(Dix
heures vingt minutes)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires ou appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le document
de consultation intitulé Cible de réduction d'émission de gaz à effet
de serre du Québec pour 2030.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Reid) :
Alors, voici l'ordre du jour pour cet avant-midi. Nous entendrons les groupes
suivants : Greenpeace, Association québécoise de lutte contre la
pollution atmosphérique et Nature Québec.
Alors,
je souhaite la bienvenue à notre premier groupe, Greenpeace. Vous
connaissez la routine, vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation. Par la suite, nous aurons une période d'échange. Je vous demande
de vous présenter, présenter la personne qui vous accompagne pour les fins de
l'enregistrement. Vous avez la parole.
Greenpeace
M. Mainville (Nicolas) : Merci. Merci,
M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bien, en fait, bonjour à tout
le monde. C'est un plaisir d'être ici. Mon nom est Nicolas
Mainville. Je suis responsable de la
campagne Forêt et coporte-parole de Greenpeace Québec. Donc, bien, c'est
un honneur d'être ici aujourd'hui.
M.
Bonin (Patrick) : Bonjour! Mon nom est Patrick Bonin. Je suis
porte-parole de la campagne Climat-Énergie pour Greenpeace Canada. C'est
également un plaisir d'être ici.
On
vous a préparé une petite présentation rapide pour essentiellement vous résumer
et vous présenter pourquoi aujourd'hui nous présentons une cible que le
Québec devrait viser, de moins 50 % en 2030.
Histoire courte, vous
le voyez, actuellement, ce que vous avez devant vous, c'est notre rapport [R]évolution
énergétique. Vous avez également les références, il est en
annexe de notre mémoire. C'est un rapport qui a été publié ce mois-ci par Greenpeace International, le cinquième
qu'on publie comme rapport. Donc, c'est un rapport extrêmement documenté,
plus de 350 pages. Vous avez le sommaire, et tout. Et ce rapport,
essentiellement, présente la position du Réseau
Action Climat international, qui est composé de 850 ONG dans 100 pays
à travers le monde. Et la position, elle est bien simple, c'est que le monde doit être à 100 % énergie
renouvelable d'ici 2050, d'où la cible que nous recommandons au Québec
actuellement, qui est basée sur la science et ce qu'on devrait faire pour
éviter les changements climatiques catastrophiques.
Quand
on regarde au niveau des connaissances scientifiques, vous entendez souvent
parler du 2 °C. Nous, ce qu'on dit
et ce que l'ONU dit, c'est que le 2 °C, c'est risqué. Donc, il faut rester
bien en deçà du 2 °C. Plusieurs ONG scientifiques prônent maintenant le 1,5 °C, dont plusieurs
pays en développement également, parce qu'on voit déjà les impacts avec
le 1 °C, même pas, qu'on a de réchauffement actuellement.
Qu'est-ce que ça veut
dire, 1,5 °C pour avoir une chance réelle de s'en tenir à ça? C'est, d'ici
2040 au niveau mondial, qu'on arrête
d'utiliser les combustibles fossiles dans les industries et en général. Donc,
2040 au niveau mondial, il faudrait viser environ ça pour le 1,5 °C
et vous rappeler qu'actuellement — et vous le voyez aujourd'hui avec les rapports qui sont sortis — il y a 140 pays qui ont présenté leurs
objectifs de réduction de gaz à effet de serre. C'est 80 % des émissions mondiales. Donc, on a le gros d'où
on s'en va actuellement en termes de négociations internationales et on
s'en va vers 2,7 °C, ce qui est beaucoup trop par rapport à ce que la
science nous dit qu'on doit faire.
Pourquoi
il faut arriver à peu près à zéro émission de gaz à effet de serre dans les
combustibles fossiles d'ici 2040, idéalement 2050, maximum 2065? Eh
bien, on le voit là-dessus, ce sont des trajectoires, hein? Donc, vous voyez
les émissions de gaz à effet de serre. Ce
qui est en bleu, c'est la trajectoire pour limiter à 2 °C actuellement
avec 66 % des chances de limiter
à 2 °C. Donc, vous voyez que ce n'est même pas 100 % des chances.
Donc, c'est le deux tiers des chances de
limiter à 2 °C. Et, si on veut être davantage certains de limiter à
2 °C, on parle de 85 %, c'est la trajectoire en vert. Cette trajectoire-là, ce qu'elle dit, c'est exactement
ça, c'est qu'au niveau des combustibles fossiles entre 2040 et 2060 ou 2065
il faut qu'on n'en utilise plus au niveau
mondial. Cette logique-là, elle s'applique d'un point de vue mondial. Donc, si,
au niveau mondial, on doit ne plus utiliser
de combustibles fossiles en 2050, ça veut dire que les pays industrialisés, les
nations industrialisées comme le Québec,
doivent, depuis longtemps avant 2050, avoir cessé d'utiliser les combustibles
fossiles. Ce qui nous arrive à notre cible de 100 % d'énergie renouvelable
d'ici 2050 pour le Québec, qui se traduit, lorsqu'on regarde en ligne droite, à
une cible d'autour de moins 50 % en 2030.
Et
ce qui est important pour nous, et ce qui est important également pour le
Réseau Action Climat international, encore
une fois, c'est que 2030, c'est une cible extrêmement loin, qu'il nous faut des
cibles intérimaires aux cinq ans, donc
on parle d'une cible de 2025, pour s'assurer
qu'on ne s'enferme pas dans des objectifs qui, actuellement, ne respectent
pas ce que la science dit.
Donc, au
niveau international, c'est un grand débat en vue de Paris, entre autres. C'est
de s'assurer qu'on veut avoir, dans
les textes de l'entente de Paris, une cible intérimaire de cinq ans et des
mécanismes qui font en sorte qu'on augmente
l'ambition parce qu'actuellement, vous l'avez vu, ce qu'il y a sur la table, ce
n'est pas assez ambitieux. Donc, 2030, c'est beaucoup trop loin pour
permettre justement d'augmenter cette ambition-là.
Ça, c'est la
trajectoire essentiellement en
termes de réduction de gaz à effet de serre pour le Québec, ce qu'on doit suivre. En rouge c'est normalement où on est en 2020 et, par la suite, si on s'en va en ligne droite, en 2050. Ce que plusieurs disent, c'est que le gros des réductions
doit être fait dans la première moitié, d'ici 2050. Ici, vous l'avez en ligne
droite, ce qui nous amène à 46,7 % en 2030. Nous, on parle d'autour de
moins 50 % en 2030.
Quand on
regarde... L'établissement d'une cible, c'est quelque chose. On a quand même
été convoqués rapidement. On
apprécie que le gouvernement fixe un objectif de base ambitieux, le moins 37,5 %, qui, malheureusement, n'est pas encore suffisant. Et même 37,5 %, on sait très bien
que ça va être difficile à faire. Il va falloir des actions rapides sur le
terrain. Et c'est encore plus ambitieux quand on parle de 50 %.
Pour atteindre cette cible-là, essentiellement,
il nous faut des mécanismes de suivi beaucoup plus serrés. Ça nous prend des redditions de comptes annuelles, à
chaque année, savoir où on s'en va par rapport à l'atteinte des cibles.
Et ça, actuellement, on ne l'a pas. Donc, on ne peut pas attendre en 2025 pour
savoir si on va atteindre notre cible ou en
2020 pour savoir si on va atteindre notre cible en 2025. Il faut le savoir, à
chaque année, où s'en va le Québec, d'où l'idée, entre autres, d'adopter une loi sur la responsabilité en matière
de changements climatiques, un peu le type de loi qui a été présentée par le NPD au fédéral.
Souvenez-vous que le Sénat avait justement abrogé ou jeté aux oubliettes la loi
du NPD qui est revenu avec cette loi-là qui force le gouvernement à atteindre
ses objectifs, à avoir une reddition de comptes, entre autres, transparente et
régulière. Je laisserais peut-être Nicolas continuer.
M.
Mainville (Nicolas) : Bien
oui. En fait, ce qu'on souhaite ici... On vous fait des recommandations. On
sait que c'est très rapide. On a
évidemment tout un argumentaire derrière ces recommandations-là. Donc, il y a
beaucoup de travail, comme vous vous
doutez. Et ça va nous faire plaisir de vous fournir tout ce qui est articles
scientifiques, documents, rapports de référence pour ça. Mais c'est
clair que, pour nous, une des choses qui est essentielle si on veut atteindre cette cible minimale là, qui, selon nous, la
science est très claire, devrait être de 50 % pour 2030... mais il faut
qu'il y ait une cohérence au
gouvernement. Et donc on ne peut pas se permettre d'accepter des projets
polluants, de financer certains projets
qui, déjà... on a des bons exemples avec le cas d'Anticosti, avec le cas de
Port-Daniel, avec l'arrivée d'Énergie Est, avec
l'arrivée d'Enbridge qui a été annoncée hier.
Donc, ces
genres de projets là ne peuvent pas entrer en cohérence avec cette stratégie de
lutte aux changements climatiques. Et donc nous, on appelle à la
cohérence sur toutes les décisions gouvernementales, entre autres, sur les politiques qui sont mises en place, que ce soient
les plans de transport, les politiques énergétiques, les décisions qui seront
prises dans le futur, le plan d'aménagement durable. Tout ça doit se faire en
cohésion avec la lutte aux changements climatiques.
Donc, ça, c'est un appel très général. Et on espère voir le gouvernement,
évidemment, faire preuve de cohérence de
ce côté-là.
Énergie Est, on en parle beaucoup, mais je crois que vous connaissez très
bien notre position là-dessus. C'est un projet qui est inacceptable et qui va faire en sorte que le Québec va
manquer une occasion en or de se départir de sa dépendance aux énergies fossiles. Et donc on croit que ce
serait un signal, évidemment, extrêmement important que le Québec adopte
une position très claire là-dessus et refuse l'arrivée de ce pétrole des sables
bitumineux au Québec.
J'ouvre un dossier qu'on entend très peu parler
dans cette question climatique, qui est d'ailleurs absent du document de consultation, qui est la question
forestière. Le Québec est assis actuellement sur une bombe de carbone. Vous
avez, au Québec, les forêts les plus denses
en carbone au monde. La forêt boréale, c'est le plus gros réservoir de carbone
terrestre au monde, et on a une
responsabilité de désamorcer cette bombe-là. On a aussi une opportunité en or
pour éviter que ce carbone se libère dans l'atmosphère en protégeant
davantage nos forêts.
On a
actuellement environ 10 % de nos forêts commerciales qui est encore
vierge. Elle est surtout dans la zone boréale,
et c'est là qu'on retrouve les plus fortes densités de carbone. Et on pourrait,
bon, faire preuve de leadership en protégeant
davantage ces forêts-là, en maintenant le carbone au sol et en s'assurant
évidemment d'éviter de libérer ces grandes quantités de carbone là dans
l'atmosphère.
Donc, c'est,
selon nous, des recommandations qui sont évidemment larges mais bien
documentées, puis ça va nous faire
plaisir de vous aiguiller si vous avez des questions plus précises là-dessus.
Peut-être juste en conclusion, si tu veux
changer la «slide». Le document dont Patrick vous parlait, le rapport [R]évolution
énergétique, c'est devenu une référence
en la matière, et on croit que vous avez tout à gagner à aller consulter
vraiment spécifiquement certaines des recommandations
qui sont là, entre autres, en termes de création d'emplois, parce qu'on entend
trop souvent cette opposition entre lutte aux changements climatiques et
développement économique, alors qu'en fait d'investir dans la lutte aux changements climatiques c'est de créer l'économie
de demain, c'est de créer des emplois, c'est de saisir cette opportunité-là
tant pour le Québec, que le Canada, qu'à
l'international pour créer ces nouveaux emplois là qui sont si demandés par la
population. Donc, je vais m'arrêter là-dessus, puis ça va nous faire plaisir de
répondre à vos questions.
• (10 h 30) •
Le
Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous allons
passer à la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour M. Mainville,
M. Bonin. Bonjour. Merci pour votre présentation et votre participation à nouveau. Puis je sais que
ça ne fait pas longtemps qu'on s'est vus, mais j'apprécie que vous soyez
présents et que vous contribuiez à nos travaux à chaque fois.
Je passerais
tout de suite à votre dernier point, justement, la relation lutte contre les
changements climatiques et développement
économique. Pour nous, c'est un créneau fondamental de l'ensemble de notre
action avec le marché du carbone, le Fonds vert. On voit ça comme un
outil de positionnement stratégique pour le développement économique du Québec du XXIe siècle. Alors, première
question, là, très ouverte, là, mais, si on peut laisser de la place pour
d'autres questions aussi par la
suite, cependant, mais peut-être d'aller plus loin sur ce point-là. Vous, de
votre côté, ce que vous avez analysé,
ce que vous avez vu, de votre expérience en termes de relations qu'il y a entre
une transition vers une économie verte et le développement économique.
M. Bonin (Patrick) : Peut-être,
d'entrée de jeu, préciser qu'on pense qu'au niveau, entre autres, des modèles économiques et de ce qu'on a vu comme études ou,
du moins, les conclusions dans le document de consultation, il y a nécessité de mettre à jour ces modèles-là parce
que ce n'est pas vrai que la lutte aux changements climatiques génère, par exemple, nécessairement des baisses de PIB ou,
si c'est le cas, bien, la plupart des études au niveau international et même Citigroup — la banque est probablement un meilleur
exemple — démontrent
que l'inaction va coûter beaucoup plus cher en termes de réduction du PIB
et d'impact économique et financier.
Concrètement,
au Québec actuellement, on ne le fait pas, on n'évalue pas les externalités,
qu'on appelle. Quand on parle de
lutte aux changements climatiques, de réduction de gaz à effet de serre, il y a
également des cobénéfices qui viennent
avec ça. Quand on réduit le pétrole dans les transports, par exemple, donc, on
réduit les émissions au niveau de la mauvaise
qualité de l'air, on réduit les coûts pour la santé. Et ça, on ne le voit pas
dans les études. Et, au niveau international...
Écoutez, c'est le FMI, là, le Fonds monétaire international, qui calcule qu'à
chaque année... Et je pense que je
vais vous poser la question. Est-ce que vous savez à combien évalue le FMI les
subventions directes et indirectes aux combustibles fossiles par année?
M. Heurtel : Des trilliards, oui,
des billions.
M. Bonin (Patrick) :
5 200 milliards par année en subventions directes et indirectes,
exactement.
M. Heurtel : Billions, c'est ça.
M.
Bonin (Patrick) : Exactement. Donc, c'est majeur. Et ça, on n'en parle
pas. Mais c'est quoi, ces 5 200 milliards là? C'est des coûts
de santé pour les gouvernements, là. C'est pour les gouvernements, ce n'est pas
pour les compagnies pétrolières. C'est des
coûts de santé, c'est des coûts reliés à la mauvaise qualité de l'air, c'est
des coûts reliés à la congestion, c'est
des coûts reliés au CO2, c'est des coûts reliés aux impacts des
changements climatiques. Donc, ça, il faut maintenant les intégrer, ces
coûts-là. Premier point.
Deuxième point, évidemment, il y a des
opportunités, au niveau de la balance économique québécoise, de réduire notre consommation de pétrole. Vous avez
probablement vu... Je pense qu'ils ont présenté... Le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement
du Québec, ils ont produit une étude qu'on devrait voir davantage reproduite, même par le gouvernement, liée aux
avantages de réduire notre consommation de pétrole. En six ans, ils évaluent
que, si on réduit de 3 % notre consommation par année, c'est
20 milliards de dollars qu'on garde au Québec et qu'on n'envoie pas à l'extérieur. Et ce
20 milliards de dollars là, parce qu'on ne le donne pas à des pétrolières,
on ne l'envoie pas à l'extérieur du
Québec, on le garde dans l'économie du Québec, et ça crée
130 000 emplois. Donc, il y a énormément à faire juste à
réduire notre consommation de pétrole et à garder cet argent-là.
Par la suite, il y a évidemment tous les
investissements possibles dans les secteurs d'avenir. Quand on parle d'énergie éolienne actuellement, vous le voyez,
c'est 20 millions d'emplois qui vont se créer, supplémentaires. Ça, c'est
selon notre scénario [R]évolution énergétique. Ça, c'est d'ici 2030. Et
ce scénario-là — je
vous ramène sur l'acétate précédent — on l'a réalisé, ce scénario-là, et il est
plus juste que le scénario de l'Agence internationale de l'énergie, plus
juste que Goldman Sachs, plus juste que le département des États-Unis.
Donc, ce n'est pas un scénario qui vient de nulle part. Donc, ça, il y a des créations d'emplois,
des secteurs d'avenir — électrification des transports, transport en commun,
énergie éolienne, efficacité énergétique, géothermie — que
le Québec peut saisir des occasions et créer de l'emploi.
M.
Heurtel : Merci. Vous avez parlé... Dans votre réponse, vous avez fait
allusion au fait, puis là je paraphrase, là, mais qu'on dépend encore beaucoup trop du pétrole, sur le pétrole au
Québec. Il y a encore énormément de travail à faire pour changer les comportements, on en a parlé d'ailleurs hier avec
plusieurs groupes. Malgré le fait que plusieurs enquêtes, plusieurs études démontrent que la population québécoise est
très confortable avec l'idée de lutter contre les changements climatiques, très favorable... mais,
quand on regarde la consommation de véhicules, elle augmente. Les plus
grosses cylindrées, la consommation de véhicules à plus grosses cylindrées
augmente. D'après vous, d'après votre expérience,
vos études, vos analyses, quel genre de moyen, en termes de sensibilisation,
a-t-on à mettre en oeuvre pour justement changer cette mentalité-là,
changer ces comportements-là?
