(Dix heures une minute)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires, ce que je vais moi-même faire tout de suite. Voilà.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de
Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Soucy (Saint-Hyacinthe) est remplacée par Mme Lavallée (Repentigny).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Alors, l'ordre du jour pour ce matin. Nous entendrons les groupes
suivants : le Chantier de l'économie sociale, dont les invités ont déjà pris place, et l'Association pour la santé publique du Québec.
Alors, je
vous souhaite la bienvenue, et vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation. Je vous donnerai un petit
signal quand il restera une minute pour vous aider à atterrir si nécessaire,
et, par la suite, nous aurons un échange avec les membres de la commission pendant 35
minutes. Alors, à vous la parole. Je vous demanderais de vous présenter
et de présenter la personne qui vous accompagne.
Chantier de l'économie
sociale (CES)
Mme
Neamtan (Nancy) : O.K.
Alors, je suis Nancy Neamtan. Je suis présidente-directrice
générale du Chantier de l'économie sociale et je suis accompagnée de mon collègue François Vermette, qui est
directeur du développement au
chantier.
Alors, je
voudrais vous remercier, en premier
lieu, de nous recevoir à cette commission sur un sujet qui est, de toute évidence, d'une importance capitale pour
l'avenir de notre société et de notre planète. Bon, peut-être juste quelques
instants de... Pour ceux et celles qui ne
nous connaissent pas, le Chantier de l'économie sociale est un genre de réseau
de réseaux reconnu, d'ailleurs, dans la loi-cadre que vous avez votée à
l'unanimité sur l'économie sociale — et on vous remercie, d'ailleurs, pour cette reconnaissance — comme organisation de soutien à la promotion
et le développement de l'économie sociale.
Et, dans ce
contexte-là, donc, on regroupe des gens d'à peu près toutes les régions du
Québec, de différents secteurs d'activité
économique, de mouvements sociaux. On a un représentant de l'Assemblée des
premières nations qui participe aussi
à notre conseil d'administration ainsi que des représentants du milieu de la
recherche, etc. Et nous avons, depuis notre
création, il y a plus d'une quinzaine d'années, travaillé, donc, à innover dans le domaine économique, justement, dans l'esprit du développement
durable, c'est-à-dire comment faire en sorte qu'un
développement économique puisse être
centré sur les besoins des collectivités, les besoins des citoyens, où est-ce
qu'on met l'être humain au coeur de l'économie.
Et, dans ce sens-là, on s'est toujours considéré comme étant
une composante du développement
durable parce qu'on fait, justement, cette jonction entre l'économique et le social en
tenant compte aussi, par la forme d'entreprise, par les objectifs et la finalité de l'entreprise, de la durabilité
autant au niveau environnemental qu'au niveau social et aussi au niveau économique, la durabilité économique. Et,
en passant, les entreprises d'économie
sociale, pour ceux qui le doutent,
ont un taux de survie beaucoup
plus long que l'entreprise traditionnelle, classique. Donc, je pense que, la
durabilité, on peut en parler à tous les niveaux.
Bon, on
n'est, bien sûr, pas des experts dans l'ensemble des domaines qui
sont traités par cette stratégie-là. Donc, on a choisi, comme beaucoup
d'autres, je crois, à se concentrer sur quelques points où est-ce qu'on peut
apporter une plus-value. Alors, on a tout de
même certains commentaires généraux qu'on voudrait souligner avant d'aller plus
dans les propositions plus pointues.
Bon, premièrement, on imagine qu'on
n'est pas les seuls à parler de l'importance de la cohérence.
On trouve que le document, effectivement — et on avait participé à certaines
consultations par le passé — est un document extrêmement
intéressant, qui soulève des enjeux fondamentaux, et on souligne notre accord
et notre satisfaction à cet égard. Mais,
comme tout le monde, on le sait aussi qu'au-delà des énoncés et les objectifs
il y a un enjeu toujours de cohérence dans le travail qui se fait, et
donc c'est pour cette raison on pense que c'est extrêmement important — et ça va être, je pense, le nerf de la
guerre dans les prochaines années — c'est d'assurer qu'on trouve des moyens de vraiment voir, à travers toutes les
planifications, les grands projets, les grandes orientations de l'État, qu'on
tienne compte d'une manière concrète et
rigoureuse des principes du développement durable tels que définis dans le
cadre de la Loi sur le développement durable.
Et je pense
qu'il faut le retenir, on sait qu'au Québec on fait beaucoup d'efforts pour
essayer de régler le problème des
finances gouvernementales pour les générations futures, mais je pense que les
déficits et les dettes environnementales ou
sociales, ce n'est pas un héritage qu'on veut non plus laisser aux générations
futures. Donc, l'enjeu de l'équilibre, il va toujours rester important pour
nous, et on espère que le ministère et la stratégie le voient dans le même
sens.
On
pense, deuxièmement — et, je
pense, c'est un peu notre rôle ici — de l'importance de rappeler — et c'est, malheureusement, trop souvent oublié — que le développement durable — et c'est clairement dit dans le
document — n'est
pas juste un enjeu d'avoir un meilleur
arrimage, une meilleure cohésion et cohérence entre l'environnement et
l'économie, mais la dimension sociale, et, bon, on sait aussi,
culturelle — mais
nous, on est là pour parler plus de la dimension sociale — sont des
éléments extrêmement importants. Et c'est pour ça que nous, on dit qu'on se
définit un peu comme des acteurs de
développement durable, parce que dans... Et on donne des exemples dans le
mémoire comment des entreprises d'économie
sociale, par une approche entrepreneuriale de développement, d'investissement,
etc., intègrent la dimension sociale
là-dedans, et donc on était contents de voir dans la stratégie la
reconnaissance de la contribution... l'importance de la lutte à
l'exclusion et à la pauvreté et la reconnaissance des entreprises d'économie
sociale.
Et
d'ailleurs les organismes communautaires, on veut simplement rappeler que... On
l'a toujours dit, on l'a dit en 1996
au Sommet sur l'économie et l'emploi et on continue de le dire, oui, on va
faire tout ce qu'on peut et plus pour lutter
contre la pauvreté et l'exclusion sociale, mais on ne peut pas le faire seuls.
On est conscients que l'État a les moyens aussi limités, évidemment, a une responsabilité ultime, mais on pense
qu'il est aussi important d'encourager et rappeler à l'entreprise privée sa responsabilité dans ces
luttes-là, et on reviendrait plus loin sur un moyen concret qu'on
voudrait privilégier.
Et
c'est peut-être une question de vocabulaire, mais on pense que ça va plus loin,
dans la stratégie on parle beaucoup d'une
économie prospère, verte et responsable. On pense, comme c'est le cas en
Europe, c'est qu'il faut parler d'une
économie aussi qui est inclusive. Il faut le nommer, cet enjeu de la croissance
inclusive. En Europe maintenant, on
le parle de plus en plus. Je pense que ce que l'OCDE a clairement affirmé,
c'est que la croissance tout court... on n'a jamais eu autant de création de richesse depuis les dernières années, et
on sait que les écarts entre les riches et les pauvres ont accru de manière importante. Peut-être moins
pire au Québec, mais on n'est pas à l'écart de tout ce phénomène-là. Et donc c'est extrêmement important, et on pensait
que ça serait intéressant de le nommer clairement, qu'on parle du type
d'économie parce qu'une économie verte peut être très bien pour
l'environnement, développer, même ouvrir les marchés,
aider au développement économique du Québec, mais, si cette même économie verte
n'est pas inclusive, on passe à côté d'un élément extrêmement important
du développement durable.
Je passerais
maintenant la parole à mon collègue François pour parler des marchés publics.
M. Vermette
(François) : Un des moyens qu'on peut utiliser, que vous pouvez
utiliser pour favoriser le développement
durable, là, on pense que ça pourrait passer beaucoup... ou ça peut passer par
l'utilisation des marchés publics. Il
y a une force d'achat que le gouvernement a, et cette force-là peut être
orientée de telle façon que ça va favoriser le développement durable. Alors, on vous a donné plusieurs exemples.
Nous, on se base beaucoup sur les travaux de l'ECPAR, qui est l'espace
concerté...
Mme Neamtan
(Nancy) : ...des politiques d'achat responsable.
M.
Vermette (François) : ...pour des politiques d'achat responsable — merci — qui ont une définition de l'achat
responsable, d'une politique d'achat responsable qui est beaucoup plus large
que ce qui est utilisé en ce moment au gouvernement
du Québec, qui ne prend en compte, habituellement, que le volet
environnemental. À L'ECPAR, ils vont plus large, ils prennent aussi le volet social, et on pense que c'est
important de le prendre et que, dans les politiques d'achat, vous
devriez en tenir compte.
On
vous a donné des exemples, on vous a aussi montré des changements
réglementaires qui pourraient être faits qui seraient utiles, que ça soit en gestion des matières résiduelles
ou... Bien, par exemple, les municipalités peuvent faire des achats de gré à gré, mais vous
avez empêché que ça se fasse dans la gestion des matières résiduelles. Il
y a d'autres secteurs comme ça. Dans
les dernières années, pour toutes sortes de bonnes raisons, on a resserré les
règles sur l'octroi de contrats, mais,
ce faisant, on a aussi rendu les choses plus difficiles pour les entreprises
d'économie sociale, les organismes
sans but lucratif, d'obtenir des contrats publics. Alors, en obtenant des
contrats publics, on fait... À coût égal, là, on ne parle pas de payer
nécessairement plus cher, mais on va, en même temps, servir une cause sociale.
Une autre façon que
vous pourriez utiliser, ça serait par l'introduction de clauses sociales. Ces
clauses-là, qui s'appliquent... en fait, qui
pourraient s'appliquer dans des appels d'offres et qui seraient tout aussi
applicables à l'entreprise privée
qu'à l'entreprise sociale, c'est des clauses qui ajoutent un volet social, qui
disent, par exemple : On veut acheter des tables et insérer en emploi des personnes qui sont loin du marché du
travail, et on le met dans l'appel d'offres, et tout le monde peut y répondre. Nous, on pense que les
entreprises d'économie sociale vont avoir un avantage parce qu'il y en a
déjà plusieurs qui le font et vont pouvoir
le faire, mais une entreprise privée pourrait tout aussi bien répondre aussi à
ça, et ça ne serait que tant mieux. Alors, je vais passer la parole pour
la conclusion à ma collègue.
• (10 h 10) •
Mme Neamtan (Nancy) : Peut-être, je veux mentionner que ces enjeux-là, on travaille ça
étroitement avec les municipalités.
Peut-être, dans la période de questions, on pourra vous parler de ça. C'est des
tendances qui sont internationales et qui ne sont pas en contradiction
avec les ententes internationales, de commerce international.
Bon, deux autres
points rapidement, parce que, j'imagine, il me reste une minute ou deux, là.
Le Président (M.
Reid) : ...
Mme
Neamtan (Nancy) : O.K. C'est
simplement de dire qu'il y a deux autres points qu'on voulait mentionner.
Premièrement, c'est de dire qu'on pense que,
pour arriver à la mise en application de cette stratégie — et qu'encore une fois on salue — ça prend les moyens, qu'on ne peut pas tout
faire avec amour et eau fraîche. Donc, on recommande au gouvernement de vous donner les moyens de vos
ambitions. Alors, on reviendra sûrement dans les consultations prébudgétaires
également à cet égard-là.
Et,
finalement, de rappeler, comme vous le dites dans la stratégie de développement
durable — et je
pense qu'on le sait — que, si on veut un vrai développement
durable, ça ne peut pas être juste le gouvernement, ça prend l'action de
l'ensemble des acteurs. Et donc on le voit,
mais on pense que c'est important d'avoir des moyens, d'aussi continuer à
soutenir les organisations qui ont
ces préoccupations, les acteurs de la société civile, pour assurer qu'ils puissent
continuer à faire ce travail-là, nous ramener à l'ordre quand ça dévie.
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons commencer notre
période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Et merci beaucoup pour
votre présentation ainsi que votre mémoire. C'est très important d'entendre la voix de tout le Chantier de
l'économie sociale, très important, puis vous soulevez des points qui se doivent d'être considérés. Je vais
commencer par, peut-être, vous laisser le temps d'approfondir vos derniers
points. Alors, si je vous suivais bien, là,
la question des municipalités, c'était par rapport aux marchés publics, c'est
ça? Alors, peut-être, si vous voulez approfondir un peu là-dessus.
Mme
Neamtan (Nancy) : Oui. Je
veux simplement te dire que cette question... Je pense, dans le mémoire, on
montre qu'on travaille avec ECPAR, et que,
je pense, vous connaissez, ils sont déjà passés ici avec Switch, là. Donc,
c'est des entreprises qui veulent
acheter plus auprès des entreprises d'économie sociale. On sent la même chose
de la part des municipalités. Il y a,
par exemple, la ville de Montréal, la ville de Longueuil qui ont pris un
engagement clair pour des clauses
sociales. Et, comme je dis, ça, c'est une tendance qu'on a en Europe. Ce matin,
en s'en venant, on lisait, par exemple, la ville de Bordeaux qui a intégré ça, puis, dans quelques années, ils
seront rendus à... Et je pense que l'avantage de ça — puis on connaît tous le contexte budgétaire — ça ne coûte pas une cenne de plus. Tout ce
qu'on dit, c'est que, pour le même argent,
dans... L'objectif de l'appel d'offres, on veut aussi avoir un impact social
positif. Et tout le monde peut répondre à ça, mais ça fait en sorte qu'il y a de l'insertion des personnes en
situation d'exclusion et construction de cohésion sociale, lutte à la pauvreté et l'exclusion avec le même
dollar, hein? On a un deux pour un dans ce sens-là. Et, comme ce n'est
pas spécifiquement pour un type d'entreprise, ça peut être une multinationale
française comme ça peut être une petite entreprise locale, privée ou
collective, ça fait en sorte qu'avec les marchés publics on va plus loin.
Donc, les
municipalités sont extrêmement ouvertes à ça. On a déjà commencé, par exemple,
avec un soutien du Conseil du trésor, à identifier et faire de la
formation auprès des municipalités pour qu'elles voient quelles sont les possibilités dans le cadre réglementaire existant,
mais on travaille aussi avec l'UMQ, avec la FQM, avec la ville de Montréal
pour identifier quels sont les changements
que ça prendrait pour aller au bout de cela. Parce que c'est un projet qui est
plus global, donc que ce soit dans chacun
des ministères, que ce soit dans les agences, que ce soit dans les
municipalités, les entreprises privées. Puis, quand on va arriver à ça,
bien là on va avoir un impact social qui va être extrêmement intéressant. Puis, encore une fois, ça ne coûte
pas une cenne de plus, c'est simplement la façon qu'on utilise notre argent.
Donc, on en a
parlé, il y a eu mention de ça, il y a eu beaucoup d'emphase par le passé au
niveau des marchés publics, sur les impacts environnementaux, là. On ne
peut pas acheter des produits qui sont complètement néfastes pour l'environnement au gouvernement, mais on
pense qu'on peut aller par le positif puis dire : On peut aussi acheter
auprès des entreprises où est-ce que l'impact social va être significatif.
M.
Heurtel : Donc, si je vous suis bien, bon, vous êtes d'accord avec le
principe. Parce qu'il y a plusieurs groupes qui ont soulevé la question
de changer nos politiques d'achat puis même d'aller jusqu'à même modifier les
processus d'appels d'offres pour intégrer dans le processus
décisionnel les principes de développement
durable et même questionner...
Bien, c'est même d'intégrer... d'aller un peu plus loin même que les principes de développement
durable, c'est d'intégrer les
principes aussi de lutte contre les changements climatiques pour que ça soit
bien intégré.
Là, dans ce contexte-là,
vous nous demandez d'aller encore un peu plus loin, d'intégrer une clause
sociale dans ces processus-là si je
vous suis bien. J'aimerais ça, avoir un exemple concret. Je vais vous prendre
un exemple comme ça, là, mais juste
pour bien comprendre, là, l'impact d'une clause sociale puis qu'est-ce que ça
veut dire concrètement. N'importe
quoi, je ne sais pas, on veut construire une route, on s'en va en appel
d'offres, comment une clause sociale s'applique
dans ce contexte-là? Ou prenez un exemple que vous connaissez, mais comment on
opérationnaliserait ça?
Mme
Neamtan (Nancy) : Bien,
c'est dans l'objet de l'appel d'offres, toujours, je pense. Et ça se pratique
beaucoup en Europe depuis quelque
temps. Donc, on a documenté... Éventuellement, s'il y a des gens de votre
équipe qui voudraient en savoir plus,
on peut vous le montrer parce que c'est simplement... Dans le fond, on
dit : Dans l'appel d'offres, on veut la route, on veut qu'elle soit bien construite. On a un budget, évidemment,
en tête, là, mais on veut aussi intégrer 100 personnes, ou 10 personnes, ou cinq personnes vivant
avec des handicaps, par exemple. Ce qui arrive, en général, en Europe et ici
aussi, c'est que, dans la proposition,
peut-être le constructeur, là, tu sais, il n'a pas cette préoccupation-là...
peut-être que oui parce qu'il y a
quand même des entreprises qui font des efforts, des fois, d'intégrer des
personnes handicapées, mais, malheureusement,
pas assez. Mais des entreprises adaptées, donc, c'est ça, leur mission, qu'ils
produisent des biens et des services.
Alors, ce qu'on voit souvent, c'est que ça devient de la sous-traitance. Ils
vont dire : Bien, on va sous-traiter une partie de notre travail à ces entreprises-là,
et, en retour, bien là ça nous permet d'avoir le contrat, ça nous permet de
répondre aux besoins puis ça nous permet de faire la route.
Nous, on l'a
vu, puis ce que ça fait aussi, ça crée des opportunités pour les entreprises.
Ils ont pratiqué ça depuis des années
en Italie. Bon, j'ai visité, ça doit faire une dizaine d'années, des
coopératives sociales qui avaient ça. Alors, j'ai visité, par exemple, une entreprise qui faisait des sous-contrats
pour les municipalités de design informatique, etc. Toute l'entreprise était construite pour les
personnes en chaise roulante, etc., mais ils avaient accès à ces contrats-là
parce qu'il y avait ces genres de
clauses sociales dans les marchés publics, donc il y avait des opportunités.
Alors, ce que ça fait, ça fait en
sorte que ça développe des habitudes, tu sais, des façons de faire, et donc on
arrive à ça. Alors, ça, c'est un exemple, puis il peut y en avoir bien
d'autres.
M.
Heurtel : O.K. Merci.
Rapidement, là, vous terminiez — rapidement, en 30 secondes — vous avez soulevé deux points, vous avez parlé d'avoir les moyens de
nos ambitions puis aussi d'inclure l'ensemble des acteurs. Peut-être
approfondir ces deux notions-là, s'il vous plaît.
Mme
Neamtan (Nancy) : Bien, on
peut prendre, par exemple, l'enjeu des marchés publics. Ce qu'on sent, c'est
que, du point de vue politique, il y a des gens qui trouvent ça intéressant. Tu
sais, on discute pour le plan d'action en économie
sociale, etc. L'ancien gouvernement, c'était dans la même chose, les
municipalités. Mais c'est sûr que ça prend, tu sais, la formation, la sensibilisation, ça prend du monde que... Tu
sais, parce qu'on sait en même temps, par exemple, il y a beaucoup de fonctionnaires qui, même avec
les règles qui sont là, pourraient aller plus loin, mais ils sont un peu
préoccupés. Alors, s'il n'y a pas de gens
qui sont là-dessus, qui aident à enlever puis développer cette culture-là...
Ça, ça peut être un exemple de
comment ça prend des moyens, mais, je pense, dans l'ensemble... On a écouté ce
matin — et là
c'était plus sur les enjeux
environnementaux — si on
n'a pas les inspecteurs, si on n'a pas les gens qui assurent la suite dans
les énoncés dans cette stratégie-là... Bon,
on sait que, comme je l'ai dit, le ministre, il peut avoir une volonté, mais
après il faut qu'il y ait du monde
qui l'applique. Alors, c'est ça, notre préoccupation, mais... Nous, on le voit
dans notre domaine. Ce n'est pas la
volonté, mais, des fois, c'est l'information, c'est la formation, c'est les
suivis, c'est le temps de faire les changements
réglementaires, et donc il faut y mettre l'effort. Et ça, on s'inquiète est-ce
qu'il n'y a pas les ressources au-delà des volontés qui sont énoncées
dans la stratégie.
M.
Heurtel : Alors, du côté du Chantier de l'économie sociale, de votre
expertise, est-ce que vous avez... Excusez, je vais recommencer. De
votre point de vue, il y a un besoin d'une meilleure compréhension à travers
l'appareil gouvernemental de ce qu'est
l'économie sociale, de l'importance de l'économie sociale comme un secteur en
croissance, et donc ce qu'il faut s'assurer,
c'est non seulement... bon, mettons, travailler sur les politiques d'achat,
etc., mais d'avoir vraiment de la
communication, de la sensibilisation pour mieux comprendre comment on intègre
l'économie sociale dans le processus décisionnel.
• (10 h 20) •
M.
Vermette (François) : Oui.
Il y a des aspects bien importants. Par exemple, que ça soit n'importe quelle
agence gouvernementale, un ministère qui veut faire un appel d'offres,
s'il fait cet appel d'offres à une certaine échelle, par exemple, sans trop y penser, il va y avoir seulement
des multinationales qui vont être capables d'y répondre. S'il le
fait à une autre échelle en y pensant
d'avance, il pourrait avoir un impact beaucoup plus grand en ayant des entreprises,
par exemple, d'économie sociale ou des entreprises locales qui vont être capables d'y répondre, et
ça ne coûtera pas nécessairement plus cher. L'information doit circuler
sur... Si on veut favoriser le développement durable, si on veut favoriser les entreprises d'économie sociale, ça peut
être juste dans la façon dont on fait l'appel d'offres. Ça peut être aussi
dans la façon dont on utilise les règles actuelles du gré à gré, où c'est
possible de faire du gré à gré, mais on sent qu'il
y a une frilosité. Puis on peut la comprendre, là, avec ce qui s'est passé dans
les dernières années, mais souvent les fonctionnaires vont être plus
réticents parce que soit qu'ils sont mal informés ou on ne les oriente pas vers
ce type de solution là.
Et on l'a vu,
on a des exemples précis que je ne voudrais pas nommer où des entreprises
d'économie sociale qui avaient des
contrats avec le gouvernement ont été sur le point de les perdre parce qu'on
allait à un appel d'offres à une échelle
où ils n'étaient pas capables d'y répondre alors qu'ils rendaient un excellent
service depuis longtemps. Et donc c'est
seulement, des fois, dans la façon de faire qu'on va favoriser un type
d'entreprise ou pas, et c'est un choix qui peut être déterminant, ça, et
qui, au bout de la ligne, ne coûtera pas plus cher ou moins cher au
gouvernement, là.
M.
Heurtel : Par rapport à la lutte contre les changements climatiques,
c'est un domaine... on n'en a pas beaucoup parlé, là, dans votre présentation, mais, de votre point de vue, du côté
de vos travaux... Parce que moi, dans une autre vie, j'ai fait affaire avec des entreprises d'économie
sociale qui étaient très impliquées notamment, là, au niveau environnemental
et puis qui avaient comme objectif de développer des technologies en matière de
réduction de gaz à effet de serre, je vous
demanderais de faire le lien, justement, l'importance du Chantier de l'économie
sociale par rapport à la lutte contre les changements climatiques.
Mme
Neamtan (Nancy) : Bien,
c'est sûr que je pense nous, on a une responsabilité à plusieurs égards. Le
premier, évidemment, est le secteur... ce qu'on peut appeler maintenant
l'économie verte, là. On a un réseau d'entreprises, par exemple, qui auraient grandement besoin d'être soutenues pour leur
développement, d'ailleurs, qui sont dans la gestion des matières résiduelles. Mais, même là, à un
moment donné, il y a eu certaines games qui se sont jouées pour, par exemple, les exclure du gré à gré, là. On pense que ça, on
devrait comme rectifier le tir à cause de l'impact de ces entreprises-là.
On a, effectivement,
de plus en plus d'entreprises dans toutes sortes de secteurs, mais qui sont des
entreprises dans l'économie verte, et
c'est sûr que nous, on tente de les soutenir au mieux qu'on peut par les
instruments financiers adaptés, etc. C'est des entrepreneurs, et on les
soutient de cette manière-là.
Et l'autre
élément, pour nous, qui est important, c'est la cohérence dans notre discours.
C'est-à-dire les entreprises d'économie
sociale, peu importe dans quel domaine elles sont, il faut aussi qu'elles fassent
leur effort comme n'importe quelle
PME pour assurer que, dans le procédé, etc., elles sont de plus en plus
performantes du point de vue des changements climatiques et des impacts
environnementaux.
Après ça,
bien là, si on veut aller plus dans... Tu sais, par exemple, il y a des
initiatives dans le transport collectif, tu sais, dans le développement régional. Alors, on pourrait relier...
Peut-être, on aurait dû faire cet exercice-là. On a choisi de concentrer
sur les éléments des politiques d'achat puis les marchés publics, mais c'est
sûr qu'on est dans une... Et évidemment
nous, on le dit, puis, bon, ce n'est pas juste nous... le dit. Je ne sais pas,
vous... Par exemple, il y a le prix Nobel de l'économie de... en tout
cas, Elinor Ostrom, d'ailleurs la première femme
économiste qui a gagné le prix Nobel en économie,
qui l'a dit clairement : C'est quoi, la meilleure façon, aujourd'hui, de
gérer les ressources naturelles? Et sa grande conclusion, c'est de dire : Ce n'est pas le public parce que ça
peut devenir bien bureaucratique, mais le privé classique a une vision à très court terme de rendement
financier. Et donc elle a dit — et elle a gagné le prix Nobel, donc elle a
dû faire une étude relativement
rigoureuse, là — c'est de
dire : C'est les regroupements de citoyens de proximité. Des regroupements,
tu sais, ils fonctionnent avec une gestion
démocratique. Alors, pour moi, là, on n'a pas le même vocabulaire, mais on a le
même sens, c'est des entreprises d'économie sociale.
Alors, qu'on
le voit dans les initiatives qu'on a développées, par exemple, dans la gestion
de la forêt habitée, la forêt de
proximité, mais on pourrait aller beaucoup plus loin. Là, l'enjeu, c'est
toujours l'accès à du capital — donc, c'est pour ça qu'on y travaille — pour des projets plus d'envergure. Parce que
c'est pour ça qu'on dit un peu : L'entreprise d'économie sociale, par sa finalité, elle est un
peu une expression du développement durable. Bon, une fois qu'on a dit ça, il
faut être cohérent. Je ne dis pas que ça veut dire qu'on le fait tous, puis
c'est parfait, mais il y a cette possibilité-là parce qu'on n'est pas
dans la même logique économique de rendement à court terme. Voilà.
M. Heurtel : Merci.
Le Président (M. Reid) :
Merci. M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Il me fait plaisir
de vous recevoir. Comme vous le savez, tant au gouvernement, dans les
municipalités, etc., le développement durable puis l'inclusion sociale, d'aider les petites PME avec des gens où il y a des
handicapés, etc., c'est quelque chose où on est plus sensible, où c'est plus facile. Un des secteurs
que vous nous ouvrez — puis
vous nous dites qu'en Europe ils le font — c'est un
peu d'impliquer l'industrie privée à s'habituer à faire des sous-contrats, puis
vous nous dites : Est-ce qu'on devrait le mettre dans la loi, dans la réglementation? Ce qui m'inquiète avec ça,
vous savez, on peut toujours mettre de la nourriture dans la bouche de quelqu'un puis le forcer à
l'avaler, mais ça ne l'habituera pas à manger. Vous comprenez ce que je veux
dire? Donc, est-ce qu'il y a des expériences
ou des incitatifs qui font que l'inclusion sociale et le développement font que
les gens sont intéressés, que ça pousse le développement d'une façon plus
naturelle qu'imposer des lois?
Mme
Neamtan (Nancy) : Bien,
c'est pour ça qu'on pense que les clauses sociales, c'est un incitatif. Dans le
fond, dans un système de pointage,
pour avoir accès à des marchés, tu sais, on met ça comme un plus. Donc, ça veut
dire que ça peut faire la différence
entre avoir un contrat et ne pas avoir un contrat. Bon, peut-être,
dans un premier temps, ils vont prendre
ça d'une manière forcée, mais, je veux dire, c'est la même chose au niveau
environnemental. Si on n'avait jamais mis
les critères environnementaux dans les appels d'offres, on n'aurait pas avancé.
Et, comme je vous dis, il y a quand
même
une sensibilisation. Quand on travaille avec un réseau comme ECPAR, là, où
est-ce qu'on a Gaz Métro, Hydro, Desjardins,
etc., et qui vient solliciter d'une façon concrète cette affaire-là, c'est
parce qu'il y a des gens qui sont rendus là aussi. Alors, je pense qu'il ne faut pas sous-estimer l'ouverture de
l'industrie pour le faire, mais, évidemment, je veux dire, avoir accès à
une possibilité de contrats est sûrement la meilleure façon. Alors, je pense
que c'est vraiment ça.
En même temps,
c'est sûr que nous, on travaille beaucoup à le rendre facile. On est en train de créer un
site transactionnel, on collabore
avec ECPAR et d'autres pour que ça va être plus facile de trouver ces
sous-traitants-là, etc. Nous, on a un
travail de notre côté aussi pour rendre ça facile, mais, à un moment donné, je pense
qu'il faut prendre des moyens, là,
parce que, si on dit juste : Par la bonne volonté des dirigeants, peut-être
que les dirigeants, ils vont avoir une bonne
volonté, mais ses actionnaires vont trouver que... et on peut passer à côté.
Alors, moi, je pense qu'on n'a pas le choix, sauf de l'amener. Mais les
clauses sociales, comme je vous dis, ce n'est pas la réglementation, c'est
l'incitatif.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Nous allons passer maintenant du côté de l'opposition officielle avec
son porte-parole, M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Neamtan et M. Vermette. Ça
me fait plaisir de vous retrouver, de
vous revoir. Je garde d'excellents souvenirs de notre collaboration pour la
loi-cadre sur l'économie sociale. J'ai regardé avec attention votre
mémoire et j'ai écouté votre présentation également. Au fond, quand vous parlez de revoir les normes d'achats
publics pour davantage soutenir, notamment, les entreprises du secteur de l'économie sociale, est-ce que vous interpelez,
au fond, l'exemplarité que devrait avoir le gouvernement? Autrement dit, il faut que le gouvernement
donne l'exemple. Si on veut soutenir l'économie sociale, si on veut soutenir le
développement durable, il faut d'abord qu'on ait un signal fort venant
du gouvernement. Et, pour vous, de revoir les normes d'achats publics,
c'est une manière d'être exemplaire.
Mme Neamtan (Nancy) : Oui. Je pense que c'est une question d'exemplarité, mais
j'irais plus loin parce que je pense
que, si on regarde le rôle de l'État, qui est, entre autres, de s'assurer des
normes économiques et sociales de notre société, dans un contexte où
est-ce qu'on dit qu'il n'y a pas tant d'argent que ça — tu
sais, on coupe plutôt dans les programmes
sociaux, etc. — à un
moment donné — et
j'ai eu cette discussion avec M. Dorval, du Conseil du patronat — on ne
peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. C'est-à-dire si on veut... Les
gens veulent payer moins d'impôt, ils veulent avoir moins de... mais, à un moment donné, si on veut répondre aux
besoins sociaux de notre société puis avoir un vrai développement
durable, il faut utiliser ce qu'on fait déjà puis le faire mieux.
Alors,
je pense que, pour l'État, c'est plutôt une stratégie
gagnant-gagnant sur toute la ligne parce
que ça lui permet d'aller... Tu sais, ce n'est pas juste pour
montrer l'exemple à d'autres, c'est aussi d'atteindre sa mission, de répondre
aux besoins, y inclus d'emploi et
d'intégration de sa population, en utilisant les mêmes outils, c'est-à-dire le pouvoir d'achat de l'État.
Et, si on regarde le pouvoir d'achat des municipalités, du gouvernement du Québec, tu sais, ce que le gouvernement dépense en tout, là, si on met toutes les, tu sais, institutions publiques et parapubliques, on est rendu à un extrêmement... je ne me rappelle pas, moi, à
un moment donné, si on met tout ça ensemble,
ce n'est pas loin de la moitié de l'économie.
Donc, si on a la moitié de l'économie qui fonctionne de cette manière-là, imaginez qu'est-ce que ça peut avoir comme impact éventuellement.
• (10 h 30) •
M.
Gaudreault : Donc, si
je fais du chemin sur ce que vous venez de nous dire en faisant référence, entre autres, au secteur de la santé, au secteur de l'éducation, vous avez parlé
des municipalités, est-ce
que vous trouvez que la stratégie ne
va pas assez loin à l'égard de ces autres secteurs? Parce que,
dans le fond, elle couvre le gouvernement, les instances
gouvernementales, mais il faudrait aller plus loin pour le secteur de la santé
au grand complet, les hôpitaux, qui sont quand
même des grands fournisseurs, les commissions scolaires. Est-ce que vous pensez
que la stratégie devrait identifier clairement cet objectif?
Mme Neamtan
(Nancy) : Bien, moi, je pense que... Vas-y. O.K.
M. Vermette (François) : Oui, bien entendu. Puis, si on le fait avec des
changements, par exemple, sur les achats publics, c'est le gouvernement qui décide des règles d'achat pour le réseau de
la santé, et tout ça. Donc, oui, ça devrait être élargi, et c'est relativement facile. En tout cas, on vous propose
certains moyens qui permettent d'en faire un petit peu, qui ne couvrent
pas tout, mais qui permettent d'en faire un peu, qui permettraient d'améliorer et qui incluraient les autres
agences gouvernementales. Pas juste les ministères, mais les agences de santé
et commissions scolaires.
M. Gaudreault :
Les commissions scolaires, les hôpitaux, etc. O.K.
Maintenant, sur la question toujours des clauses sociales, j'aimerais ça, vous
entendre un peu plus. Vous l'avez abordée
rapidement, là, mais sur les autres exemples internationaux et en quoi d'ajouter des clauses
sociales, par exemple, dans les appels d'offres ne contrevient pas aux
ententes de libre-échange, par exemple, ainsi de suite.
Mme Neamtan (Nancy) : Bien, je peux vous dire qu'on a déjà eu cette discussion avec les gens
au Conseil du trésor nommément, là, sur les marchés publics, mais on a
beaucoup étudié, comme vous le savez, M. Gaudreault, les politiques publiques puis on fait une veille
internationale sur tout ce qui se passe en politiques publiques, et c'est assez
répandu, puis, encore une fois, parce qu'il
n'y en a pas, de discrimination par rapport au type d'entreprise, c'est dans
l'objet de l'appel d'offres. Et donc,
si c'est dans l'objet de l'appel d'offres, c'est clairement déclaré, ça ne va
pas en contradiction avec les règles.
On
sait, par exemple, la ville de Montréal, présentement, il y a une volonté, dans
toute la négociation du statut de la
métropole, ils veulent s'assurer de ça, ils sont en train de refaire faire un
autre avis juridique. Mais, comme je dis, en Europe, c'est clairement... puis la Commission européenne travaille
sur ces questions-là, c'est présent partout dans toutes sortes de pays, l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande, l'Italie, etc.
Alors, en tout cas, on est assez... Je ne peux pas vous donner un avis juridique, là, mais ce que je peux
vous dire, que, tu sais... Puis il ne faut pas oublier que les États-Unis, là,
depuis 30, 40 ans, ils ont les Buy America,
ils ont le Minority Business Act. Tu sais, ça existe depuis les années 70, je
pense, ou les années 80 où est-ce que, quand tu vas, tu sais... En tout cas,
moi, j'étais sur le conseil d'administration d'une entreprise de transport dans
le sud-ouest de Montréal. Quand on allait en appel d'offres, on avait une
obligation de donner 30 % des
sous-contrats à des entreprises qui appartenaient à des minorités, tu sais,
hispaniques, noires, etc. Donc, ça se fait partout. L'enjeu, c'est que
ça ne soit pas discriminatoire. Donc, comme je dis, si EDF de France ou, tu
sais, n'importe quelle multinationale... en
autant qu'ils fassent ça, ils ont accès au marché. Donc, normalement, ce n'est
pas en contradiction.
Le Président (M.
Reid) : Merci. M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Neamtan et M.
Vermette. Mes salutations. Je vais y aller avec une question macro : Comment est perçu le secteur de l'économie
sociale actuellement par, je dirais, les grands acteurs étatiques et
économiques?
Mme Neamtan
(Nancy) : C'est difficile de faire quelque chose de très large. Je
pense qu'il y a beaucoup de reconnaissance
et, comme vous voyez, beaucoup de partenariats qu'on développe, autant avec le
privé, etc. Il y en a, là, qui
réclameraient... À l'occasion, on l'entend, vous l'avez peut-être entendu,
qu'on fait supposément de la concurrence déloyale parce qu'on... Mais en même temps, chaque fois qu'il y a eu ces
genres d'accusation là, puis on faisait l'analyse, c'est très rare parce que, par
exemple, les entreprises
d'économie sociale n'ont pas accès à tous les crédits d'impôt, etc. Alors, il y a
plein d'outils. C'est un peu le sens de la loi-cadre, nous, on dit : On
veut avoir un «level playing field»... je ne sais pas comment le dire en français,
excusez-moi, là, mais, tu sais, d'avoir accès aux mêmes outils.
Mais, en
général, je pense que c'est assez bien perçu. Mais, des fois, une
PME va être sur le même marché... Mais, encore une fois, il faut
le voir du point de vue de la société, et c'est pour ça qu'on insiste. On n'est
pas pour dire juste l'économie sociale.
Mais, si ce qu'on apporte comme influence, comme contamination des entreprises
classiques, c'est qu'il faut intégrer
une perspective sociale et environnementale — mais ça, il y en a d'autres qui font ce
travail-là — dans
l'acte d'entreprendre, dans le développement
d'une entreprise, bien, on pense que c'est juste bon pour tout le monde. Alors,
que ça dérange un peu, moi, à la limite, je pense que c'est probablement
une bonne chose.
M. Roy : Est-ce que je peux
poursuivre?
Le Président (M. Reid) : Oui,
allez-y.
M. Roy :
Merci. Donc, si je comprends bien, vous avez la place que vous méritez
actuellement, mais je pense que vous
auriez le goût de prendre plus de place dans l'économie globale. O.K.? J'aimerais vous entendre là-dessus, quelle perspective de déploiement et de contamination vous visez à
moyen et long terme?
Mme
Neamtan (Nancy) : Bien, je pense
qu'on va dans une période de grande expansion de l'économie sociale. On le sent, on travaille de plus en plus avec des
écoles de gestion, etc. La jeunesse, ils sont non pas juste à nos portes,
ils sont dans notre environnement parce que les jeunes, ils portent beaucoup
les enjeux environnementaux, ils portent beaucoup les enjeux de développement durable et,
donc, ils choisissent la voie de l'économie
sociale à cause de ça. Donc,
vous allez voir dans l'avenir un grand déploiement de ce côté-là.
Nous, l'enjeu
pour nous, c'est être sûr que les entreprises ont les outils qu'ils ont. Entre autres,
l'accès à des marchés, on parle de ça, mais aussi l'accès à du capital.
Et c'est pour ça qu'on parle de la question... On parle, par exemple, de l'économie
verte développée avec Investissement
Québec ou d'autres... l'investissement pour l'économie verte, mais on pense que ça doit aller plus loin que ça, et donc toute la question
d'avoir accès à du capital. Mais, encore
une fois, on a un ministre qui était déjà le P.D.G. d'Invest Québec et, comme, lui, il me l'a dit, la vice-présidence de l'économie sociale, c'est là où est-ce qu'il y a
le moins de pertes. Alors, on est des entreprises durables, comme j'ai dit au début. Donc, on
a un appétit de plus en plus... mais qui est
porté beaucoup par la jeunesse. Alors, quelqu'un
comme moi qui roule depuis bien des années là-dedans, moi, je ne suis pas
du tout inquiète pour l'avenir de l'économie sociale au Québec.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Oui, autre commentaire?
M.
Vermette (François) : Oui.
Je pourrais peut-être ajouter : Le développement durable, là, aussi, pour
nous, c'est d'être partout en région, d'avoir des entreprises dans des
endroits où l'entreprise privée ne va pas. Et la solution économie sociale a souvent été la
solution, par exemple, pour maintenir en vie la dernière épicerie ou la
dernière station-service d'un village pour se donner des services. Et ça permet
de maintenir en vie des communautés, et c'est
des communautés qui se prennent en
main, et on pense que c'est absolument gagnant de soutenir ça parce que le
contraire a des grandes conséquences.
Le
Président (M. Reid) : Merci, on a dépassé le temps. Je m'excuse
de vous interrompre, si on veut laisser la parole maintenant au député
de Nicolet-Bécancour, qui est le porte-parole du deuxième groupe d'opposition.
M.
Martel :
Merci, M. le Président. Bonjour, vous deux. En lisant votre mémoire, je pensais
au Marché Godefroy. Je ne sais pas si
vous connaissez le Marché Godefroy. Il est situé au pied du pont, en direction
sud du pont Laviolette, première
sortie, il est juste à gauche. Ce n'est pas le Marché Jean-Talon, mais c'est un
marché, je dirais, très complet. Puis
ce marché-là, il est venu au monde parce que, tout le territoire de la MRC de
Bécancour, Nicolet, il y a beaucoup de
producteurs, mais de vendre leurs produits transformés ou leurs produits près
de la clientèle, c'était difficile, et une des façons qu'on a trouvées justement, c'est de faire le Marché
Godefroy. Si on a pu réaliser — «on» exclut la personne qui parle, là, je parle des gens du milieu chez
nous — ce
projet-là, c'est qu'on avait des outils mis à notre disposition pour
encourager l'économie sociale.
Vous étiez
là, Mme Neamtan, au moment où le gouvernement Bouchard avait rassemblé tout le
monde, puis il avait dit : Le volet de l'économie sociale, c'est
quelque chose au Québec, il a un avenir prometteur au niveau du développement économique, c'est quelque chose
qu'on va développer, et s'en est suivi la création des CLD. Puis, quand on a mis au monde les CLD, bien, on a réservé une
partie pour l'économie sociale, ce qui a fait en sorte que beaucoup de CLD au Québec, ils ont embauché des personnes
responsables de l'économie sociale. On a aussi réservé une partie de subvention
pour des entreprises d'économie sociale, et il est venu un paquet de petites
entreprises souvent développées en
fonction de valeurs environnementales ou... et c'est comme ça que le Marché
Godefroy est venu au monde. Pas juste à cause de ça, mais ça a été un
levier vraiment intéressant.
Quand on regarde les
décisions gouvernementales prises dernièrement où est-ce qu'il y a eu des
coupures par rapport au développement
économique, par rapport aux CLD — là,
ça, c'est mon interprétation, là — on
vient d'enlever ce qu'on avait
consenti, tout le monde, pour favoriser l'économie sociale. Moi, là,
ma perspective, c'est qu'il y a au moins 50 personnes à temps plein à
travers le Québec qui ne s'occuperont plus de l'économie sociale. Il y a un
paquet d'entreprises qui ne pourront pas
bénéficier de subventions reliées à l'économie sociale. Souvent, c'était la petite différence qui pouvait... Moi, j'aimerais ça, vous
entendre par rapport à ça. Je
pense, c'est une belle tribune, puis
c'est en fonction, vraiment, de ce que vous avez mentionné dans votre
mémoire.
• (10 h 40) •
Mme
Neamtan (Nancy) : C'est sûr
que ce n'était pas le sujet de notre mémoire. Nous partageons ces
inquiétudes-là dans des discussions
assez intenses autant avec le ministère de l'Économie qu'avec l'UMQ, avec la FQM, avec la
ville de Montréal
pour essayer de pallier à ça. On en est conscients et on est préoccupés par ça.
On en prend acte et on tente de voir qu'est-ce qu'il est possible de
faire.
Je pense
que c'est quand même différent d'en 1996-1997. La
compréhension de l'importance de l'économie sociale a
évolué beaucoup dans beaucoup de milieux, y inclus au niveau des élus. Pas tous les élus, on est conscients aussi qu'il y
a des endroits où est-ce que ça va
être des reculs importants. Par
contre, on est aussi rassurés par des
positionnements de l'UMQ, la FQM, de la ville de Montréal notamment — moins
de Québec et de Trois-Rivières — sur l'intention de poursuivre le soutien.
