quand on... selon la
compréhension qu'on a eue du processus, que
pour certains projets industriels on pourrait obtenir une autorisation sans
autre consultation, sur un simple 22, comme on l'a mentionné, comme on l'a déploré aussi un peu,
et que ce projet industriel là pourrait éventuellement être soumis à ce
régime-là, qui verrait une consultation publique seulement lors de son
renouvellement, cinq ans après le programme. Donc, il y a...
Le Président
(M. Iracà) : 30 secondes.
M. Bélanger
(Michel) : Ça fait juste témoigner qu'on a de la bonne volonté, mais
qu'en déplaçant les morceaux on se rend compte qu'il y a une incohérence qui
pourrait être remplacée par quelque chose de beaucoup plus cohérent. Les gens sont informés en amont d'une demande de permis,
peuvent y participer, lorsqu'on donne le permis pour construire l'usine,
et, si, évidemment, il y a une suite et qu'on module les conditions
d'exploitation, bien, soit, qu'ils soient consultés aussi.
M. Lemay :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Me Bélanger, Me Baril, pour votre participation à cette commission.
Je vais suspendre les
travaux quelques instants pour permettre au troisième groupe de cet après-midi
de prendre place.
(Suspension de la séance à
17 h 6)
(Reprise à 17 h 7)
Le
Président (M. Iracà) :
Je déclare la séance ouverte. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous présenter
ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à
la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, sans plus
tarder, messieurs, la parole est à vous.
Fédération des chambres de
commerce du Québec (FCCQ)
M. Laureti
(David) : Merci, M. le Président. M. le
ministre et membres de la commission. Mon nom est David Laureti, je suis directeur
Stratégie et affaires économiques à la Fédération des chambres de commerce du
Québec. Je suis accompagné de Dany Lemieux, qui est expert-conseil auprès de la
fédération sur les questions énergétiques et de développement durable. Je prie
les membres de la commission d'excuser mon président-directeur général,
Stéphane Forget, qui ne peut être avec nous ce soir. Je vous offre ses
excuses.
La
fédération, vous la connaissez, est le plus important réseau de gens
d'affaires au Québec. Les 141 chambres de commerce
que nous fédérons, et, à titre de chambre provinciale, les 1 200 entreprises membres que nous
représentons sont à l'oeuvre dans tous les
secteurs de l'économie. La modernisation de la Loi sur la qualité de
l'environnement ainsi que celle du
régime d'autorisation environnementale était souhaitée par la fédération depuis
longtemps. C'est ainsi que, dès la parution de livre vert, elle a
applaudi la volonté exprimée par le ministre de rendre le régime d'autorisation
environnementale plus clair, prévisible et
efficace, tout en réduisant les délais d'autorisation. Beaucoup d'efforts ont
été déployés par le ministre, nous l'apprécions et nous tenons à le souligner.
Plusieurs
volets du projet de loi n° 102 sont très positifs. Par exemple, les
dispositions relatives à la collaboration et à des actions coordonnées
entre les différents paliers de gouvernement, dans le cadre d'une procédure
d'évaluation environnementale conjointe
fédérale-provinciale, nous semblent porteuses. Ainsi en est-il de
l'instauration d'un comité de sélection
pour choisir les futurs membres du Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement, qui nous apparaît une excellente
avenue, tout autant que la disposition qui permettrait au BAPE d'organiser des
séances de médiation, ce qui éviterait,
dans certaines occasions, d'éviter de longs processus d'audiences publiques
lorsqu'il se trouve peu de demandeurs pour celles-ci.
Il
reste toutefois place à des améliorations, et nous sommes heureux d'avoir été
invités par la Commission des transports et de l'environnement pour nous
permettre de vous faire part de nos commentaires et observations.
La
modernisation du régime d'autorisation environnementale interpelle à plusieurs
sphères de notre économie. C'est ainsi que plusieurs entreprises membres
de nos comités énergie, mines et développement durable ont contribué à la
réflexion que nous vous communiquons aujourd'hui.
• (17 h 10) •
Le
projet de loi n° 102 propose d'utiliser de nouveaux outils afin de
renforcer la capacité de prise en compte des risques climatiques dans l'ensemble des processus d'autorisation, dont
deux ont retenu notre attention : l'imposition d'une technologie
particulière, d'un procédé ou d'une source d'énergie, de même que des mesures
visant à prendre en considération les
impacts des changements climatiques sur l'activité, et l'introduction d'un test
climat. En commission parlementaire,
la FCCQ vous avait déjà fait part que cette avenue n'était pas la bonne, et
nous le réitérons aujourd'hui. Nous
avons déjà, au Québec, un système de plafonnement et d'échange de droits
d'émissions. Ce système, qui fonctionne bien, permet aux entreprises d'avoir de la flexibilité pour réduire
leurs émissions de GES, et ce, au meilleur coût de revient possible. À
la lumière de ce que contient le projet de loi n° 102, on semble vouloir
désavouer ce système.
Les mesures que nous venons de décrire nous
apparaissent comme une immiscion dans la gestion même des entreprises. Nous
sommes d'avis que le champ d'action du ministère doit se limiter à l'atteinte
des résultats et à la conformité
réglementaire. Le choix d'une technologie particulière, d'un procédé ou d'une
source d'énergie doit demeurer la prérogative du promoteur d'un projet.
Nous sommes
d'avis que les dispositions permettant de prescrire par règlement toute mesure
visant à favoriser la réduction des
émissions de GES ainsi qu'à exiger la mise en place de mesures d'atténuation
des impacts des changements climatiques
et des mesures d'adaptation à ces impacts s'apparentent à un test climat auquel
on ne peut raisonnablement soumettre les entreprises. Ce concept même de
test climat, introduit par le projet de loi, est incompatible, selon nous, avec
le principe de développement durable, puisqu'il ne tient pas compte du volet
économique. Nous vous invitons à abandonner cette avenue.
Nous avions
réagi positivement à la volonté exprimée par le ministre de réformer la
gouvernance du Fonds vert. Nous
tenons à rappeler que les sommes issues du Fonds vert doivent mener à des
résultats de réduction de GES. À ce jour, force est de constater
toutefois qu'il est difficile d'en faire le bilan.
La formation d'un conseil de gestion chargé de
formuler des recommandations sur l'allocation des ressources financières ainsi que procéder à l'évaluation des
résultats à travers une nouvelle structure de gouvernance nous
apparaissait également comme une avenue
positive. Nous nous interrogeons toutefois sur le fait que des gens seront
nommés sans que soient tenus en
compte les profils de compétences ou d'expérience. À la lumière des problèmes
de gouvernance actuels du Fonds vert, nous croyons que ces aspects
devraient être considérés en priorité.
D'autre part,
la FCCQ croit que les articles du projet de loi qui augmentent les délais du
processus d'autorisation devraient être minimalement compensés par
d'autres articles qui en diminueraient ces mêmes délais. Ainsi, plusieurs pouvoirs discrétionnaires ne nous semblent pas
compatibles avec un cadre juridique et réglementaire clair, prévisible, efficace et uniforme et résistant aux aléas
politiques pour lesquels nous militons. La prévisibilité, nous vous le
rappelons, est cruciale pour les entreprises afin d'avoir un environnement
d'affaires sain et attractif au Québec.
Ainsi,
l'assujettissement arbitraire d'un projet de loi à l'article 31.1 de la
LQE est inacceptable. En effet, un projet qui est assujetti aux dispositions de l'article 22 ne peut être
assujetti également aux dispositions de l'article 31 de la LQE. Or, l'article 19 du projet de loi
n° 102, introduisant l'article 31.1.1., pourrait changer cet état de fait.
Il y aurait dédoublement du processus d'autorisation pour un même
projet.
La FCCQ était d'accord avec l'orientation
amenant la modulation du régime d'autorisation en fonction du risque
environnemental. Cette initiative était même l'un des piliers du livre vert.
Toutefois, la seule trace de cette orientation dans le projet de loi renvoie à
un futur règlement qui pourrait prévoir une méthodologie d'évaluation des
impacts. Nous croyons que la méthodologie entourant les catégories d'activités
par risques, qu'elles soient élevées, modérées,
faibles ou négligeables, devrait minimalement être définie dans la loi. Ainsi
en est-il des secteurs d'activités visés par ces catégories, de même que
les activités dites particulières, qui devraient être définies dans le projet
de loi.
Enfin, la FCCQ
comprend que le ministre recherche la transparence dans les processus
d'évaluation environnementale, et
nous l'appuyons à cet égard. Si nous disons oui à la transparence, il faut
toutefois s'assurer de protéger les
données sensibles. À titre d'exemple, le projet de loi n° 102 ne doit pas
écarter l'application des articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels, qui
demeurent essentiels à la protection des renseignements confidentiels et des
secrets industriels.
En
conclusion, la FCCQ rappelle qu'elle appuie le ministre dans sa volonté de
rendre le régime d'autorisation environnementale,
je le répète, plus clair, prévisible et efficace, tout en réduisant les délais
d'autorisation. Ceci étant dit, pour
aller au bout de l'exercice, ce dernier doit tenir compte de la réalité
économique des entreprises. Pour la FCCQ et ses membres, la diminution et la simplification des délais de traitement des
dossiers et des demandes d'autorisation environnementale sont primordiales afin d'assurer une prévisibilité aux
promoteurs et minimiser leurs risques d'affaires. Nous croyons aux projets qui s'inscrivent dans une
perspective de développement durable... Pardonnez-moi. Il nous apparaît
essentiel de revoir la façon dont ces derniers sont examinés du point de vue
environnemental.
Nous croyons
que les commentaires que nous venons de vous formuler amélioreront le climat
d'investissement et la réputation du Québec
comme terre d'accueil pour les entreprises désireuses d'y investir et aidera le
Québec à atteindre ses cibles de réduction de GES. Je vous remercie.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Laureti. Il reste
2 min 40 s, mais, si vous avez terminé, je vais commencer
immédiatement la période d'échange avec le ministre. Ça va?
M. Laureti (David) : La
présentation est terminée, oui.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup pour votre présentation.
Nous allons débuter, à ce moment, la période d'échange avec la partie
gouvernementale, et je cède la parole à M. le ministre.
M. Heurtel : Merci,
M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation ainsi que
votre mémoire. Vous transmettrez nos salutations à M. Forget.
Je
suis à la page 8 de votre mémoire. Je vais citer, c'est l'avant-dernier
paragraphe de la page : «Dans le même ordre d'idées, la FCCQ
considère inacceptable le 29e paragraphe du premier alinéa de l'article 95.1
introduit par l'article 115 du projet de
loi, qui permet au gouvernement de prescrire par règlements toute mesure visant
à favoriser la réduction des
émissions de GES ainsi qu'à exiger la mise en place de mesures d'atténuation
des impacts des changements climatiques
et des mesures d'adaptation à ces impacts. Cette disposition revient ni plus ni
moins qu'à imposer un test climat.»
Depuis le mois d'août
dernier, j'ai fait une tournée d'à peu près une quinzaine de chambres de
commerce à travers le Québec, justement pour
entamer un dialogue encore plus concret, malgré les consultations qu'on a
faites sur le livre vert, malgré les
consultations qu'on a faites en amont du livre vert, où on a parlé, entre
autres, avec votre organisation et
d'autres leaders économiques, tout comme des leaders environnementaux, tout
comme les municipalités et d'autres groupes
d'intérêt... Est-ce que je vous entends bien? Parce que, moi, dans ces
tournées-là, toutes les chambres de commerce à qui j'ai parlé — puis
on a parlé beaucoup du test climat — étaient très sensibles à la
question de la lutte contre les changements climatiques.
C'est
difficile pour moi, qui arrive de Marrakech, de la COP22, où il y avait
énormément de leaders de grandes entreprises, des leaders mondiaux
économiques qui étaient présents et qui, de façon unanime... puis là on parle
de représentants et représentantes des
1 000 plus grandes entreprises du monde... tout le monde était très
clair là-dessus, puis, encore une fois, je vous ramène à ma tournée de
cet automne, tout le monde était très, très, très sensible à la notion, justement, d'atténuer les impacts des changements
climatiques. Si ce n'est pas au ministre, et au ministère de l'Environnement, et à la LQE de veiller à ce qu'on
atténue les impacts des changements climatiques, qui est le plus grand
défi de notre génération, qui va le faire?
M. Laureti
(David) : Il ne fait aucun doute dans notre esprit que les défis liés
aux changements climatiques sont importants
pour notre société. Ils le sont également pour les entreprises, vous les avez
consultées bien avant de rédiger ce projet de loi. On a toujours appuyé
les initiatives gouvernementales en ce sens. On a fait part de plusieurs de nos
observations en matière de cibles de
réduction de GES, on a pris acte des cibles ambitieuses que le Québec s'est
données en cette matière-là, et aussi on a
donné notre appui à un système de plafonnement d'échanges et d'émissions au
Québec, ici, une mesure qui a été
qualifiée d'originale, qui fait la fierté du Québec, là, si je me rappelle ce
qui s'est dit, entre autres, à la
COP21 l'année dernière, un modèle qui fait la fierté du Québec et qui fait du
Québec un leader sur la scène internationale. On a souscrit à ce
système-là, parce qu'on pense qu'il fonctionne bien, qu'il permet aux
entreprises de contribuer à la réduction des
GES de façon flexible, en respect de la réalité économique. Et on s'étonne, on
se questionne à voir pourquoi on devrait ajouter à ce système, qui
fonctionne déjà bien, une couche supplémentaire.
Et on a parlé de
désaveu. C'est comme si on se disait : Ma foi, on a un système qui
fonctionne bien, pourquoi faudrait-il en
rajouter? Est-ce que c'est parce que le système ne fonctionne pas si bien,
justement, qu'on doit en ajouter des
vérifications supplémentaires? Et ce n'est pas, ici, de désavouer le
législateur, là, dans son mandat de veiller à réduire et à encadrer tout ça, mais on a déjà un système qui
fonctionne, alors pourquoi l'ajouter... ajouter d'autres choses? C'est
un peu l'interrogation que nous avons eue à la lecture du projet de loi
n° 102 et on a voulu vous le communiquer dans ce mémoire.
• (17 h 20) •
M. Heurtel :
C'est parce que les mots que vous employez sont très forts, et je me demande
s'il n'y a pas lieu... En tout cas,
moi, je peux vous dire qu'après avoir parlé à plusieurs de vos membres cet automne je n'ai pas du tout entendu le début de ce genre de commentaire là. Le questionnement
sur le test climat, je l'entends.
Vous
parlez de dédoublement, premièrement, sur le marché du carbone. Le marché du carbone,
c'est... Puis je peux tout de suite répondre à votre commentaire : l'imposition du test climat n'est pas, d'aucune
façon, une réaction à une présumée
insatisfaction par rapport à la performance du marché du carbone.
D'ailleurs, on a rendu publics, cet après-midi, les résultats de la neuvième vente aux enchères, puis c'est des
résultats très forts qui montrent justement la résilience du marché du carbone. La décision de la Chine de mettre en place un marché
du carbone national, on parle de la deuxième économie du monde et du premier pollueur du monde, vous ne pouvez pas
être insensibles à ça, ça va justement transformer l'économie du monde, le fait qu'après l'arrivée de
la Chine 60 % environ du PIB mondial va avoir une forme de marché
du carbone. La Nouvelle-Écosse qui choisit
le marché du carbone comme moyen de réduire ses émissions de gaz à effet
de serre, c'est une autre validation de
l'approche québécoise, qui a déjà été entérinée par l'Ontario, le Mexique et
d'autres. Alors, ce n'est pas ça, mais le marché du carbone, c'est, oui, la
pierre angulaire de notre stratégie de lutte contre les changements
climatiques, mais il faut d'autres outils.
Je donne l'exemple
bien concret : une autoroute, ce n'est pas soumis au marché du carbone,
alors comment évalue-t-on? On a parlé de
planification urbaine, on a parlé de planification des transports. Ce n'est pas
toujours le marché du carbone qui va
régir toutes les questions reliées à la lutte contre les changements
climatiques. Un test climat en amont... Puis prenons un projet concret. Si on avait eu un test climat pour
Port-Daniel, n'aurait-on pas pu éviter justement des délais incroyables, des contestations devant les
tribunaux, des sommes d'argent dépensées puis plutôt vider les questions en
amont, trouver des sources alternatives de combustible, parler, à ce moment-là,
de biomasse forestière, de gaz naturel, de capture
carbone comme combustible... bien, pas capture carbone, mais les deux premiers?
Puis, en termes de développement économique,
bien, c'est un peu, entre autres, à ce que sert le Fonds verts, d'investir dans
ces nouvelles technologies-là, pour justement... puis au Québec, pour
justement favoriser un développement économique sur les énergies vertes, sur
une transition vers des combustibles plus propres.
Alors, je comprends mal comment, justement, en
amont, soulever ces questions-là et regarder un projet à travers le prisme d'un plan d'action sur les
changements climatiques, d'une politique énergétique, d'un plan d'action
sur l'électrification
des transports, de la cible de 20 % en 2020, la cible de 37,5 % en
2030, de 80 % à 95 % en 2050, qui sont, oui, des cibles ambitieuses, mais qui sont
partagées par... Je veux dire, l'Allemagne, qui n'est pas une petite
économie, là, dans le monde, a des cibles
plus ambitieuses que nous autres. La Californie, la sixième économie du monde,
a 40 % de réduction pour 2030. Alors, je ne comprends pas que vous
en soyez à dire que c'est complètement inacceptable de parler de mettre en place des mesures d'atténuation puis de travailler
avec les entreprises en amont, au départ d'un projet, pour justement tenter de le rendre plus compatible
avec l'ensemble de ces mesures pour lutter contre les changements climatiques. Alors, je ne comprends pas cette
opposition-là. Le marché du carbone est très important, mais ne peut pas
tout faire. Et, ultimement, c'est une mesure
qui vise à réduire, mais est-ce qu'on peut penser en amont, aussi? C'est
ça mon... Je ne comprends pas cette opposition farouche là.
M. Laureti (David) : Moi, je
vous entends très bien. Et vous avez évoqué la question du développement économique;
c'est notre raison d'être, c'est la raison pour laquelle la fédération existe.
Et je n'ai nul doute sur les discussions que
vous avez eues avec certains de nos membres ou même des plus grands leaders
économiques, là, lors de la dernière conférence sur le climat. Mais
plusieurs de nos membres nous disent également que le Québec... ce qui est
rendu difficile, au Québec, donc, de faire des choses.
Si la
perspective, la question du développement durable est sur toutes les lèvres...
Et on en est, là, c'est-à-dire qu'on favorise ces projets qui
s'inscrivent dans une logique de développement durable. Mais on se place
toujours dans la perspective où, à choisir entre deux législations... Par
exemple, un investisseur, par exemple, étranger doit regarder le Québec et doit regarder une autre législation. Il
regarde ce à quoi il est soumis, il voit ce qu'il y a au Québec, donc, à
faire, et, à la lumière de ce qu'on voit
dans ce projet de loi, devrait se conformer à davantage d'obligations. Bien,
certains nous disent que le choix serait d'aller ailleurs. Et on est de
ceux qui croyons que le développement économique manque cruellement d'investissements, et qu'à force d'ajouter des couches comme
celles-là, bien, on manque des opportunités. C'est un peu l'objet de notre
réflexion. Voudrais-tu ajouter quelque chose?
M. Lemieux
(Dany)
: Oui. Par rapport à ce que vous venez de mentionner, M.
le ministre, il y a toute la question de
la lecture du projet de loi dans son entier. Un industriel, par exemple... Les
industries ont diminué leurs gaz à effet de serre de 21 % depuis 1990, donc il y a déjà un gros effort qui a
été fait par les industries au Québec. Et là les industries, ce qu'elles nous disent, c'est qu'on a déjà fait des
efforts et là on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête, du fait
qu'on pourrait se faire imposer une
technologie, un procédé ou une source d'énergie. Et là on n'est plus dans la
flexibilité du SPEDE, mais pas du tout. Donc, oui, il y a toujours
possibilité de s'améliorer, les entreprises et nos membres le font constamment,
mais il y a déjà des efforts qui ont été faits.
Et là le
SPEDE, ce que les entreprises aimaient bien, c'est de dire : Bien, si j'ai
déjà fait l'ensemble des réductions qu'il
m'est possible de faire dans mon entreprise et que je suis rendu à un coût
d'évitement de 400 $ la tonne, bien, c'est logique que j'aille sur le marché pour combler. Mais là le danger, c'est
qu'il y aurait quelqu'un au ministère de l'Environnement qui dirait : Bien, moi, je veux finalement qu'en
plus des efforts que tu as déjà faits tu implantes tel procédé ou... peu
importent les conditions économiques. Vous avez cité l'Allemagne, la
Californie; les coûts d'énergie sont beaucoup
plus élevés, dans ces juridictions-là, qu'au Québec, et donc la période de retour
sur l'investissement est beaucoup plus
rapide. Donc, il faut tenir compte du contexte économique et non pas seulement
de la technologie disponible. Il faut voir :
Est-ce qu'on est capables de l'amortir, cette technologie-là, dans les
conditions économiques du Québec? Donc, ça aussi, il faut considérer ça.
M. Heurtel :
Alors, où est-ce que c'est écrit, dans le projet de loi, qu'on ne tiendra pas
compte de tout ça dans le test climat?
M. Lemieux
(Dany)
: Bien, en fait, le développement durable, c'est ça,
c'est la cohabitation de l'environnement, de l'acceptabilité sociale et
de l'économique.
M. Heurtel : Je vous pose la
question...
M. Lemieux (Dany)
:
Bien, la crainte, elle est là. C'est qu'on...
M. Heurtel : Non, ce n'était
pas ça, ma question. Dans le projet de loi, un test climat, ce n'est pas là
pour empêcher nécessairement un projet,
c'est justement... Puis là on parle beaucoup de pouvoir discrétionnaire, c'est
justement... Dans mon exemple de
Port-Daniel, l'entreprise aurait pu sauver beaucoup de temps, et beaucoup
d'argent, et aussi des problèmes réputationnels, je crois, assez
importants, si on avait eu une conversation en amont sur les technologies
disponibles. Et où est-ce que... C'est parce que ce n'est pas un automatique,
là, qu'il va y avoir une imposition de technologie.
Et, en plus de ça, s'il y a une technologie meilleure qui est proposée et qu'en
plus de ça le gouvernement du Québec est présent pour la financer, où
est l'impact négatif?
