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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 10 septembre 2015 - Vol. 44 N° 33

Consultations particulières et auditions publiques sur le Livre vert intitulé « Moderniser le régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement »


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Table des matières

Auditions (suite)

Greenpeace

Nature Québec

Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)
et Stratégies énergétiques

Fondation David-Suzuki

Ouranos inc.

Regroupement des organismes de bassins versants du Québec (ROBVQ)

Association minière du Québec (AMQ)

Réseau de milieux naturels protégés (RMN)

Intervenants

M. Pierre Reid, président

M. David Heurtel

M. Ghislain Bolduc

M. Mathieu Traversy

M. Mathieu Lemay

M. Claude Surprenant

M. Serge Simard

M. Guy Bourgeois

*          M. Patrick Bonin, Greenpeace

*          M. Christian Simard, Nature Québec

*          M. Alain Brunel, AQLPA

*          M. Karel Mayrand, Fondation David-Suzuki

*          M. Jean-Patrick Toussaint, idem

*          M. Alain Bourque, Ouranos inc.

*          Mme Marie-Claude Leclerc, ROBVQ

*          M. Jean-Paul Raîche, idem

*          Mme Josée Méthot, AMQ

*          Mme Nathalie Tremblay, idem

*          Mme Caroline Cormier, RMN

*          Mme Marilou Bourdages, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le livre vert intitulé Moderniser le régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Nichols (Vaudreuil) sera remplacée par Mme Boulet (Laviolette); M. Bergeron (Verchères), par M. Traversy (Terrebonne); et M. Jolin-Barrette (Borduas), par M. Lemay (Masson).

Le Président (M. Reid) : Alors, j'en profite pour souhaiter la bienvenue au député de Terrebonne, qui est le nouveau porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement. Bienvenue avec nous.

Voici l'ordre du jour de cet avant-midi. Nous entendrons les groupes suivants : Greenpeace, Nature Québec, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et la Fondation David-Suzuki.

Auditions (suite)

Alors, j'invite les premiers participants, représentants de Greenpeace, à prendre la parole. Vous avez une dizaine de minutes. Par la suite, nous procéderons à un échange avec les membres de la commission. Et je vous demande, pour les fins d'enregistrement, de vous nommer avant de commencer.

Greenpeace

M. Bonin (Patrick) : Bonjour. Mon nom est Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat énergie à Greenpeace Canada. M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, bonjour.

Peut-être rapidement vous rappeler, Greenpeace, évidemment, on est Greenpeace Canada, donc, plus de 89 000 membres au Canada, près de 2,9 millions de membres à travers le monde, dans 50 pays, et on est très intéressés par évidemment cette modernisation-là de la loi, en particulier la dimension des changements climatiques. Donc, il est certain que, de voir comme orientation première la question des changements climatiques, on tient absolument à souligner à grands traits et à féliciter le ministre de cette initiative-là, qui, pour nous, est centrale en raison, entre autres, de la crise actuelle au niveau des changements climatiques.

Greenpeace, et vous le verrez dans notre mémoire, appuie le mémoire du Centre québécois du droit de l'environnement. En tant que membres, donc, on partage leurs recommandations et réflexions et également on partage une certaine préoccupation par rapport, entre autres, à un certain laxisme au niveau du ministère, dernièrement, quant aux compétences au niveau, entre autres... face au fédéral, face à un certain abandon; qu'on pense, par exemple, au projet de port à Québec, quand on pense à la question d'Énergie Est sur la question des changements climatiques, d'abandon de la capacité de Québec, la nécessité que Québec prenne tout le terrain possible, entre autres, face à la réalité actuelle où le gouvernement fédéral, à plusieurs égards au niveau des évaluations environnementales, est problématique. Comme je le disais, dans notre mémoire, on se concentre essentiellement sur la question des changements climatiques parce qu'il y a urgence. Vous le savez, on est en route vers Paris actuellement pour une nouvelle entente internationale avec comme objectif de limiter le réchauffement à 2 °C actuellement, consensus au sein des Nations unies. Quand on regarde la science la plus récente, ce n'est plus 2 °C. 2 °C, c'est un niveau qui va présenter des risques importants si on attend un 2 °C comme réchauffement. Donc, on parle de plus en plus... et les organisations internationales parlent de plus en plus de limiter le réchauffement bien en deçà de 2 °C, ce qui implique évidemment des gestes cohérents de la part des gouvernements pour y arriver.

Ce qu'on propose comme outil essentiel dans la lutte aux changements climatiques, c'est ce qu'on appelle le test climat, le «climate test», comme on le connaît aux États-Unis, où l'expression a émergé, entre autres, suite à la décision du président Obama d'évaluer le projet de pipeline de sables bitumineux Keystone XL sur la base de l'impact qu'il aura sur les changements climatiques en incluant l'augmentation de la production des émissions de gaz à effet de serre qui accompagne ce pipeline-là, les émissions en Alberta.

Donc ce test climat là devrait, selon nous, être appliqué dans l'ensemble du processus, et ce, à tous les projets qui sont présentés, incluant le projet actuel, Énergie Est, qui sera évalué sous peu devant le BAPE. Donc, si on veut, au Québec, intégrer la question des changements climatiques, c'est évidemment le premier gros projet majeur — 7 millions de véhicules — en termes d'augmentation des émissions de gaz à effet de serre qui doit montrer et démontrer la volonté du Québec de vouloir intégrer la question des changements climatiques dans les évaluations, et actuellement ce n'est pas le cas.

Ce test climatique là va viser, entre autres, à permettre de s'assurer que le Québec atteigne ses objectifs 2020, 2025, 2030, et ce, jusqu'en 2050. C'est un outil essentiel et qui va également de pair avec inscrire dans la loi les objectifs, entre autres, pour 2050 récemment adoptés par le gouvernement du Québec et pour lesquels on le félicite encore une fois, objectifs ambitieux — moins 80 % à moins 95 % — qui se rapprochent de ce qu'on prône, entre autres, au niveau de Greenpeace International, soit 100 % énergies renouvelables d'ici 2050, et, en ce sens, il faut saluer l'intention louable du gouvernement du Québec. Le test climat, évidemment c'est un test qui demande qu'on regarde l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre, comme je le mentionnais, et ça, c'est en cohérence avec ce qu'on a déjà actuellement au niveau du Québec, entre autres, dans la Loi sur le développement durable, le principe h, que vous connaissez probablement, au niveau du partenariat et de coopération intergouvernementale. Évidemment, quand on regarde Énergie Est, pour prendre cet exemple très concret, actuellement, on a un mandat qui ne regarde pas les émissions de gaz à effet de serre en amont, donc l'augmentation de la production des sables bitumineux. Et, dans le cadre du BAPE, ce que le BAPE va regarder, les émissions québécoises, c'est l'équivalent de 0,40 %, donc même pas 1 %, de l'augmentation des émissions qu'il va y avoir en Alberta. Donc, si on parle... et si on sérieux dans la lutte aux changements climatiques, il faut, à tout le moins, regarder ça, il faut, à tout le moins, se pencher... avoir tous les outils pour pouvoir prendre une prise décision éclairée, et, malheureusement, ce n'est pas le cas. Évidemment, le promoteur pourra et devra présenter un plan, s'il y a une augmentation d'émissions à travers le temps — 2020, 2025, 2030, 2050 — à travers le temps, comment il palliera à cette augmentation-là ou comment cette augmentation d'émissions peut être compensée, en quelque part.

Gardez en tête que l'objectif actuel qu'on doit viser, c'est environ zéro émission de gaz à effet de serre en 2050. Donc, la réalité, entre autres, d'achat de crédits d'émission et d'échange de crédits d'émission va faire en sorte que ces crédits-là vont être beaucoup plus coûteux à travers le temps et vont être en très petites quantités lorsqu'on arrivera en 2050 avec un objectif d'avoir zéro émission de gaz à effet de serre. Si, évidemment, un promoteur échouait ce test-là, eh bien, le gouvernement, essentiellement le ministre, aurait le pouvoir de ne pas octroyer les permis, les autorisations pour un projet du genre. Ce qu'il faut également garder en tête, c'est que, pour réussir à faire une évaluation complète du portrait, il faut que le gouvernement, au-delà de requérir, de demander les impacts du projet... il faut être capable de les situer dans le contexte québécois. Donc, on a besoin d'un tableau de bord et d'outils au niveau du Québec pour s'assurer qu'on a toutes les pièces du puzzle et que, s'il y a, par exemple, un projet, eh bien, on va être en mesure de dire quel sera l'impact du projet en regard d'où est le Québec actuellement par rapport à ses objectifs.

Un des problèmes présentement, c'est qu'on n'a pas, au niveau du Québec, une publication annuelle publique de ce qu'on appelle la tendance des émissions de gaz à effet de serre. Le gouvernement fédéral publie, chaque année, une tendance des émissions de gaz à effet de serre qui essentiellement modélise, à partir de variables économiques, entre autres, quelles seront les émissions en 2020 pour le Canada avec différents scénarios, entre autres, au niveau du prix de l'essence, etc., et en regard des mesures mises en place de réduction de gaz à effet de serre. Le gouvernement fédéral n'a pas de plan de lutte aux changements climatiques, mais il a quand même des mesures, et donc il est en train de dire... il est capable de dire, il le publie à chaque année, que le gouvernement fédéral va manquer ses cibles actuellement et que... avec ou sans mesure, de combien il va les manquer. Le gouvernement du Québec n'a pas cet outil-là actuellement, et cet outil-là est essentiel parce qu'il faut être en mesure de mettre le portrait global dans lequel va s'insérer ce test climat là. Et, si on prend, par exemple, les exemples de Port-Daniel ou d'Anticosti récemment, qui pourraient aller en exploitation, il est certain que ces projets-là devraient, par exemple, justifier leur raison d'être et leur faisabilité en regard de la réalité québécoise, ce qui, malheureusement, n'a pas été le cas, entre autres, dans le cas de Ciment McInnis. Et, Anticosti, on verra, évidemment, le projet n'ayant pas été encore soumis au Bureau d'audiences publiques en environnement.

L'autre dimension, évidemment, c'est toute la question de la participation du public, la transparence, qui est très importante dans ce processus-là, donc d'avoir les données publiques, d'avoir les données présentes au début des évaluations environnementales et ainsi que les analyses ministérielles rendues publiques pour permettre justement de bonifier ces analyses-là par les gens qui participent aux audiences.

La dernière dimension, c'est évidemment l'importance d'évaluer également les alternatives, donc, lorsqu'on présente un projet, par exemple, sur les gaz de schiste, quelles sont les alternatives réelles aux gaz de schiste, le potentiel en biométhane, par exemple, en réduction de la consommation de gaz, de manière justement à relativiser l'importance d'un projet ou, du moins, le fait que le projet serait plus ou moins incontournable pour un gouvernement comme le gouvernement du Québec.

Je crois que je vais arrêter ici.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Reid) : Oui. Merci. Alors, nous allons procéder maintenant à la période d'échange, et je donne la parole au ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bonin. Merci pour votre mémoire ainsi que votre présentation. Puis je tiens à dire que... puis on se l'est dit tout à l'heure plus en privé, mais je salue la volonté, là, de travailler ensemble en route vers Paris, puis notre volonté, c'est de voir comment on peut échanger avec votre organisation et d'autres groupes environnementaux en route vers Paris, parce que, comme vous l'avez bien souligné, ce rendez-vous-là est fondamental puis Québec entend jouer un rôle de leadership non seulement parmi les États fédérés, mais comme État présent. Et donc c'est sûr que de travailler en concertation le plus possible avec d'autres groupes qui vont être présents, ça va être très important. Donc, je salue votre ouverture à échanger là-dessus.

Sur le test climat, il y a déjà deux autres groupes qui sont venus nous voir la semaine dernière et qui ont proposé une mesure semblable, Équiterre et Vivre en ville, mesure que nous trouvons très intéressante, du côté du gouvernement. Je veux juste commencer avec une question très simple d'apparence : Mais est-ce que votre mesure s'apparente à ce qui était proposé par Équiterre et Vivre en ville ou s'il y a des différences importantes?

M. Bonin (Patrick) : Je n'ai pas eu la chance de consulter le mémoire de Vivre en ville, j'ai rapidement parcouru et échangé avec, entre autres, les gens d'Équiterre, et, à première vue, il n'y a pas d'incompatibilité entre les deux propositions ou les trois propositions, mais je ne peux pas parler de Vivre en ville.

Il y a probablement des subtilités à l'intérieur de ça, et ce qu'on propose actuellement, c'est d'ouvrir le jeu sur cette question-là, donc c'est de voir... On n'a pas la prétention d'avoir la science infuse. Ce qu'on dit, c'est : Le Québec a une belle opportunité. Il y a déjà plusieurs précédents dans les évaluations environnementales québécoises à travers le BAPE, au niveau de ce qui a été évalué, entre autres, en amont, en aval potentiellement, et il y a plein de choses qui se passent au niveau international, aux États-Unis, près de chez nous. Le Québec a même évalué certaines normes sur la teneur en carbone, par exemple, pour les véhicules, la possibilité de mettre ça en place. Donc, il y a plein de matériel là, et là ce qu'il faut faire, c'est s'assurer d'avoir un consensus là-dessus et surtout d'avoir quelque chose de crédible. Et, nous, ce sur quoi on insiste beaucoup, c'est la nécessité d'avoir ce tableau de bord là pour le gouvernement du Québec aussi, qui, je pense, est dans l'intérêt de tous, parce qu'un test climat, ça s'insère dans une réalité. Et je pense que, là-dessus, notre mémoire insiste beaucoup sur : ça ne veut rien dire, un test climat, si on n'est pas capables de le positionner dans le temps et si on n'a pas les outils adéquats pour le faire. Et, malheureusement, actuellement, ce n'est pas le cas, du moins publiquement.

M. Heurtel : Dans l'hypothèse où on intégrerait, justement, un test climat dans le projet de loi que nous avons l'intention de déposer sur la modernisation du régime d'autorisation environnementale, donc, si je vous suis bien, au minimum, on devrait le lier à nos cibles de réduction, donc à notre cible 2020, qui est déjà publique, la cible 2030, que nous allons annoncer cet automne, mais on a déjà une cible 2030 générale. Suite à la conférence des premiers ministres et gouverneurs de l'Est, le premier ministre a adhéré à la cible régionale, qui nous donne une fourchette, pour 2030, de réduction de 35 % à 45 % par rapport à 1990. Puis, comme vous l'avez mentionné, il y a la cible 2050 de 80 % à 95 % de réduction, à laquelle le Québec a adhéré cet été au sommet de Toronto.

Alors, encore une fois, donc, ce test climat concrètement évaluerait les projets en amont, et puis un des étalons de mesure, là, d'évaluation, ce serait par rapport à ces cibles, n'est-ce pas?

M. Bonin (Patrick) : Oui.

M. Heurtel : Bon. Alors, certains opposants ou, disons, ceux qui... on a entendu des critiques par rapport au test climat disant que c'est finalement un dédoublement par rapport au système déjà existant du marché du carbone. Vous réagissez comment à cette critique-là par rapport au test climat?

M. Bonin (Patrick) : Bien, plusieurs choses. Peut-être, dans un premier temps, les cibles actuelles. Celle de 2020 a déjà été fixée. Un des commentaires de Greenpeace était que cette cible-là était en deçà de la fourchette recommandée par le groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, qui recommandait moins 25 à moins 40; le gouvernement avait moins 20. La cible adoptée, entre guillemets, pour 2030, tout récemment, par le gouvernement, de notre côté, on espère qu'évidemment cette cible-là est en quelque sorte une cible plancher et qu'on va pouvoir également en discuter de manière ouverte lors de la consultation parlementaire qui va viser à adopter officiellement cette cible-là et on espère que le gouvernement va aller plus loin et on aura l'occasion de présenter notre argumentaire. Mais ce qui est important aussi, c'est qu'il y a 2025 entre 2020 et 2030, et nous, d'un point de vue international, comme le Réseau Action Climat international, qui regroupe 900 ONG... recommande une cible pour 2025 parce qu'une cible sur 10 ans ne permet pas les ajustements requis suffisamment rapidement. Ça, c'est pour le Québec, là.

Il y a le Canada également. Donc, la question, actuellement, du système de plafonnement et d'échange d'émissions, bien, malheureusement, ça ne s'adresse pas actuellement à l'Alberta, qui a un prix la tonne de 1,80 $ environ au niveau des gaz à effet de serre. Donc, ce qu'on dit lorsqu'on réfère au principe h, la Loi sur le développement durable, c'est que... d'autant plus qu'actuellement le gouvernement fédéral ne le fait pas, n'évalue pas ces projets-là, comme, par exemple, Énergie Est n'évalue pas l'impact global de ce projet-là, même si c'est 7 millions de véhicules. Eh bien, le test climat permet, à tout le moins, d'avoir cette information-là claire dans la prise de décision du gouvernement du Québec en cohérence avec sa vision, avec ce qu'il demande également de ses partenaires provinciaux au niveau de la lutte aux changements climatiques. Donc, c'est un outil qui aide également au dialogue, on pense, entre les provinces dans l'optique où l'Alberta est en train de changer également de position de manière quand même assez, je dirais, drastique comparativement au gouvernement précédent. Donc, ce n'est pas limité dans la géographie du Québec, et le système actuellement de plafond et d'échange d'émissions, c'est juste au Québec... ou, du moins, c'est Québec, éventuellement Ontario et la Californie, et on espère que ça s'élargira.

Mais le système de plafonnement et d'échange d'émissions, pour nous, c'est un outil dans la lutte aux changements climatiques, donc ce n'est pas une finalité. Le plan d'action du gouvernement du Québec, ce n'est pas le système de plafonnement d'échange d'émissions, c'est un outil qui est accompagné par des mesures. Et l'objectif du Québec, c'est de réduire le plus possible l'utilisation d'achat de crédits à l'étranger, et de réduire ses émissions en territoire québécois, et de profiter des cobénéfices qui viennent avec la réduction des CO2, cobénéfices au niveau de la santé, cobénéfices à plein d'égards au niveau de la qualité de vie des gens et aussi au niveau de la restructuration de l'économie québécoise en injectant de l'argent dans ce qu'on appelle les secteurs en émergence, entre autres les écotechnologies, les énergies vertes, etc., où le Québec a déjà... l'électrification est un bon exemple, a déjà fait des gestes et est en train de se positionner au niveau international.

Donc, le système de plafonnement et d'échange d'émissions, éventuellement aussi, va avoir moins de crédits d'émission disponibles, parce que la réalité est que, si on a zéro émission de gaz à effet de serre comme objectif, là — le gouvernement est à moins 95 % d'objectif pour 2050, du moins, c'est dans sa fourchette — ça veut dire qu'il n'y a presque plus de crédits d'émission disponibles. Dans quelle mesure les projets octroyés actuellement ou acceptés actuellement peuvent compenser en 2050, bien, elle est infime, cette mesure-là, si on regarde la logique de zéro émission, plus ou moins, 100 % d'énergie renouvelable en 2050. Donc, actuellement, le système, il est là de façon temporaire, permet une flexibilité aux entreprises dans l'optique où il y a de la compétitivité, entre autres, au niveau économique entre les provinces et territoires adjacents, mais il est certain que cette flexibilité-là... Nous, ce qu'on prône, c'est que le recours au marché, surtout à l'achat de crédits d'émission à l'étranger soit diminué le plus rapidement possible, surtout qu'actuellement, malheureusement, le gouvernement du Québec se dirige vers des... n'atteindra pas sa cible en 2020, par rapport à ses objectifs dans le plan, en termes d'achat de crédits d'émission, il va devoir acheter davantage de crédits d'émission.

Et, encore une fois, on pourrait discuter de ça, mais on n'a pas cette tendance-là, et... à moins qu'elle soit disponible — et, si elle l'est, bien j'invite le ministre à la rendre publique — qui nous permettrait de dire, si la tendance actuelle se maintient, combien Québec va acheter de crédits d'émission en 2020, et ça doit faire partie, en effet, de la discussion.

• (9 h 50) •

M. Heurtel : J'aimerais... Bien, premièrement, juste pour préciser, là, concernant la cible 2030 du gouvernement, il va en effet y avoir une commission parlementaire, c'est prévu par la loi. Alors, il va y avoir une occasion d'échanger sur cette cible. Alors, on pourra certainement poursuivre la conversation à ce niveau-là.

J'aimerais revenir au test climat. J'aimerais ça vous entendre davantage, vous y avez fait allusion dans votre présentation, la notion de prendre en considération les impacts cumulatifs. Comment vous voyez... J'aimerais ça vous entendre davantage sur l'intégration des impacts cumulatifs dans le test climat et la prise en considération des impacts cumulatifs dans le test climat.

M. Bonin (Patrick) : Bien, évidemment, les impacts cumulatifs, ça revient à avoir tous les outils actuellement. Il peut y avoir une panoplie de petits projets, par exemple une panoplie de petits puits de gaz de schiste au Québec, qui, lorsque pris de manière individuelle... qui sont des projets, des entités en soi, ne représentent pas une augmentation significative des émissions; même chose pour, par exemple, des puits de pétrole de schiste. Mais, lorsqu'on regarde l'impact cumulatif de tous ces projets-là... Ça, c'est d'un point de vue gaz à effet de serre, mais ça s'applique aussi d'un point de vue biodiversité, ça s'applique à plusieurs égards, au niveau de la qualité de l'eau, etc. Quand on additionne tous ces projets-là cumulatifs, eh bien, on se rend compte qu'ultimement, bien, ça ne cadre pas dans la vision où s'en va le Québec.

Il faut aussi regarder «cumulatifs» d'un point de vue canadien, parce qu'actuellement le Québec a des partenaires, ce qu'il considère des partenaires, travaille avec les provinces, et actuellement, bien, on a... en Saskatchewan et en Alberta, on a une province où, par habitant, bien, ils émettent six fois plus de gaz à effet de serre que les Québécois. Donc, il y a toute une dimension d'équité là-dedans, dans les efforts qui sont faits, de reconnaissance des décisions antérieures ou récentes qui ont été faites et qui s'insèrent, là, justement dans... ce n'est pas juste le cumul de la province, mais cette province s'insère dans une réalité pancanadienne où on a un rôle au niveau international, où on a des objectifs, des engagements qui, jusqu'à maintenant, sont insuffisants par rapport à ce qui est demandé pour que le Canada fasse sa juste part, mais cet impact cumulatif là canadien également doit être considéré, définitivement.

M. Heurtel : Puis si on allait encore plus loin? Je vais vous donner un exemple dont on a discuté la semaine dernière : la venue d'une usine, peu importe, là, qui serait émettrice d'importantes quantités de gaz à effet de serre, mais le fait qu'elle vienne s'installer au Québec, elle serait donc soumise à des contrôles très importants qui... Si elle ne s'installe pas au Québec, bien l'usine s'installerait, mettons, je ne sais pas, en Asie ou en Russie, qui sont, mettons, des moins bons élèves, il y aurait beaucoup moins de contrôle. Donc, au niveau cumulatif, avoir l'usine au Québec, oui, elle va émettre, mais beaucoup moins. Elle va être soumise au marché du carbone, va être soumise à un test climat, va être soumise à des mesures d'atténuation.

Encore une fois, dans cette hypothèse-là, comment vous voyez, un, le test climat s'appliquer puis comment vous réagissez à cet argument-là, qui nous avait été présenté la semaine dernière, c'est-à-dire c'est mieux d'avoir l'usine au Québec avec des contrôles, puis elle va moins émettre que... plutôt qu'elle s'installe ailleurs où il n'y aura aucun contrôle, puis elle va vraiment émettre beaucoup? Donc, on regarde d'une façon plus globale l'approche. Comment vous réagissez à cet argument-là?

M. Bonin (Patrick) : Bien, la première notion importante, je pense, c'est «des responsabilités communes mais différenciées», qui est un terme utilisé, entre autres, par la conférence des Nations unies sur le climat, qui existe depuis, si je ne m'abuse, Rio en 1992, où on dit que les États ont des responsabilités communes dans la lutte aux changements climatiques, mais différenciées. Et ce principe-là existe, entre autres, pour les pays en voie de développement. Souvenez-vous de Kyoto, où c'étaient seulement les pays industrialisés qui avaient des cibles contraignantes de réduction des émissions de gaz à effet de serre sous Kyoto, parce que la logique était que les pays industrialisés doivent prendre le leadership dans la lutte aux changements climatiques, et ça, c'est même inscrit dans la convention-cadre sur les changements climatiques, et, par la suite, bien, les pays en développement et les pays en transition mettront l'épaule à la roue et embarqueront également dans le bal.

Actuellement, malheureusement, les pays... si on regarde le cas du Canada, les émissions ont augmenté entre 2012 et 2013, et, selon l'inventaire fédéral, c'est également le cas pour le Québec. Donc, à certains égards... et le Canada est un meilleur exemple que le Québec, là, j'en conviens, là, mais les pays industrialisés n'ont pas fait leurs devoirs en termes de réduction et de leadership. Et l'idée, là, derrière ça, c'est qu'historiquement ce sont les pays développés qui, depuis l'industrialisation, ont émis les émissions de gaz à effet de serre, sont responsables du problème beaucoup plus que les pays en développement, qui maintenant, en effet, deviennent de gros émetteurs.

Donc, il faut mettre ça dans la balance et surtout considérer que l'objectif dans Paris, c'est qu'on ait l'ensemble des nations au niveau des Nations unies qui, pour la première fois, s'insère dans des cibles contraignantes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Donc, cette réalité-là que les législations internationales, Russie ou autres — vous parliez d'Asie — ne sont pas soumises aux mêmes règles, eh bien, c'est de moins en moins vrai, parce qu'il y a déjà beaucoup plus d'efforts qui sont faits et surtout parce qu'on s'en va vers cette entente-là internationale avec les États-Unis et la Chine, qui, pour la première fois, ont mis en place des mesures significatives et sont de bonne foi dans les négociations. Donc, l'argument tient plus ou moins, selon moi. Et gardez en tête que, s'il y a une réalité de lutte aux changements climatiques et d'équité, le principe d'équité intergénérationnelle, donc, à travers le monde actuellement, eh bien, quand on regarde la Chine ou même l'Inde, bien la réalité, c'est qu'on est deux fois, trois fois plus émetteurs per capita que ces pays-là, qui ne sont pas, encore une fois, responsables de l'historique des émissions de gaz à effet de serre. Mais, encore là, la Chine fait beaucoup plus d'efforts que le Canada, donc c'est... je dirais que cet argumentaire-là, il a des limites.

Mais aussi l'importance pour le gouvernement du Québec d'avoir les données dans, par exemple, des investissements — centaines de millions quand on parle de mécanismes, des crédits d'émission octroyés gratuitement aussi pour une cimenterie — il faut avoir ces données-là, comment ça s'insère, ces projets-là, dans une réalité économique d'augmentation des prix du carbone, de limitation des crédits de carbone, surtout quand le Québec... et vous comprendrez que Greenpeace n'est pas d'accord avec cet investissement-là, mais c'est la décision du gouvernement, et, à tout le moins, avoir les outils pour cette prise de décision là est essentiel tout comme c'est le cas également pour Anticosti.

Le Président (M. Reid) : Merci. Il reste quelques secondes.

M. Bolduc : J'aurais aimé, si vous avez la chance d'en parler — je m'excuse, là — mais y aller rapidement sur l'impact de la bourse de carbone et, en fait, l'impact à long terme, justement, de réduire par le fait que le prix augmente graduellement... Je pense que je suis obligé d'arrêter là.

Le Président (M. Reid) : Oui. Bon. Ça va. Je vais passer maintenant la parole au nouveau porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais saluer le ministre et l'ensemble de son équipe gouvernementale, saluer aussi notre collègue de Masson, qui est accompagné aussi de notre collègue de Groulx. Beaucoup de gens de la Rive-Nord de Montréal, là, autour de cette table, parce que l'environnement nous préoccupe grandement. M. Bonin, très belle présentation, là, donc, de ce mémoire que vous nous avez donnée aujourd'hui.

Alors, j'aimerais tout d'abord vous poser une question concernant, donc, le tableau de bord que vous avez mentionné à l'intérieur de votre présentation, un tableau de bord pour évaluer la tendance des GES. Donc, je voulais voir un peu de quelle façon vous souhaiteriez l'appliquer. Le ministre a parlé, bon, d'un projet de loi éventuel qui pourrait être annoncé. Est-ce que vous voyez ça à l'intérieur de ce dit projet de loi? Est-ce que ça devrait être une législation plus spécifique? Est-ce que vous voyez un suivi fait par un commissaire au développement durable?

Comment vous voyez, là, l'application plus concrète — j'aimerais ça que vous nous l'expliquiez encore davantage — de ce tableau de bord pour évaluer les tendances des gaz à effet de serre?

M. Bonin (Patrick) : Si on regarde, entre autres, ce qui se fait au niveau ontarien, il y a une nécessité de produire, justement, des analyses publiques quant à l'état de la lutte aux changements climatiques. Même au gouvernement fédéral, il y avait la Loi sur l'implantation du Protocole de Kyoto qui forçait le gouvernement à rendre des comptes. Et le Québec actuellement est déficient à certains égards, entre autres, dans le suivi de la lutte aux changements climatiques, au niveau de la régularité de la publication des inventaires, des bilans des plans d'action de lutte aux changements climatiques, également au niveau de la tendance des émissions.

Donc, si le Québec veut se donner toutes les chances de réussir, on pense qu'il faudrait que ce soit, en effet, intégré à quelque part dans une loi — est-ce que c'est la loi actuelle, la LQE, au niveau de ce tableau de bord là?, je n'en suis pas certain — mais pour s'assurer que le Québec atteint ses cibles et qu'on a des mesures de suivi et tous les outils en main pour que, de manière régulière et annuelle, on fasse ce suivi-là, ce qui n'est pas le cas actuellement — et il y a des exemples qui existent, comme je vous en ai parlé, même au fédéral, avaient ça dans une loi qui n'était pas parfaite, j'en conviens, mais on pense que le Québec est rendu là — pour aussi éviter les jeux de chaise parfois entre les gouvernements minoritaires, réalité qui fait en sorte qu'il peut y avoir, malheureusement, des incitatifs politiques à jouer avec ces outils-là, qui, selon nous, devraient être non partisans, disponibles et systématiques dans les analyses annuelles du gouvernement.

• (10 heures) •

M. Traversy : Donc, il est très important, pour vous, de dépolitiser le processus, de le rendre apartisan, et vous nous faites référence à l'Ontario comme exemple, comme source d'inspiration. Est-ce qu'on comprend, donc, que le ministre aurait tout avantage à regarder de l'autre côté de la rivière des Outaouais pour s'inspirer dans le cadre, là, d'une suggestion comme vous le faites aujourd'hui?

M. Bonin (Patrick) : Bien, de ce qu'on comprend, le ministre échange régulièrement avec l'Ontario sur les bonnes pratiques. Il y a un élément de cette bonne pratique là qui est justement dans les évaluations de l'atteinte des objectifs au niveau du gouvernement du Québec dont devrait s'inspirer en partie l'Ontario, et je pense que ça devrait être bonifié également, ce que l'Ontario fait, parce que je n'ai pas la prétention de dire que c'est complet, loin de là, là, ou parfait, à tout le moins.

M. Traversy : Merci beaucoup. Tout à l'heure, bon, on vous disait que, sur la Rive-Nord, là, évidemment l'environnement était une préoccupation importante, là. J'ai vu le sourire, là, de la part de certains de mes collègues.

Vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs municipalités au Québec, donc, se sont positionnées sur un enjeu qui semble vous préoccuper grandement dans le cadre de votre test climat, soit celui du TransCanada PipeLines oléoduc. On apprenait hier que la ville de Terrebonne s'opposait au projet. Ce matin, on m'a parlé de la ville de Laval, donc, le maire Marc Demers, semblerait-il, aurait pris position. Et j'ai même entendu parler qu'il y aurait une manifestation dans la ville de Mascouche le 26 septembre prochain — j'espère que vous y serez, c'est le comté justement de mon collègue de Masson — pour manifester le mécontentement par rapport au projet actuel. Et vous dites dans votre mémoire qu'un test climat serait propice pour ce dit projet en particulier. Vous nous dites : «Greenpeace recommande que le mandat d'évaluation du BAPE pour [le pipeline d'Énergie Est] de TransCanada soit immédiatement modifié pour y intégrer un véritable "test climat" — qui est beaucoup plus large, qui prend en considération plus de facteurs.»

Est-ce que vous pouvez surenchérir encore pour bien marteler votre point sur cette question, qui touche particulièrement les citoyens de la Rive-Nord? Parce que je pense qu'il y a des éléments intéressants dans ce que vous nous avez dit.

M. Bonin (Patrick) : Essentiellement, c'est le mandat qui a été octroyé au Bureau d'audiences publiques en environnement par M. le ministre.

Il y a eu une sortie conjointe de plusieurs groupes environnementaux, je pense, le lendemain de ce mandat octroyé là. La référence, elle est dans notre mémoire également, si je ne m'abuse, à ce communiqué-là qui a été émis au mois de juin, dans lequel on identifie des problèmes majeurs — on n'est pas les seuls — avec le BAPE, entre autres le fait que c'est un BAPE générique où le promoteur risque de ne pas se présenter, où on risque de ne pas avoir d'étude d'impact pour pouvoir commenter, justement, l'évaluation par le promoteur, le fait que toute la dimension économique est soustraite des mains du BAPE, donc des mains de la participation du public, ce qui est quand même un enjeu central dans une optique de développement durable, mais, plus précisément sur la question des changements climatiques, ce à quoi on réfère, c'est la motion unanime adoptée par l'Assemblée nationale en novembre 2014, si je ne m'abuse, dans laquelle il est très clair que c'est mentionné qu'on a demandé au gouvernement du Québec d'évaluer l'impact du projet de pipeline Énergie Est de TransCanada d'un point de vue global au niveau des émissions de gaz à effet de serre. On avait même salué la lettre qui avait été envoyée par le ministre à la compagnie TransCanada. Et on pense qu'il est encore temps et qu'il faut absolument que le mandat du BAPE soit complet. Et, vous le savez, le BAPE, de toute manière, c'est des pouvoirs de recommandation, dans une certaine mesure, et donc il faut qu'on donne le champ libre au BAPE pour évaluer, pour nous donner l'heure juste, complète sur ce projet-là, et, de toute manière, le gouvernement prendra sa décision.

Mais de limiter et de tronquer le mandat du BAPE sur un enjeu aussi important fait en sorte, malheureusement, qu'on est en train de dire : Bien, le premier vrai test de crédibilité sur la volonté d'intégrer les changements climatiques, bien, le gouvernement est en train de le couler, ce test-là, s'il ne modifie pas le mandat du BAPE.

M. Traversy : Quand vous nous parlez... quand vous nous parliez, pardon, de l'Ontario il y a quelques instants, là, vous nous donniez un peu les références par rapport à l'espèce de tableau de bord sur lequel le ministre pourrait s'inspirer. On me dit que la Commission de l'énergie de l'Ontario a sa propre initiative, là, pour évaluer, donc, les cycles d'émissions complets des gaz à effet de serre.

Est-ce que vous pensez, donc, que cette optique-là doit également, dans le fond, là, être une source d'inspiration pour la législation québécoise?

M. Bonin (Patrick) : Est-ce que vous référez au projet Énergie Est?

M. Traversy : En particulier.

M. Bonin (Patrick) : Bien, je vous dirais, pour avoir suivi ce dossier-là, en particulier, de l'évaluation, qui, je vous le rappelle, a été annoncé en novembre 2013 par l'Ontario, sur Énergie Est — donc, ça fait beaucoup de temps qu'ils planchent sur le dossier, et le gouvernement du Québec le fait mais pas dans un processus ouvert et public comme l'Ontario — de ce qu'on comprend, c'est plus interministériel, ou du moins les groupes environnementaux et les citoyens n'ont pas accès à ce processus-là actuel, puis il n'y a pas d'audience publique. L'Ontario a commencé plus tôt sur la question des changements climatiques, et l'évaluation à laquelle arrive le gouvernement ontarien... ou, du moins, le consultant qui a été engagé par l'Ontario Energy Board pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre — bien, c'est un enjeu majeur actuellement — c'est que les modélisations et les prévisions et les variables utilisées sont questionnées, parce qu'essentiellement ce qu'ils disent, c'est que le projet ne va pas générer d'augmentation de la production de pétrole des sables bitumineux. Et il y a plein d'organisations qui ont dit : Malheureusement, sur cet enjeu-là, bien il y a des problèmes majeurs avec l'analyse qui a été faite en Ontario.

Ça fait que, oui, ils se sont arrêtés à la question des gaz à effet de serre, mais, quand on regarde l'analyse, il y a des problèmes majeurs dans ce que le consultant a produit comme analyse.

M. Traversy : Dans l'optique où le gouvernement irait de l'avant avec vos propositions, notamment le tableau de bord, le test climat, dans un dossier comme, exemple, celui d'Énergie Est, à l'heure actuelle, qui, bon, est en cours et peut-être risque de se déclencher, est-ce que vous seriez d'avis que, peu importe le temps que ça prendra pour en arriver à installer un mécanisme, là, d'encadrement qui nous permettrait d'avoir un son de cloche clair d'émissions des gaz à effet de serre, il puisse être pensable pour le ministre de se garder une porte de rétroactivité pour les projets qui seraient déjà enclenchés avant, exemple, la mise en place d'un tel mécanisme que vous nous proposez, là? Est-ce que ça serait quelque chose d'envisageable?

Le Président (M. Reid) : 20 secondes.

M. Bonin (Patrick) : De rétroactivité? Bien, dans le cas d'Énergie Est, ce n'est pas de la rétroactivité, parce que le mandat du BAPE, il peut être changé encore, en cours de route, sans problème. Pour les autres projets, je pense qu'il y a des enjeux légaux qui doivent être observés et, malheureusement, je n'ai pas la réponse sur la faisabilité ou non de cet aspect-là, mais tout gouvernement peut quand même se pencher sur la question et devrait le faire, si ça n'a pas été fait, par rapport à différents projets, entre autres, s'il doit réinvestir de l'argent, par exemple. C'est sûr qu'il faut le faire.

M. Traversy : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Bonin, d'être avec nous aujourd'hui, ce matin.

Bien, vous savez, moi aussi, j'avais justement une question, là, de rétroactivité, là, mais j'aimerais poser la question par rapport au test climat plus précisément, tu sais, les projets qui ont déjà eu un certificat d'autorisation, de savoir si, dans le futur, avec la réforme de la loi, si jamais on pourrait revenir puis d'exiger aux projets qui ne sont pas finalisés... tu sais, on a eu un certificat d'autorisation, mais le projet n'a pas encore vu le jour, comme, je pense, par exemple, à Ciment McInnis... Est-ce que vous pensez qu'on devrait, après ça, évoquer, de dire : Bien, votre projet n'est pas à terme, la nouvelle loi est en vigueur, on devrait vous soumettre à un test climat? Selon vous, est-ce que vous croyez que ça pourrait être une avenue intéressante?

M. Bonin (Patrick) : Bien, nous, c'est sûr que, dans l'optique où un projet n'a pas été évalué et que ce sera le plus gros projet polluant au Québec, probablement de l'histoire du Québec, dans le cas de Ciment McInnis et qu'il y a un polluant comme les gaz à effet de serre qui n'ont pas été évalués, il est certain qu'on s'attend à ce que le gouvernement regarde l'ensemble de toutes les options légales pour pouvoir s'assurer que ces projets-là sont sains pour l'environnement. Et, malheureusement, sur cet enjeu-là des changements climatiques, ça n'a pas été fait. Et je pense que c'est, en effet, une question légale. Est-ce qu'on peut créer des précédents? Je n'ai pas la réponse. Ce qui est sûr, c'est que pour les projets futurs c'est beaucoup plus facile à faire. En fait, non seulement c'est facile à faire, mais ça doit être fait. Pour les projets passés, je pense qu'il y a des difficultés supplémentaires et je n'ai pas l'analyse juridique actuellement pour pouvoir appuyer mes dires, là.

• (10 h 10) •

M. Lemay : Parfait. Dans le cas d'une analyse, d'un test climat, puis, on s'entend, suite au test climat, de dire : Bien, on va avoir des cibles de réduction de gaz à effet de serre pour telle ou telle année, dans le cas... Le projet voit le jour, il est en cours. On peut faire après ça une étude pour voir, physiquement, c'est quoi, les émissions de gaz à effet de serre annuellement, puis de dire : Bien, le promoteur du projet n'a pas atteint les cibles qu'il s'était fixées lors du test climat. De pouvoir dire : Bien, c'est un critère de révocation de certificat d'autorisation, est-ce que vous pensez qu'on devrait aller jusque-là?

M. Bonin (Patrick) : Bien, je pense que ça peut être une avenue intéressante. Il faut qu'il y ait des moyens pour être coercitif dans la lutte aux changements climatiques. Est-ce que c'est à travers des plafonds d'émissions dans la bourse de carbone? Possiblement. Mais est-ce qu'on peut aller plus loin pour révoquer un certificat s'il n'y a pas respect des conditions liées à un certificat d'autorisation? J'imagine que, si c'est inséré dans le certificat d'autorisation et l'entreprise ne s'y conforme pas, il y a possibilité technique de retirer le certificat.

M. Lemay : Merci. C'était la précision que je voulais avoir. Concernant votre dernier élément de réponse, vous avez justement mentionné, là, le marché du carbone. Il y a d'autres groupes qui sont intervenus à date en commission qui nous ont mentionné que, ceux qui émettent, d'emblée, on sait déjà qu'ils vont émettre plus de 25 000 tonnes de façon annuelle, qu'ils sont soumis au marché du carbone. Ces groupes-là nous ont dit : Bien, d'exiger un test climat serait comme une double pénalité pour eux, là. Tu sais, ils font déjà partie du marché du carbone. Alors, qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus, de ces gens-là, de dire : Bien, tu sais, ça pourrait retarder le processus, on est déjà soumis au marché, pourquoi, en plus, devoir faire un test climat?

M. Bonin (Patrick) : Bien, entre autres, parce que le marché du carbone, il n'est pas parfait, là, non plus. Donc, il faut voir à quel point ce marché du carbone là est perméable. Parce qu'il y a eu des expériences passées desquelles on a appris à travers la Western Climate Initiative, dont fait partie le gouvernement du Québec, mais on s'est rendu compte que, par exemple, certains crédits de compensation ne menaient pas à des compensations, qu'il y avait des échappatoires à travers les parties, qu'il peut y avoir des octrois de certificat, et c'est surtout de voir aussi comment un gouvernement va, par exemple, décider ou pas d'investir dans des projets ou également d'être capable de justifier d'où vont venir les autres réductions de gaz à effet de serre. Si on en ajoute, eh bien, il faut être capable de démontrer où il va y avoir des réductions, et le marché de carbone ne permet pas de savoir ça.

Et, encore une fois, on ne peut pas juste se fier à la loi du marché en tout temps, il faut également être capable d'avoir un État qui s'assure que les règles soient respectées et qu'on mette les balises, et le marché, c'est un outil, ce n'est pas une finalité.