Mais, une
fois cela dit, ça va être région par région, collectivité par collectivité,
puis les moyens sont moins là. Alors,
oui, on a cette préoccupation-là et on espère que, minimalement — et
c'est les discussions qu'on a avec les associations municipales — qu'on puisse tagger... excuse l'expression, mais
identifier et réserver... Et on sait que, dans la loi, il y a déjà une certaine mention d'économie
sociale, mais, dans les ententes administratives, ça va aller plus loin pour
protéger minimalement... que, partout
sur le territoire — parce que c'est ça, l'enjeu — s'il y a des gens qui veulent entreprendre et développer une entreprise d'économie sociale, qui est le soutien qui est nécessaire, une fois cela dit, après ça, bien, nous, on travaille pour essayer de
combler le vide au niveau financier, etc. Mais c'est sûr qu'on partage
cette préoccupation-là. Mais on ne lâchera pas pour autant, ça, c'est
sûr. On a une préoccupation, c'est clair.
M.
Martel : Mais est-ce
que vous ne croyez pas qu'il y a,
justement, moins d'entreprises? Si on regarde ça de façon rationnelle, objective, là, on peut bien
favoriser ce type de... mais, si on n'a pas de moyens pour les aider à venir
au monde, à survivre...
Mme Neamtan (Nancy) : On est tout à
fait d'accord, on a cette inquiétude-là, et on va faire, et on fait nos représentations pour tenter de limiter les dégâts,
si vous voulez. Mais, en même temps, ce qu'on fait aussi, c'est solliciter d'autres partenaires pour... En tout cas,
comme j'ai dit, on veut garder le poisson vivant, il faut...
le lac, il s'est vidé un peu, il faut
remplir le lac. Et c'est là où est-ce que je dis que, peu importe ça... Puis
moi, je suis d'accord, puis, je
pense, ça prend des moyens, puis prendre cette
reconnaissance, effectivement, mais l'économie sociale va continuer à se développer, monsieur, vous le savez, parce que
ça répond à des besoins, des aspirations des communautés. C'est porté par des
jeunes, c'est porté par des jeunes
dans les écoles de gestion, on en parle dans les HEC, on en parle un peu
partout. Alors, c'est un courant
international, ça ne reviendra pas. Mais c'est sûr que, si le Québec
veut bénéficier du plein potentiel de l'économie sociale dans son développement
durable, il va falloir travailler
fort puis tenter de sauver le plus de soutien possible. Alors, on
partage vos inquiétudes, mais, comme je dis, on est des gens orientés sur les
solutions.
M.
Martel :
Voulez-vous intervenir? Non?
Le
Président (M. Reid) :
Oui. Alors, non, le temps est terminé. Alors, Mme Neamtan, M. Vermette, merci beaucoup pour votre présentation.
Je vais suspendre les travaux de la commission
pendant quelques instants, le temps que nos prochains invités prennent place.
(Suspension à 10 h 45)
(Reprise à 10 h 47)
Le Président
(M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à nos invités de
l'Association pour la santé publique du Québec.
Des voix : ...
Le Président (M. Reid) : On
va discipliner M. le ministre. À l'ordre, M. le ministre!
M. Heurtel : Excusez-moi, M. le
Président.
Le
Président (M. Reid) :
Oui. Alors, nous avons 10 minutes à vous consacrer pour votre
présentation. Je vous ferai un petit
signe, peut-être, quand il restera une minute, et, par la suite,
nous aurons un échange de 35 minutes avec les membres de la commission. Alors, je vous
demanderais de commencer par vous présenter et présenter les personnes
qui vous accompagnent. À vous la parole.
Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)
Mme
Bertrand (Lilianne) : Merci beaucoup. M. le ministre, M. le
Président, Mmes et MM. les députés,
bonjour. Je suis Lilianne Bertrand. Je suis la présidente de
l'Association pour la santé publique du Québec, l'ASPQ. Et je suis, aujourd'hui, accompagnée de la directrice générale, Lucie Granger, et d'Yves
Jalbert, docteur en santé communautaire et spécialiste de contenu à
l'association.
Au
nom du conseil d'administration de l'ASPQ, nous tenons à vous remercier de
l'opportunité de participer à cette commission.
Permettez-moi, tout d'abord, de présenter l'Association pour la santé publique
du Québec. Fondée en 1943, l'ASPQ contribue à la
promotion, au maintien et à l'amélioration à la santé du bien-être de la
population. Elle entretient des liens avec les communautés de santé publique québécoise,
canadienne et internationale.
L'association
est un lieu d'expertise, de collaboration, d'influence et de changement par le
biais de la formation, l'information,
de la promotion et du développement d'approches et de pratiques novatrices en
santé publique. En plus d'offrir un
espace à ses membres pour développer des prises de position concertées, l'ASPQ
soutient des coalitions et appuie l'adoption de politiques publiques
favorables à la santé et au bien-être de la population.
La
santé, ce n'est pas seulement le résultat essentiel du développement durable,
mais bien une condition préalable à
la réalisation de progrès dans les trois paliers du développement durable, à savoir
l'environnement, le social et l'économie. Je laisse maintenant la parole
à Lucie, la directrice générale, à poursuivre.
Mme
Granger (Lucie) : Bonjour à
tous. À nos yeux, santé publique et développement durable poursuivent les
mêmes objectifs. Quand on parle de
développement durable, on inclut inévitablement la dimension de santé. C'est
aussi fondamental qu'indissociable. À
preuve, le développement durable se définit comme un développement qui répond
aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. En
effet, le développement durable
s'appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère
indissociable des dimensions environnementale, sociale, économique des
activités du développement.
• (10 h 50) •
L'Organisation mondiale de la santé, quant à elle, définit la santé publique comme
l'ensemble des efforts fournis par
des institutions publiques dans une société pour améliorer, promouvoir et
restaurer la santé de la population grâce à une action collective. À ce titre, la santé publique joue un rôle bien
différent de celui des soins et des services, que l'on qualifie, malheureusement
trop souvent, de santé.
Au
Québec, comme dans les pays occidentaux, on constate une régression des
maladies infectieuses, mais une progression
des maladies chroniques. Ces maladies non contagieuses et de longue durée
évoluent lentement et limitent trop souvent les activités quotidiennes.
Le style de vie moderne a une incidence directe sur la prévalence de plusieurs maladies chroniques tout autant que sur les
changements climatiques. S'attaquer aux changements climatiques et aux maladies
chroniques est un des défis du XXIe siècle.
Saviez-vous
qu'au Québec plus de la moitié de la population
âgée de 12 ans et plus souffre d'au moins une maladie chronique? Saviez-vous qu'en 2013 l'ensemble
des coûts de traitement — incluant
les médicaments, les soins hospitaliers, les soins médicaux — de
six des principales maladies chroniques représentaient plus de 2 milliards
de dollars? C'est ce que souligne le
dernier rapport du Conference Board du Canada, intitulé Améliorer les habitudes de vies,
publié en novembre dernier.
L'État québécois
dépense annuellement près de 45 % de son budget dans les soins, les
services et les services sociaux.
Saviez-vous que moins de 2 % du budget du ministère de la Santé sont
investis dans des mesures de prévention et que chaque dollar investi en promotion de la santé et en prévention
permet d'économiser 5,60 $ sur les dépenses en soins de santé? Nous comprenons mal la récente décision
de couper 30 % du budget de santé publique. Je vous rappelle ici que
nous parlons d'une coupure de 30 % de 2 % investis en prévention.
Cette coupure inexplicable compromet encore davantage
la santé de la population en général et celle de nos jeunes en particulier.
Guérir les maladies chroniques est impossible,
mais elles sont, dans la plupart des cas, évitables. On conviendra donc tous de
l'urgence d'agir rapidement pour les prévenir.
Nous avons choisi
d'illustrer notre propos en utilisant l'obésité et les changements climatiques
en matière de transport motorisé,
essentiellement parce que ces deux phénomènes sont étroitement liés entre eux
et que leurs causes et leurs
solutions sont communes. C'est la théorie des vases communicants. En
travaillant au développement durable, on améliore la santé et on préserve la sécurité des populations, on fait
donc de la santé publique. Puis, d'autre part, quand la santé publique suggère d'être plus actif et
d'emprunter le transport collectif, elle fait du développement durable. Du
développement durable, oui.
Encore
aujourd'hui, l'automobile est la technologie la plus polluante, la plus
obésogène et, malheureusement, la
plus fréquemment utilisée pour les déplacements entre le domicile et le
travail. De son côté, le transport collectif réduit les GES, les
embouteillages, la pollution de l'air, la pollution par le bruit et augmente le
niveau d'activité physique tout en favorisant
les interactions sociales. Qui plus est, les individus qui empruntent le
transport collectif marchent, en moyenne, 19 minutes par jour.
L'aménagement du territoire joue donc un rôle important dans l'amélioration de
la santé des individus. Pensons simplement à
l'aménagement de nos pistes cyclables qui sillonnent nos villes. Non seulement
elles embellissent notre
environnement, mais elles contribuent, du même coup, à restreindre
l'utilisation de l'automobile, à favoriser
un meilleur transit sur le circuit routier et à diminuer les gaz à effet de
serre. De plus, elles permettent à leurs utilisateurs d'acquérir et de préserver une meilleure santé par des
modes de déplacement actifs comme la marche et le vélo.
Il
est aussi prouvé que, plus le transport collectif est attrayant, disponible,
abordable, simple et sécuritaire, plus les
gens l'utilisent. La littérature scientifique montre que la qualité de l'air et
le mode de vie physiquement actif aident à prévenir certaines maladies chroniques comme les maladies
cardiovasculaires, l'asthme, le diabète de type 2, etc. Notre cas
illustre toute l'importance de prioriser des investissements soutenus en
matière de transport collectif et actif. Ces investissements ont un impact
positif et significatif sur la sédentarité et sur les changements climatiques.
Au-delà
des effets directs, il faut aussi concevoir le développement durable et la
santé publique comme deux approches à
long terme. Les bénéfices pour l'environnement et l'économie sont
évidents : réduction des gaz à effet de serre, réduction
significative de la congestion automobile, réduction de la consommation
d'énergie permettant même de dégager des économies
pour tous. Il en résulte qu'une population en meilleure santé est bénéfique non
seulement sur le plan social, mais profitable sur le plan économique.
Les causes et
les solutions efficaces pour freiner les maladies chroniques et les changements
climatiques se résument à une
meilleure organisation du territoire, à l'optimisation des systèmes de
transport et l'aménagement novateur du design urbain. Le fondement même d'une économie saine et prospère repose invariablement sur la santé des populations
et le développement durable.
En
conclusion, le mémoire de l'association montre l'indissociabilité entre santé publique et
développement durable. Ce lien met en relief l'importance
d'inclure le principe de la santé de la population au coeur même de la Stratégie
gouvernementale du développement durable. Les objectifs de santé publique et les objectifs
du développement durable sont indissociables. Le fléau des maladies
chroniques entraîne une perte de bien-être individuel et collectif. Il freine le développement socioéconomique. Il compromet ainsi le développement durable, qui repose avant tout sur le développement humain.
L'ASPQ
propose donc, premièrement, d'inclure le mot «santé» dans l'énoncé de vision,
qui se lirait comme suit : «Une société où la santé et la qualité
de vie du citoyen est et demeurera une réalité.»
Deuxièmement, de préciser dans l'enjeu 3
de la stratégie la notion de prévention des risques en y ajoutant le mot
«risques à la santé et à l'environnement».
Et,
troisièmement, d'ajouter, pour chacune des huit orientations de la présente
stratégie, une activité incontournable d'évaluation d'impact à la santé.
Je vous remercie de votre écoute. Ça me fera
plaisir de répondre à vos questions.
Le
Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous allons
maintenant passer à la période d'échange, et, M. le ministre, vous avez
la parole.
M. Heurtel : Merci, M. le Président.
Bonjour. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Je suis
particulièrement intéressé par le fait que vous faites clairement le lien entre
la santé et la lutte contre les changements climatiques.
Le Comité-conseil sur les changements climatiques, que nous avons relancé
l'année dernière, pour la première fois
il y a un membre de ce comité-là qui représente le secteur de la santé, et
c'est nécessaire, je crois, qu'au Québec on approfondisse davantage les liens. La science a beaucoup fait de liens
entre les changements climatiques et la santé, sauf que je trouve qu'on
a encore beaucoup de travail à faire au Québec particulièrement pour bien
préciser ce lien-là, et j'aimerais qu'on en parle davantage.
Vous avez
donné un exemple intéressant en parlant d'obésité. J'aimerais qu'on aille plus
loin sur la notion «les maladies
chroniques» qui sont associées aux changements climatiques. Mais on pourrait
commencer par là. Si on pouvait approfondir
ça, c'est lesquelles? Et qu'est-ce que vous voyez comme solution concrète en
matière de développement durable pour, justement, résorber...
Mme
Bertrand (Lilianne) : Alors, vous permettez? Félicitations, d'abord,
d'avoir inclus quelqu'un de la santé dans votre comité. Bravo! C'est une
belle initiative. Je pense que la santé publique et le développement durable
sont deux stratégies qui doivent fonctionner ensemble. Ils ont des objectifs
communs : la santé de la population et de nos écosystèmes. Alors, c'est
incontournable de les mettre ensemble.
Maintenant,
les maladies chroniques qui sont concernées, on le disait dans notre mémoire,
les maladies cardiovasculaires, le
cancer, les maladies pulmonaires, et autres. Et, pour arriver à... Comment
travailler ensemble? Il y a tellement de pistes, tant au niveau du transport
qu'au niveau de l'alimentation, au niveau économique... Je pense que les gens
qui ont présenté en économie sociale
tantôt parlaient aussi d'économie, mais aussi de capacité sociale d'aider les
gens. Au niveau de la santé au travail, il y a... La santé publique est
partout, et, si vous prenez les 16 principes du développement durable, il y a une place pour la santé et il y a des
stratégies communes qui peuvent être utilisées. Alors, c'est le pourquoi de
notre mémoire, c'est de voir à ce que
la santé publique soit intégrée dans chacune de vos stratégies et que ce soit
une collaboration entre chacun des ministères pour vraiment faire ces
joints entre la santé publique et leurs activités.
M.
Heurtel : Sur, justement... L'autre point que vous avez approfondi,
vous avez parlé, justement, des coûts, de l'impact financier. Je veux
dire, évidemment, l'objectif numéro un, c'est qu'on soit plus en santé, mais
qui paie notre système de santé au Québec? C'est nous.
Mme Granger (Lucie) : C'est ça,
premièrement.
• (11 heures) •
M.
Heurtel : Nous tous. Alors, je trouvais intéressant de vous... Encore
une fois, je vous demanderais si c'est possible d'approfondir. Alors,
dans une approche, dans une perspective de développement durable, de lutte
contre les changements
climatiques où la santé et les préoccupations de la santé sont mieux intégrées
dans nos prises décision, on verrait un impact financier, ça nous coûterait
moins cher en santé, si je vous suis bien, et vous pourriez peut-être
élaborer là-dessus.
Mme
Granger (Lucie) : Oui, tout à fait. Bien, peut-être simplement dire que... on le disait, les
habitudes de vie, ça va vite, les gens
veulent se rendre au travail, etc., mais plus le transport collectif... Si je
prends le transport motorisé, c'est clair que plus le transport collectif est
disponible, plus le transport actif est un choix, on intègre donc des activités
physiques dans notre quotidien. Et, on le
sait, changer des habitudes de vie, c'est quelque chose qui se fait sur
une longue période. Alors, moins les
gens sont sédentaires, plus ils sont actifs. Et, on le sait, il n'y a
pas beaucoup de temps, il faut l'intégrer dans notre
vie. Alors, ça, c'est pour le volet motorisé, mais il y a
tout le volet alimentation, qu'on n'a pas traité, mais que je
laisserais peut-être Yves développer davantage.
M.
Jalbert (Yves) : C'est sûr qu'au niveau des fardeaux il y a des fardeaux socioéconomiques, il y a
des fardeaux sociaux aussi pour
l'individu. L'individu qui est atteint d'une maladie chronique ou plusieurs
maladies chroniques se voit pratiquement,
des fois, là, tassé pour des emplois ou se trouve plus difficilement accessible
à trouver un emploi ou à aller aux
études, donc ça crée des problèmes. Donc, au
niveau de l'individu lui-même,
il y a un fardeau, et ce fardeau-là peut l'empêcher de trouver du travail, ou d'aller aux études, ou de faire
toute autre activité, là, qui pourrait l'aider dans son réseau social.
Fardeau
socioéconomique, c'est sûr qu'au
niveau de l'emploi
c'est plus difficile, donc ça devient plus difficile pour les employeurs de trouver des employés qui
sont en santé. Parce que, si les employés ne sont pas en santé, vous allez
avoir de l'absentéisme, du présentéisme,
vous allez avoir des incapacités au travail, vous allez avoir plein de facteurs
qui vont être, là, négatifs pour les
employeurs. Donc, ça va être plus difficile pour eux autres de trouver des bons
employés. On le voit, là, dans
certains pays où... Comme en Angleterre, présentement le corps policier
est de plus en plus... on remarque auprès des policiers qu'ils sont de plus en plus obèses et,
donc, qu'ils ont de plus en plus de problèmes, et ces gens-là ne travaillent plus, là,
sur les équipes, là, qui sont dans les rues. Maintenant, ils sont dans des
bureaux, assis derrière un ordinateur. Donc,
ça crée des problèmes. Et ce n'est pas juste en Angleterre, mais aussi
aux États-Unis. Ça, on le voit avec l'armée, ils ont de
plus en plus de difficultés à recruter des soldats parce que les personnes qui
se présentent ont des problèmes d'embonpoint, ou d'obésité, ou d'autres problèmes
de maladies chroniques. Donc, c'est plus difficile pour eux autres
d'avoir des gens en santé.
Donc,
dans différentes sphères d'activité, c'est difficile de recruter des gens qui
sont en santé. Et, même si vous avez
des gens qui sont en santé, bien, souvent, ce qui se passe de plus en plus avec les changements
climatiques, bien, de plus en plus, les gens vont peut-être tomber malade. Et là nous, ce qu'on veut, c'est
éviter ça. C'est que ceux qui sont en bonne santé restent en bonne
santé, et ceux qui sont en mauvaise santé, bien, il faut faire en sorte que ces
gens-là recouvrent une meilleure santé,
qu'ils aient une meilleure qualité de
vie puis que l'économie
en bénéficie. Parce que ce qu'on veut, c'est une économie prospère. Et
on veut tous ça, et on veut que les gens travaillent. On veut que les gens
s'épanouissent et on veut aussi que l'économie s'épanouisse et que le Québec
soit plus fort. Donc, c'est le but de ça.
M.
Heurtel : C'est parce que
c'est très intéressant, ce que vous dites là, parce qu'une des difficultés qu'on a en matière de lutte contre les changements climatiques
puis le développement durable, c'est que, souvent, on a des opposants
qui soulèvent des questions d'ordre économique, que, justement, d'investir ou
de faire des choix qui, disons, vont certainement nécessiter des
investissements, ou changer des habitudes, ou occasionner des coûts, bien, ça
va nuire ultimement à l'économie. Là, ce que
j'entends de votre part, c'est que, d'un point de vue de la santé, donc
d'intégrer dans nos processus
décisionnels gouvernementaux, évidemment, les principes de développement
durable, mais aussi d'aller encore
plus loin, d'intégrer la lutte contre les changements climatiques, ça a un
impact économique positif, du fait que, normalement, si on suit, justement, la progression que vous proposez,
donc le genre de décisions qu'on prendrait, que ça soit en aménagement, en transport, ça aurait un impact bénéfique non
seulement sur notre santé collective, mais sur notre bilan financier. C'est-à-dire que vous avez des données, vous
voyez clairement qu'économiquement on serait gagnants d'un point de vue
de la santé. Donc, notre budget, ce qu'on dépense annuellement en santé, on
baisserait.
Mme Bertrand
(Lilianne) : Effectivement. Ce que vous dites est totalement vrai. En
santé publique, notre objectif, c'est de
garder la population en santé, et le développement durable a l'objectif de garder nos écosystèmes en santé. Alors,
on est là, tous les deux, à travailler pour la santé de la population et des
écosystèmes.
Dans
ce que vous dites, le développement
durable, le gouvernement vous fait habituellement des études d'impact pour les projets ou les objectifs qu'il met en
place, et ce que nous, on propose, c'est d'inclure aux études d'impact sur
l'environnement et sur l'étude d'impact économique... d'inclure
les études d'impact en santé, qui donneraient peut-être aussi une autre
vision aux projets que le gouvernement veut mettre de l'avant. Parce qu'effectivement, si on garde notre population en santé, éventuellement les coûts de
santé vont être diminués. Et, comme le dit notre mémoire, mais aussi les
chiffres, c'est quand même 43 % du
budget de l'État. Donc, si on arrive à baisser seulement de 5 %, c'est
déjà beaucoup d'argent pour les
autres ministères, les actions des autres ministères. Mais, pour arriver là,
c'est une action commune. On ne peut
pas demander aux gens de santé de partir tout seuls puis de porter le flambeau,
c'est l'ensemble des ministères et
l'ensemble du gouvernement qui doit travailler en collégialité avec ses membres
aux mêmes objectifs de développement durable et de santé de la
population.
M.
Heurtel : Donc, si je vous suis bien, la suite logique, ça serait
aussi d'assujettir les établissements de santé à la stratégie de
développement durable si on suivait la ligne que vous décrivez, là.
Mme Bertrand (Lilianne) :
Le développement durable et la santé, c'est un enjeu collectif et c'est
l'ensemble de la collectivité qui
doit en prendre charge et en prendre action. Et le développement durable, si on
veut vraiment avoir une action dans
le développement durable, je pense que, comme en prévention, on va faire ça
dans le temps. Ce n'est pas quelque
chose qu'on va voir demain matin, mais il faut que chacun prenne ses
responsabilités puis agisse dans ce sens-là, et je ne pense pas qu'on a
encore 20 ans pour prendre des décisions.
M. Heurtel :
Merci.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Mme la députée de Vaudreuil.
Mme
Nichols : Oui. Bonjour. Bienvenue. Alors, vous avez parlé, un petit
peu plus tôt dans votre exposé, vous avez
fait référence à quelques reprises à l'aménagement du territoire. L'aménagement
du territoire, ça passe aussi par les villes.
Vous avez soulevé, là, l'implantation de pistes cyclables, de pistes
multifonctionnelles. Parce qu'il n'y a pas juste le vélo, il y a la marche, il y a le cardio-poussette
maintenant, il y a plusieurs activités, là, dont les citoyens peuvent
bénéficier. Je comprends que c'est
des solutions de remplacement à l'automobile qui incluent, justement, des
déplacements actifs, marche, vélo,
transport, tout ça, marche à pied. Mais, je me demandais, nous, on est dans un
contexte où les villes, via leurs associations, la FQM, l'UMQ, nous
demandent plus de latitude, plus de liberté, plus d'autonomie de choisir,
justement, l'aménagement de leur territoire. Tu sais, il y a une petite
ambiguïté, il y a une petite contradiction. Je me demandais quelle forme on
pourrait prendre, est-ce qu'on l'impose aux villes? Est-ce qu'on leur...
M.
Jalbert (Yves) : Bien, vous avez des documents en votre possession qui
vous permettent d'inviter, justement, les
municipalités à agir, puis à agir rapidement. Vous avez la Loi sur le
développement durable, dans laquelle vous invitez, justement, les organismes municipaux, les
organismes scolaires et les établissements de santé et de services sociaux à
intégrer dans leurs futurs plans ou dans
leurs actions futures, d'intégrer le développement durable. Et, toujours dans
la Loi du développement durable, vous
avez aussi le gouvernement qui peut, lui, à tout moment, imposer des actions
pour les municipalités. Et en plus,
dans votre stratégie, vous avez l'action incontournable, la cinquième, qui,
elle, met, justement, la table
là-dessus auprès des ministères et organismes gouvernementaux, qui peuvent
mettre dans leur PADD, là, le plan d'action
de développement durable, peuvent mettre des actions qui sont en lien avec,
justement, des acteurs qui sont proches de ces ministères-là, de ces organismes-là — ça peut être les municipalités, ça peut être
le milieu scolaire — et de
faire en sorte que ces
municipalités-là, ou les établissements scolaires, ou les établissements de
santé adoptent des actions en lien
avec le développement durable. Donc, vous avez des outils entre vos mains pour
faciliter ça. Donc, vous n'êtes pas obligés
d'y aller de façon coercitive, mais vous pouvez faciliter par les lois et la
stratégie, et vous n'avez aucun problème par rapport à ça.
Mme
Nichols : Vous trouvez que ces outils-là sont assez ou on devrait,
justement, les augmenter, là, sur ce que vous voyez dans le terrain ou...
• (11 h 10) •
M.
Jalbert (Yves) : Bien, c'est sûr qu'on peut toujours y aller de façon
plus coercitive. Mais, quand on y va de façon plus coercitive, il va y avoir une réticence. Mais, si on apporte
ça de façon intelligente, de façon logique et on est capable de faire des liens que, vous voyez, si
vous faites ça, ça améliore la santé
de votre collectivité, puis que cette santé-là va vous permettre d'avoir une société plus productive et une économie
plus prospère, bien, je veux dire, il
n'y a personne qui va vous dire non. Je veux dire, c'est de la
façon qu'on l'aborde, de la façon qu'on va l'apporter puis qu'on va approcher
ces gens-là.
Mme
Granger (Lucie) : De façon
concrète, si vous me permettez, on a plusieurs projets
pilotes qu'on travaille avec les municipalités. Je prenais la ville de Montréal avec les projets pilotes de piétonnisation, bien, en voici un, design urbain nouveau qui intègre des nouvelles notions
autant économiques qu'au niveau de la santé. Alors, je trouve que les municipalités, en fonction de leurs réalités, me semble-t-il, sont bien placées
pour choisir les initiatives, mais l'objectif
commun est là.
Je vous donnerais un
autre exemple. La ville de Rosemère, ville Saint-Laurent, Rosemont‑La Petite-Patrie,
Baie-Saint-Paul ont fait le choix de limiter
la restauration rapide autour des écoles. Ce n'est pas rien au Québec parce qu'on le sait, l'industrie veut être très présente dans l'imaginaire puis
l'est beaucoup, et c'est prouvé que, si on limite la
restauration rapide autour des écoles
par le zonage, par exemple, qu'on diminue l'obésité, etc. Donc, je vous
donne ces deux éléments-là.
Il y a
deux autres exemples. Les municipalités, actuellement, adoptent des résolutions au niveau des
fontaines d'eau, alors, plutôt que de boire des boissons... soit de
l'eau en bouteille ou... Alors, tous ces gestes concrets qui sont faits — quand
une municipalité interdit la vente de boissons énergisantes comme
type de facteur de protection pour ses jeunes dans les espaces
municipaux — bien,
ce sont toutes des initiatives extrêmement porteuses. Donc, j'ai nommé
celles-là, mais il y en a une foule, d'initiatives qui sont portées actuellement
par les municipalités.
Mme Nichols :
Très bien. Merci.
Le Président (M.
Reid) : Alors, nous allons passer, à moins qu'il y ait une très,
très courte question ou un commentaire... M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Oui, j'en ai un, petit commentaire. Écoutez, vous soulevez un point
intéressant quand vous parlez à la
page 7 de... «...le développement
durable vise à favoriser un état en
harmonie entre les individus et entre l'homme
et la nature.» Est-ce que ces deux éléments-là sont — comment je dirais ça, donc? — complémentaires ou, jusqu'à un
certain point, contradictoires?
M. Jalbert (Yves) : Ils sont
complémentaires et en symbiose.
Le Président (M. Reid) :
Rapidement, en quelques secondes, s'il vous plaît. Ah! vous avez déjà répondu?
M. Jalbert (Yves) : Oui, oui, déjà.
Le Président (M. Reid) :
Excusez...
M. Jalbert (Yves) : C'est
complémentaire et en parfaite symbiose.
Le
Président (M. Reid) :
D'accord, complémentaire, en toute symbiose. Merci. Alors,
nous passons maintenant à l'opposition
officielle et son porte-parole, M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Alors, merci beaucoup pour votre présence ici
et votre mémoire. Effectivement, la dimension de la santé est peut-être, au fond, l'enfant pauvre de cette stratégie
qu'on a devant nous. Vous n'êtes pas les premiers à venir plaider en ce sens, il y a d'autres groupes
avant vous qui sont venus. Vous nous apportez un éclairage intéressant. J'ai posé la question à, justement, d'autres
groupes qui sont venus plaider un peu la même chose que vous. Moi, je suis
très, très intéressé par les chiffres sur
l'aspect territorial. Alors, je ne sais pas si vous êtes capables de nous
éclairer un peu là-dessus. Par
exemple, le smog urbain, quel est son impact dans des quartiers comme ceux de
l'est ou du centre-ville de Montréal
versus des quartiers de l'ouest mieux nantis? Quel est l'impact des changements
climatiques sur des territoires fortement
urbanisés par rapport à des milieux ruraux? Êtes-vous capables d'éclairer un
peu la commission à cet égard? Avez-vous un peu plus de chiffres?
M. Jalbert
(Yves) : On n'a pas de
chiffres, on n'a pas fouillé, là, à avoir des données spécifiques, là, par rapport au territoire, par rapport à certains changements climatiques, quel impact
que ça peut avoir, mais on sait qu'au niveau de certaines maladies il peut y avoir des impacts, là. C'est sûr que les
smogs... la diminution de la couche d'ozone peut avoir des impacts sur les maladies cardiovasculaires, sur les maladies
pulmonaires, donc, vous pouvez avoir aussi des problèmes oculaires. Donc, c'est sûr que ça peut toucher des populations
vulnérables. Puis des populations vulnérables, on en a une panoplie, là, les itinérants, les personnes qui sont de
milieux défavorisés, les femmes enceintes. Bon, il y a plein de populations vulnérables, mais vous avez aussi des travailleurs qui se retrouvent, eux, à travailler à l'extérieur, là, ceux
qui travaillent en construction, sur la
voirie, il y a tous ceux qui... les policiers, tout ça. Tous
ceux qui ont des emplois à l'extérieur
peuvent être aussi, là, touchés par les changements climatiques, là. Il n'y a
pas juste, là, les individus qui ont déjà des problèmes de santé, mais
ceux qui sont même en santé peuvent être aussi touchés par ça.
Donc, c'est
sûr que les milieux défavorisés où, sur les territoires, il y a
peu de parcs, où ils ont peu accès à des espaces verts, ça peut occasionner ce qu'on appelle les îlots de chaleur,
et ça, c'est sûr que c'est dommageable pour la santé des individus qui habitent ces quartiers-là. C'est sûr que, si on
compare Westmount avec Hochelaga, c'est deux mondes complètement
différents, puis on n'a pas les mêmes problèmes de santé dans les deux
situations. Mais c'est de faire en sorte que
les endroits où on sait que les environnements sont non favorables à la
santé... bien, il faut rendre ces environnements-là plus favorables à la
santé.
M. Gaudreault : Donc,
intégrer davantage les mesures de santé, de prévention, de lutte aux
changements climatiques dans les politiques
de santé publique, également, a aussi un effet, je dirais, de justice sociale,
ou d'égalité des chances, ou de lutte
à la pauvreté, même, sur les quartiers où il y a une prévalence plus
grande de maladies reliées, si on veut,
justement au smog urbain, à la pollution, aux changements
climatiques. Donc, on vient démocratiser, je dirais, la santé d'une
certaine manière ou la prévention par une stratégie de développement durable
qui intègre vraiment cette dimension de la santé.
Mme
Bertrand (Lilianne) : Vous
parliez tantôt que la santé était le parent pauvre dans cette stratégie, mais
quelle belle opportunité, justement,
d'intégrer la santé puis des objectifs de santé pour avoir une population plus
productive et, éventuellement, avoir
une économie en santé! Alors, je pense que c'est le message qu'on veut vous
passer ici, c'est que, dans les
16 principes de développement durable, vous pouvez aller chercher la santé
dans chacun des principes, tant en économie
qu'en... Voyons, je ne les ai pas, les 16, là, mais, dans chacun des principes,
vous pouvez, de près ou de loin, inclure des points de santé et aller
chercher des experts en santé publique dans chacun de ces domaines-là pour
aider, justement, le développement durable. Alors, je pense qu'on
a une belle opportunité ici tant pour jouer sur les deux plans, le
développement durable et la santé, et avoir une population en santé et une
économie plus prospère.
M.
Gaudreault :
Autrement dit, vous plaidez pour plus de transversabilité entre les différents
secteurs d'activité comme
environnement, santé, éducation. Pour reprendre l'expression consacrée, moins
de travail en silo. Mais je voudrais vous
entendre un petit peu plus — puis,
après ça, il y a mon collègue de Bonaventure qui va avoir une
question — sur
les indicateurs. Parce
que vous parlez, à la page 13 de votre mémoire, là, proposition 3, que ça
prend une orientation qui inclut une
activité incontournable d'évaluation d'impact à la santé. Sans tomber trop dans
le technique, là, comment vous nous suggérez d'évaluer ça, cet impact
sur la santé?
M.
Jalbert (Yves) : Bien là,
c'est avec l'article 54 de la Loi sur la santé publique. Donc, l'article
54 est pratiquement, là... oblige...
Les ministères et les organismes qui font une action qui peut avoir un impact
sur la santé doivent évaluer, voir
qu'est-ce qui peut arriver sur la santé de la population. Donc, cet article-là
est très utile. Et, après ça, bien, tout dépendant de l'action à mettre
en place, bien, c'est sûr qu'il va y avoir des indicateurs à aller chercher,
là, c'est... Chaque action a ses
indicateurs. Donc, c'est difficile d'arriver puis vous dire : Voici les
indicateurs, là. C'est sûr qu'il y a
des indicateurs, là, de base, mais, après
ça, il faut fouiller plus en détail, là, par rapport à l'action qui doit être
mise en place, par rapport au
ministère ou l'organisme qui va décider de mettre ça dans son plan d'action de développement
durable.
Le Président (M.
Reid) : Merci. M. le député de Bonaventure.
M. Roy : Merci,
M. le Président. Bonjour, mesdames,
monsieur. Vous soulevez des enjeux très importants, hein? Je vais le
traduire dans mon langage, mais vous semblez dire que l'organisation
urbanistique semble de plus en plus pathogène,
et l'organisation de travail aussi. Vous nous dites : 1 $ en
prévention, on sauve 5,60 $ en réquisition d'arsenal thérapeutique puis tout le curatif, là, dans un
contexte où les maladies qui tuent sont des maladies de civilisation, cancers,
crises de coeur, accidents de voiture,
suicides, etc. Et l'acte sur lequel on pourrait vraiment intervenir pour
améliorer la santé d'une population,
c'est celui de la prévention, qui va chercher 2 % du budget de la santé au
Québec, avec une coupe de 30 %
qui... Écoutez, on est dans le nerf de la guerre, là. Pourquoi
cet état de fait de non-reconnaissance de l'impact de la prévention sur
l'amélioration d'une santé d'une population? C'est large, la question, là, mais...
• (11 h 20) •
Mme
Bertrand (Lilianne) : Mais
c'est comme le développement durable, c'est qu'on ne voit pas d'impact à court terme en prévention, on voit les impacts à long terme. Alors, on va voir
les impacts d'une décision aujourd'hui dans 20 ans, dans 25 ans. Alors, c'est difficile de dire :
Je suis responsable de cette décision-là quand on n'est plus là. Alors, c'est
sûr que ça, ça nuit aux effets parce
que c'est facile à couper, quelque chose qu'on ne voit pas, quelque chose qui
ne donne pas de résultats maintenant.
Alors, c'est la raison pour laquelle, la prévention, bien, on va prévenir en
prévention secondaire ou en prévention tertiaire. La petite prévention
secondaire, c'est de vous donner une pilule pour l'hypertension. Et la prévention tertiaire, bien, c'est vous aider à
survivre à une crise cardiaque. Alors, on va aller dans ça parce que c'est
curatif aussi, c'est de prendre soin
du patient. Mais la prévention primaire, qui est : Ayez des bonnes
habitudes de vie, et je vais vous
donner aussi des environnements pour être capable d'avoir des bons choix santé,
alors, ça, c'est un peu plus difficile, et ça, ça va vous donner votre indicateur de ce que... pas mesurable un an
après, il va être mesurable 10 ans, 15 ans, 20 ans après. C'est un peu
ça.
M.
Jalbert (Yves) : Il ne faut pas oublier que les maladies chroniques,
c'est des maladies qui se développent lentement, et c'est sur du long terme. Donc, c'est pour ça que
ça vous coûte très cher en frais de soins et de services de santé. Donc, si
on fait la prévention de ça, c'est qu'on
s'empêche, justement, d'avoir des individus qui traînent une maladie sur du
long terme. Donc, c'est de travailler
là-dessus. Donc, si vous empêchez les gens de développer des maladies chroniques,
bien, vous allez avoir une meilleure
population, en santé, et l'argent que vous allez économiser, vous allez pouvoir
le mettre ailleurs.
Mme
Granger (Lucie) : J'ajouterais aussi que, si vous n'avez pas eu la
chance de consulter le rapport Améliorer les habitudes de vie du Conference Board, ils font des projections sur
ne pas investir maintenant ou ne pas faire des choix maintenant, qu'est-ce que ça pourrait avoir comme
impact concret en 2030. Alors, c'est la même chose pour le développement durable.
Mais, en santé publique, c'est fondamental que ces décisions-là soient aussi
prises rapidement, sérieusement pour la meilleure santé des individus, des
collectivités et de notre économie aussi.
Le Président (M.
Reid) : Quelques secondes.
M.
Roy : Merci. Existe-t-il des exemples d'investissement en
prévention dans d'autres pays dans le monde qui portent fruit?
Mme
Bertrand (Lilianne) : Un au Québec, le tabac, comment on a fait de
grands progrès au Québec. On a été des
leaders, d'ailleurs, pour la lutte au tabac au Québec et on a maintenant moins
de cancers de poumon chez les hommes. Alors,
on voit qu'on gagne quelque chose parce qu'on a pris une décision à un certain
moment donné qui était courageuse, tu sais, de dire... Parce qu'à
l'époque c'était courageux de dire qu'on ne fume pas, tout le monde fumait.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Merci beaucoup. La parole est
maintenant au porte-parole du deuxième groupe d'opposition... Ah!
pardon, alors la parole est à Mme la députée de Repentigny.
Mme
Lavallée : Je vais renchérir un peu sur ce qui vient d'être dit. Tout
à l'heure, au début de votre présentation, vous avez parlé de la coupure de 30 % en santé publique, qui
représente quand même beaucoup de sous, j'imagine, donc beaucoup de pertes, la réduction des effectifs,
une perte d'expertise qui est là. Comment ça se vit actuellement de votre
côté, cette annonce-là puis ces coupures-là qui s'en viennent, même qui sont
déjà commencées, je pense?
Une
voix : Oui, très concrètement.
M.
Jalbert (Yves) : Je suis un exemple de cette coupure-là parce que moi,
je travaillais à l'Institut national de santé publique depuis les 10 dernières années et j'ai été coupé le 1er
décembre 2014 suite à ces coupures-là. Ça fait que c'est...
Mme
Granger (Lucie) : Mais on le voit concrètement, on le voit
concrètement. Et je ne sais pas si vous avez vu ce matin dans La Presse,
dans La Presse+, les jeunes médecins pour la santé publique
ont réalisé un vidéo. La présidente,
Liliane, parlait tantôt de... C'est un travail qui se fait souvent dans
l'ombre, la prévention, et puis ils ont, par un vidéo, bien illustré — je trouve que c'est tout à fait réussi — c'est quoi, le travail qui est fait. Alors,
c'est clair que les nouveaux finissants,
pour les prochaines années, ne seront pas... Ces ressources-là, si elles
peuvent être mises à profit dans d'autres ministères, dans d'autres
contextes, ça sera bien, mais on a de la difficulté à mesurer l'impact concret actuellement. Mais c'est clair qu'il y a un
impact, et c'est l'ensemble de nos générations futures... Parce que ce que l'on
ne fait pas comme analyse de risques, ce
qu'on ne fait pas comme amener à l'attention publique des enjeux de santé,
bien, c'est sûr que ça a un impact sur notre qualité de vie,
sur notre santé et sur notre économie. Alors, c'est clair que, pour nous, c'est
très important qu'on maintienne les ressources en santé publique, qu'on
maintienne les investissements. Ils sont minimes,
alors on aimerait les doubler. Mais déjà qu'ils soient maintenus, je pense que c'est très
certainement de bons choix pour la société.
Mme
Lavallée : J'ai toujours
pensé que le curatif coûtait plus cher que le préventif. Donc, à ce moment-là, la décision n'est pas nécessairement un choix judicieux, étant
donné que ce qu'on ne fait pas en
prévention risque de nous coûter beaucoup plus cher comme société pour
guérir les...
Mme
Bertrand (Lilianne) :
...bien nous entendre, c'est qu'on ne voudrait pas qu'on arrête de soigner les
gens. Et c'est important de continuer à soigner les gens, et le mieux
possible. Ce qui est important, c'est d'avoir de moins en moins de gens
malades. Et, pour ça, il faut donc faire de la prévention en amont. Mais il
faut continuer... je pense que c'est important de continuer de soigner
les gens, là.
Mme
Granger (Lucie) : Puis les investissements qui sont faits actuellement
au niveau de nos infrastructures, qu'on pense à Turcot, qu'on pense au
pont Champlain — je
vais donner ces grands chantiers là — c'est fondamental qu'autant le transport collectif, il soit
considéré parce que c'est ces décisions-là, marquantes pour plusieurs années,
qui ont des impacts sur les
générations actuelles et les générations futures. Alors, quand on parlait
d'évaluation d'impact sur la santé
tantôt, je pense que, quand on réfléchit à ces grands investissements là, que
ce soit au niveau municipal ou que ce soit à tous les niveaux, il y a lieu de
réfléchir en amont et faire de la prévention autant que faire se peut.
Les
données existent, c'est juste qu'il faut ajouter... Et c'est pour ça qu'on
recommandait de le nommer, que la santé
était une des préoccupations, parce que, même si c'est un des enjeux dans la
loi, dans la vision, si on le nomme, c'est clair que les gens vont dire : O.K. Mais, en matière de santé,
qu'est-ce que je peux faire pour prévenir? Parce que les choses qu'on ne
voit pas, bien, on a tendance, malheureusement, à les oublier.
Le Président (M.
Reid) : Merci. M. le député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel : Oui. Vous prenez la peine, dans la mise en
contexte, de relever le rapport du Vérificateur général où il dit que la
stratégie est demeurée un document d'orientation, plusieurs indicateurs retenus
ne sont pas liés à des enjeux prioritaires,
etc. Est-ce que vous croyez qu'avec ce qu'on met en place, les propositions
qu'on fait, on va réussir à aller un petit peu plus loin que ça?
Mme
Bertrand (Lilianne) : Bien, je dois vous dire que, d'abord, j'ai
beaucoup aimé lire cette stratégie, je pense qu'elle est réaliste. Même si on demande une action par orientation, par
ministère, avec ce qu'on sait des ministères puis du travail fait à l'interne
de chacun des ministères, c'est, je pense, réaliste. On aurait souhaité que ça
aille plus loin, mais je pense qu'avec les ressources actuelles... je ne
pense pas que ça soit possible de le faire.
Maintenant, pour
répondre à votre question, la... que j'ai perdue, je m'excuse...
Une voix :
...
Mme
Granger (Lucie) : Non, non, mais c'est correct. Est-ce que ce qui est
en place permet d'aller plus loin?
Mme
Bertrand (Lilianne) : Effectivement. Mais le Vérificateur général,
c'est sûr, en regardant les rapports des différents ministères et organismes, fait ces constats-là. Mais je pense
qu'on entend de plus en plus parler de développement durable, je pense que l'importance des changements
climatiques est de plus en plus évidente, et, bien, souhaitons que les ministères soient aussi ouverts à intégrer dans
leur plan d'action des choses au niveau du développement durable et la santé.
M.
Jalbert (Yves) : Juste rajouter. C'est que, dans la stratégie, vous
avez mis des mécanismes de suivi. Donc, ces mécanismes de suivi là vont permettre de voir si, effectivement, ils
ont bien mis en place des actions de développement durable et si ces
actions-là avaient un impact ou non sur la santé.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Mme Bertrand, Mme Granger, M. Jalbert, merci de votre participation.
Je suspends les travaux de la commission
jusqu'après les affaires courantes cet après-midi.
(Suspension de la séance à 11 h 30)
(Reprise à 16 h 26)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle que
la commission est réunie afin
de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi... Stratégie gouvernementale de
développement durable révisée 2015-2020.