M. Lemieux
(Dany)
: Comme je l'ai expliqué, comme M. Laureti le
disait tantôt, il y a une question plus en amont du côté du promoteur : Est-ce qu'il serait venu de toute façon? Et
elle est là, la question. Si on met tellement de restrictions à venir faire du développement économique au Québec
qu'une entreprise, qui peut choisir n'importe quelle terre d'accueil, décide de ne plus venir au Québec, bien, ça fait
en sorte qu'on crée moins de richesse. Si on crée moins de richesse, il y a
moins de rentrées fiscales pour le
gouvernement pour investir en santé et en éducation. Donc, il y a ça aussi à
considérer.
M. Heurtel :
Encore, ce qui est étonnant, c'est parce que vous... Encore une fois, il n'y a
rien, dans les dispositions, qui, même, suggère le genre de scénario,
disons, sombre que vous présentez.
Et, deuxièmement, ce qui est aussi... et ce que
vous ne semblez pas analyser, et je vais vous demander si vous l'avez analysé, une des conséquences de l'arrivée
de la Chine dans le marché du carbone, c'est qu'il y a beaucoup
d'experts dans le monde économique qui
voient venir... puis c'est déjà discuté à l'international. On en a discuté à
Marrakech, on discute de ça dans d'autres rencontres internationales.
Au niveau du
commerce international, on prévoit, dans l'avenir, des barrières tarifaires
climatiques, c'est-à-dire que, dans
un monde où justement il y a 60 % de la planète qui ont des cibles très
importantes, des prix carbone très importants, un virage clair, bien, les États qui n'auront pas des exigences élevées,
bien, ne pourront pas vendre leurs biens dans des États qui ont des exigences élevées et que, une des
raisons pour laquelle la Chine met ça en place, c'est entre autres parce
qu'ils vont pouvoir imposer un tarif climatique. Donc, des États qui n'auront
pas, justement, les mêmes niveaux d'exigence climatique ne pourront pas vendre
leurs biens, ne pourront pas rentrer dans les grands marchés. Est-ce que vous
avez analysé cette possibilité-là?
• (17 h 30) •
Le Président (M. Iracà) : En 45
secondes, M. Laureti ou M. Lemieux.
M. Laureti
(David) : Pour répondre spécifiquement à votre question, non, et on
vous remercie de nous éclairer là-dessus.
Nous parlons d'échanges, nous parlons de libre-échange régulièrement, et cette
dimension-là, pour l'examen de ce projet de loi, nous a échappée. On ne
l'a pas analysée, et on se promet de le faire, effectivement, parce que ça va
représenter certainement des enjeux pour la compétitivité des entreprises d'ici
sur les marchés d'exportation.
Je voudrais
juste compléter, là, ou terminer en disant que, s'il y a une compréhension qui
semble différente, là, par rapport à
cela, on souhaite essentiellement, nous, que les dispositions du projet de loi
n'affectent pas la compétitivité des entreprises d'ici. On vous a
accompagnés dans ça et on veut continuer à le faire, mais...
M. Heurtel : Ce n'est pas du tout
notre intention.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Ceci met fin à
la période d'échange avec la partie gouvernementale.
Nous allons débuter la période d'échange avec le porte-parole de l'opposition
officielle. M. le député de Jonquière, la parole est à vous.
M.
Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue en commission
parlementaire. Vous saluerez également M. Forget de ma part.
J'aimerais ça vous entendre un peu comme en
témoignage, entre guillemets, là, de ce à quoi vous vous butez comme entreprises, là, chez vos membres de la
fédération et des chambres de commerce, dans le processus, là, actuel et
où on doit, là, réellement agir, là, plus
d'un côté de l'expérience, de votre expérience. Parce qu'un des objectifs de ce
projet de loi, c'est d'alléger la
bureaucratie ou d'alléger les processus. Alors, donnez-nous des exemples
concrets ou des exemples qui vous sont transmis par vos membres à cet
égard.
M. Lemieux (Dany)
: Oui.
Bien, par exemple, un des exemples, il y a un de nos membres que, pour lui,
c'est extrêmement critique, la période avec
laquelle il doit recevoir son certificat d'autorisation, parce que ses
activités doivent être faites durant
l'été. Donc, si on retarde le processus, lui, il manque sa fenêtre
d'opportunité, parce que ses activités sont uniquement en période estivale. Donc, tout retard dans les processus,
pour lui, c'est extrêmement critique. On a donné des exemples. L'épandage biologique pour le contrôle
biologique des insectes piqueurs, par exemple, c'est un exemple très
concret; des activités qui auraient lieu en territoire nordique, qui sont uniquement
accessibles en période estivale, c'est un autre exemple.
Donc, tout ce
qui peut faire en sorte de retarder ou de mettre de l'incertitude, où on a une
perte de prévisibilité pour les promoteurs, c'est important. Et, tout
comme les intervenants précédents, le fait qu'on renvoie énormément à des futurs projets de règlement dans le projet de loi
ou encore les nombreux pouvoirs discrétionnaires qui incomberaient au
ministre fait en sorte que ça amène énormément d'incertitude chez les
investisseurs, chez les promoteurs. Et ça, c'est quelque chose qui est très
important pour les membres de la fédération.
M. Gaudreault : O.K. Donc,
est-ce que je dois comprendre que vous aussi vous souhaiteriez avoir accès aux
intentions réglementaires du gouvernement le plus rapidement possible, à
l'occasion, par exemple, des travaux de la commission
parlementaire, si c'était déposé ici, pour qu'on puisse savoir un peu plus où
on s'en va, là? Parce qu'il y a quand même beaucoup d'éléments du projet
de loi qui dépendent d'un éventuel règlement. Alors, c'est ce que vous
souhaitez également, un dépôt rapide des intentions?
M. Laureti (David) : Je vous réponds
par l'affirmative.
M.
Gaudreault : O.K.
Vous venez de faire mention du pouvoir discrétionnaire du ministre
accordé par le projet de loi n° 102, l'élargissement du pouvoir discrétionnaire du
ministre. On en a parlé amplement avec les témoins
précédents qui étaient ici. Je ne sais pas si vous étiez présents dans la salle
à ce moment-là, mais on en a discuté amplement.
Vous
voyez ça comment, le pouvoir discrétionnaire dans... Est-ce qu'on doit le baliser davantage? Comment on doit l'interpréter, éventuellement?
Vos prédécesseurs à cette table, du Centre québécois du droit de
l'environnement, bon, étaient
inquiets, là, de la disparition d'une obligation, par
exemple, en vertu de l'article 22 et 24 de la loi. Comment vous voyez ça, vous autres, cette balise? Parce que
je comprends que vous êtes aussi inquiets, mais peut-être
pas nécessairement dans le même sens,
parce que vous, vous dites : Bien, on veut avoir un
peu plus de prévisibilité. Donc, comment vous voyez ça, cette balise du
pouvoir discrétionnaire?
M.
Lemieux (Dany)
:
Bien, en fait, par exemple, on commence un projet, un promoteur commence un
projet, et là un pouvoir discrétionnaire du ministre
vient faire en sorte qu'on altère la direction du projet, alors que le
promoteur avait dans sa tête la
certitude que le projet allait de l'avant selon certains paramètres, et donc il
avait commencé des travaux en regard
de ces paramètres-là. Donc, c'est préparer, entamer des études, et on pourrait
changer, en cours de route, certains paramètres du projet liés à
l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire du ministre.
Et ça, pour les entreprises,
comme vous l'avez dit précédemment, ça amène énormément d'incertitude. Un industriel,
par exemple, qui investit pour un projet majeur pour les 50
prochaines années, il veut savoir exactement
dans quoi il s'embarque, il veut savoir...
Ce n'est pas que les entreprises ne veulent pas de réglementation environnementale, ils veulent simplement savoir quelle est cette réglementation-là, quels vont être les échéanciers, être capable de prévoir et
d'aboutir, dans un laps de temps connu, dans des coûts qu'il est capable de
prévoir.
M.
Gaudreault : Mais ultimement
ça pourrait être quoi, le test, là? Parce
que, par exemple, le CQDE, qui était ici il y a quelques minutes avant vous, dit : Bon, bien, c'est
l'amélioration, la protection et l'amélioration de l'environnement. Le projet de loi doit viser ça, puis la Loi sur la
qualité de l'environnement doit viser ça, puis c'est comme l'assise même de la
loi.
Alors,
vous, c'est quoi, c'est dans quel esprit que vous vous inscrivez, qui devrait
nous inspirer, nous, pour baliser le pouvoir discrétionnaire du
ministre?
M.
Laureti (David) : Nous, on s'inscrit... Si vous me permettez, on a
déjà eu cette discussion-là également lors des consultations sur l'acceptabilité sociale, par exemple, et, pour autant
que la Loi sur la qualité de l'environnement s'inscrit également dans un
processus comme celui-là, on dénonçait, à ce moment-là, l'absence de processus
clairs et définis, et tout ça.
Ce qui est discuté
ici vise à modifier et à clarifier, donc, les processus. Donc, il faut que
chacune des étapes... à partir du moment où
un promoteur arrive avec un projet, sache, autrement dit, à quoi s'en tenir. On
avait employé le terme de «checklist».
Là, finalement, c'est un peu ce qui permettrait... ce que nos membres, nos
entreprises membres disent : Je
veux développer un projet au Québec. Si je sais, à partir de a jusqu'à z,
quelles étapes s'en viennent, eh bien, ça va favoriser l'acceptabilité sociale de mon projet et je serai plus enclin
moi-même à vouloir faire des affaires au Québec.
Alors, le pouvoir
discrétionnaire du ministre, on l'a mentionné dans ce mémoire, vient altérer
forcément ce processus, mais, s'il y a
intervention ministérielle, qu'elle soit balisée et qu'elle soit connue, et ça
permettra aux entreprises de savoir dans quoi elles s'embarquent.
M.
Gaudreault : O.K. Concernant le droit d'appel sur une décision
du ministère ou sur un certificat d'autorisation, est-ce que vous croyez que ce droit d'appel doit
s'appliquer, bien sûr, à des entreprises, par exemple, qui ont besoin
d'un certificat d'autorisation, mais est-ce qu'on doit l'étendre également ou
le permettre à des groupes de citoyens ou à des citoyens?
M. Laureti
(David) : Encore là, il faut que ça soit inscrit dans un processus qui
est connu et prévisible.
• (17 h 40) •
M.
Gaudreault : Donc, vous n'êtes pas nécessairement contre que
des citoyens puissent aussi en appeler d'une décision concernant un
certificat d'autorisation ou une décision du ministre ou du ministère?
M.
Lemieux (Dany)
: Bien, présentement,
il y a toujours des recours juridiques qui sont disponibles pour
les gens qui contesteraient un
projet. Donc, nous, on parle au nom des entreprises. Pour les entreprises,
c'est important d'avoir un temps adéquat pour réagir suite à une décision gouvernementale. Des délais de 15 jours, ça nous apparaît extrêmement court parce
qu'il peut y avoir énormément de facettes à un projet, qui peuvent toucher le
bruit, l'eau, la qualité de l'air, et donc le promoteur, suite à la
décision gouvernementale, doit être en mesure de consulter ses spécialistes qui
ont travaillé sur le projet.
Donc, nous, oui, on
veut avoir un certain délai. On va se prononcer pour les entreprises, dans le
cas présent.
M.
Gaudreault : Mais, quand même, c'est une question de... là, je n'ai
pas le mémoire devant moi, je pense c'est le CQDE qui en parlait ou peut-être aussi le Regroupement national des
conseils régionaux de l'environnement, là, mais ils parlaient vraiment d'un... Ah! merci. C'est le
CQDE, oui, à la page 12 de son mémoire, qui disait que l'article 96 de
la LQE «nous paraît constituer un accroc aux
principes les plus élémentaires de justice», là, concernant le... Il parle
même d'un deux poids, deux mesures, là, quant au pouvoir des citoyens ou au
non-pouvoir des citoyens de pouvoir contester.
Alors, est-ce que
vous pensez que ça touche également le droit fondamental, finalement, des
citoyens de pouvoir contester?
M.
Lemieux (Dany)
: C'est l'entreprise qui fait la demande du
certificat d'autorisation. Donc, de notre point de vue, l'entreprise a
certainement le droit, en cas de refus, de réagir.
Le Président (M. Iracà) : ...45
secondes.
M.
Lemieux (Dany)
: Est-ce que les citoyens et les municipalités...
habituellement, c'est le recours aux tribunaux. Dans la procédure
actuelle, c'est... En tout cas, nous, on pense, du point de vue des
entreprises, que les entreprises ont certainement droit au chapitre. Pour le
reste...
Le Président (M. Iracà) : Il reste
20 secondes, M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Bien, écoutez, j'aurais eu évidemment encore beaucoup de
questions à vous poser, là, mais je vous
remercie de votre présence, puis on aura l'occasion, sûrement, d'échanger de
nouveau, peut-être dans d'autres forums, sur cette question-là.
Le Président
(M. Iracà) : Merci, M. le député de Jonquière. Nous allons procéder à
la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député
de Masson, la parole est à vous.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être ici, messieurs. Vous
savez, je vais vous emmener tout de suite à la page 11 de votre mémoire.
J'ai bien aimé votre passage quand vous mentionniez que vous aviez compris que
le processus d'optimisation devrait faire une diminution des délais et non une
augmentation de ceux-ci. Puis vous faites mention
ici à la nouvelle forme préliminaire de consultations qui va ajouter des délais
sans pouvoir en évaluer la durée, des délais. Est-ce que, dans le fond,
vous croyez qu'on devrait préciser cette mécanique?
M. Lemieux
(Dany)
: Oui, définitivement. Comme David a dit précédemment,
il faut savoir quels vont être les
délais exactement. Est-ce que c'est 15 jours, 45 jours, 60 jours? On ne peut
pas se permettre d'avoir des délais... On avait un article dans la loi
que le gouvernement peut communiquer, dans les meilleurs délais, sa décision de
délivrer une autorisation. C'est quoi, ça,
les meilleurs délais? Est-ce que c'est 15 jours, un mois, un an, cinq ans? On
ne le sait pas.
Il faut avoir
un processus prévisible, autant pour l'acceptabilité sociale des projets que
pour les promoteurs, pour qu'ils aient une prévisibilité de faire des
affaires au Québec. Et ça, dans le cadre du projet de loi, il faut qu'on ait
ces balises-là.
M.
Lemay : Dans le fond, on comprend très bien, là, vous l'avez mentionné
au début, je crois que c'est M. Laureti, dans le fond, vous avez mentionné que la prévisibilité est cruciale aux
entreprises, puis ça, on le comprend bien. Dans le domaine des affaires,
justement, on ne veut pas avoir, là, de flou.
Je vais vous
emmener à la page 13. Vous mentionnez, à l'article 115.10.3 de la LQE, que ça
paraît inacceptable, dans le fond,
qu'on pourrait refuser d'indemniser une entreprise étrangère ayant agi
légalement et de bonne foi. Ça pourrait contrevenir à des accords
internationaux. Je ne sais pas si vous voulez préciser un peu plus sur ce
point.
M. Lemieux
(Dany)
: Dans le cadre de l'ALENA, il est arrivé, il y a
quelques années, un cas à Terre-Neuve-et-Labrador
où le premier ministre de l'époque avait décidé d'exproprier carrément une
entreprise du fait qu'elle avait été
obligée, pour des considérations économiques, de fermer une usine pour laquelle
le gouvernement avait consenti des aides financières, et des droits de
force hydraulique, et des droits de coupes forestières.
Et donc le
fait de refuser d'indemniser une entreprise qui oeuvre de bonne foi, une
entreprise étrangère qui ferait affaire
au Canada, donc, plus particulièrement au Québec, pour... de carrément arrêter
sa production pour une raison qui reviendrait,
ni plus ni moins, à une sorte d'expropriation indirecte, pourrait faire en
sorte de contrevenir au chapitre 11 de l'ALENA. Parce que le
chapitre 11 est très clair : une entreprise a droit à des indemnités
dans ces cas-là.
M.
Lemay : O.K. Donc,
ce que vous dites, c'est qu'on devrait revoir puis possiblement apporter un
amendement à cet article-là, parce que
justement, dans l'article, on dit que, respectivement aux
articles 115.10.1 et 115.10.2, ça «ne donne lieu à aucune indemnité
de la part de l'État et prévaut sur toute disposition inconciliable d'une loi,
d'un règlement ou d'un décret». Donc, selon ce que je comprends, c'est qu'on
devrait apporter un amendement assurément pour...
M. Lemieux (Dany)
: En fait, il
faut s'assurer qu'on ne contrevient pas à des accords internationaux.
M.
Lemay : Pas de problème. Si on va sur la double
comptabilité, vous avez fait mention... vous avez donné un exemple au niveau du Fonds vert et puis du Fonds
des réseaux de transport terrestre. Vous mentionniez qu'il y avait une
possibilité de double comptabilité. Je ne sais pas si vous voulez en parler
davantage.
M. Lemieux
(Dany)
: Oui, en fait, c'est que, bon, le Fonds vert, vous le
savez, doit servir à réduire les émissions de gaz à effet de serre au
Québec. Le problème qu'on a actuellement, c'est qu'on n'en a aucune idée. Il
n'y a eu aucune reddition de comptes depuis
l'année financière 2013‑2014, il n'y a aucun bilan du plan d'action 2006‑2012
qui a été fait. On sait qu'en additionnant
les données annuelles 2006‑2012, on sait que 93 % des budgets ont été
dépensés, mais que moins de 15 %
de la cible a été atteinte, mais il n'y a pas de bilan global qui a été fait.
Il faut vraiment additionner année par année. Et ça, pour nous, le fait qu'on a de la difficulté également à suivre à
quoi servent les fonds que les entreprises membres de la fédération
paient au Fonds vert, bien, c'est très, très, très préoccupant.
Donc, dans
cette mesure-là, on demande plus de transparence dans la gouvernance et la
divulgation, la reddition de comptes
des sommes du Fonds vert, parce qu'on n'a pas l'impression que ces sommes-là
servent effectivement à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
M.
Lemay : Merci. Très apprécié pour votre commentaire. Il nous reste une
minute, je crois, donc...
Le Président (M.
Iracà) : Oui, un peu plus d'une minute.
M.
Lemay : Oui, c'est ça. Allons tout de suite à la page 17, là.
Quand on a fait le livre vert, on a eu la statistique, 45 % des frais sont couverts présentement par le
traitement d'une demande d'autorisation et puis, avec le livre vert, on
nous disait que là, maintenant, ça allait être 100 % des coûts qui
allaient être chargés.
Vous
dites, vous n'avez pas d'objection si, en augmentant les coûts, on augmente les
services. Moi, je me rappelle, il me semble qu'on n'avait pas mentionné
qu'on allait avoir plus d'effectifs, là. Comment vous voyez ça, ce côté-là?
M.
Lemieux (Dany)
: Bien, nous, en fait, ce qu'on dit par rapport
à ce point-là précis, c'est que, si effectivement il y a plus de services au ministère de
l'Environnement et qu'on réduit les délais actuels qui sont assez importants,
donc, c'est un moindre mal. Dans la mesure où on met plus d'argent, et qu'on
n'a pas plus de services, et que les délais ne se raccourcissent pas, on a un
problème. Les entreprises sont tout à fait prêtes à faire leur part, mais dans
la mesure où il y a du service qui vient avec. On ne peut pas mettre de
l'argent et que l'argent n'amène aucune amélioration dans le système. Donc,
c'est notre point de vue par rapport à ce point-là.
M. Lemay :
Très bien. Merci beaucoup, messieurs.
Le Président (M.
Iracà) : Alors, MM. Laureti et Lemieux, merci beaucoup de votre
participation à cette commission.
Compte tenu de
l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à
17 h 49)
(Reprise à 19 h 32)
Le
Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos
travaux. Veuillez, s'il vous plaît, éteindre la sonnerie de vos
téléphones cellulaires.
Je vous rappelle que
la commission est réunie afin de poursuivre les audiences publiques dans le
cadre de la consultation particulière sur le
projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur la qualité de
l'environnement afin de moderniser le régime d'autorisation
environnementale et modifiant d'autres dispositions législatives notamment pour
réformer la gouvernance du Fonds vert.
Ce soir, nous entendrons les groupes
suivants : RECYC-QUÉBEC, le Conseil
patronal de l'environnement du Québec et Équiterre.
Je souhaite donc la
bienvenue aux représentants de RECYC-QUÉBEC, le premier groupe de ce soir. Je
vous demande de bien vouloir vous présenter,
ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Alors, sur ce, madame et monsieur, la parole est à vous.
RECYC-QUÉBEC
M. Michaud (Dany) : Merci, M. le Président. M. le ministre, députés membres de la
commission, mesdames, messieurs, je me présente, Dany Michaud,
président-directeur général de RECYC-QUÉBEC. Je suis accompagné de Mme Marie Cloutier, vice-présidente, Développement
intelligence d'affaires. Je tiens tout d'abord à vous remercier, les membres de la commission, le ministre et le
président, d'avoir invité RECYC-QUÉBEC à venir soumettre ses
commentaires à l'égard du projet de loi n° 102.
D'entrée
de jeu, je tiens à vous remercier et à vous informer que RECYC-QUÉBEC appuie
les principes généraux du projet de
loi n° 102, notamment la volonté du gouvernement du Québec de moderniser
ses façons de faire pour mieux accompagner le Québec vers une gestion
environnementale performante et efficace. M. le Président, M. le ministre, il y
a un an, lors de ma nomination à titre de président-directeur général de
RECYC-QUÉBEC, j'ai reçu le mandat d'optimiser
les services de cette société d'État. Ma présentation aujourd'hui s'inscrit
donc dans cette démarche d'amélioration et d'optimisation des services
offerts par RECYC-QUÉBEC.
Je
débuterai mon allocution ce soir en vous présentant RECYC-QUÉBEC, cette société
d'État moins connue, mais dont le
mandat est au coeur même de la gestion de matières résiduelles au Québec. Je
vous ferai également part des enjeux que
j'observe depuis mon entrée en fonction et des solutions que nous préconisons.
Je terminerai ma présentation en vous expliquant comment ces solutions
sont garantes de succès dans la gestion des matières résiduelles au Québec.
RECYC-QUÉBEC
est une société d'État qui a été créée en 1990 par le gouvernement du Québec
suite à l'incendie de Saint-Amable,
où 6 millions de pneus ont brûlé. Sa mission est d'amener le Québec à
réduire, à réutiliser, à recycler et à valoriser
les matières résiduelles dans une perspective d'économie circulaire et de la
lutte contre les changements climatiques.
