(Neuf heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Bérubé) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Soucy (Saint-Hyacinthe) est remplacée par M. Surprenant (Groulx).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bérubé) :
Voici l'ordre du jour de ce matin. Nous entendrons les groupes suivant :
l'Observatoire de la consommation
responsable de l'Université du Québec
à Montréal, l'Institut de
l'environnement, du développement durable
et de l'économie circulaire, le Centre québécois du droit de l'environnement et le Conseil
du patronat du Québec.
Alors, je
souhaite la bienvenue à l'ensemble de nos invités, particulièrement notre premier intervenant. Je vous demande de bien vouloir d'abord vous présenter. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole
est à vous. Et le premier intervenant, c'est
M. Fabien Durif, directeur de l'Observatoire de la consommation responsable de l'Université du Québec à Montréal. La
parole est à vous.
Observatoire de la
consommation responsable
de l'Université du Québec à Montréal
(OCR de l'UQAM)
M. Durif
(Fabien) : Bonjour. Donc,
Fabien Durif. Je suis professeur agrégé à l'École des sciences de gestion
à l'Université du Québec à Montréal et directeur de l'Observatoire de la
consommation responsable. Je vous remercie pour
l'invitation. Je suis désolé de vous avoir fait parvenir très tardivement le
mémoire. C'est un mémoire préliminaire qui est sur votre table.
Donc, en
quelques minutes, hein, pour expliquer et pour présenter aujourd'hui... C'est
sûr que nous sommes un centre de
recherche, donc nous n'arrivons pas avec une liste d'épicerie, mais plutôt des
constats et des éclaircissements à
vous faire au sujet, notamment, de notre spécialité, qui est la consommation
responsable. Donc, l'Observatoire de la consommation responsable, en quelques mots, c'est un centre de recherche
qui est axé sur le transfert de connaissances. C'est rattaché à une équipe de recherche qui travaille plus sur les
aspects scientifiques de la consommation responsable.
L'observatoire travaille beaucoup plus sur des
outils de transfert de connaissances qui sont des indices, des rapports, des guides qui s'adressent notamment
aux citoyens, aux organisations, aux médias, aux associations, notamment, par exemple, le Baromètre de
la consommation responsable, qui est cité dans la stratégie... dans le document
principal qui était à l'étude. Et, notamment,
aussi nous avons développé et lancé en septembre 2014 une plateforme Web
d'éducation et de sensibilisation à
l'investissement responsable qui a été en partie financé par le ministère du Développement durable, qui est la plateforme qui s'appelle Ethiquette,
investissement responsable, ethiquette.ca. Donc, en fait, notre axe de travail
est vraiment sur toutes les dimensions de la consommation responsable et tous
les secteurs. Aussi bien l'offre que la demande, donc aussi bien les citoyens
consommateurs que les organisations.
Donc, aujourd'hui, forcément, je vais beaucoup plus m'attarder au point 2, qui est l'orientation
2, Développer une économie prospère
d'une façon durable : verte et responsable, et tout singulièrement les
objectifs 2.1, 2.3, 2.4 et 2.5, qui correspondent
à notre spécialisation, à notre expertise, qui est la consommation responsable.
Ce que je souhaitais faire, c'était
un état des lieux pour vous, pour vous sensibiliser à où en est aujourd'hui le citoyen consommateur par rapport à ses pratiques de consommation, et tout particulièrement par rapport à
ses pratiques au niveau de consommation dite plus responsable afin de comprendre quelles sont les
actions qui sont les plus pertinentes au niveau, je dirais, de sensibilisation,
d'éducation, et comment les organisations doivent être
sensibilisées, et quel type de pratiques elles doivent prendre en
compte.
Vous le
savez, on est dans une situation où la consommation est en évolution.
La consommation responsable est beaucoup plus forte dans d'autres pays, notamment
en Europe. Ici, on est dans une situation où il y a une certaine progression. Notre indice démontre depuis les cinq
dernières années une progression assez intéressante, mais on est dans
une moyenne qui est plutôt correcte. Ça dépend, finalement, des types de
comportements des citoyens québécois.
Ce
qu'on remarque, par contre, depuis la crise économique, c'est qu'il y a
une volonté de la plupart des citoyens de
changer de mode de consommation et de changer de type de pratiques au niveau
de la consommation. Et ça, on le voit internationalement,
dans la plupart des pays. Donc, pour faire très rapidement, ce qu'on remarque au
niveau des consommateurs québécois, premier constat, ils consomment moins, ils
veulent consommer mieux et ils consomment différemment.
Et ça, forcément, ça a des implications au niveau de la plupart des
parties prenantes de la société québécoise.
Ils consomment moins, c'était indiqué dans le rapport. Les derniers chiffres le
démontrent encore, des pratiques de déconsommation
qui sont en hausse. On se rend compte que c'est le comportement de consommation
qui, les cinq dernières années, a le
plus augmenté au Québec. Donc, des
consommateurs qui ont une vision très réductrice de la consommation aujourd'hui. De plus en plus de consommateurs
veulent consommer moins et veulent consommer uniquement les produits et
les services dont ils ont besoin. Donc, vous regarderez les chiffres plus en
profondeur.
On remarque aussi
depuis la crise économique une progression du «fait maison». Donc, de plus en
plus de consommateurs ne vont pas acheter les produits et les biens, vont
finalement, par eux-mêmes, fabriquer leurs propres produits. C'est essentiellement dans les questions de cuisine, de rénovation, de
seconde vie des objets, de réparation. Et, finalement, on se rend compte
aussi qu'on a des Québécois qui sont de
plus en plus prêts à boycotter les
entreprises qui ne s'engagent pas,
donc les entreprises qui ne vont pas aller vers l'approvisionnement responsable
et les entreprises qui ne vont pas
offrir des produits et des services responsables. Vous avez des statistiques
d'une étude qu'on a menée l'année dernière
pour le Conseil québécois du commerce de détail qui montrent qu'on a des...
statistiques qui vont entre 30 %
et plus de 40 % des Québécois qui sont prêts à boycotter ce type d'organisation,
et notamment, en particulier, les détaillants. Donc, assez intéressant à
ce niveau-là.
Ensuite, les
Québécois consomment mieux, et là c'est assez fort. Le phénomène le plus
important, c'est le phénomène de
consommation locale. Et ce qui est pertinent, c'est de se rendre compte que la
consommation locale touche tous les
Québécois. Ce ne sont pas les consommateurs les plus responsables qui ont des
intérêts envers la consommation locale,
ce sont aussi bien des non responsables, des moyennement responsables que des
responsables. Tous les consommateurs vont
vers les produits locaux. Il y a un intérêt qui est extrêmement fort, c'est le
deuxième comportement de consommation responsable
aujourd'hui au Québec dans notre indice. Depuis cinq ans, il y a une
augmentation de deux points. Donc, il y
a vraiment des consommateurs qui privilégient l'achat de produits locaux, qui
vont vers des commerçants locaux. Donc, on voit qu'il y a un retour vers, je dirais, l'achat local. On peut le
voir aussi dans de nombreuses publicités, de plus en plus détaillants
verts vont vers l'achat local.