Alors, je
voudrais m'excuser, au nom de la commission, auprès des invités qui sont venus
ici. Et, malheureusement, les travaux
de la Chambre nous retardent de presque 1 h 30 min, alors nous
allons faire pour le mieux pour être sûrs que nous ne demanderons pas à des gens de repartir, étant donné qu'il y en a
qui ont fait le voyage. Et nous allons cependant devoir réduire le temps d'échange, mais non pas réduire le temps de
présentation. Sauf que je le dirai à l'avance, que, ceux qui veulent faire une présentation un peu moins
longue, puisqu'on a les mémoires, ce temps-là sera reporté dans l'échange
et réparti selon les formations politiques.
Alors, nous allons commencer avec nos premiers
invités... qui est le représentant de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques. Alors, le
représentant, M. Bertrand Schepper, à vous la parole. Quand il vous
restera une minute, je vous avertirai. Si vous voulez terminer plus tôt,
l'échange sera plus long.
Institut de recherche
et d'informations
socioéconomiques (IRIS)
M. Schepper (Bertrand) : D'accord, merci. Donc, tout d'abord, merci. Et, bien, j'aimerais remercier
la commission pour l'invitation.
Donc, dans les prochaines minutes, je vais vous présenter le mémoire que j'ai
produit au nom de l'IRIS afin
d'instaurer le budget carbone en tant qu'indicateur principal de la stratégie
de développement durable pour 2015 à 2020. J'aimerais d'emblée, cependant, émettre quelques commentaires sur le
projet proposé par le gouvernement, notamment en me basant sur des commentaires du Commissaire au développement
durable, M. Cinq-Mars. De plus, j'aimerais commenter le projet
déposé afin d'y relever certaines incohérences, à mon sens, entre la
proposition et les actions du gouvernement.
Rappelons
que, dans son rapport, M. Cinq-Mars concluait, sur la Stratégie
gouvernementale de développement durable de 2008 à 2013, que «cette
stratégie est demeurée un document d'orientation. Elle ne permet pas de cibler
les résultats attendus ni de vérifier la
performance du gouvernement à son égard au fil des ans. Elle n'a pas permis de
faire des choix essentiels à
l'orientation du développement de la société pour les prochaines années et de
centrer les actions des entités sur
les priorités ainsi établies.» Il ajoutait de plus, sur les indicateurs de
développement durable choisis, que «plusieurs
indicateurs retenus ne sont pas liés [aux] enjeux prioritaires de développement
durable pour la société québécoise. Ainsi,
ils ne sont pas en lien avec la stratégie gouvernementale et ils ne permettent
pas de mesurer les progrès accomplis et
de présenter des bilans complets.» Il ajoute que ces lacunes participent à la
difficulté de l'Administration de mettre en place une coordination
interministérielle efficace.
Devant ces constats, il n'est pas étonnant que
le commissaire propose de créer une structure de gouvernance forte et transversale qui soit dirigée par un
organe proche du pouvoir et qui soit en mesure d'influencer tant le
gouvernement, le secteur privé que la
société civile. Ces conclusions m'apparaissent fondamentales pour une refonte
efficace de la Stratégie gouvernementale
de développement durable révisée de 2015 à 2020. C'est pourquoi je m'étonne de
certaines décisions dans la proposition.
Sur la
structure de gouvernance, il me semble que les mesures énumérées entre les
pages 60 et 70 du projet de loi sont
essentiellement les mêmes que celles de la stratégie passée. Je considère aussi
que le gouvernement devrait se donner un
peu plus de pouvoirs contraignants afin de s'assurer le respect de l'ensemble
des mesures. Sur la question du développement
attendu et la manière de les atteindre, il me semblerait que cette gouvernance
ne permet pas assez de mordant afin de s'assurer une véritable
transformation de la société.
• (16 h 30) •
Le fait que
la stratégie soit plus un document d'orientation qu'un véritable document de
référence autorise certains écarts
entre la proposition et l'action du gouvernement. Par exemple, alors que le
projet propose d'appuyer l'électrification des transports et d'améliorer l'efficacité énergétique de ce secteur
pour développer l'économie
et réduire les GES, le MTQ coupe la subvention pour les taxis électriques. De
plus, le gouvernement permet à Hydro-Québec d'augmenter les tarifs d'électricité de la STM en période de surplus
électrique, ce qui contrevient à plusieurs points de développement durable,
notamment l'accès aux transports en commun et l'accès pour les personnes à plus
faibles revenus à du transport.
Aussi, le projet encourage une diminution des
GES. Pourtant, le gouvernement, via les investissements, va favoriser l'exploitation... ou, du moins,
participer à l'exploitation du gaz de schiste sur Anticosti, le pétrole le plus
polluant de la planète.
Alors que la
stratégie veut favoriser l'investissement et le soutien financier pour appuyer
la transition vers une économie verte et responsable, le gouvernement soutient
le projet d'entente AECG avec l'Europe, qui implique une augmentation du transport des marchandises et une
mise en concurrence entre les entreprises locales et les entreprises
internationales.
Bien
que la stratégie veuille protéger la biodiversité, il permet la coupe de postes
de chercheurs au ministère de la Faune,
alors que c'est un travail essentiel afin d'améliorer la biodiversité ou, du
moins, de vérifier ce qui se passe sur le terrain.
Finalement,
sur les indicateurs, il semblerait que, bien qu'il y ait une volonté d'intégrer
une plus grande part à l'environnement,
la cible soit trop faible pour réellement rejoindre un changement structurant
de la société. C'est pourquoi il faut
avoir un indicateur plus présent et capable de répondre aux objectifs
internationaux, plus particulièrement sur la diminution des cibles de gaz à effet de serre à rejoindre. C'est
pourquoi l'IRIS a créé un outil nommé le budget carbone. Le budget carbone est une mesure de quantité
maximum de gaz à effet de serre que l'on peut émettre dans l'atmosphère au cours d'une période donnée si on veut éviter
une hausse du réchauffement climatique de plus de 2 °C d'ici 2100. C'est
la limite qui est considérée comme sécuritaire par le groupe
intergouvernemental d'experts sur le climat, le GIEC. La note de l'IRIS calcule le budget carbone sur le
territoire québécois et elle se retrouve en entier en annexe de mon mémoire.
Pour
atteindre les objectifs fixés par le GIEC, le Québec, pour la période de 2000 à
2100, se voit alloué une capacité de
production de gaz à effet de serre d'environ 2,1 gigatonnes de CO2.
Annuellement, cela représente, par rapport à 2000, une baisse de
3,6 % de CO2 annuellement. Pour le moment, entre 2000 et 2011,
le Québec n'a réussi qu'à réduire ses émissions
de CO2 annuellement que de 0,8 %. Les efforts du Québec ne
suffisent pas pour atteindre ce qui serait considéré comme sécuritaire par le GIEC. Si vous voulez voir
la trajectoire qui serait intéressante, je vous invite à voir le graphique 2
du mémoire.
Si l'on
compare le budget carbone aux objectifs de la stratégie gouvernementale pour la
période de 2015 à 2020, qui propose
une diminution de GES de 20 % par rapport au niveau de 1990, l'approche du
budget carbone impliquerait plutôt des objectifs plus ambitieux avec une
capacité d'atteindre 40 % de diminution d'ici 2020. Cette différence est importante entre les deux objectifs et elle
démontre toute l'insuffisance des engagements internationaux face aux
impératifs climatiques. Cette constatation est notamment répertoriée par
l'OCDE dans son document intitulé Perspectives de l'environnement à l'horizon de 2050. Rappelons que dépasser le seuil de 2 °C laisserait aux générations
futures une planète à l'équilibre
climatique incertain, susceptible de mener à d'importants changements
structurels et avec des coûts importants liés à des événements
climatiques extrêmes. C'est pourquoi il faut agir rapidement, tant d'un point
de vue écologique qu'économique.
Sur les coûts, les économistes Graig Alexander
et Connor McDonald de la Banque TD estiment que, selon la tendance à la hausse des catastrophes naturelles,
l'on peut s'attendre à des coûts liés à celles-ci qui s'élèvent à près de
5 milliards de dollars annuellement à partir de 2020 pour les Canadiens et
Canadiennes. D'ici 2050, si la tendance se maintient,
les coûts pourraient atteindre 43 milliards de dollars annuellement. Ces
coûts incluent des frais d'infrastructures, des coûts de santé et de services sociaux, des effets d'une baisse de
productivité liée à la catastrophe et une part des heures de travail
nécessaires à la reconstruction.
Notez que ces
conclusions ne sont pas particulièrement étonnantes. Stéphane Hallegatte,
économiste senior à la Banque mondiale, avait déjà évalué que,
mondialement, les coûts des inondations liées aux changements climatiques à l'international ont des répercussions chiffrées
à plus de 1 billion de dollars annuellement. D'ailleurs, cette tendance à
la hausse est aussi observée par la compagnie d'assurance
Munich RE, qui considère que les dommages estimés par les catastrophes naturelles coûtent, en moyenne,
depuis 10 ans près de 56 milliards de dollars annuellement sur la
planète.
C'est tout le
problème de la politique de la stratégie de développement durable du Québec.
C'est que, bien que ses intentions
soient louables et les résultats aient une importance indéniable, si le Québec
veut réussir à éviter le pire en termes climatiques, il faudra
nécessairement faire des changements structurels à l'économie de sorte à
favoriser une transition vers une diminution des GES. Considérant que le
transport est la principale source de GES au Québec, une politique énergétique et de développement durable
qui se concentre sur une sortie de l'énergie fossile est à prioriser. En ce
sens, une fois de plus, la stratégie propose
des efforts louables, mais nettement insuffisants. À cet égard, bien qu'à court
terme les coûts économiques peuvent sembler
importants de transformer l'économie, ceux-ci demeurent marginaux face
aux bénéfices à long terme d'éviter une crise climatique. Selon l'OCDE, une
action précoce — c'est-à-dire
environ maintenant — pour lutter au réchauffement climatique
pourrait avoir des bénéfices de sept fois plus élevés aux coûts anticipés.
C'est
pourquoi l'IRIS recommande de diminuer de 40 % les émissions de gaz à
effet de serre d'ici 2020, ce qui permettrait
d'atteindre les objectifs liés au GIEC et... aux objectifs sécuritaires liés au
GIEC, pardon. Pour faciliter cette réussite,
l'objectif... de cet objectif, l'IRIS recommande l'adoption du budget carbone
comme indicateur principal de la stratégie de développement durable de
2015 à 2020. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Afin de poursuivre nos
travaux, j'ai besoin de deux consentements : d'abord, le
consentement pour que M. le député de Groulx participe aux travaux en
remplacement de la députée de Saint-Hyacinthe — j'ai le consentement — et le consentement pour poursuivre les
travaux jusqu'à 18 h 30. J'ai le consentement.
Alors, nous allons procéder à la période
d'échange. Je passe la parole d'abord au ministre.
M. Heurtel : Merci, M. le Président.
Bonjour. Merci pour votre patience, désolé pour l'attente. Et merci pour votre
présentation et votre mémoire. J'apprécie énormément le fait que vous veniez
ici aujourd'hui puis que vous souleviez la
question de l'urgence de réagir face aux changements climatiques. Par rapport à
la stratégie qui fait l'objet de nos
travaux, pour instrumentaliser, justement, cette action-là davantage en matière
de changements climatiques, on a entendu plusieurs groupes parler,
premièrement, d'intégrer la lutte contre les changements climatiques à la
notion de développement durable, là. Je vous
dis tout de suite, ce n'est pas de modifier la définition de «développement
durable», mais de l'intégrer à la
stratégie et de faire en sorte que, dans l'ensemble des processus décisionnels,
de façon horizontale, tous les
processus décisionnels, que ça soit en termes d'aménagement, en transport,
mobilité durable, politiques d'achat, appels d'offres, bref l'ensemble
de l'action gouvernementale, on intègre dès le départ la notion de lutte contre
les changements
climatiques et la notion de développement durable à même les processus pour,
justement, les rendre plus effectifs. Alors, votre réaction à ça, s'il
vous plaît.
M.
Schepper (Bertrand) : Bien, je pense que c'est une proposition
importante, voire nécessaire. De plus, par contre, je pense qu'il serait important aussi d'être capable de chiffrer
les effets de l'augmentation des GES ou, du moins, d'être capable de les
calculer, de s'assurer qu'on ne dépasse pas certains seuils d'émission de gaz à
effet de serre et s'assurer, en fait, qu'on
atteigne des cibles qui sont de plus en plus faibles. Et ce que j'ai soumis
dans mon mémoire montre une
trajectoire pour l'ensemble du Québec à diminuer les gaz à effet de serre, et,
évidemment, l'État a un rôle important, voire primordial, à jouer en
tant que leader à ce niveau-là.
Le Président (M.
Reid) : Merci.
Une voix :
...
Le Président (M.
Reid) : Pardon?
M. Heurtel :
Ça va être Ghislain.
Le Président (M.
Reid) : Alors, M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci, M. le Président. Bonjour.
Moi, j'ai une question pour vous qui est à la page 6, sur votre graphique 1 et 2. Si je comprends bien,
là — puis je
voudrais juste que vous me validiez ça — c'est qu'actuellement, juste en 2011 — qui est la dernière donnée sur le
graphique 2, où on a des données — on serait 13 millions de tonnes en
excès de l'objectif pour atteindre notre objectif de 2100, là, sur votre
diagramme du graphique 1.
M.
Schepper (Bertrand) : Bien, si vous voulez, peut-être pour aller...
Vous pouvez regarder à l'annexe, là, la page 1, il y a un petit «en
bref», là, ça serait une différence, là, d'environ 11,3 millions de mètres
cubes.
M.
Bolduc
(Mégantic) : ...ça va, ça.
M. Schepper
(Bertrand) : Oui, oui, c'est ça, avec le graphique, oui.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Puis est-ce que c'est basé sur ce
chiffre-là que vous arrivez à la conclusion à la fin où vous dites qu'on
devrait réduire de 40 % nos émissions d'ici 2020?
M.
Schepper (Bertrand) : En fait, moi, je me base ici sur les travaux du
GIEC, en fait, qui parlent de... ce qu'on a besoin de gaz à effet de serre pour... pardon, des diminutions des
émissions de gaz à effet de serre pour atteindre les objectifs qui ont été proposés par le GIEC. Donc,
en fait, on regarde ce qui serait émis dans la proposition à 20 %, qui est
celle de la stratégie, versus ce que le
GIEC, le groupe international, propose, et donc on voit qu'il y a une
différence quand même, là, presque du double, en fait.
M.
Bolduc
(Mégantic) : O.K. Maintenant, est-ce que vous
avez des idées ou des suggestions à nous faire sur quels seraient des moyens qu'on pourrait mettre en
place? Parce qu'il nous reste cinq ans, là, O.K.? Mais est-ce que vous avez
fait des recherches là-dessus? Est-ce que
vous avez regardé les éléments ou quelles sont les meilleures possibilités
qu'on pourrait mettre en place d'ici 2020 pour essayer d'établir...
• (16 h 40) •
M.
Schepper (Bertrand) : Bien, évidemment, bien sûr, une diminution la plus importante
possible de la baisse... une
transition vers une sortie du pétrole, effectivement, pour le transport. Bien sûr,
ça ne fera pas du jour au lendemain, ici
on parle de transition. Et ce que je vous soumets ici est, évidemment, quelque chose qui va être extrêmement difficile à
atteindre, et je pense qu'il faut chercher
un objectif, à se rendre le plus loin possible et, donc, à ce moment-là, augmenter les cibles. Je pense
que favoriser le transport en commun, favoriser aussi la diminution des
déplacements des fonctionnaires, notamment, des MO, c'est quand même
souhaité, je pense, dans la stratégie, et c'est important.
Ceci
étant dit, je pense qu'il faut tout faire pour diminuer, en termes de transport, le besoin en pétrole, d'autre part diminuer aussi la
production de gaz à effet de serre à travers l'exploitation des ressources
naturelles, notamment.
Juste,
peut-être, pour compléter, on voit aussi qu'économiquement parlant aller vers
une recherche de la transition peut
avoir des avantages importants pour le Québec. Une sortie du pétrole joue de
manière importante sur la baisse de la balance
commerciale du Québec, d'une part. Et, d'autre part, dans une autre étude que
j'ai produite, on voit que les emplois, par exemple, qui sont dans l'efficacité énergétique... on crée beaucoup
plus d'emplois par dollar investi dans l'efficacité énergétique que, par exemple, dans l'industrie
pétrolière. Donc, il y a aussi un avantage économique à penser à la transition
dès maintenant.
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Puis qu'est-ce que vous considéreriez... Que le passage, par exemple, du
pétrole au gaz naturel, qu'il nous économise
au moins un gain net, à court terme, de 25 % approximativement, est-ce
que, ça, pour vous... est-ce que vous
voyez la possibilité qu'on puisse réaliser ce type de conversion là, là? Puis
ça, c'est peut-être la plus simple à faire.
M.
Schepper (Bertrand) : En fait, le gaz naturel liquéfié, le GNL, on
parle de 25 %. Cependant, si on regarde la question mondiale, si le gaz naturel vient des gaz de schiste de
Marcellus ou vient, par exemple, du Québec, admettons qu'on en produirait, ce n'est pas le même rapport,
à 25 %, là, on s'entend, à ce moment-là. Donc, on parle de gaz naturel
qui viendrait de, disons... Gaz naturel dit
conventionnel, à gaz naturel conventionnel, d'une part, je pense que ça peut
être un avantage. Mais, d'autre part,
il y a un questionnement à avoir sur le transport de marchandises qui se fait à
travers le camion et qu'on construit
nos réseaux de distribution à travers le camion versus, par exemple, prendre
d'autres moyens de transport comme le
train. Je comprends que c'est une juridiction qui n'est peut-être pas
provinciale, mais il reste que, si on veut réfléchir à comment diminuer
les gaz à effet de serre, le transport de marchandises est une priorité.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Ce que vous mentionnez ici, c'est que vous
intégrez le coût de production, de génération et de transport pour amener cette énergie-là au Québec. Donc, c'est la
somme totale du carbone utilisé pour amener, par exemple, ce gaz naturel
là au Québec, là. Est-ce que je me trompe?
M.
Schepper (Bertrand) : Bien, en fait, dans le budget carbone, moi, ce
que je prends ici, c'est uniquement ce qui est généré au Québec. Par contre, selon les... En fait, ce qu'on prend,
c'est les objectifs du GIEC qu'on répartit selon la population et le
territoire de différents territoires. Donc, la somme, en fait, de tout ce qui
serait émis dans le monde, planétairement
parlant, serait le budget carbone planétaire, qu'on replace selon la population
des différents territoires, différents
États. Moi, ce que je vous dis sur ce qui serait le gaz naturel liquéfié, ce
que je vous dis, c'est qu'à gaz égal, effectivement...
ou, du moins, si on prend du gaz naturel dit conventionnel, il y a
effectivement 25 % de diminution des... Cependant, si on décidait de considérer qu'est-ce que ça fait à
l'environnement de prendre du GNL si le GNL provient de Marcellus, au final, en tant que société, on
n'a pas des gains ou, en tant que planète, on n'a pas des gains de 25 %,
on a des gains qui seraient moindres. C'est plus ça que je voulais dire.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Oui, je comprends bien, mais ça
m'amène à un autre développement, par exemple l'industrie de l'aluminium au Québec. Comme vous le savez, la
bauxite vient des pays soit d'Afrique ou des Caraïbes. Si on regarde les panneaux solaires, en fait l'indium et tous
les matériaux qui entrent là-dedans nous génèrent des coûts très élevés en
termes de CO2. Là, vous nous
mettez dans un piège où on ne peut plus s'en sortir, là, quelles que soient les
technologies. L'hydroélectricité, ça
va, mais, encore là, le ciment puis le CO2... Comment vous faites
pour arriver pour qu'on dise : Bien... Comment on va en arriver là,
là? C'est ma question de fond, comment on va y arriver?
M. Schepper
(Bertrand) : Bien, comme je vous réponds, à mon avis, je pense que
c'est le temps de se poser des questions
sur... Quand on regarde ce qui se passe... Prenons, par exemple, l'énergie
dépensée par les ménages. Si on regarde la trajectoire des énergies
dépensées, en général, là, c'est pas mal similaire à ce qui se faisait il y a à
peu près 30 ans. Ce qui bouge beaucoup,
c'est le transport, c'est le pétrole, c'est... Si on veut vraiment faire des
gains importants, ça va se faire là, ça va se faire à travers le
transport. Évidemment, il y a des questionnements sur est-ce que, par exemple,
il faudrait transformer les voitures en voitures électriques. Je pense que ça peut
être une avenue, mais ce n'est pas la meilleure.
Probablement qu'il y en a d'autres, comme, par exemple, favoriser le transport en commun de manière plus large, s'assurer, par exemple, que le transport
intermunicipal soit disponible, et facile, et accessible pour tous. Il y a
des manières de réfléchir, à voir
qu'est-ce qui va mal... Quand on réfléchit en pensant d'abord à qu'est-ce qui
pollue le plus et puis qu'on cherche comment on peut faire des
solutions, il y a des manières de le faire.
Vous avez
parlé, par exemple, des panneaux solaires. Effectivement, c'est quelque chose qui, pour l'instant, au Québec,
n'est peut-être pas intéressant. C'est polluant puis ça n'aurait
pas une rentabilité incroyable pour les Québécois. Même, à la rigueur, je me demande si ce n'est pas
plutôt déficitaire. Cependant, se questionner sur comment on peut réduire...
La meilleure énergie, c'est celle qu'on ne
dépense pas, hein? Donc, à ce
moment-là, c'est de comment
travailler à dépenser le moins
d'énergie possible et de s'assurer d'en garder. Au Québec, on est chanceux, on
a de l'hydroélectricité. On peut essayer de travailler avec ça,
mais je pense qu'on peut aussi travailler à améliorer les choses...
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Nous allons passer maintenant aux questions de l'opposition officielle avec le
porte-parole, le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui.
Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux vous présenter nos excuses
pour le retard. Vous avez eu le
malheur de tomber dans notre première journée officielle de travail parlementaire, il y a toujours un retard dans les pétitions, et ainsi de
suite. Enfin, bon.
Je vais vous
interroger tout de suite sur ce que vous proposez à la page 7 de
votre mémoire, dans le paragraphe
en haut. Quand vous dites, le premier paragraphe,
là, «l'approche par le budget carbone implique des mesures beaucoup plus
ambitieuses ayant une capacité d'atteindre une cible de 40 % d'ici 2020», est-ce que c'est un scénario
général que vous élaborez ou vous
proposez que le Québec aborde vraiment un objectif, une cible de 40 % de
réduction d'ici 2020 — alors, ça, c'est dans
cinq ans, et l'objectif actuel est de 20 % — ou c'est... Si, par exemple, dans un...
théoriquement, ça conduit à ça, mais
vous, votre objectif précis et ce que vous nous dites aujourd'hui, il faut que
le Québec adopte la cible de 40 %? Parce que le ministre, depuis le début, nous parle beaucoup de vouloir
inclure la lutte aux changements climatiques et la réduction des GES
davantage dans la stratégie. Donc, je commencerais par ça pour commencer.
M.
Schepper (Bertrand) : Bien, d'une part, on cherche des objectifs. Et
je pense qu'un objectif de 40 % est celui qui est lié au groupe le plus crédible sur les recherches sur le climat,
celui qui est mandaté internationalement, et je pense qu'on peut difficilement attaquer les conclusions
de ce groupe-là, en fait, sur le GIEC, sans une part de mauvaise foi. En fait,
c'est mon impression.
Donc, oui, je
propose, en fait, qu'on essaie de se donner en tant qu'objectif et qu'on tente
de réussir à augmenter à 40 % la
diminution des gaz à effet de serre et que, par la suite, ça continue. Parce
que, comme vous avez vu dans le budget carbone,
si on veut atteindre les cibles, il va falloir que ça se diminue, il y a une
période de contraction. Donc, effectivement, c'est ce que je propose, c'est qu'on prenne, premièrement, le budget
carbone comme indicatif principal et qu'ensuite on demande à une
diminution de 40 % des gaz à effet de serre.
M.
Gaudreault : O.K. Vous dites également à la conclusion de votre
annexe... vous proposez quelques pistes, là. Par exemple, taxation du carbone, élimination complète des subventions
aux compagnies de pétrole et de gaz, déploiement d'aides sectorielles ambitieuses, à commencer par celle au secteur des
transports. Il faut renoncer aux projets d'oléoducs de pétrole issu des sables bitumineux — alors, c'est intéressant — qui accroîtraient significativement le type
de production extrêmement polluante, renoncer à l'exploitation
pétrolière québécoise, bon, etc. C'est des propositions générales.
Si vous
étiez, vous, ministre aujourd'hui, là, pour atteindre votre cible de 40 %,
là, ça serait quoi, votre plan de match?
Vous commenceriez comment? Parce que, là, on a quand même cinq ans devant nous,
ce qui est assez rapide, là.
M.
Schepper (Bertrand) : Premièrement, on veut que cette stratégie-là
nous serve un peu de guide et qui soit celle
qui soit capable de nous dire : On va atteindre les objectifs qu'on
souhaite. Je pense que, d'une part... Au départ, il faut plus de manières d'être plus contraignant
afin de s'assurer qu'on respecte les objectifs qui sont choisis, d'une part.
D'autre part,
comme j'ai dit, encore sur le transport, je pense qu'il y a un travail
incroyablement important à faire au
Québec. Évidemment, on a des grands territoires, hein? Donc, effectivement, la
voiture fait partie de notre vie, on n'a pas beaucoup de choix. Je suis moi-même venu en voiture, alors donc...
Mais, d'autre part, il y a du transport de marchandises. Je pense que je faciliterais ça, je créerais de
plus en plus de transport en commun et je subventionnerais le plus possible
l'utilisation du transport en commun, et je
m'assurerais, en fait, que tous les projets d'entreprises qui s'installent se
fassent de manière à être le plus écologiques possible.
On le voit
déjà, c'est-à-dire que, quand on regarde, par exemple, les programmes
d'efficacité énergétique qui sont... Je
travaille souvent à regarder les projets d'efficacité énergétique chez
Hydro-Québec ou Gaz Métro, ce qui est le plus facile à faire a déjà été fait. C'est malheureux, on aimerait bien que
les mesures soient faciles. Malheureusement, on n'est plus rendu là, on est rendu à... Si on veut
vraiment améliorer la situation, prendre des pas plus importants et être
capable d'aller plus loin, moi,
j'irais beaucoup dans le transport et la transformation du transport, le
transport de marchandises, mais aussi s'assurer, par exemple, que des
projets qui sont polluants, qu'ils ne se fassent pas.
• (16 h 50) •
M.
Gaudreault : O.K. Pouvez-vous nous expliquer — parce qu'il nous reste à peu près
1 min 30 s, là — rapidement le fonctionnement — le plus simple possible et le plus pédagogiquement possible, si on
veut, si j'avais, moi, à le ramener, là, auprès de gens que je
rencontre — du
budget carbone, là.
M.
Schepper (Bertrand) : En fait, le budget carbone, c'est de calculer
combien de gaz à effet de serre on peut produire annuellement de manière à ne pas dépasser les cibles
internationales. Donc, ce qu'on prend, c'est qu'on prend le total de ce que la planète devrait normalement produire
pour éviter un scénario catastrophe et, ensuite, on le divise selon la
population par territoires. Évidemment — et là ça va être plus
complexe, mais... — puisqu'il
y a des pays ou des États qui ont eu un plus
grand développement par le passé, il y a des contractions qui sont plus grandes
chez les pays plus développés, il y a
des contractions plus faibles pour les pays qui n'ont pas eu accès au
développement, et donc pour atteindre une certaine parité en 2100.
Est-ce que j'ai été assez clair pour vous? J'essaie, en fait, je...
M.
Gaudreault : Oui, oui, oui, mais je... Oui, c'est très clair,
mais c'est sûr qu'on pourrait continuer longuement là-dessus, là. Mais...
M. Schepper (Bertrand) : ...
M.
Gaudreault : Oui. Bien, simplement vous dire, je comprends
que... Autrement dit, vous trouvez que la stratégie ne va vraiment pas assez loin et rate son objectif
si on veut vraiment avoir une différence par rapport à l'ancienne stratégie.
M.
Schepper (Bertrand) : Bien, je pense que, si on veut avoir une
différence et si on veut rejoindre les objectifs qui sont présentés par
le GIEC, c'est la meilleure manière de le faire, c'est de doubler les
objectifs.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer
maintenant au deuxième groupe d'opposition et son porte-parole, le
député de Groulx.
M.
Surprenant : M. le Président, je vous remercie. Merci d'être ici
aujourd'hui avec nous. Alors, dans votre mémoire, à la page 3, dernier paragraphe, vous faites
état d'une augmentation de cible qui devrait être de 200 %. Dans vos
chiffres, vous parlez de passer de
20 % à 40 % de réduction. À mon avis, c'est 100 %, et non pas
200 %. Alors, c'est bien 40 %, là, ce que vous voulez... Donc,
ça devrait être 100 %...
M. Schepper (Bertrand) : ...pardonnez-moi,
c'est une erreur de...
M.
Surprenant : D'accord, c'est compris. Maintenant, au niveau des moyens
pour y arriver, là, vous faites beaucoup
état, là, de ce qu'il faudrait faire en termes de pourcentage, et tout, mais,
au niveau des moyens pour y arriver, on
a parlé du transport tantôt, je me demandais, est-ce qu'il y a des solutions
qui pourraient être implantées rapidement puis avoir des impacts immédiats ou à brève échéance? Je fais allusion
peut-être au niveau de planter des arbres, le fameux film qu'on avait vu ici, au Québec, là, L'Homme
qui plantait des arbres. Est-ce qu'il y aurait moyen peut-être de trouver
des solutions pour en planter plus, reboiser
plus rapidement ce qui est déforesté? Est-ce que ce serait peut-être une
solution à privilégier ou s'il y en a d'autres?
M. Schepper
(Bertrand) : Bien, sur ce qui est de rapidement... Et je comprends
tout à fait qu'on est dans un horizon
jusqu'en 2020, donc, effectivement, bien, je pense que, s'il faut se donner des
objectifs, il faut se les donner aussi pour
qu'à long terme on puisse avoir des effets structurants réels. Malheureusement,
même si je pense que planter des arbres,
ce n'est pas une mauvaise chose, en fait, en soi, ça implique quand même qu'on
peut permettre, par exemple, une augmentation
de la pollution si on plante plus d'arbres, ce qui m'apparaît être un peu un
non-sens, ce n'est pas nécessairement ce
qu'on souhaite. Cependant, ça peut être une avenue à considérer sans, je pense,
être le coeur d'une stratégie, bien sûr.
D'autre
part, à court terme, évidemment, il y a tout un pan de questionnements à avoir
sur est-ce que les projets qui vont
venir vont être très polluants. Et je pense que, si on commence par,
notamment... Si on implante le budget carbone, par exemple, qui est un indicateur qui est clair... bien, qui pourrait
être très clair et qui pourrait être très présent, je pense que, si on en parle en disant : Partout,
bien, on veut diminuer notre empreinte carbonique, bien, je pense que c'est
important de le faire et je pense
que, si on le présente, ça serait plus clair pour tout le monde, et on pourrait
diminuer, en fait, dans l'activité générale de tout le monde et qu'on...
Ce n'est pas très clair, excusez-moi, je vais recommencer ça, là.
M.
Surprenant : Je vais vous poser la question autrement.
M. Schepper (Bertrand) : Mais ce que je veux dire, c'est : Si on
implante un indicateur de manière très évidente, je pense que ça va
avoir un effet bénéfique. D'autre... mais, bon.
M.
Surprenant : O.K. Dans votre mémoire, à la page 7, là, vous
mentionnez que «le Royaune-Uni a décidé de miser sur une politique juridiquement contraignante qui aspire à une
baisse des GES de 80 % d'ici 2015», que vous avez écrit, là. Alors,
c'est cette année. Qu'est-ce qu'ils ont fait de drastique?
M.
Schepper (Bertrand) : Bien, en fait, c'est que, si on dépense trop
d'énergie ou s'il y a trop de GES qui sont émis, il peut y avoir des amendes qui sont émises aux différents
organismes qui le font ou aux institutions qui le font. Et ma connaissance sur ce qui serait, par exemple, de
leur fonction publique ou des MO, à ce moment-là, là, il y a vraiment une
activité qui serait des blâmes. Mais plus que des blâmes importants,
c'est-à-dire que quelqu'un pourrait perdre son emploi, par exemple, ou il peut y avoir des blâmes qui sont majeurs
sur le non-respect. Ça fait partie des nécessités,
tout comme, en quelque part, j'ai l'impression, si, financièrement, un
ministère, son budget explosait, bien, il y aurait des répercussions, là, le
même type de...
M.
Surprenant : Au niveau des décisions d'impact, vous savez, au Québec,
il a été question, donc, d'une cimenterie
alimentée par le coke de pétrole en Gaspésie qui annulerait les efforts,
finalement, qui ont été déployés depuis 2006. Alors, qu'est-ce que vous pensez de ça au niveau de décisions qui
devraient être prises? Est-ce qu'on devrait obligatoirement avoir le
BAPE au niveau des gros projets?
M. Schepper
(Bertrand) : Bien, en fait...
Le Président (M.
Reid) : Vous avez à peu près 20 secondes pour répondre.
M.
Schepper (Bertrand) : O.K. Bien, si on adoptait quelque chose de très
contraignant, en fait ce type de projet là ne pourrait pas exister. Si, effectivement, il dépasserait des objectifs
ou s'il faisait qu'on ne pourrait pas respecter notre budget carbone, il y aurait des grands
questionnements à avoir. Donc, il faut se poser la question : Est-ce que
les projets qu'on fait sont des
projets qui seraient capables d'atteindre les cibles qu'on cherche? Et, dans ce
cas-ci, la cimenterie, manifestement,
est plutôt polluante. Et on a déjà des cimenteries qui ne sont pas à pleine
capacité pour l'instant, donc il faut se poser la question si c'est
vraiment la meilleure option.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Je passe maintenant au bloc
réservé aux députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé :
Le temps, M. le Président?
Le Président (M.
Reid) : Deux minutes.
Mme Massé :
Deux minutes? Merci. Merci pour la présentation. Merci pour le mémoire. En
fait, ce que je comprends, c'est l'urgence,
l'importance d'agir. Ce que je comprends, c'est qu'il faut avoir des
indicateurs pour être capable de se
mesurer. Et ce que je comprends, c'est qu'il y a une cohérence qu'il faut
atteindre si on veut avoir une équité intergénérationnelle. Ça, c'est ce
que je comprends.
J'aurais
envie... Je vous lance la perche en 1 min 30 s, vous êtes
bienvenu dans le sport parlementaire. Je pense que notre ministre est à la recherche d'arguments pour convaincre son
gouvernement d'austérité de l'urgence d'agir. Quels seraient les arguments que vous pourriez lui
offrir comme quoi ce qui est là, ce que vous nous présentez, cette mesure-là
est nécessaire?
M.
Schepper (Bertrand) : Bien, je pense qu'on a quand même vu qu'il y
avait des coûts économiques à ne rien faire, mais je pense qu'il peut y avoir
des opportunités dans une relance économique à faire... par exemple, à
travailler fort à subventionner ou à créer plus de transport en commun à
travers le Québec. On peut bien dire qu'il y a des grandes distances au Québec, il y a quand même une bonne
partie de la population qui habite dans les grandes villes. Mais je pense
qu'il faut penser à un transport en commun
qui serait accessible et qu'on ne perçoive pas nécessairement uniquement le
transport en commun comme quelque chose qui doit être rentable à court terme.
Je pense qu'il faut le voir comme un service
qui est offert par le gouvernement, et donc ça m'apparaît essentiel, en fait,
que le transport en commun bénéficie de
plusieurs avantages. On trouve que c'est normal de construire des routes pour
les voitures, on trouve que c'est normal qu'on investisse dans les infrastructures pour les voitures, je pense qu'il
pourrait être normal aussi d'investir pour aider le développement du
transport en commun à court terme.
Mme Massé : Puis la création
d'emplois, vous l'avez dit, c'est aussi dans l'efficacité énergétique.
M.
Schepper (Bertrand) : Aussi dans l'efficacité énergétique, bien sûr.
J'ajouterais juste : Dans des mesures importantes, pas juste des
gadgets qu'on n'a pas encore faits.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous avons épuisé le temps.
Merci beaucoup pour votre présentation.
Je vais
suspendre les travaux pendant quelques instants, le temps de laisser nos
prochains invités prendre place.
(Suspension à 16 h 58)
(Reprise à 17 heures)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons maintenant
les représentants du Centre interdisciplinaire
de recherche en opérationnalisation du développement
durable. Alors, vous avez entendu,
nous sommes en retard, malheureusement. Nous nous en excusons. Alors, je vais
vous laisser les 10 minutes réglementaires pour faire votre présentation. Si jamais vous arrivez à neuf minutes, je
vous ferai un signal. Par la suite, nous passerons aux échanges avec les membres de la commission.
Alors, je vous écoute, et présentez, s'il
vous plaît, les personnes qui
vous accompagnent.
Centre interdisciplinaire de
recherche en opérationnalisation
du développement durable (CIRODD)
Mme
Bécaert (Valérie) : Merci.
Bonjour. Je me présente, Valérie Bécaert. Je suis directrice exécutive du
Centre interdisciplinaire de
recherche en opérationnalisation du développement
durable. C'est un regroupement
stratégique qui est soutenu par le
FRQNT et le FRQSC. Et je suis accompagnée par Marie-Andrée Caron, qui est
professeure à l'Université du Québec à Montréal, mais également directrice associée
au CIRODD, et Jean-François Desgroseillers, qui est un agent de liaison
du CIRODD.
Le
CIRODD, qu'est-ce que c'est? C'est, en fait, un regroupement de 83 chercheurs
qui proviennent de 11 universités du
Québec, de trois collèges et de deux centres de transfert. C'est la force de
frappe de 19 chaires de recherche, d'à peu près 600 étudiants qui travaillent sur des projets en
opérationnalisation du développement durable. On est principalement constitué de chercheurs qui proviennent de ce
qu'on appelle nature et technologies, le génie, les sciences appliquées, mais
on a aussi une bonne proportion de nos chercheurs qui travaillent en sciences
humaines, en sciences de la gestion, en sciences
de l'administration, qu'on appelle société et culture, et on commence à avoir à
travailler avec plusieurs chercheurs qui proviennent des sciences de la
santé.
Nous sommes
financés pour six ans depuis 2013 par les Fonds recherche Québec, notamment le
FRQNT et le FRQSC. Notre objectif, c'est de catalyser la découverte et
le transfert de connaissances scientifiques, la formation de personnel hautement qualifié et le développement
d'outils novateurs indispensables aux entreprises et organisations engagées
dans la transition vers une économie verte,
et ça, en soutenant l'émergence de synergie entre nos chercheurs, mais aussi
avec les utilisateurs de plus en plus.
Pour ce
faire, on s'est structuré, on s'est donné un outil qu'on appelle notre
programmation scientifique dans notre jargon
et on l'a centré autour d'un axe central qui travaille dans les secteurs
d'activité stratégiques du Québec dans lesquels on veut faire émerger des projets d'opérationnalisation du développement
durable. Et ces secteurs, les secteurs dans lesquels on travaille, ce sont l'aéronautique, la foresterie,
la mobilité et le transport, le bâtiment et l'immobilier, les technologies
de l'information et de la communication, les mines et métaux et
l'agroalimentaire.
Pour faire
émerger ces projets-là, on fait appel à trois pôles d'expertise, donc des
experts qui travaillent dans des domaines
un peu plus génériques : un, la mesure du développement durable — là, on a des experts en analyse du cycle
de vie environnemental, social et
économique, les bilans carbone, l'empreinte environnementale, l'empreinte eau,
l'impact sur la
santé humaine; l'axe deux, ce sont les outils d'opérationnalisation en
entreprise comme la symbiose industrielle, l'écologie industrielle, l'économie circulaire, la logistique verte,
l'écodesign; l'axe trois, ce sont les outils d'intégration socioéconomique comme la responsabilité sociale des
organisations, la politique et la législation comme outil d'opérationnalisation du développement durable,
l'innovation responsable. Et tous ces secteurs-là travaillent pour faire
émerger des projets en opérationnalisation dans les secteurs industriels du
Québec.
Ce dont on
aimerait vous parler plus particulièrement aujourd'hui, c'est notre chantier
2014-2015, qu'on a appelé... ce n'est
peut-être pas le bon terme, mais le chantier transfert, où, vraiment, on a
voulu travailler, dans notre deuxième année
de vie, sur notre interaction avec nos utilisateurs. Et, pour ce faire, on a
organisé plusieurs forums où on rassemblait des entreprises, des grandes, des petites, des moyennes, des start-up,
des OBNL, des ONG, des gens des ministères et des citoyens pour qu'on
réfléchisse ensemble, dans un premier temps, à faire un diagnostic sur
qu'est-ce qui se passe au niveau du
transfert et des échanges entre les universitaires et les utilisateurs et, dans
un deuxième temps, essayer de trouver une
façon de faire un peu plus efficace qui nous permet d'avoir plus de pertinence
et d'être plus percutants au niveau de la recherche que l'on fait.
On est dans
cet exercice-là et on a notre première étape de faite, donc le diagnostic. Ce
diagnostic-là est un peu malheureux,
mais on s'y attendait. C'est-à-dire que les outils traditionnels de transfert
ne sont pas très efficaces quand on
parle d'opérationnalisation du développement durable, et il faut qu'on se mette
à réfléchir ensemble. Ça n'a pas de sens
de faire de la recherche en opérationnalisation si on n'a pas de mise en
oeuvre, si on ne le fait pas avec les utilisateurs. Donc, le lien est très important, et on veut
développer des façons de faire qui nous permettent de faire émerger des projets
qui vont être utilisés, qui vont être utiles et qui vont être cohérents.
Si on y arrive plus particulièrement, à ce qui
nous intéresse aujourd'hui, c'est-à-dire la stratégie révisée, c'est certain que le CIRODD se réjouit qu'on fasse
plusieurs références à l'importance du développement de connaissances et à l'innovation. Par contre, on a déploré le
fait que la recherche menée dans les universités et les cégeps soit presque
absente du document. C'est d'autant plus
étonnant, puisque la plupart des travaux qui sont effectués par les chercheurs
dans le domaine sont financés par le gouvernement. C'est pour ça que la
première recommandation que nous avons faite dans notre document vise à renforcer les
liens avec les chercheurs québécois et elle est : Que la stratégie révisée
reconnaisse de manière explicite que
les chercheurs universitaires et collégiaux sont des partenaires importants du
gouvernement dans sa démarche de développement durable.
Pour donner quelques
exemples, nous, on a le mandat de catalyser cet échange, ce transfert de connaissances et d'expertise. On a des
chercheurs, des membres, des groupes qui font déjà beaucoup
de travaux avec les utilisateurs. Je
vous donne quelques exemples très
rapidement, étant donné qu'on essaie d'écourter les choses. Le CIRAIG, qui est
un centre d'expertise en analyse du
cycle de vie, a mis sur pied la Base de données québécoise d'inventaire du
cycle de vie, qui est vraiment à la base de toutes les mesures au niveau
des émissions de gaz à effet de serre, mais toutes les autres émissions
environnementales. On a participé au projet pilote Empreinte carbone, qui nous
a vraiment permis d'être présents à
l'international sur toutes les discussions au niveau des normes. C'est la même
chose avec l'empreinte eau. C'est même le Québec, c'est un chercheur du Québec qui «leade» l'élaboration des
normes internationales au niveau de l'empreinte eau, ce qui est non
négligeable.
Il se passe
aussi beaucoup de choses au niveau de l'écologie industrielle, qui est menée
par le CTTEI, donc le centre de
transfert en écologie industrielle, la chaire en mobilité à Polytechnique, qui
a un partenariat avec le ministère des
Transports pour réfléchir aux questions de mobilité durable, la Chaire en écoconseil
avec le projet Carbone boréal et, à l'Université Laval, le pôle au
niveau de la conception écoresponsable avec les produits du bois. Donc, ce ne
sont que quelques exemples des expertises qui sont disponibles pour les acteurs
du gouvernement.
Nous
aimerions, naturellement, que, puisque ces expertises sont disponibles, que
l'on puisse renforcer les interactions.
C'est pour ça que les deux recommandations suivantes dans notre document visent
particulièrement ces sujets-là. La
première : Que le gouvernement fasse formellement une place à des
regroupements de chercheurs sur les divers mécanismes de mise en oeuvre de la stratégie, soit les tables
d'accompagnement-conseil et les structures interministérielles de
coordination et de travail sur des thématiques particulières.