RECYC-QUÉBEC gère le système de consignation des contenants de boissons de fin
de vie, de même que plusieurs programmes d'aide financière, totalisant
55 millions de dollars, issus du Fonds vert.
Depuis sa création, cette société d'État fait
preuve d'agilité, d'efficacité dans ses programmes, par exemple, pour ne nommer que celui-ci, le programme
québécois de pneus hors d'usage. Ce programme est, depuis plusieurs
années, le plus performant au Canada. Après 25 ans,
RECYC-QUÉBEC se distingue par sa capacité de mobilisation et de concertation des intervenants sur le terrain.
Nous travaillons avec plus de 800 installations partenaires de récupération, de tri, de recyclage et de mise en valeur. Pour vous donner une idée du
travail qui s'effectue au Québec, en 2012, il y avait plus de
1 million de tonnes de matières recyclables du secteur résidentiel et des
industries, commerces et institutions qui transitaient par les centres de tri
au Québec et près de 1 150 000 millions de tonnes de résidus
organiques qui étaient recyclés par épandage, biométhanisation ou compostage.
RECYC-QUÉBEC est aujourd'hui reconnue et
appréciée par les citoyens, les industries, les commerces et institutions, les municipalités, les associations
sectorielles, les ministères et organismes comme une référence incontournable
en gestion des matières résiduelles. À ce
titre, je souhaite partager avec vous les constatations des principaux acteurs
du milieu quant à la lourdeur administrative
qui existe présentement dans la gestion des matières résiduelles au
gouvernement du Québec.
Présentement,
cette gestion est réalisée par deux entités distinctes, RECYC-QUÉBEC, société
d'État autofinancée qui accompagne
les acteurs dans la mise en place de systèmes visant la récupération et le
recyclage de matières résiduelles, et
une division en gestion des matières résiduelles du ministère du Développement
durable, de l'Environnement et de la Lutte
contre les changements climatiques, financée à même les crédits publics,
responsable du suivi législatif. Or, cette structure de fonctionnement
occasionne depuis longtemps de nombreux enjeux sous divers gouvernements.
Vous savez,
la gestion des matières résiduelles a connu une évolution fulgurante au cours
des dernières années. Certaines
matières considérées comme des déchets il y a 20 ans sont devenues, au fil du
temps, créatrices d'une industrie innovante.
Malheureusement, les services gouvernementaux offerts ne sont pas adaptés à la
réalité du secteur. Il suffit de penser
au retard dans la mise en oeuvre d'orientations structurantes découlant du plan
2011‑2015 de la politique de gestion des
matières résiduelles. Pensons notamment à la stratégie de bannissement du bois,
qui devait voir le jour en 2015, ou la mise
en oeuvre du règlement des responsabilités élargies des producteurs visant les
halocarbures, dont l'annonce était prévue en 2013. Ces délais retardent
la mise en oeuvre d'actions structurantes visant à améliorer la performance
environnementale du Québec et l'émergence d'une industrie prête à investir dans
de nouvelles technologies de pointe porteuses d'une économie verte pour le
Québec.
Ce n'est pas tout. Comment expliquer que, par
l'analyse des plans de gestion des matières résiduelles soumis par les municipalités... s'effectue en double
depuis 2012? Vous savez, l'analyse des plans, l'accompagnement
personnalisé aux municipalités, les
recommandations au ministre et les documents administratifs et légaux ont
toujours été réalisés par RECYC-QUÉBEC.
Toutefois, depuis 2012, l'analyse de RECYC-QUÉBEC est reprise par le ministère,
un doublement de travail qui alourdit
énormément le processus pour la clientèle municipale. Ça n'apporte aucune
valeur ajoutée et ça utilise mal les ressources de l'État. De même, les
étapes administratives et la reddition de comptes sont aussi dédoublées
concernant les sommes du Fonds vert qui sont administrées par RECYC-QUÉBEC.
C'est dans cet esprit, M. le Président et M. le
ministre, que nous croyons que le gouvernement doit aborder rapidement les
enjeux liés à l'inefficacité dans la gestion gouvernementale des matières
résiduelles, comme l'actuel gouvernement a réussi à le faire avec d'autres
sphères d'activités.
Vous savez,
RECYC-QUÉBEC comprend les enjeux des acteurs du milieu, les accompagne de façon
complète et souhaite les épauler davantage, mais ses pouvoirs sont restreints.
De plus, de nombreux organismes partenaires, comme... — vous allez d'ailleurs les rencontrer lors de
cette commission — déplorent
le décalage entre les orientations réglementaires
préconisées et l'évolution de notre secteur. L'inefficacité dont il est
question ici doit être corrigée, et ce, afin que le Québec puisse entrer dans une nouvelle ère d'économie circulaire,
où les richesses du Québec seront mises de l'avant.
• (19 h 40) •
M. le
Président, M. le ministre et membres de la commission, la gouvernance de notre secteur
au sein de l'appareil gouvernemental
ainsi que le mandat législatif de la société d'État n'ont pas été revisés
depuis 25 ans. Ce secteur créateur de richesse nécessite une approche
d'accompagnement plus agile, qui peut tenir compte des enjeux économiques, technologiques, énergétiques et sociaux autant
qu'environnementaux. Dans un contexte d'allègement administratif global
de l'appareil gouvernemental, et pour mieux
épauler les acteurs du milieu, l'optimisation des ressources et des
processus de fonctionnement sont
primordiaux. Le projet de loi n° 102 offre l'opportunité au gouvernement
de modifier les dispositions législatives de la LQE pour apporter des
solutions concrètes aux enjeux soulevés précédemment.
C'est pourquoi RECYC-QUÉBEC formule deux recommandations :
premièrement, que le ministre confie à RECYC-QUÉBEC, la société d'État la mieux
placée pour le faire, la révision de la politique de gestion des matières résiduelles ainsi que l'élaboration de l'ensemble
des orientations, stratégies, plans d'action et programmes découlant de
cette politique; deuxièmement, que le ministre délègue à RECYC-QUÉBEC son
autorité dans la mise en application des mandats décrits à la section VII
de la LQE relativement à la gestion des matières résiduelles.
Ces deux
recommandations permettraient d'alléger la charge opérationnelle du ministère,
dont la charge est déjà extrêmement colossale, tout en mettant à profit
la grande expertise de notre société d'État. Ceci apporterait plusieurs solutions, tel qu'élaborer des orientations
gouvernementales qui répondent plus rapidement et de façon plus concrète
et concertée aux enjeux économiques,
technologiques, énergétiques, sociaux et environnementaux au Québec; mettre en
place des stratégies, plans d'action et des
programmes découlant de la politique, à l'instar d'autres sociétés d'État,
dans des délais qui respectent les
engagements gouvernementaux; gérer avec rigueur, efficacité, efficience et
transparence les sommes du Fonds vert
au Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques; alléger le
fardeau administratif des municipalités en évitant un dédoublement
inutile; mettre en oeuvre des solutions plus rapidement lorsqu'un enjeu de
récupération, conditionnement, recyclage ou
de débouchés se présente dans la chaîne de valeur des matières;
informer, sensibiliser, éduquer davantage
les acteurs de cette chaîne de valeur; assurer une coordination des actions
gouvernementales au niveau de la gestion des
matières résiduelles et être au coeur des enjeux et des préoccupations des
municipalités et des entreprises.
M. le Président, nous
avons l'opportunité que le gouvernement épaule une industrie créatrice de
richesse à devenir plus performante.
Le Président (M. Iracà) : Cinq
secondes, M. Michaud.
M. Michaud
(Dany) : Je vais descendre
ça en cinq secondes. Faisons-le en sorte que le virage proposé
corresponde aux attentes des citoyens, des
municipalités, des industries et de tous les partenaires du milieu de la
gestion des matières résiduelles. Ainsi, c'est toute la société
québécoise qui en sortira gagnante.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup pour
votre exposé, M. Michaud. Nous allons procéder aux échanges avec la
partie gouvernementale. Je cède immédiatement la parole à M. le ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Michaud, Mme Cloutier.
Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Puis je dois faire une petite parenthèse pour exprimer ma
grande satisfaction de voir RECYC-QUÉBEC jouer un rôle plus actif, plus
présent dans nos travaux. J'apprécie énormément la contribution.
Sur le point
majeur que vous soulevez, avez-vous calculé, d'un côté, quel serait l'impact
sur RECYC-QUÉBEC si on allait de
l'avant avec les recommandations? Je veux dire, est-ce que ça occasionnerait
des coûts additionnels? Quand vous
parlez d'optimisation pour le ministère, avez-vous regardé qu'est-ce que ça
voudrait dire plus concrètement en termes d'efficacité? Avez-vous échangé avec des municipalités? Est-ce que vous
pourriez justement approfondir? Avez-vous plus de données? Avez-vous
pris le temps de rechercher puis de quantifier un peu les gains qu'on ferait,
là, si on suivait votre recommandation principale?
M. Michaud (Dany) : Tu veux-tu
commencer avec des liens peut-être un peu plus techniques de nombre de
personnes...
Mme
Cloutier (Marie) : Bien, actuellement, chez RECYC-QUÉBEC, il y a
80 employés, et, du côté du ministère, dans la division des matières résiduelles, il y a 15 personnes.
Dans notre évaluation des impacts administratifs, s'il y avait un transfert de ressources, nous, on croit qu'on
pourrait atteindre une efficacité plus grande avec seulement une
fraction des ressources qui sont dans la
division du ministère, pour qu'on puisse quand même garder une certaine force
au ministère au niveau législatif, ce
qui veut dire qu'on propose au gouvernement d'optimiser les services avec moins
de ressources, à savoir, au niveau du service aux municipalités, bien,
on peut témoigner — puis
vous allez sûrement l'entendre en cours de
commission — que les
municipalités souhaitent n'avoir qu'un seul intervenant. On vit une situation,
entre autres, avec l'analyse des
PGMR, qui est reprise à deux reprises, à la fois chez RECYC-QUÉBEC et au
ministère, et qui n'apporte aucune valeur ajoutée, en fait, et c'est un
irritant pour les municipalités.
Veux-tu compléter?
M. Michaud
(Dany) : Bien, je vous
dirais, exactement, les demandes qui sont faites des municipalités sont
assez claires, c'est de transiger avec un
seul... Ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent transiger avec les deux parties. Ils se demandent constamment pourquoi
on doit dédoubler et demander les mêmes expertises. Si on revient sur le point
de la fraction, comme on l'expliquait plus tôt, on se rend compte que, soit au ministère
et chez RECYC-QUÉBEC, souvent, différentes personnes font le même emploi. Donc, effectivement, on serait capables de le faire de façon beaucoup
plus efficace.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Michaud. Alors, à ce moment-ci, je vais céder la parole au député de Maskinongé.
M. Plante : Merci beaucoup, M. le
Président. Donc, M. Michaud, Mme Cloutier, bien, bonsoir et bienvenue.
Donc, écoutez,
je vais avoir quelques questions dans la même veine que M. le ministre, au niveau de ce que vous nous proposez, donc de jouer un rôle supplémentaire pour le ministère,
un rôle important, soit dit en
passant, et j'aimerais que vous me parliez... Au niveau
de votre exemple... Vous mettez en lumière plusieurs types d'exemples,
mais vous mettez en lumière que le ministère
semble accuser un certain retard dans l'acheminement de certains dossiers.
J'aimerais avoir quelques exemples à ce niveau-là pour voir à quel
niveau ou quels sont les dossiers qu'il y a des retards. Et comment
pouvons-nous mettre en lumière les exemples que vous nous donnez?
Mme
Cloutier (Marie) : Oui.
Bien, un exemple qu'on a mentionné dans notre mémoire et que M. Michaud
a mentionné, c'est la stratégie
de bannissement du bois. On sait qu'il s'agit d'une stratégie
qui faisait partie du plan
d'action en gestion des matières résiduelles 2011‑2015, et qui n'a toujours pas
été publiée, et qui n'a pas vu le jour encore à ce moment-ci.
On peut parler aussi de la REP, qu'on appelle,
dans notre jargon, responsabilité élargie des producteurs. Le règlement de la responsabilité élargie des
producteurs pour les halocarbures, c'est un règlement très important parce
que les halocarbures génèrent énormément de
gaz à effet de serre dans l'atmosphère; il devient d'autant plus important,
et le gouvernement était censé le mettre en place en 2014. Il n'est toujours
pas publié. Ça occasionne... Oui?
M. Michaud (Dany) : Bien, on peut
prendre un exemple concret pour vous dire exactement ce que les gens vivent et dans quelle situation on se retrouve.
Moi, j'aime bien imager les choses, alors partons de l'exemple justement
de la REP. On peut
avoir des rencontres avec des parties prenantes qui nous demandent justement de
vouloir alléger. On vient, on les
rencontre, on fait l'évaluation pour savoir, O.K., quels sont les impacts,
quels sont les impacts environnementaux, de quelle manière... on fait un plan, on indique les indicateurs de
performance, mais après on doit aller s'asseoir directement avec le
ministère et revalider le tout. Dans les circonstances où est-ce que le
ministère a d'autres priorités, on doit se retrouver
à reculer, se rasseoir encore avec les parties prenantes et avoir un délai de
temps. Trois, quatre mois plus tard, la même partie prenante nous
rappelle en disant : Est-ce qu'on peut faire un suivi? Et là on se
rassoit, on essaie de faire avancer le
dossier, mais vous comprenez qu'on n'a pas le pouvoir. Alors, à chaque fois,
tout ce qu'on fait, c'est qu'on est le porteur
de ballon, mais on ne peut jamais régler la situation. Donc, on se retrouve
dans un cercle sans fin qui occasionne, bien, une année passée, une deuxième année passée, une troisième année
passée. Et ce qu'on trouve difficile, c'est qu'on a probablement l'occasion... On en parlait, par
rapport à la REP, des halocarbures, bien, il y avait des objectifs
agressifs de pouvoir baisser les gaz à effet
de serre, bien, c'en est une, belle situation où est-ce qu'on pourrait déjà
devancer cette chose-là.
Alors, ce
qu'on demande aujourd'hui, c'est... Au lieu d'avoir fait trois tours de roue,
peut-être qu'en un et demi on aurait
réglé la situation, mais, comme on n'a pas le pouvoir, on doit toujours aller à
la priorité directe de ce qui se passe avec le ministère.
Le Président (M. Iracà) : Merci. M.
le député.
M.
Plante : Merci, M. le Président. J'entends bien ce que vous dites et
ça me sonne une cloche, une grosse cloche. C'est que, dans ma région... en tout cas, d'une région limitrophe, il y
a un projet justement de récupération de réfrigérateurs, au niveau des halocarbures, en lien avec la REP
aussi. Je pense, vous êtes au courant de ce projet-là. Mais moi,
j'aimerais savoir, concrètement, là, demain
matin, on fait un changement, mais comment RECYC-QUÉBEC va changer ma vie
pour le projet, et va changer la vie du
promoteur, et va faire que ça fonctionne mieux, premièrement? Et quels sont les
résultats qu'on va avoir rapidement et concrètement, là, de ce changement-là?
• (19 h 50) •
M. Michaud
(Dany) : Déjà, les
professionnels en place qu'on a chez nous et la performance qu'on a déjà
chez nous, l'agilité, la proximité puis
faire le plan... Puis je reviens au pouvoir. Je prends cet exemple-là. On a dû
rencontrer cette personne-là probablement quatre, cinq fois, et, à toutes les
fois, tout ce qu'on doit faire, c'est de pouvoir essayer de travailler avec lui, monter le plan, avancer
tranquillement avec lui, et, lorsque ça vient le temps, on doit aller
s'asseoir avec le ministère. Je vous le
répète encore, en n'ayant pas ce pouvoir-là, on est dans l'obligation de passer
par ce chemin-là et d'être obligés
d'attendre. Le ministère, pour toutes sortes de bonnes raisons, a d'autres
priorités qu'on comprend super bien, parce que c'est vraiment le
ministère de l'Environnement, non pas juste de la GMR. Donc, il a vraiment
d'autres priorités quelquefois.
Donc, on met
ça sur la tablette. Le monsieur en question nous rappelle pour dire :
Écoutez, on a besoin d'un suivi. C'est
une partie prenante importante, ça peut être des entreprises, ça peut être des
emplois qui vont être mis de l'avant. Donc,
on doit prendre... l'écouter et s'assurer qu'on va travailler, qu'on va
l'accompagner, cet homme-là, mais, au bout du compte, on se retrouve encore dans la même situation. Et, quand je vous
dis «concrètement», c'est parce que, si on avait eu ce pouvoir-là dès le départ, on aurait pu établir
nos plans, et faire l'acceptation tout de suite, et accepter tout de suite
ces plans-là au lieu d'être obligés de repasser par une machine qui devait nous
ralentir pour toutes sortes de raisons qui leur appartiennent.
Mme Cloutier
(Marie) : Si je peux me permettre de compléter aussi, la valeur
ajoutée de RECYC-QUÉBEC est réellement
au niveau de l'implication de toute la chaîne de valeur. Donc, quand une
entreprise comme ça voit le jour et se réalise,
nous, on va travailler avec eux en amont pour s'assurer qu'ils ont
l'approvisionnement suffisant et aussi en aval pour s'assurer qu'ils ont des débouchés. Donc, on a une
vision, on apporte à tout ça une vision globale au niveau économique, social, énergétique, pas seulement via la lunette
davantage environnementale, et c'est comme ça qu'on peut accompagner le
mieux les entreprises dans une économie verte.
M. Plante : Merci.
Le Président (M. Iracà) : M. le
député.
M. Plante : J'ai une
dernière...
Une voix : Vas-y, vas-y.
M.
Plante : Vous mettez en lumière, et de façon très, très bien, le rôle
d'accompagnateur dans les dossiers, le rôle de mise en valeur des dossiers. Bon, premièrement, j'aimerais savoir où
se situerait votre rôle d'accompagnateur au niveau des différents projets, au niveau des différentes
entreprises où vous pourriez accompagner, non seulement mettre en oeuvre
les politiques, mais aussi accompagner les
promoteurs dans les différentes mises en oeuvre de la politique. Ça, c'est
la première question, mais j'ai une
sous-question sous-jacente à ça. Au niveau des autres sociétés d'État comme la
vôtre, pouvez-vous me témoigner, ou me dire,
ou me cibler des autres qui ont un rôle semblable au vôtre à l'extérieur du
Québec? Si oui, quelles elles sont et quel rôle elles ont?
M. Michaud (Dany) : Des
sociétés d'État semblables à la nôtre?
M. Plante :
Oui.
M. Michaud (Dany) : Bien, si je prends le rôle des sociétés d'État,
ce à quoi je peux me référer, et à ceux que j'ai visités, et à ceux que j'ai rencontrés, chacun me dit : Bien,
il y a la société d'État et il y a le ministère. Il n'y a pas de doublon
à l'intérieur. Par exemple, la SAAQ est une société d'État, de l'autre côté,
son ministère ne va pas offrir les permis de
conduire, ne va pas faire le suivi de ces choses-là, il donne ça en mandataire
à sa société d'État. Tout ce qu'on demande
ici aujourd'hui, c'est juste de reprendre le rôle de cette société d'État là,
c'est tout ce qu'on demande aujourd'hui, pour que ça soit fait de façon
efficace, et, comme ça, tout le côté législatif et tout ce qui se trouve en
amont du côté législatif repose sur la
société d'État jusqu'au moment où est-ce que ça arrive au législatif, et là ça
se retrouve du côté du ministère. Je vous dirais que c'est là que se
situe le point de fraction entre les deux.
Le Président
(M. Iracà) : Merci, M. Michaud. M. le député de Maskinongé,
est-ce que ça complète?
M. Plante :
Eh bien, j'aurais peut-être une dernière question.
Le Président
(M. Iracà) : Il vous reste 5 min 45 s.
M. Plante :
Mais je vais partager aussi avec mon collègue de Dubuc, là, donc je vais être
rapide dans la dernière question.
Mais j'aimerais savoir — puis vous nous exposez ça de façon très, très bien — quels seraient ou quels sont les gains qu'on peut faire au niveau économique. Au
niveau de la nouvelle répartition des pouvoirs que vous nous proposez,
ces gains-là, quel serait, au niveau économique, au niveau administratif...
Est-ce qu'il y a des gains ou non... oui, pour le gouvernement ou pour la
société d'État? Quels seraient ces gains, s'il y en a?
M. Michaud (Dany) : Marie en a parlé directement. L'évaluation qu'on
en a faite, c'est que ça va prendre moins de monde pour faire le même travail. Déjà, il y a un gain économique de
cette partie-là. On parle de moins d'ETC et de moins d'heures de travail
forcément parce qu'il y avait déjà un doublon.
L'autre partie, c'est
sur les résultats, les attentes gouvernementales par rapport à l'environnement.
Prenons l'exemple des changements
climatiques : si on met en place une REP trois ans avant, on aurait déjà
récupéré plusieurs de ces gaz à effet
de serre. Si on réussit à travailler beaucoup plus efficacement et agilement
avec les parties prenantes qui sont alentour, bien, c'est aussi des gens
qui vont pouvoir dire que le gouvernement fait avancer leurs choses et qu'il
les appuie dans leurs projets.
Vous
savez, ce qu'on essaie de faire, c'est de s'assurer que, lorsqu'un projet est
amené sur la table, ce ne soit pas trois,
quatre ans plus tard, puis que le projet soit dépassé, puis que les impacts
soient... Tu sais, souvent, là, ce qu'on a vu, c'est qu'il y a des gens, lorsqu'il vient le temps d'avancer dans leur
projet, il y a tellement eu d'impasses qu'ils sont obligés de réviser leur projet pour arriver à autre chose.
Ça fait que cette efficacité-là va apporter directement au gouvernement
le principe qu'ils ont de l'écoute, et
qu'ils sont là, et qu'ils vont avancer aussi l'économie circulaire au Québec,
parce que c'est des emplois québécois qui vont se créer alentour de ça.
Le Président
(M. Iracà) : Est-ce que ça va, M. le député de Maskinongé?
M. Plante :
Oui, ça va bien.
Le Président
(M. Iracà) : M. le député de Dubuc, vous avez un gros quatre
minutes.
M. Simard :
Oh! merci, M. le Président. M. Michaud, Mme Cloutier, d'abord, merci
d'être là avec nous.
