(Neuf heures trente et une minutes)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des
consultations particulières sur le
livre vert intitulé Moderniser le régime d'autorisation environnementale de
la Loi sur la qualité de l'environnement.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Nichols (Vaudreuil) sera remplacée par Mme Boulet (Laviolette); M.
Bergeron (Verchères), par M. Traversy (Terrebonne); et M. Jolin-Barrette (Borduas),
par M. Lemay (Masson).
Le Président (M. Reid) :
Alors, j'en profite pour souhaiter la bienvenue au député de Terrebonne, qui
est le nouveau porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement.
Bienvenue avec nous.
Voici l'ordre du jour de cet avant-midi. Nous
entendrons les groupes suivants : Greenpeace, Nature Québec, l'Association
québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et la Fondation
David-Suzuki.
Auditions (suite)
Alors,
j'invite les premiers participants, représentants de Greenpeace, à prendre la
parole. Vous avez une dizaine de
minutes. Par la suite, nous procéderons à un échange avec les membres de la commission.
Et je vous demande, pour les fins d'enregistrement, de vous nommer avant
de commencer.
Greenpeace
M. Bonin (Patrick) : Bonjour. Mon nom est Patrick Bonin,
responsable de la campagne Climat énergie à Greenpeace Canada. M. le Président,
M. le ministre, MM. et Mmes les députés, bonjour.
Peut-être
rapidement vous rappeler, Greenpeace, évidemment,
on est Greenpeace Canada, donc, plus de 89 000 membres au Canada,
près de 2,9 millions de membres à travers le monde, dans 50 pays, et on
est très intéressés par évidemment cette
modernisation-là de la loi, en particulier la dimension des changements
climatiques. Donc, il est certain que, de voir comme orientation première la question des changements climatiques, on
tient absolument à souligner à grands traits et à féliciter le ministre de cette initiative-là, qui,
pour nous, est centrale en raison, entre autres, de la crise actuelle au niveau
des changements climatiques.
Greenpeace,
et vous le verrez dans notre mémoire, appuie le mémoire du Centre québécois du
droit de l'environnement. En tant que
membres, donc, on partage leurs recommandations et réflexions et également on
partage une certaine préoccupation
par rapport, entre autres, à un certain laxisme au niveau du ministère,
dernièrement, quant aux compétences au
niveau, entre autres... face au fédéral, face à un certain abandon; qu'on
pense, par exemple, au projet de port à Québec, quand on pense à la question d'Énergie Est sur la question des
changements climatiques, d'abandon de la capacité de Québec, la nécessité que Québec prenne tout le terrain
possible, entre autres, face à la réalité actuelle où le gouvernement fédéral,
à plusieurs égards au niveau des évaluations
environnementales, est problématique. Comme je le disais, dans notre mémoire,
on se concentre essentiellement sur la
question des changements climatiques parce qu'il y a urgence. Vous le savez, on
est en route vers Paris actuellement
pour une nouvelle entente internationale avec comme objectif de limiter le
réchauffement à 2 °C actuellement,
consensus au sein des Nations unies. Quand on regarde la science la plus
récente, ce n'est plus 2 °C. 2 °C,
c'est un niveau qui va présenter des risques importants si on attend un
2 °C comme réchauffement. Donc, on parle de plus en plus... et les organisations internationales parlent de plus
en plus de limiter le réchauffement bien en deçà de 2 °C, ce qui
implique évidemment des gestes cohérents de la part des gouvernements pour y
arriver.
Ce qu'on
propose comme outil essentiel dans la lutte aux changements climatiques, c'est
ce qu'on appelle le test climat, le
«climate test», comme on le connaît aux États-Unis, où l'expression a émergé,
entre autres, suite à la décision du
président Obama d'évaluer le projet de pipeline de sables bitumineux Keystone
XL sur la base de l'impact qu'il aura sur les changements climatiques en
incluant l'augmentation de la production des émissions de gaz à effet de serre
qui accompagne ce pipeline-là, les émissions en Alberta.
Donc ce test climat là devrait, selon nous, être
appliqué dans l'ensemble du processus, et ce, à tous les projets qui sont présentés, incluant le projet actuel, Énergie Est, qui sera évalué sous
peu devant le BAPE. Donc, si on veut, au Québec, intégrer la question
des changements climatiques, c'est évidemment le premier gros projet majeur — 7 millions de véhicules — en
termes d'augmentation des émissions de gaz à effet de serre qui doit
montrer et démontrer la volonté du Québec de vouloir intégrer la question
des changements climatiques dans les évaluations, et actuellement ce n'est pas le cas.
Ce test climatique là va viser, entre
autres, à permettre de s'assurer que le Québec atteigne ses objectifs
2020, 2025, 2030, et ce, jusqu'en
2050. C'est un outil essentiel et qui
va également de pair avec inscrire dans la loi les objectifs, entre
autres, pour 2050 récemment adoptés par le gouvernement du Québec et pour
lesquels on le félicite encore une fois, objectifs ambitieux — moins
80 % à moins 95 % — qui se rapprochent de ce qu'on prône,
entre autres, au niveau de Greenpeace
International, soit 100 % énergies renouvelables d'ici 2050, et, en ce
sens, il faut saluer l'intention louable du gouvernement du Québec. Le test climat, évidemment c'est un test qui
demande qu'on regarde l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre, comme je le mentionnais, et ça, c'est en
cohérence avec ce qu'on a déjà actuellement au niveau du Québec, entre autres, dans la Loi sur le
développement durable, le principe h, que vous connaissez probablement, au
niveau du partenariat et de coopération
intergouvernementale. Évidemment, quand on regarde Énergie Est, pour prendre
cet exemple très concret, actuellement, on a
un mandat qui ne regarde pas les émissions de gaz à effet de serre en amont,
donc l'augmentation de la production des
sables bitumineux. Et, dans le cadre du BAPE, ce que le BAPE va regarder,
les émissions québécoises, c'est
l'équivalent de 0,40 %, donc même pas 1 %, de l'augmentation des
émissions qu'il va y avoir en
Alberta. Donc, si on parle... et si on sérieux dans la lutte aux changements
climatiques, il faut, à tout le moins, regarder
ça, il faut, à tout le moins, se pencher... avoir tous les outils pour pouvoir
prendre une prise décision éclairée, et, malheureusement, ce n'est pas
le cas. Évidemment, le promoteur pourra et devra présenter un plan, s'il y a
une augmentation d'émissions à travers le temps — 2020, 2025, 2030,
2050 — à
travers le temps, comment il palliera à cette augmentation-là ou comment cette
augmentation d'émissions peut être compensée, en quelque part.
Gardez
en tête que l'objectif actuel qu'on doit viser, c'est environ zéro émission de
gaz à effet de serre en 2050. Donc,
la réalité, entre autres, d'achat de crédits d'émission et d'échange de crédits
d'émission va faire en sorte que ces crédits-là
vont être beaucoup plus coûteux à travers le temps et vont être en très petites
quantités lorsqu'on arrivera en 2050 avec un objectif d'avoir zéro
émission de gaz à effet de serre. Si, évidemment, un promoteur échouait ce
test-là, eh bien, le gouvernement,
essentiellement le ministre, aurait le pouvoir de ne pas octroyer les permis,
les autorisations pour un projet du
genre. Ce qu'il faut également garder en tête, c'est que, pour réussir à faire
une évaluation complète du portrait,
il faut que le gouvernement, au-delà de requérir, de demander les impacts du
projet... il faut être capable de les
situer dans le contexte québécois. Donc, on a besoin d'un tableau de bord et
d'outils au niveau du Québec pour s'assurer qu'on a toutes les pièces du puzzle et que, s'il y a, par exemple, un
projet, eh bien, on va être en mesure de dire quel sera l'impact du
projet en regard d'où est le Québec actuellement par rapport à ses objectifs.
Un des problèmes présentement, c'est qu'on n'a
pas, au niveau du Québec, une publication annuelle publique de ce qu'on appelle la tendance des émissions de
gaz à effet de serre. Le gouvernement fédéral publie, chaque année, une tendance des émissions de gaz à effet de serre qui
essentiellement modélise, à partir de variables économiques, entre autres,
quelles seront les émissions en 2020 pour le
Canada avec différents scénarios, entre autres, au niveau du prix de l'essence,
etc., et en regard des mesures mises
en place de réduction de gaz à effet de serre. Le gouvernement fédéral n'a pas
de plan de lutte aux changements
climatiques, mais il a quand même des mesures, et donc il est en train de
dire... il est capable de dire, il le
publie à chaque année, que le gouvernement fédéral va manquer ses cibles
actuellement et que... avec ou sans mesure,
de combien il va les manquer. Le gouvernement du Québec n'a pas cet outil-là
actuellement, et cet outil-là est essentiel
parce qu'il faut être en mesure de mettre le portrait global dans lequel va
s'insérer ce test climat là. Et, si on prend, par exemple, les exemples de Port-Daniel ou d'Anticosti récemment, qui
pourraient aller en exploitation, il est certain que ces projets-là devraient, par exemple, justifier leur raison d'être
et leur faisabilité en regard de la réalité québécoise, ce qui, malheureusement, n'a pas été le cas, entre
autres, dans le cas de Ciment McInnis. Et, Anticosti, on verra, évidemment,
le projet n'ayant pas été encore soumis au Bureau d'audiences publiques en
environnement.
L'autre
dimension, évidemment, c'est toute la question de la participation du public,
la transparence, qui est très importante
dans ce processus-là, donc d'avoir les données publiques, d'avoir les données
présentes au début des évaluations environnementales et ainsi que les
analyses ministérielles rendues publiques pour permettre justement de bonifier
ces analyses-là par les gens qui participent aux audiences.
La dernière
dimension, c'est évidemment l'importance d'évaluer également les alternatives,
donc, lorsqu'on présente un projet, par
exemple, sur les gaz de schiste, quelles sont les alternatives réelles aux gaz
de schiste, le potentiel en
biométhane, par exemple, en réduction de la consommation de gaz, de manière
justement à relativiser l'importance d'un
projet ou, du moins, le fait que le projet serait plus ou moins incontournable
pour un gouvernement comme le gouvernement du Québec.
Je crois que je vais
arrêter ici.
• (9 h 40) •
Le
Président (M. Reid) : Oui. Merci. Alors, nous allons procéder
maintenant à la période d'échange, et je donne la parole au ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bonin. Merci pour votre
mémoire ainsi que votre présentation. Puis
je tiens à dire que... puis on se l'est dit tout à l'heure plus en privé, mais
je salue la volonté, là, de travailler ensemble en route vers Paris, puis notre volonté, c'est de voir comment on peut
échanger avec votre organisation et d'autres groupes environnementaux en route vers Paris, parce que, comme
vous l'avez bien souligné, ce rendez-vous-là est fondamental puis Québec entend jouer un rôle de leadership non
seulement parmi les États fédérés, mais comme État présent. Et donc
c'est sûr que de travailler en concertation le plus possible avec d'autres
groupes qui vont être présents, ça va être très important. Donc, je salue votre
ouverture à échanger là-dessus.
Sur
le test climat, il y a déjà deux autres groupes qui sont venus nous voir la
semaine dernière et qui ont proposé une
mesure semblable, Équiterre et Vivre en ville, mesure que nous trouvons très
intéressante, du côté du gouvernement. Je
veux juste commencer avec une question très simple d'apparence : Mais
est-ce que votre mesure s'apparente à ce qui était proposé par Équiterre
et Vivre en ville ou s'il y a des différences importantes?
M.
Bonin (Patrick) : Je n'ai pas eu la chance de consulter le mémoire de
Vivre en ville, j'ai rapidement parcouru et
échangé avec, entre autres, les gens d'Équiterre, et, à première vue, il n'y a
pas d'incompatibilité entre les deux propositions ou les trois
propositions, mais je ne peux pas parler de Vivre en ville.
Il
y a probablement des subtilités à l'intérieur de ça, et ce qu'on propose
actuellement, c'est d'ouvrir le jeu sur cette question-là, donc c'est de voir... On n'a pas la prétention
d'avoir la science infuse. Ce qu'on dit, c'est : Le Québec a une belle opportunité. Il y a déjà plusieurs
précédents dans les évaluations environnementales québécoises à travers le
BAPE, au niveau de ce qui a été évalué,
entre autres, en amont, en aval potentiellement, et il y a plein de choses qui
se passent au niveau international, aux États-Unis, près de chez nous.
Le Québec a même évalué certaines normes sur la teneur en carbone, par exemple, pour les véhicules, la possibilité de
mettre ça en place. Donc, il y a plein de matériel là, et là ce qu'il faut
faire, c'est s'assurer d'avoir un consensus là-dessus et surtout d'avoir
quelque chose de crédible. Et, nous,
ce sur quoi on insiste beaucoup, c'est la nécessité d'avoir ce tableau de bord
là pour le gouvernement du Québec aussi,
qui, je pense, est dans l'intérêt de tous, parce qu'un test climat, ça s'insère
dans une réalité. Et je pense que, là-dessus, notre mémoire insiste beaucoup sur : ça ne veut rien dire, un test
climat, si on n'est pas capables de le positionner dans le temps et si on n'a pas les outils adéquats pour
le faire. Et, malheureusement, actuellement, ce n'est pas le cas, du moins
publiquement.
M.
Heurtel : Dans l'hypothèse où on intégrerait, justement, un test climat dans le projet de loi que nous avons l'intention de déposer sur la modernisation du
régime d'autorisation environnementale, donc, si je vous suis bien, au minimum, on devrait le lier à nos cibles de
réduction, donc à notre cible 2020, qui est déjà publique, la cible 2030,
que nous allons annoncer cet automne,
mais on a déjà une cible 2030 générale. Suite à la conférence
des premiers ministres et gouverneurs de l'Est, le premier ministre a adhéré à la cible régionale, qui nous donne une fourchette, pour
2030, de réduction de 35 % à 45 % par rapport à 1990. Puis,
comme vous l'avez mentionné, il y a la cible 2050 de 80 % à 95 %
de réduction, à laquelle le Québec a adhéré cet été au sommet de Toronto.
Alors,
encore une fois, donc, ce test climat concrètement évaluerait les projets en
amont, et puis un des étalons de mesure, là, d'évaluation, ce serait par
rapport à ces cibles, n'est-ce pas?
M. Bonin
(Patrick) : Oui.
M.
Heurtel : Bon. Alors, certains opposants ou, disons, ceux qui... on a
entendu des critiques par rapport au test climat disant que c'est finalement un dédoublement par rapport au
système déjà existant du marché du carbone. Vous réagissez comment à
cette critique-là par rapport au test climat?
M.
Bonin (Patrick) : Bien, plusieurs
choses. Peut-être, dans un premier temps, les cibles actuelles.
Celle de 2020 a déjà été
fixée. Un des commentaires de Greenpeace était que cette cible-là était en
deçà de la fourchette recommandée par le groupe intergouvernemental
d'experts sur l'évolution du climat, qui recommandait moins 25 à moins 40; le gouvernement avait moins 20. La cible adoptée, entre guillemets, pour 2030, tout
récemment, par le gouvernement, de notre
côté, on espère qu'évidemment cette cible-là est en quelque sorte une cible
plancher et qu'on va pouvoir également en discuter de manière ouverte lors de la
consultation parlementaire qui va viser à adopter officiellement cette
cible-là et on espère que le gouvernement va aller plus loin et on aura l'occasion de présenter notre
argumentaire. Mais ce qui est important aussi, c'est qu'il y a 2025
entre 2020 et 2030, et nous, d'un point de vue international, comme le Réseau Action Climat international, qui regroupe 900
ONG... recommande une cible pour 2025 parce qu'une cible sur 10 ans ne
permet pas les ajustements requis suffisamment rapidement. Ça, c'est pour le Québec,
là.
Il y a le
Canada également. Donc, la question, actuellement, du système de plafonnement et d'échange d'émissions, bien, malheureusement, ça ne s'adresse pas actuellement à l'Alberta, qui a un prix la tonne de 1,80 $ environ au niveau
des gaz
à effet de serre. Donc, ce qu'on dit
lorsqu'on réfère au principe h, la Loi sur le développement durable, c'est
que... d'autant plus qu'actuellement le gouvernement fédéral ne le fait pas, n'évalue pas ces
projets-là, comme, par exemple, Énergie Est n'évalue pas l'impact global
de ce projet-là, même si c'est 7 millions de véhicules. Eh bien, le test
climat permet, à tout le moins, d'avoir cette information-là claire dans la
prise de décision du gouvernement du Québec en cohérence avec sa vision, avec
ce qu'il demande également de ses partenaires provinciaux au niveau de la lutte
aux changements climatiques. Donc, c'est un
outil qui aide également au dialogue, on pense, entre les provinces dans
l'optique où l'Alberta est en train
de changer également de position de manière quand même
assez, je dirais, drastique comparativement au gouvernement précédent. Donc, ce n'est pas limité dans la
géographie du Québec, et le système actuellement de plafond
et d'échange d'émissions, c'est juste au Québec...
ou, du moins, c'est Québec, éventuellement Ontario et la Californie, et on espère que ça
s'élargira.
Mais
le système de plafonnement et d'échange d'émissions, pour nous, c'est un outil
dans la lutte aux changements climatiques, donc ce n'est pas une
finalité. Le plan d'action du gouvernement du Québec, ce n'est pas le système
de plafonnement d'échange d'émissions, c'est
un outil qui est accompagné par des mesures. Et l'objectif
du Québec, c'est de réduire le plus possible l'utilisation d'achat de crédits à l'étranger,
et de réduire ses émissions en territoire québécois, et de profiter
des cobénéfices qui viennent avec la réduction des CO2, cobénéfices au niveau de la santé, cobénéfices à plein d'égards
au niveau de la qualité de vie des gens et aussi au niveau de la
restructuration de l'économie québécoise en injectant
de l'argent dans ce qu'on appelle les secteurs en émergence, entre autres les écotechnologies, les énergies vertes, etc., où le Québec a déjà...
l'électrification est un bon exemple, a déjà fait des gestes et est en train de se
positionner au niveau international.
Donc, le système de
plafonnement et d'échange d'émissions, éventuellement aussi, va avoir moins de
crédits d'émission disponibles, parce que la
réalité est que, si on a zéro émission de gaz à effet de serre comme objectif,
là — le
gouvernement est à
moins 95 % d'objectif pour 2050, du moins, c'est dans sa fourchette — ça veut dire qu'il n'y a presque plus de crédits d'émission disponibles. Dans
quelle mesure les projets octroyés actuellement ou acceptés actuellement
peuvent compenser en 2050, bien, elle est
infime, cette mesure-là, si on regarde la logique de zéro émission, plus ou
moins, 100 % d'énergie
renouvelable en 2050. Donc, actuellement, le système, il est là de façon
temporaire, permet une flexibilité aux entreprises dans l'optique où il
y a de la compétitivité, entre autres, au niveau économique entre les provinces
et territoires adjacents, mais il est
certain que cette flexibilité-là... Nous, ce qu'on prône, c'est que le recours
au marché, surtout à l'achat de
crédits d'émission à l'étranger soit diminué le plus rapidement possible,
surtout qu'actuellement, malheureusement, le gouvernement du Québec se
dirige vers des... n'atteindra pas sa cible en 2020, par rapport à ses
objectifs dans le plan, en termes d'achat de crédits d'émission, il va devoir
acheter davantage de crédits d'émission.
Et, encore une fois,
on pourrait discuter de ça, mais on n'a pas cette tendance-là, et... à moins
qu'elle soit disponible — et, si elle l'est, bien j'invite le ministre
à la rendre publique — qui nous permettrait de dire, si la tendance actuelle se maintient, combien Québec va acheter
de crédits d'émission en 2020, et ça doit faire partie, en effet, de la discussion.
• (9 h 50) •
M.
Heurtel : J'aimerais...
Bien, premièrement, juste pour préciser, là, concernant la cible
2030 du gouvernement, il va
en effet y avoir une commission
parlementaire, c'est prévu par la
loi. Alors, il va y avoir une occasion d'échanger sur cette cible.
Alors, on pourra certainement poursuivre la conversation à ce niveau-là.
J'aimerais revenir au
test climat. J'aimerais ça vous entendre davantage, vous y avez fait allusion
dans votre présentation, la notion de
prendre en considération les impacts cumulatifs. Comment vous voyez...
J'aimerais ça vous entendre davantage
sur l'intégration des impacts cumulatifs dans le test climat et la prise en
considération des impacts cumulatifs dans le test climat.
M.
Bonin (Patrick) : Bien, évidemment,
les impacts cumulatifs, ça revient à avoir tous les outils actuellement. Il peut y avoir une panoplie
de petits projets, par exemple une panoplie de petits puits de gaz de schiste au Québec, qui, lorsque pris de manière
individuelle... qui sont des projets, des entités en soi, ne représentent pas
une augmentation significative des émissions; même chose pour, par exemple, des
puits de pétrole de schiste. Mais, lorsqu'on regarde l'impact cumulatif de tous ces projets-là... Ça, c'est d'un point de vue
gaz à effet de serre, mais ça s'applique aussi d'un point de vue biodiversité, ça s'applique à
plusieurs égards, au niveau de la qualité de l'eau, etc. Quand on additionne
tous ces projets-là cumulatifs, eh
bien, on se rend compte qu'ultimement, bien, ça ne cadre pas dans la vision où
s'en va le Québec.
Il
faut aussi regarder «cumulatifs» d'un point de vue canadien, parce
qu'actuellement le Québec a des partenaires, ce qu'il considère des partenaires, travaille avec les provinces, et
actuellement, bien, on a... en Saskatchewan et en Alberta, on a une province où, par habitant, bien, ils
émettent six fois plus de gaz à effet de serre que les Québécois. Donc, il y a
toute une dimension d'équité là-dedans, dans les efforts qui sont faits, de
reconnaissance des décisions antérieures ou récentes
qui ont été faites et qui s'insèrent, là, justement dans... ce n'est pas juste
le cumul de la province, mais cette province s'insère dans une réalité pancanadienne où on a un rôle au niveau
international, où on a des objectifs, des engagements qui, jusqu'à maintenant, sont insuffisants par
rapport à ce qui est demandé pour que le Canada fasse sa juste part, mais
cet impact cumulatif là canadien également doit être considéré, définitivement.
M. Heurtel :
Puis si on allait encore plus loin? Je vais vous donner un exemple dont on a
discuté la semaine dernière : la venue
d'une usine, peu importe, là, qui serait émettrice d'importantes quantités de
gaz à effet de serre, mais le fait
qu'elle vienne s'installer au Québec, elle serait donc soumise à des contrôles
très importants qui... Si elle ne s'installe pas au Québec, bien l'usine s'installerait, mettons, je ne sais pas, en
Asie ou en Russie, qui sont, mettons, des moins bons élèves, il y aurait beaucoup moins de contrôle.
Donc, au niveau cumulatif, avoir l'usine au Québec, oui, elle va émettre,
mais beaucoup moins. Elle va être soumise au
marché du carbone, va être soumise à un test climat, va être soumise à des
mesures d'atténuation.
Encore
une fois, dans cette hypothèse-là, comment vous voyez, un, le test climat
s'appliquer puis comment vous réagissez
à cet argument-là, qui nous avait été présenté la semaine dernière,
c'est-à-dire c'est mieux d'avoir l'usine au Québec avec des contrôles, puis elle va moins émettre que... plutôt
qu'elle s'installe ailleurs où il n'y aura aucun contrôle, puis elle va vraiment émettre beaucoup? Donc, on
regarde d'une façon plus globale l'approche. Comment vous réagissez à cet
argument-là?
M.
Bonin (Patrick) : Bien, la première notion importante, je pense, c'est
«des responsabilités communes mais différenciées»,
qui est un terme utilisé, entre autres, par la conférence des Nations unies sur
le climat, qui existe depuis, si je
ne m'abuse, Rio en 1992, où on dit que les États ont des responsabilités
communes dans la lutte aux changements climatiques,
mais différenciées. Et ce principe-là existe, entre autres, pour les pays en
voie de développement. Souvenez-vous de
Kyoto, où c'étaient seulement les pays industrialisés qui avaient des cibles
contraignantes de réduction des émissions de gaz à effet de serre sous Kyoto, parce que la logique était que les
pays industrialisés doivent prendre le leadership dans la lutte aux changements climatiques, et ça, c'est
même inscrit dans la convention-cadre sur les changements climatiques,
et, par la suite, bien, les pays en développement et les pays en transition
mettront l'épaule à la roue et embarqueront également dans le bal.
Actuellement,
malheureusement, les pays... si on regarde le cas du Canada, les émissions ont
augmenté entre 2012 et 2013, et, selon
l'inventaire fédéral, c'est également le cas pour le Québec. Donc, à certains
égards... et le Canada est un
meilleur exemple que le Québec, là, j'en conviens, là, mais les pays
industrialisés n'ont pas fait leurs devoirs en termes de réduction et de leadership. Et l'idée, là, derrière ça, c'est
qu'historiquement ce sont les pays développés qui, depuis l'industrialisation, ont émis les émissions
de gaz à effet de serre, sont
responsables du problème beaucoup plus que les pays en développement, qui maintenant,
en effet, deviennent de gros émetteurs.
Donc,
il faut mettre ça dans la balance et surtout considérer que l'objectif dans Paris, c'est
qu'on ait l'ensemble des nations au niveau des Nations unies qui, pour la première fois, s'insère dans des cibles contraignantes de
réduction des émissions de gaz à
effet de serre. Donc, cette
réalité-là que les législations internationales, Russie ou autres — vous
parliez d'Asie — ne
sont pas soumises aux mêmes règles, eh bien, c'est de moins en moins vrai,
parce qu'il y a déjà beaucoup plus d'efforts
qui sont faits et surtout parce qu'on s'en va vers cette entente-là
internationale avec les États-Unis et
la Chine, qui, pour la première fois, ont mis en place des mesures
significatives et sont de bonne foi dans les négociations. Donc,
l'argument tient plus ou moins, selon moi. Et gardez en tête que, s'il y a une
réalité de lutte aux changements climatiques
et d'équité, le principe d'équité intergénérationnelle, donc, à travers le
monde actuellement, eh bien, quand on
regarde la Chine ou même l'Inde, bien la réalité, c'est qu'on est deux fois,
trois fois plus émetteurs per capita que ces pays-là, qui ne sont pas, encore une fois, responsables de l'historique
des émissions de gaz à effet de serre.
Mais, encore là, la Chine fait
beaucoup plus d'efforts que le Canada, donc c'est... je dirais que cet
argumentaire-là, il a des limites.
Mais aussi
l'importance pour le gouvernement du Québec d'avoir les données dans, par
exemple, des investissements — centaines de millions quand on parle de
mécanismes, des crédits d'émission octroyés gratuitement aussi pour une cimenterie — il faut avoir ces données-là, comment ça
s'insère, ces projets-là, dans une réalité économique d'augmentation des prix du carbone, de limitation
des crédits de carbone, surtout quand le Québec... et vous comprendrez que Greenpeace n'est pas d'accord avec cet
investissement-là, mais c'est la décision du gouvernement, et, à tout le moins,
avoir les outils pour cette prise de décision là est essentiel tout comme c'est
le cas également pour Anticosti.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Il reste quelques secondes.
M. Bolduc : J'aurais aimé, si vous avez la chance d'en parler — je
m'excuse, là — mais
y aller rapidement sur l'impact
de la bourse de carbone et, en fait, l'impact à long terme, justement,
de réduire par le fait que le prix augmente graduellement... Je pense
que je suis obligé d'arrêter là.
Le Président (M. Reid) : Oui.
Bon. Ça va. Je vais passer maintenant la parole au nouveau porte-parole de
l'opposition officielle, M. le député de Terrebonne.
M.
Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais saluer le ministre
et l'ensemble de son équipe
gouvernementale, saluer aussi notre collègue
de Masson, qui est accompagné aussi de notre collègue
de Groulx. Beaucoup de gens de la Rive-Nord de Montréal,
là, autour de cette table, parce que l'environnement nous préoccupe grandement.
M. Bonin, très belle présentation, là, donc, de ce mémoire que vous nous avez
donnée aujourd'hui.
Alors,
j'aimerais tout d'abord vous poser une question concernant, donc, le
tableau de bord que vous avez mentionné
à l'intérieur de votre présentation, un tableau de bord pour évaluer la
tendance des GES. Donc, je voulais voir un peu de quelle façon vous souhaiteriez l'appliquer. Le ministre
a parlé, bon, d'un projet de loi éventuel qui pourrait être annoncé. Est-ce
que vous voyez ça à l'intérieur de ce dit projet de loi? Est-ce que ça devrait
être une législation plus spécifique? Est-ce que vous voyez un suivi fait par
un commissaire au développement durable?
Comment vous voyez, là, l'application plus
concrète — j'aimerais
ça que vous nous l'expliquiez encore davantage — de ce tableau de bord
pour évaluer les tendances des gaz à effet de serre?
M. Bonin
(Patrick) : Si on regarde,
entre autres, ce qui se fait au niveau ontarien, il y a une nécessité de
produire, justement, des analyses publiques quant à l'état de la lutte
aux changements climatiques. Même au gouvernement fédéral, il
y avait la Loi sur l'implantation du Protocole de Kyoto qui forçait le gouvernement à rendre des comptes. Et le Québec
actuellement est déficient à certains égards, entre autres, dans le suivi de la lutte
aux changements climatiques, au
niveau de la régularité de la publication des inventaires, des bilans
des plans d'action de lutte aux changements climatiques, également au niveau de
la tendance des émissions.
Donc, si le Québec
veut se donner toutes les chances de réussir, on pense qu'il faudrait que ce
soit, en effet, intégré à quelque
part dans une loi — est-ce
que c'est la loi actuelle, la LQE, au
niveau de ce tableau de bord là?, je
n'en suis pas certain — mais
pour s'assurer que le Québec atteint ses cibles et qu'on a des mesures de
suivi et tous les outils en main pour
que, de manière régulière et annuelle, on fasse ce suivi-là, ce qui n'est pas
le cas actuellement — et
il y a des exemples qui existent,
comme je vous en ai parlé, même au fédéral, avaient ça dans une loi qui n'était
pas parfaite, j'en conviens, mais on
pense que le Québec est rendu là — pour aussi éviter les jeux de chaise parfois entre
les gouvernements minoritaires, réalité qui fait en sorte qu'il peut y avoir, malheureusement, des incitatifs politiques à jouer avec ces outils-là, qui, selon
nous, devraient être non partisans, disponibles et systématiques dans les
analyses annuelles du gouvernement.
• (10 heures) •
M.
Traversy : Donc, il
est très important, pour vous, de dépolitiser le processus, de le
rendre apartisan, et vous nous faites référence à l'Ontario comme
exemple, comme source d'inspiration. Est-ce qu'on comprend, donc, que le ministre
aurait tout avantage à regarder de l'autre côté de la rivière des Outaouais
pour s'inspirer dans le cadre, là,
d'une suggestion comme vous le faites aujourd'hui?
M. Bonin
(Patrick) : Bien, de ce qu'on comprend, le ministre échange
régulièrement avec l'Ontario sur les bonnes pratiques. Il y a un élément
de cette bonne pratique là qui est justement dans les évaluations de l'atteinte
des objectifs au niveau du gouvernement du
Québec dont devrait s'inspirer en partie l'Ontario, et je pense que ça devrait
être bonifié également, ce que
l'Ontario fait, parce que je n'ai pas la prétention de dire que c'est complet,
loin de là, là, ou parfait, à tout le moins.
M. Traversy :
Merci beaucoup. Tout à l'heure, bon, on vous disait que, sur la Rive-Nord, là,
évidemment l'environnement était une préoccupation importante, là. J'ai vu le
sourire, là, de la part de certains de mes collègues.
Vous n'êtes
pas sans savoir que plusieurs municipalités au Québec, donc, se sont
positionnées sur un enjeu qui semble
vous préoccuper grandement dans le cadre de votre test climat, soit celui du
TransCanada PipeLines oléoduc. On apprenait hier que la ville de
Terrebonne s'opposait au projet. Ce matin, on m'a parlé de la ville de Laval,
donc, le maire Marc Demers, semblerait-il,
aurait pris position. Et j'ai même entendu parler qu'il y aurait une
manifestation dans la ville de
Mascouche le 26 septembre prochain — j'espère que vous y serez, c'est le comté
justement de mon collègue de Masson — pour manifester le mécontentement par rapport
au projet actuel. Et vous dites dans votre mémoire qu'un test climat serait propice pour ce dit projet en
particulier. Vous nous dites : «Greenpeace recommande que le mandat
d'évaluation du BAPE pour [le pipeline d'Énergie Est] de TransCanada
soit immédiatement modifié pour y intégrer un véritable "test
climat" — qui
est beaucoup plus large, qui prend en considération plus de facteurs.»
Est-ce
que vous pouvez surenchérir encore pour bien marteler votre point sur cette
question, qui touche particulièrement les citoyens de la Rive-Nord?
Parce que je pense qu'il y a des éléments intéressants dans ce que vous nous
avez dit.
M. Bonin (Patrick) :
Essentiellement, c'est le mandat qui a été octroyé au Bureau d'audiences
publiques en environnement par M. le ministre.
Il y a eu une sortie conjointe de plusieurs
groupes environnementaux, je pense, le lendemain de ce mandat octroyé là. La référence, elle est dans notre
mémoire également, si je ne m'abuse, à ce communiqué-là qui a été émis au
mois de juin, dans lequel on identifie des
problèmes majeurs — on n'est
pas les seuls — avec le
BAPE, entre autres le fait que c'est
un BAPE générique où le promoteur risque de ne pas se présenter, où on risque
de ne pas avoir d'étude d'impact pour
pouvoir commenter, justement, l'évaluation par le promoteur, le fait que toute
la dimension économique est soustraite des mains du BAPE, donc des mains de la
participation du public, ce qui est quand même un enjeu central dans une
optique de développement durable,
mais, plus précisément sur la question des changements climatiques, ce à quoi
on réfère, c'est la motion unanime
adoptée par l'Assemblée nationale en novembre 2014, si je ne m'abuse, dans
laquelle il est très clair que c'est
mentionné qu'on a demandé au gouvernement du Québec d'évaluer l'impact du
projet de pipeline Énergie Est de TransCanada
d'un point de vue global au niveau des émissions de gaz à effet de serre. On
avait même salué la lettre qui avait
été envoyée par le ministre à la compagnie TransCanada. Et on pense qu'il est
encore temps et qu'il faut absolument que
le mandat du BAPE soit complet. Et, vous le savez, le BAPE, de toute manière,
c'est des pouvoirs de recommandation, dans
une certaine mesure, et donc il faut qu'on donne le champ libre au BAPE pour
évaluer, pour nous donner l'heure juste, complète sur ce projet-là, et,
de toute manière, le gouvernement prendra sa décision.
Mais de
limiter et de tronquer le mandat du BAPE sur un enjeu aussi important fait en
sorte, malheureusement, qu'on est en
train de dire : Bien, le premier vrai test de crédibilité sur la volonté
d'intégrer les changements climatiques, bien, le gouvernement est en
train de le couler, ce test-là, s'il ne modifie pas le mandat du BAPE.
M.
Traversy : Quand vous nous parlez... quand vous nous parliez,
pardon, de l'Ontario il y a quelques instants, là, vous nous donniez un peu les références par
rapport à l'espèce de tableau de bord sur lequel le ministre pourrait s'inspirer.
On me dit que la Commission de l'énergie de
l'Ontario a sa propre initiative, là, pour évaluer, donc, les cycles
d'émissions complets des gaz à effet de serre.
Est-ce que
vous pensez, donc, que cette optique-là doit également, dans le fond, là, être
une source d'inspiration pour la législation québécoise?
M. Bonin (Patrick) : Est-ce que vous
référez au projet Énergie Est?
M. Traversy : En particulier.
M. Bonin
(Patrick) : Bien, je vous
dirais, pour avoir suivi ce dossier-là, en particulier, de l'évaluation, qui, je vous le rappelle, a
été annoncé en novembre 2013 par l'Ontario, sur Énergie Est — donc, ça fait beaucoup de temps qu'ils
planchent sur le dossier, et le gouvernement du Québec le fait mais pas dans un
processus ouvert et public comme l'Ontario — de ce qu'on comprend, c'est plus interministériel,
ou du moins les groupes environnementaux et les citoyens n'ont pas accès à ce processus-là actuel, puis il n'y a
pas d'audience publique. L'Ontario a commencé plus tôt sur la question des changements climatiques, et l'évaluation
à laquelle arrive le gouvernement ontarien... ou, du moins, le consultant qui a
été engagé par l'Ontario Energy Board pour évaluer les émissions de gaz à effet
de serre — bien,
c'est un enjeu majeur actuellement — c'est que les modélisations
et les prévisions et les variables utilisées sont questionnées, parce qu'essentiellement ce qu'ils disent, c'est que le
projet ne va pas générer d'augmentation de la production de pétrole des sables bitumineux. Et il y a plein d'organisations
qui ont dit : Malheureusement, sur cet enjeu-là, bien il y a des problèmes
majeurs avec l'analyse qui a été faite en Ontario.
Ça fait que,
oui, ils se sont arrêtés à la question des gaz à effet de serre, mais, quand on
regarde l'analyse, il y a des problèmes majeurs dans ce que le
consultant a produit comme analyse.
M.
Traversy : Dans l'optique où le gouvernement irait de l'avant
avec vos propositions, notamment le tableau de bord, le test climat,
dans un dossier comme, exemple, celui d'Énergie Est, à l'heure actuelle, qui,
bon, est en cours et peut-être risque de se
déclencher, est-ce que vous seriez d'avis que, peu importe le temps que ça
prendra pour en arriver à installer
un mécanisme, là, d'encadrement qui nous permettrait d'avoir un son de cloche
clair d'émissions des gaz à effet de
serre, il puisse être pensable pour le ministre de se garder une porte de
rétroactivité pour les projets qui seraient déjà enclenchés
avant, exemple, la mise en place d'un tel mécanisme que vous nous proposez, là?
Est-ce que ça serait quelque chose d'envisageable?
Le Président (M. Reid) : 20
secondes.
M. Bonin
(Patrick) : De rétroactivité? Bien, dans le cas d'Énergie Est, ce
n'est pas de la rétroactivité, parce que le mandat du BAPE, il peut être
changé encore, en cours de route, sans problème. Pour les autres projets, je
pense qu'il y a des enjeux légaux qui
doivent être observés et, malheureusement, je n'ai pas la réponse sur la faisabilité
ou non de cet aspect-là, mais tout
gouvernement peut quand même se pencher sur la question et devrait le faire, si
ça n'a pas été fait, par rapport à
différents projets, entre autres, s'il doit réinvestir de l'argent, par
exemple. C'est sûr qu'il faut le faire.
M. Traversy : Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la
parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de
Masson.
M. Lemay : Merci, M. le Président.
Merci, M. Bonin, d'être avec nous aujourd'hui, ce matin.
Bien, vous
savez, moi aussi, j'avais justement une question, là, de rétroactivité, là,
mais j'aimerais poser la question par
rapport au test climat plus précisément, tu sais, les projets qui ont déjà eu
un certificat d'autorisation, de savoir si, dans le futur, avec la réforme de la loi, si jamais on pourrait revenir puis
d'exiger aux projets qui ne sont pas finalisés... tu sais, on a eu un certificat d'autorisation, mais le
projet n'a pas encore vu le jour, comme, je pense, par exemple, à Ciment
McInnis... Est-ce que vous pensez
qu'on devrait, après ça, évoquer, de dire : Bien, votre projet n'est pas à
terme, la nouvelle loi est en vigueur,
on devrait vous soumettre à un test climat? Selon vous, est-ce que vous croyez que
ça pourrait être une avenue intéressante?
M. Bonin
(Patrick) : Bien, nous, c'est sûr que, dans l'optique où un projet n'a
pas été évalué et que ce sera le plus gros
projet polluant au Québec, probablement de l'histoire du Québec, dans le cas de
Ciment McInnis et qu'il y a un polluant comme les gaz à effet de serre qui n'ont pas été évalués, il est certain
qu'on s'attend à ce que le gouvernement regarde l'ensemble de toutes les options légales pour pouvoir s'assurer que ces
projets-là sont sains pour l'environnement. Et, malheureusement, sur cet enjeu-là des changements climatiques, ça n'a
pas été fait. Et je pense que c'est, en effet, une question légale. Est-ce qu'on peut créer des
précédents? Je n'ai pas la réponse. Ce qui est sûr, c'est que pour les projets
futurs c'est beaucoup plus facile à faire.
En fait, non seulement c'est facile à faire, mais ça doit être fait. Pour les
projets passés, je pense qu'il y a
des difficultés supplémentaires et je n'ai pas l'analyse juridique actuellement
pour pouvoir appuyer mes dires, là.
• (10 h 10) •
M.
Lemay : Parfait. Dans le cas d'une analyse, d'un test climat, puis, on
s'entend, suite au test climat, de dire : Bien, on va avoir des cibles de réduction de gaz à effet de serre pour
telle ou telle année, dans le cas... Le projet voit le jour, il est en cours. On peut faire après ça une étude pour voir, physiquement, c'est quoi, les
émissions de gaz à effet de serre annuellement, puis de dire : Bien, le promoteur du projet n'a pas atteint les
cibles qu'il s'était fixées lors du test climat. De pouvoir dire : Bien, c'est un critère de
révocation de certificat d'autorisation, est-ce que vous pensez qu'on
devrait aller jusque-là?
M. Bonin
(Patrick) : Bien, je pense
que ça peut être une avenue intéressante. Il faut qu'il y ait
des moyens pour être coercitif dans la lutte aux changements
climatiques. Est-ce que c'est à travers des plafonds d'émissions dans la bourse de carbone? Possiblement. Mais est-ce qu'on peut aller plus loin pour révoquer un certificat s'il n'y a pas respect des conditions liées
à un certificat d'autorisation? J'imagine que, si c'est inséré dans le
certificat d'autorisation et l'entreprise
ne s'y conforme pas, il y a possibilité technique de retirer le certificat.
M.
Lemay : Merci. C'était la
précision que je voulais avoir. Concernant votre dernier élément de réponse,
vous avez justement
mentionné, là, le marché du carbone. Il
y a d'autres groupes qui sont intervenus
à date en commission qui nous ont mentionné que, ceux qui émettent,
d'emblée, on sait déjà qu'ils vont émettre plus de 25 000 tonnes de façon annuelle, qu'ils sont soumis au marché du carbone.
Ces groupes-là nous ont dit : Bien, d'exiger un test climat serait
comme une double pénalité pour eux,
là. Tu sais, ils font déjà partie du marché du carbone. Alors, qu'est-ce que
vous avez à dire là-dessus, de ces
gens-là, de dire : Bien, tu sais, ça pourrait retarder le processus, on
est déjà soumis au marché, pourquoi, en plus, devoir faire un
test climat?
M. Bonin
(Patrick) : Bien, entre autres, parce que le marché du carbone, il
n'est pas parfait, là, non plus. Donc, il faut voir à quel point ce marché du carbone là est perméable. Parce
qu'il y a eu des expériences passées desquelles on a appris à travers la Western Climate Initiative, dont fait
partie le gouvernement du Québec, mais
on s'est rendu compte que, par
exemple, certains crédits de compensation ne menaient pas à des compensations, qu'il y avait
des échappatoires à travers les parties, qu'il peut y avoir des octrois
de certificat, et c'est surtout de voir aussi comment un gouvernement va, par
exemple, décider ou pas d'investir dans des projets ou également d'être capable
de justifier d'où vont venir les autres réductions
de gaz à effet de serre. Si on en ajoute, eh bien, il faut être capable
de démontrer où il va y avoir des réductions, et le marché de carbone ne
permet pas de savoir ça.
Et,
encore une fois, on ne peut pas juste se fier à la loi du marché
en tout temps, il faut également être capable d'avoir un État qui s'assure que les règles soient respectées et qu'on
mette les balises, et le marché, c'est un outil, ce n'est pas une
finalité.
M.
Lemay : Bien entendu. Ça me
fait poser une autre question. Vous mentionnez que le test climat devrait
être applicable à tous les projets,
là, tous les nouveaux certificats. Mais on prend, par exemple, un petit projet d'une hydrolienne dans une pourvoirie, un test, exemple, avec la SEPAQ, là, un chalet,
puis on dit : On va mettre une hydrolienne sur le bord de la rivière, ça devrait avoir un impact
favorable sur l'environnement, au final. Mais qu'est-ce que vous avez à dire
sur le fait que, dans le fond, ce projet-là aussi devrait être soumis au test climat, selon
vous? Parce que, si on dit «tous les projets», donc ça
inclut tous les projets, même les projets qui sont favorables, bénéfiques pour l'environnement.
M. Bonin
(Patrick) : Et ce projet-là
passera rapidement haut la main le test climat, et ce ne sera
pas un fardeau supplémentaire pour
l'étude d'impact, considérant, entre autres, que, s'il n'y a
pas de gaz à effet de serre, bien il
n'y a pas de gaz à effet de serre. Si c'est minime comme impact, c'est minime, donc c'est d'autant moins
compliqué à faire une analyse pour l'entreprise et à démontrer la
plus-value environnementale.
