(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Reid) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques, téléphones, cellulaires y compris.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le document
de consultation intitulé Cible de réduction d'émissions de gaz à effet de
serre du Québec pour 2030.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Bolduc (Mégantic) sera remplacé par M. Hardy (Saint-François);
Mme Boulet (Laviolette), par M. Billette (Huntingdon); et M. H. Plante
(Maskinongé), par M. Matte (Portneuf).
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, voici l'ordre du jour pour
cet avant-midi. Nous entendrons les deux groupes suivants :
ENvironnement JEUnesse et l'Association du transport urbain du Québec.
Auditions (suite)
Alors, je
souhaite la bienvenue à nos invités d'ENvironnement JEUnesse. Vous avez
10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons
un échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais de vous
présenter et de présenter la personne qui vous accompagne pour les fins
d'enregistrement. Vous avez la parole.
ENvironnement JEUnesse
inc. (ENJEU)
Mme Gauthier (Catherine) : Merci, M.
le Président. Mon nom est Catherine Gauthier, je suis présidente
d'ENvironnement JEUnesse et je suis accompagnée par Jean-François Veilleux,
vice-président de l'organisme.
Je vous
remercie de nous avoir invités à cette importante consultation sur la question
des changements climatiques et des cibles de réduction de gaz à effet de
serre pour le Québec.
Juste un mot
sur ENvironnement JEUnesse. C'est une organisation qui a été créée en 1979 et
qui est un organisme, en fait,
d'éducation relative à l'environnement qui vise à conscientiser les jeunes du
Québec aux enjeux environnementaux, à
les outiller à travers ses projets éducatifs mais aussi à les inciter à agir
dans leurs milieux. Un de nos objectifs, c'est aussi de participer à des consultations, à des audiences
publiques sur les enjeux environnementaux pour y promouvoir la place de
la jeunesse et de l'éducation relative à l'environnement comme nous le faisons
aujourd'hui.
M.
Veilleux (Jean-François) :
Aujourd'hui, dans le cadre des consultations particulières et auditions
publiques sur le document de consultation Cible
de réduction d'émissions de gaz à effet de serre du Québec pour 2030, on
présente notre mémoire intitulé Top chrono — Réduire
les émissions du Québec d'ici 2030.
Dans un
premier temps, nous verrons qu'une cible de l'ordre de 37,5 % sous le
niveau de 1990 pour le Québec en 2030
est insuffisante. De plus, nous croyons que le Québec doit se doter d'une cible
à mi-chemin et que la province n'a d'autre
choix que de mettre en oeuvre une décarbonisation dans les différents secteurs
de son économie pour atteindre cette cible.
Dans un
deuxième temps, nous identifions un obstacle majeur à la mise en oeuvre des
actions pour lutter contre les changements climatiques, soit celui du
manque de financement des groupes communautaires et environnementaux.
D'abord, on tient à rappeler que le délai entre
l'annonce de cette consultation et le début des consultations est beaucoup trop court. Cette consultation, on se le
rappellera, a été annoncée le 17 septembre 2015 par voie de
communiqué. Nous avons reçu un avis de
convocation le 23 septembre, et les consultations ont débuté le
30 septembre. En d'autres mots, nous
avons eu à peine 20 jours pour se préparer à cette consultation. Ce n'est
pas la première fois qu'ENJEU déplore des délais aussi serrés, et on espère que cette remarque sera prise au
sérieux dans les prochains processus de consultation.
Mme
Gauthier (Catherine) :
Maintenant, pour se pencher sur le document de consultation, comme le
document même l'admet, l'objectif de limiter le réchauffement climatique global
à 2 °C peut encore être atteint, mais, plus que jamais, le temps presse. Pour y parvenir, des réductions drastiques sont
nécessaires. C'est dans ce contexte que le Québec s'est doté de cibles
de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le
Québec a pour objectif de réduire ses émissions de GES de 20 % sous les
niveaux de 1990 d'ici 2020 et de 80 % à 95 % d'ici 2050. Or, bien que le Québec ait annoncé des objectifs
ambitieux, il se lance dans des projets à fortes émissions de GES, une approche qu'on tient à souligner parce
que c'est tout simplement incohérent avec des objectifs ambitieux de
réduction des émissions de gaz à effet de serre. ENJEU est plutôt d'avis que la
cible pour 2030 devrait être de l'ordre de
50 % par rapport à 1990. Avec un objectif, à l'horizon de 2050, de
80 % à 95 % de réduction, le Québec doit atteindre des réductions
importantes, et ce, le plus rapidement possible pour ne pas compromettre ses
objectifs à plus long terme. En
effet, plus on tarde à réduire les émissions, plus les émissions de GES
s'accumulent dans l'atmosphère et contribuent au réchauffement
planétaire.
Par ailleurs, nous
sommes d'avis que le Québec devrait également établir des cibles sectorielles
et des cibles précises dans des domaines
névralgiques pour concrétiser la volonté du gouvernement de réduire les
émissions de GES. À cet effet, nous recommandons au gouvernement du
Québec d'adopter un objectif de réduction de la consommation d'hydrocarbures, puis, pour reprendre les mots du
ministre, «l'urgence d'agir appelle à des transformations profondes de notre économie et de notre société. [...]Nous
entrons dans une période de transition vers une société sobre en
carbone, avec les défis qu'implique toute
période de changements majeurs.» À notre avis, afin de réaliser les
transformations profondes de notre
économie et de notre société, tous les secteurs doivent être mobilisés. La
cible de réduction d'émissions de GES pour 2030 doit donc avoir des
impacts dans tous les ministères.
Dans
le but d'accélérer la mise en oeuvre des actions de réduction des émissions de
GES, ENJEU considère que le Québec doit amorcer une décarbonisation de
l'ensemble de ses secteurs économiques.
• (10 h 10) •
M. Veilleux (Jean-François) : Au vu des plus récentes statistiques sur les
émissions de GES du Québec, nous sommes
inquiets. Si les derniers chiffres montrent que le Québec a réduit ses
émissions de GES de 6,8 % entre 1990 et 2012, tout n'est pas gagné d'avance. Dans l'inventaire 2012, les
émissions de GES liées au transport routier ont connu une hausse de
32 % entre 1990 et 2012, puis, selon l'inventaire fédéral, les émissions
du Québec étaient à la hausse entre 2012 et 2013, atteignant
83 mégatonnes, alors qu'elles devraient plutôt diminuer rapidement.
Ces
données démontrent que l'atteinte des cibles annoncées du Québec nécessite une
transformation profonde de nos modes de vie et de nos économies. Les
changements de comportement ne peuvent se faire qu'en impliquant les
communautés et les groupes environnementaux, et ce, à toutes les échelles.
Selon
ENJEU, le manque de mobilisation des groupes communautaires et environnementaux
pourrait constituer un obstacle majeur freinant la mise en oeuvre de
l'action climatique. Les organismes comme ENJEU représentent une courroie de
transmission essentielle auprès des jeunes, des professeurs, des écoles, des
cégeps et, plus largement, des citoyens. Par
ses projets et programmes éducatifs, ENJEU permet une réduction à la source des
émissions de GES. En effet, l'organisme contribue à transformer nos
modes de vie en sensibilisant le public à consommer autrement, à opter pour des
modes de déplacement à faibles émissions de GES, à créer des emplois verts,
etc.
Depuis plus de 35 ans,
ENJEU s'est avéré être l'organisme en éducation environnementale de référence
au Québec. En dépit de son expertise et de ses efforts soutenus, le financement
par projets est insuffisant. Il nous amène aujourd'hui au constat que, si le
soutien à la mission des groupes environnementaux nationaux n'est pas renouvelé
cette année, nous devrons fermer nos portes.
Pour l'année en cours, rien n'indique que le financement à la mission
sera versé aux groupes environnementaux
pourtant qualifiés. En plus d'être vécue comme un désaveu du gouvernement
envers des groupes qui agissent dans
l'intérêt du Québec, du ministère, des citoyens en général, cette situation est
catastrophique pour la survie des groupes et doit être corrigée dans les plus
brefs délais.
Mme Gauthier (Catherine) : À l'heure actuelle, la situation précaire d'ENJEU
mais aussi de plusieurs groupes environnementaux ou communautaires
menace leur existence même.
Or, l'action des
organismes comme ENJEU est essentielle à la lutte contre les changements
climatiques et à l'atteinte des cibles du
gouvernement du Québec. Sans groupes environnementaux pour créer des projets
qui impliquent la population, les jeunes dans le cas d'ENvironnement
JEUnesse, les cibles sont vaines, car elles ne seront pas mises en application à travers des projets bien implantés
dans les communautés. En somme, les politiques du gouvernement du Québec sabrent dans des subventions aux organismes
au nom de la rigueur budgétaire et soi-disant pour réduire le fardeau fiscal dont hériteront les prochaines générations,
mais pourtant, en menant à la fermeture des organismes, on hypothèque
les capacités des générations futures à
s'adapter aux changements climatiques et à lutter efficacement contre le
réchauffement planétaire. On laisse ainsi
une dette aux générations futures bien plus importante encore que celle qu'on
prétend éviter.
En conséquence, ENJEU
émet les recommandations suivantes au gouvernement du Québec :
premièrement, adopter une cible de réduction
d'émissions de GES de l'ordre de 50 % sous le niveau de 1990 pour le Québec en
2030; deuxièmement, adopter un objectif de
réduction de la consommation d'hydrocarbures pour la province en
complément d'une cible globale de réduction
d'émissions de GES et que cet objectif soit inscrit dans un plan crédible comme
le plan sur les changements
climatiques; troisièmement, s'engager dans une décarbonisation de l'économie
québécoise, et ce, dès maintenant, pour une décarbonisation totale à
l'horizon de 2050; et, quatrièmement, signer rapidement une nouvelle entente
avec les groupes qualifiés au Programme de soutien à la mission des organismes
nationaux pour l'année en cours, de relever
les fonds alloués à la mission des groupes environnementaux et de maintenir un
financement adéquat à plus long terme. Je vous remercie.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer
maintenant à une période d'échange. Nous commençons par le côté
gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gauthier.
Bonjour, M. Veilleux. Merci pour votre présentation. Pouvez-vous, relativement à votre cible proposée
de 50 %, nous donner des exemples concrets de moyens qu'on devrait
mettre en oeuvre?
Mme
Gauthier (Catherine) : Comme
on l'évoque, un des moyens concrets, c'est d'effectuer un virage
vraiment à 180 degrés et d'aller vers une décarbonisation de l'économie.
On
le sait, mon collègue M. Veilleux l'a expliqué, les émissions de gaz à effet de
serre continuent d'augmenter, en particulier dans le secteur des
transports, et pourtant on n'a pas de mesure suffisamment robuste jusqu'à
présent pour freiner la hausse des émissions
dans ce secteur. Donc, une des mesures, ce serait effectivement de s'attaquer à
ce secteur, notamment en faisant la
promotion du transport en commun, de mettre en place des infrastructures. Un de
nos projets-phares, c'est aussi un projet de vélo, donc, à l'année, de roues
quatre saisons, donc, d'encourager également les
transports actifs, donc pas seulement l'offre de transport en commun, mais de
mettre en place les infrastructures au niveau
de l'urbanisme, par exemple, pour accueillir un transport qui ne fait peut-être
pas une aussi grande place à l'auto en solo, là, comme c'est le cas actuellement.
M. Heurtel : Voulez-vous ajouter quelque
chose?
M. Veilleux (Jean-François) : Non,
j'abonde dans le même sens.
M.
Heurtel : C'est rassurant. Parce que
le Plan d'action 2006‑2012
sur les changements climatiques ainsi que le PACC 2013‑2020 comprennent des mesures sur chaque point, je crois,
que vous venez de mentionner. Alors, je conviens avec vous que c'est clair qu'il faut aller plus loin tant pour atteindre
une cible de 37,5 % tel qu'il est proposé ou même pour se rendre à
50 %.
Alors, ce que
j'aimerais savoir, que ça soit en... parce que vous parlez qu'il faut des
mesures suffisamment robustes, il
faut une transformation profonde, il faut décarboniser, oui. Alors, concrètement,
qu'est-ce qu'on doit faire, selon vous, là? Des mesures concrètes, parce
que toutes les mesures que vous m'avez données sont déjà dans le PACC. Alors,
qu'est-ce qu'il faut faire concrètement pour aller plus loin puis pour
atteindre l'objectif, tant celui proposé par le gouvernement que le vôtre?
Mme Gauthier (Catherine) : Quand on
parle de décarbonisation massive, ça veut également dire d'avoir une cible de réduction de la consommation du
pétrole et du gaz. Puis un des éléments qu'on souligne dans notre
mémoire, c'est que, si on a des cibles
ambitieuses à l'horizon de 2050, on ne peut pas également aller de l'avant
avec des projets de gaz de schiste ou
encore des projets de pipeline comme celui d'Énergie Est. Donc, ces projets-là
sont tout simplement incompatibles avec les objectifs du Québec. Puis un
autre élément qui pourrait nous amener dans une direction complètement opposée,
c'est des projets à fortes émissions de gaz à effet de serre comme le projet de
cimenterie McInnis, qui va venir annuler tous
les efforts de réduction des émissions de GES du Québec dans les prochaines
années.
Donc, c'est certain que, si on a des projets
massifs comme ceux-là, même si on fait des mesures, au niveau individuel, de
transport actif, il faut aussi qu'on ait une politique qui est cohérente. Donc,
on se pose la question à chaque projet de
développement : Est-ce qu'on peut vraiment l'autoriser sans compromettre
l'atteinte, par exemple, des cibles de réduction, là, à l'horizon 2020,
2030 ou 2050?
M. Heurtel : Vous parlez justement
d'un objectif, vous parlez de la mise en oeuvre d'un objectif sectoriel...
bien, de plusieurs objectifs sectoriels, dont un dans le domaine des
hydrocarbures. Est-ce que vous avez chiffré cet objectif-là?
Mme
Gauthier (Catherine) : Bien,
en fait, le gouvernement du Québec lui-même l'avait chiffré, l'objectif de réduction de la consommation de pétrole et de gaz, le chiffre qui avait
été avancé était de 30 % d'ici
2020. Malheureusement, on n'a jamais
vu ce chiffre-là se répercuter ou se concrétiser dans un plan concret, dans une
loi, une politique. Donc, on peut avancer, bien sûr, des chiffres, on
n'est pas là aujourd'hui, là, pour faire tous les calculs puis faire la
démonstration mathématique, mais on va certainement surveiller le plan d'action
qui suivra l'établissement de la cible, là.
M.
Heurtel : O.K. Je comprends ça, mais ma question... C'est parce que
vous proposez des objectifs sectoriels, vous proposez spécifiquement un
objectif en matière de réduction d'hydrocarbures. Alors, par rapport à votre
chiffre de 50 %, que vous avez établi,
que vous proposez, je voulais juste savoir si vous aviez des recommandations à
nous faire sur des objectifs sectoriels, notamment sur celui des
hydrocarbures, ou dans d'autres secteurs.
Mme
Gauthier (Catherine) : Pour
les hydrocarbures, bien, c'est certain que, comme on l'explique dans
notre mémoire, si on ne s'attaque pas à cet
enjeu-là, on n'atteindra pas la cible en 2050. Donc, le plus tôt on aura une
cible qui est vraiment ambitieuse... si vous me demandez, par exemple,
une cible pour 2030, il faudrait tout simplement qu'elle soit cohérente, là. C'est difficile de donner une
cible sans qu'on regarde l'ensemble des mesures, parce que, même si on
opte pour une réduction de la consommation
de 100 % mais qu'on va quand
même de l'avant avec des projets de cimenterie, par exemple, ou qu'on
dit oui à l'exportation, la cible n'aura pas d'impact, elle ne se concrétisera
pas par un résultat comme on le souhaite, là.
M. Veilleux (Jean-François) : On...
M. Heurtel : Oui?
M. Veilleux (Jean-François) : On veut aussi, également, tu sais, rappeler que
ces cibles-là sont sectorielles mais il faut que ce soit pris dans un
ensemble de tous les ministères. Donc, tous les ministères doivent travailler
ensemble, donc que, le ministère de l'Environnement, du
Développement durable et de la Lutte aux changements climatiques, bien, sa politique, ça ne soit pas juste sa
politique à lui. Il faut que ça transparaisse à travers tous les autres
ministères.
M. Heurtel :
Merci.
Le Président (M.
Reid) : M. le député d'Abitibi-Est.
• (10 h 20) •
M.
Bourgeois : M. le Président. Mme Gauthier, M. Veilleux, j'ai quelques
questions qui vont se décliner sur deux volets.
Premièrement, au
niveau du groupe que vous représentez, auprès des jeunes en tant que tels,
c'est... vous travaillez avec eux, mais, selon vous, quels sont les meilleurs
moyens pour rejoindre cette clientèle-là pour l'amener à justement être plus impliquée dans ces objectifs-là? Comment on peut
mieux agir avec eux pour réussir à les mettre en collaboration dans cet
objectif-là?
Mme Gauthier (Catherine) : Oui. C'est une excellente question. Avec
l'expertise qu'on a développée, je vous dirais qu'il n'y a pas de recette miracle, il faut des projets qui
soient adaptés à chacune des clientèles. On travaille, par exemple, avec les jeunes dans les CPE, donc dans
les centres de la petite enfance, puis on a développé une certification CPE durable qui est spécifiquement adaptée à cette
clientèle-là. C'est une certification soeur de Cégep vert du Québec, qui est une certification qui est plus adaptée aux
jeunes du cégep. Puis on a également des projets comme Tendance bazar,
où les jeunes sont invités à fabriquer des vêtements. Ça s'adresse davantage
aux jeunes du secondaire.
Donc,
l'approche à privilégier, c'est vraiment une approche qui ne va pas
nécessairement comprendre tous les jeunes,
si on dit, par exemple, «les moins de 30 ans ou les moins de 35 ans», mais bien
des projets qui s'adaptent aux jeunes au
préscolaire, primaire, secondaire, cégep ou encore universitaires. Donc, c'est
vraiment l'approche qui fonctionne le mieux, qui permet d'avoir une
approche qui est personnalisée et qui a des effets concrets, parce que les
enjeux ou les préoccupations des jeunes du
primaire ne sont vraiment pas les mêmes que celles au début de l'université,
là, par exemple.
M. Veilleux (Jean-François) : On doit également adapter nos projets avec les générations. Donc, à
chaque année, on revoit et on modifie parce qu'il vient un moment où il
devient plus difficile de rejoindre certains jeunes d'une génération. Et je pense qu'on est un bel exemple
étant donné qu'on a, tous les deux, gravité autour de l'organisme et on
a commencé en rejoignant certains projets et
puis on est maintenant rendus administrateurs : présidente et vice-président
de l'organisme.
M.
Bourgeois : Dans un autre ordre d'idées — vous parlez beaucoup des objectifs — moi, j'aimerais que vous me parliez
aussi des moyens que vous voyez qui pourraient être vraiment, concrètement,
privilégiés pour l'atteinte de la réalisation
de ces objectifs-là. Et je voudrais aussi que vous nous en parliez dans la
lorgnette... parce que ce que j'ai senti tout à l'heure dans votre
présentation, c'était beaucoup en lien avec, bon, quelqu'un qui vit dans un
centre urbain. Mais, quelqu'un qui vit en
région, dans les secteurs ruraux, il y a moins de facilité, par exemple, au
niveau du transport.
Est-ce
que c'est des volets que vous avez regardés? Avez-vous des recommandations sur
des moyens pour être participants là-dedans?
M. Veilleux
(Jean-François) : ENJEU est impliqué dans toutes les régions du
Québec. Et, personnellement, pour avoir déjà habité en région, à Chicoutimi, et
avoir participé à un gros projet d'ENJEU, qui était, à ce moment-là, l'Action nationale à vélo — donc, on partait de Chicoutimi en plein
hiver et on venait jusqu'à Québec déposer un mémoire favorisant le transport durable et le transport
actif même l'hiver, donc le vélo à l'année — il y a des mesures à mettre en place. C'est moins facile, effectivement, il y a
une plus grande dépendance, en région, à l'automobile, à l'auto solo,
mais il y a des très beaux exemples, justement en région, où il se crée des
mini... excusez l'anglicisme, des mini «hubs» de transport urbain, de
covoiturage et de transport actif. Nous, pour ce qui est au niveau du
transport, c'est ça qui serait à favoriser.
Ma collègue a
peut-être...
Mme Gauthier (Catherine) : Il y a beaucoup d'innovations qui peuvent être
mises en place pour le transport, il y a vraiment un ensemble de
transports actifs ou de transports en commun qui peuvent être développés. On le
voit, avec les nouvelles technologies, il y a plusieurs applications qui
permettent de partager un même trajet. Donc, il y a beaucoup d'outils vers lesquels on pourrait tendre qui vont rejoindre en
particulier les jeunes pour changer les habitudes, parce que, on le sait, quand on est jeune, on a
beaucoup plus de chances de conserver les mêmes comportements à plus
long terme, que ce soit par rapport à la
mobilisation, l'implication citoyenne, le vote. Il y a plusieurs phénomènes
comme ça qu'on observe. Donc, si on
peut implanter des nouvelles habitudes, des nouveaux comportements par de
l'éducation, de la sensibilisation et par l'utilisation des nouvelles
technologies, c'est certainement une avenue, là, qu'on privilégie.
M.
Bourgeois : Merci. Moi, ça va.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
questions du côté gouvernemental? Alors, nous passons maintenant à
l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.
M. Traversy :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Gauthier, merci, M. Veilleux,
d'être avec nous aujourd'hui, merci aussi
d'avoir pris la peine de rédiger un mémoire, là, pour cette commission malgré
les délais, qui sont souvent
restreints. J'ai compris que ce n'était pas la première fois, mais, bon,
écoutez, le message a été entendu.
J'ai vu des sourires, là, puis de la
complicité, des regards, donc j'en suis convaincu, que, la prochaine fois, vous aurez plus de
temps. Et sachez que vous n'êtes pas les seuls dans cette situation.
Alors, vous dire que vous avez, tout d'abord,
des cibles très ambitieuses : 50 % en 2030, 100 % de réduction
en 2050. Vous parlez d'équité générationnelle en parlant évidemment, là, du
legs à laisser aux générations futures. Il y
a dans votre discours, là, clairement une situation d'urgence. Vous parlez que
la réduction doit être drastique au cours des prochaines années. Vous
n'êtes pas les seuls à évoquer cette situation comme quoi que, dans les 10, 15
prochaines années, c'est là que les efforts
doivent être entrepris pour infléchir, dans le fond, la réduction de nos gaz à
effet de serre. Et je pense qu'il y a
des termes qui sont utilisés par la commission Lanoue-Mousseau, notamment, qui
viennent un peu correspondre à ce que vous nous avez dit.
J'aimerais
donc savoir, pour entreprendre un virage aussi drastique et aussi urgent, quel
est le moyen prioritaire que vous voyez pour y parvenir. Vous en avez
décrit quelques-uns dans votre rapport, mais j'aimerais quand même prioriser et voir, selon vous, quelle devrait
être, dans le fond, l'action principale sur laquelle le ministre devrait se
pencher.
Mme
Gauthier (Catherine) : Je
pense qu'on l'a évoqué, il faut absolument une approche globale qui
implique tous les ministères, donc, contrairement à la stratégie précédente,
qu'on soit en mesure d'établir un plan d'action qui implique l'ensemble de l'action gouvernementale, l'ensemble des
secteurs. C'est vraiment la clé, parce que, même si le ministère, ce
ministère des Changements climatiques, met en place une série de mesures, si,
de l'autre côté, du côté du ministère des
Transports, bien on se lance dans des projets d'infrastructure qui vont faire
augmenter le parc automobile, on nuit
vraiment à la stratégie globale. Donc, c'est certain qu'il faut avoir une
approche qui est beaucoup plus globale puis qu'on s'attaque, là, aux
secteurs névralgiques. Dans le document de consultation, on a d'ailleurs été
surpris de lire que les émissions liées au
secteur du transport devraient être stables dans les prochaines années et même
décroître. On se demande vraiment de
quelle manière, dans le fond, ce phénomène va pouvoir se concrétiser, parce
qu'à l'heure actuelle la tendance est tout autre.
M.
Traversy : Vous avez raison, donc, de mentionner que le
ministère de l'Environnement est très transversal. Donc, il y a une volonté, à ce moment-là,
d'essayer de donner peut-être plus de poids, dans un point de vue plus
global, à tout son rayonnement. C'est un supraministère que celui de
l'Environnement, dans le fond, alors il y a, comment je pourrais dire, là, une
ligne qui touche à pas mal d'autres ministères, et donc je comprends votre
point de vue.
Vous parlez beaucoup de financement des
organismes communautaires, de leur apport essentiel dans la collectivité. Vous dénoncez un peu l'austérité en
place, si je comprends bien, puis je voulais que vous puissiez le dire
plus ouvertement. Malgré les contextes budgétaires que nous connaissons, vous
lancez un cri du coeur pour qu'il y ait un rehaussement
rapide des sommes qui sont allouées aux organismes environnementaux ou encore
communautaires qui oeuvrent dans ce domaine.
Est-ce que vous pouvez juste nous faire l'état
de la situation pour votre organisme? Parce que je comprends que c'est très précaire, là, à l'heure actuelle.
Puis peut-être que c'est la dernière fois qu'on se voit. Non, non, je ne
veux pas être pessimiste, mais je veux dire, donc, qu'il y a urgence d'agir.
M. Veilleux (Jean-François) : En
fait, je pense que ça ne serait tout de même pas la dernière fois qu'on se verrait, étant donné que nous sommes bénévoles,
mais nous avons une équipe en place et disons que, depuis deux ans et demi, trois ans, il y a un peu de morosité étant
donné que le financement de soutien à la mission des groupes nationaux
en environnement a été très difficile à avoir. Et ça reste tout de même un
sujet d'actualité. On a des rencontres avec les gouvernements depuis justement deux ans et demi et, par contre, on a
beaucoup de misère à aller chercher les sommes qui nous sont promises,
qui nous sont dues peut-être.
Et donc c'est ça, pour nous, au niveau de la
situation, c'est très critique, et on dit : L'année prochaine, ce serait fort possible, si le financement de soutien
à la mission n'existe plus, on devrait fermer... on devra fermer les
portes, en fait. C'est bien simple. Le
financement par projets, c'est bien beau, sauf que, dans une enveloppe
budgétaire par projets, on n'a pas de
montant alloué ou un montant très petit alloué que ce soit pour le loyer ou
pour du personnel qui ne travaille
pas nécessairement sur le projet en particulier, que ce soit un directeur
général ou un adjoint de direction. C'est quand même très pratique à avoir dans un organisme qui rejoint autant de
cégeps et d'institutions. Donc, on doit avoir des appels, on doit avoir
des représentations.
• (10 h 30) •
Mme
Gauthier (Catherine) : Mon
collègue fait référence à un projet de certification qui est bien établi
depuis déjà plus de 10 ans, Cégep vert du
Québec, qui n'est, malheureusement, plus un projet nouveau mais qui quand même
a des résultats. Donc, le fait que ce
ne soit pas un projet nouveau mais qu'il est toutefois très bien implanté dans
les cégeps, ça rend le financement un peu plus difficile, parce que
justement on ne dépose pas un nouveau projet, on ne se lance pas dans une nouvelle initiative, mais pourtant il y a
des objectifs concrets, tellement qu'on a dû, au fil des années,
rehausser les critères de la certification parce que les cégeps en
redemandaient, atteignaient des niveaux plus durables au niveau de leur
gestion.
Donc, c'est
vraiment le type de projet qu'on cherche, par exemple, à soutenir, à
développer, mais, comme mon collègue
l'expliquait, là, le financement par projets est difficile, puis il faut se
rappeler aussi que le contexte d'austérité frappe l'ensemble des milieux dans lesquels on est impliqués. Donc,
quand on va dans les écoles, les CPE, c'est certain que ce n'est pas des entreprises, on ne va pas
vendre nos services comme consultants, on va offrir des services
d'éducation et de sensibilisation et souvent
on offre ces services de manière gratuite ou à faible coût pour s'assurer que
le prix des services, dans le fond, ne soit pas un frein à la
participation des établissements scolaires ou des CPE, par exemple.
Donc, c'est vraiment une préoccupation qu'on a
d'offrir nos services et que ça reste abordable, là, pour qu'un ensemble
d'institutions et d'acteurs puissent en bénéficier et changer leurs
comportements.
M.
Traversy : Je vous remercie beaucoup de cette clarification et
je pense que, le message étant entendu, donc, ça vous a... ça nous a
donc permis d'avoir un portrait un peu plus clair, là, de l'état de la
situation de votre organisme. Également,
vous parlez peut-être de certaines recommandations qui nous ont été apportées
par d'autres groupes avant vous, donc,
la nécessité notamment de tenir des redditions de comptes dans l'atteinte
justement des cibles qui sont fixées. Je voulais voir avec vous si vous étiez ouverts pour l'atteinte de la cible
qui sera choisie par le gouvernement de devoir faire un rapport ou de devoir faire une mise à jour après
un certain nombre d'années de manière constante afin d'y parvenir.
Est-ce que c'est quelque chose auquel vous auriez réfléchi et auquel vous
seriez d'accord?
Mme
Gauthier (Catherine) : Je
pense qu'on est évidemment ouverts à collaborer pour l'évaluation de la
stratégie au fur et à mesure. Un des enjeux, c'est évidemment de prévoir, dans
le plan d'action, un budget pour le soutien aux groupes communautaires. Par exemple, si l'enveloppe est insuffisante
pour réaliser les projets de réduction des émissions de GES, là, concrètement, dans les communautés, ce
serait alors un bon moment pour réajuster le tir avant qu'il soit trop
tard, parce que c'est certain que, si on
fait le bilan de l'atteinte de la cible pour 2030 en 2030, il va effectivement
être trop tard, là.
M.
Traversy : Excellent, écoutez, une suggestion intéressante.
Est-ce que votre organisme est éligible aux sommes qui sont disponibles
dans le PACC 2013‑2020?
Donc,
simplement vous dire que plusieurs disent que l'argent qui est disponible dans
ce portefeuille est dépensé de façon
un peu frileuse pour l'instant, donc beaucoup d'argent s'y trouve, mais elle
n'est pas complètement utilisée encore à pleine capacité. Est-ce que vous seriez donc d'accord pour suggérer
qu'on accélère la cadence, là, dans l'utilisation des fonds qui sont prévus pour justement, là, faire la
sensibilisation, l'amélioration de nos conditions environnementales et
soutenir des groupes comme le vôtre? Je vois que notamment il y a de l'argent
qui dort pour mobiliser le Québec en soutenant
des initiatives de la société civile et de la communauté. Je pense que vous en
faites partie. Il y a 4,5 % seulement du budget qui a été utilisé à ce jour. Ce que j'entends de votre cri du
coeur, c'est : vous, demain matin, le ministre est prêt à débloquer
un peu plus, vous êtes fidèles sous les drapeaux, vous êtes prêts à commencer.
Mme
Gauthier (Catherine) : On ne
connaît peut-être pas les détails de la situation financière, mais c'est
certain qu'on serait ouverts... comme notre mission touche à la mobilisation, à
la sensibilisation, l'éducation du public, en particulier
les jeunes, on serait évidemment intéressés à collaborer puis à avoir les
possibilités, là, pour développer un projet ou soutenir un projet
existant qui est déjà bien implanté avec un ensemble de partenaires.
M. Traversy : Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le
député de Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, Mme Gauthier,
M. Veilleux, bonjour. Je vous félicite de votre implication et puis de votre engagement civiques,
d'autant plus que ce que je comprends bien, c'est que c'est du bénévolat
que vous faites. Alors, mes félicitations.
L'engagement
des jeunes est important dans les échanges qui ont lieu au niveau des gaz à effet
de serre. Alors, ce que j'ai compris
tantôt, c'est que vous avez parlé de Cégep vert, c'est un programme qui a une
mission importante, mais il pourrait
être coupé. Mais, vous, en ce qui vous concerne — mon
collègue, tantôt, a fait état de disponibilité peut-être de fonds pour vous supporter — mais, actuellement, est-ce que vous êtes
supportés financièrement par quelque institution, ou fonds, ou programme
que ce soit?
M.
Veilleux (Jean-François) :
Oui. Alors, oui, tout à fait, on est soutenus présentement, on reçoit des
sommes, du financement, de soutien à la
mission pratiquement une année en retard ou... ça dépend. Donc, on engage des
dépenses et puis on s'attend à ce que le
gouvernement, étant donné qu'il y a un engagement... qu'on reçoive cette
somme-là. Sinon, on a du financement par projets et des partenaires
financiers, que ce soient des fondations, ou peu importe, de différents partenaires privés. C'est sûr, dans les dernières
années, on a été obligés d'aller vérifier, d'aller chercher un peu plus
de financement privé, sauf... le contexte
économique reste le même pour tout le monde. Il y a de moins en moins de dons,
et donc ça devient de plus en plus difficile
pour nous. Et Cégep vert est justement un projet qui est soutenu, entre
autres, par des organisations, des
institutions qui participent. Donc, on a plus que 40 institutions qui
paient une cotisation annuelle, donc ça, ça fait un bon fonds de
roulement. Mais il reste qu'il n'en demeure pas moins que, pour avoir une
ressource attitrée à ce projet-là, il faut encore plus de sommes. Et les cégeps
sont touchés aussi par les coupures budgétaires et sont de plus en plus frileux
à vouloir payer pour une certification. On trouve ça un peu dommage.
M.
Surprenant : Écoutez, je vous remercie puis, en fait, j'ajoute ma
voix, donc, et celle de mon parti au collègue de Terrebonne pour lancer le message au gouvernement que votre apport
est important, puisque ce qu'on fait, en particulier dans une commission comme celle-ci, bien ça va
avoir des impacts pour vous plus que pour nous, alors c'est important que vous puissiez avoir votre mot à dire, puis que
c'est organisé pour pouvoir bien nous faire part de vos préoccupations.
Alors,
maintenant, en ce qui concerne la... à la page 3 de votre mémoire, vous
avez fait allusion... le paragraphe du bas, je vais le lire, là, pour le
bénéfice des gens : «Le document de consultation affirme qu'"entre
2012 et 2030 les émissions [du secteur du
transport] demeureraient stables ou seraient appelées à diminuer légèrement
malgré la croissance de la population
et la hausse des volumes de marchandises transportées par camion."» Alors,
également, dans les données, là, il y
a eu des hausses, entre 2012 et 2013, d'émissions de gaz à effet de serre, et
donc vous croyez peu qu'il y aurait un potentiel
de réduction, là, de niveau des gaz à effet de serre au niveau des transports.
Puis d'ailleurs j'ai consulté suite à ça le document que le gouvernement
avait préparé pour la commission, et puis il mentionne qu'il y a d'abord des
mesures d'efficacité énergétique du fédéral
qui vont avoir un impact positif, la structure démographique, donc, le
vieillissement de la population, donc moins de gens probablement qui pourraient
être appelés à prendre leurs autos, et puis donc le point le plus important, ce
sont les véhicules électriques.
Alors,
ce que je comprends, au niveau des véhicules électriques, il y a eu des efforts
louables du gouvernement pour des
bornes de recharge, il y a aussi des programmes qui vont supporter les gens à
acquérir des voitures électriques. Au Québec,
on a à peu près 50 % du parc automobile électrique du Canada, donc il y a
des efforts qui sont concrets, mais, malgré
ça, dans le document du gouvernement, on dit qu'«en l'absence de mesures
additionnelles de réduction d'émissions de GES, celles-ci reprendraient leur progression à la hausse [dès]
2030». Donc, comment vous voyez ça, puis qu'est-ce que vous pourriez
suggérer comme décision à prendre, là? Focussez sur des éléments particuliers.
M. Veilleux (Jean-François) : En fait, on trouve particulier qu'on dise que,
d'ici 2030, les émissions vont être stabilisées.
Les mesures que vous avez mentionnées, ce sont des bons mouvements, donc on va
dans le bon sens. Qu'on incite la
population à acquérir des voitures électriques, qu'on fasse la promotion de
l'électrification des transports et qu'on investisse dans les
infrastructures de recharge, c'est une très bonne chose. Il n'en demeure pas
moins, même avec le vieillissement de la population... on a aussi constaté
qu'il y a de plus en plus de véhicules utilitaires sport qui sont achetés par
la population. Il y avait une augmentation du parc automobile de 0,8 %
entre 2013 et 2014 et, si je me souviens
bien, il y avait 15 % d'augmentation entre 2013 et 2014 seulement pour les
camions légers, donc, qui sont utilisés comme véhicules de promenade.
Donc,
oui, il y a des mesures d'efficacité énergétique. Il y a de plus en plus de
petites voitures, sauf qu'elles sont de moins en moins achetées. On voit
qu'il y a plus de camions légers qui sont achetés. Donc, à ce niveau-là, ça
devient justement plus compliqué à suivre que les émissions du transport vont
être stabilisées. Donc, il y a du travail encore à faire à ce niveau-là en
sensibilisation et en mobilisation de la population.
• (10 h 40) •
M.
Surprenant : Et on peut ajouter qu'on peut prétendre qu'avec le prix
du litre d'essence, qui est bas présentement,
donc, l'acquisition de véhicules utilitaires sport ou utilitaires tout court
pourrait être en progression, donc on pourrait reculer encore, là, bon,
puis tout ça finalement dans un contexte où on veut faire des efforts au niveau
des véhicules et puis on voit qu'on n'y
arrive pas. Puis, comme vous disiez tantôt, en contrepartie, bien le
gouvernement a pris des décisions
particulières en ce qui concerne la cimenterie McInnis, qui va produire des gaz
à effet de serre de façon très, très,
très importante au cours des années à venir. Donc, ce que je peux comprendre de
ce que vous dites, c'est que vous ne sentez
pas qu'on va y arriver puis que tous les efforts qu'on fait n'offrent pas les
résultats escomptés, puis qu'en plus de ça, bien, on arrive avec des
projets comme ça qui font que... Comment allons-nous y arriver, là?
Alors,
est-ce que vous auriez peut-être des suggestions à faire, au niveau des projets
d'envergure comme McInnis, des mesures que vous souhaiteriez voir qui
pourraient peut-être empêcher des décisions comme celles-là?
Mme Gauthier (Catherine) : Il y a plusieurs groupes avec lesquels, bon, on
collabore ou on cohabite, là, à la Maison
du développement durable qui ont suggéré, dans le cadre des consultations sur
la réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement,
d'inclure une évaluation des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre
des projets d'envergure, donc ça, ça peut être un outil, parce qu'il ne
faut pas analyser les projets à la pièce, parce que, même si on a une dizaine de
petits projets, l'ensemble, la somme de ces petits projets là peut faire
déborder, en fait, le budget carbone du Québec.
Donc,
c'est vraiment important de faire une analyse qui est plus globale, parce que,
si, comme on le soulignait tout à
l'heure, le plan d'action se limite à l'action du MDDELCC, ça va être beaucoup
trop étroit comme vision. Donc, il faut vraiment une mobilisation du
gouvernement du Québec, là, au grand complet, là, donc d'aller discuter avec
d'autres collègues dans d'autres ministères puis de s'assurer, là, qu'il y ait
une approche qui est cohérente, qui est globale. Donc, c'est de ça qu'on parle,
là, quand on parle de mobilisation de l'ensemble du gouvernement.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Merci de votre présentation, merci de la
contribution à nos travaux.
Alors, je lève la
séance pendant quelques instants, le temps de permettre à nos prochains invités
de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 43)
(Reprise à 10 h 45)
Le Président (M.
Reid) : Nous reprenons nos travaux. Alors, je souhaite la
bienvenue à nos invités de l'Association du
transport urbain du Québec. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.
Par la suite, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demande
de vous nommer, nommer les personnes qui vous accompagnent pour les fins
de l'enregistrement, et vous avez la parole.
Association du transport
urbain du Québec (ATUQ)
M. Beauchamp (Daniel) : Moi, je suis Daniel Beauchamp, je suis directeur
général de l'Association du transport urbain
du Québec. Je vous présente M. Michel Party, qui est le vice-président du
conseil d'administration de l'ATUQ...
M. Patry
(Michel) : Bonjour.