Une
question. Moi, chez moi, j'ai une entreprise, une jeune entreprise qui fait
affaire avec RECYC-QUÉBEC. Vous avez
donné nécessairement des subsides à l'entreprise pour être en mesure de mettre
en place cette entreprise-là. Chez
nous, l'individu a inventé — c'est le bon mot, là — une machine pour récupérer le gypse, alors
qu'on sait très, très bien le coût
qu'enfouir le gypse peut coûter, parce qu'on est au poids au niveau des
municipalités. Ma première question : Est-ce que RECYC-QUÉBEC a
véritablement la mission de faire du référencement pour faire du recyclage dans
des domaines qui sont inexistants au moment
où on se parle et que les municipalités veulent diminuer le poids
d'enfouissement? Est-ce que vous avez ce rôle-là?
Mme Cloutier
(Marie) : Absolument, on a...
M. Simard :
Est-ce que vous le faites?
Mme
Cloutier (Marie) : Il y a certaines filières pour lesquelles on est
limités faute de pouvoirs et de moyens, et, entre autres, la filière à laquelle vous faites référence, c'est les
matériaux de construction, rénovation, démolition, qui est un enjeu majeur en ce moment justement à cause des
coûts d'enfouissement que ça génère, et on sait... parce qu'on a des
études sur lesquelles on peut se fier pour
identifier que ces matières sont bel et bien recyclables. Maintenant, à
certains égards, je sais qu'il y a
des attentes d'autorisation environnementale en fonction du procédé qui est
utilisé. Donc, votre firme qui est dans votre circonscription est
peut-être en attente à ce niveau-là.
M. Simard : Ils manquent de gypse au
moment où on se parle.
Mme Cloutier
(Marie) : Ah! ils manquent de gypse. Non, mais alors c'est un enjeu de
récupération dans ce cas-là, c'est un enjeu de récupération.
M. Michaud (Dany) : Au même moment
où on se retrouve avec plusieurs centres de tri, de récupération de matériaux,
qui, probablement, ne savent pas où le mettre, le gypse.
Mme Cloutier (Marie) : Exactement.
M. Michaud (Dany) : Quand on vous
parle de justement cette économie circulaire là, d'avoir le pouvoir de pouvoir
s'approcher de ces entreprises-là, de pouvoir faire la promotion de ces gens-là,
bien, c'est ça qu'on veut aller chercher aujourd'hui, c'est d'être capables de
les accompagner, de leur fournir des outils qu'on n'a pas encore accès, de pouvoir dire : Écoutez, on a des outils,
là, vous, vous avez besoin de gypse, nous, on en connaît, on va vous faire
le lien entre les deux. Mais souvent, par des certificats d'autorisation, par
d'autres enjeux, on n'est pas capables de faire cet avancement-là.
M.
Simard : Mais je vais vous donner ça comme information, peut-être vous
le savez, peut-être vous ne le savez pas,
c'est une entreprise qui fonctionne, a toutes ses autorisations, et,
véritablement, qu'est-ce qu'il leur manque, c'est beaucoup plus de
référencements au niveau de différentes entreprises, de différentes
municipalités. Parce que, les municipalités,
vous devez comprendre que M. Tout-le-monde, quand il fait des réparations chez
eux, il se fait venir un container,
puis, après ça, il va domper ça à quelque part dans le paysage, et il y aurait
possibilité de récupérer énormément... puis
tout ce gypse-là est récupéré, puis il fait de l'engrais avec ça, il fait
toutes sortes de choses, et c'est concluant parce qu'il en manque, de
gypse, là. C'est la raison pour laquelle je pense que vous avez déjà un grand
rôle de référencement.
Je ne le sais
pas, moi, si vous le jouez correctement ou si vous avez des enfarges. Si vous
avez des enfarges, j'aurais aimé vous entendre par rapport à ces
enfarges-là, parce que vous allez comprendre que, pour ce genre d'inventeur là — soit dit en passant, c'est un
inventeur — ce
serait très important qu'on puisse les aider, et c'est comme ça qu'on va
gagner au niveau de l'environnement.
M. Michaud (Dany) : Mais là c'est un
cas très précis.
M. Simard : Oui. Bien, il n'y en a
pas d'autre, là, au moment où on se parle.
M. Michaud
(Dany) : Alors, c'est
certain qu'il faudrait aller chercher cette information-là — là, ce que je vous donnais, c'est un
état global de la situation — en ayant exactement une rencontre avec ce
monsieur-là. Comme je vous disais...
M. Simard : Bien, je vous invite.
M. Michaud (Dany) : Bien, c'est ce
qu'on va faire. Je vais pouvoir aller le rencontrer, on va regarder où ça
accroche dans la situation, et, effectivement, on a non seulement le rôle, mais
on a la capacité d'être capables de faire avancer...
Le Président (M. Iracà) : Merci
beaucoup, M. Michaud. Cela termine la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période
d'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle. M. le député
de Jonquière, la parole est à vous.
M. Gaudreault :
Oui. Alors, merci, M. le Président. Merci et bienvenue, M. Michaud — j'allais dire M. Cloutier — Mme
Cloutier. Merci beaucoup d'être ici.
Puis c'est drôle parce que, je pense, c'était
dans cette salle-ci que nous avions étudié le projet de loi...
Une voix : ...
• (20 heures) •
M.
Gaudreault : Non, ça fait... autour de 2010, je ne me souviens
plus du numéro, il y avait un projet de loi qui abolissait un certain nombre d'organismes de... 130 sociétés d'État,
puis, au début, vous étiez dans la liste. On avait fait une bataille puis on avait fait des représentations.
Finalement, le gouvernement avait enfin allumé, puis il avait retiré
RECYC-QUÉBEC, puis vous faites la
démonstration encore une fois que vous aviez eu raison de vous battre à ce
moment-là, puis on avait eu raison de
vous accompagner, avec d'autres, là, pour éviter cela. Il y avait eu aussi...
mais là on n'avait pas réussi, c'était
passé dans la machine à tordeur, avec l'Agence de l'efficacité énergétique, et
le gouvernement est en train de la recréer
indirectement par le projet de loi n° 106, avec Transition énergétique
Québec. Alors, on voit des retournements de situation comme ça, puis je pense que... Il me semble, c'était en 2010,
donc cinq, six ans plus tard, on voit finalement qu'on a bien fait de
maintenir une société d'État utile comme la vôtre.
Je voudrais
maintenant revenir sur votre mémoire.
Vous insistez beaucoup sur les municipalités qui reprochent le dédoublement de fonctions et d'interventions
à la fois avec le ministère et à la fois avec RECYC-QUÉBEC, mais vous
avez d'autres partenaires avec qui vous
travaillez, là, juste par exemple, là, les représentants de l'industrie des
contenants et de l'emballage, le
monde de l'imprimé qui vit des enjeux particulièrement avec les médias
régionaux. Moi, je suis un défenseur des médias régionaux, on pourrait en reparler
d'ailleurs plus abondamment, de façon différente. Mais, ensuite,
l'industrie du pneu, bon, etc.
Eux, ces
autres partenaires, outre les municipalités, parce que je comprends que les
municipalités sont favorables à votre
proposition... Vous en parlez un petit peu quand même dans votre mémoire quand
vous dites, à la page 8, deuxième paragraphe : Les organismes et
partenaires, bon, déplorent le décalage entre les orientations réglementaires,
etc.
Pouvez-vous
nous en parler davantage, de ces autres organismes et partenaires, outre les
municipalités, quant à votre revendication et votre recommandation?
M. Michaud
(Dany) : Est-ce que tu veux
citer un exemple? Parce que j'aurais pu parler un peu de RecycleMédias,
entre autres.
M. Gaudreault : De...
M. Michaud (Dany) : RecycleMédias,
entre autres. Lorsque vous parlez des hebdos, ça peut vous donner un exemple
concret de situation d'où on vit par notre manque de pouvoir, un peu.
M. Gaudreault : Allez-y.
M. Michaud (Dany) : Alors, on a eu
plusieurs rencontres avec ces gens-là qui sont venus nous exprimer, justement,
avec assez de conviction, leurs explications puis essayer de trouver des
terrains d'entente. Puis on a eu l'ouverture de les écouter, puis d'arriver à
un certain chemin, puis dire : Bien, écoutez, ce que vous nous prononcez aujourd'hui, ça fait du sens, on comprend qu'on
peut arriver peut-être à une entente. On voyait la bonne foi derrière
tout ça puis on essayait d'avancer.
Mais en
n'ayant pas le pouvoir, ça s'est limité à de l'écoute. Et on se retrouve dans
une situation où ces gens-là nous
demandent de faire évoluer le dossier, mais, comme je vous disais tantôt, à un
moment donné, on doit cogner à la porte
puis dire : Bien, voici comment on le présente. Et, comme on n'a pas le
pouvoir, bien, c'est une réinterprétation de la situation. Peut-être parce qu'on est plus proches, peut-être... tu
sais, on est proches de l'industrie, on est un peu plus proches de la gestion, en général, de cette GMR
là, peut-être la compréhension des industries en général, bien, on avait
peut-être des déductions qui ne sont pas les mêmes que le ministère à cet
endroit-là. Mais c'est pour vous donner un exemple qu'avec le pouvoir qu'on
aurait eu on aurait peut-être pu réussir à trouver un arrangement avec ces
gens-là.
Maintenant,
on ne peut faire qu'une recommandation, et, par la suite, ça devient la
décision du ministère. On la pousse
du maximum de ce qu'on peut, mais la recommandation reste là. Alors, ça vous
donne un peu l'exemple dans quelle situation
qu'on se retrouve assez régulièrement, mais je pourrais parler peut-être de
d'autres... As-tu d'autres partenaires que tu veux émettre?
Mme
Cloutier (Marie) : Bien, il y a plusieurs associations sectorielles
qui vivent des difficultés soit au niveau du conditionnement, du
recyclage ou des débouchés de certaines matières.
Parce que,
vous savez, il y a une quarantaine de matières résiduelles, grosso modo, là, quarante,
et chacune fait l'objet d'une chaîne
de valeurs. Il y a un générateur, il y a un conditionneur, il y a un recycleur,
puis ça prend un débouché. Et si, à
un moment donné, il y a un de ces maillons-là de la chaîne qui bloque, bien,
c'est toute la chaîne qui bloque. Donc, on se retrouve avec des matières
qui s'en vont à l'enfouissement.
Notre rôle,
c'est de tenter d'agir là où il y a des problèmes à un moment donné dans la
chaîne. Donc, ça fait en sorte que
les associations sectorielles, comme pour les matériaux de construction,
veulent essayer de travailler avec nous et comprendre. Ils nous
nourrissent, et on les nourrit aussi de réflexions pour savoir à quel niveau de
la chaîne ça ne fonctionne pas, puis on est
le mieux placés, avec eux, en travaillant très conjointement, pour identifier
les meilleures actions, qui vont avoir le plus grand impact le plus
rapidement possible. Puis on ne le regarde pas exclusivement...
M. Gaudreault : ...et, si vous
permettez, ça, c'est votre... M. le ministre, oui.
Le Président (M. Iracà) : Oui,
monsieur... Non, non, M. le député de Jonquière, ancien ministre.
M. Gaudreault : Oui, oui. Vous
faites bien de vous pratiquer, M. le Président. Je comprends très bien puis je
m'excuse de vous interrompre, mais c'est parce qu'on n'a pas beaucoup de temps,
puis...
Mme Cloutier (Marie) : Oui, bien
sûr.
M.
Gaudreault : ...je veux être sûr qu'on se comprenne bien, mais... Je
comprends très bien votre argumentaire, mais je vais y aller plus
directement.
Si, par
exemple, on était capables d'amener des modifications dans le projet de loi
n° 102 pour répondre à votre recommandation, est-ce que le
lendemain de l'adoption de la loi, il y a une levée de boucliers de la part des
autres partenaires que des municipalités?
Ils vont dire : Non, non, nous, on aime mieux le statu quo. Parce que là
vous me plaidez que, de votre point
de vue puis avec... selon votre analyse, pour les autres représentants de
l'industrie, de différents groupes, là, des différentes industries,
différents partenaires, ça va être mieux. Mais je veux savoir, de leur part,
avez-vous des appuis concrets là-dessus?
Mme Cloutier
(Marie) : Absolument. En fait, c'est tout le contraire de ce que vous
dites. Les gens vont applaudir. Et d'ailleurs je vous encourage à poser la
question directement à ces organismes-là qui vont venir vous rencontrer dans le
cadre de cette commission. Il y en a plusieurs, non seulement les
municipalités, mais d'autres représentants. Posez-leur la question,
demandez-leur, vous allez avoir l'heure juste. Il y en a plusieurs qui nous ont
déjà envoyé des lettres d'appui, d'autres nous l'ont proposé, si c'est nécessaire.
Donc, je ne pense pas que vous pouvez... Vous allez vous attendre à une levée
de boucliers, ça va être le contraire.
M. Gaudreault : O.K. Maintenant,
vous avez fait référence, à plusieurs reprises, dans votre présentation ou lors
de réponses à des questions des collègues, à l'économie circulaire. Puis
effectivement c'est un concept qui est encore en émergence, d'une certaine
manière, quoiqu'il y a des législatures ou d'autres pays, entre autres en
France, qui sont allés déjà beaucoup plus loin sur ce concept-là, même avec
l'adoption de lois, etc.
Alors, vous,
idéalement, là, si c'est vous qui teniez le crayon, là, d'une loi sur
l'économie circulaire, ou d'une mesure,
ou d'un processus, ou peu importe, qu'est-ce que vous suggéreriez puis comment
on pourrait mettre ça davantage en pratique?
Mme Cloutier (Marie) : Je pense que,
pour démarrer, c'est essentiel d'obtenir ou de se créer une stratégie
québécoise de l'économie circulaire. Et, pour ce faire, on doit asseoir autour
de la table... faire une table multi... interministérielle qui partagerait les
préoccupations.
Une économie
circulaire, ce n'est pas seulement des enjeux économiques, c'est des enjeux
sociaux, c'est des enjeux énergétiques,
c'est des enjeux de ressources naturelles. Ça touche tout ça. On vient de
signer d'ailleurs, nous, un partenariat avec l'ADEME, en France, spécifiquement pour développer cet élément-là
et on est déjà en contact avec le ministère de l'Économie, Science et Innovation qui avait intégré cette action-là dans
son plan d'action de développement durable et on a débuté le travail
pour le faire en collaboration.
Le Président (M. Iracà) : Une
minute, M. le député.
M.
Gaudreault : Une minute. Oh là là! Est-ce que... bon, c'est
parce qu'il faut que je choisisse une question, là. Dans vos recommandations, page 9, le dernier
picot, là, vous dites... vous ne croyez pas que de réduire la fréquence
de production des PGMR de cinq à 10 ans
représente une solution gagnante. Élaborez davantage là-dessus, s'il vous
plaît.
Mme
Cloutier (Marie) : Oui. Compte tenu du dédoublement administratif
actuellement qui est requis, ayant à la fois des analyses de PGMR par RECYC-QUÉBEC et par le ministère, le
projet de loi recommande des PGMR aux 10 ans pour alléger le fardeau
administratif pour les municipalités.
Nous, on ne
croit pas que cette solution-là est gagnante. On a vécu une très longue période
sans renouvellement de PGMR lors de la première génération pendant 10
ans, et les PGMR ont été tablettés. Finalement...
M. Gaudreault : Ils
deviennent obsolètes ou...
Mme Cloutier (Marie) : Absolument,
puis il y a eu une démobilisation des municipalités autour de ça.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Cloutier. Cela met fin à la
période d'échange avec l'opposition officielle.
Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec le deuxième groupe
d'opposition, et je cède la parole au député de Masson.
M. Lemay : Merci, M. le Président.
Merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Vous savez, 25 ans de RECYC-QUÉBEC et
puis 25 ans qu'on n'a pas revu la gouvernance du programme de gestion des
matières résiduelles, il doit y avoir beaucoup de choses à dire. Vous partiez
sur une lancée.
En fait, moi,
ce que je comprends de votre présentation dans votre mémoire, c'est que vous
vouliez qu'on encadre RECYC-QUÉBEC,
là, pour mieux vous permettre à jouer votre rôle dans le programme de gestion
des matières résiduelles. C'est ce que je comprends, grosso modo, là?
Mme Cloutier (Marie) : Oui. Le
milieu des matières résiduelles a énormément évolué dans les 20 dernières années. Ce qui pouvait être approprié il y a 20
ans comme encadrement législatif n'est plus approprié, d'après nous,
pour accompagner le Québec pour une meilleure performance environnementale.
M. Lemay : Parfait. Dans le projet... Dans la LQE, la
section des matières résiduelles, c'est les articles 53 à 70. Dans votre mémoire, j'essaie de voir si vous voyez
des amendements qu'on pourrait apporter dans cette section-là.
Je ne l'ai pas vu nécessairement. Est-ce que vous avez des articles plus
spécifiques que vous voudriez qu'on se penche pour...
Mme
Cloutier (Marie) : On parle principalement de l'article 53.4, où là le ministre peut confier à la société d'État des mandats additionnels à
ce qu'on fait actuellement et, un peu plus loin, il donne... en fait, il
délègue à la société d'État le pouvoir de
gérer ces mandats-là. Donc, c'est à la fois
donner des mandats additionnels et octroyer plus de pouvoirs à la société
d'État.
• (20 h 10) •
M.
Lemay : O.K. Parfait. On le
voit aussi ici à 53.5.1, dans le fond, là, le... C'est là qu'on dit : Le ministre peut confier à la société
québécoise... Bon, O.K. Parfait. Donc, ça, vous dites, vous voudriez avoir plus
de précisions ou vous vouliez juste...
Mme Cloutier (Marie) : En fait,
c'est à cet article-là...
M. Lemay : On a-tu quelque chose à
changer à l'article ou c'est simplement de dire : Il faut se baser sur cet
article-là pour vous permettre de jouer votre rôle?
Mme
Cloutier (Marie) : C'est ça. Le fait que ce soit intégré à la Loi sur
la qualité de l'environnement va ensuite nous permettre d'actualiser la
loi constitutive de RECYC-QUÉBEC en tant que société d'État.
M.
Lemay : Parfait. Et puis là, vous l'avez mentionné tout à l'heure avec
mon collègue député de Jonquière, au niveau
des MRC aussi, là, qu'elles doivent revoir, là... Donc, ce que vous dites,
c'est qu'on devrait laisser ça à cinq ans, là, de... En fait, on devrait
mettre ça sur cinq ans absolument.
M. Michaud
(Dany) : On ne s'est pas
commis sur un délai de temps, mais on disait que ce n'est pas nécessairement 10 ans qui est la solution, c'est plutôt un accompagnement beaucoup
plus agile et efficace, et la notion de temps pourrait être modifiée. Mais ce qu'on dit, c'est que je
pense que ce n'est pas nécessairement la solution ultime. C'est qu'il faut quand
même attacher ça à une meilleure agilité, parce que 10 ans, dans l'expérience
qu'on a eue dans le passé, c'est que ça finissait qu'il y avait un oubli puis
ça tablettait l'information. C'était un peu plus difficile.
M.
Lemay : Parfait. Si je
prends le projet de loi puis je m'en viens au tout début du projet de loi, là, je pense, dans l'article
1, on... article 1, alinéa 11.2°, là, on introduit la notion de valorisation de
matières résiduelles. Je ne sais pas si vous avez un point à mentionner là-dessus. Tu sais, est-ce que vous voyez que le texte est
bien, selon vous, puis vous auriez fait des modifications, vous l'auriez
mis à plus d'endroits dans le projet de loi?
Mme Cloutier (Marie) : On émettrait,
de notre côté, la recommandation d'élargir la notion de «matières résiduelles», parce que, tel que défini actuellement dans la loi, «matières résiduelles» est défini comme une matière
laissée à l'abandon, et ça occasionne
certains enjeux au niveau de la propriété de la matière résiduelle. Donc, on
croit qu'il y aurait lieu de
revisiter cet article-là sur la définition des matières résiduelles pour en
faciliter la gestion et la prise en charge par un système qu'on peut
définir dans la société.
M.
Lemay : O.K. Donc, on
élargirait... parce que, juste avant ça, à l'article 1, alinéa 11.1°, là,
on dit : «élimination de
matières résiduelles». Après ça, à 11.2°, on dit : «valorisation de matières
résiduelles», puis là il y a une liste. Là, dans le fond, ce que vous dites, c'est qu'on pourrait
l'élargir pour inclure plus de fonctions, parce que, comme vous
mentionnez, des matières résiduelles d'il y a 20 ans, aujourd'hui, c'est devenu
des matières premières pour des nouveautés des entreprises québécoises qui
peuvent même utiliser ces matières-là pour la réduction des gaz à effet de
serre.
Mme
Cloutier (Marie) : C'est des
intrants à peu de frais puis qui créent des belles entreprises innovantes
avec des nouvelles technologies.
M. Lemay : J'ai pas mal saisi le
sens de votre message, là. Je ne sais pas si vous aviez quelque chose d'autre à
ajouter que vous n'aviez pas mentionné précédemment.
M. Michaud (Dany) : Bien, je pense
qu'on a fait le tour.
Mme Cloutier (Marie) : Nous, en
fait, peut-être, en guise... On veut vraiment... On cherche à travailler en complémentarité avec le travail que fait le ministère.
On croit qu'il y a moyen d'optimiser ce travail-là pour rendre un meilleur service aux clientèles et aussi que le ministère
puisse conserver son rôle de législateur et se concentrer sur ce rôle-là
aussi.
M. Michaud (Dany) : C'est juste de
reprendre le rôle de la société d'État.
M.
Lemay : O.K. Pas de
problème. Puis, juste en terminant, tantôt, vous avez mentionné RecycleMédias,
et puis je sais que ça a fait l'objet
d'une question écrite au feuilleton, qu'on a reçu une réponse récemment.
Et puis il va y avoir une rencontre,
je crois que c'est prochainement, là, dans les deux, trois prochaines semaines,
à Montréal, pour justement
parler de cet enjeu-là. Vous avez mentionné tout à l'heure, là, que vous auriez une seule recommandation à émettre. Est-ce que c'est possible de la
recevoir?
M. Michaud
(Dany) : Ce n'est pas une
seule recommandation. Ce qu'on a dit, c'est qu'on est en mode
écoute et, même si on a des solutions
arrivées avec RecycleMédias, à partir du moment où est-ce qu'on peut seulement
leur parler, notre rôle se dilue à
l'intérieur de ça. Donc, on les écoute, on essaie de comprendre avec eux, on
essaie d'avancer, mais ça se limite à la hauteur de pouvoirs qu'on est
capables d'avoir.