M. Lemay : Bien entendu. Ça me fait poser une autre question. Vous mentionnez que le test climat devrait être applicable à tous les projets, là, tous les nouveaux certificats. Mais on prend, par exemple, un petit projet d'une hydrolienne dans une pourvoirie, un test, exemple, avec la SEPAQ, là, un chalet, puis on dit : On va mettre une hydrolienne sur le bord de la rivière, ça devrait avoir un impact favorable sur l'environnement, au final. Mais qu'est-ce que vous avez à dire sur le fait que, dans le fond, ce projet-là aussi devrait être soumis au test climat, selon vous? Parce que, si on dit «tous les projets», donc ça inclut tous les projets, même les projets qui sont favorables, bénéfiques pour l'environnement.

M. Bonin (Patrick) : Et ce projet-là passera rapidement haut la main le test climat, et ce ne sera pas un fardeau supplémentaire pour l'étude d'impact, considérant, entre autres, que, s'il n'y a pas de gaz à effet de serre, bien il n'y a pas de gaz à effet de serre. Si c'est minime comme impact, c'est minime, donc c'est d'autant moins compliqué à faire une analyse pour l'entreprise et à démontrer la plus-value environnementale.

M. Lemay : Super. Est-ce que vous avez déjà réfléchi aux professionnels ou, tu sais, les gens qui pourraient être aptes à faire l'étude de test climat? Les agronomes qui sont venus nous rencontrer, ils nous ont dit qu'eux autres, ils étaient en mesure de faire certains tests. Est-ce que vous avez déjà réfléchi à un peu le comment, si le test climat devrait être analysé?

M. Bonin (Patrick) : Bien, à partir du moment où le test climat est intégré dans les directives pour les études d'impact, vous avez tous les gens actuellement qui produisent l'étude d'impact, que ce soient des firmes d'ingénieurs, que ce soit fait à la main, c'est une donnée supplémentaire à intégrer. Ce sont des émissions de gaz à effet de serre, donc, il y a une panoplie de gens qui sont en mesure, à la lumière de leur spécialité, de compléter ça. Si c'est au niveau des terres, il y a des agronomes, définitivement, qui se spécialisent là-dedans.

M. Lemay : Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, merci pour la contribution que vous apportez à nos travaux.

Je lève la séance pendant quelques instants, le temps de permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 15)

(Reprise à 10 h 16)

Le Président (M. Reid) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à notre invité de Nature Québec. Vous connaissez la routine, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous procéderons à un échange avec les membres de la commission. Et je vous demanderais de vous identifier pour les fins de l'enregistrement sonore. À vous la parole.

Nature Québec

M. Simard (Christian) : Oui. Christian Simard, directeur général de Nature Québec. Tout d'abord, merci aux membres de la commission de recevoir Nature Québec et de nous permettre de nous exprimer sur cet important projet.

D'entrée de jeu, Nature Québec soutient l'ensemble des recommandations qui ont été proposées par le Centre québécois de droit de l'environnement plus tôt, là, dans les travaux de la commission à l'intérieur d'un imposant mémoire qui vous a été présenté. Nature Québec, avec des représentants d'autres organismes, a été consulté par les avocats du CQDE. Ceux-ci ont bien voulu intégrer nos commentaires dans leurs recommandations. Donc, les présents commentaires et recommandations sont complémentaires à ceux émis par le Centre québécois de droit de l'environnement.

Bon. C'est une réforme d'ensemble ou une réforme du régime d'autorisation? Le ministère note avec raison dans son livre vert que la Loi sur la qualité de l'environnement a été adoptée en 1972 et n'a pas connu de modernisation majeure en 43 ans — bien sûr, il y a plusieurs amendements — mais une réflexion d'ensemble. Une fois cela dit, malheureusement, le livre vert ne propose pas véritablement une révision globale de la loi, mais principalement son système d'autorisation.

Quels sont les principes qui sous-tendent la réforme proposée? En introduction, on nous parle de règles plus claires, plus efficaces, plus prévisibles et plus actuelles pour encadrer les projets et les activités susceptibles d'affecter l'environnement, et ce, sans pour autant diminuer les exigences. On aurait préféré lire «accroître la protection de l'environnement et des milieux de vie des citoyens par des règles plus claires, plus efficaces», qui aurait positionné dans une perspective davantage de protection de l'environnement que d'accommodement.

Malheureusement, les seuls indicateurs chiffrés dans le livre vert ne font pas référence à l'efficacité environnementale de la loi ni à la notion de risque ou d'impact. Bien sûr, on parle de risque élevé, faible, etc., mais en termes d'indicateurs chiffrés, là, ou d'impact du système d'autorisation ou de la loi elle-même. Par contre, ils ont tous des liens avec la volonté de diminuer le nombre de certificats émis de 5 000 à 3 500 et celle de diminuer les délais de traitement par le BAPE, déjà courts. On parle de 15 mois, actuellement, à compter du dépôt de l'avis de projet, soit le même que l'Office national de l'énergie, qui fait l'objet pourtant de beaucoup de critiques au niveau fédéral, en le faisant passer maintenant... on voudrait le faire passer d'environ 10 à 12 mois, selon qu'il y ait audience ou non. Dans le premier document produit lors de l'annonce de la réforme, on parlait également des coûts du ministère de l'Environnement, on insistait sur les coûts associés au régime d'autorisation, par exemple, en parlant du budget et de 5 000 autorisations, 45 autorisations dans le cadre de la procédure d'évaluation environnementale.

Donc, la perspective privilégiée semble répondre davantage aux préoccupations des demandeurs d'autorisation et du Conseil du trésor, au détriment, si cet allègement est mal réalisé, des citoyens et de la protection des écosystèmes. Qu'on nous comprenne bien, là, on ne pense pas que le système d'autorisation est idéal présentement. Et, bien sûr, il y a des lourdeurs, bien sûr, ça prend énormément d'énergie, mais il y a des façons d'aborder ça qui ne sont pas uniquement celles d'un objectif de diminution de certificats d'autorisation, mais aborder ça avec qu'est-ce qui pourrait être le plus efficace comme outil réglementaire législatif ou système d'autorisation ou instrument économique pour atteindre une meilleure protection de l'environnement. L'exercice a manqué là-dessus un peu de recul. Il n'est pas trop tard, bien sûr, à cette étape-ci, là, pour prendre cette direction.

• (10 h 20) •

Donc, Nature Québec recommande d'entreprendre une véritable réforme de la LQE, la Loi sur la qualité de l'environnement, orientée vers la protection de l'environnement davantage que sur son système d'autorisation.

La question du trop grand nombre de certificats d'autorisation. La réalité des milieux humides met à mal cette logique-là. On estime que 80 % des milieux humides ont disparu dans les basses-terres du Saint-Laurent. Au cours des 22 dernières années — là, ça, c'est depuis la colonisation — au cours des 22 dernières années, 567 kilomètres carrés de milieux humides ont été perturbés, soit 19 % de la superficie restante en milieu humide. Les activités agricoles et sylvicoles sont les principales sources de ces perturbations, qui représentent 44 % et 26 % des pertes. Il y a une étude approfondie sur cette question qui a dit que, même si elle représente 44 % des pertes de milieux humides — le secteur agricole — elle est pratiquement absente des demandes de certificat d'autorisation. Seulement 0,2 % des demandes de CA ont été faites pour des fins agricoles. Donc, ce qu'il faut se rendre compte, c'est qu'il y a énormément de pertes de milieux humides qui se font à l'insu même du ministère, sans aucun processus d'autorisation. La question se pose : Y a-t-il eu trop de certificats d'autorisation et trop de contraintes liées à la protection des milieux humides, alors que la majorité des pertes de milieux humides au Québec s'est faite sans autorisation, à l'insu du ministère? Comment concilier le désir de ramener le nombre de CA de 5 000 à 3 500... est compatible avec cette réalité? Entre 2006 et 2010, il y a eu 558 certificats d'autorisation qui ont été émis pour des interventions dans les milieux humides, sans compter les grands travaux. Là, on parle de barrages, routes, oléoducs, lignes de transport qui sont faits selon un autre type d'autorisation. Et on applique déjà là une règle de gradation liée à la superficie. Vous savez, si c'est un petit milieu humide, il y a très peu de contraintes.

Comme le système d'autorisation et la protection des milieux naturels sont liés, il apparaît fondamental de réaliser les deux réformes de concert : celle de la loi sur les milieux humides et la réforme sur la Loi sur la qualité de l'environnement. Donc, Nature Québec recommande que le ministère prenne le temps de bien faire les choses et qu'il intègre la future loi sur la protection des milieux humides dans l'exercice de réflexion et de modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement en faisant coïncider les deux agendas, c'est-à-dire d'ici avril 2017.

On travaillait depuis deux ans déjà à la création d'une nouvelle loi sur les milieux humides. On voulait retarder de trois ans l'adoption parce qu'on voulait avoir le temps de bien faire les choses. Donc, finalement, ça a été deux ans, lors de l'adoption de la loi. Eh bien, on pense qu'une réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement ne peut pas se faire, là, sur les chapeaux de roue en quelques mois, c'est trop important. Et, si c'est mal fait, bien il va y avoir des difficultés d'application par les tribunaux, il risque d'y avoir plus de problèmes que d'efficacité dans cette façon de faire. Donc, on invite à faire les choses bien et à prendre le temps de bien faire les choses.

Risques, impacts, capacités de support des milieux récepteurs. On recommande d'adopter la notion d'impact au lieu de celle de risque, dans le livre vert; de ne plus autoriser de projets lorsqu'ils entraînent une perte nette d'habitat ou lorsque la capacité de support des milieux récepteurs est compromise — dans un bassin versant, par exemple. On pense que la notion de risque est très, très difficile à évaluer et à mettre de façon objective, c'est beaucoup de subjectivité. La notion d'impact est davantage objective. Et la notion de risque, parfois, vous savez, est un peu ambiguë. Par exemple, il n'y a pas de risque direct et rapide à la destruction d'un milieu humide, mais, s'il y a 567 kilomètres carrés de milieux humides qui disparaissent, dont la majorité sans certificat d'autorisation, bien ça a des impacts sur les inondations, sur la qualité de l'eau, sur la résilience face aux changements climatiques. Donc, les milieux humides ont cette fonction-là, on ne peut pas la voir toujours dans le risque milieu par milieu. Donc, il y a des impacts cumulatifs qui sont importants.

Nouveaux types de consultation et de délégation de responsabilités. On comprend l'idée derrière le livre vert, mais on ne pense pas que ça soit nécessairement sain d'inventer des nouveaux processus de consultation. Il y en a déjà assez comme ça, notamment, là, dans les premières étapes, là, des consultations par le BAPE. Il faut faire attention avant d'introduire ça, parce que souvent on va finalement compliquer les choses plutôt que de les simplifier et on risque finalement d'avoir des effets contraires à ceux désirés. Donc, la prévisibilité passe par des textes clairs et une réglementation adaptée.

L'exemple des mines. Vous savez, encore, au niveau de l'exploitation des mines, c'est une simple directive, qu'on appelle la directive 019 sur les mines, qui permet d'aboutir à un certificat d'autorisation pour opérer une mine. C'est une directive qui a changé au fil des années. Donc, une exploitation minière peut appliquer des règles qu'une autre n'applique pas. Donc, ce n'est pas une réglementation qui est applicable de la même façon, ça dépend de l'âge de la mine. Donc, ce qui est important là-dedans... vous savez, il y avait une directive pour les milieux humides qui a été finalement démolie par les tribunaux et qui a obligé une loi d'urgence qui a fait en sorte que, rétroactivement, on a été obligé de rendre légaux les certificats d'autorisation. Des fois, on peut dire : Une réglementation, c'est compliqué, mais souvent une réglementation peut éviter des négociations éternelles entre les fonctionnaires et le promoteur, ce qui nuit au promoteur, ce qui nuit à tout le monde. Dans le cas de la directive sur les milieux humides, le tribunal avait dit que l'échange de correspondance incessante entre le ministère et le promoteur avait nui au promoteur Atocas des érables, et c'est pour ça que le juge avait dit que la directive était illégale.

Donc, il serait important, donc, de faire attention. À sa première face, on pense qu'un règlement, c'est nuisible à l'efficacité, mais, dans certains cas, c'est la voie obligée pour avoir une meilleure efficacité, une meilleure équité, et il peut y avoir un règlement qui soit novateur par rapport aux outils, là, de contrôle, etc.

Coûts et économies liés à la réforme. La question des coûts évités et des économies engendrées par l'État...

Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Reid) : Il reste quelques secondes.

M. Simard (Christian) : Quelques secondes?

Le Président (M. Reid) : 20 secondes.

M. Simard (Christian) : Je vais aller rapidement. Bon, on semble privilégier les coûts et économies liés à la réforme. Pour justifier, on veut baisser le nombre d'autorisations, mais on fait ressortir... et les groupes environnementaux ont fait ressortir, dans une lettre récente au premier ministre, avec copie au ministre concerné... du fait que le ministère de l'Environnement est sous-financé et qu'on doit investir dans cette importante mission et réinvestir. Il y a eu énormément de coupures, et l'idée, ce n'est pas d'en rajouter, là, dans le cadre d'une réforme sur la Loi sur la qualité de l'environnement, là. Donc, on a besoin, éventuellement, même de ressources qui seraient libérées par un système d'autorisation qui soit mis sur le terrain pour les contrôles.

Donc, on recommande au ministère de reconnaître que les contraintes économiques qui lui sont imposées sont une entrave à l'application de la loi. Et on termine par une invitation à utiliser des techniques de malus-bonus, d'écoconditionnalité et d'outils fiscaux pour s'assurer d'une meilleure préservation de l'environnement, ce qui est un peu absent, là, du livre vert présentement.

Le Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous allons maintenant aller du côté du gouvernement, et je donne la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Simard, merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. On vient de le recevoir, alors on vient d'en prendre connaissance.

Je vois que vous prônez une prise en compte des capacités de support des milieux récepteurs ainsi que les effets cumulatifs dans le processus d'évaluation. Pouvez-vous approfondir cette notion-là? Puis ce que je recherche, c'est plus des exemples concrets, comment on pourrait mieux intégrer la prise en compte de ces deux éléments-là dans les processus d'autorisation.

M. Simard (Christian) : Oui. Je ne vous dis pas que ce n'est pas un défi. C'est un défi. Il y a d'ailleurs eu, et il serait important qu'il soit rendu public, je pense, un comité qui s'est penché sur cette question au sein du ministère en 2006, là. Je pense, le Centre québécois de droit de l'environnement en fait mention dans son mémoire. En 2006, il y a eu véritablement un travail de fond sur cette question-là mais qui n'a pas été rendu public, malheureusement. Et on parle de transparence. On souhaite que ça soit rendu public. Donc, je vous invite à consulter ça. Je ne l'ai pas lu moi-même.

Vous savez, on a parlé beaucoup des algues vertes, des cyanobactéries, et il y a des législations au Nouveau-Brunswick, dans la Nouvelle-Angleterre qui se basent sur la capacité du milieu récepteur, là, par rapport aux installations sanitaires pour exiger des installations sanitaires plus élevées ou moins élevées, selon la capacité du milieu récepteur à recevoir. Donc, il y a des exemples de ce type-là. Et c'est un travail qui n'est pas facile, ça pose des questions d'équité par rapport à un promoteur qui veut réaliser... mais, s'il réalise un projet près d'un cours d'eau ou dans un bassin versant qui est sursaturé au niveau de contamination, on ne peut pas lui permettre, parce que l'autre a eu la permission, d'en rajouter. Donc, ça doit faire partie des conditions. Ce n'est pas facile. Il y a des réflexions qui ont été faites. On pense qu'on devrait pousser dans ces réflexions-là, mais on ne peut aller nécessairement, là, plus en détail. On pourra vous envoyer le mémoire qu'on avait produit, là, sur le règlement Q-2, r. 8, qui fait mention des différentes législations dans ce sens-là ou des différentes réglementations dans les juridictions voisines du Québec.

M. Heurtel : Bien, j'apprécierais, si vous pouvez nous envoyer ce mémoire-là, qu'on puisse le regarder.

M. Simard (Christian) : Oui, tout à fait, on va vous l'envoyer. On va l'envoyer.

• (10 h 30) •

M. Heurtel : Au niveau de l'écoconditionnalité, vous suggérez quand même une piste intéressante, là, de l'intégrer au processus d'autorisation.

On a déjà parlé beaucoup d'un test climat. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais déjà il y a trois groupes qui ont déjà proposé le test climat. J'imagine, vous en avez entendu parler. Je ne sais pas s'il y a un lien à faire entre justement ce que vous proposez au niveau de l'intégration de l'écoconditionnalité et le test climat. Ça, c'est une première partie de ma question. L'autre partie, encore une fois, concrètement... parce que, l'écoconditionnalité, on l'a regardée dans nos travaux concernant la Stratégie gouvernementale de développement durable. Ça touche beaucoup d'autres ministères aussi et organismes gouvernementaux, vous en conviendrez, ce n'est pas juste quelque chose qui est lié à la LQE. Mais, dans le contexte d'autorisation, encore une fois, si vous avez des exemples concrets, comment on opérationnaliserait ça dans des processus d'autorisation, l'intégration de l'écoconditionnalité?

M. Simard (Christian) : Vous savez, elle est appliquée au ministère de l'Environnement... de l'Agriculture, c'est-à-dire. Le MAPAQ applique l'écoconditionnalité, La Financière agricole l'applique encore de façon très timide. Elle devait être mise progressivement, et ça s'est arrêté pas mal en 2005, là. C'est encore très timide. Donc, on conditionne, dans le cas du ministère de l'Agriculture, le versement de subventions agricoles au respect des règlements, à la norme phosphore entre autres. Et donc, avant ça, vous savez, il y avait une problématique où on pouvait pratiquement cultiver dans le cours d'eau, on pouvait excéder les capacités de support en terres agricoles au niveau de l'épandage et recevoir de très fortes subventions, par ailleurs, comme si la main gauche ne parlait pas à la main droite. Il y a eu une partie qui a été corrigée... malheureusement, pas l'ensemble de cette correction-là. Ça s'applique déjà, donc, au gouvernement du Québec, et il y a véritablement, là, une piste à suivre pour l'aspect, l'écoconditionnalité, parce qu'il est rare qu'une entreprise ne bénéficie pas, à un moment ou à un autre de ses étapes de production, là, de subventions gouvernementales.

Donc, de pouvoir faire un peu comme le Programme de réduction des rejets industriels, le PRRI, donc de mettre des objectifs de réduction de pollution, de mettre des objectifs de conformité liés. Et on dit : Ces objectifs sont là, si vous ne respectez pas... ils peuvent aller au-delà des règlements puis des normes minimales, et, si vous ne les respectez pas, libre à vous, mais vous ne pourrez pas bénéficier de subventions gouvernementales. C'est un puissant incitatif qui des fois devrait être analysé, selon moi, là, si on veut réviser un système d'autorisation sans diminuer les exigences environnementales, ce qui semble être le désir.

M. Heurtel : Et sur le test climat?

M. Simard (Christian) : Le test climat est une forme d'écoconditionnalité — je pense que vous avez tout à fait raison — sans dire le nom. Bien sûr, là-dessus, les groupes, là... il y a des groupes qui l'ont développé davantage. Je pense et je trouve que c'est une chose extrêmement intéressante dans le livre vert, là, le volet sur les changements climatiques qui a été mis et qui a été introduit. Maintenant, je pense qu'effectivement il faut aller plus loin. Tantôt, j'ai entendu une question qui disait : Vous savez, dans le cas, par exemple, de Ciment McInnis, Ciment McInnis va bénéficier d'importantes subventions dans le cadre du marché du carbone parce que sa technologie est plus récente et, par tonne de ciment, il va consommer beaucoup, beaucoup moins d'énergie, mais, globalement, il va être un très fort contributeur, le plus fort contributeur au Québec, de gaz à effet de serre.

Donc, dans le test climat, c'est de dire : L'argent que vous récupérez du marché du carbone, vous pourriez le réinvestir pour être encore plus performant au niveau environnemental ou dans... par exemple, acheter de la biomasse en Gaspésie plutôt que du coke de pétrole qui vient de l'extérieur. Donc, on a des discussions même avec l'entreprise, on fait partie d'un comité de suivi environnemental avec la compagnie. Et ça fait partie des outils qui pourraient être intéressants, parce que, là, le marché du carbone, là, il y a comme une déformation, là, il ne remplit pas véritablement son objectif. C'est fait plus pour des compagnies existantes que pour une nouvelle compagnie qui rentre sur le marché. Donc, c'est des éléments, là, qui sont des outils économiques et des outils qui peuvent diriger et qui peuvent avoir une efficacité, là, encore plus grande qu'un processus d'autorisation parfois lourd, là, avec des directives pas claires pour personne et qui, au bout du compte, là, dépense énormément d'énergie, et de tout. C'est qu'ils ne garantissent pas une meilleure protection de l'environnement. Ceci dit, je pense que ça prend des autorisations aussi, et ce n'est pas à jeter, là, naturellement.

M. Heurtel : Je dois d'ailleurs souligner le travail de Nature Québec avec McInnis, d'ailleurs, au niveau de ce comité, qui permet justement d'éviter un long processus judiciaire et choisit la voie, là, de collaboration, de travailler ensemble pour justement avancer...

M. Simard (Christian) : C'est sûr que nous, on est arrivés un peu...

M. Heurtel : ...dans cette démarche-là.

M. Simard (Christian) : Oui. Excusez-moi, M. le ministre. C'est sûr que nous, on est arrivés un peu après cela, là. C'est dans l'entente entre le CQDE et McInnis.

M. Heurtel : Oui, mais, en même temps, ça a pu mettre fin...

M. Simard (Christian) : Mais ça a pu effectivement... Ce que nous, on se dit : Est-ce que ce projet-là est vraiment pertinent et est-ce qu'on doit mettre 500 millions? On en doute toujours. Mais, une fois qu'il se réalise, est-ce qu'il y a moyen de le réaliser dans les meilleures conditions? Et c'est là qu'on a décidé...

M. Heurtel : Bon, évidemment, vous connaissez la position du gouvernement là-dessus, puis ce n'est pas de refaire le débat, mais au moins de pouvoir s'asseoir et travailler ensemble, puis éviter justement de coûteux et parfois difficiles débats judiciaires qui parfois, aussi, ne règlent rien. De travailler ensemble, je trouve que c'est des avenues peut-être à voir dans d'autres dossiers également.

Ma dernière question. Dans votre mémoire, vous nous mettez en garde contre le risque de multiplier les types de consultation. J'aimerais ça opposer ça à une orientation dans le mémoire... dans le livre vert, pardon, où justement on suggère de mettre en place, justement, des consultations le plus en amont possible dans le cadre de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et, dans une optique de plus grande transparence, de rendre plus de documents. Je vois là... bien, en tout cas, il semblerait qu'il y aurait une opposition entre les deux, là. Je voudrais juste vous entendre là-dessus.

M. Simard (Christian) : Oui, parce que, dans le mémoire, c'est très rapide, ce qu'on dit là-dessus. Si on veut préciser là-dedans, on est tout à fait favorables. Et même le CQDE fait des recommandations. À l'étape de la directive, là, dans le processus d'évaluation environnementale fédéral, à l'étape de la directive d'une étude d'impact, est-ce que la directive cible les bons sujets? Des fois, on a des études d'impact fleuves, là, c'est des tonnes et des tonnes de documents, mais ce qui est important n'est pas analysé. C'est comme dans Erin Brockovich, là, c'est comme si on arrive avec des tonnes de documents, mais trouver l'important dans les tonnes de documents est difficile, et des fois on s'aperçoit que la qualité n'est pas au rendez-vous.

Donc, ça, qu'il y ait des processus de consultation, simplement... Et on note aussi le registre, transparence. C'est des éléments qu'on n'a pas soulignés mais qui sont positifs dans le présent projet de loi, et on l'a souligné en conclusion trop rapidement, mais qui sont positifs dans le présent... livre vert, pas projet de loi. Maintenant, il faut s'assurer de ne pas réinventer la roue. On se dit : Est-ce que c'est au BAPE de faire les documents d'information? Je ne sais pas, mais il y a eu une tendance, dans les dernières années, où chaque ministère inventait son processus de consultation, sa façon de faire des évaluations environnementales stratégiques. Le mémoire était public, pas public, on avait accès aux mémoires des autres, on n'avait pas accès, on pouvait... et là c'était des fois fait par un comité extérieur, des fois fait par le ministère, seulement sur Internet, avec une tournée. Un chat n'y retrouvait pas ses petits. La seule chose qu'on vous dit, c'est d'avoir une structure, si on veut, simplifiée et claire, d'éviter aussi que les consultations soient de la promotion ou des relations publiques pour une entreprise uniquement. Donc, c'est ça. On comprend l'idée. Et est-ce que, par exemple, il y a un véritable problème actuellement avec le processus d'évaluation environnementale? Je pense qu'il y a seulement 45 certificats par année, c'est quand même beaucoup quand même, qui passent par... pas le BAPE, mais la procédure officielle, là, la procédure d'examen public, et je ne sais pas si l'objectif de comprimer le BAPE en 10 mois et 12 mois est la solution.

Peut-être qu'on devrait regarder... et je termine là-dessus mon commentaire, peut-être qu'on devrait regarder plutôt comment ça se fait qu'on dépose au BAPE, des fois, des projets qui ne sont pas financés et qui ne sont pas ficelés et qu'on va seulement chercher l'autorisation pour ensuite aller sur les marchés se financer. Donc, on se dépêche et on veut avoir l'autorisation, puis après on va se financer dans les marchés, puis, des fois, les projets ne se financent pas. Rabaska, il n'y a même pas de contrat de fournitures. Puis on fait, là, des psychodrames collectifs, là, sur des projets alors qu'il n'y a pas de projet. Donc, ça, c'est à regarder aussi dans les éléments, là, de simplification. Est-ce qu'on permet que le BAPE soit un outil de financement d'un projet non ficelé, c'est-à-dire pour permettre le financement? Vous comprenez ce que je veux dire? Et peut-être que l'énergie devrait aller là plutôt que d'essayer de comprimer un processus qui est déjà efficace au Québec. C'est assez rondement mené, les audiences du BAPE. Et est-ce qu'on veut absolument les comprimer? C'est au risque, des fois, là, d'enlever le droit du public à l'information et sa capacité d'intervenir. C'est simplement cette mise en garde qu'on vous fait à ce stade-ci.

M. Heurtel : Je ne veux pas nécessairement entrer dans un débat, mais, juste pour quand même préciser la pensée, je ne crois pas qu'on suggère de comprimer le processus spécifique d'audiences publiques. Il y a des délais avant, et des fois ce qui arrive — puis parfois c'est même au détriment des citoyennes et citoyens, des groupes — il y a une série de délais, des... j'appelle ça, des fois, des parties de tennis de demandes d'information, difficultés d'avoir de l'accès. C'est plus dans cette phase-là qu'on croit qu'on peut être plus efficaces, mais je ne crois pas que vous pouvez voir...

M. Simard (Christian) : Bien, il y a un tableau dans votre document qui est quand même...

• (10 h 40) •

M. Heurtel : Oui, mais, je crois, quand même il n'y a aucun objectif là de restreindre la capacité des gens à s'exprimer sur un projet. Ce n'est pas ça, la volonté. Alors, je tenais quand même à le préciser.

Vous avez quand même mentionné que vous-mêmes, vous constatez des lourdeurs dans les processus d'autorisation. Alors, peut-être nous donner des exemples concrets de ces lourdeurs-là, que vous avez constatées, et de comment vous proposeriez d'y remédier.

M. Simard (Christian) : L'exemple des milieux humides est clair. Même, je vous invite à lire le jugement Atocas des érables, où, quand on le lit, là, on a quasiment de la peine pour le promoteur, là, puis, vous savez, je n'ai pas nécessairement l'émotion facile de ce côté-là. Mais c'est extrêmement long. Pourquoi? Parce que ça se fait entre la biologiste, qui a ses valeurs, et le promoteur et il y a un échange continuel pour arracher des engagements du promoteur, alors que, si on avait eu un règlement ou une directive claire qui dit qu'il n'y a pas de perte dans les milieux humides d'intérêt, qu'ils sont intouchables, que, dans les milieux humides qui n'abritent pas d'espèce menacée ou qui ont moins d'envergure, on dit : Pas de perte nette d'habitat et on prévoirait, dans une loi, des compensations claires, par exemple quatre pour un, obligation de restaurer ou de créer, ça ne deviendrait pas à ce moment-là la cause d'un individu ou d'un fonctionnaire, ça ne deviendrait pas à géométrie variable selon la direction régionale et le fonctionnaire qui traite du dossier, mais, à ce moment-là, ça deviendrait des règles claires et connues, prévisibles et, à ce moment-là, ça favoriserait... C'est une façon de faire.

Souvent, on a la logique de dire : Il y a trop de règlements puis il y a trop de contraintes. Mais, si les objectifs ne sont pas précis et l'engagement n'est pas clair en face des promoteurs, un gars s'essaie, le promoteur va... et là la personne est toute contente : en fin de course, elle a obtenu 500 $ de compensation ou un petit bout de protection, puis là il se fait un jeu de négo, là, qui est presque psychologique entre une fonctionnaire ou un fonctionnaire chargés... et le promoteur, et il faut essayer d'enlever... Ça, c'est des exemples que je vous donnerais, là, ce genre de choses là.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : Deux minutes, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Simard. On va essayer d'être efficace, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, là, mais je voudrais vous faire une remarque au sujet de la perte de milieux humides, une remarque qui est un peu étonnante de ma part, là, mais vous parlez de la purification de l'eau, de l'érosion, de ci et de ça, mais vous ne parlez, en aucun temps, de l'hydrogéologie, de l'impact des milieux humides sur l'hydrogéologie. Est-ce que c'est un oubli ou... J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce qu'il y a une relation directe, là.

M. Simard (Christian) : Oui. Bien, on a parlé d'inondations; vous comprendrez, c'est des commentaires. On a développé et on a travaillé beaucoup sur les milieux humides. Il y a, et je vous invite... des documents, études produits par Nature Québec, vous avez tout à fait raison, mais... C'est-à-dire, dans le cadre de l'exercice présent, on n'a pas pu développer, mais il est clair que vous avez raison. Les milieux humides évitent des problèmes d'inondation parce qu'ils servent de tampon, ils sont directement... Vous savez, quand on artificialise la rivière Richelieu... Vous vous souvenez de la rivière Richelieu? Bien, quand on artificialise les milieux, bien c'est petit à petit, là. Chaque projet est intéressant en lui-même, mais, quand on ne regarde pas l'ensemble de l'impact puis on s'aperçoit du déboisement, de la disparition des milieux humides, bien ça crée des problèmes sociaux et des problèmes économiques majeurs.

Donc, l'idée de faciliter des autorisations, éviter des autorisations dans des petites superficies, ne pas regarder les impacts cumulatifs nous invite à plus de prudence, parce qu'il y a eu 767 kilomètres carrés qui ont disparu au cours des 22 dernières années, petit bout par petit bout, tous pour des bons projets ou, des fois, pas pour des bons projets. Des fois, le ministère mettait beaucoup de temps à l'autoriser. D'autres fois, la personne était dans son champ ou dans sa forêt puis le scrapait ni vu ni connu, drainait le milieu humide, et c'est ça. Bien, on n'avance pas nécessairement comme société, ce n'est pas facile. C'est pour ça que j'invite, là, à prendre le temps de bien faire les choses. Une réforme comme ça, là, ne peut pas se réaliser... Même les juristes du ministère doivent être totalement... du contentieux, débordés. D'arriver avec une loi solide, là, d'ici la fin de l'automne m'apparaît un exercice... puis pourtant on est des gens généralement très pressés, là, à Nature Québec, mais on l'a été dans le milieu humide pour essayer de restreindre le délai, là, de trois ans, vous m'avez entendu là-dessus, mais trop, c'est comme pas assez, là.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je donne la parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Simard, pour la présentation de votre mémoire. Vous êtes une personne qui semble être très pragmatique, voire même un peu sceptique par endroits lorsqu'on regarde, là, les différents, dans le fond, commentaires que vous faites dans votre mémoire. Et j'aimerais pouvoir discuter avec vous de certains éléments qui semblent vous... je m'en allais dire «vous chicoter», mais qui semblent vous inquiéter.

Alors, concernant tout d'abord les coûts et l'économie liés à la réforme qui est en discussion actuellement, vous semblez avoir, là, certaines réserves. J'aimerais vous entendre nous les mentionner selon vos mots pour qu'on puisse bien comprendre ce qui, selon vous, pourrait peut-être, là, porter un peu plus à questionnement dans le cadre de la démarche actuelle.

M. Simard (Christian) : Oui. Je vous réfère au mémoire du CQDE, je réfère beaucoup au mémoire du CQDE, mais je le trouve très, très bien fait et bien intéressant, là.

Bien, il y a quatre des neuf rapports qui ont servi d'inspiration au livre vert qui sont liés à l'assouplissement réglementaire et à la diminution des coûts d'opération, des coûts pour l'État. Il y a des mémoires là-dessus qui sont rendus publics, d'autres qui ne sont pas publics comme exercices. La hâte de développer un système d'autorisation allégé, là, ou... d'ici la fin de l'automne, eh bien... puis on ne veut pas faire de procès d'intention, là, puis on va voir véritablement, là, au dépôt du projet de loi. On est en discussions sur le livre vert. Mais est-ce que l'objectif premier est d'alléger les délais pour des promoteurs, diminuer les coûts de système pour le ministère de l'Environnement et faire des économies structurelles ou des économies dans la fonction publique? Et, comme on dit, puis on cite la lettre envoyée au premier ministre, vous avez vu dans le mémoire, là, le ministère a été particulièrement, là, victime des coupes, et sa croissance... en fait, il n'y a pas eu de croissance, il y a une diminution nette, là, de ses budgets qui sont importantes. Et comment peut-il véritablement faire des inspections aléatoires, s'assurer de faire des bilans de la qualité de l'environnement, voir où on s'en va, juger de l'efficacité de ses propres lois et autorisations? Et la crainte qu'on a, c'est qu'il y ait une certaine commande là-dessus qui est imposée au ministère de l'Environnement alors qu'on a une nécessité d'accroître la protection de l'environnement, pas juste maintenir des acquis tant bien que mal avec une réforme. Et je pense qu'on a à réfléchir à une réforme d'ensemble, puis il y a moyen, là... Même dans les outils de fiscalité, ce n'est pas nécessairement des charges supplémentaires en termes de taxes. Souvent, c'est neutre, hein, les bonus-malus. Tu encourages des pratiques exemplaires, tu taxes des pratiques moins exemplaires, et globalement l'État ne s'enrichit pas, là, mais l'environnement s'améliore, et il y a un incitatif à mieux faire chez les entrepreneurs partout.

Donc, c'est ça qu'on aurait aimé qu'il y ait comme créativité. Bien sûr, il y a des éléments du livre vert qui parlent de tarifs pour les autorisations, on est d'accord avec ça, là, il y a le principe de l'utilisateur-payeur, là, de moderniser les tarifs d'autorisation pour... mais ce n'est pas vrai que la protection de l'environnement va s'autofinancer au Québec, là. Ça fait partie des rôles fondamentaux de l'État, là.

M. Traversy : Donc, vous lancez quand même un signal de réalisme, là, un peu, en disant au ministre : Écoutez, les intentions sont bonnes. Par contre, le focus, c'est sur la protection de l'environnement, moins les mécanismes, si je comprends les arguments que vous nous lancez, et surtout il faut aussi avoir les moyens de nos ambitions pour réussir, là, à réaliser, là, autant de résultats, là, au niveau environnemental. Vous nous faites l'état, à l'intérieur de votre mémoire, là, d'un échange notamment, là, entre le ministre et monsieur... Cinq-Mars, pardon, qui est Commissaire au développement durable. Vous rappelez, dans le fond, que le budget du ministère de l'Environnement puis du Développement durable a diminué par rapport au taux d'inflation au cours des dernières années, qu'il ne représente aujourd'hui que 0,3 % à 0,2 % du budget, dans le fond, du Québec. Donc là, il y a une considération aussi de dire : Derrière cette bonne volonté... et je travaille pour le ministre actuellement, parce que je me dis qu'effectivement il faudrait peut-être réfléchir à augmenter les budgets du ministère de l'Environnement, ça serait intéressant. Ça nous permettrait d'être encore plus efficaces dans toutes sortes de dossiers, là, dont nous pouvons discuter, la lutte aux changements climatiques, également l'actuel projet de loi sur lequel nous allons nous pencher au cours des prochaines semaines.

Alors, est-ce que vous trouvez que le ministre doit aussi mettre ça, là, dans sa réflexion, donc, de dire : On va aussi aller chercher le financement nécessaire pour la réalisation de nos objectifs?

• (10 h 50) •

M. Simard (Christian) : Ceci dit, la citation qu'on faisait, ce n'est pas... la question du ministre est très pertinente envers le commissaire, et je pense que des fois les commissaires donnent des leçons, des fois peuvent aussi se faire rappeler à donc... Et puis nous, on aimerait aussi chiffrer l'ensemble de nos recommandations. On n'en a pas nécessairement les moyens, là. Je ne sais pas si le commissaire a les moyens de ça. Mais ce qu'on veut dire, c'est, si on demande... Il doit y avoir, j'imagine, si on le demandait au commissaire, il doit y avoir une évaluation du coût de système du ministère de l'Environnement actuellement par le ministère, un bilan. On aimerait le voir, le bilan, là, du coût. Puis on aimerait que ce bilan des opérations du ministère soit accompagné aussi d'un bilan économique sur la valeur économique de la protection de l'environnement.

Dans la lettre au premier ministre, on fait ressortir qu'une réglementation, là, nous permet d'avoir des entrepreneurs... On a beaucoup d'entrepreneurs qui travaillent en assainissement, vous savez, puis on en a peut-être dans les meilleurs au monde, mais souvent leur marché est en Allemagne, et partout en Europe, et très, très peu au Québec, parce qu'il n'y a pas d'exigence aussi grande au Québec, là — je discutais de ça avec Denis Leclerc, là, d'Écotech — et c'est des éléments, là, où on... C'est payant, la protection de l'environnement, il y a une économie de ça, et, des fois, de dire... pour enlever des irritants aux entrepreneurs, on se contente des fois d'être dans le milieu du peloton. Et on pense qu'il devrait y avoir une évaluation globale des outils économiques et du rôle du ministère de l'Environnement, et je pense qu'économiquement, si on pense en économies globales, pas en économies de bouts de chandelles ou d'unités de personnes... mais, en termes d'économies globales, je pense que la protection de l'environnement est éminemment payante pour les États parce qu'elle permet la préservation d'une banque de ressources naturelles pour rendre son utilisation durable. Quand on l'élimine, on ne l'a plus pour les générations futures.

Donc, c'est des éléments. Et, si le commissaire devrait chiffrer ses recommandations, bien le ministère, aussi.

M. Traversy : Alors, je ne pouvais pas passer sous silence cette partie de votre mémoire et j'ai trouvé que ça vous a fait du bien aussi. Je vous sentais une volonté et une passion dans votre intervention. Je suis content que vous ayez pu avoir l'occasion de le partager avec tout le monde. Et là-dessus j'aimerais donc vous amener... parce que le message a été entendu, et je pense qu'il est pertinent, j'aimerais vous amener sur votre souci de voir des mesures d'impact versus des mesures de risque, cette espèce d'ambiguïté ou cette crainte que vous avez, là, de tomber dans de la subjectivité, là, un peu abstraite.

Pouvez-vous nous faire un peu le portrait clair, là, de la grande différence entre le risque et l'impact, à votre point de vue?

M. Simard (Christian) : Vous allez trouver que je n'ai pas beaucoup d'idées, mais je vous réfère toujours au mémoire du CQDE, qui est très, très précis sur cette question-là, mais je vous rappellerai quelques éléments.

En fait, ce que le CQDE ne comprend pas, c'est que la loi actuelle déjà est faite en fonction du risque, donc que des projets plus petits, de moindre envergure, ont moins de contraintes que des projets de plus grande envergure, et il cite les articles de la loi de façon très, très précise là-dessus, donc, ne comprend pas trop ce qu'ajoute et qu'est-ce qui est de novateur à amener cet élément de risque faible, modéré, etc. Et le Centre québécois de droit de l'environnement dit que la question de... là où c'est plus intéressant, c'est sur les impacts, et c'est la nouvelle tendance des législations à travers le monde, et il cite une charte internationale, il cite des documents où, finalement, les impacts... mesurés par les impacts, capacité de réception des milieux... capacité de support des milieux récepteurs, les impacts qui sont du projet lui-même et les impacts cumulatifs, c'est des choses qui sont plus... Vous savez, à un moment donné, il y a des éléments... le risque, souvent, c'est lié aussi... Est-ce qu'une population autour peut avoir... Un projet qui a un risque qui est peu élevé mais qui a une sensibilité extrêmement forte va être évalué, puis tu peux avoir quelque chose qui a un impact majeur dans le Nord-du-Québec, des écosystèmes entiers, mais que personne ne se soucie et qui peuvent, à un moment donné, passer «free» si on marche par niveau de sensibilité aux risques. Parce que, dans les critères qui sont avancés dans le livre vert, il y a beaucoup de critères de perception de la population, l'information du public.

Donc, à un moment donné, la notion d'impact, selon nous, est plus scientifique, plus objective que la notion de risque, qui est suggestive et qui est vécue différemment et pas nécessairement dans une perspective à long terme, dans une perspective environnementale et une perspective de maintien de banques de ressources.

Le Président (M. Reid) : En quelques secondes, si vous voulez faire un commentaire.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. Simard. Donc, je vous remercie pour la franchise de votre mémoire, puis nous allons, donc, prendre vos suggestions en considération.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Simard. Donc, tout d'abord, bien, en fait, la notion d'impact, là, on est tout à fait en accord avec ça, surtout la notion d'impacts cumulatifs, là, donc il y aura certainement une réflexion à avoir à cet effet. J'aimerais vous amener tout de suite à la page 8 de votre mémoire. Vous parlez, là, de malus-bonus, écoconditionnalité et outils fiscaux pour préserver l'environnement. Vous en avez fait mention tout à l'heure dans certaines discussions avec d'autres collègues.

J'aurais une question à deux volets. Vous savez, le gouvernement regarde aussi — puis vous l'avez mentionné dans votre introduction — d'alléger sa facture puis réduire les coûts relatifs à l'émission d'un certificat d'autorisation, essayer de refiler la facture aux promoteurs. Bon, la question ici qui se pose, c'est : Selon vous, l'économie engendrée, parce que, certainement, dans le processus, il y aura économie, il y aura même double économie si on refile la facture aux promoteurs... l'économie devrait-elle aller pour simplement payer les coûts au sein du ministère ou elle devrait aller pour bonifier l'offre de services pour faire en sorte qu'on réduise les délais, que les projets voient le jour, en fait, que l'environnement puisse bénéficier de la plus-value? Je ne sais pas si vous pouvez m'entretenir un peu là-dessus.

M. Simard (Christian) : Oui. Je vous suis jusqu'à une certaine limite. C'est parce que, là, déjà, la réforme est beaucoup faite en sorte pour... est axée pour un peu, là, faciliter davantage, elle est très compréhensive envers le demandeur d'autorisation.

