(Neuf heures quarante-six minutes)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors,
ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission des
transports et de l'environnement
ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières
sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi concernant des
mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu
humide ou hydrique afin d'en prolonger l'application.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président, il n'y a pas de remplacement ce matin.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Reid) : Merci, Mme la secrétaire. Alors, voici l'ordre du jour pour cet avant-midi, nous entendrons les groupes
suivants : d'abord, Nature Québec, ensuite Canards illimités Canada,
et finalement le Regroupement
des organismes de bassins versants du Québec.
Alors, nous
souhaitons la bienvenue à notre premier groupe d'invités... en fait qui est
représenté par une personne. Vous
avez 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite nous aurons une
période d'échange avec les membres de
la commission. Alors, à vous la parole.
Nature Québec
M. Simard
(Christian) : Oui, merci, M. le Président. Merci, les membres de la commission. Habituellement, je suis accompagné de quelques personnes de notre organisation. Compte tenu des délais extrêmement serrés, là, pour
la convocation, je suis le seul, ce matin, à représenter Nature Québec.
• (9 h 50) •
On croit
vraiment important, à ce stade-ci... Vous savez, Nature Québec s'intéresse à la
conservation des milieux naturels et des milieux humides depuis très
longtemps, et, suite à des interventions qu'on a faites sur la
loi n° 71, de mémoire, le premier projet de loi qui a été adopté, en
mai 2012, je dis bien le projet de loi n° 71, les gens de Canards illimités, les gens du Regroupement des organismes
de bassins versants, on a discuté, avec Nature Québec, et on s'est... Nature Québec a initié un groupe de travail sur
les milieux humides pour réfléchir à ce que serait la nouvelle loi, parce
qu'on nous disait : Le 24 avril 2015, les mesures d'urgence ou les
mesures correctrices qui avaient été faites pour maintenir les certificats d'autorisation vivants... On se rappelle qu'il
y a eu un jugement de cour dans la cause Atocas des Érables qui invalidait le système d'autorisation
et qui risquait d'annuler, finalement, toutes les autorisations, là, qui ont
été faites dans les milieux humides au cours
des 20, 30 dernières années. Et, à ce moment-là, cette loi-là d'urgence
était là pour rendre opérationnels, rendre valables, garder la légalité
des certificats d'autorisation avec des éléments, dont un élément, c'est d'adopter une loi sans doute plus
complète d'ici le 24 avril 2015. On arrive aujourd'hui avec le projet de
loi n° 32 qui reporte de trois ans
cette obligation-là, et c'est sûr que Nature Québec se désole de ce nouveau délai
parce que, pendant ce temps-là...
Vous savez, au cours des 22 dernières années, il y a eu une perte
importante de milieux humides. Par
exemple, on peut dire, il y a eu 567 kilomètres carrés de milieux humides
qui ont été perturbés, soit 19 % de la superficie restante en milieux humides. Il faut savoir
qu'auparavant, là... on estime qu'il y a jusqu'à 80 % des milieux humides
qui ont disparu dans les
basses-terres du Saint-Laurent depuis la colonisation. Donc, depuis
22 ans, 20 %, près de 20 % des milieux humides restants,
et les activités agricoles et sylvicoles ont été les principales sources de ces
perturbations. Donc, pour nous, c'est
important d'avoir une loi qui vise la protection des milieux humides et qui ne
manque pas sa cible, et au lieu de
cela, aujourd'hui, on a un report de trois ans. Nature Québec aurait peut-être
vécu avec report d'un an. On comprend
que le gouvernement a été élu il y a environ un an, le gouvernement actuel,
donc le temps de consulter, de mettre à jour, on aurait pu... je pense qu'on aurait pu réussir à rencontrer
l'objectif du 24 avril 2015, mais à la limite un report d'un an aurait été acceptable. Mais là on se retrouve
dans la situation actuelle où le système fonctionne mal, où la loi actuelle
même n'est pas appliquée en milieu agricole et forestier, et donc on se
retrouve avec un signal qui nous est donné aujourd'hui
que ce n'est peut-être pas si important que ça, des milieux essentiels à la
biodiversité au Québec, et on est un peu déçus de ce report de trois
ans, pour employer, là, un euphémisme.
Donc,
on a travaillé avec le groupe de travail. Le groupe de travail, j'ai parlé de
Canards illimités Canada, mais il y a aussi le Centre québécois du droit
de l'environnement, Nature Québec, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, et le Réseau des
milieux naturels protégés, et, bien sûr, le réseau des organismes de bassins versants du Québec dont
j'ai parlé un peu plus tôt. Donc, essentiellement, dans ce document qu'on avait
fait parvenir au prédécesseur du
ministre actuel mais qui demeure tout à fait actuel dans ses objectifs et dans
ses recommandations, donc, on disait
que ça nous prenait une nouvelle loi pour définir de façon claire et
opérationnelle ce que sont les milieux humides, confirmer en toutes
lettres le pouvoir du ministre du Développement durable de refuser la
délivrance d'un certificat d'autorisation — dans la loi d'urgence, le
principe «éviter», là, la loi n° 71, n'est pas intégré, donc ne peut
pas éviter actuellement la construction dans
un milieu humide — maintenir
la superficie, les fonctions, les biens et services écologiques des milieux humides par une approche de saine
gestion des bassins versants, réaliser des gains en milieu humide afin de
restaurer leurs fonctions et améliorer la qualité
de l'environnement notamment dans les territoires fortement dégradés,
assurer que toute mesure de compensation de milieux humides soit dévolue à la
conservation de milieux humides, principalement par leur restauration et leur
création.
Donc,
les principes de nouvelle loi sur la conservation et la gestion durable des
milieux humides, sur laquelle on aurait
aimé aujourd'hui pouvoir faire un mémoire, sur cette nouvelle loi, donc les
principes, donc, c'est aucune perte de milieux
humides d'intérêt. Il y a des milieux humides d'intérêt qu'on doit identifier,
dont les critères doivent être clairs, et ce, dans ces milieux humides d'intérêt qui jouent un rôle exceptionnel
pour la biodiversité. C'est aucune perte de milieux d'intérêt, donc
c'est protection totale.
Aucune perte nette dans les autres milieux. Cela
assure que, pour un territoire donné, il y a un bilan neutre entre la perte de superficie, de fonction d'un milieu
humide détruit ou altéré et les bénéfices liés à la compensation de ce milieu
humide. Cela implique d'appliquer la séquence d'atténuation éviter, minimiser
et compenser en insistant sur son caractère
hiérarchique : d'abord, éviter, ensuite minimiser et compenser, compenser
d'une façon à ce qu'il n'y ait pas de perte nette et même au-delà.
On
insiste aussi que le projet de loi aurait pu aussi viser des gains nets. Il est
impératif de reconnaître que les pertes massives de milieux humides dans la vallée du Saint-Laurent ont
indéniablement des répercussions importantes, autant sur l'état de nos cours d'eau qu'en matière
d'habitats. Pour assurer la durabilité du territoire, il est nécessaire de
pallier les pertes historiques en
effectuant des gains de milieux humides, notamment dans les territoires
dégradés. Oui, des milieux humides,
ça se crée. Ça n'a pas toujours toutes les qualités d'un milieu naturel, mais
on peut recréer. Et Canards illimités, qui
va vous parler tout à l'heure, est très conscient de la possibilité de générer
de nouveaux milieux humides, et ce n'est pas sans intérêt.
Gestion
intégrée de l'eau par bassins versants. D'autres vous en parleront plus à même,
notamment le Regroupement des organismes de bassins versants, mais il
faut vraiment avoir une gestion intégrée de l'eau par bassins versants.
Le
respect de la capacité de support des écosystèmes. Cela implique de s'assurer
que la gestion des milieux humides tienne
compte de l'état actuel des écosystèmes afin de ne pas exacerber les
problématiques environnementales existantes et de s'assurer que les
écosystèmes puissent continuer à jouer leur rôle utile de supporter la vie et
la biodiversité. Par conséquent, il est
essentiel de restaurer et de créer des milieux humides pour contribuer à
résoudre ces problématiques.
Responsabilité
partagée et reconnaissance du rôle de tous les acteurs. Donc, c'est la
responsabilité de tous, la protection des milieux humides, au-delà des
intérêts, là, pécuniaires ou de promoteurs.
Prise en considération de la valeur des biens et
services écologiques. Les milieux humides, ce sont des équipements, des infrastructures naturelles qui remplissent des
rôles vraiment majeurs d'épuration des eaux, protection des
rives et du littoral en cas d'inondation et moult autres. Je vous invite
à lire là-dessus.
Gouvernance. Non seulement la mise en place
des dispositions légales et réglementaires doit s'effectuer selon des procédures coordonnées et harmonisées... Et ici je vous invite à le lire, on fait les
recommandations. On vous a envoyé ce document-là, je pense que vous
l'avez reçu, là, par courriel.
J'aimerais
maintenant conclure, si vous le permettez, par la lecture de quatre
recommandations que Nature Québec fait.
D'amender
l'article 1 du projet de loi n° 32 en remplaçant «2018» par
«2016». Le gouvernement doit se donner une
obligation de résultat et faire savoir aux différents intervenants qu'il est
sérieux dans sa volonté d'adopter une loi visant la protection des
milieux humides. Près de trois ans se sont déjà écoulés depuis l'adoption de la
loi n° 71 qui faisait obligation au gouvernement d'adopter une loi,
le nouveau délai de trois ans est un bien mauvais message.
D'ici
l'adoption de cette loi, de veiller à la stricte application des dispositions
actuelles de la Loi sur la qualité de
l'environnement, notamment les dispositions de l'article 22 rendant
obligatoire l'obtention d'un certificat d'autorisation pour tous travaux effectués dans un milieu humide.
On sait que, ces 22 dernières années, la majeure partie des travaux
effectués dans des milieux humides présents dans les milieux agricoles et
forestiers ont été réalisés dans l'illégalité, souvent même dans l'ignorance de
la nécessité d'avoir des certificats d'autorisation.
D'informer
les producteurs agricoles et forestiers de l'obligation légale qui leur est
faite d'obtenir un certificat d'autorisation avant toute intervention
dans un milieu humide. Ça, on peut le faire avec la loi actuelle.
Par une mesure administrative, tenir un registre à
jour et assurer le suivi des mesures de compensation exigées dans les
certificats d'autorisation pour des travaux réalisés dans les milieux humides.
Il n'y avait pas, pendant très longtemps, de ce type de registre là, on
n'assurait pas de suivi.
Donc,
même la faiblesse des mesures de compensation, qui en fait n'ont permis que
1 %, là, de compenser à hauteur de
1 %, donc il y a eu 99 % de perte nette les 22 dernières années.
Et même les mesures de compensation qui y étaient contenues ont souvent... n'ont peut-être pas été
appliquées. Donc, d'instaurer dans la législation à venir la protection
intégrale des milieux humides d'intérêt, j'en ai parlé plus avant.
Donc, essentiellement...
Je ne sais pas s'il me reste encore du temps, M. le Président...
Le Président (M.
Reid) : Encore une minute.
M. Simard (Christian) : Encore une
minute? Donc, essentiellement...
Le Président (M. Reid) :
Non? Ah! c'est terminé, d'abord, c'est presque terminé.
M. Simard (Christian) : Pardon?
Le Président (M. Reid) :
Allez-y, une conclusion, c'est terminé.
M. Simard
(Christian) : Oui, une
conclusion rapide. Essentiellement, pour Nature Québec, il est important de
considérer que maintenant on peut penser le
territoire autrement. Il va y avoir éventuellement une loi sur l'aménagement
durable du territoire, donc il faut qu'il soit clair qu'on peut développer, on
peut densifier, on peut mieux travailler au niveau
de l'aménagement agricole, forestier. Vous savez qu'en foresterie on peut faire
des travaux l'hiver, sur la glace, et ça ne détruit pas ni n'altère.
Donc, il y a moyen de vraiment relever un défi majeur en termes de biodiversité
et la protection des milieux humides, je vous invite à emboîter le pas. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer à la
période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
Une voix : ...
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Mégantic.
M.
Bolduc :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Simard. Écoutez, moi, j'aurais
quelques éléments de question. Premièrement,
pouvez-vous nous dire quelle est la source de votre information qui dit que
19 % de la portion restante des secteurs humides ont été altérés ou
endommagés?
M. Simard
(Christian) : Oui. Juste
avant de répondre à votre question, M. le Président, je suis passé récemment
ici avec le mémoire sur la stratégie de
développement durable du gouvernement du Québec, M. le ministre ne m'a pas
interrogé. Je vois que ça s'enligne pour
être la même chose. Je trouve ça décevant, c'est une loi importante, j'aurais
aimé être interviewé par le...
Le
Président (M. Reid) : M. Simard, c'est moi qui donne le
droit de parole ici, et c'est les députés eux-mêmes qui décident qui
parle. Alors, je vous demande de répondre à la question, s'il vous plaît.
M. Simard
(Christian) : Je vais
répondre à la question, mais je tenais quand même à souligner que je trouvais
ça dommage et que j'aimerais bien le rencontrer pour en parler.
Maintenant,
pour répondre à votre question, la source est le rapport du Centre de la
science de la biodiversité. C'est un
rapport qui a été produit le 18 avril 2013, quand même un rapport assez
imposant, qui a fait le constat; une analyse extrêmement, extrêmement
fouillée. Donc, ce rapport-là que j'ai entre les mains, c'est l'Analyse de
la situation des milieux humides au Québec
et recommandations à des fins de conservation et de gestion durable. Plus précisément, c'est dans le sommaire exécutif que vous retrouvez les
chiffres que nous reprenons dans notre texte et dans notre communiqué,
et c'est ce qu'on appelle de la science dure.
• (10 heures) •
M.
Bolduc :
O.K. Est-ce que vous avez une idée
des superficies? Quand on parle de secteurs humides, il y avait des définitions qui sont assez
aléatoires, par exemple on parle de surfaces de un hectare ou plus ou... Est-ce
que vous pourriez nous préciser un peu de quoi ici on parle précisément?
M. Simard
(Christian) : Je pense que
c'est assez... On le disait, mais même il
y a eu un jugement récent qui le
précisait. Je pense que maintenant
c'est assez connu, ce qu'est un milieu humide, et, les définitions, dans la loi
on aimerait qu'il y ait une
définition plus claire. D'ailleurs, le juge l'avait demandé, là, dans le cas
d'Atocas des Érables.
Quand vous faites référence aux superficies,
c'est simplement que les certificats d'autorisation sont moins exigeants actuellement pour des toutes petites
superficies que pour des grandes superficies, et donc la séquence, là, éviter,
minimiser, compenser, malheureusement, le
côté «éviter», là, on ne peut pas demander actuellement à un promoteur de
changer d'endroit, là, d'abandonner son
projet parce qu'il affecte les milieux humides, mais il va y avoir des
exigences plus grandes à partir d'une
petite quantité de territoire et... d'une grande quantité de territoire. Mais
ça n'a aucun rapport avec la définition des milieux humides, qui est
quand même assez connue.
M. Bolduc : La raison pour laquelle
je vous dis ça, c'est que je pense que vous avez entre autres un membre, l'Association des producteurs de canneberges du
Québec, qui semble, lui, être en accord avec le projet de loi n° 32,
et je suis un peu démuni par rapport
à comment vous voyez ça, le fait... Et il ne semble pas y avoir une unanimité,
je dirais, entre vos membres à ce chapitre-là.
M. Simard
(Christian) : Non, il y a
unanimité. D'ailleurs, vous allez voir tantôt, puis je vous invite quand même
à aussi poser votre question à Canards illimités.
Donc, la
définition des milieux humides est claire. Et il y a des gens qui parfois par
intérêt économique, je peux les
comprendre, là, au niveau des tourbières, se disent : Bien, écoutez, une
tourbière, ce n'est pas un milieu humide... ou une tourbière avec boisé ou... mais, vous savez, c'est assez simple,
hein? Bien simplement, vous prenez une tarière et vous faites un trou, puis, si
c'est gorgé d'eau... Des fois, ce n'est pas gorgé d'eau, c'est-à-dire que, si
c'est gorgé d'eau, c'est que vous êtes dans un milieu humide, donc c'est
assez clair.
Ça prend
quand même des biologistes qui font l'inventaire précis, qui regardent ces choses-là,
mais les définitions de milieu humide sont claires, et, avec des
biologistes reconnus, on peut faire un bon inventaire. Il y a d'ailleurs une cartographie, là, encore là, Canards illimités
établit une cartographie quand même assez précise et intéressante. Maintenant,
il est nécessaire parfois de retourner sur
le terrain, parce que c'est une cartographie quand même un peu macro, retourner
sur le terrain pour faire le pourtour des
milieux humides, mais c'est une science qui est contrôlée, maîtrisée, et on
peut difficilement... Parfois, pour
éviter qu'il y ait une loi, on dit : Ah! personne ne s'entend sur ce que
c'est, on y perd notre latin, mais
c'est souvent des mesures un peu dilatoires qui n'ont pas véritablement de base
scientifique, vous pouvez me croire.
M.
Bolduc : M. Simard, moi, je dirais, je suis un peu sceptique par
rapport à certains des éléments que vous nous mettez ici, puis je m'explique, là. Je connais beaucoup de producteurs
de bois, beaucoup de gens qui travaillent dans la forêt qui, eux, ne semblent pas comprendre ces
éléments-là que vous nous citez aussi clairement, O.K., parce que, quand
les gens sont propriétaires de territoires
forestiers et que leur forêt est en dégradation ou meurt parce que soit des
barrages de castor ou soit,
justement, des milieux humides... Je ne veux pas dénier leur importance, je
veux juste dire que je ne suis pas
aussi convaincu que vous que la compréhension de ça est très claire. En tout
cas, dans les milieux, là, qu'on voit, dans
l'Est du Québec entre autres, puis on pourra parler de ça plus précisément, si
vous voulez, mais ce n'est pas clair pour
moi que, par exemple, des cédrières qui sont à l'eau claire, là, pratiquement à
l'année, les propriétaires de ces forêts-là, qui les exploitent puis qui
produisent, je dirais, des assèchements, là, par défaut... ils ne comprennent
pas vraiment la différence entre les deux situations.
M. Simard
(Christian) : Oui, c'est
intéressant, ce que vous dites, puis on a eu des discussions avec l'Ordre des
ingénieurs forestiers, avec des producteurs sylvicoles sur la nécessité de
dire : Regarde, à un moment donné... Puis la protection des milieux humides n'est pas contradictoire avec
l'exploitation forestière, même sur des terres à bois, des terres privées, il s'agit de le faire dans des façons de
faire, des règles de l'art qui permettent de conserver la propriété des milieux
humides. C'est souvent de faire cette
récolte-là en hiver, lorsque le terrain est glacé. Donc, on peut, à ce
moment-là, aller faire la récolte.
La tentation,
souvent un peu par ignorance et souvent aussi parce qu'ils ne sont pas très
informés... Et je pense qu'on ne les
a pas informés. Une des recommandations, c'est de mieux les informer sur la
nécessité d'obtenir un certificat d'autorisation.
Donc, l'idée de : Je suis chez nous puis je fais deux fossés avec mon
bulldozer, puis là l'eau s'échappe du
milieu humide, puis là je peux travailler en été comme je veux dans ma forêt,
c'est une pratique qui se fait beaucoup, qui est délétère pour les milieux
humides, pour la biodiversité, souvent dans l'ignorance même des gens qui le
font, puis il y a d'autres pratiques
alternatives à ça qui sont tout aussi efficaces, même souvent moins coûteuses
en machinerie et en travaux pour
aller récolter ta matière ligneuse ou ton... Donc, ça existe, c'est connu, ces
méthodes-là, et ce n'est pas assez utilisé.
Et
malheureusement ils sont beaucoup, beaucoup passés sous le radar, on l'a vu,
dans les... Et ça, je vous cite encore l'étude de tout à l'heure :
dans les pertes qu'on a eues, hein, les 567 kilomètres carrés de milieux
humides qui ont été perturbés, il y en a
respectivement 44 % et 26 % dans les milieux agricoles et sylvicoles
ou forestiers. Et c'est énorme, là,
et c'est énorme et c'est une perte de biodiversité qui est très forte. Il y a
moyen d'appliquer la loi, parce que ça s'est fait, comme je vous l'ai
dit, illégalement, et normalement nul n'est censé ignorer la loi.
Et donc il
doit y avoir l'obtention de certificat d'autorisation, et on doit essayer de
trouver des pratiques qui fait que tu
puisses quand même récolter ton bois sans détruire systématiquement les milieux
humides. Ça se fait, il y a eu des discussions.
Tantôt, le Regroupement des organismes de bassins versants va parler de son
activité, j'imagine, qu'il a tenue en
décembre en invitant tous les intervenants touchés par les milieux humides.
C'était quelque chose de... un événement vraiment marquant, je pense, et qui fait en sorte que chacun, au-delà,
là, de... est appelé à discuter ensemble puis à débattre de solutions. Donc, on avait avancé dans ce
cas-là; malheureusement, là, on arrive ce matin avec un report de trois ans.
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Une dernière question avant de laisser la parole à mes
collègues. Vous avez parlé que, les milieux humides, on peut y faire des gains, et ça se crée. Est-ce que vous
pourriez élaborer un peu là-dessus? Parce que je ne suis pas certain que
je vous suis quand vous m'arrivez avec ce type d'approche là.
• (10 h 10) •
M. Simard (Christian) : Bon, vous
savez, dans les mesures de compensation, maintenant, on considère, par exemple... Des mesures de compensation, je vais
vous donner un exemple, c'est-à-dire que, si la personne dit : Bien, j'ai
un milieu humide sur, mettons,
100 hectares, et je vais en perturber 50, hectares, puis on va mettre dans
les mesures de compensation comme si
c'était un gain les 50 hectares restants, c'est comme si chez vous, là,
actuellement, chez vous vous aviez
une pelouse, votre maison, vous avez un terrain, je ne sais pas où vous vivez,
mais quelqu'un vous dirait : Je vais
mettre une dalle de béton sur 50 % de votre terrain, mais l'autre
50 %, ça va être une mesure de compensation, et, pour nous, bien tu as 50 % de perte de ton
terrain, là. Tu as bien beau dire : J'ai une mesure de compensation parce
que je garde 50 % de la pelouse
sur mon terrain, en termes, même, de jouissance de son terrain ça fait toute
une différence.