M.
Mainville (Nicolas) : Oui, si je
peux juste commencer rapidement, je pense que la question du transport en
commun est essentielle, c'est d'augmenter l'offre de transport en commun. On
est dans une situation où est-ce que d'inciter les gens à justement changer son
mode de transport a une conséquence tellement directe sur nos émissions de gaz à effet de serre.
On sait que c'est près de 40 % de nos émissions, au Québec, qui sont liées
au transport. Est-ce que d'investir
dans le transport en commun maintenant n'est pas justement la meilleure façon
de s'assurer que les gens vont avoir le goût de le prendre, ce
transport-là? On le voit, plus on augmente l'offre, plus les gens sont incités.
J'utilise le
train à chaque jour pour me rendre au travail. Ce train-là, quand j'ai commencé
à le prendre, il n'y avait pratiquement
personne dedans, et maintenant c'est bondé, les gens sont debout parce qu'ils
sont contents d'avoir cette option-là.
Donc, plus on offre la desserte en transport en commun, plus la demande va
augmenter. Puis je pense que, justement, les transitions sont comme ça,
c'est un exemple très concret, surtout pour le Québec.
Donc, évidemment,
si on parle de l'électrification des transports en commun ou de
l'électrification des transports en général, là, on parle d'un
investissement qui est effectivement extrêmement concret pour diminuer nos
émissions.
M. Heurtel : Cette réponse-là, je
l'entends très bien, mais je la vois s'appliquer davantage dans un contexte urbain. Même question, mais en région, tu sais,
où, justement, il n'y a pas la densité, où on n'a peut-être pas justement, là,
le même genre de rapport avec la voiture ou les moyens de transport. Quelles
seraient vos suggestions là-dessus?
M. Bonin
(Patrick) : Bien, si on parle d'éducation, là, qui s'applique en
urbain, pas urbain, là, c'est certain que c'est majeur comme importance, il faut que ce soit dans les curriculums
scolaires. Il faut que les curriculums scolaires soient même pensés en fonction de cette nouvelle réalité là. On ne peut
plus former des ingénieurs qui ne considèrent pas les changements
climatiques. Ça, c'est formel.
Si on regarde
au niveau informel, il y a une panoplie d'autres campagnes qui peuvent être
faites, rejoindre les gens. Mais
l'éducation, ce n'est pas tout non plus, là. Dans les cours de conduite, on
peut forcer à avoir des cours, justement, juste sur la manière de conduire qui peut améliorer près de 50 %
votre consommation d'essence. Quand on parle de réduire, il y a plusieurs moyens de réduire. Ce n'est pas
un moyen, mais évidemment il faut prioriser là-dedans. Ça, c'est clair.
Si vous
parlez aussi de coercition, par exemple, parce que l'éducation, c'est une
chose, mais, si on ne met pas de bonus-malus au Québec ou on récompense
les gens qui s'achètent des véhicules écoénergétiques et on met une taxe à l'achat, par exemple, de véhicules neufs qui
coûtent 30 000 $, bien, les gens, s'ils choisissent des gros
véhicules, bien, il va falloir qu'ils
paient parce qu'il faut mettre des limites à un moment donné aussi. Et ça, vous
êtes obligés de le faire parce que,
sinon, on n'y arrivera pas. Si on n'avait pas de limite sur l'autoroute, les
gens rouleraient tous beaucoup plus que
100 kilomètres-heure. C'est une raison sociale, on se donne des règles de
société. Le gouvernement doit les dicter, ces règles-là.
Il faut
mettre de l'incitation, comme Nicolas mentionnait. Donc, éducation, oui, des
limites, oui, mais aussi de l'incitation,
par exemple, en finançant massivement les transports en commun, finançant
massivement l'électrification des transports pour faciliter ce
transfert-là.
M. Heurtel : Merci. Je vais céder la
parole, M. le Président.
Le Président (M. Reid) : Oui,
M. le député de Mégantic.
• (10 h 40) •
M.
Bolduc : Merci, M. le Président. Écoutez, je voudrais faire quelques, je dirais, remarques
sur l'ensemble de votre
débat. Et j'espère qu'on va avoir le temps d'échanger, mais je vais faire ces
remarques-là en rafale pour juste m'assurer qu'on se comprend bien.
La première,
c'est vos forêts, de garder des forêts vierges. Vous savez que des forêts
vierges, c'est en équilibre de carbone. Les arbres qui meurent, poussent,
compensent. Au Québec, on a 750 000
kilomètres carrés de forêt. La croissance d'une forêt en développement
est de 200 tonnes au kilomètre carré, là. Donc, ça représente 15 millions
de tonnes de séquestration de carbone par
année au Québec quand les forêts sont en croissance. Pas des forêts matures.
Une forêt mature est en équilibre
avec son environnement. Je veux juste que vous reteniez ça parce que, si on a
la chance d'en parler, on en parlera.
La deuxième
chose, c'est que vous préconisez la croissance explosive de l'énergie solaire
et éolienne. Ce que ça implique indirectement, c'est le développement
d'une industrie à très forte croissance à court terme, ce qui va nous demander
encore beaucoup, beaucoup plus d'énergie pour produire ces équipements-là pour
pouvoir les substituer au système. Je ne sais pas si vous réalisez. Donc, on doit faire une croissance économique énorme pour produire les cellules photoélectriques et les équipements solaires, tous
les panneaux éoliens, etc., là. Je veux juste que vous regardiez qu'à court
terme vous générez une pointe énergétique
pour pouvoir se dégager. Je ne suis pas contre la vertu, là, ce n'est pas ça
que je veux dire, mais je veux que
vous commentiez ce genre d'affaires là parce
que moi, je vois une problématique très, très difficile.
Le troisième
élément sur lequel je voudrais qu'on discute puis qu'on considère, c'est que,
typiquement, juste pour la production
automobile, soit électrique, à gaz ou tout ça, au propane ou n'importe quelle
façon de le faire, admettons qu'ils
sont 100 % écoénergétiques, ça
nous prend actuellement 500 000 barils de pétrole par jour juste pour
produire le plastique qu'on a besoin pour bâtir les autos qui se vendent
actuellement dans le monde. Globalement, là, on parle de 5 à 10 millions de barils de pétrole par jour
qui sert à produire tous les plastiques de la terre. On n'en parle pas, de ça
non plus.
Encore là, si
on veut alléger, ralentir, simplifier, on a besoin de cette chimie des
plastiques là, O.K., puis vous nous recommandez
de réduire à zéro les hydrocarbures. Mais cette partie-là, personne ne l'a
adressée, là. Puis je veux juste que
vous entendiez ce que je dis. C'est trois grands vecteurs sur lesquels on n'a
pas du tout parlé puis, pour moi, qui
ont une incidence fondamentale parce que, oui, on veut sortir du pétrole, mais
on va consommer du pétrole à court terme
pour pouvoir se dégager de ce pétrole-là. Puis c'est là que les gens disent...
Entre autres, vous dites qu'on est en contradiction. Mais on a besoin de cette
énergie-là pour produire des équipements qui vont nous éviter de la
consommation des hydrocarbures plus tard. Vous entendez ce que je dis,
là, O.K.? Donc, je voudrais vous entendre sur ces grands éléments là, juste
pour qu'on puisse informer notre population là-dessus.
Le Président (M. Reid) : Ça
va?
M. Mainville (Nicolas) : Oui, vas-y,
commence. Je vais prendre la forêt après.
M. Bonin
(Patrick) : O.K. Essentiellement, si je comprends bien, vous parlez de
ce qu'on appelle l'analyse du cycle
de vie, donc la production des biens, dans quelle mesure elle émet des gaz à
effet de serre et son utilisation par la suite, au cours de la vie.
Quand on regarde à la fin et quand on le recycle, bien, c'est quoi, le bilan.
Bien,
là-dessus, c'est très, très clair qu'au niveau de la production de panneaux
solaires, au niveau de l'éolien, au
niveau de la géothermie, bien, la production, c'est une infime émission de gaz
à effet de serre comparativement à tout ce qui va être sauvé par la
suite par rapport à des centrales au charbon, des centrales au gaz naturel.
Donc, oui,
vous avez raison qu'il y a une certaine nécessité d'énergie pour produire,
mais, si on prend le cas du Québec, qui, actuellement, est presque à
100 % énergie renouvelable au niveau de la production d'électricité, bien,
lorsqu'on produit des biens au Québec, bien, on n'émet presque pas de gaz à
effet de serre s'ils sont produits à partir d'électricité
parce qu'on est déjà à 100 % ou presque énergie renouvelable. Il y a un
petit peu d'émission avec les barrages, mais c'est très faible, ça fait
longtemps qu'ils ont été mis en place.
Donc, quand
vous regardez sur l'ensemble du portrait, là, ce n'est pas vrai que ça produit
autant de gaz à effet de serre de
produire des panneaux photovoltaïques au solaire ou de faire des éoliennes. Et
vous allez avoir, je crois, le CIRAIG qui
va venir présenter ici, qui est spécialisé justement dans les cycles de vie.
Ils vont pouvoir vous présenter toutes les études. Et toutes les études s'en vont dans ce sens-là, et c'est très,
très clair. Donc, il y a un gain majeur à produire et à changer les
systèmes de production d'électricité au niveau mondial.
Au niveau de
la consommation de pétrole dans les autres biens que ce qui est utilisé pour
être brûlé, plastique et autre, là,
donc, écoutez, il faudrait que j'aie le chiffre exact, là, mais je suis certain
que c'est moins de 5 % de la consommation du pétrole, actuellement
aux États-Unis, qui est dans autre chose que brûler quand vous regardez ça. Donc, je vous invite à regarder c'est quoi, les
chiffres pour le Québec. Je suis certain que c'est moins de 5 % de ce qui
est vraiment utilisé comme pétrole qui s'en va dans des produits. Est-ce que
c'est majeur en termes d'émission de gaz à
effet de serre? Ce n'est rien comparativement au transport, mais il faut en
effet se poser la question : Qu'est-ce qu'on va faire dans cette
transition-là?
Et là-dedans
il y a déjà des solutions qui arrivent, il y a déjà des bioraffineries qui sont
en place, il y a déjà des bioplastiques
qui sont formés. Donc, il y a déjà des solutions qui émergent, mais,
ultimement, ce n'est pas là, le problème. Donc, cet argument-là, qu'on entend : Si on n'a plus de pétrole, on
va mourir, premièrement, on n'est pas en train de dire qu'on n'a plus de pétrole demain. Ce qu'on dit,
c'est qu'il faut arriver en 2050 à zéro pétrole et il faut travailler pour
enlever les plus gros morceaux le plus rapidement possible.
M. Mainville
(Nicolas) : Sur la question
forestière, un élément intéressant,
c'est que, bon, si on regarde la forêt commerciale,
il y a 90 % du territoire qui a
déjà été coupé ou fragmenté. Donc, on a déjà de l'exploitation forestière un peu partout, ce qui nous permet de remplacer, par
exemple, certains matériaux beaucoup plus polluants, comme le béton ou l'acier, en utilisant le bois. D'ailleurs, il y
a déjà des bonnes mesures en assurant qu'on peut construire des bâtiments
de plus en plus hauts avec du bois, ce qui
est une très bonne mesure. Par contre, ça dépend d'où vient ce bois-là. Et le
bois qui est maintenant accoté sur la
limite nordique... ces dernières zones encore vierges là ont non seulement des
plus fortes densités en carbone, mais
on sait que, selon les analyses scientifiques, même, faites par le ministère,
que d'aller exploiter ces forêts-là
risque d'hypothéquer la productivité de la forêt. On est rendus trop au nord
pour s'assurer que la forêt va se régénérer
comme il faut et s'assurer qu'effectivement on est en train de faire un
aménagement durable de cette forêt-là.
Nous, ce
qu'on dit, c'est que ces forêts-là sont tellement denses en carbone qu'on
gagnerait beaucoup plus à les protéger,
le dernier 10 %, protéger ce secteur-là, maintenir le carbone dans les
sols, et ça, même s'il y a des feux de forêt. On s'entend, là, la différence entre un feu de forêt qui passe dans ces
forêts vierges là ou d'arriver avec des multifonctionnels, construire des chemins et d'exploiter la forêt, la
libération de carbone est tellement minime lorsqu'on laisse les cycles naturels en place comparativement à une
intervention industrielle qu'on aurait une opportunité en or non seulement d'un
point de vue climatique, mais aussi d'un
point de vue biodiversité. Et donc, là, on lutte avec les deux grands dossiers
en même temps : protéger ces
secteurs-là maintiendrait ce carbone-là en place et, en plus, doterait le
Québec du réseau d'aires protégées
qu'il s'est engagé à avoir, d'ailleurs, pour cette année, pour 2015, avec notre
12 % d'aires protégées comme cible.
Donc, ça, ça
ne veut pas dire d'arrêter de couper la forêt. C'est de dire qu'il y a des
secteurs qui sont trop riches en
carbone, qu'on devrait laisser sur place et s'assurer d'atteindre d'autres
cibles, dont la question de la biodiversité. Et, dans le reste du Québec, là, on peut faire notre exploitation
industrielle de façon intelligente et... de créer nos matériaux comme on
les veut pour, justement, remplacer le béton et l'acier.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, nous passons maintenant à l'opposition officielle. M. le député
de Terrebonne.
M. Traversy :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Bonin et M. Mainville, pour
votre présentation.
Alors, wow! Vous êtes, je
vous dirais, pour l'instant, le groupe le plus ambitieux, le plus audacieux, le
plus courageux, peut-être, dépendamment des
points de vue ou des perceptions, mais j'avoue que j'ai été surpris de voir les
objectifs que vous suggérez au gouvernement.
C'est important, j'aimerais les rappeler : 50 % d'ici 2030 de
réduction de gaz à effet de serre,
100 % pour 2050. Donc, vous êtes, disons, sur l'échelle, ceux qui vont le
plus loin. J'aimerais, au-delà des
chiffres, là, que vous nous expliquiez un peu qu'est-ce qui fait que vous
pensez que le Québec a toutes les capacités de réussir un tel objectif et pourquoi, dans le fond, on devrait
peut-être être le chef de file en la matière au niveau mondial puis au
Canada, évidemment.
M.
Mainville (Nicolas) :
Peut-être juste pour ouvrir, c'est sûr qu'on aimerait ça être ici aujourd'hui
en vous disant : Votre cible est
idéale, le travail va être accompli numéro un, allons passer à l'action, mais
on est quand même confrontés à une
réalité scientifique, et je pense que c'est là notre devoir, en tant que
groupe, de vous rappeler ce que la science dit. Et la distance entre la politique et la science doit se rapetisser de
plus en plus compte tenu de l'urgence climatique. Et c'est notre rôle aujourd'hui de vous rappeler
cette réalité-là, mais je vais laisser Patrick répondre. C'était une
introduction.
M. Bonin (Patrick) : Écoutez, c'est
sûr que... On l'a déjà dit, ça fait longtemps, là, revenez aux années 2000.
Qu'est-ce qu'on disait? Il faut lutter contre les changements climatiques,
c'est sérieux. Il faut réduire rapidement nos émissions
de gaz à effet de serre. Qu'est-ce que disaient les chambres de commerce? Non,
non, on ne veut pas bouger, on ne veut pas bouger. On va ruiner
l'économie. Qu'est-ce que vous allez entendre comme discours des chambres de
commerce? C'est qu'il va falloir en faire moins parce que, sinon, on va se
ruiner, et ça va être la catastrophe.
La science,
elle est là. Ce dont on parle, c'est la science. Après ça, si on veut faire un
compromis sur la science, bien, c'est
parce que l'objectif de 2 °C, on n'est pas sérieux. Donc, nous, on vous
présente la science. Comment y arriver? Évidemment que c'est extrêmement difficile. Évidemment que c'est un défi
énorme pour le Québec. Même ce que vous avez proposé, le 37,5 %, est également ambitieux. Par contre, la
Californie est à moins 40 % également. Donc, l'Europe est à minimum moins 40 %, la Suisse est à
moins 50 %. Et, on le sait tous, là, on s'en va vers un réchauffement de
2,7 °C. Ça veut dire que tous
les pays à travers la planète vont devoir augmenter leurs ambitions, aller plus
loin parce que ce n'est pas assez. Et
c'est ce pourquoi, entre autres, Greenpeace Europe a dit à l'Europe :
Bien, écoutez, votre moins 40 % minimum, bien, ce n'est pas encore
assez ambitieux. Il va falloir aller plus loin. Donc, ça, c'est la science.
• (10 h 50) •
Après ça,
quelles sont les opportunités pour le Québec? Au-delà du discours catastrophiste qu'on va entendre dans
les chambres de commerce, quelles sont les opportunités? On parlait au niveau
de la santé, mais parlez au niveau de l'aménagement,
parlez au niveau également du
développement des filières majeures. On a Hydro-Québec au Québec. On a
la STM qui a été reconnue meilleure société de transport en Amérique du Nord.