M. Beauchamp (Daniel) : ...et de M. Alain Mercier, qui est le
secrétaire-trésorier de l'ATUQ en plus d'être le directeur général de la
société de... en fait, du Réseau de transport de la Capitale.
Le Président (M.
Reid) : Alors, allez-y, vous avez la parole.
M. Beauchamp
(Daniel) : O.K. Donc, l'ATUQ et les neuf sociétés de transport du
Québec sont des alliés incontournables du gouvernement pour répondre aux
principaux enjeux énergétiques du Québec. Les neuf sociétés de transport du Québec, en 2014, c'est
559 millions de déplacements, soit 90 % des déplacements qui ont été
réalisés au Québec, puis à ça il faut
ajouter un 6 millions de déplacements en matière de transport adapté.
Donc, peu de secteurs sont aussi
bénéfiques pour le développement durable que le transport en commun, et ce,
tant d'un point de vue économique, social qu'environnemental.
Au
cours des dernières années, l'ATUQ a su démontrer par différentes études que le
transport en commun contribue significativement au développement durable
des villes et partout au Québec.
Le
transport en commun est un moteur de notre économie. De façon précise, en 2013,
les activités de l'ensemble des sociétés de transport en commun du
Québec ont eu des retombées économiques positives dans plusieurs villes du Québec, car elles ont soutenu 16 831 emplois
directs de qualité, 4 140 emplois indirects années-personnes.
Conjointement, les neuf sociétés ont injecté
plus de 2,5 milliards de dollars dans l'économie du Québec, elles ont
permis de générer des recettes fiscales de l'ordre de 366 millions
de dollars pour le gouvernement du Québec et de 129 millions pour le gouvernement fédéral. C'est donc une contribution
majeure pour tous les citoyens. C'est une source importante d'activités
commerciales pour le Québec. Des entreprises québécoises comme Bombardier et
Nova Bus, dont le savoir-faire est reconnu à l'échelle internationale,
témoignent de l'impact économique généré par les investissements en matière de transport en commun. Par ailleurs, selon la
Chambre de commerce du Montréal métropolitain, les retombées des
dépenses du transport en commun dans
l'économie québécoise sont bien supérieures à celles dans le secteur
automobile. Ainsi, 10 millions dépensés en transport en commun
contribuent à soutenir 183 emplois-année et 17 millions en valeur ajoutée.
En comparaison, la même somme dépense en transport automobile génère 66 emplois
années-personnes et 6,8 millions en valeur ajoutée.
Le
TEC a donc un impact sur l'économie québécoise près de trois fois supérieur à
celui du transport privé par automobile,
tant en matière d'argent que d'emploi. C'est un créateur de valeur. La présence
du transport en commun sur un territoire a des retombées positives,
parce qu'il accroît la valeur foncière des propriétés, favorise le
développement d'aménagements résidentiels,
institutionnels et commerciaux et diminue la congestion routière et les coûts
qui y sont liés.
L'ATUQ
est un allié de l'environnement. Donc, le transport en commun représente une
stratégie incontournable pour réduire
les émissions de GES. Puisque le gouvernement du Québec souhaite améliorer de
façon importante son bilan énergétique
et notamment de réduire ses émissions de GES de façon ambitieuse, il doit miser
sur le transport en commun et aider
les sociétés de transport à augmenter l'achalandage et la part modale. En
effet, tel que mentionné dans le document de consultation de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec
publié en 2013 par l'ATUQ et AVT, le transport en commun fait meilleure figure en ce qui concerne la
quantité d'énergie utilisée par kilomètre-passager parcouru et la forme d'énergie utilisée. En effet, le transport
interurbain ou intra-urbain par autobus consomme 2,2 fois moins d'énergie
que le transport individuel par kilomètre
parcouru. Conséquemment, plus le transfert modal de l'automobile vers le
transport en commun s'effectue, plus le
bilan énergétique s'améliore. Pour permettre un transfert modal, il est non
seulement nécessaire d'augmenter
l'offre de services en transport en commun, mais également de l'améliorer pour
s'assurer qu'elle répond aux besoins
de la clientèle. De nouveaux clients choisiront le TEC, le transport en commun,
s'il est disponible mais également s'il
répond à leurs besoins à divers niveaux, tels la rapidité, la fiabilité, la fréquence,
le confort, la sécurité et l'accessibilité.
• (10 h 50) •
Donc,
l'ATUQ confirme au ministre son accord avec la cible de 37,5 % sous le
niveau de 1990 pour 2030. La lutte contre
les changements climatiques et le développement durable sont au coeur des
stratégies des membres de l'ATUQ.
L'ATUQ
est membre du Comité-conseil sur les changements climatiques, qui a recommandé
au ministre la cible de 37,5 %.
Cette augmentation a été le fruit de nombreuses heures de travail auxquelles
l'ATUQ a participé activement. La cible permet de consolider le
leadership du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques et
elle est cohérente avec celle fixée en 2009, donc, 20 % sous 1990 d'ici
2020, qui est en voie de réalisation. De plus, la cible de 37,5 % est également en lien avec les objectifs de réduction de
80 % à 85 % pour les horizons 2050. L'ATUQ a besoin de connaître... dans cette cible-là, qui est
ambitieuse, a besoin de connaître sa part, en fait, qu'est-ce qui va être
attribuable au transport en commun, afin de
permettre à ses membres d'élaborer un plan d'action et d'évaluer le financement
requis pour réaliser ce mandat. Donc,
conscients de leur rôle stratégique, les membres de l'ATUQ sont prêts à tout
mettre en oeuvre ce qui est sous leur contrôle pour permettre au
gouvernement d'atteindre la cible de 37,5 %, mais une telle implication
doit être harmonisée d'un financement approprié.
Les pistes de solution. Donc, on parle
d'une augmentation de l'offre de services conjuguée à des mesures de
gestion de la demande pour modifier les
habitudes des déplacements et le recours à l'auto solo; une amélioration de
l'efficience du transport en commun afin de diminuer les temps de parcours — donc,
les travaux routiers... voies réservées, feux prioritaires; l'instauration de
mesures de gestion de la demande en transport — donc, tarification au niveau
des stationnements; une vision globale en
matière d'électrification du transport — le bon véhicule et la bonne
technologie appropriés, à la bonne place;
une concertation relative à l'aménagement urbain afin de faciliter en amont le
déploiement du transport en commun; puis une vision d'ensemble qui intègre tous
les modes de transport ainsi que les différentes stratégies — du
mode lourd au mode léger.
L'ATUQ
souligne quelques défis à prendre en considération. Donc, les revenus de la
bourse du carbone, le Fonds vert ou
d'autres types de revenus, le cas échéant, le PACC doivent être dédiés
spécifiquement à des actions qui permettront d'atteindre la cible de
37,5 %. Donc, nous recommandons des critères de sélection, des mesures de
performance, une notion de reddition de comptes. En matière de transport en
commun, l'investissement dans le maintien des actifs est essentiel — il faut comprendre ça, puis ça, tout le monde
est d'accord avec ça — mais il ne permet pas de déployer de nouvelles stratégies
pour améliorer l'offre de services. La base de référence pour l'amélioration de
l'offre de services en 2015 devrait être le
niveau de service atteint suite au PACC 2006‑2012, qui avait été un grand
succès, il va sans dire, puisqu'il a permis de générer plus de
50 millions de déplacements additionnels.
La
cible de 37,5 % nécessite un leadership, une cohérence décisionnelle,
puisque plusieurs ministères, municipalités ou autres parties prenantes
seront concernés — donc,
financement, aménagement urbain, etc. Le changement de culture de l'auto solo au transport en commun est un grand défi qui
nécessitera des améliorations concrètes à la gamme de services. Puis il
faut prendre en considération, finalement, que le coût de l'électrification du
réseau de surface a deux composantes
indissociables : il y a l'acquisition des autobus et le financement de la
mise en service, donc. Mais ce qui est aussi très important, c'est tous
les coûts qui sont liés aux modifications des infrastructures, la formation,
les changements, les technologies
émergentes, avec lesquelles on doit composer, qui sont, de par leur nature,
moins fiables parce qu'elles doivent être expérimentées, et évidemment
les coûts d'exploitation qui y sont associés.
N'oublions
pas que le transport en commun joue un rôle social important, c'est un moyen de
transport accessible. Le transport en
commun a toujours été un élément structurant en matière de développement et de
forme urbaine. Tous les types
d'activité peuvent être accessibles en transport en commun, et cela favorise un
dynamisme et une activité étalés sur toute la journée. C'est d'autant
plus important... que certains segments de la population qui, autrement, ne
pourraient se déplacer. Les ménages ne
possédant pas de voiture, les personnes sans permis de conduire, les aînés et
les jeunes en dépendent davantage pour leurs déplacements. Ainsi, les
sociétés de transport assurent à plus de 90 % des ménages une option de transport à moins de cinq minutes de
marche de leur résidence. De plus, le transport en commun permet aux usagers d'accéder à tous les services de base,
que ce soit dans le domaine de la santé, dans celui de l'éducation, le
travail, le loisir, puisqu'il couvre 90 % des voies de circulation dans
les zones où sont situées ces activités.
En
s'assurant de l'égalité des chances en matière d'accessibilité pour toutes les
personnes, le transport en commun permet d'améliorer l'équité entre les
individus. Dans un contexte de vieillissement de la population, son importance
se fait de plus en plus sentir.
C'est
un moyen abordable de se déplacer quotidiennement. Les coûts associés à la
mobilité sont très élevés pour la population.
En effet, le transport est le deuxième poste de dépenses des ménages québécois,
se classant immédiatement après le
logement et devançant même l'alimentation. Par contre, sur une base
quotidienne, l'utilisation du transport en commun est presque neuf fois moins chère que le recours à l'automobile.
Le transport en commun s'impose donc comme une solution économique.
Le Président (M.
Reid) : En terminant, s'il vous plaît.
M. Beauchamp
(Daniel) : Pardon?
Le Président (M.
Reid) : Il reste quelques secondes.
M. Beauchamp (Daniel) :
D'accord. Bien, en fait, je peux terminer là. S'il y a quelque chose...
Le
Président (M. Reid) : Oui. O.K. D'accord. Alors, vous aurez
l'occasion de continuer les échanges, bien sûr.
Alors, nous allons
commencer par le côté gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.
M.
Heurtel : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Beauchamp, M.
Patry, M. Mercier, bonjour, merci pour votre mémoire ainsi que votre
présentation.
La semaine dernière,
on a eu plusieurs groupes qui nous ont parlé, justement, de transport
collectif, du développement nécessaire du transport collectif pour atteindre
nos cibles 2020 ainsi que la cible proposée par le gouvernement. Et puis, en passant, je vais faire une parenthèse pour
vous remercier particulièrement, M. Beauchamp, pour votre participation au sein du Comité-conseil sur
les changements climatiques ainsi que celle de votre prédécesseur. Merci
beaucoup pour tout le temps que vous avez
mis et que vous continuerez à mettre dans les travaux en continu du
comité.
Il y a eu beaucoup de
conversations et d'échanges, la semaine dernière, sur la question du transport
collectif en région, alors j'aimerais ça
approfondir cette notion-là avec vous, parce que vous parlez, bon, de vouloir
faire votre part, puis on va pouvoir
approfondir ça également, là, dans les questions subséquentes, mais
particulièrement, quand on parle des... mettons qu'on sort des grands
centres comme la région de Montréal, la région de Québec, quel rôle L'ATUQ peut
jouer? Comment vous voyez la notion de transport collectif se développer
davantage dans les régions?
M.
Beauchamp (Daniel) : Au
niveau des régions, c'est évident que les enjeux sont différents de par... il
n'y a pas les mêmes enjeux de
circulation, donc, et, de là, je pense, doublement l'importance de créer, au
sein des jeunes, l'accès, de
faciliter l'accès, parce que, si on y va, dans les régions, d'un point de vue
purement économique, d'un point de vue purement
en termes de contraintes, probablement qu'on aurait tendance à... on pourrait
avoir le réflexe de dire : Bien, c'est moins important que dans les
grandes régions comme la région métropolitaine de Montréal. Je pense, entre
autres, à des discussions que j'ai avec mes
collègues. Que ça soit à Sherbrooke, que ça soit à Chicoutimi, au Saguenay, que
ça soit à Trois-Rivières, c'est
doublement important de faire une offre de services qui va attirer les gens
puis de faire en sorte... sinon, il
va y avoir une érosion, et les gens vont avoir tendance à quitter le transport
en commun. Donc, doublement important, là, au niveau de mettre les
énergies et de les maintenir.
M. Heurtel : Également, un des
sujets dont on a parlé beaucoup, c'est : en même temps, il y a une
question importante de changement
d'habitudes qui doit s'opérer, parce que, d'un côté, on voit que les
achalandages de certains systèmes de transport collectif sont en hausse,
et c'est très encourageant, mais en même temps, du même côté, on voit que l'histoire d'amour entre la population
québécoise et ses véhicules est aussi forte que jamais, hein; on achète
de plus en plus de véhicules puis on achète des véhicules aussi à grosse
cylindrée.
Alors, de
votre point de vue, qu'est-ce qu'on doit faire? Quel genre de moyen concret
doit-on mettre en oeuvre, outre ce qu'on fait déjà en vertu du plan
d'action sur les changements climatiques 2013‑2020, pour justement faire
davantage et changer les comportements?
M.
Beauchamp (Daniel) : En
fait, ça fait 35 ans que j'oeuvre dans le milieu du transport en commun. Et
donc il est clair que, pour la personne qui
est dans son automobile solo, ce qui vient un des points majeurs, c'est le
temps de se rendre entre le point a et le point b. Et il faut tout
mettre en oeuvre pour faire en sorte de limiter les temps de parcours, la vitesse commerciale associés au transport en
commun par des voies réservées, par des accès privilégiés pour le
transport en commun et il faut que l'offre
de services aussi soit représentative. Présentement, là, en matière de
transport en commun, un des enjeux,
c'est qu'on va avoir une offre de services assez significative en heures de
pointe, et, en dehors des heures de pointe,
ça va être plus limité, ça va être plus... Donc, il faut vraiment élargir, il
faut que le transport en commun devienne le moyen de se déplacer, puis, pour faire en sorte que ça se réalise, bien
il faut que la personne y voie un avantage. Si c'est plus simple pour
moi d'embarquer dans mon automobile puis de me rendre au travail, ou de me
rendre au centre d'achats, ou d'aller dans des spectacles, bien c'est sûr
que...
Donc, il faut vraiment travailler sur la qualité
de l'offre, sur la variété de l'offre, et c'est vraiment ce qu'on considère, au
niveau de l'ATUQ, comme le point majeur.
• (11 heures) •
M. Patry
(Michel) : Si vous
permettez, M. le ministre, pour compléter un peu. C'est une lorgnette, puis il
y a deux bouts de la lorgnette : il y a l'attractivité du transport
collectif et la très grande facilité de pouvoir circuler en voiture sur les réseaux routiers, stationnements à
des prix, bon. Alors, je pense qu'il faut travailler sur les deux bouts
de la lorgnette, c'est-à-dire que le
transport collectif soit davantage attractif, réponde davantage aux besoins des
gens. Moi, je suis président d'une
société de transport à Lévis, on a mis le wifi dans nos autobus. Bien, je peux
vous dire que, le wifi dans nos
autobus, là, les gens commencent à travailler le matin dans l'autobus avec
leurs tablettes. Alors, voyez-vous, c'est plus attractif. C'en est un
aspect.
D'un autre côté,
je dirais que le transport en commun, c'est un produit, il faut être capable de
le vendre, il faut le publiciser. À
mon sens, il y a un manquement là. Quand est-ce que vous avez vu passer à la
télévision un spot publicitaire vantant les mérites du transport en
commun? Je peux vous avouer que je n'ai pas vu ça souvent. Alors, voyez-vous, il y a un marketing de ce moyen de transport là,
peu importe ce qu'il va être, parce qu'on veut le bonifier — tout le monde, hein, on ne peut pas
être contre la vertu — mais
il faut le vendre, et ça, ça m'apparaît important, parce qu'il y a un changement de culture à faire puis il ne se fera
pas seul. Il va se faire par des incitatifs, par des messages puis
renfoncer le clou autant qu'on peut le
faire. Alors, je pense que c'est de cette façon-là, puis ça ne se fera pas du
jour au lendemain non plus, mais il
faut commencer à quelque part. Je pense que, là, vraiment on aurait, si vous
voulez, des pistes de solution, parce que l'objectif à atteindre est
quand même intéressant, est assez élevé également.
M. Heurtel : Merci.
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Saint-François.
M. Hardy : Oui. Bonjour, messieurs.
Je vous salue. Je regarde dans votre mémoire que vous proposez plusieurs pistes
de solution liées au transport en commun, je vais vous en lire trois :
«Une augmentation de l'offre de services
conjuguée à des mesures de gestion de la demande pour modifier les habitudes de
déplacement et le recours à l'auto
solo.» Il y en a une autre : «Une amélioration de l'efficience du
transport en commun afin de diminuer les temps de parcours — travaux
routiers, voies réservées, feux prioritaires, etc.» Puis il y en a une qui
m'accroche aussi, il y a «une vision
d'ensemble qui intègre tous les modes de transport ainsi que les différentes
stratégies». On parle de modes de transport lourd ou léger.
Selon vous, quelles seraient les approches à
privilégier dans les différents types de transport, soit pour les marchandises,
l'individuel ou le commun?
M. Beauchamp (Daniel) : En fait, en
matière de transport en commun? Excusez-moi, parce que...
M.
Hardy : En matière de transport en commun, de marchandises, de camions
lourds ou légers, là, quelle est votre position là-dessus, puis
qu'est-ce qui serait bon à privilégier, d'après vous?
M.
Beauchamp (Daniel) : En
fait, étant les représentants des neuf sociétés de transport du Québec ayant
comme mandat de développer et de travailler
particulièrement en matière de transport en commun, je pense que ça ne serait
pas honnête de ma part de commencer à
vouloir exploiter ou donner des explications sur un domaine que je ne connais
pas, que je ne maîtrise pas, le transport de
marchandises, et ainsi de suite. Comme je vous disais tantôt, moi, ça fait 35
ans que je suis dans le transport en
commun. Ça, je peux vous en parler pendant de nombreuses heures. Mais,
malheureusement, je n'ai pas de réponse. Je ne sais pas si un de mes deux
collègues aurait une réponse par rapport à ça, mais...
M. Mercier
(Alain) : Peut-être juste pour agencer le point important. L'effet du
transfert modal entre l'auto solo et le
transport en commun génère, comme mon collègue a mentionné, une réduction
importante au niveau de gaz d'effet de serre,
des émissions de particules, et, au niveau de la gestion de l'environnement, le
transport en commun peut être un des modes qui est très intéressant pour
le gouvernement du Québec à utiliser comme levier. C'est sûr et certain, si on
concentre simplement la réduction ou l'efficacité des moteurs diesel dans nos
bus, et tout ça, notre impact est moins important
peut-être qu'un tracteur routier, juste pour utiliser un exemple. Mais, je
pense, l'important, c'est le choix des Québécois dans les milieux
urbains et aussi dans les régions d'avoir le choix du transport en commun comme
levier important. Donc, on privilégie cette
facette-là, c'est l'augmentation de l'offre de services, pour donner une
alternative pour les bénéfices économiques et aussi environnementaux.
M. Hardy : Merci. J'ai une autre
petite question à vous poser sur le transport en commun.
Vous
représentez plusieurs villes qui sont dans votre association. Parmi ces
villes-là, le pourcentage d'autobus hybrides ou électriques, est-ce
qu'il est assez haut ou si c'est encore à moteur diesel ou au gaz?
M.
Beauchamp (Daniel) : En
fait, le pourcentage est encore faible, parce que le déploiement a commencé
voilà un an, ça a commencé en juin l'année dernière. Donc, on est rendus à peu
près à 150... tout près de 200 véhicules, là, qui ont été livrés dans une des
neuf sociétés de transport. Donc, le déploiement se fait progressivement, mais
il faut comprendre que depuis l'an passé,
finalement, depuis le mois de juin, tous les véhicules qui vont être livrés
dans les sociétés de transport sont des véhicules hybrides, que ce
soient des véhicules de type 40 pieds ou même, prochainement, les
véhicules articulés.
M. Hardy : Merci.
Le Président (M. Reid) : Oui,
M. le député de Portneuf.
M.
Matte : Merci, M. le Président. Bien, bienvenue à vous trois ici.
M. Patry — c'est
bien ça, votre nom? — ...
M. Patry (Michel) : Oui, monsieur.
M.
Matte : M. Patry, vous avez mentionné que vous aviez fait
l'installation du wifi dans les autobus. Pour les gens qui nous
écoutent, c'est-u un investissement qui est très dispendieux? Ça peut
représenter combien par autobus si c'est de même que vous évaluez ça?
M. Patry
(Michel) : Bien, écoutez, je
n'ai pas les chiffres exacts, là. Avoir su que j'aurais la question que
vous me posez, j'aurais apporté les chiffres
exacts. Je ne voudrais pas vous dire n'importe quoi. Ça dépend de
l'utilisation, puis des bandes passantes,
puis de la fréquence. Il y a tout un aspect technique dans ça. Il faut dire
qu'on ne l'a pas sur tous nos réseaux,
sur tous nos parcours, c'est sur les principaux parcours, par exemple le
Lévisien-1, le Lévisien-2 et le Lévisien-3. Alors, c'est les autobus qui partent de Lévis qui s'en viennent à Québec
le matin, hein, les grandes lignes, et l'autobus qui part de Lévis qui s'en va à Saint-Étienne, là,
puis qui fait toute la ville de Lévis, et qui partent de Saint-Étienne et qui
s'en viennent à l'Université Laval. Alors, les trois grands parcours, il y a le
wifi dans nos autobus. Mais, sur les lignes de raccordement, il n'y en a pas,
hein?
Alors, ça a été une expérience pilote, ça a
commencé il y a quatre ans, et on s'est rendu compte que les gens apprécient
beaucoup ce service. Et, comme tous les services, par exemple, modernes,
maintenant, d'indication aux passagers que
l'arrêt d'autobus s'en vient et la voix dans les autobus, alors, ce sont tous
des systèmes qui n'existaient pas il
y a quelques années et que Québec a également. Québec, vous avez des systèmes
comme ça. Ça augmente le confort, l'attractivité
aussi. Et, aussi, les modèles d'autobus s'améliorent, alors les gens aiment
bien... Il faut que ce soit convivial, hein, il faut que ce soit appétissant.
Une salade, pour la manger, il faut qu'elle soit appétissante. Alors, le
transport en commun, c'est un peu pareil. Il
y a cet aspect-là, qui, il me semble, m'apparaît important, et le wifi
contribue à la vente, si vous voulez,
de ce produit-là. Puis c'est très utile aussi, parce que ça permet aux gens,
aux étudiants, aux gens qui vont travailler de commencer à travailler
même dans l'autobus. Il y en a que leur bureau commence à 8 heures sur
leur tablette. Alors, voyez-vous, on s'en va vers ces technologies-là.
Alors, ça ne
répond peut-être pas en chiffres à votre question, mais c'est le mieux que je
peux faire dans le moment.
M. Matte : Est-ce qu'on peut faire
parvenir l'information à la commission, ici, sur les données?
Le Président (M. Reid) :
Bien sûr. Vous n'avez pas objection?
M. Patry (Michel) : Il n'y a pas de
problème.
Le Président (M. Reid) :
Alors, vous l'envoyez à la secrétaire de la commission.
M. Patry (Michel) : Oui.
M.
Matte : Puis j'aimerais ça aussi savoir est-ce que... il y a Lévis,
Québec, est-ce qu'il y a d'autres commissions de transport aussi qui ont utilisé le wifi dans leur réseau? Si cette
information-là est disponible, je trouve que ce serait intéressant, là,
pour...
M. Patry
(Michel) : Je vais vérifier.
Nous, à Lévis, oui. Pas sur l'ensemble du réseau, comme je vous
l'expliquais, mais on peut le vérifier. Je vais demander à M. Beauchamp de...
M. Beauchamp (Daniel) : Je vais
faire le suivi, puis je vais vous revenir.
M. Matte : Très bien.
Le Président (M. Reid) :
Allez-y, oui, M. le député de Portneuf.
M.
Matte : M. le Président, j'ai également une autre question. Vous avez
identifié, M. Patry, le fait qu'il y a un manquement, là, dans la vente du produit qu'est le transport en commun,
bon, vous avez identifié aussi certaines lacunes, là, en termes de réseau routier, en termes, là...
Maintenant que vous avez mis de l'avant le wifi — je pense que c'est un actif, là, positif — qu'est-ce qu'on peut faire aussi de plus
pour faire en sorte que le produit soit intéressant, soit recherché?
Avez-vous
identifié, là, des solutions, quoi que vous pouvez faire pour faire en sorte
que ce produit-là est intéressant?
• (11 h 10) •
M. Patry
(Michel) : D'abord, il faut
que la tarification reste abordable pour l'usager, il faut de la fréquence
puis il faut de l'exactitude à l'horaire.
Quelqu'un qui attend l'autobus, là, c'est bien de valeur, s'il l'attend 15, 20
minutes de trop parce que l'autobus
est pris dans la circulation, ce n'est rien d'attractif puis d'incitatif à le
reprendre. Puis il faut de la fréquence à la pointe, respect des
horaires, fréquence. Alors, tout ça, c'est des éléments.
Mon collègue
ici M. Mercier, qui est directeur général du RTC, pourrait vous en parler,
justement, de ce que ça prend pour que les gens le prennent, il pourrait
possiblement compléter ma réponse.
M. Mercier (Alain) : Je pense, je
pourrais utiliser un exemple local et récent de l'attractivité du transport en commun, c'est l'investissement du gouvernement du
Québec dans la voie réservée de Robert-Bourassa, qui était un projet de
réflexion qui a incorporé une voie réservée. L'importance de ce projet-là pour
les clients du RTC, essentiellement, c'était
dans les banlieues nord-ouest de la ville de Québec. Essentiellement, il y a eu
une réduction du temps pour aller au travail et de retour à
l'université, on parle d'entre cinq et 15 minutes par client. Donc, un
investissement a eu un effet essentiellement
d'un transfert de notre clientèle. On a eu des augmentations de 25 % dans
ces services qui ont bénéficié de l'utilisation d'une voie réservée. On
parle d'environ 400 bus dans l'heure de pointe du matin. Donc, on a amélioré la qualité de vie de milliers de personnes par
jour, 5 000 personnes par jour, il y a une réduction du temps de
déplacement. Le RTC a bénéficié par des
réductions de coût d'opération, donc on pouvait déployer plus de services pour
le même dollar d'investissement par le réseau municipal et aussi par la
contribution municipale et nos clients.
Donc, on a vu qu'un incitatif qui a aidé le
temps de déplacement, l'augmentation de la fiabilité du réseau a eu un impact majeur sur l'utilisation du service. Et,
je peux vous dire, le RTC n'est pas différent des autres réseaux, où on
voit de plus en plus aujourd'hui que les familles qui ont une auto ou deux
autos sont aussi des utilisateurs du transport en commun. Aujourd'hui, par exemple, on a réussi, depuis les cinq à 10
dernières années, que 68 % de nos clients réguliers qui utilisent
le transport en commun sont aussi propriétaires des automobiles. Donc, les
investissements qu'on fait en termes de confort, fréquence et aussi réduction
de temps de déplacement par des investissements importants par le gouvernement nous aident à faire cette transition.
La question, c'est : Comment est-ce qu'on va le bonifier pour le
futur?
Le
Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant à
l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.
M. Traversy : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci beaucoup, messieurs, pour votre présence à cette
commission. Donc, tout d'abord, je voulais également, là, saluer le travail que
vous avez fait dans le cadre, là, du comité-conseil
qui a été présenté, là, au début de ces consultations. Merci beaucoup pour
l'énergie que vous y avez mise.
Et là, aujourd'hui,
vous revenez autour de la table mais avec un autre chapeau, donc, celui de
l'Association du transport urbain du Québec. Je vais donc m'attarder évidemment
davantage à la question du transport, qui vous touche plus particulièrement. Je voulais avoir votre opinion, parce que
plusieurs groupes sont venus nous dire autour de la table qu'il... bon, qu'il fallait pour l'avenir
essayer d'avoir une vision à long terme en ce qui concerne le secteur des
transports, qu'il fallait essayer de développer des cibles de réduction de gaz
à effet de serre par programmes puis trouver
des moyens par secteurs pour être capables d'y parvenir. Je voulais savoir,
donc, de votre côté, comme vous avez une expertise et une expérience
dans le domaine, pensez-vous qu'une politique du transport durable pourrait
être essentielle pour
essayer de mettre un peu de clarté, là, dans cette vision qui nous amènerait à
réduire nos émissions de gaz à effet de
serre? Est-ce que vous trouveriez que ça amènerait plus, c'est ça, de
transparence ou, du moins, une plus grande efficacité dans notre action pour parvenir à atteindre les cibles que le
gouvernement choisira dans les prochaines semaines?
M. Beauchamp (Daniel) :
En fait, ça nous apparaît évident, au niveau de l'ATUQ, qu'il est important...
la solution, elle est multi... en fait,
c'est plusieurs types d'intervention et plusieurs types de stratégie qui vont
permettre, donc... ne serait-ce qu'en
matière d'électrification des autobus, O.K.? Donc, d'ici les prochaines années,
il va... Dans le réseau, présentement,
on est en train de rendre disponibles des véhicules qui sont hybrides.
Éventuellement, on aura des véhicules hybrides rechargeables. On aura
éventuellement des véhicules totalement électriques.
Il
faut prendre un certain recul et s'assurer d'avoir le bon moyen à la bonne
place, et ça, je pense qu'avec des cibles pour chacun... parce que je pense qu'on peut aller chercher une partie
de la réduction des émissions au niveau de la cible avec un transfert modal, avec une augmentation de
l'offre de services, mais ce n'est pas le seul geste. Faire juste ça, ça
serait déjà porteur comme le fait
d'électrifier l'ensemble du réseau. Demain matin, 4 000 autobus électrifiés
pour l'ensemble du réseau
permettraient de réduire... puis, si on ne fait pas d'autres gestes, d'autres
stratégies associés à ça, on aurait réduit les émissions d'à peu près
1 %.
Donc,
si on veut vraiment avoir un impact significatif au niveau du transport en
commun, c'est un amalgame de solutions et une intégration des réseaux.
Donc, on s'en va avec des modes lourds, avec les trains de surface, ainsi de suite, des SRB du côté de Québec. Il faut vraiment
avoir une vision d'ensemble qui fait en sorte qu'on prend les gens, on facilite les gens, on leur donne le maximum de
services pour les amener... aller les chercher près de leurs maisons
pour amener ça dans des troncs communs dans lesquels on va pouvoir faire du
déplacement de masse, et c'est ça qui va permettre de réduire les coûts. Mais
c'est vraiment une approche intégrée qui va permettre d'atteindre notre
objectif.
M. Traversy :
Donc, vous avez cette vision d'ensemble, vous n'êtes pas contre non plus le
fait d'y aller par secteurs ou, en tout cas,
de cibler, là, certains moyens qui sont en lien avec des départements précis
dans le milieu des transports. Vous
semblez notamment, là, nous faire des démonstrations par rapport, bon, à
l'électrification des autobus. Il y a
différents aspects que vous avez mis en place. Donc, je comprends que vous
recevez de façon positive ce genre de suggestions pour le ministère.
Vous
nous avez parlé beaucoup aussi du Fonds vert. Dans votre mémoire, vous parlez
de défis, alors je trouve ça intéressant,
je trouve que les mots sont bien choisis, ça garde un aspect positif, là, pour
la suite des choses. Donc, un des défis,
pour vous, si j'ai bien compris, c'est d'essayer de rendre plus transparent un
peu le Fonds vert. Vous semblez nous dire
qu'il n'y a pas une garantie ou une certitude à 100 % que tous les fonds
utilisés à l'intérieur de ce... de cette capacité de Fonds vert là est
utilisée pour le transport collectif, le transport en commun. Vous pensez qu'il
y a peut-être... pas un détournement des
fonds, il y en a certains qui sont venus nous dire des mots plus durs autour de
cette table, mais disons que vous
avez une crainte que tout l'argent associé au Fonds vert ne soit pas utilisé au
fondement même de la mission pour lequel
il a été créé. J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus et bien
comprendre, là, votre inquiétude à ce niveau-là.
M. Beauchamp (Daniel) : En fait, je pense que vous l'avez bien cerné,
l'objectif de l'ATUQ, c'est de s'assurer que les argents qui sont disponibles sont... puis ça pourrait
s'appliquer à n'importe quel domaine, là, O.K., donc, c'est de s'assurer que l'ensemble des argents qui aura été
recueilli à des fins pour principal... et pour réduire les émissions,
donc lutte contre les changements climatiques, bien ça nous apparaît comme
évident, compte tenu du nombre de personnes concernées, de groupes, ainsi de
suite, qu'il nous apparaît évident et fondamental de se donner une méthode pour
être capables de bien suivre et de pouvoir
faire la démonstration de l'apport réel qui a été en matière de... pour un
programme, pour un budget qui a été associé à...
Donc, nous, tout ce
qu'on dit en matière de reddition de comptes, je pense que ça serait important,
et ça serait motivant pour nous, au niveau de l'ATUQ, de connaître c'est quoi,
l'ampleur du mandat qu'on veut nous soumettre, puis qu'on puisse se mesurer
pour s'assurer que, dans le temps, on a vraiment livré la marchandise.
M.
Traversy : Puis, même j'irais peut-être un petit peu plus loin
pour être sûr de bien comprendre, même, dans un monde idéal, là, dans les défis qu'on devrait avoir, c'est que cet
argent-là devrait être mis pour des nouveaux projets pour essayer de
diminuer, dans le fond, l'émission de gaz à effet de serre et non pas juste
pour maintenir les actifs ou les programmes courants. Ça aussi, là, dans un
monde idéal, ça serait comme ça.
M. Beauchamp (Daniel) : En fait, évidemment, on sait que, dans des
situations économiques difficiles, des choix, ainsi de suite, ce qu'on
dit, nous, c'est que, si on n'investit pas les argents en matière de lutte
contre les changements climatiques, bien ça va poser un problème par rapport à
atteindre la cible.
• (11 h 20) •
M.
Traversy : Vous me parliez, à l'instant, de reddition de
comptes. C'est une question aussi que j'ai posée au groupe qui vous
précédait. Seriez-vous d'accord pour qu'il y ait justement reddition de comptes
à un certain nombre d'intervalles pour
s'assurer de l'atteinte des objectifs que vous vous êtes fixés? Vous, vous nous
parlez de 37,5 %, ça semble être en droite ligne avec la
proposition évidemment, bon, du ministre, vu le comité-conseil.
Pour y parvenir,
est-ce que vous seriez d'accord pour mettre en place des mécanismes de remise à
jour des objectifs? Et, si oui, à quel
intervalle? Et, si oui, de quelle façon? Parce que vous avez quand même une
bonne expertise.
M. Beauchamp (Daniel) : Comme on
avait fait dans le PACC 2006‑2012, où les sociétés de transport avaient des objectifs précis, donc 16 %
d'augmentation de l'offre... pour 8 % d'augmentation de l'achalandage,
puis les sociétés de transport ont dépassé... ont
été presque à 12 % d'augmentation de l'achalandage. Donc, on a effectué
ces activités-là entre 2006 et 2012 et on est
tout à fait disposés à rendre compte des argents qui sont mis à la
disponibilité des sociétés de
transport pour faire et d'atteindre... en fait, de rendre compte de l'atteinte
de nos cibles. À partir du moment où nous, on s'assoit avec le
gouvernement puis on a défini d'une façon plus précise c'est quoi, la portion
de la cible qui appartient au transport en
commun, les neuf sociétés de transport que je représente, pour nous évidemment,
on va se mettre à l'action et on va faire des propositions pour déterminer
c'est quoi, les actions et les budgets requis pour répondre à cette cible-là.
M.
Traversy : Mais, selon votre expérience, à quel intervalle on
peut s'assurer d'une reddition de comptes, là, je voudrais dire,
efficace ou optimale pour s'assurer d'atteindre les cibles, là, de réduction de
gaz à effet de serre par programmes ou par secteurs comme on a mentionné tout à
l'heure? Est-ce que ce serait à chaque deux ans, à chaque cinq ans? Est-ce que
ce serait une fois d'ici 2030? Je voulais vous entendre là-dessus.
M. Mercier
(Alain) : Peut-être que je peux vous mentionner que, comme société de
transport, nous sommes une organisation paramunicipale essentiellement
dans le périmètre de gouvernance des municipalités, hein, alors, dans le cas du Réseau de transport de la Capitale, il faut
fournir un objectif de réduction de gaz à effet de serre par nos
opérations et notre objectif... Généralement, dans tous les plans des
municipalités, donc, il y a un objectif qui est établi pour une période de cinq à 10 ans. Et il y a une reddition
de comptes qui est suivie par le Vérificateur général dans le cas de la
ville de Québec, dans notre cas. Donc, on dirait que, présentement, nous
utilisons un principe de préparer un objectif pour cinq ans, et il y a une reddition de comptes qui est faite et suivie par
le Vérificateur général. Ça peut varier de ville en ville au Québec,
mais on voit que c'est une approche qui est dans les meilleures pratiques des
municipalités.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer
maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Vous savez, le transport, c'est quand même
un gros morceau de nos gaz à effet de serre, et puis le transport en commun
effectivement peut être utile. Et puis je remarque, en fait, que vous
nous avez parlé tout à l'heure que, si on prenait 4 000 autobus puis on
les rendait 100 % électriques, on
réduirait seulement de 1 % nos gaz à effet de serre. Donc, on doit mettre
en place plusieurs moyens, et il y a des investissements majeurs qui
doivent être faits en matière de transport en commun.
On le sait,
une des problématiques... vous avez parlé des régions puis vous nous avez
mentionné que, les gens, le facteur
le plus important pour eux, c'est combien de temps ça me prend pour me rendre
du point a au point b. Donc, ça veut dire qu'il faut avoir une meilleure offre de services en transport en
commun si on veut réduire le nombre d'automobiles sur nos routes. Pour les régions, on sait...
peut-être, il y a déjà les trains de banlieue, bon, il y a d'autres mesures,
mais, selon vous, si on regarde une
proposition intéressante qui nous a été faite il y a de ça plusieurs années
mais qui ne semble pas être retenue
pour le moment, je parle ici du TransQuébec, le train léger qu'on pourrait
utiliser qui serait 100 % électrique, un peu la même personne qui
avait travaillé à développer le moteur-roue chez Hydro-Québec... Si on
utilisait ça puis qu'on utilisait aussi le
TransQuébec sur le futur pont Champlain, selon vous, est-ce que ce ne serait
pas un pas dans la bonne direction dans l'électrification des transports
et dans la mesure qu'on donne accès aux régions aussi à un temps de transport
qui est favorable à la réduction des gaz à effet de serre mais qui est aussi un
transport qui est adapté à tous les gens qui sont en région?
M. Mercier
(Alain) : Je pourrais peut-être répondre. Dans chaque milieu urbain ou
régional, chaque projet doit être évalué en lui-même. Ça fait de
nombreuses années que je travaille dans ce domaine-là de projet. Que ce soit
train ou dans des cas de SRB, service de bus rapide, il faut regarder les
paramètres de l'application. Donc, si on est dans un environnement où le nombre de déplacements à l'heure est au-delà des
10 000, 15 000, 20 000 personnes à l'heure, c'est
sûr et certain, les modes plus lourds, comme des trains électrifiés, est une
solution qui est privilégiée. Quand on est dans des environnements — on vient juste de compléter une étude ici, à
Québec — entre
Québec-Lévis, on parle d'un nombre de déplacements
plus bas en termes de personnes à l'heure, alors, on voit, des solutions comme
des services de bus rapide offrent le même avantage avec les mêmes
impacts environnementaux... électrification.
Donc, le moyen, le mécanisme est toujours adapté
aux besoins de déplacement, donc chaque projet doit être évalué pour son utilité. La solution technologique
va toujours suivre le besoin, donc peut-être juste de prendre qu'un
projet en particulier peut offrir une solution privilégiée dans son contexte
mais pas nécessairement peut être reproduit dans chaque contexte.
M. Lemay : D'accord.
M.