Et
donc, dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on doit faire? Si, à un moment donné, il est
jugé que c'était d'intérêt commun de
faire un projet sur ce milieu humide, ce n'est pas un milieu d'intérêt avec une
protection absolue, qu'est-ce qu'on fait? On doit protéger, bien sûr, la partie restante, mais on est quand même
avec une perte de 50 % de votre terrain. Donc, il faut, à ce moment-là,
éventuellement faire des gains nets soit sur un terrain adjacent à ce
terrain-là. Donc, on peut aménager un milieu
humide... Et ça, Canards illimités vous en parleront, ça fait des années, je ne
sais pas, une trentaine d'années au moins,
là, qu'ils font des aménagements des milieux humides pour favoriser, par
exemple, la sauvagine. Donc, on fait un ennoiement d'un territoire, et naturellement ce territoire-là devient...
a des propriétés avec cet ennoiement, avec un contrôle des eaux. Donc, ça se fait, c'est assez bien
documenté. Certains diront que ce n'est pas exactement, là, un milieu humide
naturel en termes de qualité, mais, à ce
moment-là, il faut en faire plus, il faut viser même des gains nets. Aux
États-Unis, aussi, il y a des
banques, c'est-à-dire que, si le promoteur va dans ce milieu humide, il doit
payer un montant d'argent assez important pour recréer ou protéger des
milieux humides dans un bassin qui a été dégradé. Donc, il y a plusieurs façons de faire, mais au bout du compte il faut
qu'on arrive à zéro perte nette, c'est-à-dire que le milieu qui a été détruit
est compensé et même au-delà. Comme je vous
dis, la qualité des milieux construits n'est pas tout à fait la même, donc
il faut en prévoir plus pour avoir zéro perte nette au bout du compte. Donc, on
doit même viser des gains. Ça se fait, c'est
connu, mais, pour ça, il faut une volonté, là, vraiment importante de
considérer que c'est des milieux essentiels à la biodiversité, qui rendent des services écologiques et des biens à la
communauté qui sont importants, et, à
ce moment-là, de demander aux
promoteurs... Peut-être aussi certains vont dire : C'est des
exigences très dispendieuses, très coûteuses, mais ça va peut-être être un incitatif à penser des projets ailleurs
qu'à l'intérieur des milieux humides, il
y a moyen de développer nos
communautés ailleurs que dans les derniers milieux humides du Québec.
Le Président (M.
Reid) : M. le député de Dubuc.
M. Simard
(Dubuc) : Merci, M. le Président. Merci, M. Simard, d'être
présent avec nous.
Je
respecte énormément Nature Québec, j'ai assisté quelquefois à des rencontres. Maintenant,
là où, M. Simard... Je dis
ça d'entrée de jeu puis je vais revenir avec des questions. Votre
affirmation que vous avez faite au début que, le gouvernement, on voit
l'importance que le gouvernement donne aux milieux humides en raison qu'on veut
prendre une décision sur trois ans,
d'abord, premièrement, je trouve ça désolant, votre affirmation, c'est une
affirmation gratuite que je trouve désolante.
Ceci
étant dit, M. Simard, j'aimerais nécessairement savoir : Pour vous, quelle importance que ça
a par rapport à faire de la
hiérarchisation — c'est
des questions que j'ai posées hier, puis j'y reviens auprès de vous — la hiérarchisation des milieux humides? J'ai posé la question à l'UPA,
j'ai posé la question à Ouranos, j'ai posé la question aussi au Regroupement national des conseils régionaux en
environnement, et puis ces gens-là m'ont donné des réponses, parce qu'en réalité, si vous posez des questions aux
gens qui ne sont pas dans le milieu, dans les différentes régions du Québec,
un milieu humide, ce n'est pas tout le monde qui connaît ça correctement, il faut bien se le dire. J'aimerais
savoir : Pour vous, est-ce qu'il pourrait y avoir une
hiérarchisation des milieux humides? Ma première question.
M. Simard (Christian) : Oui, jusqu'à un certain point. On pense que tous
les milieux humides sont importants, il n'y a pas de milieu humide moins important, sauf qu'il y
a des milieux, par leur taille, par
leur biodiversité, par la présence d'espèces
menacées, qui sont des milieux
humides d'intérêt, et ceux-là on
propose qu'ils soient protégés de façon intégrale.
Maintenant,
pour les autres milieux humides, qui sont aussi extrêmement importants, on l'a
dit, pour d'autres types de fonction,
eh bien, si on y va, il faut véritablement aller dans la séquence, le plus
possible avoir des mesures désincitatives, c'est-à-dire que, pour le
promoteur, c'est plus intéressant de construire... S'il veut vraiment
construire sur le milieu humide, là,
c'est qu'il n'a pas le choix. Souvent, c'est des milieux qui
même, normalement, ne sont pas constructibles, puis il y a une
certaine spéculation qui fait qu'on achète des terres avec des milieux humides
puis en disant : On va négocier puis on va bien finir par construire dessus, là. Mais donc, dans ces
milieux-là, quand on dit éviter, c'est parce que tous les milieux humides rendent des fonctions importantes, donc il
faut éviter et il faut vraiment que, selon nous, là, le promoteur fasse la démonstration qu'il n'a aucun choix, là, de
construire autre que de construire sur ce milieu humide là. Minimiser, c'est que, s'il doit construire sur un milieu humide, ça doit être sur une
superficie très grande, quitte à densifier... une superficie très
petite, c'est-à-dire, quitte à densifier son projet, etc. Ça, c'est minimiser.
Et compenser, c'est : Une fois qu'on a minimisé,
on a tenté au maximum d'éviter, on va compenser mais pour atteindre le principe
de zéro perte nette, donc créer des
nouveaux milieux humides, contribuer de façon significative à une banque
permettant la réalisation ou la protection d'autres milieux humides dans le même bassin versant ou sous-bassin
versant. C'est ça, éviter, minimiser et compenser.
Mais,
dans la vraie vie, on s'apercevait qu'on passait rapidement à go pour collecter
200 $, c'est-à-dire qu'on évitait d'éviter,
on minimisait peu et on donnait des compensations souvent symboliques, un petit
chèque de 500 $ ou... dans un fonds
municipal vert qui va servir autant à faire des toboggans, des glissades pour
les enfants ou des jets d'eau, dans une municipalité, que pour recréer des milieux humides. Donc, on
s'apercevait que rapidement l'évitement était écarté, que minimiser n'était pas véritablement pris au
sérieux, et ce qui fait qu'au cours des 22 dernières années — je vous réfère à ce document-là — il y a eu, finalement, 1 % de préservé
et 99 % de perte nette, plus de 99 % de perte nette,
567 kilomètres carrés de perte
nette parce que la séquence n'a pas été appliquée avec suffisamment de rigueur
et la loi n'était pas suffisamment sévère
pour permettre d'appliquer ça. Donc, la protection des milieux humides, au
Québec, malheureusement c'est un échec. Et, quand on dit, vous savez...
Le
Président (M. Reid) : Merci, M. Simard. Le temps est
terminé, je suis désolé. Alors, je passe maintenant la parole au député
de Jonquière, porte-parole de l'opposition officielle.
M.
Gaudreault : Oui,
merci, M. le Président. Merci, M. Simard, de votre présence. Merci également
de votre constance dans les travaux
parlementaires. Chaque fois que vous êtes invités, Nature Québec
fait toujours un travail sérieux et convaincu, certainement,
là, de vos représentations.
Alors, je voudrais d'abord vous
emmener à votre première recommandation. Vous proposez de reporter l'échéancier
de trois ans, de le ramener à un an, parce
qu'en même temps vous êtes très sévères à l'égard de l'absence de législation
des années passées, vous avez un jugement
assez clair, bon, avec les chiffres dont vous venez de nous parler, le
99 %, 577 kilomètres carrés
de milieux humides littéralement perdus, donc vous avez un jugement sévère,
mais malgré cela vous proposez quand même, je dirais, une proposition de
compromis au gouvernement et de se donner un an.
Maintenant, vous
savez qu'un des arguments du gouvernement est de dire : Avec le trois ans,
c'est que ça va permettre de faire
l'adéquation avec la réforme nécessaire, par ailleurs, de la Loi sur la qualité
de l'environnement. Hier, on faisait
un peu de blagues, là, autour de l'expression «l'oeuf ou la poule», là :
Il faut-u faire tout de suite une réforme des milieux humides, une loi d'encadrement, quitte à faire après ou en
même temps une réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement, ou on est mieux d'attendre la réforme de la Loi sur
la qualité de l'environnement pour y intégrer et avoir une vision cohérente, là, des milieux humides? Alors, moi, je veux
juste vous entendre un peu plus là-dessus, sur cet argument gouvernemental, là, quant à réforme de la Loi sur la
qualité de l'environnement, qui semble prédominante et qui devrait faire
en sorte que la loi sur les milieux humides y soit soumise, d'une certaine
manière.
M. Simard
(Christian) : Moi, là-dessus, M. le Président, M. le député, je pense
qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras,
jusqu'à un certain point. Vous savez, nous, on aurait souhaité... Actuellement,
ce qui est annoncé, ce qu'on a vu
dans le communiqué officiel, c'est une réforme du régime d'autorisation et pas
de la Loi sur la qualité de l'environnement. Je pense qu'une réforme de
la loi globalement, sur la qualité de l'environnement, serait souhaitable.
Maintenant,
on peut faire une loi sur les milieux humides d'ici un an qui prévoit des
autorisations peut-être de façon plus
classique, sur laquelle s'adaptera le nouveau régime d'autorisation par la
suite, donc il va... mais je pense qu'il est important... Là, actuellement, c'est comme... un secteur qui a été
négligé, où il y a eu des pertes, où il y a urgence d'agir va être un peu la victime d'un éventuel changement
au régime d'autorisation, en disant : On va attendre encore, alors que la
situation est quand même critique. Donc, on aurait pu et on aurait dû, selon
nous, et on pourrait encore... Là, on dit d'ici un an parce qu'on est obligés de constater qu'elle n'est pas déposée, la
loi, actuellement, donc, mais, d'ici un an, d'arriver... quitte à arrimer par la suite le régime
d'autorisation avec le nouveau régime d'autorisation, simplement par des
ajustements. La loi, de toute façon,
la nouvelle Loi sur la qualité de l'environnement, dans son nouveau régime,
c'est-à-dire, d'autorisation, va devoir
avoir des ajustements sur toutes les lois, là, la loi sur le régime minier, la
loi sur... différentes lois vont devoir être adaptées pour tenir compte
du nouveau régime d'autorisation éventuel.
Donc,
qu'on sacrifie à l'autel d'une réforme une réforme qui est par ailleurs
urgente, dont on travaille, au sein du
ministère — là, je
parle au niveau des fonctionnaires — depuis maintenant mai 2012, hein, depuis
l'adoption de la loi n° 71,
donc depuis près de trois ans... Il y a énormément de travail qui a été fait,
donc qu'on aille de l'avant avec une loi
de protection des milieux humides. Et on pourrait même tester des nouveaux
régimes, le nouveau régime d'autorisation sur cette loi-là. On veut un régime d'autorisation plus efficace, il
pourrait être testé sur cette loi-là avant d'être élargi. Donc, il y a des stratégies, mais on pense que l'urgence de
la situation, de la protection des milieux humides fait en sorte qu'on
ne peut pas la sacrifier à l'autel d'une éventuelle autre réforme.
• (10 h 20) •
M. Gaudreault :
Je comprends, merci. Par ailleurs, hier, M. Bourque, du groupe Ouranos,
est venu faire une présentation également
ici en faisant ressortir l'importance d'intégrer toute la dimension des
changements climatiques dans cette
loi d'encadrement des milieux humides. Alors,
dans ce délai d'un an que vous nous proposez comme compromis, je vais dire ça comme ça, est-ce que
vous croyez que c'est suffisamment long ou est-ce qu'on a suffisamment de temps pour tenir compte de ces éléments, là, sur les changements
climatiques?
M. Simard (Christian) : Bien franchement, je n'ai pas pris connaissance,
là, du témoignage d'Ouranos, mais je
crois qu'il est possible, hein...
Souvent, on considère les milieux humides aussi comme des capteurs de CO2.
Donc, de considérer cette fonction-là
dans une nouvelle loi, je pense que, sur ces principes-là, il est possible, dans
ces délais, là, d'encadrer cette nouvelle réalité-là. Sans connaître les
détails de ça, je crois qu'il est possible de le faire.
M.
Gaudreault : D'ailleurs,
ça m'amène à... J'aimerais vous entendre un peu plus, parce que
vous dites qu'il y a énormément
de travail, là, je vous cite d'il y a quelques minutes, là, vous dites qu'il y a énormément de travail qui a
été fait depuis 2012. D'ailleurs, je
sais que vous avez participé, là, avec d'autres groupes à un document, là, au
groupe de travail, c'est-à-dire, sur
les milieux humides avec un document qui a été présenté en avril 2013 à
l'ancien ministre. Vous avez également participé au Forum sur les
milieux humides tenu en décembre dernier à Drummondville.
Pouvez-vous
nous résumer, selon vous, les principales conclusions ou consensus qui
ressortaient clairement de ces
exercices-là, dans lesquels, quand même, il y avait différents acteurs, là, qui
étaient là? Autrement dit, avec ce qui a été fait, là, quels sont, selon vous, les principaux éléments, là, qui
nous permettraient d'avancer rapidement dans cette année que vous nous
proposez?
M. Simard (Christian) : Oui. Il y a eu, en fait... Vous savez, on ne
prétend pas que c'est facile, hein, on ne prétend pas que c'est facile parce que ça touche plusieurs
intérêts dans le milieu agricole, dans le milieu forestier, dans le développement résidentiel, dans certaines
productions, on a parlé des canneberges. Tout le monde dit : On s'entend
sur la nécessité d'une loi sur les
milieux humides, d'une définition claire, il y a des consensus là-dessus. Et,
ces définitions-là, d'ailleurs, tout
à l'heure on m'a demandé... Je réfère à la même étude, là, pour les définitions
sur les milieux humides, je pense que l'étude en propose. Et, dans ce
cas-là, c'est-à-dire, donc, il y a moyen, dans cette année-là, de...
Peut-être ce qu'on a fait jusqu'à maintenant,
c'est des consultations un à un, sectorielles. Ça a été intéressant, chacun a pu dire ses appréhensions, ses
recommandations. Certains disent : Oui, on s'entend sur la nécessité d'une
loi sur les
milieux humides, une bonne définition et une bonne cartographie, et ça, je
pense qu'on est là-dedans. Il y a des légendes urbaines qui font qu'on
ne sait pas ce que c'est, des milieux humides, on n'est pas capable... il
faudrait d'abord les cartographier, on
devrait se servir des images satellites. Bon, c'est connu, c'est cartographié,
c'est documenté, la définition est claire au niveau scientifique; il
faut qu'elle se mette dans la loi. Maintenant, ce qui serait important, pendant
cette année-là, c'est de regrouper dans un
forum avec le ministère, et de faire un sommet sur les milieux humides, et de
trouver ensemble... donc de séparer
le grain de l'ivraie, les légendes urbaines de la réalité, de voir qu'est-ce
qui peut être fait, par exemple, on
l'a dit tantôt, pour la cueillette... la récolte de bois — c'est un exemple, mais il y en a
d'autres — les
meilleures pratiques, et de
travailler ensemble avec le ministère dans ce sommet-là, là, à une recherche de
consensus mais sur la base d'un
message clair du ministère : On est sérieux, il faut protéger les milieux
humides. Le saccage des milieux humides dans le sud du Québec a cessé,
le party est terminé. On veut une meilleure protection, on veut le faire avec
moins de conséquences, de façon la plus
créative et intelligente possible avec vous, mais le message est clair :
Il y aura une loi, et elle sera
appliquée, et elle vise la protection des milieux humides au Québec. Et c'est
ce que je recommande, bien humblement, là, au ministère de faire. Il est
possible... On est rendus là, dans cette étape-là. Donc, cette année-là...
Puis, comme je vous dis, là, c'est une position
quand même constructive, là. Je pense que trois ans passe un mauvais message après une attente déjà de trois
ans, mais un an, c'est des choses qu'on peut accepter. Il y a du travail
qui a été fait. On peut comprendre que le
gouvernement actuel a été élu il y a un an à peu près, donc que c'est rapide,
là, reprendre des dossiers, regarder
ça, parce qu'il y a aussi une analyse politique qui doit être faite de cette
future loi, et ça, on peut comprendre ça. Le trois ans nous a surpris.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Je passe maintenant la parole au
député de Borduas, porte-parole du deuxième groupe d'opposition.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Simard. Merci pour votre contribution.
Tout d'abord,
vous avez mentionné en début de présentation que vous avez transmis un document
au ministère dans le cadre de consultations. Est-ce que ce serait
possible de le rendre disponible pour la commission?
M. Simard
(Christian) : Je l'ai fait envoyer... bien je l'ai envoyé à
Mme Cameron, de la commission, avec le communiqué
qu'on avait émis et ce document-là. Et c'était... J'ai envoyé ça, je pense,
vendredi dernier, je crois, vendredi en après-midi, ça a été envoyé. Si
ça n'a pas été fait, là, c'est une erreur de piton «Send».
Une voix : ...
M. Simard
(Christian) : Il y avait...
Non, pas du tout. Ça, ça a été ce matin, mais j'ai envoyé le document... Je peux le déposer maintenant. Désolé si jamais je
n'ai pas appuyé sur le bouton «Send», je ne sais pas, mais vous ne l'avez
pas reçu. Et je crois l'avoir envoyé, là,
avec le communiqué qu'on avait émis et le document qu'on avait fait en avril.
Je suis désolé, j'étais sûr que vous l'aviez en main. Voilà, c'est ce
document-là.
Une voix : ...
M. Simard (Christian) : C'est
peut-être dans le cosmos, là, il s'est perdu dans le cyberespace.
M. Jolin-Barrette : Donc, on
comprend... On va faire des copies pour tout le monde, ça va...
M. Simard
(Christian) : Oui, oui,
excusez-moi. Et c'est sûr que d'autres aujourd'hui, là... Parce que c'est un
travail qui a été fait, là, avec plusieurs,
et je pense que d'autres intervenants — on l'a écrit à plusieurs — donc vont revenir là-dessus, là. Je
l'ai lu un peu rapidement, croyant que vous suiviez en même temps. Désolé.
M.
Jolin-Barrette : Bon, vous avez parlé, M. Simard, de la
question... de l'urgence de la protection des milieux humides, donc, et que vous amenez une approche
pondérée au niveau d'une année supplémentaire pour amener ça à 2016. C'est ce que vous souhaitez véritablement. De notre
côté aussi, on considère que, le gouvernement, en accordant un délai d'une année supplémentaire, ça nous permettrait de
voir l'avancée des travaux du gouvernement en ce sens-là puis d'avoir
une mesure de reddition de comptes aussi à l'intérieur d'une année.
Donc, concrètement, vous amenez aussi dans vos
recommandations le fait d'avoir une application stricte des conditions de
l'article 22 et que, dans le fond, les milieux agricole et forestier
réalisent l'illégalité de leurs travaux plusieurs
fois. Dans l'éventualité où on va adopter une nouvelle loi sur ce sens-là, il
va y avoir le cadre législatif, mais comment
fait-on pour sensibiliser aussi les acteurs à cette réalité-là? Parce que vous
avez la loi d'un côté, mais parfois, pour que les acteurs adhèrent ou
puissent mettre en place des mesures d'implication...
M. Simard
(Christian) : Bon, il y a
eu, comme je vous dis, des rencontres sectorielles du ministère, il y a eu un
travail éducatif et un travail très important du Regroupement des organismes de
bassins versants qui a organisé une rencontre
d'échange avec tous les acteurs, et ça, c'est majeur et ça fait partie, là, de
l'information, mais là-dedans, quand on
a une loi claire, qui est bien appliquée, souvent elle a des vertus
pédagogiques, là. Moi, je me souviens, je viens d'une autre époque, là, j'ai 60 ans, et, à une
certaine époque, conduire avec une petite bière entre les jambes, ce n'était
pas une impossibilité technique, là.
Et, avec les nouvelles lois, bien on a tous développé une vertu insoupçonnée,
cette vertu-là venait
en fait avec la criminalisation, là, du fait de conduire avec de l'alcool. Des
fois, si une loi est claire et bien appliquée, sa vertu pédagogique,
elle devient très, très rapide, et tous les gens se disent : Écoutez, là,
on va prendre un chauffeur désigné, etc. Donc, si on a une loi claire et si on
informe minimalement...
Puis je pense
qu'il faut le faire, là, de faire de l'information auprès des acteurs, et on
pense que dès maintenant on doit, là,
faire... on doit sonner la fin de la récréation et parce que la loi actuelle,
on ne parle pas de la future loi, n'est pas respectée, et il faut absolument aviser, là, tous les propriétaires
concernés qu'elle sera appliquée désormais, même en attendant la nouvelle loi. Donc, quand on constate avec une étude
vraiment sérieuse... On aimerait d'ailleurs qu'elle soit mise à jour, parce que l'étude est jusqu'à
2010. On pense qu'elle devrait être mise à jour de 2010 à maintenant, voir
est-ce que l'hémorragie se poursuit
actuellement ou non, c'est très important d'avoir cette information-là.
Maintenant, on sait, on ne peut pas
penser qu'on ne sait pas, on sait qu'il y a des travaux illégaux qui se font.
Il faut cesser l'illégalité. Et je
pense qu'il faut envoyer un message clair. Je pense que le ministère peut le
faire avec les moyens... doit le faire avec les moyens qu'il a avec la
loi actuelle.
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
le député de Groulx...
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Groulx. Vous avez deux minutes.
M. Surprenant : Merci, M. le
Président. M. Simard, bonjour. Vous avez fait état, dans vos énoncés
tantôt, qu'il y aurait 19 % des milieux
humides qui ont été perdus au cours des 20 dernières années, si j'ai bien
saisi. Ma prétention est que la perception
que les gens ont, c'est qu'au cours des récentes années la qualité de l'eau se
serait améliorée, et puis j'aimerais
savoir : Est-ce que vous avez une idée, au cours peut-être des deux,
trois, quatre dernières années, quelle a été l'évolution au niveau de la perte de ces bassins... de ces milieux
humides là, dis-je, et puis pour mieux comprendre, là, présentement quel
est le constat actuel, là?
• (10 h 30) •
M. Simard
(Christian) : Bon, comme je vous l'ai dit, depuis 2010, au niveau de la perte des milieux humides, on
a certains éléments, là, qui ont été transmis, mais on n'a pas un portrait mis
à jour, donc, au niveau de la perte des milieux humides.
Maintenant,
la qualité de l'eau et l'influence de la perte des milieux humides sur la
qualité de l'eau, c'est un autre contrat.
C'est sûr et certain que les milieux humides servent à la filtration naturelle
des eaux. Maintenant, l'étude des impacts directs de cette perte-là sur la qualité des eaux
brutes n'a pas été faite, à ma connaissance, ça pourrait être important
de le faire.