On a des Bombardier. On a des éléments déjà
en place pour tabler là-dessus et évaluer également les coûts-bénéfices autant
économiques, autant en gains au
niveau de santé, qualité de l'air, et on parle quand même de milliards de
dollars, là. C'est 2 milliards minimum par année, ce que ça coûte en frais de santé, ce qu'on sort de notre poche,
les Québécois, pour les coûts reliés à la mauvaise qualité de l'air.
Donc, c'est
sûr que, si on ne met pas tout dans l'équation, bien, on n'arrivera pas à la
bonne réponse. Mais, au-delà de ça,
quelle est la réalité? Qu'est-ce qu'on doit viser? C'est ce qu'on doit viser
comme réduction de gaz à effet de serre. Donc, ça va nous faire plaisir, si vous êtes prêts à faire des forums
annuels ou autres pour qu'on discute des solutions au Québec, pour
qu'on...
Et le
Danemark l'a fait. Ils ont mis leurs ingénieurs à l'intérieur, dans une pièce,
une fin de... bon, c'était plus qu'une fin
de semaine, et ils ont dit : Arrivez... Idéalement, là, mais arrivez avec
des solutions pour nous sortir du pétrole, pour arriver justement à
réduire et à être, en 2050, là où on doit l'être. Ça nous prend ce genre de
vision là pour le Québec. Une fois que cette
cible-là sera établie... parce qu'on sait que ce n'est que le début et on sait
qu'il va probablement falloir, si
vous allez surtout pour ce 37,5 %-là... Déjà, vous allez en bas de la
Californie, ce qui est complètement injustifiable, là. On ne comprend même pas pourquoi c'est ce qui a
été proposé actuellement, mais, si vous ne visez pas le 50 % qu'on
doit viser, il va falloir l'augmenter, votre cible.
Donc, ça prend des chantiers majeurs. Et ça ne
se passera pas dans une commission parlementaire, ici, là, convoquée une semaine d'avance, où on va vous
présenter toutes les solutions toutes cuites dans le bec pour le gouvernement.
Idéalement, oui, ça va nous faire plaisir de contribuer, d'aider à travailler
avec nous et de faire en sorte que la société change,
mais donnons-nous les bonnes cibles et donnons-nous aussi... parce que, sinon,
on ne se donne pas la réalité, on ne se dit pas les vraies choses.
M.
Traversy : Merci beaucoup, M. Bonin, M. Mainville. En fait, là,
ce que je comprends, vous tracez, dans le fond, le portrait très scientifique, très rigoureux de l'état de la
situation. Et, dans le fond, je voulais, d'entrée de jeu, vous donner la chance de vous exprimer de nouveau parce
qu'à tous ceux qui peuvent penser qu'une telle cible est inatteignable ou est irréaliste vous démontrez, de par votre
intervention et votre présentation, toute la crédibilité de votre démarche,
et je trouvais ça important de le faire vu votre motivation.
J'aimerais
aussi que vous me parliez de votre proposition qui consiste à adopter une loi
sur la responsabilité en matière de
changements climatiques. Je voulais que vous puissiez un peu mieux m'éclairer
sur cette recommandation pour voir si cette loi sur la responsabilité en
matière de changements climatiques aurait un impact sur l'ensemble de nos politiques au Québec. Vous avez parlé
d'aménagement du territoire, vous avez parlé du transport, vous avez parlé de
nos politiques énergétiques. Je
voulais voir un peu comment vous voyez cette loi sur la responsabilité en
matière de changements climatiques dans son point de vue large.
M.
Bonin (Patrick) : Écoutez, c'est un élément essentiel pour le Québec
d'avoir ce type de loi là qui permet qu'on s'assure d'atteindre nos
objectifs. Et, encore une fois, là, on a l'air d'arriver avec notre moins
50 %, là, comme étant probablement des
hurluberlus pour certains, là, mais le Québec s'est quand même fixé comme
objectif moins 80 % à moins 95 %
d'ici 2050, là. Ça fait que, quand on est à zéro ou à 100 % énergies
renouvelables en 2050, on n'est même pas loin de ce que le Québec s'est fixé lui-même comme objectif. Donc, il faut
regarder cette trajectoire-là. Et ce n'est pas pour rien que le Québec s'est fixé ça comme objectif,
hein? C'est parce que, entre autres, le Groupe intergouvernemental des experts sur l'évolution du climat, le GIEC, a dit
qu'il fallait ça en 2050. Ça, il l'a dit en 2007. Et là l'état de la science a
beaucoup évolué depuis 2007, et ce qu'on
sait maintenant, c'est que 2 °C, c'est risqué, il faut viser en dessous de
2 °C. Premier point.
Évidemment,
au niveau de la cohérence et cette loi-là, bien, cette loi-là, elle permet de
s'assurer qu'on a des plans qui sont produits, que ces plans-là sont
évalués de manière régulière, idéalement annuelle, où on a une tendance des émissions. Et ça nous permet d'avoir le portrait
parce que la technologie va évoluer rapidement, l'état des connaissances
de la science va évoluer rapidement, et ça
permet de s'assurer qu'on n'a pas d'arbitraire dans la reddition de comptes au
niveau du gouvernement, qu'on ne subit pas
les jeux politiques potentiels, les changements de gouvernement, comme on a vu, par exemple, avec un gouvernement
minoritaire du PQ qui nous ont promis une cible de moins 25 % mais qui
ne sont pas arrivés avec aucun plan et que,
finalement, on n'a pas été avancés après un an et demi, même qu'on a reculé
parce qu'ils se sont cachés derrière une
cible et... bien, vous vous êtes cachés. Je ne sais pas si vous étiez là à
l'époque, là, mais c'est le PQ. Mais
malheureusement on a piétiné. Et donc il faut qu'on s'assure que, de manière
régulière, annuelle, on ait cette reddition de comptes là. Et c'est ce
pourquoi ce type de loi là est proposé, entre autres.
M.
Mainville (Nicolas) : Peut-être
juste pour complémenter, ce qu'on apporte aussi, c'est l'importance de... On
ne veut pas que les cibles qui sont si loin,
en 2030... C'est difficile de penser comment
qu'on va être en 2030, mais c'est important de ne pas se cacher derrière ces cibles-là, de
faire une espèce d'écran de fumée. Nous, ce qui nous inquiète, c'est l'importance de passer à l'action maintenant,
O.K., puis de prendre des décisions maintenant. Ce genre de loi là peut justement
encadrer les décisions dans l'avenir. On parlait tout à l'heure des exemples
d'Anticosti, de Port-Daniel, d'Énergie
Est, d'Enbridge. Ça, pour nous, c'est incohérent et c'est ce genre de décision
là qui devrait être évitée à l'avenir.
Maintenant,
on vous propose aussi des cibles intermédiaires : 2025, moins 35 %; 2030, moins 50 %; 2050, moins
100 %. Et, pour nous, ça, c'est
extrêmement important qu'à chaque année on suive l'évolution parce qu'on l'a vu
pour 2018‑2012, hein, on n'a pas
progressé suffisamment rapidement pour atteindre nos cibles dans le cadre de
Kyoto, et ça, c'est le genre d'échec qu'on ne peut plus se permettre. Dans la
situation actuelle, au point de vue mondial, au point de vue climatique, on connaît l'urgence de la
situation. Donc, c'est dans ce cadre-là que s'insèrent nos recommandations.
M. Traversy : Merci beaucoup.
Donc, je vois toute la passion qui vous anime dans...
Le Président (M. Reid) : Il
vous reste quelques secondes.
M.
Traversy : Quoi? Déjà?
Bon, bien, je vais transmettre vos messages à qui de droit et je vous remercie
de toutes ces recommandations que vous nous avez faites aujourd'hui dans
le cadre de votre mémoire. C'est très intéressant.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Nous passons au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Merci, MM. Mainville et Bovin, de... c'est ça,
Bonin, d'être ici avec nous aujourd'hui.
Alors, vous
savez, en fait, vous avez présenté ça, cet acétate-là tantôt, sur votre cible
pour se rendre à moins 100 %
en 2050. On va en discuter de ça parce qu'il
y a un concept aussi de dire : On part d'où? Admettons, là, je comprends
que vous partez de 2020 parce qu'on a
déjà une cible de moins 20 % pour 2020. Mais là on fait l'extrapolation.
Moi, j'ai fait une petite
modification. Admettons, j'ai mis la courbe que le gouvernement s'est fixée
pour arriver à 80 % à 95 %, puis là je regarde en 2030 puis, tu sais, je me dis : Bon, c'est peut-être
moins 42 %, 43 %. Tu sais, ce n'est peut-être pas moins 50 %. Si
on veut être en lien avec les objectifs qu'on s'est fixés, vous l'avez dit, le
GIEC, c'est moins 80 % à moins 95 %, ce n'est pas moins
100 %, là. Donc, on reviendra pourquoi vous fixez le moins 100 %.
Mais, en même temps, il faut juste mentionner,
présentement, le Québec, où est-ce qu'on se situe à l'heure actuelle ou... Si on prend entre 2012 puis 2020,
là, c'est 10 mégatonnes qu'on doit réduire, là, tu sais, pour s'en aller à
la cible de moins 20 %, ce qui
nous amènerait à un niveau de 67,8 mégatonnes. Puis là ensuite, de 2020 à
2030, si on regarde la cible du
gouvernement, d'arriver à moins 37,5 %, bien, c'est un autre 14 ou
15 mégatonnes qu'on doit réduire pour s'en aller à 52,9 %. Mais, quand qu'on regarde... Vous, vous dites que
vous voulez faire moins 50 % pour 2030. Ça, ça veut dire que c'est
un effort supplémentaire d'un autre 15 mégatonnes, là, tu sais, mais il y
a un coût à ça, tu sais.
Ça fait que
vous, là, est-ce que vous pensez que c'est réaliste, un? C'est quoi, le coût?
Est-ce que vous avez évalué? Puis
après ça il est-u nécessaire d'ajuster notre plan d'action dès maintenant pour
2020, tu sais, pour justement atteindre la cible que vous proposez en
2030 puis même en 2050? J'ai vu que vous avez ajouté, même, une cible
intermédiaire de 2025, là, mais, bon, peut-être, on peut discuter de cet
aspect-là.
M. Bonin
(Patrick) : Sur la cible de
2025, c'est une demande au niveau international. Elle est très importante parce que, on le sait, quand on se fixe des cibles
trop loin comme ça, on risque de partir sur une... en fait, sur l'idée que
c'est très, très loin, on ne l'atteindra
pas, alors que 2025, si on n'est pas en voie de l'atteindre déjà... Et surtout,
déjà, on peut
rectifier le tir. Et surtout on pense que les cibles vont être fixées, et elles
sont fixées actuellement, elles ne sont pas assez ambitieuses. Ça fait qu'il va falloir augmenter l'ambition des
cibles, et, si on met ça dans 15 ans, c'est trop loin. On parle de 46,7 %,
là, exactement. Cette ligne droite que vous avez là, là, elle est à
46,7 %. Je n'ai pas fait le calcul pour le moins 95 %, mais
j'imagine qu'il ne doit pas être loin de ce 46,7 % là de réduction en
2030.
Pourquoi
on dit moins 50 % au lieu de moins 46,7 %? Parce qu'on sait que les
réductions... pour mettre toutes les
chances de notre côté, le gros des réductions doit être fait dans la première
moitié, d'ici 2050, du temps qu'il nous reste. Donc, c'est cette logique-là. Et on sait que plus on attend pour faire
des réductions, il y a plusieurs études qui le démontrent, plus ça va coûter cher, plus ça risque de coûter
cher en termes de mesures à implanter, en termes de problèmes aussi au niveau de l'économie qu'on a actuellement
structurée. Si vous mettez un projet de pipeline en place, par exemple, et,
dans 15 ans, vous vous rendez
compte — ou une
cimenterie — qu'elle
ne peut plus produire, eh bien, il y aura des coûts à fermer cette
cimenterie-là, il y aura des coûts pour le gouvernement, probablement.
Ça
fait qu'on voit actuellement davantage l'intérêt, et c'est pour ça qu'on
dit : Il faut calculer les coûts-bénéfices, là. La Commission
mondiale sur l'économie et le climat, elle dit, et je la cite, là, que la
plupart des mesures, bien, les bénéfices
sont plus grands que les coûts. Et actuellement on ne voit pas le calcul au
niveau des coûts-bénéfices qui sont faits, là, actuellement dans
l'évaluation. On pense que le Québec a tout à gagner d'en faire davantage en
termes de coûts-bénéfices versus, entre autres, acheter des crédits à
l'étranger.
• (11 heures) •
M.
Lemay : Donc, si je me fie à votre énoncé, de dire : On doit
faire la majorité des efforts dès maintenant et non attendre, dans le fond, ce que vous êtes en train
de dire, c'est qu'il faudrait quasiment réviser notre cible de moins 20 % pour 2020 puis d'avoir une cible
plus ambitieuse dès 2020. C'est ce que vous êtes en train de mentionner.
M.
Bonin (Patrick) : Oui. Et c'est ce qu'on a prôné, là. Le moins
80 % à moins 95 %, c'est le GIEC. Le GIEC, ce qu'il disait, c'était moins 25 % à moins
40 % en 2020. Le Québec a choisi moins 20 %. Le PQ est arrivé avec
moins 25 %. C'était pour ça, entre autres, là. C'était le minimum
qu'on devait faire, selon le GIEC, en 2020.
Donc, est-ce que, déjà, on doit bonifier cette
cible-là pour 2020, dans cinq ans? Je pense qu'on devrait s'assurer de l'atteindre déjà, de s'assurer de bonifier le
plan d'action 2013‑2020 qui a été présenté et dans lequel il était clairement
explicite que c'est la phase I, qu'une phase
II viendra. Et on attend cette phase II là et on est prêts à collaborer avec le
gouvernement, avec tout le monde, pour
qu'elle arrive, cette phase II là, parce qu'actuellement les émissions ont
augmenté entre 2012 et 2013 au Québec. Il y a des projets sur la table,
extrêmement polluants, on ne voit pas le virage dans les transports au niveau
de la réduction des émissions et on sait que le problème est là.
M.
Lemay : Mais génial! Nous aussi, on attend bien la phase II, là.
C'était fin de décembre 2015, théoriquement. C'est ce qui était
indiqué dans le document. Merci beaucoup pour vos réponses. Allez-y.
M. Mainville (Nicolas) : Juste une petite chose. Moi, je vous invite à
changer même la façon que vous voyez les choses. On ne parle pas de coût. Ce n'est pas un coût que d'investir
pour lutter contre les changements climatiques, c'est vraiment un investissement. C'est l'inaction qui
nous coûte. Ce n'est pas de changer la structure, changer notre économie
qui est un coût, c'est de ne rien faire pour
éviter le changement climatique qui est vraiment la problématique à laquelle
on se confronte actuellement. Il faut
changer nos mentalités puis voir ça comme une opportunité pour le Québec et non
pas comme un fardeau qui va faire en sorte
que l'économie va avoir de la misère, là. C'est un peu ce qu'on vous appelle à
faire aujourd'hui. Cette cible-là, elle est
ambitieuse, elle est réaliste et elle est une opportunité pour le Québec.
Voyez-le comme ça.
M. Lemay :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Reid) : Alors, merci, merci beaucoup pour la contribution à nos
travaux.
Je
voudrais prendre quelques instants, s'il vous plaît, avant de lever... parce
que je voudrais partager avec vous le fait que notre vice-président de
commission, Pascal Bérubé, sa mère est décédée durant la nuit, hier, et je
voudrais avoir votre consentement pour lui
envoyer un mot de la part de la commission pour lui envoyer nos condoléances.
Il y a consentement, tout le monde?
Des voix :
Consentement.
Le Président (M.
Reid) : D'accord. Alors, je lève la séance pendant quelques
instants, le temps de permettre à nos prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 11
h 3)
(Reprise à 11 h 5)
Le
Président (M. Reid) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités de
l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Vous
avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons une
période d'échange. Je vous demanderais de vous présenter et la personne qui
vous accompagne pour les fins de l'enregistrement. Vous avez la parole.
Association
québécoise de lutte contre la
pollution atmosphérique (AQLPA)
M. Brunel
(Alain) : Donc, bonjour, je
suis Alain Brunel, directeur climat-énergie de l'Association québécoise
de lutte contre la pollution atmosphérique,
l'AQLPA. Je suis accompagné de notre spécialiste pollution automobile et
parc automobile, s'il y avait des questions sur cette question-là, sur ce
thème-là, ultérieurement.
Une voix : ...
M. Brunel
(Alain) : Claude McDonnell,
excusez-moi, oui. En préambule, je voudrais simplement d'abord solliciter votre
indulgence, hein, pour le... il y a quelques coquilles, là. Quand je me suis
relu... On a eu un avis d'une semaine, là, pour présenter un document sur un sujet quand même très complexe, comme
vous avez pu le voir. Alors, on va essayer de vous résumer ça rapidement. Et puis, éventuellement, s'il y a des
questions complémentaires, évidemment, on sera à même d'y répondre.