Beauchamp (Daniel) : Si je
peux juste ajouter. Du rôle de l'ATUQ, nous, étant spécialisés avec les neuf
sociétés de transport du Québec, c'est pour
ça qu'on dit qu'il faut avoir une approche intégrée. Donc, il y a d'autres
joueurs, donc, des joueurs qui vont venir du ferroviaire, des choses comme ça,
donc il va falloir s'asseoir ensemble puis déterminer comment on optimise justement les différents déplacements pour faire en
sorte que ça devienne alléchant pour les gens, vous l'avez souligné
tantôt.
Présentement,
on a une approche qui est très... Je ne sais pas, moi, le train va être
disponible, et, si, pour différentes raisons,
vous allez à un spectacle le soir, vous voulez revenir dans votre localité,
bien, peut-être que le train, il va passer dans une heure ou peut-être qu'il ne passe plus, il va
repasser le lendemain matin. Donc, il faut arriver avec une offre de
services qui est cohérente aussi avec les besoins de la population.
M.
Lemay : Donc, selon vous, au niveau des sommes qui sont disponibles
dans le Fonds vert, on devrait voir une plus grande partie des sommes
qui sont redistribuées dans le transport en commun. Donc, si on regarde au
niveau des transports, là, selon vous, là, on
devrait... tu sais, si on regarde que le transport contribue pour 44,7 %
de tous les GES, selon vous, au
transport en commun, on devrait prendre quelle pointe de tarte du Fonds vert
puis dire : On le dédie au transport en commun?
M. Beauchamp (Daniel) : On sait que, dans le 44 %, 45 % qui
incombe au transport routier, le volet sur lequel on a plus un contrôle, c'est plus le volet transport
en commun. On le sait que, les actions à court, moyen terme sur le
transport routier au niveau des camions, camionnages, et ainsi de suite, la
technologie n'est pas disponible encore en matière d'électrification, donc on le sait, que ce n'est pas là qu'on va faire
des gains. Ça fait que, si on veut aller vraiment contribuer à diminuer le 45 %, 44 % qui est
imputable au transport routier, il faut inévitablement passer par le transport
en commun, c'est la clé, qu'il faut passer par là.
M.
Lemay : Alors, si on veut avoir une offre de services adéquate, on...
ça veut dire que vous êtes en faveur, là, de concentrer la population dans des pôles urbains. Donc, en fait, ce que
vous dites un peu, c'est : L'étalement urbain rend difficiles le transit et les temps de transport
réduits. Donc, ça serait une bonne idée de voir la revitalisation de nos
berges du Saint-Laurent pour justement intensifier la population autour des
métropoles?
M. Patry (Michel) : Bien, je peux peut-être répondre. Les plans d'aménagement des villes,
les schémas d'aménagement qui sont en révision à l'heure actuelle visent
à faire en sorte de concentrer la population, parce que les terrains sont très onéreux quand quelqu'un veut acheter un terrain
pour se bâtir, tout ça. Alors, bien évidemment, au niveau du transport en commun, plus la population
est dense dans une agglomération, plus l'offre de services est
alléchante pour le transport en commun. On le voit; en Europe, par exemple,
hein, les distances sont beaucoup moindres, puis la densité de population est beaucoup plus forte, alors le transport en
commun, ça répond vraiment à ce besoin-là. Alors, bien évidemment, à partir du moment où on fait
l'étalement urbain, bien ça rend plus difficile le fait de transporter les
gens, puis les coûts sont associés à ça.
Alors,
c'est ce qui fait qu'aujourd'hui les villes, les agglomérations, les
communautés métropolitaines cherchent à densifier, justement, pour
diverses raisons, entre autres faciliter le transport en commun, entre autres
les coûts des aqueducs, des égouts, des
prolongements des réseaux routiers, tout ça. Alors, c'est l'alignement qui est
donné, à l'heure actuelle. Nous, en
tant qu'association de transport urbain, c'est clair que la densification fait
en sorte que, le service, on peut le rendre de façon plus adéquate, à
des coûts meilleurs, à partir du moment où il y a une densification de
population.
M. Lemay :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Reid) : Alors, merci, M. Patry, M. Beauchamp,
M. Mercier, merci de votre contribution à nos travaux.
La commission suspend
ses travaux jusqu'après les affaires courantes cet après-midi.
(Suspension de la séance à
11 h 30)
(Reprise à 15 h 23)
Le Président (M.
Reid) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos
travaux.
Je vous rappelle que
la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le
cadre des consultations particulières sur le document de consultation intitulé Cible
de réduction d'émissions de gaz à effet de serre du Québec pour 2030. Cet
après-midi, nous entendrons d'abord l'Association canadienne des constructeurs
de véhicules, suivie de la Fédération québécoise des municipalités et de la
Confédération des syndicats nationaux.
Alors,
je souhaite la bienvenue à nos premiers invités, donc, de l'Association
canadienne des constructeurs de véhicules.
Vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation. On aura, par la
suite, une période d'échange. Et je
vous demande, avant de commencer, de vous présenter et de présenter la personne
qui vous accompagne pour les fins de l'enregistrement. Alors, à vous la
parole.
Association canadienne des
constructeurs de véhicules (ACCV)
Mme Tarmohamed (Yasmin) : Merci. I
am Yasmin Tarmohamed, I am the vice-president, Environment, Health and Safety for the Canadian Vehicle
Manufacturers' Association. It's the association representing Canada's
leading manufacturers of light and heavy
duty motor vehicles. The CVMA's membership includes Fiat Chrysler
Automobiles of Canada, Ford Motor Company of Canada Ltd and General Motors of
Canada Ltd.
M. Béchard (Jacques) :
Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, c'est un
plaisir pour nous d'être ici aujourd'hui. Mon nom est Jacques Béchard,
je suis président-directeur général de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec. Notre
corporation existe depuis 1945. Nous représentons
850 concessionnaires d'automobiles. Il y en a partout dans les communautés
du Québec, et c'est un secteur important de notre économie, puisque nos
concessionnaires emploient 35 000 personnes au Québec. Merci.
Mme Tarmohamed (Yasmin) : Mr. Chairman, Minister Heurtel,
Members of the National Assembly, bonjour.
I am very pleased to be here this
afternoon to represent the Canadian Vehicle Manufacturers during these hearings. Our comments address
key issues in the consultation document that pertain to the auto industry, the
transportation sector and consumers who purchase our products. As such,
it is very important for our members and for us to be here to share with you
our breadth of expertise and knowledge on some of the topics discussed in the
consultation document Québec's greenhouse gas emission reduction target for
2030.
We certainly believe that it will be beneficial
for the standing committee to consider receiving other
representations from other industry sectors
on climate change, so that the various perspectives have been shared. That is
why I'm very pleased to be flanked by Québec auto dealers... Jacques
Béchard this afternoon.
M. Béchard
(Jacques) : Merci, Yasmin. Je suis effectivement très heureux
d'accompagner aujourd'hui les constructeurs canadiens d'automobiles à titre de
P.D.G. de la CCAQ. En partenariat avec les constructeurs, nos concessionnaires membres travaillent très fort
afin de distribuer les véhicules que les consommateurs aiment et
souhaitent se procurer.
Mme
Tarmohamed (Yasmin) : The Canadian automobile industry is firmly committed in doing its part
to support the
Government's greenhouse gas emissions reduction objectives. As such, we strive
to work closely with the Government of Québec, transportation, energy
and environment stakeholders to reaffirm this commitment and, thus, desire to collaborate at all levels of policy considerations
pertaining to sustainable development, energy, transport,
electrification and climate change.
On the topic of the consultation
document recently published by the Minister's department, a few items have caught our attention, such as an
ambitious target of 37.5% of greenhouse gas emissions below 1990 levels, the
electrification of the vehicle fleet, the role of battery electric and plug-in
hybrid vehicles play in their success in Québec, the interest of Quebeckers to adopt in greater numbers zero
emission vehicles and the suggestion that a legislative or regulatory
measure would stimulate consumer demand for battery electric and plug-in
hybrids.
Québec,
like many jurisdictions, is looking at furthering its objectives in the area of
energy efficiency and greenhouse gas
emission reductions. Moving towards this goal will require policies and
programs, including education and
infrastructure improvements, that support and increase consumer demand for
energy-saving vehicle technologies across all of their transportation needs. Infrastructure investments, including
appropriate and available charging stations, and comprehensive consumer education, and awareness-raising campaigns, must
continue to be part of this new deal to facilitate their adoption and
accommodate these new technologies.
Automotive technology is advancing at
an unprecedented pace with cleaner, more fuel efficient and lower GHG producing vehicles being
brought to market in ever increasing numbers. Our sector has virtually
eliminated smog-causing emissions
from our vehicles with appropriate fuel formulations. Note that Tier 3 emission
standards are the most stringent national
emission standards in the world. GHG reduction is more challenging and requires
an alignment of new fuels, technologies, infrastructures and consumers'
behavior and choices.
The new light duty and heavy duty
vehicle GHG regulations across North America are driving the rapid adoption of lower GHG emission
vehicles. Light-duty vehicles will reduce fuel consumption and GHG emissions by
approximately 50%, compared to 2008 model year vehicles. For heavy-duty
vehicles, the estimate is that the average emissions will be reduced by up to 23% for the 2018 vehicles.
Opportunities do exist to retire older vehicles and accelerate the
adoption of advanced GHG technologies. Fleet turnover takes many years, and
one-third of the Québec fleet is greater than 10 years old.
Vehicle
electrification is a technology that can provide benefits for both GHG and
smog-causing emission reductions. This
technology is still largely at the investment stage, but automakers are making
those huge investments required to
extend battery range and deliver a range of vehicles consumers want to buy. It
is important to remember that electric vehicle technology continues to
come with a significant cost premium to auto companies and to consumers. Consumers must be able to make a value judgment
based upon their needs to select the most cost-effective vehicle
choices. Infrastructure for recharging and
education is also important. Policies supporting plug-in vehicle consumer
incentives and measures that make plug-in vehicle use more convenient and less
costly have been found to be effective at increasing adoption rates. Québec
is well familiar with this experience.
• (15 h 30) •
M. Béchard (Jacques) : Les concessionnaires et l'industrie canadienne et
québécoise de l'automobile profitent de cette occasion pour réaffirmer leur appui aux politiques éprouvées
consistant à créer de la demande pour des véhicules électriques
rechargeables. Par le fait même, nous réfutons l'affirmation selon laquelle un
cadre législatif contraignant serait plus
efficace pour accroître la demande des consommateurs pour les véhicules
électriques. On parle ici d'une loi zéro émission, et ce ne serait
vraiment pas une bonne idée alors que les incitatifs prouvent qu'on a des
résultats concrets au Québec.
L'industrie
automobile, rappelons-le, investit, développe et livre des véhicules
électriques rechargeables neufs ainsi qu'une gamme d'autres importantes
technologies que les consommateurs demandent de plus en plus; on parle, entre
autres, de l'aluminium pour alléger le poids
des véhicules de façon à ce qu'ils soient plus légers et consomment
moins de carburant, donc, puis on a une belle industrie de l'aluminium au
Québec, c'est important.
Donc,
le Québec, et M. le ministre nous le rappelle avec raison, est le leader incontesté
parmi les provinces canadiennes et plusieurs des États du nord-est des
États-Unis pour les ventes de véhicules électriques rechargeables pour deux principales raisons : notre
électricité renouvelable peu coûteuse et une approche pragmatique d'incitatifs
aux consommateurs que nous avons actuellement, d'ailleurs, et que nous
souhaitons voir prolongée. Il est beaucoup plus productif pour l'industrie et les gouvernements de travailler ensemble
sur des incitatifs plutôt que des mesures pour dicter quelles technologies
les consommateurs devraient acheter ou quels véhicules les constructeurs
devraient vendre.
Les constructeurs et
les concessionnaires investissent, au Québec, afin d'établir des conditions de
succès des véhicules électriques sur notre
marché. Cela comprend notamment les nouveaux équipements de service après-vente
chez les concessionnaires. À titre
d'exemple, les nouveaux véhicules qui ont beaucoup d'aluminium, ça prend des
outils spéciaux pour les réparer, et nos concessionnaires, à l'heure actuelle,
sont en train d'investir, et on est en train de former nos techniciens à réparer les véhicules avec de
nouveaux matériaux. On parle aussi de la promotion de différentes
nouvelles technologies, les ventes, la
formation, au niveau de nos conseillers en vente, au niveau de ces nouvelles
technologies là, que ce soient les véhicules électriques, etc., les
programmes routiers de démonstration et d'autres programmes. Dans un contexte où nos Québécois et nos Québécoises
découvrent les technologies évoluées de ces nouveaux véhicules, la clé
de l'augmentation du nombre de ventes est, nous en sommes convaincus,
l'éducation des consommateurs ainsi que des politiques publiques qui augmentent
la demande de ces véhicules.
Les
constructeurs et les concessionnaires sont prêts à travailler ensemble avec nos
instances gouvernementales sur les
moyens de soutenir et accroître l'adoption, par les consommateurs, d'une vaste
gamme de nouvelles technologies de
véhicules, y compris effectivement les véhicules électriques rechargeables, les
véhicules hybrides, qui sont présentement disponibles dans le marché et
dont la variété des modèles augmente à chaque année.
Le
Président (M. Reid) : ...parce que le temps est écoulé, mais
vous aurez l'occasion de continuer à l'intérieur des échanges, si vous
voulez.
M. Béchard
(Jacques) : Super. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Oui. Alors, nous allons commencer avec le
côté gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, madame, bonjour, monsieur,
merci pour votre présentation ainsi que
pour votre mémoire, là, que vous nous avez distribué. J'apprécie également,
madame, que vous vous soyez déplacée de Toronto pour être avec nous
aujourd'hui, c'est très apprécié.
Bon.
Alors là, j'aurais plusieurs questions sur une des options qu'on étudie pour
atteindre justement la cible, c'est la fameuse
loi zéro émission. C'est quelque chose qu'on regarde. Nous sommes partenaires
avec la Californie dans le cadre du plus grand marché du carbone en
Amérique du Nord, l'Ontario va s'y joindre. Nous sommes également partenaires
d'ententes internationales, notamment avec la Californie, mais avec d'autres
juridictions, pour développer davantage l'électrification
des transports. C'est le fer de lance de notre stratégie de lutte contre les
changements climatiques. On a justement
plusieurs mesures en place, comme des incitatifs. On a déjà un incitatif qui va
jusqu'à 8 000 $ pour aider les consommateurs à se procurer
justement les véhicules électriques, pour les inciter.
Vous
avez fait mention également du fait qu'au Québec les consommateurs québécois
sont clairement intéressés par les
véhicules électriques. 50 % de tous les véhicules électriques vendus au
Canada sont vendus au Québec, et, à chaque six mois à peu près, bien c'est des augmentations exponentielles de
50 %. Ça fait que, manifestement, il y a un goût. Et vous parliez, tout à l'heure, de fournir aux
consommateurs ce que les gens aiment et ce que les gens veulent, mais, en
même temps, on voit aussi que, bien qu'il y
ait cet engouement-là, de l'autre côté, bien, on voit aussi les consommateurs
québécois acheter de plus en plus des
véhicules à grosse cylindrée. Veux veux pas, c'est un comportement qu'il faut
changer. Dans une optique où il faut qu'on réduise nos émissions de gaz
à effet de serre de 80 % à 95 % d'ici 2050 et que plus de 44 %
de nos émissions proviennent du secteur des transports, il faut regarder la
façon dont on se déplace, il faut regarder la façon
dont on consomme les véhicules, alors c'est sûr qu'une loi zéro émission, c'est
quelque chose qui doit être considéré. Notre partenaire, la Californie,
en a une; le Vermont, un de nos voisins, en a une. Il y a, je crois, une
dizaine de juridictions américaines qui en
ont, et je ne crois pas que ça force un choix. Moi, ce que je comprends de ce
qu'est une loi zéro émission, c'est
d'imposer aux concessionnaires automobiles, aux manufacturiers, ultimement, de
s'assurer qu'il y ait assez de
voitures électriques disponibles. Ce n'est pas imposer un choix, c'est
dire : Il faut des minimums d'inventaire. Et, à la longue, ça impose aussi un minimum de
pourcentage de ventes. Mais ce n'est pas de dire : Il faut que ça soit mur
à mur. C'est justement pour effectuer une transition.
Au Québec, ce que je
comprends — puis
ce que j'ai, ce n'est pas scientifique, mais l'information que j'ai est anecdotique, mais quand ça fait souvent qu'on se
fait raconter plusieurs anecdotes semblables, on commence à penser qu'il
y a peut-être une tendance — que, souvent, des consommateurs se
présentent, chez le concessionnaire, voulant acheter un véhicule
électrique et soit les véhicules ne sont pas disponibles, les véhicules... une
liste d'attente où ça prend un délai incroyablement long, puis il y a des incitatifs
financiers beaucoup plus avantageux pour les voitures qui ne sont pas
électriques.
Alors, considérant
tout ça, j'aimerais ça vous faire commenter sur l'ensemble de ce que je vous ai
dit et plus particulièrement pourquoi une
loi zéro émission qui est considérée... Je veux dire, on se comprend, la
Californie, c'est le royaume de
l'automobile, là, la septième économie au monde, et, dans leur stratégie à eux,
il y a une loi zéro émission, elle fonctionne,
alors pourquoi, au Québec, on ne peut pas s'assurer que les consommateurs
québécois puissent avoir la capacité de choisir un véhicule électrique
s'ils le veulent?
M.
Béchard (Jacques) : Merci, M. le ministre, de ce préambule important.
Vous avez touché à plusieurs éléments. Si je peux me permettre, au niveau des
concessionnaires d'automobiles, parce que nous ne fabriquons pas les véhicules, mais nous les distribuons...
D'ailleurs, nos 850 concessionnaires du Québec sont des femmes et des
hommes d'affaires qui supportent les risques.
Et,
vous l'avez dit, on est très fiers de ça, non seulement plus de 50 % des
véhicules électriques sont vendus ici, au Québec, mais il y a un autre aspect fort important, c'est que — et je sais, M. le ministre, qu'on préconise
beaucoup les véhicules électriques, et c'est tout à fait sain, tout à
fait normal — mais
le Québec est le modèle d'achat de petits véhicules économes en Amérique du
Nord.
• (15 h 40) •
Bon an, mal an, nos
concessionnaires vendent 425 000 véhicules neufs, hein? On devrait avoir
une année record cette année, là, on espère
en vendre 435 000, 440 000. Ça va bien, les taux d'intérêt sont bas,
et, au-delà des véhicules électriques,
effectivement, qui vont très bien et dont il y a des augmentations importantes,
il y a des habitudes d'achat au Québec
qui font en sorte que 60 % des ventes, ce sont des véhicules écologiques,
des petits véhicules. Vous parliez des SUV;
effectivement, il y a des SUV, mais maintenant ce sont des petits SUV qui
consomment beaucoup moins que nos huit
cylindres de l'époque, là, hein, des petits SUV avec des nouvelles
technologies, désactivation des cylindres : tu arrêtes à la lumière, le moteur arrête; sur la grand-route,
au lieu de tourner à six cylindres, il tourne à quatre cylindres;
l'aluminium.
Donc,
nous avons une panoplie de technologies qui vont faire en sorte que les
véhicules qui arrivent sur le marché, les
véhicules neufs, sont beaucoup plus écologiques, et d'ailleurs on n'a pas le
choix, à cause du règlement sur les gaz à effet de serre. D'ailleurs, en 2010, le Québec a adopté son règlement.
Vous avez pris une très bonne décision de l'harmoniser avec le fédéral pour que les constructeurs
puissent respecter une norme nord-américaine. Bien, ces critères-là,
comme Mme Yasmin l'a mentionné tantôt, ces
critères-là sont extrêmement rigoureux dans l'atteinte de l'objectif de
réduction des gaz à effet de serre.
L'autre
élément — ça,
c'est mes concessionnaires — c'est qu'on nous... heureusement, nous avons
un secteur d'activité très
compétitif. Au Québec, il y a au-delà de 20 constructeurs qui distribuent
au-delà de 30 marques puis des centaines
de modèles de véhicules et il y a un réseau de concessionnaires très complet,
hein, il y a 900 concessionnaires au Québec,
de sorte que la compétition est extrêmement vive. Les marges de profit ont
réduit au fil des ans, parce qu'on a des
pressions de nos constructeurs — je suis obligé de le dire — et, lorsqu'on commande des véhicules pour la
vente, nos concessionnaires, ce sont eux qui supportent les inventaires puis
les taux d'intérêt.
Je vais vous donner
un exemple. On a fait un sondage sur les véhicules électriques. Tout près
d'ici, j'ai un concessionnaire, il a 15
véhicules électriques en inventaire, il en a de différentes couleurs. J'ai
dit : Si tu avais une loi qui t'imposait
d'en avoir plus... il dit : Non, Jacques, non, Jacques, parce que,
malheureusement, ces véhicules-là, je ne les écoule pas assez vite, je
suis obligé de les supporter.
Donc,
pour des entrepreneurs qui supportent les risques, bien on a une grande crainte
au niveau d'avoir une loi zéro émission. Ma réponse a été longue, M. le
ministre, mais je la voulais complète.
M.
Heurtel : Bien, écoutez, je comprends, c'est un sujet complexe, mais,
encore là, encore une fois, au niveau anecdotique, ce qu'on voit, ce
qu'on entend, c'est qu'il y a des concessionnaires qui découragent les
consommateurs, parce que notamment, bien, un
véhicule électrique, on risque de faire moins d'argent au niveau du service
qu'un véhicule conventionnel.
Il
faut qu'il y ait un changement dans nos façons de faire. On est au début... non
seulement on est au début de la fin de
l'ère des hydrocarbures, mais on est au début du début de la nouvelle ère
aussi, puis ça, il faut que tout le monde le réalise, là, la communauté
scientifique le dit, tout le monde le dit, puis il y a beaucoup d'entreprises
puis il y a des manufacturiers automobiles,
mais il y a certains manufacturiers automobiles qui ont clairement fait le pari
de l'électrique. Je ne veux pas en
favoriser certains plus que d'autres, mais il y a clairement des manufacturiers
qui sont beaucoup plus agressifs au niveau du véhicule électrique que
d'autres.
Encore une fois, dans
un bouquet de mesures en matière de lutte contre les changements climatiques,
où est le mal à s'assurer que les
consommateurs québécois puissent être assurés du fait que leurs
concessionnaires automobiles vont avoir en inventaire des véhicules
électriques, sachant que la population veut en acheter?
M. Béchard (Jacques) : M. le ministre, effectivement, il y eut un temps
où les représentants des ventes chez nos concessionnaires manquaient de formation et pouvaient effectivement
escamoter des demandes de consommateurs qui voulaient véritablement avoir de l'information au niveau des véhicules
électriques, mais c'est de moins en moins vrai, parce que les constructeurs investissent des sommes
incroyables dans cette technologie-là. Et je disais à un journaliste
l'autre jour : Écoutez, si on pouvait
vendre 425 000 véhicules électriques, là... Nous autres, on est là pour
vendre des véhicules. Puis, en
passant, M. le ministre, les concessionnaires ne font pas moins d'argent s'ils
vendent un véhicule électrique, parce
qu'il y a des revenus, etc., et ce
n'est pas un problème. D'ailleurs, j'ai des concessionnaires qui en vendent
beaucoup, de véhicules électriques, il
y en a même qui se spécialisent là-dedans puis qui vont chercher du marché avec
les technologies Internet.
Donc, nous, ce qu'on
dit, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, c'est que, les objectifs que nous
voulons atteindre ensemble, hein, parce que,
en tant que bons citoyens corporatifs, les constructeurs et les
concessionnaires, on veut soutenir
l'atteinte de vos objectifs... donc, nous, on dit que cela est en train de se
réaliser par des mouvements volontaires, sans besoin de loi zéro
émission.
M. Heurtel : Si on parle de bouquet
de mesures, si on sort... puis là je parle hypothétiquement, mais, si, mettons, on vous suit puis il n'y a pas de loi
zéro émission, mais vous êtes d'accord avec des incitatifs,
nécessairement, en
termes d'écofiscalité, une des mesures qu'il faudrait nécessairement regarder,
c'est ce qu'on appelle le bonus malus, c'est-à-dire qu'on récompense les
consommateurs qui achètent des véhicules soit électriques ou soit à très petite
cylindrée qui consomment peu mais qu'on pénalise ceux qui achètent des
véhicules à grosse cylindrée. Évidemment, j'exclus de ça les gens qui ont
absolument besoin de véhicules à grosse cylindrée pour leur travail, là.
Mais
j'aimerais ça vous entendre, donc. Est-ce que je comprends bien que, dans ce
cas-là, vous seriez d'accord avec un bonus malus au Québec?
M. Béchard
(Jacques) : M. le ministre,
«bonus malus», c'est un mot qui nous fait très peur. Je viens d'écrire à
notre premier ministre, M. Couillard, et à
notre ministre des Finances suite à la rumeur où on parlait d'augmenter
notre TVQ d'un point de pourcentage, ce qui rapporterait 1 milliard à
l'État, les suites de la commission Godbout.
Écoutez, et c'est important — je
suis tellement content que vous posiez cette question-là très pertinente — le secteur automobile au Québec est déjà surtaxé.
Premièrement, les automobiles, la moyenne, le prix de vente moyen d'un
véhicule automobile au Québec, c'est 30 000 $. Ce sont des biens qui
font en sorte qu'il y a un gros montant de taxes combinées : la TVQ puis la TPS, c'est tout près de 15 %, on ne
s'enfargera pas dans les virgules, un des plus hauts taux au Canada, alors
que nos voisins de l'Ontario, avec la TVH, appliquent un taux de 13 %. Ça,
c'est le premier élément.
Le deuxième
élément, on a déjà un bonus malus sur les droits d'immatriculation
additionnels. Ça, malheureusement, c'est souvent méconnu et souvent oublié.
On a des droits d'immatriculation additionnels sur les véhicules de quatre cylindres et plus. Et notre ministre des Finances,
pas dans le dernier budget, dans son budget de 2014‑2015, a annoncé une
augmentation des droits d'immatriculation additionnels sur les véhicules de
quatre cylindrées et plus, et ces droits
additionnels là vont être augmentés à partir du 1er janvier 2016, hein,
parce que nos ministres des Finances — puis ce n'est pas une critique à M. Leitão — ont pris l'habitude d'adopter des mesures
qui souvent entrent en vigueur une année ou deux années plus tard au niveau de la fiscalité. C'est correct et
c'est récurrent. J'ai le tableau des taux des augmentations
substantielles au niveau des droits additionnels d'immatriculation pour les véhicules
à forte cylindrée. Et le ministre précise
dans ses notes budgétaires : C'est pour inciter notamment à l'achat de
véhicules plus écoénergétiques. Plus que ça...
• (15 h 50) •
Le Président (M. Reid) : Il
vous reste 16 secondes pour en dire plus.
M. Béchard (Jacques) : Oui. Plus que
ça, il y a un droit additionnel d'immatriculation sur les véhicules de
40 000 $ et plus — 1 %;
droits spécifiques sur les pneus.
Écoutez, les concessionnaires d'automobiles sont
des collecteurs bénévoles pour l'État. Ça coûte de l'argent, administrer ça
puis engager du personnel.
Le
Président (M. Reid) : Je dois vous interrompre. Ce n'est pas
parce que ce que vous dites n'est pas intéressant, c'est parce que je dois protéger le temps des
députés dans la période d'échange. Alors, nous allons commencer la
période d'échange. Merci pour votre
présentation, à tous les deux, et nous allons commencer par le côté
gouvernemental. M. le ministre... Non. C'est ça? Non, excusez, on est
rendus à l'opposition officielle. Désolé.
M. Heurtel : Mais je peux continuer,
M. le Président, si vous insistez.
Le Président (M. Reid) : Non.
C'est ça. J'ai réalisé en le disant que ça ne marchait pas.
M. Heurtel : Si vous insistez, je
suis à votre service, M. le Président.
Le
Président (M. Reid) :
Non, ça marche, d'accord? Désolé. M. le député de Terrebonne, pour l'opposition
officielle.
M.
Traversy : Merci, M. le Président. Écoutez, il ne faut pas se
perdre dans ce débat-là, il faut garder le focus, puis je suis d'accord avec vous que, des fois, là, ça
demande beaucoup d'énergie — mesdames messieurs, merci beaucoup
d'être à la commission avec nous aujourd'hui — «énergie» sans jeu de mots,
bien sûr.
Alors, vous
avez très bien discuté, avec le ministre de l'Environnement, dans le fond, de
votre position sur une potentielle loi zéro émission. Ça, là-dessus, je
peux vous dire, il n'y a pas d'ambiguïté, vous êtes très, très, très clairs. Je dois vous avouer que ce n'est pas le son de
cloche majoritaire qu'on entend actuellement à la commission, mais je
vous remercie de votre franchise, et, au
moins, vous n'y avez pas été de main morte pour le faire savoir, en tout cas
j'ai trouvé qu'il y avait une bonne intonation et des convictions
solides sur vos prises de position.
Donc, vous
dites que des incitatifs seraient davantage acceptables que des mesures dans le
cas qui nous intéresse actuellement.
Évidemment, le transport est le principal secteur ciblé pour diminuer nos gaz à
effet de serre. Vous nous donnez quelques exemples dans le cadre de
votre mémoire, vous nous parlez notamment, bon, d'incitatifs à l'achat, financiers. Bon, il y a déjà des programmes comme
ça qui sont en place. Vous avez une proposition que j'aimerais que vous puissiez détailler davantage, vous dites :
Des programmes d'éducation aux consommateurs. Comment vous entrevoyez ce
genre d'incitatif, là, juste pour bien le visualiser?
M. Béchard (Jacques) : Merci de
votre question, M. le député. Effectivement, un des rôles que nous avons conjointement, les constructeurs et les
concessionnaires, c'est de sensibiliser les consommateurs québécois et
québécoises aux avantages d'acheter un véhicule électrique ou hybride
rechargeable, et ce que nous avons décidé de faire, à la corporation, pour
soutenir nos 850 concessionnaires, c'est qu'on va soutenir nos
concessionnaires, et le site est déjà construit... une
section spéciale de notre site Internet intitulée Électrification des
transports et autres technologies, et on a hâte de le lancer dans les
prochaines semaines avec, conjointement, les deux associations de constructeurs
qui ont collaboré à nous fournir la liste des véhicules admissibles au Québec,
et ça va être très, excusez le terme anglais, «user-friendly».
Ça va être le
site avec les informations les plus complètes. Vous allez aller sur notre site Véhicules
admissibles, la liste, avec un lien direct au niveau de la technologie chez
le site du constructeur, un lien au ministère des Ressources naturelles au niveau des incitatifs financiers,
parce que c'est géré par le ministère de M. Arcand, et nous allons
avoir... en anglais, on appelle ça le «dealer
locator», recherche de votre concessionnaire. Donc, vous avez trouvé votre
véhicule, celui que vous voulez aller
faire un essai, vous savez maintenant quel est l'incitatif financier, et nous
avons une carte avec des petits points rouges où, partout au Québec,
dépendamment de la région où vous êtes, vous allez savoir quels sont les concessionnaires qui offrent tel et tel modèle de
véhicule. Et, pour votre information, c'est que, chez certains manufacturiers,
compte tenu que ça prend de l'achat d'équipements spéciaux, que ça prend une
formation spéciale au niveau de ces technologies-là, chez certains
manufacturiers, ce ne sont pas tous les concessionnaires qui sont habilités à
offrir ces véhicules-là.
Donc, nous,
sur notre site Internet, qui va être lancé dans les prochaines semaines, ça va
être le site le plus complet quant aux informations sur les véhicules et
les concessionnaires qui offrent ces véhicules-là. Et la députation et nos ministres, les trois différents ministres
impliqués, MM. Heurtel, Arcand et M. Poëti, vont être très heureux de
prendre connaissance de ce nouveau site
Internet le plus complet au Québec. Et on va mettre de l'emphase au niveau de
nos salons de l'auto et dans les
salles de montre de nos concessionnaires, parce qu'effectivement on a une
responsabilité à jouer dans ça comme distributeurs.
M.
Traversy : Merci beaucoup de cette réponse complète. J'ai cru
comprendre au début de la présentation que vous étiez d'accord avec
l'objectif du 37,5 % proposé dans le cahier de consultation ou que c'était
trop ambitieux. J'aimerais juste que vous
précisiez. Est-ce que l'objectif de réduction de gaz à effet de serre du
ministre est à la hauteur de vos attentes? Je pense que vous l'aviez
mentionné tantôt, mais je voulais juste être certain.
Mme Tarmohamed (Yasmin) : I think they say that it's a very
ambitious number to try and reach. I think that it requires a lot of different things to get there
and it is possibly a stretch goal. We know that other provinces are
looking at the same thing. I think it is one that needs to be looked at
carefully.
M.
Traversy : O.K. D'accord. Et, pour atteindre un objectif aussi ambitieux et pour être prudents,
bon, sur l'atteinte de celui-ci, que
ce soit de 35 %, 37,5 %, 40 %, peu importe l'objectif que le
ministre choisira, je voulais savoir si votre association serait
d'accord pour qu'il y ait des redditions de comptes, donc des suivis, pour en
arriver à atteindre justement l'objectif que
le ministre pourrait se fixer, considérant que le transport est le principal,
dans le fond, émetteur de gaz à effet de serre sur lequel, bon, la
législation doit s'attaquer.
Alors, est-ce
que vous trouveriez intéressant d'avoir un mécanisme de reddition de comptes où
que l'étape où nous en sommes rendus soit remise à jour année après
année ou après un certain nombre de temps? Je voulais voir si ça faisait partie
d'une recommandation positive de votre part.
Mme Tarmohamed (Yasmin) : So, if I could say that, the vehicle
GHG sector is regulated, we are regulated for vehicle GHG reductions for 2011 to 2025. You are
going to see improvements in vehicle GHGs, we'll be contributing to the objectives of reducing transportation
emissions. We think it requires... you know, you are going to see
introduction of advanced technology vehicles, from improvements in the
internal-combustion engine to plug-in hybrids, to battery electric. That will be part of our contribution.
And, as part of that... this is until 2025, and, when you reach those
targets, when we reach the vehicles' GHG
standards, those vehicles will still be on the road, you are looking at a fleet
turnover,you'll see further improvements as those vehicles penetrate
the market, and, over time, you will see the GHG reductions continue.
So,
in terms of your particular question in terms of assessment, it's always good
to assess where your plans are, but I think you need to look at this : the vehicle GHG regulations
are very long, and you are going to see ongoing benefits as you move to
your targets for 2030.
M.
Traversy : Excellent. Bien, écoutez, je vous remercie pour vos
réponses claires et surtout de votre franchise autour de cette
commission.
Le
Président (M. Reid) :
Alors, nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de
Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Alors, juste à titre d'information,
là — j'ai
remarqué que vous n'aviez pas eu le temps
de terminer votre présentation — est-ce que vous y avez un élément que vous
vouliez mentionner que vous n'avez pas eu la chance de faire dans votre
premier 10 minutes?
M. Béchard (Jacques) : Oui. Je vous
remercie de nous donner l'occasion de le faire.
Écoutez,
il y a une réalité au Canada et au Québec — et, pour l'instant, parlons du Québec — il y a au-delà de 5 millions de
véhicules qui circulent sur les routes du Québec. De ces véhicules-là, il y en
a plus de 1,5 million qui ont
11 ans, et plus, d'âge. Et, comme vous le savez, plus les véhicules sont
récents, plus il y a de la technologie, moins ils sont
polluants, hein? C'est prouvé. Pourquoi? Parce que, de toute façon, il faut
respecter les objectifs fixés au niveau de la réglementation nord-américaine
dont on a parlé tantôt sur l'émission des matières polluantes.
Par
contre, les véhicules plus âgés qui circulent sur nos routes, nous n'avons
aucun contrôle de ces véhicules-là.
Écoutez, on a des rapports de coroner, suite à des accidents, qui précisent
qu'il y a des véhicules qui ont des problèmes de sécurité puis il y en a
d'autres qui ont des problèmes environnementaux. Il y en a qui n'ont même pas
de catalyseur analytique.
Donc,
nous, la corporation, sommes très impliqués, depuis plusieurs
années, au niveau de la table de concertation environnementale
sur les véhicules routiers. Et, en 2011, le ministre Arcand, avant le
déclenchement des élections, avait présenté
le projet de loi n° 48 sur l'inspection des véhicules, au Québec, de plus de huit ans d'âge. C'était un
superbeau programme. Et, nous, ce qu'on
souhaiterait, pour atteindre les objectifs, comme votre collègue le mentionnait
précédemment, il faudrait absolument
que le Québec adopte, comme dans d'autres provinces canadiennes et comme
dans plusieurs États américains, un
programme obligatoire d'inspection sécuritaire et environnementale des
véhicules. Et la table a présenté un mémoire qui fait en sorte que les
coûts seraient minimes d'implantation, parce qu'on a déjà un réseau
d'inspection que sont les mandataires de vérification mécanique.
Donc, merci de
m'avoir donné cette opportunité-là. Pourquoi? Parce que, si on veut atteindre
les objectifs ambitieux... puis je ne suis
pas un spécialiste, hein, au niveau de... je parle souvent des ingénieurs, là,
mais... pas fort en chimie, puis en physique, là, mais, si on veut
atteindre les objectifs ambitieux, il faut traiter les véhicules plus âgés,
c'est fondamental.
• (16 heures) •
M.
Lemay : Bon. À ce moment-là, je comprends qu'il y a un travail à faire
avec le 33 % des véhicules qui ont plus de 10 ans d'âge, puis en espérant que ça sera entendu par le ministre
responsable. Maintenant, si on revient à qu'est-ce qu'on fait maintenant que ces véhicules-là vont
sortir de la route, ça veut dire qu'ils vont être remplacés par des
véhicules neufs, O.K.? Donc, on sait que le
Fonds vert a servi à financer le programme Roulez électrique, qui offre des
subventions à l'achat de véhicules électriques, là, comme que le ministre l'a
mentionné tantôt. Ça prendra fin le 31 décembre 2016. Il y avait
22 millions qui étaient prévus dans ce programme-là.
Donc,
selon vous, là, pour l'achat de véhicules neufs, est-ce que ça devrait être
maintenu, un incitatif comme ça? Et puis est-ce que ça serait
22 millions ou plus qu'on aurait de besoin?
M. Béchard (Jacques) : Écoutez, très bonne question. Nous, au niveau des
véhicules plus âgés, ce qu'on souhaite, comme je le mentionnais, c'est l'adoption d'un programme de contrôle.
Est-ce qu'on devrait y adjoindre un programme de mise à la ferraille? En passant, les plus vieux véhicules... Il y en a
qui achètent des véhicules d'occasion plus récents, hein? Nous, on n'a pas le contrôle de la... on a des
compétiteurs au niveau de la vente de véhicules d'occasion, puis c'est
parfait, là. Donc, nous, ce qu'on dit,
c'est : Assurons-nous que les véhicules qui circulent sur les routes
soient sécuritaires et soient conformes au niveau des normes
environnementales et, si nous ne traitons pas des véhicules âgés... Il y a des
experts comme Dennis DesRosiers, à Toronto, qui travaillent beaucoup avec les
gouvernements, et Dennis DesRosiers, dans une
étude spécifique, mentionne que, si les instances gouvernementales ne traitent
pas des véhicules âgés, on n'atteindra pas nos objectifs.
M.
Lemay : Yasmin, do you want to say something?
Mme Tarmohamed (Yasmin) : What I would like to say is that, you
know, the Canadian Vehicle Manufacturers are very excited about the rapid and challenging
technologies happening today, you know, they present an opportunity in terms of where we are going in terms of advanced
vehicle technologies. And it is a huge investment, and, you know, it will take time. You know, fleet renewal takes
time, because it's in the hands of consumers. You know, automakers will continue to invest billions of dollars in research
and development for bringing these advanced technology vehicles, like
battery electric, plug-in hybrids, and which we will then manufacture, and
market, and distribute to sell to consumers in Québec, also in Canada and
across the world.
And we really wanted to, you know,
thank you for giving us a time to appear before the Committee and hearing our representation. So that's one of the other points I
wanted to make today. Thank you.
Le Président (M.
Reid) : Ça va?