Vous savez,
la qualité de l'eau, il y a énormément de facteurs, hein, il y a des
facteurs de production de produits industriels,
il y a des facteurs de perte de milieux hydriques, il y a plusieurs
facteurs qui influencent directement sur la qualité
de l'eau, et c'est une tout autre histoire et qui vaudrait la peine de
s'étendre dans un autre contexte. Mais, chose certaine, on a un équipement efficace pour la filtration des eaux, pour
tempérer les inondations, on a... Et ça, c'est reconnu qu'il y a ça.
Maintenant,
son impact direct globalement, je
pense qu'il est réel, mais je n'ai
pas de chiffre à vous donner ce matin. Mais il faut, à ce moment-là,
conserver cet équipement...
Le Président (M. Reid) :
Merci.
M. Simard
(Christian) : ...d'épuration
naturelle des eaux, entre autres choses, il faut le conserver, parce que
la perte aide à la détérioration ou nuit à la qualité de l'eau, ça,
c'est clair.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Merci, M. Simard, de votre présentation.
Alors, je suspends les travaux pour permettre au
prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 33)
Le Président (M. Reid) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, je souhaite
la bienvenue à nos nouveaux invités, Canards
illimités. Alors, vous aurez une dizaine de minutes pour faire votre
présentation, par la suite nous
procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors,
je vous demanderais de vous présenter et présenter la personne qui vous
accompagne.
Canards illimités
Canada (CIC)
M. Filion (Bernard) : Bernard
Filion, directeur pour le Québec, Canards illimités.
M. Daigle
(Guillaume) : Guillaume
Daigle. Je suis le chef aux politiques publiques et biologiste chez Canards
illimités aussi.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Allez-y.
M.
Filion (Bernard) : Je vais mettre mon «timer». Donc, conservation des
milieux humides. Le thème, je dirais que tout est relatif, et l'exemple,
c'est la Loi sur la qualité de l'environnement qui a 43 ans, dans deux
mois je vais commencer ma 38e année en
conservation chez Canards illimités dans les milieux humides. Donc, tout est
relatif. Pour certains, c'est long;
pour d'autres, c'est plus court. Ça fait que... Mais est relative aussi la
perception, l'importance des milieux
humides, un 0,2 hectare dans une cour arrière ou dans un secteur ou lieu
d'enfance peut être très important pour un individu ou pour un groupe mais totalement négligeable quand on
change d'échelle. Donc, le thème aujourd'hui de ma présentation, c'est l'humeur. Je suis de bonne
humeur d'être avec vous ce matin, mais mon humeur environnementale est
un petit peu amochée.
La mission de
Canards illimités, c'est la conservation des milieux humides. On le fait au
Canada depuis 75 ans. Au Québec,
on approche de notre 40e anniversaire, on est arrivés au Québec en 1976.
Donc, c'est de conserver les milieux humides
afin de maintenir des habitats pour la sauvagine nord-américaine et aussi de
promouvoir un environnement sain pour la faune et les humains. Notre
mission est la même depuis l'origine de Canards illimités.
Les milieux humides, on peut tout rationaliser,
on peut rationaliser l'importance de les garder comme on peut rationaliser l'importance de les détruire, la
nécessité de les détruire pour un projet avec d'autres. Donc, reporter une loi ou la maintenir, on
peut rationaliser des deux côtés. On peut justifier le report d'une loi. Il y a
eu deux gouvernements différents. Il y a eu des consultations de faites, mais
il faut en faire encore. Il y a beaucoup de réformes, beaucoup de discussions au niveau du municipal, il est
question de délégation de responsabilités. Il y a une revue du régime de la Loi
de la qualité de l'environnement, du régime d'autorisation.
Mais un
report, c'est comme à l'école : quand tu retardes ton travail long pour la
fin de session, des fois tu manques de
temps. Il y a des régions qui sont déficitaires en milieux humides, puis la
situation s'aggrave. Il y a des coûts économiques parce que les milieux humides jouent un rôle
majeur au point de vue gestion de l'environnement. L'attente et l'incertitude
dans le climat actuel depuis des années, ce n'est pas bon, ce n'est pas bon
pour personne, ce n'est pas bon pour le propriétaire
foncier, ce n'est pas bon pour l'industriel, ce n'est pas bon pour le
domiciliaire, donc il y a besoin d'avoir une clarification, puis l'absence aussi de cohérence qui a été soulevée
par beaucoup d'intervenants dans le passé, à savoir que d'une région à
l'autre l'analyse n'est pas toujours la même.
À l'inverse,
on peut rationaliser pour ne pas avoir de report de loi. C'est urgent d'agir,
on a entendu Christian tout à
l'heure. On pense... Dans la vallée du Saint-Laurent, autour des grands centres
urbains, 70 % à 90 % des milieux humides sont disparus. C'est une statistique assez
importante. Ça continue, des pertes, mais à un rythme différent, et ce n'est
pas les mêmes genres d'habitats qui
disparaissent. On a perdu des habitats le long du fleuve, le long des îles, il
y a beaucoup de remblayages qui ont été faits, donc, des marais, des
marécages, maintenant on parle plus de tourbières boisées ou d'habitats qui sont fragmentés. Il y a certains
bassins versants qui ne répondent plus. Je vous dirais qu'ils sont aux soins
intensifs puis qu'ils sont en attente de dons d'organes, ils manquent de reins.
La loi ou les politiques sur les milieux humides,
ça existe ailleurs aussi, on a des modèles qui fonctionnent. Il y a des comités
de travail qui se sont réunis, Christian a fait un très bon travail en présentant les résultats, on a un rapport
du centre de la biodiversité. Donc, on peut voir... on peut penser
qu'on peut aller maintenant, pour 2015, à une loi et on peut aussi rationaliser
l'importance de prendre notre temps.
On entend
souvent parler de déficit monétaire, mais rarement on nous parle de déficit
environnemental. Au Québec, dans la
vallée du Saint-Laurent, on a un déficit environnemental qu'on pourrait
qualifier de structurel. Un exemple : le coût de traitement de l'eau dans le Richelieu, bien il augmente de
l'amont à l'aval. Les usines de traitement des eaux, ça coûte plus cher traiter l'eau près de Sorel que de
la traiter à Saint-Jean-sur-Richelieu parce qu'il y a une qualité de l'eau
qui se dégrade, donc des besoins plus
importants. Le lac Saint-Pierre, quand même un joyau au Québec en termes
d'habitat, il est malade, et c'est
M. Magnan, de l'université de Trois-Rivières, qui le mentionnait. Les
causes sont relativement bien connues,
documentées. Impact économique : moratoire sur la pêche à la perchaude,
pêche sportive, pêche commerciale.
Lutte aux
changements climatiques et perte des milieux humides. Les pertes, c'est une
aggravation des problématiques
existantes, selon M. Fournier, qui a fait un mandat pour Ouranos :
moins de milieux humides, moins de régulation
des crues; qualité de l'eau qui va se dégrader parce qu'inévitablement, les
milieux humides, ils ont un impact sur
le débit des cours d'eau en ralentissant l'eau, donc moins d'érosion. Donc,
s'il y a moins de milieux humides, la courbe est inversée, on a une augmentation des débits, une augmentation des
sédiments, une dégradation de la qualité de l'eau. Souvent, les milieux
humides sont résiduels, en milieu urbanisé, ils sont près des boisés, donc,
s'ils disparaissent, automatiquement, moins
de boisés et moins d'eau, des îlots de chaleur, et aussi, les milieux humides,
on peut les voir comme étant un outil, une façon de lutter contre les
changements climatiques.
Dans la
conservation des milieux humides, il y a certains mythes ou réflexes qu'il faut
absolument déboulonner. De placer en opposition constamment la
conservation de l'environnement et le développement économique, c'est un non-sens. Il y a des études qui démontrent
l'inverse, il y a des études au niveau des développements portuaires dans le
monde qui indiquent que, quand tu as un
meilleur environnement naturel, c'est plus facile de maintenir des jeunes
familles, c'est plus facile de maintenir une qualité de vie et de
maintenir une main-d'oeuvre. Donc, un environnement qui est structuré, qui est agréable, c'est bon pour tout
le monde. On a trop traité longtemps l'environnement comme étant une option facultative. Quand on achète une
automobile, le moteur, les roues, les freins, c'est pas mal essentiel. On peut
se passer de bien d'autres choses, mais l'environnement, ce n'est pas
facultatif.
• (10 h 40) •
Il y a une certaine richesse qui a été créée... Parce que
toutes les raisons évoquées pour la perte de milieux humides, c'est souvent associé aux retombées économiques, plus de taxes, plus de développement,
donc on se dit : On a dû s'enrichir collectivement à quelque part, si on s'est appauvris au point de vue
environnemental, ce serait peut-être le temps de penser à une
redistribution de ces gains-là, parce qu'il y a quand même un passif
environnemental important. Et nous, on suggère de mettre sur pied un fonds pour
rétablir les pertes passées, pour rebâtir notre environnement, sur 20 ans,
25 millions par
année, 500 millions. Ça peut vous sembler énorme, mais c'est un petit peu
plus qu'un gros centre sportif puis c'est un petit peu moins qu'un gros
hôtel de 65 étages dans la région de Québec.
Une autre
chose aussi qu'il faut mettre fin, qu'on pense, c'est l'obligation d'apparier
des fonds par les sociétés de conservation comme nous, Canards illimités. C'est
que le chantier est majeur, et il faut que le gouvernement s'inscrive directement comme un intervenant majeur pour la
restauration de nos paysages au Québec. Dès maintenant, la loi actuelle
donne des pouvoirs quand même forts, la loi autorise déjà d'exiger la
restauration et la création comme mesures de compensation.
Compenser avec de l'existant, on s'appauvrit au point de vue environnemental.
Ça ne veut pas dire que ce qu'on va
protéger n'est pas bon. Ce qu'on veut dire, c'est que, si on enlève un élément
important, qui sont les milieux humides,
inévitablement on va s'appauvrir. On peut compenser par la restauration, la
création, ça fonctionne. On a des exemples
au Québec, 300 fois on a réalisé des sites un peu partout dans des
municipalités, dans des milieux ruraux, et c'est bien reçu.
La restauration
de paysage, donc, hier, les gens de l'UPA parlaient d'aménagement de
territoire, ça a plein de bon sens.
Un exemple qui aurait dû être un site qui aurait pu être restauré grâce à des
compensations de perte de milieux humides : le ruisseau de Feu à Terrebonne. C'est un site qui a coûté près de
1 million, c'est 100 hectares, c'est dans le milieu de la couronne nord de Montréal. Il y a des frayères à
poissons, il y a des sentiers pour
l'observation des oiseaux, la faune. C'est un site merveilleux qu'on aurait pu, d'une façon, structurer,
canaliser le coût monétaire de perte vers une restauration.
Donc, pour Canards illimités, le report de la
loi, ça nous semble nécessaire, parce qu'il y a encore du travail à faire. Combien long? On n'est pas ici pour porter
le jugement, un an, deux ans, trois ans, mais il y a du travail de
concertation, d'éducation face à ceux
qui ont des milieux humides sur leurs propriétés ou qui font face à des
présences de milieux humides sur leurs sites. Donc, c'est important de
prendre le temps qu'on se comprenne.
Le Président (M. Reid) : En
conclusion.
M. Filion
(Bernard) : Oui. On comprend la notion de régionalisation parce
qu'effectivement, dans le nord, où est-ce
qu'il y a beaucoup plus de milieux humides que de terres hautes, assez souvent,
c'est quelque chose de majeur. On comprend que le territoire agricole
mérite une attention particulière.
Donc, en
reportant, pour nous, les attentes sont plus grandes, dans le sens que, les
principes, on les connaît. On se donne du temps, mais on se donne du
temps de créer un chantier puis un projet de société. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, nous allons passer
maintenant à la période d'échange. M. le ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre
présentation. Puis je vais commencer par
vous remercier puis remercier le travail que Canards illimités fait. On a eu la
chance de se rencontrer l'année dernière, je sais que vous contribuez énormément à nos travaux, au travail du
gouvernement, et ce, depuis bientôt 40 ans. Et on voit là toute la reconnaissance, là, de
l'expertise que vous apportez aux questions très importantes, là, notamment
celle des milieux humides, mais votre action est plus vaste que ça.
Pour ce qui
est des travaux d'aujourd'hui, quand, justement, vous avez terminé votre
présentation en disant qu'il nous
faut encore du temps pour faire de la concertation, pour faire de l'éducation,
prendre le temps de se comprendre, évidemment
nous sommes d'accord avec ça. C'est pour ça notamment qu'on a lancé un vaste
projet de modernisation de la Loi sur
la qualité de l'environnement. Je crois qu'il y a un travail de pédagogie qu'il
faut faire là-dedans, puisque ce travail-là
va alimenter le prochain projet de loi sur les milieux humides. Parce que notre
intention, c'est d'en faire un, mais ce
qu'on veut faire, c'est faire le bon projet de loi et de ne pas précipiter les
choses, d'autant plus qu'on a perdu beaucoup de temps, oui, mais par la force des choses. Depuis 2012, il y a eu deux
élections, quatre ministres de l'Environnement, autant de sous-ministres, ça n'aide pas dans un processus... Vous savez
comment les lois fonctionnent, vous savez comment le processus fonctionne. Et là on arrive devant une date butoir qui est le
24 avril 2015, puis, comme vous le dites, il reste du travail à
faire, il reste des questions auxquelles il faut répondre, puis c'est ce qu'on
se propose de faire.
Moi, la
première question que je veux vous poser, c'est par rapport au rôle des
municipalités, au rôle du monde agricole,
au monde forestier, parce qu'on ne
veut pas avoir une approche mur à mur, on veut une approche adaptée. Là, je
pourrais peut-être commencer par rapport à
l'apport des municipalités, parce que souvent on voit les municipalités, puis
certains l'ont déjà dit, comme peut-être...
ils sont structurellement, à cause de leurs sources de revenus, en opposition
des fois avec la question de
préserver les milieux humides ou même d'en créer d'additionnels. Alors, comment
vous voyez le rôle des municipalités?
Et qu'est-ce qu'il faudrait voir dans un éventuel projet de loi par rapport à
l'impact ou l'apport des municipalités à la question des milieux
humides?
M. Filion
(Bernard) : Pour nous, les municipalités doivent être partie prenante.
Dans nos succès, là, c'est quand on a réussi à intégrer une intervention
avec le monde municipal, que ce soit en milieu rural ou milieu urbain. Et il y
a beaucoup de municipalités... On a présenté
dans le cadre du PMAD à Montréal il y a quelques années et on n'a donné que quelques exemples de sites qu'on avait
réalisés à Beauharnois ou d'autres villes dans la région de Montréal, et c'est
comique parce qu'à la période des questions
c'est : Chez nous aussi, vous avez fait un projet, Canards illimités, puis
on en est fiers.
Donc, le rôle
du monde des municipalités, premièrement, il faut se comprendre, il faut
comprendre qu'ils ont des défis de
gestion de leur propriété, et ça prend des principes assez solides pour les
milieux humides, aucune perte de milieu à forte valeur biologique ou de biodiversité. C'est important que... Et,
si on applique le principe d'aucune perte nette, là on peut commencer à
travailler en disant : J'ai x hectares de milieux humides, il y a un
projet qui en impacte. Comment on peut, à l'intérieur de la municipalité
ou dans une région donnée, compenser cette perte-là?
Et
ça, ça ne peut pas se faire sans le travail avec les municipalités. Donc, je ne
dis pas que c'est eux qui doivent faire
le travail, que c'est eux qui doivent administrer les pertes ou non, mais ça
prend des balises, parce qu'on peut avoir le meilleur plan de
conservation, s'il n'y a pas de balises en disant : Dans une région
donnée, on peut ou on ne peut pas perdre, on
peut perdre 10 %, on doit compenser, bien on va tourner en rond. Et c'est
ce qui se passe présentement, on est en perte nette constante.
M.
Heurtel : Alors, si on part du principe zéro perte nette... C'est
parce que j'entends aussi votre propos à l'effet qu'il faut non seulement être à zéro perte nette, mais il faut
augmenter, il faut améliorer. Alors, dans un contexte, des fois... C'est parce qu'on voit ça, là, dans le concret,
là, puis vous avez cette expertise-là, puis je veux vraiment avoir votre point
de vue là-dessus. Des fois, quand on se
limite simplement au périmètre d'une municipalité puis on ne regarde pas plus
grand, tu sais, par exemple la MRC ou
l'ensemble de la région, puis on va voir ça avec les bassins versants tantôt
aussi... Parce que des fois ça dépasse,
l'impact dépasse simplement les limites municipales, puis des fois, à
l'intérieur des limites municipales,
il n'y a peut-être pas assez de territoire pour, justement, compenser puis
arriver au principe de perte nette, et
même, si on veut aller au-delà, c'est-à-dire pas seulement avoir une
équivalence mais d'aller plus loin que simplement zéro perte nette, il
faut aller au-delà de la municipalité, de la décision de la municipalité
Alors,
est-ce qu'il ne faudrait pas que ce principe-là... il ne faudrait pas voir dans
une éventuelle loi quelque chose qui
est plus englobant puis qui implique beaucoup plus d'intervenants quand on
prend ce genre de décision là? Et comment ça s'opérationnalise, ça? C'est ça, je crois, un des gros noeuds, là,
qu'on a à régler, là, dans ce projet de loi là éventuel.
• (10 h 50) •
M. Filion
(Bernard) : J'étais pour vous dire : Vous avez répondu en partie
à votre question. Effectivement, il ne faut pas se limiter à un
territoire X ou Y parce que... Un exemple, Calgary, la ville de Calgary a
une très bonne politique sur les milieux
humides, mais ils ont eu comme idée de dire : Il faut que ce soit compensé
à l'intérieur de la ville de Calgary.
Ils ne sont plus capables parce que ça se développe, ils se tassent d'un
périmètre d'urbanisation à l'autre, et le site qu'ils pensaient bon pour dans 15 ans, il est affecté, il est
déjà une contrainte au développement. Ça fait qu'il faut vraiment ouvrir, parce que des pertes, là, elles
se sont faites beaucoup le long du Saint-Laurent, elles se sont faites beaucoup
dans la région de Montréal. Sur Montréal, je
ne pense pas qu'on va pouvoir compenser beaucoup, mais il y a eu beaucoup
de pertes associées à tout autre
développement. Place Royale à Québec, c'est la partie du fleuve... toute la
base, là, quand ça déborde, qu'on a
la marée qui est à x, puis elle déborde sur la route, là, si on enlève toutes
les infrastructures en place, ça va
aller jusqu'au pied du cap Diamant. Donc, tous des endroits qui sont disparus,
mais, si on veut compenser là, c'est impossible.
Il faut ouvrir, il faut voir s'il y a des besoins puis il faut que ce soit bien
reçu au point de vue territoire, sinon ça ne fonctionnera pas.
Puis quand, dans ma présentation, j'ai dit :
On perd des opportunités, plus on retarde... Il y a des sites qui sont
aménageables encore, mais, s'ils sont
développés, ils ne sont plus disponibles. Puis on a un exemple, on a des
exemples. Présentement, il y a une société
d'État qui cherche un endroit pour
une compensation, elle se fait demander de compenser localement, il n'y en a pas. Nous, on a des
sites que cette même société
d'État là serait prête à financer en
compensation. Il faut abolir ce genre de situation là, parce que le même
site est sur territoire public, et je sollicite des fonds publics pour le restaurer pendant qu'il y a
une société qui est prête à compenser
pour une perte de milieu humide dans un autre... même pas une autre région... ou une région administrative peut-être,
mais ce n'est pas si loin que ça. Ça fait qu'il y a des barrières qu'il faut abolir. Il y a des
changements à faire dans les guides de recommandations qui sont au ministère de
l'Environnement, où est-ce qu'il y a une insistance pour une compensation
locale. Il ne faut pas détruire un habitat pour compenser une perte d'habitat, c'est un non-sens, à un moment donné. Il
y a des endroits qui sont déficitaires, puis, si on applique le principe dans le monde rural qu'il
faut compenser localement, bien les bassins versants les plus déficitaires,
ils n'auront jamais rien, il n'y a plus rien
à perdre. Ça fait que, s'il n'y a plus rien à perdre, il n'y aura pas de perte
dans le bassin versant, donc ils
n'auront jamais droit à des compensations. Donc, s'il y a des compensations à
quelque part, il faut les rendre disponibles pour qu'on puisse aller
solutionner des endroits dans des bassins versants ou aller sur des
opportunités aussi. Donc, il ne faut surtout pas se limiter à...
C'est
sûr que, dans une logique, c'est normal qu'il y ait une première analyse, de
dire : Qu'est-ce que vous pouvez faire sur le territoire que vous
intervenez, monsieur X, monsieur Y, corporation X,
corporation Y? Une fois que cette revue-là
a été faite, bien là il faut rapidement... Parce que, quand on détruit, ça veut
dire qu'on perd des services écologiques, on est en déficit, là. Ça fait que plus on retarde à compenser, donc à
restaurer ou à créer, bien on est en déficit, ça fait que le bilan
négatif, le poids environnemental, le déficit environnemental s'additionne, ça
s'additionne.
M.
Heurtel : Alors, si on regarde ça, maintenant, du point de vue de la
lutte contre les changements climatiques, évidemment, il y a toute la question de l'étalement urbain qu'il faut
regarder aussi. Donc, évidemment, là, ce qu'on regarde présentement,
comme le ministre des Affaires municipales entame un vaste exercice de réforme
de la relation qu'a le gouvernement du Québec avec les municipalités, une
réforme nécessaire, qu'on entame également nous-mêmes, du côté de l'Environnement, une modernisation de la
Loi sur la qualité de l'environnement, du processus d'autorisation en particulier, si on ajoute à cela la question des
changements climatiques... Là, hier, on avait M. Bourque, d'Ouranos, qui
est venu nous expliquer qu'il faut
prendre le temps aussi d'intégrer les principes de changements climatiques à la
question des milieux humides, les données, voir les impacts. Alors, de
votre point de vue et de votre expertise, l'impact des changements climatiques
sur les milieux humides, présentement, vous voyez quoi spécifiquement?
M.
Filion (Bernard) : On peut peut-être inverser la question, à
savoir : Est-ce que la conservation, le maintien, la restauration
des milieux humides est une solution, fait partie de la solution pour la lutte
contre les changements climatiques? La réponse,
c'est oui, parce qu'un des impacts prévisibles des changements climatiques,
c'est une rarification de l'eau dans les paysages. Donc, il faut
maintenir de l'eau, puis il faut maintenir de l'eau de façon intelligente.