Parmi
le top 20 des produits écoresponsables les plus plébiscités par les
consommateurs québécois, neuf sont de produits
locaux. Ça, c'est une nouveauté ces dernières années. Huit sont des produits
alimentaires, c'est normal. Mais, pour la première fois, on voit
apparaître des produits non alimentaires, qui sont les meubles.
On
a mené une étude pour le MAPAQ l'année dernière sur les produits locaux et sur
les produits à appellation réservée.
Là aussi, des résultats très, très encourageants, on voit, pour presque huit
Québécois sur 10, si le terme «local» est
apposé sur un produit... là on voit que ça bonifie complètement le produit.
Donc, il y a vraiment une volonté pour les consommateurs d'aller vers les produits locaux, puisque quasiment six
sur 10 veulent à tout prix trouver sur l'étiquette l'origine des produits, le lieu de fabrication.
Donc, c'est quelque chose d'extrêmement important. Pourquoi? Motivation
privilégiée, bénéfice fonctionnel. Pour eux, ce sont des produits qui sont de
meilleure qualité, qui sont meilleurs. Et, deuxièmement,
bien entendu, on va vers des bénéfices éthiques. Ils veulent favoriser leur
économie locale. Donc, il y a cette volonté qui est extrêmement forte chez les
Québécois. On retrouve les mêmes types de statistiques en France, par
exemple.
Ensuite,
bien entendu, dans le «consommez mieux», on va retrouver la consommation écologique,
qui est toujours très présente chez
les Québécois. C'est la première motivation à la consommation responsable, ils
veulent, à tout prix, rechercher des
bénéfices environnementaux. On voit que c'est encore la croissance des produits
et services verts qui est la plus
importante, plus que les produits et services équitables et plus que les
produits et services sociaux. On voit qu'ils vont vers l'achat de
produits plus durables, recyclables, faits à partir de matières recyclables.
• (9 h 40) •
En
2014, on avait mené une étude pour Éco Entreprises Québec sur l'intérêt des
Québécois pour les écoemballages. Là aussi, on voit qu'il y a une
demande pour ce type de produits. La problématique, c'est que l'offre n'est pas
encore importante. Donc, le marché n'est pas
là, mais la demande est là. Donc, les consommateurs sont prêts à aller vers ce
type d'emballage, vers des produits plus écoconçus, mais les entreprises
n'offrent pas encore assez ce type de produits.
Troisième
élément pour terminer sur le portrait, pour faire rapidement, les Québécois consomment différemment. C'était mentionné dans le rapport par rapport à nos statistiques. Premièrement, le marché de seconde main, qui est en très
forte progression, donc tout ce qui concerne l'achat d'occasion. On a beaucoup
parlé cette année, notamment avec Revenu Québec,
qui voulait mettre une taxe spécifique... En 2013, nous avions mené une étude
pour Kijiji là-dessus. C'est évident que c'est un marché qui est
en très forte progression. Vous avez des statistiques là-dessus, plus de
73 % des Québécois, entre 2013 et 2014,
pratiquaient l'achat d'occasion. Plus de 40 % avaient pratiqué la vente de
produits d'occasion. On avait même
plus de 15 % des Québécois qui avaient, au moins, acheté 10 produits
d'occasion. Les statistiques sont encore
plus importantes cette année, et nous publions, au mois de février prochain, un
indice canadien de la seconde vie des
objets, aussi en partenariat avec Kijiji, qui va démontrer que la province du
Québec est en retard par rapport, notamment, à l'Ontario, à l'Alberta et à la Colombie-Britannique. Donc, ce sont des
pratiques, l'échange, la location, l'achat d'occasion, le don... On est aussi en retard, mais ça
progresse. Donc, là, le danger, entre guillemets, c'est surtout un danger pour
le secteur économique traditionnel.
Une voix :
...
M. Durif
(Fabien) : Il reste une
minute. Ensuite, phénomène de la consommation collaborative, vous le savez,
extrêmement important, qu'est-ce qui se
passe? L'usage prédomine sur la propriété. Là aussi, les consommateurs
s'éloignent du
système de consommation traditionnel. Ils ne veulent plus passer par le système
de consommation marchand, ils veulent consommer
entre eux, via les plateformes de systèmes collaboratifs. Là aussi, il y a un
danger, finalement, si on se met du
côté du système de consommation traditionnel. Si on se met du côté du
consommateur, ce n'est pas un danger, c'est des raisons économiques et
des raisons ensuite environnementales.
Je
termine, 30 secondes. Les Québécois sont prêts à valoriser les pratiques
écoresponsables, crédibilité pour les entreprises,
image perçue qui est meilleure. Comme mentionné dans notre étude, forte
méfiance des citoyens consommateurs envers
tous les acteurs qui se mettent dans ce secteur-là. Les statistiques sont
catastrophiques sur la publicité environnementale des marques, sur l'engagement en matière de
développement durable des marques. Vous avez à peine 15 % des citoyens
qui croient en l'engagement des entreprises
en matière de développement durable. Donc, il y a énormément de travail
à faire là-dessus...
Le Président (M.
Bérubé) : Merci.
M. Durif (Fabien) : ... — et je
termine en 10 secondes — énormément de problèmes d'information. Donc, on a un problème, méfiance envers la certification. Les
citoyens veulent de l'information, et l'information qui est transmise,
ils n'y croient pas et ils manquent d'information là-dessus. Donc, c'est à
partir de ça que vous retrouverez quelques recommandations
qu'on a faites dans le projet, mais je me suis plus concentré, finalement, sur
un état des lieux que des recommandations.
Le
Président (M. Bérubé) : Merci, M. Durif, je vous remercie pour
votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange.
M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre mémoire,
votre travail sur la stratégie. Première question, dans le cadre de vos travaux sur la consommation responsable,
puis je comprends que vous n'aviez que 10 minutes, là, mais est-ce que vous avez fait un lien ou
est-ce que vous avez pu établir des liens entre la consommation responsable
et la lutte contre les changements climatiques?