M. Lemay :
Oui. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Reid) : Alors, merci beaucoup. Alors, merci à tous les deux
pour la contribution que vous apportez à nos travaux.
Je lève la séance
pendant quelques instants, le temps de permettre à nos prochains invités de
prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 5)
(Reprise à 16 h 7)
Le Président (M. Reid) :
Alors, nous reprenons nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bienvenue
à nos invités de la Fédération québécoise des municipalités. Vous connaissez la
technique, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous
aurons une période d'échange. Et je vous demanderais de vous présenter, même
si on vous connaît, et de présenter les
personnes qui sont avec vous, pour les fins de l'enregistrement. À vous la
parole.
Fédération québécoise
des municipalités (FQM)
M. Lehoux
(Richard) : Bonjour. Merci, M. le Président. Les gens qui m'accompagnent cet après-midi
à la table : à ma droite, le directeur général de la Fédération
québécoise des municipalités, M. Sylvain Lepage; et, à ma gauche, M. Patrick
Émond, qui est conseiller, Politiques et développement, environnement.
Alors, mesdames messieurs, distingués membres de
la Commission des transports et de l'environnement, la Fédération québécoise des municipalités est très heureuse d'être entendue aujourd'hui dans le cadre des
consultations particulières sur la cible de réduction d'émissions des gaz à effet de serre du Québec pour 2030. Comme vous le savez, la fédération représente quelque
1 000 membres — MRC et municipalités locales — répartis sur l'ensemble du territoire
dans toutes les régions du Québec.
La réduction
des GES est un enjeu qui interpelle tous les Québécois et particulièrement nos
membres, qui seront au coeur des adaptations et des changements
nécessaires à l'atteinte de cette cible. D'entrée de jeu, je vous indique que la FQM est favorable à l'objectif de réduction des
émissions de GES proposé par le gouvernement du Québec pour 2030, soit
une réduction de 37,5 % par rapport au niveau des émissions de 1990.
Convenons toutefois que cette cible est ambitieuse mais nécessaire pour faire
face à l'ampleur du défi collectif qui se pose à nous tous. Ceci dit, la
nécessité d'atteindre cet objectif exige du
gouvernement qu'il établisse une stratégie pour faire en sorte que tous les
intervenants municipaux et les citoyens
qu'ils représentent adhèrent à celui-ci. Cela exige d'abord un exercice de
communication et d'information
important pour que tous les citoyens et tous les décideurs du monde municipal
comprennent l'ampleur du défi, la
nécessité d'intervenir et le rôle de chacun d'entre eux qu'il sera appelé à
jouer pour rencontrer cet objectif ambitieux. Cette stratégie exige
toutefois que l'on tienne compte de la diversité des milieux et des contraintes
qu'ils comportent. Cette stratégie doit donc
se moduler et s'adapter à la réalité des différents territoires. Le mur-à-mur
est, en ce domaine, non seulement
contre-productif, mais littéralement inapplicable, puisqu'il pourrait engendrer
un mouvement de résistance. En pratique,
cela veut dire que le gouvernement doit agir de façon coordonnée avec les
acteurs du milieu et doit s'assurer de ne pas développer des mesures
déconnectées des réalités régionales.
• (16 h 10) •
Ainsi, si le gouvernement veut agir efficacement
dans sa lutte aux GES, il doit, en premier lieu, le faire en respectant les
demandes d'autonomie formulées par les municipalités en région.
Ces demandes ont notamment été colligées dans
notre livre bleu de la FQM portant sur la gouvernance de proximité mais
également dans différentes publications comme dans notre mémoire sur la
Stratégie gouvernementale de développement
durable 2015‑2020. Cette vision de la décentralisation sera également, nous
l'espérons, à la base de la loi-cadre sur la gouvernance de proximité
promise pour l'automne 2016 par le ministre des Affaires municipales. Par exemple, dans notre livre bleu, la FQM propose des
pistes de solution afin d'assurer le déploiement optimal du secteur des transports, secteur responsable d'une part
importante des émissions de GES au Québec. Afin d'optimiser les
interventions publiques en cette matière,
les municipalités demandent les pleines compétences en matière d'aménagement du
territoire. Pour ce faire, il faut, d'une part, que les MRC soient désignées
comme entités responsables de la planification de l'aménagement du territoire
et de la mobilité durable; d'autre part, il faut également que les ressources
financières disponibles pour favoriser le
développement des transports collectifs soient augmentées. À ce propos, nous
croyons qu'une partie des sommes
générées par le marché du carbone, qui se chiffreront à 3 milliards de
dollars d'ici 2020, doivent être consacrées à développer les solutions
innovatrices de transport régional.
Par ailleurs, pour atteindre les cibles de
réduction des GES, il est également important que le gouvernement s'assure que la Stratégie d'électrification des
transports puisse se déployer de manière cohérente partout sur le
territoire. Le gouvernement doit aussi
prévoir des mesures spécifiques pour les régions. Ces mesures permettraient de
favoriser le déploiement d'un réseau de bornes en région et
représenteraient un facteur attractif non seulement pour les nouveaux résidents
et les nouvelles familles qui souhaitent s'établir dans nos communautés, mais
aussi pour les entreprises qui veulent s'y
établir. De la même façon, l'essor économique et le développement d'industries
vertes ne doivent pas être réservés
qu'aux grands centres urbains, mais se développer aussi en région. Le
développement de capacités de fabrication éolienne en région est un
exemple à suivre.
Aussi, des
initiatives gouvernementales ont déjà fait leurs preuves afin d'aider les
municipalités à réduire leurs émissions
de GES; le programme Climat municipalités était un bon exemple. Ce programme a
permis à de nombreuses municipalités de dresser un inventaire de leurs
émissions de GES. Il serait pertinent que le gouvernement déploie la deuxième phase de ce programme afin d'encourager
la réalisation de plans de réduction des émissions de GES à l'échelle locale et régionale. De plus, certaines
réglementations doivent être, sinon assouplies, à tout le moins, adaptées pour
favoriser la mise en place d'équipements et
d'infrastructures verts. Par exemple, une procédure améliorée d'émission des
certificats d'autorisation devrait être menée pour ce type de projets.
En terminant,
nous sommes tous d'accord que dire que les meilleures pratiques doivent guider
le développement de nos régions. Le
gouvernement doit donc travailler en partenariat avec les municipalités et
s'assurer que des mesures de transition
seront à leur disposition. Nous devons faire preuve d'imagination pour mettre
en place des stratégies innovantes et adaptées
à la pluralité de nos territoires. Pour atteindre ces cibles de réduction de
GES, c'est... c'est littéralement, pardon, un changement de culture qu'il faut entreprendre à l'échelle locale et
régionale. Il s'agit d'un chantier ambitieux, mais les élus municipaux souhaitent y participer pour la
prospérité durable de nos communautés et surtout pour l'avenir de nos régions.
Merci de votre écoute, et l'équipe de la FQM est
disponible pour répondre à vos questions.
Le
Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, nous allons passer
à une période d'échange avec les membres de la commission. Nous allons
commencer par le côté gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lehoux, messieurs, merci
pour votre présentation, votre mémoire ainsi
que l'ensemble... Vous êtes toujours présents lors de nos consultations, qui
ont été nombreuses dans les derniers mois. J'apprécie énormément votre
contribution.
Vous avez
parlé d'aménagement et de transport, puis là c'est deux clés fondamentales si
on doit atteindre notre cible de
37,5 % pour 2030. Mon collègue le ministre des Affaires municipales, lors
de l'annonce de la signature du pacte fiscal,
auquel vous avez participé, a d'ailleurs mentionné par la suite que
nécessairement il allait y avoir une révision de la stratégie d'aménagement
du Québec, que nécessairement la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme allait être
revue, puis je crois que ça faisait partie, là, concrètement des échanges qui
ont mené au pacte fiscal.
Vous parlez
d'innovation, d'imagination, d'éviter le mur-à-mur, concepts avec lesquels nous
sommes entièrement d'accord.
Particulièrement dans les municipalités, les MRC, les municipalités en région, que ça soit en transport ou en
aménagement, quels sont les moyens concrets, là, que vous voyez, là, dont vos
membres parlent, que vous avez développés, vos travaux, des moyens
concrets, performants que nous devons mettre en oeuvre, que ce soit en aménagement
ou en transport, pour arriver à atteindre notre cible?
M. Lehoux (Richard) : M. le ministre,
M. le Président, c'est sûr que, pour atteindre cet objectif-là, l'enjeu premier, c'est effectivement de modifier la
loi sur l'aménagement du territoire, la LAU, pour permettre, en fin de compte, la pleine prise en charge
des MRC des milieux, parce qu'on ne peut pas parler de mobilité durable, de
transport sur un territoire sans mettre en cause l'aménagement de ce
territoire-là et tout ce qui en découle.
Le principal
objectif, c'est de dire : Est-ce qu'on peut laisser à chacune des MRC, au
Québec, de bien cibler ses interventions lorsqu'elle modifie son schéma
d'aménagement et l'aménagement de ton territoire? Parce que ce que l'on a vu à plusieurs reprises dans le passé,
c'est des interventions, là, ici, au niveau, là, du gouvernement du Québec,
de peinturer du... de faire du mur-à-mur, en fin de compte, et c'est la raison
pour laquelle on le ramène dans l'exposé aujourd'hui,
tout ce mur-à-mur-là, parce que, des solutions, là, il peut y en avoir de
plusieurs types. Que l'on soit chez nous, en Beauce, ou que l'on soit en Abitibi ou dans la Gaspésie, elles
peuvent être différentes. Il faut avoir cette souplesse-là pour l'adapter vraiment à la réalité, là, du
territoire comme tel. Je pense qu'il y a un enjeu qui est majeur sur cet
élément-là.
Et puis,
d'entrée de jeu, vous mentionniez le lien qu'on pouvait faire avec l'accord de
partenariat qui a été signé la semaine dernière, mais je vois un peu
plus loin que ça, parce que ça va vraiment dans le sens où les modifications législatives que l'on souhaite apporter en lien
avec cette loi sur... une loi-cadre sur la gouvernance de proximité, là,
qui a quand même un engagement dans l'accord
de partenariat pour une... le dépôt, là, d'une loi à l'automne 2016, il y a
des éléments dans cette loi-là qui vont être
primordiaux pour vraiment assurer, là, la pleine autonomie de... entre autres,
partout dans les régions, oui, de nos municipalités locales mais renforcer le
tandem aussi avec la MRC, parce que, lorsqu'on travaille à développer des réseaux de transport collectif — parce que c'est comme ça qu'on va l'appeler
sur notre territoire, du transport
collectif — bien là
la MRC joue plein son rôle, et encore plus en lien avec la mobilité durable,
que l'on veut développer, l'aménagement de notre territoire. C'est très,
très relié.
C'est pour ça
que je pense qu'il y a quand même là un exercice majeur, là, qui doit être mis
en place rapidement. Ce que l'on voit, ce que l'on veut voir apparaître
dans cette loi sur la gouvernance de proximité sont effectivement le renforcement
de ce palier qu'est la MRC.
M.
Heurtel : Dans ce... mettons, bon, on va continuer, dans l'hypothèse
où quelque chose comme ça se produit, est-ce
que la FQM et ainsi que vos membres prendraient également la responsabilité
d'assumer des cibles de réduction?
• (16 h 20) •
M. Lehoux
(Richard) : Je pense qu'on est tout à fait d'accord à prendre la
responsabilité de les assumer, mais on a dit aussi de façon très claire dans notre accord de partenariat qu'on ne
voulait pas de responsabilité additionnelle sans, en fin de compte, les ressources financières qui
pourraient l'accompagner. Puis je pense que ça, c'est important partout en
région. On ne dit pas, là, qu'on ne doit pas
investir dans le transport en commun dans les grands centres urbains, mais on
doit aussi tenir en compte la question du
transport collectif en région, et surtout — puis, je vous dirais, on a eu des exemples,
en début d'année 2015, assez flagrants de
fermeture de réseau de transport interrégional — je pense qu'il faut ramener sur la
base puis redonner, en fin de compte, ce pouvoir-là de pouvoir instaurer des
services de transport, oui, à l'intérieur d'une MRC, mais à l'intérieur de
plusieurs MRC.
Il y a quand
même des exemples. On prend, au niveau des cinq MRC de la Gaspésie... avec les
Îles-de-la-Madeleine, ils ont quand
même développé, là, sur cet angle-là, une façon, là, de transport collectif
qui... mais il faudrait nous permettre d'aller
un peu plus loin quand on parle de transport interrégional, parce que, là, on
le fait à l'intérieur d'une région, mais, lorsqu'on veut sortir, là on est contraints avec les règles actuelles,
et ce qui complique de façon importante là situation que l'on vit, là, partout sur notre territoire. On est
plutôt à être confrontés à une
fermeture de moyens interrégionaux pour se déplacer de façon collective ensemble. Je
pense que, si on remet ça au sein,
là, de chacune des MRC, on est capables de se prendre en main.
Il y a toute
la question, là, puis je l'ai soulevée, des sous qui vont
provenir... en fin de compte, là, en lien avec la bourse du carbone qui pourraient servir, là, et de
façon importante, aussi à mettre en place des transports
collectifs régionaux mais aussi interrégionaux qui sont aussi importants.
M. Heurtel : Merci.
Le Président (M. Reid) :
M. le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : ...M. le Président. Messieurs, justement, dans ce que vous parlez, là, plus
particulièrement au niveau des
municipalités, des actions dans l'opération quotidienne des municipalités pour viser à l'atteinte de ces objectifs-là, est-ce que vous avez déjà eu des réflexions là-dessus,
des pistes de solution, d'engagement vers la réduction des gaz à effet de
serre, par exemple, au niveau de vos flottes de véhicules ou de certaines
opérations avec les bâtiments?
M. Lehoux
(Richard) : Bien, comme je
le mentionnais, c'est sûr que le programme qui s'est terminé a permis quand même
à au-delà de 250 municipalités de faire le bilan, en fin de compte, de faire
état, là, de la situation chez eux. Et, si je crois que ce programme-là pourrait être ramené pour permettre
à d'autres municipalités, plus que les 250 qui l'ont fait... mais, pour les 250 qui l'ont fait, je pense
qu'il y a eu quand même une prise, là, de conscience, là, de l'importance
de travailler à la réduction des GES, mais
en même temps aussi il faut comprendre, là, que ça prend des incitatifs. Je
pense que, quand on parle d'électrification des transports, ça se fait dans les
grands centres urbains, mais aussi ça se pourrait se faire via les flottes, là, qui sont, on va le dire, là, beaucoup plus
modestes en région. Mais de donner, en fin de compte, ce signal-là que l'électrification peut se faire
aussi en région et de soutenir les efforts qui pourraient être faits — on le voit déjà, là, dans plusieurs régions, là, il y a des
pratiques, là, qui commencent, là, à se mettre en place — de un, ça inciterait les gens à
l'installation de bornes de recharge, et tout ça. Je pense que c'est
interrelié, toute cette mécanique-là.
M. Bourgeois :
Toujours dans le même sens, au niveau de certaines innovations, par exemple
l'utilisation de la biomasse par
rapport aux bâtiments municipaux, est-ce qu'il y a des expériences actuellement
qui se font parmi certains de vos membres? Y a-tu une philosophie par
rapport à ces opportunités-là au niveau de la fédération?
M. Lehoux (Richard) : Je pense qu'il
y aurait beaucoup d'ouverture. Il y a sûrement des exemples, là, puis ils m'échappent. Si Patrick veut les ajouter, il n'y a
pas de problème. Mais je pense que, oui, il y a une très grande sensibilisation, là, des élus municipaux à cet
égard-là. On en connaît déjà qui travaillent avec la biomasse pour
améliorer, en fin de compte, là, leur
performance, mais on n'a peut-être pas tous les outils, là, que l'on aurait de
besoin actuellement pour aller encore un petit peu plus loin. Parce que
c'est sûr que, on en conviendra tous, les outils peuvent être un peu différents
de ceux qui peuvent être promulgués, mis en place par les grandes villes.
M. Émond
(Patrick) : Je compléterais peut-être. Au niveau de la biomasse, il y
a peut-être aussi tout le volet, là, de la conversion des carburants, là, pour certains types de machinerie ou
dans le monde agricole, là. Donc, avec la biomasse, la production de
biodiesel, ce seraient des avenues intéressantes qui mériteraient d'être
étudiées.
Le Président (M. Reid) : Oui.
M. Bourgeois : Une petite dernière,
dans mon cas. Vous parliez du danger au niveau du transport collectif.
Effectivement, dans les régions, on sait, ce n'est pas toujours évident de
maintenir un service compte tenu de la fréquentation.
Il y a cependant d'autres initiatives. De ce côté-là, trouvez-vous que les
municipalités vont assez loin,
elles ont suffisamment de souplesse et d'accompagnement pour pouvoir
mettre en place des programmes favorisant le déplacement de la population
sur le territoire mais en ayant aussi une approche, là, de réduction de gaz à
effet de serre par rapport à des alternatives avec soit les transporteurs ou
même les citoyens, certaines initiatives, là, de citoyens?
M. Lehoux
(Richard) : En tout cas, moi, je pense qu'il y a de l'intérêt, puis c'est plus que
de l'intérêt, sauf que, quand vous parliez de souplesse, là, quand on
parle de schéma d'aménagement et puis de modifications, de permettre aux
municipalités d'avoir plus d'autonomie à décider comment est-ce que
l'aménagement de leur territoire va être fait pour,
en fin de compte, améliorer tout cet aspect de transport là... mais ça pourrait
jouer un rôle encore plus important, mais actuellement on se bute, là, à toujours une confrontation, là, au niveau réglementaire quand
on veut modifier des choses et que ça
ne correspond pas à ce que l'on a établi pour faire sur l'ensemble
du territoire québécois. Mais là, les initiatives innovantes qu'on
pourrait voir surgir, on est obligés de les mettre de côté à ce moment-là.
M. Bourgeois : Merci.
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Est-ce que j'ai une autre intervention du côté gouvernemental? Alors, nous allons passer à l'opposition officielle. M. le
député de Terrebonne.
M.
Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, je remercie les gens de la FQM d'être
présents avec nous dans ce débat.
Vous faites partie de la solution, vous êtes des moteurs de propositions mais aussi d'actions sur le terrain, vous êtes à même de pouvoir croire, à la base, là, de quelle façon
on peut améliorer ou non l'émission de nos gaz à effet de serre, en tout cas je vois en vous des interlocuteurs
privilégiés.
Alors, vous
dire en partant que je constate que vous êtes en accord avec le projet qui est
présenté par le gouvernement, soit celui de réduire de 37,5 %, bon, nos émissions de gaz à effet de
serre d'ici 2030 par rapport à 1990. Par contre, vous amenez quand même des nuances, vous amenez des
bémols, vous dites : On est prêts à collaborer, on est d'accord
avec l'objectif, mais il ne faudrait pas que
ça se passe sans ressource. Et ça, c'est un discours qui revient souvent, je
pense, avec la FQM. Donc, j'aimerais que
vous preniez le temps peut-être de m'expliquer, là, quelques exemples de ce à
quoi vous vous attendriez du gouvernement advenant
qu'on vous demande d'embarquer dans la solution, là, pour réduire les gaz à effet de serre. Donc, on constate que, grâce au
programme Climat municipalités, vous avez été capables de calculer le nombre d'émissions que vos municipalités
faisaient. Vous dites : Maintenant, bon, pour la deuxième phase, pour
essayer de les réduire, on serait prêts à embarquer, mais ça nous prendrait des
compensations financières ou, du moins, certaines recommandations devraient
être assouplies. J'ai entendu quelques phrases de votre part. J'aimerais ça
l'éclaircir pour qu'on puisse être sur la même longueur d'onde.
M. Lehoux
(Richard) : Oui. M. le Président, c'est sûr que, pour nous, il
y a quand même une importance — ça a été
très, très clair dans toutes nos revendications antérieures, et on l'a signifié
de façon très précise dans l'accord de partenariat qui a été signé la semaine
dernière — il
n'y a pas de nouvelles responsabilités qui seront acceptées par les municipalités sans avoir des ressources
financières pour y subvenir, et c'est la raison pour laquelle je mentionnais
tout à l'heure la bourse du carbone, là, qui
est mise en place, mais qu'on projette, d'ici 2020, là, quelques milliards de
dollars, là, qui pourraient... Est-ce qu'on
ne pourrait pas avoir une partie de ces argents-là pour mettre en place toute
cette dynamique, là, qui est prête, je pense, sur le territoire?
Moi, en tout
cas, je vis des expériences chez nous, mais, faute de moyens, on est obligés
de... si on peut se permettre l'expression, de relever la pédale parce
qu'on n'a pas la capacité financière de le réaliser. Mais il y aurait là, je
pense, un apport intéressant s'il y a une
ouverture, là, à amener des sommes d'argent. Ce n'est pas les idées qui
manquent sur le terrain, on comprend que c'est, la plupart du temps, le
financement qui est problématique puis on a, par rapport à nos membres, cet engagement-là d'avoir cette
ouverture-là, mais avec le bémol important que vous avez soulevé sur la
question, là, des ressources financières,
là, qui sont un besoin, pour qu'on puisse vraiment avoir une desserte en
transport collectif, sur l'ensemble du territoire dans toutes les
régions du Québec, adéquate et à la hauteur aussi, parce qu'on ne peut pas
parler d'occupation et de vitalité des territoires sans avoir cette
préoccupation de mobilité sur le territoire.
M. Traversy : Donc, vous nous
dites que le Fonds vert peut être, selon vous, une source potentielle, donc, de
financement avec le marché du carbone. Vous
avez fait, tout à l'heure, allusion au développement du transport
régional. On sent que, dans votre discours, il y a une attention qui est focussée
spécifiquement sur les mesures qui pourraient être émises en région,
donc j'en ai pris bonne note.
Vous avez
aussi, dans le cadre de votre livre bleu, si j'ai bien compris, donc, fait la
recommandation que vous souhaiteriez avoir pleinement les compétences en
aménagement du territoire. Est-ce que vous pourriez nous dire qu'est-ce que ça
vous procurerait comme avantages si significatifs?
M. Lehoux
(Richard) : Bien, c'est clair que, quand on regarde actuellement
l'aménagement du territoire, comme je
vous le mentionnais tout à l'heure, lorsqu'on veut le modifier, en lien avec
toutes les consultations qui ont été faites, là, avec tous les acteurs du milieu dans chacune des régions, quand il y a
une modification qui est apportée... et, la plupart du temps, le
document nous est retourné trois puis quatre fois parce qu'il ne correspond pas
aux grandes orientations, là, gouvernementales, je pense que c'est là que, si
on...
Quand on
demande, en fin de compte, d'avoir plus d'autonomie, bien je pense que ça passe
par cet élément-là lorsqu'on aura
discuté... puis ce que les gens, les élus font dans chacun de leurs milieux,
avec l'ensemble des partenaires, les
acteurs du milieu, et on dit : Bien, ça devrait être de cette façon-là
qu'on fasse le développement de territoire, qu'on adapte, en fin de compte, la mobilité de nos
individus sur ce territoire-là, bien ça devrait se faire de telle façon. On
comprend mal, là, que quelqu'un ailleurs
vienne nous dire ce qui est le mieux pour notre secteur, où nous, on a pris le
temps de se concerter et avec toute la cohérence, là, qu'on peut
développer entre nous, là.
• (16 h 30) •
M.
Traversy : Je vous
remercie. Je voulais que vous ayez l'occasion de pouvoir exprimer pleinement,
là, les raisons.
Certains groupes sont venus nous voir avant vous
pour nous proposer des incitatifs pour justement aider à diminuer nos gaz à effet de serre qui touchent nos
populations, les populations des municipalités, certains ont appelé ça
le phénomène de la carotte et du bâton,
donc, on parle de tarification supplémentaire pour ce qui est des
stationnements, de péage urbain, de
différentes taxations. Je voulais voir qu'est-ce que la FQM pensait de ce genre
de mesures. Est-ce que, selon vous,
c'est une avenue vers laquelle le gouvernement pourrait aller de l'avant ou il
faudrait y réfléchir à deux fois, selon vous?
M. Lehoux
(Richard) : Je pense qu'il faudrait peut-être y réfléchir. Pas qu'on
s'opposerait à ce genre de choses là,
mais il faudrait y réfléchir pour voir, évaluer bien comme il faut les impacts
que ça pourrait avoir, parce que, quand on parle de ces choses-là, on a tendance aussi à parler plus souvent où
est-ce qu'on a une plus grande concentration, là, de population. Mais, lorsqu'on se ramène dans des
régions beaucoup moins populeuses, est-ce qu'on doit utiliser les mêmes
façons de faire? Je pense que, là, il faut prendre le temps de se poser la
question.
M. Lepage
(Sylvain) : Essentiellement, c'est ce que la FQM pense, il est
important, dans les mesures qui vont être mises en place, de tenir
compte des spécificités régionales. Par exemple, quand vous parlez de
tarification des stationnements, ça va bien
à Québec, ça va bien à Montréal. Quand on est en région, comprenez-vous que,
normalement, qui dit tarification des
stationnements dit également système de transport collectif en zone urbaine?
Alors, évidemment, c'est
difficilement applicable dans la plupart des régions du Québec. Et donc il faut
que les programmes soient conçus justement
pour tenir compte de la réalité urbaine mais également de la réalité des
régions, et souvent, malheureusement, ce n'est pas le cas.
M. Lehoux (Richard) :
Peut-être juste un complément, si vous me permettez. On vit des exemples
concrets, là. Je regarde chez nous,
dans la MRC de La Nouvelle-Beauce, on essaie d'implanter, en fin de compte, là,
des stationnements, là, incitatifs,
on essaie de voir, avec le ministère des Transports, à l'abord de l'autoroute,
si on ne pourrait pas... parce qu'il
y a quand même des accès qui se prêteraient bien à cela. Il y a quand même une
certaine ouverture, mais, depuis le temps qu'on en parle, c'est... on trouve des fois que les délais sont un petit
peu longs, parce que le milieu, les municipalités se sont pris en charge puis ont dit : On est prêts à
investir des sous, mais il faudrait avoir aussi les autorisations des
ministères concernés, lorsqu'on s'approche des autoroutes, bien, pour
permettre, en fin de compte, là, une... On sait qu'ici, au niveau de la région de Québec, la tête des ponts
est souvent, là, en congestion, et ça serait... En fin de compte, notre
façon, c'est de dire : On va travailler
à mettre des stationnements incitatifs, mais on est encore pris avec certaines
restrictions, et puis là ce n'est pas des
restrictions qui viennent du ministère de l'Environnement, M. le ministre,
c'est des restrictions qui sont du ministère des Transports.
M. Traversy :
Donc, en gros, votre vision de décentralisation est très campée, est très
claire, et je l'entends correctement. Et
peut-être une question, parce que je vois que, dans votre panel, bon, vous êtes
plusieurs et vous avez probablement beaucoup d'expérience. On veut
réduire notre consommation... pas notre consommation, pardon, on veut réduire l'émission de gaz à effet de serre et
souvent, bon, on se fixe des objectifs, puis, bon, il y a des voeux qui
sont très nobles, mais, quand vient le temps d'y parvenir, ça devient plus
compliqué.
Vous
qui avez de l'expérience, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir des mécanismes de
reddition de comptes? Puis je vous en
parle, parce que ça se peut que vous fassiez partie de la solution. Est-ce que
vous vous sentiriez à l'aise d'avoir un mécanisme de suivi pour faire en sorte que les objectifs que le
gouvernement va se fixer soient concrets puis se réalisent, là,
véritablement dans le quotidien et ne soient pas des objectifs qui vont être
surréalistes d'ici quelques années?
M. Lehoux
(Richard) : Si vous me permettez...
Une voix :
...
M.
Lehoux (Richard) : ...oui, Patrick, mais, juste avant... quand on
parle de reddition de comptes, là ça nous fait des fois sourciller un petit peu, parce qu'on est plutôt dans la sphère
de regarder comment est-ce qu'on pourrait peut-être un petit peu alléger, là, parce qu'on passe notre
temps à remplir, là, de la paperasse. Et je pense que, oui, c'est pertinent
de le faire mais tout en se donnant quand même des objectifs précis. Je vais
laisser Patrick pour la suite.
Le Président (M.
Reid) : Il faudrait résumer votre pensée en 30 secondes.
M.
Émond (Patrick) : Oui. Bien, en fait, je pense, c'est très pertinent.
C'est pour ça justement qu'on demandait une deuxième phase du programme Climat municipalités, pour permettre
d'élaborer des plans d'action, donc, de déterminer des indicateurs, des
mécanismes de suivi, donc, aux niveaux local et régional.
Le
Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Nous passons maintenant
au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Merci, messieurs, d'être ici avec
nous. Vous savez, en 2019, les municipalités du Québec vont avoir 1,2 milliard de moins au net, là, en raison
des transferts gouvernementaux qui ont débuté en 2014, là, puis les compressions qui sont imposées du
ministre des Affaires municipales en 2015 puis qu'ils font récurrentes,
là, de 2016 à 2019. Vous nous en avez
mentionné tantôt à la question du député de Terrebonne. Mais là, là, après
avoir, là, pigé dans vos surplus puis
avoir reporté des investissements, moi, je me demande comment que vous, là, les
municipalités, vous allez être en mesure de contribuer à la réduction des gaz à
effet de serre, O.K., à la hauteur que vous le souhaiteriez réellement. Ça fait
que c'est quoi, l'impact réel du manque à gagner?
M.
Lehoux (Richard) : Si vous me permettez. C'est sûr qu'on vient de
signer une entente de partenariat avec le gouvernement du Québec, l'ensemble des municipalités. Ça a été quand même,
là, sur une base de discussions, là, qui ont duré depuis le mois de
janvier 2015. C'est clair que, comme je le mentionnais tout à l'heure, on ne
prendra pas de nouvelle responsabilité, on va assumer celles que l'on avec
l'accord qu'on vient de signer. Mais pour de nouvelles responsabilités... C'est la raison pour laquelle je mentionnais, de
façon importante, l'apport, là, qui pourrait provenir... une partie, une infime partie, là, de la... en lien
avec la bourse du carbone, là, qui pourrait avoir des sous de disponibles,
là, pour soutenir les municipalités dans le
développement, surtout dans toute la question des transports. Je pense qu'il y
a là un enjeu qui est majeur pour l'ensemble des municipalités au Québec, c'est
toujours en lien avec le transport, puis, le transport, on ne peut pas le
dissocier de l'aménagement du territoire. Ça fait que oui.
M.
Lemay : O.K. Bon. Bien, à ce moment-là, au niveau du transport, moi,
je comprends... admettons, si j'étais à la charge de ma municipalité, je
me dirais : Bien, est-ce que je peux faire en sorte que tous les véhicules
que je possède en tant que municipalité
contribuent à réduire les gaz à effet de serre? Donc, soit que j'y vais avec
des véhicules électriques ou j'y vais
avec des véhicules au gaz naturel comprimé. Je me dirais : Les sites
d'enfouissement qui sont à proximité de ma municipalité, est-ce que
c'est possible de pouvoir faire de la biométhanisation, de récupérer les gaz,
bon, de faire de l'énergie, de le transférer
dans mes véhicules, mes camions de vidanges, etc.? Tu sais, il me semble que je
mettrais tous ces efforts-là, puis ça serait ma contribution pour
réduire les gaz à effet de serre.
Là,
ce que vous êtes en train de me dire carrément, c'est que, d'autant plus que,
là, les investissements, ils ont été reportés de 2019 à 2022 en ce qui concerne
la biométhanisation... ce que vous êtes en train de me dire, c'est que c'est sur la glace, on ne pourra pas aller
dans cette avenue-là ou il y a certaines municipalités quand même qui
vont être en mesure de contribuer.
M.
Émond (Patrick) : Non, je pense que ce n'est pas tout à fait ça. En
fait, les plans d'action, c'est ce qui permet
d'établir, au niveau des municipalités, de se doter de moyens. Comme,
justement, de convertir une partie de la flotte municipale avec des véhicules électriques, implanter des bornes
électriques, faire en sorte que, les lieux d'enfouissement technique, on récupère le méthane qui est émis
pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, convertir le
chauffage des bâtiments, aussi, municipaux, c'est déjà des choses qui ont
commencé d'être implantées. Donc, c'est de poursuivre dans cette veine-là.
M.
Lemay : Mais est-ce que c'est à croissance rapide ou vous prévoyez
qu'il va y avoir une croissance faible, il va y avoir un ralentissement?
En fait, est-ce que vous seriez en mesure d'aller plus vite que qu'est-ce que
les fonds sont disponibles? Dans le fond, si
vous aviez plus de partie qui revient du Fonds vert, vous seriez en mesure de
l'implanter dès maintenant.
M.
Émond (Patrick) : En fait, le défi réel, c'est au niveau des
transports collectifs. C'est là que se trouve la plus grosse part des investissements à faire et c'est
là que les municipalités ont peu de moyens pour mettre de l'avant tous
les projets, les idées qu'elles ont. Donc, c'est là que le soutien du
gouvernement provincial est important.
M.
Lemay : Bon. On le sait, là, le transport, c'est une des fonctions
majeures, là, qui peut contribuer à la réduction des gaz à effet de serre,
mais, si je vous amène au niveau des innovations technologiques... on sait, les
innovations technologiques, ce n'est pas seulement les entreprises existantes.
Il y a plusieurs gens qui sortent des universités, peu importe leur domaine d'expertise, qui ont des idées nouvelles, qui
veulent démarrer leur nouvelle entreprise puis ils veulent contribuer à se dire : Moi, je vais me lancer
dans le domaine de la réduction des gaz à effet de serre parce qu'on a
des cibles à atteindre, et puis c'est la façon pour cet individu-là, qui vient
de graduer, de contribuer en faisant des innovations technologiques.
Mais,
on le sait, les CLD, ça été coupé, là, les MRC, elles décident ce qu'elles
veulent, il y a des MRC... bon, moi, je
suis chanceux, dans la MRC Les Moulins, on a maintenu en place notre CLD,
donc... ça change de nom, on va le dire, mais il n'y a plus tous les fonds qu'il y avait, mais, je veux dire, au
niveau des innovations technologiques, là, il me semble que vous êtes en mesure de pouvoir contribuer à aider
les jeunes entrepreneurs ou... même les jeunes et moins jeunes, mais à
démarrer dans leurs nouvelles idées.
• (16 h 40) •
M.
Lehoux (Richard) : Moi, je pense que vous avez un point qui est
important quand vous parlez, là, des jeunes entreprises qui arrivent pour se démarrer, des nouvelles idées,
toujours, parce que je pense que de plus en plus les jeunes qui démarrent des entreprises ont cette...
préoccupation-là, pardon, là, de diminuer, en fin de compte, là, notre
empreinte, là, au niveau des gaz à
effet de serre, et c'est certain que, par le biais... puis c'est la même chose
chez nous, on a conservé aussi notre
CLD avec des moyens moindres, mais il faut comprendre que ça revient à chacun
des milieux aussi et à chacune des MRC
de décider, en fin de compte, là, comment ils vont investir, là, dans cette
vision de développer les technologies vertes. On sait que, de plus en
plus, nos jeunes entreprises, c'est la base première de leurs préoccupations.
Ça
fait qu'on est dans cette optique-là, mais aussi on comprend tous, là, qu'on y
va à la vitesse et à la hauteur de nos capacités financières. On en
convient tous.
M. Lemay :
Vous avez quelque chose à rajouter? Non? M. le Président, il reste combien de
temps?
Le Président (M.
Reid) : 20 secondes.
M. Lemay :
20 secondes? Merci beaucoup, messieurs.
Le
Président (M. Reid) : Alors, merci beaucoup, M. Lehoux,
M. Lepage, M. Émond, de la contribution que vous apportez à
nos travaux.
Je lève la séance
pendant quelques instants, le temps de permettre à nos invités de la CSN de
prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 42)
(Reprise à 16 h 44)
Le Président (M.
Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la
bienvenue à nos invités de la Confédération
des syndicats nationaux. Vous connaissez la routine, vous avez 10 minutes
pour faire votre présentation. Par la
suite, nous aurons une période d'échange. Je vous demanderais de vous présenter
et de présenter les personnes qui vous accompagnent pour les fins de
l'enregistrement. À vous la parole.
Confédération des syndicats
nationaux (CSN)
M. Patry
(Pierre) : Très bien. Merci
beaucoup, M. le Président. M. le ministre, messieurs dames — je n'en vois pas — les
députés. D'abord, je me présente, moi, je suis Pierre Patry, qui est trésorier
de la CSN puis responsable politique des
questions environnementales et de développement durable à l'exécutif de la CSN;
à ma droite, Mme Isabelle Ménard, qui
est conseillère au Service des relations du travail — Mme Ménard est biologiste et elle s'occupe
des questions environnementales
également; et, à ma gauche, Mme Judith Carroll, qui est conseillère au
comité exécutif de la CSN. On remercie la commission pour ce qui est de
l'invitation.
Donc, dans un contexte où les changements
climatiques sont tels qu'ils font craindre le pire pour la survie de l'humanité, les questions environnementales
doivent prendre une place de plus en plus importante dans l'évaluation
des choix qui s'offrent à nous. Nous savons
que cette urgence écologique est intimement liée aux questions énergétiques
et aux modèles de développement que nous préconisons en tant que société. Pour
la CSN, il devient impératif de changer radicalement notre façon de produire,
de consommer et de concevoir notre rapport à l'environnement. Ainsi, nous appuyons sans réserve l'introduction d'une cible
minimale de réduction de 37,5 % de nos émissions de gaz à effet de
serre à l'horizon 2030 sous le niveau de 1990. Nous croyons qu'il faut adopter
une approche intégrée et structurée afin que l'ensemble de nos actions soient
coordonnées vers cet objectif.
Comme le
souligne le document de consultation, le Québec est déjà engagé dans la lutte
contre les changements climatiques,
et nous croyons qu'il nous faut non seulement poursuivre, mais aussi accentuer
les efforts dans cette voie.
Une politique ambitieuse de lutte contre les
changements climatiques qui intègre des mesures assurant une diminution
soutenue de nos émissions de gaz à effet de serre ne pourra être mise en oeuvre
sans la contribution des travailleuses et
des travailleurs et de leurs syndicats, d'abord, parce que cette politique nous
amènera à modifier certaines pratiques
dans nos milieux de travail puis puisqu'en tant que citoyennes et citoyens nous
devrons revoir nos comportements. Les
emplois de plusieurs secteurs seront sans aucun doute affectés par les
transformations nécessaires à l'atteinte de nos objectifs. Le choix en matière d'énergie et d'approvisionnement, la mise
en place du marché du carbone, le développement des technologies vertes et l'adoption de réglementations plus
contraignantes sont autant d'éléments qui devraient transformer la
réalité de tous les secteurs tout comme ils devraient infléchir nos décisions
individuelles.
Pour la CSN,
la transition vers une économie verte n'est donc possible qu'avec la
participation active du monde du travail. La transition énergétique,
élément incontournable pour une réduction de nos émissions de GES, exigera de
nouvelles technologies et de nouveaux procédés. Cela n'est pas sans soulever la
question de la formation de la main-d'oeuvre,
d'une part, la question du développement de l'expertise pour la relève et,
d'autre part, celle de la requalification et de l'actualisation des compétences pour celles et ceux qui sont déjà
sur le marché du travail. Ces programmes doivent être à la hauteur de nos aspirations et assurer la compétence de notre
main-d'oeuvre. Une partie des travailleuses et des travailleurs sera touchée par les changements qui
s'amorcent, et l'intervention de l'État est nécessaire pour assurer
cette transition. Pensons ici aux changements qui découlent des modifications
aux processus de fabrication ou encore aux connaissances requises eu égard aux
nouvelles technologies qui seront développées.
De plus, comme le souligne le document de
consultation, les risques pour la santé associés aux changements climatiques s'accroissent, et des maladies
inconnues font maintenant leur apparition en sol québécois. Cet état de fait
devrait conduire le gouvernement à mieux informer et à initier des programmes
de prévention à l'intention des citoyens et citoyennes et des travailleuses et
travailleurs.
Le concept de
transition juste et équitable, porté par les organisations syndicales, réfère
aux mesures à adopter afin que le passage d'un système énergétique
énergivore à carburants fossiles vers un système reposant sur des énergies renouvelables se fasse sans trop de heurts.