Je voudrais simplement d'ailleurs, d'entrée de
jeu, souligner l'urgence de la situation climatique puisque les dernières nouvelles ne sont pas bonnes sur le
front du climat, notamment en ce qui concerne la fonte des calottes glacières
et les impacts sur les océans Pacifique,
Atlantique nord-est. Vous avez une petite carte, là, qui montre le
réchauffement, l'écart, la moyenne du
réchauffement terre-mer, une carte de la NOAA, l'administration américaine, qui
montre que toute la planète se
réchauffe — je fais
référence ici à la page 14. Toute la planète se réchauffe. Toute? Non. Il y a
un petit village gaulois qui résiste
encore ici, apparemment un des seuls endroits sur Terre qui ne s'est pas réchauffé
depuis le début de l'année en
moyenne, c'est le Québec et aussi une zone de l'Atlantique nord-est qui a, au
contraire, connu un record de froid.
Et ça, ce serait précisément en raison des fontes massives de la calotte
glaciaire du Groenland. Et donc c'est vous dire que la situation climatique se dégrade beaucoup plus rapidement que
prévu. Donc, les mesures à prendre sont également importantes, je
dirais, à accélérer.
Alors,
considérant cette urgence climatique, il est évident que l'AQLPA privilégie la
cible de moins 40 % sur celle de
37,5 %, même si on reconnaît que celle de 37,5 % est en ligne, je
dirais, avec la cible de 2050 de moins 80 % à 95 %. Ceci dit, il est préférable, comme mon collègue
Patrick Bonin l'a dit, de réduire le plus rapidement possible tout ce qu'on
peut réduire, et donc il vaut mieux
accentuer la pente avant 2030 qu'après. Et c'est la raison pour laquelle on
privilégie la cible de moins 40 %.
Alors, le Québec devrait-il se doter de cibles
ou d'objectifs particuliers? Évidemment, notamment en ce qui concerne la
diminution de la consommation d'essence, qui serait un objectif très important.
Il y aurait des économies importantes à
faire pour l'ensemble de la population du Québec, de 2 000 $ à
4 000 $ annuellement pour chaque foyer québécois, selon l'étude du Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec. D'ailleurs, cet objectif, ça, c'est une réduction
qui résulterait simplement de 12 % de réduction de la consommation de
pétrole d'ici 2020, hein, donc c'est sur six ans. Ça semble
relativement, je dirais, modeste puisqu'on sait que simplement un meilleur entretien des véhicules et des
changements d'habitude de conduite tout simples, comme de vérifier la pression
des pneus ou de moins peser sur l'accélérateur et de respecter les limites de
vitesse, entraînent des réductions de consommation facilement de l'ordre de
15 % à 20 %.
D'autre part,
il conviendrait également de faire attention bien sûr au pouvoir d'achat des
gens. Les plus riches ont évidemment
plus de moyens pour assumer, je dirais, cette réduction de la consommation et
pour payer cette réduction.
• (11 h 10) •
Par ailleurs,
il ne faudrait pas oublier, dans les cibles de réduction de consommation de
l'essence et de charbon, non plus le gaz naturel puisqu'on a montré également,
dans notre mémoire, que le potentiel de réchauffement planétaire du méthane est actuellement fortement sous-évalué
sur l'horizon de 20 ans. Et donc prétendre
que convertir, par exemple, une
combustion au mazout à une combustion au gaz naturel représente un gain
environnemental pour le climat, c'est, je dirais, pour le moins questionnable, sinon douteux. Cela dépend essentiellement des émissions fugitives du procédé en question. Mais, si on
calcule sur 20 ans, il est probable que le gain pour le climat soit nul.
Enfin, dans
les différents secteurs de l'économie québécoise, quelles initiatives devraient être mises en
oeuvre? On vous en a listé toute une
série qui concernent beaucoup le secteur des transports, bien sûr,
puisque le transport correspond à
45 % des émissions de gaz à
effet de serre du Québec,
donc c'est presque la moitié. Alors, amélioration de l'offre de transport
en commun, très important, bien sûr. Il semble qu'il n'y ait pas de Fonds vert
supplémentaire qui soit, pour l'instant,
d'après, en tout cas, l'analyse de l'Alliance Transit, versé à de nouveaux
projets de transport en commun. Ça déplacerait
des sommes qui étaient déjà affectées au transport en commun. Alors, je passe
sur le fait qu'effectivement en termes de transport en commun, je
dirais, interurbain au Québec on est un peu encore à l'âge de pierre puisqu'on se déplace encore en autobus entre Montréal et
Québec, c'est encore ce qu'il y a de plus rapide, ou même en voiture, c'est
encore ce qu'il y a de plus rapide, 40 ans
après l'invention des TGV et 50 ans après les Shinkansen japonais. Donc, il y a
quand même peut-être des choses à investir de ce côté-là.
En ce qui
concerne maintenant les automobiles, il est évident que l'instauration d'un
programme d'inspection et d'entretien
obligatoire des véhicules automobiles serait un plus non seulement pour la
réduction des gaz à effet de serre, même
si c'est moins important que la réduction des contaminants, mais la réduction
indirecte aussi des pannes de véhicules, et on avantage également en termes de sécurité routière. C'est quelque
chose qui est bien étudié, et le Québec a trop tardé à mettre ça en place. Ça fait des années que
l'AQLPA réclame ça. Il y aurait, sur les routes du Québec, selon les cliniques
d'inspection que l'AQLPA avait réalisées il
y a quelques années, quelque 26 % des véhicules de plus de cinq ans — c'est-à-dire plus de 700 000 véhicules — et un tiers des véhicules de plus de 10
ans — soit
quelque 360 000 véhicules — qui présentent une défectuosité de leur système antipollution.
Donc là, il y a des gains énormes à faire. L'électrification des transports
est évidemment, je dirais, un «must». Il
faut qu'on poursuive dans cette voie-là. Il n'y a pas de pollution non
seulement de l'air, mais il n'y a pas
de pollution du bruit non plus. Et la pollution du bruit est quelque chose qui
est quand même sous-estimée en général au Québec.
Système
de bonus-malus, on a un changement de comportement quasi immédiat. Ça a été
démontré là où ça a été mis en place.
Un bonus sur les véhicules écoénergétiques, un malus sur les véhicules qui
dépensent trop énergétiquement, ou
qui consomment trop, ou qui émettent trop de gaz à effet de serre, c'est
extrêmement efficace. Je vous rappelle que, là, la baisse du prix du pétrole a enclenché quasi immédiatement une
hausse de la consommation d'essence et une hausse de la vente des gros
VUS très gourmands puisque ça semble être des véhicules qui font plaisir aux
gens.
Soutenir
un programme de recyclage et de mise à la ferraille de vieux véhicules à
l'image de celui que l'AQLPA a mis en
place et qui a eu beaucoup de succès, Faites de l'air! C'est un programme qui
comportait des incitatifs pour mettre à la ferraille les vieux véhicules et puis acheter des véhicules plus propres
ou des passes d'autobus et de transport en commun. Ça a permis de retirer, ça, plus de 50 000
véhicules polluants et plus de 55 000 tonnes de gaz à effet de serre. La
psychologie de l'engagement nous dit, contrairement à ce qu'on pense
souvent, que c'est l'action qui amène à changer la pensée davantage que la pensée qui amène à changer
l'action. Et ce programme-là permettait justement de faire en sorte que les
gens agissaient pour le bien commun. Alors,
leur intérêt individuel, bien sûr, mais aussi pour le bien commun en même
temps. Et ce programme-là, ça a fait deux
ans, l'ancien gouvernement a tergiversé pour le renouveller, le présent gouvernement a rejeté notre programme l'année
dernière, et nous attendons toujours l'approbation ou la décision sur le
programme modifié et amélioré que nous avons soumis cette année.
Le Président (M.
Reid) : ...vous allez peut-être avoir...
M. Brunel
(Alain) : Ça fait déjà 10 minutes? Bon, bien...
Le
Président (M. Reid) : Vous allez avoir l'occasion, dans notre
période d'échange, évidemment, de prolonger. Alors, M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Heurtel :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Brunel. Bonjour, M. McDonnell.
M. McDonnell
(Claude) : Bonjour.
M. Heurtel :
Ça va bien?
M. McDonnell
(Claude) : Merci. Et vous?
M. Brunel
(Alain) : ...
M. McDonnell
(Claude) : Il n'y a pas de problème. On se connaissait déjà.
M.
Heurtel : Merci beaucoup pour votre présentation ainsi
que votre mémoire. Puis j'apprécie le fait que les délais étaient
serrés, puis vous êtes toujours présents, puis j'apprécie la contribution.
Sur
le bonus-malus dont vous avez parlé brièvement, sur le programme d'inspection des véhicules automobiles plus
anciens, on entend des critiques par rapport à ces programmes-là, que ça risque
de pénaliser les gens à faibles revenus. C'est une critique qu'on entend par rapport à ces deux mesures-là et
aussi, que, particulièrement en région, en milieu rural, là où, souvent, les gens ont besoin de véhicules à
grosses cylindrées pour, tu sais, faire leur travail, donc, ça les
pénaliserait. Alors, on entend ce
genre de critiques là par rapport à ces deux mesures que vous proposez. Alors,
qu'est-ce que vous répondez à ces critiques-là?
M. Brunel (Alain) : Bien, je dirais que, d'une part, les gens qui ont des revenus plus
faibles, en général, achètent des véhicules qui sont moins chers, donc
des véhicules qui sont de moindre cylindrée, hein, je pense, en général, sauf effectivement peut-être dans certains cas
particuliers où on a besoin de puissance, comme vous dites. Mais, dans ces
cas-là, je pense que les véhicules...
De toute façon, les nouvelles normes pour les véhicules les plus puissants sont
en forte baisse, et il est évident
que, si les gens ont les moyens ou ont besoin de ce type de véhicule, ils
pourront toujours se procurer des véhicules
sur le marché d'occasion. Et, si ces véhicules sur le marché d'occasion sont
vérifiés et entretenus, eh bien, ils émettront moins de gaz à effet de
serre, ils coûteront moins cher, et donc il y aura de toute façon une
possibilité de se fournir dans ce type de véhicule. Je n'en doute pas. Je ne
sais pas si, Claude, tu as un élément à rajouter là-dessus.
M.
McDonnell (Claude) : Bien, plus par rapport au programme d'entretien.
Si on parle du programme d'entretien, la
proposition qui a été faite, qui a été étudiée en comité ministériel d'ailleurs
à l'époque, le comité de Mme Beauchamp, était de faire un programme d'inspection pour les véhicules de huit ans
et plus au moment de la revente d'abord. Pour instaurer le programme, ce serait
un premier pas important. Et le fait d'appliquer ça pour les véhicules au
moment de la revente, lors d'une
revente, et de ne pas l'imposer à l'ensemble des véhicules de huit ans est plus
une mesure de protection des consommateurs, en fait, parce que la personne
qui achète un véhicule est assurée que le véhicule a été inspecté, que le
système antipollution a été inspecté. Et maintenant la gestion des systèmes
antipollution, ça correspond à la gestion du moteur.
En
d'autres mots, quelqu'un qui achète un véhicule dont le système antipollution a
été inspecté et est fonctionnel a une
forme de garantie qu'il a un véhicule qui fonctionne bien au niveau du moteur,
et ce, pour une couple d'années, à moins,
évidemment, d'avoir des problèmes particuliers. Donc, c'est vraiment plus une
mesure de protection à ce chapitre. C'était l'argument qu'on nous
amenait toujours. C'est pour ça qu'on répond avec le huit ans et plus lors de
la revente particulièrement.
M. Brunel (Alain) : C'est même à
l'avantage, en réalité, des revenus...
M.
McDonnell (Claude) : C'est carrément un moyen de protection du
consommateur à ce moment-là. C'est un peu
le classique des gens qui ont : Ah! moi, je commence à être dû pour telle
réparation, telle réparation. Bien, je vais le vendre. Bien non, tu sais. Passé plus de huit ans, en tout cas, tu ne
pourras pas le revendre. Il va falloir que tu le répares, que tu le gardes. Si tu veux le garder, tu n'es
pas obligé de le faire inspecter, mais, à un moment donné, il va falloir que
tu le répares aussi si tu veux arrêter de
payer des frais d'essence inutile, là. Ça va de soi. Alors, c'est vraiment la
première approche, à mon avis.
Par ailleurs,
je tiens tout de même à souligner qu'il y a des mesures pour protéger également
les gens des... Des fois, il peut y
avoir ce qu'on appelle en anglais le «waver» qui permet de demander que des
réparations soient effectuées jusqu'à
un certain montant. Au-delà de ce montant-là, le permis de circuler va être
accordé tout de même. Et c'est surtout au
début des programmes. C'est pour donner une chance aux véhicules qui
nécessiteraient d'énormes réparations et aux gens qui ont des plus
faibles revenus d'étaler ces réparations-là sur deux, trois ans, par exemple.
M. Heurtel : Merci.
Une voix : De rien.
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Maskinongé.
• (11 h 20) •
M.
Plante : Merci beaucoup. Bonjour et bienvenue. Vous êtes presque en
train de me convaincre, là, sur l'inspection.
Je comprends bien ce que vous voulez dire en termes de protection ou
d'assurance, si on veut, pour le nouvel acheteur puis dans un processus
de revente. Donc, à ce moment-là, ça balise bien l'inspection et ça permet au
nouvel acheteur de s'assurer d'une qualité de véhicule, là. Ça, je le comprends
bien, je sais bien.
Par contre,
à la première question du ministre, au
niveau des régions ou de la diversité
entre les milieux urbains à forte
densité ou les milieux en région où il
y a moins de densité, puis les territoires
sont beaucoup plus éloignés, votre réponse ne m'a pas donné l'assurance. Puis je
comprends quand vous êtes revenu au
niveau du bonus-malus en disant : Bien,
écoutez, ils auront toujours le choix d'en acheter. Je comprends bien. Par
contre, il y a un choix, moi, je vous dirais, style de vie, là, pour les VUS ou les plus grosses cylindrées, mais il y
a aussi les choix économiques ou les choix de métier, tu n'as pas le
choix.
Exemple,
hier, on a reçu les gens de l'UPA qui nous ont assuré et même offert leur
collaboration dans l'atteinte de la
cible, ce qui est une très, très bonne nouvelle parce qu'on sait qu'ils ont une
grande partie du territoire et que l'agriculture est essentielle au
développement du Québec puis pour se nourrir. Par contre, tous les agriculteurs
au Québec doivent, pour exercer leur métier,
avoir des plus grosses cylindrées, que ce soient des camions, des fourgonnettes
ou des VUS. Et j'aimerais que vous me
disiez... Parce que, si on impose un bonus-malus, ça serait vu plus comme une
taxe, je crois, pour certaines gens, comme une taxe de région ou une
taxe obligatoire.
M. Brunel (Alain) : Mais il faut
moduler le malus en fonction du bonus. C'est-à-dire que les cultivateurs, j'imagine, ont aussi des véhicules plus petits,
éventuellement un second véhicule, et donc ils pourraient aussi bénéficier
d'un véhicule qui serait valorisé avec un bonus, étant moins polluant.
D'autre part,
le bonus, il ne faut pas oublier que le bonus-malus, l'équilibre, c'est en
fonction de la puissance et des
émissions de ces véhicules. Et effectivement il y a des marges importantes
d'amélioration pour les véhicules. Je vais vous dire, moi, j'ai vécu en France longtemps. Je suis revenu il y a
deux ans pour m'occuper du dossier climat-énergie parce que je trouvais que la situation était
extrêmement grave et qu'elle méritait, je dirais, un investissement de ma part,
même de ma poche, hein, pour revenir ici,
déménager, et tout ça. Et, en France, il y a beaucoup de cultivateurs, monsieur,
mais je n'ai jamais vu autant de camions huit cylindres qu'ici. Là-bas, les
gens travaillent quand même. Ils ont des camions. Ils ont des camions plus
puissants, souvent des diesels, d'ailleurs, qui développent plus de couple avec
des émissions moindres. Donc, il y a moyen, je dirais, mais il faut orienter
les comportements.
Si vous voulez, un des problèmes qu'on a en ce
moment, c'est justement que chacun tient à son pré carré, et à ses avantages et, je dirais, à son confort, en
quelque sorte, parce qu'on est dans une société qui a valorisé beaucoup la
puissance et qui est allée chercher ça en...
On voit ça dans toutes les publicités, hein, les camions... Alors, maintenant,
on valorise les camions les plus
écoénergétiques, c'est déjà un avantage, mais je pense qu'on peut faire
beaucoup plus que ça. Et surtout, si
on veut véritablement réduire les gaz à effet de serre à la hauteur de ce qui
est exigé par la science, bien, il faut que tous les signaux soient
cohérents.
Or,
effectivement, je pense que ça a été évoqué par les précédents intervenants,
c'est vrai que, si on peut mâcher de
la gomme et marcher en même temps, vous conviendrez qu'on ne peut pas avancer
et reculer en même temps. Et, si on veut
réduire les gaz à effet de serre et qu'en même temps on développe des projets
d'exploitation pétrolière ou qu'on laisse passer des gros oléoducs qui vont émettre des sommes astronomiques de
gaz à effet de serre — pas chez nous, mais ils vont les émettre sur la planète, ils vont les
émettre en Alberta, ils vont les émettre chez les vendeurs — eh bien, quelque part, on n'est pas cohérents avec l'objectif de
réduire rapidement et fortement les gaz à effet de serre. Et de la même façon,
si on ne donne pas une étiquette sociale et
une valorisation sociale sur les types de véhicules qu'on veut encourager et
ceux qu'on juge qui sont moins
écoénergétiques et écologiques, eh bien, à ce moment-là, bien, évidemment, le
changement va venir beaucoup plus lentement.