M. Durif (Fabien) : Disons qu'on voit... Parce que nous, en fait, on travaille vraiment sur
les... notamment sur l'empreinte carbone, sur les éléments que font les
consommateurs. Ce qu'on se rend compte au niveau des citoyens consommateurs,
c'est sûr qu'il y a des... les prétentions sont extrêmement fortes, notamment
sur les déterminants à la consommation responsable au niveau de
l'environnement. Ça fait partie, je dirais, des principales préoccupations des
consommateurs, notamment la lutte contre les changements climatiques, etc.
Par
contre, ce qu'on voit, c'est qu'il y a des prétentions fortes, mais ensuite le
passage à l'action est beaucoup plus
complexe, et il y a une énorme difficulté des citoyens à comprendre,
finalement, qu'est-ce que c'est réellement, les changements climatiques.
Et ensuite il y a une énorme problématique au niveau du vocabulaire utilisé.
Donc, par exemple, dès qu'on va parler
d'empreinte carbone, là on perd complètement le citoyen. Donc, il faut
comprendre qu'on a, dans toutes les
études sur la consommation responsable, un énorme problème de désirabilité
sociale, ce qu'on appelle finalement
l'écart entre ce que le citoyen prétend être ou prétend vouloir faire et ce
qu'il fait réellement. Donc, ce gap est énorme dans la consommation
responsable.
Et
l'objectif, finalement, c'est... On voit qu'ils sont sensibilisés, ils sont
motivés, mais le passage à l'action
est beaucoup plus faible, et tout le travail est à faire, finalement,
au milieu. Qu'est-ce qu'on peut faire
pour le faire passer à l'action?
Parce que le citoyen est prêt, et la problématique, on se rend compte, c'est
qu'il y a un... souvent, c'est le manque d'information et la compréhension, finalement, des concepts. Et le lien
entre les changements climatiques, le consommateur a du mal à le faire, finalement. Il a du mal à
comprendre que son action peut avoir réellement un impact parce que... On
se rend compte que le consommateur, souvent,
il va avoir... Dites-vous qu'à peu près, dans nos études, on voit que 40 %
des consommateurs font de la consommation
responsable pour eux. Donc, c'est une dimension personnelle, ils regardent
beaucoup moins l'impact sur la société. Ça,
il faut le prendre en considération, c'est énorme, il y a peu de consommateurs
qui le font dans une vision de développement de société.
M.
Heurtel : Merci. Je comprends le point de vue que vous prenez puis
l'objectif de vos travaux, là, vous les avez très bien expliqués. Là, on travaille un document bien spécifique, la
stratégie de développement durable du gouvernement, et c'est principalement pour donner des
orientations, des objectifs aux ministères et organismes sous la responsabilité
du gouvernement en matière de développement durable. Donc, si on peut
voir comment on peut intégrer les principes de consommation responsable dans un contexte gouvernemental, alors... Parce
qu'évidemment on veut se diriger vers un objectif de consommation plus responsable, je voudrais vous entendre sur
la question, bon, est-ce que vous verriez... Puis j'imagine que oui, mais peut-être expliciter sur
le point par rapport aux appels d'offres, par rapport aux politiques d'achat
du gouvernement, des ministères et organismes, alors comment on pourrait
décliner des principes de consommation responsable dans un contexte
gouvernemental.
M. Durif (Fabien) : Bien, en fait, sur les politiques d'appel d'offres, il faudrait, tout
simplement, mettre en place, notamment,
des... il faudrait avoir des critères au début qui soient assez basiques sur,
notamment, les politiques d'achat responsable
des compagnies qui pourraient mettre un certain pourcentage au niveau, je
dirais, de l'achat responsable des compagnies
en partant sur certains... On a travaillé là-dessus, on a développé un
baromètre de l'achat responsable il y a trois ans, on en refait un cette année. Il y a quand même une
documentation qui est quand même assez importante là-dessus. Je pense
qu'il faut, au moins, développer des critères spécifiques dans les offres sur
l'achat responsable.
Ensuite,
la problématique, c'est de mettre en place des critères spécifiques sur les
actions qui seront mises en place par
les organisations. Nous, ce qu'on mettait dans le mémoire, c'est aussi pousser
les organisations à aller vers l'écoconception, donc au moins mettre en
place... Parce que c'est bien indiqué, je dirais, dans le rapport, mais il n'y
a pas d'objectif spécifique, c'est-à-dire
qu'on ne va pas vers aller à un certain pourcentage d'organisations pour les
pousser à aller vers, je ne sais pas,
aller vers un 10 % ou 15 % en cinq ans d'organisations qui
passeraient vers l'écoconception. Parce qu'on est extrêmement en retard au niveau de ce marché-là. Or, il y a quand
même des études assez récentes, notamment cette année, qui ont montré qu'il y avait une rentabilité à être dans le
secteur de l'écoconception, les marges sont supérieures à 12 %, par exemple, aux secteurs
traditionnels. Donc, je pense qu'il faudrait émettre des critères précis avec
des pourcentages précis au niveau de
ces éléments-là parce qu'il y a suffisamment... quand même, il y a un marché
spécifique avec des organisations spécifiques qui ont avancé dans ce
secteur-là. Ça permettrait, finalement, de développer une concurrence plus
saine à ce niveau-là en encadrant, bien entendu, très bien les éléments.
Le Président (M. Bérubé) : La
parole maintenant à la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Vaudreuil, oui.
Bonjour, M. Durif.
M. Durif (Fabien) : Bonjour.
Mme
Nichols : Alors, hier, dans le cadre des consultations, on a rencontré
la Table de concertation des forums jeunesse régionaux du Québec. Eux
nous ont fait part, entre autres, là, de l'intérêt qu'ils avaient pour la
concertation, ils nous ont fait part de beaucoup de choses, là, puis les jeunes
sont très motivés, et je me demandais, dans le cadre, justement, de votre objectif... Parce qu'on comprend bien que l'objectif
de l'OCR, l'objectif principal, c'est de structurer puis d'assurer le développement à long terme d'un
pôle multidisciplinaire de recherche et de formation avancée, justement,
en consommation responsable, je me
demandais, dans ce cadre-là respectif, est-ce que vous... la vision, par
rapport à la jeunesse, quelle est-elle?
• (9 h 50) •
M. Durif
(Fabien) : Bien, c'est sûr
que... Ce que je mentionnais par rapport à ce que vous mettiez au niveau de...