On a un système, malheureusement, qui est un système qui est, à la base, au niveau de son principe de base : Nul ne peut contaminer son environnement, à l'article 22, nul ne peut émettre... Donc, c'est la protection de l'environnement dans la charte. Et, s'il le fait, il doit demander une autorisation, parce que la règle, c'est de ne pas le faire. Et la personne qui demande l'autorisation... si l'objectif premier est la protection de l'environnement, je veux bien faciliter la vie ou d'être correct envers des demandeurs d'autorisation, mais, si il y a économie dans le système, elle doit être réinvestie dans les contrôles environnementaux, elle doit être réinvestie dans des fonctions de suivi, de vérifier l'efficacité environnementale du nouveau système d'autorisation. Donc, pour moi, ça ne doit pas aller au Conseil du trésor. À ce moment-là, on aurait le pire des deux mondes, c'est-à-dire on aurait élimination de secteurs entiers où il y aurait besoin de certificats d'autorisation, au détriment des impacts cumulatifs ou d'une véritable protection de l'environnement, et il y aurait une perte de moyens pour le ministère de faire le suivi de l'efficacité de ces mesures. Donc, actuellement, je veux bien qu'on pense au promoteur, mais, en même temps, il faut penser aux citoyens.

Actuellement, par exemple, un promoteur qui se voit refuser un certificat d'autorisation peut contester ce refus-là. Un citoyen ne peut pas contester l'émission d'un certificat d'autorisation... ou très difficilement, et donc ne peut pas le faire renverser, le certificat d'autorisation. Et ça, il n'y a pas d'équité par rapport au citoyen. Donc, cette équité-là, le Centre québécois développe cette idée-là beaucoup, et, devant la justice, donc, il faut qu'il y ait un équilibre. On peut comprendre que... mais c'est souvent parce que les règles n'ont pas été claires, parce que ce n'est pas bien défini par la loi, qu'il y a des lenteurs et qu'il y a des délais et qu'il y a, au bout du compte, bureaucratie. Et ce n'est pas nécessairement en assouplissant les règles, en diminuant les seuils de protection qu'on va y arriver. L'exemple des milieux humides est patent. L'objectif de simplement réduire les autorisations, quand les trois quarts des destructions se font sans autorisation présentement, bien là, à un moment donné, ça confine à l'absurde.

M. Lemay : Merci pour votre réponse. Très enrichissant. M. le Président, j'aimerais passer la parole au député de Groulx.

Le Président (M. Reid) : Oui. M. le député de Groulx, vous avez la parole.

M. Surprenant : M. le Président, merci. Alors, je vais revenir un peu sur ce que chacun a mentionné au niveau de l'efficacité. Vous êtes en faveur d'une efficacité, d'une clarté, d'une prévisibilité plus grandes, alors donc, qui passeraient par la simplification des règles et une diminution des autorisations formelles. Alors, bien, c'est très intéressant puis c'est ce qu'on souhaite. Puis vous avez même tantôt suggéré, à la question du ministre, là, des orientations à prendre à certains égards pour y arriver. C'est très apprécié. Par contre, vous êtes inquiet au niveau de l'industrie minière, alors, la directive 019.

Vous nous référez, là, bien souvent, au niveau du CQDE, d'un rapport qui a été fait, mais pouvez-vous nous en parler un petit peu? Parce qu'il y a le Plan Nord qui arrive...

M. Simard (Christian) : Mais, dans ce cas-là, je ne vous référerai pas, parce que c'est une étude de Nature Québec. Et donc, là, enfin, je vais référer à Nature Québec.

En fait, vous savez, il y a eu une directive sur les milieux humides qui n'était pas accrochée à la loi qui a été démolie par les tribunaux. Il y a eu une loi d'urgence, en 2012, pour rendre légaux rétroactivement ces certificats d'autorisation là, parce que c'est des centaines de certificats d'autorisation avec des mesures de compensation qui auraient pu devenir caducs. Je pense que le président de la commission était là lors de l'étude de ces choses-là. Maintenant, il y a encore une simple directive dans le cas des mines. Et même actuellement, même dans des mines modernes, des mines qui viennent d'ouvrir, il y a eu des digues qui ont éclaté, Cliffs Resources, il y a eu des problématiques dans la baie de Sept-Îles, même dans des projets récents. Donc, la directive ne semble pas marcher, ne semble pas être efficace, et il y a eu analyse là-dessus, et elle pourrait même risquer d'être contestée et, comme dans les milieux humides, là, faire l'objet, là, d'annulation des certificats d'autorisation. Donc, c'est assez grave, selon nous. Et, comme je vous le disais, il y a comme une iniquité ou il y a comme des systèmes véritablement à géométrie variable. Si vous avez une mine qui a 20 ans ou 30 ans, elle n'a pas les mêmes règles ou la même chose à suivre qu'une mine récente. Et, même la mine récente, il y a beaucoup de négociations, lors du certificat d'autorisation, entre les fonctionnaires et les mines, et, au bout du compte, est-ce que cette négociation arrive à l'utilisation des meilleurs outils?

• (11 heures) •

Vous savez, il y a énormément d'utilisation de l'eau dans le système minier, énormément d'eau, peu de récupération. On doit travailler pour réduire les intrants. Quand on réduit les intrants, on réduit les déchets, les déchets à confiner dans des digues énormes, dans des monticules, dans des montagnes de résidus qu'on doit surveiller, là, pratiquement à jamais. Parce qu'un jour ou l'autre, puis avec les changements climatiques, là, l'augmentation des pluies, c'est appelé à céder rapidement.

Donc, dans ce sens-là, la modernisation de la loi passe par la modernisation de ces outils réglementaires et ne passe pas nécessairement — et je pense que vous m'avez mal cité, M. Groulx, je pense, au départ — par la diminution des autorisations formelles, mais elles doivent être mieux encadrées. Elles peuvent être plus efficaces, si elles sont mieux définies, si elles utilisent des outils modernes, que des directives floues qui entraînent des délais très, très longs et qui n'aboutissent pas lors de l'émission de certificats d'autorisation et des garanties... que l'environnement soit mieux protégé.

Le Président (M. Reid) : ...épuisé le temps qui était réservé au deuxième groupe d'opposition. Alors, merci beaucoup, M. Simard, pour votre contribution à nos travaux.

Je lève la séance pendant quelques instants, le temps de permettre à nos prochains invités de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et Stratégies énergétiques...

(Suspension de la séance à 11 h 1)

(Reprise à 11 h 2)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à notre invité de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, Stratégies énergétiques. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. À la suite de votre présentation, nous allons participer à un échange avec les membres de la commission. Et, pour les fins d'enregistrement, je vous demande de commencer par vous nommer. Et je vous cède la parole.

Association québécoise de lutte contre la pollution
atmosphérique (AQLPA) et Stratégies énergétiques

M. Brunel (Alain) : Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Donc, je suis Alain Brunel, directeur, Climat-énergie de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, AQLPA. Je tiens à excuser ici l'absence de Me Dominique Neuman, de Stratégies énergétiques, qui n'a pas pu se joindre à nous.

Le projet de livre vert qui nous est présenté par le ministère est un projet de réforme majeur qui aura des conséquences sur l'environnement du Québec pour des décennies à venir, et donc, effectivement, il faut prendre bien le temps de l'analyser parce qu'il comporte des conséquences énormes aussi sur le droit à la qualité de l'environnement. Alors, pour l'AQLPA et Stratégies énergétiques, donc, il comporte beaucoup d'éléments intéressants qui permettent effectivement, par exemple, de rationaliser certains processus d'autorisation et d'analyse, mais il comporte également d'autres éléments assez inquiétants.

Et, avant tout, ce qui nous a étonnés, c'est qu'on n'ait pas de bilan, si vous voulez, de l'environnement dans lequel ce processus-là de réforme des autorisations environnementales s'inscrit, c'est-à-dire quel est l'environnement, aujourd'hui, du Québec Le postulat derrière évidemment ça, c'est qu'il y a eu une amélioration, et effectivement, par exemple, sur le plan de la qualité de l'air, et l'AQLPA est bien placée pour en parler, puisqu'on a contribué à cette amélioration, il y a eu une amélioration, mais, sur le plan de la qualité de l'eau, c'est beaucoup plus contrasté, et, sur le plan des milieux humides, on l'a évoqué tout à l'heure, là, les bilans qui ont été faits par le... et qu'on peut trouver dans le rapport sur l'eau, du ministère, c'est que le quart des milieux humides de la plaine des basses-terres du Saint-Laurent ont disparu depuis la fin des années 60. Et le processus de réforme ne s'appuie pas... en quelque sorte, ne fait pas d'analyse — on est un peu étonnés de ça — finalement, du rapport d'efficacité de ce processus d'autorisation sur la qualité de l'environnement, sur l'état de l'environnement qui en résulte, et notamment — le cas des milieux humides est assez patent — le processus actuel n'a pas réussi, effectivement, à protéger ces milieux humides. Pourquoi? Et est-ce que la réforme va le faire? On ne le sait pas.

L'autre aspect important économique est lié à l'activité des fonctionnaires, les professionnels du ministère, est très important également. Il a été évoqué par Christian Simard tout à l'heure. Bien, c'est que, depuis 20 ans, l'économie du Québec est en croissance quasi continue, et on a noté une croissance moyenne de 2,6 % par année depuis 20 ans, c'est-à-dire plus que celle des États-Unis, hein, il faut le noter quand même, alors que le budget du ministère de l'Environnement, depuis 10 ans, lui, il a diminué de 5 %, l'indice des prix à la consommation augmentait de 18 %, les dépenses de programmes augmentaient de 38 %, et l'effectif total du ministère de l'Environnement, lui, a diminué de 20 %. Alors, évidemment qu'il est, dans ces conditions-là, normal que les délais, peut-être, se soient accrus et que l'activité elle-même du ministère se complexifie, se densifie, s'intensifie, eh bien, que... donc, moins de ressources et plus d'activités, il est peut-être un peu normal que ce soit un peu plus compliqué de faire le travail. Et, en plus, il faut le noter, là, le livre vert le signale, bien l'environnement lui-même s'est complexifié depuis ces dernières années. Les lois de l'environnement, les lois touchant, là, à l'environnement se sont complexifiées ces dernières années. Et là un processus de révision d'activités ou de rationalisation des autorisations ne peut pas tout, l'optimisation de processus ne peut pas tout quand les ressources diminuent. Alors, il est évident que, de ce point de vue là, on regrette qu'il n'y ait pas eu une analyse de l'activité des professionnels du ministère en rapport avec le projet de réforme. Donc, ce sont des remarques générales.

Maintenant, quant aux orientations, l'orientation sur la lutte contre les changements climatiques, évidemment, l'AQLPA et Stratégies énergétiques soutiennent l'intégration de ce nouvel enjeu environnemental dans le processus d'autorisation. Le minimum, ce serait qu'effectivement les projets ne mettent pas en péril le plan d'action sur les changements climatiques. Par ailleurs, il nous semble que la dimension adaptation également des changements climatiques devait être prise en compte dans les processus d'autorisation. On sait que la hausse du niveau de la mer s'accélère. D'ici la fin du siècle, ça sera certainement autour d'un mètre, sinon plus. Et donc, dans tous les projets d'infrastructures, il faudra en tenir compte, évidemment, dès maintenant.

L'autre point, c'est les émissions extraterritoriales des émissions de gaz à effet de serre... les émissions de gaz à effet de serre extraterritoriales, pardon, des projets évalués, et là ici je fais référence très directement à un projet comme, par exemple, l'oléoduc de TransCanada Énergie Est. Donc, le ministre, donc, a confié l'étude au BAPE mais en excluant les émissions de gaz à effet de serre amont et aval, alors que ce sont celles-là qui sont les plus importantes. L'AQLPA a fait une étude là-dessus, une évaluation, une estimation des émissions amont et aval de ce pipeline, et ce serait de l'ordre de 64 fois les émissions du Québec de 2011, plus de 5,2 milliards de tonnes sur toute la durée de vie du projet. C'est monumental. Et, si on fait l'autruche sur ces questions-là, il est évident que ça risque de délégitimer et de décrédibiliser toute la démarche de réduction des gaz à effet de serre et tous les instruments, d'ailleurs, qui sont mis en place, parce qu'on réduirait ici de 20 %, 30 %, 40 % pendant que, de l'autre côté, on accepterait un projet qui augmenterait les émissions de 64 fois celles du Québec. L'autre point sur cette orientation-là, c'est que, dans le bilan carbone des projets de gaz naturel, par exemple, on sous-estime systématiquement le réchauffement sur 20 ans, parce que la règle veut qu'on l'évalue sur 100 ans, et donc on dit que c'est moins important que le dioxyde de carbone, ce que l'AQLPA questionne fortement et conteste quant à l'échéance de 20 ans.

• (11 h 10) •

En ce qui concerne la modulation par le risque, on fait nôtres les critiques du Centre québécois du droit de l'environnement. C'est assez problématique, notamment parce qu'on ne veut pas évaluer le risque projet par projet, alors même que le risque ne peut pas s'évaluer sans avoir une idée du milieu récepteur dans lequel le projet s'inscrit.

Je vais un peu plus vite sur l'orientation 4 maintenant : accroître l'information et les occasions d'intervenir du public. Là, il y a des pistes assez intéressantes. On aurait souhaité même plus d'audace de la part du ministre, parce que le Québec, effectivement, a pris beaucoup de retard là-dessus. Je lisais récemment qu'aux États-Unis l'Environmental Protection Agency commence même à équiper les gens d'outils de mesure peu chers et à demander aux citoyens finalement de faire eux-mêmes les mesures des contaminants, des émissions et des contaminants dans l'environnement. On en est très loin au Québec. Il y a des blocages qui subsistent en matière de communication et d'accès à l'information par le ministère. Donc, il y aurait nécessité, effectivement, si on veut aller vers une réglementation par l'information et par la participation du public, bien, de rendre plus facile, effectivement, cet accès aux informations, rendre plus facile l'accès à la justice, fournir aussi un soutien, un financement adéquats à des groupes environnementaux et des groupes citoyens qui peuvent apporter une expertise indépendante sur les projets.

Enfin, pour terminer, bon, je passe sur les orientations 5, 6. On est globalement d'accord avec le diagnostic et les orientations du ministère, avec une réserve sur la simplification des autorisations et le processus d'analyse. Quand on dit qu'on veut favoriser, par exemple, les expériences pilotes, on se demande si ici ce n'est pas une façon de soustraire les expériences pilotes, par exemple, de puits de pétrole de schiste ou de gaz de schiste... pétrole de schiste à Anticosti ou de gaz de schiste, de les soustraire d'une procédure d'examen d'impact, alors même que ce serait important, au contraire. Comme on manque d'information, ce serait important que ces expériences soient soumises au regard critique. Et aux missions importantes...

Le Président (M. Reid) : En terminant.

M. Brunel (Alain) : ...c'est la révision du processus d'appel comme il a été mentionné précédemment, mais on aura l'occasion d'y revenir. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous passons maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, et je passe la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Brunel. Merci pour votre mémoire ainsi que votre présentation. Vous transmettrez nos salutations à M. Bélisle, qui est en pleine campagne électorale, mais quand même...

Une voix : ...

M. Heurtel : Oui, j'imagine, mais quand même, si vous le croisez, s'il vous plaît, transmettez-lui nos meilleurs voeux.

Vous proposez quelque chose dans le mémoire, vous êtes les premiers à nous parler de la notion de réglementation par l'information. Est-ce que vous pourriez approfondir cette notion-là, s'il vous plaît, nous en parler davantage puis nous dire comment ça s'intégrerait au processus d'autorisation environnementale?

M. Brunel (Alain) : On trouve cette notion-là, l'expression de cette notion-là et la description aussi de cette notion-là dans l'excellent mémoire du Centre québécois du droit de l'environnement. Je crois qu'il y a plusieurs intervenants qui, sans doute, s'y sont référés, parce qu'effectivement c'est un document extrêmement complet, beaucoup plus que le nôtre, qui a été réalisé dans des temps certainement plus réduits. Mais la notion de réglementation par l'information, c'est que ça vise, en fait, à faire en sorte que, par la transparence de l'information, par l'accès à l'information, par la communication de toutes les informations qui concerneraient, par exemple, les projets et par l'appropriation de ces informations-là par l'opinion publique et les marchés économiques... à faire en sorte de créer une nouvelle norme de comportement qui va dans le sens et dans la direction voulus. Donc, en fait, il s'agit de faire en sorte que la réglementation soit, en quelque sorte, suivie, observée, soit vérifiée pas uniquement par les fonctionnaires, qui, évidemment, bon, on l'a vu, sont de moins en moins nombreux, à votre ministère.

Soit dit en passant, M. le ministre, si vous disposiez d'un budget équivalent de celui de l'Ontario, en proportion du budget global, vous auriez en poche, si je peux dire, environ 140 millions de dollars supplémentaires. Donc, vous voyez que ça vous permettrait aussi de faire peut-être une réforme un peu différente de celle que...

M. Heurtel : Ils ont un déficit de 12 milliards.

M. Brunel (Alain) : ...de celle que vous proposez aujourd'hui, qui, on a le sentiment, vise plutôt à faire des économies.

Alors donc, la réglementation par l'information, bien ça vise finalement à associer le public... et, quand on dit «le public», c'est autant, donc, les entreprises, hein, que les citoyens ou les groupes environnementaux, associer le public, en quelque sorte, au respect de cette règlementation-là et éventuellement à son évolution, et donc ça suppose effectivement qu'il y a un contexte légal et institutionnel qui soit favorable à ça, et ce n'est pas le cas aujourd'hui au Québec. Aujourd'hui, au Québec, les groupes environnementaux vivotent, hein, et essaient de survivre, et surtout, surtout, l'information n'est pas accessible. Je pense que ça, c'est un point que personne ne contestera ici. Notamment, le mémoire du CQDE le mentionne très bien, les articles 118.4 et 118.5 sur les émissions et sur le registre public montrent bien que, donc, ces informations-là ne sont pas du tout accessibles aux citoyens aujourd'hui.

Il y a une espèce d'omerta au sein du ministère, malheureusement, probablement pour protéger le secret industriel, et donc il faudrait peut-être aussi revoir la notion de secret industriel, et ça supposerait peut-être de faire aussi, je dirais, confiance, hein, confiance au public et peut-être de baliser la notion d'information environnementale comme le souligne le Centre québécois du droit de l'environnement. Mais toujours est-il que ça permet de mobiliser l'ensemble d'une société dans la direction voulue parce qu'on fait confiance aux citoyens et aux gens pour pousser dans cette direction-là. Et ce que fait... j'évoquais en introduction l'Environmental Protection Agency — c'est un article que j'ai lu tout récemment, je n'ai pas pu en parler dans le mémoire, là — mais c'est carrément fournir des outils aux citoyens, des outils de mesure des contaminants pour effectivement vérifier si la réglementation est respectée, et ils sont en train de travailler là-dessus aux États-Unis aujourd'hui. Donc, c'est vous dire à quel point on est en retard au Québec sur ces questions-là.

Le Président (M. Reid) : Alors, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Brunel. Merci pour votre rapport, mais moi, j'ai plusieurs questions. On va manquer de temps, je vais essayer de passer à des cas intéressants.

Vous nous parlez qu'il faut considérer les éléments de projet en aval et en amont. Je comprends bien l'enjeu, mais le fait d'interdire un projet, par exemple, où on n'aurait pas les considérations ou qui aurait des conséquences aval ou amont considérables nous empêche littéralement d'influencer l'impact à long terme de ces projets-là. C'est-à-dire que, si un projet passe sur notre territoire, on a une chance d'en discuter, d'en parler, d'essayer de l'améliorer avec les intervenants en aval et en amont, mais, si le projet fait le tour, c'est-à-dire qu'il contourne la législation ou notre territoire, on n'a plus d'impact, puis ça n'empêchera pas la même génération des gaz à effet de serre.

Donc, vous voyez ici une espèce de dichotomie, en fait, entre l'impact environnemental et la capacité de notre société à influencer le processus environnemental. Puis, comme vous le voyez très bien, le Québec est en train de se positionner dans une zone d'influence. Je voudrais vous entendre là-dessus, parce que ça, là, ça peut être un débat assez profond.

• (11 h 20) •

M. Brunel (Alain) : Si ce projet passe... Je parle du projet Énergie Est. Si ce projet passait, il permettra d'augmenter d'un tiers la production des sables bitumineux du Canada, il permettrait d'émettre des émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 30... uniquement amont, hein, uniquement en production, de 30 à 32 millions de tonnes par année, ce qui fait l'équivalent de 7 millions de voitures supplémentaires sur les routes, uniquement en amont. Mais, quand on calcule la combustion du produit qui serait transporté, eh bien, il faut multiplier par cinq, c'est-à-dire que c'est la pollution de 35 millions de voitures intermédiaires par année. Multiplié par 40 ans d'activité, ce projet rajouterait l'équivalent de 1,3 milliard de voitures.

Donc, influencer la lutte aux changements climatiques, de mon point de vue, ça se fait beaucoup plus en refusant un projet comme ça qu'en l'influençant à la marge, vous comprenez? Évidemment, vous me direz : Il peut passer aux États-Unis. Oui, mais il se trouve qu'aux États-Unis, non, le projet de pipeline Keystone XL, il est bloqué pour l'instant et il semblerait qu'avec le président actuel il ne passerait pas. Dans l'Ouest canadien, c'est bloqué aussi. Alors là, vous me direz : Oui, mais, et le développement économique? Oui, mais le problème, c'est qu'aujourd'hui, avec ce qu'on sait sur les gaz à effet de serre... c'est que, si on continue à émettre des gaz à effet de serre, l'économie va s'effondrer, l'économie va s'effondrer. Donc, il faut qu'on passe à un autre modèle économique. Et évidemment que l'influence, de mon point de vue, que le Québec peut avoir sur cette nouvelle économie, elle est beaucoup plus en refusant d'être complice, en quelque sorte, de la poursuite de cette économie ancienne, qui nous mène à la ruine. Vous comprenez? Est-ce que c'est clair, ce que je dis, ou...

M. Bolduc : Oui, c'est clair, ce que vous dites, mais un peu à côté du débat, dans le sens où moi, je dis que, par exemple, la taxe de carbone sur l'essence a, elle aussi, l'impact inverse. Donc, ce que moi, je dis : Ça ne nous empêche pas d'avoir des politiques environnementales qui vont nous aider. Et, en fait, le Fonds vert, qui est, en fait, une génération de ressources pour faire une diversification économique, on n'enlève pas ça du principe, là. Les bons outils puis les bonnes choses doivent être appliqués en temps et lieu, je ne conteste pas ça. Ce que je dis, c'est : La capacité du Québec d'influencer les autres projets. Puis, si on regarde Keystone — puis on peut faire de la politique un peu, il y en a quelques-uns qui ont de l'expérience là-dedans ici — en fait, Obama, il est peut-être plus intéressé à avoir l'indépendance énergétique puis il se sent moins attaché au Canada actuellement avec la génération du gaz naturel et du gaz de schiste. Donc, ce n'est pas uniquement un objectif environnemental quand on fait ce débat-là, puis je tiens à le souligner parce que ça n'a rien à voir, en fait, avec l'environnement. Ça a à voir tout à fait avec l'impact économique américain et l'exploitation du gaz de schiste. Donc, il faut être prudent quand on fait ce qu'on dit.

Mais je veux revenir à la capacité du Québec à influencer les processus internationaux. Et est-ce que vous avez des idées sur comment on devrait affecter cette législation-là pour avoir un impact réel sur les projets en amont et en aval?

M. Brunel (Alain) : Dans la mesure, par exemple, où on a une évaluation scientifique solide des émissions totales d'un projet comme celui d'Énergie Est ou d'autres projets, d'ailleurs, bien, ça permet, je dirais, effectivement d'avoir peut-être un pouvoir de négociation plus grand pour obtenir peut-être un paiement, effectivement, de la tonne carbone qui soit... du carbone qui sera émis réellement, vous voyez. Il est sûr que, si on fait l'autruche sur cette question-là, bien, en fait, moi, mon sentiment, c'est que ça va décrédibiliser, ça va délégitimer complètement les mesures qui peuvent être prises localement au Québec, qui vont avoir l'air complètement... je dirais, presque négligeables en termes d'émissions de gaz à effet de serre par rapport à ce qu'on permettra d'émettre grâce à ces projets-là.

Les scientifiques du climat nous disent qu'il faut, pour atteindre l'objectif... pour avoir simplement une chance sur deux d'atteindre l'objectif de limiter la hausse de la température à deux degrés... la hausse moyenne à deux degrés, il faut qu'on laisse les trois quarts des ressources pétrolières et, disons, les ressources de carbone dans le sol, les trois quarts. Et, quand on calcule le bilan de carbone global... c'est-à-dire, il y a eu des analyses faites par des scientifiques de Nature, par exemple, qui ont fait ça en comptabilisant notamment le contenu carbone de chaque hydrocarbure, bien, les sables bitumineux... c'est malheureux pour le Canada, mais les sables bitumineux contiennent beaucoup de carbone, et donc c'est parmi les ressources qui doivent rester le plus dans le sol.

Et donc, effectivement, si nous, en tant que peuple pas indépendant et un peu dépendant même du gouvernement fédéral sur ces questions-là, nous nous tenons debout quand même et nous réussissons à imposer notre volonté sur ces questions-là, eh bien, on a un impact majeur sur le maintien de ressources carbone dans le sol et donc sur l'atteinte de l'objectif global mondial de limiter la hausse du thermomètre. Et la hausse du thermomètre, ça paraît abstrait, mais, en réalité, deux degrés, c'est une moyenne. Dans le Canada, ça va être 10, 12 degrés, probablement... dans l'Ouest canadien. Ça n'a pas que des désavantages, d'ailleurs. C'est vrai que ça peut être agréable d'avoir un peu plus de chaleur dans nos pays froids, mais ça va avoir des effets majeurs sur la ressource en eau, et sur la biodiversité, et sur la hausse du niveau de la mer aussi.

Donc, je pense qu'on ne peut pas jouer avec ces questions-là. Il faut absolument qu'on ait une position cohérente et forte. Et, du point de vue d'une association qui défend la qualité de l'air depuis 33 ans cette année, il est évident qu'il faut aller vers l'élimination, le plus possible, des sources d'émissions de gaz à effet de serre. Ça suppose de limiter le plus possible la consommation, bien sûr, mais aussi la production d'hydrocarbures fossiles.

M. Bolduc : Merci. Et je voudrais vous amener sur un autre sujet qui est, pour moi, un peu délicat, puis je voudrais avoir votre opinion sur la capacité des écosystèmes. Je vais vous donner un exemple. Moi, je vis dans une région où on est en amont, en fait, on est la source de quelques rivières importantes du Québec. Les deux lacs les plus importants ont 2 500 fosses septiques isolées, plus l'agriculture, plus l'impact des municipalités, et on retrouve, disons, une mésotrophication des secteurs en aval. Maintenant, je dois autoriser, oui ou non, une construction de 10... mettons, un élément théorique, de 10 nouvelles fosses septiques isolées.

Comment on intègre cette dynamique-là quand on est dans un territoire où la mésotrophication se produit à Drummondville ou à Sherbrooke, ou etc.? Mais comment on intègre une notion de capacité d'écosystème sur un territoire?

M. Brunel (Alain) : Écoutez, c'est évident que, quand on parle de capacité de support d'un écosystème, il faut regarder ce système-là globalement, et si effectivement vous êtes en amont de la rivière, bien il est évident que c'est là où ça doit se jouer en premier. Je veux dire, c'est là où on doit agir en premier, il me semble. Et donc, effectivement, vous ne pouvez pas le regarder uniquement localement, ce problème-là. Mais je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question parce que... Vous voulez dire, dans le processus d'autorisation? C'est ça?

M. Bolduc : Absolument. Comment on fait pour mesurer puis dire où dans le secteur... ou prenons le bassin versant, où on met les limites puis comment on fait ça? Parce que l'aval est toujours influencé par l'amont — on ne peut pas éviter ça — donc les sources importantes... Est-ce qu'on s'attaque aux sources par importance ou on s'attaque... Comment on le fait, là? Parce que vous parlez, justement, de cette capacité des écosystèmes, là, puis que les normes prévues soient bien respectées, etc., mais le degré de fragilité, plus on va en aval, plus il est important. Donc, comment on l'établit? Je voudrais juste vous entendre là-dessus.

M. Brunel (Alain) : Bien, il est évident que, si le degré de fragilité est plus important en aval, évidemment ça dépend des sources amont, mais ça dépend aussi beaucoup des sources, je dirais, tout le long du cours d'eau aussi. Et, si vous établissez des fosses septiques isolées, bon, elles ont moins d'impact que, par exemple, l'agriculture sur le cours de la rivière. Alors donc, la qualité de l'eau, elle est mauvaise surtout dans les zones fortement urbanisées mais aussi où il y a beaucoup d'agriculture : basses-terres du Saint-Laurent, lac Saint-Pierre, lac Saint-Jean et Chaudière-Appalaches, effectivement, donc.

Mais comment on fait ça concrètement? Je pense qu'effectivement il faut avoir une vision globale et il faut éviter d'en rajouter, autant que possible. Je m'excuse, ma réponse est peut-être un peu vague. Je n'ai pas une connaissance technique, je dirais, précise des processus d'autorisation, pour tout vous dire.

Le Président (M. Reid) : Alors, nous allons devoir nous contenter de cette réponse pour le moment, puisque le temps est terminé du côté gouvernemental. Je passe maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Terrebonne.

• (11 h 30) •

M. Traversy : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Vous avez piqué ma curiosité à quelques reprises, notamment en nous rappelant que nous ne sommes pas un peuple indépendant, mais très dépendant de la situation qui se passe à l'intérieur du Canada en matière environnementale.

Beaucoup de discussions ont lieu avec mon collègue député d'en face sur le dossier du TransCanada oléoduc, qui est un dossier qui nous tient particulièrement à coeur parce que c'est un pipeline notamment qui passe dans bon nombre de circonscriptions du Québec, dont la mienne, je dois le mentionner.

Vous avez parlé de crédibilité par rapport à ce dossier, sur l'exercice environnemental que nous faisons aujourd'hui. Vous avez dit que, si on voulait avoir une certaine... bien, c'est ça, crédibilité, ou valeur, ou une vraie notoriété dans la lutte aux gaz à effet de serre, il fallait avoir une position claire sur ce dossier, qui, selon vous, émet 64 fois celles du Québec en termes...

Une voix : ...

M. Traversy : ...susceptibles, selon les chiffres de 2011, de ce que j'ai noté. Donc...

Une voix : ...

M. Traversy : Et c'est un chiffre conservateur. Donc, 64 fois ce que le Québec peut dégager. Vous êtes donc d'accord avec le fait qu'il faut étendre le BAPE qui est proposé sur l'ensemble du territoire canadien, sur l'ensemble du projet. Est-ce que vous pensez que, donc, si jamais nous décidions d'aller dans cette direction, ça pourrait donner un résultat largement différent? Parce qu'il y a des études qui semblent avoir été faites qui disent qu'essentiellement le cycle complet des émissions de gaz à effet de serre, là, n'est pas nécessairement si significatif que ça. Je parle d'une recherche qui a été faite, là, par Navius Research pour la Commission de l'énergie de l'Ontario qui donne des résultats qui semblent être à l'encontre de ce que vous nous dites en termes de possibilités, là, de gaz à effet de serre.

Bref, la nécessité est-elle absolue, pour vous, pour avoir de la crédibilité? Et rappelez-nous pourquoi vous pensez que les résultats seraient différents.

M. Brunel (Alain) : Alors, effectivement, à partir du moment où on autorise le passage, sur notre territoire, d'un pipeline qui va générer, sur la durée de vie de 40 ans, qui est d'ailleurs, ça aussi, probablement une période conservatrice... Je vous rappelle qu'énergie... pardon, la ligne 9, Enbridge, a déjà plus de 40 ans et on veut la prolonger. Donc, effectivement, c'est un pipeline qui pourra peut-être durer plus longtemps que ça, mais, sur 40 ans — c'est la durée officielle du projet dans la soumission de TransCanada — mais, sur 40 ans, ça émet des millions et des millions de tonnes de gaz à effet de serre quand on comptabilise la production d'hydrocarbures qui seront mis dans le pipeline et quand on calcule la combustion de l'autre côté. Alors, ça, c'est un calcul absolu.

La recherche de Navius Research à laquelle vous faites allusion a utilisé une autre manière de calculer en disant : Bien, de toute façon, si on ne construit pas ce pipeline, le pétrole sera consommé de toute façon en provenant d'autres sources. Vous voyez? Donc, ils ont calculé la différence entre les autres sources et cette source-là. Donc, évidemment, quand on calcule comme ça, bien on se dit : Bien, finalement, si ça remplace un pétrole par un autre, ce n'est pas plus grave que ça. Mais, en réalité, ça ne va pas remplacer un pétrole par un autre. C'est une présomption qui est fausse. Ça va s'ajouter au pétrole... Les prévisions de consommation de l'Agence internationale de l'énergie sont quand même qu'il y aura une hausse de la consommation de pétrole dans les prochaines décennies. Donc, c'est bien des émissions de gaz à effet de serre qui vont s'ajouter à ce qu'il y a déjà. Et, quoi qu'il en soit, justement, la demande d'une évaluation objective de ces émissions-là, ça vise à faire en sorte à faire la lumière sur ces différentes techniques là, et d'ailleurs l'AQLPA va soumettre aussi un mémoire à la commission métropolitaine de Montréal où on essaiera de creuser ces questions-là et d'apporter de nouvelles réponses à ces questions-là, parce qu'effectivement c'est une question extrêmement importante que vous avez posée, M. Traversy.

Comment se fait-il qu'on arrive à des résultats aussi divergents? Eh bien, parce qu'on n'a pas les mêmes hypothèses. Par exemple, je vous donne un simple exemple qui est assez aberrant, à mon sens, c'est que Navius Research fait l'hypothèse que, si Énergie Est réussit à amener son pétrole sur les marchés mondiaux, eh bien, ça va faire baisser les prix du pétrole mondial, et donc que ça aura, je dirais, peu de conséquences finalement sur le reste de la consommation mondiale. C'est assez incroyable comme raisonnement, ça ne tient pas debout, en réalité. Il y a des prémisses à leur raisonnement qui sont extrêmement discutables. Moi, j'aimerais pouvoir en discuter avec des experts, j'aimerais que des experts se penchent sur cette question-là, qu'on ait différents scénarios et qu'on puisse en juger en toute objectivité, parce qu'effectivement, quand un groupe comme le nôtre vous dit : 1,3 milliard... pardon, d'équivalent voiture annuel de pollution, vous pouvez dire : Oh! ils exagèrent, c'est des écolos, c'est des radicaux, etc. Et pourtant, les chiffres, c'est ce qu'ils nous disent : En valeur absolue, c'est ce que ce pipeline-là va permettre de mettre dans l'atmosphère.

M. Traversy : Donc, et je ne veux pas briser votre élan, parce que je sens que...

M. Brunel (Alain) : Non. Je m'excuse. Je m'excuse, j'ai un peu...

M. Traversy : ...vous en avez long à dire sur ce sujet, mais, comme mon temps est restreint, je voulais donc résumer en disant : Il faut que le ministre ait une position claire sur cet enjeu particulier, qui est un test de crédibilité pour la démarche, là, de la lutte aux gaz à effet de serre, et, s'il décide de partir à Paris — ce qu'il va faire, j'en suis convaincu — pour la conférence sur la lutte aux changements climatiques, il serait bon que dans sa mallette il ait une position claire à cet égard et le plus crédible possible.

Plusieurs groupes avant vous sont venus nous parler du test climat. Vous êtes probablement d'accord que cette option serait beaucoup plus impartiale en termes d'évaluation?

M. Brunel (Alain) : Absolument. Il faudrait même, je pense, un bilan carbone des projets, hein? Un bilan carbone ou test climat, c'est un peu la même chose, sauf que le bilan carbone pourrait effectivement, je dirais... Bien, il faudrait que ce soit une comptabilité, je dirais, standardisée, évidemment, et puis qui permettrait aussi d'avoir la vision sur les émissions éventuellement extraterritoriales pour les projets de pipelines ou de transport de pétrole, et qui concernerait, bien évidemment, les ministères et organismes gouvernementaux aussi, et qui donnerait un regard objectif aussi sur les conséquences, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, de ces projets.

M. Traversy : Il me reste deux minutes environ, donc je vais vous poser deux questions en rafale et je vous laisserai répondre rapidement. Vous avez parlé, dans vos recommandations dans votre mémoire, là, donc, de donner davantage de moyens aux groupes citoyens pour qu'ils puissent, dans le fond, intervenir notamment dans les bureaux d'audiences du BAPE. Est-ce que c'est via le Fonds vert que vous souhaitez encourager ces groupes citoyens?

Et l'autre question que j'avais, c'est que... Vous avez terminé votre présentation en parlant d'absence de processus d'appel, là, dans ledit livre en question. Pourquoi c'est si important pour vous d'en parler? Est-ce que c'est pour élargir davantage ces moyens d'appel à plus que juste les promoteurs de projets? Je voulais que vous puissiez avoir la chance de vous exprimer.

M. Brunel (Alain) : Or, sur la participation citoyenne, effectivement... bien, pour référer à la réglementation par l'information, donc, en réponse à la question du ministre en introduction, effectivement, il est important que les citoyens soient outillés, en quelque sorte, pour pouvoir faire le meilleur travail possible. Ils le font déjà, je le dis, il me semble, avec relativement d'objectivité. Ça ne fait pas tellement longtemps que je suis à l'AQLPA, là... ou que je suis revenu à l'AQLPA, mais ils font quand même du travail assez remarquable avec très peu de moyens aujourd'hui. Ils pourraient faire encore davantage du meilleur travail s'ils étaient mieux outillés pour le faire, mieux financés pour le faire. C'est, d'ailleurs, des procédures qui existent, par exemple, pour l'Office national de l'énergie, hein, comme vous le savez, donc on n'invente rien, et ça permet aussi de bénéficier du savoir citoyen de... Donc, ça serait important, je pense, que le ministre ajoute ça à sa réforme.

L'autre point, bien c'est effectivement que, dans le livre vert, on ne parle pas de la question, bien, de l'égalité devant la justice. Aujourd'hui, il y a une possibilité d'appel uniquement pour contester la non-distribution du certificat ou la non-autorisation environnementale, la non-délivrance du certificat d'autorisation, alors qu'un citoyen ne peut pas, lui, se retourner contre une décision qu'il jugerait manifestement mal fondée. Là-dessus, l'AQLPA a eu à souffrir de cette situation-là dans... et M. Bélisle en particulier, comme vous le savez, M. le ministre, donc, on a subi une poursuite-bâillon parce qu'on avait contesté, effectivement, la délivrance d'un certificat d'autorisation qui était contestable à l'époque, même si les jugements ont été plus nuancés sur la vision qu'avait l'AQLPA à l'époque. Néanmoins, on a eu à en souffrir énormément, et il nous semblait important, effectivement, que cette révision du processus d'appel soit inscrite aussi à la réforme; également, protection des lanceurs d'alerte...

Le Président (M. Reid) : Merci. Je dois vous interrompre.

M. Brunel (Alain) : ...et liberté d'expression pour les scientifiques de la fonction publique. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Masson.

• (11 h 40) •

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Brunel, d'être ici présent. Justement, moi, j'avais noté ceci : La révision du processus d'appel. Vous étiez en train de terminer votre... Est-ce que vous aviez quelque chose d'autre à rajouter là-dessus? Parce que c'était justement dans mes questions. Donc, j'apprécie beaucoup que le député de Terrebonne l'ait posée juste avant. Allez-y.

M. Brunel (Alain) : Bien, effectivement, le droit de contestation n'existe qu'au bénéfice du demandeur du certificat, et non du public, qui a un droit à la qualité de l'environnement qui, du coup, peut être bafoué. Et il est extrêmement difficile, effectivement, de contester, comme vous le savez, un certificat qui aura été autorisé pour des raisons mêmes contestables.

M. Lemay : Parfait. Donc, j'ai tout entendu l'élément de réponse précédent, là, donc, merci pour l'avoir complété.

Vous avez parlé, dans votre recommandation n° 15, en ce qui concerne «définir la notion de secret industriel et limiter son application»... Je ne sais pas si vous avez un petit peu plus de propos que vous voulez nous apporter là-dessus?

M. Brunel (Alain) : Bien, en fait, l'information que le ministère bloque aujourd'hui sur les certificats d'autorisation, les conditions attachées au certificat d'autorisation, c'est beaucoup lié à la notion du secret industriel et d'informations détenues par un tiers, en l'occurrence, par une entreprise ou un promoteur qui ferait un... donc, qui a un projet et qui veut garder ces informations-là confidentielles. Donc, il nous semble que cette notion-là, à l'instar d'ailleurs du Centre québécois du droit de l'environnement, est galvaudée et on en abuse pour de mauvaises raisons. Et ça va à l'encontre, d'une certaine manière, aussi de la réglementation par l'information, hein?

Donc, c'est assez incroyable, par exemple, de penser que les contaminants que les producteurs ou les entreprises de gaz de schiste émettaient dans l'environnement n'étaient pas du domaine public, quand même, c'était un secret industriel, alors même qu'elles avaient la prétention, je dirais, de... bien, pas la prétention, mais l'obligation d'utiliser l'eau, qui est un bien commun, qui est un bien public, et elles disaient pouvoir traiter cette eau-là, mais sans qu'on sache effectivement quels contaminants ils utilisaient pour ce faire.

Donc, c'est quand même des notions, en ce sens-là, qui sont vraiment abusives, hein, les notions de secret industriel, et le Centre québécois du droit de l'environnement, donc, dans son mémoire détaille très bien cette question-là en questionnant justement le fait qu'il ne s'agirait pas... Enfin, lui, propose une réforme qui nous semble intéressante, c'est que ce n'est pas tellement la propriété de l'information qui est importante que sa nature. Et effectivement une information qui est de nature privée doit rester privée, mais une information sur les contaminants qui affectent le domaine public devrait être de nature publique.

M. Lemay : Effectivement. Très apprécié. Donc, c'est vrai, si ça touche le bien commun, donc, on doit le divulguer, il n'y a pas de secret industriel, et puis, à ce moment-là, on est en mesure de pouvoir bien évaluer les impacts sur l'environnement.

M. Brunel (Alain) : Absolument.

M. Lemay : Excellent. Je crois qu'il me reste peu de temps, M. le Président, hein?

Le Président (M. Reid) : Presque trois minutes encore.

M. Lemay : Ah bon! D'accord. Vous savez, bien, l'accord entre le Canada puis le Québec sur les évaluations environnementales, qui date de 2010, là, ils prévoient que les évaluations conjointes, hein... lorsque la loi canadienne s'applique ainsi que la Loi sur la qualité de l'environnement s'applique, ils prévoient ça. En ce qui concerne l'Office national de l'énergie, il n'y a rien qui prévoit ça dans nos ententes, donc ce qui fait qu'un projet comme TransCanada Énergie Est fait affaire seulement avec l'agence canadienne.