Les
programmes de bonus-malus, notamment, qui ont été instaurés en France, je peux
vous dire que ça a changé assez
radicalement et rapidement le parc automobile français. Il a diminué en taille,
il a diminué en émissions, et, pour autant, ça n'empêche pas les
agriculteurs français de faire leur job.
Une voix : Il reste...
Le Président (M. Reid) : Oui,
encore cinq minutes, oui.
M. Bolduc : Oui. Moi, j'aurais une
question sur...
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Mégantic.
M. Bolduc : Merci, M. le Président.
J'avais une question en regard de votre recommandation n° 3... bien, la troisième, qui disait de mettre en place une
double comptabilité des GES associés au méthane et au biométhane. Je voudrais
que vous nous clarifiiez ça parce que le
biométhane, en assumant qu'ils sont
sur un cycle naturel puis qu'ils sont régénérés, on les considère comme
étant dans une boucle à court terme. Je voudrais que vous clarifiiez ça.
Une voix : ...renouvelable.
M.
Bolduc : C'est ça,
renouvelable. Et le deuxième élément, c'est que vous assignez un facteur de 75
à l'effet du méthane en comparaison
du CO2, tandis que le paramètre normal qui est généralement accepté est de 25. Je voudrais vous entendre sur ces deux
éléments-là.
M. Brunel
(Alain) : Merci de votre question.
C'est une question importante. Ce n'est pas facile à vulgariser parce que c'est un sujet complexe. On a toute une
section dans notre mémoire, donc, sur cette question-là. Pour essayer de
faire simple, en fait, la convention
qui est statuée internationalement pour mesure le pouvoir de réchauffement
planétaire du méthane comparé à celui du CO2, elle le fixe
sur un horizon de 100 ans, et, jusqu'à il y a quelque temps, c'était 21. 21 molécules de méthane est égal à 21 molécules de
CO2, en gros, O.K.? Sauf que, sur 20 ans, il se
trouve que le méthane à un pouvoir de
réchauffement pas de 21, mais de 75 selon les dernières, je dirais, données
validées internationalement.
Donc, le méthane a un pouvoir de réchauffement beaucoup
plus important, trois fois et demie plus important, sur 20 ans que sur 100 ans. Mais on le mesure sur 100 ans. Donc, c'est
un peu comme si, finalement, on était myopes, qu'on ne pouvait pas voir de près l'éléphant qui est dans notre cour
mais qu'on voit le méthane, l'effet du méthane au loin, qui est beaucoup
moins important en réalité.
Or, la
science nous dit qu'il n'y a pas de raison scientifique à mesurer le méthane ou
un autre gaz à effet de serre, d'ailleurs, sur un horizon de temps
donné. Le 100 ans, c'est une convention internationale. Et, même, il y a un article
scientifique, que je vous mets d'ailleurs dans le mémoire, qui dit : Au
contraire, ce serait plus logique de calculer le méthane sur 20 ans puisque
c'est sur 20 ans qu'il a son pouvoir de réchauffement le plus élevé.
Vous
comprenez bien que, s'il a un pouvoir de réchauffement plus élevé sur 20 ans,
ça veut dire qu'il peut faire effet, évidemment,
d'ici 20 ans. Ça veut dire qu'il peut continuer à réchauffer l'Ouest puis à
brûler toutes les forêts dans l'Ouest avant qu'on le calcule sur 100 ans
puis qu'il ait moins d'importance qu'il en a réellement. Et donc nous, on considère que, quand on mesure les émissions d'un
projet industriel, il faudrait calculer sur 20 ans les émissions de méthane
associées à ces projets parce que c'est sur
20 ans qu'il a le plus d'impact. Et là on parle de 2030. Bien, 2030, c'est dans
15 ans. Donc, l'impact maximal, il sera
présent en 2030, quand on regardera ce qu'on aura fait puis qu'on mesurera ce
qu'il faudra faire encore d'ici 2050. Vous comprenez?
Et alors, par rapport au biométhane, par contre, il y a un versant positif à l'affaire, c'est
que le méthane qui est évité éventuellement, qu'on évite d'envoyer dans l'atmosphère et puis qu'on brûle comme du
biométhane, bien, lui, il vaut plus cher aussi. Il vaut 75 aussi. Vous
comprenez? Donc, il vaudrait plus cher aussi si on met en place des dispositifs
de biométhanisation et qui récupèrent le
méthane, qui, au lieu de l'envoyer dans l'atmosphère, on le brûle et qui, donc,
émet moins de gaz à effet de serre, 75 fois
moins. Eh bien, il vaut plus cher, et donc il y a un côté
positif à l'affaire. Mais, globalement, il faut les mesurer. Nous, ce qu'on dit, c'est
qu'il faudrait qu'on mesure aussi sur 20 ans. C'est pour ça que je parle
d'une double comptabilité. J'espère que j'ai répondu à votre question. Ce n'est
pas facile comme sujet.
M. Bolduc : Ça m'amène deux points
de vue très importants. Le premier...
Le Président (M. Reid) : Rapidement,
il reste une minute.
M. Bolduc : O.K. Le premier point,
c'est... le 3 ppm de méthane qu'on retrouve dans l'atmosphère à 75 fois représente plus de 50 % de l'impact du CO2. C'est des conséquences dramatiques que vous induisez par cette
variable-là. Ça, c'est le premier
point. Le deuxième point où, là, j'ai un problème, il faut vraiment
mesurer l'impact du méthane sur un cycle que j'approximatiserais à deux fois le cycle
de demi-vie qui, pour moi, était de l'ordre de 80 ans. Donc, 100 ans, j'acceptais ça, mais là vous venez de nous
parachuter des nouveaux paramètres qui sont très différents. Pouvez-vous nous
expliquer, là, ces deux éléments-là, qui sont très, très conséquents?
Le Président (M.
Reid) : Si vous pouvez le faire en 10 secondes, là.
M. Brunel
(Alain) : Oui. Je ne suis pas sûr de comprendre exactement ce que vous
voulez dire. Ce que les scientifiques nous
disent, c'est que c'est sur 20 ans que le méthane a son pouvoir de
réchauffement le plus important et que, donc, il serait logique de
l'évaluer sur cette durée-là, tout simplement.
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Nous passons maintenant à l'opposition
officielle. M. le député de Terrebonne.
• (11 h 30) •
M.
Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, de votre présence en commission.
Malgré les coquilles, votre mémoire
est tout à fait judicieux. Je tenais à vous rassurer. Je sentais
que, d'entrée de jeu, vous aviez des inquiétudes à cet égard.
Soyez totalement rassurés.
Donc,
je voulais discuter avec vous, pour commencer, concernant la réduction de la
consommation d'essence, qui semble être un élément-phare de vos
recommandations. Vous nous faites plusieurs... bon, plusieurs propositions, notamment, vous semblez être en accord avec le
bonus-malus, vous voulez faciliter l'électrification des transports pour
y parvenir. Je pense que la dernière fois
qu'on s'était rencontrés, vous étiez même ouverts, je pense, à une loi sur le
zéro émission. On en avait discuté.
Certains
groupes avant vous sont venus nous parler d'autres mesures peut-être plus
carotte et bâton, et je voulais voir
un peu votre opinion à cet égard parce qu'on ne les retrouve pas dans vos
recommandations. Donc, toute la question de la tarification des
stationnements, des péages urbains. Je voulais voir qu'est-ce qui faisait que vous n'avez pas retenu
cette considération.
M. Brunel
(Alain) : Je vous corrige, M Traversy, c'est évoqué. Je vais vous
indiquer où. Point 3, premier sous-point,
là : «Améliorer l'offre de transport en commun et diminuer leurs tarifs
par des revenus pris dans l'un et/ou l'autre des moyens suivants, taxe
sur les stationnements, masse salariale des entreprises [...] usage de la route
des automobilistes au moyen de péages modulés sur le réseau supérieur...»
Ce
sont tous des moyens qui existent ailleurs, hein, et dans lesquels on peut
piger, si je peux dire, pour, disons, s'approcher du principe
pollueur-payeur et pour favoriser concrètement le transport en commun.
J'ajouterais que, s'il y avait plus de gens
qui utilisent le transport en commun et moins de gens qui roulent sur les
routes, ça améliorerait aussi la
productivité de l'économie puisqu'on roulerait plus facilement, logiquement,
dans les villes mais avec un coût d'usage, pour ceux qui utilisent les véhicules, qui serait, évidemment, lui, un
peu plus élevé et qui mériterait, à ce moment-là, d'être compensé par un
coût inférieur pour ce qui est des transports en commun.
M.
Traversy : Bon, bien, merci beaucoup. Je trouvais ça bizarre
aussi, là, qu'on n'y allait pas. C'est pour ça que je posais la
question. Donc, maintenant que c'est clair, je l'ai bien noté.
J'aimerais
également vous parler de votre dernier point du secteur 3 de votre rapport, qui
est en lien avec l'inversion du flux
de pétrole de la ligne 9B d'Enbridge, qui est quand même un événement récent
dans l'actualité. Donc, vous nous dites, à l'intérieur de vos propos et
de votre paragraphe, que vous suggérez au gouvernement du Québec d'étudier la possibilité de prendre exemple sur la Californie.
Donc, ce que j'ai cru comprendre, c'est que vous faisiez allusion à une loi en teneur en carburant. Est-ce que vous pouvez
nous en parler davantage pour qu'on puisse bien comprendre quels seraient les
avantages concrets qu'une telle loi pourrait nous apporter au Québec?
M. Brunel
(Alain) : Alors, sauf erreur, là, c'est des dispositions assez
techniques, là, mais la Californie a un objectif
de réduction de l'intensité en carbone de ses carburants, ce qui, concrètement,
incite les raffineurs et les distributeurs de pétrole à
s'approvisionner, autant que faire se peut, à des carburants moins intensifs en
carbone.
On sait que le
pétrole bitumineux de l'Ouest canadien est plus intensif en carbone, pour la
production, là, j'entends, de 17 % à
20 %, selon les évaluations, à celui d'un pétrole moyen, léger, qui était
celui utilisé au Québec avant... enfin qui est encore utilisé au Québec,
d'ailleurs.
Donc,
évidemment, si on incite à avoir une comptabilité de l'intensité carbonique des
pétroles achetés, eh bien, bien, on
favorise un type de pétrole plutôt qu'un autre ou, plus exactement, on fixe un
prix supplémentaire au pétrole qui est
d'intensité carbonique supérieure. Il est intéressant de noter d'ailleurs que
la Californie a adossé ce système-là à sa bourse carbone. Alors, ça mériterait d'être étudié, hein? Pour
l'instant, nous, on favoriserait ça a priori, mais ça mériterait d'être étudié. Je pense qu'on avait d'ailleurs
fait faire une étude sur le système californien, qui a été remise, d'ailleurs, au ministère, sur laquelle on n'a pas encore communiqué, mais
ça sera probablement fait dans les prochaines semaines ou les
prochains mois parce que c'est un sujet important, il me semble.
Et surtout, surtout,
votre question est intéressante parce qu'elle permet de mettre en valeur le
fait que, bien, l'inversion de la ligne 9B
fait en sorte que, dorénavant, Montréal est un peu au carrefour, je dirais,
d'approvisionnement de pétrole
possible de sources très diverses de l'Ouest canadien, américain, via la ligne
9B ou via les trains mais aussi par
la voie maritime et par le pipeline de Portland, qui n'est pas inversé,
celui-là, le pétrole qui provient d'ailleurs dans le monde, et donc qui permettrait théoriquement
aux raffineries... qui leur permettront d'augmenter leur marge, d'une part, c'est sûr, mais qui permettrait aussi
théoriquement aux raffineries, bien, d'orienter aussi leurs achats en fonction
d'une intensité carbonique, si telle était l'orientation prise par le
gouvernement.
M.
Traversy : Certains groupes, notamment la CAPERN, qui est une
commission ici, à l'Assemblée nationale, nous faisaient la suggestion que les raffineries québécoises qui
décident d'opérer du raffinage qui utilise du pétrole lourd soient
assujetties à des évaluations environnementales. Est-ce que vous seriez en
accord avec une telle démarche?
M. Brunel
(Alain) : Absolument, parce
que, bon, là encore, l'AQLPA a fait un rapport, qui a été rendu public, celui-là, sur les conséquences d'arrivée du
pétrole de l'Ouest dans les raffineries du Québec. Et notamment il est évident
qu'une des conséquences non seulement
possible, mais probable et quasi certaine, puisque Suncor, à Montréal, a des
cuves qui lui permettront bientôt de faire du coke de pétrole... et le
coke de pétrole, ça va forcément augmenter beaucoup la pollution de l'air dans la région de Montréal. Et donc il y a des
incidences environnementales et sur la pollution atmosphérique qui sont
très claires ici.
M. Traversy : Il me reste
encore quelques minutes. Une minute, en fait, hein, c'est ça. Ça va vite.
Donc, en
gros, rapidement, je vois que, dans les autres recommandations en lien avec
l'établissement pour une cible 2025,
2030, 2050, vous mettez aussi l'accent sur la loi, sur la responsabilité en
matière de changements climatiques. Est-ce
que vous pensez que c'est un élément majeur pour bien chapeauter l'ensemble des
mesures, là, qui seront mises en place par le gouvernement?
M. Brunel
(Alain) : Je ne sais pas si
vous ne vous trompez pas de mémoire, là. Je ne sais pas où vous voyez ça
exactement, mais, en tout cas, vous faites peut-être allusion à notre position
à l'égard du livre vert sur la certification environnementale.
Il est évident qu'une loi sur la responsabilité climatique générale des... et
sur l'intégration, je dirais, des politiques climatiques et des
objectifs climatiques dans l'ensemble du gouvernement serait extrêmement
positive parce qu'un des problèmes, c'est
l'incohérence des politiques gouvernementales, qui ne sont pas étonnantes,
hein, parce que l'administration
publique est traversée par des intérêts divergents qui sont parfois très forts,
très puissants et qui tirent dans des
directions opposées. Notamment, le lobby pétrolier veut évidemment assurer sa
survie, sinon son développement, et ça s'oppose bien évidemment à la
réduction des gaz à effet de serre. Donc, il serait extrêmement important que
le gouvernement se donne un plan d'ensemble et que chaque décision de chaque
ministère aille dans le même sens.
Effectivement,
ça allait dans le sens aussi de ce que je disais précédemment, c'est que
l'ensemble des signaux... Ce n'est pas une mince affaire...
Le Président (M. Reid) : En
terminant.
M. Brunel
(Alain) : Il s'agit de
changer ni plus ni moins, je dirais, le logiciel de notre civilisation
industrielle qui a été basée sur le pétrole et les combustibles...
Le Président (M. Reid) :
Merci. Je dois vous interrompre.
M. Brunel (Alain) : ...et donc il
faut que tous les signaux soient...
Le Président (M. Reid) : Je
dois vous interrompre pour protéger le temps des députés.
M. Brunel (Alain) : Excusez-moi.
Pardon.
Le Président (M. Reid) :
Alors, M. le député de Masson, pour le deuxième groupe de l'opposition.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire très étoffé.
En fait, il y a beaucoup de données scientifiques, puis j'ai beaucoup
aimé votre section Des calculs myopes à l'égard du méthane. D'ailleurs,
vous avez parlé de ça avec le député de
Mégantic un peu plus tôt. Et puis, effectivement, bon, je vois qu'il y a un
ajustement à faire, si on veut. Puis
on le retrouve un peu plus loin, dans votre mémoire, à la page 28, quand vous
nous parlez de la projection de
références qui est sur le graphique qui est fourni, là, dans le document de
consultation, qui est la cible de... projection de référence pour 2030 à 77,7 mégatonnes. Puis là on part de là pour dire : Si on réduit de 37,5 % en 2030, on se rendrait à
52,9 %.
Je fais un
lien avec ce que vous avez mentionné tantôt en réponse aussi au député de
Mégantic. Dans le fond, ce que vous dites, c'est que la projection de
référence, selon vous, elle devrait être augmentée. Alors, la question,
c'est : Est-ce qu'en 2030 on continue
de quand même cibler 52,9 % ou si la projection de référence est
augmentée, puis on dit : C'est
37,5 %? Ça veut dire que, dans le fond, ça serait pire, là. Tu sais, si on
fait juste 37,5 %, on ne rend pas à 52,9 %, là.
• (11 h 40) •
M. Brunel
(Alain) : Bien, c'est une
très bonne question et ça montre aussi un peu la complexité de la chose parce
qu'effectivement, si vous regardez page 25
du mémoire, le gouvernement canadien, Environnement Canada, a refait un calcul des conséquences du rehaussement du
potentiel de réchauffement planétaire du méthane, qui a été augmenté, hein,
de 19 %. À 25, là, c'est une
augmentation de 19 % sur le PRP de 21 qui était utilisé précédemment et
que Québec n'a pas encore intégré
dans son... il le fera certainement pour 2013, là. Il y aura un recalcul qui
sera fait pour l'inventaire québécois de 1990‑2013
Mais, si vous
voyez cette courbe, en fait, par rapport à 1990, si l'objectif, c'est par
rapport à 1990, on recalcule toutes
les valeurs avec un nouveau PRP. Et donc l'intervalle, il reste le même mais,
simplement, il se retrouve plus haut. C'est comme si, en fin de compte, on était en
avion en altitude, et puis on faisait un recalcul de l'altitude et puis d'où on
était avec de nouvelles valeurs, et puis on
se retrouve plus haut en altitude. L'intervalle entre les deux étapes, 1990 et
2013, reste le même, on est toujours
à l'intervalle similaire, mais on se retrouve plus haut en altitude. Donc, on
se retrouve plus loin, effectivement, de la piste d'atterrissage où on
veut arriver.