M.
Lemay : Super. Est-ce que vous avez déjà réfléchi aux professionnels
ou, tu sais, les gens qui pourraient être aptes à faire l'étude de test climat? Les agronomes qui sont venus
nous rencontrer, ils nous ont dit
qu'eux autres, ils étaient en mesure
de faire certains tests. Est-ce que vous avez déjà réfléchi à un peu le comment, si
le test climat devrait être analysé?
M. Bonin (Patrick) : Bien, à partir
du moment où le test climat est intégré dans les directives pour les
études d'impact, vous avez tous les gens actuellement qui produisent l'étude d'impact, que ce soient des firmes d'ingénieurs,
que ce soit fait à la main, c'est une donnée
supplémentaire à intégrer. Ce sont des émissions de gaz à effet de serre, donc, il
y a une panoplie de gens qui sont en
mesure, à la lumière de leur spécialité, de compléter ça. Si c'est au niveau
des terres, il y a des agronomes, définitivement, qui se spécialisent là-dedans.
M. Lemay : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Reid) :
Merci beaucoup. Alors, merci pour la contribution que vous
apportez à nos travaux.
Je lève la séance pendant quelques instants, le
temps de permettre à nos prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 15)
(Reprise à 10 h 16)
Le
Président (M. Reid) :
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à notre invité de Nature Québec.
Vous connaissez la routine, vous avez
10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous procéderons à
un échange avec les membres de la commission.
Et je vous demanderais de vous identifier pour les fins de l'enregistrement sonore. À vous la parole.
Nature Québec
M. Simard
(Christian) : Oui. Christian
Simard, directeur général de Nature Québec. Tout d'abord, merci aux membres de la commission de recevoir Nature Québec et de nous permettre de nous exprimer sur cet important
projet.
D'entrée de jeu, Nature Québec soutient l'ensemble
des recommandations qui ont été proposées par le Centre québécois de droit de l'environnement plus tôt, là, dans les travaux de la commission à l'intérieur d'un imposant mémoire qui vous a été présenté. Nature Québec,
avec des représentants d'autres organismes, a été consulté par les
avocats du CQDE. Ceux-ci ont bien voulu intégrer nos commentaires dans
leurs recommandations. Donc, les présents commentaires et recommandations sont
complémentaires à ceux émis par le Centre québécois de droit de l'environnement.
Bon. C'est
une réforme d'ensemble ou une réforme du régime d'autorisation? Le ministère
note avec raison dans son livre vert
que la Loi sur la qualité de l'environnement a été adoptée en 1972 et n'a pas
connu de modernisation majeure en 43
ans — bien
sûr, il y a plusieurs amendements — mais une réflexion d'ensemble. Une fois cela
dit, malheureusement, le livre vert
ne propose pas véritablement une révision globale de la loi, mais
principalement son système d'autorisation.
Quels sont les principes qui sous-tendent la
réforme proposée? En introduction, on nous parle de règles plus claires, plus efficaces, plus prévisibles et plus
actuelles pour encadrer les projets et les activités susceptibles d'affecter
l'environnement, et ce, sans pour autant
diminuer les exigences. On aurait préféré lire «accroître la protection de
l'environnement et des milieux de vie
des citoyens par des règles plus claires, plus efficaces», qui aurait
positionné dans une perspective davantage de protection de
l'environnement que d'accommodement.
Malheureusement,
les seuls indicateurs chiffrés dans le livre vert ne font pas référence à
l'efficacité environnementale de la
loi ni à la notion de risque ou d'impact. Bien sûr, on parle de risque élevé,
faible, etc., mais en termes d'indicateurs chiffrés, là, ou d'impact du système d'autorisation ou de la loi
elle-même. Par contre, ils ont tous des liens avec la volonté de diminuer le nombre de certificats émis de
5 000 à 3 500 et celle de diminuer les délais de traitement par le
BAPE, déjà courts. On parle de 15
mois, actuellement, à compter du dépôt de l'avis de projet, soit le même que
l'Office national de l'énergie, qui fait l'objet pourtant de beaucoup de
critiques au niveau fédéral, en le faisant passer maintenant... on voudrait le faire passer
d'environ 10 à 12 mois, selon qu'il y ait audience ou non. Dans le premier
document produit lors de l'annonce de
la réforme, on parlait également des coûts du ministère de l'Environnement, on
insistait sur les coûts associés au
régime d'autorisation, par exemple, en parlant du budget et de 5 000
autorisations, 45 autorisations dans le cadre de la procédure
d'évaluation environnementale.
Donc, la
perspective privilégiée semble répondre davantage aux préoccupations des
demandeurs d'autorisation et du
Conseil du trésor, au détriment, si cet allègement est mal réalisé, des
citoyens et de la protection des écosystèmes. Qu'on nous comprenne bien, là, on ne pense pas que le système
d'autorisation est idéal présentement. Et, bien sûr, il y a des lourdeurs, bien sûr, ça prend énormément
d'énergie, mais il y a des façons d'aborder ça qui ne sont pas uniquement
celles d'un objectif de diminution de
certificats d'autorisation, mais aborder ça avec qu'est-ce qui pourrait être le
plus efficace comme outil réglementaire législatif ou système
d'autorisation ou instrument économique pour atteindre une meilleure protection de l'environnement.
L'exercice a manqué là-dessus un peu de recul. Il n'est pas trop tard, bien
sûr, à cette étape-ci, là, pour prendre cette direction.
• (10 h 20) •
Donc, Nature Québec recommande d'entreprendre
une véritable réforme de la LQE, la Loi sur la qualité de l'environnement,
orientée vers la protection de l'environnement davantage que sur son système
d'autorisation.
La question
du trop grand nombre de certificats d'autorisation. La réalité des milieux
humides met à mal cette logique-là.
On estime que 80 % des milieux
humides ont disparu dans les basses-terres du Saint-Laurent. Au cours des
22 dernières années — là, ça, c'est depuis la colonisation — au cours des 22 dernières années,
567 kilomètres carrés de milieux
humides ont été perturbés, soit 19 % de la superficie restante en milieu
humide. Les activités agricoles et sylvicoles sont les principales sources de ces perturbations, qui représentent
44 % et 26 % des pertes. Il y a une étude approfondie sur cette question qui a dit que, même si elle
représente 44 % des pertes de milieux humides — le secteur agricole — elle est pratiquement absente des demandes de certificat d'autorisation. Seulement
0,2 % des demandes de CA ont été faites pour des fins agricoles. Donc, ce qu'il faut se rendre compte, c'est
qu'il y a énormément de pertes de milieux humides qui se font à l'insu
même du ministère, sans aucun processus d'autorisation. La question se
pose : Y a-t-il eu trop de certificats
d'autorisation et trop de contraintes liées à la protection des milieux
humides, alors que la majorité des pertes de milieux humides au Québec s'est faite sans autorisation, à l'insu du
ministère? Comment concilier le désir de ramener le nombre de CA de 5 000 à 3 500... est compatible avec cette
réalité? Entre 2006 et 2010, il y a eu 558 certificats d'autorisation qui ont été émis pour des
interventions dans les milieux humides, sans compter les grands travaux. Là, on
parle de barrages, routes, oléoducs, lignes
de transport qui sont faits selon un autre type d'autorisation. Et on applique
déjà là une règle de gradation liée à la
superficie. Vous savez, si c'est un petit milieu humide, il y a très peu de
contraintes.
Comme le
système d'autorisation et la protection des milieux naturels sont liés, il
apparaît fondamental de réaliser les
deux réformes de concert : celle de la loi sur les milieux humides et la
réforme sur la Loi sur la qualité de l'environnement. Donc, Nature Québec recommande que le ministère
prenne le temps de bien faire les choses et qu'il intègre la future loi
sur la protection des milieux humides dans l'exercice de réflexion et de
modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement en faisant coïncider
les deux agendas, c'est-à-dire d'ici avril 2017.
On
travaillait depuis deux ans déjà à la création d'une nouvelle loi sur les
milieux humides. On voulait retarder de
trois ans l'adoption parce qu'on voulait avoir le temps de bien faire les choses.
Donc, finalement, ça a été deux ans, lors de l'adoption de la loi. Eh bien, on
pense qu'une réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement ne peut pas se
faire, là, sur les chapeaux de roue en
quelques mois, c'est trop important. Et, si c'est mal fait, bien il va y avoir
des difficultés d'application par les
tribunaux, il risque d'y avoir plus de problèmes que d'efficacité dans cette
façon de faire. Donc, on invite à faire les choses bien et à prendre le
temps de bien faire les choses.
Risques, impacts,
capacités de support des milieux récepteurs. On recommande d'adopter la notion
d'impact au lieu de celle de risque,
dans le livre vert; de ne plus autoriser de projets lorsqu'ils entraînent une
perte nette d'habitat ou lorsque la
capacité de support des milieux récepteurs est compromise — dans un bassin versant, par exemple. On
pense que la notion de risque est
très, très difficile à évaluer et à mettre de façon objective, c'est beaucoup
de subjectivité. La notion d'impact
est davantage objective. Et la notion de risque, parfois, vous savez, est un
peu ambiguë. Par exemple, il n'y a
pas de risque direct et rapide à la destruction d'un milieu humide, mais, s'il
y a 567 kilomètres carrés de milieux humides qui disparaissent, dont la majorité sans certificat
d'autorisation, bien ça a des impacts sur les inondations, sur la qualité de l'eau, sur la résilience face aux
changements climatiques. Donc, les milieux humides ont cette fonction-là, on ne
peut pas la voir toujours dans le risque milieu par milieu. Donc, il y a
des impacts cumulatifs qui sont importants.
Nouveaux
types de consultation et de délégation de responsabilités. On comprend l'idée
derrière le livre vert, mais on ne
pense pas que ça soit nécessairement sain d'inventer des nouveaux processus de
consultation. Il y en a déjà assez comme ça, notamment, là, dans les
premières étapes, là, des consultations par le BAPE. Il faut faire attention
avant d'introduire ça, parce que souvent on
va finalement compliquer les choses plutôt que de les simplifier et on risque
finalement d'avoir des effets
contraires à ceux désirés. Donc, la prévisibilité passe par des textes clairs
et une réglementation adaptée.
L'exemple des
mines. Vous savez, encore, au niveau de l'exploitation des mines, c'est une
simple directive, qu'on appelle la
directive 019 sur les mines, qui permet d'aboutir à un certificat
d'autorisation pour opérer une mine. C'est une directive qui a changé au fil des années. Donc, une exploitation minière
peut appliquer des règles qu'une autre n'applique pas. Donc, ce n'est pas une réglementation qui est
applicable de la même façon, ça dépend de l'âge de la mine. Donc, ce qui
est important là-dedans... vous savez, il y
avait une directive pour les milieux humides qui a été finalement démolie par
les tribunaux et qui a obligé une loi
d'urgence qui a fait en sorte que, rétroactivement, on a été obligé de rendre
légaux les certificats
d'autorisation. Des fois, on peut dire : Une réglementation, c'est
compliqué, mais souvent une réglementation peut éviter des négociations éternelles entre les fonctionnaires et le
promoteur, ce qui nuit au promoteur, ce qui nuit à tout le monde. Dans
le cas de la directive sur les milieux humides, le tribunal avait dit que
l'échange de correspondance incessante entre le ministère et le promoteur avait nui au promoteur
Atocas des érables, et c'est pour ça que le juge avait dit que la
directive était illégale.
Donc, il
serait important, donc, de faire attention. À sa première face, on pense qu'un
règlement, c'est nuisible à
l'efficacité, mais, dans certains cas, c'est la voie obligée pour avoir une
meilleure efficacité, une meilleure équité, et il peut y avoir un
règlement qui soit novateur par rapport aux outils, là, de contrôle, etc.
Coûts et économies liés à la réforme. La
question des coûts évités et des économies engendrées par l'État...
Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Reid) : Il
reste quelques secondes.
M. Simard (Christian) : Quelques
secondes?
Le Président (M. Reid) : 20
secondes.
M. Simard (Christian) : Je vais
aller rapidement. Bon, on semble privilégier les coûts et économies liés à la réforme. Pour justifier, on veut baisser le nombre
d'autorisations, mais on fait ressortir... et les groupes environnementaux ont fait ressortir, dans une lettre récente au
premier ministre, avec copie au ministre concerné... du fait que le ministère
de l'Environnement est sous-financé et qu'on
doit investir dans cette importante mission et réinvestir. Il y a eu énormément
de coupures, et l'idée, ce n'est pas d'en
rajouter, là, dans le cadre d'une réforme sur la Loi sur la qualité de
l'environnement, là. Donc, on a
besoin, éventuellement, même de ressources qui seraient libérées par un système
d'autorisation qui soit mis sur le terrain pour les contrôles.
Donc, on
recommande au ministère de reconnaître que les contraintes économiques qui lui
sont imposées sont une entrave à
l'application de la loi. Et on termine par une invitation à utiliser des
techniques de malus-bonus, d'écoconditionnalité et d'outils fiscaux pour s'assurer d'une meilleure préservation de
l'environnement, ce qui est un peu absent, là, du livre vert
présentement.
Le
Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous allons
maintenant aller du côté du gouvernement, et je donne la parole à M. le
ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Simard, merci pour votre
présentation ainsi que votre mémoire. On vient de le recevoir, alors on
vient d'en prendre connaissance.
Je vois que
vous prônez une prise en compte des capacités de support des milieux récepteurs
ainsi que les effets cumulatifs dans
le processus d'évaluation. Pouvez-vous approfondir cette notion-là? Puis ce que
je recherche, c'est plus des exemples
concrets, comment on pourrait mieux intégrer la prise en compte de ces deux
éléments-là dans les processus d'autorisation.
M. Simard
(Christian) : Oui. Je ne
vous dis pas que ce n'est pas un défi. C'est un défi. Il y a d'ailleurs eu, et
il serait important qu'il soit rendu public, je pense, un comité qui
s'est penché sur cette question au sein du ministère en 2006, là. Je pense, le Centre québécois de droit de l'environnement
en fait mention dans son mémoire. En 2006, il y a eu véritablement un travail
de fond sur cette question-là mais qui n'a pas été rendu public,
malheureusement. Et on parle de
transparence. On souhaite que ça soit rendu public. Donc, je vous invite à
consulter ça. Je ne l'ai pas lu moi-même.
Vous savez, on a parlé beaucoup des algues
vertes, des cyanobactéries, et il y a des législations au Nouveau-Brunswick, dans la Nouvelle-Angleterre qui se
basent sur la capacité du milieu récepteur, là, par rapport aux installations
sanitaires pour exiger des installations
sanitaires plus élevées ou moins élevées, selon la capacité du milieu récepteur
à recevoir. Donc, il y a des exemples
de ce type-là. Et c'est un travail qui n'est pas facile, ça pose des questions
d'équité par rapport à un promoteur
qui veut réaliser... mais, s'il réalise un projet près d'un cours d'eau ou dans
un bassin versant qui est sursaturé
au niveau de contamination, on ne peut pas lui permettre, parce que l'autre a
eu la permission, d'en rajouter. Donc,
ça doit faire partie des conditions. Ce n'est pas facile. Il y a des réflexions
qui ont été faites. On pense qu'on devrait pousser dans ces
réflexions-là, mais on ne peut aller nécessairement, là, plus en détail. On
pourra vous envoyer le mémoire qu'on avait
produit, là, sur le règlement Q-2, r. 8, qui fait mention des différentes
législations dans ce sens-là ou des différentes réglementations dans les
juridictions voisines du Québec.
M. Heurtel : Bien, j'apprécierais,
si vous pouvez nous envoyer ce mémoire-là, qu'on puisse le regarder.
M. Simard (Christian) : Oui, tout à
fait, on va vous l'envoyer. On va l'envoyer.
• (10 h 30) •
M.
Heurtel : Au niveau de l'écoconditionnalité, vous suggérez quand même
une piste intéressante, là, de l'intégrer au processus d'autorisation.
On a déjà
parlé beaucoup d'un test climat. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais
déjà il y a trois groupes qui ont
déjà proposé le test climat. J'imagine, vous en avez entendu parler. Je ne sais
pas s'il y a un lien à faire entre justement ce
que vous proposez au niveau de l'intégration de l'écoconditionnalité et le
test climat. Ça, c'est une première partie de ma question. L'autre partie, encore une fois, concrètement... parce que, l'écoconditionnalité, on l'a regardée dans nos
travaux concernant la Stratégie gouvernementale de développement
durable. Ça touche beaucoup d'autres ministères aussi et organismes gouvernementaux, vous en
conviendrez, ce n'est pas juste quelque
chose qui est lié à la LQE. Mais,
dans le contexte
d'autorisation, encore une fois, si vous avez des exemples concrets, comment on
opérationnaliserait ça dans des processus d'autorisation, l'intégration
de l'écoconditionnalité?
M. Simard
(Christian) : Vous savez, elle est appliquée au ministère de
l'Environnement... de l'Agriculture, c'est-à-dire. Le MAPAQ applique l'écoconditionnalité, La Financière agricole l'applique encore de façon très timide. Elle devait être mise progressivement, et ça s'est
arrêté pas mal en 2005, là. C'est encore très timide. Donc, on conditionne,
dans le cas du ministère de l'Agriculture, le versement de subventions agricoles au respect
des règlements, à la norme phosphore entre autres. Et donc, avant ça, vous savez, il y avait
une problématique où on pouvait pratiquement cultiver dans le cours
d'eau, on pouvait excéder les capacités de support en terres agricoles au niveau
de l'épandage et recevoir de très
fortes subventions, par ailleurs, comme si la main gauche ne parlait pas à la main
droite. Il y a eu une partie qui a été corrigée... malheureusement, pas l'ensemble de cette correction-là. Ça
s'applique déjà, donc, au gouvernement
du Québec, et il
y a véritablement, là, une piste à
suivre pour l'aspect, l'écoconditionnalité, parce qu'il est rare qu'une entreprise ne bénéficie pas, à un moment ou
à un autre de ses étapes de production, là, de subventions gouvernementales.
Donc,
de pouvoir faire un peu comme le Programme de réduction des rejets industriels,
le PRRI, donc de mettre des objectifs
de réduction de pollution, de mettre des objectifs de conformité liés.
Et on dit : Ces objectifs sont là, si vous ne respectez pas... ils peuvent
aller au-delà des règlements puis des normes minimales, et, si vous ne les respectez pas, libre à vous, mais vous ne pourrez pas bénéficier
de subventions gouvernementales. C'est un puissant incitatif qui des
fois devrait être analysé, selon moi, là, si on veut réviser un système
d'autorisation sans diminuer les exigences environnementales, ce qui semble
être le désir.
M. Heurtel :
Et sur le test climat?
M. Simard (Christian) : Le test climat est une forme
d'écoconditionnalité — je pense que vous avez tout à fait raison — sans
dire le nom. Bien sûr, là-dessus, les groupes, là... il y a des groupes qui
l'ont développé davantage. Je pense et
je trouve que c'est une chose extrêmement intéressante dans le livre vert, là,
le volet sur les changements climatiques qui a été mis et qui a été introduit. Maintenant, je pense
qu'effectivement il faut aller plus loin. Tantôt, j'ai entendu une question qui disait : Vous savez, dans le
cas, par exemple, de Ciment McInnis, Ciment McInnis va bénéficier d'importantes
subventions dans le cadre du marché du
carbone parce que sa technologie est plus récente et, par tonne de ciment, il
va consommer beaucoup, beaucoup moins d'énergie, mais, globalement, il
va être un très fort contributeur, le plus fort contributeur au Québec, de gaz
à effet de serre.
Donc, dans le test
climat, c'est de dire : L'argent que vous récupérez du marché du carbone,
vous pourriez le réinvestir pour être encore
plus performant au niveau environnemental ou dans... par exemple, acheter de la
biomasse en Gaspésie plutôt que du
coke de pétrole qui vient de l'extérieur. Donc, on a des discussions même avec
l'entreprise, on fait partie d'un comité de suivi environnemental avec
la compagnie. Et ça fait partie des outils qui pourraient être intéressants, parce que, là, le marché du carbone,
là, il y a comme une déformation, là, il ne remplit pas véritablement son objectif. C'est fait plus pour des compagnies
existantes que pour une nouvelle compagnie qui rentre sur le marché. Donc, c'est des éléments, là, qui sont des outils
économiques et des outils qui peuvent diriger et qui peuvent avoir une
efficacité, là, encore plus grande qu'un processus d'autorisation parfois
lourd, là, avec des directives pas claires pour personne et qui, au bout du compte, là, dépense énormément d'énergie, et
de tout. C'est qu'ils ne garantissent pas une meilleure protection de l'environnement. Ceci dit, je pense que ça prend
des autorisations aussi, et ce n'est pas à jeter, là, naturellement.
M.
Heurtel : Je dois d'ailleurs souligner le travail de Nature Québec
avec McInnis, d'ailleurs, au niveau de ce comité, qui permet justement
d'éviter un long processus judiciaire et choisit la voie, là, de collaboration,
de travailler ensemble pour justement avancer...
M. Simard
(Christian) : C'est sûr que nous, on est arrivés un peu...
M. Heurtel :
...dans cette démarche-là.
M. Simard (Christian) : Oui. Excusez-moi, M. le ministre. C'est sûr que
nous, on est arrivés un peu après cela, là. C'est dans l'entente entre
le CQDE et McInnis.
M. Heurtel :
Oui, mais, en même temps, ça a pu mettre fin...
M. Simard
(Christian) : Mais ça a pu effectivement... Ce que nous, on se
dit : Est-ce que ce projet-là est vraiment
pertinent et est-ce qu'on doit mettre 500 millions? On en doute toujours.
Mais, une fois qu'il se réalise, est-ce qu'il y a moyen de le réaliser
dans les meilleures conditions? Et c'est là qu'on a décidé...
M. Heurtel :
Bon, évidemment, vous connaissez la position du gouvernement là-dessus, puis ce
n'est pas de refaire le débat, mais au moins de pouvoir s'asseoir et travailler
ensemble, puis éviter justement de coûteux et parfois difficiles débats
judiciaires qui parfois, aussi, ne règlent rien. De travailler ensemble, je
trouve que c'est des avenues peut-être à voir dans d'autres dossiers également.
Ma dernière
question. Dans votre mémoire, vous nous mettez en garde contre le risque de
multiplier les types de consultation.
J'aimerais ça opposer ça à une orientation dans le mémoire... dans le livre vert, pardon, où
justement on suggère de mettre en place, justement, des consultations
le plus en amont possible dans le cadre de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et, dans une optique de plus grande transparence, de rendre plus
de documents. Je vois là... bien, en tout cas, il semblerait qu'il y aurait une opposition entre les deux, là.
Je voudrais juste vous entendre là-dessus.
M. Simard
(Christian) : Oui, parce que,
dans le mémoire, c'est très rapide, ce qu'on dit là-dessus. Si on veut préciser là-dedans, on est tout à fait favorables. Et même le CQDE fait des recommandations. À l'étape de la
directive, là, dans le processus
d'évaluation environnementale fédéral, à l'étape de la
directive d'une étude d'impact, est-ce que la directive cible les bons sujets? Des fois, on a des études d'impact
fleuves, là, c'est des tonnes et des tonnes de documents, mais ce qui est
important n'est pas analysé. C'est comme dans Erin Brockovich, là, c'est
comme si on arrive avec des tonnes de
documents, mais trouver l'important dans les tonnes de documents est difficile,
et des fois on s'aperçoit que la qualité n'est pas au rendez-vous.
Donc, ça,
qu'il y ait des processus de consultation, simplement... Et on note aussi le
registre, transparence. C'est des éléments qu'on n'a pas soulignés mais qui
sont positifs dans le présent projet de loi, et on l'a souligné en conclusion
trop rapidement, mais qui sont positifs dans
le présent... livre vert, pas projet de loi. Maintenant, il faut s'assurer de
ne pas réinventer la roue. On se
dit : Est-ce que c'est au BAPE de faire les documents d'information? Je ne
sais pas, mais il y a eu une
tendance, dans les dernières années, où chaque ministère inventait son
processus de consultation, sa façon de
faire des évaluations environnementales stratégiques. Le mémoire était public,
pas public, on avait accès aux mémoires des autres, on n'avait pas accès, on pouvait... et là c'était des fois
fait par un comité extérieur, des fois fait par le ministère, seulement sur Internet, avec une tournée. Un chat
n'y retrouvait pas ses petits. La seule chose qu'on vous dit, c'est d'avoir
une structure, si on veut, simplifiée et
claire, d'éviter aussi que les consultations soient de la promotion ou des
relations publiques pour une
entreprise uniquement. Donc, c'est ça. On comprend l'idée. Et est-ce que, par
exemple, il y a un véritable problème
actuellement avec le processus d'évaluation environnementale? Je pense qu'il y
a seulement 45 certificats par année,
c'est quand même beaucoup quand même, qui passent par... pas le BAPE, mais la
procédure officielle, là, la procédure d'examen public, et je ne sais
pas si l'objectif de comprimer le BAPE en 10 mois et 12 mois est la solution.
Peut-être
qu'on devrait regarder... et je termine là-dessus mon commentaire, peut-être
qu'on devrait regarder plutôt comment
ça se fait qu'on dépose au BAPE, des fois, des projets qui ne sont pas financés
et qui ne sont pas ficelés et qu'on va
seulement chercher l'autorisation pour ensuite aller sur les marchés se
financer. Donc, on se dépêche et on veut avoir l'autorisation, puis
après on va se financer dans les marchés, puis, des fois, les projets ne se
financent pas. Rabaska, il n'y a même pas de
contrat de fournitures. Puis on fait, là, des psychodrames collectifs, là, sur
des projets alors qu'il n'y a pas de
projet. Donc, ça, c'est à regarder aussi dans les éléments, là, de
simplification. Est-ce qu'on permet que le BAPE soit un outil de financement d'un projet non ficelé, c'est-à-dire
pour permettre le financement? Vous comprenez ce que je veux dire? Et peut-être que l'énergie devrait aller là plutôt
que d'essayer de comprimer un processus qui est déjà efficace au Québec. C'est assez rondement mené,
les audiences du BAPE. Et est-ce qu'on veut absolument les comprimer? C'est au risque, des fois, là, d'enlever le droit
du public à l'information et sa capacité d'intervenir. C'est simplement cette
mise en garde qu'on vous fait à ce stade-ci.
M. Heurtel : Je ne veux pas
nécessairement entrer dans un débat, mais, juste pour quand même préciser la pensée, je ne crois pas qu'on suggère de comprimer
le processus spécifique d'audiences publiques. Il y a des délais avant, et des fois ce qui arrive — puis parfois c'est même au détriment des
citoyennes et citoyens, des groupes — il y a une série de délais, des... j'appelle ça, des fois, des
parties de tennis de demandes d'information, difficultés d'avoir de l'accès.
C'est plus dans cette phase-là qu'on croit qu'on peut être plus
efficaces, mais je ne crois pas que vous pouvez voir...
M. Simard (Christian) : Bien, il y a
un tableau dans votre document qui est quand même...
• (10 h 40) •
M. Heurtel : Oui, mais, je crois, quand
même il n'y a aucun objectif là de restreindre la capacité des gens à
s'exprimer sur un projet. Ce n'est pas ça, la volonté. Alors, je tenais quand
même à le préciser.
Vous avez quand même
mentionné que vous-mêmes, vous constatez des lourdeurs dans les processus d'autorisation. Alors, peut-être nous donner des exemples concrets
de ces lourdeurs-là, que vous avez constatées, et de comment vous
proposeriez d'y remédier.
M. Simard
(Christian) : L'exemple des
milieux humides est clair. Même, je vous invite à lire le jugement Atocas
des érables, où, quand on le lit, là, on a
quasiment de la peine pour le promoteur, là, puis, vous savez, je n'ai pas
nécessairement l'émotion facile de ce
côté-là. Mais c'est extrêmement long. Pourquoi? Parce que ça se fait entre la
biologiste, qui a ses valeurs, et le
promoteur et il y a un échange continuel pour arracher des engagements du
promoteur, alors que, si on avait eu un règlement ou une directive
claire qui dit qu'il n'y a pas de perte dans les milieux humides d'intérêt,
qu'ils sont intouchables, que, dans les
milieux humides qui n'abritent pas d'espèce menacée ou qui ont moins
d'envergure, on dit : Pas de perte nette d'habitat et on
prévoirait, dans une loi, des compensations claires, par exemple quatre pour
un, obligation de restaurer ou de créer, ça
ne deviendrait pas à ce moment-là la cause d'un individu ou d'un fonctionnaire,
ça ne deviendrait pas à géométrie variable
selon la direction régionale et le fonctionnaire qui traite du dossier, mais, à
ce moment-là, ça deviendrait des
règles claires et connues, prévisibles et, à ce moment-là, ça favoriserait...
C'est une façon de faire.
Souvent, on a
la logique de dire : Il y a trop de règlements puis il y a trop de
contraintes. Mais, si les objectifs ne sont
pas précis et l'engagement n'est pas clair en face des promoteurs, un gars
s'essaie, le promoteur va... et là la personne est toute contente : en fin de course, elle a
obtenu 500 $ de compensation ou un petit bout de protection, puis là il se
fait un jeu de négo, là, qui est
presque psychologique entre une fonctionnaire ou un fonctionnaire chargés... et
le promoteur, et il faut essayer d'enlever... Ça, c'est des exemples que
je vous donnerais, là, ce genre de choses là.
M. Heurtel : Merci.
Le Président (M. Reid) : Deux
minutes, M. le député de Mégantic.
M. Bolduc : Merci, M. le Président.
Bonjour, M. Simard. On va essayer d'être efficace, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, là, mais je voudrais vous faire
une remarque au sujet de la perte de milieux humides, une remarque qui est un peu étonnante de ma part, là, mais vous
parlez de la purification de l'eau, de l'érosion, de ci et de ça, mais vous
ne parlez, en aucun temps, de
l'hydrogéologie, de l'impact des milieux humides sur l'hydrogéologie. Est-ce
que c'est un oubli ou... J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce
qu'il y a une relation directe, là.
M. Simard
(Christian) : Oui. Bien, on
a parlé d'inondations; vous comprendrez, c'est des commentaires. On a développé et on a travaillé beaucoup sur les
milieux humides. Il y a, et je vous invite... des documents, études produits
par Nature Québec, vous avez tout à fait
raison, mais... C'est-à-dire, dans le cadre de l'exercice présent, on n'a pas
pu développer, mais il est clair que
vous avez raison. Les milieux humides évitent des problèmes d'inondation parce
qu'ils servent de tampon, ils sont
directement... Vous savez, quand on artificialise la rivière Richelieu... Vous
vous souvenez de la rivière Richelieu? Bien, quand on artificialise les
milieux, bien c'est petit à petit, là. Chaque projet est intéressant en lui-même, mais, quand on ne regarde pas
l'ensemble de l'impact puis on s'aperçoit du déboisement, de la disparition
des milieux humides, bien ça crée des problèmes sociaux et des problèmes
économiques majeurs.
Donc, l'idée
de faciliter des autorisations, éviter des autorisations dans des petites
superficies, ne pas regarder les
impacts cumulatifs nous invite à plus de prudence, parce qu'il y a eu 767
kilomètres carrés qui ont disparu au cours des 22 dernières années, petit bout par petit bout, tous pour des bons
projets ou, des fois, pas pour des bons projets. Des fois, le ministère
mettait beaucoup de temps à l'autoriser. D'autres fois, la personne était dans
son champ ou dans sa forêt puis le scrapait
ni vu ni connu, drainait le milieu humide, et c'est ça. Bien, on n'avance pas
nécessairement comme société, ce n'est pas facile. C'est pour ça que j'invite,
là, à prendre le temps de bien faire les choses. Une réforme comme ça, là, ne peut pas se réaliser... Même les
juristes du ministère doivent être totalement... du contentieux, débordés.
D'arriver avec une loi solide, là,
d'ici la fin de l'automne m'apparaît un exercice... puis pourtant on est des
gens généralement très pressés, là, à
Nature Québec, mais on l'a été dans le milieu humide pour essayer de
restreindre le délai, là, de trois ans, vous m'avez entendu là-dessus,
mais trop, c'est comme pas assez, là.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant du
côté de l'opposition officielle, et je donne la parole au porte-parole
de l'opposition officielle, M. le député de Terrebonne.
M.
Traversy : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, M. Simard, pour la présentation de votre
mémoire. Vous êtes une personne qui
semble être très pragmatique, voire même un peu sceptique par endroits
lorsqu'on regarde, là, les différents,
dans le fond, commentaires que vous faites dans votre mémoire. Et j'aimerais
pouvoir discuter avec vous de certains éléments qui semblent vous... je
m'en allais dire «vous chicoter», mais qui semblent vous inquiéter.
Alors,
concernant tout d'abord les coûts et l'économie liés à la réforme qui est en
discussion actuellement, vous semblez
avoir, là, certaines réserves. J'aimerais vous entendre nous les mentionner
selon vos mots pour qu'on puisse bien comprendre
ce qui, selon vous, pourrait peut-être, là, porter un peu plus à questionnement
dans le cadre de la démarche actuelle.
M. Simard
(Christian) : Oui. Je vous
réfère au mémoire du CQDE, je réfère beaucoup
au mémoire du CQDE, mais je le trouve très, très bien
fait et bien intéressant, là.
Bien, il y a quatre des neuf rapports qui ont
servi d'inspiration au livre vert qui sont liés à l'assouplissement réglementaire et à la diminution des coûts
d'opération, des coûts pour l'État. Il y a des mémoires là-dessus qui sont
rendus publics, d'autres qui ne sont
pas publics comme exercices. La hâte de développer un système d'autorisation
allégé, là, ou... d'ici la fin de
l'automne, eh bien... puis on ne veut pas faire de procès d'intention, là, puis
on va voir véritablement, là, au dépôt
du projet de loi. On est en discussions sur le livre vert. Mais est-ce que
l'objectif premier est d'alléger les délais pour des promoteurs, diminuer les coûts de système pour le ministère de
l'Environnement et faire des économies structurelles ou des économies dans la fonction publique? Et,
comme on dit, puis on cite la lettre envoyée au premier ministre, vous avez vu dans le mémoire, là, le ministère a été
particulièrement, là, victime des coupes, et sa croissance... en fait, il n'y a
pas eu de croissance, il y a une diminution
nette, là, de ses budgets qui sont importantes. Et comment peut-il
véritablement faire des inspections
aléatoires, s'assurer de faire des bilans de la qualité de l'environnement,
voir où on s'en va, juger de
l'efficacité de ses propres lois et autorisations? Et la crainte qu'on a, c'est
qu'il y ait une certaine commande là-dessus qui est imposée au ministère de l'Environnement alors qu'on a une
nécessité d'accroître la protection de l'environnement, pas juste
maintenir des acquis tant bien que mal avec une réforme. Et je pense qu'on a à
réfléchir à une réforme d'ensemble, puis il y
a moyen, là... Même dans les outils de fiscalité, ce n'est pas nécessairement
des charges supplémentaires en termes
de taxes. Souvent, c'est neutre, hein, les bonus-malus. Tu encourages des
pratiques exemplaires, tu taxes des
pratiques moins exemplaires, et globalement l'État ne s'enrichit pas, là, mais
l'environnement s'améliore, et il y a un incitatif à mieux faire chez
les entrepreneurs partout.
Donc,
c'est ça qu'on aurait aimé qu'il y ait comme créativité. Bien sûr, il y a des
éléments du livre vert qui parlent de
tarifs pour les autorisations, on est d'accord avec ça, là, il y a le principe
de l'utilisateur-payeur, là, de moderniser les tarifs d'autorisation pour... mais ce n'est pas vrai que la protection
de l'environnement va s'autofinancer au Québec, là. Ça fait partie des
rôles fondamentaux de l'État, là.
M.
Traversy : Donc, vous lancez quand même un signal de réalisme,
là, un peu, en disant au ministre : Écoutez, les intentions sont bonnes. Par contre, le focus,
c'est sur la protection de l'environnement, moins les mécanismes, si je comprends les arguments que vous nous lancez, et
surtout il faut aussi avoir les moyens de nos ambitions pour réussir, là,
à réaliser, là, autant de résultats, là, au
niveau environnemental. Vous nous faites l'état, à l'intérieur de votre
mémoire, là, d'un échange notamment,
là, entre le ministre et monsieur... Cinq-Mars, pardon, qui est Commissaire au
développement durable. Vous rappelez,
dans le fond, que le budget du ministère de l'Environnement puis du
Développement durable a diminué par
rapport au taux d'inflation au cours des dernières années, qu'il ne représente
aujourd'hui que 0,3 % à 0,2 % du budget, dans le fond, du Québec. Donc là, il y a une considération aussi
de dire : Derrière cette bonne volonté... et je travaille pour le ministre actuellement, parce que je me dis
qu'effectivement il faudrait peut-être réfléchir à augmenter les budgets
du ministère de l'Environnement, ça serait
intéressant. Ça nous permettrait d'être encore plus efficaces dans toutes
sortes de dossiers, là, dont nous
pouvons discuter, la lutte aux changements climatiques, également l'actuel
projet de loi sur lequel nous allons nous pencher au cours des
prochaines semaines.
Alors, est-ce
que vous trouvez que le ministre doit aussi mettre ça, là, dans sa réflexion,
donc, de dire : On va aussi aller chercher le financement
nécessaire pour la réalisation de nos objectifs?
• (10 h 50) •
M. Simard
(Christian) : Ceci dit, la
citation qu'on faisait, ce n'est pas... la question du ministre est très
pertinente envers le commissaire, et
je pense que des fois les commissaires donnent des leçons, des fois peuvent
aussi se faire rappeler à donc... Et
puis nous, on aimerait aussi chiffrer l'ensemble de nos recommandations. On
n'en a pas nécessairement les moyens,
là. Je ne sais pas si le commissaire a les moyens de ça. Mais ce qu'on veut
dire, c'est, si on demande... Il doit y avoir, j'imagine, si on le demandait au commissaire, il doit y avoir une
évaluation du coût de système du ministère de l'Environnement actuellement par le ministère, un bilan. On aimerait
le voir, le bilan, là, du coût. Puis on aimerait que ce bilan des opérations
du ministère soit accompagné aussi d'un
bilan économique sur la valeur économique de la protection de l'environnement.
Dans la lettre
au premier ministre, on fait ressortir qu'une réglementation, là, nous permet
d'avoir des entrepreneurs... On a
beaucoup d'entrepreneurs qui travaillent en assainissement, vous savez, puis on
en a peut-être dans les meilleurs au
monde, mais souvent leur marché est en Allemagne, et partout en Europe, et
très, très peu au Québec, parce qu'il
n'y a pas d'exigence aussi grande au Québec, là — je discutais de ça avec Denis Leclerc, là,
d'Écotech — et
c'est des éléments, là, où on... C'est payant, la protection de l'environnement, il y a une économie de ça, et, des fois, de dire... pour enlever des
irritants aux entrepreneurs, on se contente des fois d'être dans le milieu du
peloton. Et on pense qu'il devrait y avoir une évaluation globale des
outils économiques et du rôle du ministère de l'Environnement, et je pense qu'économiquement, si on pense en économies
globales, pas en économies de bouts de chandelles ou d'unités de personnes... mais, en termes d'économies globales,
je pense que la protection de l'environnement est éminemment payante
pour les États parce qu'elle permet la préservation d'une banque de ressources
naturelles pour rendre son utilisation durable. Quand on l'élimine, on ne l'a
plus pour les générations futures.
Donc, c'est des éléments. Et, si le commissaire
devrait chiffrer ses recommandations, bien le ministère, aussi.
M. Traversy : Alors, je ne
pouvais pas passer sous silence cette partie de votre mémoire et j'ai trouvé
que ça vous a fait du bien aussi. Je vous
sentais une volonté et une passion dans votre intervention. Je suis content que
vous ayez pu avoir l'occasion de le
partager avec tout le monde. Et là-dessus j'aimerais donc vous amener... parce
que le message a été entendu, et je
pense qu'il est pertinent, j'aimerais vous amener sur votre souci de voir des
mesures d'impact versus des mesures
de risque, cette espèce d'ambiguïté ou cette crainte que vous avez, là, de
tomber dans de la subjectivité, là, un peu abstraite.
Pouvez-vous nous faire un peu le portrait clair,
là, de la grande différence entre le risque et l'impact, à votre point de vue?
M. Simard
(Christian) : Vous allez
trouver que je n'ai pas beaucoup d'idées, mais je vous réfère toujours au
mémoire du CQDE, qui est très, très précis sur cette question-là, mais je vous
rappellerai quelques éléments.
En fait, ce
que le CQDE ne comprend pas, c'est que la loi actuelle déjà est faite en
fonction du risque, donc que des
projets plus petits, de moindre envergure, ont moins de contraintes que des
projets de plus grande envergure, et il cite les articles de la loi de façon très, très précise là-dessus, donc, ne
comprend pas trop ce qu'ajoute et qu'est-ce qui est de novateur à amener cet élément de risque faible,
modéré, etc. Et le Centre québécois de droit de l'environnement dit que la question de... là où c'est plus intéressant,
c'est sur les impacts, et c'est la nouvelle tendance des législations à travers
le monde, et il cite une charte
internationale, il cite des documents où, finalement, les impacts... mesurés
par les impacts, capacité de
réception des milieux... capacité de support des milieux récepteurs, les
impacts qui sont du projet lui-même et
les impacts cumulatifs, c'est des choses qui sont plus... Vous savez, à un
moment donné, il y a des éléments... le risque, souvent, c'est lié aussi... Est-ce qu'une population autour peut
avoir... Un projet qui a un risque qui est peu élevé mais qui a une sensibilité extrêmement forte va être
évalué, puis tu peux avoir quelque chose qui a un impact majeur dans le Nord-du-Québec, des écosystèmes entiers, mais que
personne ne se soucie et qui peuvent, à un moment donné, passer «free» si on marche par niveau de sensibilité aux
risques. Parce que, dans les critères qui sont avancés dans le livre vert,
il y a beaucoup de critères de perception de la population, l'information du
public.
Donc,
à un moment donné, la notion d'impact, selon nous, est plus scientifique, plus
objective que la notion de risque,
qui est suggestive et qui est vécue différemment et pas nécessairement dans une
perspective à long terme, dans une perspective environnementale et une
perspective de maintien de banques de ressources.
Le Président (M. Reid) : En
quelques secondes, si vous voulez faire un commentaire.
M. Traversy : Merci beaucoup,
M. Simard. Donc, je vous remercie pour la franchise de votre mémoire, puis nous
allons, donc, prendre vos suggestions en considération.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, je passe maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe
d'opposition, M. le député de Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Simard. Donc, tout
d'abord, bien, en fait, la notion d'impact, là, on est tout à fait en accord avec ça, surtout la notion d'impacts
cumulatifs, là, donc il y aura certainement une réflexion à avoir à cet effet. J'aimerais vous amener tout
de suite à la page 8 de votre mémoire. Vous parlez, là, de malus-bonus,
écoconditionnalité et outils fiscaux pour préserver l'environnement. Vous en
avez fait mention tout à l'heure dans certaines discussions avec d'autres
collègues.
J'aurais une
question à deux volets. Vous savez, le gouvernement regarde aussi — puis vous l'avez mentionné dans votre introduction — d'alléger sa facture puis réduire les coûts
relatifs à l'émission d'un certificat d'autorisation, essayer de refiler la facture aux promoteurs. Bon,
la question ici qui se pose, c'est : Selon vous, l'économie engendrée,
parce que, certainement, dans le processus, il
y aura économie, il y aura même double économie si on refile la facture aux promoteurs... l'économie devrait-elle aller
pour simplement payer les coûts au sein du ministère ou elle devrait aller
pour bonifier l'offre de services pour faire en sorte qu'on réduise les délais,
que les projets voient le jour, en fait, que l'environnement puisse bénéficier
de la plus-value? Je ne sais pas si vous pouvez m'entretenir un peu là-dessus.
M. Simard
(Christian) : Oui. Je vous
suis jusqu'à une certaine limite. C'est parce que, là, déjà, la réforme est beaucoup faite en sorte
pour... est axée pour un peu, là, faciliter davantage, elle est très
compréhensive envers le demandeur d'autorisation.
On a un système,
malheureusement, qui est un système qui est, à la base, au niveau de son principe de base : Nul ne peut contaminer son environnement, à l'article 22, nul ne peut émettre... Donc, c'est la
protection de l'environnement dans la charte. Et, s'il le fait, il doit demander
une autorisation, parce que la règle, c'est de ne pas le faire. Et la
personne qui demande l'autorisation...
si l'objectif premier est la protection de l'environnement, je veux bien faciliter la vie ou d'être correct envers des demandeurs d'autorisation, mais, si il y a économie
dans le système, elle doit être réinvestie dans les contrôles environnementaux, elle doit être réinvestie dans des fonctions
de suivi, de vérifier l'efficacité environnementale du
nouveau système d'autorisation. Donc, pour moi, ça ne doit pas
aller au Conseil du trésor. À ce
moment-là, on aurait le pire des deux mondes, c'est-à-dire
on aurait élimination de secteurs entiers où il y aurait besoin de
certificats d'autorisation, au
détriment des impacts cumulatifs ou d'une véritable protection de l'environnement, et il y aurait une perte
de moyens pour le ministère de faire le suivi de l'efficacité de ces mesures. Donc, actuellement, je veux bien qu'on pense au promoteur,
mais, en même temps, il faut penser aux citoyens.