Selon vous, là, est-ce que vous croyez que, dans notre réforme, on devrait quand même renégocier l'entente qu'on a avec le Canada et le Québec pour accorder plus de pouvoirs d'intervention au ministère de l'Environnement ici quand il s'agit de... tu sais, d'un projet comme TransCanada, justement, pour pouvoir améliorer nos collaborations avec l'Office national de l'énergie? Est-ce que vous êtes quand même favorable à ce type de renégociation là?

M. Brunel (Alain) : Bien, la question de la responsabilité de la compétence eu égard à des projets de pipelines, par exemple, en l'espèce, donc, elle est tout à fait discutable. Le Québec a des compétences quand même sur tous les projets de pipelines qui dépassent deux kilomètres de longueur, donc il pourrait très bien intervenir et même... comment dire, s'opposer à la réalisation de ces projets-là, évidemment avec le risque qu'il y ait contestation constitutionnelle, parce qu'il pourrait y avoir aussi action du gouvernement fédéral ou de la compagnie pour faire en sorte de faire valoir l'avantage général du Canada dans l'espèce et écarter complètement la responsabilité et les compétences du Québec en la matière. Mais il y a quand même... enfin, il me semble que le principe de subsidiarité qui est dans le développement durable, c'est le principe que la responsabilité première, évidemment, en matière d'environnement doit s'appliquer aux instances les plus locales possible, et il me semble qu'en l'espèce c'est le Québec qui devrait avoir la responsabilité première sur cette question-là.

Évidemment, tant qu'on est dans le Canada, il faut s'entendre aussi avec nos voisins et amis canadiens, et cela va de soi, mais... et avec le gouvernement fédéral. Mais effectivement peut-être qu'il serait possible aussi de prévoir une procédure conjointe du type de celle que vous avez évoquée pour aussi les projets de pipelines, hein? Ça n'existe pas actuellement, mais il n'y a rien qui empêcherait de négocier cela, sauf, effectivement, de ne pas avoir de rapport de force pour le faire. Et, en l'occurrence, aujourd'hui, je ne sais pas si le Québec a vraiment un rapport de force pour faire ça.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci, M. Brunel, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux de la commission pendant quelques instants, le temps de permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 47)

(Reprise à 11 h 48)

Le Président (M. Reid) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à nos invités de la Fondation David-Suzuki. Vous disposez d'une dizaine de minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous procéderons à un échange avec les membres de la commission.

Je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement, de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne. À vous la parole.

Fondation David-Suzuki

M. Mayrand (Karel) : Merci, M. le Président. Merci, MM., Mmes les députés, de nous recevoir. Je m'appelle Karel Mayrand, je suis directeur général pour le Québec à la Fondation David-Suzuki. Je suis accompagné par Jean-Patrick Toussaint, qui est chef des projets scientifiques à la fondation.

Alors, pour respecter le temps qui nous est imparti, nous n'allons pas revenir sur l'ensemble des recommandations de notre mémoire, mais plutôt nous concentrer sur quatre sujets : d'abord, le cadrage général du projet de modernisation; la notion du droit de vivre dans un environnement sain; le rôle du BAPE; et la question des changements climatiques.

Alors, pour commencer avec la question du cadrage, notre compréhension, à la lecture du livre vert, c'est que le projet de modernisation vise à alléger un peu des processus qui datent d'il y a très longtemps, mais sans réduire le niveau de protection de l'environnement, ce qui est en soi une bonne chose. On n'aimerait pas voir le processus être allégé de manière à diminuer nos protections. Ceci dit, pour la fondation, ce serait une bonne idée de reconsidérer le cadrage de l'ensemble pour dire : Profitons du fait qu'on réouvre le processus d'autorisation pour la première fois en plusieurs décennies pour essayer de rehausser les protections, d'améliorer l'ensemble du processus, donc de rehausser la protection de l'environnement au Québec. Notre conviction, c'est qu'on est capables de faire les deux : d'alléger le processus mais, en même temps, aussi de le rendre encore plus rigoureux. Et il y a des choses dans le livre vert à cet égard-là, donc ça serait peut-être une bonne intention à réitérer.

• (11 h 50) •

Le deuxième point : sur la question du droit de vivre dans un environnement sain. La Fondation David-Suzuki a lancé une grande campagne à travers le Canada pour faire reconnaître ce droit-là un peu partout mais, éventuellement, dans la Charte canadienne des droits et libertés. On a la chance, au Québec, d'avoir ce droit, qui nous est reconnu depuis 1978, donc, par l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui reconnaît à toute personne, donc, le droit à la qualité de l'environnement, sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent. Alors, évidemment, c'est un droit qui est balisé par les dispositions de la LQE et les normes réglementaires, et tout ça, et évidemment le processus d'autorisation environnementale vient limiter l'exercice de ce droit-là en donnant droit à d'autres d'émettre des polluants dans l'environnement, ce qui est l'équilibre, si on veut, de notre système.

La charte québécoise des droits et libertés de la personne reconnaît depuis 2005 que «toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité», et, pour la Fondation David-Suzuki, le Québec a un rôle de leadership important à l'échelle canadienne, étant l'une des seules provinces à avoir énoncé ce droit-là de façon aussi claire, et ce leadership-là ne doit pas être que symbolique. C'est-à-dire qu'un droit devient effectif pour les citoyens du moment où on donne aux citoyens des possibilités de l'exercer, et c'est là-dessus... pour la fondation, on a... vous remarquerez, à la lecture de notre mémoire, qu'on a beaucoup concentré nos recommandations sur les questions d'accès à l'information environnementale, de consultation du public et aussi les recours qu'on peut offrir au public pour exercer leurs droits. Donc, un droit n'est pas un absolu en soi, est toujours balisé, limité dans la loi, et la modernisation du processus d'autorisation environnementale nous donne une occasion de renforcer le droit à un environnement sain pour les citoyens et citoyennes du Québec. Donc, une de nos recommandations, c'est d'inscrire l'exercice du droit à un environnement sain comme une des pierres angulaires du projet de modernisation du régime d'autorisation. Une autre de nos recommandations, c'est de rendre disponible au public l'ensemble des conditions d'autorisation. J'entendais l'intervenant précédent dire : L'information sur les contaminants qui vont dans l'environnement devrait être disponible. Elle ne l'est pas toujours, pour toutes sortes de raisons, bonnes ou mauvaises. Mais ça fait en sorte que le citoyen qui ne dispose pas d'information est un citoyen, finalement, qui a les yeux et les oreilles fermés et qui ne peut pas exercer ses droits. Et l'accès à l'information est la base de notre droit.

Ensuite, la fondation recommande de donner aux citoyens le droit d'en appeler des conditions d'une autorisation environnementale pour protéger leur droit de vivre dans un environnement sain. Dans le livre vert, on parle de donner un droit d'appel aux gens qui demandent une autorisation pour protéger le droit des demandeurs, mais, nous, à la fondation, on se dit : Si on donne un droit d'appel aux demandeurs d'autorisation, il faut aussi donner un droit d'appel équivalent aux gens pour protéger leur droit à un environnement sain et aussi donner le droit d'appel à tout bénéficiaire du droit de la qualité de l'environnement dans le cas où une autorisation est délivrée en contravention du cadre décisionnel prévu ou sur la foi d'informations erronées ou incomplètes, c'est-à-dire que ce droit d'appel là inclue ces situations-là où parfois il peut y avoir eu des anicroches dans le processus de décision.

Je passe maintenant à la question de la consultation, parce qu'évidemment la consultation des citoyens est très importante. Notre mémoire recommande d'établir des modalités de consultation des citoyens au moment où on détermine le risque, parce que le livre vert nous dit : On va établir des seuils en fonction des risques. Le risque est une notion qui est tellement variable. On pose la question du risque à une personne ou à une autre, il y a toujours un volet d'acceptabilité sociale qui s'intègre dans le risque, et le risque qui est perçu par la population n'est pas toujours le risque équivalent au risque théorique ou technique. Et, si on aborde la question du risque, c'est important d'avoir le point de vue des gens. Et, l'exemple que je donnerais, hein, vous savez, c'est plus risqué de prendre l'automobile que de prendre l'avion, mais les gens tolèrent très, très bien le risque des accidents d'automobile, qui sont très fréquents, mais des gens ont plus de difficultés avec le risque de prendre l'avion. Et c'est tout à fait normal et, dans une société démocratique, c'est des choses avec lesquelles on doit composer.

Pour passer maintenant à la question du BAPE, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, il a été créé au même moment où on reconnaissait le droit à un environnement sain au Québec, et ce n'est pas un hasard, parce que, quand on crée un nouveau droit, on crée aussi des processus, des recours pour les citoyens. Et on a fait école en créant le BAPE au Québec. Et, pour nous, même si certaines personnes considèrent que, des fois, le processus du BAPE est un peu lourd, on a entendu souvent des contestations, mais le BAPE demeure un garant de la confiance du public, c'est une institution qui a la confiance du public au Québec, et, si on en venait à affaiblir le BAPE en permettant, des fois, des manières de contourner... Hein, des fois, on voudrait se soustraire à une évaluation en bonne et due forme du BAPE par d'autres méthodes. Si on en venait là par la réforme, la modernisation, pour nous, pour la fondation, ce serait équivalent à un recul très important du droit à un environnement sain au Québec.

Alors, nos recommandations sur le BAPE sont d'en faire l'organisme responsable de l'ensemble des consultations tenues dans le cadre d'évaluations environnementales stratégiques. On a vu des évaluations environnementales stratégiques où les consultations étaient littéralement des posters qu'on mettait dans une pièce et les gens venaient et pouvaient ensuite écrire quelque chose puis le mettre dans une boîte aux lettres. Ce n'est pas une vraie consultation. Mais parfois les consultants qui font les EES n'ont pas les capacités de faire des consultations, on ne peut pas leur demander de faire ça. Donc, le BAPE a une expertise. Renforcer la proposition de consultation en amont de la PEEIE et la confier au BAPE, assurer que l'intégrité, l'indépendance, la transparence et la rigueur des travaux du BAPE soient maintenues et même renforcées et confier la nomination des membres du BAPE à l'Assemblée nationale.

Sur ce, je passe la parole à mon collègue M. Toussaint.

Le Président (M. Reid) : Vous avez 1 min 30 s seulement.

M. Toussaint (Jean-Patrick) : Pardon?

Le Président (M. Reid) : Il vous reste 1 min 30 s.

M. Toussaint (Jean-Patrick) : O.K., je vais faire ça vite. Merci, M. le Président, MM. et Mmes les députés.

Donc, la question des changements climatiques évidemment est importante, puis, rapidement, vous le verrez, on est très ravis de voir que ça fait partie des premières orientations, là, dans le livre vert, d'inclure la lutte contre les changements climatiques. Et ça cadre très bien avec ce que mon directeur disait par rapport au droit de vivre dans un environnement sain. Donc, d'emblée, on cherche à réitérer qu'on appuie cette orientation-là. Ce qui serait important, pour nous, de dire, une des recommandations, c'est que, parmi les activités qui vont être proposées et qui vont devoir être évaluées, c'est peut-être, dans un premier temps, de déterminer un seuil d'émissions de gaz à effet de serre qui va rendre automatique l'assujettissement d'une activité à la PEEIE.

Pour la suite — pour faire très rapide — on a signé tout récemment le Under 2 MOU, donc, le Québec s'est engagé à réduire de 80 % à 95 % ses émissions de GES en 2050. Donc, notre recommandation par rapport à ça, c'est d'exiger que toutes les activités qui vont être soumises à la PEEIE aient un plan de réduction d'émissions de gaz à effet de serre qui est compatible avec les objectifs ou, en fait, la vision que le Québec s'est donnés, ce qui va de soi, pour nous. Également, dans une autre recommandation, la recommandation 5, on dit, on suggère de considérer les émissions de GES indirectes, cumulatives et extraterritoriales. Mon collègue précédent en a fait allusion, donc je passe rapidement là-dessus.

Donc, on a deux autres recommandations, mais là je pense que...

Le Président (M. Reid) : ...interrompre. Vous aurez peut-être l'occasion de continuer avec les questions et l'échange, on a encore du temps.

Alors, je passe la parole maintenant du côté gouvernemental, à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Mayrand, M. Toussaint. Merci pour votre mémoire ainsi que pour votre présentation. On va pouvoir continuer sur les changements climatiques. Je voudrais quand même souligner la participation de M. Mayrand aux travaux du Comité-conseil sur les changements climatiques. Je tiens à vous remercier, parce que, en plus du travail important que vous faites au sein de la fondation, donner du temps au Comité-conseil est très apprécié. Merci.

Justement, sur les changements climatiques, vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs groupes nous ont parlé d'un test climat. En première partie, j'aimerais avoir votre réaction à cette proposition, puis, en deuxième partie, sur le seuil d'assujettissement que vous proposez par rapport au niveau de GES de projets pour déclencher la procédure d'évaluation et d'examen des impacts, pouvez-vous aller plus loin dans le détail? J'essaie de comprendre avec des exemples concrets comment... Parce qu'encore une fois le défi de nos travaux, hein, puis le but du livre vert, c'est d'explorer les propositions. Il y a des orientations dans le livre vert, mais on est prêts à aller beaucoup plus loin que ça, puis les travaux de la commission nous permettent de faire ça, mais c'est aussi en vue d'un éventuel projet de loi.

Bon, première partie, test climat, votre réaction; mais, deuxième partie, sur votre seuil d'assujettissement, comment vous voyez ça s'appliquer concrètement, là, dans la procédure d'évaluation? Puis, si vous avez des exemples concrets, ça nous aiderait.

• (12 heures) •

M. Toussaint (Jean-Patrick) : Oui. Merci de vos questions, commentaires, M. Heurtel, M. le ministre. Donc, dans un premier temps, pour le test climat, évidemment, on en fait une de nos recommandations, la recommandation 6. C'est évident pour nous que, oui, effectivement, on voit d'un bon oeil ce test climat, ce test climat pour les plans et programmes d'adoption de plans visant à atteindre les objectifs, toujours, de réduction des émissions de GES du Québec.

Donc, c'est toujours ici l'idée de prendre dans son ensemble les impacts que peuvent avoir différents plans ou programmes, peu importent les ministères, sur la question des émissions de GES. On parlait, hors de ce lieu, de la question du transport, par exemple. Tout programme ou plan au niveau du transport va avoir incessamment des impacts sur la question des émissions de GES. Donc, c'est important que, justement, chaque ministère puisse passer ce test climat. Donc, pour nous, il est essentiel que, justement, tous les ministères soient assujettis à un test climat si on veut prendre une vue d'ensemble sur la question du climat.

Je ne sais pas si Karel aimerait rajouter quelque chose à ça.

M. Mayrand (Karel) : C'est effectivement une mesure qui est novatrice, donc on n'a pas encore 10 ans d'expérience dans des façons concrètes de mettre ça en oeuvre, et c'est sûr que, pour nous, on offre toute notre collaboration au gouvernement pour poursuivre cette réflexion-là. Parce que, par exemple, la question : À quel seuil est-ce qu'on devrait assujettir une activité à la PEEIE?, c'est une bonne question. Il faudrait regarder d'un plan scientifique un peu... et aussi au plan du nombre d'activités qui émettent... Il y a plusieurs critères à regarder. Je pense qu'il faudrait d'abord déterminer un certain nombre de critères avant de déterminer des seuils précis. Puis, dans notre réflexion, on n'a pas réussi à s'y rendre aussi loin que ça, dire : Ça devrait être à partir de 5 000 tonnes de GES par année ou 10 000 ou... Bon. Alors, il y a une réflexion à poursuivre là-dessus.

Pour ce qui est de l'application d'un test climat, ce qui nous semble évident, c'est qu'à partir du moment où une activité est proposée qui émet des émissions de gaz à effet de serre, surtout à partir de certains seuils où les émissions sont assez importantes, sachant que le Québec s'est donné une cible de réduction pratiquement à zéro de ses émissions, de 80 %, en 2050, ce qui est dans 35 ans, beaucoup des activités qui nous sont proposées aujourd'hui sont des activités qui vont toujours être en cours en 2050. Donc, si on ne veut pas se retrouver dans 15 ans avec un problème où on n'est plus capables de réduire nos émissions, il faut commencer à intégrer ces... je dirais, ce seuil climatique là dans la réflexion. Et la façon de le faire, c'est peut-être de demander... ce qu'on propose, nous, c'est de demander soit, bon, aux organismes et ministères gouvernementaux de faire une évaluation de leurs plans, programmes et, ensuite, d'adopter un plan de réduction ou aux promoteurs d'activités, donc aux promoteurs privés, de faire la même chose, c'est-à-dire de produire une projection de leurs émissions, et aussi de faire une amorce de réflexion, parce qu'on ne peut pas savoir nécessairement, en 2045, quelles seront les technologies présentes à ce moment-là, mais d'être capables de commencer à amorcer cette réflexion-là, de dire : Voici, nous allons commencer à réduire nos émissions de telle, telle, telle manière.

D'une manière ou d'une autre, les promoteurs, surtout les grands émetteurs, sont obligés de le faire parce qu'ils sont soumis au marché du carbone. De toute façon, c'est des coûts concrets pour ces entreprises-là, elles doivent, de toute façon, s'assujettir au plafond, qui est de plus en plus bas, d'émissions. Donc, dans le fond, ça rend cohérent, si on veut, notre processus d'autorisation avec notre marché du carbone.

M. Heurtel : Parfait. Maintenant, sur votre proposition de la participation citoyenne, dans la détermination du niveau de risque d'un projet, encore une fois, proposition intéressante, encore une fois, même type de question : Pouvez-vous approfondir, là, sur, concrètement, comment on ferait ça?

M. Mayrand (Karel) : Excellente question. J'ai eu l'occasion d'étudier beaucoup cette question-là lors de mes études universitaires, et souvent l'affrontement, le problème d'acceptabilité sociale qu'on a avec un projet, c'est qu'on a, d'une part, des promoteurs de projet qui viennent nous dire : Le projet en soi ne comporte aucun risque, la technologie, elle est éprouvée; et, d'autre part, des gens qui disent : Non, il y a des risques, c'est grave. Et là ça, on retrouve ça partout. Il y a des gens qui disent que les éoliennes donnent des crises d'épilepsie, hein? Il y a des gens, d'autre part, qui disent que, par exemple, l'énergie nucléaire est très, très, très sécuritaire, alors qu'on sait qu'il y a des fuites de tritium, et tout ça. Et donc, très rapidement, au moment où un projet est amorcé, c'est là où souvent ça déraille, où le dialogue se casse, se brise, c'est dans le moment où... des gens qui disent : Notre projet est un bon projet sans risque; il y a d'autres gens qui disent : Votre projet est un mauvais projet, il comporte trop de risques. Et donc, si dès le départ on n'implique pas le public dans la détermination du risque, ce qu'on se retrouve, c'est avec une espèce de bris de confiance puis, ensuite, ça ne se récupère plus.

Il y a des gens qui seraient beaucoup plus compétents que moi pour vous parler de comment établir le dialogue dès le début, il y a des gens qui sont spécialisés là-dedans, des consultants, il y a des méthodes éprouvées pour le faire. Je pense que ça nécessiterait plus de recherche là-dessus. Mais il y a plein d'exemples de projets qui ont bien fonctionné parce que le dialogue s'est amorcé dès le début sur la notion de risque et d'autres projets qui ont dérapé dès le début. Et c'est pour ça que nous, on dit : Faisons rapidement ce maillage-là pour que les gens... à tout le moins, on n'ait pas un affrontement sur le niveau de risque, parce qu'après ça tout le reste du processus devient problématique, conflictuel.

M. Heurtel : On est d'accord là-dessus. Je crois que le livre vert déjà propose des façons de faire en sorte que l'information soit plus accessible plus tôt dans le processus. On est tout à fait d'accord sur le fait qu'il faut améliorer la façon dont l'information est diffusée. Puis également, l'acceptabilité sociale, c'est clair que, bon, c'est une composante essentielle de toute évaluation de projet, mais également l'atteinte de l'acceptabilité sociale dépend de la transparence de l'information. Ça, on est tout à fait d'accord.

La proposition que vous faites de lier, justement, le niveau de risque à une détermination citoyenne, bon, on pourra certainement en discuter davantage puis essayer, justement, d'approfondir avec d'autres sources que vous pourriez nous fournir. Une question là-dessus qui nous a été soulevée, c'est : Bien, on pourrait se retrouver avec le même type de projet puis avec différents niveaux de risque, dépendant de la région. Alors, si, mettons, vous êtes d'accord avec cette prémisse-là, alors, justement, juste cet exemple-là, alors, il y aurait une région, même projet, vraiment même technologie, même type d'impact, même type de risque, objectivement parlant, là, mais, bon, il y a une région qui est confortable puis une autre qui ne l'est pas, comment, si on lie la détermination du risque à la participation citoyenne, comment on réconcilie cette apparente contradiction?

M. Mayrand (Karel) : Oui. C'est une autre très bonne question. Il y aurait matière à thèse de doctorat, là-dessus. Mais c'est évident qu'à partir du moment où un niveau de risque, un seuil de risque va être établi pour une activité on ne peut pas partir à un autre endroit puis établir un autre seuil de risque, parce qu'à ce moment-là ça devient ingérable. Alors, c'est souvent au moment où une nouvelle activité arrive sur le territoire du Québec que, dans le fond, on a...

M. Heurtel : Un oléoduc, par exemple.

M. Mayrand (Karel) : Oui. Oui, ça peut être un oléoduc, quoiqu'on en a déjà, hein, on en a déjà, des oléoducs.

M. Heurtel : Oui, mais, disons, un nouveau projet d'oléoduc.

M. Mayrand (Karel) : C'est souvent à ce moment-là où on a à déterminer la question du risque qu'est la question, parce que j'imagine qu'on va déterminer des seuils sur les projets existants, les activités existantes. Donc, à ce moment-là, il y a lieu, je pense, d'ouvrir à la transparence sur le processus décisionnel qui permet au gouvernement d'établir les seuils, mais ça ne veut pas dire qu'on va refaire l'exercice pour chaque projet dans chaque région.

Notre compréhension, c'est qu'au moment où un seuil est déterminé, s'il n'y a pas un changement important dans les connaissances par rapport à une activité, une technologie, un produit, etc., normalement, ce seuil-là demeure, devrait s'appliquer aux projets similaires qui se déroulent ailleurs sur le territoire du Québec. Mais c'est évident que, si, tout d'un coup, on apprend qu'une... par exemple, comme l'époque où on aspergeait les enfants de DDT parce que c'était bon, quand on apprend que le DDT est mauvais, là, à ce moment-là, il faut réviser nos seuils de risque, mais c'est évident, en fonction de la science. Donc, la notion de... au moment de déterminer les risques, d'utiliser la meilleure information scientifique disponible, mais aussi de permettre un input du public, puis, ensuite, je pense qu'il faut se garder juste à ce seuil-là pour l'ensemble des projets. Je ne pense pas qu'on doit les changer pour toutes les régions.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

• (12 h 10) •

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. C'est très intéressant. Vous avez beaucoup de beaux points. Mais moi, je voudrais vous apporter à deux niveaux où j'ai un peu de confusion dans ma façon de voir les choses. Puis la première, c'est quand on fait l'étude d'impact ou qu'on consulte la population en fonction de l'information disponible. Parce que, dans le début d'un projet, c'est peut-être bien beau pour sensibiliser la population, mais on n'a pas l'information de détail. Ça, c'est un point.

Le deuxième point, c'est la question de la réglementation et des technologies disponibles. Bien, je ne veux pas faire l'histoire, là, des procès des histoires du passé, mais, à titre d'exemple, il y a 3 000 produits chimiques sur la terre où on a l'information à peu près complète et 97 000 où on n'a à peu près rien, et, à chaque fois qu'une entreprise migre de produits réglementés, elle s'en va toujours dans une réglementation sur des produits non réglementés, ce qui fait que, dans 20 ou 30 ans, on va apprendre et comprendre et, après, on est rendus à un point où ça devient insupportable, puis on change et on procède à la prochaine étape, puis on recommence à zéro. Puis, ce cycle-là, dans l'essence, avec le tétraéthyle «lead», le MBK, etc., là, on les voit tous arriver, puis on pourrait en faire plusieurs chaînes comme ça. J'aimerais vous entendre sur ces deux éléments-là, parce qu'aujourd'hui, comme vous dites, on va mettre en place une loi, mais ça, ça devient un enjeu qui est très large, puis comment on interagit sur ces deux plans-là?

M. Toussaint (Jean-Patrick) : Oui. Bien, en fait, j'aurais commencé en parlant, tout simplement, du principe de précaution. On en fait allusion dans notre mémoire. Je pense que c'est... je vais prendre un exemple très concret, la question des néonicotinoïdes, qui est de plus en plus abordée au niveau de la question des écosystèmes, là, les espèces animales, particulièrement les abeilles, puis, donc, certaines équipes de chercheurs, par exemple, à l'Université de Sherbrooke, qui étudient le phénomène puis qui eux-mêmes disent : Écoutez, tant et aussi longtemps qu'on ne connaît pas tous les impacts d'un produit, bien on devrait appliquer le principe de précaution, c'est-à-dire que, quand on ne sait pas ce que pourraient être les impacts à long terme, simplement, on s'abstient de l'utiliser. Et donc ça revient aussi au point où M. Mayrand faisait allusion, c'est-à-dire d'intégrer la meilleure connaissance scientifique. C'est sûr que ça évolue de jour en jour, d'année après année, et donc c'est de faire le lien entre les deux, à mon humble avis.

Je ne sais pas si M. Mayrand aurait des choses à ajouter par rapport à ça, là.

M. Mayrand (Karel) : C'est évident que c'est tout un défi pour un gouvernement de prendre des décisions sur la base de produits, particulièrement des substances chimiques, sur lesquels on n'a pas toute l'expertise, pas toutes les connaissances. Et c'est problématique. La Fondation David-Suzuki fait des représentations, depuis des années, au gouvernement fédéral pour que le gouvernement fédéral accélère l'étude des produits chimiques qui sont déjà admis sur le marché canadien sans nécessairement avoir fait l'objet d'une évaluation complète et procède d'une autre manière, c'est-à-dire qu'on fasse les études avant d'introduire les produits, parce que, là, il y a quelque chose comme 3 000 produits qui sont en attente d'être revus par Santé Canada.

Donc, c'est problématique, c'est problématique d'autant plus pour les gens qui ont à prendre des décisions à tous les jours sur l'autorisation de projets. Là-dessus, malheureusement, c'est difficile d'apporter une réponse qui pourrait être satisfaisante, parce que, dans le monde dans lequel on autorise les projets, souvent on est forcé de prendre les décisions sans avoir toute l'information. Et vous dites... d'ailleurs, le premier volet de votre question était : Souvent, au début des projets, on n'a pas toute l'information sur les projets. Mais le gouvernement, s'il est rigoureux dans son approche, a une capacité énorme pour... je ne peux pas dire «forcer», mais encourager les promoteurs de projet à divulguer un maximum d'informations, parce que souvent ils en ont plus. Et, si peut-être ils n'ont pas suffisamment d'informations, c'est peut-être parce que leur projet n'est pas suffisamment bien ficelé encore pour venir le présenter. Je pense qu'il y a un seuil d'information minimal qu'on doit présenter, et c'est évident que le gouvernement aura toujours notre appui s'il dit à des promoteurs : Nous devons confier ou nous devons tester cette information-là sur la base de la meilleure science disponible et le faire de façon transparente. Et j'ai lu des choses à cet égard-là dans le livre vert que nous, évidemment, on va soutenir, parce qu'au bout du compte la science permet de dépolitiser, d'une certaine façon, tout processus.

Le Président (M. Reid) : ...maintenant au groupe de l'opposition officielle et à son nouveau porte-parole, le député de Terrebonne.

M. Traversy : J'aime beaucoup travailler avec vous, M. le Président, on sent qu'il y a toujours une présentation très significative et protocolaire, là. Je me sens presque intimidé à chaque instant.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Reid) : J'espère que non. Ce n'est pas le but, ce n'est pas le but.

M. Traversy : Vous avez un regard perçant.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Traversy : Alors, écoutez, j'aimerais tout d'abord féliciter M. Mayrand et M. Toussaint pour la présentation de leur mémoire, qui est très exhaustif, on parle, là, de plus d'une quinzaine de recommandations, 18, pour être exact. J'aimerais en profiter, parce que — puis sentez vous très à l'aise, M. Mayrand, M. Toussaint — parce que M. Brunel, qui est passé avant vous, est encore présent et vous observe à l'heure actuelle et M. Brunel nous avait fait part d'une de ses inquiétudes en disant : Écoutez, il y a un test de crédibilité, là, par rapport au gouvernement, dans le dossier actuel concernant le TransCanada PipeLines. Vous avez dans votre présentation signifié que vous étiez, vous aussi, d'accord, là, pour l'élargissement, là, de l'analyse, là, extraterritoriale.

Est-ce que vous en faites, vous aussi, une question de crédibilité pour l'actuel travail que nous faisons comme parlementaires? Est-ce que, vous aussi, c'est un élément angulaire, là, de la notoriété ou de la crédibilité que le gouvernement peut avoir par la suite si une décision est prise ou non dans le dossier?

M. Mayrand (Karel) : Notre position a toujours été que le Québec devrait considérer les émissions extraterritoriales d'un projet comme celui-là qui transporterait 1,1 million de barils de pétrole sur le territoire du Québec, ce qui ne signifie pas pour autant qu'on donne le pouvoir au Québec de réglementer les émissions de gaz à effet de serre de l'Alberta. La question là-dedans, c'est : C'est une préoccupation des citoyens.

La question climatique, elle est globale. On a souvent vu, par exemple, des industries québécoises, comme les alumineries, dire : Bien, écoutez, notre lingot d'aluminium qui est produit au Québec, comme il est fait avec une énergie qui est plus propre, il émet moins de gaz à effet de serre que s'il était produit en Chine. Donc, quand c'est le temps de se vanter, on est capables de le faire pour dire : Ici, on produit plus proprement. De la même manière, quand quelque chose passe sur notre territoire qui génère des émissions de gaz à effet de serre — on vit dans un seul système climatique mondial — on a le droit de les regarder et on ne peut pas non plus censurer les citoyens qui veulent le faire. Donc, pour nous, dans le cas particulier, là, de l'évaluation du projet Énergie Est, notre position, c'est : Laissons les citoyens s'exprimer sur cette question-là, sachant très bien que ce n'est pas le rôle du Québec de réglementer les émissions de gaz à effet de serre dans les sables bitumineux, mais au moins laissons les gens s'exprimer là-dessus. La crédibilité de la consultation, elle est là, elle est de ne pas restreindre la consultation.

M. Traversy : Donc, il y a une certaine volonté de transparence de votre part. Est-ce que, donc, je comprends bien que vous dites : Pour éclairer les citoyens et leur donner l'ensemble des enjeux, il faut regarder le portrait global, et c'est là-dessus que le Québec devrait se baser pour prendre une décision éclairée, et non juste, là, la partie québécoise? Donc, je comprends que vous êtes en accord en bonne partie avec ce que M. Brunel est venu nous mentionner quelques minutes auparavant. Excellent.

Bon, écoutez, alors, à ce moment-là, je vais aller sur un autre volet, parce que votre mémoire est assez exhaustif. Vous avez parlé dans votre présentation qu'un leadership ne peut pas être que symbolique. Vous avez pris le temps de le mentionner. Vous avez parlé de l'exercice des droits. J'aimerais que vous nous donniez des exemples concrets. Lorsque vous dites : Un leadership ne peut pas être symbolique, qu'est-ce que ça signifie, exemple, pour le BAPE, pour renforcer la consultation ou encore pour renforcer l'accès à l'information? Quand vous dites : Un leadership fort, qu'est-ce que ça veut dire, concrètement, pour vous?

M. Mayrand (Karel) : Merci. Bien, écoutez, ça nous donne l'occasion de revenir sur cette notion-là. Bien, je vous donne un exemple. Une activité, par exemple, vient s'installer dans ma localité ou devant chez moi, et j'essaie d'obtenir de l'information sur quelle est cette activité-là. Si, en partant, je ne peux pas obtenir de l'information, je ne peux pas exercer mon droit. Donc, la transparence de l'information : Quelles ont été les autorisations qui ont été émises? Est-ce que c'est facile pour moi de les obtenir? Et est-ce que toutes les conditions du certificat d'autorisation me sont connues? Est-ce que je peux le savoir? Est-ce que je peux savoir ce qui va être émis dans l'environnement? À quelles conditions? De quelle manière? Donc, cette information-là, elle est nécessaire, essentielle pour que je puisse exercer mon droit.

Ensuite, si je me rends compte que cette autorisation-là, elle a été faite sans considérer certaines informations scientifiques ou sans nécessairement consulter la population riveraine ou si je me rends compte que, pour moi, il y a matière à défendre, à aller contester cette autorisation-là, il faut que j'aie le droit à un recours. S'il n'y a pas de recours, je fais simplement subir... Bon, maintenant, ça, c'est dans un cas extrême qu'on a un recours. Entre l'information puis le recours, il y a toute la question de la consultation, et la consultation du public, bon, elle est importante pour toute la question de l'acceptabilité sociale, on en parle souvent. Ça ne veut pas dire nécessairement de donner des veto à tout le monde au Québec sur «pas dans ma cour, pas dans ma cour, pas dans ma cour», ça veut dire simplement de se donner un certain nombre de procédures rigoureuses qui permettent aux citoyens d'avoir le sentiment que, peu importe la situation, il va y avoir un certain seuil de consultation.

Et le BAPE, compte tenu de la crédibilité du BAPE, le BAPE est un bon véhicule. Ça ne veut pas dire qu'il faut aller toujours vers une évaluation environnementale complète du BAPE. Ça peut être des consultations en amont dans les EES, ça peut être d'autres formes de consultation. Mais, comme on a un organisme crédible, utilisons-le le mieux possible, confions-lui des mandats, mais pour faire en sorte que ça soit prévisible. On parle souvent de la prévisibilité pour les promoteurs; ça doit être prévisible pour les citoyens aussi. Les citoyens, souvent, nous appellent, à la fondation, vont nous dire : On ne sait pas qui appeler, à qui parler, tout ça. Ça devrait être très, très simple pour un citoyen de comprendre où est le point d'entrée pour eux.

• (12 h 20) •

M. Traversy : Donc, avoir du leadership, c'est aussi permettre l'accès à l'information puis avoir les moyens et les recours de part et d'autre de façon plus égale. J'entends ce que vous me dites. Et vous avez parlé beaucoup du BAPE, c'est ce qui m'amène à vous parler de votre dix-septième recommandation, je pense... non, attendez, qui est plutôt votre recommandation concernant la nomination des membres du BAPE.

Donc, vous dites à l'intérieur de votre mémoire que vous souhaitez que ça soit l'Assemblée nationale qui puisse déterminer les membres du Bureau d'audiences publiques en environnement. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi. Est-ce que ce serait simplement pour le poste de président, de vice-président, pour les membres permanents, non permanents? Bref, quand vous nous proposez une telle mesure, dites-nous ce qui vous motive.

M. Mayrand (Karel) : Oui. La motivation est assez simple, c'est pour donner encore plus de légitimité et d'indépendance au BAPE, parce que, pour nous, c'est un des joyaux de notre système d'autorisation environnementale au Québec. Et, de la même manière qu'on donne de l'indépendance au Vérificateur général ou au Commissaire au développement durable, bien, ça serait une bonne idée de penser donner aussi la même indépendance... et ça pourrait être l'ensemble des membres du BAPE, comme le président, le vice-président. Dans notre analyse, on ne s'est pas penchés jusqu'à ce niveau-là sur la faisabilité comme telle, mais, sachant que plus le BAPE a de l'indépendance, plus il peut se poser, comment je dirais, au-dessus des luttes qui peuvent avoir lieu, soit des luttes politiques soit des luttes économiques, ou autres, pour donner l'heure juste aux citoyens et au gouvernement.

M. Traversy : Et donc c'est que vous trouvez qu'actuellement le BAPE est peut-être un peu vulnérable ou, du moins, pas totalement imperméable à ce genre de situation. C'est ce que je comprends.

M. Mayrand (Karel) : Le BAPE a toujours été vulnérable, et il faut toujours défendre le BAPE.

M. Traversy : Donc, il faut encore améliorer toujours un peu plus, selon vous, la situation. Mais je vous remercie de votre franchise, j'en apprends en même temps que vous.

Et, dernière question, parce qu'il nous reste environ deux minutes et les...

Une voix : ...

M. Traversy : Combien?

Une voix : ...

M. Traversy : Une minute. Je fais rapidement — j'essaie de gagner du temps, toujours.

Au niveau de l'étude environnementale stratégique par rapport au climat, j'aimerais savoir est-ce que c'est, pour vous, le pendant, là, du test climat qu'on parle depuis ce matin, mais, pour les organismes du ministère, est-ce que c'est ce que ça représente, pour vous?

M. Mayrand (Karel) : Tout à fait. Par exemple, le transport, au Québec, représente 44 % des émissions du Québec. On aimerait voir le ministère des Transports faire sa propre évaluation environnementale stratégique de ses plans, programmes, parce que sinon, en tout respect, on ne peut pas demander au ministre de l'Environnement du Québec de le rendre imputable des réductions d'émissions que d'autres ministères ont de la difficulté à réaliser pour toutes sortes de raisons. Donc, c'est un engagement gouvernemental, les ministères et les organismes gouvernementaux devraient avoir à réaliser ce test climat eux aussi.

M. Traversy : Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Merci. Je passe maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Mayrand. Bonjour, M. Toussaint. Tout d'abord, d'entrée de jeu, j'ai remarqué que, dans votre présentation initiale, M. Toussaint, vous n'aviez pas eu la chance de la terminer. Est-ce qu'il y avait des propos que vous vouliez rajouter?

M. Toussaint (Jean-Patrick) : Non, essentiellement, je pense qu'on a déjà un peu fait le tour. Dans les questions, peut-être que vous en aurez plus sur le sujet. Je pourrai approfondir à ce moment-là.

M. Lemay : Parfait. Merci beaucoup. Je vais vous amener à la page 10 de votre mémoire, là, quand vous parlez, dans l'orientation 5, là, que... bien, on en a déjà discuté, là, mais je veux juste avoir une petite précision, au niveau de risque et de subjectivité, là, tu sais. Vous mentionnez qu'«il est possible que la détermination du niveau de risque devienne le talon d'Achille du nouveau processus», puis c'est ça que je veux vous amener, parce que, dans le fond, les gens vont vouloir déclarer qu'ils sont à risque faible pour pouvoir avoir un processus allégé. Peut-être nous parler... est-ce que vous, vous verriez bien la notion d'impact? Parce que plusieurs groupes nous ont parlé d'incorporer la notion d'impact.

Est-ce que peut-être un système hybride entre risque et impact pourrait être intéressant? Je ne sais pas si vous avez quelque chose à mentionner sur ce sujet.

M. Mayrand (Karel) : Vous avez des excellentes questions. C'est une des discussions qu'on a eues à l'interne et avec des collègues d'autres organisations. Oui, la question d'impact, qui est déjà présente, pourrait être une façon de rendre plus concrète... rendre les seuils plus concrets que la notion de risque, qui peut être plus subjective. L'un n'empêche pas l'autre. Je ne suis pas juriste moi-même, alors c'est difficile pour moi de dire comment on plaide le risque versus l'impact dans un système juridique.

Ceci dit, c'est évident que la question des seuils en soi, pour nous, ne fait pas problème. Je veux dire, qu'il y ait l'idée d'avoir des seuils plus... donc des seuils d'évaluation plus légers pour des... Par exemple, quand on fait un quai, hein, qu'on n'a pas besoin d'aller faire un BAPE au complet pour un quai, c'est tout à fait normal. Je veux dire, les risques pour l'environnement sont moins... Je parle d'un quai, là, je ne parle pas d'un port. Mais, après ça, comment on détermine les seuils, c'est là qu'on voit le risque, si on me passe l'expression, c'est la manière dont on va déterminer les seuils. Et, si on se rend compte que la question du risque, dans le fond, est une boîte de Pandore qu'on ouvre, peut-être qu'il y a moyen de circonscrire ça en revenant à la notion d'impact. Et là-dessus on ne s'est pas positionnés, mais, pour nous, ce qui est important, c'est que ça soit fait en toute transparence, en se basant sur la science, la meilleure science disponible, et avec la participation des citoyens.

M. Lemay : Parfait. Merci de m'amener sur le niveau des seuils d'émissions. Justement, c'est votre recommandation n° 3, la question au niveau des seuils comme... Admettons, si on regarde... on va prendre, par exemple, les émissions de gaz à effet de serre puis on a déjà la bourse du marché du carbone qui est instaurée. Selon vous, quand on parle de seuils, est-ce que ça pourrait être, par exemple, le seuil de 10 000 tonnes annuelles de gaz à effet de serre, là, tu sais? Parce que, dans le fond, entre 10 000 à 25 000, il faut déclarer nos activités. 25 000 et plus, on est assujetti à la bourse. Mais est-ce que vous voulez nous amener là quand vous parlez dans votre recommandation n° 3?

M. Mayrand (Karel) : Oui, dans le sens où il y a déjà la notion de seuil dans l'architecture de ce qu'on veut créer, de ce que le livre vert projette, et, on se dit, pour les gaz à effet de serre, on devrait aussi établir des seuils, puis il y a un seuil qui pourrait être 10 000 tonnes par année, par exemple, qui pourrait déclencher automatiquement la procédure d'évaluation, d'impact... la procédure, pardon, de PEEIE. Donc, ça pourrait être, par exemple, 10 000, sachant que déjà c'est des activités qui doivent déjà être divulguées, et ça permettrait de faire l'évaluation des impacts climatiques et puis ça permettrait aussi de faire des projets qui sont des meilleurs projets au terme de ça, parce que ce qu'on propose aussi, c'est que, dans l'autorisation, on demande aux promoteurs de projet de faire des plans d'action pour réduire leurs émissions de manière compatible avec la cible du Québec. Et donc, particulièrement pour ces projets-là qui ne sont pas assujettis au marché du carbone, dans la fourchette entre 10 000 et 25 000 tonnes, ça pourrait être intéressant de les amener dans cette direction-là.

M. Lemay : Parfait. Tout à l'heure, vous avez mentionné : C'est sûr que, si on fait une loi aujourd'hui puis on a des objectifs jusqu'en 2050, c'est difficile de voir c'est quoi, le caractère innovant qui va arriver comme en 2040 ou 2045. Bon, peut-être, j'aimerais vous amener sur le niveau de la flexibilité qu'on devrait avoir face aux innovations, face aux innovations qui contribuent de façon positive à l'environnement — je ne sais pas si vous auriez un propos là-dessus — qu'on pourrait prévoir tout de suite, tu sais, qui ferait qu'en 2040, 2045 la loi qu'on est en train de réviser serait encore d'actualité, là.