Soulignons que son adoption suppose des investissements significatifs et
des mesures d'adaptation. Comme organisation
syndicale, nous sommes préoccupés non seulement par le niveau de la
cible, mais aussi et surtout par les mesures concrètes qui permettent d'espérer
l'atteinte de nos objectifs. Or, les mesures d'austérité que le gouvernement ne
cesse d'annoncer jettent un sérieux doute sur la volonté réelle du gouvernement
d'avoir le moyen de ses ambitions.
Compte tenu de son importance dans le bilan
carbone, nous croyons qu'une attention particulière devrait être apportée au secteur des transports. Il faut
constater qu'aucune baisse des émissions n'a été réalisée dans ce secteur et
que la diminution qui surviendra au cours des prochaines années ne s'effectuera
que très lentement, à moins d'une action spécifique.
Année après année, les différents types de véhicules sont de plus en plus
efficaces, mais les consommateurs les
choisissent plus gros et plus énergivores, malheureusement. Qui plus est, le
nombre de véhicules ne cesse d'augmenter sur les routes, et chaque véhicule parcourt de plus en plus de
kilomètres. Il faudra faire preuve de créativité, tout comme il faudra
prévoir les sommes nécessaires, pour créer un désintéressement des citoyens
envers leurs voitures, et ce, au profit du
transport en commun. Pour la CSN, il est impératif que le gouvernement
investisse de façon plus soutenue dans le transport en commun et qu'il entreprenne un virage sérieux vers
l'électrification des transports afin de soutenir la mobilité durable.
Afin de limiter le transport de marchandises, une réflexion s'impose sur les
moyens à mettre en oeuvre pour favoriser
l'approvisionnement local et les circuits économiques courts. Il faut aussi
adopter des mesures réglementaires et des programmes afin de renforcer
l'efficacité énergétique des moteurs et utiliser d'autres sources de carburant,
telles que le gaz naturel ou le biodiesel.
• (16 h 50) •
La réglementation est
aussi un des leviers dont dispose l'État pour lui permettre d'intervenir afin
d'assurer une transition énergétique qui, à son tour, permettra une réduction
des gaz à effet de serre. Le concept d'efficacité énergétique devrait s'imposer comme une règle essentielle à la
réalisation de la plupart des projets au Québec. L'efficacité
énergétique consiste non seulement à réduire la consommation d'énergie, mais
aussi à augmenter les rendements énergétiques des bâtiments et des équipements déjà existants et à faire
de la recherche et du développement pour permettre des innovations technologiques moins...
énergivores, excusez-moi. Pour la CSN, un plan d'économies d'énergie
permettrait à long terme de générer des
sommes colossales en retombées économiques tout en réduisant substantiellement
les émissions de gaz à effet de
serre. Si nous investissons les montants requis, nous pourrions devenir un des
chefs de file nord-américains en matière d'efficacité énergétique.
Ces
exemples démontrent, selon nous, la pertinence d'établir des cibles
sectorielles et justifient notre souhait que soient réalisés des bilans
de performance environnementale, et ce, dans le but de faire un suivi mieux
coordonné et d'ajuster les actions requises,
le cas échéant. Nous croyons qu'une vaste campagne d'éducation et de
sensibilisation ainsi que de
mobilisation serait une bonne initiative pour permettre à tous de mieux comprendre
les enjeux liés aux changements climatiques.
Il faut démontrer le lien qui existe entre le choix que nous faisons et les
effets de ceux-ci sur l'environnement.
L'impératif
environnemental doit être vu comme une occasion de favoriser un développement différent,
et, pour la CSN, c'est en faisant la promotion d'actions responsables que les
citoyennes et les citoyens pourront se sentir concernés
par la lutte contre les changements climatiques. De plus, le gouvernement doit
apporter une réponse satisfaisante aux
enjeux démocratiques qui sont sous-jacents à la mise en place de mesures pour
assurer notre réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les processus de consultation et les démarches
d'acceptabilité sociale doivent être transparents et permettre la tenue de débats réels sur les
objectifs à poursuivre et les moyens pour les atteindre. Condition essentielle
à cet exercice, l'accès à l'information doit être assuré.
Outre
les initiatives volontaires et la mise en place de lieux de concertation, il
serait illusoire de croire qu'il sera possible
de réduire nos émissions de GES en deçà de 37,5 % de ce qu'elles étaient
en 1990 sans contraindre davantage les différents
acteurs de la société québécoise. Ainsi, des mesures d'écofiscalité, de réglementations
plus exigeantes et des sanctions plus imposantes devront être examinées.
Parmi
les obstacles qui pointent à l'horizon, il y a notamment les arbitrages entre
le développement à tout crin et les conditions d'un développement
durable. Ainsi en est-il de l'exploration et de l'exploitation des
hydrocarbures dans un contexte où la
nécessité de réduire notre dépendance à ces derniers n'est plus à démontrer. La
CSN s'est prononcée en 2011 en faveur
d'un moratoire complet sur les projets d'exploration et d'exploitation des
hydrocarbures à l'île d'Anticosti, dans
le golfe du Saint-Laurent et en Gaspésie. Nous tenons à le réitérer ici. Cette
exigence de moratoire est, sans contredit, l'expression de nos craintes
légitimes en regard des conséquences environnementales et sociales de
l'exploitation des hydrocarbures en sol québécois. Il s'agit aussi d'un regard
lucide sur les espoirs de développement économique que pourrait représenter
l'exploitation de cette ressource.
Finalement, la
transition proposée ne pourra se faire sans un financement adéquat du plan
d'action sur les changements climatiques,
certes, mais aussi de plusieurs autres mesures tout aussi nécessaires au virage
que doit prendre le Québec s'il
souhaite atteindre réellement la cible proposée. Finalement, nous savons que
les travailleuses et les travailleurs que nous représentons peuvent
faire une réelle différence dans l'atteinte des objectifs poursuivis, et c'est
pourquoi nous vous réaffirmons notre entière disponibilité à l'atteinte de ces
objectifs. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Reid) : Merci de votre présentation. Nous allons passer à la
période d'échange et on va commencer par le côté gouvernemental. M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Heurtel :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Carroll, Mme Ménard, M. Patry, merci
beaucoup pour votre présentation ainsi que
votre mémoire, puis merci en général pour toute votre implication, là, dans nos
travaux, là. Il y en a eu plusieurs.
M. Patry
(Pierre) : ...
M.
Heurtel : Quand on se voit régulièrement, on apprend à bien se
connaître. Mais c'est apprécié. À chaque fois, vous nous apportez des
contributions substantielles, fouillées et très intéressantes.
Et donc moi,
j'aimerais commencer, parce que, bon, la CSN, bon, comme vous le dites, c'est
près de 2 000 syndicats, ça
regroupe 325 000 travailleuses et travailleurs. Vous rejoignez
beaucoup de Québécoises et Québécois, vous
les représentez. Et, dans le contexte actuel, puis ça, dans les dernières
semaines, là, depuis qu'on a commencé les travaux de la commission sur
la cible, on parle beaucoup de changement de comportement des Québécoises et
des Québécois, on voit certains paradoxes se
développer. Nous, nos enquêtes, nos sondages démontrent clairement que,
la population, résolument, pour des mesures importantes de lutte contre les
changements climatiques, c'est une priorité, il faut intervenir, il faut agir.
On est la province,
au Canada, qui consomme le plus rapidement et qui est responsable de 50 %
de l'achat des véhicules électriques au
Canada, mais, en même temps, les Québécoises et les Québécois semblent être en
amour aussi avec les véhicules de
grande cylindrée, parce que ça aussi, ça augmente, les ventes augmentent. Puis
ça, c'est un exemple, là. Il y a
plusieurs domaines où on veut avancer, on met en oeuvre... puis les mesures
dont vous parlez, je veux dire, ça rejoint
à bien des égards ce que le gouvernement fait déjà, ce qu'on veut faire
davantage, mais, moi, ce que je me demande quand vous parlez d'éducation : Est-ce que c'est quelque chose
d'envisageable? Parce que les travailleuses et travailleurs que vous
représentez sont aussi des consommateurs. Est-ce qu'il y a un travail... Oui,
je suis d'accord avec vous, le gouvernement doit intervenir, doit sensibiliser
davantage, doit faire la promotion davantage, mais est-ce que c'est
envisageable de voir la CSN et les autres grandes centrales syndicales
s'investir également dans ce processus de sensibilisation,
d'éducation? Parce qu'on parle aux mêmes clientèles, là. On parle aux
Québécoises et aux Québécois. Vous en
représentez 325 000. C'est du monde, ça, ça achète des voitures, ça
consomme, c'est en région, c'est dans les grands centres, les habitudes
de vie.
Est-ce
qu'il n'y a là pas matière à travailler ensemble puis voir la CSN aussi
participer à cet effort de sensibilisation?
M. Patry (Pierre) : Ça va, M. le
Président?
Le Président (M. Reid) : Oui.
Allez-y.
M. Patry
(Pierre) : Oui? Très bien.
Bien, tout à fait, c'est envisageable, puis, je vous dirais, on le fait déjà.
Je vais juste donner quelques exemples de travaux qu'on a réalisés, je dirais,
dans les 10 dernières années.
Je dirais, du point de vue du changement des
comportements individuels, au tournant des années 2000, on a entrepris une vaste campagne en faveur du commerce
équitable et de la consommation responsable dans une perspective d'avoir des pratiques plus écologiques aussi qui
respectent les aspects sociaux, ainsi de suite, et, quand on a démarré
cette campagne-là, on souhaitait rejoindre
10 % de nos syndicats et, deux ans après, on avait 50 % des syndicats
à l'intérieur de la CSN qui avaient
posé un geste ou un autre en faveur du commerce équitable ou de la consommation
responsable. Donc, c'est des choses qu'on fait régulièrement.
Dans les dernières années, on a aussi adopté une
politique de développement industriel dans une perspective où, vous le savez, il y a eu des pertes massives
d'emploi dans le secteur manufacturier. On représente des gens dans ces secteurs-là. Donc, évidemment, ils sont inquiets
pour leurs emplois. On a travaillé sur le développement d'une politique industrielle qui s'inscrit dans une perspective de
développement durable. On veut avoir une politique de développement industriel du XXIe siècle et pas une du XIXe
siècle. Ce n'est pas des débats toujours faciles, là, il faut en convenir,
dans nos propres rangs, parce qu'il y a des
questions d'emploi qui entrent en ligne de compte, ainsi de suite, mais on est
capables de mener ces débats-là. Et, tout
dernièrement, il y a quelques semaines, je pense, il y a deux semaines, on
était en conseil confédéral, qui est
notre instance suprême entre les congrès, où on a adopté une stratégie
énergétique, laquelle stratégie énergétique
est en lien avec la politique de développement industriel mais dans une
perspective où on veut atteindre les objectifs en termes de réduction
des gaz à effet de serre.
Donc, comme CSN, on est prêts à le faire puis,
si on est capables de le faire avec le gouvernement dans une perspective où on
va quand même protéger les droits des travailleuses et des travailleurs...
parce que, si on n'est pas capables de
protéger ces droits-là, bien on ne sera pas capables de percer, je dirais, les
résistances que les travailleuses et les travailleurs auront. Donc, dans
ce sens-là, on est tout à fait partants pour travailler avec vous sur cette
question-là.
Je pense que d'autres veulent compléter.
M. Heurtel : Oui, allez-y.
• (17 heures) •
Mme Carroll (Judith) : Oui, si vous
permettez. Parce que, juste en termes d'information puis de formation des travailleuses et des travailleurs qu'on peut
rejoindre, je pense que la CSN est à l'oeuvre, puis je vous invite à
visiter un site Internet qui s'appelle Vertlasolidarité.org,
qui est un site Internet initié par la CSN, sur lequel on tente de mieux
outiller les travailleuses et les
travailleurs, parce qu'on considère qu'agir pour la qualité du travail, c'est
agir aussi en environnement puis que,
si les travailleuses et les travailleurs, dans leurs milieux de travail,
s'approprient les enjeux environnementaux
de recyclage, de récupération, de procédés
de travail, de l'effet de la bourse du carbone, des négociations à venir sur la
COP, qui va être la prochaine capsule d'information, ils vont devenir aussi des citoyens et des citoyennes plus responsables, préoccupés d'environnement. Donc, on le
fait déjà, tant mieux si on peut mieux coordonner notre travail, mais, oui,
on a à coeur puis on connaît ce réseau-là,
cette capacité-là de mieux informer, de former, d'outiller, de sensibiliser.
C'est déjà là. Je vous invite vraiment à le visiter.
Mme Ménard
(Isabelle) : ...ce que je
voulais ajouter, c'est suite à des propositions de congrès qui ont été adoptées, qui fait
que, jour après jour, dans mon travail, je contacte des syndicats, des
travailleurs pour justement identifier les enjeux
environnementaux dans leurs milieux de travail, de leur faire
réaliser c'est quoi, les impacts de leurs entreprises et de leurs établissements, puis, à partir de ça, de travailler aussi de
façon paritaire avec leurs employeurs pour aller de l'avant, pour pouvoir réduire la pollution puis changer
leurs comportements, par le fait même. Ça fait que déjà, ça, on le fait
au sein de l'organisation, donc c'est déjà
un plus. Ensuite, comme vous le dites, bien ces personnes-là sont des citoyens
aussi, donc déjà ils ont une petite
étincelle, là, qui peut aider, là, à faire changer les comportements. Mais
c'est certain que, d'une part, ça, c'est pour notre organisation, mais,
pour pouvoir vraiment changer les comportements sur de plus longues années,
bien, je pense, ça prend aussi des campagnes, là, très structurées puis
répétitives, parce qu'on voit comment la
publicité sur les VUS a gagné du terrain
au niveau de l'achat de ces véhicules-là, au niveau du confort, et tout ça,
puis c'est sur qu'on a des hivers, et il a
fait froid, et tout, bon, etc., mais, en même temps, ça prend des campagnes
soutenues un peu comme celle du tabac, un peu celle sur l'alcool, un peu
celle sur, bon, les textos par la SAAQ. Bon, ça va prendre ça aussi.
Ça fait que ça va prendre plusieurs fronts qui
vont travailler en parallèle et de façon coercitive puis aussi tout le secteur de l'éducation, du primaire au
secondaire, des nouvelles professions qui vont devoir intégrer ces aspects-là
pour être capables de faire des meilleurs
choix après soit comme travailleurs ou soit comme citoyens. Donc, on voit que
c'est un réel projet de société qui est complexe.
M. Heurtel : ...mais, je veux dire,
est-ce que ça serait même envisageable de voir... puis je comprends les caveats que, M. Patry, vous avez mis de
l'avant, mais, encore une fois, c'est ça... vous parlez de VUS, bien, c'est ça,
il faut être capables
de dire tant aux travailleuses et travailleurs, qui sont également, comme vous
le dites, comme nous le disons tous,
des citoyennes et des citoyens : Bien, peut-être pensez à autre chose
qu'un gros VUS, peut-être pensez à autre chose. Est-ce qu'il faut nécessairement le méga pick-up avec le super
mégamoteur, bien que le travail puisse exiger un véhicule d'une taille
importante? Mais peut-être penser plus petit ou alternatif, bon, etc.
Donc, c'est
plausible de voir la CSN travailler avec ses syndicats, ses membres pour
peut-être avancer dans ce sens-là aussi? C'est plausible, ça?
M. Patry (Pierre) : Bien, je vous
dirais, il y a quelques années... puis on a refait ces débats-là dernièrement dans une perspective, par exemple, de transformation
de la fiscalité, puis nous, on prétend que le rapport Godbout est une occasion manquée, là, à certains égards, là — je sais que c'est un autre débat, là — puis, la dernière fois que j'étais
venu ici, d'ailleurs on sortait de là juste avant, là...
M. Heurtel : Oui, c'est dans une
autre pièce.
M. Patry (Pierre) : ...mais, par
exemple, on a peu abordé les questions d'écofiscalité
à l'intérieur de cette commission-là, puis nous, il y
a quelques années, on disait : Il pourrait y avoir, par exemple, une taxe
de luxe pour les véhicules, là,
onéreux ou encore ceux qui sont des grands consommateurs d'énergie, puis donc
qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre. Bien, des fois aussi, par la fiscalité, on est
capable d'agir sur le comportement du monde. Je vous dirais, à cet égard là, par contre, c'est clair qu'il y a des débats
dont il faut faire attention, parce que, par exemple, dans les régions, les questions
ne se posent pas tout à fait de la même façon que dans les grands centres urbains. Puis je pense qu'il faut considérer cette question-là comme il le faut,
mais on est persuadés qu'on est capables d'agir là-dessus pour
favoriser un comportement plus responsable de la part des citoyennes et des
citoyens, y compris des travailleurs qu'on représente.
M. Heurtel : Parce que, sur la
question de l'écofiscalité, j'y arrivais justement, des mesures, je vous donne un exemple, justement, Équiterre est venue
présenter tant à la commission à laquelle participait mon collègue le
ministre des Finances qu'ici... propose des
séries de mesures, puis, juste pour
les fins de discussion, là... je ne dis pas que c'est ça qu'on va faire, mais,
pour les fins de discussion, tu sais,
on parle d'ajouter une taxe, justement, sur les grosses cylindrées, de 7,6 %,
on parle d'instaurer des bonus malus, un système de bonus malus sur les
voitures, on parle... ça va aussi de taxe sur les sacs de plastique. Tu sais, je veux dire, une écofiscalité, là, ça
peut aller jusque-là. Les opposants à ce type de mesures là, entre autres, vont dire : Bien, ça va mettre
un fardeau additionnel sur les travailleuses et travailleurs, sur les hommes
et les femmes qui font peut-être moins d'argent, qui sont moins nantis mais qui
ont peut-être besoin de véhicules, qui ont peut-être
besoin, justement, tu sais, qui, en région... le débat, puis ça, on en a parlé
beaucoup, grands centres versus régions, les perspectives sont très
différentes.
Alors, du
point de vue justement travailleuses et travailleurs que vous représentez, vous
vous déclarez favorables à des mesures d'écofiscalité, mais, de votre
point de vue, du point de vue des travailleuses et des travailleurs que vous représentez, il va y avoir un impact réel, ça va
coûter quelque chose. Alors, de votre point de vue, comment vous conciliez
cette situation-là?
M. Patry (Pierre) : Bien, je dirais,
il n'y a pas de réponse parfaite, là, j'en conviens, au point de départ, puis il faut considérer chacune de ces mesures-là, il
faut mesurer l'impact de chacune de ces mesures-là sur les gens qui sont
moins bien nantis. Vous ne l'avez pas
identifié, mais, dans d'autres lieux, il y en a qui ont proposé, par exemple,
qu'on augmente les tarifs d'hydroélectricité
parce que ça pourrait avoir un effet sur la consommation. D'abord, nous, on
n'est pas convaincus que ça puisse être le cas, mais aussi on pense qu'il faut
regarder quel impact ça va avoir chez les gens qui sont moins bien nantis si on agit sur ces mesures-là. Par contre, il y a
des mesures où, à mon avis, vous mettez de l'avant, là... comme par exemple la question des bonus
malus, la question des taxes, une taxe sur les sacs en plastique, il y a
des mesures qui permettent... où c'est
possible pour les gens de changer de comportement sans forcément que ça ait un
impact important sur leur quotidien de tous les jours.
Donc, je
pense qu'il faut regarder chacune des mesures au mérite puis s'assurer qu'on
protège les moins bien nantis, parce qu'il n'y a pas que la question
environnementale qui entre en ligne de compte là-dedans. Quand on parle de
développement durable, on parle de développement économique mais qui s'inscrit,
disons, dans le respect des droits sociaux
ou des aspects sociaux et des aspects environnementaux, donc il faut aussi
regarder quel impact que ça va avoir notamment sur : Est-ce que ça
va accroître la pauvreté? Est-ce que les gens plus démunis vont se retrouver
dans une situation plus difficile? Il faut
considérer chacune de ces mesures-là, mais, ce qu'il est possible de faire,
bien on pense qu'il faut le faire.
M. Heurtel : Merci.
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Dubuc, vous avez deux minutes.
M.
Simard : Merci, M. le Président. M. Patry, Mme Ménard,
Mme Carroll, merci de votre présence. Dans votre mémoire, ici, tout à l'heure, et puis dans ce qu'on
a devant nous, vous parliez des hydrocarbures et bien sûr vous avez
parlé aussi de l'île d'Anticosti, qui est nécessairement en recherche là où on
recherche du pétrole.
Étant donné
que le Québec est un utilisateur important de l'énergie pétrolière, et ce, il
faut bien se le dire, pour plusieurs
années, M. le Président, encore, oui, il faut faire des efforts, tout le monde
est bien conscient de ça. Le Québec est... plutôt, les Québécois sont conscients de la
nécessité de diminuer les dépendances au niveau des hydrocarbures. Nous sommes dans une période, actuellement tout au
moins, là, d'équilibre budgétaire et puis on a entendu souvent... et je
vais le dire, là, la Norvège est souvent
citée en exemple ici, en cette Chambre, et à cette commission on nous parle
souvent de ce qu'on fait en Norvège par rapport à l'environnement, mais,
ce qu'on ne dit pas très souvent, c'est financé à même leur industrie
pétrolière, c'est un grand vendeur de produits pétroliers.
Croyez-vous
qu'il peut y avoir un équilibre entre utiliser les énergies fossiles qui
t'appartiennent et bien sûr protéger l'environnement
et, avec les revenus que l'on peut dégager, on pourrait nécessairement aussi
protéger l'environnement plutôt que de faire ça sur le dos des
travailleurs? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Patry (Pierre) : Bien oui, ça va
me faire plaisir de vous parler là-dessus.
Le Président (M. Reid) :
30 secondes, s'il vous plaît.
• (17 h 10) •
M. Patry
(Pierre) : Ah oui! Bien,
d'abord, on est conscients que le pétrole ne sortira pas de nos vies demain
matin, ça, tout le monde est conscient de
ça, mais, sur les exemples mentionnés, là, sur l'exploration et l'exploitation
du pétrole au Québec, notamment sur
le cas d'Anticosti, d'abord, on ne sait pas c'est quoi, nos réserves, première des choses. Deuxième des choses, c'est du pétrole de schiste, donc on
connaît mal les impacts que ça aura d'un point de vue environnemental. Donc,
c'est pour ça que, nous, ce qu'on a réclamé — on me
dit qu'il faut répondre en 30 secondes — on a réclamé un moratoire pour être
capables de prendre la juste mesure de ce qu'on a comme potentiel, d'une part,
et qu'on puisse mesurer les impacts sociaux et environnementaux si jamais on
exploitait le pétrole dans le golfe du Saint-Laurent ou à l'île d'Anticosti. Donc, il faut mesurer ça, et, malheureusement,
encore aujourd'hui, on en sait beaucoup trop peu sur cette question-là
pour prendre une décision éclairée, comme population québécoise.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant à
l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.
M. Traversy : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci beaucoup à la CSN d'être toujours aussi présente et
mobilisée sur différents enjeux, mais particulièrement aussi sur celui de
l'environnement. Ça nous rappelle aussi que, derrière
la cause et la défense des travailleurs se cache aussi une certaine sensibilité
aux affaires sociales, environnementales et, donc, plus larges, plus
globales.
Alors, je
vous remercie beaucoup du mémoire que vous nous avez déposé. Vous êtes en
accord avec la cible du gouvernement, de 37,5 %. J'ai été surpris,
je vous le lance tout bonnement, parce que souvent la CSN est audacieuse dans les cibles à fixer, est toujours très,
comment je pourrais dire, combative, et j'avoue que certains groupes sont
venus autour de la table nous demander des
cibles de 50 %, 40 % pour ce qui est de l'Europe. Et vous nous
dites : 37,5 %, ce serait une cible raisonnable, atteignable
mais aussi audacieuse. Je voulais savoir pourquoi vous vous êtes dit :
37,5 % est suffisant, et non pas plus ou moins. Tout simplement, c'était
là le but de ma question.
M. Patry
(Pierre) : Bien, d'abord, on
dit : C'est une cible minimale qu'il faudrait atteindre, première des
choses. Deuxième des choses, nous, on s'inscrit, là, dans la perspective où il
faut tendre vers le zéro émission de GES. Donc, en même temps, je pense qu'il faut être capables de se donner une cible
qui soit réaliste mais qui nécessite des efforts, là — quand je dis «réaliste», ce n'est pas qu'on
va l'atteindre par la force des choses — qui nécessite des efforts comme
société québécoise dans son ensemble, et il nous semble que, si, comme
Québécoises et comme Québécois, on fait les
efforts nécessaires, on va être capables d'atteindre la cible du 37,5 %.
Mais, comme on le mentionnait dans le mémoire aussi, il y a des secteurs sur lesquels il va falloir s'attarder plus
particulièrement, on pense notamment à celui du pétrole, parce que ça
émet... je pense, c'est 44 % des gaz...
Une voix : ...
M. Patry
(Pierre) : Le transport, je
m'excuse, le transport, qui émet à peu près 44 % des émissions de gaz à
effet de serre. Si on n'agit pas sur ce secteur-là, on aura beau agir partout
ailleurs, on n'atteindra pas notre cible de 37,5 %.
Donc, ça
demande des efforts qui sont colossaux, puis ça, on est prêts à y contribuer,
mais 37,5 %, c'est pour 2030, donc
ce n'est pas une fin en soi. Ça veut dire qu'il va falloir continuer à faire
des efforts pour 2050 et pour la fin du siècle.
M. Traversy : Et j'ai entendu
les mots «c'est une cible minimale», c'est bien ça?
Mme Ménard
(Isabelle) : Oui, mais, pour
reprendre votre question, c'est que, oui, 37,5 % et plus, nous
sommes en accord avec ça, parce que, si on
regarde les rapports du GIEC, c'est une cible de 80 % à 90 % pour
2050. Donc, en se mettant une cible de 37,5 % et plus, je pense
qu'il y a moyen d'y arriver avec cette cible-là, on est à mi-chemin avec celle de 2020 pour le 20 %. Il y a encore
beaucoup de travail à faire puis il faut se mettre à l'ouvrage, là,
actuellement, pour être capables d'arriver à
l'objectif du GIEC, là, qui est de 80 % à 90 %. Si on attend trop, ça
risque de créer aussi une mouvance sociale qui ne sera peut-être pas
agréable puis désirable non plus. Donc, il faut commencer dès maintenant à
intégrer cette notion-là qu'il va falloir changer nos comportements tant au
niveau des citoyens puis des travailleurs, puis,
en ayant une cible de 37,7 % — je pense qu'on part autour de
82 mégatonnes à autour de 52, 53 mégatonnes — c'est
quand même presque le secteur des transports
au complet, là, qu'il faut amener à zéro. Donc, c'est beaucoup de
mesures, mais il faut y arriver puis il faut commencer dès maintenant.
Donc,
avec des mesures, et du budget, et des ressources et une reddition de comptes,
je pense que, s'il y a une volonté
d'aller dans ce sens-là, c'est possible d'y arriver. Puis il y a une
possibilité aussi de développement économique, de créer des nouveaux emplois, de créer des emplois
dans le secteur de l'efficacité énergétique. Des techniciens en
efficacité énergétique, il en manque dans le
moment. Il y a des cégeps qui pensent offrir une formation dans ce secteur-là.
Il y a même des emplois actuellement
qu'on ne pense même pas qu'ils vont exister qui vont être en lien avec ces
secteurs-là. Ça fait que c'est aussi une opportunité de développement
économique, la réduction de la cible... pas de la cible, mais des GES, pardon.
M.
Traversy : Votre
réponse est très claire, et j'en ai bien pris note, donc je comprends votre prise de position à l'égard, là, de la cible qui est proposée par le comité-conseil
et le ministre. Je constate aussi, donc, que les syndicats
peuvent jouer un rôle important de par les comportements, les pratiques. Vous
l'avez bien exposé dans votre présentation. Vous parlez aussi d'emplois en lien
avec la technologie. À quelque part à l'intérieur de votre mémoire, vous parlez
d'essayer de créer peut-être
des mesures incitatives pour, bon, oui, évidemment développer une expertise ici, au Québec,
mais également de garder ces professionnels-là à l'intérieur du territoire,
parce que vous dites que, dans un contexte d'internationalisation des marchés,
plusieurs pays, bon, peuvent compétitionner et s'arracher cette expertise.
Lorsque vous
parlez de mesures incitatives, est-ce que vous avez une idée en tête dans ce
genre de proposition?
M. Patry
(Pierre) : Bien, d'abord,
puis peut-être d'autres pourront compléter, mais, quand on parle de
mesures, bien il y a toute la question de
l'électrification des transports : Est-ce qu'on est capables d'avoir des
mesures incitatives pour... parce que
c'est bien beau d'électrifier les transports puis de favoriser... bon, le
transport en commun, c'est une chose, mais
l'auto électrique, mais, si ce n'est pas accessible à M. et
Mme Tout-le-monde, il y a peu de chances que les gens en achètent en grand nombre, même si on en achète
plus au Québec que partout ailleurs au Canada comme le ministre l'a
mentionné tantôt. Donc, il peut y avoir des incitatifs de nature fiscale, par
exemple, ou des subventions à l'achat qui peuvent favoriser un comportement qui
est souhaitable pour des individus, là... pour la société, en fait.
M.
Traversy : Ce que je comprenais, c'est que vous nous dites que
l'arrivée de ces technologies-là va donc nous amener à devoir maintenir une expertise au Québec. Pour maintenir ces
travailleurs-là qui vont pouvoir s'investir dans l'électrification des transports, par exemple, vous dites, dans le fond,
au gouvernement qu'il va falloir être à l'affût, parce que ça peut être peut-être compliqué de garder
justement cette richesse de travailleurs à l'intérieur de notre territoire
national.
Est-ce que vous aviez pour les travailleurs ou
pour garder cette expertise un incitatif à nous suggérer?
Mme
Carroll (Judith) : Bien, peut-être si on y va, je dirais, avec une vue
d'ensemble, ce qu'on discutait dans le mémoire,
c'est toute la croissance de nouveaux créneaux, là, de développement notamment
en recherche et développement qui
peuvent amener un développement d'une série de technologies qu'on va qualifier
d'avantages propres. Moi, je pense que,
sur la façon de... puis on a une préoccupation à ce que les expertises qui vont
se développer ici vont pouvoir rester ici, parce qu'il va y avoir une
concurrence à l'échelle internationale sur l'ensemble de ces technologies-là,
parce qu'il y a plusieurs autres pays dans le monde qui sont à la recherche de
ce type de développement là.
Par ailleurs,
on pense que le Québec a su, au fil des ans, développer un ensemble ou une
panoplie de mesures, de programmes,
que ce soient les services de garde, que ce soit le réseau de l'éducation, que
ce soit le secteur de la santé, qui répond
aux besoins le plus possible des populations. C'est sûr que plus on va mettre à
mal l'ensemble de ces mesures-là, qui font que c'est agréable de vivre
et de travailler au Québec, bien, plus on est à risque de perdre cette
expertise-là vers d'autres contrées. Donc, je pense que ça... en tout cas,
j'espère avoir répondu.
M.
Traversy : Vous avez très bien répondu, et je suis en accord
avec vous d'ailleurs sur l'aspect global que vous présentez. Il y a des attraits, effectivement, à
conserver cette expertise ici de par les programmes et les services que
nous rendons sur notre territoire national.
Vous avez
également émis des craintes sur le marché du carbone, si j'ai bien compris,
vous nous dites : D'un côté, le marché du carbone qui alimente le
Fonds vert... vous nous dites : Nous espérons que, dans le fond, là, ces
sommes ne soient pas détournées. Donc,
l'utilisation de ces sommes semble vous préoccuper. J'aimerais ça que vous nous
en disiez davantage. Et, en même
temps, vous nous dites qu'il ne faudrait pas non plus que la création d'un tel
marché devienne une mesure trop
comptable ou, en tout cas, de financiarisation — je n'ai pas retenu le terme exact — mais il y avait aussi une crainte à
cet égard-là, puis je voulais vous laisser la chance de pouvoir nous
l'expliquer.
• (17 h 20) •
M. Patry (Pierre) : Bien, d'abord,
sur la question du marché du carbone, la CSN s'est dite favorable à l'implantation du marché du carbone d'abord avec
la Californie, maintenant avec l'Ontario, puis on va souhaiter que ça s'étende au reste de l'Amérique du Nord. Y compris
le Mexique, semble-t-il, regarde ces questions-là, si j'ai bien compris
ce qu'on m'a dit dernièrement. Ça, c'est la première des choses.
D'autre part, on constate par ailleurs que... puis je
sais qu'on a vécu le cas en Europe, où, quand on crée une bourse, bien il
y a des gens qui peuvent être tentés
de spéculer, y compris sur le prix du carbone, et peut-être
même faire chuter le prix, là, des
transactions, et, si les prix chutent, bien ça va devenir d'autant plus intéressant pour les entreprises de polluer puis d'acheter des droits de
polluer. Donc, l'objectif de la bourse du carbone, c'est de faire en sorte,
bon, qu'il y ait un prix mais que ce prix-là
devienne suffisamment haut pour que ça soit un incitatif à ne plus
acheter des droits de polluer.
Donc, la
seule affaire qu'on demande au gouvernement à cet égard-là, c'est de suivre la situation
à cet égard-là. Et, si les objectifs étaient détournés au
profit de la spéculation, bien il
faudra être capable d'agir pour replacer les choses comme il faut pour qu'on s'assure que les
objectifs qui sont des objectifs de réduction des gaz à effet de serre
s'appliquent réellement. Mais il y a eu des expériences négatives là-dessus,
notamment en Europe.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le
député de Masson.
M. Lemay : Merci, M. le Président.
Merci d'être avec nous aujourd'hui ici présents.
Donc, vous
savez, lorsqu'en 2009, dans le fond, on se posait la question : Qu'est-ce
qu'on va faire pour la cible de
2020?, vous aviez déjà mentionné, vous, la CSN, que vous étiez en faveur
qu'on adopte une cible de 25 % à
40 %. Or, cependant, nous, au gouvernement, on a adopté une cible moins
ambitieuse, de l'ordre de 20 %. Maintenant, on se ramasse avec 2030, on a la cible de 37,5 %. Si on regarde ce qu'il
reste à faire comme effort entre maintenant et 2020, c'est l'équivalent, là, si on veut, de réduire de
10 mégatonnes. Si on additionne à ça les deux tonnes de la cimenterie
McInnis, là, c'est comme s'il fallait qu'on ait un effort de 12 mégatonnes
en cinq ans, alors que, de 2020 à 2030, l'effort qui est demandé, c'est la réduction de 15 mégatonnes. Dans
le fond, il y a un plus grand effort à faire dans la nouvelle phase que
dans la phase actuelle.
Selon vous,
est-ce qu'on devrait réviser notre cible de 2020 puis être plus ambitieux puis
en demander un peu plus pour essayer d'équilibrer un peu la demande
d'ici 2030?
Mme Ménard (Isabelle) : Une cible,
c'est un objectif global, donc, c'est un point de départ. Et, bon, dans un premier temps, on parle de 1990, donc ça tient compte des efforts des entreprises
puis du secteur industriel qui ont déjà, de façon volontaire, réduit leurs
gaz à effet de serre, mais, d'un autre côté, il n'y a
rien qui empêche d'atteindre une cible de 25 %, même si la cible,
c'est 20 %.
C'est juste
un point de départ. Si on arrive à la réduire encore plus puis davantage, bien,
tant mieux, on aura atteint les
objectifs. L'important, c'est qu'il y ait des réductions réelles puis des
mesures réelles de mises en place, et c'est pour ça que nous, nous avons ciblé le transport, puis je
pense que plusieurs personnes l'ont fait aussi au cours de cette
commission, parce que c'est le secteur qui
émet le plus. Mais une cible, c'est tout simplement un objectif global,
collectif qui permet de rejoindre le
plus de personnes possible puis de tout mettre nos actions en fonction de cette
cible-là, qui est de 20 % mais qui pourrait être plus si jamais on
arrive à la réduire encore plus.
M.
Lemay : Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a un plan d'action qui
est mis de l'avant pour atteindre la cible de 2020 puis il y a un
nouveau plan d'action qui est mis de l'avant pour atteindre la cible de 2030.
Dans le plan
d'action qu'on propose aujourd'hui, dans le document de consultation, on
prévoit des réductions de 15 mégatonnes : on prévoit
10 mégatonnes à l'aide d'une intensification de mesures de réduction
d'émissions de GES actuellement en place,
comme la réglementation en matière énergétique et les programmes d'aide
financière, et on prévoit un autre
cinq mégatonnes en installant plusieurs mesures novatrices vigoureuses,
comme la révision de la fiscalité en fonction
d'objectifs climatiques, bonus malus sur les véhicules légers, hausse de la
tarification du stationnement, implantation
de péages routiers ou modulation de la tarification énergétique, mais ça, là,
ces mesures-là, ça a un impact direct
sur vos travailleurs qui se rendent travailler dans leurs lieux de travail, là.
Je veux dire, est-ce que vous êtes quand même en faveur de ça?
Vous n'auriez
pas d'autre solution à apporter que celles qui sont prévues dans le
15 mégatonnes dans le document de consultation?
M. Patry (Pierre) : Mais ce que j'ai
mentionné tantôt, je pense, c'est en réponse... je pense, c'est le ministre qui m'a posé une question à cet égard-là sur les
impacts sur les travailleurs en citant un certain nombre de mesures
dites d'écofiscalité, puis ce que j'ai
mentionné, puis je vais répondre exactement de la même façon, c'est qu'il faut
regarder chacune des mesures au mérite et surtout mesurer l'impact chez les
travailleuses et travailleurs, mais chez les plus démunis, en général.
Par exemple, la question des péages, là, sur les ponts — en tout cas, la pire façon de le prendre, ce débat-là, c'est comme il est parti là avec le fédéral, là, où
d'abord on ne regarde qu'un pont et ce n'est qu'une mesure financière — si on veut débattre de ça, il faut en débattre globalement, regarder qu'est-ce que ça va impliquer en termes de mesures, en
termes d'impacts environnementaux, en termes
d'impacts sociaux et ça va être quoi, l'impact des gens qui demeurent dans
les banlieues. Est-ce qu'on favorise
l'étalement urbain ou non? C'est des questions qui sont immensément complexes,
il faut regarder au mérite chacune de
ces questions-là. Donc, pour nous, il n'y a pas de... Bon, les questions de
stationnement, par exemple, quel impact que ça a chez certains individus par rapport à d'autres? Est-ce que ça défavorise les gens des régions par
rapport aux grands centres?
C'est
l'ensemble de ces questions-là qu'il faut être capable de regarder globalement et de prendre les mesures les plus appropriées dans une
perspective environnementale mais aussi dans une perspective sociale.
Mme Carroll (Judith) : Si vous
permettez...
Une voix : Oui, allez-y.
Mme
Carroll (Judith) : ...j'ajouterais
seulement que c'est sûr qu'on va se montrer favorables à
des mesures qui vont avoir un effet direct de réduction des GES dans la
mesure aussi où il y a des alternatives. Quand on dit : On veut amener des changements de comportement, il faut que le
comportement puisse être changé, sinon ça ne sera que pénalisant. Donc, si on veut effectivement que les gens abandonnent l'auto solo, il faut des
investissements massifs en transport en commun et l'électrification.
Donc, les deux vont de pair, on ne peut pas que prendre les mesures qui sont contraignantes. Quand on prend le point de vue des travailleuses et travailleurs, mais, je vous dirais, des citoyens
aussi, d'emblée, on ne peut pas prendre que
les mesures contraignantes en disant : Les gens n'auront que les effets
négatifs. Il faut, par ailleurs, offrir des alternatives, alternatives
qui sont viables.
Donc,
oui, peut-être qu'il y a une série de mesures qui peuvent être
mises en place, mais il faut la contrepartie pour faire en sorte que les
gens vont effectivement modifier leurs comportements puis effectivement avoir
un effet durable sur l'environnement.
M. Lemay :
Donc, Mme «Carroll» — c'est
ça? — ...
Mme Carroll
(Judith) : Oui.