Actuellement, par exemple, un promoteur qui se voit refuser un certificat
d'autorisation peut contester ce refus-là. Un citoyen ne peut pas contester l'émission d'un certificat
d'autorisation... ou très difficilement, et donc ne peut pas le faire renverser, le certificat d'autorisation. Et
ça, il n'y a pas d'équité par rapport au citoyen.
Donc, cette équité-là, le Centre québécois développe
cette idée-là beaucoup, et, devant la justice, donc, il faut qu'il y ait un
équilibre. On peut comprendre que...
mais c'est souvent parce que les règles n'ont pas été claires, parce que ce
n'est pas bien défini par la loi, qu'il y a des lenteurs et qu'il y a des délais et qu'il y a, au bout du compte,
bureaucratie. Et ce n'est pas nécessairement en assouplissant les règles, en diminuant les seuils de protection
qu'on va y arriver. L'exemple des milieux humides est patent. L'objectif
de simplement réduire les autorisations,
quand les trois quarts des destructions se font sans autorisation présentement,
bien là, à un moment donné, ça confine à l'absurde.
M.
Lemay : Merci pour votre réponse. Très enrichissant. M. le Président,
j'aimerais passer la parole au député de Groulx.
Le Président (M. Reid) : Oui.
M. le député de Groulx, vous avez la parole.
M.
Surprenant : M. le Président, merci. Alors, je vais revenir un peu sur
ce que chacun a mentionné au niveau de
l'efficacité. Vous êtes en faveur d'une efficacité, d'une clarté, d'une
prévisibilité plus grandes, alors donc, qui passeraient par la simplification des règles et une diminution
des autorisations formelles. Alors, bien, c'est très intéressant puis c'est
ce qu'on souhaite. Puis vous avez même
tantôt suggéré, à la question du ministre, là, des orientations à prendre à
certains égards pour y arriver. C'est
très apprécié. Par contre, vous êtes inquiet au niveau de l'industrie minière,
alors, la directive 019.
Vous nous
référez, là, bien souvent, au niveau du CQDE, d'un rapport qui a été fait, mais
pouvez-vous nous en parler un petit peu? Parce qu'il y a le Plan Nord
qui arrive...
M. Simard
(Christian) : Mais, dans ce
cas-là, je ne vous référerai pas, parce que c'est une étude de Nature Québec.
Et donc, là, enfin, je vais référer à Nature Québec.
En
fait, vous savez, il y a eu une directive sur les milieux humides qui n'était
pas accrochée à la loi qui a été démolie par les tribunaux. Il y a eu une loi d'urgence, en 2012, pour rendre
légaux rétroactivement ces certificats d'autorisation là, parce que
c'est des centaines de certificats d'autorisation avec des mesures de
compensation qui auraient pu devenir caducs.
Je pense que le président de la commission était là lors de l'étude de ces
choses-là. Maintenant, il y a encore une simple directive dans le cas des mines. Et même actuellement, même dans
des mines modernes, des mines qui viennent d'ouvrir, il y a eu des digues qui ont éclaté, Cliffs Resources, il y a
eu des problématiques dans la baie de Sept-Îles, même dans des projets
récents. Donc, la directive ne semble pas marcher, ne semble pas être efficace,
et il y a eu analyse là-dessus, et elle pourrait même risquer d'être contestée
et, comme dans les milieux humides, là, faire l'objet, là, d'annulation des certificats d'autorisation. Donc,
c'est assez grave, selon nous. Et, comme je vous le disais, il y a comme
une iniquité ou il y a comme des systèmes
véritablement à géométrie variable. Si vous avez une mine qui a 20 ans ou 30
ans, elle n'a pas les mêmes règles ou
la même chose à suivre qu'une mine récente. Et, même la mine récente, il y a
beaucoup de négociations, lors du
certificat d'autorisation, entre les fonctionnaires et les mines, et, au bout
du compte, est-ce que cette négociation arrive à l'utilisation des
meilleurs outils?
• (11 heures) •
Vous
savez, il y a énormément d'utilisation de l'eau dans le système minier,
énormément d'eau, peu de récupération. On
doit travailler pour réduire les intrants. Quand on réduit les intrants, on
réduit les déchets, les déchets à confiner dans des digues énormes, dans des monticules, dans des montagnes de résidus
qu'on doit surveiller, là, pratiquement à jamais. Parce qu'un jour ou l'autre, puis avec les
changements climatiques, là, l'augmentation des pluies, c'est appelé à céder
rapidement.
Donc, dans ce
sens-là, la modernisation de la loi passe par la modernisation de ces outils
réglementaires et ne passe pas nécessairement — et je
pense que vous m'avez mal cité, M. Groulx, je pense, au départ — par
la diminution des autorisations formelles,
mais elles doivent être mieux encadrées. Elles peuvent être plus efficaces, si
elles sont mieux définies, si elles
utilisent des outils modernes, que des directives floues qui entraînent des
délais très, très longs et qui n'aboutissent pas lors de l'émission de
certificats d'autorisation et des garanties... que l'environnement soit mieux
protégé.
Le Président (M. Reid) :
...épuisé le temps qui était réservé au deuxième groupe d'opposition. Alors,
merci beaucoup, M. Simard, pour votre contribution à nos travaux.
Je lève la séance pendant quelques instants, le
temps de permettre à nos prochains invités de l'Association québécoise de lutte
contre la pollution atmosphérique et Stratégies énergétiques...
(Suspension de la séance à 11 h 1)
(Reprise à 11 h 2)
Le
Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à notre invité de l'Association québécoise de lutte
contre la pollution atmosphérique, Stratégies énergétiques. Vous disposez
de 10 minutes pour faire votre
présentation. À la suite de votre présentation, nous allons participer à un
échange avec les membres de la
commission. Et, pour les fins d'enregistrement, je vous demande de commencer
par vous nommer. Et je vous cède la parole.
Association québécoise de lutte contre la pollution
atmosphérique (AQLPA) et Stratégies énergétiques
M. Brunel
(Alain) : Bonjour, M. le
Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Donc, je suis Alain
Brunel, directeur, Climat-énergie de
l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, AQLPA. Je
tiens à excuser ici l'absence de Me Dominique Neuman, de Stratégies
énergétiques, qui n'a pas pu se joindre à nous.
Le projet de livre vert qui nous est présenté
par le ministère est un projet de réforme majeur qui aura des conséquences sur l'environnement du Québec pour
des décennies à venir, et donc, effectivement, il faut prendre bien le temps de l'analyser parce qu'il comporte des
conséquences énormes aussi sur le droit à la qualité de l'environnement.
Alors, pour l'AQLPA et Stratégies énergétiques, donc, il comporte beaucoup
d'éléments intéressants qui permettent effectivement,
par exemple, de rationaliser certains processus d'autorisation et d'analyse,
mais il comporte également d'autres éléments assez inquiétants.
Et, avant
tout, ce qui nous a étonnés, c'est qu'on n'ait pas de bilan, si vous voulez, de
l'environnement dans lequel ce
processus-là de réforme des autorisations environnementales s'inscrit,
c'est-à-dire quel est l'environnement, aujourd'hui, du Québec Le postulat derrière évidemment ça,
c'est qu'il y a eu une amélioration, et effectivement, par exemple, sur
le plan de la qualité de l'air, et
l'AQLPA est bien placée pour en parler, puisqu'on a contribué à cette
amélioration, il y a eu une
amélioration, mais, sur le plan de la qualité de l'eau, c'est beaucoup plus
contrasté, et, sur le plan des milieux humides, on l'a évoqué tout à
l'heure, là, les bilans qui ont été faits par le... et qu'on peut trouver dans
le rapport sur l'eau, du ministère, c'est
que le quart des milieux humides de la plaine des basses-terres du
Saint-Laurent ont disparu depuis la fin des années 60. Et le processus de réforme ne s'appuie pas... en quelque
sorte, ne fait pas d'analyse — on est un peu étonnés de ça — finalement, du rapport d'efficacité de ce
processus d'autorisation sur la qualité de l'environnement, sur l'état de
l'environnement qui en résulte, et
notamment — le cas
des milieux humides est assez patent — le processus actuel n'a pas réussi, effectivement, à protéger ces milieux humides.
Pourquoi? Et est-ce que la réforme va le faire? On ne le sait pas.
L'autre aspect important économique
est lié à l'activité des fonctionnaires, les professionnels du ministère, est
très important également. Il a été évoqué
par Christian Simard tout à l'heure. Bien, c'est que, depuis 20 ans,
l'économie du Québec est en croissance quasi continue, et on a noté une
croissance moyenne de 2,6 % par année depuis 20 ans, c'est-à-dire
plus que celle des États-Unis, hein, il faut le noter quand même, alors que le
budget du ministère de l'Environnement,
depuis 10 ans, lui, il a diminué de 5 %, l'indice des prix à la
consommation augmentait de 18 %, les dépenses de programmes augmentaient de 38 %, et l'effectif total du
ministère de l'Environnement, lui, a diminué de 20 %. Alors,
évidemment qu'il est, dans ces conditions-là, normal que les délais, peut-être,
se soient accrus et que l'activité elle-même
du ministère se complexifie, se densifie, s'intensifie, eh bien, que... donc,
moins de ressources et plus d'activités, il est peut-être un peu normal que ce soit un peu plus compliqué de
faire le travail. Et, en plus, il faut le noter, là, le livre vert le signale, bien l'environnement lui-même
s'est complexifié depuis ces dernières années. Les lois de l'environnement,
les lois touchant, là, à l'environnement se
sont complexifiées ces dernières années. Et là un processus de révision
d'activités ou de rationalisation des
autorisations ne peut pas tout, l'optimisation de processus ne peut pas tout
quand les ressources diminuent. Alors, il est évident que, de ce point
de vue là, on regrette qu'il n'y ait pas eu une analyse de l'activité des
professionnels du ministère en rapport avec le projet de réforme. Donc, ce sont
des remarques générales.
Maintenant,
quant aux orientations, l'orientation sur la lutte contre les changements
climatiques, évidemment, l'AQLPA et Stratégies énergétiques soutiennent
l'intégration de ce nouvel enjeu environnemental dans le processus d'autorisation. Le minimum, ce serait
qu'effectivement les projets ne mettent pas en péril le plan d'action sur les
changements climatiques. Par
ailleurs, il nous semble que la dimension adaptation également des changements
climatiques devait être prise en
compte dans les processus d'autorisation. On sait que la hausse du niveau de la
mer s'accélère. D'ici la fin du siècle,
ça sera certainement autour d'un mètre, sinon plus. Et donc, dans tous les
projets d'infrastructures, il faudra en tenir compte, évidemment, dès
maintenant.
L'autre point, c'est
les émissions extraterritoriales des émissions de gaz à effet de serre... les
émissions de gaz à effet de serre
extraterritoriales, pardon, des projets évalués, et là ici je fais référence
très directement à un projet comme,
par exemple, l'oléoduc de TransCanada Énergie Est. Donc, le ministre, donc, a
confié l'étude au BAPE mais en excluant les émissions de gaz à effet de
serre amont et aval, alors que ce sont celles-là qui sont les plus importantes.
L'AQLPA a fait une étude là-dessus, une
évaluation, une estimation des émissions amont et aval de ce pipeline, et ce
serait de l'ordre de 64 fois les
émissions du Québec de 2011, plus de 5,2 milliards de tonnes sur toute la
durée de vie du projet. C'est monumental. Et, si on fait l'autruche sur
ces questions-là, il est évident que ça risque de délégitimer et de décrédibiliser toute la démarche de réduction des
gaz à effet de serre et tous les instruments, d'ailleurs, qui sont mis en
place, parce qu'on réduirait ici de
20 %, 30 %, 40 % pendant que, de l'autre côté, on accepterait un
projet qui augmenterait les émissions de 64 fois celles du Québec.
L'autre point sur cette orientation-là, c'est que, dans le bilan carbone des projets de gaz naturel, par exemple, on
sous-estime systématiquement le réchauffement sur 20 ans, parce que la
règle veut qu'on l'évalue sur
100 ans, et donc on dit que c'est moins important que le dioxyde de
carbone, ce que l'AQLPA questionne fortement et conteste quant à
l'échéance de 20 ans.
• (11 h 10) •
En ce qui concerne la
modulation par le risque, on fait nôtres les critiques du Centre québécois du
droit de l'environnement. C'est assez
problématique, notamment parce qu'on ne veut pas évaluer le risque projet par
projet, alors même que le risque ne peut pas s'évaluer sans avoir une
idée du milieu récepteur dans lequel le projet s'inscrit.
Je
vais un peu plus vite sur l'orientation 4 maintenant : accroître
l'information et les occasions d'intervenir du public. Là, il y a des pistes assez intéressantes. On aurait souhaité
même plus d'audace de la part du ministre, parce que le Québec,
effectivement, a pris beaucoup de retard là-dessus. Je lisais récemment qu'aux
États-Unis l'Environmental Protection Agency
commence même à équiper les gens d'outils de mesure peu chers et à demander aux
citoyens finalement de faire
eux-mêmes les mesures des contaminants, des émissions et des contaminants dans
l'environnement. On en est très loin au Québec. Il y a des blocages qui
subsistent en matière de communication et d'accès à l'information par le ministère. Donc, il y aurait nécessité,
effectivement, si on veut aller vers une réglementation par l'information et
par la participation du public, bien, de rendre plus facile,
effectivement, cet accès aux informations, rendre plus facile l'accès à la justice, fournir aussi un soutien, un
financement adéquats à des groupes environnementaux et des groupes
citoyens qui peuvent apporter une expertise indépendante sur les projets.
Enfin,
pour terminer, bon, je passe sur les orientations 5, 6. On est globalement
d'accord avec le diagnostic et les orientations
du ministère, avec une réserve sur la simplification des autorisations et le
processus d'analyse. Quand on dit qu'on
veut favoriser, par exemple, les expériences pilotes, on se demande si ici ce
n'est pas une façon de soustraire les expériences
pilotes, par exemple, de puits de pétrole de schiste ou de gaz de schiste...
pétrole de schiste à Anticosti ou de
gaz de schiste, de les soustraire d'une procédure d'examen d'impact, alors même
que ce serait important, au contraire. Comme on manque d'information, ce
serait important que ces expériences soient soumises au regard critique. Et aux
missions importantes...
Le Président (M.
Reid) : En terminant.
M. Brunel
(Alain) : ...c'est la révision du processus d'appel comme il a été
mentionné précédemment, mais on aura l'occasion d'y revenir. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous passons
maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, et
je passe la parole à M. le ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Brunel. Merci pour votre
mémoire ainsi que votre présentation. Vous transmettrez nos salutations
à M. Bélisle, qui est en pleine campagne électorale, mais quand même...
Une voix : ...
M.
Heurtel : Oui, j'imagine, mais quand même, si vous le croisez, s'il
vous plaît, transmettez-lui nos meilleurs voeux.
Vous proposez
quelque chose dans le mémoire, vous êtes les premiers à nous parler de la
notion de réglementation par
l'information. Est-ce que vous pourriez approfondir cette notion-là, s'il vous
plaît, nous en parler davantage puis nous dire comment ça s'intégrerait
au processus d'autorisation environnementale?
M. Brunel (Alain) : On trouve cette
notion-là, l'expression de cette notion-là et la description aussi de cette
notion-là dans l'excellent mémoire du Centre québécois du droit de
l'environnement. Je crois qu'il y a plusieurs intervenants
qui, sans doute, s'y sont référés, parce qu'effectivement c'est un document
extrêmement complet, beaucoup plus que le nôtre, qui a été réalisé dans
des temps certainement plus réduits. Mais la notion de réglementation par l'information, c'est que ça vise, en fait, à faire
en sorte que, par la transparence de l'information, par l'accès à
l'information, par la communication
de toutes les informations qui concerneraient, par exemple, les projets et par
l'appropriation de ces informations-là par l'opinion publique et les
marchés économiques... à faire en sorte de créer une nouvelle norme de comportement qui va dans le sens et dans la
direction voulus. Donc, en fait, il s'agit de faire en sorte que la
réglementation soit, en quelque
sorte, suivie, observée, soit vérifiée pas uniquement par les fonctionnaires,
qui, évidemment, bon, on l'a vu, sont de moins en moins nombreux, à
votre ministère.
Soit dit en
passant, M. le ministre, si vous disposiez d'un budget équivalent de celui de
l'Ontario, en proportion du budget
global, vous auriez en poche, si je peux dire, environ 140 millions de
dollars supplémentaires. Donc, vous voyez que ça vous permettrait aussi
de faire peut-être une réforme un peu différente de celle que...
M. Heurtel : Ils ont un déficit de
12 milliards.
M. Brunel (Alain) : ...de celle que
vous proposez aujourd'hui, qui, on a le sentiment, vise plutôt à faire des
économies.
Alors donc,
la réglementation par l'information, bien ça vise finalement à associer le
public... et, quand on dit «le
public», c'est autant, donc, les entreprises, hein, que les citoyens ou les
groupes environnementaux, associer le public, en quelque sorte, au respect de cette règlementation-là et
éventuellement à son évolution, et donc ça suppose effectivement qu'il y a un contexte légal et institutionnel qui
soit favorable à ça, et ce n'est pas le cas aujourd'hui au Québec. Aujourd'hui,
au Québec, les groupes environnementaux
vivotent, hein, et essaient de survivre, et surtout, surtout, l'information
n'est pas accessible. Je pense que ça, c'est un point que personne ne
contestera ici. Notamment, le mémoire du CQDE le mentionne très bien, les
articles 118.4 et 118.5 sur les émissions et sur le registre public montrent
bien que, donc, ces informations-là ne sont pas du tout accessibles aux
citoyens aujourd'hui.
Il y a une
espèce d'omerta au sein du ministère, malheureusement, probablement pour
protéger le secret industriel, et
donc il faudrait peut-être aussi revoir la notion de secret industriel, et ça
supposerait peut-être de faire aussi, je dirais, confiance, hein, confiance au public et peut-être de baliser la notion
d'information environnementale comme le souligne le Centre québécois du droit de l'environnement. Mais toujours est-il
que ça permet de mobiliser l'ensemble d'une société dans la direction voulue parce qu'on fait
confiance aux citoyens et aux gens pour pousser dans cette direction-là. Et ce
que fait... j'évoquais en introduction
l'Environmental Protection Agency — c'est un article que j'ai lu tout récemment,
je n'ai pas pu en parler dans le mémoire,
là — mais
c'est carrément fournir des outils aux citoyens, des outils de mesure des contaminants pour effectivement vérifier si la
réglementation est respectée, et ils sont en train de travailler là-dessus
aux États-Unis aujourd'hui. Donc, c'est vous dire à quel point on est en retard
au Québec sur ces questions-là.
Le Président (M. Reid) :
Alors, M. le député de Mégantic.
M. Bolduc : Merci, M. le Président.
Bonjour, M. Brunel. Merci pour votre rapport, mais moi, j'ai plusieurs
questions. On va manquer de temps, je vais essayer de passer à des cas
intéressants.
Vous nous
parlez qu'il faut considérer les éléments de projet en aval et en amont. Je
comprends bien l'enjeu, mais le fait d'interdire un projet, par exemple,
où on n'aurait pas les considérations ou qui aurait des conséquences aval ou amont considérables nous empêche littéralement
d'influencer l'impact à long terme de ces projets-là. C'est-à-dire que,
si un projet passe sur notre territoire, on a une chance d'en discuter, d'en
parler, d'essayer de l'améliorer avec les intervenants
en aval et en amont, mais, si le projet fait le tour, c'est-à-dire qu'il
contourne la législation ou notre territoire, on n'a plus d'impact, puis
ça n'empêchera pas la même génération des gaz à effet de serre.
Donc, vous
voyez ici une espèce de dichotomie, en fait, entre l'impact environnemental et
la capacité de notre société à influencer le processus environnemental.
Puis, comme vous le voyez très bien, le Québec est en train de se positionner dans une zone d'influence. Je voudrais
vous entendre là-dessus, parce que ça, là, ça peut être un débat assez
profond.
• (11 h 20) •
M. Brunel (Alain) : Si ce projet
passe... Je parle du projet Énergie Est. Si ce projet passait, il permettra
d'augmenter d'un tiers la production des sables bitumineux du Canada, il
permettrait d'émettre des émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 30... uniquement amont,
hein, uniquement en production, de 30 à 32 millions de tonnes par année, ce qui fait l'équivalent de 7 millions
de voitures supplémentaires sur les routes, uniquement en amont. Mais, quand
on calcule la combustion du produit qui
serait transporté, eh bien, il faut multiplier par cinq, c'est-à-dire que c'est
la pollution de 35 millions de
voitures intermédiaires par année. Multiplié par 40 ans d'activité, ce projet
rajouterait l'équivalent de 1,3 milliard de voitures.
Donc, influencer la lutte aux changements
climatiques, de mon point de vue, ça se fait beaucoup plus en refusant un
projet comme ça qu'en l'influençant à la marge, vous comprenez? Évidemment,
vous me direz : Il peut passer aux États-Unis.
Oui, mais il se trouve qu'aux États-Unis, non, le projet de pipeline Keystone
XL, il est bloqué pour l'instant et
il semblerait qu'avec le président actuel il ne passerait pas. Dans l'Ouest
canadien, c'est bloqué aussi. Alors là, vous me direz : Oui, mais, et le développement économique? Oui, mais le
problème, c'est qu'aujourd'hui, avec ce qu'on sait sur les gaz à effet de serre... c'est que, si on
continue à émettre des gaz à effet de serre, l'économie va s'effondrer,
l'économie va s'effondrer. Donc, il
faut qu'on passe à un autre modèle économique. Et évidemment que l'influence,
de mon point de vue, que le Québec
peut avoir sur cette nouvelle économie, elle est beaucoup plus en refusant
d'être complice, en quelque sorte, de
la poursuite de cette économie ancienne, qui nous mène à la ruine. Vous
comprenez? Est-ce que c'est clair, ce que je dis, ou...
M.
Bolduc : Oui, c'est clair, ce que vous dites, mais un peu à côté du
débat, dans le sens où moi, je dis que, par exemple, la taxe de carbone sur l'essence a, elle aussi, l'impact
inverse. Donc, ce que moi, je dis : Ça ne nous empêche pas d'avoir des politiques environnementales qui
vont nous aider. Et, en fait, le Fonds vert, qui est, en fait, une génération
de ressources pour faire une diversification économique, on n'enlève pas ça du
principe, là. Les bons outils puis les bonnes
choses doivent être appliqués en temps et lieu, je ne conteste pas ça. Ce que
je dis, c'est : La capacité du Québec d'influencer les autres projets. Puis, si on regarde Keystone — puis on peut faire de la politique un peu,
il y en a quelques-uns qui ont de
l'expérience là-dedans ici — en fait, Obama, il est peut-être plus
intéressé à avoir l'indépendance énergétique puis il se sent moins attaché au Canada actuellement avec la génération
du gaz naturel et du gaz de schiste. Donc, ce n'est pas uniquement un
objectif environnemental quand on fait ce débat-là, puis je tiens à le
souligner parce que ça n'a rien à voir, en
fait, avec l'environnement. Ça a à voir tout à fait avec l'impact économique
américain et l'exploitation du gaz de schiste. Donc, il faut être
prudent quand on fait ce qu'on dit.
Mais
je veux revenir à la capacité du Québec à influencer les processus
internationaux. Et est-ce que vous avez des idées sur comment on devrait affecter cette législation-là pour
avoir un impact réel sur les projets en amont et en aval?
M. Brunel
(Alain) : Dans la mesure, par exemple, où on a une évaluation
scientifique solide des émissions totales d'un projet comme celui d'Énergie Est
ou d'autres projets, d'ailleurs, bien, ça permet, je dirais, effectivement
d'avoir peut-être un pouvoir de négociation plus grand pour obtenir peut-être
un paiement, effectivement, de la tonne carbone
qui soit... du carbone qui sera émis réellement, vous voyez. Il est sûr que, si
on fait l'autruche sur cette question-là, bien, en fait, moi, mon sentiment, c'est que ça va décrédibiliser, ça va
délégitimer complètement les mesures qui peuvent être prises localement au Québec, qui vont avoir l'air complètement...
je dirais, presque négligeables en termes d'émissions de gaz à effet de
serre par rapport à ce qu'on permettra d'émettre grâce à ces projets-là.
Les
scientifiques du climat nous disent qu'il faut, pour atteindre l'objectif...
pour avoir simplement une chance sur
deux d'atteindre l'objectif de limiter la hausse de la température à deux
degrés... la hausse moyenne à deux degrés, il faut qu'on laisse les trois quarts des ressources pétrolières et,
disons, les ressources de carbone dans le sol, les trois quarts. Et, quand on calcule le bilan de carbone global...
c'est-à-dire, il y a eu des analyses faites par des scientifiques de Nature,
par exemple, qui ont fait ça en
comptabilisant notamment le contenu carbone de chaque hydrocarbure, bien, les
sables bitumineux... c'est malheureux
pour le Canada, mais les sables bitumineux contiennent beaucoup de carbone, et
donc c'est parmi les ressources qui doivent rester le plus dans le sol.
Et
donc, effectivement, si nous, en tant que peuple pas indépendant et un peu
dépendant même du gouvernement fédéral
sur ces questions-là, nous nous tenons debout quand même et nous réussissons à
imposer notre volonté sur ces questions-là,
eh bien, on a un impact majeur sur le maintien de ressources carbone dans le
sol et donc sur l'atteinte de l'objectif
global mondial de limiter la hausse du thermomètre. Et la hausse du
thermomètre, ça paraît abstrait, mais, en réalité, deux degrés, c'est une moyenne. Dans le Canada, ça va être 10,
12 degrés, probablement... dans l'Ouest canadien. Ça n'a pas que des désavantages, d'ailleurs. C'est
vrai que ça peut être agréable d'avoir un peu plus de chaleur dans nos pays froids, mais ça va avoir des effets majeurs
sur la ressource en eau, et sur la biodiversité, et sur la hausse du niveau
de la mer aussi.
Donc,
je pense qu'on ne peut pas jouer avec ces questions-là. Il faut absolument
qu'on ait une position cohérente et
forte. Et, du point de vue d'une association qui défend la qualité de l'air
depuis 33 ans cette année, il est évident qu'il faut aller vers l'élimination, le plus possible, des sources d'émissions
de gaz à effet de serre. Ça suppose de limiter le plus possible la
consommation, bien sûr, mais aussi la production d'hydrocarbures fossiles.
M.
Bolduc : Merci. Et je voudrais vous amener sur un autre sujet qui est,
pour moi, un peu délicat, puis je voudrais avoir votre opinion sur la capacité des écosystèmes. Je vais vous donner
un exemple. Moi, je vis dans une région où on est en amont, en fait, on
est la source de quelques rivières importantes du Québec. Les deux lacs les
plus importants ont 2 500 fosses
septiques isolées, plus l'agriculture, plus l'impact des municipalités, et on
retrouve, disons, une mésotrophication des
secteurs en aval. Maintenant, je dois autoriser, oui ou non, une construction
de 10... mettons, un élément théorique, de 10 nouvelles fosses septiques
isolées.
Comment on intègre cette dynamique-là quand on
est dans un territoire où la mésotrophication se produit à Drummondville ou à Sherbrooke, ou etc.? Mais
comment on intègre une notion de capacité d'écosystème sur un territoire?
M.
Brunel (Alain) : Écoutez,
c'est évident que, quand on parle de capacité de support d'un écosystème, il
faut regarder ce système-là
globalement, et si effectivement vous êtes en amont de la rivière, bien il est
évident que c'est là où ça doit se
jouer en premier. Je veux dire, c'est là où on doit agir en premier, il me
semble. Et donc, effectivement, vous ne pouvez pas le regarder
uniquement localement, ce problème-là. Mais je ne suis pas sûr de bien
comprendre votre question parce que... Vous voulez dire, dans le processus
d'autorisation? C'est ça?
M.
Bolduc : Absolument. Comment on fait pour mesurer puis dire où dans le
secteur... ou prenons le bassin versant, où on met les limites puis comment on fait ça? Parce que l'aval est
toujours influencé par l'amont — on ne peut pas éviter ça — donc les sources importantes... Est-ce qu'on
s'attaque aux sources par importance ou on s'attaque... Comment on le fait, là? Parce que vous parlez, justement, de
cette capacité des écosystèmes, là, puis que les normes prévues soient bien
respectées, etc., mais le degré de
fragilité, plus on va en aval, plus il est important. Donc, comment on
l'établit? Je voudrais juste vous entendre là-dessus.
M. Brunel
(Alain) : Bien, il est
évident que, si le degré de fragilité est plus important en aval, évidemment ça
dépend des sources amont, mais ça dépend aussi beaucoup des sources, je dirais,
tout le long du cours d'eau aussi. Et, si
vous établissez des fosses septiques isolées, bon, elles ont moins d'impact
que, par exemple, l'agriculture sur le cours de la rivière. Alors donc,
la qualité de l'eau, elle est mauvaise surtout dans les zones fortement
urbanisées mais aussi où il y a beaucoup
d'agriculture : basses-terres du Saint-Laurent, lac Saint-Pierre, lac
Saint-Jean et Chaudière-Appalaches, effectivement, donc.
Mais comment
on fait ça concrètement? Je pense qu'effectivement il faut avoir une vision
globale et il faut éviter d'en rajouter, autant que possible. Je
m'excuse, ma réponse est peut-être un peu vague. Je n'ai pas une connaissance
technique, je dirais, précise des processus d'autorisation, pour tout vous
dire.
Le
Président (M. Reid) : Alors, nous allons devoir nous contenter
de cette réponse pour le moment, puisque le temps est terminé du côté
gouvernemental. Je passe maintenant la parole au porte-parole de l'opposition
officielle, M. le député de Terrebonne.
• (11 h 30) •
M.
Traversy : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre
présentation. Vous avez piqué ma curiosité à quelques reprises, notamment en nous rappelant que nous ne sommes pas un
peuple indépendant, mais très dépendant de la situation qui se passe à
l'intérieur du Canada en matière environnementale.
Beaucoup de
discussions ont lieu avec mon collègue député d'en face sur le dossier du
TransCanada oléoduc, qui est un dossier qui nous tient particulièrement à
coeur parce que c'est un pipeline notamment qui passe dans bon nombre de circonscriptions
du Québec, dont la mienne, je dois le mentionner.
Vous avez parlé de crédibilité par rapport à ce
dossier, sur l'exercice environnemental que nous faisons aujourd'hui. Vous avez dit que, si on voulait avoir une certaine... bien, c'est ça,
crédibilité, ou valeur, ou une vraie notoriété dans la lutte aux gaz à effet
de serre, il fallait avoir une
position claire sur ce dossier, qui, selon vous, émet 64 fois celles du Québec
en termes...
Une voix : ...
M. Traversy :
...susceptibles, selon les chiffres de 2011, de ce que j'ai noté. Donc...
Une voix : ...
M. Traversy : Et c'est un
chiffre conservateur. Donc, 64 fois ce que le Québec peut dégager. Vous êtes
donc d'accord avec le fait qu'il faut
étendre le BAPE qui est proposé sur l'ensemble du territoire
canadien, sur l'ensemble du projet. Est-ce que vous pensez que, donc, si
jamais nous décidions d'aller dans cette direction, ça pourrait donner un résultat largement différent? Parce qu'il y a des études qui semblent avoir été
faites qui disent qu'essentiellement le cycle complet des émissions de gaz à effet de serre, là, n'est pas
nécessairement si significatif que ça. Je parle d'une recherche qui a été faite, là, par Navius Research pour la
Commission de l'énergie de l'Ontario qui donne des résultats qui semblent
être à l'encontre de ce que vous nous dites en termes de possibilités, là, de
gaz à effet de serre.
Bref, la
nécessité est-elle absolue, pour vous, pour avoir de la crédibilité? Et
rappelez-nous pourquoi vous pensez que les résultats seraient
différents.
M. Brunel
(Alain) : Alors, effectivement,
à partir du moment où on autorise le passage, sur notre territoire, d'un
pipeline qui va générer, sur la durée de vie
de 40 ans, qui est d'ailleurs, ça aussi, probablement une période
conservatrice... Je vous rappelle
qu'énergie... pardon, la ligne 9, Enbridge, a déjà plus de 40 ans et on veut la
prolonger. Donc, effectivement, c'est
un pipeline qui pourra peut-être durer plus longtemps que ça, mais, sur 40
ans — c'est la
durée officielle du projet dans la
soumission de TransCanada — mais, sur 40 ans, ça émet des millions et des millions de
tonnes de gaz à effet de serre quand
on comptabilise la production d'hydrocarbures qui seront mis dans le pipeline
et quand on calcule la combustion de l'autre côté. Alors, ça, c'est un
calcul absolu.
La recherche de Navius Research à laquelle vous
faites allusion a utilisé une autre manière de calculer en disant : Bien, de toute façon, si on ne
construit pas ce pipeline, le pétrole sera consommé de toute façon en provenant
d'autres sources. Vous voyez? Donc, ils
ont calculé la différence entre les autres sources et cette source-là. Donc,
évidemment, quand
on calcule comme ça, bien on se dit : Bien, finalement, si ça remplace un
pétrole par un autre, ce n'est pas plus grave que ça. Mais, en réalité, ça ne va pas remplacer un pétrole par un
autre. C'est une présomption qui est fausse. Ça va s'ajouter au
pétrole... Les prévisions de consommation de l'Agence internationale de
l'énergie sont quand même qu'il y aura une
hausse de la consommation de pétrole dans les prochaines décennies. Donc, c'est
bien des émissions de gaz à effet de
serre qui vont s'ajouter à ce qu'il y a déjà. Et, quoi qu'il en soit,
justement, la demande d'une évaluation objective de ces émissions-là, ça
vise à faire en sorte à faire la lumière sur ces différentes techniques là, et
d'ailleurs l'AQLPA va soumettre aussi un mémoire à la commission métropolitaine
de Montréal où on essaiera de creuser ces questions-là
et d'apporter de nouvelles réponses à ces questions-là, parce qu'effectivement
c'est une question extrêmement importante que vous avez posée, M.
Traversy.
Comment se
fait-il qu'on arrive à des résultats aussi divergents? Eh bien, parce qu'on n'a
pas les mêmes hypothèses. Par
exemple, je vous donne un simple exemple qui est assez aberrant, à mon sens,
c'est que Navius Research fait l'hypothèse que, si Énergie Est réussit à amener son pétrole sur les marchés
mondiaux, eh bien, ça va faire baisser les prix du pétrole mondial, et donc que ça aura, je dirais, peu de
conséquences finalement sur le reste de la consommation mondiale. C'est assez incroyable comme raisonnement, ça ne tient
pas debout, en réalité. Il y a des prémisses à leur raisonnement qui sont
extrêmement discutables. Moi, j'aimerais
pouvoir en discuter avec des experts, j'aimerais que des experts se penchent
sur cette question-là, qu'on ait différents
scénarios et qu'on puisse en juger en toute objectivité, parce
qu'effectivement, quand un groupe
comme le nôtre vous dit : 1,3 milliard... pardon, d'équivalent
voiture annuel de pollution, vous pouvez dire : Oh! ils exagèrent, c'est des écolos, c'est des radicaux,
etc. Et pourtant, les chiffres, c'est ce qu'ils nous disent : En valeur
absolue, c'est ce que ce pipeline-là va permettre de mettre dans l'atmosphère.
M. Traversy : Donc, et je ne
veux pas briser votre élan, parce que je sens que...
M. Brunel (Alain) : Non. Je
m'excuse. Je m'excuse, j'ai un peu...
M.
Traversy : ...vous en avez long à dire sur ce sujet, mais,
comme mon temps est restreint, je voulais donc résumer en disant : Il faut que le ministre ait une
position claire sur cet enjeu particulier, qui est un test de crédibilité pour
la démarche, là, de la lutte aux gaz
à effet de serre, et, s'il décide de partir à Paris — ce qu'il va faire, j'en suis convaincu — pour la conférence sur la lutte aux changements climatiques, il serait bon que
dans sa mallette il ait une position claire à cet égard et le plus
crédible possible.
Plusieurs
groupes avant vous sont venus nous parler du test climat. Vous êtes probablement
d'accord que cette option serait beaucoup plus impartiale en termes
d'évaluation?
M. Brunel
(Alain) : Absolument. Il
faudrait même, je pense, un bilan carbone des projets, hein? Un bilan carbone
ou test climat, c'est un peu la même chose,
sauf que le bilan carbone pourrait effectivement, je dirais... Bien, il
faudrait que ce soit une comptabilité, je dirais, standardisée, évidemment, et
puis qui permettrait aussi d'avoir la vision sur les émissions éventuellement extraterritoriales pour
les projets de pipelines ou de transport de pétrole, et qui concernerait,
bien évidemment, les ministères et
organismes gouvernementaux aussi, et qui donnerait un regard objectif aussi sur
les conséquences, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, de ces
projets.
M. Traversy : Il me reste
deux minutes environ, donc je vais vous poser deux questions en rafale et je
vous laisserai répondre rapidement. Vous avez parlé, dans vos recommandations
dans votre mémoire, là, donc, de donner davantage de moyens aux groupes
citoyens pour qu'ils puissent, dans le fond, intervenir notamment dans les
bureaux d'audiences du BAPE. Est-ce que c'est via le Fonds vert que vous
souhaitez encourager ces groupes citoyens?
Et l'autre
question que j'avais, c'est que... Vous avez terminé votre présentation en
parlant d'absence de processus d'appel,
là, dans ledit livre en question. Pourquoi c'est si important pour vous d'en
parler? Est-ce que c'est pour élargir davantage
ces moyens d'appel à plus que juste les promoteurs de projets? Je voulais que
vous puissiez avoir la chance de vous exprimer.
M. Brunel
(Alain) : Or, sur la
participation citoyenne, effectivement... bien, pour référer à la
réglementation par l'information,
donc, en réponse à la question du ministre en introduction, effectivement, il
est important que les citoyens soient
outillés, en quelque sorte, pour pouvoir faire le meilleur travail possible.
Ils le font déjà, je le dis, il me semble, avec relativement d'objectivité. Ça ne fait pas tellement longtemps que
je suis à l'AQLPA, là... ou que je suis revenu à l'AQLPA, mais ils font quand même du travail assez remarquable avec très
peu de moyens aujourd'hui. Ils pourraient faire encore davantage du meilleur travail s'ils étaient mieux outillés
pour le faire, mieux financés pour le faire. C'est, d'ailleurs, des procédures qui existent, par
exemple, pour l'Office national de l'énergie, hein, comme vous le savez, donc
on n'invente rien, et ça permet aussi de
bénéficier du savoir citoyen de... Donc, ça serait important, je pense, que le
ministre ajoute ça à sa réforme.
L'autre point, bien c'est effectivement que,
dans le livre vert, on ne parle pas de la question, bien, de l'égalité devant la justice. Aujourd'hui, il y a une
possibilité d'appel uniquement pour contester la non-distribution du certificat
ou la non-autorisation environnementale, la
non-délivrance du certificat d'autorisation, alors qu'un citoyen ne peut pas,
lui, se retourner contre une décision qu'il
jugerait manifestement mal fondée. Là-dessus, l'AQLPA a eu à souffrir de cette
situation-là dans... et M. Bélisle en
particulier, comme vous le savez, M. le ministre, donc, on a subi une
poursuite-bâillon parce qu'on avait
contesté, effectivement, la délivrance d'un certificat d'autorisation qui était
contestable à l'époque, même si les
jugements ont été plus nuancés sur la vision qu'avait l'AQLPA à l'époque.
Néanmoins, on a eu à en souffrir énormément, et il
nous semblait important, effectivement, que cette révision du processus d'appel
soit inscrite aussi à la réforme; également, protection des lanceurs
d'alerte...
Le Président (M. Reid) :
Merci. Je dois vous interrompre.
M. Brunel (Alain) : ...et liberté
d'expression pour les scientifiques de la fonction publique. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la
parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de
Masson.
• (11 h 40) •
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Brunel, d'être ici présent.
Justement, moi, j'avais noté ceci : La révision du processus d'appel. Vous étiez en train de terminer votre... Est-ce que vous aviez quelque chose d'autre à rajouter là-dessus? Parce
que c'était justement
dans mes questions. Donc, j'apprécie beaucoup que le député
de Terrebonne l'ait posée juste avant. Allez-y.
M. Brunel (Alain) : Bien, effectivement,
le droit de contestation n'existe qu'au bénéfice du demandeur du certificat, et non du public, qui a un droit à la
qualité de l'environnement qui, du coup, peut être bafoué. Et il est extrêmement difficile, effectivement, de
contester, comme vous le savez, un certificat qui aura été autorisé pour des
raisons mêmes contestables.
M.
Lemay : Parfait. Donc, j'ai
tout entendu l'élément de réponse précédent, là, donc, merci pour l'avoir
complété.
Vous avez
parlé, dans votre recommandation n° 15,
en ce qui concerne «définir la notion de secret industriel et limiter son application»... Je ne sais pas si vous
avez un petit peu plus de propos que vous voulez nous apporter là-dessus?
M. Brunel
(Alain) : Bien, en fait,
l'information que le ministère bloque aujourd'hui sur les certificats
d'autorisation, les conditions
attachées au certificat d'autorisation, c'est beaucoup lié à la notion du
secret industriel et d'informations détenues
par un tiers, en l'occurrence, par une entreprise ou un promoteur qui ferait
un... donc, qui a un projet et qui veut garder ces informations-là
confidentielles. Donc, il nous semble que cette notion-là, à l'instar
d'ailleurs du Centre québécois du droit de
l'environnement, est galvaudée et on en abuse pour de mauvaises raisons. Et ça
va à l'encontre, d'une certaine manière, aussi de la réglementation par
l'information, hein?
Donc, c'est
assez incroyable, par exemple, de penser que les contaminants que les
producteurs ou les entreprises de gaz
de schiste émettaient dans l'environnement n'étaient pas du domaine public,
quand même, c'était un secret industriel, alors même qu'elles avaient la prétention, je dirais, de... bien, pas la
prétention, mais l'obligation d'utiliser l'eau, qui est un bien commun, qui est un bien public, et elles
disaient pouvoir traiter cette eau-là, mais sans qu'on sache effectivement
quels contaminants ils utilisaient pour ce faire.
Donc, c'est
quand même des notions, en ce sens-là, qui sont vraiment abusives, hein, les
notions de secret industriel, et le
Centre québécois du droit de l'environnement, donc, dans son mémoire détaille
très bien cette question-là en questionnant
justement le fait qu'il ne s'agirait pas... Enfin, lui, propose une réforme qui
nous semble intéressante, c'est que
ce n'est pas tellement la propriété de l'information qui est importante que sa
nature. Et effectivement une information qui est de nature privée doit rester privée, mais une information sur
les contaminants qui affectent le domaine public devrait être de nature
publique.
M.
Lemay : Effectivement. Très apprécié. Donc, c'est vrai, si ça touche
le bien commun, donc, on doit le divulguer, il n'y a pas de secret industriel, et puis, à ce moment-là, on est en
mesure de pouvoir bien évaluer les impacts sur l'environnement.
M. Brunel (Alain) : Absolument.
M. Lemay : Excellent. Je crois qu'il
me reste peu de temps, M. le Président, hein?
Le Président (M. Reid) :
Presque trois minutes encore.
M.
Lemay : Ah bon! D'accord. Vous savez, bien, l'accord entre le Canada
puis le Québec sur les évaluations environnementales, qui date de 2010,
là, ils prévoient que les évaluations conjointes, hein... lorsque la loi
canadienne s'applique ainsi que la Loi sur
la qualité de l'environnement s'applique, ils prévoient ça. En ce qui concerne
l'Office national de l'énergie, il
n'y a rien qui prévoit ça dans nos ententes, donc ce qui fait qu'un projet
comme TransCanada Énergie Est fait affaire seulement avec l'agence
canadienne.
Selon vous, là, est-ce que vous croyez que, dans
notre réforme, on devrait quand même renégocier l'entente qu'on a avec le Canada et le Québec pour accorder
plus de pouvoirs d'intervention au ministère de l'Environnement ici quand il s'agit de... tu sais, d'un projet comme
TransCanada, justement, pour pouvoir améliorer nos collaborations avec
l'Office national de l'énergie? Est-ce que vous êtes quand même favorable à ce
type de renégociation là?