M.
Lemay : Mais ça, ces recommandations-là, est-ce que c'est possible de
les consulter en quelque part?
Le Président (M.
Iracà) : En 20 secondes, M. Michaud.
M. Michaud (Dany) : Ce n'est pas des recommandations qui sont écrites, là, c'est des recommandations qui ont été discutées parce
que les gens nous ont soumis leurs problématiques, le risque qu'il y avait, la
manière dont ils voulaient fonctionner.
Alors, on a pris le temps vraiment de les écouter, de regarder comment ça a été
fait, mais, comme je vous dis, ça s'est situé au niveau de l'écoute, tout
simplement.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Michaud, Mme Cloutier, pour votre participation à la commission.
Je vais suspendre les
travaux quelques instants pour que le deuxième groupe puisse s'installer.
Merci.
(Suspension de la séance à
20 h 15)
(Reprise à 20 h 18)
Le Président (M.
Iracà) : Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue
aux représentants du conseil des patronats de l'environnement du Québec. Je
vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite,
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Alors, mesdames, la parole est à vous.
Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)
Mme Lauzon (Hélène) : Bonjour, M. le Président. Merci pour cette invitation. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mme et MM. les parlementaires. Merci de cette invitation. Donc, je commence à me... donc, Hélène
Lauzon, la présidente-directrice
générale du Conseil patronal de l'environnement du Québec, et je suis accompagnée ce soir par Me Marie-Claude
Bellemare du cabinet Borden Ladner Gervais.
Et
donc je commencerais d'emblée en vous disant : Bien, vous connaissez le
conseil, donc, comme on a 10 minutes, on
y va rapidement, d'emblée. Je salue d'abord
la volonté gouvernementale de procéder à cette refonte majeure du
régime d'autorisation. C'est une refonte que nous attendions depuis
très longtemps, et donc on ne peut que se féliciter d'aller de l'avant
avec une telle refonte. Ça s'inscrit et ça s'est fait assez rapidement, je dois
dire, ça s'inscrit dans cette volonté d'allégement
réglementaire, de simplification
aussi, d'efficacité administrative. Donc, que le projet de loi soit déposé
assez rapidement après la production du rapport sur l'allégement réglementaire,
on peut s'en féliciter.
• (20 h 20) •
Nous
accueillons plusieurs mesures du projet de loi favorablement. Je vous dirais
d'abord l'autorisation unique; ensuite, la disparition de l'attestation
municipale, qui est très importante pour les entreprises; l'accentuation de la modulation du régime d'autorisation en fonction du
risque; puis l'encadrement d'une procédure de consultation dans le cadre de la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts. Nous nous expliquerons sur les objections que nous avons par
rapport au test climat et nous ferons part également des préoccupations que
nous avons dans le dossier de l'accès à l'information sur la question de la
protection des secrets industriels.
Donc,
je débute avec l'attestation municipale, l'attestation de conformité
municipale. Pour les parlementaires qui sont peut-être moins familiers avec cette notion, lorsqu'une entreprise
a pour objectif ou comme objet de vouloir présenter un projet au
ministère, une demande de certificat d'autorisation, elle doit, cette
entreprise, préalablement obtenir une attestation
de conformité municipale, donc une attestation qui confirme que son projet est
conforme à la réglementation municipale.
Nous avons eu de
multiples problèmes avec ce type d'attestation dans le passé parce que le
ministère refuse d'étudier une demande de
certificat d'autorisation tant que cette attestation-là n'est pas soumise au
dossier. Donc, ce type d'attestation,
souvent, ça a été une façon de retarder les dossiers. Je peux vous nommer
plusieurs dossiers où les attestations municipales
ont pris... on a dû obtenir... peut-être six mois, une année, avant de les
obtenir, si c'est... dans certains cas, on a même dû prendre des procédures judiciaires en mandamus pour forcer les
municipalités à délivrer l'attestation municipale.
Donc, si la
problématique, au fond, qui est derrière ça, c'est que les municipalités
souhaitent être consultées pour les projets,
bien, elles le seront selon les bonnes pratiques en acceptabilité sociale. Puis
on s'attend à ce que le livre vert, qui deviendra éventuellement la
politique en acceptabilité sociale du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, bien, ça sera la façon de consulter
les municipalités, mais de ne pas quand même profiter de cette occasion
pour donner un pouvoir aux municipalités
pour venir freiner un projet sur la base du fait qu'on n'a pas respecté une
réglementation municipale. Les
entreprises sont, de toute façon, obligées de respecter la réglementation
municipale. Donc, elles devront par la suite consulter les entreprises
au même titre que toute autre partie prenante pour le dépôt d'un projet.
Le
régime d'autorisation, bon, on va se féliciter qu'il y ait un régime à
géométrie variable, en fonction du risque, donc risque négligeable,
risque faible, risque modéré, risque majeur. Ce qui est important, je pense,
c'est de baliser rapidement qu'est-ce que
c'est, cette notion de risque. Et ce que nous croyons, c'est que la liste, que
ce soit pour les projets à impact négligeable, les projets à impact
faible et même à impact majeur, il est important que ces listes soient révisées
périodiquement parce que les situations évoluent dans le temps.
Ce que je vous
dirais, pour les projets à faible risque, bien sûr, les consultants seront mis
à contribution pour élaborer les déclarations de conformité, mais il reste que
c'est quand même l'entreprise qui demeure imputable et responsable
ultimement. Pour ce qui est des projets à impact majeur, nous avons une grande
préoccupation par rapport à ce pouvoir qui
est conféré au ministre d'assujettir un projet à une procédure d'évaluation et
d'examen des impacts, même si le projet n'est pas énuméré dans la liste
réglementaire des projets.
Je
passe maintenant au test climat. Notre compréhension du test climat est le
suivant : Si une entreprise souhaite déposer un projet et que ce
projet démontre qu'il y a des émissions de gaz à effet de serre qui
éventuellement dépasseront un certain seuil,
mais alors le ministre aurait la discrétion d'exiger un plan d'atténuation des
impacts de ce projet, des impacts des
émissions de gaz à effet de serre, pourrait peut-être même revoir la
technologie et assujettir le projet à la procédure d'évaluation et
d'examen des impacts, même si ce projet n'est pas énuméré sur la liste des
projets.
Nous,
ce que nous prétendons, c'est que le marché du carbone incite les entreprises à
réduire leurs émissions de gaz à
effet de serre. Alors, dans le marché du carbone, vous avez les grands
émetteurs qui émettent 25 000 tonnes de gaz à effet de serre par
année. Ces entreprises-là, parce qu'elles ont l'obligation éventuellement de
réduire ou d'acheter des crédits carbone,
elles sont automatiquement incitées à réduire leurs émissions de gaz à effet de
serre, que ce soit lors de la conception d'un projet ou dans le cadre
d'un procédé. Et, pour ce qui est des entreprises qui ne sont pas assujetties
au marché du carbone, les plus petites
entreprises, elles se font transférer le coût carbone par leurs distributeurs
de carburant ou combustible. Donc, comme elles se font transférer le
coût carbone, bien, elles ont aussi un incitatif à réduire leurs émissions de
gaz à effet de serre.
Donc,
pour nous, l'imposition d'un test climat constitue un dédoublement par rapport
aux exigences du marché du carbone.
Si, par contre, le ministre, le gouvernement souhaitait tout de même aller de
l'avant avec un tel test, pour nous, ce qui est important, c'est que le seuil soit au moins équivalent au seuil
que l'on retrouve en ce moment sur le marché du carbone, c'est-à-dire un
seuil réglementaire à 25 000 tonnes par année. Ce sont les commentaires
que nous avions sur le test climat.
Choix
d'une technologie. On voit que, dans le projet de loi, le ministre pourrait
faire revoir par une entreprise la technologie qu'elle utilise. Sur cet
aspect, je vous référerais à la politique sur l'allégement réglementaire, la
politique gouvernementale, qui nous demande
de miser sur les résultats et non sur les moyens. Lorsque le gouvernement
commence à regarder quelle est la technologie utilisée par une entreprise,
alors, quant à nous, on entre dans les moyens plutôt que dans les résultats.
Je
passe maintenant à l'accès à l'information. Bien sûr, nous sommes favorables à
la bonification des informations accessibles
au public. C'est un enjeu fondamental. Par contre, ce qu'on a constaté, à la
lecture du projet de loi, c'est que tous les documents qui sont soumis par une entreprise à l'appui d'une demande
de certificat d'autorisation deviennent désormais publics, selon ce qui est prévu au projet de loi,
et ces documents contiennent toujours des secrets industriels. Ces
documents-là, en ce moment, ne sont pas
accessibles au public. Ils le deviendraient, donc nous avons une très grande
préoccupation par rapport à la protection des secrets industriels qui se
retrouvent dans ces documents.
Nous
vous demandons de prêter une attention particulière et de protéger les secrets
industriels, expressément. Il est
important que vous vous posiez cette question par rapport à la protection des
secrets industriels, non seulement pour les nouveaux projets, mais également pour les projets existants ou ceux qui
ont déjà été autorisés. Les projets qui ont déjà été autorisés, lorsque
les initiateurs de projets les ont déposés, ils avaient à l'esprit que leurs
secrets industriels seraient protégés
puisqu'en ce moment ils le sont. Alors, si jamais vous alliez de l'avant avec
une telle disposition, est-ce que les secrets industriels de ces projets
qui avaient préalablement été autorisés seraient maintenus? Nous vous
soumettons qu'il est nécessaire qu'ils soient maintenus puisqu'ils ont été
autorisés avec l'esprit qu'ils étaient protégés.
Je passe maintenant à
l'assujettissement à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts.
D'assujettir, sur une base discrétionnaire,
un projet qui n'est pas prévu dans la liste des règlements nous apparaît un
pouvoir qui est beaucoup trop large et qui devrait même être retiré du
projet de loi. Si jamais le gouvernement le maintenait, nous croyons qu'il serait important que le gouvernement
se décide dans un délai de 15 jours, et non pas de trois mois, pour
qu'une entreprise sache si elle est assujettie à la procédure d'évaluation et
d'examen des impacts.
Le Président (M.
Iracà) : 40 secondes, Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Hélène) : Je termine alors avec la gouvernance du Fonds vert, puis les questions
pourront permettre d'aller dans le
détail avec d'autres choses. Nous saluons la nouvelle gouvernance du Fonds
vert. Nous ne comprenons par contre
pas pourquoi il y a une différence dans la gouvernance du Fonds vert et dans la
gouvernance du nouveau fonds, pourquoi on n'a pas prévu une gouvernance
identique pour le nouveau fonds qui est proposé.
Alors,
nous saluons cette initiative, M. le Président. Ce sont de bonnes intentions
pour favoriser le développement économique.
Par contre, ça prend beaucoup de prévisibilité, et nous insistons sur la
nécessité de maintenir la prévisibilité. Je vous remercie de votre
attention.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Lauzon, de votre exposé.
Nous allons procéder maintenant à la période d'échange avec la partie
gouvernementale, et, de ce pas, je cède la parole au ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour... Bonsoir, plutôt. Merci
pour votre présentation ainsi que votre mémoire.
Je vais commencer
sur... tiens, on va parler de la question... vous parlez de risque d'imposition
de choix technologique à des entreprises. Je n'ai pas lu une disposition encore
dans le projet de loi qui dit ça. Si vous voyez ce langage-là, j'aimerais bien
trouver ce langage-là.
Mme Lauzon (Hélène) : 25.8°, M. le
ministre.
M.
Heurtel : Mais je n'impose rien.
Mme Lauzon (Hélène) : O.K. Alors, c'est peut-être une mauvaise interprétation... ou de
compréhension de notre part. Je vais
seulement lire... alors que vous pouvez imposer «des mesures visant à réduire
les émissions de gaz à effet de serre attribuables à l'activité,
notamment le choix d'une technologie particulière».
M. Heurtel :
Oui, mais...
Mme Lauzon
(Hélène) : Je m'excuse, je vous ai interrompu.
• (20 h 30) •
M.
Heurtel : C'est parce que, moi, ce que je vois, dans ce que vous
dites, c'est comme... c'est un automatique. Il y a le mot «peut» dans ça, et le fait est que, quand vous dites moyens
versus résultats, je ne comprends pas que là, là-dessus, on impose un
moyen, mais que, depuis 44 ans, quand on émet des certificats d'autorisation
avec des conditions, c'est presque toujours
que des moyens, continuellement. Ça parle des moyens, ce n'est pas des listes
de résultats à atteindre. Alors, je ne comprends pas que, tout à coup, quand on
parle de changements climatiques, là, il faut parler de résultats, mais,
depuis 44 ans, on peut parler de moyens dans
tout ce qu'il reste. Je ne comprends pas pourquoi, juste dans ce
domaine-là, on doit mettre de côté les moyens.
Mme Lauzon
(Hélène) : Je vous dirais, M. le ministre, que ce n'est pas que dans
ce domaine-là. Nous avons souvent répété que nous souhaitions que le
gouvernement, même dans l'imposition de conditions, s'en tienne à l'obtention
de résultats, et non pas à l'obtention d'un moyen ou à l'imposition d'un moyen.
Donc, ce qu'on vous dit aujourd'hui : Oui pour les changements
climatiques, mais on l'a répété souvent au gouvernement dans le passé.
M.
Heurtel : En tout cas, c'est une pratique qui est quand même assez
établie, là, dans les certificats d'autorisation. Ils sont souvent assortis de recommandations... de
conditions, plutôt. Les rapports du BAPE, c'est sur les moyens. Il me semble que tout notre processus d'évaluation
environnementale parle de moyens, alors je... Si on revient justement à
la possibilité — et c'est une possibilité — d'imposer une technologie, comment vous
voyez que, dans un contexte où il faut réduire
les émissions de gaz à effet de serre, il n'y ait pas, justement, une
discussion avec le promoteur en amont pour déterminer, justement, étant donné l'ensemble des mesures, directives,
politiques, cibles, etc., qu'on a en matière de lutte contre les changements climatiques... Pourquoi on
ne peut pas explorer avec le promoteur s'il n'y a pas des meilleures
technologies existantes? Et, s'il y en a, c'est quoi, le drame qu'on se serve,
justement, du Fonds vert pour aider le promoteur à mettre en oeuvre ces
nouvelles technologies là? En quoi ça lui nuit?
Mme Lauzon (Hélène) : Ah! bien là... Alors, votre dernière phrase me séduit parce que ce que
j'allais vous dire, M. le ministre,
c'est qu'on ne voit aucune objection à ce qu'il y ait des discussions — puis je l'ai souvent répété dans le passé et encore récemment — pour atteindre nos objectifs de réduction de
gaz à effet de serre pour le secteur industriel. Là, ce n'est pas compliqué, c'est : ou on change
le procédé industriel, puis là on est dans les ordres de grandeur
astronomiques en coûts, ou on modernise.
Alors, on modernise le procédé industriel ou on modifie les équipements. Encore
là, je vais vous donner un exemple
concret : trois fours, en ce moment, qui fonctionnent avec des
combustibles; si on passe à des fours à arc électrique, c'est
26 millions par four. Mais le programme ÉcoPerformance du Fonds vert est
plafonné à 5 millions, M. le ministre. Bien, ce n'est pas avec
5 millions qu'on va pouvoir changer les fours.
M. Heurtel :
...sur l'autre conversation, là.
Mme Lauzon (Hélène) : Bien oui, mais ça va avec, dans le sens, si votre équipe nous imposait
une modernisation de procédé ou un
changement d'équipement dans le... excusez-moi, quand le gouvernement... si le
gouvernement nous imposait un changement de procédé ou une modernisation
d'équipement, bien, il faudrait, à tout le moins, que ce soit assorti de
mesures économiques à la hauteur de ces modifications. Sinon, c'est des
fermetures.
M. Heurtel :
Alors, si je modifie les programmes, vous êtes pour le test climat?
Mme Lauzon (Hélène) : Si vous modifiez les programmes, est-ce que je ferai un test climat? Je
ne le dirais pas de cette façon-là.
Je ne pense pas que je répondrais de cette façon-là parce que je dirais :
Vous dédoublez quand même par rapport au marché du carbone.
M. Heurtel :
Alors, en quoi je dédouble pour une autoroute? Un projet d'autoroute? En quoi
je dédouble? Une autoroute, ce n'est pas soumis au marché du carbone.
Mme
Bellemare (Marie-Claude) : Je pense que... Si vous me permettez
d'intervenir là-dessus... Puis je pense qu'on avait déjà eu une
discussion similaire quand on a parlé du livre vert...
M. Heurtel :
Vous ne m'aviez pas donné de réponse à ce moment-là non plus.
Mme Bellemare
(Marie-Claude) : Oui, en fait, je vous ai donné une réponse à ce
moment-là. Je vous avais indiqué qu'il y a
une différence entre la planification du territoire... Ça, c'est une chose,
O.K.? Comme gouvernement, de faire les décisions, de prendre les décisions face
à l'aménagement du territoire, ça, c'est une chose. Puis, si je reviens,
par exemple, à vos véhicules, les véhicules
sont assujettis indirectement au marché du carbone parce que le coût carbone
est transféré. Donc, il y a un impact aussi, à cet égard-là, au niveau du choix
des véhicules, au niveau de l'endroit où on va le situer comme citoyen.
Donc, de dire qu'il
n'y a pas une... Je pense qu'on mélange deux enjeux. Il y a un enjeu
d'aménagement du territoire, qui, ça, est
une chose, est un choix gouvernemental, comment on veut que le territoire se
développe. Mais, face aux industries en question, à savoir qu'il y a un
dédoublement... Parce que je ne vois pas non plus nécessairement comment votre test climat, d'un point de vue d'une
industrie, à un endroit donné, ne serait pas un dédoublement puis ne va
pas nécessairement résoudre votre question sur l'autoroute.
M. Heurtel :
...Port-Daniel, en quoi, je veux dire, vous trouvez que c'est bon, pour vos
membres, de vivre la saga qu'on a vécue,
d'aller devant les tribunaux, les médias, toutes les questions
qui ont été soulevées, ça, c'est un processus à encourager?
Mme
Bellemare (Marie-Claude) :
...sur le dossier de Port-Daniel, ce que je dirais à cet égard-là, c'est qu'il y a un enjeu qui n'était pas juste lié aux gaz à effet de
serre, il y avait un enjeu de transparence et de prévisibilité
relativement à la gestion de la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts, de sorte que ce qui était notamment
demandé, c'est qu'à projets égaux les
projets soient traités de façon égale. Et donc je pense que ce serait de
réduire l'enjeu environnemental de Port-Daniel,
ou le débat qu'il y a eu à cet égard-là, même devant les tribunaux, pour
simplement dire qu'elle en était une de question de gaz à effet de
serre. C'était beaucoup plus complexe que ça, puis c'est une question de la
procédure et d'évaluation et d'examen du projet.
M.
Heurtel : En tout cas, j'étais là, là, puis le dossier, c'était... a
commencé et s'est terminé et continue aujourd'hui uniquement sur la
question des émissions de gaz à effet de serre. Alors, je trouve particulier
que vous pensez qu'on ne pourrait pas
s'asseoir avec les promoteurs avant que tout ça arrive, puis qu'on pose les
questions à la lumière de tout l'écosystème
qu'on a mis en place pour lutter contre les changements climatiques, qu'on
essaie de valider avec le promoteur, s'il n'y a pas moyen, si le cas se
présente, d'améliorer le projet à la lumière de ces réalités-là.
Alors,
d'appeler ça un dédoublement, c'est votre droit le plus strict, moi, j'appelle
ça de l'efficacité, puis une façon plus cohérente de travailler. Mais
bon. La question... l'autre point...
(Interruption)
Une voix :
...
M. Heurtel :
Nous ne sommes pas disponibles. La...
(Interruption)
Le Président (M.
Iracà) : M. le député.
Une voix :
...
Le Président (M.
Iracà) : M. le ministre, poursuivez.
M. Heurtel :
C'est parce que c'est difficile, M. le Président. J'ai été déconcentré.
Le Président (M.
Iracà) : Je sais, je sais.
M.
Heurtel : La question de la déclaration de conformité... peut-être je
ne saisis pas votre propos. L'objectif, ici, c'est tant d'engager la responsabilité du promoteur que du tiers
professionnel qui va signer. L'inspiration, c'est un peu comme un vérificateur externe, un vérificateur
comptable externe. Si le vérificateur externe signe quelque chose qu'il n'aurait pas dû, bien, il engage sa responsabilité
professionnelle et peut-être même pire, mais ça ne dégage pas le
déclarant de sa responsabilité. Alors, je ne sais pas, qu'est-ce que je n'ai
pas saisi, là, dans votre propos?
Le Président (M.
Iracà) : Mme Lauzon.
Mme Lauzon
(Hélène) : Merci, M. le Président. C'est un consultant, vous avez
raison, M. le ministre...
M. Heurtel :
Alors, ce n'est pas votre préoccupation, donc.
Mme Lauzon (Hélène) : Bien, c'est que le consultant peut signer sur la conception, mais,
quand arrive le moment de
l'exploitation, comment le consultant peut s'assurer que l'entreprise va mettre
en place tout ce qui a été recommandé au départ? C'était seulement ça.
M.
Heurtel : On s'entend. Non, mais l'idée de la déclaration de
conformité, c'est de dire... puis encore, on parle de projets classés d'avance à risque faible, hein?
Donc, déjà, en partant, il y a comme une présomption de projets qui ont des impacts limités, disons. Alors, l'idée, c'est
de dire... puis ça va viser des secteurs déjà très normés, éprouvés, tu
sais, dans le temps, où il n'y a pas
beaucoup de développement, où c'est assez prévisible comme situation. Alors,
c'est de dire : Bon. Je veux un
tiers. Le tiers révise le projet sous son sceau, sous sa signature ou en sa
responsabilité professionnelle, juge que
ça respecte le projet. Mais, plus tard, dans l'exécution du projet, bien là,
si, lors de l'inspection, ce n'est pas respecté, c'est le promoteur qui
est responsable.
Mme Lauzon (Hélène) : On s'entend.
Mme Bellemare (Marie-Claude) : C'est
juste que, dans les sections sur la déclaration de conformité, il y a des
attestations. On laisse sous-entendre, puis c'est peut-être une question de
précision au niveau de la rédaction... il y
a deux types d'attestations qui
seraient demandées du consultant, une au
niveau de la conception, et une par
la suite. Donc, c'est de là aussi que le questionnement en est venu.