Puis l'autre
recommandation, qui vise plus particulièrement la section 5.1 de la stratégie
révisée, qu'elle indique explicitement
la nécessité d'impliquer des chercheurs québécois dans l'élaboration des plans
d'action de développement durable des
ministères et organismes gouvernementaux. Ce sont des expertises qui sont
disponibles, qui devraient pouvoir être mises à contribution en tant que
ressources.
Donc, ce que
nous aimerions que vous reteniez de notre document — qui contient aussi d'autres recommandations
plus précises au niveau du contenu de
stratégie, mais notre présence aujourd'hui est importante pour ces
points-là — on
veut vous dire que les chercheurs québécois
disent présent en appui aux actions du gouvernement pour une transition vers une économie verte. Nous voulons renforcer les
modes d'interaction entre la recherche et les mécanismes de mise en oeuvre
de la stratégie. Et ici je parle
d'interaction, donc pas de consultation. On est convaincus que la recherche
pertinente en opérationnalisation du
développement durable doit se faire avec les utilisateurs. Et on croit que le
gouvernement devrait être un
utilisateur de la recherche, et donc nous sommes ici pour vous inviter à
renforcer ces liens et à réfléchir sur les meilleures façons de le
faire. Donc, c'est la présentation que j'avais à vous faire.
Le
Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, nous allons passer
à la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre
présentation. À nouveau, nos excuses pour le retard. Premier point, au niveau de l'importance de la recherche, je
crois que le gouvernement, quand même, a fait preuve de façon concrète de l'importance qu'il accorde à
la recherche scientifique. On peut citer notamment, en matière de lutte contre les changements climatiques, le Fonds vert.
On investit énormément, Ouranos est un exemple. Le Comité-conseil sur
les changements climatiques, il y a des représentants, il y a des chercheurs,
il y a une représentation du monde académique
qui est présente au sein du comité. L'investissement du gouvernement dans le CIRODD,
d'ailleurs, est un autre exemple.
Donc, il y a quand même... Puis vous avez souligné le fait que la stratégie,
quand même, donne une place importante.
Alors, ceci dit, j'aimerais ça, aller plus loin.
Quand vous parlez... justement, on parle de mode d'interaction entre la recherche et les mécanismes de mise en oeuvre
de la stratégie, avez-vous des exemples concrets? Alors, ça serait quoi, des mécanismes de mise en oeuvre de la
stratégie, là, dans le cadre, là, dans le contexte de votre projet transfert,
là? Avez-vous des exemples plus concrets pour illustrer, là, votre
propos?
• (17 h 10) •
Mme Caron
(Marie-Andrée) : Je peux intervenir là-dessus. Pour avoir travaillé un
petit peu en vérification de gestion
et en optimisation de ressources,
j'aurais tendance à dire que, globalement, la stratégie révisée, tu sais, si on se rappelle au vieil adage en gestion du fameux PODC,
je dirais qu'elle est très forte en P et assez forte en C. Là où on pourrait
noter peut-être du travail à faire,
c'est au niveau du O et du D. Au
niveau du O, là, j'entends le déploiement de capacités. Et, au niveau du
D, j'entends favoriser l'engagement.
Si on se rapporte notamment au rapport du
Commissaire au développement durable 2014, notamment aux commentaires des entités vérifiées, on note parmi
ces commentaires-là certaines difficultés dans l'application d'outils concrets aux secteurs concernés. Par exemple, le
ministère de la Culture et des Communications faisait ce commentaire-là.
Donc, on voit très bien qu'il y a des
difficultés au niveau du O, et il ne s'agit pas d'ajouter des ressources. Donc,
il s'agit plutôt d'envisager le lien autrement avec la recherche,
c'est-à-dire de faire entrer la recherche dans ce O-là. Il y a des ressources, déjà — vous l'avez bien dit, au niveau du CIRODD,
des ressources importantes — qui ont été déployées, mais c'est comme si le travail était à faire encore
pour unir les chercheurs et les besoins, que ce soit dans l'organisation
publique, dans la société. Et le
CIRODD travaille très fort là-dessus, c'est son objectif. Nous avons plusieurs
projets actuellement en marche qui
unissent des gens du milieu, des acteurs concernés avec des chercheurs, et on
travaille avec des chercheurs qui, de longue date, ont cette tradition
de recherche qui est vraiment d'impliquer... Donc, il faut en profiter.
Les
recherches, actuellement, ont été mobilisées beaucoup pour le P, puis j'ai vu
dans les journées précédentes de cette
commission, j'ai vu aussi tout à l'heure dans les questions qui étaient posées,
on travaille très fort à être certain qu'on a bien ciblé le problème, qu'on l'a ciblé de la bonne façon. C'est vrai.
La stratégie révisée fait état d'une documentation que je trouve impressionnante. Je trouve qu'il y a
un projet de société réel derrière ça, mais, encore une fois, je trouve qu'il y a du travail à faire au niveau du O,
d'utiliser les ressources vraiment au maximum déjà investies, et ça va aider
le D forcément, ça va aider l'engagement.
M. Heurtel : Parce, bon, vous nous
dites... Je suis content, vous faites partie des multitudes qui ont suivi nos travaux et, conséquemment, vous avez sans doute
noté, bon, qu'on parle beaucoup de... bon, un, d'intégration de la lutte
contre les changements climatiques à toute
la question de la stratégie de développement durable, mais plus
particulièrement comment,
concrètement, dans les processus décisionnels du gouvernement, on doit
peut-être intégrer de façon plus concrète aussi ces notions-là, les notions de développement durable, les notions
de lutte contre les changements climatiques, en amont, tu sais, que ça soit dans des décisions d'aménagement, dans des
décisions relatives aux transports, les décisions reliées aux investissements du gouvernement ou
participation financière du gouvernement dans des projets, bref d'intégrer
le plus en amont possible et de faire en
sorte que, concrètement, dans les processus décisionnels gouvernementaux...
Puis, justement, ça donnerait
peut-être plus de dents, là, selon certaines personnes, là, à la stratégie, de
faire en sorte que ces éléments-là
soient pris en compte dès le départ, que ça ne soit pas en réaction après
qu'une décision est prise, mais dès le départ.
Mon
point, c'est qu'en faisant cela est-ce que, justement, ça favoriserait
peut-être un appel approfondi à la communauté scientifique si,
justement, on avait ce genre d'exigence là, que le fait que, de façon
horizontale, dans l'ensemble des processus
décisionnels gouvernementaux, on doive intégrer les principes de développement
durable, la stratégie de lutte contre les changements climatiques dans
la prise de décision, faisant en sorte que, nécessairement, pour prendre une
décision éclairée, ça va forcer peut-être l'État à avoir plus recours à la
communauté scientifique?
Mme
Bécaert (Valérie) : Si je peux me permettre, ce qui est intéressant
aussi peut-être d'envisager, c'est non seulement,
oui, d'intervenir en amont, mais je crois que la plus-value de la société
scientifique n'est pas nécessairement juste
au niveau des expertises poussées, changements climatiques, mais aussi dans les
processus, comment questionner les
différentes parties prenantes puis comment rendre ça transversal. C'est aussi
des choses sur lesquelles on réfléchit, c'est des choses sur lesquelles il y a déjà des travaux qui ont été
faits, des expériences qui ont été menées, mais on a des résultats qui pourraient facilement être
accessibles, puis, justement, qui sont disponibles, et qui pourraient
bénéficier...
Le Président (M. Reid) : Oui,
M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames.
Bonjour, monsieur. Écoutez, moi, j'ai... Vous faites de la recherche
puis vous travaillez aussi avec plusieurs entreprises, et vous nous avez
mentionné que l'opérationnalisation était un
facteur critique parce qu'on n'opérationnalise pas votre recherche, finalement,
on la perd, jusqu'à un certain point. Puis ça, ça demande un délai qui
est parfois considérable sur le plan... Les entreprises avec lesquelles vous cherchez, en fait, vous cherchez des
nouvelles solutions, des économies, j'imagine, aussi, il n'y a pas rien
que des facteurs environnementaux là-dedans, puis je pense que c'est bien
important de le faire.
Donc, est-ce que vous avez des
recommandations à nous faire sur le plan de la législation? Comment on pourrait
aider le processus? Parce que, comme vous le
savez, le développement durable, la nouvelle stratégie qu'on met en place
s'applique principalement aux ministères et
organismes. Puis on a parlé peut-être d'étendre ça aux municipalités, mais
on n'a pas été encore, jusqu'à un certain
point, au niveau de l'industrie, puis l'industrie, bien, généralement, ils
répondent de façon primaire à des
paramètres économiques. Quels sont vos délais d'application? Comment vous voyez
ça? Puis après on verra comment on peut vous aider à opérationnaliser
vos systèmes.
Mme
Bécaert (Valérie) : J'ai peut-être une petite parenthèse à faire. On a
fait plusieurs forums où, justement, on rassemblait ces entreprises-là.
On voulait les faire parler, on voulait échanger et on essayait aussi d'avoir
tous les représentants, entre autres des
représentants des ministères. Sur une assemblée de 100 personnes, on avait un
représentant de ministère, et
l'ensemble des entreprises qui étaient présentes nous demandaient, nous
disaient justement... On demandait : Qu'est-ce qu'on peut faire, nous, en tant que regroupement de
chercheurs, pour vous aider?, et le cas de la législation, d'encadrer, d'être plus actif au niveau de la
législation pour les entreprises revenait de façon fréquente. Donc, c'est
quelque chose qui est présent dans
les sphères avec lesquelles on travaille pour que le développement durable se
mette en oeuvre.
Mme
Caron (Marie-Andrée) : Mais, si je peux me permettre, j'ajouterais
même que ce qui est inclus dans la stratégie
révisée devient pour nous un argument de légitimité après quand on veut faire
avancer ces projets-là dans l'industrie.
Donc, c'est extrêmement important. Surtout quand c'est fait comme ça, de
manière volontaire, non réglementaire, c'est vraiment un élément qui est
extrêmement mobilisateur.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Donc, vous ne préconisez pas qu'on mette une
législation qui irait s'étendre à l'industrie à ce point-ci dans le
temps?
Mme
Caron (Marie-Andrée) : Il pourrait être trop tôt. Il faut vraiment
faire extrêmement attention du moment où... Que l'industrie soit
organisée, en tout cas, au moment où elle reçoit la législation.
M.
Bolduc
(Mégantic) : O.K. Maintenant, est-ce que vous...
M.
Desgroseillers (Jean-François) : Je ne sais pas si je peux compléter.
Si je peux me permettre, en fait, en termes de législation, il faut aussi voir... Une de nos recommandations,
c'était le travail avec les différents ministères et organismes qui connaissent les entreprises sur lesquelles ils
ont juridiction. Donc, c'est important de travailler, d'accompagner, d'avoir
l'apport de la recherche scientifique pour
bien amener les entreprises à faire la transition vers l'économie verte, et on
vous donnait à la page 5, là, du
mémoire des exemples de travaux que font nos chercheurs sur des enjeux bien
précis. Parce qu'on a une
législation, la Loi sur le développement durable, qui s'applique au
gouvernement. Là, si je comprends bien votre question, c'est : Est-ce qu'on devrait l'étendre à l'ensemble des
entreprises? Peut-être pas une loi aussi large que celle-là.
Le
Président (M. Reid) : Alors, merci. Nous allons passer à
l'opposition officielle. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui. Merci, M. le Président. À mon tour de m'excuser pour le retard. Et
bienvenue à cette commission. Alors,
opérationnalisation du développement durable, on est en plein dedans. On a eu
beaucoup de témoignages ici qui nous
recommandent ou qui nous suggèrent... qui sont favorables à modifier les appels
d'offres pour opérationnaliser, dans le fond, le développement durable à
travers l'appareil gouvernemental. Pouvez-vous nous dire en quelques mots comment vous voyez ça, comment le gouvernement du
Québec pourrait modifier ses appels d'offres pour, justement, davantage
opérationnaliser le développement durable?
Mme
Bécaert (Valérie) : Alors, justement, on a un des groupes de travail
qui se penche avec, probablement, les gens,
que vous connaissez, de l'ECPAR, sur l'approvisionnement responsable, qui a
pour objectif de définir davantage comment
mieux cerner l'approvisionnement pour les entreprises, pour les ministères
également. Il y a des ministères qui sont...
il y a des organismes qui sont membres de l'ECPAR pour définir un peu mieux
comment encadrer cet approvisionnement responsable là.
Personnellement,
là, moi, je ne pourrais pas vous donner des recommandations parce que c'est
quelque chose qui est en travail.
Mais, comme l'a dit Marie-Andrée, le fait de donner l'exemple est toujours
quelque chose qui est très important chez
les entreprises et qu'on entend énormément. Donc, d'intégrer les travaux qui
sont issus de ce groupe de travail là, qui sont appuyés par des aspects
scientifiques, entre autres en analyse de cycle de vie, ce serait une
recommandation.
• (17 h 20) •
M.
Desgroseillers (Jean-François) : Si je peux compléter, dans le CIRODD,
il faut vraiment voir le CIRODD comme
une plateforme qui donne un accès à des chercheurs. Vous avez vu la diversité des
expertises. L'analyse de cycle de vie
est vraiment un outil qui, sur le plan environnemental, donne des critères
d'aide à la décision très importants. On a des gens qui travaillent sur l'écoconditionnalité, des gens de HEC qui
sont vraiment en comptabilité environnementale, tout ça, qui peuvent
travailler à revoir les modes d'approvisionnement.
M.
Gaudreault : Donc, je comprends que vous êtes également... Vous
le dites, de toute façon, je pense, à la page 11 de votre mémoire, là, que vous
souhaitez — oui, la
recommandation 9 — d'assujettir
immédiatement les universités, cégeps et
les établissements de santé et, sur cinq ans, les organismes municipaux, les
écoles primaires. Alors, vous trouvez que, présentement, c'est une
lacune qu'on ne donne pas d'orientation là-dessus?
M.
Desgroseillers (Jean-François) : Notre recommandation, ce serait
d'aller... De toute façon, on fait référence au bilan quinquennal, où on s'aperçoit que les deux groupes qu'on
suggère d'assujettir tout de suite ont déjà, à plus que 50 %, mis en place des démarches de
développement durable. Donc, pour nous, ce serait tout à fait logique de les
intégrer maintenant et de se donner
un échéancier sur cinq ans pour aller rejoindre ceux qui sont moins engagés
pour le moment. Mais ça permettrait... Parce qu'on l'a dit au tout début
du mémoire, ce qu'on trouve important, c'est l'engagement d'aller rejoindre plus profondément l'ensemble de
la société qui est dans cette deuxième stratégie là. Donc, ce serait un
signal clair que c'est ce qu'on veut faire.
M. Gaudreault : L'autre chose
dont on a quand même abondamment parlé ici aussi, c'est les indicateurs, là, quantitatifs. Vous, vous proposez...
Recommandation 1, 2, 3, je crois, là, vous dites de faire référence à des
indicateurs... En tout cas, je ne le
retrouve pas spécifiquement, là. Ah! c'est la recommandation 5, pardon :
«Que la stratégie révisée précise
déjà des cibles, indicateurs et échéanciers pour tous les objectifs...» Puis
vous parlez aussi d'avoir un tronc commun d'indicateurs. Pouvez-vous nous préciser un petit peu plus votre
réflexion, votre pensée là-dessus? Ça serait quoi, les troncs communs,
cycle de vie...
M.
Desgroseillers (Jean-François) : En fait, les recommandations 4 et 5
se suivent et sont vraiment, je crois, à lire une avec l'autre. On a un peu le sentiment, quand on lit la
stratégie, qu'on est presque encore à la première stratégie. C'est-à-dire qu'il y a quand même eu huit ans
d'expérience, il y a quand même le regard que le gouvernement peut porter
sur où on veut amener la société québécoise
dans cinq ans. Donc, cette stratégie-là pourrait envoyer ce message-là de voilà
où on veut aller dans les cinq
prochaines années et donner un
certain nombre d'indicateurs.
Certains, on les a. Par exemple,
sur les gaz à effet de serre, il en a beaucoup
été question, on a un objectif ambitieux qui est connu. On en a d'autres en matière
d'élimination des matières putrescibles. Donc, on pourrait avoir un tableau de
bord de là où on veut se diriger qui
enverrait un message plus clair à l'ensemble de la société aussi vers où le
gouvernement veut se diriger. Puis ce n'est pas le seul acteur, mais c'est un acteur très important. Et on a donné
des exemples, en fait, dans les orientations 3, 7 et 8 sur la mobilité, sur l'efficacité énergétique, là
aussi il pourrait y avoir un engagement gouvernemental à augmenter l'efficacité
énergétique de l'ensemble de l'économie d'un certain pourcentage.
M. Gaudreault : O.K. Je
termine parce que je vois le président qui me fait toutes sortes de faces, là.
Des voix : Ha, ha, ha!
M.
Gaudreault : Je comprends, à votre recommandation 8, que vous
recommandez vivement d'intégrer l'évaluation environnementale stratégique
dans la stratégie du développement durable. Oui?
M. Desgroseillers (Jean-François) :
Oui, absolument.
M. Gaudreault : C'est beau.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Nous passons au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dames. Alors,
à la page 7, au niveau des plans d'action de développement durable, tout ça doit se faire, en fait, là, d'ici le
1er avril 2015, c'est ce que vous mentionnez. Et vous aimeriez, donc, également être plus impliqués pour
pouvoir permettre de réaliser, là, les objectifs. Alors, comment souhaitez-vous
être impliqués? Puis qu'est-ce qui peut être fait pour que ça puisse se passer
rapidement?
Mme
Bécaert (Valérie) : En fait, le message qu'on aimerait passer, c'est
que les ressources, elles sont disponibles. On a des expertises, on a des gens qui ont une certaine expérience, qui
sont, justement, disponibles pour accompagner peut-être des ministères qui n'ont pas nécessairement les ressources ou
les connaissances ou qui ont besoin d'un appui particulier dans un domaine, en mobilité plus particulièrement, tout ça.
Donc, ce sont des ressources qui sont disponibles. Le CIRODD, en tant que regroupement stratégique, en
tant que plateforme — il y a
d'autres regroupements qui existent — c'est une porte d'entrée pour aller chercher
ces expertises-là et, donc, simplement de pouvoir avoir, premièrement,
un mode de communication avec, justement,
les différents ministères, peut-être avec les fonctionnaires, pour leur
permettre de connaître ce qui est là et d'y avoir accès, leur permettre
d'y avoir accès.
M.
Surprenant : Merci. À la
page 5, au haut, on dit que le mandat du CIRODD consiste à catalyser le
transfert de connaissances
scientifiques et le développement d'outils novateurs vers les entreprises et
organisations engagées dans la transition vers l'économie verte et que, donc,
vos chercheurs sont branchés sur les grands secteurs économiques du Québec. Alors, je sais qu'il y a
une autre organisation qui s'appelle Réseau Environnement et qui
regroupe les entreprises, et quelle est votre dynamique de travail, les
deux ensemble, pour permettre...
Mme
Bécaert (Valérie) : Bien,
Réseau Environnement, historiquement, est davantage concentré sur tout ce qui
est environnement. Nous, on a vraiment une approche où, du départ, on aborde le
développement durable. On est des partenaires
de Réseau Environnement parce que c'est notre fenêtre sur les utilisateurs. Donc,
on existe depuis 2013, on est en
train de construire un partenariat. Pour le moment, c'est principalement au niveau,
justement, du transfert par, entre autres, les étudiants qui font des projets. Ce sont eux
qui font les projets d'opérationnalisation et qui sont en relation avec
les membres de Réseau Environnement. Donc, c'est le type de relation. Je ne
sais pas si ça répond à votre question.
M. Surprenant : Merci. C'est
complet.
Le Président (M. Reid) : Oui,
ça va? Alors, merci. Je passe maintenant au bloc des députés indépendants. Mme
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être là. Alors,
rapidement, parce qu'on a deux minutes. On voit dans le document que
vous interpelez le gouvernement en disant : Il serait intéressant d'avoir
des nouveaux objectifs mobilisateurs. Et
vous avez fait, dans votre présentation, état de l'importance, comme
gouvernement, de donner l'exemple.
Alors, je me demandais, puisque vous êtes des spécialistes de
l'opérationnalisation et qu'on semble, de notre côté, avoir parfois quelques problèmes avec ça, est-ce que vous
considérez que les 16 principes du développement durable devraient aussi s'appliquer au bras économique de
l'État, là, si on pense en matière d'investissement, comme la Caisse de dépôt ou Investissement Québec. Est-ce que vous
pensez que c'est quelque chose qui pourrait être possible, ça,
d'opérationnaliser ça?
M.
Desgroseillers (Jean-François) : Absolument. Dans la mesure où c'est
des ministères et organismes qui sont assujettis
à la loi, et ils doivent réfléchir comment la loi s'applique à eux. On peut
penser à Ressources Québec, qui
investit dans le Plan Nord,
qui doit se questionner sur l'ensemble des 16 principes, sur les investissements qui sont faits dans le secteur extractif. Donc, tout à fait.
Mme
Massé : O.K. Et mettons que la proposition... Parce que vous nous
arrivez en disant : On peut jouer un rôle là-dedans. Parce qu'au niveau
économique on semble plus frileux. Vous semblez quand même
travailler beaucoup avec les
gens de l'industrie. Je ne vois pas en sous-texte beaucoup
la dimension sociale, mais je vous fais confiance, vous êtes des
chercheurs, quand même, on sait que le développement durable l'inclut. Est-ce
qu'il y a...
Le Président (M. Reid) :
...quelques secondes.
Mme Massé : Voyez-vous comment c'est
court, deux minutes, hein? On s'en reparlera.
Le Président (M. Reid) :
Aviez-vous un commentaire là-dessus?
Mme
Bécaert (Valérie) : Peut-être, simplement pour vous rassurer, que
c'est un défi que nous avons tous les jours.
On a principalement des ingénieurs, on essaie d'intégrer, justement, une façon
d'intégrer l'aspect social dans notre façon de faire.
Mme Caron (Marie-Andrée) : Et on le
fait beaucoup. On a une équipe de chercheurs solide derrière...
Mme Bécaert (Valérie) : On le fait
beaucoup.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Je dois vous arrêter. Alors, merci
de votre contribution à la commission, aux travaux.
Je suspends
les travaux pour quelques instants, le temps de permettre à nos prochains
invités de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 29)
(Reprise à 17 h 30)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons maintenant les représentants
de la CSN. Et je vous demanderais de
vous présenter, de présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez
10 minutes. Évidemment, si vous prenez moins que ça, nous allons
utiliser ce temps pour nos échanges.
Confédération des
syndicats nationaux (CSN)
M. Patry
(Pierre) : Très bien. Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, les personnes qui m'accompagnent : à ma droite, il y
a Mireille Pelletier, qui est chimiste et conseillère syndicale au Service des
relations du travail de la CSN; Mme Judith
Carroll, qui est conseillère au Comité exécutif de la CSN. Et moi-même,
Pierre Patry, trésorier, mais aussi responsable des questions de développement
durable.
Donc, on veut d'abord remercier le gouvernement
de nous avoir invités à cette consultation publique sur la Stratégie
gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020.
La CSN se sent particulièrement interpelée par
les enjeux entourant le développement durable, car il s'agit de questions fondamentales qui touchent nos choix
collectifs et nos vies individuelles. Et, d'entrée de jeu, nous affirmons
notre volonté de voir les travailleuses et les travailleurs mis à contribution
dans la réalisation de cette stratégie.
Par
définition, une organisation syndicale se trouve au coeur des rapports sociaux
et économiques. Les syndicats affiliés
à la CSN se battent pour changer ces rapports, pour assurer la reconnaissance
des droits des travailleuses et des travailleurs
dans les différentes organisations pour assurer le développement de la
protection environnementale et sociale tout en tenant compte des enjeux
économiques. À travers les enjeux concernant l'inclusion sociale, les
inégalités, la protection du revenu, le
développement des régions, l'extraction des ressources naturelles, la mobilité
durable ou l'énergie, nous pouvons percevoir les liens entre l'action
syndicale et le développement durable. La CSN est particulièrement préoccupée par la dimension sociale du
développement durable. Celle-ci apparaît trop souvent comme le parent pauvre.
Le projet qui nous est présenté ne fait,
malheureusement, pas exception, et c'est pourquoi nous commenterons d'abord,
et avec plus d'insistance, l'orientation 4, qui touche la question de
l'inclusion sociale et les inégalités.
En regard de
la stratégie de consultation déployée par le gouvernement, la CSN ne peut
passer sous silence l'absence totale
de consultation auprès des représentants des travailleuses et des travailleurs.
La notion de dialogue social, vantée par
le gouvernement au lendemain des dernières élections, doit s'incarner dans des
gestes concrets. De plus, la CSN tient à dénoncer le fait que plusieurs actions de l'État qui ont des effets
structurants, comme les lois, règlements, programmes ou politiques, soient les grandes oubliées de
cette stratégie. Plusieurs lois et règlements auraient besoin d'être
dépoussiérés, ne pensons qu'à la loi sur l'accès à l'information.
Au cours des
derniers mois, le gouvernement a multiplié les actions et les annonces qui, de
toute évidence, n'ont pas été
évaluées en fonction des principes du développement durable, dont ceux de
l'équité, de la solidarité sociale, de la participation et de l'engagement ou encore de l'accès au savoir. À ce
chapitre, pensons aux restrictions à l'aide sociale, à la modulation des
frais de garde en fonction des revenus ou encore aux coupes en éducation.
Nous appuyons
l'objectif visant à faciliter l'intégration au marché du travail des personnes
les plus vulnérables. L'emploi et les
conditions de travail sont, selon nous, au coeur de la dimension sociale du
développement durable. L'accès à un
emploi de qualité est un levier important d'intégration sociale et de sécurité
économique. Cela dit, le fait de détenir un emploi n'est pas toujours suffisant pour sortir de la pauvreté. Trop
d'emplois atypiques sont mal protégés en raison de nos lois du travail désuètes. De même, les compétences et les
qualifications ne font pas foi de tout, encore faut-il qu'il y ait des emplois de qualité disponibles. Il ne faut pas
oublier que le Québec compte aujourd'hui plus de personnes qui désirent
travailler que de postes offerts.
Les
organismes communautaires et les entreprises d'économie sociale jouent un rôle
important dans la société québécoise.
Sans aucun doute, plusieurs d'entre eux contribuent à l'inclusion sociale et à
la réduction des inégalités. Leur pertinence n'est plus à démontrer. Nous
ne pouvons donc que souscrire à l'idée d'un renforcement de l'appui et de la promotion des interventions des organismes
communautaires, qui contribuent à l'inclusion sociale et à la réduction des
inégalités. Toutefois, il ne faudrait pas que le gouvernement en profite pour
se désengager en refilant aux organismes communautaires
et aux entreprises d'économie sociale une partie de ses responsabilités. Des
services publics de qualité avec des
conditions de travail décentes pour celles et ceux qui les dispensent sont
aussi au coeur du développement durable.
Par ailleurs,
nous appuyons l'intention du gouvernement d'améliorer les mesures permettant
d'élargir l'accès à des services de
base offerts aux personnes issues des milieux défavorisés. En effet, le revenu
familial excédentaire, qui figure parmi les indicateurs du développement
durable, s'est considérablement dégradé pour les familles les plus pauvres depuis 2006, alors qu'il est demeuré stable pour
les autres. Pour la CSN, il y a ici un incontournable, rehausser les
protections publiques pour assurer à
toutes et tous un revenu au moins égal à la mesure du panier de consommation,
qui représente 17 246 $,
là, par année pour l'année 2013. Il est désolant que le document de
consultation ne traite pas de cette question.
Or, plusieurs
organismes internationaux reconnaissent maintenant que la croissance des
inégalités a des effets négatifs
importants sur la prospérité et le bien-être des populations. De fortes
inégalités réduisent l'efficacité économique, elles affectent la mobilité, la cohésion sociale et elles minent la
démocratie. L'histoire récente nous montre que l'on ne peut s'en remettre à la croissance pour régler
tous les problèmes. En matière de répartition des revenus, l'effet de
ruissellement ne fonctionne pas, l'État doit intervenir.
Concernant le
principe d'une gestion des ressources naturelles responsable et respectueuse de
la biodiversité, nous croyons qu'il
est primordial de renforcer les lois environnementales et d'allouer aux
ministères plus de ressources pour l'embauche
d'inspecteurs. Une réglementation constamment bafouée perd totalement sa
crédibilité face aux citoyens et aux
entreprises. La CSN demande donc au gouvernement de donner aux différents
ministères s'occupant de la biodiversité les ressources nécessaires afin
de respecter les lois et règlements en vigueur.
Nous savons
que les grandes compressions commandées par les mesures d'austérité du
gouvernement auront des effets sur le
personnel du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs — bon, on a écrit ça avant ce matin, là, on a
vu les nouvelles de ce matin. Il est
incongru de vouloir bien gérer les ressources naturelles sans le recours aux
connaissances scientifiques qui
permettent notamment de bien comprendre la nature des ressources à protéger et
les meilleures pratiques pour y arriver.
Pour la CSN,
l'aménagement du territoire est un élément clé pour réduire notre dépendance au
pétrole par une utilisation plus
responsable de l'automobile. Nous sommes d'avis qu'il faut que le gouvernement
privilégie une logique de circuits
courts afin de renforcer notre économie locale et de diminuer notre
consommation de pétrole. Il faut également développer le transport actif en mettant en place de nouvelles
infrastructures efficaces et accessibles. Ces infrastructures doivent
susciter notre envie de limiter l'utilisation de la voiture.
Il est
mentionné dans le document de consultation que le développement local et
régional s'appuie sur de nombreuses initiatives
fructueuses portées par les acteurs du territoire. Pourtant, le gouvernement du
Québec démantèle les organismes de
concertation et de développement régionaux. La fin du financement de Solidarité
rurale a aussi été annoncée. Pour la CSN,
cela signifie la mise à mort d'un modèle de développement régional. Ces piliers
du développement économique des régions
sont essentiels pour assurer un développement territorial durable et pour
soutenir le dynamisme des collectivités. La CSN demande le maintien de ces organismes afin
d'assurer un développement du territoire qui répond aux besoins des
différents milieux de vie.
Nous sommes
d'accord avec l'objectif de soutenir la participation publique dans le
développement des collectivités et
avec celui de renforcer la résilience des collectivités par l'adaptation aux
changements climatiques et la prévention des sinistres naturels. Il faut être à l'écoute des citoyennes et des
citoyens afin d'encourager leurs initiatives. Pour nous, il s'agit là de s'assurer non seulement de
l'efficacité des mesures existantes et de celles à venir, mais également de
leur mise en application ainsi que de la convergence des actions des
municipalités et du gouvernement.
La mobilité
durable représente un grand défi pour la société québécoise. La CSN fait sienne
l'orientation d'accroître l'accessibilité aux services, aux lieux
d'emploi ainsi qu'aux territoires par des pratiques et la planification
intégrée de l'aménagement du territoire et
des transports durables. Par contre, il faudra faire preuve de créativité, tout
comme il faudra prévoir les sommes nécessaires pour créer un
désintéressement des citoyens envers leurs voitures, et ce, au profit du transport en commun. Nous savons que les régions
où les investissements dans le transport en commun furent les plus
grands sont aussi celles qui ont connu une hausse substantielle de
l'achalandage de celui-ci. Il faut donc en tirer des enseignements. De plus, le Québec est un vaste territoire, et il y a
lieu de tenir compte des particularités qu'on y retrouve.
La CSN réitère son adhésion à l'objectif
d'appuyer l'électrification des transports et améliorer l'efficacité énergétique de ce secteur pour développer
l'économie et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous croyons qu'en
plus de réduire les GES cette avenue
pourrait stimuler l'activité économique en créant de l'emploi et en développant
des industries au Québec.
En ce qui a trait au transport des marchandises,
le document fait seulement référence à la transition vers des carburants moins polluants. La CSN est d'avis qu'il
faut explorer des moyens de transport alternatifs tels le train, le monorail
ou le bateau. Il faut, entre autres, trouver
des solutions visant à diminuer la politique du «just-in-time», préconisée par
les entreprises. Sans une diminution
considérable de la consommation des hydrocarbures par ce secteur, nous ne
vaincrons pas notre dépendance au pétrole.
Pour la CSN,
la lutte aux changements climatiques est un incontournable et représente un
enjeu social de premier plan. Nous
tenons à rappeler que nous avons toujours été favorables au Protocole de Kyoto
et à des cibles de réduction ambitieuses des GES. Ainsi, la cohérence
entre cette stratégie et le plan d'action sur les changements climatiques est primordiale pour lutter efficacement, et nous souhaitons que cette stratégie
permette de réaliser les objectifs du plan
d'action plus rapidement.
La CSN demande également au gouvernement que cette lutte soit au coeur de la prochaine politique
énergétique.
• (17 h 40) •
Le Président (M. Reid) :
Alors, le temps est écoulé, les 10 minutes sont écoulées.
M. Patry (Pierre) : Très bien. Si
vous me permettez, peut-être...
Le
Président (M. Reid) :
Alors, si vous voulez, vous aurez peut-être l'occasion, pendant
la période d'échange, de poursuivre sur certains plans. Alors, je passe
la parole à M. le ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre présentation ainsi que
votre mémoire. Et puis désolé,
nos excuses pour le retard. Puis je dois souligner, j'ai eu le plaisir de
rencontrer madame et une autre représentante de la
CSN à Lima pour la COP 20 en décembre dernier, donc, justement,
on a pu échanger, justement, sur l'action de la CSN et du gouvernement en
matière de lutte contre les changements climatiques.
Puis vous
commenciez à... si je sentais bien la suite de votre présentation, là, avant
que le temps manque, on allait peut-être parler davantage de lutte contre les changements climatiques. Ma question, ce serait de... Si je suis bien votre raisonnement à ce propos, je crois qu'il y aurait
intérêt, justement, à mieux intégrer dans cette stratégie la lutte
contre les changements climatiques, donc d'avoir une vision intégrée et
de s'assurer que, justement, notre stratégie, notre plan d'action
en matière de changements
climatiques soit pleinement intégré à
la notion de développement durable, et donc qu'en matière de prise de décision
gouvernementale de façon horizontale, là, que ça soit politiques d'achat,
mobilité durable, l'aménagement, bref,
l'ensemble, on prenne... le processus de prise de décision tienne compte, justement,
des principes de lutte contre les changements climatiques, des principes de développement durable avant
qu'on s'avance, là, dans des prises de décision.
M. Patry
(Pierre) : Bien, je dirais,
oui, tout à fait, parce que, quand on parle de développement durable, on
parle de la conjonction, je dirais,
entre les questions économiques, le développement
économique, mais qui doit se faire
dans le respect des droits sociaux et
tout en tenant compte de ses impacts sur l'environnement. Et, quand on
considère la question des changements
climatiques, outre le fait que ça va
créer des problèmes environnementaux appréhendés, mais ça va
aussi créer des problèmes
sociaux puis même des problèmes en
termes de développement économique. Donc, nous, on considère qu'il est impossible aujourd'hui de traiter de la question du développement
durable sans intégrer toute la
dimension de lutte aux changements climatiques, mais, je dirais aussi,
de lutte aux inégalités.
Parce que,
quand on parle du développement
durable, je le disais tantôt, c'est
la conjonction entre l'économique,
le social et l'environnemental. Bien souvent, le social, c'est le parent
pauvre. Bien, quand on parle du social, on parle beaucoup, bien, du respect des communautés, les consultations, ainsi de
suite, mais aussi la croissance des inégalités, où ça a augmenté partout dans le monde, y compris au
Québec. De façon moins importante qu'ailleurs peut-être, mais il y a quand
même eu une croissance des inégalités, puis
il faut aussi, à notre avis, intégrer ça à la politique de développement
durable.
M. Heurtel : Ce matin, on a entendu...
M. Patry
(Pierre) : À la stratégie, je m'excuse.
M. Heurtel : Pardon, excusez-moi.
M. Patry (Pierre) : À la stratégie,
je m'excuse.
M.
Heurtel : Pardon. Ce matin, on a entendu les représentantes et
représentants du Chantier en économie sociale venir présenter leur point
de vue par rapport à la stratégie, puis je vous ai entendu parler du fait que
la lutte contre les changements climatiques,
il faut le voir aussi comme une opportunité de développement économique.
J'aimerais ça, vous faire approfondir
un peu plus là-dessus, avoir votre point de vue sur la notion du fait que oui,
la lutte contre les changements climatiques,
le développement durable, il faut le faire pour des raisons, évidemment,
nécessairement, environnementales, de
un, sociales, mais également il y a un potentiel de développement économique
lié à ça, puis aussi de voir comment on peut mieux intégrer l'économie
sociale dans ce développement économique là.
M. Patry
(Pierre) : Bien, quand
les... Puis on côtoie beaucoup les gens du Chantier de l'économie sociale,
quand ces gens-là parlent du développement économique, ils lient
l'économique au social, l'économie sociale ou économie solidaire, en faisant en sorte que le développement économique ait un
sens pour les collectivités, donc que ça respecte les droits sociaux. Il y a beaucoup de
préoccupations environnementales qui sont exprimées également par les gens du
Chantier de l'économie sociale. Donc, il y a
beaucoup d'initiatives qui peuvent se prendre localement ou régionalement
pour faire en sorte de développer nos milieux
de vie et que ça puisse se faire aussi dans le respect de l'environnement.
Et ça, je pense que ça nécessite que l'État
soutienne ces organisations-là pour qu'elles puissent réaliser leur plein
potentiel à cet égard-là, là.
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Dubuc.
M.
Simard : Merci, M. le Président. M. Patry, mesdames, bienvenue. D'abord, d'entrée de jeu, tout à l'heure, je vous entendais, dans votre présentation, vous parliez du «just-in-time», il
faudrait essayer d'éliminer le «just-in-time» au Québec. J'aimerais vous
entendre là-dessus parce que moi, j'ai... On sait pertinemment que le
«just-in-time», ça permet à nos entreprises d'être de plus en plus
compétitives parce que c'est ce qui est exigé partout dans le monde, là. Les entreprises ne veulent plus garder d'inventaire,
puis plus tu es compétitif, plus tu crées de l'emploi. Et plus tu crées de
l'emploi, plus tu crées de la richesse.
Donc, si c'est seulement le Québec qui travaille pour abolir le «just-in-time»,
on va être déphasés par rapport à la
balance du monde. C'est ce que je comprends. J'ai été un petit peu surpris de
vous entendre là-dessus, mais
j'aimerais que vous élaboriez, tout au moins, un peu plus pour qu'on puisse...
ou, en tout cas, tout au moins, qu'on
puisse comprendre — et
également les gens qui nous écoutent puissent comprendre — plus allègrement votre pensée
là-dessus.
M. Patry
(Pierre) : Très bien. Bien,
le problème avec... Puis, on le mentionne dans notre mémoire, en Amérique
du Nord, là, le transport des marchandises,
là, c'est en moyenne 2 500 kilomètres entre la production puis la fin
du cycle, là, quand c'est finalement
consommé. Et une grande partie de ces transports-là est liée au fait,
justement, que les entreprises veulent maintenir le moins d'inventaire
possible, avec toute la stratégie du «just-in-time» qui fait qu'on multiplie la
nécessité de transport, et donc le 2 500 kilomètres, il est parcouru
de plus en plus souvent.
Donc, ça,
c'est la première des choses qu'on veut signaler, il faudrait être capable de
s'attaquer à cette question-là. Je
connais des groupes de chercheurs à l'Université Laval en logistique du
transport qui réfléchissent à des alternatives pour, par exemple, avoir des lieux de stockage qui pourraient être
partagés par plusieurs entreprises pour faire en sorte de multiplier les échanges et de créer des
circuits beaucoup plus courts quant au transport des marchandises plutôt que de
faire circuler régulièrement les
marchandises à l'intérieur du continent, là, puis même d'autres continents de
façon importante, ce qui multiplie l'émission de gaz à effet de serre.
Donc, il y a
des stratégies qui sont à développer. C'est plutôt embryonnaire, là, je dirais,
en termes de réflexion, mais si... Le Québec ne peut peut-être pas le
faire tout seul — ça,
on peut comprendre — mais,
s'il pouvait créer une initiative à cet
égard-là à l'intérieur du Canada, à l'intérieur de l'Amérique du Nord et même
dans le monde, bien, je pense que le Québec contribuerait de façon
importante à la diminution des gaz à effet de serre.
Le Président (M. Reid) : Oui.
M.
Simard : J'aurais une autre question, M. le Président, pour
M. Patry, bien sûr, Mme Carroll ou Mme Pelletier. Dans ma région, on parle de forêt beaucoup. Bon,
la CSN est très impliquée au niveau de la forêt. On a reçu dernière-ment — en tout cas, pour ne pas les nommer — Greenpeace. O.K.? Et puis on sait
pertinemment qu'actuellement — en tout
cas, tout au moins, dans ma région — il y a, je vous dirai, une norme qui est
difficilement applicable pour toutes sortes de raisons, et puis qui, nécessairement... Si la norme n'est pas
appliquée, bon, il va y avoir des effets très pervers par rapport au social, c'est-à-dire il y a beaucoup de
travailleurs chez nous, tout au moins, qui vont perdre leur emploi, et
j'aimerais connaître la position de
la CSN au niveau du balancier, de quelle façon on pourrait trouver des moyens
de balancer tout ça pour que ça puisse servir, oui, le développement durable,
c'est ça.
Le Président (M. Reid) : Tout
ça en 30 secondes, s'il vous plaît.
M. Simard :
30 secondes? Oh! excusez, j'ai trop parlé longtemps.
M. Patry
(Pierre) : Non, bien, ce
n'est pas... Bien, écoutez, on est intervenus publiquement sur cette question-là
par le biais de la Fédération
de l'industrie manufacturière. On a régulièrement des discussions avec les groupes environnementaux parce qu'on est pour le respect de l'environnement, puis, en
même temps, il y a
des questions d'emploi tout à fait légitimes qui se
posent, en particulier dans les régions du Québec. Et, sur cette question-là,
on est persuadés qu'il est possible
de faire en sorte d'assurer une transition pour qu'on chemine vers le respect
des normes FSC, qui ferait en sorte qu'on respecte l'environnement, les droits
sociaux tout en garantissant de l'emploi. Parce que, de toute façon, si on ne
le fait pas, le consommateur va l'exiger, et
on risque, de toute façon, de perdre des emplois dans les régions du Québec
parce que les gens sont de plus en plus
exigeants à cet égard-là, puis à juste titre, je dirais. Donc, il faut que les
entreprises s'ajustent puis il faut permettre la transition pour que ça
puisse se faire correctement.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Je passe maintenant la parole au député de Jonquière.
• (17 h 50) •
M.
Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Merci de votre
présence. Je pourrais peut-être faire du pouce sur ce que le député de Dubuc vient de dire parce que je
viens de la même région, et,
effectivement, la CSN nous a dit dans un communiqué de presse il y a quelque temps, au mois de décembre : «La CSN
estime qu'il faut cesser de voir la certification des produits forestiers FSC comme un frein aux
emplois dans le secteur forestier. En fait, c'est exactement
le contraire. La certification FSC
est en effet exigée par quelque 1 800 clients importants
de produits forestiers comme RONA, Home Dépôt, IKEA, Best Buy, etc.»
Donc, vous,
vous êtes davantage dans une option où... arrêtons de voir une forme
d'opposition, un peu, de dinosaure, là, entre l'environnement, la protection de
l'environnement et le développement économique, puis, au contraire, la norme,
elle est là, on peut construire, s'en servir
comme un outil pour aller plus loin en termes de développement plutôt que de le
voir comme un recul, là, ou un frein à faire du développement économique.
M. Patry
(Pierre) : Bien, tout à
fait, parce que les gens sont de plus en plus exigeants à cet égard-là, puis,
je le disais juste avant, à juste
titre. Puis c'est justement au communiqué auquel je faisais référence, là, que
M. Gaudreault a devant lui,
alors que moi, je ne l'ai pas, donc. Mais c'est exactement ce que je
mentionnais en termes d'idées et que, si on veut être capables même d'écouler nos produits, bien, si on n'a pas ces
certifications-là, ça va même être un frein à notre capacité d'écouler nos produits et ça va être un
frein à la création d'emplois. Donc, des fois, il faut être capable, en ces
matières-là, de conjuguer, je dirais, le
court terme avec le moyen terme puis le long terme. Puis, de toute façon, en
matière de développement économique
et de développement durable, bien, il faut penser à long terme puis avoir des
certifications qui nous permettent d'aller plus loin quant au respect
des droits sociaux et environnementaux.