M. Brunel
(Alain) : Bien, la question
de la responsabilité de la compétence eu égard à des projets de pipelines,
par exemple, en l'espèce, donc, elle est tout
à fait discutable. Le Québec a des compétences quand même sur tous les projets
de pipelines qui dépassent deux kilomètres
de longueur, donc il pourrait très bien intervenir et même... comment dire,
s'opposer à la
réalisation de ces projets-là, évidemment avec le risque qu'il y ait
contestation constitutionnelle, parce qu'il pourrait y avoir aussi action du gouvernement fédéral ou de la compagnie
pour faire en sorte de faire valoir l'avantage général du Canada dans l'espèce et écarter complètement la responsabilité
et les compétences du Québec en la matière. Mais il y a quand même... enfin, il me semble que le principe de
subsidiarité qui est dans le développement durable, c'est le principe que la responsabilité première,
évidemment, en matière d'environnement doit s'appliquer aux instances les
plus locales possible, et il me semble qu'en
l'espèce c'est le Québec qui devrait avoir la responsabilité première sur cette
question-là.
Évidemment,
tant qu'on est dans le Canada, il faut s'entendre aussi avec nos voisins et
amis canadiens, et cela va de soi,
mais... et avec le gouvernement fédéral. Mais effectivement peut-être qu'il
serait possible aussi de prévoir une procédure conjointe du type de
celle que vous avez évoquée pour aussi les projets de pipelines, hein? Ça
n'existe pas actuellement, mais il n'y a
rien qui empêcherait de négocier cela, sauf, effectivement, de ne pas avoir de
rapport de force pour le faire. Et,
en l'occurrence, aujourd'hui, je ne sais pas si le Québec a vraiment un rapport
de force pour faire ça.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci, M. Brunel, pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends
les travaux de la commission pendant quelques instants, le temps de permettre à
nos prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 47)
(Reprise à 11 h 48)
Le
Président (M. Reid) : Alors, je souhaite maintenant la
bienvenue à nos invités de la Fondation David-Suzuki. Vous disposez d'une dizaine de minutes pour faire
votre présentation. Par la suite, nous procéderons à un échange avec les
membres de la commission.
Je vous demanderais, pour les fins
d'enregistrement, de vous présenter et de présenter la personne qui vous
accompagne. À vous la parole.
Fondation David-Suzuki
M. Mayrand
(Karel) : Merci, M. le Président. Merci, MM., Mmes les députés, de
nous recevoir. Je m'appelle Karel Mayrand,
je suis directeur général pour le Québec à la Fondation David-Suzuki. Je suis
accompagné par Jean-Patrick Toussaint, qui est chef des projets
scientifiques à la fondation.
Alors, pour
respecter le temps qui nous est imparti, nous n'allons pas revenir sur
l'ensemble des recommandations de
notre mémoire, mais plutôt nous concentrer sur quatre sujets : d'abord, le
cadrage général du projet de modernisation; la notion du droit de vivre dans un environnement sain; le rôle du BAPE;
et la question des changements climatiques.
Alors, pour
commencer avec la question du cadrage, notre compréhension, à la lecture du
livre vert, c'est que le projet de modernisation vise à alléger un peu
des processus qui datent d'il y a très longtemps, mais sans réduire le niveau de protection de l'environnement, ce qui
est en soi une bonne chose. On n'aimerait pas voir le processus être allégé
de manière à diminuer nos protections. Ceci
dit, pour la fondation, ce serait une bonne idée de reconsidérer le cadrage
de l'ensemble pour dire : Profitons du
fait qu'on réouvre le processus d'autorisation pour la première fois en
plusieurs décennies pour essayer de
rehausser les protections, d'améliorer l'ensemble du processus, donc de
rehausser la protection de
l'environnement au Québec. Notre conviction, c'est qu'on est capables de faire
les deux : d'alléger le processus mais, en même temps, aussi de le rendre encore plus rigoureux. Et il y a des
choses dans le livre vert à cet égard-là, donc ça serait peut-être une
bonne intention à réitérer.
• (11 h 50) •
Le deuxième
point : sur la question du droit de vivre dans un environnement sain. La
Fondation David-Suzuki a lancé une grande
campagne à travers le Canada pour faire reconnaître ce droit-là un peu partout
mais, éventuellement, dans la Charte
canadienne des droits et libertés. On a la chance, au Québec, d'avoir ce droit,
qui nous est reconnu depuis 1978,
donc, par l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui
reconnaît à toute personne, donc, le droit à la qualité de l'environnement, sa protection et à la sauvegarde des
espèces vivantes qui y habitent. Alors, évidemment, c'est un droit qui
est balisé par les dispositions de la LQE et les normes réglementaires, et tout
ça, et évidemment le processus
d'autorisation environnementale vient limiter l'exercice de ce droit-là en
donnant droit à d'autres d'émettre des polluants dans l'environnement,
ce qui est l'équilibre, si on veut, de notre système.
La charte
québécoise des droits et libertés de la personne reconnaît depuis 2005 que
«toute personne a droit, dans la
mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement
sain et respectueux de la biodiversité», et, pour la Fondation
David-Suzuki, le Québec a un rôle de leadership important
à l'échelle canadienne, étant l'une des seules provinces à
avoir énoncé ce droit-là de façon aussi claire, et ce leadership-là ne doit pas
être que symbolique. C'est-à-dire qu'un droit devient effectif pour les citoyens du moment où on donne
aux citoyens des possibilités de l'exercer, et c'est là-dessus... pour la fondation, on a... vous remarquerez, à la
lecture de notre mémoire, qu'on a beaucoup concentré nos recommandations sur les questions d'accès à l'information environnementale, de consultation du public et aussi les recours qu'on peut offrir au public pour exercer
leurs droits. Donc, un droit n'est pas un absolu en soi, est toujours
balisé, limité dans la loi, et la modernisation du processus
d'autorisation environnementale nous donne une occasion de renforcer le droit à un environnement sain pour
les citoyens et citoyennes du Québec. Donc, une de nos recommandations, c'est d'inscrire l'exercice
du droit à un environnement sain comme une des pierres angulaires du projet de
modernisation du régime
d'autorisation. Une autre de nos recommandations, c'est de rendre disponible au
public l'ensemble des conditions d'autorisation.
J'entendais l'intervenant précédent dire : L'information sur les
contaminants qui vont dans l'environnement devrait être disponible. Elle ne l'est pas toujours, pour toutes sortes
de raisons, bonnes ou mauvaises. Mais ça fait en sorte que le citoyen qui ne dispose pas d'information
est un citoyen, finalement, qui a les yeux et les oreilles fermés et qui ne
peut pas exercer ses droits. Et l'accès à l'information est la base de notre
droit.
Ensuite, la
fondation recommande de donner aux citoyens le droit d'en appeler des conditions
d'une autorisation environnementale
pour protéger leur droit de vivre dans un environnement sain. Dans le livre
vert, on parle de donner un droit
d'appel aux gens qui demandent une autorisation pour protéger le droit des
demandeurs, mais, nous, à la fondation, on se dit : Si on donne un droit d'appel aux demandeurs
d'autorisation, il faut aussi donner un droit d'appel équivalent aux gens pour protéger leur droit à un
environnement sain et aussi donner le droit d'appel à tout bénéficiaire du
droit de la qualité de
l'environnement dans le cas où une autorisation est délivrée en contravention
du cadre décisionnel prévu ou sur la foi d'informations erronées ou
incomplètes, c'est-à-dire que ce droit d'appel là inclue ces situations-là où
parfois il peut y avoir eu des anicroches dans le processus de décision.
Je passe
maintenant à la question de la consultation, parce qu'évidemment la
consultation des citoyens est très importante.
Notre mémoire recommande d'établir des modalités de consultation des citoyens
au moment où on détermine le risque,
parce que le livre vert nous dit : On va établir des seuils en fonction
des risques. Le risque est une notion qui est tellement variable. On pose la question du risque à une personne ou à
une autre, il y a toujours un volet d'acceptabilité sociale qui s'intègre dans le risque, et le risque
qui est perçu par la population n'est pas toujours le risque équivalent au
risque théorique ou technique. Et, si on
aborde la question du risque, c'est important d'avoir le point de vue des gens.
Et, l'exemple que je donnerais, hein,
vous savez, c'est plus risqué de prendre l'automobile que de prendre l'avion,
mais les gens tolèrent très, très
bien le risque des accidents d'automobile, qui sont très fréquents, mais des
gens ont plus de difficultés avec le risque de prendre l'avion. Et c'est
tout à fait normal et, dans une société démocratique, c'est des choses avec
lesquelles on doit composer.
Pour passer
maintenant à la question du BAPE, le Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement, il a été créé au
même moment où on reconnaissait le droit à un environnement sain au Québec, et
ce n'est pas un hasard, parce que, quand
on crée un nouveau droit, on crée aussi des processus, des recours pour les
citoyens. Et on a fait école en créant le BAPE au Québec. Et, pour nous, même si certaines personnes considèrent
que, des fois, le processus du BAPE est un peu lourd, on a entendu
souvent des contestations, mais le BAPE demeure un garant de la confiance du
public, c'est une institution qui a la confiance du public au Québec, et, si on
en venait à affaiblir le BAPE en permettant, des fois, des manières de contourner... Hein, des fois, on
voudrait se soustraire à une évaluation en bonne et due forme du BAPE par d'autres méthodes. Si on en venait là par la
réforme, la modernisation, pour nous, pour la fondation, ce serait équivalent
à un recul très important du droit à un environnement sain au Québec.
Alors, nos
recommandations sur le BAPE sont d'en faire l'organisme responsable de l'ensemble
des consultations tenues dans le
cadre d'évaluations environnementales
stratégiques. On a vu des évaluations environnementales stratégiques où les consultations étaient littéralement des
posters qu'on mettait dans une pièce et les gens venaient et pouvaient ensuite
écrire quelque chose puis le mettre dans une boîte aux lettres. Ce n'est pas
une vraie consultation. Mais parfois les consultants
qui font les EES n'ont pas les capacités de faire des consultations, on ne peut
pas leur demander de faire ça. Donc,
le BAPE a une expertise. Renforcer la proposition de consultation en amont de la PEEIE et la
confier au BAPE, assurer que l'intégrité, l'indépendance, la
transparence et la rigueur des travaux du BAPE soient maintenues et même
renforcées et confier la nomination des membres du BAPE à l'Assemblée nationale.
Sur ce, je passe la parole à mon collègue M.
Toussaint.
Le Président (M. Reid) : Vous
avez 1 min 30 s seulement.
M. Toussaint (Jean-Patrick) :
Pardon?
Le Président (M. Reid) : Il
vous reste 1 min 30 s.
M. Toussaint (Jean-Patrick) : O.K.,
je vais faire ça vite. Merci, M. le Président, MM. et Mmes les députés.
Donc, la question
des changements climatiques évidemment est importante, puis, rapidement,
vous le verrez, on est très ravis de
voir que ça fait partie des premières orientations, là, dans le livre vert,
d'inclure la lutte contre les changements
climatiques. Et ça cadre très bien avec ce que mon directeur disait par rapport
au droit de vivre dans un environnement
sain. Donc, d'emblée, on cherche à réitérer qu'on appuie cette orientation-là.
Ce qui serait important, pour nous, de dire, une des
recommandations, c'est que, parmi les activités qui vont être proposées et qui
vont devoir être évaluées, c'est peut-être,
dans un premier temps, de déterminer un seuil d'émissions de gaz à effet de serre qui va rendre automatique l'assujettissement d'une activité à la
PEEIE.
Pour la suite — pour
faire très rapide — on
a signé tout récemment le Under 2 MOU, donc, le Québec s'est engagé à réduire de 80 % à 95 % ses émissions de GES en 2050. Donc, notre
recommandation par rapport à ça, c'est d'exiger que toutes les activités qui vont être soumises à la PEEIE aient un plan
de réduction d'émissions de gaz à effet de serre qui est compatible avec les objectifs ou, en fait, la vision que le
Québec s'est donnés, ce qui va de soi, pour nous. Également, dans une autre recommandation, la recommandation
5, on dit, on suggère de considérer les émissions de GES indirectes,
cumulatives et extraterritoriales. Mon collègue précédent en a fait allusion,
donc je passe rapidement là-dessus.
Donc, on a deux autres recommandations, mais là
je pense que...
Le Président (M. Reid) :
...interrompre. Vous aurez peut-être l'occasion de continuer avec les questions
et l'échange, on a encore du temps.
Alors, je passe la parole maintenant du côté
gouvernemental, à M. le ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Mayrand, M. Toussaint.
Merci pour votre mémoire ainsi que pour
votre présentation. On va pouvoir continuer sur les changements climatiques. Je
voudrais quand même souligner la
participation de M. Mayrand aux travaux du Comité-conseil sur les changements
climatiques. Je tiens à vous remercier, parce que, en plus du travail important que vous faites au sein de la
fondation, donner du temps au Comité-conseil est très apprécié. Merci.
Justement,
sur les changements climatiques, vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs
groupes nous ont parlé d'un test
climat. En première partie, j'aimerais avoir votre réaction à cette
proposition, puis, en deuxième partie, sur le seuil d'assujettissement que vous proposez par rapport
au niveau de GES de projets pour déclencher la procédure d'évaluation et d'examen des impacts, pouvez-vous aller plus
loin dans le détail? J'essaie de comprendre avec des exemples concrets comment... Parce qu'encore une fois le défi de nos
travaux, hein, puis le but du livre vert, c'est d'explorer les propositions.
Il y a des orientations dans le livre vert,
mais on est prêts à aller beaucoup plus loin que ça, puis les travaux de la
commission nous permettent de faire ça, mais c'est aussi en vue d'un
éventuel projet de loi.
Bon, première partie, test climat, votre
réaction; mais, deuxième partie, sur votre seuil d'assujettissement, comment vous voyez ça s'appliquer concrètement,
là, dans la procédure d'évaluation? Puis, si vous avez des exemples
concrets, ça nous aiderait.
• (12 heures) •
M.
Toussaint (Jean-Patrick) : Oui. Merci de vos questions, commentaires,
M. Heurtel, M. le ministre. Donc, dans
un premier temps, pour le test climat, évidemment, on en fait une de nos
recommandations, la recommandation 6. C'est évident pour nous que, oui,
effectivement, on voit d'un bon oeil ce test climat, ce test climat pour les
plans et programmes d'adoption de plans
visant à atteindre les objectifs, toujours, de réduction des émissions de GES
du Québec.
Donc, c'est
toujours ici l'idée de prendre dans son ensemble les impacts que peuvent avoir
différents plans ou programmes, peu
importent les ministères, sur la question des émissions de GES. On parlait,
hors de ce lieu, de la question du transport, par exemple. Tout
programme ou plan au niveau du transport va avoir incessamment des impacts sur
la question des émissions de GES. Donc, c'est important que, justement, chaque
ministère puisse passer ce test climat. Donc,
pour nous, il est essentiel que, justement, tous les ministères soient
assujettis à un test climat si on veut prendre une vue d'ensemble sur la
question du climat.
Je ne sais pas si Karel aimerait rajouter
quelque chose à ça.
M.
Mayrand (Karel) : C'est effectivement une mesure qui est novatrice,
donc on n'a pas encore 10 ans d'expérience dans des façons concrètes de mettre ça en oeuvre, et c'est sûr que, pour
nous, on offre toute notre collaboration au gouvernement pour poursuivre cette réflexion-là. Parce que, par exemple,
la question : À quel seuil est-ce qu'on devrait assujettir une activité à la PEEIE?, c'est une
bonne question. Il faudrait regarder d'un plan scientifique un peu... et aussi
au plan du nombre d'activités qui
émettent... Il y a plusieurs critères à regarder. Je pense qu'il faudrait
d'abord déterminer un certain nombre
de critères avant de déterminer des seuils précis. Puis, dans notre réflexion,
on n'a pas réussi à s'y rendre aussi
loin que ça, dire : Ça devrait être à partir de 5 000 tonnes de GES
par année ou 10 000 ou... Bon. Alors, il y a une réflexion à
poursuivre là-dessus.
Pour ce qui
est de l'application d'un test climat, ce qui nous semble évident, c'est qu'à
partir du moment où une activité est
proposée qui émet des émissions de gaz à effet de serre, surtout à partir de
certains seuils où les émissions sont assez
importantes, sachant que le Québec s'est donné une cible de réduction
pratiquement à zéro de ses émissions, de 80 %, en 2050, ce qui est dans 35 ans, beaucoup des
activités qui nous sont proposées aujourd'hui sont des activités qui vont
toujours être en cours en 2050. Donc, si on
ne veut pas se retrouver dans 15 ans avec un problème où on n'est plus capables
de réduire nos émissions, il faut commencer
à intégrer ces... je dirais, ce seuil climatique là dans la réflexion. Et la
façon de le faire, c'est peut-être de
demander... ce qu'on propose, nous, c'est de demander soit, bon, aux organismes
et ministères gouvernementaux de
faire une évaluation de leurs plans, programmes et, ensuite, d'adopter un plan
de réduction ou aux promoteurs
d'activités, donc aux promoteurs privés, de faire la même chose, c'est-à-dire
de produire une projection de leurs
émissions, et aussi de faire une amorce de réflexion, parce qu'on ne peut pas
savoir nécessairement, en 2045, quelles seront les technologies présentes à ce moment-là, mais d'être capables
de commencer à amorcer cette réflexion-là, de dire : Voici, nous
allons commencer à réduire nos émissions de telle, telle, telle manière.
D'une manière
ou d'une autre, les promoteurs, surtout les grands émetteurs, sont obligés de
le faire parce qu'ils sont soumis au
marché du carbone. De toute façon, c'est des coûts concrets pour ces
entreprises-là, elles doivent, de toute façon, s'assujettir au plafond, qui est de plus en plus bas,
d'émissions. Donc, dans le fond, ça rend cohérent, si on veut, notre
processus d'autorisation avec notre marché du carbone.
M.
Heurtel : Parfait. Maintenant, sur votre proposition de la
participation citoyenne, dans la détermination du niveau de risque d'un projet, encore une fois,
proposition intéressante, encore une fois, même type de question :
Pouvez-vous approfondir, là, sur, concrètement, comment on ferait ça?
M. Mayrand
(Karel) : Excellente question. J'ai eu l'occasion d'étudier beaucoup
cette question-là lors de mes études
universitaires, et souvent l'affrontement, le problème d'acceptabilité sociale
qu'on a avec un projet, c'est qu'on a, d'une
part, des promoteurs de projet qui viennent nous dire : Le projet en soi
ne comporte aucun risque, la technologie, elle est éprouvée; et, d'autre part, des gens qui
disent : Non, il y a des risques, c'est grave. Et là ça, on retrouve ça
partout. Il y a des gens qui disent
que les éoliennes donnent des crises d'épilepsie, hein? Il y a des gens,
d'autre part, qui disent que, par
exemple, l'énergie nucléaire est très, très, très sécuritaire, alors qu'on sait
qu'il y a des fuites de tritium, et tout ça. Et donc, très rapidement, au moment où un projet est amorcé, c'est là où
souvent ça déraille, où le dialogue se casse, se brise, c'est dans le moment où... des gens qui disent : Notre
projet est un bon projet sans risque; il y a d'autres gens qui disent : Votre projet est un mauvais projet,
il comporte trop de risques. Et donc, si dès le départ on n'implique pas le
public dans la détermination du
risque, ce qu'on se retrouve, c'est avec une espèce de bris de confiance puis,
ensuite, ça ne se récupère plus.
Il y a des
gens qui seraient beaucoup plus
compétents que moi pour vous parler de comment établir le dialogue dès le début, il y a des gens qui sont spécialisés
là-dedans, des consultants, il y a des méthodes éprouvées
pour le faire. Je pense que ça nécessiterait plus de recherche là-dessus.
Mais il y a plein d'exemples de projets qui ont bien fonctionné parce que le dialogue s'est amorcé dès le début sur la notion de risque
et d'autres projets qui ont dérapé dès le début. Et c'est pour ça que
nous, on dit : Faisons rapidement ce maillage-là pour que les gens... à
tout le moins, on n'ait pas un affrontement sur le niveau de risque, parce
qu'après ça tout le reste du processus devient problématique, conflictuel.
M.
Heurtel : On est d'accord là-dessus. Je crois que le livre vert déjà
propose des façons de faire en sorte que l'information soit plus accessible plus tôt dans le processus. On est
tout à fait d'accord sur le fait qu'il faut améliorer la façon dont l'information est diffusée. Puis
également, l'acceptabilité sociale, c'est clair que, bon, c'est une composante
essentielle de toute évaluation de projet, mais également l'atteinte de
l'acceptabilité sociale dépend de la transparence de l'information. Ça,
on est tout à fait d'accord.
La
proposition que vous faites de lier, justement, le niveau de risque à une
détermination citoyenne, bon, on pourra certainement en discuter davantage puis essayer, justement,
d'approfondir avec d'autres sources que vous pourriez nous fournir. Une question là-dessus qui nous a été
soulevée, c'est : Bien, on pourrait se retrouver avec le même type de
projet puis avec différents niveaux
de risque, dépendant de la région. Alors, si, mettons, vous êtes d'accord avec
cette prémisse-là, alors, justement,
juste cet exemple-là, alors, il y aurait une région, même projet, vraiment même
technologie, même type d'impact, même
type de risque, objectivement parlant, là, mais, bon, il y a une région qui est
confortable puis une autre qui ne
l'est pas, comment, si on lie la détermination du risque à la participation
citoyenne, comment on réconcilie cette apparente contradiction?
M. Mayrand
(Karel) : Oui. C'est une autre très bonne question. Il y aurait
matière à thèse de doctorat, là-dessus. Mais c'est évident qu'à partir du moment où un niveau de risque, un
seuil de risque va être établi pour une activité on ne peut pas partir à
un autre endroit puis établir un autre seuil de risque, parce qu'à ce moment-là
ça devient ingérable. Alors, c'est souvent au moment où une nouvelle activité
arrive sur le territoire du Québec que, dans le fond, on a...
M. Heurtel : Un oléoduc, par
exemple.
M. Mayrand
(Karel) : Oui. Oui, ça peut être un oléoduc, quoiqu'on en a déjà,
hein, on en a déjà, des oléoducs.
M. Heurtel : Oui, mais, disons, un
nouveau projet d'oléoduc.
M. Mayrand
(Karel) : C'est souvent à ce moment-là où on a à déterminer la
question du risque qu'est la question, parce
que j'imagine qu'on va déterminer des seuils sur les projets existants, les
activités existantes. Donc, à ce moment-là, il y a lieu, je pense, d'ouvrir à la transparence sur le processus
décisionnel qui permet au gouvernement d'établir les seuils, mais ça ne
veut pas dire qu'on va refaire l'exercice pour chaque projet dans chaque
région.
Notre
compréhension, c'est qu'au moment où un seuil est déterminé, s'il n'y a pas un
changement important dans les
connaissances par rapport à une activité, une technologie, un produit, etc.,
normalement, ce seuil-là demeure, devrait s'appliquer aux projets similaires qui se déroulent ailleurs sur le
territoire du Québec. Mais c'est évident que, si, tout d'un coup, on apprend qu'une... par exemple, comme
l'époque où on aspergeait les enfants de DDT parce que c'était bon, quand
on apprend que le DDT est mauvais, là, à ce moment-là, il faut réviser nos
seuils de risque, mais c'est évident, en fonction de la science. Donc, la
notion de... au moment de déterminer les risques, d'utiliser la meilleure
information scientifique disponible, mais
aussi de permettre un input du public, puis, ensuite, je pense qu'il faut se
garder juste à ce seuil-là pour l'ensemble des projets. Je ne pense pas
qu'on doit les changer pour toutes les régions.
Le Président (M. Reid) :
Merci. M. le député de Mégantic.
• (12 h 10) •
M.
Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. C'est très
intéressant. Vous avez beaucoup de beaux points. Mais moi, je voudrais vous apporter à deux niveaux où j'ai un
peu de confusion dans ma façon de voir les choses. Puis la première, c'est quand on fait l'étude
d'impact ou qu'on consulte la population en fonction de l'information disponible. Parce que, dans le début d'un projet,
c'est peut-être bien beau pour sensibiliser la population, mais on n'a pas
l'information de détail. Ça, c'est un point.
Le deuxième
point, c'est la question de la réglementation et des technologies disponibles.
Bien, je ne veux pas faire l'histoire,
là, des procès des histoires du passé, mais, à titre d'exemple, il y a
3 000 produits chimiques sur la terre où on a l'information à peu près complète et 97 000 où on n'a à peu près rien, et, à
chaque fois qu'une entreprise migre de
produits réglementés, elle s'en va toujours dans une réglementation sur des produits non réglementés, ce qui fait
que, dans 20 ou
30 ans, on va apprendre et comprendre et, après, on est rendus à un point où ça
devient insupportable, puis on change et on procède à la prochaine
étape, puis on recommence à zéro. Puis, ce cycle-là, dans l'essence, avec le tétraéthyle «lead», le MBK,
etc., là, on les voit tous arriver, puis on pourrait en faire plusieurs chaînes
comme ça. J'aimerais vous entendre
sur ces deux éléments-là, parce qu'aujourd'hui, comme vous dites, on va mettre en place une loi,
mais ça, ça devient un enjeu qui est très large, puis comment on
interagit sur ces deux plans-là?
M.
Toussaint (Jean-Patrick) :
Oui. Bien, en fait, j'aurais commencé en parlant, tout simplement, du principe de précaution. On
en fait allusion dans notre mémoire. Je
pense que c'est... je vais prendre un
exemple très concret, la question des néonicotinoïdes, qui est de plus en plus
abordée au niveau de la question des écosystèmes, là, les espèces animales,
particulièrement les abeilles, puis, donc, certaines équipes de chercheurs, par
exemple, à l'Université de Sherbrooke, qui étudient le phénomène puis qui eux-mêmes
disent : Écoutez, tant et aussi longtemps qu'on ne connaît
pas tous les impacts d'un produit, bien on
devrait appliquer le principe de précaution, c'est-à-dire que, quand on ne
sait pas ce que pourraient être les
impacts à long terme, simplement, on s'abstient de l'utiliser. Et donc ça revient
aussi au point où M. Mayrand faisait
allusion, c'est-à-dire d'intégrer la meilleure connaissance scientifique. C'est sûr que ça évolue de jour en jour, d'année
après année, et donc c'est de faire le lien entre les deux, à mon humble avis.
Je ne sais pas si M. Mayrand aurait des choses à
ajouter par rapport à ça, là.
M. Mayrand
(Karel) : C'est évident que c'est tout un défi pour un gouvernement de
prendre des décisions sur la base de produits, particulièrement des
substances chimiques, sur lesquels on n'a pas toute l'expertise, pas toutes les
connaissances. Et c'est problématique. La
Fondation David-Suzuki fait des représentations, depuis des années, au gouvernement fédéral pour que le gouvernement
fédéral accélère l'étude des produits chimiques qui sont déjà admis sur le
marché canadien sans nécessairement avoir fait l'objet d'une évaluation
complète et procède d'une autre manière, c'est-à-dire
qu'on fasse les études avant d'introduire les produits, parce que, là, il y a
quelque chose comme 3 000 produits qui sont en attente d'être revus
par Santé Canada.
Donc, c'est
problématique, c'est problématique d'autant plus pour les gens qui ont à
prendre des décisions à tous les
jours sur l'autorisation de projets. Là-dessus, malheureusement, c'est
difficile d'apporter une réponse qui pourrait être satisfaisante, parce que, dans le monde dans
lequel on autorise les projets, souvent on est forcé de prendre les décisions
sans avoir toute l'information. Et vous
dites... d'ailleurs, le premier volet de votre question était : Souvent,
au début des projets, on n'a pas
toute l'information sur les projets. Mais le gouvernement, s'il est rigoureux
dans son approche, a une capacité
énorme pour... je ne peux pas dire «forcer», mais encourager les promoteurs de
projet à divulguer un maximum d'informations, parce que souvent ils en
ont plus. Et, si peut-être ils n'ont pas suffisamment d'informations, c'est peut-être parce que leur projet n'est pas
suffisamment bien ficelé encore pour venir le présenter. Je pense qu'il y a un
seuil d'information minimal qu'on
doit présenter, et c'est évident que le gouvernement aura toujours notre appui
s'il dit à des promoteurs : Nous
devons confier ou nous devons tester cette information-là sur la base de la
meilleure science disponible et le
faire de façon transparente. Et j'ai lu des choses à cet égard-là dans le livre
vert que nous, évidemment, on va soutenir, parce qu'au bout du compte la
science permet de dépolitiser, d'une certaine façon, tout processus.
Le
Président (M. Reid) : ...maintenant au groupe de l'opposition
officielle et à son nouveau porte-parole, le député de Terrebonne.
M.
Traversy : J'aime beaucoup travailler avec vous, M. le
Président, on sent qu'il y a toujours une présentation très
significative et protocolaire, là. Je me sens presque intimidé à chaque
instant.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Reid) :
J'espère que non. Ce n'est pas le but, ce n'est pas le but.
M. Traversy : Vous avez un
regard perçant.
Des voix : Ha, ha, ha!
M.
Traversy : Alors, écoutez, j'aimerais tout d'abord féliciter M.
Mayrand et M. Toussaint pour la présentation de leur mémoire, qui est très exhaustif, on parle, là, de plus d'une
quinzaine de recommandations, 18, pour être exact. J'aimerais en profiter, parce que — puis sentez vous très à l'aise, M. Mayrand,
M. Toussaint — parce
que M. Brunel, qui est passé avant
vous, est encore présent et vous observe à l'heure actuelle et M. Brunel nous
avait fait part d'une de ses inquiétudes
en disant : Écoutez, il y a un test de crédibilité, là, par rapport au
gouvernement, dans le dossier actuel
concernant le TransCanada PipeLines. Vous avez dans votre présentation
signifié que vous étiez, vous aussi, d'accord, là, pour l'élargissement, là, de
l'analyse, là, extraterritoriale.
Est-ce que
vous en faites, vous aussi, une question de crédibilité pour l'actuel travail que nous
faisons comme parlementaires? Est-ce
que, vous aussi, c'est un élément
angulaire, là, de la notoriété ou de la crédibilité que le gouvernement peut avoir par la suite si une
décision est prise ou non dans le dossier?
M. Mayrand
(Karel) : Notre position a toujours
été que le Québec devrait considérer les émissions
extraterritoriales d'un projet comme celui-là qui transporterait 1,1
million de barils de pétrole sur le territoire du Québec, ce qui ne signifie pas pour autant
qu'on donne le pouvoir au Québec de réglementer les émissions de gaz à effet de serre de l'Alberta. La question là-dedans, c'est : C'est une préoccupation
des citoyens.
La question
climatique, elle est globale. On a souvent vu, par exemple, des industries
québécoises, comme les alumineries, dire : Bien, écoutez, notre lingot d'aluminium qui est produit au Québec,
comme il est fait avec une énergie qui
est plus propre, il émet moins de gaz
à effet de serre que s'il était
produit en Chine. Donc, quand c'est le temps de se vanter, on est capables de le faire pour
dire : Ici, on produit plus proprement. De la même
manière, quand quelque chose
passe sur notre territoire qui génère des émissions de gaz à effet de
serre — on
vit dans un seul système climatique mondial — on
a le droit de les regarder et on ne peut pas non plus censurer les citoyens
qui veulent le faire. Donc, pour nous,
dans le cas particulier, là, de l'évaluation du projet Énergie Est, notre position,
c'est : Laissons les citoyens s'exprimer sur cette question-là, sachant très bien que ce n'est pas le
rôle du Québec de réglementer les émissions de gaz à effet de serre dans les sables
bitumineux, mais au moins laissons les gens s'exprimer là-dessus.
La crédibilité de la consultation, elle est là, elle est de ne pas
restreindre la consultation.
M.
Traversy : Donc, il y a
une certaine volonté de transparence de votre part. Est-ce que, donc, je comprends bien que vous dites : Pour éclairer les citoyens
et leur donner l'ensemble des enjeux, il faut regarder le portrait
global, et c'est là-dessus
que le Québec devrait se baser pour prendre une décision
éclairée, et non juste, là, la partie québécoise? Donc,
je comprends que vous êtes en accord en bonne partie avec ce
que M. Brunel est venu nous mentionner quelques minutes auparavant.
Excellent.
Bon, écoutez,
alors, à ce moment-là, je vais aller sur un autre volet, parce que
votre mémoire est assez exhaustif. Vous
avez parlé dans votre présentation qu'un leadership ne peut pas être que
symbolique. Vous avez pris le temps de le mentionner. Vous avez parlé de l'exercice des droits. J'aimerais que
vous nous donniez des exemples concrets. Lorsque vous dites : Un
leadership ne peut pas être symbolique, qu'est-ce que ça signifie,
exemple, pour le BAPE, pour renforcer la
consultation ou encore pour renforcer l'accès à l'information? Quand vous dites : Un leadership fort, qu'est-ce que ça veut dire, concrètement, pour vous?
M. Mayrand
(Karel) : Merci. Bien, écoutez,
ça nous donne l'occasion de revenir sur cette notion-là. Bien, je
vous donne un exemple. Une activité, par exemple, vient s'installer dans ma
localité ou devant chez moi, et j'essaie d'obtenir
de l'information sur quelle est cette activité-là.
Si, en partant, je ne peux pas obtenir de l'information, je ne peux
pas exercer mon droit. Donc, la transparence de l'information : Quelles
ont été les autorisations qui ont été émises? Est-ce que c'est facile pour moi
de les obtenir? Et est-ce que toutes les conditions du certificat
d'autorisation me sont connues? Est-ce que je peux le savoir? Est-ce que je
peux savoir ce qui va être émis dans l'environnement? À quelles conditions? De quelle manière? Donc, cette information-là, elle est nécessaire, essentielle pour que je puisse exercer mon
droit.
Ensuite, si je me rends compte que cette
autorisation-là, elle a été faite sans considérer certaines informations scientifiques ou sans nécessairement consulter la population riveraine ou si je
me rends compte que, pour moi, il y a matière à
défendre, à aller contester cette autorisation-là, il faut
que j'aie le droit à un recours. S'il
n'y a pas de recours, je fais simplement subir... Bon, maintenant,
ça, c'est dans un cas extrême qu'on a un recours. Entre l'information puis le recours, il y a toute la question de la consultation, et la consultation du public, bon, elle est importante
pour toute la question de l'acceptabilité sociale, on en parle
souvent. Ça ne veut pas dire nécessairement de donner des veto à tout le monde
au Québec sur «pas dans ma cour, pas dans ma cour, pas dans ma cour», ça
veut dire simplement de se donner un
certain nombre de procédures rigoureuses qui permettent aux citoyens
d'avoir le sentiment que, peu importe la situation, il va y
avoir un certain seuil de consultation.
Et le BAPE,
compte tenu de la crédibilité du BAPE, le BAPE est un bon véhicule. Ça ne veut
pas dire qu'il faut aller toujours
vers une évaluation environnementale complète du BAPE. Ça peut être des
consultations en amont dans les EES, ça peut être d'autres formes de
consultation. Mais, comme on a un organisme crédible, utilisons-le le mieux possible, confions-lui des mandats, mais pour
faire en sorte que ça soit prévisible. On parle souvent de la prévisibilité
pour les promoteurs; ça doit être
prévisible pour les citoyens aussi. Les citoyens, souvent, nous appellent, à la
fondation, vont nous dire : On
ne sait pas qui appeler, à qui parler, tout ça. Ça devrait être très, très
simple pour un citoyen de comprendre où est le point d'entrée pour eux.
• (12 h 20) •
M.
Traversy : Donc, avoir du leadership, c'est aussi permettre
l'accès à l'information puis avoir les moyens et les recours de part et d'autre de façon plus égale.
J'entends ce que vous me dites. Et vous avez parlé beaucoup du BAPE, c'est ce qui m'amène à vous parler de votre
dix-septième recommandation, je pense... non, attendez, qui est plutôt votre
recommandation concernant la nomination des membres du BAPE.
Donc, vous
dites à l'intérieur de votre mémoire que vous souhaitez que ça soit l'Assemblée
nationale qui puisse déterminer les membres du Bureau d'audiences
publiques en environnement. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi. Est-ce que ce serait simplement pour le
poste de président, de vice-président, pour les membres permanents, non
permanents? Bref, quand vous nous proposez une telle mesure, dites-nous ce qui
vous motive.
M. Mayrand (Karel) : Oui. La
motivation est assez simple, c'est pour donner encore plus de légitimité et d'indépendance au BAPE, parce que, pour nous,
c'est un des joyaux de notre système d'autorisation environnementale au
Québec. Et, de la même manière qu'on donne de l'indépendance au Vérificateur
général ou au Commissaire au développement
durable, bien, ça serait une bonne idée de penser donner aussi la même indépendance...
et ça pourrait être l'ensemble des
membres du BAPE, comme le président, le vice-président. Dans notre analyse, on
ne s'est pas penchés jusqu'à ce
niveau-là sur la faisabilité comme telle, mais, sachant que plus le BAPE a de
l'indépendance, plus il peut se poser, comment je dirais, au-dessus des luttes qui
peuvent avoir lieu, soit des luttes politiques soit des luttes économiques,
ou autres, pour donner l'heure juste aux citoyens et au gouvernement.
M.
Traversy : Et donc c'est que vous trouvez qu'actuellement le
BAPE est peut-être un peu vulnérable ou, du moins, pas totalement
imperméable à ce genre de situation. C'est ce que je comprends.
M. Mayrand
(Karel) : Le BAPE a toujours été vulnérable, et il faut toujours
défendre le BAPE.
M.
Traversy : Donc, il faut encore améliorer toujours un peu plus,
selon vous, la situation. Mais je vous remercie de votre franchise, j'en
apprends en même temps que vous.
Et, dernière
question, parce qu'il nous reste environ deux minutes et les...
Une voix :
...
M. Traversy :
Combien?
Une voix :
...
M. Traversy :
Une minute. Je fais rapidement — j'essaie de gagner du temps, toujours.
Au
niveau de l'étude environnementale stratégique par rapport au climat,
j'aimerais savoir est-ce que c'est, pour vous, le pendant, là, du test climat qu'on parle depuis ce matin, mais,
pour les organismes du ministère, est-ce que c'est ce que ça représente,
pour vous?
M.
Mayrand (Karel) : Tout à fait. Par exemple, le transport, au Québec,
représente 44 % des émissions du Québec. On aimerait voir le
ministère des Transports faire sa propre évaluation environnementale
stratégique de ses plans, programmes, parce
que sinon, en tout respect, on ne peut pas demander au ministre de
l'Environnement du Québec de le rendre
imputable des réductions d'émissions que d'autres ministères ont de la
difficulté à réaliser pour toutes sortes de raisons. Donc, c'est un engagement gouvernemental, les ministères et les
organismes gouvernementaux devraient avoir à réaliser ce test climat eux
aussi.
M. Traversy :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Je passe maintenant la parole au
porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Mayrand. Bonjour,
M. Toussaint. Tout d'abord, d'entrée de jeu, j'ai remarqué que,
dans votre présentation initiale, M. Toussaint, vous n'aviez pas eu la
chance de la terminer. Est-ce qu'il y avait des propos que vous vouliez
rajouter?
M.
Toussaint (Jean-Patrick) : Non, essentiellement, je pense qu'on a déjà
un peu fait le tour. Dans les questions, peut-être que vous en aurez
plus sur le sujet. Je pourrai approfondir à ce moment-là.
M.
Lemay : Parfait. Merci beaucoup. Je vais vous amener à la page 10
de votre mémoire, là, quand vous parlez, dans l'orientation 5, là, que... bien, on en a déjà discuté, là,
mais je veux juste avoir une petite précision, au niveau de risque et de subjectivité, là, tu sais. Vous mentionnez
qu'«il est possible que la détermination du niveau de risque devienne le
talon d'Achille du nouveau processus», puis
c'est ça que je veux vous amener, parce que, dans le fond, les gens vont
vouloir déclarer qu'ils sont à risque
faible pour pouvoir avoir un processus allégé. Peut-être nous parler... est-ce
que vous, vous verriez bien la notion d'impact? Parce que plusieurs
groupes nous ont parlé d'incorporer la notion d'impact.
Est-ce
que peut-être un système hybride entre risque et impact pourrait être
intéressant? Je ne sais pas si vous avez quelque chose à mentionner sur
ce sujet.
M.
Mayrand (Karel) : Vous avez des excellentes questions. C'est une des
discussions qu'on a eues à l'interne et avec des collègues d'autres organisations. Oui, la question d'impact,
qui est déjà présente, pourrait être une façon de rendre plus
concrète... rendre les seuils plus concrets que la notion de risque, qui peut
être plus subjective. L'un n'empêche pas l'autre. Je ne suis pas juriste moi-même, alors c'est difficile pour moi de dire comment on
plaide le risque versus l'impact dans un système juridique.
Ceci
dit, c'est évident que la question des seuils en soi, pour nous, ne fait pas problème.
Je veux dire, qu'il
y ait l'idée d'avoir des seuils plus... donc des seuils d'évaluation plus légers pour des... Par
exemple, quand on fait un quai,
hein, qu'on n'a pas besoin d'aller faire un
BAPE au complet pour un quai, c'est tout
à fait normal. Je veux dire, les risques pour l'environnement sont moins... Je parle d'un quai, là, je ne parle pas d'un port. Mais,
après ça, comment on détermine les
seuils, c'est là qu'on voit le risque, si on me passe l'expression, c'est la
manière dont on va déterminer les seuils. Et, si on se rend compte que la question du risque, dans le fond, est une boîte de
Pandore qu'on ouvre, peut-être qu'il y
a moyen de circonscrire ça en revenant à la notion
d'impact. Et là-dessus on ne s'est pas positionnés, mais, pour nous, ce
qui est important, c'est que ça soit
fait en toute transparence, en se basant sur la science, la meilleure science
disponible, et avec la participation des citoyens.
M. Lemay : Parfait. Merci de m'amener sur le niveau des
seuils d'émissions. Justement, c'est votre recommandation n° 3,
la question au
niveau des seuils comme... Admettons,
si on regarde... on va prendre, par
exemple, les émissions de gaz à effet de serre puis on a déjà la bourse du marché du carbone qui est instaurée.
Selon vous, quand on parle de seuils,
est-ce que ça pourrait être, par exemple, le seuil de 10 000 tonnes annuelles de gaz à effet de
serre, là, tu sais? Parce que, dans
le fond, entre 10 000 à 25 000, il faut déclarer nos activités.
25 000 et plus, on est assujetti à la bourse. Mais est-ce que vous
voulez nous amener là quand vous parlez dans votre recommandation n° 3?
M.
Mayrand (Karel) : Oui, dans
le sens où il y a déjà la notion de seuil dans l'architecture de ce
qu'on veut créer, de ce que le livre
vert projette, et, on se dit, pour les gaz
à effet de serre, on devrait aussi
établir des seuils, puis il y a un seuil qui pourrait être 10 000
tonnes par année, par exemple, qui pourrait déclencher automatiquement la
procédure d'évaluation, d'impact... la
procédure, pardon, de PEEIE. Donc, ça pourrait être, par exemple, 10 000,
sachant que déjà c'est des activités
qui doivent déjà être divulguées, et ça permettrait de faire l'évaluation des
impacts climatiques et puis ça permettrait
aussi de faire des projets qui sont des meilleurs projets au terme de ça, parce
que ce qu'on propose aussi, c'est que, dans l'autorisation, on demande aux
promoteurs de projet de faire des plans d'action pour réduire leurs émissions
de manière compatible avec la cible du
Québec. Et donc, particulièrement pour ces projets-là qui ne sont pas
assujettis au marché du carbone, dans
la fourchette entre 10 000 et 25 000 tonnes, ça pourrait être
intéressant de les amener dans cette direction-là.
M. Lemay : Parfait. Tout à l'heure, vous avez mentionné : C'est sûr que, si
on fait une loi aujourd'hui puis on a des
objectifs jusqu'en 2050, c'est difficile de voir c'est quoi, le caractère
innovant qui va arriver comme en 2040 ou 2045. Bon, peut-être, j'aimerais vous amener sur le niveau de la flexibilité
qu'on devrait avoir face aux innovations, face aux innovations qui contribuent de façon positive à
l'environnement — je ne
sais pas si vous auriez un propos là-dessus — qu'on pourrait prévoir tout de suite,
tu sais, qui ferait qu'en 2040, 2045 la loi qu'on est en train de réviser
serait encore d'actualité, là.
M. Mayrand
(Karel) : Vous voulez dire, pour faciliter l'implantation de nouvelles
technologies.
M. Lemay :
Oui. Voilà.
M.
Mayrand (Karel) : C'est une excellente question. Je pense qu'on est
forcés d'avoir la même rigueur pour tous
les projets, hein, parce que je pourrais arriver demain matin avec un nouveau
produit chimique que j'asperge dans l'atmosphère puis soi-disant qui
réduit les émissions de gaz à effet de serre mais qui pourrait avoir des
impacts autres sur l'environnement. C'est
difficile de faire une procédure allégée, sauf en situation d'urgence, puis
c'est déjà prévu, pour des technologies
propres. Je pense que les technologies propres doivent être soumises aux mêmes
procédures. Je n'ai pas creusé cette question-là dans le cadre du
mémoire.
M. Lemay :
Bien, écoutez, merci beaucoup. Merci beaucoup pour vos réponses. Merci.
Le Président (M.
Reid) : Alors, M. Mayrand, M. Toussaint, merci pour votre
contribution à nos travaux.