M. Mayrand (Karel) : Vous voulez dire, pour faciliter l'implantation de nouvelles technologies.

M. Lemay : Oui. Voilà.

M. Mayrand (Karel) : C'est une excellente question. Je pense qu'on est forcés d'avoir la même rigueur pour tous les projets, hein, parce que je pourrais arriver demain matin avec un nouveau produit chimique que j'asperge dans l'atmosphère puis soi-disant qui réduit les émissions de gaz à effet de serre mais qui pourrait avoir des impacts autres sur l'environnement. C'est difficile de faire une procédure allégée, sauf en situation d'urgence, puis c'est déjà prévu, pour des technologies propres. Je pense que les technologies propres doivent être soumises aux mêmes procédures. Je n'ai pas creusé cette question-là dans le cadre du mémoire.

M. Lemay : Bien, écoutez, merci beaucoup. Merci beaucoup pour vos réponses. Merci.

Le Président (M. Reid) : Alors, M. Mayrand, M. Toussaint, merci pour votre contribution à nos travaux.

La séance suspend ses travaux... la commission, pardon, suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le livre vert intitulé Moderniser le régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Cet après-midi, nous recevons le consortium Ouranos, le Regroupement des organismes de bassins versants du Québec, l'Association minière du Québec et le Réseau de milieux naturels protégés. Alors, je souhaite la bienvenue à nos premiers invités, le consortium Ouranos. Vous connaissez un peu la routine, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais de commencer par vous présenter pour les fins d'enregistrement, et vous avez la parole.

Ouranos inc.

M. Bourque (Alain) : Alors, bonjour à tous. Mon nom est Alain Bourque, je suis directeur général du consortium Ouranos. Alors, Ouranos est tout à fait heureux de présenter ce mémoire à la suite du dépôt du livre vert sur la modernisation d'une loi qui est, selon nous, très structurante pour la prise en compte des changements climatiques et aussi pour le fonctionnement de la société et l'intégration de cette problématique des changements climatiques, pour ne pas dire de la réalité des changements climatiques.

Afin de bien camper mon intervention, je vais d'abord signaler une chose : globalement, le Québec, et bien d'autres régions du monde, on n'est pas vraiment prêts à faire face aux impacts des changements climatiques. Le Nord se transforme rapidement, le pergélisol se dégrade. On se questionne toujours un peu sur la transformation de notre environnement naturel et les impacts que ça va avoir sur le développement socioéconomique au Québec et ailleurs. Nos infrastructures ne sont pas prêtes à faire face à davantage d'événements de précipitations abondantes intenses. Même les Américains n'étaient pas vraiment prêts à faire face à l'ouragan Sandy, même s'ils avaient vécu l'ouragan Katrina à peine quelques années auparavant. La Russie n'était pas prête à faire face à une canicule en 2010 qui ressemblait tout à fait à la canicule européenne de 2003, où il y a eu un excès de mortalité d'à peu près 50 000 personnes. Les villages côtiers du Québec s'érodent, et s'inondent, et ne sont pas vraiment prêts à faire face à l'amplification de ce phénomène-là. En fait, pas plus tard que ce matin, je voyais qu'au Japon des inondations majeures... 200 000 personnes qui sont évacuées, une partie de l'eau contaminée de la centrale nucléaire qui a été endommagée suite au tsunami qui vient de s'écouler dans l'océan. On n'est pas prêts à faire face à ce type d'événement là.

Les usagers de l'eau ne sont aussi pas vraiment prêts à faire face à l'aggravation des enjeux de quantité et de qualité de l'eau. C'est sûr, il y a l'exemple de la Californie, présentement, qui est un exemple frappant des enjeux d'approvisionnement en eau, de qualité de l'eau, mais, même au Québec, aussi on a de plus en plus des enjeux en lien avec la qualité de l'eau. Non seulement on n'est pas prêts, mais souvent on ne réalise même pas que notre environnement naturel est en train de lentement se transformer. La faune, la flore nous amènent des espèces exotiques envahissantes nouvelles, la maladie de Lyme, qui se propage, etc. Et donc, en fait, le développement socioéconomique considère essentiellement encore que le climat est stationnaire, que l'expérience historique est garante de ce qu'on devrait faire pour le futur.

C'est dans ce contexte-là que le gouvernement du Québec, un peu suite au Saguenay, au verglas, au El Niño de 1998, aux enjeux d'eau d'Hydro-Québec, avait créé Ouranos pour comprendre les enjeux, développer les connaissances puis aviser les décideurs à considérer les risques et les opportunités. Et puis j'ai quelques pochettes, là, pour décrire le genre de projets qui sont en cours de réalisation ou qui ont été complétés, entre autres des projets en lien avec l'analyse économique des options d'adaptation pour les communautés côtières — on travaille beaucoup avec la ville de Percé, de Maria, etc.; fluctuation des niveaux d'eau du Saint-Laurent dans un contexte de changements climatiques, avec l'Université de Montréal, le port de Montréal, etc. Et donc on crée de plus en plus d'informations pour pouvoir être prêts, finalement, à pouvoir gérer ces risques climatiques là, qui sont croissants.

Donc, je viens de rapidement présenter Ouranos : à la fois un centre de R&D appliqué pour développer des connaissances, de l'information, des données pour mieux comprendre les risques climatiques dans un contexte de changements climatiques et aussi un pôle de concertation pour essayer de regrouper les universités du Québec, les décideurs, les gestionnaires, les praticiens à essayer de transformer ces connaissances-là des changements climatiques, qu'on voit souvent comme assez théoriques, et à traduire ça concrètement dans de la prise de décision pour tous les jours. Puis je le dis parce que ça va être un point important dans la suite de l'intervention.

Alors, en gros, nos travaux pointent soit directement ou indirectement vers la pertinence d'ajuster nos lois, notre réglementation afin de permettre au Québec de se préparer à faire face aux impacts des changements climatiques, qui, en passant, même si on réussit à réduire nos émissions de gaz à effet de serre... il y a une partie du changement climatique qui est, à quelque part, incontournable, il est déjà bien amorcé. D'ailleurs, on va parler, à Paris, là, en décembre prochain, d'essayer de maintenir, contenir le changement climatique à moins de 2 °C. Je vous rappelle que contenir le changement climatique à moins de 2 °C sur l'échelle de la planète, ça, ça veut dire 3 °C ou 4 °C sur le sud du Québec puis ça veut dire 4 °C à 6 °C sur le nord du Québec. Donc, ça veut dire que, pour nous... pour la planète, 2°, ça veut dire, pour le Québec, 3 °C, 4 °C ou 6 °C. Donc, c'est des changements qui sont quand même assez importants, qui justifient à la fois — et c'est une des recommandations que l'on fait dans le document — de bien intégrer, le plus possible, le plus en amont possible, le défi de la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour éviter des changements climatiques qui vont avoir une ampleur trop importante, mais aussi de considérer l'impact de la partie résiduelle des changements climatiques sur les projets, sur l'environnement, sur la qualité de l'environnement.

L'autre point aussi qui est important, c'est que les travaux d'Ouranos et de beaucoup d'acteurs sur le terrain permettent de plus en plus de faire croître la connaissance des risques, les données qui sont disponibles, les moyens, les outils concrets qui sont disponibles pour pouvoir intégrer, donc, de façon pratique, parce qu'à quelque part c'est là aussi que va être le défi, comment, de façon pratique, réussir à intégrer les composantes de changements climatiques dans une meilleure loi, dans une loi modernisée sur la qualité de l'environnement. Et je pense que, de plus en plus — et je pense qu'on va même en entendre aujourd'hui — de plus en plus, les organismes de bassin versant, des municipalités, des promoteurs privés qui s'intéressent autant au Plan Nord, à la Stratégie maritime ou à d'autres projets dans le sud du Québec peuvent de plus en plus intégrer la question des changements climatiques. Et la question, c'est vraiment : Comment réussir à généraliser ça et à s'assurer qu'on ne met pas notre environnement naturel et même la société québécoise à risque à cause de ces changements climatiques là?

Les événements que j'ai parlé, d'ailleurs, avant, là, autour des États-Unis, Sandy, Katrina, en Europe, etc., ont déjà fait bouger, ailleurs dans le monde, plein d'acteurs pour tenter de moderniser leur réglementation. Même, il y a des firmes de génie-conseil comme AECOM qui développent des départements juste uniquement en lien avec l'adaptation aux changements climatiques et qui rajoutent cette composante-là dans l'offre de services. Il y a des organisations, là, de financement comme la Banque mondiale qui, de plus en plus, financent des projets et obligent de rajouter la composante d'amplification des risques des changements climatiques.

• (14 h 10) •

Et donc, en grandes lignes, c'est peut-être un des messages principaux à dire, c'est l'importance d'intégrer, oui, la réduction des émissions de gaz à effet de serre mais aussi, oui, l'augmentation des risques climatiques en lien avec ces changements, qui se concrétisent de plus en plus.

Et donc, dans notre mémoire, de façon un petit peu plus... enfin, si je fais un survol rapide de nos recommandations, bien, premièrement, on s'attarde surtout à la question de l'adaptation aux risques climatiques, donc, particulièrement sur l'orientation n° 1 en lien avec l'importance d'inclure la question des changements climatiques; l'orientation n° 2, sur la modulation du risque, où d'ailleurs on peut commencer à se poser la question : Qu'est-ce que le risque? S'il évolue dans le temps, comment on va faire pour quantifier un risque qui évolue dans le temps? Parce que le changement climatique fait en sorte que le climat du futur va être différent de celui de la base de référence. Et on a aussi commenté sur l'orientation n° 2, en lien avec le développement durable, notamment pour dire qu'à bien des égards l'adaptation aux changements climatiques fait la promotion de l'approche développement durable, c'est-à-dire une approche qui inclut toutes les parties prenantes, qui est très ouverte et qui permet d'avoir une vision globale des enjeux sur un bassin versant, ou sur d'autres unités territoriales, ou sur des secteurs avant de faire des choix et avant de faire des analyses, une accumulation de petites analyses projet après projet sans avoir la vision complète des enjeux. Et c'est pour ça qu'en ce sens, là, dans notre document, on est plutôt très favorables à l'idée des évaluations environnementales stratégiques comme étant un travail à faire en amont pour pouvoir intégrer la question des changements climatiques.

Alors, très rapidement, et là vous me direz si jamais je dépasse dans le temps... Une minute? O.K. Donc, en fait, très rapidement, on a une série de recommandations comme quoi qu'il faudrait, dans le processus d'autorisation environnementale, avoir des critères d'évaluation pour les projets, d'une part, pour considérer l'impact des changements climatiques sur le projet, mais aussi, par exemple, est-ce qu'un projet a réellement une durée de vie de 75 ans; si les extrêmes de précipitations vont augmenter, est-ce que ce n'est pas peut-être davantage 50 ans, et donc à considérer de mieux gérer le risque?, et, d'autre part, l'effet des changements climatiques sur le milieu récepteur, qui peut se conjuguer avec l'impact du projet en lui-même sur le milieu récepteur. Par exemple, si un projet réduit des débits d'eau dans une rivière puis qu'en plus avec les changements climatiques on s'attend à une réduction des débits un peu comme on voit présentement en Californie, bien, en bout de ligne, c'est souvent le poisson qui se ramasse à ne plus avoir l'eau qu'il aurait dû avoir pour se maintenir.

Aussi, on insiste beaucoup sur la notion... et ça, on l'a vu notamment en France, par exemple, dans la réglementation, il faut s'assurer que les concepts qui sont décrits ne soient pas trop flous, puisque sinon ça fait en sorte que les utilisateurs de cette réglementation-là et les évaluateurs de projet ont des définitions trop floues et finalement, en bout de ligne, on ne réussit pas à atteindre notre objectif.

Et là, compte tenu que j'ai dépassé le temps, simplement peut-être pour vous dire qu'il y a plus de détails dans le document complet et qu'Ouranos, en quelque part, c'est sa mission que de développer les connaissances, l'information, les données, etc., et donc on pense qu'on peut faire partie de la solution pour faire avancer ça, mais, en quelque part, il faut aussi que l'encadrement légal soit là pour favoriser une généralisation de ces informations-là. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. On aura sans doute l'occasion d'approfondir pendant la période d'échange... Alors, je commence par donner la parole au ministre pour le côté gouvernemental.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bourque, merci pour cette présentation ainsi que votre mémoire, puis je vais en profiter également pour vous remercier, vous et votre équipe, pour le travail exceptionnel que vous faites depuis déjà plusieurs années et que vous continuez à faire. Il est essentiel, pour que le Québec puisse faire efficacement la lutte contre les changements climatiques, d'avoir une information scientifique de qualité, et vous contribuez énormément à la fournir. Alors, je tiens à le souligner et à vous en remercier, et vous et toute l'équipe.

Quand vous parlez d'encadrement légal — justement, on en a parlé beaucoup — mais, de votre côté, est-ce que vous avez des suggestions, des exemples concrets à nous proposer pour mieux intégrer la lutte contre les changements climatiques dans les processus d'évaluation?

M. Bourque (Alain) : Oui. Bien, en fait, au travers du document, on mentionne, dans différents dossiers, des initiatives qui se sont produites à l'extérieur, l'association internationale d'évaluation environnementale, la communauté européenne, et même ici, en Nouvelle-Écosse, au Canada, en Nouvelle-Écosse, il y a déjà des réglementations qui pointent vers du progrès à intégrer la question des risques climatiques. En France, par exemple, les localités ou les régions sont obligées de faire des évaluations de vulnérabilité à l'échelle d'une unité territoriale. Alors là, ici, c'est un bel exemple où le flou dans les termes a quand même fait en sorte que la qualité se ramasse à être très variable d'une région à une autre.

Suite à l'ouragan Sandy, la côte Est américaine a vraiment revu de fond en comble la façon d'autoriser des projets en lien avec les zones côtières. Il y a même la ville de Boston qui n'a pas du tout été touchée par Sandy mais qui a appris la leçon subie par les autres pour pouvoir maintenant intégrer, dans leur approbation de projets à l'intérieur de la ville... d'intégrer des directives très claires pour les promoteurs mais aussi pour eux lorsque viendra le temps d'évaluer la qualité des projets.

M. Heurtel : Alors, lorsqu'on parle d'évaluer la qualité des projets par rapport aux risques climatiques, on regarde... on veut être capables d'intégrer le plus possible l'information scientifique disponible. Or, j'aimerais vous entendre, donc, dans cet encadrement-là législatif, l'intégration, le plus tôt possible dans les processus d'évaluation, de la prise en considération de l'impact en matière de changements climatiques, mais, en même temps, quel est le rôle de la science, de l'information scientifique disponible dans cette étape-là, là, de l'évaluation, où, justement, on intègre la lutte contre les changements climatiques?

M. Bourque (Alain) : Bien, naturellement, vous ne serez probablement pas surpris de m'entendre dire que, selon moi, la science est extrêmement importante.

M. Heurtel : Mais c'est plus le comment que je cherche, évidemment, le comment.

M. Bourque (Alain) : Oui. C'est ça. Alors là, peut-être que je peux en profiter pour souligner un des défis que l'on a, notamment au Québec, c'est que, comme je disais tout à l'heure, à travers le monde, il y a plusieurs régions du monde où le secteur privé, les firmes de consultants, les firmes de génie-conseil se sont emparées de ce créneau-là et commencent à réussir cette traduction de l'information scientifique, qui est généralement disponible pour tous, pour tous. Il s'agit d'y investir l'effort pour pouvoir comprendre cette information-là et la «packager», l'analyser pour pouvoir l'intégrer dans des projets beaucoup plus privés. Et, malheureusement, au Québec, ça arrive beaucoup moins, là. On est même... même, pour la petite histoire, on a un projet sur les zones côtières où on a convoqué différentes firmes de consultation pour analyser différentes options d'adaptation face aux risques côtiers, et les firmes québécoises revenaient toujours avec le ciment, le béton toujours plus gros, toujours plus gros. Il a fallu faire venir des firmes de l'Ontario pour qu'elles nous proposent des méthodes beaucoup plus soft, d'ailleurs environnementalement beaucoup plus sympathiques, donc des recharges de sable, des trucs du genre, parce que ça ne semblait pas provenir des joueurs ici, là.

Donc, je pense qu'il y a aussi un travail de fond à faire pour s'assurer que les différents acteurs qui doivent contribuer à la diminution des risques embarquent, là, et intègrent cette information scientifique là dans leurs méthodes.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bourque. Ça me fait plaisir de vous avoir ici aujourd'hui. En parlant du changement ou comment on va intégrer... j'ai une question relativement large à ce chapitre-là, parce que vous en avez parlé dans le début de votre exposé, où on parle de gestion statique, et, en fait, l'évolution est en train de nous enseigner qu'on va devoir passer à une gestion dynamique, ce qui va impliquer un changement de culture, un changement de paradigme et, dans bien des cas, des changements de gens ou des changements de formation. Puis j'aimerais bien vous entendre là-dessus — parce que, premièrement, c'est votre champ d'information : Mais quels sont les critères ou les éléments qu'on devrait s'assurer d'avoir en main pour faire ce changement de gestion : statique à dynamique? Et est-ce que ça va régler le problème de la modulation du risque, jusqu'à un certain niveau, là?

• (14 h 20) •

M. Bourque (Alain) : Oui. C'est effectivement une question assez large, puis on peut avoir de longues discussions là-dessus, mais je pense que les recommandations que l'on fait vont toutes dans le sens de s'assurer d'impliquer l'ensemble des parties prenantes, d'avoir une approche plus stratégique et large dès le début pour comprendre les liens entre les enjeux.

Souvent, les problèmes ne sont pas que des problèmes d'ingénierie, il y a de l'aménagement du territoire, il y a même des perceptions, des populations, etc. Donc, impliquer les parties prenantes, faire des évaluations environnementales stratégiques, avoir des firmes de consultants qui sont de plus en plus multidisciplinaires, qui incluent des gens de différentes disciplines, c'est de plus en plus la façon de non plus tenter de prévoir très, très précisément ce qui va se produire, mais plutôt de mieux gérer les risques, qui sont multiples.

Alors, il y a, de plus en plus dans le langage, de l'«adaptation aux changements climatiques». Même nous, parfois, on tente de laisser le terme «adaptation aux changements climatiques» pour plutôt «une gestion des risques naturels». Et puis réalisez que, par exemple... d'ailleurs, il y a une loi, au Québec, suite au déluge du Saguenay, qui avait été changée, la Loi sur la sécurité des barrages, et donc ça, c'est une loi qui, à tous les 10 ans, se permet la possibilité d'«updater» certains chiffres, certaines directives, etc., et donc ça, c'est une... j'appellerais ça une législation plus flexible qui permet, au fur et à mesure, notamment d'intégrer les nouvelles connaissances scientifiques pour s'assurer que notre réglementation, elle est dynamique. Donc, on pourrait peut-être imaginer, en fonction des critères d'évaluation d'un projet en lien avec le rehaussement du niveau de la mer, les températures, des extrêmes quelconques, etc., que ça pourrait fonctionner un peu de la façon de la Loi sur la sécurité des barrages.

M. Bolduc : Merci. Donc, l'équipe multidisciplinaire vous ouvre les horizons, là, finalement, en fonction des paramètres puis va nous permettre de mieux prévoir. En tout cas, je pense que c'est un bon point de vue.

J'aimerais aussi vous entendre sur un autre sujet que vous avez soulevé initialement, c'est la question des espèces envahissantes. La problématique, elle est très large, elle croît très, très rapidement. Je vous donne l'exemple du roseau commun puis sa propagation à travers notre réseau routier, là. En fait, ils ont pris le chemin, c'est le cas de le dire. Mais c'est en train de devenir un problème très, très sérieux, puis il y a beaucoup d'autres espèces qui sont derrière qui, elles aussi, se propagent très rapidement. Est-ce que vous avez regardé ça et est-ce que vous avez des idées sur des solutions potentielles? Parce que, là, on regarde la carpe asiatique, les nouveaux mollusques dans les Grands Lacs. On a en toute une série, là, qui sont extrêmement dangereux pour nos écosystèmes. Puis est-ce que vous avez regardé ça puis qu'est-ce qu'on pourrait faire avec ça?

M. Bourque (Alain) : Oui. Alors, Ouranos a publié pour commentaires en décembre dernier, lors de notre symposium, mais va publier de façon formelle après la période de commentaires, dans les prochaines semaines, une synthèse des connaissances sur l'impact des changements climatiques pour le Québec. Alors, il y a une version de deux pages, une version 12 pages puis une version 260 pages qui incluent, naturellement, le maximum de résultats de toutes ces diversités des enjeux là. Vous allez comprendre que la clientèle cible pour chacun de ces documents-là est différente, hein? Les praticiens, on vise pour le 250 pages, puis, encore là, ils vont feuilleter puis aller voir... Donc, notamment, il y a de la littérature scientifique sur l'aggravation de la problématique du roseau commun en lien avec les changements climatiques. Alors, c'est une problématique qui serait déjà là même sans changements climatiques, mais, avec les changements climatiques, ça s'accélère puis ça se produit encore plus.

Et là je dois reconnaître que c'est pour ça que j'aime bien travailler à Ouranos avec un réseau très élargi d'universitaires, parce que, là, je ne peux pas commenter sur ces différents problèmes-là, et donc il faut parler à M. Lavoie, par exemple, chercheur sur le roseau commun, qui lui, effectivement, a déjà publié là-dessus et a déjà plusieurs idées. Et enfin Ouranos, hein, ça, c'est un de nos rôles aussi, c'est d'essayer de faire sortir de la recherche une approche un petit peu plus solution que toujours documenter le problème. Alors, ça, ça a été une de nos tendances lourdes au cours de nos 14 dernières années. Au début, on était très comprendre les problèmes, et là, de plus en plus, on est vers développer des outils de solution. Alors, je ne peux pas répondre spécifiquement à cette question-là, là.

M. Bolduc : Promotion gratuite : Quand est-ce que vos documents de deux, 12 et 250 pages vont être disponibles?

M. Bourque (Alain) : En fait, il y a déjà une version commentaires qui est disponible sur le site Web et il va y avoir une version finale... on parle vraiment, là, d'ici... je vais dire, d'ici un mois, pour être «safe».

M. Bolduc : O.K. Merci. Un autre enjeu que vous avez soulevé, c'est celui de la réduction des débits dans nos rivières. Mais, pour moi, ça, c'est une problématique, mais elle est combinée avec une autre qui empire le problème, celle des débits extrêmes. Donc, on a des périodes d'étiage ou de très petits débits durant la période estivale, mais on a aussi de plus en plus de violences ou de gros débits qui créent de l'érosion, toutes sortes d'autres problèmes, en fait, des inondations comme vous avez mentionné précédemment.

Est-ce que vous avez regardé ce concept où on pourrait peut-être élaborer des moyens qui vont nous remettre un peu d'équilibre? Puis je peux vous donner des exemples. Par exemple, le drainage dans nos forêts, là, plus on en draine, bien, plus l'eau descend rapidement. Est-ce que vous avez regardé ce concept-là puis de voir comment on pourrait réduire nos extrêmes et plus niveler les débits d'eau?

M. Bourque (Alain) : Oui. Enfin, on a souvent pris des bassins versants témoins, historiquement, pour tenter de justement développer certaines pistes d'adaptation ou solutions d'adaptation pour tenter de minimiser les risques liés aux deux extrêmes, parce que finalement c'est ça qui se produit. D'ailleurs, cet été, ça n'a pas été tellement différent, hein? Je remarquais récemment dans les données que, dans la région de Montréal, il y a eu peut-être 300 millimètres de pluie, mais 80 % de la pluie est tombée sur quatre jours. Donc, c'est exactement en ligne avec ce que vous dites, là.

Donc, l'approche... puis je ne sais pas si M. Raîche va peut-être même en glisser un mot, là, mais l'approche, c'est beaucoup de tenter, pour nous, de développer des méthodes sur des bassins versants témoins qui pourront ensuite inspirer les autres bassins versants, parce qu'il reste inévitablement que chaque bassin versant a ses propres réalités.

Le Président (M. Reid) : ...de Dubuc.

M. Simard (Dubuc) : M. le Président, merci. M. Bourque, moi, je ne suis pas un scientifique, donc je vais vous poser des questions d'un néophyte, là. Moi, je viens du Saguenay, et puis ce que j'ai pu... Là, vous nous parlez bien sûr des changements climatiques par rapport au déluge du Saguenay. Moi, ce que je sais, le déluge du Saguenay a été causé par l'intervention humaine, c'est-à-dire des barrages qui ont cédé, etc., et puis je sais pertinemment aussi qu'en 1946 il y a eu le même problème, mes amis, puis pourtant on ne parlait pas de changements climatiques dans ce temps-là. Les rivières ont gonflé, puis c'était une partie du village qui partait, puis c'était comme ça, là. Et puis là je trouve que les changements climatiques, en tout cas — parce que vous avez soulevé ça, c'est pour ça que je vous dis ça — ils ont le dos large. Je trouve qu'ils ont le dos large, on leur met toutes sortes de choses, mes amis, puis ça fait parce qu'on n'est pas des scientifiques, personne. Le commun des mortels, il n'est pas scientifique, puis tout le monde est... c'est sûr, on veut tous rester en vie, là, tu sais, on se comprend bien, là.

Mais la grande question, c'est... Je regarde ce qui s'est passé. Vous avez parlé tantôt des ouragans. Je regarde ce qui s'est passé en Louisiane. C'est les digues qui ont lâché. Et, quand ils ont construit ces digues-là, c'était pour construire le plus proche possible de la mer, sauf que, là, un ouragan plus dramatique que les autres qui a démoli les... puis c'est sûr qu'il y a eu une inondation incroyable, il y a eu des pertes de vie, etc. C'est encore une intervention humaine qui a fait ça. Mais, des grands ouragans — vous êtes un scientifique — vous êtes en mesure de dire : Écoutez, il y en a eu aussi dans les années 30, 40, 50 qui étaient aussi gros que ceux-là et ça n'a pas causé autant de problèmes parce qu'il n'y avait pas d'intervention humaine beaucoup sur les berges. Mais, aujourd'hui, c'est vrai qu'il y a plus d'industrialisation, il y a plus de monde sur la terre, etc., ça cause des problèmes. Mais, moi, mon inquiétude à moi, c'est qu'on pose des gestes... Je pense que la terre, c'est une... c'est très vivant, la terre, et puis on sait pertinemment qu'elle a changé au fur et à mesure des siècles. Quand on écoute les émissions scientifiques, on nous dit ça, en tout cas, de toute façon.

Et puis ne trouvez-vous pas qu'aujourd'hui... tous les moyens qu'on va mettre en place pour s'assurer qu'on vient freiner ces changements climatiques là — excusez l'expression, ma grand-mère disait ça — on se court après la queue?

M. Bourque (Alain) : Non. Mais, enfin, vous avez raison sur certains points, là, c'est-à-dire que, s'il n'y avait personne qui vivait dans les régions à risque, il n'y aurait pas de problème, les tempêtes frapperaient, ça ne causerait pas de dommage, et puis on n'en parlerait pas, effectivement. Et puis c'est vrai qu'il y a cette densification de la population, les gens qui vont s'installer dans des zones à risque, etc. Ça, on appelle ça vraiment la vulnérabilité, puis personnellement, comme scientifique, je trouve souvent que l'humain a l'art, parfois, d'aller se mettre aux endroits où il ne faut pas aller se mettre, là.

M. Simard (Dubuc) : Le long des rivières.

M. Bourque (Alain) : Et donc ça, ça souligne l'aspect vulnérabilité et l'importance d'avoir des instruments légaux qui permettent de faire en sorte que les gens ne vont pas aggraver des situations. Du côté du changement climatique, effectivement, dans les années... ou, dans le monde scientifique, dans les années 80, on commençait à se poser la question sur les changements climatiques et là on a décidé, notamment aux Nations unies puis à l'organisation mondiale météorologique, de créer le GIEC, le groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, pour tenter de faire l'analyse du changement climatique.

En gros, le GIEC, créé en 1988, premier rapport : On ne le sait pas vraiment. Théoriquement, ça se peut, mais ce n'est pas trop clair. 1995 : Ah! oui, il y a des données qui semblent montrer qu'il y a du changement climatique pour la température, pour l'instant, à l'échelle planétaire. Et on a continué comme ça. On est maintenant rendus au cinquième rapport du GIEC, et, en fait, pour être franc, là, à titre de scientifique, là, entre le quatrième rapport du GIEC et le cinquième rapport du GIEC, les conclusions n'ont pas vraiment changé, là; j'ai même certaines caricatures dans mon bureau, là, qui disent que c'est un «broken record», hein, c'est...

• (14 h 30) •

Le Président (M. Reid) : Merci.

M. Bourque (Alain) : On redit un peu la même chose.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant à l'opposition officielle avec M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais essayer de faire du pouce sur le départ, là, de mon collègue de Dubuc puis rester dans des discussions un peu larges pour débuter.

Dites-moi donc, M. Bourque... tout d'abord, merci beaucoup de votre mémoire. Vous avez commencé votre présentation avec un portrait assez sévère ou dramatique de la situation des changements climatiques partout à travers le monde — vous avez donné des exemples en Russie, en Californie, aux États-Unis, au Japon — et sur votre désarroi face au fait que vous trouvez que les gouvernements ne sont pas nécessairement prêts à faire face aux changements climatiques, même si certains événements auraient dû leur donner déjà, là, des motivations d'entreprendre une certaine prévoyance ou, en tout cas, certaines mesures de prévention pour la suite.

Moi, j'aimerais vous entendre sur le Québec. Si, sur une échelle de un à 10, là, 10 étant très, très, très préparés, et zéro étant une insouciance totale, là, à quel niveau vous nous situeriez actuellement, là, comme préparation face à ces changements?

M. Bourque (Alain) : Alors, ça dépend si c'est une échelle comparative par rapport aux meilleurs versus les moins bons ou si c'est par rapport à l'opinion d'un scientifique sur comment être prêt pour faire face aux changements climatiques. Si c'est le dernier, je veux dire, selon moi, il n'y a pas personne qui passe, parce que... Puis effectivement c'est vrai que ça sonne dramatique, puis je n'aime pas ça non plus, parce que les gens disent : Bon, il y a un catastrophiste qui parle encore de changements climatiques comme si c'était un drame.

C'est vrai que les changements climatiques ne vont pas nous faire disparaître de la terre d'ici quelques semaines, mais c'est quand même, à l'échelle de deux, trois décennies, là, de développement d'une génération, d'une société, là... ça va être des enjeux majeurs, là, ça va être significatif. Ce n'est pas pour rien que la Hollande... vous allez me dire, naturellement, que la Hollande est particulièrement vulnérable au rehaussement du niveau de la mer, mais ils investissent à peu près 2 % de leur produit intérieur brut juste pour consolider les digues qu'ils ont le long de leur pays. Alors, eux, ils ont compris que c'était ça, l'envergure de l'enjeu. Puis il n'y a pas vraiment de pays ou de région du monde qui s'attaque à ce problème-là, à part pour le front émissions des gaz à effet de serre, là. Je pense que, là, peut-être que c'est à la veille de Paris aussi puis que peut-être après ça va retomber. J'espère que non, naturellement, là. Mais on voit qu'il y a une mouvance vers l'action au niveau de la réduction des émissions de gaz à effet de serre notamment pour éviter les pires changements climatiques, les conséquences les plus importantes, mais, au niveau de l'adaptation puis de la gestion des risques, à date, les plus grands gains ont été faits sur la base d'études de cas précises et suite à des événements majeurs comme Katrina et Sandy, qui ont vraiment littéralement réveillé la côte Est américaine à mieux gérer les risques.

Donc, le Québec, bon... en fait, le Québec fait bien en termes d'adaptation, parce que notamment c'est une des seules juridictions en Amérique du Nord qui a eu un plan sur les changements climatiques qui intégrait à la fois la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'adaptation aux changements climatiques. La majorité des autres juridictions sont encore aujourd'hui à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, puis, même là, c'est parfois assez laborieux et difficile. Donc, bon, alors là, où je trouve, moi personnellement, où ça va moins bien au Québec, c'est au niveau de l'action terrain, au niveau promoteur local. On a commencé dernièrement à faire des gains avec les municipalités qui s'intéressent de plus en plus... de toute façon, ils n'ont pas le choix, les réseaux d'égout, ils pètent de partout, puis il faut qu'ils s'attaquent à ça, là, mais, tu sais, au niveau un peu plus individuel, local, sur l'ensemble des acteurs, tandis que les grandes institutions comme Hydro-Québec, le ministère du Transport, etc., eux, ont commencé à faire des choses en adaptation que d'autres juridictions n'ont pas encore commencé à faire.

M. Traversy : Donc, si je comprends bien, c'est avec les acteurs de proximité, les acteurs des municipalités, les acteurs du milieu qu'il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire à cet égard-là, c'est là où le plus gros de l'amélioration peut être fait, là, au cours des prochaines années, selon ce que je comprends.

M. Bourque (Alain) : Oui. Bien, en fait, on pense toujours amélioration sur différents niveaux ou différents paliers, là, mais moi, je pense que, dans les prochaines années, ce qui va être clé, c'est vraiment que les gens, à l'échelle locale, régionale, s'approprient l'enjeu et opérationnalisent davantage. Ça, ça implique des moyens, des données, des trucs du genre, là, ça.

M. Traversy : O.K. Vous disiez tantôt dans votre présentation qu'il fallait absolument éviter les concepts trop flous, qu'en France notamment, là, on finissait par s'y perdre... ou, en tout cas, vous aviez une espèce de parallèle, là, qui nous amenait à dire... d'essayer d'amener de la clarté. On a un gros débat, là, qui est sur la notion de l'impact ou la notion de risque dans le cadre, là, du livre que nous étudions. Pour être clairs et non flous, est-ce qu'on devrait plus parler de la notion de l'impact ou de la notion du risque?

M. Bourque (Alain) : Bien, en fait, au risque de partir une discussion sur un autre sujet...

M. Traversy : Et de créer un impact.

M. Bourque (Alain) : ...nous, effectivement, il faut les regarder, les termes, puis il faut surtout qu'ils soient clairs. C'est juste qu'à un moment donné ça va impliquer des choix, peut-être, dans les mots, là, mais il faut être clairs. Nous, on pense même, là, que même la notion du mot «risque» peut poser problème à certains égards, c'est-à-dire, par exemple, les firmes de génie-conseil vont évaluer quantitativement un risque et ils vont dire : Le risque est de 22, puis le risque est de 12 dans 22 ans, par exemple, ou dans 50 ans, en utilisant certaines hypothèses, sans se rendre compte que les hypothèses sont de moins en moins valides dans le temps, et donc qu'il y a de plus en plus d'incertitudes. Et, pour les scientifiques, l'incertitude, ça fait aussi partie du risque. On est censé inclure l'incertitude dans le risque.

Donc, nous, souvent, de plus en plus, on parle de vulnérabilité, c'est-à-dire d'avoir un système qui est prédisposé à être affecté ou pas, plutôt que d'intégrer la notion de risque, où parfois il y a des aspects beaucoup trop quantitatifs où, là, ça devient parfois très subjectif de l'évaluer.

M. Traversy : Donc, ça serait plus une notion de vulnérabilité, selon...

M. Bourque (Alain) : Bien, on parle notamment de la vulnérabilité environnementale dans nos recommandations. En fait, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne dit pas aux gens de faire un choix x ou y, on dit qu'on devrait analyser les différents termes qui font un certain consensus au sein des acteurs, des parties prenantes, de ceux qui vont être impliqués et que la clarté y soit.

M. Traversy : Je vais poursuivre au niveau de la clarté, parce que je veux profiter de votre expertise à 200 %. Vous avez, à la page 29 du livre qui vous a été proposé, les critères qui définissent, dans le fond, les risques par rapport à ce qui doit être pris en compte pour les changements climatiques et vous avez là-dedans la complexité qui doit être prise en compte, les impacts appréhendés sur l'environnement, les mesures d'atténuation, le potentiel aux conformités et aux lois puis la préoccupation des citoyens et des organisations. Ça, c'est quelques catégories, dans le fond, de risques et de critères qui sont associées à ces risques-là, c'est là-dessus qu'il faut se baser.

Ma question, c'est : Est-ce que vous trouvez que c'est suffisant? Est-ce qu'il y en a trop, de critères? Est-ce que vous en auriez rajouté de plus, peut-être justement de vulnérabilité, ce que vous nous parlez? Je voulais voir un peu ce que vous en pensiez.

M. Bourque (Alain) : En fait, pour être franc, je ne pourrai pas, moi personnellement, vous répondre, là. Il faudrait vraiment que je retourne avec les gens dans mon groupe pour déterminer si on a, à l'intérieur de certains projets, des exemples d'indicateurs beaucoup plus précis qui auraient pu être déterminés. C'est un peu aussi l'objectif de mon intervention, de dire qu'Ouranos était tout à fait prêt à poursuivre le développement des travaux en lien avec l'amélioration de cette loi-là.

M. Traversy : O.K. Donc, vous vous gardez une marge de manoeuvre. Il y a peut-être des critères supplémentaires, mais pour l'instant vous ne voulez pas vous avancer. C'est bon, mais c'est intéressant, parce que, la notion de vulnérabilité, c'est la première fois que j'en entends parler, là, aujourd'hui, donc, je trouvais qu'il y avait un aspect assez stimulant.

J'avais donc une autre question concernant votre recommandation n° 4. Vous dites que, dans le processus d'autorisation environnementale exigé de la part d'un initiateur de projet, celui-ci devait faire, d'une part, la démonstration des impacts des changements climatiques et, d'une autre part, bon, la mention, dans le projet, des moyens envisagés pour atténuer, justement, ces risques. Quand vous demandez à un initiateur de projet, d'une part, de démontrer les impacts que son projet peut avoir sur des changements climatiques, c'est avec quel moyen que vous réussissez à démontrer ce genre de choses?

M. Bourque (Alain) : En fait, la recommandation parle de l'initiateur du projet qui, d'une part, doit faire la démonstration que lui a évalué, a intégré la question de l'impact des changements climatiques — donc, par exemple, s'il se met dans une région qui est à risque, il faut qu'il prouve en présentant son projet qu'il a bien considéré ces risques-là, qu'il les a bien évalués — et, d'autre part, la mention, dans le projet, des moyens envisagés à mettre en oeuvre pour atténuer ces risques-là.

M. Traversy : Bien, je comprends très bien, mais la question, c'était...

Le Président (M. Reid) : ...

M. Traversy : Il reste deux secondes?

Le Président (M. Reid) : Quelques secondes. Allez-y.

M. Traversy : Quelques secondes. Rapidement. Par quel moyen il prouve qu'il a bien compris les changements climatiques et les impacts que ça peut amener?

• (14 h 40) •

M. Bourque (Alain) : Bien, c'est là que la science devient importante, selon moi, là. Je pense qu'il peut citer les travaux qui ont déjà été faits.

M. Traversy : Scientifiquement. O.K.

M. Bourque (Alain) : Scientifiquement, oui.

M. Traversy : O.K. Parfait.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition, et je donne la parole à M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Bourque, d'être avec nous aujourd'hui. Je vais vous amener tout de suite à votre recommandation n° 10. On parle principalement de cartographie des zones à risque, et puis, dans le fond, vous parlez, là, que vous voulez qu'on inclue, là, les évaluations environnementales stratégiques, multisectorielles et par territoire en amont du processus d'autorisation environnementale. Je ne sais pas si vous voulez me donner un peu plus d'informations sur comment vous procédez, ce serait quoi, l'ampleur, là, de votre proposition.

M. Bourque (Alain) : Bien, en fait, je vais donner un exemple concret. Le programme Climat municipalités du plan d'action sur les changements climatiques a permis de supporter des municipalités à faire leur premier plan d'adaptation. Alors, la ville de Trois-Rivières est la première municipalité au Québec qui a fait son plan d'adaptation et, dans le cadre de leur plan d'adaptation, ils ont fait une cartographie complète de tous les risques, en lien avec l'approvisionnement en eau potable — les inondations, la chaleur, toutes sortes de risques du genre — qu'ils ont produits et là maintenant ils sont vraiment équipés, je pense, pour mettre de l'avant des actions pour tenter de prendre en compte ces risques-là, de mieux les gérer, de les atténuer si c'est possible, etc. Donc, c'est de ça qu'on parle, un petit peu de la même façon que... je ne me souviens pas c'est quand, peut-être dans les années 60, où on s'était lancé, à un moment donné, avec le fédéral même, dans un programme de cartographie des plaines inondables, à l'époque. Alors, on avait fait ça. Et encore aujourd'hui on utilise ces cartes-là, quoiqu'il y en a certaines qui sont plutôt défraîchies et surtout qui n'incluent pas les changements climatiques, et ça, c'est un dossier qui est, disons, à l'ordre du jour de beaucoup de compagnies d'assurance, de nos jours, au Canada. Et donc c'est ce genre de travail là que l'on parle : cartographie des risques.

M. Lemay : Parce que, quand on parle de cartographie des zones à risque, selon vous, ça serait qui qui devrait procéder à cette évaluation-là? Tu sais, en réalité, c'est-u au niveau des directions régionales, au niveau des MRC, des villes, tu sais, ou c'est carrément, simplement, au niveau du ministère, tu sais? Puis on y va dans quels détails, là? Est-ce qu'on inclut dans la même cartographie autant l'air, l'eau, le sol?

M. Bourque (Alain) : Bien, en fait — oui, c'est une bonne question — quel acteur fait quel bout du chemin? Bon, historiquement, ce qu'on a souvent vu dans des domaines de cartographie du risque pour des risques spécifiques, c'est que les instances nationales faisaient un travail à des échelles réduites, et il appartenait à des promoteurs ou à d'autres intervenants du milieu municipal, etc., d'aller à des résolutions plus fines et plus pertinentes pour leurs enjeux, là. Mais j'avoue que, à savoir comment le faire, est-ce qu'il faut que ça soit tout fait à l'interne du gouvernement, à l'externe avec des universitaires, etc., je ne pourrais pas commenter.

M. Lemay : Parfait. Bien, en fait, tantôt, vous avez parlé avec nos collègues, là, on a parlé de milieux récepteurs, d'impacts cumulatifs, de l'ampleur, nature des contaminants aussi, tu sais, comme on parle de gestion de risques, mais il y a aussi toute la notion d'impact, que vous mentionnez vous-même, les impacts cumulatifs. Mais, selon vous, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on doit tenir compte de la nature du contaminant, de la quantité? Tu sais, il me semble que, quand on regarde les impacts sur l'environnement ou... devrait-il y avoir un système hybride et non mentionner juste les risques, mais de tenir en considération les impacts?

M. Bourque (Alain) : Bien, en lien avec l'orientation 3, qui, si je comprends bien, dans le fond, veut moduler un peu le type d'analyse à faire selon l'ampleur du risque ou de la vulnérabilité, là — puis là c'est ici que les termes sont particulièrement importants — on pense que ça peut être peut-être une bonne idée de moduler de cette façon-là en fonction de l'ampleur du risque. Nous, notre message, c'est de dire : Il faut faire attention, parce qu'un risque qui semble faible aujourd'hui peut, à cause des changements climatiques, ne plus être faible dans 30 ans et devenir particulièrement significatif.