M.
Gaudreault : Je pense que c'est, effectivement, important
d'être capable, comme vous le dites — puis je pense que la stratégie va conduire à ça aussi — de mettre une pression sur des entreprises
comme PFR qui sont très résistantes à ce
type de passage vers une économie qui est différente puis une utilisation du
bois beaucoup plus écologique et beaucoup plus différente.
Je ne veux
pas insister trop longuement là-dessus, mais, en passant, votre communiqué,
c'était le 17 décembre. Et la CSN est mon syndicat au cégep de
Jonquière, donc c'est peut-être pour ça que je suis tombé dessus rapidement.
M. Patry (Pierre) : Mon fils étudie
là.
M.
Gaudreault : Mais je veux surtout vous entendre davantage parce
que, vous savez, sur la question du développement régional, on a toutes sortes de versions, hein? Il
y a des soi-disant tenants du développement durable qui nous disent que c'est développement durable de fermer
éventuellement des communautés dévitalisées dans les régions, alors que vous,
vous dites que le développement durable, au fond, est soutenu par un
développement économique des régions.
Là, je fais
référence à la page 13 de votre mémoire. À peu près dans le milieu de la
page, vous parlez de la mise à mort d'un
modèle de développement régional. Vous êtes très, très sévères, là, vous
dites : «[Les] piliers du développement économique des régions sont essentiels pour assurer un développement
territorial durable et pour soutenir [la dynamique] des collectivités.» Et vous
demandez le maintien des organismes de développement régional parce que, plus
tôt, vous avez dénoncé, si on veut,
dans votre mémoire la fin des CRE, des carrefours jeunesse-emploi, centres
locaux de développement, bon, etc.,
Solidarité rurale. Je veux vous entendre davantage là-dessus, sur le lien entre
développement territorial, développement régional, développement
durable.
Le Président (M. Reid) :
Mme Carroll.
Mme
Carroll (Judith) : Oui. Merci. Merci pour la question. Écoutez, nous,
on pense qu'il y a des vitalités qui existent dans les localités, il y
a... Quand on parle de développement durable, on parle des trois piliers, dont
le social. Il y a donc une collectivité, des
tissus sociaux qui sont créés dans les différentes régions du Québec, et il est
important de les soutenir. Il est
d'autant plus important de les soutenir qu'on considère que le développement
économique passe aussi par le développement des régions. La majorité des
régions ont des potentiels de développement qui sont fort intéressants, mais qui méritent d'être soutenus.
Et, si je peux me permettre un passage sur la question de l'intérêt pour
les entreprises en lien avec la question du développement durable, je pense
qu'on peut poser la question en termes d'internationalisation des coûts. Et je pense que
c'est un enjeu important qu'il faut prendre en considération parce que, si, d'un point de vue d'une entreprise... On
parlait des inventaires tout à l'heure, je dévie un peu, là, mais, si, d'un
point de vue d'une entreprise, il
peut être intéressant de maintenir le plus bas possible les inventaires, d'un
point de vue collectif ça peut être
nuisible à l'économie. Et, si ce n'est pas possible de réduire les coûts à
zéro, il faut, à tout le moins, s'assurer que ces coûts-là sont pris en
considération.
Pour le
développement régional, quand on regarde la configuration du Québec, dans
chacune des régions il y a des potentiels
de développement, il y a des collectivités, il faut que ça soit supporté. Or,
pour supporter le développement sur le
volet à la fois économique et social, il faut avoir des instruments de
mobilisation locale, il faut
avoir des instruments de concertation, de consultation qui peuvent
donner lieu...
Le Président (M. Reid) : Oui.
Mme Carroll (Judith) : ...à un
support important...
Le Président (M. Reid) : Ah!
bien, terminez votre phrase.
Mme Carroll (Judith) : ...
Des voix : ...
Le Président (M. Reid) : Bon.
Alors, je passe la parole au député de Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Messieurs dames, bonjour. Alors, je vais parler
de l'orientation n° 4. Vous
dites dans votre document, votre mémoire, que les inégalités engendrent des
tensions sociales qui peuvent nuire au développement durable d'une société.
Et l'orientation n° 4 fait état de favoriser l'inclusion sociale et
réduire les inégalités sociales et économiques.
Puis je vais arriver au 4.2, qui parle d'appuyer et mettre en valeur les
activités des organismes
communautaires et des entreprises
d'économie sociale. Alors, selon le rapport quinquennal sur l'application de la stratégie 2008-2013,
l'employabilité des personnes éloignées du marché du travail actuellement a
fait l'objet de cinq actions sur les
1 149, donc c'est donc très peu. Alors, je voudrais que vous commentiez.
Quels sont vos commentaires là-dessus?
M. Patry
(Pierre) : Bien, c'est un
peu ce que je disais tantôt, on a constaté... Bon, il y avait une orientation
qui traite de la question des
inégalités sociales, mais disons que, quand on regarde dans l'ensemble du
document de la stratégie gouvernementale,
c'est véritablement le parent pauvre. Quand on considère la question, même, de
la stratégie antérieure ou celle qui
est toujours en vigueur, sur la question des inégalités sociales, il s'est fait
très, très peu de choses à cet égard-là, et d'autant plus que, quand on
regarde les agissements, même récents, du gouvernement du Québec, que ce soient
les coupures en matière d'aide sociale,
l'aide aux devoirs pour les enfants, les coupures de livres dans les
bibliothèques, ainsi de suite, la
modulation des frais de garde — on était ce matin en commission
parlementaire, la CSN, sur le projet de loi n° 28 pour traiter de cette question-là — ça va avoir des impacts importants pour les
plus pauvres puis la classe moyenne. Donc, il y a comme une
contradiction entre le fait de vouloir réduire les inégalités sociales, mais,
d'autre part, établir des politiques
publiques qui vont les accroître. Alors qu'il y a un accroissement des
inégalités sociales depuis au moins 30 ans, donc il faut plutôt
lutter pour diminuer ces inégalités-là.
M. Surprenant : J'ai un cas
particulier à vous énoncer, puis je voudrais avoir vos commentaires sur
celui-ci. Tantôt, le ministre a fait état
que la stratégie de développement durable, là, ne peut pas faire abstraction
d'un développement économique, il
faut qu'on développe. Alors, il y a une organisation qui s'appelle le fonds
québécois du crédit communautaire, qui
aide... Pour nous, c'est important, d'abord, l'entrepreneuriat, créer des
emplois puis, éventuellement, de qualité. Alors, ils ont été coupés de
10 % l'an passé. Puis des rumeurs actuelles, c'est qu'ils seraient encore
coupés de 10 % à 30 %. Pourtant,
les résultats sont probants, ils ont une réussite à moyen, long terme plus
élevée que n'importe quel autre programme au niveau de création d'emplois. Et donc ce sont des gens qui sont
souvent appuyés par des entrepreneurs de la communauté qui vont investir, et puis là qu'on parle encore
de couper de ce côté-là. Alors, il semble y avoir une dichotomie dans
l'intention et l'action. Je voudrais vous entendre là-dessus, s'il vous
plaît.
M. Patry
(Pierre) : Bien, je connais
un petit peu ces fonds-là qui font... D'ailleurs, c'est des fonds de
microcrédit qui aident souvent des gens qui n'ont pas d'emploi à pouvoir
démarrer leur propre entreprise. Nous, par exemple, à l'intérieur de la CSN, on a créé un fonds de travailleurs qui soutient
une partie de ces entreprises-là, notamment les femmes entrepreneures, qui est... C'est assez
minoritaire, là, dans le monde des entrepreneurs, l'entrepreneuriat féminin.
Donc, nous, on pense qu'il faut
préserver ces espaces-là parce que, dans le cas des femmes, par exemple, c'est
aussi une façon d'affirmer leur souveraineté économique, là, leur
indépendance financière. Donc, c'est beaucoup d'éléments sur lesquels il faut travailler. Il y a beaucoup de jeunes également
qui ont accès à ces fonds-là. Et, quand on regarde que, dans l'évolution, là,
par exemple, de l'emploi au Québec dans la
dernière année, il s'est perdu des emplois à temps plein puis il s'est perdu
des emplois à temps partiel, bien, si on est capable d'avoir des stratégies,
même en termes de microcrédit, qui va favoriser
la création d'emplois, en particulier à temps plein, bien, il faut tout faire
pour ne pas couper à l'intérieur de ces stratégies-là.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Merci. Nous passons maintenant...
nous terminons avec la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Bonjour. Merci. C'est probablement, entre autres, parce que
les femmes et les jeunes ont de la misère à aller chercher du crédit traditionnel, hein, pour investir
100 millions pour développer les grosses affaires. C'est probablement
pour ça, puis qu'ils sont des bons rembourseurs. Si ma mémoire est bonne, c'est
du monde qui rembourse.
Non, moi,
j'aimerais ça, vous amener sur un autre élément que vous n'avez pas eu la
chance de nous parler et qui m'intéresse
beaucoup. Dans toute cette question de cohérence, on ne peut pas faire une
chose et son contraire si on est honnête
face à nos objectifs. J'aimerais vous entendre sur la question des accords
commerciaux. Parce que vous avez parlé des circuits courts et vous
semblez nous dire qu'il y a des impacts particuliers. J'aimerais ça, que vous
informiez les membres de la commission.
• (18 heures) •
Mme
Carroll (Judith) : Bien, écoutez, c'est sûr que la présence des
accords internationaux, qui vient limiter la capacité pour le gouvernement d'inclure certaines clauses, par exemple,
dans les appels d'offres, vient limiter
la capacité, là, d'avoir une politique
de développement durable qui s'étend plus largement. Je pense,
néanmoins, qu'il faut chercher à
inclure ces dispositions-là dans les appels d'offres, mais il faut
aussi chercher à inclure les principes du développement durable non
seulement dans les actions des
ministères et des organismes, mais dans l'ensemble des politiques
publiques. Donc, je pense
que ça, c'est l'enjeu pour le gouvernement, que l'examen des politiques publiques qui sont
mises en oeuvre le soit au regard des
objectifs de développement durable, auquel cas on constaterait que plusieurs
des politiques déjà élaborées ou évoquées à ce moment-ci ne
répondent pas à ces critères.
Le Président (M. Reid) : Merci
beaucoup. Merci aux représentants de la CSN pour votre contribution.
Je lève la séance pendant quelques instants, le
temps que nos derniers invités prennent place.
(Suspension à 18 h 1)
(Reprise à 18 h 2)
Le
Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons
maintenant laisser nos derniers invités de l'après-midi, le syndicat de la fonction publique du Québec,
faire leur présentation. Vous avez une dizaine de minutes, et je vais essayer
de vous avertir quand ça sera presque
terminé. Par la suite, nous aurons une période d'échange. Alors, je vous
demande de vous présenter et de présenter les gens qui vous
accompagnent.
Syndicat de la fonction
publique et
parapublique du Québec inc. (SFPQ)
Mme
Martineau (Lucie) : Merci,
M. le Président. Alors, mon nom est Lucie Martineau. Je suis la présidente
du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. À ma droite, Mme
Nadia Lévesque, qui est conseillère politique, et, à ma gauche, M. Louis-Joseph
Saucier, qui est conseiller à la recherche chez nous.
Alors, au
Québec, c'est en 2006 que nous avons eu l'adoption de la Loi sur le
développement durable, qui a été adoptée à l'unanimité ici. La stratégie
2008-2014 — qui
devait être 2008-2013, mais prolongée — visait à ce que les ministères, les organismes se familiarisent avec
cette stratégie. Pour nous, au SFPQ, la stratégie 2015-2020 devrait passer
à des choses un peu plus sérieuses.
Alors, au
gouvernement, il y a eu beaucoup de documents — d'ailleurs,
on en a pas mal une pile — de documentation sur le
développement durable. Ça peut donner l'impression qu'on est sur la bonne voie,
mais est-ce que c'est vraiment le cas?
Et, dans notre avis, on a repris les huit orientations présentées dans le
projet de consultation de la nouvelle stratégie pour évaluer la capacité
de l'État québécois de se montrer à la hauteur de ses engagements.
Donc, la
première visait à renforcer la gouvernance en développement durable. En 2014,
huit ans après l'adoption de la loi,
le Commissaire au développement durable faisait un constat assez drabe qui
disait que, parmi les ministères et organismes,
aucune des entités qu'il avait vérifiées n'avait adapté ses pratiques de
gestion afin d'intégrer la recherche de développement durable dans ses
activités.
En plus, le
ministère qui a le rôle de... bien, qui devrait avoir le rôle de la
coordination de cette loi, le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les
changements climatiques, qui a un budget de 0,2 % du budget total gouvernemental, a vu son propre budget
diminuer de 5 % en juin dernier.
L'objectif
n° 2 vise à développer une économie prospère d'une façon durable, verte et
responsable. Une récente étude de
l'Université de Sherbrooke, un mémoire à la maîtrise, a établi que le
gouvernement du Québec ne réalise pas de planification intégrée visant
la transition vers une économie verte. En fait, oui, il y a des mesures
sectorielles — et
d'autres avant nous en ont parlé — mais
on n'a pas une stratégie intégrée du développement
durable. De plus, il n'existe
pas de recension de mesures d'écofiscalité au Québec. Alors, on a des doutes.
L'orientation n° 3 vise à gérer les
ressources naturelles de façon responsable, respectueuse de la biodiversité également. On pourrait toujours améliorer la
réglementation existante, mais, même si on a de meilleurs règlements, de
meilleures règles, s'il n'y a personne qui
est là pour s'occuper de les faire respecter, bien, on arrive à un coût zéro.
La CSN en a parlé, le nombre
d'inspecteurs en environnement a diminué de 11 % malgré l'ajout de
nouvelles responsabilités en matière de
développement durable. Dans le secteur forestier, l'entière responsabilité des
travaux sylvicoles a été entièrement
déléguée à Rexforêt en 2013, et le ministère n'en vérifie même plus la
conformité. Dans le secteur minier, le Commissaire
au développement durable a déploré que l'encadrement des travaux d'inspection
demeure insatisfaisant. Et, pour la
protection de la biodiversité, bien là on a carrément raté notre cible et nos
objectifs. En matière d'aires protégées, on avait des objectifs d'avoir
12 % de la superficie en 2015, 17 % en 2020, il va falloir se
dépêcher parce qu'on est à 9 % du territoire et on stagne depuis
2013.
Les
orientations nos 4 et 5,
l'inclusion sociale, prévention des inégalités et santé publique, on va de
mieux en mieux. Selon le Centre
d'étude sur la pauvreté, le taux de faibles revenus des personnes est en hausse
généralisée depuis 2007, et je suis
au Québec. Selon l'Institut
de la statistique du Québec, la contribution de l'impôt va dans le sens
des inégalités, tandis que, pour le
soutien à la réintégration sociale et l'employabilité envers les personnes les
plus vulnérables de notre société,
ces gens-là n'ont pratiquement plus accès aux agents d'aide socioéconomique du
ministère de l'Emploi et Solidarité sociale,
et on prévoit l'abolition de 500 postes occasionnels et de fermer des dizaines
de points de service d'ici 2016. Tandis que la santé publique est aussi touchée par l'austérité, elle fait
l'objet de compressions, les directions régionales ont reçu des commandes de compression de 30 % de leur
budget, des coupes dans les programmes de prévention et de promotion de
la santé.
Les
orientations 6 et 7, on est à l'aménagement durable du territoire, soutenir le
dynamisme des collectivités, la mobilité
durable, on continue dans l'austérité : les compressions, transferts aux
municipalités; abolition des CRE, les CLD; fin du financement de
Solidarité rurale; abolition des bureaux régionaux du ministère de l'Éducation;
fermeture des bureaux régionaux du ministère
de l'Immigration, le MAPAQ, La Financière agricole; des fermetures
intermittentes de bureaux, comme la
Régie du logement, l'Office de la protection du consommateur. Ça ne va pas du
tout dans le sens de renforcer le dynamisme des collectivités et les
capacités d'aménagement sur l'ensemble du territoire, les régions sont
grandement affectées.
Et
la dernière orientation, l'orientation 8, favoriser la production et
l'utilisation d'énergie renouvelable et l'efficacité énergétique. Le gouvernement a procédé à une vaste
consultation, 15 régions, 460 mémoires, un rapport qui a été déposé en février 2014, et là on semble qu'on l'ait mis
sur une tablette à quelque part parce que, là, on est en train de reprendre
une miniconsultation. Donc, il y avait des
bonnes recommandations dans ce rapport-là, mais on n'en voit pas dans... En
tout cas, on aimerait qu'on le ramène.
En
résumé — et la
conclusion — nous
avons un manque de volonté et de moyens. Alors, deux seules recommandations.
La volonté politique forte et cohérente
d'adopter des sources de financement nécessaires à fournir les ressources
financières, humaines requises pour
la mise en place d'une réelle stratégie de développement durable. Présentement,
on n'a pas les moyens financiers pour
remplir nos engagements en développement durable, alors nous avons des propositions,
hein? On se fait dire souvent que les syndicats n'ont pas de
suggestions, en voilà deux.
650 millions
récurrents annuellement. Alors, on dépose deux documents pour des sources de
financement. Dans ces deux documents-là, il y a beaucoup de solutions,
mais deux en particulier pourraient être qualifiées de mesures d'écofiscalité, alors soit la taxe sur les
véhicules de luxe et leurs émissions en CO2 et le système de
bonus-malus sur les émissions de gaz
des véhicules. Alors, 650 millions annuellement, c'est trois fois le
budget du ministère de l'Environnement.
• (18 h 10) •
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Alors, nous allons passer à une période d'échange, et je passe la parole
au ministre.
M. Heurtel :
Merci, M. le Président. 650 millions, c'est un peu plus que trois fois le
budget du ministère de l'Environnement, je vous...
Mme Martineau
(Lucie) : ...à 195 millions?
M.
Heurtel : Non, il est à 149 millions. Alors donc, ce serait encore plus. Alors, merci pour votre mémoire
ainsi que votre présentation. Puis désolé du retard, c'était hors de
notre contrôle.
J'aimerais vous
entendre davantage... Je sais que vous en parlez un peu, vous l'effleurez dans
votre mémoire, j'aimerais qu'on parle de
lutte contre les changements climatiques. Vos propositions de bonus-malus, bon,
c'est intéressant. Ça a déjà été
proposé dans le cadre de nos travaux, c'est quelque chose qu'on regarde
attentivement. Je me demandais si
vous pouviez aller un peu plus loin par rapport à ces propositions-là et avoir peut-être
une vue d'ensemble sur la notion de l'importance d'intégrer davantage
dans la stratégie la notion de lutte contre les changements climatiques.
Mme Martineau (Lucie) : En fait, cette solution-là, on l'a présentée...
Ce n'est pas la première fois. Habituellement, on est
consultés lors des consultations prébudgétaires, là, qui vont commencer, même,
prochainement, et c'est une recommandation
que nous avons portée autant avec le collectif contre l'austérité qu'avec
l'Alliance sociale et avec le Secrétariat intersyndical des services
publics. Donc, il y en a plusieurs, mais celle-ci, en fin de compte, ça propose
de remplacer le droit d'immatriculation actuel additionnel pour fortes
cylindrées, et vous avez un tableau à la page 8 de l'annexe, là, qui pourrait... Bien, en tout cas, c'est un estimé,
mais quand même, là... Et puis les données datent... je vais vous dire de quelle année, bien, de juin 2014.
Alors là, on a mis différents exemples, là, marque, modèle, le prix du
véhicule, la taxe de luxe, qu'est-ce
qu'elle serait, puis la taxe verte, et puis les taxes totales, et c'est avec ce
tableau-là qu'on a fait l'estimé. Bien, ce n'est pas nous autres, ce
n'est pas moi, là, c'est un économiste qui a fait l'estimé.
M. Heurtel :
Merci.
Le Président (M. Reid) :
Merci. M. le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Oui. Bien, dans
le même ordre d'idées, vous parlez au niveau plus des particuliers, un peu dans
cette optique-là, mais au niveau de
l'industrie ou... Est-ce que vous avez aussi des recommandations par rapport à
la lutte aux changements climatiques
au niveau des ministères? Parce qu'on s'entend que le projet vise, en premier
lieu, l'action à l'intérieur de l'appareil d'État, donc des différents
ministères. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Martineau (Lucie) : Bien, nous,
on s'est concentrés vraiment au niveau des ministères et organismes. D'ailleurs, l'ensemble de nos membres proviennent
soit de ministères et organismes ou des sociétés d'État, on ne syndique pas dans le secteur privé. Par contre, bien, probablement que d'autres syndicats sont venus faire leurs représentations pour
l'industrie, mais c'est vraiment... on s'est concentrés, les ministères, les
organismes.
M.
Bourgeois : Oui, mais, au
niveau de vos membres, mais, au niveau, par exemple, des actions
quotidiennes des différents
ministères sur l'ensemble du territoire québécois, pour mieux lutter
contre les changements climatiques, est-ce
que vous aviez des recommandations complémentaires ou vous vous êtes limités vraiment
juste au niveau des membres?
Mme
Martineau (Lucie) : En fait,
il y avait une stratégie. Il y a quand même un gros
document qui recense qu'on fait beaucoup
plus de récupération qu'avant, on photocopie recto verso plus, mais, en fait, il n'y a
pas grand-chose, je dirais, de bien
dérangeant actuellement. C'est vraiment... On a quand même... Bon, c'est le rapport
quinquennal de mise en oeuvre de la
stratégie, on fait une évaluation là-dedans de tout ce qu'on a rapatrié, là,
regardé qu'est-ce que les ministères et organismes ont fait de la
première stratégie. En fait, ce n'est pas des grandes affaires, c'est pour ça
qu'on dit que la deuxième devrait être vraiment — et
on en a parlé tantôt — dans
l'opérationnel. Il faut que ça aboutisse, mais là on ne donne pas les moyens à ces ministères-là puis ces
organismes-là. Quand même, là, il faut leur donner les moyens. C'est beau d'avoir des belles lois, puis on en a, des
belles lois, au Québec, on en a, mais, si on n'a pas les moyens de les
mettre en oeuvre ou de valider si les objectifs sont bien remplis, on passe à
côté.
M.
Bourgeois : O.K. Et,
pour contribuer, dans le fond, peut-être, à changer les choses, est-ce que
vous avez eu l'occasion d'identifier
les meilleures pratiques qui pourraient être faites, d'autres exemples qui sont
soit dans d'autres États, dans d'autres organisations que vous avez vus?
Mme Martineau (Lucie) : On n'est pas
allés jusque-là, non.
M. Bourgeois : Donc, vous avez
limité vraiment à...
Mme Martineau (Lucie) : On a resté
au point de vue, oui, des ministères et organismes.
M.
Bourgeois : O.K. Puis
d'étendre les pratiques au niveau d'autres organisations... Parce qu'on parle des ministères,
il y a plusieurs organismes qui sont venus nous dire : Bien,
ça devrait aller plus loin que juste l'application auprès des ministères, peut-être aller
plus, par exemple, au
niveau des municipalités, au niveau de l'éducation. Votre position là-dessus.
Mme
Martineau (Lucie) : Bien,
personnellement, j'aimerais ça, oui, que ça aille plus loin, mais encore
faut-il qu'il faut commencer par donner l'exemple. Vous, le gouvernement
du Québec, là, il faut absolument que... On vient démontrer qu'on n'a pas mis
les efforts nécessaires ni en matière de ressources humaines ni en matière
d'argent pour la première stratégie. Alors là, on a des beaux objectifs, là. On
ne dit pas qu'on est contre ces objectifs-là, là, on est vraiment pour. Sauf qu'on dit : À voir... Mon père disait
quelque chose, hein : De voir d'où est-ce qu'on vient, on sait où est-ce qu'on s'en va. Mais là c'est parce
que, si on a les objectifs et on n'y met pas les ressources, ça ne fonctionnera pas. Bon, je voudrais bien vous dire
aujourd'hui : Ça a fonctionné, puis là, maintenant, allons-y pour
étendre la politique, ça serait parfait. Mais là on n'est pas là.
M. Bourgeois : Merci.
Le Président (M. Reid) : Oui.
Alors, M. le député de Dubuc m'a demandé la parole pour commencer. Oui.
M.
Simard : Rapidement, M. le Président. Étant donné que je viens d'une
région, puis mon collègue de l'Abitibi vient
aussi d'une région, puis je connais des gens qui viennent aussi de la
Côte-Nord, etc., bon, moi, j'ai... C'est parce que ça me fait sursauter toujours un peu lorsqu'on parle de rajouter des
taxes. Et j'entendais Mme Martineau qui proposait tout à l'heure d'augmenter encore les taxes des
hauts cylindrés alors que ma région, la région de la Côte-Nord, c'est là
où est-ce qu'il y a le plus de pick-up.
O.K.? C'est qui qui va payer vos taxes, là, que vous proposez? Ce sont les gens
des régions. Puis vous parlez de
développement régional, ça fait que je trouve que, des fois, il y a un petit
peu de dichotomie par rapport à...
J'aimerais vous entendre là-dessus. Ramenez-moi à l'ordre si vous pensez que je
suis complètement dans le champ, mais
je sais que, chez nous, en tout cas... Pourquoi? Parce qu'il y a beaucoup de
faune. Chez nous, les gens vont beaucoup
en forêt, vont beaucoup dans le domaine faunique, et ça leur prend
nécessairement des véhicules pour y aller, et c'est la raison pour
laquelle il y a beaucoup de pick-up, beaucoup de pick-up, M. le Président.
Le Président (M. Reid) : On
va laisser le temps, rapidement, de répondre à Mme Martineau.
Mme
Martineau (Lucie) : Oui,
je... Mais Nadia veut répondre à celle-là, je vais lui laisser. Mais moi, j'ai
une petite auto, mais je me rends jusqu'à Natashquan avec.
Mme
Lévesque (Nadia) : Oui.
Bien, le système de bonus-malus, vous dites, c'est ajouter une taxe. C'est
aussi en enlever une parce que c'est,
justement, un programme qui va des deux côtés. On établit que le besoin à
combler, c'est celui de se déplacer
avec un système d'émission considéré comme étant correct, normal, acceptable,
et ceux qui auraient des cylindrées
inférieures verraient leurs taxes diminuer, leur taux d'immatriculation
diminuerait. Donc, les gens en seraient incités à faire le virage vers les véhicules électriques et vers toutes
ces choses, et ceux qui, pour des raisons x, ont des besoins de pick-up, comme vous dites... Mais la réalité,
c'est aussi que le besoin de pick-up, c'est parfois culturel en région. Moi
aussi, je viens des régions, et l'accès au
territoire, d'avoir besoin d'un pick-up pour y aller, ça se discute parce qu'il
y a bien des routes qui sont
parfaitement entretenues, sur lesquelles on peut aller, même si ce n'est pas
asphalté, où c'est tapé par la terre, où une Toyota Echo est capable de
se rendre en parfait état jusqu'à destination.
Le
Président (M. Reid) : Là-dessus, je pense que la majorité des
membres viennent des régions, effectivement. Alors, je passe la parole
maintenant au député de Jonquière.
• (18 h 20) •
M.
Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être
ici. Désolé aussi pour le retard. Je pense que vous connaissez le fonctionnement de l'Assemblée, puis,
malheureusement, vous en êtes victimes. Bon, je veux vous entendre sur une question qui a été soulevée à de
nombreuses reprises ici et, quand même, qui vous interpelle certainement
comme syndicat principal de la fonction publique, sur la question des appels
d'offres. Ça a été soulevé ici à plusieurs reprises
de revoir la règle sacro-sainte du plus bas soumissionnaire pour inclure d'autres dimensions qui pourraient être
le cycle de vie, qui pourraient être
l'impact social, le temps de déplacement le plus court, etc. Comment vous voyez
ça chez vous de modifier ces règles
d'appels d'offres? Parce que c'est quand même majeur. Dans une autre vie, on a
déjà des discussions ensemble sur des
questions qui touchent le ministère
des Transports, par exemple, et là, évidemment, ça soulève un paquet de questions, là,
sur les façons de faire dans les ministères et organismes.
Mme
Martineau (Lucie) : Bon,
d'abord, chez nous, l'histoire des appels d'offres, c'est très lié avec la
sous-traitance. Alors, on regarde si
on en a besoin ou si on n'en a pas besoin et c'est quoi, l'activité. Si c'est
une activité récurrente, il faudrait
regarder si c'est mieux de la faire à l'interne ou externe. Une fois que c'est
fait, c'est sûr que le gouvernement du Québec ne sera pas à appels d'offres zéro, là. Ça, c'est
évident, là, puis on n'a pas cette prétention-là. Mais oui, dans les appels d'offres, il devrait y avoir des... Si on
est cohérent avec notre stratégie de développement durable, bien on doit l'être
jusque-là également et on doit mettre
des critères qui vont aller jusque-là. Au même titre que, tantôt, vous
discutiez de... maintenant les
industries, elles vont se le faire demander d'être dans des normes plus
évoluées en matière de climat. Donc, c'est la même chose, on devrait,
oui, aller vers ça.
M.
Gaudreault : O.K. Une
autre question rapide. Après ça, on va laisser la parole à mon collègue de Bonaventure. Sur l'élargissement de la
stratégie, je ne sais pas si vous représentez... On a essayé de regarder, là,
sur votre site, mais on n'a pas trouvé,
là, si vous représentez des travailleurs dans le secteur de la santé, de
l'éducation, qui ne sont pas couverts par
la stratégie actuelle. Comment vous voyez l'élargissement de la stratégie dans
le secteur de la santé, dans le secteur de l'éducation? Que vous
représentiez des travailleurs ou non, là, comment vous voyez ça?
Mme
Martineau (Lucie) : Bien,
nous, on a le MSSS puis on a le ministère
de l'Éducation, mais on n'a pas les
commissions scolaires, et tout ça, plus les centrales syndicales. Je vais
répéter la même chose, en matière d'élargissement on voit ça d'un bon oeil, mais il faut qu'on le
fasse, nous, avant de penser à élargir, il faut qu'on se mette les moyens pour
que le gouvernement du Québec, ses ministères, ses organismes soient l'exemple,
puis ensuite on peut demander à... Il y en a peut-être même qui sont plus
avancés que nous, hein?
Le Président (M. Reid) :
Merci. Le député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, M. le
Président. Bonsoir, mesdames, monsieur. Vous nous avez amené un historique
assez intéressant de l'atrophie des
fonctions de régulation de l'État, hein? On coupe les biologistes, on coupe
partout, puis le contrôle se fait
plus ou moins correctement. Et là j'ai une grande question. On est tout seuls,
là, vous pouvez répondre, personne ne
nous écoute. Est-ce que vous croyez sincèrement que le gouvernement en place
prend au sérieux la stratégie de développement durable actuellement?
Mme
Martineau (Lucie) : Bien,
moi, je suis en commission
parlementaire et j'ai l'ensemble des
parlementaires de tous les partis ici. J'espère que, collectivement,
vous allez vous y mettre unanimement. Comme en 2006, elle a été adoptée de
façon unanime, je vous fais confiance jusque-là, là.
Le Président (M. Reid) :
Alors, je vais passer maintenant la parole au député de Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonjour, monsieur. Alors, à
la page 7, là, de votre mémoire — en
fait, de l'annexe — vous
faites état d'une hausse de 5 % du droit d'immatriculation sur les
véhicules de luxe pour pouvoir
financer un paquet de choses, mais, à mon avis, c'est un peu contraire,
finalement, à l'objectif, là, que l'on a au niveau
des véhicules électriques, par exemple. On voudrait favoriser les véhicules
électriques pour réduire l'émission de GES.
Alors, vous semblez indiquer que vous voulez rajouter une taxe additionnelle à
tous les véhicules de 40 000 $
et plus sans faire une classe à part pour les véhicules électriques. Donc, ce
n'est pas cohérent avec une démarche de développement durable, là.
Mme Martineau (Lucie) : Mais non, mais c'est sûr qu'il peut y avoir une
exception, là, hein? Là, je vous parle d'une
BMW puis je vous parle d'une Porsche ou je vous parle d'une Mercedes, là. Bien
non! Ça, ça devrait même... Au lieu
que ça coûte plus cher, là, on devrait avoir une diminution. Je pense qu'au
début, même, il y avait des subventions à ça, hein?
M.
Surprenant : Il y en a encore, d'ailleurs.
Mme Martineau
(Lucie) : Il y en a encore?
M.
Surprenant : Oui. Oui,
d'accord. Alors, à la page 5, vous dites que «plus de sept ans après l'adoption
de la loi, aucune des entités
vérifiées n'a suffisamment adapté ses pratiques de gestion afin d'intégrer la
recherche d'un développement durable
dans ses activités». Alors, c'est un constat accablant. Et puis il y a eu
pourtant en 2007 un kit d'élaboration de plan d'action de développement
durable qui a été remis aux
ministères et organismes, alors il semble qu'il n'y a pas de résultat ou de suite, il n'y a pas de rigueur de
ce côté-là. Alors, comment vous expliquez ça? Puis comment, dans un contexte
où le gouvernement, en fait, doit être catalyseur puis donner l'exemple, en
fait, au niveau de la société, puis il semble qu'il ne se passe pas
grand-chose, comment les gens chez vous vivent ça finalement?
Mme Martineau (Lucie) : Bien, en fait, ce qui est bizarre... Bien, j'aime
assez votre question, là, je suis contente de l'avoir parce que c'est le Conseil du trésor, hein, qui a fait le
petit kit pour les ministères et organismes, et puis c'est le même Conseil du trésor, après ça, qui leur demande
des compressions dans la masse salariale. Ça fait que c'est beau d'avoir
un petit kit pour avancer, mais encore
faut-il avoir... Alors, si on veut vraiment en faire une avec des objectifs
puis arriver au bout de cinq ans,
puis qu'on va les avoir faits, bien, on va être cohérents puis on va mettre ce
qu'il faut. Puis nous, là, on n'est pas arrivés en disant : Trouvez
l'argent, on vous a même emmené les solutions. Deux solutions.
Le Président (M.
Reid) : Alors, nous allons passer maintenant au bloc réservé
aux députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci. Merci de la présentation. Faites-vous-en pas, vous
n'êtes pas seuls à trouver des solutions dans une autre perspective que celle de couper dans les programmes et
dans les ministères. J'ai bien compris que, dans les faits, vous représentez les fonctionnaires qui devaient appliquer
cette stratégie-là, si je comprends essentiellement. Je me posais une question, vous venez de commencer à
l'aborder grâce à la question de mon collègue de Groulx. Est-ce que vous croyez que, dans une stratégie comme celle-là,
avec toute l'importance qu'a le développement durable pour la survie de la planète, mais aussi de notre monde sur cette
planète-là... est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir des mesures
spécifiques et spéciales qui s'adressent au Conseil du trésor?
Mme Martineau (Lucie) : Ah! bien oui. Et aussi, bien, écoutez, dans... Ce
n'est pas que le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques
qui s'occupe... Lui, il coordonne, mais il y a un ensemble de ministères qui sont visés, et ces
ministères-là, il devrait au moins y avoir dans les ressources qui sont
affectées à ça... au moins qu'on
enlève la politique de non-renouvellement de la main-d'oeuvre. Là, on m'a dit
que le gel serait enlevé, là,
l'embauche, mais il y a quand même une politique de non-renouvellement de la
main-d'oeuvre, là. Et ce qu'on a vu comme
coupures, là, elles sont là, les coupures, là, elles se sont appliquées là, là,
on les a recensées dans notre mémoire.
Mme Massé :
Oui. Puis, juste en terminant, je pense qu'aussi le ministère mériterait
d'avoir le financement à hauteur des responsabilités. Ça, je l'entends
clairement aussi.
Mme Martineau
(Lucie) : Oui.
Le Président (M.
Reid) : Merci beaucoup de votre contribution. Alors, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à
18 h 28)
(Reprise à 19 h 43)
Le
Président (M. Reid) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux et nous
recevons comme premiers invités la centrale syndicale du Québec, la CSQ,
établissements verts Brundtland.
Alors, nous
allons vous passer la parole. Vous avez 10 minutes pour faire une
présentation, à la suite de laquelle nous
allons faire des échanges avec les membres de la commission. Alors, à vous la
parole. Vous vous présentez, vous présentez la personne qui vous
accompagne.
Centrale
des syndicats du Québec,
établissements verts Brundtland
(CSQ‑EVB)
M. Nantel
(Marc) : Alors, bonjour. Je
vais commencer par présenter mon collègue, qui est M. Jean Robitaille. Bon, il
est à la Centrale des syndicats du Québec, c'est un conseiller en éducation en développement
durable puis en éducation pour un avenir
viable. Jean a 30 ans d'expérience, là, dans le domaine de l'éducation
relative à l'environnement
puis le développement durable, a été un très grand producteur de cahiers
pédagogiques, là, au niveau de l'éducation. D'ailleurs,
vous allez voir le thème qu'on va développer avec vous aussi au niveau de
l'éducation, un axe qu'on considère comme
étant absent dans la stratégie. Moi-même, c'est Marc Nantel. Bon, je suis le
premier vice-président de la Centrale des syndicats du Québec et je suis
aussi responsable du dossier des établissements verts Brundtland.
Juste
pour vous situer ce que représentent les établissements verts, ça existe depuis
20 ans, et il y a 1 400 établissements verts à travers le Québec. Juste pour vous donner un ordre d'idées, il y
a 3 300 établissements scolaires au Québec. Donc, il y en a 1 400 qui sont derrière
l'organisation de la centrale, qui s'impliquent. C'est des enseignants et du
personnel de soutien et professionnel
qui travaillent bénévolement depuis 20 ans à enseigner le développement
durable. Ce n'est pas dans le
programme d'éducation, alors donc tout ce qui est fait, l'engagement, tout le
travail qu'on fait avec les jeunes, c'est
fait de façon bénévole depuis 20 ans, et la centrale supporte au niveau
pédagogique et au niveau du réseautage de l'organisation depuis ce temps-là. Alors, c'est un réseau très
dynamique, et vous comprendrez que, quand, la stratégie du développement durable, on nous a demandé notre
opinion, on a sauté sur le sujet. C'est vraiment quelque chose qui nous
passionne, c'est quelque chose qui est, finalement, reconnu mondialement.
En passant,
les établissements verts, on a été cités à Nagoya, il y a à peu près deux mois,
sur le travail qu'on a fait. On nous
a cités en exemple du travail sur le développement durable. Alors donc, on a beaucoup
de reconnaissance, là, à travers le monde, et puis on a même des
chapitres, là, en Afrique, où est-ce qu'on développe avec eux autres dans ce
coin-là.
Alors, je
voulais juste vous signaler que nous, on ne parle pas nécessairement de
développement durable, avec les années, on a élargi le concept, on parle
d'éducation... du développement à un avenir viable, à savoir que ce n'est pas seulement
environnemental et au niveau de la durabilité, mais il y a tout le concept
social. Donc, on parle de pacifisme, démocratie, solidarité et environnement. C'est un
tout un peu, là, ce qu'on va vous présenter, qu'on considère comme étant
transversal à travers tout le développement à travers le Québec.
Alors donc,
le grand manquant... D'après nous, il manque un axe, c'est celui de
l'éducation. Les termes, lorsqu'ils sont
utilisés en éducation dans la stratégie actuellement, on parle plus de gestion.
Alors, vous donner un exemple : au niveau du MELS, lorsqu'on parle de stratégie de développement, on fait appel
aux fédérations de commissions scolaires, aux fédérations des directions
d'école, aux fédérations anglophones, on va chercher les gestionnaires puis on
leur dit : Voici, développement
durable, comment on peut le faire dans nos établissements. Donc, c'est de la
gestion de bâtisses, d'équipement, d'achat de papier. Donc, ça n'a rien
à voir avec l'aspect éducation.
Toutes les recherches mondiales, actuellement,
sont claires, que la seule façon qu'on réussit à ancrer le développement durable, c'est qu'il faut l'ancrer
au niveau de la population. Partout à travers le monde, actuellement, la
stratégie de l'éducation est intégrée dans
les stratégies de développement. Le Québec, dans les années 80, était cité
comme exemple numéro un dans la
stratégie de développement durable. Plus maintenant, on est vraiment rendus,
là... Je ne dirai pas... Disons qu'on
ne nous cite pas comme étant ceux qui font le développement durable au niveau
de l'éducation. Alors donc, ce qu'on
vous recommande au niveau de la stratégie, c'est d'avoir un axe, donc, sur
l'éducation. Cet axe-là doit, finalement, incorporer une notion que
nous, on a développée, c'est-à-dire la notion de l'engagement, de l'action et
de l'application. C'est qu'on a découvert
qu'avec le temps, avec les jeunes, lorsqu'on veut qu'ils comprennent le
développement durable, ce n'est pas
par de la théorie ou par des explications, mais c'est par un engagement, ce qui
n'existe pas aujourd'hui, puis je vous le dis, c'est par le...
Donc, nous, ce qu'on vous demande dans nos recommandations,
c'est que cette stratégie-là soit incorporée et qu'il y ait, à ce moment-là, un arrimage au niveau du ministère de
l'Éducation pour que ça soit ancré. Si vous voulez que les jeunes fassent des ingénieurs, qu'ils soient
des mécaniciens, qu'ils soient des entrepreneurs, que c'est des gens qui
soient vraiment à la haute pointe,
finalement, qu'ils soient capables de réagir à tous les changements qui sont en
train de se produire au niveau de la
technologie, il faut que ces gens-là comprennent ce que c'est que le
développement durable. Pour venir d'un milieu, puis peut-être un peu le
personnaliser, où est-ce que le développement durable, c'est comme
l'acceptabilité sociale, on les met
sur le même niveau. En autant que je ne dérange pas mon voisin puis je suis
capable d'exploiter, je fais du développement durable. Vous voyez
comment ça peut aller, là, assez, là, de différentes définitions.
On peut
parler de développement économique dans certains milieux, mais la notion, là,
de développement durable comme on la
connaît, comme elle devrait être faite, ce n'est pas ancré dans la mentalité
des gens. Puis, si on veut que les gens du... les citoyens puis les citoyennes
s'engagent dans cette mouvance-là puis qu'ils réussissent à, finalement, percer
au niveau économique au niveau mondial, il faut qu'ils la comprennent, cette
notion-là, puis qu'ils la vivent, puis, vraiment,
ils l'assimilent au complet. Là, actuellement, comme je vous ai dit, ça se fait
sur le bras, et votre stratégie, pour l'instant,
de développement est un développement qui est pas mal économique. Puis, si vous
voulez qu'elle soit vraiment assimilée, bien, donc, il faut développer à
ce niveau-là.
Il y a des
éléments aussi qu'il faut aller chercher, donc il faut investir. Écoutez, vous
le savez, comme n'importe quoi, si on
veut que ça fonctionne, c'est, oui, investir dans les universités, investir
dans la recherche. Il y a aussi ouvrir les portes... Dans la stratégie, il faut ouvrir la porte aux gens comme
nous, notre organisation, ou d'autres organisations civiles qui ont développé des richesses de ce côté-là et
de les incorporer avec des citoyens des autres corporations, puis qu'il y ait
une discussion qui se fasse pour que tout le
monde se l'approprie. Alors, ça, c'est manquant. Donc, l'éducation, c'est un
effet levier. Mais,
comme je vous disais, les sous, bien, vous avez le Fonds vert. Je vous dirais
qu'il n'y a pas besoin de nécessairement utiliser une grosse partie du
montant. Mais, si on veut que votre politique porte, il faut investir, là, dans le
domaine de l'éducation.
• (19 h 50) •
Alors,
en gros — j'ai
encore deux, trois minutes — juste
vous donner quelques éléments qu'on a développés. Donc, ce qui est manquant, c'est tout l'aspect présence
du Québec dans l'international pour essayer de comprendre
ce qui se passe, de suivre, et tout
ça. Ça, c'est comme absent de votre stratégie. On devrait aussi, donc, au
niveau des différentes tables qui sont ouvertes, permettre à des groupes
de venir vous présenter leur expertise.
Et tout le principe
de l'éducation pour un avenir viable devrait être développé. Vous ne
convaincrez jamais les jeunes d'aller seulement
sur des thèmes : Recycle, fais ci, fais attention à ça, il faut que le
jeune, l'enfant considère que le
geste qu'il pose est au-delà du petit geste qu'il fait, il s'implique, il est
citoyen. Donc, c'est ça qu'on va chercher,
puis, à ce moment-là, toutes les autres politiques que vous allez développer, vous allez faire des gens qui sont
alertes, puis ça va être beaucoup plus, pour
le développement du Québec puis du niveau de notre compétitivité, je vous
dirais, beaucoup plus payant. Parce que vous
savez comme moi qu'actuellement, plus ça va aller, plus les entreprises qui
vont vouloir vendre à l'extérieur, il va
falloir qu'elles montrent patte verte, alors donc c'est ça qu'on doit
développer. Alors, cherchons ça comme moyen de développement.