La séance suspend ses
travaux... la commission, pardon, suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à
12 h 30)
(Reprise à 14 h 2)
Le Président (M.
Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos
travaux.
Je vous rappelle que
la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le
cadre des consultations particulières sur le
livre vert intitulé Moderniser le régime d'autorisation environnementale de
la Loi sur la qualité de l'environnement.
Cet
après-midi, nous recevons le consortium Ouranos, le Regroupement des organismes
de bassins versants du Québec,
l'Association minière du Québec et le Réseau de milieux naturels protégés.
Alors, je souhaite la bienvenue à nos premiers invités, le consortium
Ouranos. Vous connaissez un peu la routine, vous avez 10 minutes pour faire
votre présentation. Par la suite, nous
aurons un échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais de
commencer par vous présenter pour les fins d'enregistrement, et vous
avez la parole.
Ouranos
inc.
M. Bourque (Alain) : Alors, bonjour à tous. Mon nom est Alain Bourque, je suis directeur
général du consortium Ouranos. Alors,
Ouranos est tout à fait heureux de présenter ce mémoire à la suite du dépôt du
livre vert sur la modernisation d'une loi qui est, selon nous, très
structurante pour la prise en compte des changements climatiques et aussi pour
le fonctionnement de la société et
l'intégration de cette problématique des changements climatiques, pour ne pas
dire de la réalité des changements climatiques.
Afin de bien camper
mon intervention, je vais d'abord signaler une chose : globalement, le
Québec, et bien d'autres régions du monde,
on n'est pas vraiment prêts à faire face aux impacts des changements
climatiques. Le Nord se transforme rapidement, le
pergélisol se dégrade. On se questionne toujours un peu sur la transformation
de notre environnement naturel et les
impacts que ça va avoir sur le développement socioéconomique au Québec et
ailleurs. Nos infrastructures ne sont
pas prêtes à faire face à davantage d'événements de précipitations abondantes
intenses. Même les Américains
n'étaient pas vraiment prêts à faire face à l'ouragan Sandy, même s'ils avaient
vécu l'ouragan Katrina à peine quelques
années auparavant. La Russie n'était pas prête à faire face à une canicule en
2010 qui ressemblait tout à fait à la canicule
européenne de 2003, où il y a eu un excès de mortalité d'à peu près 50 000
personnes. Les villages côtiers du Québec
s'érodent, et s'inondent, et ne sont pas vraiment prêts à faire face à
l'amplification de ce phénomène-là. En fait, pas plus tard que ce matin, je voyais qu'au Japon des inondations
majeures... 200 000 personnes qui sont évacuées, une partie de l'eau contaminée de la centrale
nucléaire qui a été endommagée suite au tsunami qui vient de s'écouler dans
l'océan. On n'est pas prêts à faire face à ce type d'événement là.
Les
usagers de l'eau ne sont aussi pas vraiment prêts à faire face à l'aggravation
des enjeux de quantité et de qualité de
l'eau. C'est sûr, il y a l'exemple de la Californie, présentement, qui est un
exemple frappant des enjeux d'approvisionnement en eau, de qualité de l'eau, mais, même au Québec, aussi on a de plus en
plus des enjeux en lien avec la qualité de l'eau. Non seulement on n'est pas prêts, mais souvent on
ne réalise même pas que notre environnement naturel est en train de lentement se transformer. La faune, la flore nous
amènent des espèces exotiques envahissantes nouvelles, la maladie de Lyme, qui se propage, etc. Et donc, en fait, le
développement socioéconomique considère essentiellement encore que le
climat est stationnaire, que l'expérience historique est garante de ce qu'on
devrait faire pour le futur.
C'est
dans ce contexte-là que le gouvernement du Québec, un peu suite au Saguenay, au
verglas, au El Niño de 1998, aux
enjeux d'eau d'Hydro-Québec, avait créé Ouranos pour comprendre les enjeux,
développer les connaissances puis
aviser les décideurs à considérer les risques et les opportunités. Et puis j'ai
quelques pochettes, là, pour décrire le genre de projets qui sont en cours de réalisation ou qui ont été
complétés, entre autres des projets en lien avec l'analyse économique des options d'adaptation pour les
communautés côtières — on travaille beaucoup avec la ville de Percé, de Maria, etc.; fluctuation des niveaux d'eau du
Saint-Laurent dans un contexte de changements climatiques, avec l'Université
de Montréal, le port de Montréal, etc. Et
donc on crée de plus en plus d'informations pour pouvoir être prêts,
finalement, à pouvoir gérer ces risques climatiques là, qui sont
croissants.
Donc, je viens de
rapidement présenter Ouranos : à la fois un centre de R&D appliqué
pour développer des connaissances, de
l'information, des données pour mieux comprendre les risques climatiques dans
un contexte de changements
climatiques et aussi un pôle de concertation pour essayer de regrouper les
universités du Québec, les décideurs, les
gestionnaires, les praticiens à essayer de transformer ces connaissances-là des
changements climatiques, qu'on voit souvent
comme assez théoriques, et à traduire ça concrètement dans de la prise de
décision pour tous les jours. Puis je le dis parce que ça va être un
point important dans la suite de l'intervention.
Alors,
en gros, nos travaux pointent soit directement ou indirectement vers la
pertinence d'ajuster nos lois, notre réglementation
afin de permettre au Québec de se préparer à faire face aux impacts des
changements climatiques, qui, en
passant, même si on réussit à réduire nos émissions de gaz à effet de serre...
il y a une partie du changement climatique qui est, à quelque part, incontournable, il est déjà bien amorcé.
D'ailleurs, on va parler, à Paris, là, en décembre prochain, d'essayer de maintenir, contenir le changement
climatique à moins de 2 °C. Je vous rappelle que contenir le changement
climatique à moins de 2 °C sur
l'échelle de la planète, ça, ça veut dire 3 °C ou 4 °C sur le sud du
Québec puis ça veut dire 4 °C à
6 °C sur le nord du Québec. Donc, ça veut dire que, pour nous... pour la
planète, 2°, ça veut dire, pour le Québec, 3 °C, 4 °C ou 6 °C. Donc, c'est des changements qui sont
quand même assez importants, qui justifient à la fois — et c'est une des recommandations que l'on fait dans le document — de bien intégrer, le plus possible, le plus
en amont possible, le défi de la
réduction des émissions de gaz à effet de serre pour éviter des changements
climatiques qui vont avoir une ampleur
trop importante, mais aussi de considérer l'impact de la partie résiduelle des
changements climatiques sur les projets, sur l'environnement, sur la
qualité de l'environnement.
L'autre point aussi
qui est important, c'est que les travaux d'Ouranos et de beaucoup d'acteurs sur
le terrain permettent de plus en plus de
faire croître la connaissance des risques, les données qui sont disponibles,
les moyens, les outils concrets qui
sont disponibles pour pouvoir intégrer, donc, de façon pratique, parce qu'à
quelque part c'est là aussi que va
être le défi, comment, de façon pratique, réussir à intégrer les composantes de
changements climatiques dans une meilleure
loi, dans une loi modernisée sur la qualité de l'environnement. Et je pense
que, de plus en plus — et je pense qu'on va même en entendre aujourd'hui — de
plus en plus, les organismes de bassin versant, des municipalités, des promoteurs privés qui s'intéressent autant au Plan
Nord, à la Stratégie maritime ou à d'autres projets dans le sud du Québec
peuvent de plus en plus intégrer la question des changements climatiques. Et la
question, c'est vraiment : Comment réussir
à généraliser ça et à s'assurer qu'on ne met pas notre environnement naturel et
même la société québécoise à risque à cause de ces changements
climatiques là?
Les
événements que j'ai parlé, d'ailleurs, avant, là, autour des États-Unis, Sandy,
Katrina, en Europe, etc., ont déjà
fait bouger, ailleurs dans le monde, plein d'acteurs pour tenter de moderniser
leur réglementation. Même, il y a des firmes
de génie-conseil comme AECOM qui développent des départements juste uniquement
en lien avec l'adaptation aux
changements climatiques et qui rajoutent cette composante-là dans l'offre de
services. Il y a des organisations, là, de financement comme la Banque mondiale qui, de plus en plus, financent des
projets et obligent de rajouter la composante d'amplification des
risques des changements climatiques.
• (14 h 10) •
Et
donc, en grandes lignes, c'est peut-être un des messages principaux à dire,
c'est l'importance d'intégrer, oui, la réduction
des émissions de gaz à effet de serre mais aussi, oui, l'augmentation des
risques climatiques en lien avec ces changements, qui se concrétisent de
plus en plus.
Et
donc, dans notre mémoire, de façon un petit peu plus... enfin, si je fais un
survol rapide de nos recommandations, bien,
premièrement, on s'attarde surtout à la question de l'adaptation aux risques
climatiques, donc, particulièrement sur l'orientation n° 1 en lien avec l'importance
d'inclure la question des changements climatiques; l'orientation n° 2, sur
la modulation du risque, où
d'ailleurs on peut commencer à se poser la question : Qu'est-ce que le
risque? S'il évolue dans le temps,
comment on va faire pour quantifier un risque qui évolue dans le temps? Parce
que le changement climatique fait en
sorte que le climat du futur va être différent de celui de la base de
référence. Et on a aussi commenté sur l'orientation n° 2, en lien avec le développement durable, notamment
pour dire qu'à bien des égards l'adaptation aux changements climatiques fait la promotion de l'approche développement
durable, c'est-à-dire une approche qui inclut toutes les parties prenantes,
qui est très ouverte et qui permet d'avoir une vision globale des enjeux sur un
bassin versant, ou sur d'autres unités territoriales,
ou sur des secteurs avant de faire des choix et avant de faire des analyses,
une accumulation de petites analyses projet
après projet sans avoir la vision complète des enjeux. Et c'est pour ça qu'en
ce sens, là, dans notre document, on est plutôt très favorables à l'idée des évaluations environnementales
stratégiques comme étant un travail à faire en amont pour pouvoir
intégrer la question des changements climatiques.
Alors,
très rapidement, et là vous me direz si jamais je dépasse dans le temps... Une
minute? O.K. Donc, en fait, très rapidement, on a une série de
recommandations comme quoi qu'il faudrait, dans le processus d'autorisation environnementale, avoir des critères d'évaluation
pour les projets, d'une part, pour considérer l'impact des changements climatiques sur le projet, mais aussi, par
exemple, est-ce qu'un projet a réellement une durée de vie de 75 ans; si les
extrêmes de précipitations vont
augmenter, est-ce que ce n'est pas peut-être davantage 50 ans, et donc à
considérer de mieux gérer le risque?,
et, d'autre part, l'effet des changements climatiques sur le milieu récepteur,
qui peut se conjuguer avec l'impact du
projet en lui-même sur le milieu récepteur. Par exemple, si un projet réduit
des débits d'eau dans une rivière puis qu'en plus avec les changements
climatiques on s'attend à une réduction des débits un peu comme on voit
présentement en Californie, bien, en bout de
ligne, c'est souvent le poisson qui se ramasse à ne plus avoir l'eau qu'il
aurait dû avoir pour se maintenir.
Aussi,
on insiste beaucoup sur la notion... et ça, on l'a vu notamment en France, par
exemple, dans la réglementation, il
faut s'assurer que les concepts qui sont décrits ne soient pas trop flous,
puisque sinon ça fait en sorte que
les utilisateurs de cette réglementation-là et les évaluateurs de projet ont
des définitions trop floues et finalement, en bout de ligne, on ne
réussit pas à atteindre notre objectif.
Et
là, compte tenu que j'ai dépassé le temps, simplement peut-être pour vous dire
qu'il y a plus de détails dans le
document complet et qu'Ouranos, en quelque part, c'est sa mission que de
développer les connaissances, l'information, les données, etc., et donc on pense qu'on peut faire partie de la
solution pour faire avancer ça, mais, en quelque part, il faut aussi que
l'encadrement légal soit là pour favoriser une généralisation de ces
informations-là. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. On aura sans doute l'occasion
d'approfondir pendant la période d'échange... Alors, je commence par
donner la parole au ministre pour le côté gouvernemental.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bourque, merci pour
cette présentation ainsi que votre mémoire, puis je vais en profiter également pour vous remercier, vous et votre
équipe, pour le travail exceptionnel que vous faites depuis déjà plusieurs années et que vous continuez
à faire. Il est essentiel, pour que le Québec puisse faire efficacement la lutte contre les changements climatiques,
d'avoir une information scientifique de qualité, et vous contribuez énormément
à la fournir. Alors, je tiens à le souligner et à vous en remercier, et vous et
toute l'équipe.
Quand
vous parlez d'encadrement légal — justement, on en a parlé beaucoup — mais, de votre côté, est-ce que vous avez des suggestions, des exemples concrets à
nous proposer pour mieux intégrer la lutte contre les changements
climatiques dans les processus d'évaluation?
M. Bourque (Alain) : Oui. Bien, en fait, au travers du document, on
mentionne, dans différents dossiers, des initiatives qui se sont produites à l'extérieur, l'association
internationale d'évaluation environnementale, la communauté européenne, et même ici, en Nouvelle-Écosse, au Canada, en
Nouvelle-Écosse, il y a déjà des réglementations qui pointent vers du progrès à intégrer la question des risques
climatiques. En France, par exemple, les localités ou les régions sont obligées
de faire des évaluations de vulnérabilité à
l'échelle d'une unité territoriale. Alors là, ici, c'est un bel exemple où le
flou dans les termes a quand même fait en sorte que la qualité se
ramasse à être très variable d'une région à une autre.
Suite
à l'ouragan Sandy, la côte Est américaine a vraiment revu de fond en comble la
façon d'autoriser des projets en lien
avec les zones côtières. Il y a même la ville de Boston qui n'a pas du tout été
touchée par Sandy mais qui a appris la
leçon subie par les autres pour pouvoir maintenant intégrer, dans leur
approbation de projets à l'intérieur de la ville... d'intégrer des directives très claires pour les
promoteurs mais aussi pour eux lorsque viendra le temps d'évaluer la qualité
des projets.
M.
Heurtel : Alors, lorsqu'on parle d'évaluer la qualité des projets par
rapport aux risques climatiques, on regarde... on veut être capables d'intégrer le plus possible l'information
scientifique disponible. Or, j'aimerais vous entendre, donc, dans cet encadrement-là législatif, l'intégration,
le plus tôt possible dans les processus d'évaluation, de la prise en considération de l'impact en matière de
changements climatiques, mais, en même temps, quel est le rôle de la science,
de l'information scientifique disponible
dans cette étape-là, là, de l'évaluation, où, justement, on intègre la lutte
contre les changements climatiques?
M. Bourque
(Alain) : Bien, naturellement, vous ne serez probablement pas surpris
de m'entendre dire que, selon moi, la science est extrêmement importante.
M. Heurtel : Mais c'est plus le
comment que je cherche, évidemment, le comment.
M. Bourque (Alain) : Oui. C'est ça. Alors là, peut-être que je peux en
profiter pour souligner un des défis que l'on a, notamment au Québec, c'est que, comme je disais tout à l'heure,
à travers le monde, il y a plusieurs régions du monde où le secteur
privé, les firmes de consultants, les firmes de génie-conseil se sont emparées
de ce créneau-là et commencent à réussir
cette traduction de l'information scientifique, qui est généralement disponible
pour tous, pour tous. Il s'agit d'y
investir l'effort pour pouvoir comprendre cette information-là et la
«packager», l'analyser pour pouvoir l'intégrer dans des projets beaucoup plus privés. Et, malheureusement, au Québec,
ça arrive beaucoup moins, là. On est même... même, pour la petite histoire, on a un projet sur les zones côtières où
on a convoqué différentes firmes de consultation pour analyser différentes options d'adaptation face aux risques côtiers,
et les firmes québécoises revenaient toujours avec le ciment, le béton toujours plus gros, toujours
plus gros. Il a fallu faire venir des firmes de l'Ontario pour qu'elles nous
proposent des méthodes beaucoup plus soft, d'ailleurs environnementalement
beaucoup plus sympathiques, donc des recharges de sable, des trucs du genre,
parce que ça ne semblait pas provenir des joueurs ici, là.
Donc, je pense qu'il y a aussi un travail de fond à
faire pour s'assurer que les différents acteurs qui doivent contribuer à la diminution des risques embarquent,
là, et intègrent cette information scientifique là dans leurs méthodes.
M. Heurtel :
Merci.
Le Président (M.
Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bourque. Ça me fait
plaisir de vous avoir ici aujourd'hui. En parlant du changement ou
comment on va intégrer... j'ai une question relativement large à ce
chapitre-là, parce que vous en avez parlé
dans le début de votre exposé, où on parle de gestion statique, et, en fait,
l'évolution est en train de nous enseigner qu'on va devoir passer à une
gestion dynamique, ce qui va impliquer un changement de culture, un changement de paradigme et, dans bien des cas, des
changements de gens ou des changements de formation. Puis j'aimerais bien vous entendre là-dessus — parce que, premièrement, c'est votre champ
d'information : Mais quels sont les critères ou les éléments qu'on devrait s'assurer d'avoir en
main pour faire ce changement de gestion : statique à dynamique? Et
est-ce que ça va régler le problème de la modulation du risque, jusqu'à un
certain niveau, là?
• (14 h 20) •
M. Bourque (Alain) : Oui. C'est effectivement une question assez large, puis on peut avoir
de longues discussions là-dessus,
mais je pense que les recommandations que l'on fait vont toutes dans le sens de
s'assurer d'impliquer l'ensemble des
parties prenantes, d'avoir une approche plus stratégique et large dès le début
pour comprendre les liens entre les enjeux.
Souvent,
les problèmes ne sont pas que des problèmes d'ingénierie, il y a de
l'aménagement du territoire, il y a même
des perceptions, des populations, etc. Donc, impliquer les parties prenantes,
faire des évaluations environnementales stratégiques, avoir des firmes
de consultants qui sont de plus en plus multidisciplinaires, qui incluent des
gens de différentes disciplines, c'est de
plus en plus la façon de non plus tenter de prévoir très, très précisément ce
qui va se produire, mais plutôt de mieux gérer les risques, qui sont
multiples.
Alors,
il y a, de plus en plus dans le langage, de l'«adaptation aux changements
climatiques». Même nous, parfois, on
tente de laisser le terme «adaptation aux changements climatiques» pour plutôt
«une gestion des risques naturels». Et puis
réalisez que, par exemple... d'ailleurs, il y a une loi, au Québec, suite au
déluge du Saguenay, qui avait été changée, la Loi sur la sécurité des
barrages, et donc ça, c'est une loi qui, à tous les 10 ans, se permet la
possibilité d'«updater» certains chiffres,
certaines directives, etc., et donc ça, c'est une... j'appellerais ça une
législation plus flexible qui permet, au
fur et à mesure, notamment d'intégrer les nouvelles connaissances scientifiques
pour s'assurer que notre réglementation, elle est dynamique. Donc, on pourrait peut-être imaginer, en fonction
des critères d'évaluation d'un projet en lien avec le rehaussement du niveau de la mer, les
températures, des extrêmes quelconques, etc., que ça pourrait fonctionner un
peu de la façon de la Loi sur la sécurité des barrages.
M. Bolduc :
Merci. Donc, l'équipe multidisciplinaire vous ouvre les horizons, là,
finalement, en fonction des paramètres puis va nous permettre de mieux prévoir.
En tout cas, je pense que c'est un bon point de vue.
J'aimerais
aussi vous entendre sur un autre sujet que vous avez soulevé initialement,
c'est la question des espèces envahissantes.
La problématique, elle est très large, elle croît très, très rapidement. Je
vous donne l'exemple du roseau commun
puis sa propagation à travers notre réseau routier, là. En fait, ils ont pris
le chemin, c'est le cas de le dire. Mais c'est en train de devenir un problème très, très sérieux, puis il y a
beaucoup d'autres espèces qui sont derrière qui, elles aussi, se propagent très rapidement. Est-ce que
vous avez regardé ça et est-ce que vous avez des idées sur des solutions
potentielles? Parce que, là, on regarde la
carpe asiatique, les nouveaux mollusques dans les Grands Lacs. On a en toute
une série, là, qui sont extrêmement
dangereux pour nos écosystèmes. Puis est-ce que vous avez regardé ça puis
qu'est-ce qu'on pourrait faire avec ça?
M. Bourque
(Alain) : Oui. Alors, Ouranos a publié pour commentaires en décembre
dernier, lors de notre symposium, mais va
publier de façon formelle après la période de commentaires, dans les prochaines
semaines, une synthèse des
connaissances sur l'impact des changements climatiques pour le Québec. Alors,
il y a une version de deux pages, une version
12 pages puis une version 260 pages qui incluent, naturellement, le maximum de
résultats de toutes ces diversités des enjeux là. Vous allez comprendre
que la clientèle cible pour chacun de ces documents-là est différente, hein?
Les praticiens, on vise pour le 250 pages, puis, encore là, ils vont feuilleter
puis aller voir... Donc, notamment, il y a de la littérature scientifique sur l'aggravation de la problématique du roseau
commun en lien avec les changements climatiques. Alors, c'est une
problématique qui serait déjà là même sans changements climatiques, mais, avec
les changements climatiques, ça s'accélère puis ça se produit encore plus.
Et
là je dois reconnaître que c'est pour ça que j'aime bien travailler à Ouranos
avec un réseau très élargi d'universitaires,
parce que, là, je ne peux pas commenter sur ces différents problèmes-là, et
donc il faut parler à M. Lavoie, par
exemple, chercheur sur le roseau commun, qui lui, effectivement, a déjà publié
là-dessus et a déjà plusieurs idées. Et
enfin Ouranos, hein, ça, c'est un de nos rôles aussi, c'est d'essayer de faire
sortir de la recherche une approche un petit peu plus solution que toujours documenter le problème. Alors, ça, ça a
été une de nos tendances lourdes au cours de nos 14 dernières années. Au début, on était très comprendre les problèmes,
et là, de plus en plus, on est vers développer des outils de solution.
Alors, je ne peux pas répondre spécifiquement à cette question-là, là.
M.
Bolduc : Promotion gratuite : Quand est-ce que vos documents de
deux, 12 et 250 pages vont être disponibles?
M. Bourque (Alain) : En fait, il y a déjà une version commentaires qui est disponible sur le
site Web et il va y avoir une version finale... on parle vraiment, là,
d'ici... je vais dire, d'ici un mois, pour être «safe».
M.
Bolduc : O.K. Merci. Un autre enjeu que vous avez soulevé, c'est celui
de la réduction des débits dans nos rivières.
Mais, pour moi, ça, c'est une problématique, mais elle est combinée avec une
autre qui empire le problème, celle des
débits extrêmes. Donc, on a des périodes d'étiage ou de très petits débits
durant la période estivale, mais on a aussi de plus en plus de violences ou de gros débits qui créent de l'érosion,
toutes sortes d'autres problèmes, en fait, des inondations comme vous
avez mentionné précédemment.
Est-ce que vous avez
regardé ce concept où on pourrait peut-être élaborer des moyens qui vont nous
remettre un peu d'équilibre? Puis je peux
vous donner des exemples. Par exemple, le drainage dans nos forêts, là, plus on
en draine, bien, plus l'eau descend
rapidement. Est-ce que vous avez regardé ce concept-là puis de voir comment on
pourrait réduire nos extrêmes et plus niveler les débits d'eau?
M. Bourque (Alain) : Oui. Enfin, on a souvent pris des bassins versants témoins,
historiquement, pour tenter de justement développer certaines pistes
d'adaptation ou solutions d'adaptation pour tenter de minimiser les risques
liés aux deux extrêmes, parce que finalement
c'est ça qui se produit. D'ailleurs, cet été, ça n'a pas été tellement
différent, hein? Je remarquais
récemment dans les données que, dans la région de Montréal, il y a eu peut-être
300 millimètres de pluie, mais 80 % de la pluie est tombée sur
quatre jours. Donc, c'est exactement en ligne avec ce que vous dites, là.
Donc,
l'approche... puis je ne sais pas si M. Raîche va peut-être même en glisser un
mot, là, mais l'approche, c'est beaucoup de tenter, pour nous, de
développer des méthodes sur des bassins versants témoins qui pourront ensuite
inspirer les autres bassins versants, parce qu'il reste inévitablement que
chaque bassin versant a ses propres réalités.
Le Président (M.
Reid) : ...de Dubuc.
M.
Simard (Dubuc) : M. le Président, merci. M. Bourque, moi, je ne suis
pas un scientifique, donc je vais vous poser des questions d'un néophyte, là.
Moi, je viens du Saguenay, et puis ce que j'ai pu... Là, vous nous parlez bien
sûr des changements climatiques par rapport au déluge du Saguenay. Moi, ce
que je sais, le déluge du Saguenay a été causé par l'intervention humaine, c'est-à-dire des barrages
qui ont cédé, etc., et puis je sais pertinemment aussi qu'en 1946 il y a eu
le même problème, mes amis, puis pourtant on
ne parlait pas de changements climatiques dans ce temps-là. Les rivières
ont gonflé, puis c'était une partie du
village qui partait, puis c'était comme ça, là. Et puis là je trouve que les
changements climatiques, en tout
cas — parce
que vous avez soulevé ça, c'est pour ça que je vous dis ça — ils ont le dos large. Je trouve qu'ils ont le dos large, on leur met toutes sortes
de choses, mes amis, puis ça fait parce qu'on n'est pas des scientifiques,
personne. Le commun des mortels, il n'est
pas scientifique, puis tout le monde est... c'est sûr, on veut tous rester en
vie, là, tu sais, on se comprend bien, là.
Mais
la grande question, c'est... Je regarde ce qui s'est passé. Vous avez parlé
tantôt des ouragans. Je regarde ce qui
s'est passé en Louisiane. C'est les digues qui ont lâché. Et, quand ils ont
construit ces digues-là, c'était pour construire le plus proche possible de la mer, sauf que, là, un ouragan plus
dramatique que les autres qui a démoli les... puis c'est sûr qu'il y a eu une inondation incroyable, il y a eu
des pertes de vie, etc. C'est encore une intervention humaine qui a fait
ça. Mais, des grands ouragans — vous êtes un scientifique — vous êtes en mesure de dire : Écoutez,
il y en a eu aussi dans les années
30, 40, 50 qui étaient aussi gros que ceux-là et ça n'a pas causé autant de
problèmes parce qu'il n'y avait pas
d'intervention humaine beaucoup sur les berges. Mais, aujourd'hui, c'est vrai
qu'il y a plus d'industrialisation, il y a plus de monde sur la terre, etc., ça cause des problèmes. Mais, moi, mon
inquiétude à moi, c'est qu'on pose des gestes... Je pense que la terre, c'est une... c'est très vivant, la terre, et puis
on sait pertinemment qu'elle a changé au fur et à mesure des siècles.
Quand on écoute les émissions scientifiques, on nous dit ça, en tout cas, de
toute façon.
Et
puis ne trouvez-vous pas qu'aujourd'hui... tous les moyens qu'on va mettre en
place pour s'assurer qu'on vient freiner
ces changements climatiques là — excusez l'expression, ma grand-mère disait
ça — on se
court après la queue?
M. Bourque (Alain) : Non. Mais, enfin, vous avez raison sur certains points, là,
c'est-à-dire que, s'il n'y avait personne
qui vivait dans les régions à risque, il n'y aurait pas de problème, les
tempêtes frapperaient, ça ne causerait pas de dommage, et puis on n'en parlerait pas, effectivement. Et puis c'est
vrai qu'il y a cette densification de la population, les gens qui vont s'installer dans des zones à
risque, etc. Ça, on appelle ça vraiment la vulnérabilité, puis personnellement,
comme scientifique, je trouve souvent que
l'humain a l'art, parfois, d'aller se mettre aux endroits où il ne faut pas
aller se mettre, là.
M. Simard (Dubuc) : Le long des
rivières.
M. Bourque (Alain) : Et donc ça, ça souligne l'aspect vulnérabilité et
l'importance d'avoir des instruments légaux qui permettent de faire en
sorte que les gens ne vont pas aggraver des situations. Du côté du changement
climatique, effectivement, dans les
années... ou, dans le monde scientifique, dans les années 80, on commençait à
se poser la question sur les
changements climatiques et là on a décidé, notamment aux Nations unies puis à
l'organisation mondiale météorologique,
de créer le GIEC, le groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, pour
tenter de faire l'analyse du changement climatique.
En
gros, le GIEC, créé en 1988, premier rapport : On ne le sait pas vraiment.
Théoriquement, ça se peut, mais ce
n'est pas trop clair. 1995 : Ah! oui, il y a des données qui semblent
montrer qu'il y a du changement climatique pour la température, pour l'instant, à l'échelle planétaire. Et on a continué
comme ça. On est maintenant rendus au cinquième rapport du GIEC, et, en
fait, pour être franc, là, à titre de scientifique, là, entre le quatrième
rapport du GIEC et le cinquième rapport du GIEC, les conclusions n'ont pas
vraiment changé, là; j'ai même certaines caricatures dans mon bureau, là, qui
disent que c'est un «broken record», hein, c'est...
• (14 h 30) •
Le Président (M.
Reid) : Merci.
M. Bourque
(Alain) : On redit un peu la même chose.
Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer
maintenant à l'opposition officielle avec M. le député de Terrebonne.
M. Traversy :
Merci beaucoup, M. le Président. Je vais essayer de faire du pouce sur le
départ, là, de mon collègue de Dubuc puis rester dans des discussions un peu
larges pour débuter.
Dites-moi donc, M.
Bourque... tout d'abord, merci beaucoup de votre mémoire. Vous avez commencé
votre présentation avec un portrait assez
sévère ou dramatique de la situation des changements climatiques partout à
travers le monde — vous avez donné des exemples en Russie, en
Californie, aux États-Unis, au Japon — et sur votre désarroi face au fait
que vous trouvez que les gouvernements ne sont pas nécessairement prêts à faire
face aux changements climatiques, même si
certains événements auraient dû leur donner déjà, là, des motivations
d'entreprendre une certaine prévoyance ou, en tout cas, certaines mesures
de prévention pour la suite.
Moi,
j'aimerais vous entendre sur le Québec. Si, sur une échelle de un à 10, là, 10
étant très, très, très préparés, et
zéro étant une insouciance totale, là, à quel niveau vous nous situeriez
actuellement, là, comme préparation face à ces changements?
M. Bourque (Alain) : Alors, ça dépend si c'est une échelle comparative par rapport aux
meilleurs versus les moins bons ou si
c'est par rapport à l'opinion d'un scientifique sur comment être prêt pour
faire face aux changements climatiques. Si c'est le dernier, je veux dire, selon moi, il n'y a pas personne qui
passe, parce que... Puis effectivement c'est vrai que ça sonne dramatique, puis je n'aime pas ça non plus,
parce que les gens disent : Bon, il y a un catastrophiste qui parle encore
de changements climatiques comme si c'était un drame.
C'est
vrai que les changements climatiques ne vont pas nous faire disparaître de la
terre d'ici quelques semaines, mais
c'est quand même, à l'échelle de deux, trois décennies, là, de développement
d'une génération, d'une société, là... ça va être des enjeux majeurs,
là, ça va être significatif. Ce n'est pas pour rien que la Hollande... vous
allez me dire, naturellement, que la
Hollande est particulièrement vulnérable au rehaussement du niveau de la mer,
mais ils investissent à peu près
2 % de leur produit intérieur brut juste pour consolider les digues qu'ils
ont le long de leur pays. Alors, eux, ils ont compris que c'était ça,
l'envergure de l'enjeu. Puis il n'y a pas vraiment de pays ou de région du
monde qui s'attaque à ce problème-là, à part
pour le front émissions des gaz à effet de serre, là. Je pense que, là,
peut-être que c'est à la veille de Paris aussi puis que peut-être après
ça va retomber. J'espère que non, naturellement, là. Mais on voit qu'il y a une mouvance vers l'action au niveau de
la réduction des émissions de gaz à effet de serre notamment pour éviter
les pires changements climatiques, les conséquences les plus importantes, mais,
au niveau de l'adaptation puis de la gestion
des risques, à date, les plus grands gains ont été faits sur la base d'études
de cas précises et suite à des événements majeurs comme Katrina et Sandy, qui ont vraiment littéralement réveillé
la côte Est américaine à mieux gérer les risques.
Donc,
le Québec, bon... en fait, le Québec fait bien en termes d'adaptation, parce
que notamment c'est une des seules
juridictions en Amérique du Nord qui a eu un plan sur les changements
climatiques qui intégrait à la fois la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'adaptation aux changements
climatiques. La majorité des autres juridictions sont encore aujourd'hui à la
réduction des émissions de gaz à effet de serre, puis, même là, c'est parfois
assez laborieux et difficile. Donc,
bon, alors là, où je trouve, moi personnellement, où ça va moins bien au
Québec, c'est au niveau de l'action terrain, au niveau promoteur local.
On a commencé dernièrement à faire des gains avec les municipalités qui s'intéressent de plus en plus... de toute façon,
ils n'ont pas le choix, les réseaux d'égout, ils pètent de partout, puis il
faut qu'ils s'attaquent à ça, là,
mais, tu sais, au niveau un peu plus individuel, local, sur l'ensemble des
acteurs, tandis que les grandes institutions comme Hydro-Québec, le
ministère du Transport, etc., eux, ont commencé à faire des choses en
adaptation que d'autres juridictions n'ont pas encore commencé à faire.
M.
Traversy : Donc, si je comprends bien, c'est avec les acteurs
de proximité, les acteurs des municipalités, les acteurs du milieu qu'il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire à
cet égard-là, c'est là où le plus gros de l'amélioration peut être fait,
là, au cours des prochaines années, selon ce que je comprends.
M. Bourque
(Alain) : Oui. Bien, en fait, on pense toujours amélioration sur
différents niveaux ou différents paliers,
là, mais moi, je pense que, dans les prochaines années, ce qui va être clé,
c'est vraiment que les gens, à l'échelle locale, régionale, s'approprient l'enjeu et opérationnalisent davantage.
Ça, ça implique des moyens, des données, des trucs du genre, là, ça.
M.
Traversy : O.K. Vous disiez tantôt dans votre présentation
qu'il fallait absolument éviter les concepts trop flous, qu'en France notamment, là, on finissait
par s'y perdre... ou, en tout cas, vous aviez une espèce de parallèle, là, qui
nous amenait à dire... d'essayer d'amener de
la clarté. On a un gros débat, là, qui est sur la notion de l'impact ou la
notion de risque dans le cadre, là,
du livre que nous étudions. Pour être clairs et non flous, est-ce qu'on devrait
plus parler de la notion de l'impact ou de la notion du risque?
M. Bourque (Alain) : Bien, en fait,
au risque de partir une discussion sur un autre sujet...
M. Traversy : Et de créer un
impact.
M. Bourque
(Alain) : ...nous,
effectivement, il faut les regarder, les termes, puis il faut surtout qu'ils
soient clairs. C'est juste qu'à un
moment donné ça va impliquer des choix, peut-être, dans les mots, là, mais il
faut être clairs. Nous, on pense même,
là, que même la notion du mot «risque» peut poser problème à certains égards,
c'est-à-dire, par exemple, les firmes
de génie-conseil vont évaluer quantitativement un risque et ils vont
dire : Le risque est de 22, puis le risque est de 12 dans
22 ans, par exemple, ou dans 50 ans, en utilisant certaines
hypothèses, sans se rendre compte que les hypothèses sont de moins en moins
valides dans le temps, et donc qu'il y a de plus en plus d'incertitudes. Et,
pour les scientifiques, l'incertitude, ça fait aussi partie du risque. On est
censé inclure l'incertitude dans le risque.
Donc, nous,
souvent, de plus en plus, on parle de vulnérabilité, c'est-à-dire d'avoir un
système qui est prédisposé à être
affecté ou pas, plutôt que d'intégrer la notion de risque, où parfois il y a
des aspects beaucoup trop quantitatifs où, là, ça devient parfois très
subjectif de l'évaluer.
M. Traversy : Donc, ça serait
plus une notion de vulnérabilité, selon...
M. Bourque
(Alain) : Bien, on parle
notamment de la vulnérabilité environnementale dans nos recommandations.
En fait, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne
dit pas aux gens de faire un choix x ou y, on dit qu'on devrait analyser les
différents termes qui font un certain
consensus au sein des acteurs, des parties prenantes, de ceux qui vont être
impliqués et que la clarté y soit.
M.
Traversy : Je vais poursuivre au niveau de la clarté, parce que
je veux profiter de votre expertise à 200 %. Vous avez, à la page 29 du livre qui vous a
été proposé, les critères qui définissent, dans le fond, les risques par
rapport à ce qui doit être pris en
compte pour les changements climatiques et vous avez là-dedans la complexité
qui doit être prise en compte, les
impacts appréhendés sur l'environnement, les mesures d'atténuation, le
potentiel aux conformités et aux lois
puis la préoccupation des citoyens et des organisations. Ça, c'est quelques
catégories, dans le fond, de risques et de critères qui sont associées à
ces risques-là, c'est là-dessus qu'il faut se baser.
Ma question,
c'est : Est-ce que vous trouvez que c'est suffisant? Est-ce qu'il y en a
trop, de critères? Est-ce que vous en
auriez rajouté de plus, peut-être justement de vulnérabilité, ce que vous nous
parlez? Je voulais voir un peu ce que vous en pensiez.
M. Bourque
(Alain) : En fait, pour être
franc, je ne pourrai pas, moi personnellement, vous répondre, là. Il faudrait
vraiment que je retourne avec les gens dans mon groupe pour déterminer si on a,
à l'intérieur de certains projets, des exemples d'indicateurs beaucoup plus
précis qui auraient pu être déterminés. C'est un peu aussi l'objectif de mon intervention, de dire qu'Ouranos était tout à fait
prêt à poursuivre le développement des travaux en lien avec l'amélioration
de cette loi-là.
M.
Traversy : O.K. Donc, vous vous gardez une marge de manoeuvre.
Il y a peut-être des critères supplémentaires, mais pour l'instant vous ne voulez pas vous avancer. C'est bon, mais
c'est intéressant, parce que, la notion de vulnérabilité, c'est la première fois que j'en entends parler,
là, aujourd'hui, donc, je trouvais qu'il y avait un aspect assez stimulant.
J'avais donc une autre question concernant votre
recommandation n° 4. Vous dites que, dans le processus d'autorisation environnementale exigé de la part
d'un initiateur de projet, celui-ci devait faire, d'une part, la démonstration
des impacts des changements climatiques et,
d'une autre part, bon, la mention, dans le projet, des moyens envisagés pour
atténuer, justement, ces risques. Quand vous
demandez à un initiateur de projet, d'une part, de démontrer les impacts que
son projet peut avoir sur des changements climatiques, c'est avec quel moyen
que vous réussissez à démontrer ce genre de choses?
M. Bourque (Alain) : En fait, la
recommandation parle de l'initiateur du projet qui, d'une part, doit faire la démonstration que lui a évalué, a intégré la
question de l'impact des changements climatiques — donc, par exemple, s'il se met dans une région qui est à risque, il faut
qu'il prouve en présentant son projet qu'il a bien considéré ces risques-là,
qu'il les a bien évalués — et, d'autre part, la mention, dans le
projet, des moyens envisagés à mettre en oeuvre pour atténuer ces
risques-là.
M. Traversy :
Bien, je comprends très bien, mais la question, c'était...
Le Président (M. Reid) : ...
M. Traversy : Il reste deux
secondes?
Le Président (M. Reid) :
Quelques secondes. Allez-y.
M.
Traversy : Quelques secondes. Rapidement. Par quel moyen il
prouve qu'il a bien compris les changements climatiques et les impacts
que ça peut amener?
• (14 h 40) •
M. Bourque
(Alain) : Bien, c'est là que
la science devient importante, selon moi, là. Je pense qu'il peut citer les
travaux qui ont déjà été faits.
M. Traversy :
Scientifiquement. O.K.
M. Bourque (Alain) :
Scientifiquement, oui.
M. Traversy : O.K. Parfait.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au
deuxième groupe d'opposition, et je donne la parole à M. le député de
Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Bourque, d'être avec nous
aujourd'hui. Je vais vous amener tout de
suite à votre recommandation n° 10. On parle principalement de
cartographie des zones à risque, et puis, dans le fond, vous parlez, là, que vous voulez qu'on inclue, là,
les évaluations environnementales stratégiques, multisectorielles et par
territoire en amont du processus
d'autorisation environnementale. Je ne sais pas si vous voulez me donner un peu
plus d'informations sur comment vous procédez, ce serait quoi,
l'ampleur, là, de votre proposition.
M. Bourque
(Alain) : Bien, en fait, je
vais donner un exemple concret. Le programme Climat municipalités du plan d'action sur les changements climatiques a
permis de supporter des municipalités à faire leur premier plan d'adaptation.
Alors, la ville de Trois-Rivières est la
première municipalité au Québec qui a fait son plan d'adaptation et, dans le
cadre de leur plan d'adaptation, ils
ont fait une cartographie complète de tous les risques, en lien avec
l'approvisionnement en eau potable — les inondations, la chaleur, toutes sortes
de risques du genre — qu'ils
ont produits et là maintenant ils sont vraiment équipés, je pense, pour
mettre de l'avant des actions pour tenter de prendre en compte ces risques-là,
de mieux les gérer, de les atténuer si c'est
possible, etc. Donc, c'est de ça qu'on parle, un petit peu de la même façon
que... je ne me souviens pas c'est
quand, peut-être dans les années 60, où on s'était lancé, à un moment donné,
avec le fédéral même, dans un
programme de cartographie des plaines inondables, à l'époque. Alors, on avait
fait ça. Et encore aujourd'hui on
utilise ces cartes-là, quoiqu'il y en a certaines qui sont plutôt défraîchies
et surtout qui n'incluent pas les changements climatiques, et ça, c'est un dossier qui est, disons, à l'ordre du jour
de beaucoup de compagnies d'assurance, de nos jours, au Canada. Et donc
c'est ce genre de travail là que l'on parle : cartographie des risques.
M.
Lemay : Parce que, quand on parle de cartographie des zones à risque,
selon vous, ça serait qui qui devrait procéder
à cette évaluation-là? Tu sais, en réalité, c'est-u au niveau des directions
régionales, au niveau des MRC, des villes,
tu sais, ou c'est carrément, simplement, au niveau du ministère, tu sais? Puis
on y va dans quels détails, là? Est-ce qu'on inclut dans la même
cartographie autant l'air, l'eau, le sol?
M. Bourque
(Alain) : Bien, en fait — oui, c'est une bonne question — quel acteur fait quel bout du chemin? Bon,
historiquement, ce qu'on a souvent vu dans
des domaines de cartographie du risque pour des risques spécifiques, c'est
que les instances nationales faisaient un
travail à des échelles réduites, et il appartenait à des promoteurs ou à
d'autres intervenants du milieu
municipal, etc., d'aller à des résolutions plus fines et plus pertinentes pour
leurs enjeux, là. Mais j'avoue que, à
savoir comment le faire, est-ce qu'il faut que ça soit tout fait à l'interne du
gouvernement, à l'externe avec des universitaires, etc., je ne pourrais
pas commenter.
M.
Lemay : Parfait. Bien, en fait, tantôt, vous avez parlé avec nos
collègues, là, on a parlé de milieux récepteurs, d'impacts cumulatifs,
de l'ampleur, nature des contaminants aussi, tu sais, comme on parle de gestion
de risques, mais il y a aussi toute la
notion d'impact, que vous mentionnez vous-même, les impacts cumulatifs. Mais,
selon vous, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce
qu'on doit tenir compte de la nature du contaminant, de la quantité? Tu sais,
il me semble que, quand on regarde
les impacts sur l'environnement ou... devrait-il y avoir un système hybride et
non mentionner juste les risques, mais de tenir en considération les
impacts?
M. Bourque
(Alain) : Bien, en lien avec
l'orientation 3, qui, si je comprends bien, dans le fond, veut moduler
un peu le type d'analyse à faire selon
l'ampleur du risque ou de la vulnérabilité, là — puis là c'est ici que les termes sont
particulièrement importants — on pense que ça peut être peut-être une
bonne idée de moduler de cette façon-là en fonction de l'ampleur du risque. Nous, notre
message, c'est de dire : Il faut faire attention, parce qu'un risque qui
semble faible aujourd'hui peut, à
cause des changements climatiques, ne plus être faible dans 30 ans et devenir
particulièrement significatif.
Donc, c'est
ça, notre message, dans notre recommandation, de dire que, pour la modulation
en fonction de l'ampleur du risque, il faut faire beaucoup attention
pour dire que le risque n'est pas stationnaire.
M. Lemay : Merci, c'est apprécié.
Le Président (M. Reid) : Deux
minutes.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Vous savez, il y a quelque chose...
bien, on en a discuté tantôt, là, mais juste un élément de précision supplémentaire. Vous mentionnez, comme quand on
parle de communautés locales, là, à votre page 7 de votre document... vous parlez d'identifier les indicateurs de
résilience aux changements climatiques, puis ça, on parle, dans un exemple, de collaboration avec les
occupants du territoire, notamment les Premières Nations. «Indicateurs
de résilience aux changements climatiques»; un petit mot là-dessus?