Donc, c'est ça, notre message, dans notre recommandation, de dire que, pour la modulation en fonction de l'ampleur du risque, il faut faire beaucoup attention pour dire que le risque n'est pas stationnaire.

M. Lemay : Merci, c'est apprécié.

Le Président (M. Reid) : Deux minutes.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Vous savez, il y a quelque chose... bien, on en a discuté tantôt, là, mais juste un élément de précision supplémentaire. Vous mentionnez, comme quand on parle de communautés locales, là, à votre page 7 de votre document... vous parlez d'identifier les indicateurs de résilience aux changements climatiques, puis ça, on parle, dans un exemple, de collaboration avec les occupants du territoire, notamment les Premières Nations. «Indicateurs de résilience aux changements climatiques»; un petit mot là-dessus?

M. Bourque (Alain) : Bien, je vais le donner par un exemple. Un des constats de ce qui s'est passé en Nouvelle-Orléans avec Katrina, c'était que les acteurs ne se parlaient pas du tout et que ça a fait en sorte que cet événement-là s'est transformé vraiment en crise majeure parce que les réseaux de collaboration nécessaires entre les différents paliers de gouvernement, entre les différents types d'organisation étaient tout simplement dysfonctionnels, et que tout est tombé, et que ça s'est transformé en crise importante. Donc, ça, ça fait partie d'indicateurs de vulnérabilité qui ne sont pas des indicateurs de vulnérabilité que les gens de sciences biophysiques aiment beaucoup, là, parce qu'on aime ça quand c'est très quantitatif, biophysique, etc., mais ce sont des indicateurs sociaux qui sont particulièrement importants pour la résilience des communautés.

M. Lemay : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci, M. Bourque, pour la contribution que vous apportez à nos travaux.

Je lève la séance pendant quelques instants pour permettre à nos amis des organismes de bassins versants de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

(Reprise à 14 h 48)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons. Je souhaite la bienvenue à nos invités du regroupement des bassins versants du Québec. Vous connaissez la routine, ce n'est pas la première fois que vous assistez à une séance de la commission. Alors, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, nous aurons un échange par la suite avec les membres de la commission. Je vous demanderais de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne, pour les fins d'enregistrement, et à vous la parole.

Regroupement des organismes de bassins
versants du Québec (ROBVQ)

Mme Leclerc (Marie-Claude) : Merci, M. le Président. Donc, M. le Président, Mmes et MM. les commissaires, je vous remercie de permettre au ROBVQ de vous présenter nos recommandations concernant le livre vert. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Jean-Paul Raîche, premier vice-président du ROBVQ, président du COGESAF, professeur associé à l'Université de Sherbrooke. M. Raîche est docteur en philosophie de l'environnement et de l'écologie politique. Quant à moi, je suis Marie-Claude Leclerc, directrice générale du ROBVQ depuis 10 ans, titulaire d'une maîtrise en analyse des politiques publiques.

Ce mémoire est le fruit d'une concertation avec notre réseau des organismes de bassins versants, les OBV, et représente notre position commune. Vous avez tous eu l'occasion de lire notre mémoire, aussi je vais me permettre de souligner, parmi les recommandations qu'on a proposées, celles qui nous semblent les plus importantes puis d'en préciser certaines.

Donc, tout d'abord, nous saluons le travail fait pour actualiser la LQE. Nous sommes heureux des propositions à l'étude, bien que leur mise en oeuvre nous semble difficile et que les objectifs souhaités nous semblent difficilement atteignables. Il est important également de souligner que rien dans la proposition ne permet de protéger les milieux humides et hydriques, ce qui renforce la nécessité d'une loi spécifique sur le sujet. Notre principal message est : Cohérence : cohérence entre les ministères; entre ministères, municipalités et MRC; cohérence avec les organismes mandatés sur le terrain, dont les OBV; et cohérence entre l'analyse, l'approbation, la mise en oeuvre et le suivi des projets. Selon nous, toute proposition de réforme de la LQE se doit de garder constamment à l'esprit que le MDDELCC est maître d'oeuvre de la refonte de la LQE mais que la loi s'adresse à plusieurs ministères et que le cadre du sujet environnemental est toujours d'ordre multidisciplinaire. M. Bourque l'a souligné tout à l'heure, on a des biologistes, des géographes, des aménagistes, des urbanistes, des forestiers, des agronomes, des ingénieurs. Tous ces gens-là ont besoin de travailler sur les projets et ils travaillent déjà sur les projets. Donc, cohérence pour permettre à tous les intervenants qui sont mis à contribution de travailler efficacement entre eux.

• (14 h 50) •

Les objectifs initiaux de la modernisation nous semblent justes et possiblement atteignables. Cependant, l'objectif de diminuer de manière significative le nombre de demandes d'autorisation, énoncé dans le cadre de l'orientation n° 3, ne devrait pas être une considération en soi. Au contraire, l'intégration des changements climatiques et des principes de développement durable pourrait avoir l'effet contraire. Améliorer les processus, atteindre une efficience et une efficacité dans le traitement des demandes par le biais d'un processus transparent et connu nous semblent des objectifs plus louables pour la protection de l'environnement tel que nous l'entendons, c'est pourquoi le ROBVQ recommande que le régime actuel, qui en est un d'autorisation, fasse plutôt place à un régime de protection de l'environnement, l'autorisation pouvant être émise ou non en fonction des conditions qui sont rencontrées. Un régime de protection donne un message clair quant au pouvoir du ministre de refuser certains projets et un message clair également aux promoteurs sur les attentes du régime face à leur travail. Ça leur permettrait, selon nous, de respecter l'essence de la LQE.

Le ROBVQ souhaite ajouter une prémisse de base qui concerne directement notre domaine d'activité, donc l'eau, et qui rejoint la cohérence que nous demandons. La Loi sur la qualité de l'environnement a une portée globale, alors que la loi sur l'eau définit que le Québec gère les usages de l'eau par bassin hydrographique. La mise en oeuvre de la gestion intégrée de l'eau par bassin versant par les OBV permet non seulement de définir le portrait initial d'un territoire donné, donc faire une caractérisation terrain, mais elle permet également et surtout une prise de décision partagée qui a pour objectif de réduire les coûts de façon importante pour l'ensemble des contribuables via le plan directeur de l'eau. Cette même loi stipule que le ministre doit en outre transmettre copie du plan directeur de l'eau aux ministères et organismes du gouvernement afin qu'ils le prennent en considération dans l'exercice des attributions qui leur sont conférées par la loi dans le domaine de l'eau ou dans tout autre domaine ayant une incidence sur l'eau — évidemment, je le souligne. Le processus de protection de l'environnement de la LQE, mis en oeuvre par le MDDELCC, ne saurait y faire défaut, c'est pourquoi le ROBVQ recommande que les OBV soient partie prenante du processus d'analyse, qu'ils soient mandatés afin qu'ils incluent, dans les plans directeurs de l'eau, une évaluation environnemental stratégique en fonction de paramètres à déterminer et qu'ils soient mandatés, les OBV, pour identifier les projets de restauration ou d'amélioration à même le plan directeur de l'eau qui pourrait être utilisé par un promoteur pour réaliser un projet de compensation.

Finalement, nous recommandons que, lors de l'analyse des demandes d'autorisation, le ministre prenne en considération les différentes lois actuellement en vigueur, entre autres la loi sur l'eau, qui stipule que les usages de l'eau sont gérés à l'échelle des bassins versants, en fonction de leur capacité de support et que le ministre peut exiger réparation pour tout tort fait aux ressources en eau.

L'intégration des changements climatiques dans l'analyse présentée dans l'orientation 1 nous semble une voie prometteuse, comme mentionné par M. Bourque précédemment. Pour ce faire, l'objectif devrait être, selon nous, de ne pas augmenter la vulnérabilité — on y revient — d'une collectivité ou d'un usage, ce qui suppose d'avoir une connaissance approfondie du territoire préalablement au projet. Un questionnement se pose, par contre, quant aux impacts significatifs pour lesquels une autorisation peut être assujettie dans la mesure où, pris individuellement, les projets peuvent sembler avoir peu d'impact, alors que, s'ils sont combinés, ils ont un impact qui peut être important, que ce soit immédiatement ou à long terme. C'est pourquoi le ROBVQ recommande d'intégrer obligatoirement l'adaptation aux changements climatiques et l'impact cumulatif dans les bassins versants des projets lors de l'analyse, que les projets acceptés ne doivent jamais augmenter la vulnérabilité d'une collectivité ou d'un usage, que les OBV soient considérés comme des alliés dans l'identification des mesures d'adaptation aux changements climatiques qui concernent les usages de l'eau, puis d'ailleurs les organismes de bassin versant ont été formés sur ce sujet grâce à un travail conjoint qu'on a fait avec Ouranos pour justement les accompagner afin qu'ils prennent en considération l'impact des changements climatiques dans les plans directeurs de l'eau.

À l'orientation 2, le ROBVQ est en faveur d'un meilleur encadrement des évaluations environnementales stratégiques. Plusieurs propositions nous semblent justes, dont celle d'encadrer, selon certains critères, l'évaluation des stratégies du gouvernement. Cependant, comme il est présenté, il semblerait que l'intégration de ces principes de développement durable ne soit prévue qu'en vertu des évaluations environnementales stratégiques, alors qu'on devrait les retrouver dans l'ensemble du processus. Bien que l'orientation force le respect, rien n'est mentionné concrètement, entre autres, sur deux principes fondamentaux pour le ROBVQ, à savoir le principe de précaution et le respect de la capacité de support des écosystèmes. C'est pourquoi le ROBVQ recommande que le régime de protection de l'environnement de la LQE prévoie un processus vigoureux afin de tenir compte des 16 principes du développement durable, et en particulier le principe de précaution et la capacité de support des bassins versants en fonction des usages.

En ce qui concerne l'orientation 3, nous avons beaucoup d'inquiétudes quant à la proposition d'analyse basée sur le risque environnemental, nous proposons d'ailleurs plutôt de parler de potentiel d'incidence environnementale afin d'éviter toute confusion. L'incidence environnementale ne peut être déterminée qu'en fonction du territoire concerné et des effets cumulatifs des projets sur ce territoire. De plus, l'évaluation du potentiel d'incidence et la mise en oeuvre des projets exigent que des professionnels soient attitrés à ces projets et qu'un suivi des chantiers soit fait adéquatement. En d'autres mots, la compétence des professionnels et le budget que le MDDELCC octroiera pour le suivi des projets détermineront le sérieux de cette approche. C'est pourquoi le ROBVQ recommande que les règlements classant les différents types d'activité selon leur niveau de risque soient présentés simultanément au projet de loi, que toutes les activités en milieu humide et hydrique soient, sauf exception, assujetties à l'obtention d'un certificat d'autorisation et que l'on tienne compte des impacts cumulatifs et de la capacité de support des bassins versants en ajoutant des critères, donc la sensibilité du milieu, la densité locale des activités, l'empreinte globale d'un type d'activité, le manque d'expérience et d'information sur l'activité et la nouveauté d'un type de projet.

En ce qui concerne l'orientation 4, le ROBVQ recommande que le registre public soit géoréférencé et qu'il comprenne tous les projets pour lesquels des demandes ont été faites ou non, que les informations à rendre publiques dans le registre d'évaluation environnementale doivent inclure les mesures de compensation prévues et réalisées. Diversifier les modes de participation nous semble évidemment une très bonne idée, ça permettrait aux citoyens et aux groupes de participer aux consultations publiques en utilisant les technologies de l'information et des communications... nous semble également une bonne idée, et d'allouer une enveloppe financière, en fonction de critères à déterminer, pour permettre aux organismes qui désirent s'impliquer de participer aux consultations du BAPE.

En ce qui concerne l'orientation 5, et comme le souligne le consortium du Réseau canadien de l'eau, «la gestion efficace des risques qui sont pertinents aux réseaux d'eau communautaires comporte des décisions qui dépassent le contrôle des services publics locaux». De ce fait, il faut s'assurer que les approches s'étendent au-delà des actions de gestion du réseau d'eau municipal et s'intègrent à des activités à plus large échelle, notamment la gestion du bassin hydrographique. C'est pourquoi il ne nous semble pas que l'allégement du processus soit la voix à suivre pour les municipalités. Le ROBVQ recommande plutôt d'harmoniser les processus d'autorisation gouvernementaux entre... voyons, entre eux et avec ceux des municipalités, pardon, pour un même projet, ce qui pourrait se faire en mettant en place un guichet unique où les demandes seraient traitées parallèlement et en fonction de la même documentation.

En ce qui concerne l'admissibilité des projets de l'orientation 6, il nous semble impératif qu'un dossier ne puisse être analysé sans l'ensemble des données nécessaires pour permettre au promoteur de déposer le projet complet. L'idée d'accompagnement des promoteurs est très bonne et pourrait se faire par le biais de formation de groupes. Par ailleurs, les OBV pourraient se joindre à ces formations afin d'informer les promoteurs sur le contenu des plans directeurs de l'eau dont ils doivent tenir compte.

Dans l'orientation n° 7, le ROBVQ est d'accord pour internaliser 100 % des coûts des projets privés, mais les fonds devraient être versés aux directions régionales pour l'affectation des ressources humaines nécessaires à l'analyse et au suivi des chantiers plutôt qu'au Fonds vert. Les projets qui ont fait l'objet d'une délégation de mandat par le gouvernement ou qui ont un caractère d'utilité publique avec gain environnemental ou social devraient en être exemptés.

En conclusion, cohérence, capacité de support, effet cumulatif, gestion intégrée de l'eau par bassin versant, prise en considération des plans directeurs de l'eau et de la compétence des OBV et loi sur les milieux humides et hydriques. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Reid) : Pile. Il restait une seconde. Merci de votre présentation. Nous allons passer aux échanges avec le côté gouvernemental. Je donne la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Leclerc, M. Raîche. C'est toujours un plaisir de vous revoir. Merci pour votre mémoire ainsi que votre présentation, qui, elle-même, est en toute cohérence avec les positions soutenues pas le regroupement. Je voudrais aller plus loin. Vous avez réussi à condenser énormément d'informations dans votre présentation. Malheureusement, on ne pourra pas tout couvrir, bien que ça serait intéressant.

Au niveau des effets cumulatifs, on a vu... puis, bon, pas seulement dans le cadre de ces travaux-ci, mais, de la minute qu'on regarde un régime d'autorisation environnementale puis n'importe quel régime de protection environnementale, avec un territoire aussi grand que celui du Québec, aussi différent, on se retrouve avec des situations... puis c'est revenu beaucoup dans les préconsultations, auxquelles vous avez participé — merci. Puis, quand je fais des tournées régionales, on me parle beaucoup du fait que, des fois, on se retrouve dans des situations où le régime de protection, les exigences environnementales ne sont pas nécessairement adaptés à la réalité sur le terrain. Alors, l'objectif est noble, d'avoir un standard, mais souvent le standard environnemental trouve difficilement son application dans certaines régions du Québec à cause du type d'environnement qui s'y retrouve. On n'a pas un territoire homogène, on n'a pas des populations homogènes, alors donc ça créé des défis.

Alors, dans une optique où on cherche à être prévisibles mais, en même temps, flexibles, certains y voient là une contradiction, mais on veut tendre quand même vers ça, comment les OBV pourraient davantage assister le processus d'évaluation environnementale? Vous y avez fait allusion, mais j'aimerais ça qu'on approfondisse, parce qu'encore une fois, dans le cadre de nos travaux, puis ça, je l'ai déjà dit, là, on est dans une phase, bon, d'étude d'un livre vert, mais ultimement on se dirige vers un projet de loi, puis, bon, il faut exprimer ça législativement. Alors, l'expertise des OBV, ça, elle est établie, le ministère de l'Environnement contribue, d'ailleurs, et dépend des OBV pour énormément d'informations et de travail sur le terrain.

Alors, dans ce contexte-là, dans un processus revu d'évaluation environnementale, sachant, là, la prémisse que je vous ai donnée, comment on pourrait concrètement intégrer l'expertise, l'échange d'information entre le ministère et les OBV puis plus intégrer les OBV dans le processus d'évaluation environnementale?

• (15 heures) •

M. Raîche (Jean-Paul) : Bonne question. On y répond en partie dans le mémoire. Je rajouterais que ce n'est pas juste avec le ministère, je rajouterais que c'est aussi avec l'ensemble des acteurs du territoire, parce qu'un organisme de bassin versant est d'abord composé des acteurs du territoire, il travaille avec l'ensemble... même, il travaille plus souvent avec les acteurs du territoire qu'avec le ministère, on s'entend, que ça soit avec les municipalités, les agriculteurs, les forestiers. Et l'avantage des organismes de bassin versant, c'est qu'ils ont une connaissance maintenant... honnêtement, une connaissance beaucoup plus élaborée du territoire. Que ça soit un petit bassin versant dans un grand bassin versant, ils sont responsables de zones, mais ils connaissent bien leurs territoires. Ils ont caractérisé, ils ont mis en place des actions prioritaires avec les différents acteurs. Alors, dans ce cadre-là, ils ont une quantité incroyable d'informations qui pourraient servir, comme on disait, à l'analyse des projets, que ça soit au niveau régional, même au niveau provincial. Mais je pense que, si l'analyse se fait au niveau de la direction régionale... Actuellement, on utilise peu le savoir des organismes de bassin versant, mais, en utilisant justement les organismes, le personnel des organismes, on pourrait avoir une meilleure connaissance.

Vous avez parlé des effets cumulatifs. C'est vrai qu'actuellement il est difficile de faire une évaluation adéquate des effets cumulatifs sur un territoire. Si ça vous intéresse, je pourrais vous donner une référence. Il y a un projet de recherche actuellement fait par une professeure, Mme Dubé, de l'Université du Nouveau-Brunswick, qui fait un projet national sur justement l'évaluation des effets cumulatifs sur un bassin, comment on doit s'y prendre.

M. Heurtel : J'apprécierais la référence, s'il vous plaît.

M. Raîche (Jean-Paul) : Oui. Donc, il y a déjà des chercheurs qui s'attardent à cette dimension-là. Mais nous, on dit qu'il faut en tenir compte, mais il est évident que, pour en tenir compte, il faut être capable de les évaluer. Ce n'est pas évident. Et on est en pleine recherche. Et donc, même si on dit qu'on doit le faire, je suis obligé de vous dire que peut-être qu'on sera capables de le faire seulement que dans deux, trois ans, dans quatre ans ou dans cinq ans. On aura les moyens de le faire, on aura les moyens, on aura un cadre pour faire cette évaluation.

Mais déjà les OBV ont assez d'informations pour dire que, si vous agissez, par exemple... on va parler des milieux humides, vous savez, c'est mon dada, si on agit sur un petit milieu humide, bien ça a des conséquences énormes peut-être à long terme, comme a dit M. Bourque, même à court terme sur les inondations. D'ailleurs, en passant, pour ceux qui vivent dans la région de Coaticook, ils en savent quelque chose. Cet été, ça fait deux ans qu'ils y goûtent à Coaticook, hein, tout ça du fait que la gestion de l'eau sur le bassin ne se fait pas d'une manière adéquate. Mais un petit milieu humide où on pourrait peut-être avoir un promoteur qui intervient dans ce milieu-là en disant : Il y a peu d'importance, mais il y a un effet cumulatif possible si on ne tient pas compte de l'ensemble de plusieurs petits milieux humides comme ça, dans son ensemble, qui devrait être protégé... Vous voyez? Donc, c'est cet aspect-là. Les OBV ont cette information, ont cette connaissance-là. Je ne réponds pas parfaitement à votre question, mais vous voyez un peu le...

Le Président (M. Reid) : M. Raîche, est-ce que je peux juste vous demander d'envoyer la référence à la secrétaire de la commission? Comme ça, tout le monde pourra en profiter. La référence dont vous parliez.

M. Heurtel : Sur l'étude du Nouveau-Brunswick, là.

M. Raîche (Jean-Paul) : Oui, oui, oui. Je vous envoie ça, avec plaisir.

Le Président (M. Reid) : D'accord. Merci. M. le ministre.

M. Heurtel : Alors, je... non, mais vous mettez bien la table. Là où j'irais un peu plus loin, c'est en disant : Bon, si on peut revenir plus précisément sur justement les rapports entre les OBV et le ministère, les directions régionales... Vous avez... puis là je ne peux pas vous citer exactement, mais vous semblez dire que peut-être que les directions régionales ne profitent pas peut-être suffisamment ou autant qu'elles le pourraient de l'expertise des OBV. Est-ce que... là, je vous mets des mots dans la bouche, là, mais est-ce que c'est une caractérisation adéquate de ce que vous dites?

M. Raîche (Jean-Paul) : Oui. C'est effectivement le cas.

M. Heurtel : Bon, alors...

M. Raîche (Jean-Paul) : Je ne dis pas qu'il n'y a pas de lien. Il y a des liens, mais on n'utilise pas assez le savoir des OBV.

M. Heurtel : Alors... Pardon, madame. Allez-y.

Mme Leclerc (Marie-Claude) : Tout à l'heure, vous parliez de moduler, en fonction du territoire, les indicateurs, de pouvoir avoir une certaine flexibilité, donc, d'avoir de la rigueur mais de la flexibilité. Je pense que les organismes de bassin versant peuvent collaborer à identifier au préalable, en amont des projets, quels sont les indicateurs pour des bassins versants donnés qu'on pourrait utiliser, s'entendre d'abord sur des indicateurs en travaillant avec le MDDELCC sur le sujet. Donc, ça pourrait permettre, un, de tenir compte du territoire, de la cartographie, les données qu'ils ont, puis, deux, de pouvoir moduler en fonction de la situation réelle. Donc, toutes les portions du Québec n'auraient pas les mêmes indicateurs, mais le même objectif serait atteint à l'ensemble du Québec.

M. Heurtel : Bon, bien, ça, ça m'aide beaucoup. Ça, c'est plus un exemple concret de comment on intégrerait l'expertise des OBV dans le processus d'évaluation le plus en amont possible. O.K.

Au niveau de la lutte contre les changements climatiques, j'aimerais vous entendre davantage sur l'importance, justement, bon, des milieux humides. Non, mais je trouve que c'est important de le faire ressortir. Vous l'avez déjà dit dans d'autres contextes. Mais c'est parce que, dans ce contexte-ci, je crois, ça met en évidence justement l'avantage, l'importance d'intégrer davantage la lutte contre les changements climatiques dans les processus d'évaluation, faire le lien avec l'expertise des OBV mais l'importance justement des milieux humides et leur impact positif dans la lutte contre les changements climatiques, et donc de l'ensemble d'un bassin versant.

Alors, j'aimerais ça que vous alliez plus en détail au niveau de cette notion-là puis, donc, comment on serait capables d'intégrer aussi cette expertise-là le plus tôt possible dans une évaluation environnementale d'un projet.

M. Raîche (Jean-Paul) : Oui. On a insisté, dans notre mémoire, sur le fait que, d'abord, tout ce qui concerne les milieux humides, il y a un certificat d'autorisation, ce n'est pas un risque faible, là, quel que soit le milieu humide — pour nous, ça, c'est déjà un élément important — en fonction justement des possibilités, du rôle que pourraient jouer ces milieux-là en particulier par rapport aux inondations et les éléments semblables.

Actuellement, il y a un travail qui se fait pour mieux connaître le territoire, d'ailleurs j'imagine que Canards illimités vous en a parlé, il y a une cartographie qui se fait avec canards, et on n'a malheureusement pas une connaissance suffisante actuellement de tous les milieux humides sur les bassins versants. Donc, il n'y a pas une cartographie... Pour la vallée du Saint-Laurent, ça va bien, là, mais même dans l'Estrie, si on arrive dans l'Estrie, la cartographie n'est pas faite. D'ailleurs, actuellement, je travaille actuellement avec Canards illimités, les municipalités, les MRC pour qu'on ait cette cartographie. Donc, déjà au point de départ, il faut qu'on ait une cartographie. Un coup qu'on a la cartographie, les OBV, comme ils ont établi un processus d'intégration des changements climatiques dans leur PDE... et ça, c'est un travail... d'ailleurs, on pourrait vous envoyer le document, c'est un sacré beau travail qui a été fait avec le ministère et avec Ouranos. Et donc, déjà là, les OBV ont ce travail-là pas juste par rapport aux milieux humides, mais pour l'ensemble des activités d'un bassin versant, où on doit tenir compte des changements climatiques. Ça, ce travail-là se fait actuellement, il y a une dynamique, alors c'est déjà un premier élément, mais on n'est pas rendus à l'étape où, avec les acteurs du territoire, ils peuvent, à partir de cette connaissance-là, intégrer eux-mêmes dans leur approche les différentes municipalités, les agriculteurs, les forestiers, les différents acteurs. On n'en est pas encore rendus à ce niveau-là, nous autres, les OBV, mais c'est en voie... Le but d'intégrer, c'est justement d'en arriver à cela.

Alors, ça, c'est une première étape. Mais on ne peut pas beaucoup parler de résultats actuellement, c'est une dynamique qu'on met en place, là.

M. Heurtel : Parfait.

Mme Leclerc (Marie-Claude) : Les organismes de bassin versant, si vous me permettez de compléter, les organismes de bassin versant pourraient également aider à identifier les types de milieu humide, est-ce qu'on est avec des milieux humides de grande valeur, etc. Donc, ça pourrait être un travail qui pourrait être fait par les OBV puis intégré dans le cadre du plan directeur de l'eau.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Leclerc, M. Raîche, ça me fait plaisir de vous avoir ici aujourd'hui.

Écoutez, j'ai plusieurs questions, on va essayer de faire ça en rafale. La première chose, pour moi, qui est très importante, c'est : Comment voyez-vous le rôle des bassins versants dans l'intégration, en fait, entre le ministère, les communautés, en fait, l'ensemble des acteurs économiques? On parle de l'agriculture, on parle des municipalités, on parle des riverains. Donc, il y a une économie extrêmement complexe à l'intérieur de ça. Comment vous voyez votre rôle se positionner ou comment vous voudriez le voir dans le temps?

• (15 h 10) •

M. Raîche (Jean-Paul) : On n'a qu'un seul rôle, c'est de concerter l'ensemble des acteurs. C'est ça, notre rôle, de les sensibiliser, de les informer, de fournir l'information disponible, que ce soit de l'information qui vient des projets de recherche d'Ouranos ou d'autres. Parce que, vous savez, dans la mission établie pour les OBV dans la loi de l'eau, c'est quatre choses : élaborer un plan directeur de l'eau, le réviser et, ensuite, faire la promotion des actions du plan directeur auprès des différents acteurs et, quatrièmement, d'assurer le suivi à savoir si ça se réalise, d'accord? Alors, on ne peut pas outrepasser ce rôle-là qui est fixé par la loi elle-même. Alors, c'est dans ce cadre-là que nous travaillons.

Nous ne réalisons pas les actions sur le territoire, on s'entend? Il faut amener les acteurs à les réaliser et, pour amener les acteurs à les réaliser, il faut être capables de les convaincre, mais il faut être capables surtout de leur donner une information la plus exacte possible, la plus scientifique possible, et, cette information-là, on va la chercher par ceux qui la produisent, d'accord?

Mme Leclerc (Marie-Claude) : Si vous me permettez. Les OBV ont aussi un rôle d'accompagnement des différentes parties prenantes. Quand on parle de faire le suivi, pour faire un suivi, bien, on peut aussi faire de l'accompagnement pour s'assurer de la réalisation adéquate de certains projets, puis il y a des OBV également qui réalisent des actions justement parce qu'il n'y a pas de parties prenantes sur le territoire qui veulent le faire ou encore parce qu'eux-mêmes ont l'expertise au sein de leur propre organisation pour le faire.

M. Bolduc : Merci. J'ai une question qui sort un peu du contexte de votre mémoire. L'objectif, ce n'est pas de vous mettre en porte-à-faux, mais bien plus d'entendre votre opinion sur d'autres mémoires qui nous ont été présentés, qui a une importance, en tout cas, dans l'Estrie, très grande, c'est le cas des gravières dans les rivières, O.K.? J'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'il y a plusieurs acteurs ou plusieurs mémoires qui nous ont mentionné qu'on devrait trouver une mécanique pour pouvoir nettoyer les rivières, pour éviter l'étalement des rivières, les inondations, les crues, etc. Je voudrais vous entendre là-dessus, parce que c'est quelque chose d'intéressant, mais je voudrais avoir votre point de vue.

M. Raîche (Jean-Paul) : Je vais être assez direct. Il faut intervenir le moins possible dans un cours d'eau, parce que, quand qu'on intervient dans un cours d'eau, on crée des problèmes en aval. C'est assez régulier et c'est ce qui amène, d'ailleurs, des problèmes d'inondation, etc. Quand je dis qu'on doit intervenir le moins possible, ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas intervenir.

M. Bolduc : O.K. Moi, j'ai bien entendu.

M. Raîche (Jean-Paul) : Par exemple, enlever des arbres dans un cours d'eau, je pense que ça, c'est tout à fait normal. Mais le danger actuellement, c'est qu'on veut... on drague, hein? C'est devenu la mode. On va draguer les lacs. On a dragué les trois lacs près d'Asbestos. On veut draguer le lac Waterloo. On veut draguer, mais, en draguant, on cause plus de problèmes que d'autre chose. Donc, ma réponse est assez claire : On doit le moins possible et même on doit... on devrait normalement... On a un concept qui s'appelle l'espace de liberté des cours d'eau, et malheureusement c'est peu connu au Québec. Actuellement, il y a un projet avec la Sécurité civile sur quatre bassins versants, dont, entre autres... on a réussi à convaincre les gens de la rivière Coaticook de... puis embarquer dans le projet pour justement voir comment on pourrait appliquer ce concept d'espace de liberté d'un cours d'eau de façon à permettre à un cours d'eau de prendre l'espace qu'il doit avoir pour éviter ces problèmes-là.

M. Bolduc : O.K. Merci. Une autre question à ce chapitre-là.

Le Président (M. Reid) : 40 secondes.

M. Bolduc : 30 secondes? Mais mon Dieu seigneur! On m'enlève tout mon fun.

Le Président (M. Reid) : C'est plus un commentaire qu'un...

M. Raîche (Jean-Paul) : Nous, on est disponibles, hein? Nous, on est disponibles, M. le Président.

M. Bolduc : Non, mais une autre des questions, l'orientation 7 : Exempter la tarification des projets qui font l'objet de délégation de mandat gouvernemental ou caractère d'utilité publique. Donc, vous nous dites d'exempter les tarifications. Il y a des groupes qui nous ont dit exactement le contraire. Pouvez-vous me donner les arguments pour supporter cet élément-là?

Mme Leclerc (Marie-Claude) : C'est pour le bien commun.

M. Bolduc : Pour le bien commun. O.K.

Le Président (M. Reid) : Ça, c'est le genre de réponse qui va bien avec le temps qui nous restait.

M. Bolduc : Merci.

Mme Leclerc (Marie-Claude) : C'est ce que j'avais compris.

Le Président (M. Reid) : On demande au président parfois : Pourquoi est-ce qu'on s'occupe toujours du temps? En fait, c'est pour préserver le temps des différents intervenants. Alors, nous passons maintenant justement aux membres de la commission du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci, M. le Président. M. Raîche, Mme Leclerc, c'est un véritable cri du coeur que vous venez nous lancer cet après-midi autour de cette table, vous agitez un drapeau de manière assez élégante devant le ministre en disant : Nous sommes là, nous existons et nous voulons être utilisés à bon escient pour la suite des choses et pour l'avenir. Vous dites dans votre mémoire...

Une voix : ...

M. Traversy : Non, je suis très symbolique, mais ce que je vois, c'est tout ce volontarisme derrière votre vigueur à vouloir être partie prenante des solutions qui seront sur la table au cours des prochaines semaines en cette Assemblée.

Vous le dites de façon encore plus colorée à l'intérieur de votre mémoire en disant : «Les organismes de bassins versants devraient être considérés comme des alliés...» Est-ce qu'on comprend par ce genre d'affirmation que, oui, vous gagneriez à être plus utilisés mais que vous l'êtes peut-être un peu moindrement... comment je pourrais dire, vous êtes moindrement appelés à être participatifs depuis quelques années et là vous sentez que c'est le temps de tirer votre épingle du jeu et d'aller faire votre place sous le soleil dans le cadre, là, des discussions qui touchent le livre vert? Expliquez-moi d'où vient, là, ce cri du coeur que vous nous faites, là.

M. Raîche (Jean-Paul) : Bien, il y a plusieurs raisons. La première raison, d'abord, c'est que les organismes de bassin versant étaient, pour la plupart, très jeunes, et là ils ont tous leur plan directeur de l'eau. Certains attendent encore qu'il soit accepté par le ministre, là, mais cependant on a déjà en main plus d'informations et de connaissances qu'avant. Ça fait que déjà c'est un élément important. Puis on a un personnel peut-être plus aguerri aussi et un personnel plus stable. Lorsqu'on a augmenté le financement des OBV, ça a permis une certaine stabilité. Alors, ça va me permettre de faire une remarque en disant que, si on l'augmente davantage encore, on aura plus de moyens pour faire le travail que nous aimerions faire.

Mais nous sommes dans un contexte beaucoup plus positif, donc ça justifie un peu. Puis, en même temps, je dirais qu'on a confiance de plus en plus... le ROBVQ a confiance de plus en plus au personnel de ses OBV en disant qu'on n'est pas inquiets qu'ils puissent livrer la marchandise beaucoup plus parce qu'ils ont une information, ils ont une connaissance, ils ont ce qu'il faut. Alors, il y a un contexte plus particulier actuellement pour avoir ce cri du coeur.

M. Traversy : Donc, vous avez mûri avec les années, vous avez grandi, vous avez maintenant l'expérience, la sagesse et vous êtes maintenant mûrs pour des nouvelles responsabilités, des nouveaux défis et vous avez une expertise, là, qui est propre à votre mission, qui pourrait être très pertinente dans le cadre, là, donc, des discussions que nous avons sur le livre vert. C'est donc bien enregistré. Vous êtes même rendus tellement grands que j'ai compris qu'au début de votre intervention... vous seriez même prêts à avoir un projet de loi plus spécifique sur les bassins versants un jour. C'est ce que j'ai compris?

M. Raîche (Jean-Paul) : Oui. Bien, d'abord, sur les milieux humides.

M. Traversy : Sur les milieux humides. D'accord.

M. Raîche (Jean-Paul) : Sur les milieux humides. Ça, c'est surtout celui-là qu'on attend, parce que vous savez que, la dernière fois que je suis venu en commission parlementaire, j'ai mis tout mon poids pour qu'on raccourcisse d'une année, qu'on ne reporte pas de trois ans, mais seulement que de deux ans, et je pense que...

M. Heurtel : Vous avez été entendus.

M. Raîche (Jean-Paul) : On a été entendus, puis je vous remercie beaucoup, d'ailleurs. Mais on y a mis du poids. Non, mais, effectivement, on est dans un contexte différent. Peut-être qu'un jour on arrivera à une loi pour la gestion par bassin versant, mais on n'en est pas encore là, mais cependant je rajouterais qu'il y a toute l'analyse... La Politique nationale de l'eau est en révision, et ça va revenir sur la table prochainement, et c'est dans ce cadre-là que nous aurons beaucoup de choses à dire sur ce qui sera déposé par le gouvernement concernant la stratégie de gestion de l'eau, qui devrait venir l'an prochain.

Mme Leclerc (Marie-Claude) : C'est aussi, si vous permettez, pour répondre à la demande du gouvernement, qui dit qu'il ne veut pas alourdir, qu'il ne veut pas ajouter des structures, ils veulent le faire avec les organisations qui sont en place, ils veulent avoir plus d'actions puis moins de papier. Donc, je pense qu'en utilisant des structures qui existent déjà, qui sont déjà bien ancrées dans leur milieu, qui connaissent extrêmement bien les acteurs, ils possèdent les données... Donc, pourquoi ne pas faire en sorte de les mettre en collaboration puis de mettre ces organisations-là, les organismes de bassin versant, au service des autres fonctions? Donc, cet exemple-là, comme l'exemple des milieux humides, tout à l'heure, demandé par le ministre Heurtel, ça fait juste ajouter de la cohérence à l'ensemble.

Donc, quand on fait de la gestion intégrée par bassin versant, l'objectif, c'est d'être intégré. Il faudrait maintenant passer de la théorie, qui est magnifique, à la pratique concrète, réelle, puis c'est en faisant les maillages qu'on va pouvoir y arriver.

M. Raîche (Jean-Paul) : Je rajouterais, si vous me permettez, M. Tourigny, qu'il y a un contexte aussi assez particulier, c'est qu'il y a maintenant une meilleure compréhension du rôle des OBV par les différents acteurs. Vous savez, au début, il y avait des réticences, les secteurs municipal, agriculteur, forestier, ils se demandaient qui on était puis s'il y avait comme un certain danger de notre existence. C'est fini, ce temps-là. Et donc il y a une plus grande collaboration à l'intérieur des différents bassins versants avec les acteurs du territoire, et ça, c'est déjà très positif.

M. Traversy : Alors, j'entends que vous avez mis tout votre poids pour faire entendre vos messages. J'ai cru comprendre que ça avait été entendu. Si jamais il vous manque 140 livres, là, pour y parvenir, vous viendrez me voir, ça va me faire plaisir d'essayer de voir ce que je peux faire pour vous aider. Et, à cet égard, donc, vous me dites que maintenant les organismes de bassin versant sont incontournables. Vous pensez avoir, donc, toute l'expertise; ça, il n'y a aucun doute.

Au niveau du financement des organismes de bassin versant, je n'ai pas toutes les statistiques de mémoire, mais est-ce que vous êtes solidement outillés, là, pour être capables de répondre à des nouveaux défis ou ce serait également une considération à prendre pour mieux vous supporter? Je vous permets de nous dire votre opinion.

• (15 h 20) •

M. Raîche (Jean-Paul) : C'est une considération à prendre, mais je dirais qu'il y a deux niveaux au niveau des organismes de bassin versant si on regarde leur budget : il y a une dimension qui est financée par le ministère, autour de 120 000 $, pour la mission des OBV, là, PDE, etc., promotion, et tout cela, mais il y a aussi une bonne partie du financement des OBV qui vient des différents organismes qui financent pour des actions concrètes sur le territoire. Alors, il y a une dynamique à ce niveau-là. Mais, pour remplir cette mission globale au niveau du PDE, promotion, etc., j'avoue que je suis heureux de voir à quel point il se fait du bénévolat pour le moment, et ça fonctionne, mais c'est insuffisant. Ça, on le reconnaît. Mais ça, en même temps, je suis prêt à le reconnaître, le ministère lui-même le reconnaît, que le financement des OBV... on a entendu régulièrement que le financement des OBV devrait être amélioré, les acteurs aussi. Donc, je dirais que c'est un élément reconnu, là, en général, même par les gens du ministère.

Mme Leclerc (Marie-Claude) : Peut-être en profiter pour souligner que le financement même du ministère est complètement inapproprié et ne correspond pas non plus à sa mission. Donc, j'en profite, les micros sont ouverts. Donc, je pense qu'il y a aussi là une raison. Tout à l'heure, on parlait d'avoir des ressources sur le terrain, de faire des suivis entre les certificats d'autorisation. C'est beau d'avoir un processus extrêmement rigoureux quand c'est le temps de donner les certificats, mais, une fois que ça se passe sur le terrain, il faut aussi s'assurer que ce qui se passe sur le terrain correspond à ce qui avait été entendu. Ça prend des ressources humaines pour le faire. Et présentement les ressources du ministère sont vraiment inadéquates. Puis, en ce qui concerne les organismes de bassin versant, comme disait Jean-Paul, la moyenne est de 120 000 $ au fonctionnement, qui vient du gouvernement du Québec, et la moyenne avec tout le financement confondu arrive à 225 000 $ par organisme de bassin versant.

M. Traversy : Mais vous avez raison de souligner cet aspect-là. Vous n'êtes pas le premier groupe dire à quel point...

Mme Leclerc (Marie-Claude) : J'imagine.

M. Traversy : ...le budget du ministre de l'Environnement est à réfléchir pour la suite. Je sais qu'il est, lui-même personnellement, là, très attentif à ce genre de débat. Et, s'il est heureux de voir que tout le monde le supporte, je ne sais pas ce que le président du Conseil du trésor en pensera, mais c'est effectivement évident. Tout à l'heure — M. Bourque a quitté — mais on nous disait que 2 % du PIB de la Hollande servait ne serait-ce qu'à améliorer les digues autour du pays. Mais on ne vous dira pas quel est le pourcentage du budget de l'Environnement pour le Québec.

Mme Leclerc (Marie-Claude) : 0,02 %

M. Raîche (Jean-Paul) : 0,02 %. Oui, c'est ça.

M. Traversy : Donc, ça donne le côté un peu, bon, disproportionné.

Alors, juste pour faire du pouce sur ce que vous disiez, j'aimerais vous demander plus de précisions sur une proposition que vous nous faites. Vous dites que vous devez effectuer un suivi rigoureux de tous les projets ayant obtenu un certificat d'autorisation ou produit une déclaration et accroître considérablement les sanctions pénales et administratives dans les cas de manquement. Pouvez-vous juste nous préciser un peu qu'est-ce que vous voulez cibler par une telle mesure?

Le Président (M. Reid) : En 40 secondes.

Mme Leclerc (Marie-Claude) : Les différences entre le certificat d'autorisation et la pratique. Donc, on a entendu beaucoup d'histoires d'horreur entre ce sur quoi les gens s'étaient entendus et ce qui se passe sur le terrain. On veut s'assurer que, quand un certificat d'autorisation a été délivré en fonction de conditions, les conditions sont respectées et que le travail a une durée dans le temps qui soit adéquate pour préserver l'environnement.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition, et je donne la parole à M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, Mme Leclerc, M. Raîche. En fait, vous savez, nous, dans notre région, des Moulins, dont je suis député, et le député de Terrebonne aussi, on est chanceux, on a l'organisme COBAMIL qui sont là et puis on a eu la chance... bien, moi, personnellement, de rencontrer l'organisme pour pouvoir parler justement, parce qu'on est les derniers, nous, dans la rivière des Mille Îles, donc, on reçoit toute l'affluence des autres, la densité urbaine, là, de la couronne nord de Montréal. Donc, c'est un dossier, là, qui me tient beaucoup à coeur et puis que je contribue avec le COBAMIL, justement, parce que ça m'intéresse, toute cette démarche.

Vous savez, si j'ai une question à vous poser, dans le fond, on peut aller à la page 17 de votre mémoire. Vous parlez... ça fait peut-être un peu de pouce de ce qui vient d'être dit précédemment, mais on parle de sanctions pénales qui sont prévues, administrées, tu sais, on se demande, au niveau de la rigueur, s'il y a des laisser-aller, tu sais, en fonction, là, justement, là, des ressources humaines et matérielles qu'il y a au ministère, considérant le peu de budget qu'ils ont. La question qui se pose, c'est : Selon vous, là, les sanctions, là, est-ce que c'est parce qu'elles ne seraient pas élevées, peut-être? Est-ce que les sanctions qui sont prévues présentement ne sont pas assez dissuasives? On n'a qu'à penser seulement au cas qui nous est arrivé hier avec l'entreprise TransCanada et Cacouna, les études sismiques qu'ils auraient faites et puis que le ministère a pris position là-dessus, peut-être. On peut parler de sanctions pénales, en somme.