Je suis
biologiste, mais je suis agronome aussi, membre de la corporation. Donc,
l'agriculture a besoin d'eau l'été. Donc,
on n'est pas là pour dire qu'il faudrait refaire des marais pour inonder ou
empêcher l'agriculture, mais il y a des endroits stratégiques qu'on peut
aller, dans le milieu agricole, pour les aider à maintenir de l'eau dans leur
paysage.
J'ai
fréquenté beaucoup, à une certaine époque, les gens d'agriculture qui
intervenaient sur le territoire, et on me disait : Au Québec, on a réussi à créer des sécheresses artificielles.
On a drainé en surface, on a passé trois fois dans nos cours d'eau, en plus on a mis un drain souterrain.
Ça fait que, là, il y a des endroits où est-ce que, selon les précipitations
moyennes, il devrait y avoir suffisamment
d'eau pour faire une culture, mais parce qu'on a très bien travaillé, on
assèche le territoire, puis que les précipitations deviennent
insuffisantes...
En plus, les
changements climatiques nous amènent peut-être un désordre au point de vue de
l'importance des précipitations à une
période donnée, donc la quantité dans une courte période. Donc, si nos paysages
ne sont pas robustes, on accélère
l'eau, on accélère les sédiments, on accélère l'érosion, puis on s'assèche
après ça. Parce que statistiquement, au
Québec, on devrait avoir une province extraordinaire, la vallée du
Saint-Laurent, au point de vue production de sauvagine, parce qu'on regarde les statistiques en termes de
précipitations. Et, dans l'Ouest, on se sert de cet indice-là pour prédire
les populations de sauvagine. Donc, quand
ils regardent les chiffres au Québec : Bien, vous avez de l'eau en masse!
Eux autres, ils n'en ont presque pas.
Mais, nous, le problème : la goutte d'eau, elle tombe puis elle se ramasse
vite au fleuve. Nos habitats sont
bien drainés, les ingénieurs ruraux ont très bien travaillé, mais la réalité,
c'est que l'eau ne reste pas dans le paysage, et là...
Donc, c'est
pour ça qu'il faut rebâtir un paysage, c'est pour ça qu'on dit que ça prend un
fonds. Il faut se projeter dans
l'avenir puis dire qu'est-ce qu'on veut dans ce beau paysage-là pour que les
gens soient bien, que l'environnement soit bien, que la faune se
maintienne en place. Puis ce n'est pas des petits ponctuels, là, on n'y
arrivera pas avec cette approche-là.
M. Heurtel : Avez-vous des idées de
comment on financerait le fonds?
M. Filion
(Bernard) : Comment qu'on... Oui, bien j'ai dit qu'avec tous les
profits faits... Parce que les bases du temps pour détruire les milieux humides, c'est toujours basé sur des
meilleurs rendements économiques. Moi, je me dis : On a dû en engranger à quelque part, de ces
profits-là. Non, mais je fais de l'ironie, mais c'est ça. Moi, je me souviens
d'avoir été en entrevue avec M. Mongrain, puis il y avait le ministre des
Transports, dans un dossier à Terrebonne, et l'introduction
de M. Mongrain : Bon, encore une fois, question de deux grenouilles
et de trois quenouilles. Ça dénote un peu
le... Quand je dis : Il y a des mythes ou des choses qu'il faut arrêter de
voir, c'est qu'il faut arrêter que l'environnement est une source d'appauvrissement économique puis
qu'une autoroute, c'est un enrichissement. C'est un fardeau à long
terme, une autoroute, à entretenir.
M.
Heurtel : Je suis d'accord avec vous qu'il y a de l'éducation à faire,
puis notamment par le biais des changements climatiques, puis, de la
pédagogie, qu'on doit faire davantage en matière de changements climatiques, l'importance des milieux humides dans une lutte
efficace contre les changements climatiques, je crois que c'est important
à faire. Moi, mon point, il ne me reste pas beaucoup de temps, je voudrais
rapidement vous entendre sur comment on réconcilie...
peut-être pas «réconcilie», ce n'est peut-être pas le bon terme, mais votre
réaction... Par exemple, hier, on avait
des représentants de l'UPA, le monde agricole. Bon, la crainte, une crainte
exprimée par le monde agricole, c'est qu'un
régime éventuel fasse perdre des terres agricoles, tu sais, parce qu'avec un
régime poussé on affecte de plus en plus de terres agricoles, puis qu'il y ait un net... qu'il y ait moins de
terres agricoles. Comment réagissez-vous à ça ou comment... Ce serait
quoi, les éléments de solution pour rassurer le monde agricole sur cette
question-là?
M. Filion
(Bernard) : Bien, ce que j'ai entendu comme réponse de
M. Groleau, hier, c'est qu'il disait que leurs craintes, au point de vue du monde agricole... il
disait : Dans le fond, c'est qu'on a pas mal drainé, il n'y a pas tant de
pertes de voir du milieu agricole
comme tel. C'est sûr que, la plaine inondable où est-ce qu'il y a des activités
agricoles, il y a un enjeu important.
C'est des territoires privés. Dans le zéro à deux ans qu'ils font de
l'agriculture, qui amène des sédiments, qui amène des fertilisations dans la plaine inondable, donc dans l'habitat
du poisson dans le fleuve Saint-Laurent ou les rivières. C'est un enjeu qu'il va falloir adresser, donc, c'est sûr. Il
y a des programmes aux États-Unis qui sont des rachats volontaires de toutes ces zones sensibles là, ils
rachètent ces territoires-là pour les soustraire d'avoir un impact négatif
sur l'environnement, mais c'est des
programmes volontaires. Il y a des familles qui cultivent depuis des années des
zones de terre noire ou dans ces
territoires-là, donc il faut donner le temps, changement de génération, le
changement de perception, à s'adapter.
Mais je pense
que, la conservation des milieux humides, il faut arrêter de la mettre en
confrontation constamment avec tous les domaines, puis je ne parle pas
juste de l'agriculture, que ce soit le domiciliaire et autres, il faut... Mais il y a des obligations. À un moment donné, la voie
ferrée, l'autoroute, on ne peut pas tellement les déplacer, là, ça fait que, ça, on comprend. Et c'est pour ça que ça
prend des principes, aucune perte, aucune perte nette, puis on peut travailler
autour de ça.
M. Heurtel : Merci. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Ou est-ce qu'il y avait une autre intervention? Mais très rapide parce
qu'il reste quelques secondes.
M. Simard
(Dubuc) : Alors, quelques secondes? D'abord, merci beaucoup.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le
Président (M. Reid) : Alors, je passe la parole au député de
Jonquière, porte-parole de l'opposition. M. le député de Jonquière.
• (11 heures) •
M.
Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup
à Canards illimités Canada de votre présence ici, ça fait plaisir de
vous rencontrer.
Je
voudrais continuer un peu plus sur la dernière intervention du ministre
concernant les relations avec le monde agricole
parce qu'hier on a eu une présentation de l'UPA qui nous parle justement de ce
que vous venez de nommer, là, puis
c'est là-dessus que je voulais vous amener, sur ce qu'on appelle... puis là je
cite leur mémoire à la page 3, là, de l'UPA : «...ce que l'on appelle communément les terres
noires qui constitue parmi les sols les plus favorables à la production
maraîchère.»
Et
en même temps, évidemment, vous plaidez beaucoup pour qu'on passe au-dessus de
l'opposition classique, là, environnement
et développement économique. Vous avez commencé à aborder un peu la question,
là, versus le monde agricole.
Pouvez-vous continuer un peu plus pour nous expliquer vraiment comment vous
voyez cette... sur le terrain, là, c'est
le cas de le dire, là, avec les terres noires, sur cette nécessaire jonction
qu'on doit faire entre le milieu agricole et la protection des milieux
humides, particulièrement sur cette situation-là? Parce qu'il y a des
productions agricoles qui dépendent de ça.
M.
Filion (Bernard) : Il y a des entreprises très lucratives qui
dépendent de ça. Et j'ai travaillé un peu dans la région de Sherrington, ruisseau Norton, donc j'ai
une bonne idée de la problématique. J'ai visité des fermes maraîchères
du côté de L'Assomption. C'est une question qui est très pertinente et complexe
en même temps.
Mon
idée n'est pas complètement arrêtée, mais une piste de réflexion là-dessus,
c'est que je suis en train d'examiner la
notion maraîchère ou d'exploitation d'une terre noire un peu comme une mine parce
que... à savoir qu'on peut exploiter une
mine jusqu'à un certain niveau, puis à un moment donné ce n'est plus rentable.
Donc, le maraîcher sur une terre noire qui
est déjà établi depuis des générations, premièrement, il faut... Bon, je recule
un peu, là. La première question, c'est : C'est quoi, l'importance en termes de diversité biologique du site?
Est-ce qu'on est dans un site extraordinaire, et c'est le seul qui reste dans la vallée du Saint-Laurent?
Là, il y a peut-être d'autres outils qu'il va falloir mettre en place en termes
de protection, d'acquisition, mais, si on
est dans une section qu'il y a déjà des activités maraîchères importantes sur
terre noire, qui sont très
lucratives, moi, je pense qu'il faudrait amener la démarche à dire : Bon,
bien... Parce qu'ils ne peuvent pas exploiter ad vitam aeternam ces
terres-là, elles s'oxydent d'année en année, le sol s'affaisse d'année en année
par l'oxydation, c'est une matière
organique, puis à un moment donné ils arrivent, il n'y a plus de sol. Parce qu'il
y a sûrement... J'en ai visité, des
tourbières qui ont été exploitées au point de vue maraîcher, puis ils sont
arrivés dans l'argile, ils sont arrivés
dans les cailloux puis ils l'ont laissé là. Je pense qu'il faudrait peut-être,
comme une exploitation minière, dire : Bon, bien, vous avez une autorisation de travailler sur ce type de sol
là, mais à un certain moment donné, après 10 ans, 100 ans, je
ne le sais pas, le chiffre, il y a un devoir de remise... de restauration.
Il
y a un groupe de recherche de l'Université Laval qui est spécialisé dans la
restauration de tourbières, Toubières Premier
et autres font l'exploitation de tourbières en récoltant annuellement une
certaine surface de tourbe qu'ils ensachent et qu'ils en font un commerce. Bien, je me dis, pour le monde agricole,
ça pourrait être une façon d'examiner, parce que ces tourbières-là
originent historiquement de plans d'eau qui se sont progressivement refermés et
qui sont devenus tourbières. Ça fait que le
phénomène a pris peut-être 1 000 ans, c'est sûr que... Combien de temps
qu'ils vont pouvoir l'exploiter? Je
ne le sais pas, je ne suis pas assez spécialisé dans les tourbières ou dans
l'exploitation des terres noires, mais,
à un certain moment donné, s'il y a obligation de retourner en aménagement et
laisser la nature rebâtir la tourbière, bien on a maintenu notre superficie puis on a maintenu une activité
agricole qui de toute manière, quand il arrive au sol argileux, il
arrête, il ne peut plus produire ses brocolis, ses carottes, ses pommes de
salade dans ce type de sol là.
Ça
fait qu'il faut s'adapter, il faut être réaliste. Puis j'ai visité des
exploitations extraordinaires au point de vue production maraîchère, mais je pense qu'il faut exploiter... il faut
l'examiner dans cet angle-là parce que, contrairement à une route ou à un building qui s'installe sur un
milieu humide, une exploitation sensée avec un retour dans la nature, je
crois que ça doit être examiné très sérieusement.
M.
Gaudreault : Justement,
pour faire un petit peu plus de pouce, là, sur ce que vous venez de dire, on a
eu quand même un rapport final très substantiel, là, qui a été
déposé en avril 2013 à l'ancien ministre du Développement
durable, de l'Environnement, de la
Faune et des Parcs, qui est l'Analyse de la situation des milieux humides au
Québec et recommandations à des fins de conservation et de
gestion durable. Vous, vous êtes sur le terrain, vous regardez ça attentivement. Et évidemment ce rapport-là fait
référence à des données, bon, sur une longue période, parce que vous avez
raison que les milieux humides, là, ce n'est
pas une génération spontanée, là, ça ne pousse pas comme ça, là. Donc, quand
même, je vous demande de m'éclairer un peu.
Depuis l'adoption de la loi n° 71 en juin 2012, est-ce que vous avez
constaté, pour cette période-là jusqu'à aujourd'hui, des observations ou des
dégradations peut-être dans un certain nombre de milieux humides et qui
nous forceraient à agir aujourd'hui ou qui renforceraient notre conviction
d'agir plus rapidement?
M.
Filion (Bernard) : La tendance se maintient, les pertes continuent. On
fait de la photo-interprétation depuis... on
a un immense programme dans toute la vallée du Saint-Laurent, puis on a vu les territoires qu'on a cartographiés il y a cinq ans,
qui aujourd'hui ont changé beaucoup. Ils ont été...
M. Gaudreault :
Depuis cinq ans, mettons.
M.
Filion (Bernard) : Oui,
cinq, six ans. Tu sais, on l'a vu, qu'ils ont été changés, il y a eu des développements, il y a eu des ouvertures de
rue. Donc, la tendance lourde est là, pour un ensemble de raisons. Il y a des territoires qui ont probablement... ils ont tous eu, probablement, des
programmes de compensation, parce qu'ils sont obligés, mais, s'ils ont compensé par de l'existant, si on avait, pour
prendre l'exemple de Christian, 100 hectares, on en a développé 25, puis
qu'on a donné le 75, il en manque 25 hectares.
M.
Gaudreault : Donc, considérant ce que vous venez de dire sur
ces modifications sur les cartographies depuis cinq ans, je comprends que vous seriez favorables à un délai plus
rapproché pour la présentation d'une loi finale, là, je dirais, donc,
d'un an, question d'aller plus rapidement pour éviter une dégradation encore
plus accélérée.
M.
Filion (Bernard) : Je pense que la loi actuelle, 71, donne assez de
pouvoir pour exiger des compensations à la restauration puis la création. Mon observation ou expérience dans les
autres provinces : c'est beaucoup de travail, une loi sur les milieux humides, c'est beaucoup de
concertation et c'est beaucoup d'éducation. Il y a un outil présentement
qui est la loi n° 71, qui donne au
ministre la possibilité d'exiger des compensations par restauration ou
création. Donc, il y a un outil, il y
a une possibilité de freiner les pertes, là, le temps qu'on mette en place une
loi solide sur les milieux humides.
Parce
qu'il ne faut pas oublier non plus, là, qu'il y a quand même un... excusez le
terme, mais il y a un «backlog», là, il y a une quantité, là, de
promoteurs qui ont acquis des terres, il y a 10 ans, il y a 20 ans,
sans connaître cette contrainte-là, sans avoir cette contrainte-là. Et ils ont
investi, puis là il faut... Donc, il y a un petit compromis à faire à quelque part à un moment donné, là, dire :
Bon, bien là il y a eu de la bonne foi, puis il y a peut-être de la mauvaise
foi, je ne suis pas capable de vous
trancher entre les deux, là, mais ceux qui ont acquis des terres, hein, il y a
10, 20, 30 ans... Parce que les
promoteurs immobiliers s'acquièrent des bases... des banques de terres pour
pouvoir les développer dans x années.
Et j'ai fréquenté des gros entrepreneurs, à Montréal, en développement
domiciliaire, puis ils achètent des terres pour dans 20 ans, 30 ans, ils savent le nombre de maisons
qu'ils vont construire par année en moyenne, puis ça, c'est pour en 2025. Ces terres-là qui ont des milieux
humides, quand ils les ont acquises, ils ne le savaient pas. Donc, il y a un
travail à faire avec eux. Souvent, ils ne sont même pas rendus là, là,
ils ont ça en banque de terres, de réserve.
Puis
ce que j'ai aussi eu comme expérience avec des promoteurs, c'est qu'ils nous
disaient souvent : Avoir su! Souvent, ils font des phases, une,
deux, trois, quatre, cinq. Les trois premières phases, ça va bien, ils montent
du côté gauche de la propriété. La
phase IV : les milieux humides. Mais toute son infrastructure, ses
tuyaux, toutes ses rues sont orientés
là. Bang! Ça, c'est difficile parce qu'il y a des investissements qui ont été
faits. Ça fait que c'est là qu'il faut aller en amont le plus rapidement possible, travailler avec les gens pour leur
expliquer que c'est des sites qui maintenant ne seront plus construisibles
ou, s'ils le sont, ils devront être compensés. Donc, c'est beaucoup de travail.
Puis le délai, un an,
deux ans, trois ans, là, oui, un an, oui, deux ans, si c'est bien fait, mais on
l'a identifié, M. le ministre l'a identifié
tout à l'heure, nous, là... Mon humeur varie, là, je n'étais pas très de bonne
humeur quand j'ai appris, là... quand
j'ai vu passer que, bon, on retarde d'un autre trois ans, mais ça fait 38 ans
que je suis dans le domaine, là; je vais vous dire que, des délais, j'en ai vu.
Mais la pire des choses, c'est une loi qui ne fonctionnera pas, parce que, là,
avant qu'on soit capable de rouvrir la boîte de vers, là, la canne de vers, là,
puis qu'on puisse retourner pour obtenir quelque chose de solide qui va donner
des vrais résultats sur le terrain... Parce que n'oublions pas que, du
territoire à développer, il n'en reste pas tant que ça.
M. Gaudreault :
Mais après 38 ans je pense que...
M. Filion
(Bernard) : Ah! je suis patient.
M. Gaudreault :
Oui, c'est ça, mais on pourrait faire un geste...
Le Président (M.
Reid) : Merci.
M. Gaudreault :
Bon, voilà. Fin de la citation.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer
maintenant au député de Groulx au nom du deuxième groupe d'opposition.
M.
Surprenant : M. le Président, merci. M. Filion, bonjour. Alors,
vous avez fait état que des écosystèmes... les milieux humides sont menacés. Effectivement, on en est bien conscients.
Et puis ma préoccupation, maintenant, est due entre autres à l'industrialisation, au développement qui se fait, et là
on a un programme majeur qui nous est annoncé qui est le Plan Nord, alors on va aller vers des
régions qui étaient moins développées. Et puis donc comment vous voyez le
Plan Nord versus la protection des milieux humides? Est-ce que vous sentez
qu'il y a des garanties qui sont offertes? Est-ce qu'on
accentue le risque, finalement, de perte de ces milieux humides là? Comment
vous voyez le Plan Nord s'inscrire dans tout ça, là?
• (11 h 10) •
M. Filion
(Bernard) : Bon, vous abordez une situation drôlement intéressante, à savoir qu'on parle beaucoup de
perte de milieux humides majeurs, on parle de la vallée du Saint-Laurent, les
zones urbaines, industrialisées, des pertes majeures ont eu lieu là. C'est sûr que, quand on lève la tête un peu,
là, sur la Côte-Nord puis l'Abitibi, les milieux humides, il y en a beaucoup, il y a des
territoires que c'est 50 % qui sont en milieux humides. Donc, les probabilités qu'un développement dans le Nord affecte des milieux
humides, bien c'est énorme, énorme, que ce soit pour un barrage, pour
une mine ou d'autres, et c'est pour ça qu'une loi, c'est important pour normer
cette démarche-là.
Mais, dans le
Nord, le défi, c'est : Comment qu'on compense? Est-ce qu'on va, en
Abitibi, détruire un étang de castor
pour bâtir un barrage? Non. Donc, il y a une logique. Mais ce qu'on sait, par
exemple, c'est que les profits générés par
les installations nordiques d'Hydro-Québec servent aux Québécois, les profits
s'en viennent au ministère des Finances, l'électricité s'en vient au Québec et continue de plus en plus vers le
Vermont, apparemment hier. Cependant, donc, il va falloir peut-être que ces infrastructures-là qui
ont des impacts importants, qui peuvent avoir des impacts importants sur
les milieux humides... Nous, on est pour une
approche modulée, à savoir que, oui, il y a les communautés locales là-bas
qui veulent profiter des montants de
compensation, mais on en a besoin dans le sud, et l'électricité produite dans
le nord est achetée par le Sud, donc
de faire voyager les dollars de perte d'habitats de qualité vers des régions
qu'on est en déficit au point de vue
habitats, pour nous, c'est quelque chose qui devrait être examiné sérieusement.
Ceux qui ont été responsables d'écrire
l'impact cumulatif des projets de la Baie James, une de leurs recommandations,
dans le rapport, c'était de ne pas tenter
de compenser localement dans le nord, parce que ce sont d'autres habitats
naturels qui vont être affectés, donc ce n'est pas logique. Les besoins sont dans le sud. Comme l'électricité,
les besoins sont dans le sud. Donc, il faut faire voyager les dollars
aussi.
Mais on ne
serait pas de l'option de dire : Parce qu'il y en a beaucoup, il n'y a pas
de compensation. Non. Il y en avait beaucoup il y a 350 ans dans la
vallée du Saint-Laurent.
M. Surprenant : Merci.
Le Président (M. Reid) : Oui,
M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Bonjour, messieurs. Vous avez beaucoup abordé la
question du pouvoir du ministre de mettre en place des mesures de compensation, dans le cadre du certificat
d'autorisation, qui peuvent être exigées en vertu de la loi actuelle puis la loi qu'on prolonge pour une
période de trois années. Vous avez dit aussi que, depuis les cinq dernières
années, vos relevés cartographiques démontraient, bon, une perte à plusieurs
endroits.
Comment
fait-on pour exiger davantage, durant ce régime transitoire là, du fait que...
si la loi était adoptée avec une
échéance de trois ans? C'est un rôle de leadership du ministre qui doit être
mis en place pour s'assurer, durant une autre période probatoire de
trois ans...
M. Filion
(Bernard) : La question est bonne. Est-ce que je peux dire
«leadership»? Je ne le sais pas. Mais ce que je peux dire, c'est qu'il faut appliquer ce que... Le ministre, le
ministère de l'Environnement a, avec la loi n° 71, la possibilité
de demander des compensations, c'est ce que
la loi, entre autres... et en restauration puis en protection. Cependant, quand
on regarde les guides d'analyse des
analystes, on se rend compte qu'une compensation associée à une restauration il
faut que ce soit tout de suite sur le
site mais qu'une compensation qui serait un terrain déjà existant, ça
peut être dans un corridor, ça peut être
ailleurs. Donc, je ne sais pas si c'est intentionnel dans la rédaction de cette
directive-là, mais on sent une
contrainte majeure pour restaurer ou créer, il y a une exigence d'être très
près de l'impact, mais, quand on veut protéger l'existant, woups! il y a
comme une facilité. Et c'est pour ça qu'on dit qu'on s'appauvrit et c'est pour ça qu'on dit que peut-être il y aurait une
possibilité, au niveau ministériel, d'ouvrir ou d'aider à freiner le
bilan négatif.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Vous avez abordé la question des zones de
compensation qui ne doivent pas être limitées uniquement aux municipalités, aux territoires d'une municipalité, voire
même élargir à une MRC, le ministre l'évoquait aussi. Pour la question du fonds que vous souhaitez voir la création,
pouvez-vous nous en dire davantage sur votre perception, comment vous
voudriez que ça soit géré?