M. Bourque
(Alain) : Bien, je vais le
donner par un exemple. Un des constats de ce qui s'est passé en
Nouvelle-Orléans avec Katrina, c'était que les acteurs ne se parlaient pas du
tout et que ça a fait en sorte que cet événement-là s'est transformé vraiment
en crise majeure parce que les réseaux de collaboration nécessaires entre les différents paliers de gouvernement, entre les
différents types d'organisation étaient tout simplement dysfonctionnels, et
que tout est tombé, et que ça s'est
transformé en crise importante. Donc, ça, ça fait partie d'indicateurs de
vulnérabilité qui ne sont pas des
indicateurs de vulnérabilité que les gens de sciences biophysiques aiment
beaucoup, là, parce qu'on aime ça quand c'est très quantitatif,
biophysique, etc., mais ce sont des indicateurs sociaux qui sont particulièrement
importants pour la résilience des communautés.
M. Lemay : Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci, M. Bourque,
pour la contribution que vous apportez à nos travaux.
Je lève la séance pendant quelques instants pour
permettre à nos amis des organismes de bassins versants de prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 48)
Le Président (M. Reid) :
Alors, nous reprenons. Je souhaite la bienvenue à nos invités du regroupement
des bassins versants du Québec. Vous
connaissez la routine, ce n'est pas la première fois que vous assistez à une
séance de la commission. Alors, vous avez 10 minutes pour faire
votre présentation, nous aurons un échange par la suite avec les membres de la commission. Je vous demanderais de
vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne, pour les
fins d'enregistrement, et à vous la parole.
Regroupement des
organismes de bassins
versants du Québec (ROBVQ)
Mme
Leclerc (Marie-Claude) : Merci, M. le Président. Donc, M. le
Président, Mmes et MM. les commissaires, je vous remercie de permettre
au ROBVQ de vous présenter nos recommandations concernant le livre vert. Je
suis accompagnée aujourd'hui de
M. Jean-Paul Raîche, premier vice-président du ROBVQ, président du
COGESAF, professeur associé à
l'Université de Sherbrooke. M. Raîche est docteur en philosophie de
l'environnement et de l'écologie politique. Quant à moi, je suis Marie-Claude Leclerc, directrice générale du ROBVQ
depuis 10 ans, titulaire d'une maîtrise en analyse des politiques
publiques.
Ce mémoire est le fruit d'une concertation avec
notre réseau des organismes de bassins versants, les OBV, et représente notre position commune. Vous avez tous
eu l'occasion de lire notre mémoire, aussi je vais me permettre de souligner, parmi les recommandations qu'on a
proposées, celles qui nous semblent les plus importantes puis d'en préciser
certaines.
Donc, tout
d'abord, nous saluons le travail fait pour actualiser la LQE. Nous sommes
heureux des propositions à l'étude, bien que leur mise en oeuvre nous
semble difficile et que les objectifs souhaités nous semblent difficilement atteignables. Il est important également de
souligner que rien dans la proposition ne permet de protéger les milieux humides
et hydriques, ce qui renforce la nécessité d'une loi spécifique sur le sujet.
Notre principal message est : Cohérence : cohérence entre les ministères; entre ministères, municipalités et MRC;
cohérence avec les organismes mandatés sur le terrain, dont les OBV; et
cohérence entre l'analyse, l'approbation, la mise en oeuvre et le suivi des
projets. Selon nous, toute proposition de
réforme de la LQE se doit de garder constamment à l'esprit que le MDDELCC est
maître d'oeuvre de la refonte de la
LQE mais que la loi s'adresse à plusieurs ministères et que le cadre du sujet
environnemental est toujours d'ordre
multidisciplinaire. M. Bourque l'a souligné tout à l'heure, on a des
biologistes, des géographes, des aménagistes, des urbanistes, des forestiers, des agronomes, des
ingénieurs. Tous ces gens-là ont besoin de travailler sur les projets et ils
travaillent déjà sur les projets. Donc, cohérence pour permettre à tous les
intervenants qui sont mis à contribution de travailler efficacement entre eux.
• (14 h 50) •
Les objectifs
initiaux de la modernisation nous semblent justes et possiblement atteignables.
Cependant, l'objectif de diminuer de
manière significative le nombre de demandes d'autorisation, énoncé dans le
cadre de l'orientation n° 3, ne
devrait pas être une considération en soi. Au contraire, l'intégration des
changements climatiques et des principes de développement durable pourrait avoir l'effet contraire. Améliorer les
processus, atteindre une efficience et une efficacité dans le traitement des demandes par le biais d'un
processus transparent et connu nous semblent des objectifs plus louables
pour la protection de l'environnement tel
que nous l'entendons, c'est pourquoi le ROBVQ recommande que le régime actuel, qui en est un d'autorisation, fasse plutôt
place à un régime de protection de l'environnement, l'autorisation pouvant
être émise ou non en fonction des conditions
qui sont rencontrées. Un régime de protection donne un message clair quant
au pouvoir du ministre de refuser certains
projets et un message clair également aux promoteurs sur les attentes du régime
face à leur travail. Ça leur permettrait, selon nous, de respecter l'essence de
la LQE.
Le ROBVQ
souhaite ajouter une prémisse de base qui concerne directement notre domaine
d'activité, donc l'eau, et qui
rejoint la cohérence que nous demandons. La Loi sur la qualité de
l'environnement a une portée globale, alors que la loi sur l'eau définit que le Québec gère les usages de l'eau par
bassin hydrographique. La mise en oeuvre de la gestion intégrée de l'eau par bassin versant par les OBV
permet non seulement de définir le portrait initial d'un territoire donné,
donc faire une caractérisation terrain, mais
elle permet également et surtout une prise de décision partagée qui a pour
objectif de réduire les coûts de
façon importante pour l'ensemble des contribuables via le plan directeur de
l'eau. Cette même loi stipule que le
ministre doit en outre transmettre copie du plan directeur de l'eau aux
ministères et organismes du gouvernement afin qu'ils le prennent en considération dans l'exercice des
attributions qui leur sont conférées par la loi dans le domaine de l'eau ou dans tout autre domaine ayant une
incidence sur l'eau — évidemment, je le souligne. Le processus de
protection de l'environnement de la LQE, mis en oeuvre par le MDDELCC,
ne saurait y faire défaut, c'est pourquoi le ROBVQ recommande que les OBV soient partie prenante du processus d'analyse,
qu'ils soient mandatés afin qu'ils incluent, dans les plans directeurs de l'eau, une évaluation
environnemental stratégique en fonction de paramètres à déterminer et qu'ils
soient mandatés, les OBV, pour identifier
les projets de restauration ou d'amélioration à même le plan directeur de l'eau
qui pourrait être utilisé par un promoteur pour réaliser un projet de
compensation.
Finalement, nous recommandons que, lors de
l'analyse des demandes d'autorisation, le ministre prenne en considération les différentes lois actuellement en
vigueur, entre autres la loi sur l'eau, qui stipule que les usages de l'eau
sont gérés à l'échelle des bassins versants, en fonction de leur capacité de
support et que le ministre peut exiger réparation pour tout tort fait
aux ressources en eau.
L'intégration
des changements climatiques dans l'analyse présentée dans l'orientation 1 nous
semble une voie prometteuse, comme
mentionné par M. Bourque précédemment. Pour ce faire, l'objectif devrait
être, selon nous, de ne pas augmenter
la vulnérabilité — on y
revient — d'une
collectivité ou d'un usage, ce qui suppose d'avoir une connaissance approfondie du territoire préalablement au projet.
Un questionnement se pose, par contre, quant aux impacts significatifs pour lesquels une autorisation peut être
assujettie dans la mesure où, pris individuellement, les projets peuvent
sembler avoir peu d'impact, alors
que, s'ils sont combinés, ils ont un impact qui peut être important, que ce
soit immédiatement ou à long terme. C'est pourquoi le ROBVQ recommande
d'intégrer obligatoirement l'adaptation aux changements climatiques et l'impact cumulatif dans les bassins versants des projets
lors de l'analyse, que les projets acceptés ne doivent jamais augmenter
la vulnérabilité d'une collectivité ou d'un usage, que les OBV soient
considérés comme des alliés dans l'identification des mesures d'adaptation aux
changements climatiques qui concernent les usages de l'eau, puis d'ailleurs les organismes de bassin versant ont
été formés sur ce sujet grâce à un travail conjoint qu'on a fait avec Ouranos
pour justement les accompagner afin qu'ils
prennent en considération l'impact des changements climatiques dans les plans
directeurs de l'eau.
À l'orientation 2, le ROBVQ est en faveur d'un
meilleur encadrement des évaluations environnementales stratégiques. Plusieurs propositions nous semblent justes, dont celle
d'encadrer, selon certains critères, l'évaluation des stratégies du gouvernement. Cependant, comme il
est présenté, il semblerait que l'intégration de ces principes de développement
durable ne soit prévue qu'en vertu des
évaluations environnementales stratégiques, alors qu'on devrait les retrouver
dans l'ensemble du processus. Bien que l'orientation force le respect,
rien n'est mentionné concrètement, entre autres, sur deux principes fondamentaux pour le ROBVQ, à savoir le principe de
précaution et le respect de la capacité de support des écosystèmes.
C'est pourquoi le ROBVQ recommande que le régime de protection de
l'environnement de la LQE prévoie un
processus vigoureux afin de tenir compte des 16 principes du développement
durable, et en particulier le principe de précaution et la capacité de
support des bassins versants en fonction des usages.
En ce qui
concerne l'orientation 3, nous avons beaucoup d'inquiétudes quant à la
proposition d'analyse basée sur le risque environnemental, nous
proposons d'ailleurs plutôt de parler de potentiel d'incidence environnementale
afin d'éviter toute confusion. L'incidence
environnementale ne peut être déterminée qu'en fonction du territoire concerné
et des effets cumulatifs des projets
sur ce territoire. De plus, l'évaluation du potentiel d'incidence et la mise en
oeuvre des projets exigent que des professionnels soient attitrés à ces
projets et qu'un suivi des chantiers soit fait adéquatement. En d'autres mots,
la compétence des professionnels et le budget que le MDDELCC octroiera pour le
suivi des projets détermineront le sérieux
de cette approche. C'est pourquoi le ROBVQ recommande que les règlements
classant les différents types d'activité selon leur niveau de risque
soient présentés simultanément au projet de loi, que toutes les activités en milieu humide et hydrique soient, sauf exception,
assujetties à l'obtention d'un certificat d'autorisation et que l'on tienne
compte des impacts cumulatifs et de la capacité de support des bassins versants
en ajoutant des critères, donc la sensibilité du milieu, la densité locale des
activités, l'empreinte globale d'un type d'activité, le manque d'expérience et
d'information sur l'activité et la nouveauté d'un type de projet.
En ce qui concerne l'orientation 4, le ROBVQ
recommande que le registre public soit géoréférencé et qu'il comprenne tous les projets pour lesquels des
demandes ont été faites ou non, que les informations à rendre publiques dans
le registre d'évaluation environnementale
doivent inclure les mesures de compensation prévues et réalisées. Diversifier
les modes de participation nous semble
évidemment une très bonne idée, ça permettrait aux citoyens et aux groupes de
participer aux consultations publiques en
utilisant les technologies de l'information et des communications... nous
semble également une bonne idée, et
d'allouer une enveloppe financière, en fonction de critères à déterminer, pour
permettre aux organismes qui désirent s'impliquer de participer aux
consultations du BAPE.
En ce qui
concerne l'orientation 5, et comme le souligne le consortium du Réseau canadien
de l'eau, «la gestion efficace des
risques qui sont pertinents aux réseaux d'eau communautaires comporte des
décisions qui dépassent le contrôle des
services publics locaux». De ce fait, il faut s'assurer que les approches
s'étendent au-delà des actions de gestion du réseau d'eau municipal et s'intègrent à des activités à plus large
échelle, notamment la gestion du bassin hydrographique. C'est pourquoi il ne nous semble pas que
l'allégement du processus soit la voix à suivre pour les municipalités. Le
ROBVQ recommande plutôt d'harmoniser
les processus d'autorisation gouvernementaux entre... voyons, entre eux et avec
ceux des municipalités, pardon, pour un même projet, ce qui pourrait se
faire en mettant en place un guichet unique où les demandes seraient traitées
parallèlement et en fonction de la même documentation.
En ce qui
concerne l'admissibilité des projets de l'orientation 6, il nous semble
impératif qu'un dossier ne puisse être
analysé sans l'ensemble des données nécessaires pour permettre au promoteur de
déposer le projet complet. L'idée d'accompagnement des promoteurs est très
bonne et pourrait se faire par le biais de formation de groupes. Par ailleurs,
les OBV pourraient se joindre à ces
formations afin d'informer les promoteurs sur le contenu des plans directeurs
de l'eau dont ils doivent tenir compte.
Dans
l'orientation n° 7, le ROBVQ est d'accord pour internaliser 100 % des
coûts des projets privés, mais les fonds devraient être versés aux directions régionales pour l'affectation des
ressources humaines nécessaires à l'analyse et au suivi des chantiers plutôt qu'au Fonds vert. Les
projets qui ont fait l'objet d'une délégation de mandat par le gouvernement
ou qui ont un caractère d'utilité publique avec gain environnemental ou social
devraient en être exemptés.
En
conclusion, cohérence, capacité de support, effet cumulatif, gestion intégrée
de l'eau par bassin versant, prise en
considération des plans directeurs de l'eau et de la compétence des OBV et loi
sur les milieux humides et hydriques. Je vous remercie de votre
attention.
Le
Président (M. Reid) : Pile. Il restait une seconde. Merci de
votre présentation. Nous allons passer aux échanges avec le côté
gouvernemental. Je donne la parole à M. le ministre.
M. Heurtel : Merci beaucoup, M. le
Président. Bonjour, Mme Leclerc, M. Raîche. C'est toujours un plaisir de vous revoir. Merci pour votre mémoire ainsi que
votre présentation, qui, elle-même, est en toute cohérence avec les
positions soutenues pas le regroupement. Je voudrais aller plus loin. Vous avez
réussi à condenser énormément d'informations
dans votre présentation. Malheureusement, on ne pourra pas tout couvrir, bien
que ça serait intéressant.
Au niveau des
effets cumulatifs, on a vu... puis, bon, pas seulement dans le cadre de ces
travaux-ci, mais, de la minute qu'on
regarde un régime d'autorisation environnementale puis n'importe quel régime de
protection environnementale, avec un
territoire aussi grand que celui du Québec, aussi différent, on se retrouve
avec des situations... puis c'est revenu beaucoup dans les préconsultations, auxquelles vous avez participé — merci. Puis, quand je fais des tournées
régionales, on me parle beaucoup du
fait que, des fois, on se retrouve dans des situations où le régime de
protection, les exigences environnementales ne sont pas nécessairement
adaptés à la réalité sur le terrain. Alors, l'objectif est noble, d'avoir un standard, mais souvent le standard environnemental
trouve difficilement son application dans certaines régions du Québec à cause du type d'environnement qui s'y retrouve.
On n'a pas un territoire homogène, on n'a pas des populations homogènes,
alors donc ça créé des défis.
Alors, dans
une optique où on cherche à être
prévisibles mais, en même temps, flexibles, certains y voient là une contradiction, mais on veut tendre quand même
vers ça, comment les OBV pourraient davantage assister le processus d'évaluation environnementale? Vous y avez fait allusion, mais j'aimerais ça
qu'on approfondisse, parce qu'encore
une fois, dans le cadre de nos travaux, puis ça, je l'ai déjà dit, là,
on est dans une phase, bon, d'étude d'un livre vert, mais ultimement on se dirige vers un projet de loi,
puis, bon, il faut exprimer ça législativement. Alors, l'expertise des OBV,
ça, elle est établie, le ministère de
l'Environnement contribue, d'ailleurs, et dépend des OBV pour énormément
d'informations et de travail sur le terrain.
Alors, dans
ce contexte-là, dans un processus revu d'évaluation environnementale, sachant,
là, la prémisse que je vous ai
donnée, comment on pourrait concrètement intégrer l'expertise, l'échange
d'information entre le ministère et les OBV puis plus intégrer les OBV
dans le processus d'évaluation environnementale?
• (15 heures) •
M. Raîche
(Jean-Paul) : Bonne question. On y répond en partie dans le mémoire.
Je rajouterais que ce n'est pas juste
avec le ministère, je rajouterais que c'est aussi avec l'ensemble des acteurs
du territoire, parce qu'un organisme de bassin versant est d'abord composé des acteurs du territoire, il
travaille avec l'ensemble... même, il travaille plus souvent avec les
acteurs du territoire qu'avec le ministère, on s'entend, que ça soit avec les
municipalités, les agriculteurs, les forestiers.
Et l'avantage des organismes de bassin versant, c'est qu'ils ont une
connaissance maintenant... honnêtement, une connaissance beaucoup plus élaborée du territoire. Que ça soit un
petit bassin versant dans un grand bassin versant, ils sont responsables
de zones, mais ils connaissent bien leurs territoires. Ils ont caractérisé, ils
ont mis en place des actions
prioritaires avec les différents acteurs. Alors, dans ce cadre-là, ils ont une
quantité incroyable d'informations qui pourraient
servir, comme on disait, à l'analyse des projets, que ça soit au niveau
régional, même au niveau provincial. Mais je pense que, si l'analyse se
fait au niveau de la direction régionale... Actuellement, on utilise peu le
savoir des organismes de bassin versant,
mais, en utilisant justement les organismes, le personnel des organismes, on
pourrait avoir une meilleure connaissance.
Vous avez parlé
des effets cumulatifs. C'est vrai qu'actuellement il est difficile de faire une
évaluation adéquate des effets cumulatifs sur un territoire. Si ça vous
intéresse, je pourrais vous donner une référence. Il y a un projet de recherche actuellement fait par une professeure,
Mme Dubé, de l'Université du Nouveau-Brunswick, qui fait un projet
national sur justement l'évaluation des effets cumulatifs sur un bassin,
comment on doit s'y prendre.
M. Heurtel : J'apprécierais la
référence, s'il vous plaît.
M. Raîche
(Jean-Paul) : Oui. Donc, il y a déjà des chercheurs qui s'attardent à
cette dimension-là. Mais nous, on dit
qu'il faut en tenir compte, mais il est évident que, pour en tenir compte, il
faut être capable de les évaluer. Ce n'est pas évident. Et on est en pleine recherche. Et donc, même si on dit
qu'on doit le faire, je suis obligé de vous dire que peut-être qu'on sera capables de le faire seulement que dans
deux, trois ans, dans quatre ans ou dans cinq ans. On aura les moyens de
le faire, on aura les moyens, on aura un cadre pour faire cette évaluation.
Mais déjà les
OBV ont assez d'informations pour dire que, si vous agissez, par exemple... on
va parler des milieux humides, vous
savez, c'est mon dada, si on agit sur un petit milieu humide, bien ça a des
conséquences énormes peut-être à long
terme, comme a dit M. Bourque, même à court terme sur les inondations.
D'ailleurs, en passant, pour ceux qui vivent dans la région de Coaticook, ils en savent quelque chose. Cet été, ça
fait deux ans qu'ils y goûtent à Coaticook, hein, tout ça du fait que la
gestion de l'eau sur le bassin ne se fait pas d'une manière adéquate. Mais un
petit milieu humide où on pourrait peut-être
avoir un promoteur qui intervient dans ce milieu-là en disant : Il y a peu
d'importance, mais il y a un effet
cumulatif possible si on ne tient pas compte de l'ensemble de plusieurs petits
milieux humides comme ça, dans son ensemble, qui devrait être protégé...
Vous voyez? Donc, c'est cet aspect-là. Les OBV ont cette information, ont cette
connaissance-là. Je ne réponds pas parfaitement à votre question, mais vous
voyez un peu le...
Le
Président (M. Reid) : M. Raîche, est-ce que je peux juste vous
demander d'envoyer la référence à la secrétaire de la commission? Comme
ça, tout le monde pourra en profiter. La référence dont vous parliez.
M. Heurtel : Sur l'étude du
Nouveau-Brunswick, là.
M. Raîche (Jean-Paul) : Oui, oui,
oui. Je vous envoie ça, avec plaisir.
Le Président (M. Reid) :
D'accord. Merci. M. le ministre.
M.
Heurtel : Alors, je... non, mais vous mettez bien la table. Là où
j'irais un peu plus loin, c'est en disant : Bon, si on peut revenir plus précisément sur justement
les rapports entre les OBV et le ministère, les directions régionales...
Vous avez... puis là je ne peux pas vous
citer exactement, mais vous semblez dire que peut-être que les directions
régionales ne profitent pas peut-être
suffisamment ou autant qu'elles le pourraient de l'expertise des OBV. Est-ce
que... là, je vous mets des mots dans la bouche, là, mais est-ce que
c'est une caractérisation adéquate de ce que vous dites?
M. Raîche (Jean-Paul) : Oui. C'est effectivement
le cas.
M. Heurtel : Bon, alors...
M. Raîche
(Jean-Paul) : Je ne dis pas qu'il n'y a pas de lien. Il y a des liens, mais on n'utilise pas assez le savoir
des OBV.
M. Heurtel : Alors... Pardon,
madame. Allez-y.
Mme
Leclerc (Marie-Claude) : Tout à l'heure, vous parliez de moduler, en fonction du territoire, les indicateurs,
de pouvoir avoir une certaine flexibilité,
donc, d'avoir de la rigueur mais de la flexibilité. Je pense
que les organismes de bassin versant
peuvent collaborer à identifier au préalable, en amont des projets, quels sont
les indicateurs pour des bassins versants
donnés qu'on pourrait utiliser, s'entendre d'abord sur des indicateurs en
travaillant avec le MDDELCC sur le sujet.
Donc, ça pourrait permettre, un, de tenir compte du territoire,
de la cartographie, les données qu'ils ont, puis, deux, de pouvoir
moduler en fonction de la situation réelle. Donc, toutes les portions du Québec
n'auraient pas les mêmes indicateurs, mais le même objectif serait atteint à l'ensemble
du Québec.
M.
Heurtel : Bon, bien, ça, ça
m'aide beaucoup. Ça,
c'est plus un exemple concret de comment on intégrerait l'expertise des
OBV dans le processus d'évaluation le plus en amont possible. O.K.
Au niveau de
la lutte contre les changements climatiques, j'aimerais vous entendre davantage
sur l'importance, justement, bon, des
milieux humides. Non, mais je trouve que c'est important de le faire ressortir.
Vous l'avez déjà dit dans d'autres contextes. Mais c'est parce que, dans
ce contexte-ci, je crois, ça met en évidence justement l'avantage, l'importance d'intégrer
davantage la lutte contre les changements climatiques dans les processus
d'évaluation, faire le lien avec
l'expertise des OBV mais l'importance justement des milieux humides et leur
impact positif dans la lutte contre les changements climatiques, et donc
de l'ensemble d'un bassin versant.
Alors,
j'aimerais ça que vous alliez plus en détail au niveau de cette notion-là puis,
donc, comment on serait capables d'intégrer aussi cette expertise-là le
plus tôt possible dans une évaluation environnementale d'un projet.
M. Raîche
(Jean-Paul) : Oui. On a insisté, dans notre mémoire, sur le fait que,
d'abord, tout ce qui concerne les milieux
humides, il y a un certificat d'autorisation, ce n'est pas un risque faible,
là, quel que soit le milieu humide — pour nous, ça, c'est déjà un élément
important — en
fonction justement des possibilités, du rôle que pourraient jouer ces
milieux-là en particulier par rapport aux inondations et les éléments
semblables.
Actuellement, il y a un travail qui se fait pour
mieux connaître le territoire, d'ailleurs j'imagine que Canards illimités vous en a parlé, il y a une cartographie
qui se fait avec canards, et on n'a malheureusement pas une connaissance
suffisante actuellement de tous les milieux
humides sur les bassins versants. Donc, il n'y a pas une cartographie... Pour
la vallée du Saint-Laurent, ça va bien, là,
mais même dans l'Estrie, si on arrive dans l'Estrie, la cartographie n'est pas
faite. D'ailleurs, actuellement, je
travaille actuellement avec Canards illimités, les municipalités, les MRC pour
qu'on ait cette cartographie. Donc,
déjà au point de départ, il faut qu'on ait une cartographie. Un coup qu'on a la
cartographie, les OBV, comme ils ont établi un processus d'intégration
des changements climatiques dans leur PDE... et ça, c'est un travail... d'ailleurs, on pourrait vous envoyer le document,
c'est un sacré beau travail qui a été fait avec le ministère et avec Ouranos.
Et donc, déjà là, les OBV ont ce travail-là
pas juste par rapport aux milieux humides, mais pour l'ensemble des activités
d'un bassin versant, où on doit tenir compte
des changements climatiques. Ça, ce travail-là se fait actuellement, il y a une
dynamique, alors c'est déjà un premier
élément, mais on n'est pas rendus à l'étape où, avec les acteurs du territoire,
ils peuvent, à partir de cette connaissance-là, intégrer eux-mêmes dans
leur approche les différentes municipalités, les agriculteurs, les forestiers, les différents acteurs. On n'en est pas
encore rendus à ce niveau-là, nous autres, les OBV, mais c'est en
voie... Le but d'intégrer, c'est justement d'en arriver à cela.
Alors, ça, c'est une première étape. Mais on ne
peut pas beaucoup parler de résultats actuellement, c'est une dynamique qu'on
met en place, là.
M. Heurtel : Parfait.
Mme
Leclerc (Marie-Claude) : Les organismes de bassin versant, si vous me
permettez de compléter, les organismes de
bassin versant pourraient également aider à identifier les types de milieu
humide, est-ce qu'on est avec des milieux humides de grande valeur, etc.
Donc, ça pourrait être un travail qui pourrait être fait par les OBV puis
intégré dans le cadre du plan directeur de l'eau.
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Leclerc, M. Raîche, ça
me fait plaisir de vous avoir ici aujourd'hui.
Écoutez, j'ai plusieurs questions, on va essayer
de faire ça en rafale. La première chose, pour moi, qui est très importante,
c'est : Comment voyez-vous le rôle des bassins versants dans
l'intégration, en fait, entre le ministère, les communautés, en fait, l'ensemble des acteurs économiques? On parle de
l'agriculture, on parle des municipalités, on parle des riverains. Donc, il y a une économie extrêmement
complexe à l'intérieur de ça. Comment vous voyez votre rôle se
positionner ou comment vous voudriez le voir dans le temps?
• (15 h 10) •
M. Raîche
(Jean-Paul) : On n'a qu'un seul rôle, c'est de concerter l'ensemble
des acteurs. C'est ça, notre rôle, de
les sensibiliser, de les informer, de fournir
l'information disponible, que ce soit de l'information qui vient des projets de
recherche d'Ouranos ou d'autres. Parce
que, vous savez, dans la mission
établie pour les OBV dans la loi de l'eau, c'est quatre choses : élaborer un plan directeur de l'eau, le
réviser et, ensuite, faire la promotion des actions du plan directeur auprès des différents acteurs et, quatrièmement, d'assurer le suivi à savoir si ça se réalise, d'accord?
Alors, on ne peut pas outrepasser ce rôle-là qui est fixé par la loi elle-même.
Alors, c'est dans ce cadre-là que nous travaillons.
Nous ne réalisons pas les actions sur le territoire,
on s'entend? Il faut amener les acteurs à les réaliser et, pour amener les acteurs à les réaliser, il faut être
capables de les convaincre, mais il faut être capables surtout de leur donner
une information la plus exacte possible, la plus scientifique
possible, et, cette information-là, on va la chercher par ceux qui la
produisent, d'accord?
Mme Leclerc
(Marie-Claude) : Si vous me
permettez. Les OBV ont aussi un rôle d'accompagnement des différentes parties prenantes. Quand on parle de
faire le suivi, pour faire un suivi, bien, on peut aussi faire de
l'accompagnement pour s'assurer de la réalisation adéquate de certains projets,
puis il y a des OBV également qui réalisent
des actions justement parce
qu'il n'y a pas de parties prenantes
sur le territoire qui veulent le faire ou encore parce qu'eux-mêmes ont l'expertise au sein
de leur propre organisation pour le faire.
M.
Bolduc : Merci. J'ai une question qui sort un peu du contexte de votre
mémoire. L'objectif, ce n'est pas de vous
mettre en porte-à-faux, mais bien plus d'entendre votre opinion sur d'autres
mémoires qui nous ont été présentés, qui
a une importance, en tout cas, dans l'Estrie, très grande, c'est le cas des
gravières dans les rivières, O.K.? J'aimerais vous entendre là-dessus, parce
qu'il y a plusieurs acteurs ou plusieurs mémoires qui nous ont mentionné qu'on
devrait trouver une mécanique pour pouvoir
nettoyer les rivières, pour éviter l'étalement des rivières, les inondations,
les crues, etc. Je voudrais vous entendre
là-dessus, parce que c'est quelque chose d'intéressant, mais je voudrais avoir
votre point de vue.
M. Raîche
(Jean-Paul) : Je vais être assez direct. Il faut intervenir le moins
possible dans un cours d'eau, parce que,
quand qu'on intervient dans un cours d'eau, on crée des problèmes en aval.
C'est assez régulier et c'est ce qui amène, d'ailleurs, des problèmes d'inondation, etc. Quand je dis qu'on doit
intervenir le moins possible, ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas
intervenir.
M. Bolduc : O.K. Moi, j'ai bien
entendu.
M. Raîche
(Jean-Paul) : Par exemple, enlever des arbres dans un cours d'eau, je
pense que ça, c'est tout à fait normal.
Mais le danger actuellement, c'est qu'on veut... on drague, hein? C'est devenu
la mode. On va draguer les lacs. On a
dragué les trois lacs près d'Asbestos. On veut draguer le lac Waterloo. On veut
draguer, mais, en draguant, on cause plus
de problèmes que d'autre chose. Donc, ma réponse est assez claire : On
doit le moins possible et même on doit... on devrait normalement... On a un concept qui s'appelle l'espace de liberté
des cours d'eau, et malheureusement c'est peu connu au Québec. Actuellement, il y a un projet avec la Sécurité civile
sur quatre bassins versants, dont, entre autres... on a réussi à convaincre les gens de la rivière
Coaticook de... puis embarquer dans le projet pour justement voir comment
on pourrait appliquer ce concept d'espace de
liberté d'un cours d'eau de façon à permettre à un cours d'eau de prendre
l'espace qu'il doit avoir pour éviter ces problèmes-là.
M. Bolduc : O.K. Merci. Une autre
question à ce chapitre-là.
Le Président (M. Reid) : 40
secondes.
M. Bolduc : 30 secondes? Mais mon
Dieu seigneur! On m'enlève tout mon fun.
Le Président (M. Reid) :
C'est plus un commentaire qu'un...
M. Raîche (Jean-Paul) : Nous, on est
disponibles, hein? Nous, on est disponibles, M. le Président.
M.
Bolduc : Non, mais une autre des questions,
l'orientation 7 : Exempter la tarification des projets qui font
l'objet de délégation de mandat
gouvernemental ou caractère d'utilité publique. Donc, vous nous dites
d'exempter les tarifications. Il y a
des groupes qui nous ont dit exactement le contraire. Pouvez-vous me donner les
arguments pour supporter cet élément-là?
Mme Leclerc (Marie-Claude) : C'est
pour le bien commun.
M. Bolduc : Pour le bien commun.
O.K.
Le Président (M. Reid) : Ça,
c'est le genre de réponse qui va bien avec le temps qui nous restait.
M. Bolduc : Merci.
Mme Leclerc (Marie-Claude) : C'est
ce que j'avais compris.
Le
Président (M. Reid) : On demande au président parfois :
Pourquoi est-ce qu'on s'occupe toujours du temps? En fait, c'est pour préserver le temps des
différents intervenants. Alors, nous passons maintenant justement aux membres
de la commission du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de
Terrebonne.
M.
Traversy : Merci, M. le Président. M. Raîche, Mme Leclerc,
c'est un véritable cri du coeur que vous venez nous lancer cet après-midi autour de cette table, vous agitez un drapeau
de manière assez élégante devant le ministre en disant : Nous sommes là, nous existons et nous voulons être
utilisés à bon escient pour la suite des choses et pour l'avenir. Vous
dites dans votre mémoire...
Une voix : ...
M.
Traversy : Non, je suis très symbolique, mais ce que je vois,
c'est tout ce volontarisme derrière votre vigueur à vouloir être partie prenante des solutions qui
seront sur la table au cours des prochaines semaines en cette Assemblée.
Vous le dites
de façon encore plus colorée à l'intérieur de votre mémoire en disant :
«Les organismes de bassins versants
devraient être considérés comme des alliés...» Est-ce qu'on comprend par ce
genre d'affirmation que, oui, vous gagneriez
à être plus utilisés mais que vous l'êtes peut-être un peu moindrement...
comment je pourrais dire, vous êtes moindrement
appelés à être participatifs depuis quelques années et là vous sentez que c'est
le temps de tirer votre épingle du
jeu et d'aller faire votre place sous le soleil dans le cadre, là, des
discussions qui touchent le livre vert? Expliquez-moi d'où vient, là, ce
cri du coeur que vous nous faites, là.
M.
Raîche (Jean-Paul) : Bien, il y a plusieurs raisons. La première
raison, d'abord, c'est que les organismes de bassin versant étaient, pour la plupart, très jeunes, et là ils ont tous
leur plan directeur de l'eau. Certains attendent encore qu'il soit accepté par le ministre, là, mais
cependant on a déjà en main plus d'informations et de connaissances qu'avant.
Ça fait que déjà c'est un élément important.
Puis on a un personnel peut-être plus aguerri aussi et un personnel plus
stable. Lorsqu'on a augmenté le
financement des OBV, ça a permis une certaine stabilité. Alors, ça va me
permettre de faire une remarque en
disant que, si on l'augmente davantage encore, on aura plus de moyens pour
faire le travail que nous aimerions faire.
Mais nous
sommes dans un contexte beaucoup plus positif, donc ça justifie un peu. Puis,
en même temps, je dirais qu'on a
confiance de plus en plus... le ROBVQ a confiance de plus en plus au personnel
de ses OBV en disant qu'on n'est pas inquiets
qu'ils puissent livrer la marchandise beaucoup plus parce qu'ils ont une
information, ils ont une connaissance, ils ont ce qu'il faut. Alors, il
y a un contexte plus particulier actuellement pour avoir ce cri du coeur.
M.
Traversy : Donc, vous avez mûri avec les années, vous avez
grandi, vous avez maintenant l'expérience, la sagesse et vous êtes maintenant mûrs pour des nouvelles responsabilités,
des nouveaux défis et vous avez une expertise, là, qui est propre à votre mission, qui pourrait être très pertinente
dans le cadre, là, donc, des discussions que nous avons sur le livre vert. C'est donc bien enregistré.
Vous êtes même rendus tellement grands que j'ai compris qu'au début de votre
intervention... vous seriez même prêts à
avoir un projet de loi plus spécifique sur les bassins versants un jour. C'est
ce que j'ai compris?
M. Raîche (Jean-Paul) : Oui. Bien,
d'abord, sur les milieux humides.
M. Traversy : Sur les milieux
humides. D'accord.
M. Raîche
(Jean-Paul) : Sur les milieux humides. Ça, c'est surtout celui-là
qu'on attend, parce que vous savez que,
la dernière fois que je suis venu en commission parlementaire, j'ai mis tout
mon poids pour qu'on raccourcisse d'une année, qu'on ne reporte pas de
trois ans, mais seulement que de deux ans, et je pense que...
M. Heurtel : Vous avez été entendus.
M. Raîche
(Jean-Paul) : On a été entendus, puis je vous remercie beaucoup,
d'ailleurs. Mais on y a mis du poids. Non,
mais, effectivement, on est dans un contexte différent. Peut-être qu'un jour on
arrivera à une loi pour la gestion par bassin
versant, mais on n'en est pas encore là, mais cependant je rajouterais qu'il y
a toute l'analyse... La Politique nationale de l'eau est en révision, et ça va revenir sur la table prochainement,
et c'est dans ce cadre-là que nous aurons beaucoup de choses à dire sur ce qui sera déposé par le
gouvernement concernant la stratégie de gestion de l'eau, qui devrait venir
l'an prochain.
Mme
Leclerc (Marie-Claude) : C'est aussi, si vous permettez, pour répondre
à la demande du gouvernement, qui dit
qu'il ne veut pas alourdir, qu'il ne veut pas ajouter des structures, ils
veulent le faire avec les organisations qui sont en place, ils veulent
avoir plus d'actions puis moins de papier. Donc, je pense qu'en utilisant des
structures qui existent déjà, qui sont déjà
bien ancrées dans leur milieu, qui connaissent extrêmement bien les acteurs,
ils possèdent les données... Donc, pourquoi ne pas faire en sorte de les
mettre en collaboration puis de mettre ces organisations-là, les organismes de bassin versant, au service des
autres fonctions? Donc, cet exemple-là, comme l'exemple des milieux humides,
tout à l'heure, demandé par le ministre Heurtel, ça fait juste ajouter de la cohérence
à l'ensemble.
Donc, quand
on fait de la gestion intégrée par bassin versant, l'objectif, c'est d'être
intégré. Il faudrait maintenant passer de la théorie, qui est
magnifique, à la pratique concrète, réelle, puis c'est en faisant les maillages
qu'on va pouvoir y arriver.
M. Raîche (Jean-Paul) : Je
rajouterais, si vous me permettez, M. Tourigny, qu'il y a un contexte
aussi assez particulier, c'est qu'il y a
maintenant une meilleure compréhension du rôle des OBV par les différents
acteurs. Vous savez, au début, il y avait des réticences, les secteurs
municipal, agriculteur, forestier, ils se demandaient qui on était puis s'il y avait comme un certain danger de notre
existence. C'est fini, ce temps-là. Et donc il y a une plus grande
collaboration à l'intérieur des différents bassins versants avec les
acteurs du territoire, et ça, c'est déjà très positif.
M. Traversy : Alors,
j'entends que vous avez mis tout votre poids pour faire entendre vos messages.
J'ai cru comprendre que ça avait été entendu.
Si jamais il vous manque 140 livres, là, pour y parvenir, vous viendrez me
voir, ça va me faire plaisir
d'essayer de voir ce que je peux faire pour vous aider. Et, à cet égard, donc,
vous me dites que maintenant les
organismes de bassin versant sont incontournables. Vous pensez avoir, donc,
toute l'expertise; ça, il n'y a aucun doute.
Au niveau du
financement des organismes de bassin versant, je n'ai pas toutes les
statistiques de mémoire, mais est-ce
que vous êtes solidement outillés, là, pour être capables de répondre à des
nouveaux défis ou ce serait également une considération à prendre pour
mieux vous supporter? Je vous permets de nous dire votre opinion.
• (15 h 20) •
M. Raîche
(Jean-Paul) : C'est une
considération à prendre, mais je dirais qu'il y a deux niveaux au niveau
des organismes de bassin versant si
on regarde leur budget : il y a une dimension qui est financée par le ministère,
autour de 120 000 $, pour la mission des OBV, là,
PDE, etc., promotion, et tout cela, mais il y a aussi une bonne partie du
financement des
OBV qui vient des différents organismes qui financent pour des actions
concrètes sur le territoire. Alors, il y a une dynamique à ce niveau-là. Mais, pour remplir cette mission globale au
niveau du PDE, promotion, etc., j'avoue que je suis heureux de voir à quel point il se fait du bénévolat pour le
moment, et ça fonctionne, mais c'est insuffisant. Ça, on le reconnaît. Mais ça, en même temps, je suis prêt à
le reconnaître, le ministère lui-même le reconnaît, que le financement des OBV... on a entendu régulièrement que le
financement des OBV devrait être amélioré, les acteurs aussi. Donc, je dirais
que c'est un élément reconnu, là, en général, même par les gens du ministère.
Mme
Leclerc (Marie-Claude) : Peut-être en profiter pour souligner que le
financement même du ministère est complètement
inapproprié et ne correspond pas non plus à sa mission. Donc, j'en profite, les
micros sont ouverts. Donc, je pense
qu'il y a aussi là une raison. Tout à l'heure, on parlait d'avoir des ressources
sur le terrain, de faire des suivis entre les certificats d'autorisation. C'est beau d'avoir un processus
extrêmement rigoureux quand c'est le temps de donner les certificats, mais, une fois que ça se passe sur le
terrain, il faut aussi s'assurer que ce qui se passe sur le terrain correspond
à ce qui avait été entendu. Ça prend des
ressources humaines pour le faire. Et présentement les ressources du ministère
sont vraiment inadéquates. Puis, en
ce qui concerne les organismes de bassin versant, comme disait Jean-Paul, la
moyenne est de 120 000 $ au
fonctionnement, qui vient du gouvernement du Québec, et la moyenne avec tout le
financement confondu arrive à 225 000 $ par organisme de
bassin versant.
M.
Traversy : Mais vous avez raison de souligner cet aspect-là.
Vous n'êtes pas le premier groupe dire à quel point...
Mme Leclerc
(Marie-Claude) : J'imagine.
M.
Traversy : ...le budget du ministre de l'Environnement est à
réfléchir pour la suite. Je sais qu'il est, lui-même personnellement, là, très attentif à ce genre de
débat. Et, s'il est heureux de voir que tout le monde le supporte, je ne sais
pas ce que le président du Conseil du trésor
en pensera, mais c'est effectivement évident. Tout à l'heure — M. Bourque a quitté — mais on
nous disait que 2 % du PIB de la Hollande servait ne serait-ce qu'à
améliorer les digues autour du pays. Mais on ne vous dira pas quel est
le pourcentage du budget de l'Environnement pour le Québec.
Mme Leclerc
(Marie-Claude) : 0,02 %
M. Raîche
(Jean-Paul) : 0,02 %. Oui, c'est ça.
M. Traversy :
Donc, ça donne le côté un peu, bon, disproportionné.
Alors, juste pour
faire du pouce sur ce que vous disiez, j'aimerais vous demander plus de
précisions sur une proposition que vous nous
faites. Vous dites que vous devez effectuer un suivi rigoureux de tous les
projets ayant obtenu un certificat
d'autorisation ou produit une déclaration et accroître considérablement les
sanctions pénales et administratives dans
les cas de manquement. Pouvez-vous juste nous préciser un peu qu'est-ce que
vous voulez cibler par une telle mesure?
Le Président (M.
Reid) : En 40 secondes.
Mme
Leclerc (Marie-Claude) : Les différences entre le certificat
d'autorisation et la pratique. Donc, on a entendu beaucoup d'histoires d'horreur entre ce sur quoi
les gens s'étaient entendus et ce qui se passe sur le terrain. On veut
s'assurer que, quand un certificat
d'autorisation a été délivré en fonction de conditions, les conditions sont
respectées et que le travail a une durée dans le temps qui soit adéquate
pour préserver l'environnement.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Nous passons maintenant au deuxième groupe
d'opposition, et je donne la parole à M. le député de Masson.
M.
Lemay : Merci, M. le Président. Merci, Mme Leclerc, M. Raîche. En fait, vous
savez, nous, dans notre région, des
Moulins, dont je suis député, et le député
de Terrebonne aussi, on est
chanceux, on a l'organisme COBAMIL qui sont là et puis on a eu la chance... bien, moi, personnellement, de rencontrer
l'organisme pour pouvoir parler justement, parce
qu'on est les derniers, nous, dans la rivière des Mille Îles, donc, on reçoit
toute l'affluence des autres, la densité urbaine, là, de la couronne nord de Montréal.
Donc, c'est un dossier, là, qui me tient beaucoup à coeur et puis que
je contribue avec le COBAMIL, justement, parce que ça m'intéresse, toute
cette démarche.
Vous
savez, si j'ai une question à vous poser, dans le fond, on peut aller à
la page 17 de votre mémoire. Vous parlez... ça fait peut-être un peu
de pouce de ce qui vient d'être dit précédemment, mais on parle de sanctions
pénales qui sont prévues, administrées, tu
sais, on se demande, au niveau de la rigueur, s'il y a des laisser-aller, tu
sais, en fonction, là, justement, là, des ressources humaines et
matérielles qu'il y a au ministère, considérant le peu de budget qu'ils ont. La
question qui se pose, c'est : Selon vous, là, les sanctions, là, est-ce
que c'est parce qu'elles ne seraient pas élevées, peut-être? Est-ce que les
sanctions qui sont prévues présentement ne sont pas assez dissuasives? On n'a
qu'à penser seulement au cas qui nous est
arrivé hier avec l'entreprise TransCanada et Cacouna, les études sismiques
qu'ils auraient faites et puis que le ministère a pris position
là-dessus, peut-être. On peut parler de sanctions pénales, en somme.
M.
Raîche (Jean-Paul) : Oui. Vous savez, c'est une question qui exigerait
de se prononcer sur l'ensemble des sanctions par rapport à différents
éléments. Je serais obligé de dire que, globalement, souvent, les sanctions
pénales, quand ça concerne l'environnement, elles sont presque toujours trop
faibles, et puis, dans certains cas, il n'y en a pas.