M. Raîche (Jean-Paul) : Oui. Vous savez, c'est une question qui exigerait de se prononcer sur l'ensemble des sanctions par rapport à différents éléments. Je serais obligé de dire que, globalement, souvent, les sanctions pénales, quand ça concerne l'environnement, elles sont presque toujours trop faibles, et puis, dans certains cas, il n'y en a pas.

Vous savez, par exemple, je vais prendre un exemple, dans bien des cas, il n'y a pas eu de demande de certificat d'autorisation par rapport aux milieux humides, surtout en secteur agricole et forestier. Il n'y en a pas, de demande de certificat, même s'il devrait y en avoir. Donc là, on n'est même pas aux sanctions pénales, mais il devrait y avoir de sanctions pénales pour ceux qui agissent sans faire même la demande du certificat d'autorisation. C'est un peu aberrant. Puis ça, si vous lisez le rapport Pellerin, vous allez voir, c'est à une proportion énorme, je ne me souviens plus du chiffre, 85 % ou quelque chose de semblable. Alors, vous voyez, donc, dans l'ensemble, on considère qu'il devrait... Puis, en même temps, ça permettrait — les sanctions pénales, elles sont versées au Fonds vert la plupart du temps — ça permettrait effectivement d'avoir des moyens. Parce qu'on parlait d'internalisation des coûts. Il y a plusieurs façons. On internalise les coûts évidemment au moment de la délivrance d'un certificat, mais il devrait y avoir aussi la possibilité d'aller chercher des coûts par rapport aux sanctions pénales, ça, pour dissuader puis d'en mettre là où il n'y en a pas puis il devrait y en avoir.

Alors, là-dessus, je suis obligé d'être général, à moins de les étudier cas par cas, mais je vous avoue qu'on offre une possibilité bien plus d'être délinquant.

M. Lemay : Mais ça vient marquer aussi votre propos que vous avez tenu dans votre présentation tout à l'heure que, tu sais, la gestion de l'image de la LQE, là, tu sais, qui devrait... vous l'avez mentionné, qui devrait être un régime plus de protection de l'environnement versus un régime d'autorisation qui permet en... vous avez mentionné vous-même, de mettre déjà dans la tête du promoteur qu'il doit agir en fonction de la protection de l'environnement. Donc, je pense que, si on va dans ce sens-là, ça pourrait aider grandement, ne serait-ce que par l'appellation du régime, à contribuer à faire effectivement une protection de l'environnement.

Mme Leclerc (Marie-Claude) : Oui, tout à fait, parce que, présentement, la façon que le régime est monté, c'est comme si c'était un régime d'autorisation à avoir un impact sur l'environnement, comme si on payait pour avoir le droit de détruire, alors qu'en réalité c'est un régime d'autorisation pour faire des projets. Donc, c'est très... en tout cas, selon moi, c'est différent.

Donc, le rapport au régime de protection de l'environnement, ça appelle à autre chose. On comprend qu'on a l'environnement, on a les projets, les deux peuvent cohabiter, mais un n'est pas au détriment de l'autre.

M. Raîche (Jean-Paul) : Je rajouterais, si vous le permettez... On l'a mentionné, mais, quand on regarde le début du livre vert, moi, j'ai été un petit peu bousculé quand j'ai vu qu'un des objectifs, c'est qu'il y ait moins de certificats d'autorisation parce que ça coûte cher. Puis, vous avez vu, dans notre mémoire, on cite ce qu'il y a de publié dans La Presse dernièrement par rapport au milieu fédéral, le fameux professeur qui dit : Attention, on dit que c'est pour telle chose, mais ce n'est pas pour ça, c'est pour autre chose. Au moins, s'il le disait clairement, que c'était d'abord pour réduire, là... mais, quand même, c'est quand même inquiétant de voir que ce n'est pas ça, l'objectif. L'objectif, c'est de protéger l'environnement et, comme on l'a dit, intégrer les changements climatiques, puis intégrer les principes de développement durable. On est convaincus, nous, que ça ne permettrait pas, disons, d'être...

Mme Leclerc (Marie-Claude) : D'alléger.

M. Raîche (Jean-Paul) : ...d'alléger. Je pense qu'au contraire ça risque... dans l'analyse, dans le suivi, et tout ça, ça risque d'alourdir le processus, et donc ça va être plus dispendieux comme tel, à moins que les gens du ministère aient des bonnes réponses à me donner à ce niveau-là. Puis même, quand j'écoutais M. Bourque tout à l'heure... je pense qu'il a la même position à ce niveau-là, que c'est...

• (15 h 30) •

M. Lemay : Mais on parle justement d'alléger les processus, parce qu'on ne veut certainement pas l'alourdir, là. Je suis bien d'accord qu'on peut peut-être même avoir plus de certificats d'autorisation éventuellement, tout dépendant, là, de la direction qu'on prend, mais ça m'amène... vous avez mentionné tout à l'heure l'instauration d'un guichet unique. D'autres groupes ont parlé de guichet unique. Vous, vous le voyez comment, votre guichet unique? Je pense qu'il nous reste peu de temps.

Le Président (M. Reid) : En quelques secondes.

Mme Leclerc (Marie-Claude) : O.K. L'utilisation de la même documentation puis le respect des compétences de chacun, donc que le ministère et les municipalités, MRC décident, déterminent quelle est la documentation qu'ils nécessitent pour faire l'analyse des dossiers, qu'ils la fassent parallèlement et que la délivrance du permis se fasse au même moment pour ne pas avoir des problèmes de... puis pour que ce soit beaucoup plus simple pour les promoteurs de façon à ce qu'ils ne délivrent pas des documents différents d'un côté ou de l'autre. Donc, un processus avec un guichet unique, mais respect des compétences de chacun.

Le Président (M. Reid) : Mme Leclerc, M. Raîche, merci beaucoup de votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux pour quelques instants, le temps de permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

(Reprise à 15 h 34)

Le Président (M. Reid) : Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités de l'Association minière du Québec. Alors, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement, de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne. À vous la parole.

Association minière du Québec (AMQ)

Mme Méthot (Josée) : Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Josée Méthot, présidente-directrice générale de l'Association minière du Québec, et je suis accompagnée de Mme Nathalie Tremblay, qui est directrice Environnement et développement durable à l'association. Je suis heureuse de prendre la parole devant vous aujourd'hui au nom de l'Association minière du Québec, qui a pour mission de promouvoir, soutenir et développer de façon proactive une industrie minérale québécoise responsable, engagée et innovante.

De façon générale, l'AMQ accueille favorablement la modernisation du régime d'autorisation environnementale mais conserve tout de même des réserves sur les orientations et propositions contenues dans le livre vert. Au fil des ans, l'industrie minière a sans cesse évolué afin de répondre aux nouvelles réalités particulièrement en ce qui concerne le respect de l'environnement et du milieu d'implantation. Soucieuse d'obtenir l'acceptabilité sociale de ses projets, l'industrie minière est consciente de l'importance du dialogue avec la population et les parties prenantes.

D'entrée de jeu, l'Association minière tient à rappeler que le régime minier québécois a fait l'objet d'une révision en profondeur en 2013 à la suite de débats publics et de trois commissions parlementaires. L'AMQ a qualifié les changements législatifs entrés en vigueur en décembre 2013 de compromis acceptables. Et, parmi les modifications aux façons de faire, mentionnons le seuil d'assujettissement à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, qui a été revu à la baisse : de 7 000 tonnes métriques par jour à 2 000 tonnes métriques par jour.

L'Association minière est d'avis que les objectifs de la modernisation présentés dans le livre vert permettront effectivement d'instaurer un régime d'autorisation moderne, clair et optimisé tout en maintenant les plus hautes exigences en matière de protection de l'environnement. Toutefois, certaines propositions contenues dans le document, dans le livre vert, auront pour effet d'alourdir et d'augmenter les délais de traitement pour les initiateurs de projet minier et, selon nous, iraient à l'encontre de ce que souhaite faire le gouvernement par ce processus de modernisation. Si le gouvernement souhaite réellement simplifier les façons de faire, l'AMQ est quand même surprise de l'absence, dans le livre vert, de mesures qui auraient permis d'enrayer les dédoublements actuels avec le processus d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux du gouvernement fédéral. C'est pourquoi l'AMQ propose dans son mémoire une huitième orientation au livre vert, soit la substitution et l'harmonisation du processus d'évaluation environnementale du Québec avec celui du fédéral.

Permettez-moi maintenant d'aborder les différentes orientations présentées dans le livre vert. Tout d'abord, l'AMQ n'est pas d'avis qu'il faille inclure la lutte contre les changements climatiques dans le processus d'autorisation, puisque le ministre a actuellement le pouvoir d'exiger que les projets miniers soient conçus de façon à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Des exigences en ce sens sont souvent incluses dans les certificats d'autorisation et attestations d'assainissement, en plus qu'un bon nombre de nos membres sont assujettis au système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de GES.

En matière de développement durable, l'AMQ est d'avis que la modernisation du régime d'autorisation doit permettre un meilleur équilibre entre les dimensions environnementale, sociale et économique du développement durable. L'industrie minière souhaite favoriser l'intégration d'une culture de développement durable, et, à cet effet, l'association a pris l'engagement, en juin 2014, de prendre en charge, au Québec, l'initiative Vers le développement minier durable et d'imposer sa mise en place pour l'ensemble de ses membres oeuvrant au Québec.

En ce qui concerne les évaluations environnementales stratégiques, l'AMQ est d'avis qu'elles devraient servir à identifier comment développer une filière ou une industrie. Elles ne devraient pas servir à déterminer si, oui ou non, on doit aller de l'avant. L'AMQ est très inquiète de lire dans le livre vert que le secteur minier est cité comme secteur à privilégier pour les évaluations environnementales stratégiques et évidemment s'oppose à ce que ce secteur en fasse l'objet, puisque l'industrie minière a déjà fait l'objet de débat et d'une révision en profondeur de la Loi sur les mines et de la Loi sur l'impôt minier, sans oublier l'enquête sur la filière uranifère. Alors, recommencer, pour nous, ça serait de replonger le Québec dans l'incertitude.

Le plus grand point d'achoppement, pour l'AMQ, dans le livre vert concerne l'orientation 3. Compte tenu du niveau de risque réel d'un projet minier et que le débat entourant l'assujettissement de ceux-ci à la PEEIE a déjà été mené dans le cadre du processus de modernisation de la Loi sur les mines en 2013, l'AMQ souhaite affirmer d'emblée qu'elle juge inopportun de classer l'activité minière dans la catégorie des activités à risque élevé. En effet, il a été convenu, à la suite de discussions notamment en commission parlementaire, quels projets miniers devaient être assujettis à la PEEIE. Pour les autres projets miniers, soit ceux sous le seuil de 2 000 tonnes métriques par jour, on doit obtenir des certificats d'autorisation en vertu de l'article 22 de la LQE, et une consultation doit être menée par le promoteur selon les règles qui sont en processus de définition par le MERN. L'assujettissement à la PEEIE n'a pas été déterminé en fonction du niveau de risque des projets miniers, mais pour une foule de considérations auxquelles l'industrie minière a adhéré.

• (15 h 40) •

Le classement proposé à l'annexe 5 du livre vert laisse croire que tous les projets miniers représentent un risque élevé, alors que la réalité est tout autre. L'association propose donc que soit retirées de la catégorie «risque élevé» les mentions du secteur minier, puisque le processus est déjà établi en fonction de l'ampleur de production quotidienne de la substance extraite, et que soit créée une nouvelle catégorie spécifique au secteur minier ou encore qu'ils soient renommés «projets assujettis d'emblée à la PEEIE».

Maintenant, au sujet du BAPE. Sans le remettre en cause, l'AMQ est d'avis que, pour éviter toute suspicion sur l'impartialité de ses membres, le processus de sélection doit être mieux défini et mieux encadré et que soit mis sur pied un comité de sélection regroupant des individus provenant de divers secteurs représentatifs des différents aspects du développement durable. Des spécialistes de l'environnement, de l'acceptabilité sociale et du développement économique pourraient faire des propositions au gouvernement, qui procédera ensuite à la nomination des membres du BAPE.

Autre point maintenant, les projets miniers requièrent plusieurs autorisations — puis je dis «plusieurs», puis on sait que le chiffre est très élevé — en plus d'être assujettis aux attestations d'assainissement en milieu industriel. C'est pourquoi l'Association minière est en accord avec la proposition du ministère d'instaurer un seul type d'autorisation et que celle-ci soit évolutive. Le fait de déposer une seule demande pour la construction et l'exploitation d'un site minier viendra grandement faciliter les demandes du promoteur et assurer une cohérence dans le traitement et dans l'application. Toutefois, l'AMQ est préoccupée par les délais que nécessitera l'analyse de cette demande unique et espère qu'il n'y aura pas de délai supplémentaire pouvant retarder le début de la construction des installations.

En ce qui concerne les responsabilités du ministère et celles des initiateurs de projet, selon l'AMQ, les problématiques soulevées dans le livre vert découlent davantage d'un manque de communication entre l'initiateur de projet et le ministère. L'AMQ déplore également que le livre vert fasse porter aux initiateurs de projet l'odieux des délais dans le traitement des dossiers. Afin de s'assurer que la demande est recevable et que les exigences soient connues et bien répondues, l'Association minière suggère la mise en place d'un guichet unique pour le traitement et les autorisations de projet. Pour le cas du secteur minier, un chargé de projet du ministère et un du MERN pourraient aussi agir ensemble comme accompagnateurs de l'initiateur de projet afin de l'aider à fournir une étude complète et recevable. De plus, l'AMQ est d'avis que la tenue de rencontres de démarrage faciliterait grandement toute la démarche.

En ce qui concerne la tarification...

Une voix : ...

Mme Méthot (Josée) : ... — merci — l'AMQ n'est pas d'avis que l'ensemble des dépenses engagées par l'analyse des demandes soient assumées par les promoteurs et considère qu'un partage à 50 % serait acceptable et équitable. Le ministère doit aussi avoir un incitatif à optimiser ses processus et à améliorer sa productivité.

En conclusion, l'Association minière du Québec est d'avis que la modernisation du régime d'autorisation environnementale est un effort louable afin de doter le Québec d'un régime plus clair, plus prévisible et plus efficace. Il s'agit d'un chantier excessivement important pour le développement économique du Québec et sa compétitivité à l'échelle mondiale. Les sociétés minières souhaitent continuer à contribuer à la prospérité socioéconomique du Québec, les orientations proposées vont justement dans ce sens. Il est donc très important que ce processus culmine vers un régime d'autorisation qui soit mieux adapté à la réalité d'aujourd'hui, à la réalité de l'industrie minière et qu'il permette un développement minier harmonieux pour les communautés et dans le respect de l'environnement.

Le Président (M. Reid) : Merci pour votre présentation. Nous allons passer maintenant à la période d'échange, alors je donne la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci beaucoup pour votre présentation ainsi que votre mémoire. J'ai eu le plaisir récemment, avec mon collègue député d'Abitibi-Est, de faire une tournée justement dans le cadre d'une tournée régionale que je fais présentement à propos du livre vert, bien, d'échanger avec beaucoup d'acteurs du domaine minier en Abitibi et je sens qu'il y a véritablement une volonté, là, de travailler avec le ministère et de faire des avancées puis il y a une plus grande conscientisation de ce milieu-là de l'importance de travailler en concertation avec le ministère puis les acteurs environnementaux.

Sur votre position sur l'intégration de la lutte contre les changements climatiques, je dois vous dire, dans ce qui est proposé, si on intégrait davantage la question des changements climatiques en amont d'un développement de projet ou dans la phase d'évaluation de projet, nous, on pense que non seulement ça serait bénéfique pour simplement pouvoir évaluer plus rapidement les impacts au niveau des changements climatiques d'un projet, mais également ça contribuerait peut-être à alléger tout le processus d'autorisation parce que ça éviterait justement le va-et-vient continuel puis de seulement arriver en fin de piste puis attendre des rapports, des études, des analyses. Plus tôt on commence, plus tôt on soulève les questions, peut-être même ça nous permettrait d'avoir une conversation plus tôt et justement de pouvoir échanger davantage plus tôt. Alors, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous semblez vous opposer à l'intégration, le plus en amont possible, de la question des changements climatiques, parce que, dans le fond, ça permettrait d'identifier les enjeux plus tôt puis ça permettrait peut-être, justement, de trouver des solutions également plus tôt dans le processus d'autorisation.

Mme Méthot (Josée) : Merci. En effet, on a bien expliqué dans notre mémoire que notre raison de s'opposer, c'est qu'on croit que c'est déjà tout encadré. Évidemment, on le sait, qu'il y a le système de plafonnement et d'échange, on est assujettis à la réglementation. Alors, si, dans notre processus, comme on a proposé tantôt, du guichet unique, quand on arrive avec un avis de projet, on a des gens de différents ministères qui sont là puis qu'on ait des discussions en amont... puis, comme vous l'avez bien, bien compris, puis on est très heureux de ça, on veut travailler en collaboration, on pense que... Moi, j'ai toujours, de toute façon, pensé que plus de têtes valent mieux qu'une, donc, il vaut mieux travailler ensemble en amont et de bien identifier les problématiques. Je pense que le fait de l'exclure, de ne pas l'inclure, n'empêche pas cette discussion-là, n'empêche pas d'en tenir compte, et, je pense, de toute façon, l'industrie minière, étant très consciente de son industrie, consciente de la Loi sur la qualité de l'environnement, de ses obligations, travaille déjà pour trouver des solutions à réduire ses impacts et à réduire les gaz à effet de serre.

Donc, ce qu'on dit, c'est que c'est déjà encadré. Si vous voulez qu'on les encadre différemment, soit, mais à ce moment-là ne pas faire les choses en double, et c'est ça qui nous préoccupe. Si, en plus de ça, on a tout le restant des obligations, là on croit vraiment qu'il y aura augmentation des délais et évidemment augmentation du fardeau administratif de part et d'autre. Et c'est pour ça qu'on a dit : Il y a déjà un encadrement de fait.

Je ne sais pas si ma collègue voudrait ajouter quelque chose là-dessus.

Mme Tremblay (Nathalie) : Bien, en fait, le point que je pourrais rajouter, c'est qu'il ne faut pas oublier qu'au niveau des projets miniers il y a déjà une réflexion qui se fait avant même qu'il y ait dépôt de l'avis de projet, c'est-à-dire que plusieurs projets se posent la question : Est-ce que je peux fonctionner à l'électricité, est-ce que je peux utiliser le gaz naturel, l'éolienne pour, justement, réduire les émissions de gaz à effet de serre? Donc, quand le promoteur dépose le projet, il a déjà eu cette réflexion-là. Donc, peut-être que le ministère n'a pas toutes ces informations-là, mais il y a déjà quelque chose qui se fait.

Maintenant, ce qu'on parle dans le livre vert aussi, c'est de mettre des mesures supplémentaires dans les autorisations. C'est-à-dire qu'après que le promoteur ait fait cette réflexion-là, qu'il ait déposé son projet avec les meilleures options possible pour justement réduire ses gaz à effet de serre, le ministère, ce qu'il dit, lui, c'est : Est-ce qu'on devrait mettre des mesures supplémentaires dans les autorisations? Nous, ce qu'on dit, c'est que, par la suite, il y a déjà des règlements, il y a déjà des cibles de réduction, il y a déjà des attestations d'assainissement qui comportent des exigences à respecter et des mesures supplémentaires, des plans d'action. Donc, nous, on ne voyait pas nécessaire qu'il y ait des exigences supplémentaires de mises dans les autorisations. Ça fait que c'est dans cette optique-là qu'on a formulé notre réponse.

• (15 h 50) •

M. Heurtel : O.K. Par rapport au gouvernement fédéral — j'aurais besoin de plus de précisions — vous parlez à la fois de substitution et d'harmonisation. Harmonisation, ça, on peut certainement explorer ça, parce que des fois il y a clairement dédoublement, mais en même temps il faut bien comprendre que le Québec a ses compétences en matière environnementale et a l'intention de les exercer pleinement. Alors, je vois difficilement comment le Québec peut céder le pas au régime fédéral. Oui, on peut travailler avec le gouvernement fédéral puis on essaie de le faire dans d'autres cas pour s'assurer que les préoccupations du gouvernement du Québec puis les compétences du gouvernement du Québec soient pleinement exercées, mais, quand vous dites «substitution», là j'ai un problème à vous suivre, là.

Mme Méthot (Josée) : Je vais donner un élément de réponse, et ensuite ma collègue, qui a vraiment analysé la question, pourra aller plus dans le détail.

D'abord, on n'est pas en train de dire qu'on ne devrait pas faire les études d'impact au Québec puis que ça soit juste au fédéral qu'on les fait, là, on pense qu'effectivement on connaît la juridiction du Québec par rapport à l'environnement. Donc, on n'est pas en train de dire qu'il faudrait faire ça. Dans le cadre de substitution, là, au contraire, on aimerait mieux que vous faites reconnaître ce que vous faites au fédéral pour qu'on ne soit pas obligés de le refaire. Il y a ce volet-là.

Maintenant, en matière de processus, je pense que, Nathalie, tu peux expliquer davantage.

Mme Tremblay (Nathalie) : Oui. En fait, lorsqu'on parle de substitution dans notre mémoire, en fait, on fait référence à l'article 32 de la loi canadienne, qui dit que, finalement, sur demande du gouvernement de la province faite au fédéral, il peut y avoir substitution. À moins que je me trompe, à ce moment-là c'est le fédéral qui donne pleins pouvoirs au provincial pour dire : Procède avec l'évaluation environnementale. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on dit : Effectivement, dans un premier temps, si on pouvait substituer certains projets, pour nous, ça serait une simplification, parce qu'effectivement il y a des dédoublements, les étapes ne sont pas les mêmes, souvent les exigences qui sont demandées dans les études ne sont pas les mêmes. Nous déposons une étude ou une modélisation au provincial; bien, pour le fédéral, on exige d'autres choses. Donc, c'est souvent du dédoublement et des délais considérables.

Donc, ce qu'on propose, c'est que, oui, en fonction de l'article 32, si on pouvait substituer, tant mieux; sinon, pour les cas où il n'est pas possible, harmoniser, ça serait aussi une autre option. Malgré l'entente qui existe actuellement entre le Québec et le Canada, de ce qu'on a vu jusqu'à maintenant au niveau de l'analyse de projets miniers, il y a eu très peu d'harmonisation dans les processus.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : M. le député d'Abitibi-Est.

Mme Méthot (Josée) : Quand on parle de processus, on parle des étapes.

Le Président (M. Reid) : Pardon?

Mme Méthot (Josée) : Excusez. Quand on parle de processus, on parle des étapes à suivre dans le développement du projet. Voilà.

Le Président (M. Reid) : Oui. D'accord. Alors, M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Bonjour, mesdames. Moi, je voudrais qu'on revienne peut-être un peu sur le principe du guichet unique, surtout sur... Vous avez mentionné : Un projet, avant d'être déposé, a déjà, dans le fond, eu une réflexion qui s'est faite sur comment on va le présenter, avec quelles alternatives. Le fait de fournir cette information-là au préalable au ministère, je pense, ce serait approprié, mais en même temps ce que je comprends, c'est que vous souhaiteriez avoir au départ un questionnement plus clair dès le départ pour éviter les échanges en cours de processus pour vous permettre, dans le fond... ou à la compagnie qui fait un dépôt, de présenter ses solutions en lien avec la demande et peut-être raccourcir le délai dans l'échange d'information qui... En tout cas, une des doléances qu'on a entendues, c'était que les délais s'extensionnaient de façon récurrente sur des ajouts qui étaient amenés et plutôt qu'on définisse peut-être le délai dans un premier temps et qu'on dise aux acteurs : Vous devez faire la période d'échange pendant cette période-là.

Est-ce que c'est un peu dans cette optique-là que vous souhaitez avoir un guichet unique qui éviterait aussi... J'aimerais que vous me fassiez part de votre définition, vous autres, de votre guichet, là, dans cette optique-là.

Mme Méthot (Josée) : En fait, notre vision du guichet unique permettrait un meilleur partage de l'information entre les ministères concernés mais aussi permettrait d'accompagner — nous, dans le guichet unique, on utilise aussi beaucoup, beaucoup le mot «accompagnement» — accompagner l'initiateur du projet, alors, quand une société décide de faire un projet et qu'elle veut déposer sa demande de permis, qu'il y ait rencontre entre... dans le cas des sociétés minières, qu'il y ait une rencontre, qu'il y ait des gens du ministère, évidemment, de l'Énergie et des Ressources naturelles, des gens du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et des gens, évidemment, de la Division des évaluations environnementales dans un but d'aider le promoteur ou l'initiateur de projet à bien s'aligner et de bien comprendre, autant de part et d'autre, de bien comprendre qu'est-ce qu'on lui demande, qu'est-ce que ça veut dire et également, de l'autre côté, que les intervenants des ministères aient une meilleure connaissance et un meilleur partage d'information par rapport à l'industrie qui est concernée, en l'occurrence, dans notre cas, le secteur minier, l'industrie minière. Alors, oui, ce qu'on voit comme guichet unique devrait faciliter le processus par la suite si, en partant, on avait une meilleure connaissance.

Quand vous parliez tantôt qu'un initiateur de projet, une société minière décide de faire un projet... évidemment qu'elle va regarder tout le processus, qu'est-ce qu'elle a à élaborer comme étude, mais, à partir du moment qu'elle va voir le ministère : Bon, je veux avoir un permis, je veux avoir une autorisation, comment est-ce que je dois m'y prendre... Évidemment, il y a un processus pour recevoir la directive : Voici ce qui doit être inclus dans votre étude d'impact. Nous, on croit vraiment que ce processus-là devrait être mieux encadré et devrait mieux accompagner l'initiateur de projet ou la société minière afin qu'il y ait une meilleure compréhension et qu'on s'assure qu'il n'y a pas ce va-et-vient perpétuel sur des questions également, et peut-être également avoir un processus plus évolutif quant aux études à déposer, alors, qu'on n'attende pas que tout, tout, tout soit déposé pour fournir des questions ou pour faire avancer, faire, autrement dit, travailler le promoteur, et on espère qu'à ce moment-là on ne multipliera pas les échanges. On l'a dit dans notre mémoire, on aimerait bien que... par exemple, on dépose une étude hydrogéologique, bien, qu'on nous fournisse les questions sur l'étude hydrogéologique et, un coup que ces questions-là sont répondues, à moins que ça soit pour des éclaircissements, qu'on ne revienne pas avec des questions qu'on avait oubliées ou qu'on n'avait pas pensées à la première fois. Et c'est un petit peu ça qu'on entend de nos membres. Je ne sais pas si tu voudrais ajouter quelque chose.

Mme Tremblay (Nathalie) : Bien, peut-être un point important qu'on a mentionné aussi dans le mémoire, c'est que, concernant le guichet unique, c'est important de dire que ça ne concerne pas seulement l'interaction que nous avons avec le MDDELCC, c'est-à-dire que, nous, ce guichet-là, on voit aussi que le MERN ait accès, que les Affaires municipales... parce que, en fait, ce qui cause aussi des délais, c'est que le dossier se promène d'un ministère à l'autre, tout dépendant aussi de l'impact du projet. Et on peut voir aussi quelquefois... si ça touche les terres agricoles, bon, bien là c'est dans la cour des Affaires municipales. Nous, ce guichet-là, c'est vraiment un guichet pour traiter plus rapidement les demandes et à avoir vraiment un lien direct entre le ministère et le promoteur, parce que, bien souvent, les délais administratifs... hein, le fameux 30 jours que le ministère a pour répondre, en fait, il pourrait être écourté en ayant une interaction directe avec le guichet unique. Et ça va aussi dans le même sens que vous proposez dans le livre vert quand vous parlez de transparence : Est-ce qu'on pourrait rendre accessibles les documents? Ils seraient déjà là dans le guichet. Donc, effectivement, c'est une des voies qu'on privilégie.

Le Président (M. Reid) : Une demi-minute, 30 secondes, si vous avez un commentaire.

M. Bourgeois : 30 secondes. J'aimerais aussi... bien, peut-être, si vous voulez, on va parler de médiation par rapport aux petits projets. Ça, en tout cas, dans la région chez nous, ça a un impact majeur. J'aurais aimé ça vous entendre un peu là-dessus, donc, si vous avez un petit commentaire sur cet aspect-là, l'importance que ça peut avoir.

Mme Méthot (Josée) : Bien, en fait, ce qu'on se dit, c'est, quand nos projets sont assujettis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et qu'ensuite le ministre doit décider est-ce qu'on donne le mandat au BAPE ou non... ça dépend s'il y a une demande qui vient soit de l'initiateur ou des membres la population. Nous croyons que, quand qu'il y a peu de personnes qui font la demande, on pourrait profiter davantage du processus de médiation plutôt que de passer à travers tout le processus du BAPE. Maintenant...

• (16 heures) •

Le Président (M. Reid) : Merci. Je dois vous interrompre, malheureusement, le temps est terminé. On a passé un peu par-dessus. Alors, merci. Alors, nous allons passer maintenant à l'opposition officielle, et je donne la parole au député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames, d'être avec nous. Vous êtes des partenaires loyaux et fidèles à l'Assemblée nationale du Québec. Depuis plusieurs années, on a l'occasion de se rencontrer dans différents types, là, de commission. Je me rappelle qu'on avait déjà eu beaucoup de plaisir, à la Commission d'administration publique, à parler des mines. On a eu le très long projet de loi sur les mines, qui s'est fait en plusieurs temps et qui s'est terminé en décembre 2013, et aujourd'hui on est encore à discuter avec vous, cette fois-ci sur le livre vert du ministre de l'Environnement. Donc, je comprends cette émotion à chaque fois, là, qui revient lorsque vous venez autour de la table. Alors, j'espère que votre siège social est à Québec. Comme ça, c'est beaucoup plus facile.

Et je voulais donc vous parler de certaines choses pour essayer d'éclairer un peu mon esprit. Je viens d'être nommé, donc, dans le cadre du dossier de l'environnement pour l'opposition officielle. Vous parlez de vouloir tenter de simplifier davantage les rouages, d'essayer d'améliorer les traitements, c'est ce que vous discutiez avec le gouvernement, et vous parlez aussi d'harmonisation avec le fédéral. Parlez-moi donc de l'article, encore, 32. J'ai besoin que vous me donniez plus de détails, là, sur cette possibilité de se substituer ou non, d'amener, dans le fond, le Québec à prendre possession de ses responsabilités et d'essayer, dans le fond, d'éviter les dédoublements. Qu'est-ce qui fait qu'actuellement on n'utilise pas ce droit-là, selon vous?

Mme Méthot (Josée) : O.K. J'aimerais juste vous rassurer d'abord que, oui, notre siège social est à Québec, alors, oui, ça nous facilite la vie. Mais je vais céder la parole à Mme Tremblay, justement, qui a regardé les différents articles puis l'article 32, qu'elle connaît bien, alors... à répondre à cette question-là.

Mme Tremblay (Nathalie) : En fait, en fonction de l'article 32 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, où, là, on parle justement de substitution, il y a une série d'exigences qui sont déterminées sur lesquelles... puis, encore là, il faut faire attention, c'est sur demande du gouvernement provincial, O.K., sur demande du gouvernement provincial faite au fédéral. Si ça rencontre les exigences, le fédéral peut décider qu'il y ait substitution, O.K.? La question, à savoir : Pourquoi qu'il n'y en a pas plus?, ça, on ne peut pas répondre, parce que ce n'est pas l'initiateur de projet qui fait la demande. Il faudrait poser la question, justement, au gouvernement provincial : Pourquoi qu'il n'y a pas plus de demandes de faites au fédéral pour qu'il y ait substitution?

M. Traversy : Et vous, vous seriez évidemment en accord à ce qu'il y ait plus de demandes de ce genre, du gouvernement, face au fédéral pour éviter les dédoublements. Je vous dis ça, parce que, là, vous m'apprenez ça dans le cas, ici, là, des mines, mais il y a aussi d'autres dossiers, là, sur lesquels, là, cet article 32 est revenu au cours des dernières semaines, là, puis on est en train de... Donc, vous, vous seriez favorable à l'utilisation, là, d'un tel recours?

Mme Tremblay (Nathalie) : Oui, tout à fait. Puis même, si vous regardez la loi, on va même plus loin que ça, il peut aussi y avoir des équivalences. Mais là vraiment c'est le gouverneur en conseil qui décide. Donc, il y a plusieurs mécanismes qui existent actuellement — l'harmonisation, la substitution, les équivalences — qui existent pour justement éviter les dédoublements, les délais, les coûts que ça engendre. À savoir : Pourquoi ils ne sont pas plus utilisés?, je n'ai pas la réponse.

M. Traversy : Donc, écoutez, je suis convaincu que votre message est entendu par le ministre. Vous savez que, depuis déjà quelques heures, on se lance quelques messages indirects en voulant l'encourager pour l'augmentation d'un budget sur l'environnement mais là, aujourd'hui, aussi pour utiliser tous les pouvoirs qui sont à sa disposition afin d'assumer pleinement nos compétences, là, dans le dossier qui nous intéresse, de l'environnement, et, de voir que l'Association minière est d'accord avec ce genre d'initiative, bien, comme représentant du Parti québécois, je ne peux qu'en être très content.

Là, maintenant, je vous amène dans un autre dossier, celui de dire qu'il faudrait peut-être retirer l'aspect lutte aux changements climatiques du livre vert. Vous avez mentionné au départ que, cet aspect-là, vous étiez moins chauds à le voir inclus, là, dans nos discussions. Vous savez que le Québec se donne des objectifs, là, dans les prochaines années, pour réduire ses gaz à effet de serre. Pour y parvenir, il faut que tout le monde évidemment y donne un peu du sien. Expliquez-nous, là, comment vous voyez cet équilibre, là, entre l'économie, le social et l'environnement que vous avez mentionné si vous voulez exclure ce volet-là du livre en question.

Mme Méthot (Josée) : Alors, bien, d'abord, si c'est ce que vous avez compris, je me suis vraiment mal exprimée...

M. Traversy : O.K. Bon, bien, ça me rassure, ça me rassure.

Mme Méthot (Josée) : ...je me suis vraiment mal exprimée. Ce n'est pas du tout le cas. On ne nie pas les changements climatiques. Au contraire, on travaille énormément à réduire nos impacts sur l'environnement et à réduire évidemment nos émissions sur les gaz à effet de serre.

Ce n'est pas ce qu'on a voulu dire. Ce qu'on a dit, c'est que, dans la proposition, dans le livre vert, ce qu'on propose, c'est qu'on intègre la lutte aux changements climatiques à l'intérieur du processus d'évaluation environnementale. Et là c'est là qu'on a dit : Bien, actuellement, notre compréhension, c'est que c'est très bien encadré à l'extérieur de ce processus et qu'évidemment, dans les certificats d'autorisation, de toute façon, on le sait, qu'il y a déjà matière pour la réduction de nos gaz à effets de serre et également toute la réglementation et même dans les attestations d'assainissement. Donc, on ne s'oppose pas, là, à ce que ça soit... Ce qu'on dit, c'est que c'est déjà fait et on ne veut pas que ce soit dédoublé. C'est tout simplement ça.

M. Traversy : Bien, merci beaucoup. Déjà là, c'est beaucoup plus rassurant. Bien, je vous pose la question, parce que vous êtes un des premiers groupes aujourd'hui qui trouvent que cet imbriquement-là dans le processus n'est pas une bonne idée. La plupart des intervenants que j'ai entendus jusqu'à présent voyaient d'un bon oeil, justement, l'intégration de cet élément à l'intérieur de nos discussions. Alors, je vois que l'équilibre est à atteindre, là, dans ce cas-ci. Donc, ça va faire partie de nos réflexions.

Je voulais aussi vous poser la question concernant... Bon, toute la question, bon, du BAPE, on l'a évidemment réfléchie. La question au niveau des gaz à effet de serre, est-ce que... on voudrait savoir, en moyenne, là, une mine, ça correspond à combien de gaz à effet de serre lorsqu'on a une mine en opération. Est-ce qu'on a un aperçu? Parce que tantôt vous disiez : Petit cas, moyen cas, cas élevé. En tout cas, là, il y avait comme des classifications. Juste pour ceux qui nous écoutent, ça représente quoi, là, en termes de gaz à effet de serre, l'opération d'une mine au Québec?

Mme Méthot (Josée) : Bien, d'abord, les opérations minières ne sont pas toutes des grandes émettrices, d'accord, et les opérations minières au Québec sont très variables en termes de production et de procédés. Alors, vous dire qu'une mine ça varie en x et y... incapable de vous dire ça aujourd'hui.

Ce que je pourrais vous dire, c'est qu'on travaille très fort à trouver des solutions pour les réduire, nos émissions de gaz à effet de serre, et il y a de nombreuses initiatives, dont l'utilisation d'éoliennes — on a entendu parler de l'utilisation d'éoliennes — mais également on appuie énormément toute la stratégie et toutes les initiatives pour amener le gaz naturel dans le Grand Nord, dans le Nord-du-Québec et sur la Côte-Nord, justement parce que nos installations, qui opèrent majoritairement au diesel, même... et également celles qui ne sont même pas connectées à Hydro-Québec doivent fonctionner au diesel pour générer leur électricité. On veut justement travailler à la conversion de ces installations-là vers le gaz naturel, justement, pour réduire nos émissions en gaz à effet de serre.

Alors donc, dans ce sens-là, il y a beaucoup d'initiatives qui se font déjà. Mais pour vous donner le chiffre, là... C'est à la tonne. Ce n'est pas si simple que ça.

M. Traversy : Puis je vous lève mon chapeau sur les initiatives que vous entreprenez. Votre collègue a mentionné tout à l'heure, là, quelques éléments qui sont déjà, là, pris en considération, je pense, là, par bon nombre de vos membres. Puis vous parlez du gaz naturel; il y a aussi l'électrification, je pense, qui a été mentionnée et d'autres éléments, ce qui est très bien. Je vous pose la question simplement parce que...

Le Président (M. Reid) : Vous n'aurez pas le temps de poser une question, vous avez le temps d'un commentaire. Il reste 20 secondes.

M. Traversy : Donc, je voulais juste savoir si plusieurs de vos membres étaient assujettis au marché du carbone. Puis, pour être assujetti au marché du carbone, c'est environ 25 000 tonnes de CO2 par année et demie. C'est pour ça que je vous posais la question de : une mine, en moyenne.

Le Président (M. Reid) : Cinq secondes, si vous êtes capables de répondre.

Mme Méthot (Josée) : Plusieurs de nos membres sont assujettis au système de plafonnement et d'échange des GES. Alors, je n'ai pas la... Est-ce qu'on a le chiffre exact?

Mme Tremblay (Nathalie) : Non, mais il y a la liste sur le site du ministère.

Le Président (M. Reid) : Malheureusement... Je dois protéger le temps des autres membres de la commission. Alors, nous passons maintenant au député de Masson pour le deuxième groupe d'opposition.

• (16 h 10) •

M. Lemay : Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames, ici, à l'Assemblée, dans cette commission sur le livre vert. Vous avez mentionné plusieurs choses dans votre période initiale.

On va aller tout de suite à l'orientation 3. En ce qui concerne la modulation du régime d'autorisation, vous mentionnez que vous accueillez favorablement la modulation du régime d'autorisation en fonction du risque environnemental. Vous avez mis une réserve au niveau du classement de l'annexe 5, là, qui est proposée dans le livre vert, qui dit, bon, vous l'avez mentionné vous-même, là, pourquoi que ça serait tout de suite dans des risques élevés. Donc, ça, c'est ce que vous jugez inopportun, de classer l'activité minière, là, dans des risques élevés.

Maintenant, si on peut s'imaginer un peu comment fonctionnerait le système de classement puis qu'on enlève la partie de l'annexe 5, là, puis on dit : S'il y avait un système où c'est que, dans le classement, on additionnerait tous les points négatifs, les impacts négatifs sur l'environnement, on soustrait ce qui est positif pour arriver à pouvoir avoir une pondération, puis là, après l'analyse, dans une grille, on pourrait obtenir pour dire : Ah! voici, mon projet se classe dans tel régime, j'imagine, c'est ça, un peu, votre élément de proposition que vous auriez à faire?

Mme Méthot (Josée) : Bien, en fait, on trouve que l'idée de déterminer l'utilisation du niveau de risque, donc de faire l'analyse de risques pour déterminer si on doit être assujetti ou non... et, dans la gradation des autorisations, c'est quand même un bon concept. Ce qu'on a regardé à l'intérieur du livre vert, c'est que, là, on a de la difficulté à faire la part des choses au niveau des critères qui sont identifiés pour identifier chacun des niveaux de risque. Et, dans le cas des risques élevés, parce qu'on a mis le secteur minier dans le risque élevé, on voit comme critère, par exemple, la préoccupation de la population, et ça nous a frappés qu'aussitôt que les citoyens sont préoccupés ça tombe dans le risque élevé, alors que ça peut arriver pas nécessairement dans des installations qu'on pourrait appeler à risque.

Alors, nous, on croit que le concept est bon, mais on croit qu'on doit revoir comment établir les niveaux de risque et évidemment on le sait, que ça ne sera pas simple, et, dans ce cadre-là, nous, on avait la préoccupation sociale par rapport au risque élevé puis on pense que les différents critères d'identification des niveaux de risque devraient quand même être, d'une certaine façon, uniformes pour ne pas avoir de surprise. Mais, l'idée de la grille que vous mentionnez, c'est un petit peu comme ça qu'on l'a vue, mais, de là à vous dire exactement quels termes seront utilisés, on n'est pas allés jusque-là dans notre réflexion.

M. Lemay : Parfait. Merci beaucoup pour la précision. On va passer à l'orientation 5. Vous mentionnez dans votre proposition n° 3, en fait, là, bien, tu sais... on veut encadrer le pouvoir du ministre d'imposer des conditions, puis plus particulièrement vous donnez un exemple en ce qui concerne les dépôts de garantie financière puis vous nous faites un rappel que les sociétés minières ont déjà cette obligation légale pour assurer une réhabilitation complète de 100 % de leurs sites. Or, on sait déjà qu'au Québec on a, quoi, à peu près, approximativement, 698 sites abandonnés, approximativement, et puis pour plus de 1,2 milliard sur la table présentement.

Qu'est-ce que vous avez à proposer de différent qui ferait que dans la nouvelle loi, dans la nouvelle réforme, on ne se retrouverait plus dans cette situation?

Mme Méthot (Josée) : Bien, en fait, déjà, la Loi sur les mines fait en sorte qu'on ne se retrouvera plus dans cette situation-là, et c'est ce qu'on voulait dire dans notre mémoire. Dans la Loi sur les mines, il y a déjà une disposition qui fait en sorte que les sociétés minières, avant d'obtenir leur bail d'exploitation, doivent déposer leur plan de restauration du site, plan de restauration qui couvre la totalité de la durée de vie de la mine et qui couvre 100 % du site. Et donc on doit faire approuver ce plan-là avant de recevoir notre bail minier, donc il doit être approuvé, et on doit avoir versé, après 90 jours de l'approbation du plan de restauration, 50 % du dépôt de garantie qui couvre 100 % de la garantie pour réhabiliter le site.