Il y a une politique de formation, je pense
que c'était le 2... C'était quoi, le 2.4? Attendez que je le retrouve. Donc,
2.3 de la... Oui, 2.4, je pense. Ce qu'on se rend compte, c'est
qu'aujourd'hui, au niveau du développement durable, responsabilité sociale,
cela commence à être intégré dans pas mal de formations universitaires
pédagogiques, etc. La consommation
responsable, pour l'instant, c'est pas mal le néant au niveau de ce qui peut
exister au niveau de l'éducation,
de la sensibilisation. Et, si vous
regardez nos études, ce qu'on se rend compte, je dirais, à l'inverse de ce que
peuvent penser les médias, c'est que
ce sont les générations les plus jeunes qui passent le moins à l'action au
niveau de la consommation responsable. Elles sont sensibilisées, elles
comprennent ce que c'est, mais elles ne passent pas à l'action.
Si vous
regardez nos indices depuis cinq ans, plus on passe une génération, plus
l'indice augmente. Donc, plus on
vieillit, plus on devient responsable dans ses pratiques. La seule pratique que
les jeunes, finalement, ont de manière assez importante, c'est tout ce qui concerne la consommation
collaborative, donc toutes les nouvelles pratiques d'échange qu'on peut voir, le Bixi, toutes ces choses-là.
Donc, il y a un énorme travail à faire, finalement,
sur les jeunes générations parce
qu'ils connaissent, mais ils ne font pas. Ils disent pratiquer, mais ensuite on
voit dans les études qu'ils ne font pas réellement. Donc, il y a un
énorme travail à faire au niveau de la sensibilisation des jeunes générations.
Par contre,
ce qui est encourageant, on se rend compte que la génération des 25-44 ans,
depuis cinq ans, dans nos études,
c'est la génération où l'indice a le plus augmenté. Donc là, on a bon espoir
que peut-être qu'on commence à voir une
évolution qui est assez positive. Mais oui, il y a des efforts à faire, et,
pour l'instant, nous, nos moyens financiers ne nous permettent pas... Moi, j'interviens beaucoup dans des cégeps, dans
des écoles secondaires, mais nos moyens financiers ne nous permettent
pas, pour l'instant, de pouvoir développer des structures, ou des formations,
ou des ateliers de sensibilisation à plus
grande ampleur, sachant que nous ne sommes pas financés. Pour l'instant, notre
financement est essentiellement privé.
Donc, c'est beaucoup plus compliqué d'aller chercher... de développer ces
structures, mais c'est sûr qu'à terme on aimerait beaucoup pouvoir faire
ce type d'activités là.
Le Président (M. Bérubé) :
Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols :
Je suis très surprise de ce que vous nous dites parce que le discours était
vraiment différent, là, au niveau de la jeunesse qu'on a rencontrée
hier, là.
M. Durif
(Fabien) : Bien, il suffit
d'aller regarder toutes les études internationales, elles montrent
exactement... elles confirment tous ces chiffres-là. Ce sont les plus
sensibilisés, ce sont les plus motivés, mais ils ne passent pas à l'action, en particulier la génération Y, qui est,
de toute façon, la plus compliquée, qui est une... mais c'est vrai, c'est...
la génération qui va mentir le plus,
notamment, dans les études, puis qui va le plus changer dans son type de
comportements, et qui
s'attache le moins, finalement, à certains types de comportements...
Le
Président (M. Bérubé) :
M. Durif, pour notre bénéfice, pouvez-vous nous rappeler les bornes de cette
génération?
M.
Durif (Fabien) : Génération
Y, les bornes, grosso modo, on va tourner à 18-35 ans, à peu près,
34 ans, ça dépend ce qu'on peut avoir comme type de... des statistiques
qu'on peut utiliser.
Le Président (M.
Bérubé) : Plusieurs parlementaires sont rassurés, M. Durif.
Continuez, oui, à vous.
Mme
Nichols : Bien, moi, je n'ai
pas d'autre question parce que je ne voudrais pas causer aucun préjudice à la
génération Y. Donc, je vais laisser un collègue...
Le Président (M. Bérubé) : M.
le député de Mégantic, c'est à vous.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Bonjour.
Écoutez, moi, je voudrais regarder un peu sur votre point 2.5, pour aider les
consommateurs à faire des choix responsables. On a beaucoup de problèmes, selon
moi, dans les définitions. Je vous donne
l'exemple, par exemple, du papier recyclé, où, à 95 % du temps, le papier n'a jamais quitté
l'usine, il a brisé à la fin de la
machine, on l'a recyclé à l'entrée, puis c'est du papier recyclé par la
définition. La lutte aux changements climatiques aussi, de l'aluminium fabriqué au Québec avec de l'hydroélectricité et
de l'aluminium fabriqué ailleurs qui a demandé des consommations d'hydrocarbures beaucoup plus élevées, on ne peut pas
le différencier sur le marché. Donc, je vous donne... on pourrait s'étendre là-dessus, là, mais, dans l'ensemble, le
consommateur, quand il achète des produits, il ne voit pas ou il ne peut
pas comprendre l'impact que ces produits ont. Un autre exemple que je trouve extraordinaire, c'est celui des cellules
photoélectriques puis de la génération électrique qui demandent 12 ans de
consommation pour remplacer le coût
énergétique des hydrocarbures qui ont entré dans le produit. Les gens sont toujours
mêlés avec ce genre de choses là. Vous
êtes sur le choix de la consommation, quelle recommandation donneriez-vous,
finalement, à notre commission pour améliorer... ou
régler ce genre de problèmes là?
M. Durif
(Fabien) : Je vous dirais
que c'est le problème majeur. Le problème majeur aujourd'hui, c'est
l'étiquetage et l'affichage, finalement,
environnemental des produits. On se retrouve avec le phénomène
d'autodéclaration, c'est-à-dire
qu'étant donné que l'étiquetage n'est pas véritablement encadré... Bon, il y a une loi sur
l'étiquetage, mais l'affichage environnemental n'est pas vraiment
encadré. On se retrouve avec, sur certains produits, jusqu'à 10, 15 labels,
cinq à 10 appellations ou autodéclarations,
le consommateur est complètement perdu. Si vous regardez nos études, les
certifications ne sont absolument pas
utilisées par les consommateurs pour faire leur choix de produits. Or, les
industriels, les fabricants n'arrêtent
pas d'apposer des certifications sur leurs produits. Les certifications même,
entre guillemets, les plus reconnues, comme
ÉcoLogo pour les produits verts, sept consommateurs sur 10 Québécois sont
incapables de les reconnaître, sont incapables de savoir qu'est-ce que
c'est. Donc, on a un problème majeur là-dessus.