M. Filion
(Bernard) : Bien, le fonds, M. le ministre, tout à l'heure, posait la
question. Nous, je pense que c'est un fonds qui devrait être du budget
provincial carrément, là. On parle de 25 millions par année sur
20 ans, c'est un demi-milliard. C'est
énorme et c'est peu si on regarde toute l'ampleur dans la vallée du
Saint-Laurent. Et c'est un programme essentiellement
axé pour la récupération de pertes passées, donc vraiment un programme de
restauration, de création de milieux humides pour rebâtir des paysages.
Donc, on le voit vraiment... Mais il faut l'articuler, mais la vallée du Saint-Laurent, c'est grand, et il y a des besoins,
le lac Saint-Pierre a des besoins énormes. Donc, ça peut être aller acquérir
certains sites stratégiques, comme on
parlait tout à l'heure, qu'il y a des activités qui ont des impacts récurrents
qui... C'est à développer, mais on sent qu'il y a un besoin clair
d'avoir une capacité d'intervenir sur le territoire. Puis, pour nous, 25 millions
par année, ce n'est pas une somme si astronomique que ça pour un immense territoire
qu'est la vallée du Saint-Laurent.
Le Président (M. Reid) : Rapidement.
Quelques secondes.
M.
Jolin-Barrette : Vous avez beaucoup
parlé du report de la loi mais aussi du travail en amont qui doit être
effectué.
Le Président (M. Reid) : Rapidement.
M. Jolin-Barrette : Donc, le travail
en amont, comment on fait pour sensibiliser concrètement les différents
milieux, que ce soit au niveau agricole, forestier?
M. Filion
(Bernard) : Tout à l'heure, on a abordé avec Christian la notion de consultation sectorielle. Maintenant, il faut faire de
l'intersectoriel. Il faut asseoir les acteurs, qu'on puisse échanger nos
perceptions, nos appréhensions. Que ce soit le monde agricole, le monde
industriel, moi, je parle à tous les groupes puis je comprends... On a
rencontré les forestiers, on s'est assez
bien compris sur leurs problématiques
puis comment que nous, on voyait cette démarche-là. Je suis agronome. Le monde agricole, j'ai une petite
idée, j'origine d'une ferme, donc... Puis, l'industrie, j'ai travaillé dans la
région de Montréal...
Le Président (M. Reid) :
Merci. Merci, M. Filion, M. Daigle. Merci de votre présentation.
Je suspends les travaux pour quelques instants,
le temps de laisser nos prochains invités prendre place.
(Suspension à 11 h 16)
(Reprise à 11 h 18)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mégantic... Il ne m'a pas entendu.
Alors, nous
recevons maintenant les représentants du Regroupement des organismes
de bassins versants du Québec. Alors,
vous avez 10 minutes pour faire une présentation, je vous demanderais de
commencer par vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne, et par la suite nous aurons un échange
avec les membres de la commission. Alors, à vous la parole.
Regroupement des organismes
de bassins
versants du Québec (ROBVQ)
M. Raîche
(Jean-Paul) : Alors,
Jean-Paul Raîche, je suis le premier vice-président du Regroupement des organismes de bassins versants du Québec.
Je suis aussi le président du COGESAF, l'organisme de bassin versant de la
Saint-François. Et, s'il y a
des questions sur les changements
climatiques, je suis membre aussi de
l'équipe d'Ouranos, en ce qui concerne les changements climatiques.
• (11 h 20) •
M.
Verville (Antoine) :
Bonjour. Je suis Antoine Verville, directeur général adjoint du Regroupement
des organismes de bassins versants du
Québec. Donc, M. le Président, Mmes,
MM. les membres de la commission,
merci de nous recevoir dans le cadre de cette commission sur le projet
de loi n° 32.
Les organismes de bassin versant, vous le savez
sans doute, et le ROBVQ sont les partenaires privilégiés du gouvernement du Québec pour l'implantation de la gestion intégrée de
l'eau par bassin versant. En vertu de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et
visant à renforcer leur protection, les OBV ont pour mission d'élaborer et
d'assurer le suivi de la mise en oeuvre de
plans directeurs de l'eau. Ils doivent faire ça en collaboration avec les
acteurs des secteurs économique,
municipal, gouvernemental, les Premières
Nations, le secteur communautaire. Donc, au total, au sein des OBV, c'est à peu près 900 acteurs de
l'eau qui sont impliqués dans les processus d'élaboration des PDE. Évidemment,
la conservation et l'utilisation durable des milieux humides et hydriques est
un sujet qui préoccupe l'ensemble des 40 organismes
de bassin versant, puis ça apparaît d'ailleurs de façon très fréquente, là,
dans les priorités des plans directeurs de l'eau qui ont été faits.
Il y a
quelques années, Environnement Canada, dans sa publication Quand l'habitat
est-il suffisant?, affirmait que
10 % des milieux humides de chaque bassin hydrographique majeur ou encore
40 % de la couverture historique des milieux humides devraient être protégés ou revalorisés. Pourtant, quand
on regarde les plans directeurs de l'eau, on se rend compte que plusieurs bassins québécois comptent moins de 2 %
de superficie en milieux humides à ce jour. Donc, c'est une situation qui
est préoccupante puisqu'en plus de toutes les fonctions écosystémiques qui ont
été abordées par Canards illimités
les milieux humides ont aussi des valeurs hydrologiques :
recharge des nappes phréatiques, contrôle des inondations, atténuation des périodes de sécheresse. Donc, c'est des
fonctions qui sont indispensables et qui ont une valeur réelle en gestion de l'eau. Donc, pour les organismes de bassin
versant, il importe de connaître les milieux humides, de les conserver
et d'en faire une utilisation durable pour maintenir ces fonctions.
Face à l'enjeu de taille de la conservation des
milieux humides, le ROBVQ a travaillé avec ses membres, les organismes de bassin versant, et ses partenaires à
faire des propositions concrètes en matière de conservation et d'utilisation
durable des milieux humides. Nous avons
aussi tenu un forum sur les milieux
humides en décembre dernier pour
entendre les acteurs des différents
secteurs d'activité, et tous ont affirmé, sans exception, être en faveur de
l'adoption d'une loi venant clarifier
le processus d'autorisation et permettant de conserver les fonctions des
milieux humides pour les générations futures.
Donc, le ROBVQ, en fait,
face au projet de loi qui est à l'étude aujourd'hui, s'inquiète d'un report
d'encore trois ans de l'adoption d'une loi
qui est essentielle pour la conservation et l'utilisation durable des milieux humides, des écosystèmes qui sont
pourtant essentiels, indispensables à notre société. Pour nous, pour le ROBVQ,
le report de cette échéance va
permettre d'autoriser de nouveaux projets sous le régime actuel d'autorisation
pendant encore trois ans et ainsi
contribuer aux pertes et aux perturbations de milieux humides sans
compensation adéquate. Nous sommes donc d'avis que la date d'échéance d'avril 2018 devrait être revue pour avril 2016.
Une année supplémentaire pour compléter les travaux amorcés est, à notre avis, suffisant. Les acteurs
ont déjà été consultés, mobilisés, il
y a deux rapports qui ont été
commandés, qui ont été cités
régulièrement par les intervenants précédents, au CSBQ, il y a
un forum sur les milieux humides qui a été tenu à l'échelle provinciale pour amorcer un dialogue intersectoriel, il y a
des actes de ce forum-là qui ont été produits, qui établissent les grandes idées qui en ressortent, puis ces actes-là
ont été publiés et transmis au gouvernement
du Québec, et enfin il y a
des travaux aussi de rédaction de projet
de loi qui ont été amorcés par les
employés de la fonction publique. C'est pourquoi, je le rappelle, pour
nous, un délai supplémentaire de trois ans nous semble trop long.
Ceci étant
dit, nous sommes d'avis que le report de la date d'échéance ne devrait pas être
une raison pour repousser l'adoption
de bonnes pratiques en matière d'autorisation et d'utilisation durable des milieux humides. Des actions peuvent être
entreprises dès maintenant par l'État et les acteurs de l'eau, et ce, en
vertu des lois qui existent, loi n° 71, Loi sur la qualité de l'environnement
aussi.
Donc, je vous
présente les principaux travaux qui, selon nous, devraient être amorcés dès aujourd'hui afin que la loi puisse être pleinement et rapidement effective
lors de son adoption.
D'abord, il
faut uniformiser le processus d'autorisation entre les différentes régions. Les
promoteurs de projets sont actuellement dans l'incapacité de savoir
quelle durée va prendre le processus d'autorisation et quelles seront les conditions exigées, puisque cela varie d'une
région à l'autre. Nous proposons donc l'uniformisation de ce processus pour
assurer l'efficacité pour la conservation des milieux humides, d'une part,
mais aussi la prévisibilité pour les promoteurs, d'autre part. Certains
outils existent déjà en la matière, dont le guide d'identification et de délimitation
des milieux humides du Québec méridional. Donc, on ne part pas de zéro.
Ensuite,
nous vous proposons d'amorcer dès maintenant les travaux pour mettre sur pied une banque de
compensation permettant de réaliser des compensations efficaces et
faisant l'objet d'un suivi d'efficacité.
Notre
troisième proposition est de mandater Canards illimités Canada pour compléter
la cartographie détaillée des milieux humides en collaboration avec les
acteurs régionaux, dont les instances municipales, évidemment, et les organismes de bassin versant. Les informations
contenues dans la cartographie détaillée sont nécessaires à une prise de
décision en matière de conservation et
d'utilisation durable des milieux
humides. C'est déjà fait dans
plusieurs régions, mais il reste encore des territoires à couvrir.
Ensuite, nous proposons aussi de mettre en place
des comités de concertation régionaux ayant pour mandat d'identifier les meilleurs lieux de compensation de même que les sites
potentiels pour la restauration ou la création de milieux humides.
En outre,
le rapport du Centre de la science de la biodiversité du Québec réalisé par
Stéphanie Pellerin et Monique Poulin mentionnait que les activités
agricoles et sylvicoles sont presque absentes des certificats d'autorisation
analysés, deux secteurs d'activité pourtant
assujettis à l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Ces deux secteurs d'activité se sont révélés être les deux
sources les plus importantes de perturbation de milieu humide, selon l'analyse cartographique des perturbations, totalisant
69,7 % des perturbations pour la période étudiée dans le rapport. Cette
situation nous semble préoccupante,
et il importe d'y remédier sans attendre une nouvelle loi. Nous proposons
d'abord de clarifier le processus
d'autorisation pour les interventions dans ces deux secteurs, puis d'augmenter
les contrôles et vérifications sur le
terrain. Il y a aussi une idée qui a été soulevée dans nos
exercices de concertation qui est de proposer des bonnes pratiques à imposer à certains secteurs
d'activité, comme le secteur forestier par
exemple, lorsqu'ils interviennent dans des milieux humides. Donc, cette pratique-là
permettrait de simplifier le processus d'autorisation, puisqu'on saurait dès le
départ quelles sont les pratiques
imposables, puis d'augmenter les résultats en matière de conservation des
milieux humides.
Nous tenons
par ailleurs à rappeler certains principes — qui ont été évoqués par les intervenants
précédents — qui,
selon nous, devraient guider toutes les
actions en matière de conservation, d'utilisation et d'autorisation en milieu
humide.
Le premier principe : aucune perte de milieux humides
d'intérêt. Ce principe nécessite l'identification de milieux humides d'intérêt par les intervenants du
territoire avec une méthodologie qui est fiable et uniforme, considérant
notamment les valeurs écologiques des
milieux humides, les valeurs sociales, paysagères et hydrologiques, évidemment.
Ces travaux d'identification des milieux humides d'intérêt peuvent être
amorcés dès maintenant, sans attendre une loi ou la date d'échéance.
Le deuxième principe, c'est le principe d'aucune
perte nette de milieux humides. Ce principe suppose que la séquence
d'atténuation éviter, minimiser et compenser soit appliquée adéquatement et
uniformément à l'échelle de la province.
D'abord, on évite les projets en milieu humide. S'ils sont indispensables, on
atténue leur impact. Finalement, on compense les pertes et perturbations
par la restauration ou la création de milieux.
Les
compensations par la conservation de milieux existants mènent encore à une
perte de 50 % de milieux à ce jour.
Cette situation devrait être rectifiée dès maintenant, et ce, sans attendre,
encore une fois, une loi complète sur les milieux humides ou la réforme de la LQE, puisque le ministre est déjà en
mesure d'exiger une compensation en vertu de la présente Loi sur les
mesures de compensation.
Le prochain
principe, c'est celui des gains nets. Certains bassins ou régions sont en
déficit flagrant de milieux humides.
On peut penser à certains secteurs de la Montérégie, tel que ça a été démontré
lors d'un forum sur les milieux humides
en Montérégie il y a quelques semaines. Il faut, dans ces bassins, créer ou
restaurer les milieux et ainsi rétablir les fonctions écologiques et hydrologiques. Pour ce faire, nous
proposons la mise en place d'un fonds de restauration. Nous croyons aussi que
des dédommagements aux propriétaires, notamment en milieu agricole et
forestier, devront être envisagés et que les travaux à cet effet
devraient être amorcés dès maintenant.
Je termine en
mentionnant que toutes les actions proposées aujourd'hui ne pourront pas être
réalisées sans le support de tous les
intervenants en région. Nous proposons donc que des comités de concertation
spécifiques aux enjeux des milieux
humides soient mis en place à l'échelle des zones de gestion intégrée de l'eau.
Ces comités de concertation pourraient
appuyer le gouvernement du Québec dans l'élaboration de la loi sur la conservation
et l'utilisation durable des milieux
humides et permettre une application plus facile et efficace dès son entrée en
vigueur, de la loi. Les comités de concertation
auraient pour mandat de coordonner l'acquisition de connaissances et la cartographie
des milieux humides et hydriques,
l'identification des milieux humides et hydriques d'intérêt, l'identification
des sites potentiels de création et
de restauration et la mise en oeuvre d'un programme de création, de
restauration, de réhabilitation et de mise en valeur des milieux humides à l'échelle du bassin versant.
Ils pourraient aussi collaborer ou participer à certaines initiatives dont la coordination
est plus d'échelle provinciale, par exemple la création et la gestion d'une
banque de compensation, le suivi des projets
de compensation, le suivi des pertes et des gains en milieu humide et hydrique
ou le suivi des projets de mise en valeur et le respect des objectifs
initiaux de conservation. Évidemment, forts de leurs nombreuses années d'expérience en matière de concertation sur l'eau,
les organismes de bassin versant du Québec sont prêts à collaborer à la
mise en place de ce type de comité de concertation.
Je
termine en... Je vois que ça vous a été distribué, là, mais on a déposé hier
notre position qui a été élaborée avec les organismes de bassin versant
sur ce que seraient leurs souhaits, finalement, pour une loi complète sur la
conservation et l'utilisation durable des milieux humides. Donc, je vois que
vous l'avez, vous pourrez en prendre connaissance, puis on est disposés à
répondre aux questions. Donc, nous vous remercions de votre attention, M. le
Président et membres de la commission.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Merci de votre présentation.
Alors, nous passons à la période d'échange, et je donne la parole au
ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Verville,
M. Raîche. Merci beaucoup pour votre présentation ainsi que pour vos documents et, dans l'ensemble,
votre contribution à toute la question des milieux humide puis tout ce
que vous faites, là, c'est un travail exceptionnel.
J'aimerais
ça qu'on aille un peu plus loin sur l'idée, là... votre dernière idée que vous
avez mentionnée sur les comités de
concertation, si on pouvait approfondir. Peut-être commencer sur qui vous
verriez sur ces comités-là, comment... Et ce serait quoi, la relation de
ces comités-là avec une éventuelle loi sur les milieux humides?
M.
Raîche (Jean-Paul) : Si je peux me permettre, oui, vous savez que les
organismes de bassin versant travaillent sur un territoire relativement
grand, mais ils travaillent aussi souvent en divisant leurs territoires en
organismes de sous-bassin, si je peux parler ainsi. Et, sur un organisme de
bassin versant, on retrouve l'ensemble des acteurs du territoire, et je pense que, sur les comités de concertation en
question, il faudrait que ce soit aussi l'ensemble des acteurs, c'est-à-dire autant les agriculteurs, le secteur
municipal, etc. Donc, quand on parle de comités de concertation, c'est dans la
même logique que la logique des organismes de bassin versant actuellement.
M. Heurtel :
O.K.
M. Verville
(Antoine) : Puis, si je peux compléter...
M. Heurtel :
Oui, oui. Bien sûr, bien sûr.
M.
Verville (Antoine) : ...on travaille en fait avec l'idée de
représentation équilibrée, en ce moment. C'est-à-dire que d'une région à l'autre ce n'est pas
nécessairement les mêmes intervenants qui sont là. Dans le Bas-du-Fleuve, par
exemple, évidemment, il y aura sûrement les producteurs de tourbe qui devraient
être autour de ce type de table de concertation.
Dans une autre région, Abitibi, par exemple, ce sera différent. Mais
l'important, c'est que les acteurs clés s'y retrouvent, puis c'est un peu ces acteurs-là qu'on a sollicités dans
le cadre de notre forum sur les milieux humides en décembre, donc le milieu agricole, le milieu forestier, le milieu
municipal, le secteur de la conservation, le milieu minier si ça s'applique.
M.
Heurtel : Donc, dépendant de la région, il faudrait que les comités
aient une représentation qui est adaptée à la réalité de chaque région,
c'est ça que je comprends.
Une voix :
Tout à fait.
• (11 h 30) •
M.
Heurtel : Bon. Et l'autre partie de ma question : Ces comités de
concertation là, par rapport à une loi sur les milieux humides, là... Parce qu'on va y arriver. Notre objectif, c'est
d'y arriver, puis c'est d'arriver avec la bonne loi. Cette éventuelle
loi, ce serait quoi, le rôle, avez-vous réfléchi, là, exactement?
Bon, ce comité, évidemment, fait de la concertation, j'imagine, il y a des recommandations ou... Comment on intègre le rôle de ces comités-là à une décision, par exemple, sur un cas spécifique, là, de compensation?
M.
Verville (Antoine) : Bien,
en fait, ces comités-là, pour nous... Les organismes de bassin versant, par exemple, dans l'état actuel, sont reconnus dans une loi mais ne vont pas enlever
de pouvoir ou de compétence à quelque acteur sur le territoire,
ils sont vraiment là pour jouer un rôle d'autonomisation,
d'accompagnement, amener une expertise. On voit un peu le même type de
dynamique. C'est-à-dire que les instances municipales ont déjà les compétences en
matière d'aménagement du territoire, bon,
évidemment, les agriculteurs font l'agriculture; les comités de concertation
n'iront pas faire ça.
Dans ce qui
va être inclus dans une loi, par exemple, si on dit qu'il va falloir faire de
la compensation par de la création ou
de la restauration, bien il va falloir que ces sites-là de restauration ou de
création soient identifiés préalablement. Donc, ce n'est pas une personne seule qui peut faire ça. Ça va prendre
la contribution, entre autres, du secteur agricole et forestier, puisque les lieux de compensation
risquent de se retrouver sur ce type de territoire. Donc, vraiment, la table
de concertation, son rôle, c'est de réunir
tout le monde, de mettre les forces de chacun en commun, d'amener aussi cette
vision-là, vous en parliez tout à l'heure,
qui n'est pas nécessairement à l'échelle de la municipalité ou de la MRC, qui
est, pour nous, à l'échelle, évidemment, du
bassin versant, qui est l'unité naturelle, là, d'écoulement des eaux. Donc,
c'est vraiment plus un rôle d'accompagnement,
de concertation et de faciliter, finalement, la mise en oeuvre de certains
aspects de la loi et de sa mise en oeuvre, entre autres par
l'identification des lieux de compensation et de restauration.
M.
Heurtel : Parfait. Sur ce dernier point, je crois que c'est
important, et vous avez l'expertise pour l'expliquer... c'est
important de bien comprendre qu'un milieu humide ne doit pas juste être regardé
en fonction simplement de ce milieu-là, il
faut avoir une vision beaucoup plus globale et comprendre l'impact, si on
touche à un milieu humide, quel sera
l'impact, justement, sur le bassin versant. Peut-être prendre l'opportunité,
là, de bien clarifier, d'expliquer la relation qu'un milieu humide peut avoir avec un bassin versant puis c'est quoi,
un bassin versant vraiment, là, tu sais, puis d'en profiter... Puis je
crois qu'il y a un exercice de pédagogie qui est important à faire là-dessus.
M. Raîche (Jean-Paul) : Vous avez
parfaitement raison. Si je prends, par exemple... Je vais prendre un cas concret. Il y a des inondations à Sherbrooke puis
il y a des inondations à Weedon, puis donc nous, on travaille actuellement
sur le territoire pour voir qu'est-ce qu'on
pourrait faire sur l'ensemble du bassin versant de la Saumon pour qu'il n'y ait
plus d'inondation. Par conséquent, si on
veut intervenir sur l'ensemble du bassin, il faut prendre en considération
l'ensemble des activités mais aussi, évidemment, la présence de milieux
qui permettraient de retenir l'eau. Et donc les milieux humides jouent un rôle important, mais pas juste les milieux humides,
les forêts jouent un rôle aussi dans la rétention, et, à ce moment-là,
il faut voir avec les différents acteurs du territoire qu'est-ce qu'on peut
faire.
Ça fait que
c'est dans ce contexte-là que, sur ce territoire-là, il y a plus qu'une
municipalité, il y a plus d'intervenants que simplement dans un milieu
agricole ou forestier, et donc il faut travailler avec l'ensemble. C'est ce
qu'on fait. Et effectivement on a même convaincu
la ville de Sherbrooke de s'intéresser au bassin de la Saumon, qui est très,
très loin, pour éviter les coûts que
représentent, évidemment, les inondations sur ce territoire-là. C'est comme ça
qu'on travaille, les organismes de bassin versant.
Et en plus de ça vous avez autour de la table
ici quelqu'un qui connaît très bien la question que je soulève, M. Bolduc, parce qu'il est de Mégantic, et on
a travaillé ensemble sur certains cas semblables. Alors, je m'excuse de faire
référence directement à M. Bolduc, mais c'est simplement dans un contexte
où on doit intervenir sur l'ensemble. Et peut-être
qu'on pourrait compenser un milieu humide utilisé à Sherbrooke sur le
territoire de la Saumon, parce que ça aurait des impacts potentiels à
Sherbrooke même.