On
doit toujours s'inspirer, donc, des meilleures pratiques mises en place au
niveau international puis peut-être aussi
ne pas oublier qu'il y a un axe qu'on développe peut-être moins, au niveau de
la réduction de la consommation. C'est bien
beau de parler développement durable, mais il y a aussi le fait de dire :
On doit axer notre développement au Québec par rapport à une réduction
de la consommation puis de l'augmentation de l'efficacité.
Alors, voilà un
portrait assez rapide. Jean suit... Il me reste peut-être deux minutes,
peut-être mon collègue...
Le Président (M.
Reid) : 1 min 30 s, rapidement.
M. Nantel
(Marc) : Une minute?
M. Robitaille
(Jean) : Oui.
M. Nantel
(Marc) : Excuse-moi.
M. Robitaille
(Jean) : En fait, il s'est développé au Québec une expertise unique en
matière d'éducation au développement
durable, éducation à l'environnement, et ça, depuis des années. Il y a eu au Québec
aussi au début une prise en charge
par les ministères. Il y avait au ministère de l'Environnement une division de
l'éducation et de la formation relative
à l'environnement, et on avait publié — parce que je suis un des auteurs de ce
document-là — un état
de la situation dans les
années 80. Il y a aussi un comité interministériel qui existait
d'éducation relative à l'environnement, qui avait travaillé énormément aussi pour produire des outils pédagogiques pour les enseignants, leur
montrer les approches pédagogiques privilégiées, et ça a donné aussi à
ce moment-là un élan important à l'éducation à l'environnement.
Mais, très rapidement,
à la fois la division de l'éducation et de la formation et le comité interministériel
ont comme été mis de côté, et je dois dire
qu'à partir de ce moment-là c'est beaucoup les organismes de la société
civile, la centrale qui ont pris le
relais et qui ont travaillé extrêmement fort pour faire en sorte qu'on puisse
sensibiliser nos jeunes à tous les
enjeux qui touchent les questions d'environnement, de solidarité, de démocratie et de paix. Donc,
c'est, à mon point de vue, important, peut-être, de revenir aux
sources et de s'interroger sur quelle façon on peut davantage intégrer
la société civile dans l'élaboration...
Le Président (M.
Reid) : En terminant.
M.
Robitaille (Jean) : ...de
nos stratégies et intégrer l'éducation comme un point central de notre stratégie, de la
Stratégie gouvernementale de développement durable.
Le Président (M.
Reid) : Alors, merci. Nous allons commencer notre période
d'échange, je donne la parole à M. le ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. J'aimerais m'excuser pour mon retard à tous les
membres de la commission. Messieurs,
je suis désolé, ce n'était pas intentionnel de ma part. Merci pour votre
présentation. Je crois que j'ai presque tout entendu, de toute façon, je
n'ai presque rien manqué.
Alors,
je voudrais commencer au niveau de la lutte contre les changements climatiques.
Dans un contexte où on doit, je crois, faire davantage en matière de sensibilisation,
on a annoncé en décembre dernier des fonds supplémentaires provenant du Fonds vert en matière de sensibilisation. Puis, si
je comprends bien votre propos, il
faut aller plus loin en matière
d'éducation auprès des jeunes. Si je vous comprends bien, est-ce qu'on parle
d'aller jusqu'à s'assurer que, le curriculum
lui-même, on intègre les notions de lutte contre les changements climatiques,
de développement durable, qu'on intègre
ça dans le curriculum? Et, si oui, là, si c'est bien ça que je comprends, vous
voyez ça comment, là, les âges, tout ça, à partir de quand, puis comment
on opérationnaliserait ça?
M.
Robitaille (Jean) : Donc,
l'intégration dans les programmes d'études, c'est quelque chose qui se fait beaucoup dans plusieurs pays. D'ailleurs,
la Commission économique pour l'Europe a une stratégie pour l'éducation en vue
du développement
durable qui a été reprise par un
nombre impressionnant de pays. Et une des façons de faire, oui, il y a
les lignes directrices au sein des programmes
d'études et du ministère, il y a l'intégration à travers les programmes
d'études, c'est une chose qui me semble importante.
Au MELS, à l'heure actuelle, on a des domaines généraux de formation, dont un domaine général de formation qui
touche l'environnement et la consommation. Le problème qui se pose à
l'heure actuelle dans les programmes d'études, c'est qu'on ne retrouve pas en chimie, en français, en mathématiques des
outils qui permettent d'intégrer ces voies qu'ont ouvertes les domaines généraux de formation.
Les changements climatiques, on doit les aborder d'une façon particulière.
Avec les jeunes au primaire, on a travaillé,
entre autres, beaucoup sur l'image que les jeunes se font de l'avenir.
On a fait une enquête auprès de 2 000 jeunes à partir de troisième année du
primaire jusqu'à la fin du secondaire, et, au primaire, à 70 %, ils sont confiants en troisième année
par rapport à l'avenir. Quand ils arrivent au début du secondaire, ça tombe à
peu près à 50 %. Et, quand on arrive en
troisième secondaire, le niveau de confiance par rapport à l'avenir tombe à peu
près aux alentours de 35 %. Donc, les jeunes avec qui on travaille, c'est
leur réalité.
Donc, il est
certain que, pour aborder la question des changements climatiques, c'est la
bombe atomique de notre jeunesse.
Donc, il y a énormément de peur qui tourne autour de ça, et c'est important de
former les enseignants de façon à ce
qu'au primaire on puisse insister davantage sur le rapport à l'environnement,
sur la connaissance du milieu, sur la beauté des choses avant d'aborder plus au secondaire. Mais, dans l'action, il
faut que les jeunes sentent qu'ils font partie de la solution, et c'est notre rôle, en tant que
pédagogues, en tant qu'éducateurs, de les placer dans des situations où ils
posent des gestes concrets. Et, à travers les gestes qu'ils posent et qui sont
reconnus socialement, bien, ils réalisent qu'ils ont un pouvoir d'agir sur le réel, qu'ils ont un pouvoir
de modeler l'environnement puis leur milieu comme ils souhaitent qu'ils puissent être. En matière de changements
climatiques, c'est ce qui nous semble être important, d'outiller nos jeunes
pour qu'ils soient capables de poser des gestes concrets, qu'ils soient
capables de s'impliquer dans leur milieu.
M. Nantel
(Marc) : Puis à la
question : Â quel âge?, je vous dirais qu'on commence déjà au niveau des
CPE, les centres de petite enfance,
il y a déjà des cahiers pédagogiques, des activités qu'on fait avec eux, et
puis ça va jusqu'à l'université. On
couvre à peu près tous les niveaux. Puis c'est sûr qu'un élément que j'aimerais
ajouter, ce qui est intéressant de la pratique qu'on fait, qu'on
développe, c'est qu'on développe l'espoir.
Vous savez
que mon collègue avait fait — je ne me rappelle pas en quelle année — une étude de tous les documents qui
avaient été faits sur le développement durable, sur l'environnement au Canada
en un an, et le mot «espoir» était... juste
trois fois qu'il a été nommé. Tout était dans le négatif et tout était fait...
Donc, il faut y aller, voir l'avenir. Donc, c'est pour ça qu'on part de tout petit. Puis, comme je vous disais,
c'est de développer le plaisir de faire et de s'engager et d'avoir
l'impression que tu es important. Alors, c'est pour ça qu'on commence si jeune.
M. Heurtel : Merci. Bien, j'imagine
votre réponse, mais je vais vous la poser quand même. Présentement, la stratégie de développement durable du
gouvernement ne s'applique pas aux organismes scolaires. Elle s'applique au ministère de l'Éducation, mais elle ne s'applique
pas aux organismes, alors, les écoles, etc. Alors, vous, de votre côté,
de votre point de vue, est-ce qu'on devrait étendre l'application de la
stratégie à l'ensemble du domaine scolaire?
• (20 heures) •
M.
Robitaille (Jean) : Absolument. Ça m'apparaît tout à fait essentiel de
le faire. Ce qu'on peut reprocher un petit
peu... Il y a deux volets au développement durable. Il y a un volet qui est
plus un volet de gestion, et c'est important qu'on le fasse, qu'on puisse rendre nos établissements le plus verts
possible, mais ça ne peut pas être fait sans qu'on puisse, dans le milieu scolaire, aborder en même temps
l'éducation et la sensibilisation des jeunes. Il faut qu'ils fassent partie
de la solution aussi.
Donc, on a
travaillé dans nos premières années beaucoup avec RECYC-QUÉBEC, et vous vous
êtes fait probablement achaler par
vos enfants qui vous ont dit : Mettez ça à la poubelle, ça, c'est... C'est
beaucoup un type de travail qu'on a
fait. On aurait pu très facilement dire : On confie ça aux gestionnaires
et on ne met pas les jeunes et les adultes qui les accompagnent en jeu,
et je ne crois pas qu'on aurait obtenu les mêmes résultats. C'est deux choses
qui doivent se mener de façon parallèle en
milieu scolaire. Et nous avons là-dessus une expertise, je crois, très
importante et les organismes qui
travaillent là-dessus depuis 20, 25 ans aussi, et notre souhait, c'est de
pouvoir y contribuer. Parce que
l'expertise, elle est là, et je crois que le moment est bienvenu de pouvoir
profiter un peu de cette expertise-là et de voir qu'est-ce qu'on peut
faire ensemble.
M.
Heurtel : Comment vous
verriez une approche encore plus poussée où, justement... Parce qu'un point qui est sorti,
puis, bon, ça fait déjà partie de la stratégie du gouvernement en matière de
changements climatiques, la stratégie de
développement durable y touche un peu, on en a parlé durant nos travaux avec
plusieurs organismes, la nécessité, bon, de sensibiliser davantage, de
communiquer davantage, de faire de la pédagogie davantage. Dans un contexte où
on parle, justement... où on
intégrerait, dans les programmes d'études, bon, dès les CPE... On va parler de
CPE, primaire, puis on suit la démarche, là, que vous décrivez. On
s'assure que, justement, le milieu de l'éducation intègre, justement, ces principes-là. Est-ce que vous voyez une
possibilité aussi d'avoir une stratégie encore plus intégrée, puis, justement,
en matière de sensibilisation, de
travailler avec, justement, d'autres organismes de la société civile, le
gouvernement pour être certain qu'on
évite une approche en silo, là, c'est-à-dire que, bon, on travaille avec le...
Il y a, mettons, le curriculum en
éducation dans le système public, là, mettons, bien, on s'assure que, dans un
contexte où on travaille avec des organismes de la société civile, on
fait de la sensibilisation.
Le
gouvernement travaille, met de l'argent, met des sous, puis qu'on veuille, en
plus de ça, que ça soit horizontal, c'est-à-dire
que ce n'est pas juste le ministère de l'Environnement qui parle de ça, mais
qu'à chaque fois que le ministère des Transports fait un
investissement, bien, il explique comment ça a de l'allure au niveau des
changements climatiques, puis du
développement durable, etc., donc cette approche de sensibilisation là, est-ce
qu'on pourrait l'avoir d'une façon plus globale et plus intégrée?
M.
Robitaille (Jean) : Tout à fait. Il y a un exemple québécois, ce qui a
donné lieu un petit peu au mouvement EVB, c'est une trousse éducative qui a été faite en 1989, qui s'appelait Ensemble,
récupérons notre planète, avec le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Environnement, le ministère de
l'Énergie et des Ressources, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et 24 organisations de la
société civile. Et c'est ce qui a permis au point de départ un peu le fait
qu'il y ait une collaboration entre
organismes, de pouvoir se doter d'une stratégie cohérente, et ça, c'est un
élément qui est important.
En Suisse, il
y a un organisme qui s'appelle Éducation21, qui regroupe les ministères, les
universités, des gens des écoles, et il y a 40 personnes qui
travaillent à temps plein pour appuyer le milieu scolaire et faire en sorte que
les préoccupations de tout le monde soient
prises en compte. Oui, il y a possibilité de le faire. Le comité
interministériel... ou recréer un comité interministériel serait déjà
une première chose. Mais qu'autour de ce comité-là soient invités les organismes de la société civile, les universités
qui y travaillent, on aurait, à ce moment-là, je pense, une solution gagnante
pour pouvoir avancer dans l'avenir et atteindre nos objectifs.
Le Président (M. Reid) :
Merci. M. le député d'Abitibi-Est.
M.
Bourgeois : Oui. J'aime bien l'approche que vous avez. J'ai vécu aussi
le phénomène, mes filles qui me disaient : Là, là, fais ça... Mais on a eu des groupes qui sont venus, des groupes
de jeunes qui sont venus présenter aussi... entre autres, le regroupement des forums jeunesse, qui nous ont
dit : Les jeunes, on veut... on est résolument tournés vers ça. Mais,
en même temps, il y a d'autres groupes qui
nous ont présenté des résultats d'études qui disent : Oui, ils se disent
verts, mais, dans les faits, quand
c'est le temps de poser le geste, le réflexe n'est pas nécessairement
automatique. Et comment on peut faire,
quels types d'actions dans la démarche, dans ce que vous avez fait dans le passé,
pour faire une différence pour s'assurer que, justement, on franchit ce
seuil-là, que ça devienne vraiment bien intégré?
M.
Robitaille (Jean) : La
première réponse, c'est de le vivre. Quand on le vit, quand on est impliqué,
engagé dans un projet, c'est sûr que les comportements s'inscrivent. Si
on me l'enseigne et qu'on me dit : Ne mets pas ça dans la poubelle, je risque de l'oublier. Par contre,
si je suis impliqué dans le comité de mon école qui sensibilise les autres
élèves à ça, je peux arriver à un
changement important. Il y a une période cruciale qui est l'adolescence. On
peut avoir des jeunes qui, pendant longtemps,
vont dire : Ah! le transport en commun, on ne prend pas d'auto. Mais, dès
l'instant où ils ont les moyens de s'acheter un véhicule, ils vont le
faire. Ils vont le faire pourquoi? Parce qu'il n'y a pas les alternatives de transport
en commun, d'infrastructures qui permettent de maintenir des gestes qui sont
ancrés dans le développement durable. C'est pour ça que la stratégie doit être
globale.
Et c'est
certain que, si on passe notre temps à éduquer les jeunes et à les amener à
adopter des comportements responsables
et que, dès qu'ils arrivent dans la société, ils se rendent compte que ce n'est
plus de même que ça fonctionne, il y
a une rupture à ce moment-là qui fait en sorte qu'il y a bien des jeunes qui
décrochent en disant : Bien, moi, je le fais à l'école, mais, quand je regarde autour de moi ou
mes voisins, ou mes oncles, ou mes tantes, ils ne le font pas. C'est sûr qu'il faut pouvoir ancrer les convictions chez nos
jeunes, et la meilleure façon, c'est d'en faire les principaux acteurs et de
les mettre en action.
M. Nantel
(Marc) : Puis il y a des
mots, hein, des mots clés, valorisation, et tout ça, mais j'aimerais quand même
le souligner... Puis vous avez rigolé, je
pense qu'on comprend tous que, quand ils arrivent à l'adolescence, il faut
qu'ils s'affirment. Puis ça, on l'a
vu, ils sont très engagés au primaire montant, puis c'est vraiment, là, ils ne
vivent que pour ça, puis, rendu au
secondaire, on le sent, ça baisse. Mais ce qu'on a gagné dans les jeunes
années, ça reprend dans les années après.
Mais nous, où est-ce qu'on essaie de, justement... Puis on a fait beaucoup de
différences, là, c'est d'aller dans des activités vraiment
intéressantes.
Abitibi-Est,
vous avez Au-Fil-de-l'Eau qui a gagné des prix, des jeunes qui se sont
impliqués. Mais ça, là, c'est un, parmi
des activités à travers le Québec, qui se fait. Mais on ne pourra pas aller
chercher tout le monde. Mais il y a une chose qu'on a remarquée, par exemple, les gens qu'on développe dans ces
activités-là, c'est des leaders après ça. Puis ces gens-là, une fois leaders,
bien là, tu sais, ils imposent aux autres, ils rayonnent, puis, à ce moment-là,
ça va... Mais ce n'est pas quelque
chose qui se développe... Ça fait 20 ans qu'on fait ça, là. Puis je ne sais pas
si vous vous rappelez, mais moi,
quand j'étais à l'université, là — puis, d'ailleurs, j'étais à Sherbrooke — quand j'étais là, on parlait, dans le
temps, du refroidissement de la planète,
puis que c'était... les notions de recyclage n'existaient pas. Puis, regardez,
là, après 40 ans, on arrive
devant une situation où ça a évolué beaucoup, puis ce n'est plus vrai, là, que
quelqu'un va prendre son sac de poubelles puis aller le jeter dans le
milieu du fleuve, ça ne se fait plus.
Alors donc,
il faut voir ça à long terme. Mais je dirais que moi, je trouve ça génial,
qu'est-ce que vous avez comme activité,
comme projet, là, de renouveler, là, la stratégie. C'est quelque chose qui est
important, au Québec, de le faire, mais
on a besoin d'un coup de pouce dans les écoles pour que ça fasse... Là,
actuellement, il y a un désengagement de partout pour les raisons qu'on
connaît. Je vous dirais qu'on investissait, nous, là, il y a 20 ans, chez
nous 800 000 $ par année, là, on
allait chercher des sous. Nos collègues, nos... on allait chercher des sous.
Là, si on est capables d'aller
chercher 150 000 $, c'est beau. Alors donc, l'État, si vous envoyez
un message clair puis vous avez une structure au niveau de l'éducation, vous
venez de créer vraiment un élément qui va vraiment, là, aller à une vitesse
folle. Puis, quand on parle de vitesse folle, c'est huit ans. C'est huit ans. C'est des
jeunes qui font leur primaire, puis trois ans au secondaire, puis, après
ça, ils sont déjà sur le marché du travail, pour plusieurs.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Nous allons maintenant passer à
l'opposition officielle, et je donne la parole à son porte-parole, le
député de Jonquière.
• (20 h 10) •
M.
Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors,
bienvenue. Merci infiniment d'être là. Puis je vais me permettre une minute éditoriale, là, mais ça
fait du bien d'entendre un syndicat nous parler vraiment de développement
durable, et non pas d'un point de vue
uniquement de défense de ses membres et des intérêts ou des besoins
corporatistes de ses membres. Alors,
je sens que vous êtes vraiment engagés dans le développement durable et dans sa
mise en application, puis ça, moi, ça me convainc puis ça me plaît
énormément.
Effectivement,
j'ai des écoles dans ma circonscription de Jonquière qui sont des écoles vertes
Brundtland. Chaque année, ils nous invitent à des activités de toutes
sortes, puis on peut sentir, effectivement, des élèves extrêmement, extrêmement
engagés. On y reviendra tout à l'heure parce que je vais avoir une question par
rapport à ça.
Mais ce sur
quoi je veux vous entendre surtout pour commencer, c'est votre recommandation
n° 3 à la page 6, où, là, vous prenez position clairement pour
qu'une part significative du Fonds vert soit consacrée au financement de l'éducation». Alors là, vous lancez un pavé dans
la mare parce que
le Fonds vert sert beaucoup, évidemment,
au financement des transports, par
exemple, dans le domaine de la santé aussi, puis il y a évidemment des enjeux
environnementaux. Il y a d'autres
choses qui vont avec le Fonds vert, là, il faut qu'on revoie aussi la
transparence, la gestion du fonds comme telle. Mais je veux vous entendre là-dessus parce que, là, vous faites une
proposition quand même au gouvernement puis au ministère de l'Environnement... Parce que le Fonds vert est appelé à grossir,
hein, de façon importante. Alors, moi, je trouve ça vraiment, là... C'est la
première fois qu'on l'entend, là. Ça fait une vingtaine de groupes... bien,
plus que ça. En tout cas, ça fait
plusieurs groupes qu'on entend ici, et vous êtes les premiers à arriver avec
ça, là. Alors, profitez-en, là, pour nous en parler.
M.
Robitaille (Jean) : Oui, ça m'apparaît important. Donc, l'éducation au
développement durable est très peu appuyée.
Ce qui m'apparaît important, c'est éduquer à l'environnement, mais c'est
surtout la formation de jeunes leaders. Et ça, ça m'apparaît un élément important. On a organisé en octobre
dernier à Québec un Deux jours pour le leadership jeunesse où on a eu 300 jeunes et adultes de
15 régions du Québec qu'on a formés. Donc, première journée, les raisons
de s'engager, pourquoi je
m'engagerais, quelles sont les habiletés que j'ai à développer pour pouvoir
être un leader, comment je pars un
comité, comment je pars une coopérative environnementale. Et, à la fin de leurs
deux jours de leadership, ils concevaient un plan d'action en
développement durable dans leur établissement et en collaboration avec les
forums jeunesse, le Conseil québécois de la
coopération et de la mutualité, et autres. On appuie par après dans chacune des
régions les jeunes qui ont initié ce
genre de projets là. Et ça, c'est une stratégie qui m'apparaît intéressante de
travailler avec les jeunes leaders,
c'est eux qui sensibilisent leurs pairs au sein de l'établissement. Mais ça,
c'est des choses qui demandent à être appuyées. Donc, ça, c'est un type
d'appui qu'il pourrait y avoir.
Il y a la
recherche en matière d'éducation au développement durable aussi qui aurait
besoin d'appui financier. Il y a une
série de groupes qui viennent en appui au ministère en produisant des
situations d'apprentissage et d'évaluation qui pourraient aussi être
mises à contribution. Mais tous ces groupes-là, d'une part, sont pris à la
gorge, et le milieu enseignant aussi est
surchargé à l'heure actuelle. Le
Fonds vert, d'après moi, pourrait donner un peu d'air au milieu pour
qu'on puisse mieux travailler à faire des choses.
M.
Gaudreault : Vous,
avez-vous estimé — là,
je sais que je vous pose la question à 100 $,
c'est le cas de le dire, là — des montants, des sommes que
vous pourriez anticiper du Fonds vert pour soutenir les activités en éducation
au développement durable?
M. Nantel
(Marc) : Si ça nous engage,
on va vous dire 10 millions. Non, sérieusement, ce n'est pas, quand même,
pas des sommes énormes pour l'instant, selon notre expérience, pour avoir
quelque chose de viable.
M. Robitaille (Jean) : Bien, il faut
voir. Pour avoir de quoi de viable...
M.
Gaudreault : Vous pouvez y réfléchir puis nous envoyer ça par
après, là, au secrétariat de la commission.
M. Robitaille
(Jean) : Oui, on pourrait vous faire une proposition là-dessus. C'est
certain que ce n'est pas des millions
et des millions que ça prend. Souvent, c'est juste le... Il y a une des
recommandations qui demande de reconnaître le travail des gens. Et, des
fois, simplement un appui, une petite tape dans le dos qui dit : Vous
allez dans la bonne direction, on vous
encourage, fait en sorte que les gens se relèvent les manches et continuent. Et
c'est ce type d'appui là qui a disparu tranquillement depuis les bonnes années,
je pourrais dire, de l'éducation à l'environnement au Québec, où on
comptait ce type d'appui là.
C'est drôle parce que je regardais le rapport
fait par... Voyons, je vais essayer de le retrouver. Le Conseil des ministres de l'Éducation qui faisait un rapport
sur les indicateurs en vue du développement durable, et j'ai sorti les parties
qui touchent le Québec, où on citait des
exemples intéressants. On parle, entre autres, du travail que faisait
l'Association québécoise de promotion
de l'éducation relative à l'environnement avec les cégeps. Il a été coupé, son
financement a été coupé. On cite en
exemple ENvironnement JEUnesse au niveau canadien pour montrer qu'est-ce qui se
fait en matière d'éducation au développement durable. Le
groupe a perdu son financement. On parle d'Équiterre, c'est un peu la même
chose qui se passe avec ça. Et on parle de
la Biosphère d'Environnement Canada, et là ce n'est pas du tout au Québec,
mais c'était une institution importante
qui a aussi été coupée et qui n'existe plus à l'heure actuelle. Donc, dans
le rapport que faisait le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada
pour décrire ce qui faisait en matière d'éducation au développement durable, leurs
exemples, ils n'existent plus. Ça fait que c'est ça qui fait en sorte que, je
pense, c'est important de
soutenir et de voir de quelle façon on doit appuyer, à la mesure de nos moyens,
ces organisations-là.
M.
Gaudreault : Il ne
nous reste vraiment pas beaucoup de temps, puis il va y avoir mon collègue qui va
avoir une petite question,
mais moi, je veux vraiment vous entendre... Peut-être, vous avez un chiffre
à me donner, là. Vous avez dit au ministre
que vous étiez, évidemment, favorables à l'élargissement de la stratégie
au milieu de l'éducation. Il y a déjà beaucoup
d'écoles qui sont engagées dans les écoles vertes Brundtland. Et là ce n'est
pas juste les élèves, quand une école
est engagée, c'est toute l'école, là, qui a à se doter d'un plan. Ça veut dire
que le passage n'est pas si gros que ça à faire de décréter à quelque
part que la stratégie s'applique au monde de l'éducation. Donc, vous évaluez,
par exemple, à combien de
pourcentage — si ça
existe, ce chiffre — d'écoles
qui sont déjà engagées dans un processus de développement durable? Puis
je veux vraiment laisser une minute à mon collègue après ça.
M. Nantel
(Marc) : Ce que je vous
disais au début, on parlait de 1 400 actuellement, là, puis on parle de
3 300 à travers le Québec. Ça fait que, finalement, on est à
quasiment 50 %.
M. Gaudreault : ...50 %.
Excellent.
Le Président (M. Reid) :
Merci. M. le député de Bonaventure, 1 min 30 s.
M. Roy : Merci, M.
le Président. Bonsoir, messieurs. À la
page 16 de votre mémoire, vous faites un amalgame assez intéressant entre politique
d'austérité et développement durable, que vous soulignez paradoxal, pour ne pas dire
contradictoire ou incohérent, en ce sens qu'une politique d'austérité va
fabriquer de la pauvreté, des exclus, de la pauvrissitude — pour prendre des concepts
sociologiques — et ça va
amener les gens à déployer de nouvelles stratégies, puis là j'aimerais
vous entendre ou avoir certains exemples. Vous nous dites qu'il y a des gens
qui vont être enclins à accepter des solutions extrêmes pour améliorer leurs
revenus, pouvez-vous nous donner des exemples?
M. Nantel
(Marc) : Si je peux me
permettre un petit exemple très simple où est-ce qu'on a un village qui est en
train de mourir dans une région, et puis que
tu as une industrie qui arrive, puis qui dit : Bien, regardez, je vais
vous créer 50 emplois, mais, je suis désolé, je vais être obligé de
produire tel produit toxique dans votre cour. Mais tout ça, mais ça va vous
donner 50 emplois. Quand on est dans des situations de misère, on accepte
à peu près n'importe quoi.
Je vous donne
comme exemple, dans des régions — puis là ce n'est pas au Québec, là, c'est en
Ontario — où
est-ce qu'on avait parlé qu'on prendrait des
sites de trous miniers orphelins, puis on offrait, pour des pinottes, à un
village de s'en servir comme dépotoir
pour Toronto, puis il y a des gens qui ont accepté. Alors, vous voyez, c'est
quand on dit qu'on met dans des situations... ça peut causer ce genre
d'événement là, d'accepter à peu près n'importe quoi.
M. Roy : Merci beaucoup.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, nous allons passer au député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel :
Merci, M. le Président. Bonsoir à vous deux. Merci pour votre présentation. Et
je veux relever la justesse des
propos de mon collègue de Jonquière à l'égard de votre présentation, c'est tout
à fait juste, c'est intéressant de voir la sincérité que vous avez dans
les propositions que vous faites.
J'ai trois
petites questions quand même assez rapides. Quand vous avez commencé votre
présentation, vous avez dit que, dans
les années 80, on était... Parce que, là, on se projette, on essaie
d'influencer le gouvernement pour faire une belle planification les cinq
prochaines années, mais c'est intéressant quand même de savoir ce qui s'est
fait dans le passé pour essayer
d'être plus efficaces. Vous avez fait mention tantôt qu'au début des
années 80 on était une espèce de leader. Qu'est-ce qui a décroché pour faire en sorte qu'on ait perdu cette
position-là? Puis qu'est-ce qu'on pourrait faire pour...
• (20 h 20) •
M.
Robitaille (Jean) : Bien, au début des années 80... en fait, fin
des années 90 — je suis
le président fondateur de
l'Association québécoise pour la promotion de l'éducation relative à
l'environnement — on s'est
dit... notre souci, c'était de faire reconnaître l'importance de ce type
d'éducation là. On a organisé un premier... les états généraux de l'éducation relative à l'environnement où on a
invité les gens d'un peu partout au Québec à venir présenter leurs choses.
On a dressé un bilan, qui s'est avéré être extrêmement intéressant, de notre
expertise québécoise.
L'AQPERE, par
après, s'est associée avec la CSQ pour l'organisation du Forum Planèt'ERE, qui
a été le premier forum francophone
international sur l'éducation et l'environnement — 700 participants, 33 pays — et on a présenté à ce moment-là l'expertise québécoise à nos collègues qui ont le français
en partage avec nous pour s'apercevoir qu'on faisait vraiment figure de
leader à ce moment-là.
La différence
qui s'est passée, c'est que le Québec, on est comme restés au même niveau, alors que la
France s'est dotée d'une stratégie
de développement durable et une stratégie d'éducation à l'environnement. Même chose dans
les pays francophones. Je suis même
allé au Niger, et, au Niger, on a intégré ça dans les programmes
d'études. Et pourtant, au Québec, c'est comme si
on avait laissé tomber à ce moment-là. Il y a comme eu un désengagement de
l'État qui a fait en sorte que l'expertise
qu'on avait développée est restée comme elle était. Les gens ont continué à
travailler, mais sans reconnaissance,
et sans appui, et sans qu'il y ait eu une stratégie commune pour enrichir et
pour valoriser un peu cette expertise-là.
Donc, ça a été un moment important, et j'en discute avec des collègues de la
première heure, et on est très heureux
de voir ce qui se passe ailleurs dans les autres pays de la francophonie, mais
on se dit : Mais on a manqué le bateau à quelque part. Et je ne
crois pas que c'est trop tard, il y a moyen de réussir à faire ça, mais il faut
intégrer absolument l'éducation au coeur de la stratégie de développement
durable.
M.
Martel : Je ne suis pas sûr que je vais avoir le temps de
poser mes autres questions, mais, au fil des années, là, les 20, 30, 40 dernières années, on a soutenu
beaucoup l'arrivée, la création des centres
d'interprétation de toutes sortes, là. Quel
bilan vous faites de ça par rapport à l'éducation, par rapport à toutes les
activités qu'ils peuvent avoir à l'intérieur de ça? De façon générale, là. Évidemment, ça peut être disparate d'un endroit à l'autre,
là, mais c'est-u une belle avenue, ça?
M.
Robitaille (Jean) : C'est
une avenue intéressante dans la mesure où les élèves peuvent y aller. Et
c'est là le problème, c'est qu'on a beau avoir des centres
d'interprétation, la SEPAQ a travaillé très fort aussi pour essayer de s'ouvrir
aux jeunes, mais sortir avec des jeunes pour
aller dans ces centres-là, c'est rendu extrêmement compliqué. Les problèmes
liés aux assurances, liés aux coûts de
transport, liés au fait que... Bon, c'est plus difficile, le faire. Donc, c'est certain qu'on peut ouvrir des infrastructures, les rendre
accessibles, puis c'est des lieux merveilleux d'éducation à l'environnement.
Mais il faut, en même temps, donner la
possibilité aux jeunes d'y être, d'y participer, et le Fonds vert pourrait
peut-être y contribuer d'une certaine façon.
M.
Martel : Il me
reste-tu un petit peu de temps?
Le Président (M. Reid) :
1 min 30 s. Je pense...
M. Nantel
(Marc) : Juste un
complément, monsieur... La réponse est à géométrie variable, hein? Je veux dire,
si on parle de centres d'interprétation dans
des milieux urbains, alors on a un effet beaucoup plus important dans ces
grandes villes, dans les grands
centres parce que, là, vous savez que vivre dans une grande ville, puis c'est
de l'asphalte, et tout ça, ça, ça
crée vraiment un attachement puis... je vais utiliser un mot anglais, se
«grounder» par rapport à la nature, puis c'est vraiment un effet beaucoup plus grand dans les grands centres que si
vous vous retrouvez, je ne sais pas, moi, dans la Gaspésie, vous vous
retrouvez au Lac-Saint-Jean. Donc, c'est vraiment à géométrie variable.
Puis, je vous
dirais, si on veut que les jeunes soient sensibles à la nature, mais tout ce
qu'ils connaissent, c'est l'asphalte,
et puis ils connaissent des balcons, puis qu'ils ne connaissent pas la réalité,
ils ne voient pas et ils ne comprennent pas. Vous savez comme moi, là, que bien des gens, à part des chiens et
des chats, là, les autres animaux, ils ne savent pas que ça existe, c'est des photos, c'est du virtuel
pour eux autres. Alors, ces centres-là, c'est génial pour faire des... mais
c'est à géométrie... ça dépend c'est où on se situe.
M. Robitaille (Jean) : Et les jeunes
peuvent...
Le Président (M. Reid) :
Dernière seconde.
M.
Martel : Bien,
complétez parce que je n'aurai pas le temps.
M. Robitaille (Jean) : Oui. Bien, en
fait, on a fait un exercice, les jeunes arrivent très facilement à repérer 20 marques, 20 logos d'entreprises, mais
ils ne sont pas capables de reconnaître 10 oiseaux, 10 plantes,
10 arbres. C'est préoccupant pour moi un peu.
Le
Président (M. Reid) : Juste peut-être un tout petit
commentaire. Ce n'est pas uniquement à Montréal où il y a des jeunes qui
vivent juste à l'asphalte, il y en a beaucoup, de villes de taille
intermédiaire où c'est le cas également. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : En fait, partout où
est-ce qu'il y a de l'asphalte.
Le Président (M. Reid) : Une
certaine quantité.
Mme
Massé : Merci beaucoup pour votre présentation et votre engagement. Je
pense qu'il y a une chose que j'ai retenue
d'entrée de jeu dans votre présentation, c'est que vous donnez de l'espoir. En
fait, vous permettez à nos enfants l'avenir,
de rêver ce qu'il y a de meilleur pour eux autres, pour nous autres — parce qu'on va être rendus vieux mais qu'ils
soient rendus plus vieux — et ça, je trouve que c'est quelque chose
qu'on ne parle jamais. Oui, c'est vrai, c'est épeurant de se dire qu'en 2100... Moi, je fais des calculs
depuis que je suis à la commission, ici, là, je fais des calculs : Ah, mon
Dieu! Je vais être rendue à quel âge,
moi? Puis je vais être encore vivante pour un bon bout de ces cataclysmes-là
qui vont arriver, etc. Donc, merci d'enseigner l'espoir.
Ceci étant
dit, les jeunes ont de l'espoir, les gens qui les soutiennent, les encadrent,
que je comprends que c'est des
professeurs, c'est du personnel non enseignant, etc., qui vont vu comme moi,
bien sûr, depuis 2009, les coupes de 179 millions au niveau du ministère, qui ont
vu les dernières propositions — c'est une coupe qui vient de tomber — dernières propositions d'augmenter de deux à cinq élèves selon le niveau, d'abolir
la pondération des élèves en difficulté, d'augmenter même la tâche de travail — ils n'en avaient pas assez — de 32 à 35 heures. Comment on va donner
espoir aux professeurs et au personnel non enseignant?
M. Nantel (Marc) : Poser la question, c'est y répondre, là. Je veux dire, au départ, c'est
sûr que ce n'est pas des situations
qui vont être facilitantes, là. Moi, la seule chose qui m'inquiète, là, par
rapport... Bien, plein des d'éléments, mais — puis je parle par rapport à notre
discussion, à notre échange, O.K., je vais essayer de rattacher ça à ça — si on affecte les tâches comme ça puis qu'on les fait... à ce moment-là, j'ai
peur qu'il y ait un désengagement des gens qui mettent du temps et de l'énergie... être obligés de se
concentrer uniquement sur ce qui presse puis de sauver leur peau. Il y a eu
déjà, je veux dire, une vague dans les années 2000 lorsqu'il y a eu des
coupures, et puis tout ça, et ça a eu un effet catastrophique dans nos organisations, on a eu beaucoup de gens qui ont
délaissé. On le sent que ça fait ça comme effet. Alors, écoutez, là, je ne veux pas mêler les dossiers, mais, je veux
dire, ça n'aidera pas à l'engagement des jeunes dans ce qu'ils font au
niveau des EVB.
Le Président (M.
Reid) : Un court commentaire parce qu'il reste quelques
secondes.
Mme
Massé : Je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise, c'est juste parce
que c'est un état de fait. Et, en ce sens, le Fonds vert, il faut y
faire attention, c'est une responsabilité qu'on a.
Le
Président (M. Reid) : Alors, merci beaucoup, M. Nantel,
M. Robitaille, pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends les
travaux pour quelques instants pour permettre à nos prochains invités de
prendre place.
(Suspension de la séance à
20 h 27)
(Reprise à 20 h 29)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai besoin du consentement des membres de la commission pour prolonger la
période prévue jusqu'à 22 heures. Est-ce que j'ai le consentement?
Une voix :
Oui.
• (20 h 30) •
Le
Président (M. Reid) :
Alors, nous allons passer à nos prochains invités, il s'agit
du Collectif pour un Québec sans
pauvreté. Alors, bienvenue. Vous allez avoir une dizaine de minutes pour
présenter votre dossier. Quand il restera une minute, je vais peut-être vous faire signe pour vous permettre d'atterrir
plus en douceur, et, par la suite, nous aurons une période de 35 minutes d'échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais de commencer par vous
présenter, présenter les personnes qui vous accompagnent.
Collectif
pour un Québec sans pauvreté
M.
Petitclerc (Serge) : Oui,
bonjour. Serge Petitclerc, je suis analyste politique au Collectif pour un
Québec sans pauvreté. Je suis
accompagné de Virginie Larivière, qui est notre organisatrice politique, et de
François Fournier, qui est notre
coordonnateur.
Alors,
peut-être, en introduction, vous présenter très brièvement
le Collectif pour un Québec sans pauvreté, dans le fond, qui est une grande coalition d'organisations
nationales et de collectifs régionaux dans différents domaines, des
organisations syndicales, communautaires, féministes, des coopératives, des
organisations à caractère plus religieux, différentes
organisations, dans le fond, qui partagent des mandats communs de justice sociale,
de recherche de l'égalité, de lutte à
la pauvreté, de défense des droits. Dans le fond, le collectif représente des
organisations qui, elles, représentent des
centaines de milliers de personnes engagées au Québec dans les milieux
progressistes. Et, en fait, le collectif, c'est ce large mouvement citoyen qui a fait en sorte que,
depuis 1998, on s'est battus sur l'idée d'une loi pour éliminer la pauvreté,
qui a mené à une grande pétition qui a été déposée en 2000 où
214 000 personnes autour avaient appuyé l'idée d'une loi-cadre pour éliminer la pauvreté,
1 500 organisations, incluant des villes, comme la ville de Québec,
qui a fait en sorte qu'en 2002 le gouvernement d'alors avait déposé un projet
de loi, le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion
sociale, qui a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale.
Un
collectif qui a toujours travaillé avec les personnes en situation de
pauvreté parce qu'on a toujours considéré qu'on devait mettre au coeur des processus, de tout le travail autour de
la lutte à la pauvreté les personnes qui la vivent, cette pauvreté-là, ainsi que les organisations qui
travaillent avec ces personnes-là et qui les représentent. Et c'est la raison
pour laquelle, lorsqu'on a reçu une invitation à votre commission
pour participer, on a trouvé ça intéressant dès le début, parce qu'il
y a, évidemment, des liens... À
partir du moment où on parle d'inégalités sociales, d'inclusion sociale, donc
on se sentait d'attaque pour venir vous
parler. Parce que la pauvreté, malgré le fait qu'on ait adopté une loi visant à
lutter contre la pauvreté, il y en a
encore, de la pauvreté au Québec, il ne faut pas se le cacher. Il y a
autour d'une personne sur 10 au Québec
qui ne couvre pas ses besoins de base, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas le minimum pour se
loger, se nourrir, se vêtir. On parle peut-être de
842 000 personnes au Québec pour se donner une idée.
Écoutez,
la pauvreté, c'est aussi des centaines de milliers de travailleurs et de
travailleuses au salaire minimum qui
en arrachent, c'est des femmes âgées qui reçoivent juste la pension de la
sécurité et de la vieillesse et le supplément de revenu garanti, c'est d'autres catégories de femmes, des jeunes, des
immigrants, des autochtones. Alors, on trouvait ça important de venir vous en parler. Et j'arrêterais
ma présentation générale pour donner la parole à Virginie, qui va vous
présenter plus notre mémoire.
Mme
Larivière (Virginie) :
Bonsoir. Merci de nous recevoir. Donc, vous comprendrez, avec la présentation
que Serge vient de faire du Collectif
pour un Québec sans pauvreté, que l'orientation 4 de la
stratégie nous a particulièrement
intéressés, entre autres parce qu'elle
confirme l'importance de la qualité de vie des personnes et la couverture des
besoins de base, mais aussi parce qu'elle confirme l'importance des
mesures sociales et économiques pour les personnes en situation de pauvreté.
Toutefois, le
collectif a le souci d'identifier trois éléments qui, selon nous, pourraient
rendre difficile la bonne réalisation de la stratégie. Le premier
élément que le collectif identifie s'incarne dans les mesures d'austérité qui
sont privilégiées par le gouvernement actuel. Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis plusieurs mois, le gouvernement fait des choix qui bouleversent
des milliers de personnes. Les coupes dans les services publics et les
programmes sociaux appauvrissent, en
dollars et en qualité de vie, la classe moyenne et les personnes vivant la
pauvreté. Donc, le collectif est
d'avis que les mesures d'austérité et l'engouement actuel général pour le
déficit zéro posent de sérieux défis à l'application des principes
soutenus par la stratégie.
On se
questionne, par exemple, sérieusement sur la faisabilité de l'objectif
4.1 de la stratégie, qui inclut — et
je cite la stratégie — «la
mise sur pied de nouveaux programmes de formation conçus pour augmenter
l'employabilité des personnes
éloignées du marché du travail». Je vais juste prendre quelques instants pour
rappeler quelques programmes et services en employabilité ou en emploi
qui ont été récemment abolis ou compressés. Donc, il y a le programme Alternative jeunesse d'Emploi-Québec, la mesure de Supplément de retour au travail, la fermeture prévue de
plusieurs centres locaux d'emploi, la
compression des carrefours
jeunesse-emploi, les coupes de 2 millions de dollars dans le budget du programme d'aide et
d'accompagnement social, le PAAS Action.
Le deuxième élément que le collectif identifie
comme pouvant rendre difficile l'application de la stratégie concerne l'exclusion des organismes municipaux,
des organismes scolaires et des établissements de santé et de services sociaux,
notamment parce qu'il
y a beaucoup de services qui sont
offerts à la population via ces institutions, qui peuvent et qui participent à l'inclusion sociale et à la
réduction des inégalités socioéconomiques. On peut penser aux services que
desservent les bibliothèques, les piscines publiques, les jardins collectifs et
communautaires, les parcs, la route verte également qui offrent aux personnes
en situation de pauvreté un accès gratuit et souvent de qualité aux personnes
en situation de pauvreté... un accès aux loisirs, pardon, aux personnes en situation
de pauvreté. C'est un élément qui est souvent absent de la vie des
personnes en situation de pauvreté.
Le troisième
élément que le collectif identifie tient à l'impression de déjà-vu que la
stratégie suscite. En effet, Serge l'a mentionné, il y a
la loi n° 112, la loi qui vise à l'élimination de la pauvreté et à l'exclusion sociale, qui a maintenant 12 ans. Le collectif tire une conclusion majeure du bilan de cette loi,
c'est que, sans réelle volonté politique, l'application
d'une telle loi ne peut s'avérer que
décevante, malheureusement. Les meilleures intentions, orientations ou visions, qu'elles soient
mises de l'avant dans une loi, un plan ou une stratégie, doivent être incarnées
dans une volonté politique. Je sais que les critiques qui sont faites sont un peu cassantes, mais le collectif
est, tout de même, heureux de participer aux travaux de la
commission et désire faire quatre recommandations à la commission.