Donc les
industriels, qu'est-ce qu'ils font? Ils utilisent des mots clés. Aujourd'hui,
si vous faites... Nous, dans nos
études, on se rend compte que le consommateur reconnaît certains mots clés. Les
industriels font les mêmes études que
nous. «Recyclage», à peu près le seul mot clé qu'ils connaissent sur les
produits verts, et «biodégradabilité», sans forcément comprendre qu'est-ce que c'est exactement. Donc, les
industriels vont maximiser ce type de mots clés là-dessus. Donc, ce que je vous dirais, il y a vraiment... il
faut faire... je crois qu'il n'y a pas le choix de faire des... il faut faire
du... du côté citoyen, il faut faire
des campagnes de sensibilisation sur certains types de mots clés pour expliquer
aux consommateurs exactement
qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que cela signifie concrètement, quel est
l'impact que ça peut avoir, mais juste sur certains mots clés, parce que
le consommateur n'est pas prêt à aller vers certains types... Prenez l'empreinte carbone, retrouver «carbone neutre»
sur des produits, le consommateur, la neutralité carbone, là, il est bien
loin de ça encore là, il ne comprend pas qu'est-ce que c'est. Le cycle de vie,
c'est un petit peu trop compliqué pour le consommateur à l'heure actuelle
aussi.
Du côté
industriel et des fabricants, il faudrait mieux encadrer, je dirais,
l'affichage environnemental et leur faire comprendre, entre guillemets, qu'est-ce qu'on pourrait faire et ne pas
faire. Il y a deux côtés à travailler là-dessus pour faire en sorte que
le citoyen consommateur puisse mieux s'y retrouver parce que, là, on est dans
une problématique majeure, on a des
consommateurs qui... et c'est pour ça qu'on se retrouve avec des taux de
confiance envers les marques qui sont extrêmement faibles, le
consommateur ne croit plus ce qui est affiché.
Le Président (M. Bérubé) : Il
nous reste une minute pour les échanges, M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Est-ce que vous croyez que l'ensemble des
ministères et organismes au Québec, si on... Comment on pourrait
structurer les achats du gouvernement, finalement, pour aider à régler ce genre
de problème? Parce que ce n'est pas évident,
là, on achète des produits qui sont souvent différents du consommateur, mais
comment on pourrait les aider à
travers notre façon de recommander aux ministères et organismes les achats du
gouvernement?
M. Durif
(Fabien) : Bien, je crois,
il existe quand même quelques nomenclatures avec, dans chacune des catégories
de produits, un minimum de labels. Il y a
quand même des labels qui ont une certaine reconnaissance, aller vers certains
types de labels, mais aller... limiter à un,
deux labels par catégorie de produits parce que c'est la seule transparence
qu'on peut avoir aujourd'hui.
Le
Président (M. Bérubé) : Merci beaucoup. Ça met fin à notre
échange. Nous allons passer au groupe formant l'opposition officielle, et je
reconnaîtrai le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Merci de me
reconnaître, M. le Président. Alors, je veux saluer tous les collègues ce
matin, particulièrement notre invité, M.
Durif. Merci de votre présence et de votre mémoire, qui est très instructif,
sur lequel on pourrait même tirer des
leçons sur le plan politique. Mais ça, c'est un autre chantier. Et, en même
temps, je voulais faire des liens avec d'autres groupes qui sont venus nous voir, entre autres
hier sur la question des véhicules électriques. Vous savez, tout le monde veut avoir un véhicule
électrique, mais, de là à passer à l'action... Je veux dire, c'est bien, là,
dans un salon, de dire : Ah oui!
c'est écologique, on va économiser de l'essence. Mais, quand ils arrivent chez
le concessionnaire automobile, ils
vont être très tentés par, encore, des véhicules très énergivores, par exemple.
Je pense, c'est un bel exemple.
Je
ne sais pas si vous avez des chiffres sur la consommation des autos, là, dans
le cadre de vos études, mais, là où je
veux vous amener particulièrement, c'est... Si on revient spécifiquement sur la
stratégie que nous avons devant nous, la
stratégie de développement durable 2015-2020, c'est une stratégie
gouvernementale qui s'adresse particulièrement aux ministères et organismes pour que le gouvernement,
via ses ministères et organismes, applique le développement durable. Et, quand on dit le gouvernement, c'est vraiment
au sens, je dirais, minimal du terme parce que la stratégie exclut, par exemple, les hôpitaux du secteur de la santé, les
commissions scolaires, certaines grandes sociétés d'État, etc. Mais vous,
vous nous interpellez sur, dans le fond, une
action citoyenne pour que le développement durable inclue une consommation
responsable et faire en sorte que les citoyens puissent passer à l'action.
Alors, est-ce que vous ne trouvez pas que la stratégie,
dans le fond, n'est peut-être pas la bonne tribune? Est-ce que la stratégie
devrait être élargie aux municipalités, à d'autres secteurs de la société, devrait embrasser beaucoup plus large,
sinon ça demeure un voeu pieux, par la stratégie que nous avons devant
nous, par rapport aux objectifs que vous nous communiquez?
• (10 heures) •
M. Durif (Fabien) : Premièrement, pour les voitures électriques, vous regarderez dans le
baromètre de cette année, on voit qu'on a un taux forcément de Québécois
qui ont des voitures électriques assez faible. Par contre, ce qui est encourageant, c'est qu'entre 2013 et 2014 on voit
que, ceux qui avaient mentionné vouloir aller vers ce type de voiture, il y a une proportion assez intéressante qui est
passée à l'action, même si on reste dans un marché qui est assez faible.
Oui, c'est évident
que moi, je suis allé dans des recommandations qui vont beaucoup plus loin que
juste le gouvernement. Je pense que,
premièrement, c'est important que le gouvernement prenne position et aille
beaucoup plus loin vers la
consommation responsable. C'est une question d'image envers ses citoyens. Je
pense qu'il faut d'abord, au moins,
être exemplaire en termes de politique d'approvisionnement responsable et de
politique de consommation responsable, mais
c'est sûr que ça serait intéressant d'aller beaucoup plus loin, et d'élargir la
stratégie, et de prendre exemple sur certaines politiques, notamment en France, qui sont beaucoup plus développées
comme des agences comme l'ADEME, par exemple, qui vont aller beaucoup
plus loin sur les pratiques qui sont faites au niveau de la consommation
responsable et sur les réglementations qui
sont prises en compte. Ça, c'est évident que... C'est pour ça que moi, je suis
allé dans des recommandations qui s'adressent aussi aux citoyens, qui
dépassent, finalement, la politique interne du gouvernement.
Le Président (M.
Bérubé) : Je reconnaîtrais à ce moment-ci le député de
Bonaventure.
M.
Roy : Merci, M. le Président. Bon matin à tous. Bonjour, M.
Durif. Vous avez soulevé un enjeu qui est assez important selon moi, c'est celui de la dichotomie entre ce que je sais
que je dois faire, ce qu'on devrait faire et ce que je fais. Vous nous dites que, bon, la majorité des
gens sont sensibles à l'écoresponsabilité, à un comportement responsable, etc.