M.
Heurtel : Donc, il faut avoir une vision beaucoup plus large de...
Quand on regarde les questions de milieux humides, il faut vraiment regarder l'ensemble du territoire, puis ça
peut dépasser des limites municipales, ça peut même dépasser des limites
de MRC, ça peut aller plus loin que ça.
M.
Verville (Antoine) : Ça peut même dépasser des limites nationales, là.
Quand on regarde un cas comme les inondations
qu'il y a eu sur la rivière Richelieu, bien c'est la neige qui a fondu en amont
aux États-Unis qui a créé les inondations, donc...
M. Heurtel : Bien oui, c'est ça.
Puis ça peut se rendre jusqu'aux Grands Lacs aussi.
Alors, si on
regarde cette question-là de cet angle plus précis... Puis j'ai vu,
M. Raîche, vous avez été très assidu, vous avez assisté hier également aux présentations des autres groupes,
je salue, justement, votre implication sur la question. Donc, vous avez
entendu, bon, certains groupes, bon, l'UPA, par exemple. Donc, j'entends bien,
je reçois bien votre recommandation sur les
tables de concertation, mais sur, par exemple, l'implication municipale,
l'implication du monde agricole, vous
avez entendu ce qui s'est dit hier. J'aimerais bien avoir votre point de vue
sur comment on intègre... Parce que,
bon, le monde municipal
est aux prises avec certaines pressions, il y a le monde agricole qui a
aussi des problématiques que vous
avez entendues hier, on ne l'a pas entendu spécifiquement, mais il y a,
bon, le monde des forêts aussi qui est impliqué, puis là l'objectif aussi
de prendre le temps qu'on veut se donner, c'est d'être capables de bien
intégrer ces préoccupations-là, faire une forme de concertation aussi avec
ces milieux-là. Alors, j'aimerais ça vous entendre. Comment vous voyez
ces trois dynamiques-là, là, dans un éventuel régime?
M. Raîche
(Jean-Paul) : Bien, vous
savez, il y a deux types d'intégration. Il y a de
l'intégration qui relève du Québec, et donc c'est là que rentre en... où il y a
un rôle à jouer, évidemment, par le ministère au
niveau de la loi, mais il y a
aussi de l'intégration qui se fait au niveau des... Parce que, comme vous avez
dit hier, il faut ne pas faire du mur-à-mur,
et donc il y a de l'intégration qui se fait au niveau
régional et au niveau du bassin
versant avec les intervenants du milieu.
Mais
j'aimerais dire que la principale question qu'on a aujourd'hui, ce n'est pas...
Nous, on parle de ce qu'on aimerait avoir
dans la loi, mais je suis convaincu qu'autour de la table aujourd'hui tout le
monde est d'accord pour dire qu'on doit protéger les milieux humides, je
pense qu'on s'entend tous là-dessus. La véritable question, c'est : Est-ce
qu'il y a urgence à le faire et est-ce qu'on
doit le faire dans la prochaine année? Je pense que c'est ça, la véritable
question. Puis nous, on dit : On
devrait le faire parce qu'on a déjà travaillé avec l'ensemble des acteurs. Vous
savez, on a des ententes qu'on a avec
la FQM, l'UMQ. On travaille encore pour avoir d'autres ententes, on travaille
actuellement à une entente avec
l'UPA. Donc, il y a des choses qui se passent au niveau des grandes
institutions, mais il y a aussi du travail qui se fait aux niveaux local et régional, et là la
concertation est souvent beaucoup plus aux niveaux local et régional, c'est
sûr.
M.
Verville (Antoine) : Aux niveaux local et régional, ça fonctionne
assez bien aussi, puis on a des exemples récents. Par exemple, l'organisme de bassin versant sur la rivière du
Nord, qui s'appelle Abrinord, a travaillé avec Canards illimités à
mobiliser l'ensemble des municipalités de son territoire pour faire une
cartographie détaillée des milieux humides,
les instances municipales ont très, très bien collaboré. Il faut dire qu'il y a
un historique de collaboration entre les
acteurs, là, au niveau régional qui est établi depuis la mise en place des
organismes de bassin versant, en 2002, et même avant, il y en a qui travaillent depuis près de 40 ans maintenant à
la concertation entre les acteurs sur le territoire. Donc, régionalement, il y a déjà des dynamiques qui
existent de collaboration entre le municipal, l'agricole, évidemment les
organismes de bassin versant, là, le
forestier, donc il ne faut pas négliger ça. C'est sûr que, quand on remonte à
l'échelle provinciale, bien il y a
des enjeux qui sont différents aussi, puis l'exercice est nécessaire, mais, sur
le plan régional, je pense qu'il faut le dire, là, la concertation
existe déjà.
Nous,
on propose qu'il y en ait une qui se fasse spécifiquement sur les milieux
humides parce que c'est un sujet qui
a une importance très particulière. Dans le contexte actuel puis dans les
limites de l'aménagement du territoire, bien il y a un réel enjeu de
concertation aussi pour voir comment on peut arriver à planifier la
conservation des milieux humides dans un
schéma d'aménagement et concilier ça avec le maintien des superficies
agricoles, augmenter le nombre de
superficies boisées, réduire l'étalement urbain. Donc, il y a plusieurs enjeux,
là, pour le secteur municipal, mais je pense qu'on est bien outillés au
plan régional.
Le Président (M.
Reid) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, M. le Président. M. Raîche, j'ai une question,
vous avez une rare opportunité pour nous parler un petit peu, aujourd'hui, du nombre d'intervenants puis de la beauté,
si on veut, de la concertation de certains organismes de bassin versant. Combien on a de gens, par
exemple, d'impliqués dans le COGESAF que vous parliez un peu plus tôt, d'intervenants? Non, mais pour nous donner une
échelle de ce niveau de concertation là pour le ministre, pour voir un des
40 bassins versants avec les comités
locaux de bassin versant, les sous-versants qu'on a développés, etc. Combien il
y a de monde d'impliqué dans le
social sur cette dimension-là que vous intégrez quand vous venez nous parler de
votre débat, là?
M.
Raîche (Jean-Paul) : Merci de la question, M. Bolduc. Je dirais
d'abord qu'un organisme de bassin versant, c'est structuré de manière à avoir la majorité des acteurs, mais ça
reste... On a un territoire de 12 000 kilomètres carrés avec un 15 % américain, du côté de mon
organisme à moi, vous comprendrez que ça fait beaucoup d'acteurs. Il y a 100 quelques municipalités, il y a
12 MRC, il y a beaucoup d'associations forestières, de... Alors, notre
façon de procéder, nous, qui n'est
pas la même partout, en passant, notre façon à nous, ça a été de dire : On
a un organisme qui est un peu bassin
versant, mais ça prend aussi des organismes sur des territoires très précis
pour rejoindre ces acteurs-là. Alors, je ne pourrais pas vous dire le nombre, mais, au niveau de l'OBV, c'est une
quarantaine de personnes de tous les secteurs, et, au niveau des comités de bassin, nous en avons 24,
c'est quand même énorme. Et on invite, à ce moment-là, l'ensemble des acteurs du territoire selon le sujet. Par
conséquent, toutes les MRC sont invitées, les associations forestières; s'il y
a des terrains de golf, aussi. Vous
comprenez, c'est énormément d'acteurs, et donc la concertation se fait avec
tous ces gens-là. Et d'ailleurs, au
niveau... Le COGESAF a même organisé une rencontre avec les forestiers pour
savoir ce qu'ils pensaient par rapport, justement, à une future loi, et
on a eu des bons échanges, je pense. C'est dans ce contexte-là que nous travaillons. Mais je ne pourrais pas vous dire le
nombre total, mais c'est énorme, là, la quantité de gens qu'on doit rencontrer.
M. Bolduc :
Des centaines.
M. Raîche
(Jean-Paul) : C'est des centaines.
• (11 h 40) •
M.
Verville (Antoine) : D'un point de vue statistique, c'est 900 acteurs de l'eau qui siègent
formellement à la table de
concertation des organismes de bassin versant. Donc, ça, c'est ceux qui sont là
de façon formelle. Après, il y a tous ceux qui sont là dans des projets
particuliers ou des exercices de concertation plus particuliers, là.
Le Président (M.
Reid) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, M. le Président. M. Raîche, j'aimerais aussi vous entendre
sur un sujet qu'on a parlé beaucoup
depuis plusieurs années puis qui prend de
plus en plus d'importance, c'est la relation entre les milieux humides, qui est
l'objectif de cette commission-là, et l'hydrogéologie. Quel est l'état de la chose dans son contexte comme vous
l'apercevez aujourd'hui? Une petite question.
M.
Raîche (Jean-Paul) : Ça
dépend des bassins versants, ça dépend des bassins versants. C'est sûr que, si
on était sur la Yamaska, je vous
dirais : C'est très, très problématique. Si on regarde au niveau de
certains bassins versants, actuellement, quand on sait que les milieux humides jouent un
rôle énorme par rapport aux recharges, aux eaux souterraines... Et, en passant, je suis codirecteur du Réseau québécois
des eaux souterraines, vous allez me dire que je porte plusieurs
chapeaux. Et, à ce niveau-là, il faut
s'attendre, avec les changements climatiques, qu'on soit dans un contexte
particulier. Je pourrais vous parler
même de l'hiver qu'on est en train de vivre, là, puis je pourrais vous dire
qu'on va être en contexte particulier avec cet hiver-là pour la
recharge.
Il y a
ensuite, évidemment, toute la gestion des eaux sur un bassin pour les
inondations, ça joue un rôle incroyable, mais généralement, lorsqu'on parle des milieux humides, on ne
travaille pas... on n'en parle pas beaucoup au niveau de la gestion de l'eau. On a eu des rencontres avec des ministres,
on a eu des rencontres avec plusieurs personnes, puis généralement on va parler de la rainette faux-grillon, là, on va parler, donc, de la
biodiversité, mais c'est très, très rare... Alors, c'est pour ça que, nous, l'important, on l'a mentionné, sur un
bassin versant, c'est parfois 70 %
forestier, privé, d'ailleurs, dans notre secteur, et c'est plus que
20 % parfois aussi, dépendant de notre territoire, dépendant du bassin versant, agricole, et ce sont les milieux humides qui
sont les plus importants pour la gestion de l'eau puis pour les recharges,
mais on en parle surtout en milieu habité...
c'est-à-dire en milieu urbain, plutôt. Alors, dans ce contexte-là, on
dit : Oui, il doit y avoir un travail énorme de fait de sensibilisation,
et c'est pour ça qu'on parle de certificats d'autorisation en milieu agricole
en particulier.
Et je
reviendrais — je
m'excuse si je suis un peu long — je reviendrais sur ce qu'a dit hier
M. Groleau. Il disait : En
général, les milieux humides, là, à part les trois secteurs qu'il a mentionnés,
forêt, terres noires et... terres noires pour le maraîcher puis aussi pour les canneberges, il disait : En dehors de
ça, il n'y a pas grand problème parce qu'on n'a plus de raison de les... ils ont déjà été utilisés, il
n'y a plus de raison qu'on en utilise d'autres. Ça fait que, si je me fie à
cette question-là, vous avez eu la
réponse sur les terres noires tout à l'heure, ils ont dit... Sur les forêts,
ils ont dit : Il y a des exploitations possibles durant l'hiver, ça
a été mentionné aussi. Puis, en ce qui concerne les canneberges, c'est une question très particulière, et je pense qu'on a un
peu réglé le problème avec le recyclage de l'eau. Donc, on est capables,
à mon avis, rapidement, j'en parlerai avec
M. Groleau après... on est capables rapidement de discuter avec l'UPA et
d'en arriver à une loi, dans ce contexte-là, s'il y a urgence d'agir.
Le Président (M. Reid) : Un
commentaire, parce qu'il ne reste pas grand temps.
M.
Bolduc : Il ne me
reste pas beaucoup de temps?
Le Président (M. Reid) : Non,
il reste quelques secondes.
M.
Bolduc :
O.K. Bien, écoutez, je vous remercie. J'aurais aimé aussi qu'on parle un peu de
gestion de bassin versant et en fait
de l'ordre de la structure de l'amont à l'aval, là, on n'a pas couvert ça. Si
vous aviez quelques instants pour nous signaler ça.
M. Raîche (Jean-Paul) : Oui. C'est
très important...
Le Président (M. Reid) : En
30 secondes. 30 secondes.
M. Raîche (Jean-Paul) : C'est très
important, mais il faut penser qu'un bassin versant, c'est composé de sous-bassins versants. Alors, les sous-bassins
versants n'ont pas toujours un rôle en amont, hein, s'ils sont situés en aval.
Ça fait que c'est assez complexe, la situation d'un bassin versant sur un
territoire.
Le
Président (M. Reid) : Oui. Alors, je passe la parole maintenant
au député de Jonquière, qui est le porte-parole de l'opposition
officielle.
M.
Gaudreault : Oui, bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui. Je
sais que, M. Raîche en particulier, vous avez été très assidu,
effectivement, à nos travaux depuis hier.
Puis,
justement, ce que vient de dire le député de Mégantic est une démonstration
que, pour aborder toutes ces questions-là,
ça nous prend rapidement une loi d'encadrement général, là, sur les milieux
humides. D'ailleurs, je voudrais vous
entendre un petit peu plus là-dessus, là, vous semblez très convaincus qu'on
est capables d'atteindre cet objectif dans un an, parce que je m'aperçois... Puis je regardais votre mémoire, puis
vous parlez de... écoutez, il y a je ne sais plus combien de recommandations, là, 25 recommandations,
alors c'est davantage un mémoire qui porte sur une loi d'encadrement général.
Mais là on n'est pas là-dedans, on est dans
une loi où il y a juste un article qui reporte la date. Alors là, je vous donne
du temps, là. Convainquez-nous qu'il faut absolument qu'on ait un délai
d'un an.
M. Raîche
(Jean-Paul) : Je vais
essayer de vous convaincre, d'abord, à partir du document même du ministre
sur...
Depuis hier,
on parle justement de la modernisation en ce qui concerne les
certificats d'autorisation, mais, quand je regarde l'échéancier — cet
échéancier-là, je ne l'invente pas — février
2015, printemps 2015, mars-avril 2015 pour en arriver à l'automne 2015 à
la présentation d'une loi, c'est 2015, pas 2016. On ne pourra pas parler des
certificats d'autorisation, là, on est d'accord
avec ça, sans parler des certificats d'autorisation en milieu humide, on va
travailler en parallèle. Alors, moi,
je me dis... C'est un peu pour ça, d'ailleurs, on dit : Profitons déjà de
cette occasion-là. On va aller se répéter au moment du livre vert. J'espère
qu'on va être invités, M. Heurtel, on va être... M. le ministre, M. le Président, alors, j'espère qu'on va être invités, mais on va aller parler, au niveau
du livre vert, des certificats d'autorisation, on va parler des certificats d'autorisation en milieu
humide, puis on va en arriver à une loi à l'automne peut-être.
Pourquoi ne pas faire les deux en même temps?
Et donc on
pense qu'on n'aura pas le choix de traiter de cela, parce que
le principal problème, au
niveau de la loi des milieux
humides, là, à part les compensations puis tout ça, ce sont effectivement les
certificats d'autorisation. Est-ce qu'on en exige en milieu forestier? Est-ce
qu'on en exige par rapport aux terres noires? On va en parler. Pourquoi ne pas le faire?
M.
Gaudreault : Et vous
sentez un consensus assez large pour ce délai d'un an, même s'il y a
des groupes qui ont peut-être
hésité à se prononcer un peu plus? Mais, de toute façon, quand le ministre
arrive avec un délai de trois ans, il y
en a qui prennent ça, là, je veux dire, donc... Mais vous sentez que dans le milieu il pourrait y avoir un consensus assez large sur la seule année?
M. Raîche
(Jean-Paul) : Vous savez, l'avantage que j'ai d'être sur autant de
tables, c'est d'échanger souvent avec
les partenaires, et, en échangeant dans le corridor, on se rend compte souvent
que les gens disent : Écoutez, si c'est un an, là, on va accélérer puis on va travailler. C'est ce qu'on nous
dit. Mais, si c'est trois ans, ils vont travailler sur une base de trois ans, et moi, mon inquiétude, je vous
l'avoue, c'est que, si c'est trois ans, on soit deux ans tranquilles puis
qu'on fasse tout dans la dernière année.
Puis c'est toujours une question de priorités, vous savez. Puis je connais
toute l'expertise qu'il y a au
ministère, il y a une expertise chez les fonctionnaires extraordinaire, il y a
une expertise dans les organismes de
bassin versant, puis il y a de l'expertise chez les différents acteurs, et je
pense que, cette expertise-là, si on décide
de l'utiliser à bon escient cette année, on va en arriver effectivement à une
loi qui va satisfaire l'ensemble des acteurs. Nous, on travaille dans ce
contexte-là toujours.
M. Verville (Antoine) : Si je peux
me permettre rapidement...
M. Gaudreault : Oui, allez-y.
M. Verville (Antoine) : On sent
aussi qu'il y a un momentum actuellement. On a organisé un forum sur les milieux humides en décembre, c'était jour de
tempête, il y a quand
même eu plus de 200 personnes
qui se sont déplacées de partout au Québec
pour venir en parler. Il y a un forum qui a été organisé en Montérégie–Est, il y a
eu aussi, en tout cas, une température discutable, plus de
130 personnes qui étaient présentes juste en Montérégie pour venir parler
de conservation des milieux humides, d'utilisation durable en
Montérégie. Les activités de concertation dans les OBV sur les milieux humides
sont amorcées aussi, ils ont tous collaboré avec nous à préparer cette
position-là.
Donc, c'est un sujet, nous, que depuis déjà
trois ans au moins et même beaucoup plus... qui font partie de nos exercices de concertation et de discussion avec
les différents acteurs. Donc, les gens sont rendus là, c'est dans le... c'est
un sujet d'actualité en ce moment, donc de
prendre trois ans plutôt qu'un n'est pas nécessairement favorable au point de vue de la mobilisation de nos
intervenants à l'échelle locale.
M. Gaudreault : Bon, justement, parlant de journées de tempête, là, une des
tables sur laquelle vous êtes, c'est Ouranos,
et qui nous a parlé des changements
climatiques. Bon, je pense
que c'est un enlignement intéressant. Comment vous
voyez ça dans ce délai d'un an, là? Tout
à l'heure, vous-même,
vous mentionniez que vous étiez proche du groupe Ouranos.
M. Raîche
(Jean-Paul) : Dans le sens
suivant. C'est que tous les projets qui concernent l'eau qui sont... par
Ouranos sont avalisés par un comité
d'étude, puis je fais partie du comité d'étude, ce comité d'étude des projets,
donc je connais assez bien les
projets qui ont été réalisés et qui seront réalisés, et on a déjà,
avec les chercheurs, des éléments qui nous permettraient de voir ce
qu'on devrait peut-être intégrer dans une loi.
Mais il faut
faire attention, on n'intégrera pas les changements climatiques dans
une loi comme on peut intégrer ça au
niveau de la gestion des barrages,
comme on l'a mentionné hier. Ce n'est pas un surdimensionnement, là, qu'on
va faire, là, ce n'est pas une question
de sécurité des barrages, alors, c'est beaucoup
plus complexe que ça, la gestion de l'intégration.
Cependant, je
vous rappellerai que nous avons, au ROBVQ, produit un document sur
l'intégration des changements climatiques
dans les plans directeurs de l'eau. Ce guide-là existe, ce document-là existe,
et il a été très apprécié, d'ailleurs, par
les gens du ministère. Alors, je suis convaincu que les... ce n'est pas
nécessairement les chercheurs d'Ouranos, mais les acteurs qui travaillent avec Ouranos, c'est-à-dire les acteurs comme
le ROBVQ, les aménagistes et tout ça, on pourrait voir avec Ouranos qu'est-ce qu'il serait possible
d'intégrer dans une loi, ce qui n'est pas évident, mais je pense que c'est
possible de le faire à court terme.
• (11 h 50) •
M. Verville (Antoine) : Puis je
pense qu'il faut voir les milieux humides d'un point de vue d'adaptation aux
changements climatiques, en fait. La conservation de milieux humides est une
mesure d'adaptation pour différentes choses :
pour le contrôle des inondations, pour la recharge des eaux souterraines, pour
retenir les sédiments qui peuvent contribuer
à réduire la qualité de l'eau ou aux algues bleu-vert, par exemple. Donc, à ce moment-là, on peut passer à l'action dès maintenant.
Puis on a déjà un guide qui existe, et
Ouranos a été partenaire dans l'élaboration de ce guide-là avec plusieurs
autres groupes de recherche universitaire. Donc, si on le prend du point de
vue de l'adaptation, en fait, la conservation ou la restauration de milieux
humides ne pourra pas être néfaste pour l'adaptation aux changements
climatiques, là.
M. Gaudreault :
Autrement dit, à partir du moment où il y a une volonté politique, autant sur
la question des changements climatiques que sur la loi générale, dans la prochaine année, vous êtes convaincus qu'on est
capable d'arriver à l'échéance?
M.
Raîche (Jean-Paul) : Oui. Et je rajouterais aussi autre chose parce
que ça n'a pas été soulevé, c'est les études de caractérisation de l'eau souterraine. Les PACES, ce qu'on appelle les
PACES, il y a eu plusieurs projets qui ont été réalisés, et ces projets PACES, malheureusement, n'ont pas été faits sur
l'ensemble du Québec, j'espère qu'il y aura une décision peut-être dans les prochaines années pour qu'on puisse aller
chercher des informations, qu'on aille aussi financer ce genre de recherche. Mais il y a eu des études
aussi par des chercheurs d'Ouranos sur la recharge de l'eau souterraine.
Donc, on a déjà de l'information à partir de ces projets de recherche, qui ont
été financés en très grande partie par le ministère.
M.
Gaudreault : Très bien. Et, dans cet objectif... Parce que, si
on dit qu'on y croit puis on va y arriver dans une échéance d'un an, on peut déjà, j'imagine, mettre
en action aussi votre proposition sur le rôle des organismes de bassin versant, là, le rôle de concertation qui déjà
pourrait se mettre en action rapidement. Moi, je connais bien les organismes
de bassin versant, en tout cas, dans ma
région, là, parce qu'il y a... bien il y a M. Desgagné, le président,
puis, bon, et ainsi de suite, mais
qui seraient prêts à tout de suite au moins se mettre en action pour arriver à
des adaptations régionales. Un peu comme vous disiez, ce n'est pas la
même réalité en Abitibi qu'en Montérégie ou au Saguenay, là. Donc, ce que vous dites, c'est que vous lancez le signal : Ça
prend une volonté politique d'ici un an. Nous, on est prêts... «nous», je veux
dire vous, là, les organismes de bassin
versant, vous êtes prêts à être au rendez-vous pour donner ce coup de main là
pour que tout le monde arrive avec un projet dans la prochaine année.