Vous savez, par exemple, je vais
prendre un exemple, dans bien des cas, il n'y a pas eu de demande de certificat
d'autorisation par rapport aux milieux humides,
surtout en secteur agricole et forestier. Il n'y en a pas, de demande de
certificat, même s'il devrait y en avoir.
Donc là, on n'est même pas aux sanctions pénales, mais il devrait y avoir de
sanctions pénales pour ceux qui
agissent sans faire même la demande du certificat d'autorisation. C'est un peu
aberrant. Puis ça, si vous lisez le
rapport Pellerin, vous allez voir, c'est à une proportion énorme, je ne me
souviens plus du chiffre, 85 % ou
quelque chose de semblable. Alors, vous voyez, donc, dans l'ensemble, on
considère qu'il devrait... Puis, en même temps, ça permettrait — les
sanctions pénales, elles sont versées au Fonds vert la plupart du temps — ça
permettrait effectivement d'avoir des
moyens. Parce qu'on parlait d'internalisation des coûts. Il y a plusieurs
façons. On internalise les coûts
évidemment au moment de la délivrance d'un certificat, mais il devrait y avoir
aussi la possibilité d'aller chercher des
coûts par rapport aux sanctions pénales, ça, pour dissuader puis d'en mettre là
où il n'y en a pas puis il devrait y en avoir.
Alors,
là-dessus, je suis obligé d'être général, à moins de les étudier cas par cas,
mais je vous avoue qu'on offre une possibilité bien plus d'être
délinquant.
M.
Lemay : Mais ça vient marquer aussi votre propos que vous avez tenu
dans votre présentation tout à l'heure que,
tu sais, la gestion de l'image de la LQE, là, tu sais, qui devrait... vous
l'avez mentionné, qui devrait être un régime plus de protection de l'environnement versus un régime d'autorisation
qui permet en... vous avez mentionné vous-même, de mettre déjà dans la tête du promoteur qu'il doit agir en fonction de
la protection de l'environnement. Donc, je pense que, si on va dans ce sens-là, ça pourrait aider grandement, ne
serait-ce que par l'appellation du régime, à contribuer à faire
effectivement une protection de l'environnement.
Mme
Leclerc (Marie-Claude) : Oui, tout à fait, parce que, présentement, la
façon que le régime est monté, c'est comme
si c'était un régime d'autorisation à avoir un impact sur l'environnement,
comme si on payait pour avoir le droit de
détruire, alors qu'en réalité c'est un régime d'autorisation pour faire des
projets. Donc, c'est très... en tout cas, selon moi, c'est différent.
Donc, le rapport au
régime de protection de l'environnement, ça appelle à autre chose. On comprend
qu'on a l'environnement, on a les projets, les deux peuvent cohabiter, mais un
n'est pas au détriment de l'autre.
M. Raîche
(Jean-Paul) : Je rajouterais, si vous le permettez... On l'a mentionné,
mais, quand on regarde le début du livre vert, moi, j'ai été un petit peu
bousculé quand j'ai vu qu'un des objectifs, c'est qu'il y ait moins de certificats d'autorisation parce que ça coûte
cher. Puis, vous avez vu, dans notre mémoire, on cite ce qu'il y a de publié
dans La Presse dernièrement par rapport au milieu fédéral, le fameux
professeur qui dit : Attention, on dit que c'est pour telle chose,
mais ce n'est pas pour ça, c'est pour autre chose. Au moins, s'il le disait
clairement, que c'était d'abord pour réduire, là... mais, quand même, c'est
quand même inquiétant de voir que ce n'est pas ça, l'objectif. L'objectif, c'est de protéger l'environnement et,
comme on l'a dit, intégrer les changements climatiques, puis intégrer
les principes de développement durable. On est convaincus, nous, que ça ne
permettrait pas, disons, d'être...
Mme Leclerc
(Marie-Claude) : D'alléger.
M.
Raîche (Jean-Paul) : ...d'alléger. Je pense qu'au contraire ça
risque... dans l'analyse, dans le suivi, et tout ça, ça risque d'alourdir le processus, et donc ça va être plus
dispendieux comme tel, à moins que les gens du ministère aient des bonnes réponses à me donner à ce
niveau-là. Puis même, quand j'écoutais M. Bourque tout à l'heure... je pense
qu'il a la même position à ce niveau-là, que c'est...
• (15 h 30) •
M.
Lemay : Mais on parle justement d'alléger les processus, parce qu'on
ne veut certainement pas l'alourdir, là. Je suis bien d'accord qu'on peut peut-être même avoir plus de
certificats d'autorisation éventuellement, tout dépendant, là, de la direction qu'on prend, mais ça m'amène...
vous avez mentionné tout à l'heure l'instauration d'un guichet unique. D'autres groupes ont parlé de guichet unique. Vous, vous le voyez comment,
votre guichet unique? Je pense qu'il nous reste peu de temps.
Le Président (M.
Reid) : En quelques secondes.
Mme
Leclerc (Marie-Claude) : O.K.
L'utilisation de la même documentation puis le respect des compétences de chacun,
donc que le ministère et les municipalités, MRC décident, déterminent quelle
est la documentation qu'ils nécessitent pour faire l'analyse des dossiers,
qu'ils la fassent parallèlement et que la délivrance du permis se fasse au même moment pour ne pas avoir des problèmes
de... puis pour que ce soit beaucoup plus simple pour les promoteurs de façon à ce qu'ils ne délivrent pas des documents différents d'un côté ou de l'autre.
Donc, un processus avec un guichet unique, mais respect des compétences
de chacun.
Le Président (M.
Reid) : Mme Leclerc, M. Raîche, merci beaucoup de
votre contribution à nos travaux.
Je
suspends les travaux pour quelques instants, le temps de permettre à nos
prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à
15 h 31)
(Reprise à 15 h 34)
Le Président (M. Reid) :
Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités de l'Association minière du Québec.
Alors, vous avez 10 minutes pour faire
votre présentation. Par la suite, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement, de vous présenter et de
présenter la personne qui vous accompagne. À vous la parole.
Association minière du Québec
(AMQ)
Mme
Méthot (Josée) : Merci.
Alors, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, je
suis Josée Méthot, présidente-directrice
générale de l'Association minière du Québec,
et je suis accompagnée de Mme Nathalie Tremblay, qui est directrice Environnement et développement durable à l'association. Je suis heureuse de prendre la parole devant
vous aujourd'hui au nom de
l'Association minière du Québec, qui a pour mission de promouvoir, soutenir et développer de façon proactive une industrie
minérale québécoise responsable, engagée et innovante.
De façon
générale, l'AMQ accueille favorablement la modernisation du régime
d'autorisation environnementale mais
conserve tout de même des réserves sur les orientations et propositions
contenues dans le livre vert. Au fil des ans, l'industrie minière a sans cesse
évolué afin de répondre aux nouvelles réalités particulièrement en ce qui
concerne le respect de
l'environnement et du milieu d'implantation. Soucieuse d'obtenir
l'acceptabilité sociale de ses projets, l'industrie minière est
consciente de l'importance du dialogue avec la population et les parties
prenantes.
D'entrée de
jeu, l'Association minière tient à rappeler que le régime minier québécois a
fait l'objet d'une révision en profondeur en 2013 à la suite de débats publics
et de trois commissions parlementaires. L'AMQ a qualifié les changements législatifs entrés en vigueur en décembre 2013 de compromis
acceptables. Et, parmi les modifications aux façons de faire, mentionnons le seuil d'assujettissement à la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, qui a été revu
à la baisse : de 7 000 tonnes métriques par jour à
2 000 tonnes métriques par jour.
L'Association minière est d'avis que les
objectifs de la modernisation présentés dans le livre vert permettront effectivement d'instaurer un régime d'autorisation
moderne, clair et optimisé tout en maintenant les plus hautes exigences en matière de protection de l'environnement.
Toutefois, certaines propositions contenues dans le document, dans le livre
vert, auront pour effet d'alourdir et
d'augmenter les délais de traitement pour les initiateurs de projet minier et,
selon nous, iraient à l'encontre de ce que souhaite faire le
gouvernement par ce processus de modernisation. Si le gouvernement souhaite réellement simplifier les façons de
faire, l'AMQ est quand même surprise de l'absence, dans le livre vert, de
mesures qui auraient permis d'enrayer
les dédoublements actuels avec le processus d'évaluation et d'examen des
impacts environnementaux du
gouvernement fédéral. C'est pourquoi l'AMQ propose dans son mémoire une
huitième orientation au livre vert,
soit la substitution et l'harmonisation du processus d'évaluation
environnementale du Québec avec celui du fédéral.
Permettez-moi
maintenant d'aborder les différentes orientations présentées dans le livre
vert. Tout d'abord, l'AMQ n'est pas
d'avis qu'il faille inclure la lutte contre les changements climatiques dans le
processus d'autorisation, puisque le
ministre a actuellement le pouvoir d'exiger que les projets miniers soient
conçus de façon à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Des
exigences en ce sens sont souvent incluses dans les certificats d'autorisation
et attestations d'assainissement, en plus
qu'un bon nombre de nos membres sont assujettis au système de plafonnement et
d'échange de droits d'émission de GES.
En matière de développement durable, l'AMQ est
d'avis que la modernisation du régime d'autorisation doit permettre un meilleur équilibre entre les
dimensions environnementale, sociale et économique du développement durable.
L'industrie minière souhaite favoriser
l'intégration d'une culture de développement durable, et, à cet effet,
l'association a pris l'engagement, en
juin 2014, de prendre en charge, au Québec, l'initiative Vers le développement
minier durable et d'imposer sa mise en place pour l'ensemble de ses
membres oeuvrant au Québec.
En ce qui
concerne les évaluations environnementales stratégiques, l'AMQ est d'avis
qu'elles devraient servir à identifier
comment développer une filière ou une industrie. Elles ne devraient pas servir
à déterminer si, oui ou non, on doit aller de l'avant. L'AMQ est très
inquiète de lire dans le livre vert que le secteur minier est cité comme
secteur à privilégier pour les évaluations
environnementales stratégiques et évidemment s'oppose à ce que ce secteur en
fasse l'objet, puisque l'industrie
minière a déjà fait l'objet de débat et d'une révision en profondeur de la Loi
sur les mines et de la Loi sur
l'impôt minier, sans oublier l'enquête sur la filière uranifère. Alors,
recommencer, pour nous, ça serait de replonger le Québec dans
l'incertitude.
Le plus grand
point d'achoppement, pour l'AMQ, dans le livre vert concerne
l'orientation 3. Compte tenu du niveau de risque réel d'un projet minier et que le débat entourant
l'assujettissement de ceux-ci à la PEEIE a déjà été mené dans le cadre du processus de modernisation de la Loi
sur les mines en 2013, l'AMQ souhaite affirmer d'emblée qu'elle juge inopportun de classer l'activité minière dans la
catégorie des activités à risque élevé. En effet, il a été convenu, à la suite
de discussions notamment en commission
parlementaire, quels projets miniers devaient être assujettis à la PEEIE. Pour
les autres projets miniers, soit ceux sous le seuil de 2 000 tonnes
métriques par jour, on doit obtenir des certificats d'autorisation en vertu de l'article 22 de la LQE, et une
consultation doit être menée par le promoteur selon les règles qui sont en processus de définition par le MERN.
L'assujettissement à la PEEIE n'a pas été déterminé en fonction du niveau
de risque des projets miniers, mais pour une foule de considérations auxquelles
l'industrie minière a adhéré.
• (15 h 40) •
Le classement proposé à l'annexe 5 du livre
vert laisse croire que tous les projets miniers représentent un risque élevé, alors que la réalité est tout autre.
L'association propose donc que soit retirées de la catégorie
«risque élevé» les
mentions du secteur minier, puisque le processus est déjà établi en fonction de l'ampleur de production
quotidienne de la substance extraite,
et que soit créée une nouvelle catégorie spécifique au secteur minier ou encore qu'ils
soient renommés «projets assujettis d'emblée à la PEEIE».
Maintenant,
au sujet du BAPE. Sans le remettre en cause, l'AMQ est d'avis que, pour éviter
toute suspicion sur l'impartialité de
ses membres, le processus de sélection doit être mieux défini et mieux
encadré et que soit mis sur pied un comité de sélection regroupant des
individus provenant de divers secteurs représentatifs des différents aspects du
développement durable. Des spécialistes de l'environnement, de l'acceptabilité sociale
et du développement économique pourraient faire des propositions au
gouvernement, qui procédera ensuite à la nomination des membres du BAPE.
Autre point
maintenant, les projets miniers requièrent plusieurs autorisations — puis je dis «plusieurs», puis on sait que le chiffre est très élevé — en plus d'être assujettis aux attestations
d'assainissement en milieu industriel. C'est pourquoi l'Association minière est en accord avec la proposition du
ministère d'instaurer un seul type d'autorisation et que celle-ci soit évolutive. Le fait de déposer
une seule demande pour la construction et l'exploitation d'un site minier
viendra grandement faciliter les demandes du
promoteur et assurer une cohérence dans le traitement et dans l'application.
Toutefois, l'AMQ est préoccupée par les
délais que nécessitera l'analyse de cette demande unique et espère qu'il n'y
aura pas de délai supplémentaire pouvant retarder le début de la
construction des installations.
En ce qui
concerne les responsabilités du ministère et celles des initiateurs de projet,
selon l'AMQ, les problématiques soulevées
dans le livre vert découlent davantage d'un manque de communication entre
l'initiateur de projet et le ministère. L'AMQ déplore également que le livre vert fasse porter aux initiateurs
de projet l'odieux des délais dans le traitement des dossiers. Afin de
s'assurer que la demande est recevable et que les exigences soient connues et
bien répondues, l'Association minière
suggère la mise en place d'un guichet unique pour le traitement et les
autorisations de projet. Pour le cas du secteur minier, un chargé de
projet du ministère et un du MERN pourraient aussi agir ensemble comme accompagnateurs de l'initiateur de projet afin de
l'aider à fournir une étude complète et recevable. De plus, l'AMQ est d'avis
que la tenue de rencontres de démarrage faciliterait grandement toute la
démarche.
En ce qui concerne la tarification...
Une voix : ...
Mme Méthot
(Josée) : ... — merci — l'AMQ n'est pas d'avis que l'ensemble des
dépenses engagées par l'analyse des
demandes soient assumées par les promoteurs et considère qu'un partage à
50 % serait acceptable et équitable. Le ministère doit aussi avoir
un incitatif à optimiser ses processus et à améliorer sa productivité.
En conclusion, l'Association minière du Québec
est d'avis que la modernisation du régime d'autorisation environnementale est un effort louable afin de
doter le Québec d'un régime plus clair, plus prévisible et plus efficace.
Il s'agit d'un chantier excessivement
important pour le développement économique du Québec et sa compétitivité à
l'échelle mondiale. Les sociétés minières souhaitent continuer à
contribuer à la prospérité socioéconomique du Québec, les orientations proposées vont justement dans ce
sens. Il est donc très important que ce processus culmine vers un régime
d'autorisation qui soit mieux adapté à la réalité d'aujourd'hui, à la réalité
de l'industrie minière et qu'il permette un développement minier harmonieux
pour les communautés et dans le respect de l'environnement.
Le
Président (M. Reid) : Merci pour votre présentation. Nous
allons passer maintenant à la période d'échange, alors je donne la
parole à M. le ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci beaucoup
pour votre présentation ainsi que votre mémoire. J'ai eu le plaisir récemment, avec mon collègue député
d'Abitibi-Est, de faire une tournée justement dans le cadre d'une tournée régionale que je fais
présentement à propos du livre vert, bien, d'échanger avec beaucoup d'acteurs
du domaine minier en Abitibi et je sens
qu'il y a véritablement une volonté, là, de travailler avec le ministère et de
faire des avancées puis il y a une plus
grande conscientisation de ce milieu-là de l'importance de travailler en
concertation avec le ministère puis les acteurs environnementaux.
Sur votre
position sur l'intégration de la lutte contre les changements climatiques, je dois vous dire, dans ce qui est proposé, si on intégrait davantage
la question des changements
climatiques en amont d'un développement de projet ou dans la phase d'évaluation de projet, nous, on
pense que non seulement ça serait bénéfique pour simplement pouvoir évaluer plus rapidement les impacts au niveau des changements climatiques d'un projet, mais également ça contribuerait
peut-être à alléger tout le processus d'autorisation parce que ça éviterait justement
le va-et-vient continuel puis de seulement arriver en fin de piste puis attendre des
rapports, des études, des analyses. Plus tôt on commence, plus tôt on
soulève les questions, peut-être même ça nous permettrait d'avoir une
conversation plus tôt et justement de pouvoir échanger
davantage plus tôt. Alors, j'ai du mal à comprendre
pourquoi vous semblez vous opposer à l'intégration, le plus en amont possible, de la question
des changements climatiques, parce
que, dans le fond, ça permettrait
d'identifier les enjeux plus tôt puis ça permettrait peut-être, justement,
de trouver des solutions également plus tôt dans le processus d'autorisation.
Mme Méthot
(Josée) : Merci. En effet,
on a bien expliqué dans notre mémoire que notre raison de s'opposer, c'est qu'on croit que c'est déjà
tout encadré. Évidemment, on le sait, qu'il y a le système de
plafonnement et d'échange, on est
assujettis à la réglementation. Alors, si, dans notre processus,
comme on a proposé tantôt, du guichet unique, quand on arrive avec un avis de projet, on a des gens de
différents ministères qui sont là puis qu'on ait des discussions en
amont... puis, comme vous l'avez
bien, bien compris, puis on est très heureux de ça, on veut travailler en collaboration, on pense que... Moi, j'ai toujours, de
toute façon, pensé que plus de têtes
valent mieux qu'une, donc, il vaut mieux travailler ensemble en amont et de bien identifier les problématiques. Je pense que le fait de l'exclure, de ne pas l'inclure,
n'empêche pas cette discussion-là,
n'empêche pas d'en tenir compte, et, je
pense, de toute façon, l'industrie minière, étant très consciente de son industrie, consciente de la Loi sur la qualité de
l'environnement, de ses obligations, travaille déjà pour trouver des
solutions à réduire ses impacts et à réduire les gaz à effet de serre.
Donc,
ce qu'on dit, c'est que c'est déjà encadré. Si
vous voulez qu'on les encadre différemment, soit, mais à ce moment-là ne
pas faire les choses en double, et c'est ça qui nous préoccupe. Si, en plus de
ça, on a tout le restant des obligations, là
on croit vraiment qu'il y aura augmentation des délais et évidemment
augmentation du fardeau administratif de part et d'autre. Et c'est pour
ça qu'on a dit : Il y a déjà un encadrement de fait.
Je ne sais pas si ma
collègue voudrait ajouter quelque chose là-dessus.
Mme Tremblay (Nathalie) : Bien, en fait, le point que je pourrais rajouter,
c'est qu'il ne faut pas oublier qu'au niveau
des projets miniers il y a déjà une réflexion qui se fait avant même qu'il y
ait dépôt de l'avis de projet, c'est-à-dire que plusieurs projets se posent la question : Est-ce que je peux
fonctionner à l'électricité, est-ce que je peux utiliser le gaz naturel, l'éolienne pour, justement, réduire
les émissions de gaz à effet de serre? Donc, quand le promoteur dépose le projet, il a déjà eu cette réflexion-là. Donc,
peut-être que le ministère n'a pas toutes ces informations-là, mais il y a déjà
quelque chose qui se fait.
Maintenant, ce qu'on
parle dans le livre vert aussi, c'est de mettre des mesures supplémentaires
dans les autorisations. C'est-à-dire
qu'après que le promoteur ait fait cette réflexion-là, qu'il ait déposé son
projet avec les meilleures options
possible pour justement réduire ses gaz à effet de serre, le ministère, ce
qu'il dit, lui, c'est : Est-ce qu'on devrait mettre des mesures
supplémentaires dans les autorisations? Nous, ce qu'on dit, c'est que, par la
suite, il y a déjà des règlements, il y a
déjà des cibles de réduction, il y a déjà des attestations d'assainissement qui
comportent des exigences à respecter et des mesures supplémentaires, des
plans d'action. Donc, nous, on ne voyait pas nécessaire qu'il y ait des exigences supplémentaires de mises dans les
autorisations. Ça fait que c'est dans cette optique-là qu'on a formulé notre
réponse.
• (15 h 50) •
M.
Heurtel : O.K. Par rapport au gouvernement fédéral — j'aurais besoin de plus de précisions — vous parlez à la fois de substitution
et d'harmonisation. Harmonisation, ça, on peut certainement explorer ça, parce
que des fois il y a clairement dédoublement,
mais en même temps il faut bien comprendre que le Québec a ses compétences en matière environnementale et
a l'intention de les exercer pleinement. Alors, je vois difficilement comment
le Québec peut céder le pas au régime
fédéral. Oui, on peut travailler avec le gouvernement fédéral puis on essaie de
le faire dans d'autres cas pour
s'assurer que les préoccupations du gouvernement du Québec puis les compétences
du gouvernement du Québec soient pleinement exercées, mais, quand vous
dites «substitution», là j'ai un problème à vous suivre, là.
Mme Méthot (Josée) : Je vais donner un élément de réponse, et ensuite ma collègue, qui a
vraiment analysé la question, pourra aller plus dans le détail.
D'abord,
on n'est pas en train de dire qu'on ne devrait pas faire les études d'impact au
Québec puis que ça soit juste au
fédéral qu'on les fait, là, on pense qu'effectivement on connaît la juridiction du Québec par rapport
à l'environnement. Donc, on n'est pas en train de dire qu'il faudrait
faire ça. Dans le cadre de substitution, là, au contraire, on aimerait mieux que vous faites reconnaître ce
que vous faites au fédéral pour qu'on ne soit pas obligés de le refaire.
Il y a ce volet-là.
Maintenant, en
matière de processus, je pense que, Nathalie, tu peux expliquer davantage.
Mme Tremblay
(Nathalie) : Oui. En fait, lorsqu'on parle de substitution dans notre
mémoire, en fait, on fait référence à l'article 32
de la loi canadienne, qui dit que, finalement, sur demande du gouvernement de la province
faite au fédéral, il peut y avoir substitution. À moins que je me
trompe, à ce moment-là c'est le fédéral qui donne pleins pouvoirs au provincial pour dire : Procède
avec l'évaluation environnementale. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on
dit : Effectivement, dans un
premier temps, si on pouvait substituer certains projets, pour nous, ça serait
une simplification, parce qu'effectivement il y a des dédoublements, les
étapes ne sont pas les mêmes, souvent les exigences qui sont demandées dans les études ne sont pas les mêmes.
Nous déposons une étude ou une modélisation au provincial; bien, pour le
fédéral, on exige d'autres choses. Donc, c'est souvent du dédoublement et des
délais considérables.
Donc,
ce qu'on propose, c'est que, oui, en fonction de l'article 32, si on
pouvait substituer, tant mieux; sinon, pour les cas où il n'est pas possible, harmoniser, ça serait aussi une autre
option. Malgré l'entente qui existe actuellement entre le Québec et le Canada, de ce qu'on a vu jusqu'à
maintenant au niveau de l'analyse de projets miniers, il y a eu très peu
d'harmonisation dans les processus.
M. Heurtel :
Merci.
Le Président (M.
Reid) : M. le député d'Abitibi-Est.
Mme Méthot
(Josée) : Quand on parle de processus, on parle des étapes.
Le Président (M.
Reid) : Pardon?
Mme
Méthot (Josée) : Excusez.
Quand on parle de processus, on parle des étapes à suivre dans le développement du projet. Voilà.
Le Président (M. Reid) : Oui.
D'accord. Alors, M. le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Bonjour,
mesdames. Moi, je voudrais qu'on revienne peut-être un peu sur le
principe du guichet unique, surtout
sur... Vous avez mentionné : Un projet, avant d'être déposé, a déjà, dans le fond, eu une réflexion qui s'est faite sur comment on va le
présenter, avec quelles alternatives. Le fait de fournir cette information-là
au préalable au ministère, je pense, ce serait approprié, mais en même temps ce que je comprends, c'est que vous souhaiteriez avoir au départ un questionnement plus clair dès le départ
pour éviter les échanges en cours de processus pour vous permettre, dans le
fond... ou à la compagnie qui fait un
dépôt, de présenter ses solutions en lien avec la demande et peut-être
raccourcir le délai dans l'échange d'information qui... En tout cas, une
des doléances qu'on a entendues, c'était que les délais s'extensionnaient de façon récurrente sur des ajouts qui étaient amenés et
plutôt qu'on définisse peut-être le délai dans
un premier temps et qu'on dise aux acteurs : Vous devez faire la période
d'échange pendant cette période-là.
Est-ce que c'est un peu dans cette optique-là
que vous souhaitez avoir un guichet unique qui éviterait aussi... J'aimerais
que vous me fassiez part de votre définition, vous autres, de votre guichet,
là, dans cette optique-là.
Mme Méthot
(Josée) : En fait, notre
vision du guichet unique permettrait un meilleur partage de l'information entre les ministères
concernés mais aussi permettrait d'accompagner — nous, dans le guichet
unique, on utilise aussi beaucoup, beaucoup le mot «accompagnement» — accompagner
l'initiateur du projet, alors, quand une société décide de faire un projet et qu'elle veut déposer sa demande de permis, qu'il y ait rencontre entre...
dans le cas des sociétés minières, qu'il
y ait une rencontre, qu'il y ait des gens du ministère, évidemment, de
l'Énergie et des Ressources naturelles, des gens du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la
Lutte contre les changements climatiques et des gens, évidemment, de la Division des évaluations environnementales dans
un but d'aider le promoteur ou l'initiateur de projet à bien s'aligner et de bien comprendre, autant de part et
d'autre, de bien comprendre qu'est-ce qu'on lui demande, qu'est-ce que ça veut dire et également, de l'autre
côté, que les intervenants des ministères aient une meilleure connaissance
et un meilleur partage d'information par
rapport à l'industrie qui est concernée, en l'occurrence, dans notre cas, le
secteur minier, l'industrie minière.
Alors, oui, ce qu'on voit comme guichet unique devrait faciliter le processus
par la suite si, en partant, on avait une meilleure connaissance.
Quand vous
parliez tantôt qu'un initiateur de projet, une société minière décide de faire
un projet... évidemment qu'elle va
regarder tout le processus, qu'est-ce qu'elle a à élaborer comme étude, mais, à
partir du moment qu'elle va voir le ministère : Bon, je veux avoir
un permis, je veux avoir une autorisation, comment est-ce que je dois m'y
prendre... Évidemment, il y a un processus
pour recevoir la directive : Voici ce qui doit être inclus dans votre
étude d'impact. Nous, on croit
vraiment que ce processus-là devrait être mieux encadré et devrait mieux
accompagner l'initiateur de projet ou la société minière afin qu'il y ait une meilleure compréhension et qu'on
s'assure qu'il n'y a pas ce va-et-vient perpétuel sur des questions également, et peut-être également
avoir un processus plus évolutif quant aux études à déposer, alors, qu'on
n'attende pas que tout, tout, tout soit
déposé pour fournir des questions ou pour faire avancer, faire, autrement dit,
travailler le promoteur, et on espère
qu'à ce moment-là on ne multipliera pas les échanges. On l'a dit dans notre
mémoire, on aimerait bien que... par exemple, on dépose une étude
hydrogéologique, bien, qu'on nous fournisse les questions sur l'étude hydrogéologique et, un coup que ces questions-là
sont répondues, à moins que ça soit pour des éclaircissements, qu'on ne revienne pas avec des questions qu'on avait
oubliées ou qu'on n'avait pas pensées à la première fois. Et c'est un petit
peu ça qu'on entend de nos membres. Je ne sais pas si tu voudrais ajouter
quelque chose.
Mme
Tremblay (Nathalie) : Bien,
peut-être un point important qu'on a mentionné aussi dans le mémoire, c'est
que, concernant le guichet unique, c'est
important de dire que ça ne concerne pas seulement l'interaction que nous avons
avec le MDDELCC, c'est-à-dire que, nous, ce
guichet-là, on voit aussi que le MERN ait accès, que les Affaires
municipales... parce que, en fait, ce
qui cause aussi des délais, c'est que le dossier se promène d'un ministère à
l'autre, tout dépendant aussi de
l'impact du projet. Et on peut voir aussi quelquefois... si ça touche les
terres agricoles, bon, bien là c'est dans la cour des Affaires municipales. Nous, ce guichet-là, c'est vraiment un
guichet pour traiter plus rapidement les demandes et à avoir vraiment un lien direct entre le
ministère et le promoteur, parce que, bien souvent, les délais
administratifs... hein, le fameux
30 jours que le ministère a pour répondre, en fait, il pourrait être
écourté en ayant une interaction directe avec le guichet unique. Et ça
va aussi dans le même sens que vous proposez dans le livre vert quand vous
parlez de transparence : Est-ce qu'on
pourrait rendre accessibles les documents? Ils seraient déjà là dans le
guichet. Donc, effectivement, c'est une des voies qu'on privilégie.
Le Président (M. Reid) : Une
demi-minute, 30 secondes, si vous avez un commentaire.
M.
Bourgeois : 30 secondes. J'aimerais aussi... bien, peut-être, si
vous voulez, on va parler de médiation par rapport aux petits projets. Ça, en tout cas, dans la
région chez nous, ça a un impact majeur. J'aurais aimé ça vous entendre un peu
là-dessus, donc, si vous avez un petit commentaire sur cet aspect-là,
l'importance que ça peut avoir.
Mme Méthot (Josée) : Bien, en fait,
ce qu'on se dit, c'est, quand nos projets sont assujettis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement
et qu'ensuite le ministre doit décider est-ce qu'on donne le mandat au BAPE ou non... ça dépend s'il y a une
demande qui vient soit de l'initiateur ou des membres la population. Nous croyons que, quand
qu'il y a peu de personnes qui font la demande, on pourrait profiter davantage
du processus de médiation plutôt que de passer à travers tout le
processus du BAPE. Maintenant...
• (16 heures) •
Le
Président (M. Reid) : Merci. Je dois vous interrompre,
malheureusement, le temps est terminé. On a passé un peu par-dessus. Alors, merci. Alors, nous
allons passer maintenant à l'opposition officielle, et je donne la parole au
député de Terrebonne.
M.
Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames,
d'être avec nous. Vous êtes des partenaires loyaux et fidèles à
l'Assemblée nationale du Québec. Depuis plusieurs années, on a l'occasion de se
rencontrer dans différents types, là, de
commission. Je me rappelle qu'on avait déjà eu beaucoup de plaisir, à la
Commission d'administration publique,
à parler des mines. On a eu le très long projet de loi sur les mines, qui s'est
fait en plusieurs temps et qui s'est terminé
en décembre 2013, et aujourd'hui on est encore à discuter avec vous, cette
fois-ci sur le livre vert du ministre de l'Environnement. Donc, je comprends cette émotion à chaque fois, là, qui
revient lorsque vous venez autour de la table. Alors, j'espère que votre
siège social est à Québec. Comme ça, c'est beaucoup plus facile.
Et je voulais donc vous parler de certaines
choses pour essayer d'éclairer un peu mon esprit. Je viens d'être nommé, donc, dans le cadre du dossier de
l'environnement pour l'opposition officielle. Vous parlez de vouloir tenter de
simplifier davantage les rouages, d'essayer
d'améliorer les traitements, c'est ce que vous discutiez avec le gouvernement,
et vous parlez aussi d'harmonisation avec le
fédéral. Parlez-moi donc de l'article, encore, 32. J'ai besoin que vous me
donniez plus de détails, là, sur cette possibilité de se substituer ou non,
d'amener, dans le fond, le Québec à prendre possession
de ses responsabilités et d'essayer, dans le fond, d'éviter les dédoublements.
Qu'est-ce qui fait qu'actuellement on n'utilise pas ce droit-là, selon
vous?
Mme Méthot
(Josée) : O.K. J'aimerais
juste vous rassurer d'abord que, oui, notre siège social est à Québec, alors,
oui, ça nous facilite la vie. Mais je vais
céder la parole à Mme Tremblay, justement, qui a regardé les différents articles
puis l'article 32, qu'elle connaît bien, alors... à répondre à cette
question-là.
Mme
Tremblay (Nathalie) : En
fait, en fonction de l'article 32 de la Loi canadienne sur l'évaluation
environnementale, où, là, on parle
justement de substitution, il y a une série d'exigences qui sont déterminées
sur lesquelles... puis, encore là, il
faut faire attention, c'est sur demande du gouvernement provincial, O.K., sur
demande du gouvernement provincial faite au fédéral. Si ça rencontre les
exigences, le fédéral peut décider qu'il y ait substitution, O.K.? La question,
à savoir : Pourquoi qu'il n'y en a pas
plus?, ça, on ne peut pas répondre, parce que ce n'est pas l'initiateur de
projet qui fait la demande. Il
faudrait poser la question, justement, au gouvernement provincial :
Pourquoi qu'il n'y a pas plus de demandes de faites au fédéral pour
qu'il y ait substitution?
M. Traversy : Et vous, vous
seriez évidemment en accord à ce qu'il y ait plus de demandes de ce genre, du gouvernement, face au fédéral pour éviter les
dédoublements. Je vous dis ça, parce que, là, vous m'apprenez ça dans le cas,
ici, là, des mines, mais il y a aussi
d'autres dossiers, là, sur lesquels, là, cet article 32 est revenu au cours des
dernières semaines, là, puis on est en train de... Donc, vous, vous
seriez favorable à l'utilisation, là, d'un tel recours?
Mme
Tremblay (Nathalie) : Oui,
tout à fait. Puis même, si vous regardez la loi, on va même plus loin que ça, il peut aussi y avoir des équivalences. Mais là
vraiment c'est le gouverneur en conseil qui décide. Donc, il y a plusieurs
mécanismes qui existent actuellement — l'harmonisation, la substitution, les
équivalences — qui
existent pour justement éviter les
dédoublements, les délais, les coûts que ça engendre. À savoir : Pourquoi
ils ne sont pas plus utilisés?, je n'ai pas la réponse.
M.
Traversy : Donc, écoutez, je suis convaincu que votre message
est entendu par le ministre. Vous savez que, depuis déjà quelques heures, on se lance quelques messages indirects en
voulant l'encourager pour l'augmentation d'un budget sur l'environnement mais là, aujourd'hui, aussi pour utiliser
tous les pouvoirs qui sont à sa disposition afin d'assumer pleinement nos compétences, là, dans le dossier
qui nous intéresse, de l'environnement, et, de voir que l'Association minière
est d'accord avec ce genre d'initiative,
bien, comme représentant du Parti québécois, je ne peux qu'en être très
content.
Là, maintenant, je vous amène dans un autre
dossier, celui de dire qu'il faudrait peut-être retirer l'aspect lutte aux changements climatiques du livre vert. Vous
avez mentionné au départ que, cet aspect-là, vous étiez moins chauds à le voir inclus, là, dans nos discussions. Vous
savez que le Québec se donne des objectifs, là, dans les prochaines années,
pour réduire ses gaz à effet de serre. Pour y parvenir, il faut que tout le
monde évidemment y donne un peu du sien. Expliquez-nous,
là, comment vous voyez cet équilibre, là, entre l'économie, le social et
l'environnement que vous avez mentionné si vous voulez exclure ce
volet-là du livre en question.
Mme Méthot
(Josée) : Alors, bien,
d'abord, si c'est ce que vous avez compris, je me suis vraiment mal exprimée...
M. Traversy : O.K. Bon, bien,
ça me rassure, ça me rassure.
Mme
Méthot (Josée) : ...je me
suis vraiment mal exprimée. Ce n'est pas du tout le cas. On ne nie pas les
changements climatiques. Au
contraire, on travaille énormément à réduire nos impacts sur l'environnement et
à réduire évidemment nos émissions sur les gaz à effet de serre.
Ce
n'est pas ce qu'on a voulu dire. Ce qu'on a dit, c'est que, dans la
proposition, dans le livre vert, ce qu'on propose, c'est qu'on intègre la lutte aux changements
climatiques à l'intérieur du processus d'évaluation environnementale. Et là
c'est là qu'on a dit : Bien,
actuellement, notre compréhension, c'est que c'est très bien encadré à
l'extérieur de ce processus et
qu'évidemment, dans les certificats d'autorisation, de toute façon, on le sait,
qu'il y a déjà matière pour la réduction de nos gaz à effets de serre et également toute la réglementation et
même dans les attestations d'assainissement. Donc, on ne s'oppose pas, là, à ce que ça soit... Ce qu'on
dit, c'est que c'est déjà fait et on ne veut pas que ce soit dédoublé. C'est
tout simplement ça.
M.
Traversy : Bien, merci beaucoup. Déjà là, c'est beaucoup plus
rassurant. Bien, je vous pose la question, parce que vous êtes un des premiers groupes aujourd'hui qui trouvent que cet
imbriquement-là dans le processus n'est pas une bonne idée. La plupart des intervenants que j'ai entendus jusqu'à
présent voyaient d'un bon oeil, justement, l'intégration de cet élément à l'intérieur de nos discussions.
Alors, je vois que l'équilibre est à atteindre, là, dans ce cas-ci. Donc, ça va
faire partie de nos réflexions.
Je voulais
aussi vous poser la question concernant... Bon, toute la question, bon, du
BAPE, on l'a évidemment réfléchie. La
question au niveau des gaz à effet de serre, est-ce que... on voudrait savoir,
en moyenne, là, une mine, ça correspond à combien de gaz à effet de
serre lorsqu'on a une mine en opération. Est-ce qu'on a un aperçu? Parce que tantôt vous disiez : Petit cas, moyen cas,
cas élevé. En tout cas, là, il y avait comme des classifications. Juste pour
ceux qui nous écoutent, ça représente quoi, là, en termes de gaz à effet
de serre, l'opération d'une mine au Québec?
Mme Méthot
(Josée) : Bien, d'abord, les
opérations minières ne sont pas toutes des grandes émettrices, d'accord, et les opérations minières au Québec sont très
variables en termes de production et de procédés. Alors, vous dire qu'une
mine ça varie en x et y... incapable de vous dire ça aujourd'hui.
Ce que je
pourrais vous dire, c'est qu'on travaille très fort à trouver des solutions
pour les réduire, nos émissions de
gaz à effet de serre, et il y a de nombreuses initiatives, dont l'utilisation
d'éoliennes — on a
entendu parler de l'utilisation d'éoliennes — mais également on appuie énormément toute la
stratégie et toutes les initiatives pour amener le gaz naturel dans le
Grand Nord, dans le Nord-du-Québec et sur la Côte-Nord, justement parce que nos
installations, qui opèrent majoritairement au diesel, même... et également
celles qui ne sont même pas connectées à Hydro-Québec doivent fonctionner au diesel pour générer leur
électricité. On veut justement travailler à la conversion de ces
installations-là vers le gaz naturel, justement, pour réduire nos
émissions en gaz à effet de serre.
Alors donc,
dans ce sens-là, il y a beaucoup d'initiatives qui se font déjà. Mais pour vous
donner le chiffre, là... C'est à la tonne. Ce n'est pas si simple que
ça.
M.
Traversy : Puis je vous lève mon chapeau sur les initiatives
que vous entreprenez. Votre collègue a mentionné tout à l'heure, là, quelques éléments qui sont déjà, là, pris en
considération, je pense, là, par bon nombre de vos membres. Puis vous parlez du gaz naturel; il y a aussi
l'électrification, je pense, qui a été mentionnée et d'autres éléments, ce qui
est très bien. Je vous pose la question simplement parce que...
Le
Président (M. Reid) : Vous n'aurez pas le temps de poser une
question, vous avez le temps d'un commentaire. Il reste
20 secondes.
M.
Traversy : Donc, je voulais juste savoir si plusieurs de vos
membres étaient assujettis au marché du carbone. Puis, pour être assujetti au marché du carbone, c'est environ
25 000 tonnes de CO2 par année et demie. C'est pour ça que je
vous posais la question de : une mine, en moyenne.
Le Président (M. Reid) : Cinq
secondes, si vous êtes capables de répondre.
Mme Méthot
(Josée) : Plusieurs de nos
membres sont assujettis au système de plafonnement et d'échange des GES.
Alors, je n'ai pas la... Est-ce qu'on a le chiffre exact?
Mme Tremblay (Nathalie) : Non, mais
il y a la liste sur le site du ministère.
Le
Président (M. Reid) : Malheureusement... Je dois protéger le
temps des autres membres de la commission. Alors, nous passons
maintenant au député de Masson pour le deuxième groupe d'opposition.
• (16 h 10) •
M. Lemay : Merci, M. le Président.
Bienvenue, mesdames, ici, à l'Assemblée, dans cette commission sur le livre
vert. Vous avez mentionné plusieurs choses dans votre période initiale.
On va aller tout de suite à
l'orientation 3. En ce qui concerne la modulation du régime
d'autorisation, vous mentionnez que vous
accueillez favorablement la modulation du régime d'autorisation en fonction du
risque environnemental. Vous avez mis
une réserve au niveau du classement de l'annexe 5, là, qui est proposée dans le
livre vert, qui dit, bon, vous l'avez
mentionné vous-même, là, pourquoi que ça serait tout de suite dans des risques
élevés. Donc, ça, c'est ce que vous jugez inopportun, de classer
l'activité minière, là, dans des risques élevés.
Maintenant,
si on peut s'imaginer un peu comment fonctionnerait le système de classement
puis qu'on enlève la partie de
l'annexe 5, là, puis on dit : S'il y avait un système où c'est que, dans
le classement, on additionnerait tous les points négatifs, les impacts négatifs sur l'environnement, on soustrait
ce qui est positif pour arriver à pouvoir avoir une pondération, puis là, après l'analyse, dans une
grille, on pourrait obtenir pour dire : Ah! voici, mon projet se classe
dans tel régime, j'imagine, c'est ça, un peu, votre élément de
proposition que vous auriez à faire?
Mme Méthot (Josée) : Bien, en fait, on trouve que l'idée de déterminer l'utilisation du
niveau de risque, donc de faire
l'analyse de risques pour déterminer si on doit être assujetti ou non... et,
dans la gradation des autorisations, c'est quand même un bon concept. Ce qu'on a regardé à l'intérieur du livre
vert, c'est que, là, on a de la difficulté à faire la part des choses au niveau des critères qui sont
identifiés pour identifier chacun des niveaux de risque. Et, dans le cas des
risques élevés, parce qu'on a mis le secteur
minier dans le risque élevé, on voit comme critère, par exemple, la
préoccupation de la population, et ça
nous a frappés qu'aussitôt que les citoyens sont préoccupés ça tombe dans le
risque élevé, alors que ça peut arriver pas nécessairement dans des
installations qu'on pourrait appeler à risque.
Alors,
nous, on croit que le concept est bon, mais on croit qu'on doit revoir comment
établir les niveaux de risque et évidemment
on le sait, que ça ne sera pas simple, et, dans ce cadre-là, nous, on avait la
préoccupation sociale par rapport au
risque élevé puis on pense que les différents critères d'identification des
niveaux de risque devraient quand même être, d'une certaine façon, uniformes pour ne pas avoir de surprise. Mais,
l'idée de la grille que vous mentionnez, c'est un petit peu comme ça qu'on l'a vue, mais, de là à vous
dire exactement quels termes seront utilisés, on n'est pas allés jusque-là
dans notre réflexion.
M. Lemay :
Parfait. Merci beaucoup pour la précision. On va passer à l'orientation 5.
Vous mentionnez dans votre proposition
n° 3, en fait, là, bien, tu sais... on veut encadrer le pouvoir du
ministre d'imposer des conditions, puis plus particulièrement vous donnez un exemple en ce qui concerne les
dépôts de garantie financière puis vous nous faites un rappel que les sociétés minières ont déjà cette
obligation légale pour assurer une réhabilitation complète de 100 % de
leurs sites. Or, on sait déjà qu'au Québec
on a, quoi, à peu près, approximativement, 698 sites abandonnés,
approximativement, et puis pour plus de 1,2 milliard sur la table
présentement.
Qu'est-ce
que vous avez à proposer de différent qui ferait que dans la nouvelle loi, dans
la nouvelle réforme, on ne se retrouverait plus dans cette situation?
Mme Méthot (Josée) : Bien, en fait, déjà, la Loi sur les mines fait en sorte qu'on ne se
retrouvera plus dans cette situation-là,
et c'est ce qu'on voulait dire dans notre mémoire. Dans la Loi sur les mines,
il y a déjà une disposition qui fait
en sorte que les sociétés minières, avant d'obtenir leur bail d'exploitation,
doivent déposer leur plan de restauration du site, plan de restauration qui couvre la totalité de la durée de vie
de la mine et qui couvre 100 % du site. Et donc on doit faire approuver ce plan-là avant de recevoir notre
bail minier, donc il doit être approuvé, et on doit avoir versé, après
90 jours de l'approbation du
plan de restauration, 50 % du dépôt de garantie qui couvre 100 % de
la garantie pour réhabiliter le site.
Donc,
nous, autrement dit, ce qu'on vous dit, on est déjà assujettis à un processus
de garantie financière, on ne voudrait pas en avoir un deuxième, on ne
voudrait pas dédoubler. On est déjà assujettis, donc, nous, c'est déjà fait.