M. Lemay :
...en fait, j'ai très aimé, tout à l'heure, votre commentaire qui mentionnait
que, dans le fond, la recherche et le développement, ils permettent des innovations technologiques moins énergivores et
puis, effectivement, dans le fond, ça fait du sens de travailler dans
l'électrification des transports. Bon, vous ciblez ce domaine-là parce que
c'est la plus grosse pointe de tarte, mais on s'entend-u que, si on met tous
les efforts nécessaires, avec les sommes que vous mentionnez, dans le réseau mais qu'on investit aussi dans nos
entreprises en émergence, de nouvelles entreprises créatrices,
innovantes, dans un genre de pôle multifonctionnel où c'est qu'on favorise l'innovation
technologique, on deviendra à ce moment-là
un pionnier en matière de réduction
de gaz à effet de serre? Puis, nos technologies, on le
sait, au Québec, on est vraiment innovateurs. On va être capables de l'exporter
ailleurs dans le monde puis on va faire bénéficier un maximum de gens.
Donc, j'imagine que...
Le Président (M.
Reid) : ...
M. Lemay :
Ah!
Le Président (M.
Reid) : Ceci termine nos travaux. Alors, Mme Ménard,
Mme Carroll...
M. Patry
(Pierre) : ...soit dit en passant, qui est la seule organisation
syndicale...
Le
Président (M. Reid) :
...M. Patry, merci de votre contribution à nos travaux. Et je suspends la
séance pour quelques instants, parce que la commission continue, avec
ses membres permanents, à une réunion de travail.
(Suspension de la séance à
17
h 28)
(Reprise à 19 h 33)
Le Président (M.
Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux.
Je vous rappelle que
la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le
cadre des consultations particulières sur le document de consultation intitulé Cible
de réduction d'émissions de gaz à effet de serre du Québec pour 2030.
Ce
soir, nous entendrons la Fédération des travailleurs et travailleuses du
Québec, l'Institut de l'environnement, du développement durable et de
l'économie circulaire et l'Institut de recherche et d'informations
socioéconomiques.
Alors,
nous commençons, et je leur souhaite la bienvenue, par la fédération des
travailleuses et travailleurs du Québec.
Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Je vous demanderais de
présenter les personnes qui vous accompagnent et de vous présenter aussi
pour les fins de l'enregistrement. Alors, vous avez la parole.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Cadieux (Serge) : Merci, M. le Président. Mon nom est Serge Cadieux, je suis le
secrétaire général de la FTQ. Je suis
accompagné, à ma droite, de Colin L'Ériger, du Service de la recherche de la
FTQ, et, à ma gauche, de Patrick Rondeau, qui est aussi conseiller à la
FTQ.
La
FTQ, c'est plus de 600 000 femmes et hommes qui oeuvrent dans tous
les secteurs d'activité économique et dans l'ensemble des régions du
Québec. Depuis longtemps, nous nous sommes prononcés en faveur du développement
durable et de la protection de l'environnement. Comme le souligne la
Confédération syndicale internationale, il n'y a pas d'emploi sur une planète
morte. Pour la FTQ, la cible de réduction de 37,5 % semble adéquate.
Évidemment, il faudra réévaluer périodiquement cette cible en fonction de ce
qui est nécessaire pour limiter la hausse de température au-dessus de
2 °C.
Malgré
l'ambition du Québec en matière de changements climatiques, nous sommes
inquiets pour la suite des choses. Premièrement, il est peu probable que
la cible de 20 % pour 2020 soit atteinte, ce qui constitue une grande source d'inquiétude. D'après certains, on doit
s'attendre, au mieux, à une réduction de 15 % des émissions de gaz à
effet de serre en 2025. Le Québec ne semble pas être sur la bonne voie.
Deuxièmement,
il y a beaucoup d'incertitudes quant aux moyens pour atteindre la cible de 2030
et surtout celle de 2050. Il importe
de déterminer prochainement comment le gouvernement entend respecter ses
engagements à long terme. Puisque les décisions prises aujourd'hui
auront des impacts sur les décennies à venir, il ne faut pas attendre jusqu'en 2020 pour entamer la réflexion sur
la cible de 2030, il faut dès maintenant élaborer un plan cohérent et
structuré s'inscrivant dans une perspective à long terme. Pour mettre toutes
les chances de son côté, le gouvernement doit effectuer
l'arrimage entre la lutte aux changements climatiques et ses autres politiques,
comme la politique industrielle, la politique énergétique, le transport
collectif, l'aménagement urbain, la fiscalité, la formation de la
main-d'oeuvre, etc.
Troisièmement,
le recours accru au marché du carbone soulève plusieurs inquiétudes. Si le
gouvernement adopte la stratégie du
document de consultation, les achats de réduction d'émissions correspondront à
près de 40 % de l'effort devant être
consenti. Est-ce que cela aura pour conséquence de ralentir la nécessaire
transition vers une économie plus propre? Nous pensons qu'il faut faire
preuve de prudence.
Quatrièmement,
le gouvernement envoie des messages contradictoires : d'un côté, il fait
la lutte au réchauffement climatique
une priorité; de l'autre, il privilégie le transport de plusieurs projets à
forte intensité de carbone, comme le pipeline de TransCanada. Le
gouvernement doit apporter des précisions sur la façon dont il entend
réconcilier ces deux objectifs.
Pour réussir la transition vers une économie
plus propre, nous croyons qu'il faut tenir compte de trois éléments clés : d'abord, la transition doit
être équitable pour les travailleurs, les travailleuses et les communautés;
ensuite, il faut favoriser la concertation des partenaires de la société
civile; et, finalement, le gouvernement doit rompre avec la logique de
l'austérité, qui est incompatible avec la lutte au réchauffement climatique.
Quand on fait
l'examen des émissions de gaz à effet de serre, on adopte généralement une
approche sectorielle — l'industrie, les transports, les bâtiments,
l'agriculture, etc. — mais,
derrière chacun de ces secteurs, il y a des milliers de travailleurs et travailleuses, il y a ceux et celles qui
extraient les ressources naturelles qui sont par la suite utilisées pour produire des biens et construire
des immeubles, par exemple. Des milliers de travailleurs et
travailleuses transportent des marchandises
et des personnes par voie terrestre, maritime ou aérienne. Ce sont aussi ceux
et celles, dans le commerce de
détail, qui nous permettent d'avoir accès à ces biens et services. Ainsi, la
grande majorité des émissions de GES
sont reliées au monde du travail. D'un côté, la transition vers une économie
plus propre constitue une opportunité qu'il faut saisir, de nouveaux
secteurs émergeront, et des milliers de nouveaux emplois seront créés; de
l'autre côté, les travailleurs et les
travailleuses des industries à forte intensité de carbone risquent de perdre
leurs emplois. Des communautés entières
seront touchées. De tels constats auraient dû servir de catalyseur... et une
réflexion profonde sur l'emploi et le travail.
Pourtant, il n'y a pratiquement rien sur ces enjeux dans le document de
consultation. Nous déplorons vivement cette situation.
Pour la FTQ,
il est absolument fondamental que les coûts de la transition vers une économie
plus verte ne soient pas supportés
uniquement par les travailleurs et travailleuses des industries polluantes
ainsi que leurs communautés. Puisque la lutte aux changements
climatiques bénéficiera à l'ensemble de la société, il faut que les coûts de la
transition soient répartis de manière
collective. C'est pour cette raison que nous demandons au gouvernement de
s'assurer que la transition vers une
économie plus propre soit équitable pour les travailleurs et les travailleuses.
S'en remettre uniquement au marché n'est
pas acceptable. Le gouvernement doit planifier cette transition. Il faudra
notamment mettre sur pied des programmes adéquats de soutien du revenu, de formation et d'adaptation au marché du
travail ainsi que des mesures de restructuration de l'économie pour les
communautés touchées.
Dans le
document de consultation, on demande de déterminer quels seront les principaux
obstacles à surmonter. Si le
gouvernement ne tient pas compte des coûts sociaux de la transition, il risque
de faire face à tout un obstacle. Il est normal que ceux et celles qui
oeuvrent dans les industries à forte intensité de carbone émettent certaines
réserves quant à la transition. Leurs emplois et leur avenir sont en jeu. Le
gouvernement doit les accompagner durant cette transition. Lutter contre les changements climatiques dans une
perspective de développement durable, ça comprend nécessairement le
maintien, la sauvegarde et la création d'emplois de qualité partout au Québec.
• (19 h 40) •
La transition
vers une économie plus sobre en carbone constitue un défi titanesque. Il faudra
produire autrement, consommer
autrement, se déplacer autrement et travailler autrement. Compte tenu de
l'ampleur de cette transformation, il faut
que la population et l'ensemble des groupes de la société civile se mobilisent
autour de cet important projet. Il est primordial que les travailleurs
et les travailleuses prennent part à la conception et à la mise en oeuvre des
politiques environnementales qui touchent l'emploi. Pour la FTQ, cette
consultation n'est que la première étape d'un plus vaste chantier. En ce moment, on cherche à établir le
niveau de la cible, mais il faudra parvenir à un consensus pour les
moyens à privilégier et les cibles
particulières à instaurer. Récemment, le Comité-conseil sur les changements
climatiques a été mis sur pied. Il a
notamment pour objectif d'élaborer un plan de transition vers une économie plus
sobre en carbone. Alors que cet enjeu
touche directement les travailleurs et les travailleuses, aucun de leurs
représentants ne siège à ce comité. Nous demandons au gouvernement de
corriger cette erreur. Selon nous, le mouvement syndical peut apporter un
éclairage pertinent en raison de son
expertise sur les questions d'emploi et de sa relation privilégiée avec les
travailleurs et travailleuses.
Pour la FTQ, la poursuite des politiques
d'austérité est fondamentalement incompatible avec la lutte aux changements climatiques. Ce n'est pas avec un État
ratatiné et des budgets insuffisants qu'on pourra effectuer avec succès
une transition vers une économie plus propre. Le gouvernement doit se donner
les moyens de ses ambitions s'il veut respecter
ses engagements. En ce moment, la réduction de la dette constitue une priorité
absolue pour le gouvernement. Au cours des prochaines années, les
versements au Fonds des générations vont s'intensifier. Ils passeront de
1,2 milliard de dollars en 2014‑2015 à
près de 3,5 milliards en 2019‑2020. Il s'agit de sommes importantes qui ne
seront pas disponibles pour investir
dans le transport collectif ou restructurer l'économie québécoise. En plus,
tout surplus éventuel sera utilisé pour réduire la
dette et les impôts. Pour la FTQ, ce n'est pas la voie à suivre. Le
gouvernement devrait plutôt porter attention
à sa dette écologique. On invoque souvent l'équité intergénérationnelle pour
justifier certaines mesures d'austérité. Le plus grand devoir de la génération actuelle est d'effectuer la
transition vers une économie sobre en carbone, ce qui nécessitera d'importants investissements. Lorsque
les écosystèmes peineront à supporter toute forme d'activité économique,
l'austérité apparaîtra comme une politique bien mal avisée.
Finalement,
quelques pistes de solution. J'aimerais aborder la question des initiatives
permettant d'accélérer le rythme de réduction des émissions de GES. Nous
n'avons pas la prétention d'avoir toutes les réponses, mais nous pensons que
certaines solutions sont plus porteuses que d'autres.
D'abord, nous
pensons que la stratégie de réduction d'impôt pour les entreprises a atteint
ses limites. Elles dorment déjà sur
une montagne de liquidités et pourtant n'investissent pas. Il faut changer
l'approche. Nous pensons que le Québec doit se doter d'une politique
industrielle qui doit notamment comprendre les éléments suivants : viser
la relance du secteur manufacturier...
Le Président (M. Reid) : Il
vous reste 30 secondes.
M. Cadieux
(Serge) : ...miser sur la
deuxième et troisième transformation, favoriser le circuit économique
court, soutenir le développement local et
régional, faciliter l'accès à une formation qualifiante et transférable,
s'assurer de... la transition vers
une économie plus verte soit équitable, rehausser les investissements en
recherche et développement pour soutenir l'innovation et les
technologies vertes.
Je vais m'arrêter ici, puis on aura l'occasion
d'en discuter...
Le Président (M. Reid) : Oui.
M. Cadieux (Serge) : ...l'échange.
Le
Président (M. Reid) : Durant l'échange. Oui, c'est ça. Alors,
nous allons commencer la période d'échange avec le côté gouvernemental.
M. le ministre, vous avez la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Cadieux, messieurs,
merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. J'aimerais ça
qu'on approfondisse. Vous étiez dans la partie, là, des moyens concrets et des
solutions concrètes, j'aimerais ça vous
entendre davantage sur les mesures, les moyens. Puis, justement, cette
commission parlementaire est
justement un exercice pour qu'on puisse déterminer et commencer une discussion
justement avec la population sur les moyens à prendre pour atteindre la
cible.
Alors, vous
avez commencé, là, en toute fin de présentation, à parler de mesures concrètes,
j'aimerais ça vous entendre davantage
sur les mesures concrètes et j'aimerais ça aussi que vous les priorisez. Selon
vous, ce sont lesquelles qui ont le plus de potentiel de contribuer à la
cible de réduction?
M. Cadieux
(Serge) : Bien, écoutez,
comme je le disais dans la présentation, ce qui pollue plus,
probablement, bon, il y a nos industries,
mais il y a aussi tout l'aspect du transport, donc moi, je pense qu'on doit
mettre des efforts... à la FTQ, on
pense qu'on doit mettre des efforts beaucoup sur le transport.
L'électrification des transports devrait être une mesure qui soit
prioritaire, parce qu'on peut se fixer des cibles pour s'en aller à la COP21
avec des objectifs qui sont intéressants,
mais il faut qu'on se donne les moyens aussi d'y arriver. Donc, on doit dès
lors travailler sur un plan où on va amener
une transition à notre secteur manufacturier, puis particulièrement le
transport, où on va être en mesure d'avoir une économie plus verte. On n'empêchera pas le transport, ça va toujours se
faire, mais on doit... Les technologies existent, on doit aussi perfectionner ces technologies-là. C'est
pour ça que ça prend aussi beaucoup de développement dans l'innovation, la technologie. Mais il existe déjà
des technologies. Donc, on doit prioriser ça. Le transport collectif est
un élément, je pense, important, là, puis on
le voit, à travers la planète. Je pense qu'on est un peu en arrière... on est
même en arrière d'autres provinces canadiennes par rapport à ça, donc je pense
qu'on peut faire des efforts importants, mais on peut faire aussi des efforts
importants dans le transport de marchandises, pas juste dans le transport de
personnes.
Donc, je dirais, là, ça devrait être la priorité
qui guide les choix du gouvernement, de s'attaquer en priorité à ces
éléments-là.
M. Heurtel : Comme vous l'avez dit
dans votre présentation, la FTQ, c'est plus de 600 000 travailleuses et travailleurs. Ces travailleuses et travailleurs
sont également des citoyennes et citoyens du Québec, c'est des
consommateurs. Vous parlez de consommation,
il faut consommer différemment, produire différemment, il faut changer nos
habitudes. J'en ai parlé plus tôt
aujourd'hui avec les représentantes et représentants de la CSN. Bon, eux, c'est
à peu près 325 000 travailleuses et travailleurs. À vous deux, c'est presque
1 million de personnes dont on parle, là, c'est un bloc important,
là, de citoyennes et citoyens, là.
D'un côté, on
voit dans les études que la population québécoise est favorable à une position,
là, je dirais, même agressive en
matière de lutte contre les changements climatiques, on sent qu'il y a une
consommation accrue de véhicules électriques,
un désir de consommer, 50 % de tous les véhicules électriques achetés au
Canada sont achetés au Québec, et, en même temps, on semble encore être
en amour avec nos grosses cylindrées — ça, c'est les VUS — puis
les grosses cylindrées sont aussi en augmentation. J'aimerais savoir, en termes
de sensibilisation puis, quand vous parlez qu'il faut changer nos façons de consommer, il faut changer nos comportements,
qu'est-ce que la FTQ, elle fait spécifiquement auprès de ses travailleuses et travailleurs pour
justement encourager ce que vous décrivez dans votre présentation et,
dans un deuxième volet, qu'est-ce qu'on
pourrait faire ensemble, parce qu'en matière de sensibilisation je crois que ça
va être la responsabilité de plusieurs acteurs, pas seulement celle du
gouvernement.
Mais comment on peut travailler ensemble pour
s'arrimer, pour atteindre, justement, les objectifs dont vous parliez,
notamment en matière de transport?
M. Cadieux
(Serge) : Bien, écoutez,
moi, je vous dirais que ça fait longtemps, à la FTQ, qu'on a fait des
débats. On a eu des colloques, on a des
énoncés de politique où, évidemment, on encourage beaucoup le transport en
commun, puis je pense que souvent,
quand on vient à l'Assemblée nationale pour faire des présentations... ça fait
longtemps, à la FTQ, qu'on encourage ça. Évidemment, on encourage aussi
le covoiturage des gens qui travaillent, parce qu'évidemment il y a beaucoup de gens, il y a beaucoup de travailleurs
qui travaillent en banlieue de Montréal, où le réseau de transport n'est
pas nécessairement adapté, là, on va se le
dire, là. Évidemment, on favoriserait de prendre le transport en commun, mais
ce n'est pas toujours possible; tu demeures
à Saint-Jérôme, tu travailles à Montréal, c'est difficile, là. Donc,
évidemment, il y a le covoiturage.
On encourage
aussi les gens, même à l'intérieur des affiliés de la FTQ, où on a dans les
conventions collectives qu'on donne
une allocation automobile à nos conseillers, nos conseillères, puis on favorise
des plus petites cylindrées, donc, puis
en plus, si c'est une auto électrique, bien on favorise encore plus... Donc, il
doit y avoir des incitatifs, je pense, à pouvoir se déplacer autrement que... Ce n'est pas du jour eu lendemain, là,
qu'on ne se déplacera plus avec des véhicules à essence, mais il faut
encourager le plus possible par le transport en commun puis des petites
cylindrées. Il faut donner des incitatifs, donc.
Je sais que, dans le document de consultation,
vous prévoyez un bonus... comment, donc, ça s'appelle?
• (19 h 50) •
Une voix : Bonus malus.
M. Cadieux
(Serge) : ...bonus malus,
là. Or donc, évidemment, c'est ce genre... mais c'est des petites
choses. Je pense qu'il faut aller plus loin que ça, là.
M. Rondeau
(Patrick) : Vous savez,
monsieur... si je peux me permettre, M. Heurtel, vous savez que vous
avez dit justement qu'effectivement nos membres sont aussi des citoyens et des
citoyennes, et c'est tout à fait vrai, et je pense qu'il y a quelque chose qui est important là-dedans aussi.
Effectivement, il y a ce que Serge vient d'expliquer, mais il y a aussi le fait qu'on ne peut pas le laisser reposer
aussi le fardeau de la lutte des réductions des gaz à effet de serre sur
les citoyens et citoyennes. Ça prend aussi un plan, ça prend une volonté
politique, et c'est ce qu'on avance ici, c'est ce qu'on tend la main. Même, vous dites : Qu'est-ce qu'on est prêts à
faire? Bien, c'est ce qu'on dit. Et on pense qu'on a besoin d'une stratégie manufacturière. Quand on dit ça,
c'est pour changer l'offre. Donc, quand on dit «changer les habitudes», bien il faut changer l'offre aussi. Donc, si on
offre autre chose, si le domaine manufacturier offre un autre produit, on
est d'avis que, les gens, comme ils sont
attachés à la lutte aux gaz à effet de serre, ça va se faire beaucoup plus
facilement.
Or, il faut
financer un virage industriel qui part de la recherche et développement, donc
toute cette économie de savoir là,
jusqu'à la fabrication de composantes et la mise en place, mais ça prend un
énorme chantier. L'inquiétude qu'on a un
peu, c'est... Il y a des mesures que vous avancez qui sont intéressantes. Vous
parlez, entre autres, de l'écofiscalité ou même financiarisation du
carbone, c'est une chose qui est intéressante, mais il manque un morceau qui
est : dans l'économie réelle, qu'est-ce
qui peut être fait de plus, et c'est là, nous, qu'on veut travailler et de
façon concertée. Ça, ça touche tout
le monde : ça touche le gouvernement, ça touche la population, ça touche
les syndicats, ça touche aussi le monde des affaires, le secteur manufacturier, industriel. Donc, on pense que,
si l'offre... et s'il y a un projet concerté et qu'on a une offre
différente mais qu'il y a un plan mis sur pied très rapidement, bien ces
habitudes-là vont être beaucoup plus faciles à changer.
Une voix : Je pense qu'il y a
M. L'Ériger aussi qui avait de quoi à ajouter.
M.
L'Ériger (Colin) : Un autre
exemple de mesures concrètes, c'est dans les milieux de travail eux-mêmes.
Vous avez, dans certaines entreprises, des comités environnement qui sont mis
sur place — ça
peut être de manière un peu informelle ou par clause de convention
collective — où
l'employeur ainsi que le syndicat se rencontrent pour réduire l'empreinte
écologique de l'entreprise : Donc, comment est-ce qu'on peut faire pour
réduire les intrants, est-ce qu'on peut
utiliser d'autres intrants?, et ça, ça fait en sorte que l'entreprise, par
exemple, peut se donner un «branding» vert et aussi réduit ses émissions, puis ça peut être aussi bon
pour la santé-sécurité si tu utilises des produits qui sont moins
nocifs. Donc, ça, c'est quelque chose qui
est directement dans le milieu de travail, puis l'implication des travailleurs,
travailleuses à cet égard-là est extrêmement importante, là.
M. Heurtel : Merci.
Le Président (M. Reid) :
Merci. M. le député de Dubuc.
M. Simard : Ah! déjà, M. le
Président? Merci. Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Reid) : Cinq
minutes.
M. Simard : Cinq minutes.
M. Cadieux, bienvenue à vous et à vos collègues, bien sûr. Et je ne vais pas me
faire l'avocat du diable, mais je vais vous
poser des questions. Dans votre mémoire, ici, vous parlez — tout à l'heure, je vous ai entendus, là, aussi le dire — que vous voulez... J'aimerais d'abord vous
entendre. Ç'est quoi que vous voulez dire par «équitable pour les travailleurs et les travailleuses». Dans un premier
temps, je veux que vous m'expliquiez ce concept-là, puis après ça
j'aurai d'autres questions, bien sûr.
M. Cadieux (Serge) : Bien, si on transforme notre secteur manufacturier pour diminuer les
gaz à effet de serre, bien on doit
accompagner ces travailleurs-là, parce que c'est eux autres qui travaillent
dans ces industries-là, donc, on doit les accompagner par différents
programmes de formation, de soutien pour qu'ils puissent occuper les emplois
qui vont être remplacés par des emplois qui
vont être plus verts. Or donc, c'est ça, dans le fond, ça prend une transition.
On ne peut pas dire à ces
gens-la : Vous avez travaillé pendant 50 ans dans une industrie polluante,
on s'en va vers un virage vert puis on va utiliser complètement d'autres
salariés que vous autres.
Donc,
ça prend des plans, là, qui accompagnent cette transition-là vers une industrie
plus verte, c'est ça qu'on dit, et c'est
sûr que ça ne se fait pas du jour au lendemain, mais c'est demain, hein, 2050,
là. On parle de cibles à... entre 80 % et 95 % en 2050. Ce n'est pas en 2049 qu'il faut s'attaquer à ça,
c'est demain qu'il faut qu'on commence à s'attaquer à ça puis mettre des
programmes sur place.
M.
Simard : Et, M. Cadieux, quand vous dites dans votre mémoire que la
question... vous parlez de fiscalité, là, vous dites que, bon, il ne
faut pas réduire les impôts des entreprises, mais, si on veut arriver justement
à faire une transition vers des industries
plus vertes, qu'on soit en mesure justement de rattraper peut-être le temps
perdu... je ne sais pas comment est-ce qu'on va appeler ça, là, mais,
tout au moins, si on n'a pas une fiscalité compétitive et, je vous dirai, agressive pour aider les entrepreneurs justement à
faire ce virage-là, on ne réussira pas à intéresser le commun des
mortels à notre milieu puis à créer des emplois. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Cadieux (Serge) : Bien, écoutez, moi, je peux vous dire une chose, un fait, là :
factuellement, j'ai entendu l'ancien
gouverneur de la Banque du Canada, à Toronto, lors d'un congrès syndical, il y
a trois ans, Mark Carney, venir dire qu'il y avait 600 milliards de
dollars dans les coffres de l'entreprise mais il n'y avait pas de
réinvestissement dans l'entreprise.
Aujourd'hui, on est rendus à 800 milliards. Or donc, je dis : Cette
recette-là ne fonctionne pas. Il l'a, l'argent, les entreprises ont la liquidité. Ils s'achètent des châteaux, ils
s'achètent toutes sortes de bébelles, mais ils ne réinvestissent pas
nécessairement dans l'industrie.
Donc,
ce que je dis, c'est... je ne dis pas qu'il ne faut pas mettre de l'argent, il
ne faut pas mettre des incitatifs. Ce n'est
pas ça qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est qu'actuellement les gouvernements misent
beaucoup sur une réduction des impôts de
l'entreprise — on l'a
vu, au Canada, on est passés de 21 % à 15 % — puis la doctrine en arrière de ça,
c'est : s'ils paient moins
d'impôt, ils vont réinvestir. Bien, on est obligés de constater que ça n'a pas
été vrai, là, dans les dernières années, il y a 800 milliards de
dollars qui dorment dans les coffres de la grande entreprise, donc il faut
trouver d'autre chose, il faut trouver
d'autre chose. Il y en a déjà, de l'argent, mais il y a différents programmes
qui existent. Tu sais, je vous donne un
exemple : l'assurance-emploi. L'assurance-emploi, qui est une contribution
des travailleurs puis des employeurs, il pourrait y avoir un pourcentage de ce montant-là qui va servir comme
transition pour que les travailleurs qui sont dans une industrie
polluante puissent avoir des programmes de formation pour transiter vers une
autre. Je ne dis pas que c'est le
gouvernement qui... mais on doit dégager des sommes d'argent, on doit le faire.
Le gouvernement doit être un leader là-dedans,
là — les pays qui ont réussi, c'est ça qu'ils ont
fait, là — parce
que sinon on va augmenter la pauvreté, ça va être le chaos social, là,
on ne peut pas...
M. Simard :
Je suis d'accord avec ce que vous dites, mais, moi, mon inquiétude à moi, c'est
qu'on trouve ensemble, avec les gens qui
veulent protéger l'environnement, avec les syndicats... qu'on trouve un
équilibre, c'est-à-dire qu'on puisse
nécessairement s'asseoir ensemble... Je vais vous donner un exemple. Chez
nous... moi, j'habite dans une région
forestière, au Saguenay—Lac-Saint-Jean,
et puis on sait que, bon, il y a des pressions énormes par des gens qui veulent protéger l'environnement versus des
travailleurs qui sont vos membres, en passant, et qui subissent
nécessairement des impacts majeurs.
Est-ce
qu'au lieu de travailler comme ça on ne devrait pas travailler ensemble pour
s'assurer d'avoir une transition, de
trouver, en même temps que l'on fait la protection forestière, des façons de
faire qui vont nous aider, ensemble, de faire transiter ces gens-là vers une nouvelle économie, vers une nouvelle
façon de faire pour protéger notre forêt et en même temps créer de la
richesse?
Le Président (M.
Reid) : Il reste 30 secondes pour la réponse.
M. Simard :
Là-dessus, j'aimerais vous entendre.
Le Président (M.
Reid) : Allez-y, il reste 30 secondes.
M. Cadieux (Serge) : Oui. Bien, écoutez, oui, oui, je suis d'accord qu'on doit travailler
ensemble autant dans les gaz à effet
de serre que dans la foresterie, tous les problèmes environnementaux. Je pense,
l'approche, c'est une approche intégrée
qu'on doit avoir, on doit migrer vers une industrie qui est plus verte, vers
une planète qui est plus verte parce que c'est ça qu'on doit léguer aux générations futures. On ne doit pas
travailler en opposition, on doit trouver des zones de passage, là, où
l'arrimage va se faire ensemble.
M. Simard :
...M. le Président.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, nous allons passer maintenant à l'opposition officielle. M. le
député de Terrebonne.
M.
Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. M. Cadieux, M.
L'Ériger, M. Rondeau, merci d'être présents avec nous à cette
commission.
Donc, vous dire tout d'abord, là, que vous nous
avez tracé un portrait assez exhaustif dans le cadre de votre mémoire, je vous remercie donc de tous les efforts
que vous avez faits pour la préparation de celui-ci. Il y a des choses
qui ne tombent pas dans l'oreille d'un
sourd, lorsque vous avez commencé votre présentation, tout d'abord parce que
vous souhaitez des révisions de façon périodique pour l'atteinte de ces cibles
de réduction de gaz à effet de serre, ce que je salue énormément. C'est un élément, là, la reddition de comptes, la
révision périodique, qui est très largement discuté autour de cette
table depuis le début de nos consultations.
Vous nous
dites que vous êtes, donc, en accord avec la cible de 37,5 %, vous la
dites adéquate, mais je comprends en
sous-entendu que c'est une cible minimale, que l'urgence est là, que ça va être
difficile mais qu'on ne pourrait pas
se permettre d'aller en bas de ça, plus haut on pourrait, mais en bas on ne
pourrait pas moralement se le permettre.
• (20 heures) •
M. Cadieux
(Serge) : Tout à fait. Parce
que, on le sait, il y en a d'autres qui ciblent à 40 %, 45 %,
50 %. Nous, on pense que
37,5 %, c'est une bonne cible parce qu'elle est réaliste. Oui, c'est
possible de l'atteindre, mais il faut s'y mettre demain puis il faut vraiment... puis c'est pour ça que périodiquement on
doit voir où on est rendu et on doit surtout mettre les mesures en place
pour l'atteindre.
M. Rondeau
(Patrick) : Et, vous savez,
en fait, on parle de 2030, d'atteindre le 37 %, mais on le dit adéquat
dans la mesure où, encore une fois, la
démarche, elle est intégrée, c'est-à-dire qu'on le prend dans une vue
d'ensemble jusqu'en 2050. Donc, dans
la mesure où, en 2050, on veut réduire 80 % à 95 %... on est d'accord
pour passer, à 2030, à 37 %, mais, si ce n'est pas accompagné d'une
cible pour 2050, là on aurait des problèmes. Mais on n'est pas à la hauteur de
certains groupes environnementaux, comme on
le sait, qui demandent 50 % et avec lesquels on a des bonnes relations
mais qui... Pour nous, c'est 37 % qui est acceptable dans la mesure
où on l'atteint en 2050.
M. Cadieux (Serge) : C'est ça, parce
qu'on vise 2050, là. C'est ça.
M.
Traversy : Et, moi, ce que j'aime de votre discours, messieurs,
c'est que vous voulez du concret, vous êtes très pragmatiques, vous
voulez atteindre les cibles, et présentement, dans la proposition qui est
amenée par le ministre, on sent que ça vous
laisse sur votre appétit. Vous utilisez des termes durs dans votre mémoire,
vous parlez d'«un plan inachevé»
contre la lutte aux changements climatiques, vous dites qu'en examinant de plus
près ce qui est proposé force est de constater qu'on ignore ce qui sera
fait pour près des deux tiers de l'effort à réaliser.
Donc, ce que
je comprends du message que vous lancez au gouvernement et à la commission,
c'est : Ramenez-nous de la substance pour les zones grises qui
existent actuellement dans le cahier. C'est bien ça?
M. Cadieux
(Serge) : Écoutez, on ne
veut pas que ce soit seulement qu'un exercice pour aller à Paris et
montrer qu'on se pète les bretelles, là,
qu'on est sérieux, il faut que ça soit... dans notre langage, dans le mouvement
syndical, on dit que les bottines
doivent suivre les babines, là. Alors donc, c'est ça, on attend la substance,
là, qui va nous permettre de constater qu'il y a des efforts qui sont
faits véritablement pour qu'il y ait une réduction des GES.
M.
Traversy : Dans une de vos recommandations de votre mémoire,
vous faites état d'un miracle, c'est le cas de le dire, vous parlez de ressusciter l'Agence de
l'efficacité énergétique, qui a disparu en 2010. Vous nous dites, dans le
fond, que les activités du personnel qui
sont maintenant au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles sont
peut-être un peu moins efficaces.
Vous citez en
exemple la commission Mousseau — d'ailleurs, je pense que certains membres
sont présents avec nous pour la séance d'aujourd'hui. Pouvez-vous nous
indiquer comment le retour d'une telle agence, là, nous aiderait à lutter plus
efficacement contre les gaz à effet de serre?
M. Cadieux (Serge) : ...entendu
votre question.
M.
Traversy : La question, c'est... Expliquez-moi comment le
retour de cette Agence de l'efficacité énergétique, là, nous indiquerait, dans le fond, dans le
concret, comment on pourrait... qu'est-ce qu'il amènerait de plus optimal
pour lutter contre les gaz à effet de serre
puis nous aider à atteindre les cibles qui sont fixées. Je veux juste bien
comprendre l'importance que vous accordez à
cette agence, qui est défunte depuis déjà cinq ans. Donc, je voulais voir un
peu votre argumentaire autour de ça.
Une voix : ...répondre.
M.
L'Ériger (Colin) : Dans le
fond, en faisant la différence entre une agence puis peut-être l'intégration
dans un ministère, ce n'est pas exactement le même rôle qu'on peut jouer. Il y
a peut-être plus de liberté aussi quand on est... en anglais, ils disent «at arm's length», tu sais,
un peu plus séparé du ministère. Puis toute cette question-là,
l'intégration, c'est plus difficile pour
l'agence de pouvoir peut-être mettre de l'avant des projets d'efficacité
énergétique qui sont plus horizontaux,
tu sais? Comme par exemple, si vous aviez une agence de lutte contre la
pauvreté, elle pourrait faire des plans horizontaux sur l'ensemble des ministères, mais là vous avez une agence
de l'efficacité énergétique qui serait capable de faire des plans
horizontaux sur, bien, c'est ça, les transports, le développement durable,
l'énergie, etc.
M.
Traversy : C'est ce que vous appeliez dans votre présentation
un plan cohérent avec une perspective à long terme, là. Vous sembliez tracer un portrait très global. Donc, cette
agence permettrait justement, là, donc d'y parvenir ou, en tout cas, améliorerait l'efficacité pour s'y
faire. Donc, c'est bien noté. Et vous avez également parlé, dans le cadre
de votre mémoire, de la question des
énergies fossiles et de la bioénergie, notamment de la biomasse et des
biocarburants, et, quand on parle de biomasse, je pense que vous portez une
attention particulière à la biomasse forestière.
Moi, je
voudrais savoir qu'est-ce que vous cherchez de la part, là, du gouvernement en
la matière, là, pour améliorer l'efficacité énergétique par rapport à
cette biomasse forestière. Avez-vous des attentes concrètes?
M. L'Ériger (Colin) : Par rapport à
la biomasse forestière?
M. Traversy : Oui.
M. L'Ériger (Colin) : Bien, d'abord,
c'est la valorisation de la biomasse qui serait importante, aussi le
remplacement, peut-être, des énergies fossiles par la biomasse forestière; je
pense, par exemple, au mazout pour le chauffage
dans le secteur industriel, commercial, institutionnel. Donc, ça, ce serait
déjà quelque chose. Puis ce serait aussi la relance du secteur forestier
par des mesures plus vigoureuses de la part du gouvernement, là.
M.
Traversy : Excellent. Merci. Parce qu'il y a plusieurs groupes
qui étaient venus nous parler de cet enjeu plus spécifique. Et, finalement, en terminant, vous avez parlé beaucoup
d'austérité. Je ne peux pas passer à côté, sinon j'aurais l'impression
d'être dans une cabane à sucre sans le sirop d'érable, là, il manquerait un
élément essentiel.
Vous nous
dites que l'austérité ne fait pas bon ménage avec le réchauffement climatique.
J'aimerais que vous me détailliez, en
conclusion, un peu ce point de vue, qui a été mentionné par certains de vos
confrères, consoeurs un petit peu plus tôt mais qui, je pense, vaut la
peine d'être entendu par des gens autour de cette table.
M. Cadieux
(Serge) : C'est un dossier
qui demande de l'investissement de la part de l'État. Si on veut
investir dans les transports en commun, dans
l'électrification des transports, bien ça demande des sommes considérables. Et
ce n'est pas avec des politiques d'austérité qu'on va pouvoir investir.
On le dit dans notre mémoire, là, si on utilisait une partie de l'argent qu'on
met dans le Fonds des générations, bien ce serait déjà de l'argent qui serait
bien investi pour les générations futures, parce que, dans le fond, la lutte
aux GES, on la fait pour les générations futures, hein, pour qu'ils puissent vivre sur une planète vivante, une
planète acceptable. Or donc, ça prend de l'argent, ça prend de l'argent
pour amener cette transformation-là, et ça, ça ne se fait pas par des
politiques d'austérité.
M. Rondeau
(Patrick) : Et, vous savez,
en fait, ce qui nous inquiète aussi, en fait, c'est quand on regarde le
plan, pour le moment, du gouvernement. Ça
passe beaucoup par une solution financiarisée. Or, ce qu'on veut voir, c'est
une économie réelle, et on pense que le
Québec a tout à gagner de ça, en fait, devenir un leader dans des nouveaux
créneaux qui pourraient être développés. Or, il faut que ces créneaux-là soient
financés.
On regarde
certains pays d'Europe qui sont très avancés sur la question. Un pourcentage du
PIB est envoyé à la recherche et
développement dans le but de développer des nouveaux matériaux, des nouveaux
procédés et de relancer des processus
industriels. Donc, c'est un peu ce qu'on voit ici. On a des particularités, au
Québec, on a des ressources uniques, donc
on dit : Il faut absolument relancer ça, mais pas seulement par la
financiarisation, soit par une écofiscalité, par des taxes, par une bourse du carbone où on achète ce
qu'on n'arrive pas aller chercher. Il y a quand même
neuf mégatonnes qui manquent, hein, dans le calcul actuel pour aller
chercher 2030, là. Donc, on se dit : Ça doit passer. Et ça, ça relance une
économie ici, et ça, c'est... parce que les travailleurs y sont gagnants, en
fait tout le monde est gagnant là-dedans.
M. Traversy : Je vous
remercie.
Le
Président (M. Reid) : Merci, ça termine la période pour
l'opposition officielle. Nous passons maintenant au deuxième groupe
d'opposition. M. le député de Groulx.
M.
Surprenant : ...M. le Président. Alors, bonjour, messieurs, merci
d'être ici ce soir. Alors, je voudrais revenir sur ce que vous avez
mentionné.
Vous considérez qu'actuellement il y a 40 %
de l'effort qui pourrait être fait en acquérant simplement des crédits carbone et ça, évidemment, ça ne contribue
pas à amener une économie ici, au Québec, qui soit plus propre. Alors donc, vous considérez important d'investir, là,
dans l'économie. Et puis donc, comme on sait qu'au niveau
hydroélectricité on est un joueur qui est dominant et puis on voit que les
entreprises étrangères vont fabriquer, entre autres, des véhicules électriques, alors, est-ce que vous
pensez qu'il n'y aurait pas une filière à développer au Québec et à
supporter au niveau de la fabrication de
véhicules de transport au niveau électrique pour assurer une transition de
l'économie, pour protéger des emplois ou créer des emplois de qualité?
On
se souvient qu'à l'époque on avait un joueur important, dans mon comté,
d'ailleurs, à Boisbriand, qui était General
Motors, et puis il y avait eu des projets, à l'époque, à Bromont, et autres,
tout ça. Alors, vous en êtes où là-dessus puis qu'est-ce que vous pouvez
suggérer pour qu'on ait une économie structurante au niveau des transports ici?
M. Cadieux
(Serge) : ...absolument. Les
exemples que vous venez de donner, c'est de très bons exemples. En fait,
au lieu de payer sur une bourse de carbone
pour nous permettre de pouvoir polluer — on n'a pas réglé rien, là — on est mieux d'investir, on est mieux d'investir dans le secteur manufacturier,
qui va nous permettre de nous transporter avec des véhicules qui ne seront pas polluants. Donc,
prendre cet argent-là et le mettre en recherche et développement ou
donner des avantages à des entreprises pour qu'elles puissent développer des
véhicules électriques, évidemment, on est là, là, on est tout à fait d'accord
avec vous là-dessus, là.
• (20 h 10) •
M.