Mais, si vous
dites : Moins 80 % par rapport à 1990, et que vous recalculez tout
avec un nouveau PRP, et que le niveau
de 1990 se retrouve plus haut, bien, vous pouvez atteindre moins 80 % en
1990, même avec un PRP ou un potentiel de
réchauffement de méthane de 75, mais vous allez être plus haut en altitude,
donc vous allez être plus loin du 0 %, par contre. Et donc la conséquence de ça, effectivement, c'est de dire qu'il
faut absolument qu'on ait un calcul aussi en valeurs absolues des émissions parce que le but, c'est
d'arriver à zéro émission nette, ce que le GIEC... Les experts du climat nous
disent qu'on va être obligés, de toute
façon, probablement d'avoir des dispositifs de capture du carbone. Donc, zéro
émission nette, ça veut dire qu'il y
aura peut-être des émissions, mais il faudra les compenser d'une manière où
d'une autre, vous voyez? Mais néanmoins, si on veut arriver à zéro, il
va falloir quand même limiter autant que faire se peut toutes les émissions de gaz à effet de serre, y compris les
émissions de méthane parce qu'elles ont une valeur très importante sur
20 ans.
Je ne sais
pas si je réponds à votre question. C'est assez technique, mais ce qui est
frappant, c'est que, quand on compare
le bilan canadien et le bilan québécois avec le PRP différent, eh bien, on
arrive à une hausse du bilan québécois, en 2013, de 7 %, si je ne m'abuse, qui comble pratiquement toute la
baisse de 2012. Donc, on est dans un effet d'illusion d'optique
incroyable en ce moment.
Une voix : ...
M. McDonnell (Claude) : Oui, bien,
écoutez, dans un ordre plus général, je veux simplement vous dire qu'à l'AQLPA on partage tout de même l'avis de plusieurs
groupes que vous avez déjà entendus à l'effet qu'il faut agir maintenant. Il ne faut pas se cacher derrière des
cibles. Il faut commencer maintenant. 2020 puis 2030, c'est demain, là.
Alors, il faut vraiment commencer à agir maintenant puis il faut commencer
maintenant, notamment au chapitre des transports.
C'est là où ça se passe. Et puis il faut également penser, cette semaine, là,
c'est l'occasion d'en parler, il y a eu une présentation du projet Ariane visant l'aménagement urbain, c'est une
façon d'agir sur les transports, c'est aussi se mettre à réfléchir un
peu à l'aménagement urbain. Alors, je pense que ce sont des aspects très
importants.
M. Brunel
(Alain) : Oui, on souscrit
totalement aux objectifs de l'Alliance Ariane, d'une loi sur l'aménagement
urbain et sur la densification d'urbanisme.
C'est assez étonnant. À Montréal, là, il y a un projet, Royalmount, là, le
15-40. Dans un secteur qui est
congestionné en permanence à Montréal, on pense faire un mégacentre commercial
qui va rajouter minimum 20 000
véhicules-jour dans le secteur. C'est quelque chose qui est une contradiction,
là, et surtout en pleine urgence climatique.
Le Président (M. Reid) :
Alors, merci pour votre contribution.
Je suspends les travaux de la commission
quelques instants afin de permettre au prochain groupe d'invités de prendre
place.
(Suspension de la séance à 11 h 45)
(Reprise à 11 h 47)
Le
Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux.
Bienvenue à nos invités de Nature Québec. Vous connaissez la routine : 10 minutes pour faire votre présentation;
par la suite, une période d'échange. Je vous demanderais de vous présenter et présenter les personnes qui
vous accompagnent pour les fins de l'enregistrement. À vous la parole.
Nature Québec
M. Simard
(Christian) : Oui, bonjour,
mon nom est Christian Simard, je suis directeur
général de Nature Québec. Je suis accompagné, à ma droite,
par Charles-Antoine Drolet, biologiste, et il a été longtemps vice-président de
Nature Québec, maintenant
administrateur de la corporation, et
de M. Pierre Ross, qui est recherchiste à Nature Québec sur les questions
de changements climatiques.
Donc, merci
beaucoup. Je vais aller directement, étant donné qu'on n'a pas beaucoup de
temps, dans le vif du sujet. Vous
n'avez pas eu d'avance — j'imagine que ce n'est pas la première fois cette semaine — le mémoire, mais enfin on va essayer.
Je vais me concentrer, dans la présentation, sur les recommandations, sur les
recommandations.
Donc, dans le document de consultation — notre
mémoire est bâti en réponse directement aux questions qui étaient posées dans
le document de consultation — donc, il est mentionné que le Québec
s'est doté récemment d'un objectif à long
terme visant la réduction de 80 % à 95 % des émissions de GES d'ici
2050. En août dernier, le Québec s'est
engagé, avec 10 autres États et provinces partenaires de la conférence, de
contribuer à une cible régionale de réduction d'émissions de l'ordre de
35 % à 45 % sous le niveau de 1990 d'ici 2030.
On constate
par ailleurs que d'autres États... La Suisse a un objectif de 50 %. En
Angleterre, Royaume-Uni, on analyse
présentement la possibilité de se rendre jusqu'à un objectif de 50 %. En
Europe, tous les pays européens ont dit un minimum de 40 % de réduction de gaz à
effet de serre. C'est à noter aussi que ça se fait sans aucun achat de crédits
compensatoires au niveau international,
donc, l'engagement, et c'est un engagement qui est ouvert à être augmenté selon
le degré d'engagement des États lors des prochaines négociations.
Nature
Québec recommande que, face à l'ampleur des défis climatiques mondiaux et de la
menace que font peser les changements climatiques sur les habitats
humains, la biodiversité et la santé des écosystèmes et face à la situation privilégiée du Québec en tant que société
développée, le gouvernement du Québec se dote d'une cible de réduction plus
ambitieuse, de l'ordre de 45 % à
50 %, d'ici 2030. Ceci dit, la cible actuelle est quand même significative
et constitue même tout un défi.
• (11 h 50) •
Nature
Québec recommande la réalisation d'une étude coût-bénéfice globale sur ce sujet
qui dépasse les simples modèles
économétriques utilisés généralement par le ministère des Finances qui semble
faire des règles de trois très, très rapides
entre l'investissement dans la lutte aux changements climatiques et les impacts
sur le PIB. Il y a des coûts, il y a des
bénéfices, il y a des bénéfices aussi directs à lutter contre les changements
climatiques, et je pense qu'on a absolument besoin d'avoir des informations
là-dessus.
Dans
les cibles ou objectifs complémentaires, question 2, Nature Québec
recommande d'assurer un suivi serré de
la cible de réduction — ce
n'est pas tout d'avoir une cible de réduction sur 20 ans — mais
qui sera retenue en établissant des
étapes de réalisation, «milestone», avec des objectifs
intermédiaires pour 2020. Il a déjà
de prévu un plan d'action sur 2020,
2025, 2030. Le gouvernement devra avoir l'obligation légale de faire rapport,
tous les cinq ans, du bilan des réductions et de l'atteinte des
objectifs en introduisant des plans de correction, le cas échéant. On
comprendra que, si on dit : On atteindra
37,5 % d'ici 20 ans, il ne faut pas reproduire la fable du lièvre et de la
tortue et penser que ça va être dans les dernières années. Donc,
l'obligation est vraiment de commencer maintenant.
Nature
Québec recommande aussi que soit ciblée une réduction nette. On nous demande,
dans le point 2, s'il y a des
corollaires à cet objectif-là. Oui, une réduction nette et significative de
consommation d'énergie. On propose, et on l'avait déjà proposé à la commission
Mousseau-Lanoue, là, un ordre de grandeur quand même aussi assez important,
là, de réduction de consommation d'énergie
au Québec. On sait qu'il y a une corrélation entre la consommation d'énergie
et les émissions de GES. On peut penser, par
exemple, que le secteur des alumineries n'émet pas de GES parce qu'étant
100 % hydroélectrique, ou très peu,
mais, dans les faits, il y a des émissions qui sont liées aux procédés. Donc,
il peut y avoir des fortes émissions, même dans des industries qui
s'alimentent exclusivement au niveau de l'électricité.
Donc,
Nature Québec recommande aussi le développement des énergies
renouvelables — géothermie,
biomasse, biométhane, par exemple — lorsque celles-ci sont
utilisées en remplacement des carburants fossiles.
On recommande aussi
l'ajout d'une cible spécifique de réduction de 1 million de tonnes
métriques de CO2 équivalent en remplacement de 400 millions de
litres de carburant fossile par l'utilisation de la biomasse forestière résiduelle et de lui attribuer des budgets
correspondants via le Fonds vert. Actuellement, on réfère de loin sur des
objectifs, mais je pense qu'il
faudrait avoir un objectif spécifique. Ça peut créer des milliers d'emplois en
région, c'est documenté. On est au
coeur d'une coalition qui s'appelle Vision Biomasse Québec et on pense que ça
vaut la peine d'avoir un objectif spécifique à ce niveau-là.
À
l'étape de la mise en oeuvre maintenant. Pour vous montrer quand même... Je
pense que c'est important. Ça frappe un peu l'imagination, mais ça donne
quand même... Je rappellerai que, pour une cible de 25 % de réduction de gaz à effet de serre... Qu'est-ce que ça veut
dire? La commission Lanoue-Mousseau l'avait un peu illustré. La cible de
25 % de réduction de GES par rapport à
1990 appliquée au secteur de l'énergie signifie que l'on doit encore diminuer
notre consommation d'énergie fossile d'environ 23 % par rapport à
aujourd'hui.
Et
voici quel niveau d'effort nous devrions réaliser si une seule mesure était
appliquée dans chacun des quatre secteurs. Secteur résidentiel, c'est
convertir 100 000 logements encore chauffés au mazout ou au gaz naturel à
l'électricité sur environ 650 000 logements, là, qui ne sont pas chauffés
à l'électricité présentement.
Secteur
commercial, institutionnel : convertir à l'électricité environ 31 000
bâtiments, fermes d'élevage, exploitations agricoles, bâtiments
institutionnels, lieux de culte, hôpitaux et écoles.
Secteur
des transports : retirer de la route ou convertir à l'électricité environ
2,1 millions d'automobiles ou camions légers. C'est près de
50 % du parc actuel, et on parle d'un objectif de 25 %, là, et pas de
37,5 %.
Secteur
industriel : réduire de plus des deux tiers les émissions de l'industrie
de l'aluminium.
Donc, il faudrait,
pour 25 %, l'équivalent de ces quatre mesures-là, là, pour atteindre une
réduction de 25 %. Rappelons que
l'objectif, maintenant, est fixé à 20 %, là, pour 2020, là.
Mousseau-Lanoue en faisait l'analyse selon un objectif de 25 %, qui
était celui du précédent gouvernement.
Dans le secteur des
transports, je pense qu'il faut un objectif spécifique pour le secteur des
transports. C'est 40 %, donc c'est
vraiment important qu'après la cible de 37,5 % on identifie une cible.
Donc, électrification massive des transports
collectifs, on vous l'a dit sûrement, revoir en profondeur et à la hausse les
objectifs en termes d'électrification des
transports, d'y inclure notamment une loi zéro émission afin de favoriser
l'achat de véhicules électriques notamment. Et on reprend ici, mais je pense
que ça vous a été dit hier, je ne le relirai pas, c'est la coalition Transit,
les mesures de recommandations, je vous invite à les revoir.
Secteur du chauffage.
Donc, on en a parlé un peu tantôt, on insiste aussi sur l'utilisation de la
géothermie. C'est extrêmement important.
Au niveau du secteur
industriel, on recommande que le Québec revoie sa politique industrielle pour
la rendre cohérente avec les objectifs en
termes de conservation d'énergie et d'efficacité énergétique en ne cherchant
plus à attirer nécessairement, comme
stratégie industrielle, les grandes consommatrices d'énergie, les grandes
entreprises à consommation d'énergie,
en leur faisant miroiter un prix d'électricité très bas parce qu'on se
retrouve, à ce moment-là, à héberger
des secteurs qui sont souvent très fortement émetteurs.
Secteur
de l'aménagement du territoire, on est d'accord avec le nouveau collectif
Ariane, on l'avait déjà dit, d'ailleurs,
dans d'autres mémoires. Naturellement, ça nous prend une politique nationale
d'aménagement et d'occupation du
territoire orientée notamment vers une densification intelligente et
l'utilisation des transports collectifs et actifs. Un plan nord, aussi,
un plan nord zéro carbone. C'est très, très difficile, développer dans le Nord
dans plusieurs cas. Par exemple, les mines
sont éloignées du réseau hydroélectrique, donc doivent s'alimenter avec du
diesel, un coût de transport énorme et aussi un coût en termes
d'émissions de gaz à effet de serre. Donc, il faut aussi, quand on a des
grands... de projets de développement au niveau des ressources naturelles,
avoir le souci... et de le faire contribuer à la lutte aux changements
climatiques.
On
recommande aussi une utilisation généralisée des bonus-malus pour l'atteinte
des résultats. On en a déjà parlé. On
s'en est parlé, ici il n'y a pas longtemps, dans la réforme de la Loi sur la
qualité de l'environnement. Par exemple, la taxation accrue des véhicules à essence et le subventionnement de
l'achat de véhicules électriques. La Norvège applique avec grand succès
de pareils outils. On n'y échappera pas, il va falloir systématiser cela.
Le Président (M.
Reid) : Une minute.
M. Simard
(Christian) : Maintenant, dans le dernier point, on pense qu'il y a
une mauvaise utilisation de l'expression «transition énergétique» quand on dit
qu'on peut à la fois lutter contre les changements climatiques, développer des projets de pipelines, développer le
pétrole au Québec. Donc, il faudra absolument être cohérent là-dessus.
Essentiellement
aussi et en conclusion, compte tenu des faits scientifiques et des enjeux
énormes auxquels nous faisons face,
on invite les parlementaires et les membres du gouvernement à considérer la
lutte aux changements climatiques comme
l'élément central de leur action politique. Il ne s'agit pas ici d'arbitrer
entre différents acteurs, de jauger l'importance relative de tel ou tel groupe d'intérêt de manière à s'assurer une
navigation politique la plus paisible possible. Il suffit plutôt de
prendre le problème à bras-le-corps, de faire une pédagogie sociale et
politique de tous les instants, il faut transcender
les clivages politiques traditionnels pour faire accepter des changements de
comportement qui sont inéluctables si nous voulons espérer
collectivement relever ce défi. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Exactement 10 minutes.
Félicitations! C'est un marathon. Nous allons passer maintenant à la
période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Simard,
M. Drolet, M. Ross. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Merci
pour votre mémoire ainsi que votre présentation.
Première
question. M. Simard, vous avez fait allusion aux modèles économiques, bon,
je vous mets peut-être des mots dans
la bouche, mais disons désuets du ministère des Finances ou qui n'intègrent pas
convenablement l'impact des changements climatiques dans l'ensemble de
la façon qu'on évalue l'économie au Québec.
J'aimerais
ça vous entendre davantage là-dessus parce que c'est une question très
importante. Et, pour justement donner
un portrait véritable de ce que nous devons faire d'ici 2030 et d'ici 2050,
c'est important aussi d'avoir les outils pour bien mesurer l'impact de la lutte contre les changements
climatiques à travers l'économie québécoise. Alors, si vous pourriez
approfondir ce commentaire-là, s'il vous plaît.
• (12 heures) •
M. Simard (Christian) : Oui. En page 2 du mémoire, on dit... c'est
une citation en anglais, malheureusement, au troisième paragraphe. Dans les réflexions au Royaume-Uni sur cette
question-là, ils disent que — ma traduction est très libre — donc, de rencontrer un objectif de 50 %
est possible, et ça équivaut à une diminution de la croissance du PIB de 0,04 % en Angleterre, selon les
estimations, entre maintenant et 2030. Et ça n'inclut pas les bénéfices
socioéconomiques du fait de ne pas
émettre et de ne pas accélérer les changements climatiques, et donc sur la
qualité de l'air, sur la sécurité énergétique,
sur l'ensemble, donc, des bénéfices. Ça, c'est l'évaluation qui a été faite.
C'est une évaluation qui reste à faire au Québec, et qui devra être faite, et
qui est importante, et qui ne peut être faite que par une vision traditionnelle
du ministère des Finances, d'où notre recommandation.