La première recommandation, en fait, le collectif est d'avis que le moyen le plus sûr de favoriser
l'inclusion sociale et la réduction
des inégalités socioéconomiques, c'est de mettre d'abord et avant tout la lutte
à la pauvreté dans l'orientation 4. Minimalement,
donc, la stratégie gouvernementale de développement
durable devrait être coordonnée avec
le plan d'action gouvernemental en matière de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Vous
n'êtes pas sans savoir que la loi visant l'élimination de la pauvreté
et l'exclusion sociale impose l'adoption d'un plan
d'action, et donc il faudrait
minimalement que les actions soient concertées entre ce qui concerne le social
qui est mis de l'avant dans la
stratégie et les plans d'action que le ministère
de l'Emploi et de la Solidarité sociale
met de l'avant.
La deuxième recommandation, le collectif recommande au gouvernement de développer
l'accessibilité et l'offre du
transport collectif en tenant compte notamment des capacités financières des
personnes en situation de pauvreté. Vous n'êtes pas sans savoir que l'accès aux services de transport est
essentiel à l'inclusion sociale des personnes parce que se déplacer, c'est nécessaire, hein, pour fréquenter
son réseau social, pour avoir accès aux services ou, tout simplement, pour
aller travailler. En milieu urbain, les
hausses des tarifs des services de transport dépassent largement le taux
d'inflation. Et, pour ce qui concerne l'offre de services de transport
collectif régional et interrégional, cette offre-là est souvent déficiente, mise en péril ou carrément absente.
Donc, la conséquence la plus directe de cette situation, en fait, c'est que,
souvent, les gens sont obligés de s'acheter
une voiture, ce qui complique, évidemment, beaucoup la vie des personnes en
situation de pauvreté et qui ajoute un poids supplémentaire en termes de gaz à
effet de serre. Donc, dans cette équation-là, personne n'est vraiment
gagnant.
La troisième recommandation concerne les
redevances d'Hydro-Québec. Depuis de nombreuses années, les redevances d'Hydro-Québec sont devenues une partie
intégrante de la fiscalité québécoise au même titre que l'impôt et les taxes, et cette façon de considérer Hydro-Québec a
fait bondir, en moins de 10 ans, la facture d'hydroélectricité de 20 %.
Ces hausses de tarifs causent des torts
importants aux personnes en situation de pauvreté, comme vous vous en doutez,
en plus d'accroître les écarts de richesse
entre les plus riches et les plus pauvres. Le Québec a la chance de pouvoir
compter sur une ressource énergétique
beaucoup plus respectueuse de l'environnement que celles issues des
hydrocarbures. Alors, pour être en
totale cohérence avec les principes
du développement durable, il faut cesser de considérer Hydro-Québec comme une poule aux oeufs d'or en augmentant les
tarifs d'électricité année après année. Donc, le collectif recommande au gouvernement de cesser de considérer Hydro-Québec comme un moyen permettant d'augmenter les revenus de l'État.
Quatrième et
dernière recommandation, ça tombe bien. La crise du logement que connaît actuellement le Québec se distingue surtout par la disparité de plus en plus forte entre l'offre du marché locatif privé et la capacité de payer
d'une large partie des locataires. Je
fais un petit résumé, trois données importantes à se mettre en tête. L'enquête
nationale menée en 2011 par Statistique Canada auprès des ménages révèle que 479 000 ménages locataires québécois consacrent plus de 30 % de leurs revenus au loyer, ce qui est la
limite généralement acceptée, mais il faut savoir qu'il y a 227 000
ménages qui consacrent plus de la
moitié de leurs revenus à payer le loyer et que 108 ménages consacrent
80 % de leurs revenus à payer le
loyer. Vous pouvez comprendre que, quand on consacre une part aussi importante
de son revenu à payer le loyer, on peut supposer qu'on a un petit peu de
misère à subvenir au reste de ses besoins. Donc, à l'instar du Front d'action populaire en réaménagement urbain, le FRAPRU, le
collectif recommande au gouvernement d'augmenter de manière importante ses investissements en habitation de
manière à permettre le développement de 50 000 nouveaux logements
sociaux en cinq ans.
• (20 h 40) •
Le
Président (M. Reid) : Merci. Vous avez bien chronométré votre
temps parce que ça fait 10 minutes exactement. Alors, nous allons
commencer notre période d'échange, et je donne la parole au ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir. Merci pour votre mémoire
ainsi que votre présentation. Vous avez fait référence un peu brièvement... vous donniez un exemple qui était
relié à l'émission de gaz à effet de serre, je voudrais faire le lien avec la lutte contre les changements
climatiques. Est-ce que le collectif a regardé l'impact des changements
climatiques sur, justement, la lutte contre la pauvreté?
Mme Larivière (Virginie) : Pas
directement, non.
M. Heurtel : Pas directement.
Mme Larivière (Virginie) : Non, ce
n'est pas tout à fait...
Une voix : ...
Mme
Larivière (Virginie) : C'est ça, ce n'est pas tout à fait un champ
d'expertise du collectif. Cela dit, d'instinct, je vous répondrais que, par exemple, les quartiers les plus défavorisés vont
contenir le plus d'îlots de chaleur, par exemple. Ce n'est pas là où on va retrouver le plus grand
nombre de parcs et d'espaces verts. C'est le genre d'initiative, par exemple,
là, qui... Mais voilà, on n'a pas d'expertise très directe sur la lutte aux
changements climatiques.
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Dubuc.
M.
Simard : Merci, M. le Président. J'ai une question particulière par
rapport à... Quand on lit votre document, là où vous parlez d'austérité, en tout cas, c'est l'item 1, où vous dites
ceci : «Or, le gouvernement semble convaincu que l'atteinte de l'équilibre budgétaire ne peut tenir
que sur la colonne des dépenses de l'État. Faisant fi de l'équilibre social
et environnemental, le gouvernement refuse d'envisager le potentiel de la
colonne des revenus...» J'aimerais vous entendre
par rapport à quelle vision vous avez lorsque le gouvernement travaille pour
être en mesure, justement, de favoriser le retour au travail de certaines personnes soit par la formation ou
encore par donner des moyens pour que ces gens-là puissent retourner sur le marché du travail. Ne
croyez-vous pas que c'est essayer de travailler sur la colonne des revenus?
M.
Petitclerc (Serge) : Bien, oui et non. Écoutez, à partir du moment où,
d'un côté, on nous dit que c'est important que les gens retournent sur le marché du travail pour pouvoir
contribuer, effectivement, en payant des impôts, en payant des taxes pour augmenter les revenus de l'État, il
n'en demeure pas moins qu'au même moment où on porte ce discours-là il y a des coupes, il y a des compressions... Je
sais que vous n'aimez pas qu'on parle d'austérité, mais il y a des compressions
qui se subissent dans les mesures d'aide à
l'emploi. On a parlé tantôt... Virginie parlait des centres locaux d'emploi, où
ça devient plus difficile pour les
personnes d'avoir accès à des agents d'aide socioéconomique, ou on a des
programmes comme Alternative
jeunesse, qui venait en aide à des jeunes de moins de 25 ans pour pouvoir
suivre des parcours particuliers... bien, ça rend vraiment difficile le
retour sur le marché du travail par la suite.
Mais, quand
on parle de la colonne des revenus, de la colonne des dépenses, on fait aussi
référence au fait que, dans
l'ensemble des travaux... On va voir le rapport sur la commission sur la
fiscalité, mais, jusqu'à maintenant, l'impression qu'on a, c'est qu'on s'attaque uniquement aux
dépenses et on s'attaque rarement à la question de la colonne des revenus.
On s'attaque rarement à la mise sur pied,
par exemple, de nouveaux paliers d'imposition pour les citoyens les plus
fortunés. On ne parle jamais d'une
possibilité d'imposition plus grande au niveau des banques. On a eu des grandes
discussions, voilà pas si longtemps que ça, sur taxer un peu plus les
dividendes des entreprises. Donc, il y a peut-être d'autres lieux qu'on
peut aller chercher des sous pour essayer d'éviter, justement, de faire des
coupes dans des lieux fondamentaux. Actuellement,
on a des propositions de modification du règlement d'aide sociale qui vont
faire en sorte que, des gens qui veulent aller se chercher des thérapies
parce qu'ils ont des problèmes de toxicomanie, que ça va rendre pratiquement impossible d'y participer. Comment on peut
envisager un retour sur le marché du travail si une personne a des problèmes
de dépendance?
Donc, c'est dans ce sens-là que, quand
on parle de rechercher un équilibre entre l'économique, l'environnemental
et le social, je crois que, justement, il
faut aller chercher cet équilibre-là, puis je pense que ça ne peut pas se faire...
En tout cas, le collectif est d'avis
que ça ne peut pas se faire uniquement en sabrant dans les dépenses, qui fait
en sorte qu'il y a des gens qui
demeurent prisonniers de la pauvreté, notamment à l'aide sociale, mais dans
d'autres programmes de sécurité du revenu aussi.
M.
Simard : Merci. M. Petitclerc, ça m'amène à vous poser une autre
question. Vous parlez, bon, de trouver de nouveaux moyens de travailler sur les revenus, mais, lorsque le
gouvernement essaie de... On va prendre les garderies, prenons ça comme
exemple, là. Lorsque le gouvernement a pris position à l'effet de protéger les
moins nantis pour s'assurer que le prix
n'augmente pas et puis d'aller chercher... de moduler les prix en fonction des
revenus, croyez-vous... Et, étant donné
que c'est une position... je vous dirai une stratégie de développement durable,
le fait de vouloir protéger la partie
des moins nantis et puis d'aller chercher en modulant avec les plus hauts revenus des revenus supplémentaires pour
protéger le système de garderies, pour
inciter potentiellement, je vous dirai, les gens qui gagnent moins d'argent à
soit être en mesure de se trouver du travail ou encore, tout au moins,
pour les enfants, d'avoir trois repas par jour, d'avoir un environnement plus sain, avoir de la formation,
croyez-vous que c'est une bonne position que le gouvernement a prise par
rapport au développement durable?
M.
Petitclerc (Serge) : Bien, écoutez,
nous, on est plutôt partisans d'une imposition plus progressiste. Les gens
qui ont des revenus plus élevés paient déjà
plus d'impôts, et, si on considère qu'on a un manque à gagner au niveau
des revenus, on peut aller chercher
les revenus en révisant, justement, la fiscalité pour essayer de rééquilibrer le
tout. Mais, au niveau
du retour sur le marché du travail pour les familles, entre autres les familles
monoparentales, toujours dans une perspective
de développement durable aussi, mais de lutte à la pauvreté, ce qu'on a
constaté dans les dernières années, c'est
que les gens qui ont été le mieux aidés et financièrement et par des services,
ce sont ces personnes-là qui ont le plus quitté l'aide sociale, sont plus retournées aux études ou sur le marché du travail, et ça, ça s'est fait, entre autres, en 2004 avec la mise en place de mesures de soutien aux enfants
qui ont fait en sorte que les gens ont eu plus d'argent dans leurs poches.
Donc, dans le fond, si on veut y aller dans
cette perspective-là, il faut améliorer les revenus des gens parce que, sinon,
les gens se retrouvent dans une situation de
survie. Et, quand tu es dans une situation de survie, le retour sur le marché du travail, il n'est même pas
envisageable.
Surtout
quand on parle, entre autres, des gens qui se retrouvent à l'aide sociale,
souvent c'est des gens qui ont des problèmes de scolarisation,
d'alphabétisation, qui ont été longtemps éloignés du marché du travail. Essayez
de trouver un emploi quand vous avez un trou
dans votre C.V. de trois, quatre ans, là, les employeurs ne veulent pas vous
embaucher. Donc, pour avoir un suivi avec ces personnes-là, il faut y aller sur
du long terme. Mais ça, ça demande, évidemment, des ressources.
Le Président (M.
Reid) : M. le député de Dubuc.
M.
Simard : Juste une dernière
question, M. le Président. Toujours
faire le lien entre votre position et
le développement durable, la
stratégie de développement durable, concernant les... vous parlez ici de
compressions des carrefours jeunesse, alors
que le 41 millions qui était aux
carrefours jeunesse a été protégé, il
est demeuré là. C'est juste un virage
par rapport à vouloir aider plus les jeunes qui... ils sont
momentanément sur le chômage ou encore sur l'assistance sociale. Ça a été le virage qui a été pris de
mettre plus d'emphase vers ceux qui ont plus de besoins. Croyez-vous que c'est
une bonne... une décision du gouvernement
pour s'assurer, encore une fois, de travailler pour les gens qui en ont plus
besoin?
M.
Petitclerc (Serge) : Je ne
pourrais pas parler sur le cas spécifique des carrefours jeunesse-emploi,
mais, de façon globale, ce qu'on a
constaté depuis quelques années — mais
on l'a vu aussi avec les chiffres quand on regarde les crédits du dernier budget — de
façon globale, il y a une diminution de l'offre d'aide à l'emploi et des agents
qui peuvent offrir ces mesures-là. Et
ça, ça cause un problème. Est-ce qu'il y a un problème particulier avec les carrefours jeunesse-emploi? Ça,
j'avoue, je ne peux pas m'avancer là-dessus, mais c'est certain que, de façon globale, ça
devient difficile, il y a des... Écoutez, j'étais en lien, par exemple, avec des gens dans
le bout de Drummondville qui disaient que le carrefour jeunesse... pas le carrefour jeunesse-emploi, mais il y a un centre local d'emploi qui a
fermé, c'est dans une autre région vraiment pas très loin qu'ils doivent recevoir les appels des gens qui ont des
problèmes, exemple, pour retourner dans un CLE. Mais ce n'est pas dans
le même secteur administratif, alors, d'un côté, il n'y a pas de CLÉ, dans
l'autre coin il n'y a pas de groupe qui peut
accompagner ces gens-là. Donc, les gens se retrouvent avec aucune possibilité
d'aller dans un centre local d'emploi. Donc, ces gens-là ne peuvent pas
être aidés concrètement.
Donc,
de façon globale, quand on regarde les enveloppes globales, ça a diminué au niveau
de l'aide à l'emploi. Et on a beau
sortir des nouvelles stratégies au niveau de l'aide à l'emploi, si le revenu
des personnes est trop bas, les gens se
retrouvent dans une situation de survie au quotidien. Ce qui est de loin le
meilleur... Comment dire? La meilleure manière de les amener aux études, sur le marché du travail ou juste avoir
d'autres projets de vie un peu plus positifs... Bien, ça, encore une fois, ce qui a été démontré dans les
dernières années, c'est que les gens les mieux aidés sont les gens qui s'en
sortent le mieux. Il n'y a pas de secret à ce niveau-là.
Le Président (M.
Reid) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci, M. le Président. Écoutez, moi, je...
Dans votre deuxième section, le point 2, vous demandez un peu pourquoi
le gouvernement n'assujettit pas les organismes municipaux, les organismes
scolaires, les établissements
de santé et de services sociaux à sa stratégie. Ça, c'est un premier point, je
pense que ça veut dire que vous voudriez
qu'on les inclue. Et maintenant je voudrais aller un petit peu loin que ça. Je
ne sais pas si vous étiez ici lors du groupe
précédent qui parlaient, eux aussi, d'inclure l'éducation et de, peut-être, y
fournir des fonds supplémentaires pour le faire acheminer. Et aussi est-ce qu'on devrait l'étendre aux entreprises ou aux organismes d'inclusion sociale
et d'assistance, etc.? Je voudrais vous entendre là-dessus.
• (20 h 50) •
Mme
Larivière (Virginie) :
D'emblée, je dirais que, si le Québec veut se doter des principes du développement durable puis adhérer au développement durable en général, je pense qu'il faut élargir la
stratégie au plus grand nombre, et
non pas uniquement qu'à l'appareil administratif, à l'administration publique,
là, du gouvernement. Je
pense qu'on serait gagnants à
élargir son application.
Nous,
on a présenté quelques exemples qui sont très liés aux services municipaux, les
bibliothèques, les parcs, les
piscines publiques, mais il faut penser aussi que, par les établissements
scolaires... Les gens qui nous ont précédés l'ont probablement mieux
illustré qu'on pourra le faire, mais on peut penser à l'aide aux devoirs, à la
sécurité alimentaire aussi, qui est souvent
mise de l'avant par les établissements scolaires. C'est autant de lieux qui,
selon le collectif, peuvent contribuer
de façon assez concrète à l'orientation sociale du développement durable. Donc, il
n'y a pas de raison à laquelle
la stratégie ne serait pas appliquée, enfin,
aux établissements scolaires, aux établissements de santé et de services sociaux et aux organismes
municipaux.
Pour ce qui est des
entreprises et... j'avoue qu'on ne s'est pas penchés particulièrement sur cette
question-là.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Non, mais, par exemple, l'économie sociale, les groupes sociaux, etc., croyez-vous
qu'ils devraient être inclus là-dedans aussi?
Mme
Larivière (Virginie) : Oui, absolument.
Bien, j'ai compris aussi que, dans la stratégie, c'est déjà mis
de l'avant, c'est déjà pensé dans ce sens-là. Donc, oui, absolument.
M.
Bolduc
(Mégantic) : On a encore un peu de temps?
Le Président (M.
Reid) : Oui.
M.
Bolduc
(Mégantic) : O.K. Vous parlez dans la recommandation 4 que les
groupes de ménages qui engloutissent la
moitié de leurs revenus et ceux qui engloutissent plus, il y a
eu un accroissement significatif dans les cinq dernières années. Est-ce
que vous avez des raisons, des
explications là-dessus, pourquoi ça se produit? Puis qu'est-ce qu'il faudrait changer? Le fait que
les ménages engloutissement de plus en plus d'argent, en fait, pour leur
logement, ce qui fait que ça les
appauvrit fondamentalement, est-ce
que vous avez évalué quels sont les
critères ou les paramètres qu'il faudrait changer pour éliminer ce genre
de chose là?
M.
Petitclerc (Serge) : Bien, écoutez,
à la base, le problème, et on le vit dans beaucoup de régions — surtout,
évidemment, dans les grands centres, mais dans certaines régions aussi en
particulier — c'est
la hausse faramineuse du prix des
maisons et des loyers. C'est sûr qu'une personne qui vit dans un HLM ou qui a
un logement subventionné dans une
coopérative ou dans un organisme à but non lucratif, tu passes à travers parce que
ta capacité de payer est respectée. Mais les gens qui habitent dans des
quartiers qu'il y a une explosion du prix des loyers, les gens ne peuvent pas nécessairement
quitter, des maisons qui sont transformées en condos ou des loyers qui sont
rénovés et qu'il y a une augmentation extraordinaire du prix des loyers, c'est
ça qui fait en sorte qu'il y a des gens qui se retrouvent avec des problèmes
sérieux.
Et
puis, en fait, il y a aussi tout le problème des baux — il y a eu des revendications aussi qui ont été mises de l'avant par des groupes — où,
dans le fond, un locataire quitte, le bail n'est pas transmis
automatiquement au nouveau locataire,
donc le propriétaire peut en profiter pour augmenter les loyers de façon un peu
arbitraire. Alors, ça fait en sorte que les loyers augmentent aussi à ce
niveau-là.
Et
c'est sûr qu'une meilleure offre de logements sociaux, ça peut faire en sorte
que les gens qui ont une grande difficulté
à payer leur loyer peuvent s'en sortir beaucoup mieux. Et d'ailleurs le loyer est
généralement un des postes de dépenses
les plus élevés chez les familles en situation de pauvreté, chez les personnes en situation
de pauvreté, et c'est un des postes
de dépenses qu'on ne peut pas toucher. Tu ne peux pas ne pas payer ton loyer,
tu perds ton loyer. Si tu as des problèmes
avec ton loyer, bien, tu vas moins manger, tu vas faire affaire avec des
banques alimentaires, ce qui va faire en sorte que ça va dégrader ta santé, ce qui va rendre difficile ton retour
sur le marché du travail aussi. Alors, dans
le fond, s'attaquer à la construction
de logements sociaux puis le contrôle du prix des loyers en général, ça
pourrait être favorable pour l'ensemble des personnes.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci. Écoutez, j'ai une dernière question, il
ne nous reste pas beaucoup de temps. J'aimerais
vous entendre parce que vous faites une recommandation que je trouve un peu...
je ne sais pas quoi penser, là. Quand
vous dites qu'on devrait cesser de considérer Hydro-Québec comme un moyen
permanent d'augmenter les revenus de l'État,
ce 3 milliards de revenus là, il entre pour aider la société
dans son sens large, qu'est-ce que vous préconisez si on ne fait pas ça?
M.
Petitclerc (Serge) : Bien, écoutez,
ça fait partie d'une discussion plus globale qu'on doit avoir sur la fiscalité.
Le problème avec Hydro-Québec, c'est que... Je comprends qu'il y a
un 3 milliards qui rentre, si le 3 milliards disparaît,
il faut le faire
rentrer autrement. Ça, là-dessus, on s'entend. Mais ce qu'on veut souligner, c'est
que, dans une perspective de recherche d'une certaine égalité, qui est un
des mandats de la Loi sur le développement durable, bien, hausser les tarifs
d'électricité, ça fait en sorte que les gens
les plus pauvres sont les personnes qui en subissent le contrecoup le plus dur,
c'est aussi simple que ça. Donc, si on veut avancer là-dessus, il faut passer
par nos lois.
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Nous allons passer maintenant à l'opposition
officielle. Je donne la parole au
député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. Petitclerc, M. Fournier, Mme
Larivière, merci beaucoup d'être ici. Moi, je voudrais vous entendre un
petit peu plus sur la prévalence de problèmes de santé dans le contexte du développement durable, là, autrement
dit, l'impact des changements climatiques, l'impact du smog, de la pollution urbaine,
par exemple. Comment vous voyez ça? Vous avez élaboré légèrement, je dirais, avec
le ministre tout à l'heure, mais je veux vous entendre plus, moi... Parce
qu'il y a des groupes qui sont venus ici nous parler davantage de prévention.
En tout cas, pour moi, le lien avec
la santé est important, puis, pour moi, c'est un déterminant de la lutte contre
la pauvreté. Alors là, j'essaie de rattacher tout ça au développement
durable. Je veux vous entendre davantage là-dessus puis je veux vous entendre
également nous suggérer des alternatives concrètes, là, sur ces enjeux-là.
M.
Petitclerc (Serge) : Bien, écoutez, une chose que je pourrais
peut-être dire, c'est que les directions de santé publique, à chaque fois qu'ils sortent des études
sur les inégalités sociales de santé, évidemment la pauvreté est toujours
présentée comme le principal déterminant de
la santé. Ta condition de revenus, c'est fondamental. On a vu des études
dans... Exemple, à Québec, les différences
d'espérance vie entre la Haute-Ville et la Basse-Ville... D'ailleurs, la
pollution, elle descend dans la
Basse-Ville aussi, mais il y a des différences d'espérance de vie, selon les
périodes, de huit, 10 ou 12 ans, et
ça, c'est directement lié aux conditions de vie des gens. Quand tu es plus
pauvre, tu vis moins longtemps et tu vis plus malade, et ça, ça a été démontré depuis, je dirais, des dizaines,
et des dizaines, et des dizaines d'années. Donc, c'est évident que mettre en place des politiques de
lutte contre la pauvreté cohérentes et conséquentes, c'est fondamental, surtout
lorsqu'on se retrouve dans des situations très concrètes.
Moi, j'habite en Basse-Ville de Québec, dans le
quartier Saint-Sauveur. Entre autres, on a une clinique sans rendez-vous qui risque de fermer. Si on va dans
une perspective de développement durable puis on va dans une perspective
de déplacement durable aussi, si on ferme
cette clinique médicale là, les gens vont être obligés d'aller ailleurs. Ils
vont se ramasser dans les urgences
des hôpitaux parce qu'il n'y en a pas, d'autre clinique sans rendez-vous dans
l'ensemble de la Basse-Ville de Québec. Donc, moi, je pense que ça, il y
a un lien directement sur les questions d'inégalité, puis d'inclusion sociale, puis de transport, entre
autres pour les personnes plus âgées, les personnes plus malades qui sont plus
malades parce qu'elles sont plus pauvres,
puis on leur coupe leurs services de proximité. Je veux dire, c'est tout lié.
Donc, dans une perspective plus globale de lutte à la pauvreté et de
développement durable, il faut en tenir compte.
Et, si on inclut les hôpitaux, les agences de santé, et tout ça,
peut-être qu'ils réfléchiraient autrement comment est-ce qu'ils distribuent les services dans une
région parce qu'au-delà de la quantité de personnes qu'il peut y avoir dans
un secteur d'une ville ou d'un village il y
a aussi à quel point les personnes peuvent être en situation de pauvreté, puis
ça a un effet direct sur la santé, et, si les gens se ramassent à
l'urgence, ça va coûter encore plus cher.
Le Président (M. Reid) :
Merci. M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé :
Oui. Merci. Bonjour. Il me fait plaisir d'intervenir dans le cadre de cet
échange. Vous dire que je suis fier
de faire partie d'une formation politique qui avait proposé à l'époque,
effectivement, cette loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui a été reprise
à l'unanimité. Bien sûr, il y a encore beaucoup de travail à faire. Je le
sais parce qu'avant d'être député j'étais
coordonnateur du projet de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale dans
la MRC la plus pauvre du Québec, La
Haute-Gaspésie, et je peux vous dire que ça m'anime chaque jour comme
parlementaire, ce genre d'enjeu.
À travers des revendications, évidemment, c'est
moins de front, le développement durable, que, je dirais, vos revendications
traditionnelles qui trouvent écho, à tout le moins, à l'Assemblée nationale.
C'est une occasion de les rappeler, de faire
le lien avec l'environnement. Moi, je vous dis, j'ai une préoccupation pour les
régions. Lorsqu'on parle de transport
collectif, c'est plus compliqué de mettre ça en place. C'est plus compliqué
également de vendre à la population d'une
région comme la mienne qu'il faut absolument préserver l'environnement
lorsqu'il y a des emplois qui sont en jeu. Tout le débat sur l'implantation des éoliennes, tout le débat sur
l'exploitation des ressources naturelles. On pourrait même aller en Gaspésie, l'enjeu qui s'est posé avec
cette usine qui a été annoncée dans la circonscription de mon collègue de
Bonaventure. Il y a plein d'enjeux, mais
c'est plus difficile, lorsqu'il n'y a pas beaucoup d'emplois, de mettre de
l'avant l'environnement.
• (21 heures) •
Toutefois, il
y a des petites choses qu'on peut faire. Je vais vous donner un exemple qui
implique le ministre et moi. Il y a
une époque où on a travaillé ensemble, pas si lointaine, et le ministre,
peut-être par humilité, n'en parlera pas, mais il a mis en place le café
In Vivo dans Hochelaga-Maisonneuve qui est un bel exemple où l'État
pouvait intervenir dans Hochelaga-Maisonneuve
à la fois pour l'environnement puis pour l'intégration sociale. Et ça détonnait
de ce qu'il faisait au gouvernement
du Québec, on l'a félicité pour ça, et je sais qu'il en est fier. C'est un
petit geste où l'État peut intervenir. Et
moi, je dis souvent : Avant de déplacer des montagnes, on peut commencer
par les petits cailloux et poser des gestes concrets.
Alors,
pouvez-vous nommer un certain nombre de chantiers réalisables, même à court
terme, qu'on pourrait enclencher avec le
gouvernement du Québec, qui pourraient faire une différence, faire une
différence et faire le lien entre la
lutte contre la pauvreté, la volonté que... pour que les gens puissent sortir
de la pauvreté, mais aussi de tenir compte de l'environnement, de la proximité des produits, du transport — alors, c'est un peu en deux volets, en
région c'est plus difficile
d'appliquer ce que vous dites — puis aussi des gestes qu'on pourrait poser,
concrets, qui pourraient se faire bien avant l'application de l'ensemble
de la politique?
M.
Petitclerc (Serge) : Bien, je ne peux peut-être pas nommer des projets
concrets, mais ce qui est certain, c'est qu'il y a des annonces qui avaient été faites, entre autres, sous le
précédent gouvernement pour rehausser le financement des organismes communautaires qui sont dans
différents domaines, surtout en santé et services sociaux justement. Et ces
organismes-là, qui ont déjà des manques de
financement importants, ça aurait pu les aider pour développer des nouveaux
projets, justement.
On
voit aussi — comment je
pourrais dire ça? — des
groupes qui travaillent en itinérance, qui, depuis de nombreuses années, font des représentations pour
qu'on améliore le financement de leurs organisations. Bon, on a peut-être
été capable de gagner des petits points à ce
niveau-là, mais, dans le fond, ce que je veux dire, c'est qu'il existe déjà
beaucoup de projets qui ont un manque
de financement. Et, par exemple, là, l'actuel plan de lutte contre la pauvreté
et l'exclusion sociale finit, il y
avait un fonds qui finançait les alliances pour la solidarité, les approches
territoriales intégrées. Je veux dire,
ce n'est pas parfait, évidemment, mais il y a quand même des projets
intéressants qui sont sortis de tout ça, entre autres sur des campagnes
de lutte aux préjugés. Si les fonds ne sont pas reconduits, ces projets-là vont
tomber parce que le financement de base, souvent, des organisations n'est pas
assez élevé.
Donc,
ça, c'est du concret qui peut faire en sorte que les gens puissent — les gens dans les communautés locales,
entre autres, et régionales — prendre en charge leur développement. Il y
en a plein, de projets. Il y en a plein, de projets. On est en lien avec le Groupe Concept à
Trois-Rivières qui va voir des plateaux de travail se fermer parce que,
justement, on coupe dans les mesures d'aide à l'emploi. C'est du
concret, ça.
M.
Bérubé :
J'ai du temps encore?
Le Président (M.
Reid) : Ça dépend si le député de Bonaventure veut parler
aussi...
M.
Bérubé :
Ah! très court...
Le Président (M.
Reid) : ...ça va, alors.
M.
Bérubé :
J'imagine, la question des coopératives, c'est un bel exemple où le lien peut
se faire entre, par exemple, l'enjeu de la
récupération, du recyclage. Moi, j'ai une coopérative qui s'appelle La Co. Mode
Verte dans ma circonscription qui fait
ça. Est-ce que ça ne pourrait pas être un des plus beaux liens qu'on retrouve
entre vos revendications et l'environnement puis qui pourrait se
retrouver dans une stratégie de développement durable? Toute la question des
coopératives tournées vers... Parce que j'essaie de le ramener vers
l'essentiel, là, de la stratégie qui est devant nous. Évidemment, on en fait ce qu'on veut, c'est le fruit de ce que vous
allez nous présenter puis de nos idées, mais j'essaie de faire un lien
le plus concret possible entre vos revendications légitimes historiques et
aussi les objectifs que les parlementaires ont.
M.
Fournier (François) : Je vais essayer quelque chose, c'est... La
raison pour laquelle on est ici, c'est parce que, comme parlementaires, vous avez choisi de mettre
dans la politique de développement durable des propositions qui sont liées à la lutte aux inégalités et à l'exclusion
des personnes. Nous, ça, c'est notre champ d'expertise, c'est là qu'on se
situe. Pour moi, la recherche d'une
lutte à l'exclusion, si on veut le faire, là, il n'y a pas de petit projet. Ça
ne peut pas coûter 200 000 $
puis sauver la pauvreté au Québec. Tu sais, c'est des affaires de plusieurs
milliards, c'est l'engagement de toute une société qu'il faut qui se
fasse, et ça, on va le faire par petits bouts, tu sais.
Quand
on lit l'objectif 4, ce qu'on se dit, c'est... Un, c'est assez maigre si
on veut favoriser réellement l'inclusion. Mais, si on l'inclut dans une perspective un peu plus large, on se
dit : Bon, bien, O.K., le ministère de l'Environnement décide qu'il met le pied dans ce terrain-là. Mais
il doit le faire pour vrai parce qu'il y a de la job à faire dans ce monde-là.
Puis la lutte aux inégalités de revenus, tu
sais, sociale et économique, il n'y a pas un mot... tu sais, c'est genre :
Il faut que le monde aille
travailler. O.K. «Right», mais travailler au Québec, ça ne te garantit pas que
tu sortes de la pauvreté. Travailler
40 heures au Québec, ça te garde en situation de pauvreté. Ça fait que
c'est un peu... Je comprends la tentative de le lier... Nous, le lien
avec le développement durable, c'est par cette...
Le Président (M.
Reid) : En terminant.
M. Fournier
(François) : ...c'est par ce bout-là qu'on le fait.
Une voix :
...
Le Président (M.
Reid) : Oui, vous avez...
Des voix : ...
Le Président (M. Reid) : Je n'ai pas osé vous interrompre avec l'intensité
que vous aviez, mais on a dépassé le temps. On a dépassé le temps, donc
je vais donner la parole au député, maintenant, de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel : Merci, M. le Président. Bonsoir à vous trois. Vous parlez de la pauvreté en général. Moi,
j'habite un territoire plus rural. C'est différent, la pauvreté, en
milieu rural. Il y a des villages dans mon comté où il n'y a pas beaucoup de gens qui sont sur l'aide sociale, puis
on réussit, là, tu sais, avec des HLM, à leur offrir une qualité de vie,
je dirais, plus acceptable. Il y a d'autres
communautés rurales où les conditions d'habitation, elles sont... on ne peut
pas avoir des HLM pour tout le monde,
il y a des conditions d'habitation absolument épouvantables. Quand vous faites
le diagnostic, vous apportez... Puis
ce n'est pas un jugement de valeur, là, mais souvent on voit ça en termes de...
plus noyau urbain, là, tu sais, la pauvreté en milieu urbain, qui peut
être différente en milieu rural.
Moi, je me
demandais... Ce n'est pas une pogne, là, mais je ne vous entends pas parler de
développement économique, je ne vous entends
pas parler de création de richesse. Pourquoi que ça ne fait pas partie des
pistes de solution, être un petit peu plus, là, en général, là, de
développement économique et de création de la richesse?
M.
Petitclerc (Serge) : Bien, un, ce n'est pas tout à fait,
nécessairement, dans notre mandat, mais il y a aussi le fait que la création de la richesse, là, il y en a eu,
puis il y en a eu, puis il y en a eu depuis les dernières années. Il y a eu des
périodes, oui, de recul, de crise, mais,
globalement, le Québec, depuis les 40, 50 dernières années, la création de
richesse a été incroyable, mais il
n'y a jamais eu autant d'inégalités au Québec. Alors, ce n'est pas tout d'avoir
de la création de la richesse. Parce
que je sais que, lorsque le collectif ou d'autres organisations sociales,
pendant les campagnes électorales, on
questionne les candidats, on questionne les candidates en disant : Bien,
qu'est-ce que vous allez faire comme politiques sociales?, on dit :
Oui, mais il faut créer de la richesse avant de mieux la partager.
Le
point de vue qu'on met de l'avant, c'est que la richesse existe déjà.
Justement, il faut mieux la partager. Je veux dire, tout le monde est
d'accord pour qu'il y ait plus de création de richesse, qu'il y ait
développement de meilleurs emplois, et tout
ça, mais ça, ça demande aussi des politiques publiques qui font en sorte
d'améliorer le revenu des personnes les
plus pauvres, notamment les personnes qui ne pourront jamais retourner sur le
marché du travail, de faire en sorte que les gens qui travaillent à temps plein
puissent sortir de la pauvreté, qu'on ait des services publics accessibles pour
que les gens aient accès à des mesures d'emploi, à des formations dans
toutes les régions du Québec, à des logements à prix modique dans toutes les régions du Québec, entre autres dans les milieux
ruraux. Il y a beaucoup de préjugés envers les personnes en situation de pauvreté, il y a beaucoup de mythes qui sont
véhiculés sur la pauvreté. Ça, ça pourrait demander des campagnes, des campagnes sociétales pour en
discuter, de ces mythes-là, et puis il y a toutes sortes de possibilités
à ce niveau-là.
Et on s'en va
d'ailleurs, dans les prochaines semaines, les prochains mois, probablement vers
l'adoption d'un nouveau plan de lutte contre la pauvreté. En tout cas, le
ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale va avoir la responsabilité de
le faire, puis ça serait intéressant que, dans cette perspective-là, le
ministère de l'Environnement se positionne,
intervienne, justement, sur la base de la Loi sur le développement durable pour
qu'il y ait un équilibre entre le
développement économique, le développement d'un environnement sain et le
développement d'un Québec plus juste, plus
social, moins d'inégalités. Je veux dire, je pense que c'est un... Le débat est
à faire, je pense, en bonne partie parce qu'actuellement, si on laisse
la machine aller comme elle est actuellement, les... Oxfam, là, pas plus tard
que deux à trois semaines, nous disait que,
dans pas longtemps, le 1 % des plus riches de la planète va posséder
50 % des richesses mondiales. Je
veux dire, si ça continue comme ça, je veux dire, la pauvreté, elle va être
éternelle. Je veux dire, si on veut la
réduire de façon durable, il faut s'attaquer aux questions d'inégalités, et ça,
ça demande, comme François le disait, des investissements massifs, mais
probablement de manière différente.
• (21 h 10) •
M.
Martel : Je parlais de création de richesse, mais je parlais
aussi de développement économique parce que, dans un village, s'il y a une usine, deux usines qui ferment qui
employaient 20, 30, 40 personnes, des soutiens de famille, on a des mesures pour les compenser un an. Après
ça, on s'en va directement... Ça fait que c'est pour ça que c'est important.
Moi, je comprends que ce n'est pas votre
spécialité, mais il ne faut pas l'exclure non plus des valeurs véhiculées, là,
dans le sens qu'il faut être agressif au niveau du développement
économique.
Je
veux vous amener au niveau d'Hydro-Québec. Je ne sais pas combien de temps qu'il me reste.
Vous avez raison, l'augmentation des tarifs d'Hydro-Québec... Hydro-Québec,
c'est devenu, dans le fond, un peu une vache à lait du gouvernement. On a besoin
d'argent, on augmente plus que le taux d'inflation, puis on a vu ça dans les
quatre, cinq dernières années, puis
on voit ça dans les années à venir, puis c'est vrai que ça crée une injustice
par rapport aux plus pauvres parce que
c'est un impôt, dans le fond, qu'on est en train... Mais, en même temps, Hydro-Québec, on leur dit de développer, par
exemple, des sources d'énergie comme
l'éolien où ça coûte plus cher. D'un point
de vue environnemental, ça a peut-être beaucoup de vertus, ça donne des emplois en région, mais,
en bout de ligne, on vend l'électricité à perte aux contribuables.
Le Président (M.
Reid) : 30 secondes.
M.
Martel :
Bien, allez-y.
Une voix :
Dites quelque chose.
Le Président (M.
Reid) : On met le point d'interrogation.
M.
Martel : Bien, vous
voyez l'angle que j'étais, là.
M. Petitclerc (Serge) : Tu sais, bien, c'est ça, on se le... Tu sais, on
ne veut pas être dans une perspective de dire : C'est les gens avant l'environnement, on n'est pas du tout dans cette mouvance-là. Nous, notre
préoccupation, à chaque fois qu'on
voit une hausse des redevances d'Hydro-Québec, on dit : Bon, bien, les plus pauvres vont
encore payer leur électricité plus cher, et ce sont les gens qui vivent
dans les loyers les moins bien isolés. Oui, il faudrait réfléchir à des
politiques de rénovation urbaine, à condition que les loyers des personnes les
plus pauvres n'augmentent pas trop. Et souvent,
dans les habitations à loyer modique, les coopératives, je veux dire, il n'y a
pas de recherche de profit à tout prix, donc les gens se retrouvent avec des meilleures conditions de loyer.
C'est pour ça que le logement social est aussi important.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Alors, je passe la parole maintenant au dernier
bloc réservé aux députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci beaucoup. En fait, ce que je comprends, ce que vous nous dites, c'est, un, la
pauvreté est partout. Elle n'est pas
juste en ville parce qu'en région il
y a des aînés, il y a
des personnes handicapées, il y a des femmes monoparentales qui, elles aussi, vivent, ces personnes-là, de la
pauvreté. Ce que vous nous dites, c'est qu'il y a un plan là, un plan de match, une stratégie, qu'il y a
une vision extraordinairement belle dans laquelle il y a
un équilibre entre le social, l'économique et l'environnemental.
C'est
sûr que, jusqu'à maintenant, je suis d'accord avec vous, je suis là pas mal
souvent, je me rends compte qu'on a une
oreille claire quand il s'agit d'interventions dans le plan d'action,
d'interventions au niveau des gaz à
effet de serre, on a une oreille
claire quand il s'agit de parler de développement économique, et là vous êtes
un groupe qui est venu avec votre
spécialité, hein, et vous l'avez dit, et... En fait, vous portez le nom, ça
vient avec. Et vous autres, votre développement, c'est le développement de l'égalité. Alors, est-ce qu'un peu comme nous
vous croyez que ce plan-là est un peu... disons l'aspect social, là — parce
que c'est les trois pattes, c'est comme ça qu'on en parle — est-ce
que vous trouvez que c'est, sans mauvais jeu de mots, l'enfant pauvre de
cette stratégie-là?
Mme
Larivière (Virginie) : Oui,
je dirais, très clairement, on s'est réjouis de voir qu'il y avait quand même ce souci-là de
mettre l'orientation 4, mais elle est, François l'a dit, plutôt maigre. On sent
qu'il y a une certaine volonté, mais qu'elle n'a pas l'échine dont elle aurait besoin
pour se tenir debout puis vouloir vraiment dire quelque
chose sur le plan de la lutte
à la pauvreté. Alors, oui, certainement, on pense que c'est un peu l'enfant
pauvre.
Il y a
aussi cette façon de voir le développement durable là comme trois sphères
équivalentes, égales qui doivent se positionner une à côté de l'autre et
être égales. On peut aussi penser développement durable autrement. Je suis convaincue que les experts du domaine de l'environnement vous l'ont dit, c'est un système dynamique, et il y aurait lieu de penser à ce que la sphère économique soit au
service de la sphère sociale et de la sphère environnementale avant de
présenter l'inverse, comme c'est souvent le cas en ce moment.
Mme Massé :
Un petit commentaire, j'imagine.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Rapidement, parce qu'il ne reste pas beaucoup de
temps.
Mme
Massé : Oui. Merci d'être
venus. C'est super important qu'on entende ce point de vue là. Ce n'est pas
du corporatisme que de défendre les
plus pauvres de notre société. Une perspective de développement durable, je
pense qu'on s'entend, ça inclut les personnes. Et, dans ce sens-là, je
vous remercie de nous l'avoir rappelé.
Le
Président (M. Reid) :
Merci beaucoup. Alors, merci de la contribution que vous avez
apportée à nos travaux.
Je suspends les
travaux de la commission pour permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à
21 h 15)
(Reprise à 21 h 17)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je
souhaite la bienvenue à nos invités.
Nos invités représentent la Société pour la nature et les parcs du Canada,
qu'on appelle SNAP. Alors, nous avons 10
minutes pour un exposé. Je vais tenter de vous faire un signal peut-être
une minute avant la fin pour vous aider à atterrir, si nécessaire, en
douceur, et, par la suite, nous aurons une période d'échange de 35 minutes avec
les membres de la commission. Alors, je vous
demanderais, si possible, de vous présenter et de présenter les personnes qui
vous accompagnent pour commencer. Merci.
Société pour la nature et les parcs du Canada,
section Québec (SNAP‑Québec)
M. Nadeau (Patrick) : Merci beaucoup, M. le
Président. Bonsoir, M. le ministre, Mme la sous-ministre, M. le sous-ministre associé, MM. et Mmes
les députés. On en profite pour vous souhaiter une bonne rentrée parlementaire
aujourd'hui, ça a l'air de vous faire une grosse journée.
Des voix : ...
M.
Nadeau (Patrick) : Ah oui? Oui... Donc, je me présente, je m'appelle
Patrick Nadeau. Je suis le directeur général
de la SNAP-Québec. Donc, la SNAP, c'est la Société pour la nature et les parcs.
On est un organisme environnemental. Je
suis accompagné de ma collègue à la gauche, Alice de Swarte, qui est notre
chargée de projet en conservation et analyse
politique, et puis, à ma droite, Mme Sophie Gallais, qui est chargée de projet
en aires protégées chez Nature Québec.
La
raison pour laquelle on est deux organismes ce soir à vous faire une
présentation conjointe, c'est parce qu'on est les deux organismes porteurs d'une campagne qui s'appelle Nagoya+.