M. Heurtel : Parfait. Moi, ça va.
Merci.
• (20 h 40) •
Le
Président (M. Iracà) : M. le ministre, ça va? Est-ce qu'il y a des députés de la partie gouvernementale qui désirent poser une question?
Il vous reste 4 min 28 s. Alors, M. le député de Mégantic et
le député de Dubuc. Le député de Mégantic en premier?
M. Bolduc : Oui. Ce ne sera pas
long. Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames, il me fait plaisir de vous
entendre. Vous dites, dans votre résumé — dans votre mémoire,
excusez-moi — que
le CPEQ estime que le délai de cinq ans pour
l'exploitation d'un établissement industriel, le permis, est trop court et devrait
être allongé. Je voudrais vous entendre là-dessus, parce que, dans — puis
je vous donne un contexte — l'évolution
technologique d'aujourd'hui, le nombre de
changements, même si on dit : L'entreprise devra déclarer toutes ses
modifications, ses changements, etc., la nature des structures et des
opérations fait qu'il y a passablement de changements. Donc, dans un
environnement de contextes dynamiques et de
changements technologiques — appelons-les significatifs — comment vous pouvez nous dire que ce
délai de cinq ans est trop court? Et, si cinq ans, c'est acceptable, sous
quelles conditions?
Mme Lauzon
(Hélène) : Moi, je vous
dirais que c'est trop court, parce
que, si une autorisation est valide
pour cinq ans, le temps que l'entreprise doit mettre à préparer un dossier pour
aller en renouvellement, bien, elle va tout simplement obtenir son autorisation valide pour cinq ans et
elle va devoir déjà amorcer les travaux pour le renouvellement dans cinq ans, parce que c'est très long.
Donc, c'est juste pour une question de prévisibilité, pour que les investisseurs
se disent : Bon, bien, à partir du
moment où j'investis au Québec pour éventuellement entreprendre un projet,
bien, je sais que j'en ai pour au moins un certain nombre d'années, et non
pas cinq ans.
Mme
Bellemare (Marie-Claude) :
Puis on va illustrer, si vous me permettez, avec les attestations
d'assainissement. En ce moment, il y a des dossiers devant le ministère
de l'Environnement qui prennent plus de 10 ans avant que l'autorisation
soit délivrée.
M. Bolduc : Pourquoi vous ne me
dites pas plutôt : La procédure est trop compliquée?
Mme Bellemare (Marie-Claude) : Bien,
c'est parce que ça va... En fait, ça va dans les deux sens : un, la procédure, elle est très longue, d'une part; puis,
d'autre part, il y a des entreprises qui, par la nature de leurs
opérations... Si je peux illustrer, on n'a
pas un interrupteur «on-off» où on peut, en cliquant des doigts, mettre à
niveau aussi, par ailleurs. Il y a des types de procédés aussi que ce
n'est pas possible non plus, par ailleurs, de changer aux cinq ans, et c'est
souvent... Ces types d'entreprises là, la teneur des investissements au moment
où on met les sous pour aller chercher l'équipement,
de savoir... on ne les rentabilise pas nécessairement sur cette période-là, de
cinq ans aussi, d'où l'importance de cette prévisibilité.
M. Bolduc : O.K. Puis je vous
laisse...
M. Simard : Oui, merci.
Le Président (M. Iracà) : Alors, M.
le député de Dubuc.
M. Simard :
Merci, M. le Président. Mesdames, d'abord, bienvenue, merci d'être ici avec
nous. À la page 13 : «Le CPEQ
craint [...] à la lecture des articles 177 et 178 du projet de loi [...] que la
confidentialité des secrets industriels puisse être compromise.» Vous l'avez dit d'entrée de jeu, si on se
souvient bien. Donc, est-ce que le CPQ peut nous donner des exemples
concrets pour les gens qui nous écoutent, là? Quels enjeux que vous avez par
rapport à ça?
Mme Lauzon (Hélène) : Si vous avez
un document dans lequel vous dites : Écoutez, voici les intrants que j'utilise... Pour obtenir mon autorisation, là, je
dois faire part de mes intrants, je dois faire part des impacts de ces
intrants-là sur l'environnement à partir du moment où
l'usine sera en opération. Mais seulement de connaître les intrants peut
permettre parfois à un concurrent de connaître le procédé et donc de faire en
sorte que notre secret est dévoilé. C'est comme la recette d'un gâteau, où
c'est aussi possible qu'une telle chose se produise.
M.
Simard : Parce que je vous pose cette question-là, M. le Président,
parce qu'en réalité, vous savez, beaucoup, beaucoup de gens, beaucoup de
groupes veulent avoir que ce... ils veulent que ce soit transparent, ils veulent
que ce soit divulgué. Donc, c'est la raison pour laquelle je vous pose cette
question des enjeux que vous avez au niveau des entreprises. Maintenant...
Le Président (M. Iracà) : Merci
beaucoup, M. le député de Dubuc.
M. Simard : Oh! j'ai fini, moi?
Bien, je m'excuse.
Le
Président (M. Iracà) : Malheureusement, il ne reste plus de temps.
Donc, vous avez fait le tour. Vous allez peut-être pouvoir y revenir dans d'autres échanges. Ceci met fin à la
période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période d'échange avec
le porte-parole de l'opposition officielle. M. le député de Jonquière,
la parole est à vous.
M.
Gaudreault : Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Lauzon, Mme
Bellemare, merci beaucoup d'être ici au nom du Conseil patronal de l'environnement. Je veux revenir sur la
question du test climat. Vous avez eu un bon échange avec le ministre à ce sujet-là. Nous savons par
ailleurs que vous êtes également la coprésidente du Comité-conseil sur
les changements climatiques du ministère, qui fait, à l'occasion, des avis sur un certain nombre de questions. Est-ce
que le comité-conseil a fait un avis sur le test climat auprès du ministre?
Mme Lauzon
(Hélène) : Non, pas d'avis
sur le test climat, ce test climat du projet
de loi n° 102, non, le ministre
ne nous a pas demandé de lui procurer un
avis. Je ne vous dis pas qu'un tel concept ne pourrait pas surgir autrement,
mais, sur le test climat, tel qu'il est prévu dans le projet de loi n° 102,
non, nous n'avons pas émis d'avis.
M. Gaudreault : Mais est-ce
qu'il y a eu des avis sur d'autres aspects du projet de loi n° 102?
Mme Lauzon (Hélène) : Non, non plus.
M.
Gaudreault : Non? O.K.
S'il s'avère qu'il y a des avis, est-ce qu'on pourrait y avoir
accès? Est-ce que les avis — c'est
une question que je pose comme ça — est-ce que les avis du
conseil sont publics?
Mme Lauzon
(Hélène) : Non, c'est un
comité-conseil, donc c'est le ministre qui a la discrétion de rendre publics les avis. Le seul avis ou les seules recommandations qui ont été rendues publiques à ce jour, ce sont les recommandations
portant sur la cible à l'horizon 2030, la cible de réduction d'émissions
de gaz à effet de serre.
M.
Gaudreault : O.K.
Mais vous, est-ce que vous pensez qu'on pourrait... ça pourrait être
public? Seriez-vous d'accord avec ça?
Mme Lauzon
(Hélène) : Pas nécessairement.
Dans certains cas, ça dépend, je vous dirais qu'il y a des gens
autour de la table qui pourraient souhaiter
que certaines recommandations soient rendues publiques. Personnellement,
pour... Je ne pense pas que, dans tous les cas, les recommandations doivent
être rendues publiques, mais nous savons que c'est le ministre qui doit exercer
sa discrétion.
M.
Gaudreault : O.K.
Merci. Maintenant, je veux vous entendre sur la question
du droit d'appel, à la suite, par exemple, d'une décision du ministère, certificat
d'autorisation, etc. L'article 96 actuel de la LQE dispose de cette question-là,
entre autres. Vous, est-ce que vous croyez que ça devrait être étendu à plus
large que le demandeur d'un certificat d'autorisation?
Est-ce qu'il pourrait y avoir des citoyens,
par exemple, qui pourraient demander d'aller en appel sur
des décisions à cet égard?
Mme
Bellemare (Marie-Claude) :
Ça, ce que je dirais là-dessus, d'entrée
de jeu, d'une part, le pouvoir de
révision judiciaire, dans certains cas, si, par exemple, on parlait de contester un certificat d'autorisation aujourd'hui, il existe déjà devant la
Cour supérieure, O.K.? C'est sûr qu'au niveau du point de vue économique, une entreprise a besoin d'une
certaine stabilité aussi à cet égard-là. Donc, je pense que les processus en
amont pour la consultation et l'acceptabilité sociale prennent toute leur
importance en vue de les gérer en amont plus que de réagir en bout de ligne,
parce qu'une fois que l'autorisation est émise on a besoin de cette
stabilité-là.
M. Gaudreault : Pardon?
Mme
Bellemare (Marie-Claude) : On a besoin... l'autorisation émise, on a
besoin de sa stabilité, de ne pas avoir une autorisation, si on peut
dire, en état d'insécurité ou de «limbo», pour utiliser cette image.
M.
Gaudreault : O.K. Donc, vous pensez que le régime actuel de
pouvoir de contestation ou de pouvoir... c'est-à-dire,
le pouvoir d'évocation, là, à la Cour supérieure, c'est suffisant au moment où
on se parle, et que ça devrait se poursuivre de cette manière-là.
Mme
Bellemare (Marie-Claude) : Je pense que ça amène une certaine
stabilité à cet égard-là. Néanmoins, ce n'est pas nécessairement une
question qui a été discutée de façon spécifique avec nos membres.
M.
Gaudreault : Au conseil patronal? O.K. Maintenant, sur le
pouvoir discrétionnaire, vous en parlez quand même pas mal, entre autres, à la page 3 de votre
mémoire, au point 1.8, là, «Les pouvoirs discrétionnaires». Vous dites que
vous êtes «préoccupé par l'étendue du
pouvoir discrétionnaire accordé au ministre et au gouvernement» et que vous
craignez «qu'un pouvoir discrétionnaire si vaste ait pour effet de nuire à la
prévisibilité juridique, un principe essentiel pour favoriser les investissements». J'aimerais ça vous entendre davantage
là-dessus. On a eu d'autres représentations avant vous ici, à cette table, où des groupes, des gens
ont été très préoccupés par l'étendue du pouvoir discrétionnaire
qu'accorde le projet de loi n° 102 au
ministre. Maintenant, j'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus :
C'est quoi, vos craintes? On va commencer comme ça, là, c'est quoi, vos
craintes?
• (20 h 50) •
Mme
Bellemare (Marie-Claude) : Donc, d'entrée de jeu, on a un cadre
législatif et on a un cadre réglementaire aux différentes, je veux dire, normes et exigences qui sont fixées pour
différentes industries dans différents domaines. O.K.? Un des enjeux, notamment ici, est le fait qu'à divers endroits,
dans le projet de loi, nonobstant l'existence de normes réglementaires, il pourrait y avoir des exigences
supplémentaires et qui pourraient par exemple diverger avec ce cadre
réglementaire là existant. Donc, on peut s'imaginer une entreprise qui vient
établir ou qui souhaite venir établir une entreprise
en se disant : Bien, voici le cadre juridique à l'intérieur duquel je peux
m'installer. J'ai fait mon évaluation du dossier, oui, au niveau environnemental, mais aussi au niveau de faisabilité économique, et on avance dans le
processus. Et ce qu'on sait, ce qu'on
réalise, c'est que finalement les règles du jeu sont changées sans qu'on les
connaisse à l'avance. Donc,
évidemment, il y a une inquiétude à cet égard-là. On le voit aussi
notamment avec une des dispositions où, même si on a délivré une autorisation, si la compréhension des informations
varie, on pourrait venir retirer l'autorisation en question. Donc, on peut facilement voir, au niveau du développement économique, que cette source, en fait, cette absence de
certitude écrite et claire peut soulever un certain questionnement au niveau de
la prévisibilité des projets.
M.
Gaudreault : Mais vous savez
qu'un pouvoir discrétionnaire, ça peut se baliser, ça peut s'encadrer, donc,
c'est bien, bien reconnu en droit
administratif. Qu'est-ce que vous suggérez, à ce moment-là, comme... Est-ce que
vous préférez le statu quo, par
exemple, ou, tant qu'à avoir un pouvoir discrétionnaire tel que prévu dans le
projet de loi n° 102, le baliser, l'encadrer? Si oui, sur quelle
base et comment?
Mme
Bellemare (Marie-Claude) : Donc, je pense qu'effectivement il y a
moyen de baliser. C'est sûr que de mettre,
par exemple, des paramètres spécifiques, par exemple, au niveau des enjeux
spécifiques sur l'environnement — on pourrait
le voir de ce côté-là, par exemple — ce serait des éléments, des pistes de
solution à observer pour pouvoir essayer de le baliser. Parce que, l'autre enjeu, et non seulement face... je
veux dire, le ministère de l'Environnement, de façon globale... mais c'est aussi de s'assurer que deux
projets égaux, dans des milieux similaires, vont être traités de façon
égale. Et un des défis, en ce moment, qu'on a sur le terrain, c'est qu'à
projets égaux deux directions régionales ne vont pas nécessairement arriver avec les mêmes exigences. Ça fait que cet
exercice-là du pouvoir discrétionnaire, il ne faut pas juste le
regarder : un projet, la loi, mais il faut le regarder aussi sur son...
l'uniformité sur le territoire.
M.
Gaudreault : O.K. Donc, je comprends que vous plaidez beaucoup, puis
c'est normal de la part des entreprises, là, puis on l'a entendu également de la part de la Fédération des
chambres de commerce, mais vous plaidez beaucoup pour la prévisibilité, savoir où on s'en va, puis c'est
important dans le monde des affaires puis dans le domaine économique.
Est-ce que ça aiderait à votre prévisibilité
que nous ayons ici, lors de l'étude, même présentement, là, ou, en tout cas,
éventuellement, au moins lors de l'étude article par article, le dépôt
des intentions réglementaires du ministre à cet égard?
Mme Lauzon (Hélène) : Non, parce que ce n'est pas possible. Ce que je veux dire, c'est
que... bien, j'ai dit, j'ai répondu à
une telle question récemment dans une autre commission parlementaire parce que
le député me disait : Mais qu'est-ce que vous faites du fait que
les règlements ne sont pas déposés? Bien, c'est parce qu'on ne peut pas déposer
les règlements tant que la loi n'est pas adoptée. C'est le système de... c'est le législatif
puis l'exécutif, donc, on commence au législatif avec la... ici, vous allez
adopter la loi, éventuellement, puis l'exécutif fera son travail, mais on ne
peut pas faire les deux en même temps. Donc... Mais oui, je sais qu'éventuellement nous aurons l'occasion,
lorsque les règlements seront prépubliés dans la Gazette, nous
aurons un délai, espérons, de 60 jours et non de 45 jours, pour pouvoir
les commenter.
M.
Gaudreault : Mais vous savez qu'à la question que mon collègue vous
avait posée... c'est au projet de loi
n° 106, finalement, les
intentions réglementaires ont été déposées. Je ne sais pas si vous avez suivi,
là, la semaine passée, ou je ne sais plus, ou il y a...
Mme Lauzon (Hélène) : Les intentions...
les intentions.
M.
Gaudreault : Bien, mais c'est la question... mais c'est ce que je vous
disais tantôt, là, j'ai bien dit «les intentions».
Mme Lauzon
(Hélène) : O.K., je m'excuse. Intentions.
Le Président (M.
Iracà) : Vous avez 20 secondes pour répondre, Mme Lauzon.
Mme Lauzon (Hélène) : Mais j'étais pour dire :Oui, si le gouvernement est en mesure
d'avoir déjà ses intentions, pourquoi pas? Mais je ne sais pas si c'est possible. Vous me dites que
ç'a été fait dans le dossier du projet
de loi n° 106. Mais, si le ministère de l'Environnement est assez
avancé dans sa réflexion, pourquoi pas?
Le
Président (M. Iracà) :
Alors, merci beaucoup, M. le
député de Jonquière.
Nous allons procéder maintenant à la période d'échange avec la deuxième
opposition. M. le député de Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Donc, pour rester sur ce même thème,
vous mentionniez tout à l'heure dans votre
propos de départ qu'on avait un régime... on allait mettre un régime à
géométrie variable et puis, justement, là-dessus, sur les intentions de règlements, là, vous avez
même mentionné que vous suggérez qu'il y ait une révision périodique.
Est-ce que vous avez en tête une fréquence pour la...
Mme Lauzon (Hélène) : Je pense qu'une fréquence quinquennale suffirait, de dire : À
chaque cinq ans, on revoit le contenu, et que ce soit le règlement qui
prévoira quels sont les projets à faibles risques, ceux à faibles... pas à
faibles, à risques négligeables et ceux à
risques... voyons, à risques majeurs. C'est ça. Les risques modérés... mais
risques modérés, c'est... enfin, on
ne pourra pas les définir parce qu'ils seront prévus selon l'article 22 de la Loi sur la qualité de
l'environnement.
M. Lemay :
Parfait. Merci. J'aimerais vous amener à la page 6 de votre mémoire, quand
vous parlez, à votre point 2.1.3, là, vous mentionnez... vous parlez des
impacts économiques... un projet... qui n'est pas un critère qui est examiné dans
le cadre d'un processus de délivrance d'une autorisation, et puis, au niveau
des aspects économiques, vous amenez
l'aspect que le ministère devrait consulter de façon systématique d'autres
ministères à vocation plus économique comme
le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, ou le MESI. Est-ce que
vous voulez commenter sur cet aspect, s'il vous plaît?
Mme Lauzon (Hélène) : Oui. Bien, le ministère, son nom, hein, c'est le ministère du
Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les
changements climatiques. Dans développement durable, il y a la dimension environnementale, mais il y a la dimension
économique aussi. Donc, nous, ce qu'on se dit, c'est que, lorsque le
ministère étudie une demande d'autorisation, il serait raisonnable que le
critère économique soit pris en compte, et, comme le ministère a aussi pour
pratique de consulter d'autres ministères, bien, ce serait bien que les autres
ministères soient consultés pour le caractère économique d'une demande
d'autorisation.
M.
Lemay : O.K. Parfait. Ce qui m'amène à la page 14 de votre
mémoire, au point 2.4.2, lorsque, dans le fond, vous mentionnez aussi que, quand on fait un BAPE, on devrait nommer un
économiste au sein du BAPE, là. C'est en lien, dans le fond, c'est
toujours dans le même ordre d'idées?
Mme Lauzon (Hélène) : Oui, quand on fait une procédure d'évaluation d'examen des impacts
devant le BAPE, oui, le Bureau d'audiences publiques, effectivement,
c'est toujours en lien.
M.
Lemay : Parfait. Vous m'avez fait sourire tout à l'heure lorsque vous
mentionniez, au niveau... puis vous étiez un peu pris de court dans le temps, au niveau de la gouvernance du Fonds
vert, vous mentionniez que, quand on veut mettre en place la nouvelle gouvernance, là, du nouveau Fonds pour la protection
de l'environnement et du domaine hydrique de l'État, là, vous mentionniez quelque chose, là, comme quoi on devrait
avoir la gouvernance du nouveau fonds qui devrait se baser à ce qu'on
fait avec le Fonds vert. Je ne sais pas si vous voulez finir ce que vous aviez
parti à dire.
Mme Lauzon (Hélène) : C'était simplement parce qu'on salue la nouvelle gouvernance du Fonds
vert, et ce qu'on pense, c'est qu'il
serait probablement plus simple d'avoir une gouvernance identique pour le
nouveau fonds, puis il y a des
questions qui se posent. Par exemple, le Fonds vert, il a plusieurs tiroirs
pour l'alimenter, et un de ces tiroirs, ce sont les redevances sur
l'eau. Donc, la redevance sur l'eau, qui actuellement se retrouve au Fonds
vert, est-ce qu'elle se retrouvera dans ce
nouveau fonds qui est, entre autres, un fonds hydrique? Donc, il y a des
questions qui se posent, mais, pour la gouvernance, je crois que nous
verrions d'un bon oeil que la gouvernance qui s'appliquera au Fonds vert
s'applique à ce fonds aussi.
M.
Lemay : Parfait. Merci. Puis, si on va à la page 17 de votre
mémoire, là, le point 2.6.4, on n'en a pas parlé avec les questions de mes autres collègues, là, mais vous semblez voir
un petit problème à l'article 31.0.5 de la LQE, là, au niveau de cessation, cessation totale. J'ai lu
l'article en question pour voir qu'effectivement on utilise, dans le
même article, deux notions différentes. Je
ne sais pas si... C'est quoi, la différence? Est-ce que vous voyez une
différence?
Mme Lauzon (Hélène) : Importante.
Mme
Bellemare (Marie-Claude) : Bien, en fait, c'est qu'en ce moment il
faut remettre aussi le cadre... il faut prendre en considération le cadre juridique existant, où on va parler de
cessation définitive. Donc, il y a des activités, par exemple, pour ne
pas la nommer, dans le domaine de la foresterie, où les scieries, par exemple,
vont fonctionner à l'intérieur de cycles
économiques, par exemple. Il va arriver, justement, dans ces secteurs-là, où
des usines vont être fermées pendant un
an ou deux ans, mais en vue d'être réouvertes. En retirant le mot «définitive»
ou en retirant le mot «totale» et qu'on parle uniquement de «cessation»,
est-ce que ça veut dire qu'un arrêt d'activité pour des raisons économiques
deviendrait une cessation et, à chaque fois qu'on fait un arrêt économique, on
est tenus de procéder aux obligations environnementales qui en découlent? Je ne
suis pas sûre que nécessairement la situation est viable.
M. Lemay : O.K.
Mme Lauzon
(Hélène) : Et même une
cessation... Les entreprises ont souvent des activités de... elles font
souvent de la cessation lorsqu'elles font
leur entretien annuel estival. L'usine peut arrêter d'opérer pendant à peu près
un mois. Et donc c'est une cessation,
mais ce n'est sûrement pas une cessation définitive qui mériterait qu'on
l'assortisse de mesures comme une étude de caractérisation. Donc, le
mot, le qualificatif «définitive» est quand même important à maintenir, selon
nous.
M. Lemay : À maintenir?
Mme Lauzon (Hélène) : Oui, à
maintenir.
M. Lemay : Vous enlèveriez «totale»,
d'abord?
Mme
Bellemare (Marie-Claude) : En fait, conceptuellement, l'idée, ce
serait une «cessation définitive», et ce qualificatif-là devrait se
retrouver toujours à côté du terme «cessation».