On
présume qu'une analyse en profondeur, qui ne serait pas uniquement, là,
coût-bénéfice, traditionnelle ou en fonction
de : On paie pour ça, donc ça risque de ralentir l'économie, et c'est pour
ça qu'on ne peut pas... Et le ministre des
Finances... Et c'est pour ça qu'on en arrive avec 60 % de réduction
domestique et 40 % en achats d'émissions. Mais l'achat d'émissions,
c'est aussi une fuite de capitaux, quelque part. Quand on achète des émissions,
on participe au développement des autres. Et
ça, ça ne semble pas évalué dans l'exercice du ministère des Finances. Même
actuellement dans le marché du
carbone, on n'a pas encore, au Québec, de protocole appliqué, là, de crédits
compensatoires. Donc, il n'est pas
possible pour les Californiens d'acheter des crédits compensatoires au Québec,
des projets de compensation de carbone, alors qu'à ce moment-là tout le
monde achète ceux de la Californie. L'Ontario, ça va venir. Donc, c'est des éléments qui sont... Et donc c'est pour ça que ça
nous prend les moyens étatiques nécessaires, ça nous prend les professionnels pour pouvoir rapidement
avoir des protocoles d'entente sur les crédits compensatoires, ça nous prend
une analyse économique plus globale que celle qu'on dispose présentement
parce que ça nous fait errer dans les choix économiques
et ça donne un préjugé ou le poids plus fort dans la balance à... le scénario
de «business as usual» qu'au scénario de changement qui est nécessaire.
M.
Heurtel : Juste une petite
précision. Il y a quand
même trois protocoles de crédits
compensatoires qui sont en vigueur au Québec. Vous avez dit qu'il n'y en
a aucun.
M. Simard (Christian) : Qui sont en opération? J'avoue que je le dis,
selon la documentation que j'ai vue, qu'ils n'étaient pas encore opérationnels.
M.
Heurtel : Il y a
trois protocoles qui sont en vigueur. Peut-être que la nuance, c'est de dire : C'est qu'il y en a deux d'entre eux pour lesquels on attend les projets. Mais ils ne sont peut-être
pas opérationnalisés, mais ils existent. Et, tu sais, c'est pour le
bénéfice de tout le monde qui nous écoute.
M. Simard
(Christian) : Non, non, c'est important, puis je ne veux pas dire...
M.
Heurtel : Tu sais,
simplement, ce n'est pas pour aller dans un débat, mais c'est parce que c'est
important quand même de
souligner que, un, la notion de protocole des crédits compensatoires, c'est quelque chose qui est très important puis
qu'on prend très au sérieux. Donc, il
y en a trois en vigueur
au Québec. Il y
en a un pour lequel on a déjà reçu
des projets, il y en a
deux, on attend encore les propositions
de projet, et on travaille sur d'autres protocoles dans plusieurs
domaines, notamment avec l'Ontario. Alors, en tout cas, bon, c'était
simplement...
M. Simard
(Christian) : Non, mais j'apprécie...
M. Heurtel :
...simplement pour dresser quand même le tableau.
Je
veux passer... Vous avez parlé de... et vous n'êtes pas les premiers, puis
c'est quelque chose dont vous parlez régulièrement
lors de vos présentations, vous parlez de changements de comportement puis
surtout en matière de transport. Puis
ça, c'est une question que j'ai posée à plusieurs autres groupes. Vous êtes
très actifs sur le terrain dans plusieurs différents domaines à travers le Québec. D'un côté, on sent
que la population veut qu'on soit très actifs en matière de lutte contre
les changements climatiques, accepte le
principe, veut qu'on mette en oeuvre des mesures, mais en même temps, quand
on regarde la consommation des Québécoises
et des Québécois, bien, on achète plus de véhicules, on achète des véhicules
de plus en plus... avec de plus en plus de
grandes cylindrées. Comment change-t-on le comportement concrètement, là?
Qu'est-ce que vous, dans votre expérience, vous croyez qu'on devrait mettre en
oeuvre pour pouvoir changer cette mentalité-là? Et également je vous
demanderais de moduler aussi votre réponse en tenant compte de la différence urbain-régions, tu sais, parce que ce n'est pas du
tout la même chose, là, parce qu'on en a parlé également régulièrement avec les collègues. Tu sais, en région, en milieu
rural, milieu agricole, bien, souvent, on a besoin de véhicules à plus grande
cylindrée, notamment.
M. Simard (Christian) : Oui, il
y a des éléments, puis je ne vous dis pas que c'est facile, hein, c'est
l'histoire d'amour avec l'automobile.
Et c'est drôle de voir les habitudes des consommateurs qui souvent, lorsqu'ils
achètent, se fient au prix du pétrole
la journée qu'ils achètent. S'il est bas, ils vont acheter un plus gros
véhicule; s'il est haut, ça...
Le mois où on procède à l'achat, on va prendre un véhicule hybride.
Mais
il est clair qu'il y a des arguments économiques. Si on voit, là... Moi,
je fais partie de ceux qui — je
l'ai déjà dit ici — malheureusement, à une certaine période, vu
que je suis assez âgé, l'idée de boire en conduisant était quelque chose d'assez accepté et... En Beauce, on disait
qu'on avait le droit d'avoir une bière entre les jambes sur la gravelle mais
pas sur l'asphalte. Il y avait des règles
comme ça. Et donc c'est qu'à partir du moment, là, où tu perds ton permis, tu
risques la prison, là, et que tu es pris avec un genre d'appareil, et
que tu es vraiment prisonnier de ça, les comportements ont changé, puis on a tous l'impression d'être
vertueux maintenant en conduisant les voitures. Il est extrêmement important,
si on veut changer ça... c'est de rendre
plus dispendieux et plus cher le véhicule qui consomme et qui émet plus de GES.
Et il faut transférer cette taxe-là — la Norvège le fait, et c'est très
efficace — vers des
véhicules hybrides ou des véhicules, maintenant, non énergivores.
C'est
sûr que... Moi, je vais souvent en Gaspésie, pour répondre à la deuxième partie
de votre question, là, et c'est extrêmement
difficile, en région, d'avoir un système de transport efficace, là, de
transport en commun, transport collectif
efficace. Mais il est toujours
possible aussi d'avoir des véhicules hybrides. Il est toujours
possible d'avoir, en région, des systèmes de transport qu'il faut adapter. Il y a beaucoup,
beaucoup de... et avec le même principe. Donc, il y a
même des voitures électriques maintenant. Il va même y avoir des VUS
électriques, hein? Il y en a que ça existe.
Et je pense que, là-dessus,
on ne s'en tire pas si on ne trouve pas un argument, un impact économique, là,
un avantage économique à virer. Et on l'a
fait dans beaucoup de domaines. Dans le domaine du tabac, il y a
eu une évolution énorme qui est venue aussi avec un prix du paquet
de cigarettes qui est très, très élevé. Des campagnes d'éducation, des éléments importants. Beaucoup
d'éducation, mais pas seulement de l'éducation mais mettre un prix à la réalité des choses.
Actuellement,
l'émission de GES n'a pas de prix, comme si ce n'était pas quelque chose qui
avait une valeur négative au niveau
économique. Donc, c'est des choses... Ce seraient des
tentatives de répondre à une question qui n'est pas facile et qui... on l'a vu et on le voit encore actuellement dans la région de Québec, là, qui est tout à fait un cas, quand même.
M. Heurtel :
Québec ou la question?
Le
Président (M. Reid) :
M. le député de Maskinongé. M. le
député de Dubuc,
j'ai pris votre nom aussi, vous êtes le prochain.
M.
Plante : Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour et bienvenue. Écoutez,
à la lecture de votre mémoire, et vous n'avez pas eu l'occasion de
clarifier votre position... et vous savez que, bon, Maskinongé se retrouve dans
la magnifique région
de la Mauricie, qui couvre plus de 40 000
kilomètres carrés. Et vous devez vous imaginer que, quand j'ai lu votre recommandation sur l'aménagement du
territoire, ça m'a un petit peu suscité plusieurs questions. Donc, vous
recommandez que le Québec se dote d'une politique nationale d'aménagement et
d'occupation du territoire orientée notamment vers une densification
intelligente et l'utilisation des transports collectifs et actifs.
Bon, pour ce qui est
des transports collectifs et actifs, je comprends bien votre position. C'est au
niveau de la densification intelligente. Et
vous savez que tous les gouvernements, depuis de nombreuses années, on
travaille à lutter contre la
dévitalisation des milieux ruraux. On travaille à implanter des services en
région, des emplois en région pour permettre que tout citoyen au Québec
ait les mêmes services et les mêmes équités qu'un citoyen urbain ou rural.
Comme
député d'une région, quand vous me parlez de densification intelligente, ça me
fait un petit peu peur. Et j'aimerais
que vous expliquiez vos propos pour ne pas que ça soit perçu ou que les gens
perçoivent qu'on prônerait une dévitalisation des milieux ruraux vers
une urbanisation des citoyens.
M. Simard (Christian) : Je vous invite, à ce niveau-là, à consulter...
parce qu'on ne peut pas tout dire dans chacun des mémoires et stratégies
d'aménagement. La stratégie québécoise en développement durable, on a fait un
mémoire là-dessus et on précise ces
choses-là. Mais ça vaut pour les villes et les villages, de développer à
l'intérieur du périmètre urbain, de
développer, de penser, et puis... Encore, nous, on intervient à
Saint-Simon-les-Mines, en Beauce, qui va avoir une sortie d'autoroute puis qui veut se développer comme une banlieue de
Saint-Georges. Est-ce qu'on ne devrait pas développer son périmètre urbain, conserver les derniers milieux humides?
Est-ce qu'on ne devrait pas, même dans un village et dans un... Donc, ça
vaut aussi.
Maintenant,
est-ce qu'on peut penser, en termes de stratégie de développement durable
aussi, d'avoir des circuits courts,
c'est-à-dire que les régions puissent avoir accès aux produits mêmes agricoles
qu'ils produisent? Actuellement, ça passe par un détour dans les grands
centres. Donc, il n'y a pas d'insensibilité de Nature Québec. On s'appelle Nature Québec, on est très, très présent en
région. On travaille beaucoup au niveau des aires protégées. C'est un exemple
qu'on a donné dans les milieux urbains, mais
il vaut aussi dans les milieux... À Trois-Rivières, vous savez, c'est très,
très, très étalé, et, malheureusement,
il y a une faiblesse. Les centres-villes disparaissent, les rues principales
s'amenuisent, des grands problèmes. Il y a eu d'ailleurs un incendie
majeur au centre-ville qui est... Et donc, oui, si tu veux...
M. Drolet (Charles-Antoine) : Oui, en effet. Là, ce qu'on remarque
récemment dans les petits villages puis dans les communautés des régions, c'est un appauvrissement des services. Il y
a, par exemple, des fermetures systématiques des guichets bancaires. Les bureaux de poste se concentrent aussi dans
des grands centres. Ça, c'est certainement des facteurs qui augmentent considérablement la nécessité pour
les gens d'utiliser leur automobile puis des déplacements prolongés pour obtenir des services essentiels. Alors, il y
aurait peut-être, de la part du gouvernement, un regard plus attentif sur
cette situation-là pour encourager le
maintien de services essentiels minimums dans les régions, dans les petites
communautés.
M. Plante :
O.K. Parfait. Merci. Je pense que mon collègue de Dubuc a...
Le Président (M.
Reid) : M. le député de Dubuc.
• (12 h 10) •
M. Simard (Dubuc) : Bien, merci, M. le Président. M. Simard, monsieur. D'abord,
dans un premier temps, j'ai entendu,
là, les groupes précédents. On parle nécessairement... Tout
à l'heure, on parlait du TGV parce que,
là, on dit qu'on fait encore le transport en autobus entre Montréal
et Québec, puis il
y a des émissions de GES, alors qu'au
jour d'aujourd'hui le TGV existe, etc. Il faudrait qu'on investisse là-dedans.
Moi, je pars toujours
sur le principe qu'un sauveteur... Si on veut sauver l'environnement, là, une
chose est certaine, un bon sauveteur, le
premier principe, il faut qu'il soit capable de rester en vie pour être en
mesure de sauver les autres. Et la question que je me pose... Moi, je
suis totalement en accord avec le projet de sauver l'environnement et j'essaie de temps en temps de faire
l'avocat du diable, dont, aujourd'hui, vous me parlez de la Norvège encore, O.K.?
La Norvège sauve son environnement. Vous savez avec quoi qu'elle finance ça? Avec le pétrole. Et puis ses
revenus sont importants au niveau...
C'est un des plus grands producteurs de pétrole au monde. Donc, au Québec,
on n'en veut pas, de pétrole, et il faut aller chercher nos revenus.
Vous
savez, j'écoutais tout à l'heure les précédents qui parlaient justement
d'un TGV. TGV, au prix que ça coûte... C'est
sûr qu'en Europe... En Europe, il y a beaucoup de monde, ça rentabilise le service. Mais ici, au
Québec, on a de la misère à financer
les services entre la banlieue de Montréal et Montréal. Pourtant, il y a du monde, là. Et je me
pose la question suivante : Est-ce que les objectifs
que l'on a, tout le monde ensemble, je fais partie des gens qui ont cet objectif-là,
là, mais est-ce que c'est réaliste? Et
puis est-ce qu'on va nécessairement... la population, le commun des
mortels... Tout à l'heure,
vous parliez des banlieues. Vous savez, si on fait du bonus-malus avec tout ce
qu'il y a d'automobiles qui coûtent cher
à déplacer, on va faire mourir une industrie qui s'appelle, dans ma région, une
industrie touristique parce qu'on ne peut pas aller dans le bois avec des
petites voitures de rien, là. Je m'excuse, mais, oui, il y en a, électriques,
mais le problème en haut, c'est de les charger, O.K.? Et tu vas revenir à pied
si tu ne fais pas attention.
Ça
fait que la grande question que moi, j'ai : Tantôt, il va falloir qu'on
donne d'autres choix au monde, là, aux gens,
entre mourir noyés ou mourir brûlés parce
que les gens sont en accord avec ce
principe-là de protéger notre environnement. Je suis en accord avec ça, mais, avec tout ce
qui est proposé par rapport aux taxes, par rapport à ci, à ça,
est-ce qu'il faudrait énormément... puis ça, là-dessus, je vous en donne...
je vous tire... je suis d'accord avec vous autres, il faut
faire beaucoup d'information. M. Simard, vous faites un excellent travail
là-dessus, mais j'aimerais vous entendre pour connaître le GBS là-dedans.
Moi, je voudrais que les gens qui nous écoutent, là, à la télévision, ils
comprennent bien vers où on veut aller, là.
Une voix :
...
M. Simard (Christian) : Oui, bon, quand
même, il faut faire attention. À la limite, je vais vous dire que nos interventions n'ont pas beaucoup...
La nature va très bien résister aux changements climatiques. C'est
sûr qu'il va y avoir des pertes
d'espèces et des trucs comme ça, mais elle va se rééquilibrer à long terme mais
pourrait aussi, sans l'humain, fonctionner. Donc, c'est très humaniste
comme type de mémoire. C'est-à-dire qu'on pense que, si on ne veut pas se retrouver avec des difficultés de cultiver et de
se nourrir avec la terre, si on ne veut pas se retrouver avec des problèmes
de pêche parce que les océans, à court
terme, vont monter de température, bien, on... Puis ça, c'est documenté, c'est
les faits. Puis je suis bien sensible à l'industrie. Je suis un petit
gars de Chicoutimi, comme vous le savez, mais je pense qu'il y a moyen de faire même
du transport... Il y a des navettes au niveau touristique. Il
existe des véhicules, puis ce n'est pas juste des petits chars, là,
hein? Tesla puis l'autre, ce n'est pas juste des petits chars.
Donc, il faut
faire attention aussi de ne pas caricaturer. Il y a un défi qui est très
grand. Maintenant, il
faut aussi mettre dans la balance, à un moment donné, là, est-ce que le fait d'aller loin dans le bois avec un 4x4, le
plus loin possible, est un droit
fondamental et est-ce que le contrôle du changement des températures est quelque chose de prioritaire? Et je
pense très bien qu'on peut quand même se mouvoir encore, mais de façon
différente et de penser différemment nos déplacements...
Le Président (M. Reid) : Vous
allez terminer là-dessus.
M. Simard (Christian) : Et ça, je
pense qu'il faut faire bien attention à ça.
Le Président
(M. Reid) : Merci.
Nous passons maintenant à l'opposition
officielle. M. le député de Terrebonne.
M.
Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci
beaucoup, M. Simard, M. Ross et
M. Drolet, d'être avec nous aujourd'hui. On reconnaît votre fougue habituelle dans le cadre de ces
présentations, et j'apprécie l'expérience que vous amenez. Je ne connaissais pas cette expérience de Beauce, mais je
vois qu'elle est beaucoup plus large que simplement l'histoire de l'environnement et qu'elle concerne
toutes sortes de transports à toutes sortes d'époques. Alors, voilà.
J'aimerais
donc vous entretenir concernant les cibles intermédiaires que vous nous
proposez aujourd'hui dans le cadre de
votre mémoire. Vous nous proposez donc qu'à chaque cinq ans il y ait des
vérifications récurrentes quant à l'atteinte
des objectifs que nous nous fixons dans le cadre des débats actuels. Je voulais
donc approfondir cette recommandation-là
avec vous. Certains groupes sont venus nous voir en disant : Bon, en 2022,
on devrait, bon, prendre une pause
pour voir où nous en sommes dans la progression de la réduction des gaz à effet
de serre, dans cette lutte. Est-ce que
vous pensez que ces cibles intermédiaires aux cinq ans devraient être
enchâssées dans une loi, devraient être une... De quelle façon vous
voyez l'application d'une telle reddition de comptes?