Je vous résume ça en deux secondes Nagoya+, qu'est-ce que c'est. Bien, Nagoya, c'est une ville au Japon où il s'est
tenu une conférence très, très importante en 2010. C'est une conférence où on a établi les cibles
internationales en matière de protection de la biodiversité, qu'on appelle
communément les cibles d'Aichi. Donc, c'est
une série de 20 cibles qui, dans le fond, sont reconnues par la communauté
internationale, qui visent à protéger la
biodiversité. Donc, Nagoya+, en fait, c'est une campagne qui vise à faire
connaître ces cibles-là et, en fait, à encourager le Québec à atteindre
et, voire, à dépasser ces cibles-là, d'Aichi.
Donc,
vous allez voir, ce soir, qu'en fait toutes nos recommandations sont pensées un
peu dans ce prisme-là. Elles passent
vraiment toutes par le prisme de la biodiversité, et on croit que ça vaut
vraiment la peine d'insister là-dessus. Je pense que, si je peux vous faire une petite citation de deux phrases qui
résume pas mal le contenu de notre intervention ce soir, c'est que «la préservation de la
biodiversité ne doit pas être perçue comme une contrainte au développement,
mais au contraire comme un moyen
privilégié de mettre en oeuvre le développement durable. La biodiversité doit
être reconnue comme étant "le
fondement de la productivité économique, de la prospérité et du développement
durable".» Et c'est très bien dit. Ce n'est pas nous qui le disons, en
fait c'est le secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, qui a
son siège à Montréal, d'ailleurs, et qui est justement la convention,
là, qui encadre ces cibles-là internationales.
• (21 h 20) •
Donc,
juste quelques mots sur la biodiversité avant de passer la parole à mes
collègues. Je pense que c'est important de vous rappeler qu'en fait,
lorsqu'on parle de biodiversité, là, on ne parle pas seulement d'un enjeu qui
interpelle un ministère, là, qui interpelle l'Environnement, c'est beaucoup, beaucoup plus large que ça. Donc, oui, on parle d'environnement, on parle de faune, mais la raison pour laquelle on est ici ce soir,
c'est pour vous rappeler qu'il y a de nombreux ministères et organismes qui sont interpellés. On peut penser
au Tourisme, on peut penser à l'Agriculture, on peut penser aux Transports, tous ces
ministères-là sont interpellés d'une manière ou d'une autre par la
biodiversité.
Je
veux vous rappeler également que la biodiversité soutient directement les emplois dans de nombreux domaines comme l'agriculture, la pêche, la foresterie, les biotechnologies,
les pharmaceutiques. Et la biodiversité, bien sûr, joue un rôle très important dans l'atténuation des changements climatiques, qui, comme vous le savez, est une priorité, là,
pour notre société.
Donc,
je vais laisser... Bien, en fait, peut-être, en terminant, je vais terminer mon intervention
par notre première recommandation, qui est tout
simplement de reformuler la vision de
la stratégie pour inclure, justement, cette notion de préservation de la biodiversité, puisque c'est le fondement même de tout
ce qui se discute dans cette stratégie. Je vais passer la parole à ma collègue
Alice.
Mme de Swarte (Alice) : Bonsoir. Donc, pour poursuivre le propos entamé
par Patrick, concernant la formulation de
l'orientation 3, donc, évidemment, on se réjouit d'avoir une orientation dédiée à la biodiversité dans la stratégie révisée sur le développement
durable et puis on est aussi bien
contents de voir que la complémentarité entre le développement économique et la conservation de la biodiversité est bien
soulignée dans le texte. Ceci dit, si on pouvait corriger la formulation
de la recommandation 3, qui nous paraît un peu alambiquée, on a l'impression
que la conservation de la biodiversité apparaît
comme une contrainte à la gestion des ressources
naturelles... Alors, ça peut paraître
un point de détail, mais on vous
encourage à reformuler l'orientation 3 afin de dire que, donc, il faudrait protéger la
biodiversité et gérer les ressources
naturelles de façon responsable afin
d'être sûr de ne pas présenter la protection de la biodiversité comme une
contrainte.
Par ailleurs, notre
message principal ce soir, finalement, c'est que la biodiversité, c'est vraiment
le socle du développement durable. Et, comme l'a dit Patrick, tous les ministères et
organismes gouvernementaux sont concernés par les enjeux de conservation
de la biodiversité. Par exemple, pour le ministère de l'Occupation du territoire
et des Transports, on pourrait penser à la mise en place de trames bleues et
vertes; pour le ministère de la Santé, la mise en place d'îlots de fraîcheur. Donc, vraiment, la biodiversité doit
être conçue comme un enjeu absolument transversal, et c'est pour ça qu'on recommande qu'il y ait une action incontournable qui
soit ajoutée pour les ministères et organismes gouvernementaux, donc, pour que tous ces ministères et ces organismes
participent à la conservation de la biodiversité.
Et par ailleurs on
voudrait aussi souligner qu'il est crucial que les volets de conservation de
plans comme le Plan Nord ou la stratégie maritime, qui sont,
effectivement, des plans très conséquents pour le Québec,
que les volets de conservation soient
consolidés et, évidemment, mis en oeuvre. Et d'ailleurs on se permet aussi
de rappeler que le Vérificateur général,
donc le Commissaire au développement
durable, dans son dernier rapport sur
la Loi sur le développement durable
et la précédente stratégie de développement durable, soulignait que les plans d'action de développement durable qui avaient été, donc, mis en place par les différents ministères et organismes
n'avaient pas permis aux organes gouvernementaux de contribuer au développement
durable. Donc, vraiment,
on insiste pour qu'ils prennent plus part à la conservation de la biodiversité.
Pour
continuer avec une autre recommandation du Vérificateur
général dans le cadre de la révision
de la stratégie, il soulignait dans
son dernier rapport que la précédente stratégie avait été assez vague, disons
que ça manquait un peu de cibles et d'objectifs
mesurables pour vraiment évaluer les progrès qui avaient été réalisés.
Selon nous, la nouvelle stratégie qui
est proposée reprend un peu cette faiblesse. En tout cas, c'est le cas pour
l'orientation 3. On reste avec des objectifs assez larges et peu de cibles mesurables. C'est notamment
pour ça qu'on recommande que les cibles d'Aichi, qui comportent
plusieurs objectifs chiffrés, soient incluses dans la nouvelle stratégie.
À l'objectif 3.2, donc, dans
l'orientation concernant la biodiversité, on nous parle donc que
l'établissement de nouveaux parcs et
d'aires protégées doit se poursuivre. Pourtant, on a des objectifs d'aires
protégées pour 2015 qui existent. Là,
donc, la stratégie, bien, elle est de 2015 à 2020, on pense que c'est une excellente
occasion d'arrimer la stratégie sur le développement durable avec les
objectifs d'Aichi, voilà, qui nous permettraient à la fois d'avoir des cibles
qu'on va pouvoir suivre... Ça nous permet
d'évaluer nos progrès, d'évaluer l'efficacité de nos politiques publiques. Et,
en même temps, comme on l'a dit,
étant donné qu'on a le secrétariat de la convention pour la biodiversité à
Montréal, c'est aussi une façon d'affirmer notre leadership sur la scène
internationale en matière de conservation de la biodiversité et de développement
durable. Et je cède la parole à Sophie Gallais.
Mme Gallais (Sophie) : Donc, pour conclure rapidement, on voulait aussi terminer avec une notion, un
peu, du défi, là, de mettre en oeuvre
le développement durable. Pour nous, il y en a plusieurs. Quand on
regarde, justement, l'aspect de
gérer durablement les ressources, donc il y a l'objectif 3.1 qui préconise
l'adoption de pratiques et de modes de gestion responsables des ressources naturelles. Donc, il y a eu des initiatives
qui sont faites pour, justement, adopter des initiatives et des pratiques de gestion responsable des
ressources naturelles. On peut penser à la loi sur l'aménagement durable des
forêts. Cependant, on pense qu'il y a encore
des choses à accomplir au niveau de la mise
en oeuvre et de l'évaluation. Justement,
on attend toujours, par exemple, la stratégie d'aménagement durable
des forêts, le règlement sur l'aménagement durable des forêts. Donc, on insiste dans la recommandation 6 pour intégrer adoption, mise en oeuvre et évaluation
des pratiques et des modes de gestion responsable des ressources
naturelles.
Ensuite
aussi, au niveau des outils dont on peut se doter pour mettre en
oeuvre le développement durable, il y a un outil qui nous semble aussi intéressant et, peut-être,
qu'on devrait mettre plus de l'avant qui est l'évaluation environnementale
stratégique. On pense que c'est un outil
essentiel pour pouvoir évaluer, dans le fond, des projets aussi d'envergure
dans une... On parlait tout à l'heure
du Plan Nord, de la stratégie maritime, le développement du
secteur des transports, par exemple,
sur un territoire aussi vaste que le territoire du Plan Nord,
l'ouverture de ce territoire-là, les impacts que ça peut avoir sur la biodiversité, mais sur d'autres
aspects aussi, on considère que c'est majeur. Donc, on devrait se doter d'un outil tel que l'évaluation environnementale
stratégique pour pouvoir mesurer tant les impacts et les bénéfices, si on veut,
de tels projets d'envergure.
Puis,
pour conclure — un
peu, ça concerne peut-être plus l'évaluation, un petit
peu, de cette stratégie de développement durable — il y a des indicateurs de développement
durable qui ont été développés.
Concernant le volet de la biodiversité, il y en a deux : la
superficie du territoire en aires protégées et la représentativité du réseau
d'aires protégées sur les différents types de milieux physiques. Sans vouloir
faire trop de technicalités autour de ça, mais on considère que ça devrait aussi être bonifié pour s'assurer aussi que les
indicateurs... Même si ce sont de bons indicateurs, on devrait notamment distinguer les aires
protégées en milieu terrestre, en milieu marin. On a des objectifs différents,
on devrait se permettre de les suivre. On devrait également s'assurer que ces
aires protégées là permettent...
Le Président (M.
Reid) : En terminant, on a vraiment dépassé le temps, là.
Mme Gallais (Sophie) : Pardon. Juste, c'est ça, s'assurer que les aires
protégées permettent aussi le maintien des espèces menacées et
vulnérables. Donc, ça termine. Merci.
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Alors, vous pourrez aller un
petit peu plus loin dans les
échanges. Nous allons commencer la période d'échange. M. le ministre, vous
avez la parole.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir. Merci de votre présentation ainsi que
pour votre mémoire. Je ne sais pas, madame, vouliez-vous terminer?
Mme Gallais
(Sophie) : J'ai conclu rapidement, mais ça va aller, je vais vous
laisser...
M. Heurtel :
Non vraiment? Ça arrivait à point?
Mme Gallais
(Sophie) : Oui.
M. Heurtel : O.K. Parfait. Au niveau de la biodiversité,
j'essaie, depuis le début des travaux de la commission, de faire des liens avec la lutte contre les
changements climatiques. Dans votre contexte, je crois que c'est assez clair
qu'il y a un lien, peut-être l'approfondir. Commençons avec ça.
M. Nadeau
(Patrick) : Je peux me
lancer pour commencer. C'est certain que c'est une très bonne question, puis
il y a plusieurs liens à faire. Pour
travailler beaucoup dans le milieu boréal, notamment,
je peux vous dire que c'est quelque chose
qu'on néglige assez souvent, mais les écosystèmes boréaux au Québec,
c'est vraiment des réservoirs de carbone. Donc, pour que ce système-là fonctionne, pour qu'effectivement notre
forêt boréale agisse comme réservoir de carbone et, donc, un outil, là, dans la lutte contre les changements
climatiques, il faut que ces écosystèmes-là, si vous voulez, fonctionnent.
Donc, il faut que la fonctionnalité des
écosystèmes soit maintenue. Puis, pour ça, bien, comment on fait ça? Bien, il
faut protéger la biodiversité. Donc,
la biodiversité, c'est ce qui donne la fonctionnalité à ces écosystèmes-là. La
première chose qui me vient en tête,
c'est certainement le maintien de ces puits de carbone là qui
sont... En fait, c'est l'écosystème qui en capte
le plus à l'échelle de la planète, la forêt boréale. Donc, ce n'est pas du tout
à négliger, puis c'est sûr que ça passe par la protection de la biodiversité.
• (21 h 30) •
M.
Heurtel : J'aimerais vous
entendre, il y a de plus en plus de projets pilotes à travers la planète...
Puis je suis sûr que vous connaissez
ça beaucoup plus que moi, mais j'aimerais vous entendre, justement,
sur les réservoirs de carbone. Que ce
soit au niveau des forêts plus particulièrement, justement,
ces aires protégées là, le fait qu'elles ne sont pas exploitées, donc ça garde le carbone capturé, si vous me
permettez l'expression, ça empêche, justement, d'émettre le carbone qui serait émis si on exploitait des forêts, ou des
mines, ou... Bon. Et là il y a plusieurs projets pilotes qui... Voilà une opportunité
de donner une valeur économique,
c'est-à-dire qu'on pourrait vendre, justement, le fait... Ça a une valeur, on donne une valeur économique à ce carbone qui n'est pas émis, et donc ça peut
être vendu comme des crédits dans une perspective de marché du carbone.
Je
ne sais pas si je résume bien, vous pourrez le faire beaucoup
mieux que moi, mais est-ce que c'est quelque
chose qu'on pourrait envisager?
Justement, quand on parle du 50 %
du territoire du Plan Nord qu'on va mettre de côté, qu'on n'exploitera pas, quand on regarde, justement, notre
régime d'aires protégées, est-ce que vous, dans votre expérience — puis je sais que vous êtes des experts dans ce domaine-là — vous voyez là une avenue à explorer pour,
justement, nous permettre non
seulement d'aller tirer un avantage économique, justement, de cette
biodiversité-là, mais, en plus de ça, de voir une source de revenus
intéressante pour, justement, permettre de maintenir, d'entretenir ces aires
protégées là?
M. Nadeau (Patrick) : Je pense que c'est une avenue très intéressante. En toute candeur, là,
je ne pense pas qu'on peut se
prononcer experts sur ça. Puis le je sais qu'à l'échelle internationale il y a
des discussions qui ont cours, et puis je pense que c'est une piste intéressante parce que, justement, au Québec,
ici, on a la chance de compter d'énormes superficies de ces réservoirs-là. Il faut quand même voir que
ce n'est pas la même chose, par exemple, que la forêt amazonienne, en ce
sens où, nous, nos réservoirs sont vraiment situés dans le sol, tandis que,
lorsqu'on parle d'une forêt tropicale, par exemple,
là le carbone est vraiment stocké dans les arbres, dans ce qu'on voit. Nous,
ici, c'est vraiment stocké dans les sols.
Donc, c'est à partir du moment où on perturbe les sols qu'effectivement il y a
une libération de carbone. Donc, dans la mesure où on est capables de prouver
qu'on a réussi à éviter cette perturbation-là, qu'on a réussi à éviter les
émissions, c'est sûr que, pour nous,
je veux dire, il y a un bien commun. D'emblée, c'est positif de pouvoir faire
ça. En plus, si la communauté
internationale évolue pour pouvoir monnayer ça, ce n'est pas nous qui allons
vous dire de ne pas le faire. Je pense que ça serait... on serait
chanceux de pouvoir compter là-dessus ici.
M. Heurtel :
Donc, c'est quelque chose à explorer.
M. Nadeau
(Patrick) : Tout à fait.
M. Heurtel :
Bon.
Une voix :
...
M. Heurtel :
Oui, pardon?
Mme de Swarte (Alice) : Je voulais simplement faire un petit ajout, que,
je pense, toute cette question, ça se situe aussi... bien, surtout le débat qu'il peut y avoir sur la valeur...
essayer de monétariser, finalement, ou de donner des estimations très précises des biens et services
écosystémiques, on n'est pas positionnés là-dessus, c'est une des questions,
justement, qu'on se pose, je pense,
qui est à creuser, que... Nous, on s'apprête à faire ça dans le cadre de nos
travaux, notamment par rapport aux
cibles d'Aichi, mais, je pense, c'est effectivement une question qui doit être
posée et autour de laquelle on doit
travailler, étant donné qu'on a, justement, ces richesses-là, voilà. La
question de quelle valeur elles ont, et, en sachant que ça peut avoir des biais aussi, tout n'est pas
monétarisable et monnayable, mais, en tout cas, nous, on est tout à fait
prêts à faire partie de cette discussion et à essayer de trouver une réponse
conjointe.
M. Heurtel :
Merci.
Le Président (M.
Reid) : M. le député de Dubuc.
M.
Simard : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je veux saluer M.
Nadeau, que j'ai rencontré dans le comité... ou encore appelons-le le comité
des partenaires, là, du Plan Nord. La première version du Plan Nord, M. le Président, beaucoup de rencontres là-dessus.
Maintenant, c'est très clair qu'on parle un petit peu ce soir de, je vous
dirais, propos qu'on a déjà eus à ce moment-là lorsqu'on parlait de développer
le Nord-du-Québec.
Maintenant, pour ceux
qui nous écoutent, pouvez-vous m'expliquer... Parce qu'en réalité, lorsque les
gens entendent parler d'aires protégées, il y en a qui sont très heureux, mais
je vais vous dire que ce n'est pas la grande majorité
de la population. Vous le savez comme moi, vous travaillez là-dedans, on dit
que c'est... Vous êtes des spécialistes, donc vous savez un petit peu de quoi je parle. Pouvez-vous expliquer
pour ceux qui nous écoutent — lorsqu'on
parle d'une entité qui respecte le développement durable pour un milieu,
les gens sont inquiets — c'est
quoi que ça fait, une aire protégée, pour un
milieu? Est-ce que c'est intéressant d'avoir ça, une aire protégée ou encore c'est un
handicap? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Étant donné que vous êtes des spécialistes, je pense que c'est important
pour la population qui nous écoute, tout au moins, d'avoir
une information de spécialité.
Mme Gallais (Sophie) : Bien, je pense qu'en effet c'est une question
très intéressante, puis ça soulève des inquiétudes, oui, qui sont ressenties par une
bonne partie de la population aussi. En ce qui concerne les apports, là, des
aires protégées, là, bien, on considère
qu'ils sont multiples, là, même pour la société, si on veut. Premièrement, on a souvent
l'image de la cloche de verre, là, c'est ça,
les fameux territoires où on ne peut rien faire, on n'a plus accès, mais il
faut savoir qu'il y a
quand même une gamme complète, là, d'aires protégées, là. Il y en a
dans lesquelles on continue de chasser. Les gens ont leurs chalets encore dans des réserves de biodiversité, par exemple, dans les parcs nationaux, qui sont peut-être aussi le fleuron,
là, de l'industrie presque récréotouristique québécoise, là. On sait que ça
apporte énormément aussi de retombées
économiques pour les régions, les parcs nationaux du Québec.
Donc, je pense que rien qu'en illustrant à travers ces deux exemples-là on peut voir aussi les
retombées importantes que ça peut avoir sur une économie,
sur la diversification d'une économie régionale. Quand on parle aussi
d'une économie qui est basée plus sur l'exploitation des ressources naturelles, bien, de diversifier, par exemple, avec le récréotourisme, c'est un atout qu'on doit avoir, là, dans
notre... et qu'on peut se permettre
d'avoir, en fait, au Québec avec les écosystèmes à protéger. Donc, je
commencerais par ça, je laisserais la parole à Patrick pour compléter.
M. Nadeau (Patrick) : Bien, je pense que ça fait très bien le travail.
J'ajouterais cependant que c'est sûr que, nous, les aires protégées — puis
ça, c'est démontré hors de tout doute — c'est
le meilleur outil pour conserver la biodiversité, c'est certain. Cependant, ce n'est pas le
seul outil, puis, nous, ce n'est pas le seul outil qu'on promouvoit non plus.
Puis je pense que, lorsqu'on regarde
les cibles d'Aichi, il y a en toutes sortes, d'outils qui sont utiles. Tu sais,
on peut penser, par exemple, aux espèces envahissantes, je veux dire, il y a
toutes sortes d'enjeux qui tournent autour de la biodiversité, ce n'est
pas juste un seul outil qui s'appelle les aires protégées qui va venir régler
ça. Mais la préoccupation que vous soulevez
est intéressante. Je
pense que les régions ont eu à se la
poser, cette question-là, ils se la posent encore, tout à fait, justement parce que l'enjeu n'est pas terminé.
Donc, le réseau d'aires protégées n'est pas complété au Québec. Donc, c'est
sûr qu'il y a des questions.
Mais
je peux vous parler rapidement d'un processus qu'on a beaucoup suivi qui est
celui qui a été mené par les élus au
Bas-Saint-Laurent. Je veux dire, à ce moment-là, c'était la CRE qui menait un
processus régional d'identification d'aires
protégées. Nous, c'est un processus qu'on a salué, non seulement la démarche,
la consultation qui est venue avec, mais
également le résultat. Je veux dire, à un moment donné, lorsque c'étaient les
CRE, à ce moment-là, qui avaient pris la décision, là on parle vraiment des élus locaux, là, qui prennent les
décisions, qui reconnaissent l'importance de la biodiversité, ils ont nommément parlé des d'Aichi, dont on vous
parle ce soir, et puis ils ont reconnu l'importance des aires protégées en quelque part. Ça fait que je pense, eux, c'est
les mieux placés pour le savoir, qu'il faut aller chercher un équilibre en
quelque part. Donc, c'est ce genre d'équilibre là qu'on recherche.
M.
Simard : Merci, M. le Président. J'ai encore une autre question. C'est
parce que moi, je demeure... dans mon comté,
M. le Président, je fais le tour d'un parc, O.K.? Toutes mes municipalités sont
toutes alentour d'un parc, puis je vais vous dire que toutes mes municipalités viennent dans mon bureau, puis,
après ça, ils essaient de travailler avec le parc, c'est extrêmement compliqué. La raison, c'est que,
bon, les habitants voudraient, tout au moins, profiter des retombées économiques du parc, et c'est très difficile.
Honnêtement, je dois vous dire, s'il y avait des choix à faire aujourd'hui, ils
se débarrasseraient du parc. La
raison, c'est une raison économique, une raison qu'ils ne sont pas capables de
gagner leur vie, une raison qu'il n'y
a pas de collaboration. Et est-ce que c'est comme ça? Vous avez l'expérience de
ça. Moi, j'en ai un chez nous, mais
je ne sais pas si c'est comme ça partout au Québec ou partout dans le monde.
Mais vous avez sûrement des choses
que vous avez vues qui pourraient peut-être servir, moi, aux gens de chez nous.
Je viens que je ne sais plus quoi leur dire, ça fait que j'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Nadeau (Patrick) : Bien, écoutez, spécifiquement sur la question des parcs, je dois vous
dire que ce n'est pas les chiffres
que nous, on a. En fait, je pense que les parcs, de façon générale, à l'échelle
du Canada, lorsqu'on injecte 1 $ dans un parc, c'est 5 $ dans
l'économie locale qui sont créés indirectement. Donc, pour nous, en fait, c'est
une valeur ajoutée. Bon, là, je ne peux pas commenter un cas en particulier,
mais c'est sûr qu'il y a une valeur ajoutée. Puis les parcs nationaux, spécifiquement là où il y a, tu sais, une valeur
ajoutée au niveau du tourisme, ça, c'est certain que, nous, ce qu'on
constate, en tout cas, à l'échelle québécoise, à l'échelle canadienne, c'est
que oui, il y a une valeur ajoutée.
Je
pense que c'est une discussion à avoir. À partir du moment où les gens chez
vous ne voient pas cette valeur-là,
bien, je pense que le dialogue doit
se faire. Parce que, comme on le disait tout à l'heure, le réseau d'aires protégées n'est pas complété, puis il va y en avoir d'autres. Donc, comment on fait pour
implanter ça dans un maximum d'harmonie? Bien, c'est sûr qu'il va
falloir en parler, de cette mise en valeur là et des retombées possibles.
• (21 h 40) •
M.
Simard : Parce que
la raison de mes questions, M. le
Président, à M. Nadeau et puis, bien sûr,
à ses collègues, c'est que, si on
veut être en mesure, à l'intérieur d'une stratégie qui n'est pas une...
Oui, c'est une stratégie gouvernementale, mais
on travaille pour des gens, on travaille pour les citoyens,
on travaille pour ceux qui nous ont nommés là où on est, et puis il faut s'assurer tout au moins qu'on a les
bonnes orientations et qu'on est capables d'avoir les argumentaires pour
faire la démonstration que ce qu'on va prendre comme décisions, ce seront des
décisions éclairées, en fonction de l'importance
que, normalement, ces gens-là devraient y voir, et c'est la raison
pour laquelle je vous pose ces questions-là. Et
il y a une très mauvaise compréhension de la population par rapport à ce que vous essayez de protéger, mais il faut... Je le dis dans mes mots, là, mais ceux qui m'écoutent
me comprennent. Ça fait que c'est pour ça que c'est très important que
vous... Vous avez beaucoup, je vous dirai, d'enseignements à donner à ce
niveau-là. Voilà, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Reid) :
Voulez-vous commenter? Oui?
M. Nadeau
(Patrick) : On le sait.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme de Swarte (Alice) : Bien, j'ai
un...
Le Président (M. Reid) : Oui?
Mme De
Swarte (Alice) : ...tout petit commentaire. Juste pour répondre, c'est justement bien pour ça qu'on vous invite aussi à participer avec nous à cet effort. Notamment,
il y a un point de l'orientation 3 qui dit, justement, qu'il faut
mieux promouvoir les retombées économiques, sociales et culturelles des biens
et services écologiques. Quand on dit qu'il
faudrait que tous les ministères et organismes gouvernementaux participent à la
conservation de la biodiversité, c'est aussi
participer à cette valorisation des services que nous rend la nature, et je
peux vous dire que, nous, c'est bien ce qu'on essaie de faire tous les jours, de faire passer ces messages-là. Alors,
si vous voulez en être le relais, on sera les premiers à s'en réjouir.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, je vais passer la parole maintenant au député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors,
bienvenue. Il me fait plaisir de vous recevoir à cette heure tardive, mais qui nous permet de terminer
cette journée avec vous sur des enjeux extrêmement importants, sur la biodiversité. Évidemment, je ne peux pas faire
autrement que de questionner sur la cohérence de l'action gouvernementale.
Quand on a une nouvelle comme aujourd'hui
sur l'abolition de 100 postes au ministère de la Faune qui touche, entre
autres, des biologistes, des
techniciens qui travaillent, justement, au rétablissement des espèces menacées,
alors est-ce que vous trouvez qu'il y
a cohérence quant à la volonté du gouvernement de faire une stratégie
gouvernementale 2015-2020 sur le développement durable, mais que, par
ailleurs, il y a des mesures qui sont prises dans des ministères et qui
affectent, justement, la biodiversité? Parce
que les 100 postes qui ont été annoncés aujourd'hui... en tout cas, qui
faisaient l'objet d'une nouvelle, c'étaient, justement, des postes
dédiés au rétablissement, entre autres, des espèces menacées. Alors, comment vous voulez amener le gouvernement à avoir
une action cohérente qui lui permette d'avoir une grille d'analyse sur
la base du développement durable, incluant la biodiversité, empêchant des
gestes comme celui-là?
M. Nadeau
(Patrick) : Écoutez,
je pense que les cibles d'Aichi, c'est un peu, je vous
dirais, de ce temps-ci, c'est un peu
notre bible, là. Lorsqu'on regarde ces 20 cibles là, je pense
qu'il y a là la recette pour mettre en oeuvre le rétablissement et le maintien de la biodiversité.
Et ce n'est pas, je le répète, ce n'est pas l'affaire d'un seul ministère, tous les ministères doivent être impliqués dans la protection
de la biodiversité. Puis, encore là, je
pense que c'est important
pour tous les élus de comprendre que,
selon l'ONU, carrément, la biodiversité est le fondement même de la
productivité économique, de la
prospérité et du développement durable. Ça fait qu'une fois qu'on a dit ça, je
pense qu'on a un peu tout dit, là. Si
on ne s'attarde pas à protéger la biodiversité, bien, on s'attaque carrément à
la productivité économique et tout le reste. Donc, non, il faut
absolument rétablir la biodiversité, je pense que ça va de soi.
M.
Gaudreault : Maintenant,
je voudrais vous entendre un peu plus
sur la question de la Loi sur la qualité de l'environnement. Vous dites dans votre préambule que vous endossez les
recommandations des groupes environnementaux, qui disent : «Procéder rapidement à la modernisation de la Loi sur
la qualité de l'environnement, celle-ci étant un outil essentiel pour
[assumer] la mise en oeuvre du développement durable.»
Je ne me
souviens plus si vous le reprenez comme tel dans vos recommandations, mais, peu
importe, j'aimerais ça, vous entendre
plus là-dessus, en quoi nous devons la modifier pour vraiment soutenir votre
objectif, qui est la biodiversité. Puis
j'essaie de faire un peu de pouce avec vos autres recommandations, est-ce que
c'est également, comme vous le dites à
votre recommandation 7, pour y intégrer obligatoirement, si on veut, les
évaluations environnementales stratégiques?
Mme de
Swarte (Alice) : Tout
d'abord, par rapport à cette plateforme commune des groupes environnementaux,
effectivement, ce qu'on a mis en préambule
de notre mémoire, c'était simplement pour se... Comme on avait vraiment
focussé notre présentation sur les enjeux vraiment liés à la biodiversité, on
tenait quand même à se faire écho des recommandations
des autres groupes environnementaux. Donc, on a détaillé ici notamment, donc,
sur s'assurer d'allouer les fonds et
les moyens nécessaires au ministère du Développement durable pour qu'il puisse
remplir sa mission, effectivement,
s'assurer que le reste du corpus législatif permette de mettre en oeuvre cette
stratégie et puis aussi de mieux reconnaître l'apport des groupes
environnementaux sur toutes ces questions-là.
Je ne
pourrais pas rentrer dans le détail des modernisations à apporter à la Loi sur
la qualité de l'environnement. Encore
une fois, c'était un peu un relais qu'on voulait faire pour les autres groupes.
Mais, de façon générale, effectivement, on pense, il y a plusieurs
modernisations à apporter à notre corpus législatif. Le cas de l'EES est
particulièrement probant. L'EES, donc
l'évaluation environnementale stratégique, c'est un mécanisme d'évaluation qui
est reconnu internationalement, qui a
démontré ses atouts et qui, malheureusement, est un peu sous-utilisé et surtout
pas très encadré au Québec. On pense que
c'est un manque, vraiment, et que, si on pouvait intégrer l'EES comme un
mécanisme systématique d'évaluation environnementale, ça serait vraiment
un gain, notamment parce que c'est vraiment une technique, si vous voulez, que, dans l'optique de s'assurer vraiment
qu'on... surtout les enjeux de mise en oeuvre, est-ce qu'on a les bons outils, est-ce qu'on a les bons
indicateurs, s'assurer qu'on va dans le bon sens, qu'on réalise des progrès.
On pense que l'EES,
c'est vraiment l'outil de choix, de prédilection, encore une fois, qui a fait
ses preuves partout dans le monde et qu'on pourrait beaucoup mieux
intégrer ça au Québec dans nos méthodes.
Le Président (M.
Reid) : Oui. Alors, maintenant, M. le député de
Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Merci, M. le Président. Je suis un député du
Bas-Saint-Laurent, alors j'étais ravi de vous entendre parler de l'exemple de ma région quant à la
concertation menant à la réalisation de projets d'aires protégées, en
particulier celui sur la réserve
Matane. Et c'est le fruit de comités de citoyens qui se sont réunis à de
multiples reprises à leurs frais pour
monter des projets qu'ils ont ensuite présentés à un comité de la conférence
régionale des élus. Il y a eu les échanges, il y a eu des ajouts, des modifications. Et ensuite je me souviens, comme
ministre responsable de la région du Bas-Saint-Laurent, avec mon collègue de l'époque ministre de
l'Environnement, on nous a déposé les projets, sept projets pour
765 kilomètres au Bas-Saint-Laurent qui faisaient consensus à la
fois du côté des élus et des groupes.
Évidemment,
ce n'était pas tout ce qui a été demandé. Dans le cas de la réserve Matane, on
demandait 400 kilomètres, c'est 186 kilomètres qui ont été
octroyés. Mais, quand même, il faut savoir qu'il y a des industries qui
s'opposaient farouchement à tout projet
d'aire protégée, et souvent c'est les élus qui ont défendu les projets devant
les entreprises en forêt. Il fallait
le faire! Drôlement audacieux dans une région qui a un taux de chômage élevé.
Alors, j'étais heureux que vous parliez
de ce modèle-là parce qu'au Bas-Saint-Laurent je considère qu'on a fait preuve
de maturité, et j'espère que le projet de la réserve Matane sera accepté
par le ministère puis qu'on pourra aller de l'avant.
J'aimerais
entendre de votre part votre appréciation de tous les efforts qui ont été
consentis versus les cibles qui ont
été fixées par le gouvernement du Québec quant à la réalisation des aires
protégées et nous parler aussi de la plus-value. Vous en avez parlé. Chez nous, c'est le coût d'opportunité. C'est la
meilleure chose à laquelle on renonce. Et l'industrie forestière, il y a des emplois très concrets, mais
on est convaincus qu'on peut en créer dans d'autres secteurs d'avenir.
Alors, pouvez-vous nous parler davantage, là, faire un état de situation du
dossier des aires protégées?
• (21 h 50) •
Mme Gallais (Sophie) : Bien, oui, pour commencer, c'est ça, pour parler
du dossier, en effet, au Bas-Saint-Laurent, ce qui a été, je pense, en effet, porteur, c'est le rôle clé que la CRE
a joué dans ce dossier-là. Je pense, il y a
eu un travail colossal qui a été
effectué. Puis aussi tout ça, quand
même, découle du rôle aussi du ministère de l'Environnement, qui a décidé aussi, pour la création de
nouvelles aires protégées, de passer par une certaine régionalisation,
d'impliquer les gens, d'impliquer les
intervenants locaux pour se dire, bon, bien, qu'est-ce qu'on va protéger
sur le territoire, et on va le décider ensemble, là, sur la base de
critères écologiques, quand même, sur la base d'une certaine rigueur, puis ces
exercices sont passés dans toutes les régions.
Au Bas-Saint-Laurent, on pense que ça a été un
très bon succès, l'implication de la conférence régionale des élus, du Comité régional sur les aires
protégées, des comités de citoyens comme, justement, le comité de sauvegarde
des monts Chic-Chocs, qui s'est impliqué beaucoup
pour la protection des monts Chic-Chocs. Donc, je pense que la consultation aussi publique qui a eu lieu dans plusieurs municipalités puis dans plusieurs villes... Il y a eu, il me semble, une tournée
de cinq consultations publiques à
cette époque-là, ce qui a été quand
même un exercice majeur, là, qui a
été fait pour en arriver à une proposition qui faisait quand même un
certain consensus, là, régional.
Donc,
pour nous, c'est une démarche qui est inspirante, puis je pense que d'autres
régions administratives aussi ont
emboîté le pas. Puis je pense que c'est quand même assez encourageant,
surtout que, dans le Bas-Saint-Laurent, on sait aussi
qu'il y a quand
même à peu près 50 % du territoire qui est sur terres privées,
50 % qui est de tenure publique. Donc, c'était un défi aussi d'atteindre des cibles de 12 %. On le sait,
que ça a été un enjeu aussi. Donc, je pense que, compte tenu de toutes ces données-là et, en effet, des
réticences de certaines industries forestières, ça a été quand même un succès.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Merci beaucoup. il ne reste plus de temps. Je
passe la parole maintenant au député de Groulx.
M.
Surprenant : Je vous remercie, M. le Président. Alors donc, la biodiversité est essentielle,
donc, au maintien de la vie. Bon, il faut donc utiliser les ressources de façon
durable pour maintenir cette biodiversité-là. Alors, j'ai quelques questions à ce sujet-là. Est-ce que
l'inventaire québécois est complet? On parle, entre autres, là, du Plan Nord,
qu'on veut peut-être mettre un 50 % en aires protégées, mais comment ça va se faire? Est-ce qu'il y
a un inventaire qui est complet ou ça
va se faire de façon aléatoire, cette protection-là? Et on parle, des fois, de
protéger des zones vertes, mais la biodiversité, ça va plus loin que ça.
Alors, où en sommes-nous?
Mme Gallais (Sophie) : Bien, pour commencer, aussi, là-dessus, c'est sûr
que c'est un vaste territoire, le territoire du Plan Nord, entre autres. Donc, la connaissance s'améliore, il y a des
projets d'acquisition de connaissances en milieu nordique qui existent, là, que le gouvernement participe, là, la place
de la biodiversité nordique, etc. Mais c'est certain que, dans un si vaste territoire, ça demande déjà,
premièrement, beaucoup de ressources, mais, en plus, ça va aussi certainement
demander une certaine priorisation. Puis on
parle beaucoup aussi de planification écologique du développement du Nord,
de se dire : Bon, bien, quels sont les
meilleurs potentiels sur certains territoires? Est-ce qu'on devrait conserver
ces territoires ou accepter une
exploitation? En tout cas, savoir quel est le meilleur usage, si on veut. Puis,
dans ces circonstances-là, ce serait peut-être pertinent d'y aller par,
comme j'ai dit, une priorisation selon les «hot spots», là. On sait que, dans certains secteurs, la fosse du Labrador, il y a
des enjeux, il y a des potentiels miniers qui sont présents. Bien, peut-être, regardons ce secteur-là en
particulier en premier, regardons quels sont les endroits qu'on souhaite
protéger, quels sont les endroits qu'on
souhaite exploiter, puis allons-y un
peu de cette façon-là, là, parce
que c'est quand même...
une bouchée à la fois, je pense que ça va déjà être beaucoup.
M.
Surprenant : J'ai lu qu'il y a eu des coupes au niveau de biologistes
récemment au niveau du ministère. Est-ce que vous jugez que le ministère a
suffisamment de biologistes présentement pour assurer ce contrôle-là de
biodiversité?
M. Nadeau
(Patrick) : Bien, si vous posez la question, je suis moi-même
biologiste, ça fait que je vais vous répondre certainement que non, puis on
devrait quadrupler le nombre de biologistes. Je pense qu'il y aurait encore du travail à faire, là. C'est énorme, le Québec. Donc,
c'est certain que je vais prêcher pour ma paroisse. Mais, encore une fois, je vais revenir sur les cibles d'Aichi, je
pense qu'on a là le livre de recettes, puis donnons-nous le nombre de
biologistes qu'il faut pour s'assurer
qu'on maintienne la biodiversité au Québec, donc, si on juge que ça ne
fonctionne pas en ce moment.
Puis
il faut regarder aussi qu'on a un peu une bibitte particulière ici, en ce sens
que, si on regarde la faune, c'est d'un
côté, si on regarde la flore, c'est un autre côté, puis là je vous parle des
espèces menacées. Donc, il y a une concertation à faire. Donc, on est contents de voir que, justement, cette
stratégie-ci, dont on parle ce soir, essaie, justement, d'avoir des éléments transversaux, là. Mais ça va en
prendre, des éléments transversaux, parce que, lorsqu'on parle strictement
d'espèces menacées — puis ce n'est pas juste ça, la
biodiversité — déjà on
n'est pas dans la cour d'un seul ministère. Donc, il faut vraiment qu'il
y ait cette concertation-là.
M.
Surprenant : ...est-ce que cette concertation-là, il y a assez
d'obligations qu'elle va donc se faire et puis qu'on va assurer la
pérennité de la biodiversité?
M. Nadeau (Patrick) : On pense que, si vous ajoutez la biodiversité dans la vision de cette
stratégie, ça devrait nous aider à s'assurer qu'on maintienne les
effectifs nécessaires.
M.
Surprenant : O.K. Bien, on parle de biodiversité puis on parle de
l'ensemble du territoire, mais, dans les régions à forte densité démographique, Montréal, disons, et Québec, est-ce que
vous pensez qu'il y a une biodiversité suffisante? Est-ce qu'on s'en occupe suffisamment dans les endroits où il y a vraiment
beaucoup de population? Il y a des parcs, j'en conviens, puis les gens peuvent se retrouver, puis tout ça, mais est-ce qu'on assure une biodiversité ou, de temps en temps, on va juste
sauver une espèce qui est menacée? Est-ce que le discours est suffisant au
niveau de la sauvegarde de la biodiversité dans les grands centres?
Mme Gallais (Sophie) : Bien, en fait, c'est une... question
aussi, on pense que la biodiversité en milieu urbain, elle est aussi essentielle. C'est celle qui est le
plus en contact avec les gens, c'est celle qui nous permet d'avoir un contact
avec la nature. Ça
apporte aussi de nombreux bénéfices au
niveau de la santé. On parle de la
lutte aux îlots de chaleur, tout ça. Ça fait que je pense qu'il y
a des efforts qui sont quand même
faits. Au niveau de la Communauté métropolitaine de Montréal, dans leur plan
métropolitain d'aménagement, ils ont quand même adopté des initiatives au
niveau d'une trame verte et bleue. Tous les
projets, justement, qu'on parle de ceinture verte, trame verte et
bleue, ça a des bienfaits sur la santé — le côté transversal du développement
durable — et
la qualité de vie, la biodiversité. Ça fait que je pense qu'il y a
de l'attention qui est portée, quand
même, par les municipalités, les instances municipales.
Mais je pense qu'on devrait encore y accorder plus d'attention aussi,
c'est, en effet, un enjeu important sur la biodiversité.
M.
Surprenant : Merci. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la
parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre
présentation. Si ma mémoire est bonne, depuis le Sommet de la Terre de Rio, ça tombe sous le sens que la question des
changements climatiques et la préservation de la biodiversité, c'est les deux grands défis planétaires pour tout le
monde. Alors, s'il n'y a plus de biodiversité puis si on n'est plus capables de respirer, bien, l'économie, on ne
saura plus quoi faire avec. Donc, on s'entend. Et, dans ce sens-là, je trouve
que votre recommandation 2 fait du sens, c'est de vraiment placer la
biodiversité comme étant un moteur. Puis chiffrer les aires protégées,
c'est une bonne idée.
J'aimerais,
par contre, aller plus sur la question de l'évaluation environnementale
stratégique. Vous avez fait état que c'est génial, c'est le fun, c'est
utile, mais ça manque peut-être d'un peu d'encadrement, on ne sait pas
toujours... Tu sais, c'est un peu
discrétionnaire, si le ministre l'utilise ou pas. Donc, j'aimerais vous
entendre là-dessus. Et je prends, par exemple, la stratégie maritime, qui est
annoncée à grands coups de : On va le faire, on va le faire, on va le
faire, est-ce que vous considérez que ça mériterait une évaluation?
Le Président (M.
Reid) : Ah! le tout en 1 min 30 s, s'il vous
plaît.
Mme de Swarte (Alice) : Très bien. Bien, effectivement, comme vous l'avez
dit, l'évaluation environnementale stratégique,
actuellement c'est assez discrétionnaire, effectivement, mais c'est tout
simplement que ce n'est pas encadré, qu'il
n'y a même pas de définition claire qui en est proposée par... On n'a pas de
définition de l'EES au Québec d'établie sur laquelle tout le monde s'accorde. Ce n'est pas un mécanisme qui est
formalisé, on ne sait pas trop, finalement, est-ce qu'on va faire un
BAPE générique, une EES. Bon, c'est, finalement, un peu aléatoire.
Dans le cadre
de la stratégie maritime, bon, pour l'instant, on en connaît seulement les
grandes lignes, mais on attend de
voir qu'est-ce qui va être proposé. Et puis c'est un peu particulier parce
qu'il risque d'y avoir des... au niveau de la juridiction, on va avoir
le fédéral puis le provincial.
Peut-être,
pour prendre un exemple plus concret et d'actualité, au niveau de Plan Nord,
nous, une de nos recommandations, c'est vraiment d'avoir une EES sur le
volet des transports. Pour faire écho aussi aux questions sur l'acquisition de connaissances, c'est vrai que,
dans le contexte nordique, on manque encore beaucoup de connaissances.
L'EES, ce serait vraiment un garde-fou pour s'assurer de ne pas commettre de
graves erreurs d'aménagement sur les territoires
nordiques. Pour nous, c'est impératif d'avoir ce genre de démarche globale,
vraiment, qui pose la question de l'aménagement
dans son entièreté, et pas seulement aller évaluer les impacts d'une voie de
chemin de fer ou d'un port. C'est
vraiment il faut penser ça de façon globale parce qu'on le sait, que les
infrastructures de transport, c'est une des causes premières de fragmentation des écosystèmes et de perte de la
biodiversité. Donc, c'est pour ça que, pour nous, l'EES, c'est un
excellent outil dont on a vraiment besoin pour les enjeux de biodiversité.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.
La commission ajourne ses travaux à demain,
mercredi 11 février, après les affaires courantes.
(Fin de la séance à 22 heures)