Surprenant : O.K. Et, par ailleurs, au niveau des programmes qui
existent actuellement, il y a un programme, là, Roulez électrique, qui offre des subventions à l'achat du véhicule
électrique et puis au niveau des bornes aussi. Alors, le programme va prendre fin au 31 décembre 2016.
Alors, selon vous, qu'est-ce qu'on devrait faire avec ce programme-là?
M. Cadieux (Serge) : On pense que ça
fait partie de l'équation, c'est des programmes qui devraient être renouvelés,
mais on ne doit pas mettre nos énergies uniquement là-dessus.
M.
Surprenant : O.K. Au niveau de taxes, de taxation, il y a une taxe qui
existe sur la masse salariale et puis on sait qu'au niveau des résultats c'est plus ou moins probant, les résultats,
l'utilisation de ces fonds-là. Certaines entreprises ne savent pas
comment utiliser ces fonds-là pour faire de la formation.
Est-ce que
vous ne verriez pas une possibilité peut-être qu'une taxe sur la masse
salariale ou celle-là même qui est déjà
là puisse être utilisée à d'autres fins par les entreprises, entre autres, pour
supporter un transfert de façons de faire vers une économie qui est plus
verte au niveau des entreprises?
M. Cadieux
(Serge) : Là, ça dépend on
parle de quoi, là, tu sais. Si vous parlez du 1 % de la masse salariale
en formation, bien, écoutez, on doit avoir
un programme qui va permettre aux travailleurs qui vont passer d'une
industrie polluante vers une industrie plus
verte de pouvoir être formés. Donc, est-ce que ça, c'est suffisant?
Probablement pas. Le 1 % qui est
là n'est probablement pas suffisant. Ça va prendre d'autres programmes. Puis
c'est ça, l'exemple que je donnais tantôt.
Je donnais l'exemple de l'assurance-emploi. On peut prendre un pourcentage
du... ça peut être un 2 % de la caisse d'assurance-emploi, où on met spécifiquement, dans un programme, pour
les entreprises qui transforment leur industrie en une industrie plus verte pour faire passer... pour
la formation des travailleurs, pour les amener à être en mesure
d'occuper les emplois de demain.
M.
Surprenant : Au niveau des économies régionales, tantôt vous parliez
peut-être de miser un peu plus sur la deuxième
et troisième transformation. Alors, on regarde, entre autres, l'économie, là,
de la Côte-Nord, là, qui est difficile depuis
quelques années, alors, il y a des problèmes au niveau du bois. J'entends qu'il
y a certains joueurs, entre autres, dans la région de Baie-Comeau, là, qui travaillent sur de l'équipement qui
puisse transformer le bois en copeaux puis, après ça, puisse être
chauffé, alors... c'est une bonne idée au niveau de la deuxième transformation.
Alors,
qu'est-ce que vous verriez comme programme qui pourrait être implanté pour
favoriser les économies des régions
ou les économies même régionales et puis pour, en fait, que les économies soit
plus autonomes, plus fonctionnelles et moins cycliques? Voilà.
M. Cadieux (Serge) : Bien, écoutez,
c'est sûr, il y a le secteur forestier, hein? Dans le secteur forestier, évidemment, il y a de la biomasse, puis évidemment
c'est une ressource renouvelable, la forêt. Donc, on peut s'inspirer beaucoup du rapport Beauregard, qui a été... le
sommet de la forêt, qui a été déposé, où on va valoriser, évidemment, le
bois. Donc, on est capable de transformer le
bois en toutes sortes de produits, y compris de la biomasse. Donc, je pense,
c'est une industrie que l'on devrait prioriser aussi, l'industrie forestière,
là-dedans.
M.
Surprenant : ...l'industrie forestière, mais est-ce que vous ne pensez
pas qu'il y a... ou vous n'avez pas une suggestion, une approche que vous pouvez nous suggérer au niveau de
réduire, en fait, les transports puis de s'assurer que les matières
puissent être utilisées plus dans leur environnement proche et puis...
M.
L'Ériger (Colin) : Bien, on
parlait, dans le mémoire, de circuits économiques courts, bien ça, ça en fait
partie. Mais on parle beaucoup, tu sais, d'emplois verts puis de transferts
d'un emploi à l'autre, mais il y a aussi rendre des industries plus vertes aussi. Puis ça, c'est des spécificités qui
varient d'une région à une autre, ça fait que c'est difficile d'avoir une approche unique pour l'ensemble des
régions parce qu'ils ne vivent pas les mêmes réalités. Donc, les solutions
vont s'établir de région en région. Comme par exemple, le secteur forestier ne
touche pas l'ensemble des régions non plus. Donc, ça va vraiment dépendre de
chacune d'entre elles.
Une voix : Mais, vous savez,
aussi il y a tout le secteur...
Le
Président (M. Reid) : ...il faut préserver le temps aussi des
députés indépendants. Nous sommes au bloc des députés indépendants. Mme
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Un petit trois minutes, on le prend au
complet.
Premièrement, je veux
vous féliciter pour votre mémoire, il est complet. Une vision de transition qui
ne tient pas compte du social, qui ne tient
pas compte de la lutte à la pauvreté, qui ne tient pas compte du développement
régional, c'est une transition énergétique
écologique qui va manquer son coup, et je pense que votre mémoire le démontre
bien, et je vous remercie de cette contribution-là.
Vous
avez clairement évoqué la nécessité... si nous voulons se mettre rapidement en
mode transitionnel, si je peux me
permettre l'expression, c'est qu'il faut que ça passe par une économie réelle.
Pourquoi? Bien, parce que c'est des jobs, c'est du monde qui travaille,
puis c'est donc du monde qui contribue, puis la roue, comme ça, roule.
Est-ce que je
comprends, en fait, que la seule façon d'atteindre... parce que vous n'êtes pas
sûrs de l'atteinte 2020 — vous avez été clairs sur les cibles — d'atteindre la cible 2035 veut dire :
Investir pour réussir? C'est-u ça que vous nous dites?
M. Cadieux (Serge) : Ah! absolument, absolument, il faut investir, c'est sûr que ça prend
des investissements.
Mme Massé :
Et, votre priorité, vous la mettez où?
M. Cadieux
(Serge) : L'électrification des transports, le transport en commun, le
gouvernement doit investir là-dedans.
Mme Massé :
Juste le Fonds vert ou plus que ça?
M. Cadieux
(Serge) : Non, plus que ça.
Mme Massé :
Merci.
Le Président (M.
Reid) : Ça va? C'est terminé? Alors, merci de votre
contribution à nos travaux.
Je
lève la séance pendant quelques instants, le temps de permettre à nos prochains
invités de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
20 h 16)
(Reprise à 20 h 17)
Le Président (M.
Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite
maintenant la bienvenue à nos nouveaux invités de l'Institut de
l'environnement, du développement durable et de l'économie circulaire. Vous
avez 10 minutes pour faire votre présentation.
Je vous demande, s'il vous plaît, de vous nommer pour les fins
d'enregistrement. Je vous donne la parole.
Institut de l'environnement,
du développement durable
et de l'économie circulaire (Institut EDDEC)
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Merci beaucoup. Mon nom est Pierre-Olivier Pineau,
je suis professeur à HEC Montréal. Mon
collègue Normand Mousseau va aussi vous adresser la parole dans la deuxième
partie, les cinq minutes qui vont suivre mes cinq minutes.
L'Institut de
l'environnement, du développement durable et de l'économie circulaire est un
nouvel institut de l'Université de Montréal,
de Polytechnique et de HEC Montréal pour travailler sur ces thématiques-là,
c'est un institut qui a un an. Et
donc on regroupe les forces des trois institutions universitaires qui sont sur
la montagne, comme vous le savez, à Montréal, pour travailler sur ces
objectifs-là. Je vais débuter en...
Une voix :
...
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Oh!
Mme Charland-Lallier (Mary-Ève) : Mary-Ève Charland-Lallier. Je suis responsable
des communications et chargée de projet en changements climatiques à
l'institut. Je me contenterai de prendre des notes.
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Je m'excuse.
Mme
Charland-Lallier (Mary-Ève) : Il n'y a pas de problème.
Une voix :
Allez-y.
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Le document de consultation, qui était très bien
fait, et je vous en remercie, posait quatre
questions. Je vous propose de passer rapidement à travers ces quatre questions,
et on va détailler après, par la suite, certains éléments de réponse.
Donc, la première question, sur
l'accord envers la cible qui est nommée, donc, à l'institut, on est
extrêmement fiers que le gouvernement
québécois ait mis cette cible-là de l'avant et donc on est en parfait accord avec
ça et on vous félicite, donc, pour une telle ambition.
La
deuxième question, sur la cible principale : Est-ce qu'on devra avoir des
cibles, des objectifs particuliers en complément?,
on pense que non. Ce qui est important, c'est d'avoir une cible principale et
de travailler à l'atteindre, mais pas
forcément de rentrer dans une panoplie de cibles particulières, comme trop
souvent en développement durable, hein, on a une longue liste de différents éléments, et on pense qu'il faut se
concentrer sur la cible principale. Par contre, il faut que nous
fassions nos devoirs d'analyse et que nous comprenions bien comment on peut
atteindre cette cible-là. Et nous allons
revenir sur ces devoirs, que peut-être la société québécoise n'a pas
entièrement faits, pour savoir comment atteindre cette cible-là.
• (20 h 20) •
Quelles initiatives
pourraient être prises? Nous allons aussi revenir un petit peu sur ces
initiatives dans un deuxième temps, mais surtout elles devraient être
structurantes, et nous croyons fermement qu'elles peuvent enrichir toute la
société québécoise sans forcément que le gouvernement ait à investir davantage,
mais simplement prépare le terrain de
manière réglementaire et de manière institutionnelle pour qu'il y ait les bons
incitatifs à différents endroits pour que
la société québécoise devienne, en fait, plus productive. C'est un petit peu un
objectif de l'économie circulaire, c'est qu'il y ait une plus grande
productivité dans l'utilisation de nos ressources.
Enfin,
la quatrième question : les principaux obstacles auxquels le Québec fait
face. Et là j'aimerais mentionner que le
Québec est dans une position assez unique sur terre. Il n'y a aucun pays sur
terre qui a réussi à réaliser, cinq années consécutives, des réductions de gaz à effet de serre de 3 % comme
le Québec a l'ambition de le faire d'ici 2020 pour... On est en 2015. On
a cinq années. Il faut que, chaque année, on réduise de 3 %. Aucun pays
sur terre n'a pu le faire, à l'exception de
pays de l'Europe de l'Est avec la récession qui a suivi la transition vers le
capitalisme après le communisme, et donc une longue récession qui s'est
éternisée sur plusieurs années et qui a eu la conséquence fâcheuse de détruire leurs économies en large partie et d'amener des
réductions de gaz à effet de serre. Évidemment, personne ne souhaite ça pour le Québec, on ne veut pas que ça se passe
comme ça. Le Danemark est aussi une certaine exception, parce qu'ils ont
réussi, cinq années consécutives, à réduire
de 3 % parce qu'ils avaient beaucoup de charbon à enlever dans leur
mixte énergétique essentiellement pour la production d'électricité. Le Québec
n'a pas ce charbon en électricité à déplacer. Nous
le savons, nous avons essentiellement, à 99 %, de l'hydroélectricité.
Donc, nous sommes très ambitieux. Il faut se rendre compte de cette ambition-là que personne ne l'a réussie sur
terre, ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas la réussir, mais c'est
surtout dire qu'il faut véritablement faire nos devoirs en détail pour savoir
comment on peut atteindre ces objectifs-là.
En
plus d'avoir ce défi-là de notre situation spécifique, au Québec, d'avoir une
telle ambition, il y a évidemment une
grande inertie sociale, il y a des habitudes à changer. Dans toutes les
sociétés du monde, changer les habitudes, c'est très difficile. Donc, on a des problèmes d'inertie
sociale, de manque d'engagement et d'information de la part de la
population. Il y a des gens qui sont très actifs là-dessus, mais ce n'est pas
vrai que la population dans son ensemble est engagée derrière cet objectif-là. On a aussi un manque de cohérence dans le
cadre gouvernemental qui est offert pour la lutte aux changements climatiques, et ça, c'est un élément
sur lequel nous allons revenir. Il faut énormément de cohérence pour
justement arriver à ça et il faut évidemment des mécanismes incitatifs
supplémentaires et un financement adéquat pour supporter la transition.
Je
laisse la parole à mon collègue Normand Mousseau pour différentes initiatives,
et après on pourra échanger, l'ensemble de...
M. Mousseau
(Normand) : Bonsoir. Donc, Normand Mousseau, professeur de physique à
l'Université de Montréal. Je voudrais aussi
mentionner que vous n'avez pas en main le mémoire, parce qu'on ne l'a pas
encore écrit, en fait on n'a pas eu... ça va s'en venir, on va déposer
un mémoire, là, d'ici la fin de vos travaux.
Donc,
dans les recommandations, ce que je voudrais cibler, donc, on a fait les
constats. Dans les constats, avant d'arriver
peut-être... il faut mentionner certains aspects. On l'a dit tout à l'heure, en
fait, le transport, ça reste le coeur, en fait, l'élément le plus important en termes d'émissions de gaz à effet
de serre. Il va falloir s'attaquer au transport, mais il y a d'autres éléments aussi qu'il ne faudrait
pas oublier, qui sont, entre autres, l'industrie, le bâtiment. Donc, les
autres aspects, il ne faut pas les négliger,
même si, le transport, il va falloir l'attaquer de front. Par exemple, il reste
des gains importants à faire dans la transition dans le chauffage, entre
autres. Il reste encore du chauffage aux hydrocarbures, où la technologie de transfert est peut-être plus facile à mettre en
place que dans le transport. Donc, il faut vraiment essayer de ne pas
oublier l'ensemble des secteurs.
Un
mot, si on veut, dans les recommandations : cohérence. O.K., c'est facile
à dire, c'est plus difficile à mettre en pratique. Il faut absolument mettre en place les mesures qui vont aller
dans la bonne direction puis éviter de tirer dans trois, quatre directions. Pour ça, évidemment — on
est des universitaires — donc,
pour nous, c'est important de disposer de scénarios. Donc, pour nous, une des recommandations, c'est que le
gouvernement doit s'assurer d'avoir en main plusieurs scénarios, donc, s'appuyer sur des modèles. Il y a
un modèle disponible au MERN, mais il y a aussi d'autres modèles qui existent : le modèle du Department of Energy
& Climate Change, au Royaume-Uni, qui permet même aux gens, sur un
site Internet, de faire des simulations et de voir certaines choses; des
modèles, par exemple, qu'on retrouve, le modèle de NATEM, de la firme ESMIA,
qui est un modèle qui a été utilisé, entres autres, pour le Projet Trottier
pour l'avenir énergétique, il y a le modèle
CanESS. Donc, au Canada, au Québec, on dispose de plusieurs modèles, et
pourquoi des modèles? Parce que ça
permet d'évaluer les coûts. Ça permet d'évaluer l'effet des transformations
qu'on veut faire dans les limites de
chacun des modèles. Donc, il en faut plusieurs, mais il ne faut pas
sous-évaluer l'importance d'estimer correctement où on s'en va, et, si
on veut, la plupart de mes recommandations vont là-dedans.
Dans
le même esprit, dans le transport, il va falloir une concertation. Donc, une
des choses qu'on propose, c'est une table de concertation qui va
permettre de rassembler toutes les parties prenantes. Je suis bien heureux de
voir qu'aujourd'hui on parle au comité sur
le transport et l'environnement, donc, que les deux soient ensemble, mais il
faut aller plus loin. Il va falloir, par
exemple, asseoir la SAAQ aussi autour de la table pour s'assurer qu'on a la
flexibilité pour faire les
transformations dans le transport, mettre en place les règles qu'il va falloir
pour permettre à toutes les technologies de l'information de jouer leur
rôle aussi dans la transformation du transport.
Mais, comme
je disais, le transport, ce n'est pas tout. Donc, une des choses qu'on propose
aussi, c'est d'aller plus loin, donc il faut un groupe de concertation
dans le transport, il faudrait aussi un organisme-conseil ou donner une capacité d'étude au gouvernement. Donc, ça
pourrait être un groupe un peu comme Ouranos qui serait à l'extérieur du
gouvernement qui pourrait servir non
seulement le gouvernement du Québec, mais aussi les municipalités et
l'ensemble des acteurs qui sont impliqués
dans les changements climatiques, parce qu'aujourd'hui on parle au niveau du
gouvernement du Québec, mais les
municipalités ont un rôle très important à jouer, et comment s'assurer que tout
le monde est impliqué?
Il faut aussi
faire une évaluation et, on le mentionnait, les gens avant nous aussi, donc il
faut absolument un comité, une
structure qui évalue de manière indépendante, à intervalles relativement
rapprochés... Si on regarde en Angleterre, on a un comité qui fait ça à peu près aux trois ou quatre ans qui évalue quel
est le chemin qu'on a fait, quelle est l'efficacité des mesures qu'on a mises en place, qu'est-ce qu'on
doit faire pour les trois prochaines années dans le but d'atteindre nos
cibles dans
cinq, 10, 15, 20 ans. Et ça, on a besoin d'un suivi qui
nous projette. On ne peut pas se contenter, par exemple, de faire des plans sur 10 ans et d'attendre le
dernier mois de la 10e année pour dire : Si on en faisant un autre
suivant? Il va falloir faire des
plans qui vont être constamment réévalués, parce que le défi, comme disait
Pierre-Olivier Pineau, est immense. On cible des transitions qu'on a
faites à peu nulle part ailleurs au monde, sauf peut-être, et je voudrais
corriger Pierre-Olivier, au Québec,
entre 1980 et 1987, quand on a électrifié massivement le
chauffage en bonne partie, où on a réussi à réduire d'à peu près 40 % notre consommation d'hydrocarbures
fossiles. Donc, on est aussi parmi les rares exemples, et...
Le Président (M. Reid) : Une
trentaine de secondes.
M.
Mousseau (Normand) :
Parfait. Donc, finalement, il faut un plan de communication et d'éducation,
O.K., quasiment un plan de propagande, O.K.,
il va falloir aller très sérieusement permettre aux gens de voir qu'est-ce qui
se passe et de mesurer l'impact de leurs changements.
On a en place
une bourse du carbone depuis un an. Il n'y a presque personne dans la société
qui le sait, et personne qui, quand
il achète une voiture, achète une maison, prend des décisions, est capable de
mettre en pratique quel va être le coût
du marché du carbone sur moi et comment je devrais introduire ça pour me
déplacer, acheter peut-être une voiture différente ou acheter une maison
différente, etc. Donc, j'arrête.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Merci de votre présentation. Nous
allons passer à la période d'échange d'abord avec le bloc réservé au
gouvernement. M. le ministre, à vous la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme Charland-Lallier.
Bonsoir, Pr Pineau. Bonsoir, Pr Mousseau. Merci pour votre
présentation.
J'aimerais ça
qu'on aille plus en profondeur, parce que peut-être que vous avez manqué de
temps. Mais, dans votre présentation,
bien j'entends beaucoup de structures et beaucoup de comités. Est-ce qu'on pourrait
aussi parler de moyens concrets qui
ont un impact direct sur des réductions d'émissions de gaz à effet de serre,
plus particulièrement en transport, en
aménagement urbain, qui a un lien évidemment avec la construction, le secteur
industriel? Puis je suis particulièrement intéressé par les principes de
l'économie circulaire. Et en quoi l'application... alors, concrètement,
l'application de moyens dérivés de
l'économie circulaire, des principes d'économie circulaire peuvent s'appliquer
dans ces trois secteurs-là?
• (20 h 30) •
M. Pineau (Pierre-Olivier) : Merci
de votre question. En transport, il y a deux problématiques : il y a le
transport des personnes; le transport des marchandises. En transport des
personnes, la problématique principale au Québec,
c'est qu'on a un parc automobile qui est en croissance plus rapide que la
population, et non seulement il est en croissance, mais avec des
véhicules plus gros et plus lourds que ce qui est nécessaire aux besoins de la
population.
Donc, il est
impératif d'amener la population à sortir de son véhicule en auto solo pour
augmenter la productivité des véhicules qui sont sur la route en les
remplissant avec... en ayant davantage qu'une personne virgule quelques centièmes qui sont dans ces véhicules-là et de
mettre en place des incitatifs réels pour développer l'autopartage,
développer ce que j'appelle le
covoiturage 2.0, où quelqu'un qui est dans son véhicule peut, en temps
réel, dire «je vais à tel endroit et prendre
quelqu'un», se faire rémunérer pour ça.
Et c'est pour ça que Normand parlait d'impliquer la SAAQ, pour que justement les questions d'assurance, les questions
de légitimité puissent être prises en compte dans un cadre légal
qu'on... évidemment, on gère dans la table
de concertation. Ce n'est pas le désir de faire une structure, mais c'est qu'il
y a des chauffeurs de taxi, une industrie du transport collectif qui
pourraient voir ça comme de la concurrence déloyale. Mais c'est important de s'assurer, dans un cadre
d'économie circulaire, d'augmenter la productivité de nos ressources
actuelles. On a des véhicules sur la route,
ils sont trop gros et pas assez remplis, alors il faudrait simplement avoir
moins de véhicules, mais avec plus de
gens dedans, et on augmente la productivité des ressources sur la route. Et il
faut qu'il y ait un cadre légal.
Donc, ce n'est pas tant des investissements que
nous pensons qui sont importants en transport, mais changer le cadre légal pour permettre ce genre de solution
de se réaliser, laisser des entreprises comme Communauto, Car2Go oeuvrer
sans entrave réglementaire pour mettre des véhicules là où les gens en ont
besoin et, encore une fois, avoir des
véhicules. C'est des entreprises privées qui ne demandent pas de subvention,
mais elles demandent qu'on leur donne la
possibilité d'avoir des voitures partout. À Montréal, il y a encore des
arrondissements qui refusent d'avoir des Communauto,
Car2Go en autopartage, en libre-service sur la voie publique, alors que ce sont
des infrastructures non pas privées, mais publiques dans la mesure où
quiconque qui y est abonné peut les utiliser et que, contrairement à votre
véhicule, qui est stationné 23 heures par jour et que personne ne peut y avoir
accès, ce véhicule-là, sa productivité est augmentée par le fait que tout le monde
y a accès... enfin, tous les abonnés.
Donc, c'est
mettre ces systèmes-là en place, et rapidement, si on a accès à du covoiturage
2.0, de l'autopartage, du transport
en commun, du transport actif sans... Je suis pour des investissements en
transport collectif davantage. Mais, sans investissement supplémentaire, ces solutions-là ne coûtent rien, sont
mises en place, et on pourrait rapidement avoir des réductions d'auto individuelle de 20 %,
30 % sur cinq ans, ce qui nous amènerait largement au-delà de nos cibles,
mais encore faut-il que les institutions publiques offrent le cadre
réglementaire qui permet une telle transition.
M.
Heurtel : Au-delà de ça... puis, encore une fois, j'espère qu'on va
avoir le temps, parce que j'aimerais vous entendre sur l'aménagement du territoire et le secteur industriel aussi,
mais je ne peux pas m'empêcher de vous demander... Alors, ce que vous proposez là est très
intéressant, mais on parle d'un changement de comportement, là, assez
radical, alors comment on y arrive?
M. Mousseau (Normand) : C'est pour
ça, il faut l'éducation d'abord, il faut montrer qu'il y a un gain, donc, comme disait Pierre-Olivier, il faut permettre,
par exemple, aux gens d'être rémunérés, parce que simplement prendre
quelqu'un qu'on ne connaît pas dans notre auto... et ça nous emmerde. Donc,
cette flexibilité-là, c'est qu'il va falloir tester des solutions et voir
qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui ne marche pas. Puis c'est pour ça, les
comités qu'on propose. Ce n'est pas pour
dire : Enfin, des comités, on aime ça, on est universitaires, mais c'est
parce qu'il manque... À un moment donné, il y a un gros manque de
concertation au niveau des décisions. Il y a une grande inflexibilité entre les
différentes structures, et c'est là qu'il
faut passer. Il faut prendre des risques, il faut dire : Ouvrons... Par
exemple, la voiture qui se conduit
toute seule, O.K., elle arrive. Est-ce qu'on va être capables, au Québec, avec
la SAAQ, de même faire des tests dans
des régions, à Laval, dans des quartiers? Présentement, c'est inimaginable avec
la SAAQ. Ils n'ont même pas réfléchi à la question, en autant que je
sache, O.K.? Donc, il faut se préparer et il faut avancer.
M.
Heurtel : J'aimerais vous entendre sur l'aménagement du territoire, la
construction. Ça, c'est bien important.
M. Mousseau (Normand) : Oui. Je vais
parler sur l'industrie.
M. Heurtel : Rapidement, s'il vous
plaît.
M.
Mousseau (Normand) :
L'industrie, c'est 30 %, O.K.? Il faut qu'on investisse là-dedans, dans
des procédés, la transformation de
procédés. Ça fait 30 ans qu'on a arrêté. Par exemple, un des procédés cruciaux,
c'est que l'oxydation, la réduction pour les métaux, pour l'aluminium
produit du CO2. Il y a d'autres technologies qu'on pourrait imaginer
développer, à l'hydrogène par exemple, O.K.,
qui sont des technologies qui auraient un effet majeur au niveau
planétaire. Il faut aussi être là dans ces technologies-là, il faut être dans
les technologies de chauffage. On ne peut pas négliger ces technologies-là, qui sont responsables de
30 %, au total, des émissions de gaz à effet de serre et qui peuvent être
plus faciles, d'une certaine façon, à faire parce qu'on a juste à
s'asseoir avec quelques joueurs.
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Au niveau
de l'aménagement du territoire, il est impératif de cesser l'étalement urbain. Ça, on a un problème. En Amérique du Nord,
on s'étale, on continue de s'étaler, on permet du dézonage agricole, alors que c'est parmi les meilleures terres
agricoles. Donc, il faut véritablement mettre fin à cet étalement urbain. Et
c'est évident qu'on ne peut pas repartir à zéro, et refaire une carte du
Québec, et réaménager le Québec. On pourra le faire progressivement. Mais il faut se rendre compte que l'étalement urbain
est un problème qui va de pair avec le transport : plus on a accès
à des voitures individuelles, plus on va avoir tendance à s'éloigner.
Donc, si on
commence à changer les moeurs en transport, et qu'on amène les gens à aller
dans plus de covoiturage, plus de
transport actif, des plus petits véhicules, et qu'on interdit de construire sur
des terres agricoles et d'encourager l'étalement
urbain, on va avoir tendance naturellement à voir plus de densité. L'organisme
Vivre en ville a fait de très bons documents pédagogiques pour expliquer
comment on peut transformer des zones avec peu de densité urbaine et peu de transport collectif dans des zones qui
deviennent progressivement plus denses et qui commencent à être plus
vivables sans auto solo. Et donc, progressivement, on peut y arriver.
M.
Mousseau (Normand) : Je vous
rappelle juste que ça ne veut pas dire tout le monde dans des tours de 30
étages, là. Il y a des pays... en
Angleterre, en Hollande, qui sont parmi les plus denses au monde, où tout le
monde a son jardin. Donc, on peut faire des trucs qui répondent aux
besoins des gens puis aux désirs des gens.
M. Heurtel : Merci.
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Dubuc.
M.
Simard : Merci, M. le Président. Je trouve intéressantes les
suggestions que vous faites. Maintenant, c'est sûr que vous comprendrez que pour des régions,
lorsqu'on fait un transport en commun, dans les régions, souvent on voit
les autobus vides ou à moitié vides, alors qu'il y a
seulement aux heures de pointe qu'on les voit un peu passer un petit peu plus
pleins.
Maintenant, vous avez fait une suggestion,
j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on ne devrait pas investir plus dans des services comme Car2Go dans
des régions plutôt que d'acheter des immenses autobus qui marchent au diesel et puis qui se promènent, la plupart du
temps, à 90 % vides, alors que, Car2Go, bon, les gens prendraient ça si
c'est plus abordable, prendraient beaucoup plus une voiture comme celle-là que
de s'en acheter une, parce que, du point a au
point b, on en a toujours une qui est disponible? J'aimerais vous entendre
là-dessus, mais aussi j'aimerais vous entendre à l'effet que, vous savez, on a une industrie du taxi qui est très frileuse
par rapport à des services comme celui-là. J'aimerais vous entendre. De
quelle façon vous voyez ça, également?
M. Mousseau
(Normand) : ...un service un
peu à la UberX, donc — on parlait d'autopartage avec rétribution — O.K.,
certainement serait plus intéressant pour des régions comme ça. Moi, ma mère
est à Saint-Félix-de-Valois, qui
n'est pas très loin, près de Joliette, et essentiellement il n'y a pas de taxi,
il n'y a pas de service de taxi du tout. Donc, en ouvrant ça, ça
permettrait aux gens dans les régions de se départir, de laisser tomber la
voiture et, quand ils ont en besoin, d'avoir
accès à ces services-là d'autopartage rémunéré, tandis qu'un modèle comme
Car2Go, c'est plus difficile, parce que, quand on est dispersés, il faut
que quelqu'un laisse l'auto chez nous, donc il va falloir qu'il vienne avec le
véhicule, un chauffeur.
M. Pineau
(Pierre-Olivier) :
J'aimerais simplement ajouter que les régions, comme les villes, ont tendance
à avoir des véhicules surdimensionnés, donc.
J'ai habité deux ans à Rimouski et je voyais beaucoup, à Rimouski, des
gros véhicules qui ne sont pour transporter
des cordes bois ou le chevreuil qu'on a chassé une fois par année quand on va
à la chasse, mais les gens ont des véhicules surdimensionnés. Alors, c'est évident
qu'au niveau de la taxation moi, je ne suis pas pour un système bonus malus,
mais simplement un système malus pour les gens qui veulent avoir des gros véhicules, qu'ils paient pour ces gros véhicules,
que cet argent-là aille financer des activités structurantes et non pas
l'achat d'autres véhicules, parce que la
catastrophe avec le système bonus malus, c'est que, oui, il y a des gens qui
paient pour les gros véhicules, mais
on encourage l'achat de véhicules individuels, ce qui est la dernière chose qu'il
faut faire. Quand notre parc automobile est en croissance, il ne faut
pas encourager l'achat de véhicules individuels supplémentaires. Alors, aucune
subvention, peu importe son mode de financement, ne devrait aller vers l'achat
de véhicules individuels.
M. Simard : Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Reid) : Je vous en prie. Est-ce qu'il y d'autres
questions du côté gouvernemental? Alors, nous passons à l'opposition
officielle. M. le député de Terrebonne.
M.
Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup,
M. Pineau, M. Mousseau, également merci,
Mme Charland-Lallier, d'être présents avec nous aujourd'hui. J'ai écouté
attentivement votre présentation. Il est bien évident
que nous allons avoir hâte de recevoir votre mémoire dans les prochains jours,
mais on comprend très bien que, bon, les délais sont parfois très
courts, là, pour pouvoir y parvenir.
Vous nous
parlez donc d'une cible principale, donc pas question de décliner, là, par
secteurs ou par catégories pour essayer d'atteindre des cibles plus,
c'est ça, sectorielles, vous y allez d'une vision globale, mais vous nous dites
qu'il y a des devoirs d'analyse pour réussir
à les atteindre. Donc, vous nous avez, je pense, bien fait ressentir, là,
l'urgence de la situation mais aussi
la difficulté, que plusieurs pays ont eue, à parvenir à atteindre moins
3 % de leurs émissions de gaz à effet de serre. Et donc vous sentez
que pour le Québec la marche est encore possible, mais disons qu'il va falloir
être disciplinés pour y parvenir. Donc, vous
semblez être favorables à ce qu'il y ait des évaluations constantes sur
l'atteinte de nos objectifs, vous parlez de
plans réévalués constamment. J'imagine que c'est une sorte de reddition de
comptes pour pouvoir y parvenir. Ça, je l'accueille très favorablement
puis je suis très heureux de voir que vous en êtes d'accord.
Là où, par
contre, vous avez terminé votre présentation, puis je vous amène là, parce que
ça devenait intéressant, vous étiez
rendus dans le : Combien ça va me coûter, le marché du carbone, pour moi?
Et, tu sais, vous parliez beaucoup du comportement, et là je vous
sentais vous mettre dans la peau du citoyen. J'aimerais vous entendre un peu
plus sur cet aspect-là : pour impliquer la population dans une démarche.
Je sens que
vous vous mettez à la place de leurs préoccupations, il y a un aspect de... pas
d'individualisme, en tout cas, du moins, qui se met aussi dans leurs
intérêts et dans leur situation. Pouvez-vous terminer ce que vous aviez
commencé? C'est quoi, ce «qu'est-ce que ça va coûter pour moi»?
• (20 h 40) •
M. Mousseau (Normand) : Moi, je
dirais, la première chose qu'il faut comprendre, là, c'est qu'un marché du carbone qui réussit doit garder le prix du
carbone le plus faible possible, parce que, quand le prix monte, ça veut
dire qu'on n'a pas réussi à faire la
transformation de la société qui nous permet de nous départir du carbone, et
donc que tout le monde est en train de se tirer et s'égorger pour
réussir à garder la tête hors de l'eau; donc, dans un premier temps.
Dans un
deuxième temps, par exemple, on n'a aucune projection aujourd'hui de combien va
coûter le carbone — des
estimations, ça vaut ce que ça vaut — mais dans trois ans, dans
cinq ans, dans 10 ans. On a les prix planchers,
mais on n'a pas le... Or, si moi, j'achète une voiture aujourd'hui puis qu'on
me dit : On estime aujourd'hui que, dans quatre ans, on pourrait
avoir une taxe carbone, le prix du carbone pourrait être entre 40 $ et
50 $ la tonne, ça représente quoi en
litres, ça va vous coûter combien de plus pour votre auto, si on le savait, si
on avait cette éducation-là, on serait
capables, comme citoyens, d'être conscients des changements qu'on doit faire,
O.K.? Et ça, je dirais, c'est un aspect éducation.
M. Pineau (Pierre-Olivier) : Je... je renchérirais, pardon, avec le fait que,
quand on fait des achats structurants, comme
une maison, une voiture, on a très peu d'informations, comme Normand le disait,
sur la consommation énergétique. Même quand on regarde les publicités de
voitures dans les journaux, maintenant, si on veut voir la consommation du véhicule, c'est extrêmement difficile. Alors, ça,
ça fait partie de l'information qui devrait être... Un petit peu comme
sur les denrées alimentaires on a
l'information nutritionnelle, ça devrait être obligatoire, quand on achète une
maison, de savoir quelle est la
consommation énergétique de la maison pour que justement les maisons qui sont
plus efficaces aient une plus-value
sur le marché. Aujourd'hui, c'est très difficile de l'évaluer, et, comme
Normand le disait, pour les voitures, c'est la même chose, c'est très
difficile d'évaluer ce que ça représente.
Alors, si on aidait
un petit peu comme on a les informations nutritionnelles, ça serait très aidant
pour les consommateurs.
M. Mousseau (Normand) : ...on a un marché du carbone qui est, en fait,
déjà excellent. Je veux dire, ce n'est pas suffisant, mais il faut le mettre en valeur pour pouvoir agir. Et
pourquoi on dit qu'on ne veut pas de sous-objectifs? Parce que le défi d'atteindre 37,5 % est déjà assez
grand qu'on veut se laisser toutes les portes ouvertes. Et ce qu'on dit :
Il faut évaluer. On a besoin de modèles, de modélisations pour voir où
est-ce qu'on a des gains. Est-ce que, par exemple, de subventionner une voiture électrique à 150 $ la tonne de CO2
sauvée, c'est la bonne façon de dépenser ou est-ce qu'on ne devrait pas
mettre ça dans les cas où on peut sauver à 50 $ la tonne ou 30 $ la
tonne?
Donc, ces
questions-là, il faut les évaluer point par point, et ce n'est pas dans
l'objectif, c'est dans la manière d'y arriver.
M.
Traversy : Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'évidemment
plus les gens vont être informés, plus ils auront droit à la véritable information, peut-être les
chances de changer leurs comportements vont être accentuées ou, en tout
cas, du moins, je me dis : Une personne informée qui sait un peu mieux
dans quoi elle si dirige peut agir en conséquence. Je vois aussi également, là, donc, votre message par rapport au marché
du carbone et à la... pas à la spéculation, mais, je veux dire, à la
fluctuation que ça peut avoir aussi, donc d'avoir l'heure juste.
Vous
avez parlé d'une table de concertation dans le secteur des transports tout à
l'heure. Le ministre disait, bon, que vous proposiez quand même
certaines structures. Pouvez-vous juste brièvement nous élaborer à quoi vous
pensez lorsque vous parlez d'une table de concertation?
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : C'est justement les différents organismes
impliqués. On sait qu'à Montréal en particulier...
mais il y a quand même la moitié de la population québécoise qui vit à
Montréal, on a différents organismes qui gèrent le transport : la STM, l'AMT, il y a la SAAQ, il y a les
arrondissements qui gèrent les vignettes de stationnement, il y a le ministère des Transports qui est impliqué — au niveau du transport des marchandises, il
y a les différentes voies ferrées du CN, du CP — les
trains de banlieue, VIA Rail qui est là-dessus, et on ne peut pas... On sait
que, pour aller à Dorval, c'est un enfer. Montréal n'a pas de desserte
ferroviaire, parce que justement on n'arrive pas à s'entendre.
Alors,
les chauffeurs de taxi, ils ne sont pas contents parce qu'Uber arrive, ils ne
sont pas contents quand le Bixi arrive.
C'est, pour dire franchement, un peu la pagaille. Il serait bien d'essayer
d'avoir un peu de concertation, parce que, si on ne réussit pas en transport, non seulement on ratera nos objectifs de
réduction de gaz à effet de serre, mais on restera dans la congestion, dans le manque d'activité physique,
la pollution atmosphérique, et toute la société aura perdu en
productivité et, pour des questions d'équité aussi, on n'aura pas développé des
modes alternatifs pour des ménages à plus faibles revenus qui n'ont pas
forcément accès à la voiture et on n'aura pas développé ces modes alternatifs
de transport.
M. Traversy :
Merci. Là, je comprends un peu plus le concept de table de concertation avec
l'ensemble des acteurs impliqués au niveau du transport, là, dans toute la
diversité et aussi les particularités, là, des régions urbaines, semi-urbaines
puis les différents paliers, donc, que ça peut comporter. Bien noté.
Vous
avez parlé également d'un organisme-conseil qui serait une structure qui
pourrait apporter des recommandations à la fois au ministre ou aux
municipalités. Expliquez-moi l'avantage d'efficacité que ça pourrait
occasionner.
M. Mousseau (Normand) : Il existe déjà un organisme, qui s'appelle
Ouranos, dont le but est d'aider le gouvernement, les municipalités, des
compagnies privées à se préparer aux changements climatiques.
M. Traversy :
Est-ce que vous souhaitez le mettre plus en avant-plan ou c'était simplement
pour rappeler au ministre qu'il peut l'utiliser plus largement ou c'est...
M. Mousseau
(Normand) : Non, mais l'idée, c'est qu'Ouranos ne cible que
l'adaptation aux changements climatiques,
donc il faut un autre organisme qui va cibler la réduction des gaz à effet de
serre et qui va permettre, donc, encore
une fois, d'offrir une analyse et une... On ne se rend pas compte de
l'importance de faire les calculs puis l'évaluer correctement pour une cohérence qu'il va nous amener. Donc, quand on
prend une décision en les évaluant correctement et en mettant ensemble
les enjeux, on arrive à avancer.
M.
Traversy : Et donc ce serait cette structure ou ce comité qui
aurait la responsabilité d'amener une certaine cohérence dans les
stratégies et les politiques...
M.
Mousseau (Normand) : Bien,
qui serait conseil, donc il n'aurait pas de responsabilité, mais il serait là
pour aider, répondre, aurait en place les
outils de simulation, les outils d'analyse pour accompagner les différents
intervenants.
M. Traversy : Combien de
temps, M. le Président?
Le Président (M. Reid) : ...
M.
Traversy : Bon. Bien, en tout cas, écoutez, je vous remercie
beaucoup de votre présentation. J'ai hâte de voir votre mémoire. Je sais
qu'il va être très détaillé, et, aucune pression, il sera attendu avec
impatience.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le
député de Groulx.