M. Simard (Christian) : Oui, dans
notre recommandation — merci,
M. le député de Terrebonne, pour votre question — dans la présentation, on parle d'un
encadrement législatif. Ce qui est important, c'est d'avoir des mesures au-delà d'un 37,5 %. Vous savez, je ne crois
pas que c'est la volonté du gouvernement. Je crois que le gouvernement est
sincère dans sa volonté de réduire puis je
ne crois pas que ce soit seulement du marketing politique. Je ne veux pas être
cynique par rapport à quelque chose comme
ça. Il y a Paris qui s'en vient, mais, après Paris, est-ce qu'il va y avoir...
Donc, c'est important que l'objectif
soit accompagné de mesures, de mesures avec des objectifs, là, concrets,
mesurables dans le temps, et avoir
des cibles intermédiaires. Il ne faut pas arrêter, là, hein? Il faut continuer
le travail. Et ça devrait être enchâssé,
selon moi, dans une loi ou dans un règlement, pour répondre à votre question
parce qu'on ne peut pas se permettre d'avoir
un objectif ultime et ne pas avoir de jalons, d'étapes de réalisation, là, de
«checkpoints», là, réguliers. Et aussi la
situation évolue au niveau de la connaissance des changements climatiques sur
les émissions de différentes sources d'énergie. Donc, il y a une mise à
jour qui est importante.
M.
Traversy : Merci beaucoup. Je note donc que vous êtes ouverts à
cette proposition. En fait, vous l'expliquez vous-même. Cette loi-là,
est-ce que ça pourrait être en lien avec la loi sur... ça serait un élément
dans la loi sur les changements climatiques
ou une loi sur la transition des énergies? Plusieurs propositions nous ont été
apportées autour de la table, et je
constate que, dans votre discours, les mesures à entreprendre doivent être
évidemment, là, fortes ou, en tout cas, très présentes. Est-ce qu'il y aurait
matière à penser qu'elles puissent être très sectorielles? Je voulais juste que
vous nous traciez un peu, de par votre
expérience, comment vous visualisez cette loi, cet encadrement qui amènerait
des mesures concrètes, là?
M. Simard
(Christian) : Bon, il y a
des éléments qui sont déjà inclus dans le Fonds vert ou dans la loi qui l'a
créé, mais il semble y avoir encore des
zones grises qui sont, à mon sens, peu performantes au niveau, là... Par
exemple, et le collectif Transit vous a fait ressortir l'histoire du
fonds FORT, là est-ce que le Fonds vert va à la réduction des changements climatiques ou se substitue à des
fonds déjà constitués pour supporter les transports en commun? C'est assez
majeur, ça. Si on s'en va... Et puis les
Québécois, en termes de crédibilité, on vous l'a dit, si, à un moment donné, on
leur demande de faire un effort dans
des bonus-malus, mais, si on prend le résultat du malus pour le mettre dans des
activités récurrentes du gouvernement, bien, l'ensemble du système va
perdre de la crédibilité.
Donc, c'est
très important que ce soit un système crédible et c'est très, très important
que ça fonctionne, donc que ce soit précisé, les objectifs et les
moyens, puis qu'il y ait une reddition de comptes, et qu'on crée véritablement
des fonds dédiés qui
servent à la réduction et à l'atteinte des objectifs et non... J'allais dire,
puis c'est peut-être un peu grossier comme
comparaison, mais il ne faut pas faire comme le fédéral a fait avec la caisse
d'assurance-emploi. Donc, c'est une caisse
de réduction des gaz à effet de serre, ce n'est pas une caisse qu'on peut
utiliser à d'autres fonctions nobles de l'État mais sur lesquelles,
normalement... c'est les systèmes de taxation et d'autres systèmes qui
alimentent.
M.
Traversy : J'aime beaucoup la comparaison. Et d'ailleurs,
lorsque le groupe est venu autour de la table, là, ils m'ont mentionné que c'était une hypothèse,
qu'on présumait de la bonne foi mais qu'on voulait de la transparence, dans le cadre de ce fonds-là, pour évidemment
s'assurer que l'argent généré par le Fonds vert soit dédié à la mission
à laquelle il est attitré. Donc, je vois que vous partagez également, là, cette
position.
M. Simard (Christian) : Oui, on les
cite. Ce n'est pas de nous, hein?
• (12 h 20) •
M. Traversy : Mais je vois
quand même que ça vous préoccupe, là, d'une façon particulière.
Vous avez également,
dans votre rapport, cité la commission Lanoue-Mousseau qui, dans le fond, nous
faisait des recommandations à
accélérer, dans le fond, le pas pour trouver des actions rapides afin
d'atteindre les cibles, là, de gaz à
effet de serre. Vous dites... Vous rappelez que «l'objectif de [la] réduction
pour 2020 a été fixé à 20 % par l'actuel gouvernement et que son atteinte est encore loin d'être assurée à un peu
plus de quatre ans de l'échéance». Vous avez dit que changer la politique énergétique... Vous avez parlé d'une
loi-cadre. Est-ce que changer la politique énergétique serait aussi une
priorité, selon vous, dans le cadre du débat actuel?
M. Simard
(Christian) : Oui.
Naturellement, elle est en réflexion présentement, il y a le plan d'action sur
les hydrocarbures, il y a beaucoup d'exercices en parallèle,
l'évaluation stratégique sur les hydrocarbures, sur Anticosti. Donc, il faut qu'il y ait une cohérence sur
l'ensemble de ces... C'est difficile, pour nous, d'imaginer un plan d'action
puis un développement à court terme
et à moyen terme, dans les mêmes périodes, de l'industrie pétrolière dans des
produits non conventionnels, on pense
en milieu marin à Old Harry ou sur l'île d'Anticosti particulièrement, et de
concilier ça avec une cible aussi importante que 37,5 % ou
40 % de réduction de GES. Donc, on veut une cohérence là-dessus.
Ceci dit,
puis ce n'est pas pour être vilain, mais il y avait un objectif de 25 %
avant, maintenant est de 20 %, mais il n'y avait pas de mesure, dans l'objectif de 25 %, qui avait été
amenée par l'ancien gouvernement. Donc, on n'était pas gagnants non
plus.
Donc, on a
une obligation de résultat. On ne peut pas faire d'effet de toge, on ne peut
pas faire d'effet de cible et, après
ça, on retourne chez soi. Donc, c'est, pour nous, majeur. Puis cette
crédibilité-là doit s'appliquer dès maintenant, par exemple, rapidement, par un plan d'électrification des transports,
là, qui est massif, là. Ce n'est pas quelques véhicules qui font une goutte d'eau dans le parc automobile
québécois, là, comme actuellement. Ce n'est pas un peu de recherche sur l'électrification des transports. On a des
surplus énergétiques importants. On peut électrifier les transports au Québec.
On peut électrifier les transports collectifs. On peut investir massivement. On
va développer un «know-how», on va développer une industrie, mais il faut faire
des choix.
Ce n'est pas un restaurant — je
l'ai souvent dit — ce
n'est pas un buffet chinois, la société, où on encourage chacune des clientèles par une mesure ou deux. Et
ça, on appelle ça, en politique, du clientélisme. Il faut absolument éviter ça. On n'y arrivera pas si on maintient nos
vieilles habitudes. Dans la lutte aux changements climatiques, il faut que ça
soit central dans l'action d'un gouvernement, central dans l'action d'une
société. Il faut que ça fasse l'objet d'une pédagogie, là, active auprès de
l'ensemble des couches de la population pour éviter des situations comme à
Québec présentement où les radios-poubelles...
où on se complaît dans des mensonges sur les réseaux sociaux, dans le
négativisme sur les changements
climatiques, et ça compte autant que la science dans les débats sociaux puis
dans les décisions des gouvernements.
Il faut
absolument que ça change. Il y a une éducation politique à faire et citoyenne à
faire, de dire qu'on base nos
décisions sur la connaissance. La connaissance nous le dit, qu'on ne peut plus...
la Banque mondiale le dit, l'armée américaine
le dit, Mark Carney, là — j'espère que je ne le débaptise pas — le dit aussi aux assureurs : On ne peut
plus continuer comme ça. Et il ne
faut plus, comme gouvernement, donner le même poids politique à du commérage de
réseaux sociaux ou à de la science. Et
ça, il y a une responsabilité qui appartient à tous les parlementaires — vous êtes des députés — de
corriger les faits quand ils sont faux.
M.
Traversy : Et je remercie, dans le fond, l'aspect transpartisan
que vous lancez à la fin de votre rapport en disant que la lutte aux changements climatiques devrait
être au-dessus de toute partisanerie, devrait être, donc, transparlementaire.
Et c'est, je pense, ce que nous faisons,
actuellement dans le cadre de cette commission, avec le gouvernement et la
deuxième opposition. Je vous remercie
de ce cri du coeur, M. Simard. Vous avez vu que j'ai à peine posé une petite
question mais que la réponse provoque
beaucoup de réactions. Alors, soyez certain que tout a été entendu. Et je vous
laisse poursuivre la discussion avec mon collègue de Masson.
Le
Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Nous passons au deuxième
groupe d'opposition. M. le député de Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Vous savez, vous avez mentionné que, dans
le fond, la cible de 37,5 % du gouvernement, vous, vous mentionnez que
vous seriez plus ambitieux, vous allez jusqu'à 45 % à 50 %. Mais là, dans le fond, le gouvernement, dans son
document de consultation, il nous donne des mesures, il nous mentionne, lui, qu'il est capable d'aller
chercher 15 mégatonnes de réduction. Et vous, là, si vous ciblez d'aller
chercher de
40 % à 45 % à 50 %... puis là vous avez parlé d'électrification
des transports, mais, je ne sais pas si vous avez regardé à la page 28,
outre les mesures qui sont déjà ciblées, c'est sur quelle qu'on mettrait
l'emphase dès maintenant? Et puis l'utilisation
du Fonds vert, dans le fond, à quelle hauteur, là, vous dégageriez combien de
millions pour mettre la cible pour arriver à réduire nos GES pour
atteindre votre cible de 50 %?
M. Simard
(Christian) : Tout n'est pas
défini dans notre mémoire. Comme on dit, il y a des réductions structurelles
qu'il faudrait évaluer dans le changement de
notre façon d'aménager le territoire. En fait, notre société investit beaucoup
pour satisfaire l'automobiliste individuel.
Il faut changer ces éléments-là. On donne quelques pistes dans notre mémoire.
On donne, par exemple, des objectifs en
biomasse forestière résiduelle qui crée des emplois et qui réduit. Aussi, on
donne des pistes de remplacement de
30 % de... Ce n'est pas seulement des pistes, mais il y a des mesures très
précises qui ont été données par
l'association québécoise — vous allez les recevoir, je pense — de l'énergie renouvelable, des productions
d'énergie renouvelable, des pistes très
précises pour remplacer, d'ici 2030, 30 % de la consommation totale de
combustible fossile par des énergies
renouvelables. C'est des mesures qui sont additionnelles à celles qu'on
retrouve dans les documents gouvernementaux. Donc, ce sont des pistes
importantes qu'il faut.
Donc, on a vu
aussi d'autres éléments, comme je vous dis, puis qu'on n'a pas noté qu'on
allait aussi loin, là. Même les
exemples qui avaient été donnés, ce n'étaient pas des recommandations mais des
exemples par la commission Lanoue-Mousseau :
donc, le remplacement du chauffage des résidences et des bâtiments par du
chauffage à la biomasse ou par des
énergies renouvelables; convertir à l'électricité 31 000 bâtiments, on l'a
dit; retirer 2,1 millions de voitures individuelles à combustion. Donc, ça demande des mesures majeures, mais
on pense que c'est possible. Mais, il ne faut pas se le cacher, c'est
quasi une révolution qui est proposée, là. Si on veut répondre à l'objectif, il
faut quand même transiter rapidement vers un
modèle industriel qui n'est pas thermo-industriel, ce qu'on appelle, la
plupart... maintenant, on appelle le modèle thermo-industriel, qui est
basé sur l'utilisation du carbone principalement.
Donc, il faut
décarboniser l'économie. Ce n'est pas facile, c'est énorme. On n'a pas la
solution dans le détail, mais on pense qu'on ne peut pas y échapper, là,
collectivement.
M. Lemay : O.K., merci beaucoup. Et
puis, dans votre élément de réponse, vous avez mentionné la biomasse forestière. Vous l'utiliseriez dans les procédés
industriels pour générer de la chaleur ou vous l'utiliseriez pour générer
de l'électricité?
M. Simard
(Christian) : Très
rapidement, pas pour générer de l'électricité parce que c'est un des pires
moyens. C'est-à-dire, de brûler pour
faire de l'électricité, il y a une perte en thermodynamique qui est énorme. En
fait, on le propose même dans le
Nord. On a des projets de substitution du diesel dans le Nord. On le propose
même, parce qu'on est pris avec,
l'aluminerie, là... pas l'aluminerie mais la cimenterie de Port-Daniel, donc
d'amener de la biomasse résiduelle pour diminuer l'utilisation du coke de pétrole dans les bâtiments et dans les
résidences. Donc, il y a des propositions. Ce n'est pas suffisant, mais
c'est un exemple.
Il y a ici, je pense, Pierre qui voulait...
M. Ross
(Pierre) : Bien, en fait,
pour répondre peut-être à quelques préoccupations plus générales, vous savez,
on voit souvent les changements climatiques
comme étant un intrus dans quelque chose qui allait bien. On allait bien,
hein? Avoir son permis de conduire, ça a
remplacé la permission de fumer comme rite de passage à l'âge adulte. Puis on
a les voitures, puis il y a du pétrole
là-dedans, il y a du pétrole un peu partout. On brûle des hydrocarbures. On a
une société qui est basée là-dessus,
puis là, soudainement, on introduit les changements climatiques comme si
c'était quelque chose qui venait nous empêcher de danser en rond, alors
que les changements climatiques font partie de l'utilisation des hydrocarbures. Ce n'est pas un intrus. Il n'y a
jamais personne de pris dans le trafic le matin. Tout le monde fait partie
du trafic. Tu sais, il n'y a personne de pris, les autos veulent, tu sais.
Alors, les
changements climatiques, ce n'est pas quelque chose de nouveau qui est venu
nous empêcher de vivre comme on
voulait vivre. C'est quelque chose qui a toujours été là, puis on l'a ignoré.
Alors là, il faut en tenir compte. Alors, il faut voir les changements climatiques pas comme un intrus mais comme
une composante essentielle de l'utilisation des hydrocarbures.
M. Lemay : Parfait. M. le Président?
Le Président (M. Reid) : Il
vous reste encore une minute.
M.
Lemay : Une minute. Moi, j'ai une autre question. On s'en va dans le
secteur du chauffage, là, je retourne là. C'est parfait, vous avez mentionné le mazout, c'est 16 % de notre
consommation de produits pétroliers. Est-ce que vous considéreriez, à ce
moment-là, qu'on devrait utiliser plus le gaz naturel comprimé pour remplacer
le mazout?
• (12 h 30) •
M. Simard
(Christian) : Je vous
remercie de votre question. Moi, j'avoue que, ces temps-ci, là, pourtant, je me
trouve des fois un peu blasé, mais là il y
en a qui réussissent à me surprendre. Je vois les campagnes de Gaz
Métropolitain, là. C'est incroyable, là! On ne dirait pas qu'ils font du
gaz. Ils font tout, de l'éolien, des choses comme ça, alors que la biométhanisation, c'est des parties congrues de
leur production. Mais, essentiellement, c'est de l'énergie non renouvelable,
c'est les énergies fossiles. M. Brunel,
tantôt, vous a dit que, même si on calcule les impacts sur 20 ans des gaz naturels, c'est énorme.
Et je me méfie de ces
grosses campagnes de publicité là. La dernière fois que j'en ai vu une, c'est il
y a quelques années où on disait qu'on
pouvait faire pousser les légumes sur les sables bitumineux, là, puis on avait
quelqu'un qui a un laboratoire puis
qui nous montrait ça. Puis par la suite sont arrivés les projets de pipeline,
là. On prépare le terrain de l'opinion. Là, Gaz Métro doit, le préparer
le terrain des gaz naturels liquéfiés, les futurs pipelines.
Mais, dans la vie, il faut bien voir que, quand
on a le choix, par exemple... Et ça devient un compétiteur, par exemple, la biomasse forestière résiduelle qui va
donner énormément d'emplois en région, qui va permettre de chauffer les
bâtiments, qui va être plus performante, et de beaucoup, que le gaz naturel. Et
on nous fait passer le gaz naturel, aujourd'hui,
comme de l'énergie renouvelable comparativement aux éoliennes et on nous
dit : Pensons à demain. Et on nous associe ça. Et, pour moi, là, on
n'est pas loin, honnêtement, de la fraude intellectuelle. Puis je vous invite à
faire attention à ce type de «brainwashing»,
là, qu'on voit dans les médias présentement ou dans la pub, là, qui est
absolument contre-productif dans la lutte aux changements climatiques.
Le
Président (M. Reid) : Je n'ai pas voulu vous arrêter, mais le
temps est terminé depuis quelques instants déjà. Alors, merci beaucoup
pour votre contribution.
La commission ajourne ses travaux au mardi 6
octobre, à 10 heures.
(Fin de la séance à 12 h 31)