Dans un contexte où on voit les hypermarchés
se développer, les Wal-Mart de ce monde se déployer, il y a comme un paradoxe ou une contradiction dans tout ça, et là
j'aimerais vous entendre là-dessus, à savoir quels sont les déterminants
qui peuvent favoriser un rapprochement entre
le monde que je rêve, le monde que je souhaite voir prégnant et l'action
que je fais quotidiennement.
M. Durif (Fabien) : Aujourd'hui, si vous regardez le secteur du commerce de détail, hein,
si vous regardez les derniers
chiffres, notamment sur le CQCD, on est dans une période assez charnière de
reconversion, c'est-à-dire qu'on est
dans une hyperconcentration des géants et on est à la fois dans le
redéploiement de tous les commerces locaux. Regardez la nouvelle campagne cette année des Pages
Jaunes, qui était complètement axée sur l'achat local, il y a une
reconversion et une renaissance de
l'achat local sans pour autant que ça — entre guillemets — prenne forcément des parts de marché énormes aux géants commerciaux. Donc, je pense que
ces deux mondes-là peuvent complètement se développer en parallèle parce
que les circuits se multiplient, les consommateurs vont vers différents types
de circuits.
Mais
c'est sûr que la charnière est dans le passage à l'action. Et aujourd'hui, pour
faciliter le passage à l'action, entre
guillemets, il faut des facilitateurs. Et les facilitateurs, quand on va parler
pour les voitures électriques, ça va être la facilité, par exemple, des écotaxes ou des facilitations au niveau du
gouvernement pour faire baisser les prix, ça va être une multiplication des bornes électriques, etc.
Donc, le consommateur a besoin... entre guillemets, bon, le citoyen ne veut
pas beaucoup faire d'efforts, et ça peut
être exactement... pour un employé, c'est la même chose, là, c'est-à-dire
qu'ils sont prêts, ils sont motivés, mais ils veulent faire le moins
possible d'efforts pour passer à l'action.
Donc,
il faut, finalement, apporter les outils et les éléments le plus facilement
possible au citoyen pour qu'il puisse passer
à l'action, et c'est là toute la difficulté dans les actions de consommation
responsable. On le voit très bien si vous regardez nos comportements, le recyclage est en première position, le
compostage est en dernière position. La plupart des citoyens sont prêts à composter, mais ils ne le font pas parce que
ça demande énormément d'efforts pour composter. Le recyclage, ils le font parce que ça demande beaucoup moins d'efforts.
C'est une question, finalement, de ce qu'on met autour d'eux pour faciliter le comportement. La même chose pour le
transport durable. C'est ce qu'on voit dans toutes nos études, une
question de facilitation des comportements.
Le Président (M.
Bérubé) : M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Bien, dans une réflexion sur les conditions facilitantes,
est-ce que la géographie, je veux dire, bon, disons, urbaine versus les
régions, etc., est-ce qu'on voit des différences dans l'attitude ou dans
l'action concrète du comportement écoresponsable?
M. Durif (Fabien) : Oui. Nous, on ne
publie pas toujours toutes les données, mais on voit complètement des
différences, par exemple, sur le compostage selon certains types de régions.
Par exemple, souvent, l'Estrie ressort en première position. Et là, si on va
regarder, on remarque... parce qu'en fait ça dépend des actions qui sont faites
par certaines MRC ou des choses comme ça. En
fait, oui, il y a des disparités régionales qui vont dépendre de ce qui est
fait, de ce qui est mis en place
politiquement par des municipalités, etc. Oui, ça va complètement jouer. Et
c'est ce qui ressort, que, dans
certaines provinces, on retrouve des comportements qui sont beaucoup plus forts
ou beaucoup plus faibles, c'est complètement géographique aussi.
La
consommation responsable n'est pas liée ni aux revenus ni, je dirais, à
l'éducation. Elle était beaucoup liée avant au sexe parce que c'était
beaucoup plus les femmes que les hommes. Aujourd'hui, ça se resserre. C'est, en
fait, beaucoup plus lié géographiquement,
finalement, à ce qui est mis en place comme actions pour faciliter les
comportements.
Le Président (M. Bérubé) : M.
le député de Jonquière, 1 min 30 s.
M.
Gaudreault : Oui.
Bien, en tout cas, ce que vous nous amenez est extrêmement intéressant, les nuances, là. Ça veut dire que ça ne prend certainement pas une stratégie de développement
durable qui est mur à mur, là, il faut
avoir une stratégie qui est capable de s'adapter aux territoires, même à
la différenciation des genres, par exemple.
Je voudrais
revenir un petit peu sur la conversation que vous avez eue avec les collègues
du gouvernement tout à
l'heure concernant la question des appels
d'offres. Je pense
que, si on veut aller vers un approvisionnement responsable, il faut peut-être
penser à modifier la façon de faire des appels d'offres. Vous avez parlé tout à
l'heure d'un modèle français. Est-ce qu'il y a d'autres modèles internationaux qui peuvent inspirer le Québec à
cet égard et qui pourraient nous aider à faire un pas de plus vers
l'approvisionnement responsable?
M. Durif
(Fabien) : Bien, je dirais
que l'approvisionnement responsable, c'est essentiellement l'Europe qui est
avancée, la France. On peut retrouver un peu
l'Australie, hein, mais c'est beaucoup en France qu'on va retrouver le plus, je dirais,
les pratiques qui vont être les plus avancées. Mais on progresse beaucoup
au Québec, hein? Cette année, on va refaire le même baromètre qu'on avait fait il y a trois
ans, on voit qu'il y a quand
même une progression de ces
pratiques-là. De plus en plus d'organisations québécoises ont mis en
place des codes de conduite, ont mis en place des politiques d'achat responsable, se sont structurées, ont mis
en place des directeurs d'achats qui vont suivre des consignes spécifiques.
Donc, il y a quand même
des structurations qui sont faites, et je
pense qu'il y a de plus en plus d'organismes qui sont prêts à répondre à ce type d'offre, ils
sont prêts.
Si vous
prenez l'exemple, par exemple, des événements,
le secteur de l'événementiel, la certification du BNQ événement écoresponsable fonctionne très bien.
Vous avez énormément d'industries qui se sont pliées à cette certification-là,
elle marche très bien dans la plupart des événements.
De nombreux festivals se font certifier événement écoresponsable, donc ça change complètement une industrie parce
que la restauration, le spectacle, la communication, etc., forcément, vont suivre toute la politique d'achat responsable
et tous les critères à ce moment-là. Donc, dès qu'on rentre dans certains
éléments... Et là on a un exemple typique
qui a bien fonctionné, une norme qui a bien été suivie, qui a été une norme du
BNQ sur les événements écoresponsables.