M. Lemay : Parfait. Merci.
Le Président (M. Iracà) : Il vous
reste 50 secondes, M. le député de Masson.
M. Lemay : 50 secondes? Quelque
chose que vous n'avez pas eu le temps... J'ai vu que vous avez passé quatre, cinq
cartons, là.
Le Président (M. Iracà) : Il vous
reste 40 secondes, Mme Lauzon.
• (21 heures) •
Mme Lauzon
(Hélène) : Oui, oui, oui,
une dernière chose. L'harmonisation avec le gouvernement fédéral pour l'évaluation environnementale. En ce moment, le gouvernement fédéral refuse de conclure une entente d'équivalence
avec nous, puisque, dit-il, les mesures de sécurité ne sont pas les mêmes entre
le fédéral et le provincial. C'est le temps de profiter de cette occasion pour bonifier notre système d'évaluation
environnementale pour être certain de pouvoir avoir une entente
d'équivalence avec le fédéral.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Lauzon, Me Bellemare, de votre contribution à la commission.
Merci beaucoup de votre présence.
Alors, je
vais suspendre les travaux quelques instants, pour permettre au troisième
groupe de se présenter. Merci.
(Suspension de la séance à 21 h 1)
(Reprise à 21 h 3)
Le
Président (M. Iracà) :
Alors, je déclare la séance ouverte. Je vais demander un petit peu de discipline en cette fin de soirée, s'il vous plaît. Nous
allons reprendre nos travaux.
Je souhaite
la bienvenue au groupe Équiterre, un groupe qui vient souvent en commission parlementaire dans toutes sortes de projets de loi. On
vous souhaite encore une fois la bienvenue. Merci beaucoup de votre présence.
Je vous demande de bien vouloir vous
présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Alors, de ce pas, la parole est à vous, madame
et monsieur.
Équiterre
M. Ribaux
(Sidney) : Alors, bonsoir, tout le monde. Merci, M. le Président, membres de la commission, de nous donner la parole à cette heure. Et je suis bien
content de voir qu'il y a des cafés et des thés qui sont arrivés. Donc,
mon nom est Sidney Ribaux, je suis le
directeur général et le cofondateur d'Équiterre. Je suis accompagné d'Alizée
Cauchon, qui est notre responsable du bureau de Québec et qui a
contribué, donc, à la rédaction du mémoire.
Alors,
rapidement, vous savez qu'Équiterre c'est une organisation à but non lucratif qui a une mission,
évidemment, environnementale. On mobilise 125 000 personnes à travers
le Québec, qui sont nos sympathisants, et 20 000 de ces sympathisants sont
aussi nos membres qui nous financent. On a des bureaux à Québec, Montréal et
Ottawa. Alors, je m'arrête là pour la présentation d'Équiterre.
Vous dire,
premièrement, qu'on salue l'effort de refonte de cette loi, que la refonte
était bien due. Par contre,
vous dire que nos commentaires vont se limiter... On pensait que notre contribution serait particulièrement utile sur la question des
changements climatiques, donc on va cibler nos commentaires sur cette question-là ce soir et particulièrement sur
la question du test à l'égard des GES dans le cadre de l'évaluation des
projets.
Donc, bon,
évidemment, on part du constat que le gouvernement du Québec a adopté des
cibles ambitieuses sur l'horizon 2030 et 2050, donc moins
37,5 % sur 2030, entre moins 80 % et moins 95 % sur 2050. Je
pense que c'est important de partir de cette
cible-là pour comprendre la logique du test climat, que l'on soutient, que l'on
salue dans le projet de loi, mais qu'on pense qu'on peut bonifier.
Lorsqu'on
parle de la cible sur l'horizon de 2050, ce qu'on est en train de dire, c'est
qu'en 2050 il n'y aura plus d'émissions
de gaz à effet de serre qui découle de la combustion d'énergies fossiles ou de
procédés industriels, hein? Donc, la
cible 2050 que le gouvernement du Québec a adoptée équivaut à
dire : À partir de 2050, le CO2 sera interdit d'un point
de vue des activités humaines et de la production énergétique. C'est ce que ça
veut dire concrètement, dans les faits.
Évidemment,
dans les faits, les projets qui sont approuvés cette année, par exemple, ne
vont pas durer qu'une seule année. Lorsqu'on approuve une cimenterie,
par exemple, elle ne va pas fonctionner qu'une seule année, ou deux ans, ou
cinq ans. C'est des projets qui ont souvent une durée de vie qui est très, très
longue et qui, dans certains cas, vont dépasser
2030, 2040, où il y aura sans doute une autre cible qui sera adoptée et
éventuellement il y aura des projets qu'on va approuver, dans les prochaines années, qui vont avoir une durée de
vie qui va traverser cette ligne du 2050 où on doit arriver à zéro.
Et donc c'est
dans cette logique-là qu'on appuie le projet... le test climat. Parce que, dans
le fond, certains diront que c'est du
dédoublement, mais ce n'est pas du dédoublement. On a un régime qui est le
régime d'échange et de marché du carbone
qui permet d'encadrer les émissions aujourd'hui. Mais, au même moment qu'il y a
une activité industrielle qui se développe
aujourd'hui, on construit des infrastructures puis on approuve des projets qui
auront des émissions demain et pour le futur. Et c'est de ça qu'il est
question ici.
Je vous
dirais un autre principe et après ça je vais utiliser le temps qu'il me reste
pour vous expliquer un peu ce que nous,
on propose. Et on a un schéma pour vous aider à mieux comprendre la proposition
qu'on fait. Ce qu'on propose est basé
essentiellement sur la meilleure pratique existante des entreprises. Les
grandes entreprises qui utilisent beaucoup d'énergie font déjà des prévisions de leurs émissions de gaz à effet de
serre sur plusieurs années, sur plusieurs décennies. Lorsqu'on construit une aluminerie, on ne se pose
pas seulement la question : Quel sera le coût de l'aluminium
l'année prochaine?, quel sera le coût du gaz naturel qu'on utilise pour
produire l'aluminium l'année prochaine?, on fait des prévisions sur du long terme. La plupart des grandes entreprises,
aujourd'hui, qui développent des projets comme ça, font aussi une prévision, non seulement du coût, par
exemple, de l'énergie sur 10, 15, 20 ans, mais aussi du prix carbone
qu'on va ajouter à l'énergie. Donc, même
avant que Québec adopte la bourse du carbone, même avant que M. Trudeau
annonce, il y a un mois, qu'il y aura un
prix carbone partout au Canada et qu'il a annoncé quel sera ce prix-là pour les
prochaines années, les entreprises faisaient
déjà ça. A fortiori, maintenant, que de plus en plus de juridictions imposent
un prix carbone, de plus en plus
d'entreprises font ces prévisions-là et mettent un prix carbone à long terme.
Donc, l'exercice du test climat qui est proposé, il est déjà appliqué
par les grandes entreprises qui sont responsables et qui veulent s'assurer de
faire des projets rentables.
• (21 h 10) •
Bon, alors,
c'est un peu ça, la logique derrière une proposition d'un test climat. Et je
vous dirais qu'à la limite ce n'est qu'une bonne pratique d'entreprise
que de prévoir quels seront les coûts de l'entreprise à moyen et long terme
lorsqu'on construit une infrastructure ou un projet qui va durer quelques
décennies.
Si vous avez
une copie, je pense, de notre mémoire, si vous passez à la page 14, dans le fond, on pense que ce qui est dans
le projet de loi, c'est bien, mais on pense qu'on pourrait aller
plus loin. Et plus loin ne veut pas nécessairement dire d'être plus restrictif, mais, je pense,
d'être plus... Ce qu'on souhaite, c'est d'être plus compréhensif et plus
englobant. Donc, ce qu'on préconise comme
test climat, c'est un test qui s'appliquerait, mais... pas de façon égale, mais
qui s'appliquerait à tous les projets qui font l'objet d'une évaluation
environnementale.
On propose
trois catégories, donc : 10 000 et moins; entre 10 000 et
25 000 tonnes; et 25 000 tonnes et plus. Pour les 10 000 tonnes et moins, comme vous
voyez dans le schéma, essentiellement, c'est un exercice de sensibilisation
qu'on propose pour ces projets-là. Donc, on
propose qu'il y ait un formulaire qui peut être relativement simple. On
s'entend, là, un test climat, ce que
ça veut dire, c'est d'évaluer quelle est l'énergie que mon procédé ou que mon
entreprise va consommer, et de
traduire ces unités d'énergie là en GES. C'est des mathématiques de base qu'on
apprend au primaire, là, ce n'est pas
très compliqué, là, d'évaluer les émissions de gaz à effet de serre d'un projet
dans le temps. Et donc, pour la vaste majorité des projets qui sont en
bas de 10 000 tonnes, ça sera essentiellement un exercice de
sensibilisation. Pour les 10 000 à
25 000 tonnes, on pense qu'on peut demander à ces projets-là d'aller
plus loin, de non seulement faire une projection
de quelles seront leurs émissions dans le temps, mais aussi de comparer ces
émissions-là avec les cibles que se sont
dotés les deux ordres de gouvernement au Canada, dans ce cas-ci le Québec et le
Canada, et aussi les recommandations du principal groupe scientifique
qui étudie la question des changements climatiques, donc le GIEC.
Dans certains
cas, pour ces projets-là, on recommanderait aussi que le ministre aurait la
possibilité de demander que cette
projection-là des émissions du projet... que le promoteur explique comment ces
émissions-là ne mettront pas en péril l'atteinte
des cibles. Alors, pour ce qui est des cibles de 2030 et tout ça, c'est un
processus relativement simple. Et, dans le cas des grands projets de 25 000 tonnes
et plus, bien là, tous les projets auraient à faire exactement ce que je viens
de décrire, donc, à la fois de faire un inventaire de quelles seront
leurs projections dans le futur et aussi de décrire en quoi ces cibles-là ne
mettent pas en péril l'atteinte des cibles du Québec, du Canada, dans les
prochaines années.
Alors, c'est
sûr que la proposition qu'on fait est basée sur le fait qu'on... Ça fait
45 ans qu'on n'a pas révisé la loi, alors on se dit : On met un test climat qui va nous servir à court
terme mais qui va évidemment devenir de plus en plus pertinent au fur et à mesure qu'on approche des
cibles plus ambitieuses qu'on a pour 2030 déjà et pour 2050 déjà, et qui
seront sans doute aussi formulées sur l'horizon 2040.
Le Président (M. Iracà) : 30
secondes, M. Ribaux.
M. Ribaux
(Sidney) : Et donc je
termine en disant qu'évidemment on propose aussi, là, dans une case, de
dire : Le test pourrait être un peu
plus strict pour le public, pour des projets publics, versus pour des projets
privés. Je m'arrête là-dessus.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Ribaux, pour votre
exposé. Alors, nous allons procéder à la période d'échange avec la
partie gouvernementale. Et, de ce pas, je vais céder la parole au ministre.
M. Heurtel :
Merci, M. le Président. Bonsoir. Merci d'être avec nous ce soir, ainsi que pour
votre mémoire et votre présentation.
Je n'ai pas remarqué, avez-vous assisté à l'échange précédent? Alors, ce soir
puis cet après-midi, avec la Fédération des chambres de commerce du
Québec, on a eu l'argument contraire au test climat.
Alors, des
enjeux. Ça soulève, un, vous y avez fait allusion, mais je vais vous demander
d'aller plus loin, là, bon, on dit que c'est un dédoublement par rapport
au marché du carbone. On prétend que ça affecte... il y a une question de prévisibilité qui est affectée, que justement un
des objectifs du projet de loi, qui est justement de fournir une plus
grande prévisibilité pour les promoteurs et
citoyens, citoyennes justiciables, là, au Québec... ça atteint cet objectif-là
négativement, qu'on se retrouve également dans une situation où on semble avoir
une crainte très, très, très prononcée du fait que le ministre va choisir à tous
coups d'imposer des technologies contraires à la liberté de choix, là, d'une entreprise,
bref, qui lui nuiraient, qui nuiraient à l'entreprise. C'est un peu les
trois critiques principales que j'ai entendues, là, aujourd'hui.
Alors,
comment répondez-vous à ce genre de critique là, dans un contexte qui est tout à fait, puis ça, il faut le dire, louable, c'est dire : Oui, lutte contre les
changements climatiques, mais on veut aussi du développement économique?
On ne peut pas... Il faut trouver un
équilibre. Alors, toutes ces préoccupations-là sont soulevées dans un contexte
où on craint que, si on va trop loin,
notamment avec un test climat, bien, ça va désavantager la position
concurrentielle du Québec quand va venir le temps pour une entreprise
qui est déjà établie ou qui voudrait s'établir au Québec de développer un projet
additionnel. Votre réaction.
M. Ribaux
(Sidney) : Bien, moi, je
vous dirais, à plusieurs niveaux... Au niveau de la prévisibilité, je vois
mal en quoi de dire à l'avance aux entreprises quelle est la cible de réduction
pour... Présentement, on a une cible pour les 25 prochaines années; ça me
semble assez prévisible. Là où veut aller le gouvernement en termes de... C'est
rare, par exemple, pour un polluant, qu'on dit, 25 ans d'avance : On
va interdire ce polluant-là...
M. Heurtel : 35 ans.
M. Ribaux
(Sidney) : ...35 ans,
pardon, vous avez raison, 35 ans d'avance : On va interdire un
polluant. Alors, c'est ce qu'on est
en train de dire, là, présentement. Et ce n'est pas juste le Québec, c'est
toute la planète qui est en train de faire ça, là. Alors, on est en train de dire aux entreprises : Le CO2
sera interdit dans, dépendant des juridictions, 20, 30, 40, 35 ans.
Alors, ça me semble très prévisible.
Au niveau de
la faisabilité puis de la lourdeur administrative, ça me semble beaucoup plus simple
d'évaluer quels sont les... la
quantité de carburant qu'on va utiliser dans un projet annuellement, et le coût
de ce carburant-là, et comment ça se
traduit en GES — encore
une fois, c'est mathématique, là, c'est un tableau qu'on complète sur Excel, sur
Internet pour la vaste majorité des
projets dont il est question présentement — que, par exemple, de faire une étude
spécifique sur une espèce en voie de
disparition qui est potentiellement sur le territoire ou sur des ressources
hydriques qui pourraient être polluées.
Je veux dire, c'est une expertise, à la limite... Ce qu'on demande, c'est
quelque chose de relativement simple pour une entreprise.
Puis je vous
dirais même que, d'un point de vue du développement économique, on devrait
demander à l'ensemble des entreprises
de le faire, parce que c'est juste une bonne idée de le faire, d'un point de
vue économique, de bien gérer ses dépenses
énergétiques. Dans le fond, ce qui est proposé dans le projet de loi, puis ce
que nous, on propose d'appliquer d'une
façon un petit peu plus large, c'est simplement une saine pratique d'entreprise
que de prévoir quelles seront nos dépenses énergétiques dans le futur,
de prévoir combien elles vont coûter et de faire un scénario sur la durée de
vie du projet. C'est-à-dire, autrement dit,
si on réalise qu'on est en train de construire un projet qui va franchir une
limite où on ne pourra plus émettre de CO2 et qu'on est
capables de déjà prévoir qu'il n'y aura aucune autre façon, pour nous, d'avoir
ce procédé industriel là sans émettre de CO2, bien, c'est
sûrement... ce n'est peut-être pas une bonne idée qu'on fasse ce projet-là. Il
y a une durée de vie nécessaire dans la plupart des projets économiques pour
atteindre la rentabilité.
Puis,
dans le fond, ce qu'on veut s'assurer, c'est que les projets qui sont
construits maintenant... qu'on ne s'attache pas à des projets qui vont, dans 10 ans, 15 ans, 20 ans,
continuer à émettre trop par rapport à ce qu'on va vouloir comme société, mais qui, d'un point de vue de la
rentabilité économique, ça va devenir très difficile de leur dire : Bien
là, vous ne
pouvez plus opérer. Alors, aussi bien le prévoir tout de suite. Et c'est ça, le
sens de la proposition qui est dans le projet de loi et que nous, on
propose, où on propose d'aller un petit peu plus loin.
M. Heurtel :
Merci. Ça va pour moi, M. le Président.
Le Président
(M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il
y a des députés de la partie gouvernementale? M. le député de Mégantic, la
parole est à vous.
• (21 h 20) •
M. Bolduc :
Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Ribaux, bonsoir, madame. J'aime
beaucoup votre petit test de GES, etc. On va
essayer d'aller un peu plus loin. La première question : Est-ce que vos
20 000 membres sont au Québec?
M. Ribaux
(Sidney) : Oui.
M. Bolduc :
O.K.
M. Ribaux
(Sidney) : Bien, 95 % sont au Québec.
M. Bolduc :
95 %, O.K. Vous savez comme moi qu'en fait l'objectif de 80 % de
réduction de gaz à effet de serre pour
2050, c'est un objectif ambitieux, et on voit que des pays comme la Norvège,
qui se sont fixé de n'avoir aucun véhicule aux hydrocarbures en 2025, ça va moins bien que ça paraît. Même que
l'Allemagne, qui décide de fermer ses centrales nucléaires, s'en va au
charbon. On a un petit problème, là.
Puis
je vais revenir pour... on est à 77 millions de tonnes de CO2
sur une base de 85 millions. Qu'est-ce que vous diriez si on
simplifie tout ce problème de GES là et on construit, pour des raisons
économiques pour le ministre, deux barrages
hydroélectriques de 1 000 MW pour 10 milliards, on les exporte
aux États-Unis, on ferme deux centrales au charbon qui produisent
chacune 32 millions de tonnes de CO2 par année, et on a atteint
notre 80 % de gaz à effet de serre?
Parce que les États-Unis en produisent 6,6 milliards de tonnes; la Chine,
10 milliards; et nous, on est ici, là, avec 77 millions de
tonnes puis on se casse la tête. Qu'est-ce que vous me dites?
M. Ribaux (Sidney) : Bien, en fait, je pense que l'idée derrière notre
proposition, c'est celle du marché du carbone, c'est d'aller chercher des réductions là où elles coûtent le moins cher.
Et on est favorables à ça. Le climat ne se préoccupe pas de la juridiction de laquelle provient le CO2.
Et donc, en ce sens-là, s'il y a des réductions qu'on peut aller
chercher ailleurs et que c'est bien fait,
que c'est bien encadré, on est à l'aise, notre organisation est à l'aise avec
ça. C'est pour ça qu'on soutient le
marché du carbone. Vous avez parlé des États-Unis, on pourrait parler des Maritimes,
de la Nouvelle-Écosse, bon, et le
Nouveau-Brunswick, ils ont des centrales au charbon qu'il faudrait fermer
éventuellement. Alors donc, oui, on peut faire ça.
Cela
étant dit, plus on avance dans le temps, même aux États-Unis, même avec le
président qui vient d'être élu, le coût
de ces transactions-là va augmenter. Donc, au fur et à mesure qu'on ferme
des... Parce que, même aux États-Unis, soit dit en passant, on ferme des centrales au charbon depuis déjà
15-20 ans, là. Il ne se construit plus de centrale au charbon aux États-Unis depuis très longtemps, et il s'en
ferme, alors donc... Et ça va continuer. En dépit de ce qu'on dit que le
président actuel voudrait, il n'y a plus de rentabilité ni d'acceptabilité
sociale sur les centrales au charbon.
Ça
fait que vous avez raison, le test climat, il est entre autres là pour
dire : Bien, à un moment donné, le marché du carbone va atteindre sa limite, c'est-à-dire que,
si tout le monde réduit, bien, on peut aller chercher des réductions où
elles sont les moins chères, mais il faudra
ultimement, aussi, réduire chez nous, premièrement. Deuxièmement, c'est sûr
que toutes les réductions qu'on fait chez nous, d'un point de vue économique,
il y a un intérêt à le faire ici. Ça fait que...
M. Bolduc : Donc, vous êtes d'accord sur le principe. À
150 $ la tonne, on rentre dans notre argent demain matin pour la bourse, par tonne de CO2. Pour 10 milliards, 2 000 MW, là, à 150 $ la tonne,
ça fait... on rentre dans notre argent. Donc, vous n'avez pas de
problème à penser plus large, globalement, si l'action du Québec a un effet positif sur la balance de
carbone. On est d'accord.
Puis
là je complique votre histoire un
petit peu. La moyenne des usines de
charbon aux États-Unis a 56 ans; leur vie utile, 65 à 67 ans. Est-ce qu'on fait un bon deal? Parce qu'au fond,
là, on va sauver 10 ans puis on ramasse le crédit au complet.
Comprenez-vous ce que je dis, là?
M. Ribaux (Sidney) : Bien, dans
le fond, la façon que j'ai répondu à
votre question, c'est dire qu'on est favorables au marché du carbone, donc on est à l'aise avec
des réductions extrajuridictionnelles dans
la mesure où c'est encadré,
puis que c'est vérifié. Alors, voilà. Ça fait que, si c'est fait de cette
façon-là, il n'y a
pas de problème, là. Mais il faut que ça soit fait selon les règles qui
ont été établies par le marché du carbone.
Ce
que je dis aussi, c'est que, le marché du carbone, on pense que c'est un
excellent outil pour les 10, 15, 20 peut-être même 25,
30 prochaines années, mais on va atteindre, à un moment donné, une limite
au marché du carbone quand on va arriver à
des réductions. Plus on va réduire... Et ça, à mon avis, ça va arriver plus
rapidement qu'on le pense. C'est comme les téléphones intelligents, là,
quand c'est sorti, tout le monde se disait : Ça sert à quoi, un téléphone intelligent? Puis maintenant tout le monde en a puis personne ne peut s'en passer. À mon avis, il est en train de
se passer la même chose avec les énergies renouvelables puis l'électrification des transports. Donc, je pense que
ça va aller rapidement.
Mais, cela étant dit,
la question, c'est que, là où le marché du carbone a sa limite, c'est :
puisque tout le monde est en train de
réduire en même temps, bien, à un moment donné, la rentabilité ou l'intérêt de
faire ce que vous suggérez, donc d'aller chercher des crédits ailleurs, va devenir plus
difficile, plus onéreux. Et donc, ultimement, il faudra quand même réduire ici. Alors, on est aussi bien
de... on a tout avantage à essayer de réduire ici en même temps que,
dans certains cas, on va acheter des crédits à l'extérieur.