Donc, nous, autrement dit, ce qu'on vous dit, on est déjà assujettis à un processus de garantie financière, on ne voudrait pas en avoir un deuxième, on ne voudrait pas dédoubler. On est déjà assujettis, donc, nous, c'est déjà fait.

M. Lemay : Merci. C'est exactement à ça que je voulais en venir. Dans le fond, ça ne sert à rien de créer une nouvelle instance, elle existe déjà.

Mme Méthot (Josée) : Pas pour le secteur minier.

M. Lemay : C'est ça. M. le Président, au niveau du temps...

Le Président (M. Reid) : À peine une minute, une petite minute.

M. Lemay : À peine une minute. Rapidement, on va, dans la même orientation 5, votre proposition n° 4 en ce qui concerne la simplification de la cession des autorisations. Est-ce que vous voulez mentionner un bref mot là-dessus, sur le fait que... dans le fond, comment qu'on pourrait faire pour simplifier le processus puis accélérer les transferts?

Mme Méthot (Josée) : Bien, en fait, je pense qu'on l'a fait quand on a parlé, d'abord, de guichet unique, également au niveau du partage de l'information entre les différents ministères concernés, le partage des études entre les différents ministères concernés. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Lemay : Ah! c'était plus au niveau, quand un promoteur...

Le Président (M. Reid) : Bien là, je pense que...

M. Lemay : ...passe d'une main à l'autre, là, mais, bon...

Mme Méthot (Josée) : Ah! au niveau du transfert de propriétés.

Mme Tremblay (Nathalie) : On était en accord avec ce qui était proposé dans le livre vert, qui était justement d'éviter d'avoir des documents légaux, etc., qui étirent les délais, là.

Le Président (M. Reid) : Merci, Mme Méthot, Mme Tremblay, merci beaucoup de votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux pour quelques instants, le temps de permettre au prochain groupe, le Réseau des milieux naturels protégés, de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 17)

Le Président (M. Reid) : Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités du Réseau des milieux naturels protégés. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous passerons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, de vous nommer au départ et de nommer la personne qui vous accompagne. Vous avez la parole.

Réseau de milieux naturels protégés (RMN)

Mme Cormier (Caroline) : Merci. Donc, merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je suis Caroline Cormier, présidente du Réseau de milieux naturels protégés. Je suis accompagnée de Marilou Bourdages, qui est coordonnatrice de l'organisme.

Tout d'abord, je voudrais décrire notre organisation. Le Réseau de milieux naturels protégés est un organisme provincial à but non lucratif qui est constitué en vue de promouvoir le mouvement de la conservation en terres privées au Québec, donc, la conservation de milieux naturels. Nous agissons depuis 20 ans au Québec, et on rallie la majorité des acteurs, en fait, en conservation des terres privées. Les activités du réseau favorisent la prise en compte de la conservation dans les processus d'aménagement du territoire et visent à faire connaître les moyens de conservation en terres privées et les sites protégés notamment par le biais du Répertoire des milieux naturels protégés du Québec. Donc, rappelons que le mouvement de la conservation est complémentaire aux actions réalisées par le gouvernement et il protège et gère plus de 70 000 hectares de milieux naturels au Québec et soutient quand même, bon an, mal an, près de 300 emplois en conservation, avec un chiffre d'affaires qui dépasse les 18 millions de dollars.

Donc, parmi nos préoccupations, je vais aborder deux préoccupations majeures que nous avions, et Mme Bourdages va poursuivre ensuite sur l'analyse du livre vert.

Tout d'abord, le Réseau de milieux naturels protégés était favorable à la démarche de modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement. C'est une loi et un règlement d'application claire... amèneront, à notre avis, une simplification et une meilleure prévisibilité pour les promoteurs tout en protégeant mieux l'environnement. Puisque le coeur de notre mission, c'est la conservation, nous souhaitons partager le fait avec vous que, pour nous, c'est un ensemble de pratiques qui comprennent la protection, la restauration et l'utilisation durable du territoire et qui visent la préservation de la biodiversité, le rétablissement des espèces et le maintien des services écologiques pour les générations actuelles et futures. C'est donc au coeur du développement durable et également en plein dans le fondement principal de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui est de donner à chaque Québécois le droit à un environnement sain.

• (16 h 20) •

Donc, lors de notre positionnement sur la loi sur la conservation et la gestion durable des milieux humides au Québec, on a été préoccupés par le dépôt des rapports du centre sur la biodiversité du Québec, là, le rapport Pellerin-Poulin, qui démontrait nos difficultés, dans le processus d'autorisation, à arriver à éviter, minimiser ou à compenser les impacts sur les écosystèmes. Donc, c'est dans cette mouvance-là qu'on s'est posé la question : Est-ce qu'on est capables d'orienter le développement du territoire du Québec en se basant sur des... dans le fond, de la science, des notions scientifiques et tangibles? Et on pense que oui.

En fait, notre organisation propose au gouvernement d'intégrer la protection de la biodiversité au sein du développement des collectivités en adoptant une approche qui va se baser sur les trames vertes et bleues, c'est-à-dire sur la science de la conservation, qui, en fait, intègre la protection de continuités écologiques, de réservoirs de biodiversité, de corridors écologiques et des réseaux de cours d'eau et des milieux humides. Cette démarche s'illustre aujourd'hui par des modèles cartographiques et de terrain, et donc est très facilement transférable. Elle pourrait, à notre avis, être un fondement véhiculé dans les orientations gouvernementales qui pourrait ensuite s'inscrire dans les schémas d'aménagement et de développement, dans les plans d'urbanisme et aussi être fourni aux promoteurs de projet pour un approfondissement. Alors, les analystes du gouvernement pourraient alors se baser sur la préservation de ces réseaux écologiques cohérents, et ainsi ça éviterait le cas par cas et ça pourrait tenir compte des impacts cumulatifs. Plusieurs organisations ont déjà élaboré des études en ce sens, et on vous a fourni quelques références dans notre mémoire.

Également, un autre point qui nous préoccupe, c'est d'être le plus près des gens, le plus près du pouvoir décisionnel. Et on se rendait compte que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme permet aux gouvernements locaux de mettre en place plusieurs mécanismes en vue de protéger l'environnement. Un frein majeur, à notre avis, à cette prise en charge est la fiscalité québécoise, puisque notamment le financement des municipalités crée un effet vicieux où le développement du territoire permet de créer de la richesse foncière, mais se fait au détriment de la perte des terres agricoles et des terres naturelles.

Alors, le Réseau de milieux naturels protégés est d'avis que l'ajustement de la fiscalité permettrait de créer des incitatifs et une fiscalité positive pour encourager vraiment les comportements à adopter. Plusieurs exemples de crédits à la conservation ou de crédits de compensation pour la préservation des services écologiques existent, d'ailleurs, au Canada et à l'international, et ça pourrait être intégré dans les processus d'approbation, notamment dans la LQE.

Donc, je vais laisser la place à Marilou Bourdages, qui complétera avec les informations sur le livre vert. Merci.

Mme Bourdages (Marilou) : Bonjour. Je voudrais revenir sur quelques questionnements soulevés par le livre vert, ceux qui nous tenaient le plus à coeur.

Premièrement, je voudrais mentionner que le Réseau de milieux naturels protégés approuve, bien entendu, l'intention du ministère d'inclure la lutte aux changements climatiques dans les processus d'autorisation. On voudrait d'ailleurs inviter le ministère à intégrer, dans les outils favorisant la prise en compte des changements climatiques, dans l'ensemble des processus d'autorisation, le rôle de prévention et d'atténuation des risques que jouent les milieux naturels, notamment les milieux humides, dans la capacité d'adaptation de la société québécoise face aux changements climatiques actuels et futurs. On voudrait d'ailleurs recommander que non seulement les impacts directs et immédiats des changements climatiques soient pris en compte dans les processus d'autorisation, mais aussi les impacts sur la capacité d'adaptation future des régions et la vulnérabilité future des projets eux-mêmes face aux changements climatiques aussi.

Dans un autre ordre d'idées, le réseau appuie aussi l'idée d'encadrer législativement les évaluations environnementales stratégiques. On voudrait recommander, un peu comme ma collègue l'a déjà mentionné, que ces évaluations environnementales soient supportées par un cadre de conservation et de connectivité provincial vraiment dans le but d'avoir une vision d'ensemble du territoire québécois afin de protéger les milieux naturels d'importance et la connectivité entre ces milieux-là et dans le but aussi d'atteindre un objectif de zéro perte nette de milieux naturels d'importance. Dans le mémoire, on suggère différents documents qui pourraient être utilisés pour créer ce cadre de conservation et de connectivité. Il existe différentes documentations qui peuvent être utilisées dans ce but-là.

Pour ce qui est d'accentuer la modulation du régime d'autorisation en fonction du risque environnemental d'un projet, le réseau supporte l'idée mais croit qu'une approche par catégories avec des activités préidentifiées pour chacune des catégories n'est peut-être pas la meilleure façon d'évaluer les projets. Le réseau soutient que cette modulation devrait vraiment tenir compte des milieux récepteurs des projets, c'est-à-dire du type de milieu, de sa rareté et de sa représentativité dans sa région. On propose donc plutôt une approche qui ressemblerait à une grille ou à une matrice qui prendrait en compte, donc, différents critères du milieu récepteur en plus des critères qui sont proposés par le ministère dans le livre vert.

Aussi, le réseau est très réticent à l'idée de soustraire à toute formalité préalable les activités considérées à risque négligeable. Le réseau croit que le ministère devrait malgré tout effectuer une vérification d'admissibilité, comme il est proposé, pour la catégorie «risque faible». On croit que ce processus permettrait d'éviter que certains promoteurs de projet se classent par mégarde dans la catégorie «risque négligeable» et ainsi passent sous toute loupe ou encore peut-être qu'il y ait fragmentation de projet pour essayer de se classer dans cette catégorie, et donc échapper à tout processus d'admissibilité. Le réseau considère aussi qu'il n'y a pas vraiment de motif valable justifiant que les instances publiques et municipales soient soustraites à un processus d'autorisation. On croit que ces instances devraient, en fait, servir d'exemples, et respecter les règles, et vraiment montrer l'exemple au reste de la société.

Et finalement on voudrait appuyer l'idée d'avoir un processus allégé pour les projets visant l'amélioration de l'environnement. Par contre, on voudrait apporter une petite nuance. Dans le livre vert, on parle de projets ayant un effet positif sur l'environnement, ce qu'on croit être assez vague et peut-être potentiellement difficile à vraiment gérer. Nous, on suggère vraiment que ce soit pour les projets qui visent l'amélioration de l'environnement. Et donc ces projets pourraient effectivement avoir un processus allégé vu leur mission première.

Alors, je vais laisser Mme Cormier conclure la présentation.

Mme Cormier (Caroline) : Donc, en conclusion, le Réseau de milieux naturels protégés réitère son opinion favorable quant à la modernisation du régime d'autorisation environnementale sur la Loi sur la qualité de l'environnement. Il est d'avis que, pour donner droit aux citoyens à un environnement sain, le gouvernement doit d'abord se positionner clairement quant à un objectif de préservation de la biodiversité qui pourrait passer par une implantation du principe zéro perte nette et un cadre d'intervention qui assurerait la prise en compte des évaluations selon le milieu récepteur et des incitatifs pour les promoteurs de projet.

Enfin, nous offrons notre entière collaboration à la commission et au gouvernement pour approfondir la réflexion amorcée et nous vous remercions de l'intérêt que vous portez à notre organisation. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous allons passer maintenant à la période d'échange, et je donne la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Cormier, Mme Bourdages. Merci beaucoup pour votre présentation ainsi que votre mémoire.

Vous avez parlé d'écofiscalité dans votre présentation. Pourriez-vous approfondir, là? Parce que c'est allé très rapidement. J'ai cru comprendre qu'il y avait un lien, vous faisiez un lien entre l'écofiscalité et le processus d'autorisation. Est-ce que je vous ai bien comprises? Et, si oui, pouvez-vous approfondir?

Mme Cormier (Caroline) : En fait, notre point de vue est du fait de créer des incitatifs positifs. L'écofiscalité et le processus d'autorisation peuvent être liés comme également ils pourraient être distincts au niveau gouvernemental, mais ce qu'on remarque, c'est que, dans plusieurs États, par exemple, américains, on va avoir des processus de crédit de taxe foncière associés à la conservation ou de remboursement de taxe foncière pour les propriétaires ou encore on a, dans des États comme le New Hampshire, une taxe au développement qui est portée à un fonds d'acquisition.

Donc, est-ce que ce processus peut être implanté au moment de l'autorisation de projet? Ça pourrait être une piste, un peu comme les municipalités, par exemple, vont appliquer un 10 % pour fins de parcs sur leur territoire. Donc, ce sont des éléments qui peuvent ajouter, en fait, comme incitatifs, là, dans le fond, à arriver vers une écofiscalité ou une fiscalité positives.

M. Heurtel : Je comprends la notion d'écofiscalité, puis d'ailleurs on étudie présentement des mesures là-dessus dans le cadre notamment du rapport Godbout et de son étude.

Moi, ce que j'essaie de préciser avec vous, c'est voir comment on fait le lien entre des mesures, mettons, qu'on met en place... Il y a déjà des mesures d'écofiscalité qui sont en place. Là, présentement, le livre vert, c'est qu'on essaie d'étudier une éventuelle modernisation du régime d'autorisation environnementale. J'essaie de comprendre comment ces mesures-là, des mesures d'écofiscalité ou des nouvelles qui seraient mises en place éventuellement, seraient liées au processus d'autorisation directement ou affecteraient le processus d'autorisation.

• (16 h 30) •

Mme Cormier (Caroline) : Bien, en fait, je pense, ça pourrait être davantage... En fait, l'autorisation liée à la LQE peut se faire à différentes échelles dans le développement d'un projet. Donc, cette fiscalité-là est un moyen additionnel qui peut venir, en complément aux exigences environnementales, bonifier le projet, peut-être s'associer au processus, si vous voulez aller vers une série d'atténuer, minimiser, compenser... donc, s'associer, en fait, à ce processus-là pour favoriser l'acceptabilité par les promoteurs, et tout ça. Je n'ai pas le mécanisme clair en tête, mais ce qu'on voit, en fait, c'est que cette fiscalité-là est en développement un peu partout à travers, dans le fond, le Canada et le monde et il y a moyen de l'intégrer dans le processus de développement.

M. Heurtel : O.K. Parfait. Merci. Au niveau de votre proposition de grille d'analyse, vous parlez d'intégrer des critères liés au milieu récepteur, est-ce que vous pouvez aller plus loin? Alors, ça voudrait dire quoi spécifiquement, d'ajouter, dans la grille d'analyse, des critères spécifiques à la prise en considération du milieu récepteur?

Mme Bourdages (Marilou) : Bien, je pense que ça va un peu avec l'idée aussi de mieux connaître notre territoire. Je pense que, si on avait, comme je le suggérais, vraiment une vision globale du territoire, un plan québécois de conservation du territoire, on pourrait après ça préciser différents milieux, peut-être que le milieu récepteur pourrait être un bassin versant, par exemple, et pouvoir analyser un projet par rapport à ce milieu-là, comment il se classe dans son bassin versant. Donc, ça donnerait qu'il y aurait des... Le résultat de l'analyse serait différent d'une région à l'autre. Et donc, si on voulait détruire une tourbière en Montérégie, bien ce milieu récepteur là... bien, cette tourbière serait très unique, elle serait vraiment considérée comme superimportante, peut-être que ce serait un milieu qui aurait été considéré, dans cette région-là, comme étant vraiment... qu'on n'avait pas le droit de toucher. Donc, je pense que ça viendrait avec une espèce de portrait du territoire qui permettrait, après ça, d'analyser, O.K., dans ce territoire-là, ce milieu-là, c'est quoi, sa représentativité, c'est quoi, sa rareté, c'est quoi, son importance, et avoir peut-être une espèce de pondération qui dirait : O.K., bien cette tourbière en Montérégie, c'est un non, mais peut-être que cette tourbière similaire en Abitibi arriverait à une conclusion différente, par contre, pour une même activité d'un promoteur. Donc, c'est un peu ça, notre idée par rapport à ça.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Vous allez excuser mon ignorance, je ne suis pas sûr que je comprends très bien l'ensemble des objectifs ou des territoires que vous visez. Vous parlez des milieux de conservation, de terres privées, on exclut les parcs, les zecs, puis, moi, le seul exemple de conservation de terres privées au Québec qu'il y a dans le secteur de Brome, où on a constitué un corridor naturel qui s'étend graduellement, là... Mais est-ce que vous pouvez nous donner d'autres exemples, d'autres...

Mme Bourdages (Marilou) : Oui. Bien, dans le fond, c'est ça, nous, on travaille dans ce qui s'appelle la conservation volontaire, qui est souvent quelque chose de peu connu, donc c'est normal, votre question, je pense. On travaille vraiment avec des propriétés privées. Donc, il y a différentes façons de mettre des mesures de conservation sur des terrains privés, mais ça peut être soit des organismes de conservation qui achètent des terrains dans le but de la conservation... Ça, ça va être considéré comme un terrain protégé. Le gouvernement du Québec reconnaît la réserve naturelle, qui est une autre façon... réserve naturelle en terres privées, donc, qui est une mesure de conservation qu'on peut mettre sur un terrain privé et qui accorde des avantages fiscaux au propriétaire qui s'engage à conserver à perpétuité ou pour un certain nombre d'années son terrain dans le but de la conservation. Il y a des servitudes de conservation qui existent. Ça fait qu'il y a différents moyens légaux qui existent qu'on peut mettre sur un terrain, qui fait qu'on le protège soit pour 100 ans, soit pour 25 ans, soit à perpétuité et qui veut dire aussi que, quand je le vendrai à quelqu'un d'autre qui n'aura peut-être pas les mêmes priorités que moi, ça va quand même assurer une certaine protection de ce territoire-là.

Donc, ça, on exclut, là, tout ce qui est terres publiques, on travaille vraiment avec les terres privées, mais soit des propriétaires individuels soit des organismes de conservation dont c'est vraiment la mission d'aller acquérir ou d'aller mettre des mesures de conservation sur le territoire.

M. Bolduc : Ça va. Merci. Je voudrais que vous nous élaboriez un peu votre principe de perte nette zéro et, dans le principe de développement durable, préserver la biodiversité. Est-ce qu'on ne fait pas du dédoublement directement ici, là? Je voudrais que vous clarifiiez ça.

Mme Cormier (Caroline) : En fait, la préservation de la biodiversité, c'est en son sens large. Dans la Loi sur le développement durable, c'est un des critères. En fait, la biodiversité va être directement affectée par les changements climatiques, là, de façon assez importante.

Ce que les chercheurs, entre autres, avec le groupe Ouranos, là, ont déterminé, c'est qu'en protégeant... dans le fond, sans faire des îlots de conservation, en protégeant la biodiversité à l'échelle du territoire avec des corridors, avec l'implantation de plusieurs mesures de protection de la biodiversité, c'est comme ça qu'elle va arriver à se maintenir et à nous aider à passer au travers l'augmentation du climat, etc.

Donc, le principe zéro perte nette va davantage s'appliquer lorsqu'on a un projet de développement du territoire. Le zéro perte nette, en fait, c'est d'arriver à éviter de perdre des services écologiques qui sont apportés justement par les écosystèmes, qui constituent, entre autres, une partie de la biodiversité. Donc, on va essayer d'éviter les sites le plus possible, mais, si ce n'est pas possible, on va faire la mitigation des impacts sur le milieu, ce qui veut dire que, par exemple, si j'ai à faire un drainage, je vais essayer de limiter le plus possible à un secteur en particulier et de bonifier en inondant peut-être un autre secteur ou la compensation, qui sera de vraiment rétablir, restaurer ou recréer un milieu pour permettre de remplacer complètement ce qu'on va avoir perdu avec le développement.

Actuellement, le régime d'autorisation, ce qui a été démontré, c'est qu'on était plus dans la perte que dans le zéro perte nette parce qu'on ne compensait pas entièrement les mêmes milieux. Par exemple, si je détruisais un milieu humide, on pouvait compenser par de la plantation ou protéger une forêt. Mais la protection, c'est louable en soi, mais ce n'est pas une mesure de compensation, on ne recrée pas ce qu'on a perdu avec le milieu humide. Par exemple, si je perds un rein, même si on le remplace avec un poumon, ce n'est pas la même chose. Donc, c'est un peu dans cette optique-là que le zéro perte nette vient limiter la perte de nos services écologiques.

Mme Bourdages (Marilou) : Aussi, si je peux ajouter, il y a des régions où on ne peut plus se permettre de pertes; par exemple, encore la Montérégie, il n'y en a plus beaucoup, de milieux humides. Donc, quand on dit «zéro perte nette», c'est de dire : Si un projet détruit un milieu humide, il faut absolument qu'il y ait la restauration d'un milieu autre détruit quelque part pour arriver à une balance de zéro. On en a perdu un, mais on en a recréé un. Et, en ce moment, il se passe beaucoup de : on détruit un milieu et, en échange, on promet de ne pas en détruire un autre. Mais là on est encore à moins un et on n'est pas revenu à zéro, là. Ça fait que, zéro perte nette, c'est dire : Vraiment, s'il y a destruction de quelque chose, ça veut dire qu'il y a restauration de quelque chose d'autre qui a été détruit pour revenir à une balance neutre.

M. Bolduc : Merci. On fait actuellement de la recherche, par exemple, sur le pin à longues aiguilles dans l'ouest de l'Amérique, sur, en fait, la capacité de transférer ces pins-là. En fait, on va en chercher en Alaska, au Yukon, en Colombie-Britannique et en Californie et on les déplace vers le nord, parce que le changement climatique fait que les espèces... En fait, les arbres ont beaucoup de difficultés à voyager au nord, ça fait qu'on les déplace artificiellement. Est-ce que ça, c'est le genre de... comment je dirais, de situation que vous supporteriez dans le développement de préservation des espèces? Parce que, par exemple, on n'a plus de noyers noirs... ou très peu, au Québec, et, les ramener, parce que, là, le climat se dispose de mieux en mieux pour cette espèce-là, est-ce qu'on devrait faire ce genre d'activité là?

Je pousse un peu votre principe, là, mais je voudrais comprendre un peu mieux comment vous voyez ça.

Mme Bourdages (Marilou) : Je vais commencer, puis tu pourras continuer, mais je pense qu'on a une approche vraiment plus globale que par espèce, puis c'est pour ça qu'on parle beaucoup de connectivité, parce qu'avoir plein de milieux protégés, c'est une chose, mais les changements climatiques vont probablement amener, comme vous dites, plein de changements dans la distribution géographique des espèces, et donc, pour être prévoyant et non pas, peut-être, se rendre jusqu'à, par espèce, essayer de les sauver, il faudrait avoir des espèces de grands corridors écologiques qui permettraient que, si jamais une certaine section où il n'y a plus de l'espèce qu'on veut dedans... bien, il y a quand même une espèce de connectivité qui fait que ces espèces-là se retrouvent ailleurs sur le réseau de conservation qui a été créé au Québec.

M. Bolduc : Je comprends bien, là, mais je vais prendre les deux exemples, le noyer noir et le chêne : c'est des espèces qui étaient ici à l'origine qui ne le sont plus, donc il y a eu une perte de biodiversité. Puis là je parle de ces espèces-là en les ramenant directement, là, je ne peux pas ramener n'importe quoi, là, mais je donnais l'exemple du pin tout à l'heure, mais c'est de ramener des espèces qui étaient à l'origine ici — quand je dis «à l'origine», il y a un siècle ou deux, là — puis qui ne le sont plus maintenant. Là, je sais que, pour les noyers noirs, là, les écureuils et les suisses ont déjà dit oui à ça, là, mais ça donne l'exemple où il y a un impact direct sur d'autres espèces, surtout sur leur survie dans les périodes hivernales.

• (16 h 40) •

Mme Cormier (Caroline) : Je pense que dans le... bien, un peu pour appuyer le commentaire de Mme Bourdages, mais également pour continuer dans la voie que vous proposez, c'est... Certaines espèces ont déjà été identifiées. Il me semble qu'il y a déjà des listes, là, qui ont été faites pour la plantation au Québec, là, par la FIHOQ ou d'autres organisations plus en horticulture ornementale, mais votre approche pourrait être implantée dans une optique de restauration de secteurs. Comme, on parlait de la conservation tout à l'heure, la définition de la restauration, il y a beaucoup à faire, par exemple, sur le bord de nos cours d'eau, en milieu agricole. Et on parle de plus en plus d'avoir des sites, des bandes riveraines qui peuvent être récoltables, des arbres à noix, des... Donc, peut-être que cette stratégie-là... nous, de notre côté, on travaille plus sur la protection de ce qui est déjà en milieu naturel, mais nos membres travaillent également dans la restauration de milieux, et ce sont des stratégies qui, éventuellement, pourront être évaluées en respectant évidemment que ces espèces-là sont indigènes et risquent de se retrouver au Québec d'ici une cinquantaine d'années, une centaine d'années.

M. Bolduc : J'ai un autre exemple ou une question qui va dans ce sens-là. Si on regarde dans l'Estrie, il y a de plus en plus de lacs qui sont, je dirais, à 100 % développés, donc il n'y a plus d'espace pour les canards, les outardes, etc., les espèces que je qualifierais de semi-aquatiques, pour avoir de la nidification, avoir des espaces verts ou avoir les espaces nécessaires pour la reproduction et l'élevage des familles, etc.

Est-ce que ça, c'est quelque chose qui est plus près de vous? Parce qu'on a déjà eu des discussions, en fait, dans la gestion des bassins versants à ce chapitre-là, puis en plus, pour la fiscalité des municipalités, bien, si on ne développe pas tous les lacs, il y a une valeur fiscale qui s'ajoute parce que le lac est mieux protégé, si l'on veut, donc il y a un gain de valeur nette. Est-ce que...

Mme Cormier (Caroline) : ...cet aspect-là, plusieurs associations de lacs vont travailler pour la préservation des sites. Les bandes riveraines sont déjà réglementées, normalement, par les municipalités. C'est sûr qu'il y a un travail d'amélioration à faire de ce côté-là, mais, dans l'idée de travailler à préserver et restaurer le milieu, c'est certain que tout le milieu hydrique, là, c'est un champ de bataille important, parce que c'est notre eau, souvent c'est notre eau potable également, et, l'approche par bassin versant, sûrement que le ROBVQ vous a bien entretenus à ce sujet-là, c'est vraiment fondamental de conserver la capacité de réponse du milieu, la capacité de filtration, d'emmagasiner également, parce que ce que les changements climatiques vont nous apporter aussi, c'est des pluies importantes. On le voit, plusieurs millimètres en une heure, ça déborde de partout.

Donc, effectivement, bien, j'abonde, là, dans votre sens, tous les lacs ne pourraient pas être développés, mais on doit trouver, dans le fond, une balance dans le système pour préserver les têtes de bassin, restaurer, s'assurer que notre développement sur le territoire se fait de façon harmonisée avec le milieu.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au groupe de l'opposition officielle, et je donne la parole à M. le député de Masson... pardon, à M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : J'ai réussi à vous déstabiliser, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : ...

M. Traversy : Alors, «député de Terrebonne». Merci beaucoup. Mesdames, merci de la présentation de votre mémoire. De voir de la relève aussi motivée à venir autour de cette table, c'est très rafraîchissant. Je dois vous dire que je vois que l'environnement touche à beaucoup de monde, et votre organisme m'était inconnu jusqu'à aujourd'hui, je n'avais pas eu l'occasion de vous rencontrer et je vois tout l'apport que vous apportez au débat particulièrement dans le sujet de la biodiversité. Et d'ailleurs, à cet égard, c'est vers là que je vais amener ma première question, vous trouvez que le livre vert est axé particulièrement vers les autorisations. Vous voudriez davantage, je pense, entendre parler de protection de biodiversité ou, en tout cas, du moins intégrer davantage le rôle de la prévention en milieu humide. Je voudrais donc vous entendre un peu sur cet aspect. Plusieurs personnes sont venues nous dire : On a des craintes de voir s'alourdir la réglementation, de voir des dédoublements.

Est-ce que vous pensez qu'une suggestion comme celle-ci s'harmoniserait très bien avec le livre vert? Et, si oui, dites-nous pourquoi.

Mme Cormier (Caroline) : En fait, je vous dirais, au niveau de la simplification, quand c'est clair, c'est simple.

Donc, en ce moment, l'autorisation des projets se fait dans un cadre qui nous semble relativement... parfois, il y a un flou, dans le sens où parfois il y a eu un manque d'information sur les sites naturels par le passé, il y a de l'information qui n'est pas toujours partagée sur le domaine public ou sur le domaine, évidemment, privé avec les centres de données sur le patrimoine naturel du Québec, par exemple. Alors, les firmes de consultants qui ont à faire des études d'impact ou qui ont à faire des études sur la caractérisation d'un milieu où il y aura un développement n'ont pas parfois toute l'information disponible à leur disposition. Donc, c'est comme si on développe le territoire les yeux bandés à certains endroits. Et ce qu'on propose, en fait, nous, c'est un meilleur partage de ce qui s'est déjà fait, de toute façon, par des organisations nationales ou par le Plan d'action Saint-Laurent, qui essaie d'étudier justement les réservoirs de biodiversité, la connectivité pour développer le territoire de manière plus harmonieuse.

Et, oui, il y a certains endroits où ce n'est pas possible de développer. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'en fait, si on a la trousse d'outils pour compenser les promoteurs ou compenser les gens, trouver d'autres façons de développer à d'autres endroits que les sites très riches en biodiversité, ça serait tout à fait possible. Nos membres développent, là, des servitudes forestières, des servitudes avec l'utilisation agricole. Donc, ce n'est pas un vase clos, la conservation, mais on remarque, entre autres... on a des exemples dans notre mémoire au niveau... La trame verte et bleue française, c'est un processus qui a vraiment mobilisé tous les gens de façon participative, les groupes d'intérêts et ensuite c'est venu d'une orientation très claire au niveau du gouvernement, et il devait intégrer des trames vertes et bleues dans les schémas de développement, dans les plans locaux, qui sont nos plans d'urbanisme. Alors, ça se fait, là, de façon très claire à ce moment-là et ça peut aller plus vite au niveau de l'autorisation.

M. Traversy : Je vais me rappeler de ça : quand c'est clair, c'est simple. Vous êtes très claires, vous êtes très claires.

Je voudrais vous parler de l'aspect de la modulation aussi. Vous avez passé du temps à nous dire que le livre propose une approche qui est en lien plutôt avec des catégories, que vous préfériez davantage les axer sur les milieux récepteurs par le biais d'une grille ou d'un graphique. J'aimerais que vous puissiez essayer d'être un petit peu plus claires sur ce que vous projetez puis j'aurai une autre question par rapport à ça par la suite.

Mme Bourdages (Marilou) : Bien, en fait, ce qui nous inquiétait un peu, c'est l'approche par liste d'activités, liste prédéterminée. Pour nous, ça semble évident qu'une activité qui pourrait être listée dans une certaine catégorie de risques pourrait, en fait, ne pas représenter le même risque dépendamment d'une région à l'autre ou dépendamment du milieu où le projet va avoir lieu. Un peu comme je disais plus tôt, si le projet doit impliquer un drainage d'un milieu humide le long de la vallée du Saint-Laurent, ça n'aura pas du tout... si le milieu récepteur n'est pas pris en compte, comme un peu c'est le cas... là, en ce moment, on parle juste d'une liste, donc ce serait un type de projet et non pas un projet dans sa région ou dans son contexte, on pense que c'est peut-être... d'un côté, peut-être injuste pour l'initiateur de projet qui ferait ce même projet là ailleurs, dans une autre région où il y a des tonnes de milieux humides, où ça ne causerait pas autant de problèmes, et aussi injuste pour la région en tant que telle qui voit peut-être un milieu humide disparaître alors qu'il n'y en a presque plus versus une région qui a des tonnes de milieux et que peut-être ça ne représente pas le même problème au niveau du bassin versant.

Ça fait que l'idée, c'est de dire... Nous, on avait plutôt une vision d'avoir une grille de critères et, avec un projet, on peut opposer les risques environnementaux que ça représente versus la région dans laquelle ça va être fait et arriver à un risque environnemental peut-être différent pour un même type d'activité, mais prenant en compte la région dans laquelle cette activité-là va avoir lieu ou le milieu sur lequel cette activité-là va avoir lieu. C'est pour ça que je parlais du type de milieu, de sa rareté, de sa représentativité, parce que, si c'est un milieu qui est très rare, bien il y a des bonnes chances que ça ait beaucoup plus d'impact sur cette région-là versus un milieu qui est très commun qui en a beaucoup dans une autre région, là. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Traversy : Oui, tout à fait, puis je vais même aller plus loin, parce que vous avez parlé de la liste d'activités. Vous avez vu que, pour déterminer les listes d'activités assujetties aux catégories de risques, il y a quelques critères qui ont été déjà suggérés à l'intérieur du livre : on parle de la complexité, on parle des impacts appréhendés sur l'environnement et la vulnérabilité, les mesures d'atténuation potentielles de conformité aux lois et préoccupations des citoyens et des organisations. C'est cinq critères, donc, qui touchent des fois directement l'environnement, des fois complètement d'autres aspects.

Est-ce que je comprends que vous seriez enclins à en rajouter quelques-unes pour essayer de focusser davantage sur les milieux récepteurs, là, dont vous nous avez parlé, là? Ce serait donc une prérogative importante.

Mme Bourdages (Marilou) : Oui, c'est ça, on aimerait rajouter à cette liste le milieu récepteur lui-même, des critères reliés au milieu récepteur lui-même, effectivement.

• (16 h 50) •

M. Traversy : Excellent. Écoutez, je voulais vous dire aussi à quel point je trouve intéressant le fait que vous ayez soulevé que les municipalités, les commissions scolaires, les centres de services sociaux devraient peut-être donner l'exemple aussi, là, dans le cadre, là, du débat, là, qui nous anime, donc dans le processus, et qu'effectivement il y aurait réflexion à avoir, là, pour regarder si telle chose serait possible. Je voulais juste savoir si vous aviez un cas en particulier qui vous avait animés dans ce sens-là, parce que des fois c'est ce qui nous amène à donner certains exemples. Est-ce que vous avez vécu une situation qui aurait peut-être démontré que faire partie du processus aurait été avantageux?

Mme Bourdages (Marilou) : Je n'ai pas d'exemple en tête précis.

Mme Cormier (Caroline) : Bien, c'est sûr qu'on comprend que ces organisations-là peuvent vouloir être exemptées, parce que le processus est quand même important, sauf que parfois, à la quantité d'interventions qu'ils doivent faire sur leur territoire, le cumulatif finit par avoir un impact, et c'est important, en fait, qu'on puisse regarder en projet d'ensemble, là, ce qui peut être fait sur un territoire par les organisations publiques.

M. Traversy : Génial. Bon, j'ai compris que, contrairement à l'Association minière, qui était là avant vous, vous êtes favorables à l'intégration, là, de l'aspect des luttes aux changements climatiques dans la discussion qui est en cours actuellement. L'association avant vous disait également que, dans l'étude d'environnement stratégique, là, il ne devrait pas y avoir d'objectif pour déterminer si, oui ou non, une filière, une industrie, là, devrait être développée au Québec, donc il y a cette espèce de pouvoir.

Est-ce que vous êtes d'accord avec ce genre d'affirmation ou vous pensez que l'objectif principal, là, de l'étude environnementale stratégique n'est pas aussi un peu celle d'encadrer, là, cette espèce d'aspect sur les industries, filières et hydrocarbures, notamment?

Mme Bourdages (Marilou) : Bien, définitivement, pour nous, si ça s'appelle une évaluation environnementale stratégique, ça devrait vraiment être quelque chose qui est une réflexion générale qui implique la population, qui est vraiment pour donner des orientations générales à où on s'en va en tant que société. Donc, je crois vraiment qu'effectivement il ne devrait pas vraiment y avoir d'exemption, je pense qu'il faut ensemble réfléchir à qu'est-ce qu'on veut pour le futur du Québec et que c'est vraiment très important, là, de passer par là, c'est une étape importante.

Le Président (M. Reid) : Merci.

M. Traversy : M. le Président, c'est clair, c'est simple. Donc, je vous remercie énormément.

Le Président (M. Reid) : Nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition, et je donne la parole à M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Mme Cormier, Mme Bourdages, merci d'être avec nous.

Bien, tout d'abord, je vais vous poser une question. On a eu les groupes, là... la FQM, l'UMQ sont venues nous parler comme quoi qu'elles aimeraient avoir justement un allégement au niveau des municipalités qui rentre dans l'esprit, là, du gouvernement, qui demande... bien, en fait, les municipalités demandent à avoir plus de pouvoirs aux municipalités. Donc, vous, vous arrivez puis vous nous mentionnez que, dans le fond, vous considérez qu'il n'y a aucun motif valable qui justifie que les instances publiques et municipales aient droit à un processus d'autorisation allégé. Donc, je trouve ça très intéressant d'avoir la deuxième version. Donc, je ne sais pas si vous pouvez nous donner un peu plus d'informations. Pourquoi que, dans le fond, vous êtes contre?

Mme Cormier (Caroline) : Bien, on l'a mentionné rapidement, là, effectivement, pour eux, ils ont beaucoup de travaux à faire sur le territoire, et ça peut être fastidieux, mais ces projets-là peuvent avoir un impact cumulatif quand même important à long terme. Peut-être qu'il y aurait moyen d'avoir une approbation d'un plan global d'intervention mais que ce soit quand même assujetti pour éviter d'avoir des travaux qui vont avoir un impact aussi important qu'un promoteur privé, là, à côté. Également, dans le cadre actuel, notre réflexion, dans le fond, excluait la... bien, dans le fond, on était en faveur de l'inclusion de toutes les municipalités ou organismes publics dans le processus d'autorisation, mais, si le...

Une voix : ...

Mme Cormier (Caroline) : Parce que le Québec n'a pas de cadre clair de conservation et de connectivité qui permettrait d'éviter... ou de savoir où on doit faire de la restauration, où est-ce qu'on doit atténuer les impacts de certains travaux. C'est difficile de s'orienter en ce moment sur le terrain, et donc c'est encore plus difficile de dire : Non, certains travaux doivent être exemptés, là, dans l'optique où présentement on perd, de façon continue, des services écologiques qui nous coûtent quand même cher à compenser par la technologie.

M. Lemay : Merci beaucoup. Si je vous amène sur... bien, en fait, c'est en relation, là, directe, là, de ce que vous venez de dire. Dans le fond, ce que vous dites, vous, c'est qu'il faut éviter à tout prix le fractionnement des projets, des certificats d'autorisation. Vous allez même, dans votre recommandation n° 10 à la page 11 de votre mémoire, là, dire que, dans le fond, pour éviter le fractionnement de projets, on devrait... lorsqu'il y a déjà des projets qui ont été soumis à un régime d'autorisation, elle ne devrait pas être acceptée, une nouvelle autorisation, avant un certain nombre d'années. Donc là... en fait, je ne sais pas, je traduis ça, là, par une crainte que vous avez, dans le fond, à tomber comme dans des risques négligeables puis être exempté, puis pouvoir tomber comme dans ce qu'on appelle un «fast track». Je ne sais pas si vous voulez approfondir.

Mme Bourdages (Marilou) : Bien, c'était même mentionné dans le livre vert. En fait, une des questions que posait le livre vert, c'était : Comment est-ce qu'on pourrait minimiser le fractionnement de projets?, puis nous, on l'a interprétée comme : le ministère était soucieux de... ou peut-être avait été témoin de promoteurs qui fractionnaient leurs projets pour tomber dans des catégories moindres de risques. Puis c'est ça qu'on avait peur un peu aussi avec l'approche par liste, c'est que les promoteurs, c'est ça, aient l'idée de peut-être prendre un grand projet, le remettre en sous petits projets pour qu'il y ait le moins de risques à chacun de leurs projets. Donc, on se disait, peut-être, s'il y a une approche, peut-être même... dans le mémoire, on suggérait... peut-être qu'il y aurait des incitatifs qu'on pourrait amener pour un promoteur qui serait prêt à soumettre une vue d'ensemble : Voici les projets que j'ai pour les prochaines années, et qui voudrait être transparent, on pourrait encourager cette approche-là pour dire : Si vous voulez être transparent et dire : Voici mes projets pour les prochaines années, peut-être qu'il pourrait y avoir certaines façons de...

Mme Cormier (Caroline) : ...quand même de déposer l'analyse des projets. Donc, par le passé, c'est une tendance qui a été faite, de toute façon, là, d'avoir des projets d'ensemble, entre autres, dans le développement domiciliaire, des projets qui sont présentés de manière globale aux municipalités, permettant d'aller chercher un «fast track», mais au moins on a l'idée d'ensemble d'un développement qui aura lieu sur plusieurs années. On veut être quand même dans l'incitatif positif. Donc, c'est dans cette optique-là que notre proposition allait aussi.

M. Lemay : Excellent. Merci beaucoup. Et puis, si je vous amène sur le fait... Vous mentionnez que, quand on a des réductions... bon, on va parler de gaz à effet de serre, là, les réductions permanentes, là, tu sais, locales, O.K., donc, c'est seulement ça qui devrait être tenu en compte quand il y a une demande d'autorisation.

Parce qu'il y a certains autres groupes qu'on a vus un peu plus tôt dans la journée qui nous mentionnaient : Quand on regarde un projet, on ne devrait pas regarder juste l'émission locale, on devrait regarder aussi ce qui se fait en amont, tu sais, dans la totalité du projet. Donc, je me dis, selon vous, dans le fond, si je prends un exemple, avec TransCanada, où c'est que les émissions de gaz à effet de serre au Québec, c'est comme 0,4 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre, du projet de TransCanada Énergie Est, donc là ça veut dire, dans le fond, qu'on ne le considère pas ou on doit peut-être le prendre à quelque part dans la grille d'analyse des risques, peut-être de voir, bien, est-ce qu'il y a des gaz à effet de serre qui se font en amont et puis on devrait le mettre «impact négatif». On doit-u le considérer ou on l'oublie?

Mme Bourdages (Marilou) : En fait, je pense que ce qu'on voudrait, c'est une vision quand même globale des gaz à effet de serre d'un projet, mais je pense que ce qu'on disait local, c'était plutôt : s'il y a une compensation qui est demandée pour des émissions de gaz à effet de serre, il faudrait que ça se fasse au niveau local et non pas aller compenser dans une autre région les émissions qui ont été faites localement. C'est plus dans ce contexte-là qu'on voulait dire «local».

Je pense qu'effectivement il faut avoir une vision globale de toutes les sources de gaz à effet de serre d'un projet mais que, s'il y a compensation, celle-là se fasse à la source où il y a eu les émissions de gaz à effet de serre.

M. Lemay : Très bien.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, Mme Cormier, Mme Bourdages, merci de votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux au mardi 15 septembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 16 h 59)

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