Le Président (M. Bérubé) :
Merci à vous. On va passer au deuxième groupe d'opposition, je reconnaîtrai M.
le député de Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, dans votre mémoire,
M. Durif, à la page 7, vous parlez, donc, de la marge
bénéficiaire des produits écoconçus, qui se situe en moyenne à 12 %
au-dessus des marges des produits conventionnels.
Ça m'étonne un petit peu, on a toujours pensé qu'il y avait un effort plus
grand puis que c'était un marché qu'il
était plus difficile de faire évoluer, donc que les marges étaient moins
grandes. Je suis donc surpris de voir que c'est 12 % supérieur.
Le Règlement sur les contrats de services des
organismes publics, hein, on en a parlé hier avec d'autres intervenants, alors
il est question... il y a un traitement plus favorable et une marge
préférentielle d'au plus 10 % qui pourrait
leur être accordée pour favoriser, finalement, les soumissionnaires qui
respectent l'environnement. Et donc ma question,
finalement, c'est : Comment vous voyez ça, de... On veut favoriser une
industrie, finalement, qui a des marges bénéficiaires plus élevées que
d'autres industries. Alors, comment ça peut être plus juste que ce qui est
énoncé là?
• (10 h 10) •
M. Durif
(Fabien) : Là, l'étude que
je mentionne, ce n'est pas nous qui l'avons conduite, mais, bon, c'est quand
même des organismes qui sont reconnus, c'est l'Institut de développement de
produits, qui est à Montréal, et le Pôle Éco-conception.
C'est une étude qui a été faite l'année dernière sur une centaine d'entreprises
entre la France et le Québec qui démontrait, donc, qu'il y avait une
marge brute supérieure de 12 %. Certainement que, si on allait sur des
panels beaucoup plus importants, on n'aurait
peut-être pas un chiffre aussi intéressant, mais c'est évident que,
généralement, il y a un
investissement qui est plus élevé à court terme. Mais on se rend compte qu'une
entreprise qui va vers l'écoconception va
arriver souvent à réduire ses frais, on voit souvent une économie dans le
processus qui peut permettre, des fois, d'aller vers une marge brute qui
peut être intéressante.
Je
pense qu'il ne faut pas le regarder de ce côté-là, de se dire qu'on peut
favoriser, finalement, une industrie qui, peut-être, déjà, avait des bénéfices. Je pense qu'il faut regarder les
efforts qui sont faits par certains pionniers pour aller vers l'écoconception et, justement, de leur
démontrer que peut-être aller vers ce type, je dirais, de pratique peut être
payant pour eux. Et je pense que
c'est intéressant de voir ces choses-là parce que ce n'est pas pour tout le
monde que ce sera payant à moyen
terme et à court terme. La plupart vont avoir des investissements très
importants, et notamment les PME. Parce que la question se pose surtout sur les PME. Passer à une écoconception
pour une PME qui n'était pas née, entre guillemets, dans ce processus-là, ça peut être beaucoup plus
compliqué. Une entreprise qui naît directement avec un processus écoconçu,
qui a réfléchi dès le départ, c'est généralement beaucoup plus facile,
l'investissement est moindre.
Donc, je
pense qu'il y a un besoin de soutenir ce type d'industrie là. Sinon, surtout
dans des situations économiques comme
à l'heure actuelle, les entreprises regardent leur profit à court terme, ne
regardent pas, finalement, le profit qui peut être fait à moyen terme et long terme, et je pense qu'il faut
soutenir cette industrie-là. Sinon, il y aura beaucoup de blocages qui vont être faits de la part de
l'industrie. On voit, à l'heure actuelle, même sur la consommation responsable,
la plupart des organismes, des entreprises ne veulent voir qu'un retour sur
investissement à court terme, ne veulent développer
une offre écoresponsable que si cela paie à court terme. Ils ne regardent pas,
finalement, le bienfait que ça peut
avoir auprès des citoyens, auprès des parties prenantes et... Donc, il y a un
angle qui est beaucoup plus fermé, il y a un besoin, je pense, de
soutenir cette industrie-là.
Le Président (M. Bérubé) : M.
le député de Groulx.
M.
Surprenant : À la page 7 également, vous parlez d'une forte méfiance
des citoyens envers le secteur écoresponsable.
Alors, qu'est-ce qui pourrait être fait selon vous pour améliorer la confiance
des citoyens? Et c'est peut-être parce qu'il y a des failles au niveau
de la production de ces biens-là, que, dans le fond, ils ne sont pas
nécessairement écologiques, ces biens-là.
Qu'est-ce qui pourrait être fait simplement et rapidement pour améliorer la
confiance des gens vis-à-vis le secteur écoresponsable?
M. Durif
(Fabien) : Bien, je crois
qu'aujourd'hui... Nous, on le voit dans nos études, ce qu'attendent les
citoyens et à qui ils font confiance,
ce sont des experts, donc des experts indépendants. Ils s'attendent aujourd'hui
à ce qu'il y ait des experts qui
puissent parler, sensibiliser... Ils s'attendent aussi certainement à ce que le
gouvernement puisse enfin prendre position
et faire des campagnes de sensibilisation, éducation comme le font d'autres
gouvernements, si vous prenez des campagnes
de sensibilisation que fait la France sur les labels, sur certains types de
pratiques écoresponsables qui vont permettre finalement, au fur et à
mesure, de faire rentrer dans l'esprit des consommateurs certaines pratiques.
Prenez l'exemple de la campagne de
sensibilisation d'aliments Québec l'année dernière, ça a permis de faire
augmenter la notoriété du label. Nous, on l'a vu dans nos études, c'est
extraordinaire. En quelques mois, le label est reconnu, le label est compris. Et forcément ils ont flirté aussi sur la
tendance de la consommation locale. Mais il y a un besoin d'avoir des campagnes de sensibilisation de
masse qui sont faites par des acteurs plus indépendants, et je pense qu'il faut que le gouvernement s'implique dans
cette éducation-là. C'est ce à quoi s'attendent aujourd'hui le citoyen et
n'importe quel employé.
Le Président (M. Bérubé) :
Une minute, M. le député...
M. Durif
(Fabien) : Ils n'ont plus
confiance aux organisations, donc il faut que ce soient des acteurs
indépendants. Et, même si le gouvernement peut avoir certaines
sensibilités que certains citoyens peuvent plus ou moins, je dirais, reprocher, il y a quand même une autorité
indépendante et au niveau des réglementations qui va être beaucoup mieux prise
en considération par les citoyens. Il y a un besoin d'éducation là-dessus.