M.
Raîche (Jean-Paul) : Oui. Je dirais qu'il y a deux champs de travaux à
réaliser. Soit la loi, elle est reportée ou elle n'est pas reportée à trois ans, on regarde un an, on verra, mais
il y a un autre champ qui est celui de ce qu'on peut réaliser déjà, et il y a beaucoup de choses à
faire avec loi actuelle. Ça a été mentionné à plusieurs reprises : les
certificats d'autorisation, le
ministre peut les demander, des compensations aussi. De quel type? Alors, il y
a déjà un travail qui peut se faire, et les organismes de bassin versant
peuvent jouer déjà un rôle à ce niveau-là.
Ça
fait que ça dépend quel... Écoutez, moi, je dis qu'on peut le faire en un an.
Si la décision est autre, il va falloir qu'il y ait une volonté durant au moins la prochaine année ou les années
qui vont suivre, jusqu'à ce qu'on énonce la loi, une volonté pour qu'il y ait le moins de perte de milieux humides et
qu'il y ait autant que possible des compensations adéquates selon les principes
qu'on met sur la table, donc le principe d'aucune perte nette, au moins
d'aucune perte de milieux humides d'intérêt. Ça fait que vous voyez un
peu... Quelle que soit la décision qui sera prise ici, elle vous appartient, mais je pense qu'il faudra quand même
qu'il y ait un engagement du ministère et de différents intervenants
pour aider à travailler dans ce contexte-là.
M. Verville
(Antoine) : Puis...
Le
Président (M. Reid) : Merci. Merci, M. Raîche, c'est tout
le temps que nous avons. Je passe maintenant la parole au député de
Borduas, porte-parole du deuxième groupe d'opposition.
M.
Jolin-Barrette : Merci. Bonjour, M. Raîche. Bonjour, M. Verville.
Peut-être, M. Verville, si vous voulez compléter votre réponse.
M.
Verville (Antoine) : J'allais juste dire que l'importance, finalement,
de débuter ces travaux-là de concertation, c'est aussi pour faciliter la mise en oeuvre de la loi lorsqu'elle va
être adoptée parce que, si on amorce le processus de concertation des
acteurs simplement au moment de l'adoption de la loi, bien on va en avoir pour
un autre deux ans, trois ans à mobiliser les
acteurs, identifier les sites de restauration, identifier les sites de
compensation. Donc, si on peut amorcer ce travail-là tout de suite, au
moment de mettre en oeuvre la loi, ça va être aussi très facilitant pour le
gouvernement du Québec.
M.
Jolin-Barrette : O.K. À la page 8 de votre mémoire — je
vais vous référer au mémoire que vous avez déposé — vous mentionnez, là : «Reporter
l'échéance équivaut à autoriser de nouveaux projets pendant encore trois ans et
ainsi contribuer à de nouvelles pertes et
perturbations de milieux humides sans compensation adéquate.» Ça fait que ce
qu'on constate par votre propos, c'est
qu'actuellement, la façon dont le régime est appliqué, c'est qu'on réalise
qu'il y a la perte de milieux malgré la possibilité dans la loi que le
ministre a le pouvoir de demander des compensations.
M.
Raîche (Jean-Paul) : Bien,
ça a été mentionné par M. Filion aussi, ça a été mentionné par certains
acteurs, des personnes qui sont venues ici autour de la table. Oui, il y
a des pertes, et notre inquiétude, c'est que ces pertes-là continuent, mais on a aussi l'inquiétude que les
certificats d'autorisation qui seront donnés n'exigeront pas des compensations
adéquates, c'est aussi l'inquiétude que nous
avons. C'est pour ça que je mentionnais les deux champs tout à l'heure. Si on ne travaille pas sur un, il va falloir travailler sur
l'autre.
M.
Jolin-Barrette : À la page 4 de votre mémoire, vous abordez la question
de la délivrance des certificats d'autorisation
et d'inscrire noir sur blanc la possibilité pour le ministre de refuser de délivrer ce certificat-là. Pouvez-vous
élaborer sur cet élément-là?
M. Raîche
(Jean-Paul) : Essentiellement, quand il s'agit de milieux
humides d'intérêt,
bien il ne faut pas qu'il y ait de
certificat d'autorisation permettant d'intervenir dans le milieu humide. Ça, pour nous, c'est une évidence, mais, pour ça, il faut
caractériser c'est quoi, un milieu humide d'intérêt.
Et, si vous
me permettez, hier on a parlé des plans de conservation, mais je ne fais pas
une lecture aussi agréable des plans
de conservation qui a été faite hier en vous donnant l'exemple de la ville de Trois-Rivières. Je pourrais donner aussi
d'autres exemples de municipalités. On travaille dans un contexte municipal,
on ne travaille pas dans un contexte plus large, alors c'est déjà un
problème.
Puis un plan
de conservation, ça ne veut pas dire qu'il
n'y a pas de perte de milieux humides puis ça ne veut pas dire
qu'ils seront compensés sur le territoire de la municipalité ou sur un autre territoire, alors il faut
faire attention. Je ne dis pas qu'il
ne doit pas y avoir de plan de conservation, je dis simplement que les plans de
conservation, tels que je les connais actuellement, ne sont pas toujours
si élogieux que ça par rapport à la protection de milieux humides dans son ensemble,
on s'entend.
M.
Jolin-Barrette : Donc, on
doit caractériser les milieux humides à la base et par la suite les inclure peut-être dans le plan de conservation?
M. Raîche (Jean-Paul) : Évidemment.
M.
Jolin-Barrette : Parfait. À
la page 5 de votre mémoire, vous parlez des mécanismes transitoires en
attendant le processus. Qu'est-ce que vous voyez comme mécanismes
transitoires d'application, de mesures transitoires?
M. Raîche
(Jean-Paul) : Il y a beaucoup
de travail à faire présentement à ce
niveau-là. Je ne sais pas si
Antoine...
M.
Verville (Antoine) : Bien,
en fait, c'est essentiellement ce qu'on a présenté tout à l'heure. Même si on attend une loi qui va être adoptée — bon,
pour nous, on préférerait en 2016 ou 2018 — d'ici là il y a déjà quand
même cet article-là qui dit que le ministre peut demander
compensation. Donc, déjà on peut, à partir de cet article-là
de la loi, mettre en place,
finalement, des mesures qui permettent d'assurer les
principes qu'on a évoqués : aucune perte de milieux humides d'intérêt, aucune perte nette de milieux humides.
Quand
Jean-Paul dit que les plans de conservation, bon, ce n'est pas toujours
aussi élogieux que ce qu'on a vu, c'est que plusieurs mènent, finalement, à 50 % de perte de milieux
humides, puisqu'on compense en un pour un. Donc, j'ai deux milieux humides; j'en détruis un, je conserve l'autre en
compensation, mais il en manque 50 % à la fin. Donc, déjà, première
mesure transitoire, de mettre fin à cette situation-là. On doit aller vers plus
de la restauration, de la création pour
s'assurer que, si je détruis un milieu humide, bien j'en récrée au moins un,
qu'on reste équivalent en superficie de milieux humides mais aussi en
fonctions qui sont perdues.
Donc,
évidemment, si on remplace les tables de concertation et qu'on amorce tous les
travaux qu'on a présentés un peu plus
tôt dès maintenant, bien c'est des formes de mesures transitoires, en fait, qui
peuvent être mises en place, là.
M.
Jolin-Barrette : O.K. À la page 7 du mémoire, vous abordez la
question de la divulgation volontaire, donc que les milieux humides sont divulgués de façon volontaire, et donc
parce que présentement ils ne sont pas caractérisés nécessairement. J'imagine que vous souhaiteriez
que la divulgation volontaire devienne une divulgation obligatoire dans
un éventuel projet de loi.
M. Raîche
(Jean-Paul) : Bien, je ne sais pas si vous faites référence surtout
aux milieux agricole et forestier, mais, comme ça a été mentionné dans la recherche, il y a peu de certificats
d'autorisation demandés. Pourquoi? Je ne dirai pas que c'est volontaire au sens
que les agriculteurs puis les forestiers ne veulent pas en demander, des fois
c'est par ignorance de la loi, parce
que les agriculteurs, ce n'est pas toujours des gens qui travaillent à l'UPA,
hein, ce sont des agriculteurs sur
leurs territoires, ils connaissent un certain nombre d'éléments, mais ils ne
sont pas toujours au courant des exigences que ça pourrait représenter. Alors, de quelle manière? C'est la
sensibilisation. Et les organismes de bassin versant, c'est leur rôle au
départ, de sensibiliser les acteurs, puis ils sont bien placés pour ça.
M. Jolin-Barrette :
Sur la question des pénalités dissuasives, parce que ça fait l'objet de votre
recommandation 7...
M. Raîche (Jean-Paul) : Bien, quand
on détruit un milieu humide, si on ne l'a pas détruit avec un certificat d'autorisation ou si on n'a pas respecté le
certificat d'autorisation, je pense, ça prend des pénalités dissuasives de
manière à ce que ça ne se fasse plus.
Mais en même temps, on l'a mentionné aussi, c'est que, s'il y a une
conservation des milieux humides,
nous, on est tout à fait d'accord pour que ça se... comme ça se fait d'ailleurs
en Europe ou ailleurs, qu'il y ait compensation,
surtout au niveau agricole. Au niveau du développement urbain, vous savez, les
développeurs, ils savent gérer, hein?
Ça fait que, généralement, s'ils veulent développer un territoire, le fait
qu'il y ait un milieu humide, qu'ils se fassent dire qu'ils ne peuvent pas y aller, ils ont déjà planifié dans
les autres parties du territoire comment ça pourrait être rentable.
L'agriculteur, ce ne sera pas le cas. S'il ne cultive pas dans son milieu
humide, lui, il ne cultive pas. Il peut toujours dire qu'il va améliorer la productivité
sur son territoire en général, mais je pense qu'on devra réfléchir sur le rôle
social qu'il joue en protégeant puis comment on peut les compenser. Ça se fait
ailleurs, d'ailleurs.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci, M. Raîche,
M. Verville, pour votre participation aux travaux de la commission.
Je suspends les
travaux jusqu'après les affaires courantes.
(Suspension de la séance à 12
heures)
(Reprise à 15 h 37)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Je vous
rappelle que la réunion... que la commission,
pardon, est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de
loi n° 32, Loi modifiant la Loi concernant des mesures de
compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide
ou hydrique afin d'en prolonger l'application.
Alors,
nous recevons cet après-midi le Vérificateur général du Québec. En fait, il
s'agit de Mme la vérificatrice, et du
commissaire, et le personnel du bureau du vérificateur. Et je veux saluer en
même temps Mme la vérificatrice, qui, je
crois, en est à sa première sortie publique, et c'est un honneur pour notre
commission de vous recevoir, Mme la vérificatrice.
Alors,
je vous passe la parole. Vous avez 10 minutes pour votre intervention. Je
vous demanderais de commencer par
vous présenter... on vous connaît, bien sûr, mais de présenter également les
gens qui vous accompagnent. Et par la suite vous aurez 10 minutes
de présentation, et après la présentation nous aurons un échange avec les
membres de la commission. Alors, à vous la parole.
Vérificateur général
Mme
Leclerc (Guylaine) : D'accord. Merci. Alors, c'est avec plaisir que je
participe à cette séance de consultation à l'égard du projet de
loi n° 32, Loi modifiant la Loi concernant des mesures de
compensation pour la réalisation de projets
affectant un milieu humide ou hydrique afin d'en prolonger l'application. Il
s'agit de ma première commission parlementaire
depuis ma récente entrée en fonction. Je suis accompagnée de M. Jean
Cinq-Mars, Commissaire au développement
durable, Marie-Claude Ouimet, directrice principale, et Caroline Rivard,
directrice de vérification. Nous aurons
sûrement l'occasion, au cours de mon mandat, d'échanger sur différents sujets
et de discuter de rapports de vérification qui pourraient vous
interpeller. Bien sûr, cela se fera dans le respect des compétences de chacune
des commissions parlementaires, notamment la Commission de l'administration
publique.
Mon organisation n'a
pas réalisé de vérification spécifique portant sur la conservation des milieux
humides. Toutefois, plusieurs vérifications
ont souligné l'importance de protéger les milieux naturels, y compris les
milieux humides : Services
d'eau et pérennité des infrastructures, 2004‑2005; Maintien de la biodiversité, 2009‑2010; Mise en
application de la Loi sur la
qualité de l'environnement dans le secteur industriel, 2010‑2011; Gestion gouvernementale de
l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste, 2010‑2011;
Gouvernance de l'eau, 2012‑2013.
Je
laisse maintenant la parole à M. Jean Cinq-Mars, qui vous fera part de ses
commentaires au sujet de ce projet de loi.
• (15 h 40) •
M. Cinq-Mars (Jean) : Mesdames et messieurs, la conservation des milieux humides est reconnue
au Québec et à l'échelle
internationale comme étant essentielle à la protection de l'environnement. La Convention de Ramsar, adoptée
en 1971 par plus de 160 pays, dont le Canada, fait foi de l'importance de ces milieux pour la santé de l'environnement. Nos préoccupations à l'égard de la conservation des milieux humides prennent
leur assise sur plusieurs principes énoncés dans la Loi sur le développement
durable, notamment
la protection de l'environnement, la protection du patrimoine culturel, la préservation de la biodiversité, le respect de
la capacité de support des écosystèmes, le pollueur-payeur et l'internalisation
des coûts.
Les milieux humides
contribuent grandement à la qualité de l'environnement et à la fourniture des
services écologiques, notamment les suivants : la régulation des
phénomènes naturels, la filtration de l'eau, la biodiversité, la production des
ressources naturelles et fauniques, les activités récréatives et touristiques,
les activités éducatives et scientifiques, la qualité des paysages et le
patrimoine naturel. Malgré ces grands bénéfices pour la société, une étude
commandée par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de
la Lutte contre les changements climatiques évalue que, sur une période d'un peu plus de 20 ans, 567 kilomètres
carrés de milieux humides ont été
perturbés dans les basses-terres du Saint-Laurent, soit 19 % de la
superficie des milieux humides de cette région.
On
oppose souvent les avantages économiques provenant de l'agriculture et de la
sylviculture ou de l'urbanisation à
la conservation des milieux humides. Pourtant, les bénéfices économiques liés à
la conservation de ces écosystèmes peuvent être considérables pour
l'ensemble de la société.
Les milieux
humides doivent être considérés comme des infrastructures vertes. Par exemple,
à la fin des années 90, la
protection des bassins versants des monts Catskill, y compris les milieux
humides, a permis à la ville de New York,
qui aurait dû investir massivement
pour mettre à niveau son usine de production d'eau potable en raison de la
dégradation de la qualité de son eau,
de l'eau brute au fil des ans, d'épargner plus de 6 milliards de dollars. De
plus, les milieux humides peuvent réguler l'écoulement des eaux et donc
réduire les risques d'inondation et les coûts afférents aux modifications du
régime hydrique résultant des changements climatiques. Soulignons aussi l'importance des marais le long du fleuve Saint-Laurent pour continuer
l'épuration des eaux rejetées par les usines de traitement d'eaux usées.
Les pertes et
les perturbations que les milieux humides ont subies au cours des dernières
décennies constituent des indicateurs
de la faiblesse et de l'inefficacité des interventions visant à les protéger. Plusieurs
administrations au sein des
pays de l'OCDE ont adopté des mesures de conservation des milieux humides
ou encore des mesures d'atténuation des
dommages causés à l'environnement par divers projets de construction ou de développement. Les séquences d'atténuation comprennent les étapes
suivantes : l'évitement de l'impact sur les milieux humides, la
minimisation de l'impact et la compensation.
Dans mon
rapport à l'Assemblée nationale présenté en 2011, j'ai fait état de l'adaptation tardive de la législation
québécoise aux exigences d'une société en
mutation. Plus précisément, je soulignais ceci : «Nos lois et nos
règlements constituent la base du
fonctionnement de l'appareil gouvernemental et de nos institutions. Nous devons nous assurer que ces lois et ces règlements sont adaptés aux
défis du XXIe siècle. La Loi sur le développement durable encourage d'ailleurs la révision constante des lois [et] des règlements,
des politiques et des programmes afin de respecter la stratégie gouvernementale de développement durable et les
principes sur lesquels elle repose.»
Les
mécanismes d'autorisation environnementale prévus par la Loi sur la qualité de l'environnement pour protéger les milieux humides n'ont qu'un impact limité. Le développement
d'outils complémentaires encadrés par une loi, à l'image de ceux adoptés par de nombreuses administrations, permettrait
au Québec de mieux protéger les milieux humides, qui, je tiens à le réitérer, sont des infrastructures vertes procurant des bénéfices économiques, sociaux et
environnementaux considérables pour
la société. Ainsi, je considère que l'adoption
rapide d'une loi relative à la conservation et à la gestion durable des milieux humides est essentielle pour
enrichir notre appareil législatif et mieux protéger notre environnement.
Voilà ce qui constitue mes remarques. Et je suis
disponible pour commentaires et questions additionnels.
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Alors, merci, Mme la Vérificatrice
générale et M. le commissaire. Alors,
nous allons passer maintenant à la période d'échange, et, M. le ministre,
vous avez la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Mme la Vérificatrice générale, félicitations
pour votre récente nomination! Et, M. le commissaire, bonjour. Merci
pour votre contribution à nos travaux.
D'emblée, entièrement d'accord avec ce que vous avancez. Nous aussi, on
considère que, et je vous cite,
«l'adoption rapide d'une loi relative
à la conservation et à la gestion durable des milieux humides est essentielle pour enrichir notre appareil législatif et
pour mieux protéger notre environnement».
On s'est vus récemment, lors des travaux de
cette commission concernant la stratégie gouvernementale sur le développement durable, on a parlé notamment de l'importance
d'y intégrer de façon primordiale la lutte contre les changements climatiques.
Et hier nous avons reçu M. Alain Bourque, du groupe Ouranos, que vous
connaissez, qui a souligné l'importance
d'intégrer également la question des changements climatiques à une éventuelle
loi sur les milieux humides et que
ça, ça devait se faire... et qu'on devait prendre le temps nécessaire pour bien
le faire. J'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus.
M. Cinq-Mars (Jean) : La loi qui
existe actuellement, qui prend fin en avril, c'est une loi qui existe depuis trois ans. Cette loi a été adoptée, on le sait, en
grande vitesse, finalement, en 2012, à la suite d'un jugement de la Cour
supérieure. Par contre, on sait également
que le ministère mettait en place certaines mesures pour la protection des
milieux humides à partir, disons, des
années 2003, 2004 jusqu'à à peu près 2012, jusqu'à temps que le jugement
arrive, alors on a quand même certains outils qui sont disponibles.
La loi a été
adoptée pour trois ans, alors je dois vous dire que je suis un peu surpris de
voir qu'on extensionne la période de
la loi encore d'un autre trois ans. Je m'attendais, moi, à ce qu'à la fin de la
période de trois ans le ministère aurait
été prêt à présenter un projet de loi beaucoup plus complet que ce qu'on a
actuellement, parce qu'on sait que les moyens
qui sont prévus avec les certificats d'autorisation ont un impact très limité.
Alors, je m'attendais qu'on aurait pu avoir un projet de loi beaucoup
plus étoffé que ce qu'on a actuellement.
Alors,
lorsqu'on m'a dit qu'on va prendre encore trois ans pour développer un projet
de loi pour régler des problèmes
qu'on connaissait en 2012, je vous avoue que c'est la raison pour laquelle je
signale que l'adoption d'un projet de
loi rapidement serait urgente, parce que, comme je le citais, depuis une
vingtaine d'années on a perdu 2 870 hectares. Alors, pendant qu'on étudie puis qu'on prend un
certain temps d'analyse pour incorporer différents paramètres, bien on continue de perdre des milieux humides, alors je
me dis : Bien, je pense qu'il y a une certaine urgence à adopter une loi
pour essayer de stopper l'hémorragie. Alors,
voilà pourquoi je disais que l'adoption d'un projet rapidement serait
pertinente.
M. Heurtel : Ce n'était pas tout à
fait le sens de ma question, mais, bon, vous aviez quelque chose à dire,
maintenant c'est dit.
Alors, moi,
ce que j'essaie de comprendre, M. le commissaire, c'est que vous dites que...
sur quoi, finalement, vous vous
basez. Parce que, depuis l'adoption de la dernière loi, il y a eu deux
élections, quatre ministres de l'Environnement, autant de sous-ministres, sinon plus. Vous ne croyez pas que ça puisse
avoir un impact aussi sur le fait qu'on puisse avoir toute la volonté du monde possible pour aller le
plus rapidement possible, mais le fait est qu'il y a ce facteur-là? Je me
demande si vous avez considéré ce fait-là dans votre jugement.
Et,
deuxièmement, je me demande aussi si, quand on regarde aussi un autre besoin
criant, et ça, ça vient de tous les
horizons, des groupes environnementaux, secteur industriel, secteur
institutionnel, et je ne sais pas si vous partagez cet avis-là... c'est qu'au-delà de la loi sur les
milieux humides, un autre besoin criant, c'est une modernisation de la Loi sur
la qualité de
l'environnement, et plus particulièrement les régimes d'autorisation, qui n'ont
pas été modernisés en 43 ans d'existence.
Or, le choix que nous faisons comme gouvernement, c'est de procéder à une
modernisation en profondeur de la Loi
sur la qualité de l'environnement qui devrait, lorsque menée à terme, avoir un
impact favorable sur les milieux humides, parce que tous les experts
qu'on a vus depuis hier nous disent qu'en effet une grosse partie d'améliorer
la question des milieux humides tombe dans le cadre du régime d'autorisation,
que ça, ça doit être amélioré.
Conséquemment,
est-ce que vous pensez encore que, considérant l'ensemble de ces facteurs-là,
on ne doit pas se donner le temps de
bien faire les choses et, comme je le disais dans ma question initiale, prendre
le temps aussi d'intégrer la question
des changements climatiques, comme les représentants d'Ouranos nous le
conseillent, et faire une bonne loi qui tiendra compte aussi d'un
processus essentiel qui est celui de la modernisation de la LQE?