M. Bolduc : Un autre des problèmes qui me fait douter
de notre situation... puis je ne suis pas contre tout ça, là, je
suis en faveur à 100 %, en fait, dans la côte nord-est américaine, il y a
12 centrales au gaz naturel en construction, à 229 millions chaque, 1 000 mégawatts chaque. Ils
produisent la moitié du CO2 d'une usine de charbon, pour à peu
près la même capacité, vous comprenez bien?
Si on ne sauve pas deux usines de charbon, mais quatre usines de gaz naturel,
on a le même effet. Puis là ils sont en
construction, donc un cycle de vie de 50 ans. Vous voyez ce que je veux
dire? Tant et aussi longtemps que... Si on regarde sur une façon
d'attendre des objectifs du Québec, on peut se donner, en fait, des bourses de
carbone, parce qu'en bâtissant des barrages hydroélectriques on se donne une
capacité industrielle et un potentiel
d'économie de carbone. Étant donné qu'on est à 9,9 tonnes par habitant
puis que les États-Unis et le reste du Canada
sont au-delà de 20, on a un intérêt fondamental à faire du commerce et de faire
un gain sur cette bourse de carbone là.
Si vous êtes d'accord
avec ce principe-là, est-ce que ce n'est pas, normalement — comment
je dirais ça donc? — un avantage significatif d'aller dans cette
direction-là, plutôt que de travailler sur des petits volumes? Parce
que, globalement, le Québec a beaucoup plus
d'efficience. Il faut continuer notre conversion hydrocarbures, véhicules
électriques, réduire l'industriel, comme vous le dites, mais pourquoi on vise
bas?
Le Président
(M. Iracà) : M. Ribaux.
M. Ribaux (Sidney) : Bien, en fait, nous, on ne vise pas bas, mais
pourquoi le Québec... Bien, je veux dire, je pense qu'il faut
voir... je pense qu'on peut voir ça de différentes façons. Est-ce
qu'on peut exporter davantage de l'électricité à faibles émissions? Sans doute que oui. Évidemment, il y a
une limite à ça qui est la capacité des lignes, d'une part, qu'on construit. Mais, d'autre part, même si
on voudrait en construire plus, on le voit au New Hampshire, socialement, ça demeure difficile de construire n'importe quoi, là, donc,
incluant des lignes à haute tension. Mais, oui, il y a de la place pour faire
ça.
Il
y aurait aussi de la place... puis je pense que c'est la direction
qu'Hydro-Québec veut prendre, d'aller construire, que ce soient des éoliennes, que ce soit du
solaire, que ce soit de l'hydroélectricité, ailleurs. Ça, je pense que
l'expertise québécoise peut... Ça, c'est une
façon qu'on peut bénéficier de ce nouveau marché de faibles, faibles carbones.
Il va y avoir une demande pour de l'électricité qui émet peu, puis on a
une certaine expertise là-dedans, au Québec, donc on peut exporter. Mais on peut aussi aller le faire
ailleurs. Puis, si j'ai bien compris M. Martel d'Hydro-Québec, ça fait
partie des orientations qu'ils sont. Puis tant mieux si on peut aller
faire ça.
Moi, je vous dirais,
là-dessus, par contre, il faut faire attention, parce que ce qui se passe
présentement aux États-Unis, c'est qu'il y a
une décentralisation, aussi, de la production qui a lieu. Donc, dans plusieurs
États, là, je ne sais pas si c'est
une vingtaine ou une trentaine d'États, ça coûte moins cher installer des
panneaux solaires photovoltaïques sur le toit que d'acheter l'électricité du distributeur, dépendant où vous êtes.
Alors, c'est un marché qui est en explosion. Bon, tu sais, jusqu'où ça
va se poursuivre? Et là je ne parle pas de l'électricité au Québec, mais je
réponds à votre question par rapport à l'exportation. Alors, il y a ça aussi à
tenir compte, puis peut-être qu'on devrait être dans ce marché-là aussi.
M. Bolduc :
La mise...
Le Président
(M. Iracà) : 30 secondes, M. le député de Mégantic.
M. Bolduc :
Combien?
Le Président
(M. Iracà) : 30 secondes.
M. Bolduc : La mise
à jour de la semaine dernière donnait 22 % sur le rendement
photovoltaïque, 32 % sur les éoliennes,
34 % sur les hydroliennes en mer. On est les seuls en Amérique du Nord qui
sont capables de retenir l'inventaire derrière les barrages. Prenez ça
en ligne de compte.
• (21 h 30) •
Le
Président (M. Iracà) : Alors, ça va se terminer en un commentaire
et non en une question. Alors, ceci termine la période d'échange avec la période gouvernementale, la période de
questions gouvernementale... la période d'échange. Alors, nous allons
procéder à la période d'échange avec l'opposition officielle. Le député de
Jonquière est impatient de prendre la parole.
M. Gaudreault :
Bien là, je suis sans voix. Le député de Mégantic a mis la barre très haute,
là, je me sens un peu mal.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M.
Gaudreault : Je pense que je vais suspendre tout de suite les travaux.
Le Président (M.
Iracà) : C'est un chimiste.
M.
Gaudreault : Oui, justement,
je ne veux aucunement... je n'ai aucune prétention de le combattre là-dessus. Bienvenue, M. Ribaux, Mme
Cauchon.
Première question.
À la page 3 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vers la fin, vous dites, en parlant des cibles, là, du Québec : «Ces cibles doivent démontrer
plus que de la bonne volonté et ne devraient pas être soumises à la
discrétion des gouvernements qui se succéderont.» À cet effet, vous recommandez
de traduire, dans une loi, les objectifs de réduction
des émissions de GES sur les horizons de 2030 et 2050. J'aimerais ça vous
entendre davantage là-dessus parce que
c'est une suggestion que j'ai eu l'occasion de proposer à la COP22 à Marrakech.
Alors, est-ce que vous trouvez que le projet de loi n° 102 pourrait
aller dans ce sens-là ou ça prend quelque chose d'autre? Je veux vous entendre
plus globalement, puis on pourra échanger là-dessus.
M. Ribaux
(Sidney) : Bien, je pense
qu'il faut que la cible soit légiférée d'une façon ou d'une autre. Là, on
a vu dans les dernières années que les
cibles, dépendant des ordres de gouvernement... On pense au gouvernement
fédéral, par exemple, bien qu'il avait une
cible, il n'y avait pas nécessairement d'action qui était posée au niveau
fédéral. Nous, comme groupe, comme représentants des citoyens, ça ne
nous laisse pas de recours. S'il n'y a pas de législation où la cible est enchâssée quelque part, on ne peut pas
demander au gouvernement d'agir simplement sur un communiqué de presse
qui a été émis en disant : On veut
atteindre x chiffre. Alors, ça nous semble important, c'est une cible... On
parlait tantôt de prévisibilité, ça
va aider la prévisibilité pour tout le monde, incluant le milieu économique, si
on le met dans une loi puis on dit : Voici où on s'en va, là, c'est
très clair puis ce n'est pas juste un communiqué de presse qu'on a émis.
Alors, est-ce
qu'on pourrait l'enchâsser dans le cadre de cette loi-ci? On le souhaiterait,
d'autant plus que... Je ne sais pas
si je l'ai dit clairement tantôt, mais le test climat qu'on propose, qui n'est
pas tout à fait ce qui est dans le projet de loi présentement, c'est qu'on pense que le test doit se faire en
fonction des cibles adoptées par le Québec et le Canada. Donc, on doit demander aux entreprises de nous
dire : Quelles seront vos émissions jour 1, mais quelles seront vos
émissions en 2020, en 2030, en 2050? Présentement, il y a des cibles qui sont
adoptées, entre guillemets, par le gouvernement du Québec là-dessus. Alors, ce qu'on veut faire, c'est : on veut être
capables de comparer, puis c'est sûr que, quand on parle de ça, on parle principalement de grands projets
industriels ou de grands projets d'aménagement qui pourraient avoir des impacts significatifs, parce que, pour nous faire
rater une cible, il faudrait que ça soit un grand projet. Mais il y en a,
des grands projets. Alors, lorsqu'on en a...
Je vous donne un exemple : si on est rendus à moins 36 % en 2029 puis
qu'on a un projet de cimenterie sur
la table qui ferait passer à... tu sais, qui viendrait gober 1 %, 2 %,
3 %, 4 %, bien, on manquerait notre cible en 2030 parce qu'il
y a un projet qui vient s'installer.
Alors, ce
n'est pas des exemples fictifs, là, c'est des exemples réels, et donc, dans ce
sens-là, on pense que le test climat
doit s'appuyer sur des cibles, puis, pour qu'il s'appuie sur des cibles puis
que ça soit prévisible pour l'entreprise, bien, il faut que la cible
soit enchâssée dans une loi quelque part.
M.
Gaudreault : Donc, est-ce que je vous comprends bien si je dis
que... Bon, il y a déjà un test climat qui est prévu dans le projet de
loi n° 102, mais vous dites : Pour bien l'encadrer puis pour qu'il
soit vraiment cohérent, on pourrait y
ajouter, y enchâsser, pour reprendre votre expression, les cibles, finalement,
sur les horizons 2030 et 2050, les enchâsser dans le projet de loi
n° 102.
M. Ribaux (Sidney) : Exactement.
M. Gaudreault : Est-ce que
vous avez d'autres références internationales qui vont un peu dans ce sens-là?
M. Ribaux (Sidney) : Sur les cibles?
M. Gaudreault : Sur ce type
de loi qui enchâsse les...
M. Ribaux
(Sidney) : On a regardé
différents... On donne plusieurs exemples, dans le mémoire, de
législations qui vont dans le sens du test
climat. On a donné, par exemple, l'exemple de l'approbation présidentielle à
l'égard du pipeline Keystone XL, où
la justification du refus du projet était basée notamment sur les émissions de
gaz à effet de serre, en disant : Ça
dépasse ce qu'on a comme cible au niveau international, au niveau de ce que la
science souhaite comme cible. C'est un exemple,
il y en a quelques autres. Moi, ce que je vous dirais, c'est que, si on se
dotait d'un test climat tel que nous, on le propose, je pense que le Québec serait un précurseur, au niveau
canadien, avec un test climat comme celui-là. Par contre, je vous dirais : Si on ne le fait pas, on
risque de se le faire... je ne dirais pas imposer, mais d'autres juridictions,
à mon avis, vont le faire dans les prochaines années. Voilà.
M.
Gaudreault : O.K. Justement, sur le test climat que vous
proposez, j'ai bien aimé votre espèce d'organigramme, là...
Une voix : ...
M.
Gaudreault : ...le schéma, oui, c'est mieux. Je veux juste être sûr de
bien comprendre. Vous avez dit tout à l'heure,
je pense, c'est à la fin de votre présentation, que vous suggéreriez que ce
test climat soit plus strict pour les projets du secteur public que pour les projets du secteur privé. Est-ce que
c'est parce que le secteur privé est soumis déjà au marché du carbone et non
pas le public? Je veux juste bien comprendre pourquoi vous voulez avoir ce
double standard public-privé.
M.
Ribaux (Sidney) : Bien,
c'est simplement le principe d'exemplarité. Donc, dans le fond, les deux
questions, là, on aurait pu le mettre encore
plus clair, mais il y a une case qui s'appelle... qui est soit «discrétion» ou
«application», là, dépendant que vous
êtes à 10 000 tonnes ou à 25 000 tonnes, et le test climat, c'est de
répondre à la question suivante... si vous
êtes dans le secteur privé, on vous pose la question suivante : Est-ce que
votre projet, à court, moyen ou long terme, met en péril l'atteinte des cibles du Québec, du Canada ou du GIEC, donc
le groupe d'experts? Ça, c'est pour le privé. Si vous êtes pour le public, ce qu'on pose comme question, c'est :
Est-ce que ce projet facilite l'atteinte des cibles de réduction du
Québec, du Canada? Alors, si vous êtes le ministère des Transports et vous
construisez un train...
M. Gaudreault : ...19,
mettons.
M. Ribaux
(Sidney) : ...ou une
autoroute, bien là, la question, c'est : Est-ce que le projet nous aide à
atteindre la cible? C'est sûr qu'il ne faut
pas qu'un projet public mette en péril la cible du gouvernement, c'est le
gouvernement qui mène le projet.
M. Gaudreault : De là... Oui?
M. Ribaux
(Sidney) : Alors, ce qu'on
souhaite, c'est que le gouvernement mette systématiquement des projets
qui, au pire, sont neutres, mais, dans le meilleur des cas, nous aident à
atteindre les objectifs.
M.
Gaudreault : Et de là l'importance aussi d'inclure dans une loi
les cibles, comme on disait tout à l'heure, au début de notre échange.
M. Ribaux (Sidney) : Tout à fait.
M.
Gaudreault : Ça viendrait renforcer cette exemplarité dont vous
parlez, pour le test climat, en ce qui concerne les projets publics.
C'est ça?
M. Ribaux
(Sidney) : Oui, tout à fait,
et à chaque fois qu'on parle... Je pense qu'un des défis qu'on a dans la
lutte aux changements climatiques, c'est de
s'assurer de la cohérence de l'État, évidemment, plusieurs ministères, et, si
vous êtes au ministère de l'Immigration, le
matin, quand vous vous levez, votre première préoccupation n'est pas les
changements climatiques, c'est peut-être les
réfugiés, c'est peut-être... mais le ministère de l'Éducation doit être logé
dans des bâtiments, a une politique
de déplacement, alors... et, s'il y a des projets qui émanent de d'autres
ministères, bien, à partir du moment que c'est une exigence législative, ils vont les respecter, ils n'ont pas le
choix. Si c'est un souhait d'un autre ministère, bien, c'est loin dans
la liste des priorités de ce ministère-là.
M.
Gaudreault : O.K. Et je comprends que la discrétion dont vous
parlez dans votre schéma, c'est concernant les projets entre 10 000
et 25 000 tonnes.
M. Ribaux (Sidney) : Exactement.
M.
Gaudreault : Mais on nous... Il y a plusieurs groupes qui sont
venus ici dire qu'il y avait déjà beaucoup de pouvoirs discrétionnaires
accordés au ministre, là, dans le projet de loi n° 102. Vous, ça ne vous
chatouille pas trop?
M. Ribaux
(Sidney) : Bien, l'idée,
c'est de dire que c'est clair qu'à 25 000 tonnes... Puis, si j'ai bien
compris, même le conseil du patronat de
l'environnement serait d'accord pour dire qu'il y aurait un test climat pour
les 25 000 tonnes et plus. Bon,
c'est clair que ceux-là, on les met dans une catégorie où ils sont capables de
faire leurs calculs de ça va être quoi,
l'énergie qu'ils vont consommer dans 10 ans puis 15 ans. Mais, par contre, si
vous êtes à 10 000 tonnes, bon, ça va dépendre un peu du projet, et
peut-être que là c'est par voie réglementaire qu'on peut le préciser, mais, si
vous êtes à 24 000 tonnes, bien, vous
êtes pas mal proche du 25 000 tonnes. Alors, c'est pour ça qu'on
dit : Entre 10 000 et 25 000, il y a peut-être... c'est une discrétion dans le sens que ce n'est
peut-être pas pour tous les projets qu'on doit le faire, mais il y a
certainement des projets où on doit aller là.
Le
Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Ribaux. Merci, M. le député
de Jonquière. Ceci met fin à la période d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons procéder maintenant
à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition, et je cède
la parole, pour la fin, au député de Masson.
• (21 h 40) •
M. Lemay : Merci, M. le Président.
Merci, M. Ribaux, Mme Cauchon, d'être avec nous ce soir.
Bon, je comprends, là, que vous avez écrit «test
GES» dans votre mémoire. Vous mentionnez «test climat». C'est la même affaire,
là?
M. Ribaux (Sidney) : Oui, pardon.
M.
Lemay : Parfait, pas de problème.
Puis je veux juste revenir encore à la page 14, là, dans votre schéma,
là. Dans le fond, juste pour être sûr, là, vous avez... sur la deuxième ligne,
là, il y a trois encadrés, l'encadré du centre, là, de 10 000
à 25 000 tonnes, là, je lis la même affaire que pour 25 000 tonnes et
plus. Est-ce que c'est simplement une erreur de frappe? Je veux juste
savoir.
M. Ribaux
(Sidney) : Non. Dans le
fond, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une... La première étape, là, la
première case en haut, c'est une espèce de
sondage en ligne qui vous oriente si vous êtes le promoteur, là : Vous
allez vers quel schéma? Alors, si vous êtes en bas de 10 000
tonnes, bien, on vous envoie vers un schéma qui est essentiellement de la sensibilisation, c'est la première case; si vous
êtes entre 10 000 et 25 000 ou 25 000 et plus, la première étape
est la même dans les deux cas, vous avez à faire une projection de vos
émissions pour le futur.
M.
Lemay : C'est bon. Puis, sur ça, là, j'ai compris après ça que les
deux questions, il y en avait une, c'était plus pour le privé, et l'autre, c'était plus pour le public. Puis ça m'amène
à la page 15, au point 3.3.3, là. Vous mentionnez que, dans le fond, si la poursuite du projet compromet
l'atteinte des cibles, bien, on va échouer le test puis on n'obtient pas
l'autorisation. Mais, dans le fond, là, moi,
j'ai juste une question, là, je me dis : Je suis une entreprise puis je
sais que mon projet n'a pas une
balance zéro, là, tu sais, je vais émettre des GES, ne serait-ce que... tu
sais, je ne sais pas, je n'irai pas dire jusqu'à 1 million de
tonnes de GES par année, là, mais, tu sais, je sais que je vais être un
émetteur de GES, tu sais. Jusqu'à quel point
est-ce que quelqu'un qui pourrait analyser le test GES... dire : O.K.,
c'est toi, le coupable, c'est à cause de toi qu'on n'atteindra pas les
cibles du Québec? Je veux dire, est-ce qu'on va venir pouvoir dire à une
entreprise en question : À cause de
toi, on n'atteint pas... puis l'autre entreprise, selon un timing, passe en
arrière d'une autre qui vient de dire :
Ah! nous autres, on va réduire de 2 millions, puis, dans la même semaine,
tu arrives puis tu dis : Je vais en émettre 50 000, ah... Tu sais, est-ce qu'on peut... par ce test-là, on va
pouvoir venir pointer du doigt certaines entreprises, puis, selon le timing du moment de l'année qu'ils l'ont
déposé, le projet, ça pourrait être acceptable ou pas? Je ne sais pas, là,
j'extrapole.
M. Ribaux (Sidney) : Vous avez
raison. C'est pour ça que j'ai dit d'entrée de jeu que c'est clair que plus on avance, plus les cibles sont ambitieuses, plus le
cas où on dirait «non, ça compromet l'atteinte de la cible» devient
réaliste. À court terme, difficile de voir comment on pourrait, au moment où on
se parle, avoir un projet, même un projet de cimenterie,
pour dire : Bon, votre projet compromet l'atteinte de notre objectif sur
2030. Bon, peut-être sur 2050, on pourrait argumenter, mais sans doute que la cimenterie pourrait répondre :
Bien, moi, ma rentabilité, elle se ferait après 15 ans ou 20 ans, ça fait que je vais fermer en 2050 si
la cible est là, je vais fermer, puis c'est tout, puis je peux quand même
faire mon projet. Donc, dans ce sens-là, vous avez raison.
Par contre,
je pense que, si j'étais une entreprise puis je me faisais faire faire un test
climat comme ça... Encore une fois,
les grandes entreprises font déjà ça. Ils vont prévoir un prix carbone sur 15,
25, 30 ans. Ce test-là fait juste obliger tout le monde à utiliser le «gold standard» par rapport à la prévision, de
mettre un prix carbone. Sans doute que, dans le cadre, mettons, d'un BAPE, ce prix-là qui est utilisé
deviendrait public. Bon, ce serait le genre de question que nous, on
poserait, mettons, à une cimenterie,
dire : Vous prévoyez quoi comme prix carbone en 2030, en 2035, en 2040? Et
là, bien, on peut comparer, il y a
des comparatifs, il y a d'autres gens qui font des prévisions, puis on
pourrait, ne serait-ce que d'un point de vue économique, faire le débat
avec l'entreprise pour dire : Bien, ça va-tu vraiment être encore rentable
en 2040, en 2035, en 2030? Je pense, nous, c'est dans ce sens-là qu'on amène ce
test-là.
M.
Lemay : O.K. Parfait. Je vais vous amener à la page 17, à votre point
3.4.3., vous apportez, là, le... en fait, de dire qu'on pourrait
combiner autant des mesures d'atténuation que des mesures d'adaptation, de
prévoir un plan d'adaptation adéquat. Je ne sais pas si vous avez un
commentaire supplémentaire là-dessus, sur... Je sais que, si on parlait avec le consortium Ouranos, là, ils nous
diraient : Bien oui, il faut prévoir l'adaptation aux changements
climatiques. Mais, vous, est-ce que vous avez un point en lien directement avec
un article du projet de loi ou c'est simplement un commentaire que vous
émettez, que c'est bon d'aussi prévoir de l'adaptation?
M. Ribaux
(Sidney) : Non, c'est plutôt
sur le principe. Je pense que c'est éventuellement quelque chose qui pourrait être ajouté à un test climat, de
l'intégrer. On n'a pas suffisamment réfléchi pour vous dire exactement
comment on pourrait l'intégrer dans le
projet de loi, mais c'est certain que
ça devient un enjeu de plus en plus important dans un projet, là, de prévoir que les écosystèmes changent, le climat
change. Donc, pour toutes sortes d'usages, par exemple énergétiques, ça devient important d'utiliser, par
exemple, des modèles climatiques qui sont faits pour le futur, pour se dire,
quand on construit un bâtiment, par exemple : Est-ce qu'on met plus de
chauffage, plus de climatisation? Alors, ces questions-là se posent maintenant quand on construit des ouvrages... de l'intégrer.
Encore une fois, ce serait de s'assurer que les meilleures
pratiques soient mises en place.
M. Lemay : Ce qui nous permet aussi
de dire : Si ça nous a pris 44 ans pour faire la révision de la LQE, ce qu'on fait aujourd'hui, ça va être bon
pour les 35 prochaines années, pour nous rendre en 2050, donc pourquoi pas ne
pas tout de suite prévoir l'adaptation aux changements climatiques, n'est-ce
pas?
M. Ribaux (Sidney) : Oui.
Le Président (M. Iracà) : Alors, M.
le député de Masson, ça va se terminer sur ces belles paroles. Merci.
L'ordre du
jour étant épuisé, la commission ajourne ses travaux au 23 novembre 2016
après les affaires courantes.
(Fin de la séance à 21 h 46)