M. Surprenant : Merci, M. le
Président. Alors, Mme Charland-Lallier, M. Mousseau, M. Pineau, bonsoir.
Alors, je
voudrais commencer par parler au niveau du transport. Comme vous dites, c'est
un élément important, là, pour
pouvoir permettre la réduction des gaz à effet de serre. Vous avez parlé, là,
d'autopartage, de Car2Go et à Montréal essentiellement
puis vous m'apportez une information dont je n'étais pas au courant, qu'il y a
des municipalités qui ne sont peut-être
pas collaboratrices suffisamment pour permettre le développement de cette
filière-là, alors on en prend bonne note. Par contre, vous mentionnez qu'effectivement on a un parc automobile qui
est en croissance plus rapide que la démographie et que, donc, il y a des gens, par ailleurs, qui utilisent des SUV ou
des gros véhicules. Il y avait l'approche bonus malus que vous, vous
verriez plus au niveau malus, simplement.
Alors, ma
question est celle-ci... Et on a des
agriculteurs, on a des entrepreneurs en construction, on a des grosses
familles. Alors, comment vous voyez être plus coercitif envers ces gens-là?
M. Pineau (Pierre-Olivier) : Je
pense que l'idée, ce n'est pas du tout d'être coercitif envers ces gens-là. La croissance du parc automobile, la croissance du
nombre de VUS et de pick-ups sur les routes n'est pas liée à la
croissance du nombre d'agriculteurs, ou d'entrepreneurs, ou de grandes familles
au Québec. Malheureusement... enfin, pour différentes
raisons, on n'a pas une croissance du monde agricole en termes de population,
de travailleurs agricoles. Donc, ce sont
des cas particuliers. Ce serait très facile d'avoir des incitatifs fiscaux, des
protections fiscales de remboursement. Si on mettait, par exemple, un gros malus pour les grosses cylindrées, eh
bien, ce serait très facile de rembourser les entreprises qui ont besoin, pour leur travail, d'acheter ces
véhicules-là. Pour les familles, le nombre de familles à trois enfants et
plus n'est malheureusement pas en croissance
au Québec... ou, si c'est en croissance, il y en a, c'est, encore une fois,
transitoire, mais ce n'est pas la majorité des véhicules qui sont utilisés à
ces fins-là.
Si on
développe des alternatives telles que j'ai mentionnées, toute une panoplie
d'alternatives... Et la possession d'un
véhicule n'est pas en soi répréhensible, c'est l'utilisation très fréquente
d'un véhicule avec trop peu de personnes qui est problématique pour la
société. Donc, si les gens possèdent leur véhicule pour les quelques sorties
familiales qu'ils font avec leurs cinq
enfants et les deux parents, donc à sept, eh bien, ils prennent leur minivan
s'ils la veulent. Il y a des minivans
qui ne consomment pas beaucoup et ils la prennent une ou deux fois par semaine.
Mais on s'entend que pour les déplacements quotidiens des individus il
peut y avoir des alternatives qui sont plus efficaces que l'utilisation d'un
véhicule en auto solo ou en auto 1,3 dans le véhicule.
M.
Surprenant : Donc, ce n'est pas tant l'acquisition des véhicules en
soi plutôt que leur utilisation qui demeure quand même difficile à contrôler. On ne peut pas établir des mesures qui
vont dire : Si vous faites tant de kilomètres et plus, on va vous
charger une taxe additionnelle.
M. Mousseau (Normand) : On peut.
M. Surprenant : Pardon?
M.
Mousseau (Normand) : Il y a
des pays qui le font. En Angleterre, on a une «road tax» qui fait justement
ça : on paie en fonction du kilométrage qu'on a fait chaque année.
• (20 h 50) •
M. Pineau (Pierre-Olivier) : Et on
le fait déjà avec le marché du carbone : quelqu'un qui a une voiture qui consomme plus va payer davantage d'essence, donc
va payer davantage de droits d'émissions sur le marché du carbone. Je
veux encourager les gens à avoir des plus petits véhicules en émettant un malus
pour les plus gros véhicules, les plus polluants,
et, en mettant de l'avant les alternatives qu'on a mentionnées, ça rendra
d'autant moins attrayants les véhicules individuels. Pourquoi payer
10 000 $ par année pour un véhicule, quand on compte tous les frais
qui y sont associés, pourquoi payer cette
somme-là si on a des alternatives attrayantes qui nous évitent de pelleter la
neige, de changer les pneus, de penser à l'assurance, etc.?
Donc, c'est
en mettant de l'avant les solutions de ce qu'on appelle le cocktail transport
qu'on va décourager... en ayant aussi des désincitatifs financiers sur
les gros véhicules.
M.
Surprenant : Merci. Vous avez par ailleurs parlé, là, de trouver une
solution pour mettre fin à l'étalement urbain.
Or, dans notre plateforme, nous, la Coalition avenir Québec, on avait lancé une
idée qui s'appelait Innovasol, c'était la
réhabilitation de terres contaminées, de terrains contaminés dans les grands
centres ou même près des cours d'eau dans
les vieux centres-villes. Alors, qu'est-ce que vous pensez d'une approche comme
celle-là pour favoriser le fait que les gens demeurent dans les lieux de
densité et puis, à la limite, amener, là, des emplois de qualité dans ces
zones-là?
M.
Mousseau (Normand) : C'est
certainement des bonnes idées. L'idée, c'est : densification. Et, quand on
parle de densification, ça ne s'arrête pas à la grande région de Montréal ou de
Québec. Je veux dire, même dans les régions éloignées,
on a tendance... on a une ville puis on va essayer de s'installer aussi loin
que possible des villes. Donc, même dans
les régions éloignées, on peut penser à une densification qui permet une
augmentation des services tout en construisant, comme je disais, un
aménagement du territoire qui satisfasse aux désirs des gens.
M.
Surprenant : Il me reste une minute. J'avais plusieurs questions, je
vais par contre vous amener sur l'économie circulaire. Alors, on a parlé tantôt avec les gens de la FTQ de créer,
là, des économies plus régionales, qu'il y ait moins de transport. Alors, vous avez peu élaboré sur cette
notion-là de votre entité. Alors, qu'est-ce que vous avez à dire au
niveau de l'économie circulaire? Qu'est-ce qui pourrait être fait simplement, rapidement
pour réduire les gaz à effet de serre?
M. Pineau (Pierre-Olivier) : La
notion d'économie circulaire qui s'applique le plus, c'est vraiment celle de
productivité des ressources, que nos ressources actuelles soient plus
productives, c'est-à-dire qu'au lieu d'acheter 15 voitures pour 15 personnes ces 15 personnes se partagent
certains véhicules, et donc, là, on augmente la productivité des
ressources, on allonge le cycle de vie des ressources en évitant de racheter un
nouveau véhicule, parce que la fabrication du nouveau véhicule est un problème
en soi — il
y a des émissions de gaz à effet de serre associées à ça. Donc, on augmente la
durée d'utilisation, on fait davantage appel à la diminution des besoins, à la
réutilisation et, ultimement, le recyclage.
M. Mousseau (Normand) : Je voudrais
juste rajouter qu'il y a...
Le
Président (M. Reid) : Je m'excuse, il n'y a vraiment plus de
temps, là, j'attendais que monsieur termine, parce que je dois protéger
le temps qui reste pour la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
Bonsoir, messieurs dames. J'ai bien entendu durant votre présentation l'importance, pour qu'on puisse y arriver, qu'on
puisse relever ensemble ce défi-là, l'importance de la cohérence, tout
le reste, ce que vous avez nommé, mais je
veux mettre l'accent sur la question de la cohérence. Alors, j'aimerais vous
entendre sur, par exemple... Je comprends
que, par rapport au système de plafonnement, d'échange, vous trouvez que c'est
un des outils intéressants qui va
nous permettre d'atteindre les cibles, mais comment on peut parler... ou quelle
sorte d'impact ça a, par exemple,
quand on fait des choix d'investissement comme soutenir Pétrolia, Anticosti, la
mégacimenterie, qui sont de grands émetteurs? Alors, c'est quoi par
rapport à la justice aux autres qui font l'effort que vous nous appelez à
faire, alors que le signal qui est envoyé,
c'est de dire : Bien oui, deux tonnes par année pour la mégacimenterie, il
n'y en a pas... 2 millions de tonnes, pardon, il n'y en a pas, de
problème?
M.
Mousseau (Normand) : C'est
pour ça qu'il faut mettre tout ensemble quand on fait... c'est pour ça qu'il
ne faut pas séparer les objectifs. Si on veut atteindre 37,5 %, il va
falloir agir sur tous les côtés, il faut compter l'ensemble.
Le marché du
carbone permet, d'une certaine façon, de dire : Si on n'arrive pas, on
pourra toujours aller piger en Californie si c'est moins cher. Mais,
d'un autre côté, si on ne se contente que de ça, d'acheter, on ne modernisera
pas notre économie, on va financer la
modernisation de l'économie californienne. Ils n'ont peut-être pas besoin de
notre argent pour se moderniser, donc on est peut-être mieux d'essayer
d'avancer nous-mêmes.
Mme Massé : Et, dans ce sens-là,
vous nous invitez vraiment à mettre l'argent plus... pas dans une économie polluante, mais bien dans la recherche et
développement de ce qui va nous amener par en avant, surtout nos petits-enfants.
M. Pineau
(Pierre-Olivier) : Oui,
jusqu'à un certain point, souvent on oppose les développements
pétroliers, par exemple, avec les objectifs,
et c'est évident qu'il y a des problématiques, mais il y a une transition
énergétique à faire.
On est tous pour
l'intérêt du Québec ici. S'il pouvait y avoir un potentiel commercialement
exploitable, au Québec, de pétrole ou
de gaz naturel, si c'était, donc, commercialement faisable, et sachant que,
d'ici 2050, on va quand même utiliser
du pétrole et du gaz naturel et surtout qu'on a un cadre cohérent de réduction
des gaz à effet de serre, pourquoi se priver
de certaines ressources qu'on pourrait faire au Québec et les importer
d'ailleurs, alors qu'on veut développer l'économie québécoise, mais sachant, et ça prime avant tout, qu'on a un
cadre cohérent? Et là, si le gouvernement interdisait certains projets,
ça serait vouloir rentrer dans des cibles particulières et dire : Ça, non,
ça, non, ça, non. Je crois que les acteurs
individuels, les individus comme les entreprises ont un jugement, savent... il
faut qu'ils sachent qu'il y a un cadre cohérent très rigoureux sur la
gestion des gaz à effet de serre. À l'intérieur de ce cadre, si des acteurs
veulent faire des activités, soit, on les laisse faire, si elles veulent
prendre le risque d'investir dans du pétrole ou du gaz, sachant qu'il n'y aura plus l'opportunité d'en brûler
beaucoup. Il faut les laisser faire, à mon sens, mais ce qui est important,
c'est de leur dire : Il y a un cadre,
et de donner des outils aux individus et aux entreprises pour réduire leur
dépendance aux hydrocarbures.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.
M.
Mousseau (Normand) : Merci.
Le
Président (M. Reid) : Les travaux sons suspendus quelques
instants, le temps de permettre à nos prochains invités de prendre
place.
(Suspension de la séance à
20 h 56)
(Reprise à 20 h 58)
Le Président (M.
Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la
bienvenue à nos invités de l'institut de...
de l'Institut, oui, de recherche et d'informations socioéconomiques, l'IRIS.
Alors, vous avez 10 minutes pour faire
votre présentation. Par la suite, nous aurons une période d'échange. Je vous
demanderais de commencer par vous présenter et présenter la personne qui
vous accompagne pour les fins d'enregistrement. À vous la parole.
Institut de recherche et
d'informations socioéconomiques (IRIS)
M. Schepper
(Bertrand) : Bonjour. Je me nomme Bertrand Schepper, je suis chercheur
à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, l'IRIS. Je suis
accompagné de M. Renaud Gignac, qui est chercheur associé chez nous aussi. Je suis diplômé en administration des affaires
et en sciences politiques, mon collègue Renaud Gignac est avocat et économiste. Donc, on vient ici vous faire une
présentation principalement pour vous présenter le budget carbone du Québec et de l'appliquer avec les
cibles qui ont été proposées dans le document de consultation. On s'est
surtout concentrés sur la première question
du document, c'est où est-ce qu'on pensait qu'on avait une expertise la plus
grande à offrir à la commission, et donc, à ce niveau-là, bien, c'est ce qu'on
vous présente ici.
Au
départ, on regarde l'objectif de 37,5 % pour 2030 comme un objectif qui
est louable, mais cependant il est insuffisant
et inéquitable, selon nous, si on se fie à la science du climat et au budget
carbone tel que développé par le Carbon Tracker, mais aussi selon les
cibles qui sont placées par le GIEC.
• (21 heures) •
D'autre
part, si on voulait être équitable, il faudrait au moins avoir des cibles entre
41,9 % et 52,7 %. Je vais par la suite passer la parole à M. Gignac, qui va vous expliquer comment on
est arrivés à ça, mais, en attendant, je voudrais juste revenir sur quelques sections du document de
consultation — la première, c'est sur la section 2 — et revenir, en fait, sur le principe
d'équité.
Dans
la section 2, on laisse un peu sous-entendre que, comme le Québec a déjà
fait plus d'efforts que d'autres juridictions,
il est plus difficile pour lui de
diminuer... et d'avoir des objectifs importants que, par exemple, pour d'autres juridictions,
comme l'Ontario ou l'Alberta par exemple. Or, je dirais qu'ici
c'est une utilisation du concept d'équité qui n'est pas tout
à fait la bonne. Telle que proposée
par l'ONU, là — je
vous fais part de la CCNUCC, là, la CCNUCC — donc, l'interprétation qu'on peut voir de
l'ONU est beaucoup plus une question d'équité entre les pays développés et les pays sous-développés. Or, si on détermine qu'il
est inéquitable pour le Québec d'avoir des cibles importantes, on se
trompe.
En
fait, le Québec fait partie des pays développés, et donc il faut
avoir des ambitions plus élevées en
termes de diminution des gaz à effet
de serre. Or, comment on doit calculer cette cible-là? Il y
a trois possibilités. La première, c'est
de faire un comparatif avec les autres juridictions autour de nous, avec nos
clients puis avec les juridictions avec qui on fait affaire. Or,
malheureusement, en Amérique du Nord, on est souvent entourés de ce qui serait
perçu comme les cancres en
environnement. Donc, si on veut briller, dans ce cas-là on brillerait plus
parmi les moins bons plutôt que briller parmi les meilleurs, disons. Dans une autre possibilité,
ça serait de regarder qu'est-ce que chacune des industries au Québec est
capable de faire comme efforts. Or, à notre sens, c'est un exercice qui est
hypothétique et qui est difficile à faire, puisque finalement on ne connaît pas les paramètres de
l'économie dans les prochaines années et on est dans une situation quand même complexe... financière et économique. Il y a
une autre méthode, qui est celle de prendre une méthode qui est scientifiquement rigoureuse, de partager
les GES excédentaires à l'atteinte, finalement, des objectifs du GIEC et
de la Conférence de Paris et de la placer selon la population. Cette
méthode-là, on la nomme la méthode du budget carbone, c'est celle-là qu'on
représente ici, et je vais passer la
parole à mon collègue M. Renaud Gignac, qui va vous expliquer
exactement comment c'est fait.
M. Gignac
(Renaud) : Merci. Dans le cadre des négociations internationales sur
le climat, la question de savoir quel est
l'effort approprié pour chaque pays fait souvent l'objet de désaccord et de
controverse, les pays développés et les pays en développement se
renvoient la balle, s'accusant tour à tour de ne pas en faire assez.
Ce
que nous vous présentons aujourd'hui, c'est une méthode simple et équitable de
répartition internationale de l'effort
de réduction de GES, méthode qui a été développée à l'IRIS dans le cadre de la
publication du premier budget carbone
du Québec en 2013 puis qui a été exposée subséquemment dans un article
scientifique publié cet été et que vous trouverez en annexe de notre
mémoire.
Alors,
dans son plus récent rapport d'évaluation, le GIEC indique que, pour espérer
avoir une chance raisonnable de
respecter la limite sécuritaire de 2° C, la limite qui fait consensus dans
la communauté internationale, les émissions globales de GES, à partir de
maintenant et jusqu'à ce que nous atteignions la neutralité carbone, doivent
demeurer sous les 1 200 gigatonnes
d'équivalent CO2, c'est le budget carbone planétaire.
Maintenant, comment partager ce budget carbone là, cette tarte atmosphérique entre les pays? Une
façon, c'est d'utiliser la méthode simple et bien connue nommée
contraction et convergence. Comment ça fonctionne? Je vous invite à prendre le
graphique 1 à la page 8 du mémoire, donc Émissions par habitant,
convergence 2035.
Donc,
premièrement, nous savons que les émissions des pays, en proportion de leurs
populations, présentent des écarts
importants, par exemple, au Canada et aux États-Unis, on émet plus de
15 tonnes d'équivalent CO2 par habitant, alors
qu'au Brésil et en Inde on émet moins de quatre tonnes d'équivalent CO2
par habitant. Et c'est bien présenté dans le document
de consultation. À un certain moment dans le futur, disons d'ici 2035, tous les
pays devraient viser un niveau égal d'émissions
par habitant. Pour que le budget carbone mondial soit respecté, le niveau
d'émissions par habitant doit atteindre 3,5 tonnes par habitant en 2035. C'est ce qu'on appelle le point de
convergence. Après 2035, les émissions par habitant sont égales pour tous les pays, et les émissions
continuent de décroître jusqu'à ce que la neutralité carbone soit atteinte
peu après 2065. Maintenant, en jumelant ces
trajectoires-là avec les projections démographiques pour chaque pays, il est
possible d'obtenir les budgets carbone nationaux, lesquels, lorsqu'on les
additionne, donnent le budget carbone global de 1 200 gigatonnes. De
cette répartition, la France reçoit 10 gigatonnes; les États-Unis,
103 gigatonnes; la Chine reçoit 250 gigatonnes; et le Québec, compte
tenu de son poids démographique, reçoit 1,5 gigatonne.
Compte tenu
des niveaux actuels d'émissions, cela
signifie que la plupart des pays développés devraient réduire leurs émissions de 45 % à 75 % d'ici 2030 par rapport au
niveau de 1990. En contrepartie, l'Inde ou, encore, le continent
africain, qui sont très peu responsables des changements climatiques,
pourraient augmenter leurs émissions de plus de 100 %. Quant au Québec, il
devrait réduire ses émissions de 52,7 % d'ici 2030 par rapport au niveau
de 1990.
Finalement, à
mesure que les États ont commencé à soumettre leurs cibles de réduction en vue
de la COP21 à Paris, nous remarquons
que les cibles soumises sont insuffisantes et ne parviennent pas à respecter le
budget carbone global. En effet,
selon l'étude du 24 septembre dernier du Climate Action Tracker, les
engagements actuels amèneraient le climat mondial non pas à 2 °C
d'augmentation par rapport à l'ère préindustrielle, mais bien à 2,7 °C. En
d'autres mots, le compte n'y est pas encore.
Pour revenir
au partage du budget carbone, la répartition de l'effort entre les pays
fortement émetteurs et les pays à faibles émissions change selon qu'on
renforce ou qu'on diminue le poids des considérations d'équité internationale. En d'autres termes, plus on repousse dans le temps
le moment où les émissions par habitant doivent converger entre les pays — donc plus on repousse le point de
convergence — plus les
régions fortement émettrices, comme le Québec, sont avantagées. Par exemple, dans notre mémoire, nous
présentons un deuxième scénario, que l'on a appelé effort minimum, dans lequel le point de convergence n'est pas fixé
à 2035, mais plutôt à 2050. Il en résulte une cible de réduction pour le
Québec non plus de 52,7 % mais de
41,9 %. Bien entendu, cela signifie que la part de la tarte carbone
attribuée aux pays en développement diminue d'autant.
Pour
terminer, s'il y a une seule contribution que nous
aimerions apporter aujourd'hui à la présente commission, c'est la constatation qu'il existe un budget
carbone planétaire, un budget fixe qui est bien défini par les dernières
études, par la science moderne à 1 200 gigatonnes d'équivalent CO2
et que plus nous affaiblissons, au Québec, notre cible de réduction, plus nous nous approprions finalement l'espace
atmosphérique des pays en développement, qui devrait leur permettre
d'atteindre un niveau de vie décent. Alors, ça complète notre présentation.
Le Président (M. Reid) :
Merci pour votre présentation. Alors, nous allons passer maintenant à une
période d'échange du côté gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs, merci pour votre
présentation ainsi que votre mémoire. On
a discuté, avec d'autres groupes, de la notion de budget carbone. Ma première
question, ce serait de vous demander, bon,
en quoi concrètement, au Québec, la mise en place du budget carbone
contribuerait à réduire les émissions du Québec.
M. Gignac
(Renaud) : Bien, je pense
qu'en soi l'adoption d'une cible, ça permet de se donner un... c'est une
cible, c'est un cadre, mais, nous, le budget
carbone, ce n'est pas une mesure de réduction des gaz à effet de serre. Donc,
en soi, l'adoption d'un budget
carbone n'a pas d'effet concret. En Angleterre, on adopte des budgets carbone
pour des périodes de référence de
trois à quatre ans. Ils sont juridiquement contraignants, mais, on l'a vu avec
des mesures comme la Loi sur l'équilibre
budgétaire au Québec, ce sont des bonnes intentions, mais souvent la réalité
nous rattrape, puis fixer des cibles juridiquement contraignantes quand
les moyens ne sont pas mis en oeuvre, ça ne donne pas grand-chose, finalement.
M.
Heurtel : Ma question reste entière. Mettons, pour les fins de la
discussion, qu'on accepte la cible que vous proposez; comment
l'atteint-on?
• (21 h 10) •
M. Schepper (Bertrand) : Bien, en
fait, je pense que vous allez... ou vous avez déjà rencontré quand même plusieurs
groupes qui ont des propositions sur comment diminuer les gaz à effet de serre.
Évidemment — je
pense que les gens qui sont passés avant
nous en ont fait bien mention — la
question du transport est primordiale dans la lutte
aux gaz à effet de serre, de transformer... les moyens de transport sont nécessaires.
Économiquement parlant, même, on considère
que pour le Québec c'est même plus rentable
de faire du transport collectif, par exemple. Il y a plus d'emplois qui se créent au Québec avec le transport ou la
création de transport collectif qu'avec, par exemple, la création
d'automobiles. Il y a un intérêt économique à diminuer la balance commerciale
dans l'achat du pétrole au Québec à travers notamment une transformation du
transport. Donc, il y a un intérêt économique.
Maintenant, est-ce
que, par exemple, émettre des cibles, que ça soit 37,5 % ou que ça soit
52 %... est-ce que concrètement, si on ne fait rien avec, on va être
capable de les atteindre? Bien sûr que non. Cependant, si on décide de mettre les efforts pour les faire... Et je
pense que, pour une des premières fois, on est devant une crise qui est
importante et qui est mondiale et je
prendrais un peu l'exemple où est-ce qu'il
y a une forme d'effort de guerre,
entre guillemets, à prendre, c'est-à-dire qu'il faut que le Québec se
dote du projet de société d'essayer de se battre contre les gaz à effet
de serre, et pour ça
je pense qu'il y a un rôle de leadership qui doit être pris à ce niveau-là pour
permettre, finalement, de diminuer les gaz à effet de serre.
Donc,
vous me direz que les cibles qu'on propose sont plus élevées que celles que
vous proposez, et que ce n'est pas
simple, et que ça ne sera pas facile. D'ailleurs, même ce qu'on voit
présentement pour les cibles de 2020 ne sera pas facilement atteint non plus, mais ce qui est évident, c'est que, si on
ne fait rien ou si on laisse les choses aller à «business as usual», entre guillemets, on arrive à des coûts
économiques qui seront beaucoup plus élevés, et — je pense que vous en faites mention
vous-même dans la lettre à l'intérieur du mémoire — économiquement
parlant, il n'y a aucun intérêt, finalement, à laisser les choses telles
qu'elles sont.
Donc,
il vaut mieux, plutôt que d'espérer, finalement ne rien faire, se donner des cibles
élevées et des moyens qui viennent
avec. Nous, ici, ce qu'on vient vous dire, c'est que, si vous voulez atteindre
le GIEC et vous voulez atteindre la Conférence de Paris, les cibles que
vous proposez présentement sont insuffisantes.
M. Heurtel :
Merci.
Le Président (M.
Reid) : Alors, nous passons maintenant au bloc de l'opposition
officielle. M. le député de Terrebonne.
M.
Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, ça crée un
clivage assez impressionnant avec le groupe qui vous a précédés. Donc, je comprends que 37,5 %, d'un côté,
semblait être très ambitieux, avec, bon, des démarches importantes pour y parvenir, vu les comparatifs
avec d'autres pays à travers le monde. Vous, vous nous dites que c'est entre 41,9 % et 52,7 % que devrait, dans
le fond, cibler le gouvernement du Québec pour diminuer ses gaz à effet de
serre de manière significative afin de garder toujours comme objectif, là,
donc, de ne pas, bon, profiter à un réchauffement climatique de plus de
2 °C, et ce, d'ici 2030. Donc, la cible est insuffisante.
Je
sais que vous avez beaucoup travaillé sur la formule pour trouver une équité,
pour nous permettre d'avoir la cible la plus objective. Entre 41 %,
42 % et 52 %, 53 %, là, est-ce que vous avez une idée de ce que
le gouvernement devrait investir en termes
d'efforts financiers pour être capable d'y parvenir? Vous avez bien expliqué
votre modèle, mais les conséquences
d'une cible aussi audacieuse se qualifieraient comment, exemple, en termes
d'investissement financier de la part du gouvernement du Québec?
M. Gignac
(Renaud) : Bien, la réponse, c'est que, non, on n'a pas quantifié
l'effort financier. Ce qu'on sait d'après la littérature économique, par
contre, c'est que, puis c'est consensuel — je pense que vous l'avez
entendu et réentendu — le
coût de l'inaction est plus important que le coût de l'action.
Maintenant,
nous, ce qu'on souhaite apporter, c'est une base scientifique pour la fixation
des objectifs plutôt que la comparaison par rapport aux économies voisines.
M. Traversy :
Et j'essaie juste de trouver une image, là, pour nous aider à bien comparer ce
que c'est de fixer 37,5 %, exemple,
dans le milieu des transports, qui semble être le domaine dans lequel les
émissions de gaz à effet de serre
sont les plus importantes, versus 42 % ou 52 % de cible à réduire.
C'est des efforts, j'imagine, considérables, mais je ne suis pas capable de me les figurer. Donc, je
comprends très bien votre pourcentage, mais j'ai beaucoup de difficultés
à me dire qu'est-ce que 10 %, 15 %
de plus peuvent demander comme moyens contraignants ou comme mesures
incitatives pour être capables d'y parvenir.
Je suis convaincu que, quand vous êtes arrivés à ce chiffre-là, vous vous êtes
dit : Ça va faire l'effet d'une bombe autour de la table.
J'aimerais juste que
vous me donniez, dans le fond, peut-être la marge d'écart, là, qu'il faut
rattraper, là.
M. Gignac (Renaud) : Bien, notre volonté, ce n'est pas de faire un impact, là, un effet,
c'est vraiment juste... On a regardé les données sur les gaz
à effet de serre, puis présentement il y a
une insuffisance par rapport à la vigueur des actions.
Par ailleurs, on se
compare souvent à l'Ontario, aux autres juridictions nord-américaines, mais il
faut quand même dire qu'en Europe on a des
voisins un peu éloignés, par exemple l'Allemagne, 40 % d'ici 2020; Danemark,
40 % d'ici 2020; Suède, 40 %, plus
une flotte de véhicules entièrement indépendante de pétrole d'ici 2030;
Royaume-Uni, 50 % d'ici 2027; on parle de neutralité carbone en 2050
pour la Norvège.
Donc, je pense que
c'est ambitieux, c'est difficile, mais on est face à une crise sans précédent.
Puis on fait un parallèle avec l'effort de
guerre, qui n'est pas parfait. Maintenant, on a un ennemi collectif et on se
bat de nation à nation, puis c'est tant mieux, mais il faut se mettre
dans le même état d'esprit, je pense, qu'au milieu du XXe siècle, où il y
a vraiment eu des capacités de production
puis économiques exceptionnelles parce que la situation était
exceptionnelle.
Alors, je comprends
qu'on est dans un contexte de restrictions budgétaires, certains l'appellent
l'austérité, mais, nous, ce qu'on vient
apporter, c'est un peu un changement, disons, de... on espère communiquer qu'on
est un peu dans un état de crise
présentement puis il y a vraiment urgence à développer des moyens exceptionnels
pour la période historique dans laquelle on se trouve présentement.
M. Schepper
(Bertrand) : J'ajouterais aussi, j'imagine que vous avez vu l'étude du
Citigroup présentement qui dit que, sur une
période, par exemple, entre 2015 et 2060, continuer l'économie telle qu'elle
est avec la hausse du prix du
pétrole, avec la difficulté d'avoir de l'énergie, ça va coûter 72 billions
de dollars entre 2015 et 2060 — le billion, donc mille milliards de
dollars.
En fait, de transformer les habitudes de
transport et de transformer, finalement, le système d'énergie mondial coûterait
2 billions de moins au total, parce que finalement on sait que l'effet de
rareté sur le pétrole notamment va avoir un effet. Donc, on a le choix entre prendre
le bateau à l'heure qu'il passe ou sinon d'attendre, finalement... ou,
disons, le train plutôt que le bateau, qui est une expression plus...
Une voix : Électrique.
M.
Schepper (Bertrand) : ...pendant qu'il passe ou sinon de le regarder
passer. Et, comme disaient les gens avant nous, en fait, c'est : si
on ne fait rien, finalement ça va être les autres économies qui vont se
développer à partir de là, alors que nous, on a la possibilité de le faire.
Est-ce que
concrètement c'est difficile? Certainement. Est-ce que ça peut être un projet
de société qui va aider l'économie? Oui. Maintenant, on aurait aimé vous
donner plus de réponses...
M.
Traversy : Oui. Non, mais c'est ce que j'ai compris. Donc, ce
que, dans le fond, je retiens de votre intervention, messieurs, c'est que non seulement la cible de
37,5 % est audacieuse, mais on se doit d'aller encore plus loin ou, en
tout cas, vous encouragez le ministre à avoir une cible encore plus ambitieuse.
Celle-ci est, à vos yeux, insuffisante. Vous ne rentrez pas dans les mesures
pour y parvenir, vous ne rentrez pas non plus dans les modalités financières,
mais vous semblez me dire que l'austérité
n'a pas l'air d'être la solution miracle pour être capables de faciliter,
justement, cette lutte au réchauffement climatique ou du moins à
diminuer nos gaz à effet de serre.
Donc, je vous
remercie beaucoup pour vos propositions. Et, pour moi, il n'y aura pas d'autre
question, parce que vous avez été très clairs déjà avec le ministre puis
j'aurais l'impression d'être redondant. Mais j'entends très bien votre message
clair ce soir.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Nous passons maintenant au bloc du deuxième groupe d'opposition. M. le
député de Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, messieurs.
Effectivement, vous avez été pas mal clairs dans vos énoncés
statistiques, j'aurais par contre une petite question à vous poser.
Vous savez,
les réductions qu'on a obtenues dans les récentes années, on évoque que c'est
en partie... en bonne partie, même,
dû à la crise qu'on a vécue en 2008, et là, bien, on anticipe une reprise de
l'économie, donc peut-être une croissance
finalement à bien des égards, au niveau des transports, et autres, donc
peut-être une reprise importante au niveau des émissions de gaz à effet de serre. Alors, comment vous évaluez,
donc, l'effort, en fait, en fonction d'une reprise, et non pas en fonction de données, là, statiques,
mais d'une reprise puis d'une activité polluante accrue? Est-ce que
l'effort ne serait pas plus grand que ce qu'on prétend demander présentement?
• (21 h 20) •
M. Gignac
(Renaud) : Bien, c'est sûr
que la crise a contribué à la baisse des émissions. Ça, on ne le remet
pas en question. Mais il y a quand même un mouvement international où il y a...
bon, je n'ai pas le nombre exact, mais il y a certainement plus de 100
juridictions qui ont mis en oeuvre des lois climatiques, des prix sur le
carbone, etc., puis, je regardais
aujourd'hui, 90 % des émissions mondiales territoriales sont couvertes
dans les engagements actuels qui ont été déposés en vue de Paris.
Donc, il y a véritablement une prise de
conscience puis un mouvement international, là, qui date de plusieurs années, puis, en Europe, on est bien avancé
là-dedans. Donc, l'intervention gouvernementale doit justement donner
les bons signaux dans un contexte de reprise qui est, cela dit, un peu morose
ces jours-ci mais doit donner les bons signaux à des secteurs qu'on doit
encourager, puis il y a des secteurs qui doivent être peut-être découragés
aussi.
Ce n'est pas
tous les secteurs qui doivent croître. Il
y a des secteurs qui sont des
secteurs qui vont être appelés à décroître
et qui sont un peu des secteurs du passé. Comme n'importe quelle évolution
technologique, le progrès s'accomplit comme
ça. Et je pense que l'État puis la commission devraient
envoyer... Bon, il y a différents
instruments de politique; le plafonnement et échange, c'est un signal.
Maintenant, pour faciliter la transition, puis les intervenants qui nous ont précédés, là, en ont parlé, pour ne pas que ce
soit vécu comme une contrainte qui appauvrit les gens, bien l'État doit
financer des mesures de transition qui rendent ça plus, disons, fluide puis
plus naturel.
M. Schepper
(Bertrand) : D'autre part, j'ajouterais que la relance peut être un
bon moyen aussi pour le Québec de se
démarquer. C'est-à-dire que nous, on l'a dit, on ne produit pas d'auto
nécessairement ici, mais on a des entreprises qui produisent des autobus
qui veulent faire des autobus électriques, des trains. On a la capacité de
développer le secteur manufacturier présentement avec ces produits-là, qui vont
devenir de plus en plus en demande. Donc, une des activités que le gouvernement peut faire, c'est certainement, d'une
part, encourager leur éclosion et que ça soit... et ça peut se faire partout sur le... bien, partout sur le
territoire, et je pense que c'est intéressant de le voir comme une voie
d'avenir beaucoup plus que d'espérer aller dans les régions ressources, par
exemple, extraire du pétrole.
Donc, au final, je pense qu'on peut gagner de la
relance économique en proposant d'aller dans l'innovation plutôt que d'aller vers, par exemple, le pétrole
ou le gaz de schiste. En termes environnementaux, c'est bien plus
intéressant, et économiquement ça a une valeur certaine.
M. Surprenant : O.K. Dans votre
mémoire, vous mentionnez, là... juste pour une question d'information, vous êtes assez pointus dans vos propos, vous
parlez, donc, du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat, le GIEC, et, donc, des limites
physiques de l'atmosphère et vous faites référence finalement à l'ère
préindustrielle, sur laquelle on devrait se baser. Pouvez-vous élaborer un
petit peu là-dessus, s'il vous plaît?
M. Gignac
(Renaud) : En général, l'ère préindustrielle, c'est vers la fin du
XIXe, donc 1870. La période de référence, je pense,
c'est 1867 à 1880. Donc, c'est les premières données, là, sur
les concentrations atmosphériques.
M. Surprenant : Parce que nous, on
se base sur 1990, puis vous, vous prétendez qu'on devrait se baser sur l'ère
préindustrielle.
M. Gignac
(Renaud) : Non. En fait, la
cible est calculée par rapport à 1990, donc la cible de 42 %, mais le
2°, la fameuse cible, en termes de degrés, qui fait consensus présentement dans
la communauté internationale, ça, ça ne se base
pas sur 1990 mais par rapport à l'ère préindustrielle, sachant qu'à partir de
l'ère industrielle on a, jusqu'à présent, augmenté la température
moyenne d'un peu moins de 1 °C, à l'heure actuelle.
M.
Surprenant : O.K. Puis une dernière petite précision au niveau de la
répartition régionale dite de contraction et convergence. Pouvez-vous
m'expliquer sommairement ce que vous voulez dire?
M. Gignac (Renaud) : C'est ça. Donc, il y a deux phases dans la
méthode qu'on emploie, qui est une méthode quand même bien établie dans
la science du climat. La première méthode, c'est la convergence — donc,
on part de 2013 au graphique 1 à
la page 8 — convergence
par rapport à des niveaux d'émissions par habitant qui varient, alors,
on converge vers un point de convergence en
2035, alors, les émissions par habitant se retrouvent à cette année-là, et
ensuite il y a une contraction qui se poursuit après 2035, toujours dans les
émissions par habitant, mais, à partir de 2035, les émissions par habitant sont
égales partout.
M. Surprenant : O.K. Je comprends.
Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant au
dernier bloc. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
Bonsoir, messieurs. En fait, ce que je me rends compte dans votre présentation, c'est que vous nous rappelez qu'en
arrière du défi collectif qu'on a — vous avez pris l'exemple de l'effort de guerre — on est peut-être appelés cette fois-là à un
effort de paix où l'argent, au lieu de servir à détruire, au lieu de servir à tuer, au lieu de servir à se dominer les
uns les autres, les plus riches, les moins pauvres, bon, etc... que cet
argent-là soit investi pour qu'il serve l'ensemble de la planète, pas juste
l'ensemble des Québécois et Québécoises.
Et, dans ce
sens-là, c'est une approche que je comprends appuyée scientifiquement, là, vous
n'êtes pas de jeunes hurluberlus qui
viennent nous dire je ne sais pas quoi, là, non, vous citez vos sources, etc.
Et, avec toute votre logique de budget
carbone, qui moi, m'apparaît tellement logique, là, ce n'est pas de dire c'est
quoi, la cible qu'on vise, c'est de dire comment qu'il nous en reste, combien de monde qu'on est sur la terre et,
pour que ce soit juste pour tout le monde, pas juste pour les plus
riches, pas juste pour la poignée de monde qui possède tout, mais pour tout le monde, comment on se répartit ça.
Moi, j'adore ça, puis je vais m'y mettre, à étudier ça de façon plus
spécifique, parce que je trouve ça juste, justement. Ça me rappelle d'ailleurs ce que Naomi Klein
écrivait dans son livre, cette nécessité que ce défi collectif ne soit pas
quelque chose qui nous écrase, mais soit quelque
chose qui dise : Aïe! gang, on
peut faire quelque chose et on doit faire quelque chose
ensemble, et que ça devienne un projet de société qui est juste, équitable,
réparti à travers la planète. Vous m'inspirez, ça me fait du bien. Il me
semble que je vais sortir moins écrasée.
Le projet de
cible, ce que je comprenais de votre convergence, et tout ça, c'est que c'est
sûr qu'entre 2020 et 2050, hein,
c'est la différence, si j'ai bien compris, entre 52 %
et 41, 9 %, mais ça n'empêche
pas l'essentiel, et je vais terminer là-dessus — puis
vous direz ce que vous voulez dans le temps qui reste — c'est
que vous avez nommé, pour moi, l'essentiel,
c'est qu'il y a des choses qu'on va devoir encourager et il y en a d'autres
qu'il va falloir décourager. Et, dans ce
sens-là, comme responsable, comme personne élue, je sens que ça, c'est mon
devoir d'élue, de rappeler ça au quotidien. Il reste, quoi,
trois secondes?
Le Président (M. Reid) : Vous
avez 30 secondes.
Mme Massé : 30 secondes.
M. Schepper (Bertrand) : Bien, en
fait, peut-être juste rappeler, en fait, les deux scénarios qu'on a mis de l'avant; donc, celui qui est équitable a une
convergence en 2035, donc le point de différence est là. Plus la
convergence est rapide, plus c'est équitable pour les différents pays à travers
la planète, et, si, par exemple, on avait un point de convergence en 2050, puisqu'on profiterait plus longtemps, finalement,
du développement qu'on a eu — et, finalement, on ne peut pas dire que c'est tous les pays du monde
qui ont eu la chance d'avoir l'hydroélectricité sur leur territoire — bien,
à ce moment-là, bien, plus finalement on profiterait de ça aux dépens des
autres pays.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, merci de la contribution que vous apportez à nos travaux.
La commission ajourne ses travaux à demain,
mardi 20 octobre 2015, à 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 27)