M. Lemay :
Merci. C'est exactement à ça que je voulais en venir. Dans le fond, ça ne sert
à rien de créer une nouvelle instance, elle existe déjà.
Mme Méthot
(Josée) : Pas pour le secteur minier.
M. Lemay :
C'est ça. M. le Président, au niveau du temps...
Le Président (M.
Reid) : À peine une minute, une petite minute.
M.
Lemay : À peine une minute. Rapidement, on va, dans la même
orientation 5, votre proposition n° 4 en ce qui concerne la
simplification de la cession des autorisations. Est-ce que vous voulez
mentionner un bref mot là-dessus, sur le fait que... dans le fond, comment
qu'on pourrait faire pour simplifier le processus puis accélérer les
transferts?
Mme Méthot (Josée) : Bien, en fait, je pense qu'on l'a fait quand on a parlé, d'abord, de
guichet unique, également au niveau
du partage de l'information entre les différents ministères concernés, le partage
des études entre les différents ministères concernés. Je ne sais pas si
ça répond à votre question.
M. Lemay :
Ah! c'était plus au niveau, quand un promoteur...
Le Président (M.
Reid) : Bien là, je pense que...
M. Lemay :
...passe d'une main à l'autre, là, mais, bon...
Mme Méthot
(Josée) : Ah! au niveau du transfert de propriétés.
Mme Tremblay (Nathalie) : On était en accord avec ce qui était proposé dans
le livre vert, qui était justement d'éviter d'avoir des documents légaux,
etc., qui étirent les délais, là.
Le Président (M. Reid) :
Merci, Mme Méthot, Mme Tremblay, merci beaucoup de votre contribution
à nos travaux.
Je suspends les travaux pour quelques
instants, le temps de permettre au prochain groupe, le Réseau des milieux
naturels protégés, de prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 16)
(Reprise à 16 h 17)
Le
Président (M. Reid) : Alors, je souhaite la bienvenue à nos
invités du Réseau des milieux naturels protégés. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite,
nous passerons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais, pour les
fins de l'enregistrement, de vous nommer au départ et de nommer la
personne qui vous accompagne. Vous avez la parole.
Réseau de milieux naturels
protégés (RMN)
Mme Cormier
(Caroline) : Merci. Donc, merci beaucoup de nous accueillir
aujourd'hui, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés. Je suis Caroline Cormier, présidente du Réseau de milieux naturels
protégés. Je suis accompagnée de Marilou Bourdages, qui est
coordonnatrice de l'organisme.
Tout
d'abord, je voudrais décrire notre organisation. Le Réseau de milieux naturels
protégés est un organisme provincial
à but non lucratif qui est constitué en vue de promouvoir le mouvement de la
conservation en terres privées au
Québec, donc, la conservation de milieux naturels. Nous agissons depuis
20 ans au Québec, et on rallie la majorité des acteurs, en fait, en conservation des terres
privées. Les activités du réseau favorisent la prise en compte de la
conservation dans les processus
d'aménagement du territoire et visent à faire connaître les moyens de
conservation en terres privées et les
sites protégés notamment par le biais du Répertoire des milieux naturels
protégés du Québec. Donc, rappelons que le mouvement de la conservation est
complémentaire aux actions réalisées par le gouvernement et il protège et gère
plus de 70 000 hectares de milieux
naturels au Québec et soutient quand même, bon an, mal an, près de
300 emplois en conservation, avec un chiffre d'affaires qui dépasse
les 18 millions de dollars.
Donc,
parmi nos préoccupations, je vais aborder deux préoccupations majeures que nous
avions, et Mme Bourdages va poursuivre ensuite sur l'analyse du
livre vert.
Tout
d'abord, le Réseau de milieux naturels protégés était favorable à la démarche
de modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement. C'est une
loi et un règlement d'application claire... amèneront, à notre avis, une simplification et une meilleure prévisibilité pour
les promoteurs tout en protégeant mieux l'environnement. Puisque le coeur de notre mission, c'est la conservation,
nous souhaitons partager le fait avec vous que, pour nous, c'est un ensemble
de pratiques qui comprennent la protection,
la restauration et l'utilisation durable du territoire et qui visent la
préservation de la biodiversité, le
rétablissement des espèces et le maintien des services écologiques pour les
générations actuelles et futures.
C'est donc au coeur du développement durable et également en plein dans le
fondement principal de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui est
de donner à chaque Québécois le droit à un environnement sain.
• (16 h 20) •
Donc, lors de notre
positionnement sur la loi sur la conservation et la gestion durable des milieux
humides au Québec, on a été préoccupés par
le dépôt des rapports du centre sur la biodiversité du Québec, là, le rapport
Pellerin-Poulin, qui démontrait nos
difficultés, dans le processus d'autorisation, à arriver à éviter, minimiser ou
à compenser les impacts sur les
écosystèmes. Donc, c'est dans cette mouvance-là qu'on s'est posé la
question : Est-ce qu'on est capables d'orienter le développement du territoire du Québec en se
basant sur des... dans le fond, de la science, des notions scientifiques et
tangibles? Et on pense que oui.
En
fait, notre organisation propose au gouvernement d'intégrer la protection de la
biodiversité au sein du développement
des collectivités en adoptant une approche qui va se baser sur les trames
vertes et bleues, c'est-à-dire sur la
science de la conservation, qui, en fait, intègre la protection de continuités
écologiques, de réservoirs de biodiversité, de corridors écologiques et des réseaux de cours d'eau et des milieux
humides. Cette démarche s'illustre aujourd'hui par des modèles
cartographiques et de terrain, et donc est très facilement transférable. Elle
pourrait, à notre avis, être un fondement
véhiculé dans les orientations gouvernementales qui pourrait ensuite s'inscrire
dans les schémas d'aménagement et de
développement, dans les plans d'urbanisme et aussi être fourni aux promoteurs
de projet pour un approfondissement. Alors,
les analystes du gouvernement pourraient alors se baser sur la préservation de
ces réseaux écologiques cohérents, et ainsi ça éviterait le cas par cas et ça
pourrait tenir compte des impacts cumulatifs. Plusieurs organisations
ont déjà élaboré des études en ce sens, et on vous a fourni quelques références
dans notre mémoire.
Également,
un autre point qui nous préoccupe, c'est d'être le plus près des gens, le plus
près du pouvoir décisionnel. Et on se
rendait compte que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme permet aux
gouvernements locaux de mettre en place plusieurs mécanismes en vue de protéger l'environnement. Un frein
majeur, à notre avis, à cette prise en charge est la fiscalité québécoise,
puisque notamment le financement des municipalités crée un effet vicieux où le
développement du territoire permet de créer de la richesse foncière,
mais se fait au détriment de la perte des terres agricoles et des terres
naturelles.
Alors,
le Réseau de milieux naturels protégés est d'avis que l'ajustement de la
fiscalité permettrait de créer des incitatifs
et une fiscalité positive pour encourager vraiment les comportements à adopter.
Plusieurs exemples de crédits à la conservation ou de crédits de compensation
pour la préservation des services écologiques existent, d'ailleurs, au
Canada et à l'international, et ça pourrait être intégré dans les processus
d'approbation, notamment dans la LQE.
Donc, je vais
laisser la place à Marilou Bourdages, qui complétera avec les informations sur
le livre vert. Merci.
Mme
Bourdages (Marilou) : Bonjour. Je voudrais revenir sur quelques
questionnements soulevés par le livre vert, ceux qui nous tenaient le plus à
coeur.
Premièrement,
je voudrais mentionner que le Réseau de milieux naturels protégés approuve,
bien entendu, l'intention du
ministère d'inclure la lutte aux changements climatiques dans les processus
d'autorisation. On voudrait d'ailleurs
inviter le ministère à intégrer, dans les outils favorisant la prise en compte
des changements climatiques, dans l'ensemble
des processus d'autorisation, le rôle de prévention et d'atténuation des
risques que jouent les milieux naturels, notamment les milieux humides, dans la capacité d'adaptation de la
société québécoise face aux changements climatiques actuels et futurs. On voudrait d'ailleurs
recommander que non seulement les impacts directs et immédiats des changements
climatiques soient pris en compte dans les
processus d'autorisation, mais aussi les impacts sur la capacité d'adaptation
future des régions et la vulnérabilité future des projets eux-mêmes face aux
changements climatiques aussi.
Dans
un autre ordre d'idées, le réseau appuie aussi l'idée d'encadrer
législativement les évaluations environnementales stratégiques. On voudrait recommander, un peu
comme ma collègue l'a déjà mentionné, que ces évaluations environnementales
soient supportées par un cadre de conservation et de connectivité provincial
vraiment dans le but d'avoir une vision d'ensemble
du territoire québécois afin de protéger les milieux naturels d'importance et
la connectivité entre ces milieux-là et
dans le but aussi d'atteindre un objectif de zéro perte nette de milieux
naturels d'importance. Dans le mémoire, on suggère différents documents qui pourraient être utilisés
pour créer ce cadre de conservation et de connectivité. Il existe différentes
documentations qui peuvent être utilisées dans ce but-là.
Pour
ce qui est d'accentuer la modulation du régime d'autorisation en fonction du
risque environnemental d'un projet,
le réseau supporte l'idée mais croit qu'une approche par catégories avec des
activités préidentifiées pour chacune des catégories n'est peut-être pas la
meilleure façon d'évaluer les projets. Le réseau soutient que cette modulation
devrait vraiment tenir compte des milieux
récepteurs des projets, c'est-à-dire du type de milieu, de sa rareté et de sa
représentativité dans sa région. On
propose donc plutôt une approche qui ressemblerait à une grille ou à une
matrice qui prendrait en compte, donc, différents critères du milieu
récepteur en plus des critères qui sont proposés par le ministère dans le livre
vert.
Aussi,
le réseau est très réticent à l'idée de soustraire à toute formalité préalable
les activités considérées à risque négligeable.
Le réseau croit que le ministère devrait malgré tout effectuer une vérification
d'admissibilité, comme il est proposé,
pour la catégorie «risque faible». On croit que ce processus permettrait
d'éviter que certains promoteurs de projet se classent par mégarde dans
la catégorie «risque négligeable» et ainsi passent sous toute loupe ou encore
peut-être qu'il y ait fragmentation de projet pour essayer de se classer dans
cette catégorie, et donc échapper à tout processus d'admissibilité. Le réseau considère aussi qu'il n'y a pas vraiment de
motif valable justifiant que les instances publiques et municipales soient soustraites à un processus
d'autorisation. On croit que ces instances devraient, en fait, servir
d'exemples, et respecter les règles, et vraiment montrer l'exemple au
reste de la société.
Et finalement on
voudrait appuyer l'idée d'avoir un processus allégé pour les projets visant
l'amélioration de l'environnement. Par
contre, on voudrait apporter une petite nuance. Dans le livre vert, on parle de
projets ayant un effet positif sur
l'environnement, ce qu'on croit être assez vague et peut-être potentiellement
difficile à vraiment gérer. Nous, on
suggère vraiment que ce soit pour les projets qui visent l'amélioration de
l'environnement. Et donc ces projets pourraient effectivement avoir un
processus allégé vu leur mission première.
Alors, je vais
laisser Mme Cormier conclure la présentation.
Mme
Cormier (Caroline) : Donc, en conclusion, le Réseau de milieux
naturels protégés réitère son opinion favorable quant à la modernisation du régime d'autorisation environnementale sur
la Loi sur la qualité de l'environnement. Il est d'avis que, pour donner droit aux citoyens à un environnement sain, le
gouvernement doit d'abord se positionner clairement quant à un objectif de préservation de la biodiversité
qui pourrait passer par une implantation du principe zéro perte nette et un cadre d'intervention qui assurerait la prise
en compte des évaluations selon le milieu récepteur et des incitatifs pour
les promoteurs de projet.
Enfin,
nous offrons notre entière collaboration à la commission et au gouvernement
pour approfondir la réflexion amorcée et nous vous remercions de l'intérêt que
vous portez à notre organisation. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous allons
passer maintenant à la période d'échange, et je donne la parole à M. le
ministre.
M. Heurtel :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Cormier, Mme Bourdages. Merci beaucoup
pour votre présentation ainsi que votre mémoire.
Vous
avez parlé d'écofiscalité dans votre présentation. Pourriez-vous approfondir,
là? Parce que c'est allé très rapidement.
J'ai cru comprendre qu'il y avait un lien, vous faisiez un lien entre
l'écofiscalité et le processus d'autorisation. Est-ce que je vous ai
bien comprises? Et, si oui, pouvez-vous approfondir?
Mme
Cormier (Caroline) : En fait, notre point de vue est du fait de créer
des incitatifs positifs. L'écofiscalité et le processus d'autorisation peuvent être liés comme également ils
pourraient être distincts au niveau gouvernemental, mais ce qu'on remarque, c'est que, dans plusieurs
États, par exemple, américains, on va avoir des processus de crédit de taxe foncière associés à la conservation ou de
remboursement de taxe foncière pour les propriétaires ou encore on a, dans
des États comme le New Hampshire, une taxe au développement qui est portée à un
fonds d'acquisition.
Donc, est-ce que ce
processus peut être implanté au moment de l'autorisation de projet? Ça pourrait
être une piste, un peu comme les
municipalités, par exemple, vont appliquer un 10 % pour fins de parcs sur
leur territoire. Donc, ce sont des
éléments qui peuvent ajouter, en fait, comme incitatifs, là, dans le fond, à
arriver vers une écofiscalité ou une fiscalité positives.
M. Heurtel : Je comprends
la notion d'écofiscalité, puis d'ailleurs on étudie présentement des mesures
là-dessus dans le cadre notamment du rapport Godbout et de son étude.
Moi,
ce que j'essaie de préciser avec vous, c'est voir comment on fait le lien entre
des mesures, mettons, qu'on met en
place... Il y a déjà des mesures d'écofiscalité qui sont en place. Là,
présentement, le livre vert, c'est qu'on essaie d'étudier une éventuelle modernisation du régime d'autorisation
environnementale. J'essaie de comprendre comment ces mesures-là, des
mesures d'écofiscalité ou des nouvelles qui seraient mises en place
éventuellement, seraient liées au processus d'autorisation directement ou
affecteraient le processus d'autorisation.
• (16 h 30) •
Mme
Cormier (Caroline) : Bien, en fait, je pense, ça pourrait être
davantage... En fait, l'autorisation liée à la LQE peut se faire à différentes échelles dans le développement d'un
projet. Donc, cette fiscalité-là est un moyen additionnel qui peut venir, en complément aux exigences
environnementales, bonifier le projet, peut-être s'associer au processus, si vous voulez aller vers une
série d'atténuer, minimiser, compenser... donc, s'associer, en fait, à ce
processus-là pour favoriser l'acceptabilité
par les promoteurs, et tout ça. Je n'ai pas le mécanisme clair en tête, mais ce
qu'on voit, en fait, c'est que cette
fiscalité-là est en développement un peu partout à travers, dans le fond, le
Canada et le monde et il y a moyen de l'intégrer dans le processus de
développement.
M. Heurtel :
O.K. Parfait. Merci. Au niveau de votre proposition de grille d'analyse, vous
parlez d'intégrer des critères liés au
milieu récepteur, est-ce que vous pouvez aller plus loin? Alors, ça voudrait
dire quoi spécifiquement, d'ajouter, dans la grille d'analyse, des
critères spécifiques à la prise en considération du milieu récepteur?
Mme
Bourdages (Marilou) : Bien, je pense que ça va un peu avec l'idée
aussi de mieux connaître notre territoire. Je pense que, si on avait, comme je le suggérais, vraiment une vision
globale du territoire, un plan québécois de conservation du territoire,
on pourrait après ça préciser différents milieux, peut-être que le milieu
récepteur pourrait être un bassin versant,
par exemple, et pouvoir analyser un projet par rapport à ce milieu-là, comment
il se classe dans son bassin versant. Donc,
ça donnerait qu'il y aurait des... Le résultat de l'analyse serait différent
d'une région à l'autre. Et donc, si on voulait détruire une tourbière en
Montérégie, bien ce milieu récepteur là... bien, cette tourbière serait très
unique, elle serait vraiment considérée
comme superimportante, peut-être que ce serait un milieu qui aurait été
considéré, dans cette région-là, comme
étant vraiment... qu'on n'avait pas le droit de toucher. Donc, je pense que ça
viendrait avec une espèce de portrait du
territoire qui permettrait, après ça, d'analyser, O.K., dans ce territoire-là,
ce milieu-là, c'est quoi, sa représentativité, c'est quoi, sa rareté, c'est quoi, son importance, et avoir peut-être
une espèce de pondération qui dirait : O.K., bien cette tourbière en Montérégie, c'est un non, mais
peut-être que cette tourbière similaire en Abitibi arriverait à une conclusion
différente, par contre, pour une même activité d'un promoteur. Donc, c'est un
peu ça, notre idée par rapport à ça.
Le Président (M.
Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Vous allez excuser
mon ignorance, je ne suis pas sûr que
je comprends très bien l'ensemble des objectifs ou des territoires que vous
visez. Vous parlez des milieux de conservation,
de terres privées, on exclut les parcs, les zecs, puis, moi, le seul exemple de
conservation de terres privées au
Québec qu'il y a dans le secteur de Brome, où on a constitué un corridor
naturel qui s'étend graduellement, là... Mais est-ce que vous pouvez
nous donner d'autres exemples, d'autres...
Mme
Bourdages (Marilou) : Oui. Bien, dans le fond, c'est ça, nous, on
travaille dans ce qui s'appelle la conservation volontaire, qui est
souvent quelque chose de peu connu, donc c'est normal, votre question, je
pense. On travaille vraiment avec des propriétés privées. Donc, il y a
différentes façons de mettre des mesures de conservation sur des terrains privés, mais ça peut être soit des
organismes de conservation qui achètent des terrains dans le but de la
conservation... Ça, ça va être considéré comme un terrain protégé. Le
gouvernement du Québec reconnaît la réserve naturelle,
qui est une autre façon... réserve naturelle en terres privées, donc, qui est
une mesure de conservation qu'on peut
mettre sur un terrain privé et qui accorde des avantages fiscaux au
propriétaire qui s'engage à conserver à perpétuité ou pour un certain nombre d'années son terrain
dans le but de la conservation. Il y a des servitudes de conservation qui
existent. Ça fait qu'il y a différents
moyens légaux qui existent qu'on peut mettre sur un terrain, qui fait qu'on le
protège soit pour 100 ans, soit pour
25 ans, soit à perpétuité et qui veut dire aussi que, quand je le vendrai à
quelqu'un d'autre qui n'aura
peut-être pas les mêmes priorités que moi, ça va quand même assurer une
certaine protection de ce territoire-là.
Donc,
ça, on exclut, là, tout ce qui est terres publiques, on travaille vraiment avec
les terres privées, mais soit des propriétaires
individuels soit des organismes de conservation dont c'est vraiment la mission
d'aller acquérir ou d'aller mettre des mesures de conservation sur le
territoire.
M.
Bolduc : Ça va. Merci. Je voudrais que vous nous élaboriez un peu
votre principe de perte nette zéro et, dans le principe de développement durable, préserver la biodiversité. Est-ce
qu'on ne fait pas du dédoublement directement ici, là? Je voudrais que
vous clarifiiez ça.
Mme
Cormier (Caroline) : En fait, la préservation de la biodiversité,
c'est en son sens large. Dans la Loi sur le développement durable, c'est un des critères. En fait, la
biodiversité va être directement affectée par les changements
climatiques, là, de façon assez importante.
Ce que les chercheurs, entre autres, avec le
groupe Ouranos, là, ont déterminé, c'est qu'en protégeant... dans le fond, sans faire des îlots de conservation, en
protégeant la biodiversité à l'échelle du territoire avec des corridors, avec
l'implantation de plusieurs mesures de protection de la
biodiversité, c'est comme ça qu'elle va arriver à se maintenir et à nous aider
à passer au travers l'augmentation du climat, etc.
Donc, le
principe zéro perte nette va davantage s'appliquer lorsqu'on a un projet de
développement du territoire. Le zéro
perte nette, en fait, c'est d'arriver à éviter de perdre des services
écologiques qui sont apportés justement par les écosystèmes, qui
constituent, entre autres, une partie de la biodiversité. Donc, on va essayer
d'éviter les sites le plus possible, mais,
si ce n'est pas possible, on va faire la mitigation des impacts sur le milieu,
ce qui veut dire que, par exemple, si
j'ai à faire un drainage, je vais essayer de limiter le plus possible à un
secteur en particulier et de bonifier en inondant peut-être un autre secteur ou la compensation, qui
sera de vraiment rétablir, restaurer ou recréer un milieu pour permettre
de remplacer complètement ce qu'on va avoir perdu avec le développement.
Actuellement,
le régime d'autorisation, ce qui a été démontré, c'est qu'on était plus dans la
perte que dans le zéro perte nette
parce qu'on ne compensait pas entièrement les mêmes milieux. Par exemple, si je
détruisais un milieu humide, on
pouvait compenser par de la plantation ou protéger une forêt. Mais la
protection, c'est louable en soi, mais ce n'est pas une mesure de compensation, on ne recrée pas ce qu'on a perdu avec
le milieu humide. Par exemple, si je perds un rein, même si on le remplace avec un poumon, ce n'est pas la même chose.
Donc, c'est un peu dans cette optique-là que le zéro perte nette vient
limiter la perte de nos services écologiques.
Mme
Bourdages (Marilou) : Aussi, si je peux ajouter, il y a des régions où
on ne peut plus se permettre de pertes; par exemple, encore la Montérégie, il n'y en a plus beaucoup, de milieux
humides. Donc, quand on dit «zéro perte nette», c'est de dire : Si un projet détruit un milieu humide, il faut
absolument qu'il y ait la restauration d'un milieu autre détruit quelque part pour arriver à une balance de zéro.
On en a perdu un, mais on en a recréé un. Et, en ce moment, il se passe beaucoup de : on détruit un milieu et, en
échange, on promet de ne pas en détruire un autre. Mais là on est encore à
moins un et on n'est pas revenu à zéro,
là. Ça fait que, zéro perte nette, c'est dire : Vraiment, s'il y a
destruction de quelque chose, ça veut dire qu'il y a restauration de
quelque chose d'autre qui a été détruit pour revenir à une balance neutre.
M. Bolduc : Merci. On fait actuellement
de la recherche, par exemple, sur le pin à longues aiguilles dans l'ouest de l'Amérique, sur, en fait, la capacité
de transférer ces pins-là. En fait, on va en chercher en Alaska, au Yukon,
en Colombie-Britannique et en Californie et
on les déplace vers le nord, parce que le changement climatique fait que les
espèces... En fait, les arbres ont beaucoup
de difficultés à voyager au nord, ça fait qu'on les déplace artificiellement.
Est-ce que ça, c'est le genre de...
comment je dirais, de situation que vous supporteriez dans le développement de
préservation des espèces? Parce que,
par exemple, on n'a plus de noyers noirs... ou très peu, au Québec, et, les
ramener, parce que, là, le climat se dispose de mieux en mieux pour
cette espèce-là, est-ce qu'on devrait faire ce genre d'activité là?
Je pousse un peu votre principe, là, mais je
voudrais comprendre un peu mieux comment vous voyez ça.
Mme
Bourdages (Marilou) : Je vais commencer, puis tu pourras continuer,
mais je pense qu'on a une approche vraiment plus globale que par espèce,
puis c'est pour ça qu'on parle beaucoup de connectivité, parce qu'avoir plein de milieux protégés, c'est une
chose, mais les changements climatiques vont probablement amener, comme vous dites, plein de changements dans la distribution
géographique des espèces, et donc, pour être prévoyant et non pas, peut-être, se rendre jusqu'à, par espèce, essayer
de les sauver, il faudrait avoir des espèces de grands corridors écologiques
qui permettraient que, si jamais une
certaine section où il n'y a plus de l'espèce qu'on veut dedans... bien, il y a
quand même une espèce de connectivité
qui fait que ces espèces-là se retrouvent ailleurs sur le réseau de
conservation qui a été créé au Québec.
M.
Bolduc : Je comprends bien, là, mais je vais prendre les deux
exemples, le noyer noir et le chêne : c'est des espèces qui étaient ici à l'origine qui ne le sont
plus, donc il y a eu une perte de biodiversité. Puis là je parle de ces
espèces-là en les ramenant directement,
là, je ne peux pas ramener n'importe quoi, là, mais je donnais l'exemple du pin
tout à l'heure, mais c'est de ramener
des espèces qui étaient à l'origine ici — quand je dis «à l'origine», il y a un siècle
ou deux, là — puis
qui ne le sont plus maintenant. Là, je sais
que, pour les noyers noirs, là, les écureuils et les suisses ont déjà dit oui à
ça, là, mais ça donne l'exemple où il
y a un impact direct sur d'autres espèces, surtout sur leur survie dans les
périodes hivernales.
• (16 h 40) •
Mme Cormier
(Caroline) : Je pense que dans le... bien, un peu pour appuyer le
commentaire de Mme Bourdages, mais
également pour continuer dans la voie que vous proposez, c'est... Certaines
espèces ont déjà été identifiées. Il me semble qu'il y a déjà des listes, là, qui ont été faites pour la
plantation au Québec, là, par la FIHOQ ou d'autres organisations plus en
horticulture ornementale, mais votre approche pourrait être implantée dans une
optique de restauration de secteurs. Comme,
on parlait de la conservation tout à l'heure, la définition de la restauration,
il y a beaucoup à faire, par exemple, sur le bord de nos cours d'eau, en
milieu agricole. Et on parle de plus en plus d'avoir des sites, des bandes riveraines qui peuvent être récoltables, des
arbres à noix, des... Donc, peut-être que cette stratégie-là... nous, de notre
côté, on travaille plus sur la
protection de ce qui est déjà en milieu naturel, mais nos membres travaillent
également dans la restauration de
milieux, et ce sont des stratégies qui, éventuellement, pourront être évaluées
en respectant évidemment que ces
espèces-là sont indigènes et risquent de se retrouver au Québec d'ici une
cinquantaine d'années, une centaine d'années.
M.
Bolduc : J'ai un autre exemple ou une question qui va dans ce sens-là.
Si on regarde dans l'Estrie, il y a de plus
en plus de lacs qui sont, je dirais, à 100 % développés, donc il n'y a
plus d'espace pour les canards, les outardes, etc., les espèces que je qualifierais de
semi-aquatiques, pour avoir de la nidification, avoir des espaces verts ou
avoir les espaces nécessaires pour la reproduction et l'élevage des
familles, etc.
Est-ce
que ça, c'est quelque chose qui est plus près de vous? Parce qu'on a déjà eu
des discussions, en fait, dans la
gestion des bassins versants à ce chapitre-là, puis en plus, pour la fiscalité
des municipalités, bien, si on ne développe pas tous les lacs, il y a une valeur fiscale qui s'ajoute parce que le
lac est mieux protégé, si l'on veut, donc il y a un gain de valeur
nette. Est-ce que...
Mme
Cormier (Caroline) : ...cet aspect-là, plusieurs associations de lacs
vont travailler pour la préservation des sites. Les bandes riveraines
sont déjà réglementées, normalement, par les municipalités. C'est sûr qu'il y a
un travail d'amélioration à faire de ce
côté-là, mais, dans l'idée de travailler à préserver et restaurer le milieu,
c'est certain que tout le milieu hydrique, là, c'est un champ de
bataille important, parce que c'est notre eau, souvent c'est notre eau potable également, et, l'approche par bassin versant,
sûrement que le ROBVQ vous a bien entretenus à ce sujet-là, c'est vraiment
fondamental de conserver la capacité de
réponse du milieu, la capacité de filtration, d'emmagasiner également, parce
que ce que les changements climatiques
vont nous apporter aussi, c'est des pluies importantes. On le voit, plusieurs
millimètres en une heure, ça déborde de partout.
Donc,
effectivement, bien, j'abonde, là, dans votre sens, tous les lacs ne pourraient
pas être développés, mais on doit
trouver, dans le fond, une balance dans le système pour préserver les têtes de
bassin, restaurer, s'assurer que notre développement sur le territoire
se fait de façon harmonisée avec le milieu.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au
groupe de l'opposition officielle, et je donne la parole à M. le député
de Masson... pardon, à M. le député de Terrebonne.
M. Traversy : J'ai réussi à
vous déstabiliser, M. le Président.
Le Président (M. Reid) : ...
M.
Traversy : Alors, «député de Terrebonne». Merci beaucoup.
Mesdames, merci de la présentation de votre mémoire. De voir de la relève aussi motivée à venir autour de cette
table, c'est très rafraîchissant. Je dois vous dire que je vois que l'environnement touche à beaucoup de
monde, et votre organisme m'était inconnu jusqu'à aujourd'hui, je n'avais
pas eu l'occasion de vous rencontrer et je
vois tout l'apport que vous apportez au débat particulièrement dans le sujet de
la biodiversité. Et d'ailleurs, à cet
égard, c'est vers là que je vais amener ma première question, vous trouvez que
le livre vert est axé particulièrement vers les autorisations. Vous
voudriez davantage, je pense, entendre parler de protection de biodiversité ou, en tout cas, du moins intégrer
davantage le rôle de la prévention en milieu humide. Je voudrais donc vous
entendre un peu sur cet aspect. Plusieurs
personnes sont venues nous dire : On a des craintes de voir s'alourdir la
réglementation, de voir des dédoublements.
Est-ce que
vous pensez qu'une suggestion comme celle-ci s'harmoniserait très bien avec le
livre vert? Et, si oui, dites-nous pourquoi.
Mme
Cormier (Caroline) : En fait, je vous dirais, au niveau de la
simplification, quand c'est clair, c'est simple.
Donc, en ce
moment, l'autorisation des projets se fait dans un cadre qui nous semble
relativement... parfois, il y a un
flou, dans le sens où parfois il y a eu un manque d'information sur les sites
naturels par le passé, il y a de l'information qui n'est pas toujours partagée sur le domaine public ou sur le domaine,
évidemment, privé avec les centres de données sur le patrimoine naturel du Québec, par exemple. Alors, les firmes de
consultants qui ont à faire des études d'impact ou qui ont à faire des études sur la caractérisation
d'un milieu où il y aura un développement n'ont pas parfois toute l'information disponible à leur disposition. Donc,
c'est comme si on développe le territoire les yeux bandés à certains
endroits. Et ce qu'on propose, en fait, nous, c'est un meilleur partage de ce
qui s'est déjà fait, de toute façon, par des organisations
nationales ou par le Plan d'action Saint-Laurent, qui essaie d'étudier
justement les réservoirs de biodiversité, la connectivité pour
développer le territoire de manière plus harmonieuse.
Et, oui, il y
a certains endroits où ce n'est pas possible de développer. Nous, ce qu'on dit,
c'est qu'en fait, si on a la trousse d'outils pour compenser les promoteurs ou
compenser les gens, trouver d'autres façons de développer à d'autres endroits que les sites très riches en
biodiversité, ça serait tout à fait possible. Nos membres développent, là, des
servitudes forestières, des
servitudes avec l'utilisation agricole. Donc, ce n'est pas un vase clos, la
conservation, mais on remarque, entre
autres... on a des exemples dans notre mémoire au niveau... La trame verte
et bleue française, c'est un processus qui a vraiment mobilisé tous les gens de façon participative, les
groupes d'intérêts et ensuite c'est venu d'une orientation très claire au niveau du gouvernement, et il
devait intégrer des trames vertes et bleues dans les schémas de développement,
dans les plans locaux, qui sont nos plans
d'urbanisme. Alors, ça se fait, là, de façon très claire à ce moment-là et ça
peut aller plus vite au niveau de l'autorisation.
M.
Traversy : Je vais me rappeler de ça : quand c'est clair,
c'est simple. Vous êtes très claires, vous êtes très claires.
Je voudrais
vous parler de l'aspect de la modulation aussi. Vous avez passé du temps à nous
dire que le livre propose une
approche qui est en lien plutôt avec des catégories, que vous préfériez
davantage les axer sur les milieux récepteurs par le biais d'une grille ou d'un graphique. J'aimerais que vous
puissiez essayer d'être un petit peu plus claires sur ce que vous projetez
puis j'aurai une autre question par rapport à ça par la suite.
Mme
Bourdages (Marilou) : Bien, en fait, ce qui nous inquiétait un peu,
c'est l'approche par liste d'activités, liste prédéterminée. Pour nous, ça semble évident qu'une activité qui
pourrait être listée dans une certaine catégorie de risques pourrait, en fait, ne pas représenter le
même risque dépendamment d'une région à l'autre ou dépendamment du milieu où le projet va avoir lieu. Un peu comme je
disais plus tôt, si le projet doit impliquer un drainage d'un milieu humide
le long de la vallée du Saint-Laurent, ça
n'aura pas du tout... si le milieu récepteur n'est pas pris en compte, comme un
peu c'est le cas... là, en ce moment,
on parle juste d'une liste, donc ce serait un type de projet et non pas un
projet dans sa région ou dans son
contexte, on pense que c'est peut-être... d'un côté, peut-être injuste pour
l'initiateur de projet qui ferait ce même
projet là ailleurs, dans une autre région où il y a des tonnes de milieux
humides, où ça ne causerait pas autant de problèmes, et aussi injuste pour la région en tant que telle qui voit
peut-être un milieu humide disparaître alors qu'il n'y en a presque plus versus une région qui a des tonnes de
milieux et que peut-être ça ne représente pas le même problème au niveau
du bassin versant.
Ça fait que
l'idée, c'est de dire... Nous, on avait plutôt une vision d'avoir une grille de
critères et, avec un projet, on peut
opposer les risques environnementaux que ça représente versus la région dans
laquelle ça va être fait et arriver à un risque environnemental
peut-être différent pour un même type d'activité, mais prenant en compte la
région dans laquelle cette activité-là va
avoir lieu ou le milieu sur lequel cette activité-là va avoir lieu. C'est pour
ça que je parlais du type de milieu,
de sa rareté, de sa représentativité, parce que, si c'est un milieu qui est
très rare, bien il y a des bonnes chances
que ça ait beaucoup plus d'impact sur cette région-là versus un milieu qui est
très commun qui en a beaucoup dans une autre région, là. Est-ce que ça
répond à votre question?
M.
Traversy : Oui, tout à fait, puis je vais même aller plus loin,
parce que vous avez parlé de la liste d'activités. Vous avez vu que, pour déterminer les listes
d'activités assujetties aux catégories de risques, il y a quelques critères qui
ont été déjà suggérés à l'intérieur du
livre : on parle de la complexité, on parle des impacts appréhendés sur
l'environnement et la vulnérabilité, les mesures d'atténuation
potentielles de conformité aux lois et préoccupations des citoyens et des organisations. C'est cinq critères, donc, qui
touchent des fois directement l'environnement, des fois complètement d'autres
aspects.
Est-ce que je
comprends que vous seriez enclins à en rajouter quelques-unes pour essayer de
focusser davantage sur les milieux récepteurs, là, dont vous nous avez
parlé, là? Ce serait donc une prérogative importante.
Mme
Bourdages (Marilou) : Oui, c'est ça, on aimerait rajouter à cette
liste le milieu récepteur lui-même, des critères reliés au milieu
récepteur lui-même, effectivement.
• (16 h 50) •
M.
Traversy : Excellent. Écoutez, je voulais vous dire aussi à
quel point je trouve intéressant le fait que vous ayez soulevé que les municipalités, les
commissions scolaires, les centres de services sociaux devraient peut-être
donner l'exemple aussi, là, dans le
cadre, là, du débat, là, qui nous anime, donc dans le processus, et
qu'effectivement il y aurait réflexion
à avoir, là, pour regarder si telle chose serait possible. Je voulais juste
savoir si vous aviez un cas en particulier qui vous avait animés dans ce sens-là, parce que des fois c'est ce qui
nous amène à donner certains exemples. Est-ce que vous avez vécu une
situation qui aurait peut-être démontré que faire partie du processus aurait
été avantageux?
Mme Bourdages (Marilou) : Je n'ai
pas d'exemple en tête précis.
Mme Cormier
(Caroline) : Bien, c'est sûr qu'on comprend que ces organisations-là
peuvent vouloir être exemptées, parce que le processus est quand même
important, sauf que parfois, à la quantité d'interventions qu'ils doivent faire sur leur territoire, le cumulatif
finit par avoir un impact, et c'est important, en fait, qu'on puisse regarder
en projet d'ensemble, là, ce qui peut être fait sur un territoire par les
organisations publiques.
M.
Traversy : Génial. Bon, j'ai compris que, contrairement à
l'Association minière, qui était là avant vous, vous êtes favorables à l'intégration, là, de l'aspect
des luttes aux changements climatiques dans la discussion qui est en cours
actuellement. L'association avant vous
disait également que, dans l'étude d'environnement stratégique, là, il ne
devrait pas y avoir d'objectif pour
déterminer si, oui ou non, une filière, une industrie, là, devrait être
développée au Québec, donc il y a cette espèce de pouvoir.
Est-ce que
vous êtes d'accord avec ce genre d'affirmation ou vous pensez que l'objectif
principal, là, de l'étude environnementale
stratégique n'est pas aussi un peu celle d'encadrer, là, cette espèce d'aspect
sur les industries, filières et hydrocarbures, notamment?
Mme
Bourdages (Marilou) : Bien, définitivement, pour nous, si ça s'appelle
une évaluation environnementale stratégique, ça devrait vraiment être
quelque chose qui est une réflexion générale qui implique la population, qui
est vraiment pour donner des orientations
générales à où on s'en va en tant que société. Donc, je crois vraiment
qu'effectivement il ne devrait pas
vraiment y avoir d'exemption, je pense qu'il faut ensemble réfléchir à
qu'est-ce qu'on veut pour le futur du Québec et que c'est vraiment très
important, là, de passer par là, c'est une étape importante.
Le Président (M. Reid) :
Merci.
M. Traversy : M. le
Président, c'est clair, c'est simple. Donc, je vous remercie énormément.
Le Président (M. Reid) : Nous
passons maintenant au deuxième groupe d'opposition, et je donne la parole à M.
le député de Masson.
M. Lemay : Merci,
M. le Président. Mme Cormier, Mme Bourdages, merci d'être avec nous.
Bien,
tout d'abord, je vais vous poser une question. On a eu les groupes, là... la
FQM, l'UMQ sont venues nous parler
comme quoi qu'elles aimeraient avoir justement un allégement au niveau des
municipalités qui rentre dans l'esprit, là, du gouvernement, qui demande...
bien, en fait, les municipalités demandent à avoir plus de pouvoirs aux
municipalités. Donc, vous, vous
arrivez puis vous nous mentionnez que, dans le fond, vous considérez qu'il n'y
a aucun motif valable qui justifie
que les instances publiques et municipales aient droit à un processus
d'autorisation allégé. Donc, je trouve ça
très intéressant d'avoir la deuxième version. Donc, je ne sais pas si vous
pouvez nous donner un peu plus d'informations. Pourquoi que, dans le
fond, vous êtes contre?
Mme
Cormier (Caroline) : Bien, on l'a mentionné rapidement, là,
effectivement, pour eux, ils ont beaucoup de travaux à faire sur le territoire, et ça peut être fastidieux, mais ces
projets-là peuvent avoir un impact cumulatif quand même important à long terme. Peut-être qu'il y aurait
moyen d'avoir une approbation d'un plan global d'intervention mais que ce soit quand même assujetti pour éviter d'avoir
des travaux qui vont avoir un impact aussi important qu'un promoteur privé, là, à côté. Également, dans le cadre
actuel, notre réflexion, dans le fond, excluait la... bien, dans le fond, on
était en faveur de l'inclusion de toutes les municipalités ou organismes
publics dans le processus d'autorisation, mais, si le...
Une voix :
...
Mme
Cormier (Caroline) : Parce que le Québec n'a pas de cadre clair de
conservation et de connectivité qui permettrait
d'éviter... ou de savoir où on doit faire de la restauration, où est-ce qu'on
doit atténuer les impacts de certains travaux.
C'est difficile de s'orienter en ce moment sur le terrain, et donc c'est encore
plus difficile de dire : Non, certains travaux doivent être exemptés, là, dans l'optique où présentement on
perd, de façon continue, des services écologiques qui nous coûtent quand
même cher à compenser par la technologie.
M.
Lemay : Merci beaucoup. Si je vous amène sur... bien, en fait, c'est
en relation, là, directe, là, de ce que vous venez de dire. Dans le fond, ce que vous dites, vous, c'est qu'il faut
éviter à tout prix le fractionnement des projets, des certificats d'autorisation. Vous allez même, dans
votre recommandation n° 10 à la page 11 de votre mémoire, là, dire que,
dans le fond, pour éviter le fractionnement
de projets, on devrait... lorsqu'il y a déjà des projets qui ont été soumis à
un régime d'autorisation, elle ne devrait pas être acceptée, une
nouvelle autorisation, avant un certain nombre d'années. Donc là... en fait, je ne sais pas, je traduis ça,
là, par une crainte que vous avez, dans le fond, à tomber comme dans des
risques négligeables puis être exempté, puis
pouvoir tomber comme dans ce qu'on appelle un «fast track». Je ne sais pas
si vous voulez approfondir.
Mme Bourdages
(Marilou) : Bien, c'était même mentionné dans le livre vert. En fait,
une des questions que posait le livre vert, c'était : Comment est-ce qu'on
pourrait minimiser le fractionnement de projets?, puis nous, on l'a interprétée comme : le ministère était
soucieux de... ou peut-être avait été témoin de promoteurs qui fractionnaient
leurs projets pour tomber dans des
catégories moindres de risques. Puis c'est ça qu'on avait peur un peu aussi
avec l'approche par liste, c'est que
les promoteurs, c'est ça, aient l'idée de peut-être prendre un grand projet, le
remettre en sous petits projets pour
qu'il y ait le moins de risques à chacun de leurs projets. Donc, on se disait,
peut-être, s'il y a une approche, peut-être
même... dans le mémoire, on suggérait... peut-être qu'il y aurait des
incitatifs qu'on pourrait amener pour un promoteur qui serait prêt à soumettre une vue d'ensemble : Voici
les projets que j'ai pour les prochaines années, et qui voudrait être
transparent, on pourrait encourager cette approche-là pour dire : Si vous
voulez être transparent et dire : Voici mes projets pour les prochaines
années, peut-être qu'il pourrait y avoir certaines façons de...
Mme
Cormier (Caroline) : ...quand même de déposer l'analyse des projets.
Donc, par le passé, c'est une tendance qui
a été faite, de toute façon, là, d'avoir des projets d'ensemble, entre autres,
dans le développement domiciliaire, des projets qui sont présentés de manière globale aux municipalités,
permettant d'aller chercher un «fast track», mais au moins on a l'idée d'ensemble d'un développement qui aura
lieu sur plusieurs années. On veut être quand même dans l'incitatif
positif. Donc, c'est dans cette optique-là que notre proposition allait aussi.
M.
Lemay : Excellent. Merci beaucoup. Et puis, si je vous amène sur le
fait... Vous mentionnez que, quand on a des réductions... bon, on va parler de gaz à effet de serre, là, les
réductions permanentes, là, tu sais, locales, O.K., donc, c'est
seulement ça qui devrait être tenu en compte quand il y a une demande
d'autorisation.
Parce
qu'il y a certains autres groupes qu'on a vus un peu plus tôt dans la journée
qui nous mentionnaient : Quand on
regarde un projet, on ne devrait pas regarder juste l'émission locale, on
devrait regarder aussi ce qui se fait en amont, tu sais, dans la totalité du projet. Donc, je me dis, selon vous, dans
le fond, si je prends un exemple, avec TransCanada, où c'est que les émissions de gaz à effet de serre
au Québec, c'est comme 0,4 % de toutes les émissions de gaz à effet
de serre, du projet de TransCanada Énergie
Est, donc là ça veut dire, dans le fond, qu'on ne le considère pas ou on doit
peut-être le prendre à quelque part dans la
grille d'analyse des risques, peut-être de voir, bien, est-ce qu'il y a des gaz
à effet de serre qui se font en amont et puis on devrait le mettre
«impact négatif». On doit-u le considérer ou on l'oublie?
Mme
Bourdages (Marilou) : En fait, je pense que ce qu'on voudrait, c'est
une vision quand même globale des gaz
à effet de serre d'un projet, mais je pense que ce qu'on disait local, c'était
plutôt : s'il y a une compensation qui est demandée pour des émissions de gaz à effet de serre, il faudrait que ça
se fasse au niveau local et non pas aller compenser dans une autre région les émissions qui ont été
faites localement. C'est plus dans ce contexte-là qu'on voulait dire «local».
Je
pense qu'effectivement il faut avoir une vision globale de toutes les sources
de gaz à effet de serre d'un projet mais que, s'il y a compensation,
celle-là se fasse à la source où il y a eu les émissions de gaz à effet de
serre.
M. Lemay : Très bien.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, Mme Cormier, Mme Bourdages,
merci de votre contribution à nos travaux.
La commission ajourne ses travaux au mardi 15
septembre, à 10 heures.
(Fin de la séance à 16 h 59)