• (15 h 50) •
M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, tout d'abord, sur la question des changements d'administration, d'élections,
je suis conscient que c'est sûr que ça a un impact dans l'administration,
mais nous, on fait de la vérification, nous autres, de l'administration
publique. Le côté politique, on le met de côté, bien entendu.
Pour
ce qui est de la LQE, bien entendu, c'est une loi qui a 43 ans, comme vous
dites, et on aurait certainement avantage à revoir cette loi, qui a été
développée, si on peut dire, graduellement au fil des années. Donc, il y aurait
certainement moyen de s'asseoir puis regarder la loi pour restructurer la loi.
Mais, comme je disais, la question des milieux humides, on a déjà une loi, on a
différents outils. J'ai consulté votre site, au ministère, on a fait faire quand
même
des études importantes à l'Université
Laval dans le domaine du droit, également
au niveau, disons, de la... tous les mécanismes de protection des milieux humides.
Il me semble qu'on devrait être en mesure de procéder plus rapidement qu'une période de trois ans. Parce que, finalement, on avait la loi pendant trois ans, on extensionne la loi encore pendant
trois ans. Je m'attendais à ce qu'on arrive
avec une proposition un peu plus
étoffée pour essayer de régler un problème criant parce que, comme je vous le mentionnais, on a perdu
2 800 hectares de milieux humides depuis une vingtaine d'années.
Alors, je me dis, bien peut-être que ça
prendrait une mesure plus rapide que passer par une refonte de la Loi sur la
qualité de l'environnement, qui peut
quand même prendre quelques années parce que c'est quand même un domaine très
vaste. Alors, c'est pour ça que, je
me dis, peut-être qu'on devrait mettre une priorité là-dessus, quitte à insérer
cette loi dans la Loi sur la qualité de l'environnement éventuellement.
M.
Heurtel : J'essaie de
comprendre, encore une fois, sur quoi vous vous basez en disant ça parce que,
quand on parle au monde municipal, quand on parle au monde agricole,
quand on parle au monde forestier, qui, vous en conviendrez, sont trois domaines qui sont directement impliqués dans la
gestion et la protection de milieux humides, eux nous disent tous qu'on a besoin de plus de temps pour faire un projet de loi qui se tient. Alors, comment réagissez-vous à ça?
M. Cinq-Mars (Jean) : Quand on regarde l'origine des pertes, le secteur forestier et le
secteur agricole, c'est les deux
secteurs les plus importants pour la cause de perte de milieux humides ou
perturbation des milieux humides, environ 70 % des pertes sont associées à ces deux secteurs-là. Alors, je
peux comprendre les gens des secteurs agricole et forestier disant qu'il faut bien faire les choses, je suis
parfaitement d'accord à bien faire les choses, mais je pense qu'il y a quand même urgence. C'est que c'est certain que, si on fait
des modifications à la loi qui peuvent restreindre certaines utilisations
de milieux humides qui sont particulièrement
utilisés par le secteur agricole et forestier, je peux comprendre qu'il y a une
certaine réticence de leur côté, mais parfois il faut prendre les moyens pour
résoudre certains problèmes.
M. Heurtel :
Alors, urgence, ça veut dire quoi, selon vous? Si trois ans, ce n'est pas bon,
c'est quoi?
M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, c'est parce que, là, la loi existe depuis trois ans, puis on lui
donne une extension de 100 %, finalement, de son temps d'existence. Alors, moi, j'imagine que d'ici un an on
devrait être capable d'arriver avec une proposition.
M. Heurtel :
Merci.
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Est-ce qu'on a d'autres interventions, du côté gouvernemental? Alors, je
passe maintenant la parole au député de Jonquière, qui est le porte-parole
de l'opposition officielle.
M.
Gaudreault : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, à
mon tour, vous me permettrez de mettre mon chapeau de président de la CAP, M. le Président, pour quelques minutes,
Commission de l'administration publique, je veux également souhaiter la
bienvenue... et M. Cinq-Mars me permettra de mettre l'accent sur Mme la
Vérificatrice générale à cette première
commission parlementaire. Et, à la Commission de l'administration publique, on
aura le plaisir, évidemment, de travailler
étroitement ensemble avec M. le Président, qui est membre presque doyen, c'est
un nouveau titre que je viens
d'inventer aujourd'hui pour lui, là, alors à la Commission de l'administration
publique. Soyez assurés de toute notre collaboration.
M. Cinq-Mars,
les gens qui vous accompagnent, merci beaucoup d'être ici. Je reprends mon
chapeau de porte-parole de
l'opposition officielle en matière d'environnement. Merci beaucoup d'être ici.
Je pense que vos propos sont très, très éclairants mais en même temps
très collés, je vous dirais, à ce que nous avons entendu depuis hier, en bonne
partie. Alors, je ne sais pas si vous avez
eu l'occasion de suivre un peu nos travaux, mais effectivement je pense que
vous êtes dans le même sens que la majorité des intervenants qui sont
venus nous rencontrer.
Écoutez, le
ministre est intervenu pas mal sur des éléments aussi, moi, qui
m'intéressaient, parce que vous êtes très
clair dans votre propos, là, quand vous dites, à la fin de votre présentation :
Je considère que l'adoption rapide d'une loi relative à la conservation, etc., est
essentielle. C'est difficile d'être plus clair que ça. Puis vous venez de vous
prononcer en disant : Peut-être
un horizon d'un an, mais ce que je remarque également de vos propos, vous
l'avez répété à plusieurs reprises,
vous dites : Je m'attendais à une adoption rapide, je m'attendais à avoir
une loi, je ne m'attendais pas à avoir une autre prolongation de trois ans. Si vous dites à ce point «je
m'attendais», c'est que vous avez confiance que, malgré les changements nombreux de ministre, malgré même les
changements nombreux de sous-ministre, l'appareil
gouvernemental du ministère de l'Environnement était outillé, avait ce
qu'il fallait, avait une mémoire, je dirais, là, sur l'encadrement législatif des milieux humides permettant d'aller rapidement...
certainement depuis l'année passée, parce que
l'APCHQ, hier, nous a dit que c'était
silence radio depuis un an sur cet enjeu-là. Mais est-ce que je comprends de
votre «je m'attendais» qu'il y avait effectivement, selon vous, suffisamment
de contenu au ministère pour procéder rapidement?
M.
Cinq-Mars (Jean) : C'est un
dossier qui intéresse le ministère depuis de nombreuses années. C'est un dossier
qui est difficile à régler, c'est bien
entendu, mais il y a quand
même eu des études qui ont été faites
par des personnes très sérieuses, entre autres le Pr Vallée, de l'Université Laval, sur toute la question de la
revue de législation à travers le monde concernant la protection des milieux humides, une autre étude aussi qui
a été faite par deux biologistes, Mme Pellerin et Mme Poulin, deux docteures en biologie, elles
ont fait une étude très sérieuse sur la situation des milieux humides,
les recommandations, il y a
d'autres documents que le ministère a déjà produits. Alors, pour moi, il y a quand même
un bagage intellectuel, il y a
des études qui sont disponibles, qui permettraient au ministère
d'aller de l'avant, il y a quand
même beaucoup de choses, bien entendu, qui ont déjà été faites,
alors je me dis : Il me semble qu'il ne manque pas énormément de matière à ce qu'on... avant
d'être en mesure de proposer un projet de loi.
M.
Gaudreault : Peut-être
que le dernier élément de matière qu'il manque, c'est une volonté politique.
Je ne vous demande pas de vous
prononcer là-dessus, mais c'est ce qu'on remarque certainement depuis quelques heures, là, depuis hier, en fait, sur les
interventions qu'on entend de part et d'autre.
Maintenant, je voudrais également vous entendre
sur l'adéquation avec la modification que le ministre a annoncée quant au régime d'autorisation, là, via la Loi sur la qualité
de l'environnement, quand même un régime assez important. Il y a toujours
la fameuse question, là : Est-ce que c'est la loi sur les milieux humides
avant le régime d'autorisation de la LQE ou
c'est la LQE avant la loi d'encadrement sur les milieux humides? Selon vous, on
peut faire les... marcher puis mâcher de la gomme en même temps?
M.
Cinq-Mars (Jean) : Bien, la Loi
sur la qualité de l'environnement permet de donner les certificats
d'autorisation. Actuellement, quand on fait des travaux ou des projets dans
les milieux humides ou dans les milieux hydriques, ça prend un certificat d'autorisation, puis on peut utiliser
le certificat d'autorisation pour y astreindre des conditions pour minimiser
les impacts sur les milieux humides ou les
compenser. Alors, il y a des mécanismes qui ont été prévus. Alors, ça, ça
touche la question des certificats d'autorisation.
Mais, comme je le mentionnais, le secteur
forestier puis le secteur agricole n'ont pas besoin de certificats d'autorisation pour faire des travaux, et eux sont
quand même les deux secteurs qui ont le plus d'impact sur
les milieux humides, sur les perturbations qu'on connaît. Alors, bien
entendu, il faudrait regarder ce secteur-là.
Mais,
lorsqu'on parle d'une loi pour la conservation des milieux humides, il y a beaucoup
plus que simplement l'octroi de certificats. On peut penser, par exemple... Si vous lisez le rapport du Pr Vallée, il y a énormément
de recommandations qui sont faites à
la fin qui incluent, par exemple, une définition des milieux humides, une
caractérisation des milieux humides, des critères au niveau
de la performance écologique lorsqu'on parle de compensation, il y a
tout le système qui a été développé par les Américains, qu'ils appellent le «wetlands banking», où
c'est un système qui s'apparente un peu aux permis d'échange de carbone. Alors, il y a
tout une série de mesures qui peuvent être considérées qui sont beaucoup
plus vastes que simplement les certificats d'autorisation.
M.
Gaudreault : Mais
quand même qu'on peut faire en même temps... Parce que c'est ça,
l'essentiel, là. Parce que, si
on se donne un horizon d'un an... Puis c'est quand même aussi une réforme
importante, je comprends qu'il y a beaucoup d'outils, beaucoup de possibilités, mais la question est davantage : Est-ce qu'on est capable de mener les deux chantiers de front?
Et est-ce que c'est souhaitable de le faire?
M.
Cinq-Mars (Jean) : Oui. Moi,
je pense qu'on est certainement capable, j'ai bien confiance au ministère de l'Environnement. On peut
regarder la question des milieux humides et éventuellement l'intégrer à la
refonte de la Loi sur la qualité de l'environnement.
M.
Gaudreault : Vous
avez employé une expression, tout à
l'heure, qui m'a vraiment
interpellé. Concernant, par exemple, ce que vous dites dans votre mémoire, là, et
qu'on connaît, là, que sur une période d'un
peu plus de 20 ans 567 kilomètres carrés de milieux humides ont
été perturbés dans les basses-terres du Saint-Laurent, vous parlez d'une
hémorragie, en tout cas c'est l'expression que j'ai entendue tout à l'heure,
d'une hémorragie.
Est-ce que, dans le fond, votre crainte ou votre inquiétude, c'est que, sur un horizon de trois
ans, tel que le propose le projet de loi n° 32, l'hémorragie, ça va prendre plus qu'un garrot,
là, au bout de trois ans, là, pour arrêter ça, là, c'est que
l'hémorragie va se poursuivre, là?
• (16 heures) •
M.
Cinq-Mars (Jean) : Oui.
C'est que, finalement, si on a 587 kilomètres carrés qui ont été
perturbés sur 20 ans, ça veut
dire qu'on a à peu près... — calcule-moi donc ça par année, Caroline — ça
veut dire qu'on a quand même une quantité, une superficie très importante
de milieux humides qu'on perd, alors, si on garde la situation
actuelle sans rien changer comme règlements, on peut s'attendre à avoir les mêmes
pertes dans les années qui viennent. Alors, je me dis, comme on en a déjà perdu beaucoup
depuis 20 ans... Puis, si on avait fait l'inventaire depuis 50 ans,
ça aurait été un chiffre encore beaucoup plus grand.
Alors,
moi, j'ai tenté de souligner, dans ma présentation, l'utilité économique également.
On investit des milliards pour la
protection et le traitement des eaux usées, on a même annoncé hier à Montréal
qu'on investissait 100 millions pour une
usine d'ozonation pour le traitement des eaux usées de la ville de Montréal, on investit énormément d'argent dans ces systèmes, alors qu'on a des infrastructures vertes qui sont là puis qui contribuent, justement,
à épurer l'eau, en plus de tous les
autres services qu'elles peuvent nous rendre. Alors, je me dis simplement, au point de vue économique, il me semble
qu'on devrait s'organiser pour préserver nos infrastructures, les maintenir.
M.
Gaudreault : Oui, justement.
Puis, le temps file, on n'a pas eu l'occasion d'en parler beaucoup depuis le début des
audiences, mais je veux absolument vous entendre sur l'impact, selon vous, du projet de loi n° 32, s'il est adopté tel
quel, quant à l'atteinte des objectifs du gouvernement sur la protection de la
biodiversité. Évidemment, vous savez que le gouvernement doit atteindre les objectifs pour 2020 en fonction d'Aichi,
là, le traité d'Aichi. Est-ce que vous croyez que ça ne pourrait pas
menacer, justement, l'atteinte de ces objectifs?
M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, on n'a pas fait de mesure comme telle, sauf que, les milieux
humides, c'est connu que ce sont les
milieux les plus riches en termes de diversité biologique, alors, si on continue à
perdre des milieux humides au rythme
auquel on fait face actuellement, bien ça peut possiblement remettre en cause les objectifs
sur la convention de la biodiversité puis sur la stratégie du gouvernement.
M. Gaudreault :
Parce que, là, le projet de loi nous reporte à 2018, Aichi, c'est 2020, alors
on est dans un échéancier très serré. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le
Président?
Le Président (M.
Reid) : Une minute.
M.
Gaudreault : Une
minute. Qu'en est-il quant au plan
d'action sur les changements climatiques, selon vous? Est-ce que c'est un peu la même
chose sur l'atteinte des objectifs?
M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, la question des changements
climatiques, la remarque du ministre
est certainement pertinente, parce que les milieux humides
sont très importants pour la régulation de l'écoulement des eaux.
Alors, les milieux humides, par exemple, si vous vous en allez dans une région que vous avez un coup d'eau, ça
agit comme une éponge, ni plus ni
moins, donc ça ralentit l'écoulement, ça permet de restreindre, finalement, les dégâts et, bien entendu, les coûts de restauration. Quand on a des milieux humides, c'est l'utilité que ça
a au niveau de la gestion de l'écoulement. Alors, si on
perd des milieux humides, ça veut dire que, finalement, avec un régime hydrique
qui est changé à cause des changements
climatiques qu'on connaît actuellement, on peut avoir des problèmes encore beaucoup plus graves et des
problèmes qui vont être beaucoup plus coûteux, finalement, à résoudre puis à
restaurer.
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Alors, je passe maintenant la parole au député de Borduas, le porte-parole du deuxième groupe d'opposition.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, bonjour. À mon tour je vais
joindre ma voix, Mme Leclerc, pour vous féliciter pour votre nomination
à titre de Vérificatrice générale.
M. Cinq-Mars,
vous avez fait la nomenclature un peu, tout
à l'heure, de l'historique du
dossier. Bon, dès 2006, il y avait une directive du ministère du
Développement durable qui était appliquée de façon disparate. Il y a eu un jugement en 2012 qui vient invalider ce régime administratif là en raison des disparités entre
les directions générales et du fait
qu'il n'était pas appuyé par la législation adéquate. En 2012, le député de
Mont-Royal, actuel ministre des Ressources naturelles, dépose le projet de loi n° 71, et on constate des
transcripts du Journal des débats que ça ne devait être uniquement
qu'un régime transitoire et déjà dès 2013 on
allait être en mesure d'adopter une loi à cet effet-là. On constate, bon, les
deux rapports de Mme Pellerin et Mme Poulin, ainsi que
Mme Lavallée, de l'Université Laval.
Vous
avez dit tout à l'heure, et puis je reprends un peu la question du collègue de
Jonquière : Je m'attendais à ce qu'on
adopte une législation. Quel va être l'impact, selon vous, si on attend une période
de trois ans avant d'adopter une loi sur
les milieux humides, considérant que depuis quelques années on dénote une perte
grandissante des milieux humides?
M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, je pense qu'à ce moment-là on va continuer d'être témoins de
perturbations ou de pertes de milieux
humides. Et, avec les changements climatiques qu'on a, avec les changements au
régime hydrique, on peut possiblement avoir des inondations et des
dégâts supérieurs à ce qu'on aurait si on avait pu protéger les milieux humides. Alors, c'est la raison pour laquelle
j'estime qu'on devrait mettre les bouchées doubles pour essayer de régler
ce problème-là plutôt que de nous créer des
situations possiblement problématiques à cause des changements climatiques.
M.
Jolin-Barrette : Et, dans le
cadre de la stratégie de développement
durable 2015‑2020, nous avions eu l'occasion de vous entendre sur cet
élément-là. Il y a plusieurs groupes qui sont venus nous dire : Bien, il
faut que la législation qui est adoptée, les
actions gouvernementales qui sont mises de l'avant respectent, dans le fond, le
cadre législatif ou les orientations du gouvernement.
Est-ce
que vous trouvez que, si on attend une période de trois ans, ça fait en sorte
un peu que l'implantation des politiques de développement durable ne
soit pas respectée?
M.
Cinq-Mars (Jean) : Bien, les
politiques de développement durable, c'est de faire en sorte qu'on protège...
qu'on s'assure d'un développement économique
qui respecte l'environnement et qui respecte également certaines prérogatives
sociales. Alors, si les milieux humides ne
sont pas protégés, c'est bien entendu que ça peut avoir des conséquences sur
les trois facteurs, facteur
économique, facteur social et facteur environnemental. Alors, bien entendu, on
aura des pertes à subir dans ces secteurs-là.
M.
Jolin-Barrette : À la page 2 de votre mémoire, vous parlez que
«les pertes et les perturbations que les milieux humides ont subies au cours des dernières [années] constituent des
indicateurs de la faiblesse ou de l'inefficacité des moyens d'intervention visant à les protéger». Donc,
actuellement, on est sous le régime de l'article 22 de la Loi sur la
qualité de l'environnement. Il y a
certains intervenants qui nous ont mentionné que, dans le cadre du projet de
loi n° 71, la loi qui a été adoptée en 2012, le ministre avait certains
pouvoirs pour exiger des mesures de compensation. J'aimerais vous entendre
sur ces mesures-là et sur l'application de
la loi, sur le contrôle qui peut être fait pour véritablement s'assurer qu'il y a
une conservation, des mesures de compensation, de minimisation; la
portée, dans le fond.
M.
Cinq-Mars (Jean) : Bien,
tout d'abord, au point
de vue global, je soulignais plus tôt
que le secteur forestier et le
secteur agricole sont responsables
pour à peu près 70 %, selon les études qui ont été commandées par le
ministère, des perturbations du milieu humide, donc il y a un 30 %
seulement qui est assujetti au régime de certification. Alors, quand on regarde la performance du système qui
était en place entre 2002 et 2010, d'après les études qui ont été faites
par les professeurs en biologie végétale, on
s'aperçoit qu'il y a à peu près 1 % des milieux humides qui ont été
protégés. Donc, je me dis, l'approche
des certifications n'est pas mauvaise, sauf que finalement il y a deux secteurs
importants qui ne sont carrément pas
impliqués, puis, quand on regarde les résultats réels, les résultats ne sont
quand même pas très, si on peut dire,
encourageants pour le moment, il y a certainement du travail à faire pour
renforcer ce mécanisme-là. Mais c'est pour
ça que je disais qu'on aurait besoin d'un projet de loi qui soit beaucoup plus
complet que simplement un projet de loi qui vise les certificats
d'autorisation.
M. Jolin-Barrette : Sur cet
élément-là, à la page 3 du mémoire vous dites : «Le développement
d'outils complémentaires encadrés par une
loi...» Lorsque vous avancez la question des outils complémentaires, qu'est-ce
que vous avez en tête comme outils?
M. Cinq-Mars (Jean) : J'en ai cité
quelques-uns tout à l'heure, j'avais dit qu'il faudrait tout d'abord statuer sur la définition de «milieu humide», il faudrait
statuer également sur les critères de milieu humide, les conditions où on
doit les protéger, les critères de performance écologique, qu'est-ce qu'on
entend par «compensation», quels sont les moyens
qu'on pourrait utiliser qui ont été utilisés par d'autres administrations.
Enfin, si vous regardez le rapport qui a été fait par le
Pr Lavallée, il y a beaucoup de recommandations en termes, disons, de...
qui doivent être considérées pour l'élaboration d'une prochaine loi.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Toujours à la page 3, vous disiez dans
votre rapport présenté à l'Assemblée nationale en 2011 qu'on avait une
certaine difficulté au niveau de l'adaptation de la législation. Donc, est-ce
que vous avez pu constater, depuis 2011, que les parlementaires ont adopté la
législation d'une façon plus cohérente avec les exigences requises par le
développement durable et par les politiques à mettre en place?
M.
Cinq-Mars (Jean) : On n'a
pas fait de vérification sur la rapidité à l'adaptation d'une nouvelle
législation depuis 2011. C'est en
2011 qu'on avait fait un rapport sur l'exploration et l'exploitation du gaz de
schiste. C'est là qu'on s'est aperçu
qu'il y avait des règlements qui avaient été présentés en premier, par exemple,
en 1998 mais qui avaient été adoptés
en 2010 sans modification, même en tenant compte des changements technologiques
qui étaient arrivés. Donc, on s'est
aperçu qu'il y avait... le processus de modernisation de la législation était
un processus qui était laborieux, qui ne donnait pas des résultats qui, finalement, étaient cohérents avec les
changements de la société. Alors, c'est ça qui justifie, finalement, la
remarque que j'avais faite à ce moment-là.
M.
Jolin-Barrette : Et est-ce que vous avez suggéré, à cette occasion-là,
certains mécanismes pour s'assurer que la législation soit actualisée?
M.
Cinq-Mars (Jean) : On n'a
pas fait de suggestion. Cependant, dans la Loi sur le développement durable,
c'est établi que, finalement, les ministères doivent prendre en
considération le développement durable et les 16 principes lorsqu'ils
modifient les lois, les règlements et les programmes.
M. Jolin-Barrette : Et...
Le Président (M. Reid) :
Merci, on a épuisé... Il reste deux secondes.
M. Jolin-Barrette : Bien, je vais
peut-être en profiter pour vous remercier de votre contribution. Merci.
M. Cinq-Mars
(Jean) : Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci
beaucoup. À mon tour de vous remercier de votre
participation aux travaux de la commission.
Alors, l'ordre du jour étant épuisé, je lève la
séance de la commission. Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne
ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 16
h 10)