Le Président (M. Bérubé) : M.
le député.
M. Surprenant : Ça répond à ma
question.
Le
Président (M. Bérubé) : Je vous remercie. Nous allons passer à
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Bonjour, M.
Durif. Merci pour cette présentation. J'aimerais
aborder deux choses avec vous : premièrement, toute la question de l'achat
local et, deuxièmement, toute la question du modèle de consommation, qui
semble, à travers vos études, en transformation.
En matière
d'achat local, ce que je comprends, c'est qu'il y a là une sensibilité qui a
passé, les citoyens québécois et
québécoises sont ouverts à cette notion-là. Est-ce que vous pensez le type
d'incohérence que peut avoir un gouvernement comme le gouvernement du Québec en signant des accords internationaux
qui, dans le fond, freinent de façon importante parfois le principe
d'achat local peut avoir un impact négatif sur la population?
Le Président (M. Bérubé) : M.
Durif.
M. Durif
(Fabien) : Je pense qu'à
l'heure actuelle le citoyen n'est peut-être pas capable d'aller voir aussi loin
dans les éléments parce que l'achat local,
pour lui, c'est vraiment une disparité régionale. Ce sont des produits produits
à moins de 100 kilomètres, fabriqués à
moins de 100 kilomètres de chez lui. Je pense qu'il voit moins la
dimension politique, il voit la dimension économique de l'achat local. Mais c'est évident
qu'un engagement important du gouvernement sur l'achat local serait pertinent
pour lui. Il regarde beaucoup plus, finalement, ce que font les organisations. Est-ce qu'un détaillant comme Wal-Mart va prôner l'achat local?
Est-ce qu'un détaillant comme Target, par exemple, avait des produits locaux?
Target n'avait quasiment pas d'offre de produits locaux, au détriment d'IGA ou
de Metro qui axent beaucoup
leur offre là-dessus.
Mme
Massé : Et peut-être,
en terminant, vous avez parlé de consommation collaborative, de seconde main,
et les Québécois, on excelle là-dedans. Est-ce que
vous pensez que ça envoie un message comme quoi le modèle économique actuel du profit à court terme...
il y a quelque chose qui est en train de changer dans notre conception de l'économie?
M. Durif
(Fabien) : Oui. Là, c'est
une reconversion de l'économie. On le voit, hein, 88 % des Québécois
veulent un changement de mode de
consommation. Et ça, c'est extrêmement fort, ça augmente d'année en année. Donc, ils
veulent de moins en moins transiter par les acteurs économiques
traditionnels, ils veulent de moins
en moins payer, ils veulent de plus en plus commercer entre eux. Et ça, c'est un changement profond qu'il faut
prendre en considération, et il ne
faut pas penser que ça ne va pas progresser. Si on regarde des marchés
comme les États-Unis, si on regarde des marchés comme la France, ce sont des
modèles qui explosent complètement, et on va certainement aller vers le même
type de consommation. On subit le problème
ici avec Uber, on va subir le problème avec Airbnb. Ce sont des problématiques qui vont rentrer en jeu, problématiques municipales, réglementales avec les
gouvernements. Ça va commencer à rentrer dans les comportements
québécois de plus en plus en importance.
Le
Président (M. Bérubé) : Merci, M. Durif. Ça met fin à
votre présentation. Merci d'être venu nous rencontrer.
M. Durif (Fabien) : Merci.
Le
Président (M. Bérubé) : Alors, je suspends les travaux quelques
instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 17)
(Reprise à 10 h 19)
Le Président (M. Bérubé) :
Alors, nous poursuivons nos travaux. Nous accueillons cette fois l'Institut de
l'environnement, du développement durable et de l'économie circulaire. Alors,
j'invite les gens de ce groupe à se présenter pour une période de 10 minutes.
Institut de
l'environnement, du développement durable
et de l'économie circulaire (Institut EDDEC)
M.
Normandin (Daniel) : Alors,
bonjour à tous et à toutes. Mon nom est Daniel Normandin. Je suis le directeur
exécutif de l'Institut EDDEC. En fait, le
plan de la présentation... Et je vous présente ma coordonnatrice, donc Mélanie McDonald, qui va assister durant la
présentation et la période de questions. Ce que je vous propose aujourd'hui,
en fait, très succinctement, la présentation, donc, de qui nous sommes. Après,
expliquer un peu ce qu'est l'économie circulaire
et comment, en fait, cette intégration de l'économie circulaire est cruciale au
sein de la stratégie québécoise de développement durable révisée.
Très
rapidement, l'Institut EDDEC a été créé il y a environ neuf mois... en fait, 10
mois pour être exact. C'est un institut qui regroupe les forces vives du
campus de l'Université de Montréal, donc les chercheurs de HEC et Polytechnique, Université de Montréal, sur les
thématiques de l'environnement, de l'économie circulaire et du développement
durable. Donc, ça regroupe environ un
potentiel de 400 chercheurs de toutes disciplines plus environ 1 000 à
1 500 étudiants aux cycles supérieurs.
• (10 h 20) •
Les axes, en fait, d'intervention de l'institut,
évidemment c'est la recherche, forcément, on est en milieu universitaire, mais également la formation, que ça
soit la formation aux trois cycles universitaires, mais aussi la formation
de type continu, donc former les parties
prenantes avec lesquelles on travaille, de même que le rayonnement, le
transfert et le dialogue, faire en
sorte que ce que l'on développe comme recherche puisse être appliqué, transféré directement à la société civile et aux entreprises.
Alors, notre
rayon d'action touche à peu près tous les secteurs publics, parapublics, société
civile. Donc, on travaille avec les gouvernements, les entreprises et
les citoyens, et notre rayonnement, en fait, n'est pas seulement à l'échelle québécoise,
mais également à l'échelle canadienne, à l'échelle internationale par des partenariats qui sont en train d'être montés, en fait,
avec des organisations similaires en Europe et en Asie.
Alors, l'économie circulaire. En fait, pour
définir un peu ce que c'est, l'économie circulaire, d'abord on va présenter ce que c'est, l'économie
linéaire. En fait, c'est l'économie, en fait, dans laquelle on se trouve depuis à peu près le début de l'ère industrielle.
C'est une économie, en fait, qui est principalement basée sur l'extraction des
matières premières, leur transformation,
leur consommation, et, finalement, on les jette. Donc, c'est un modèle
économique qui est essentiellement basé, je
dirais, sur le gaspillage, malheureusement, parce que la création de richesse
est fondée essentiellement sur la production du plus grand nombre d'unités
possible et la consommation de ces unités-là. Donc, dans un contexte où les ressources sur la planète sont
physiquement finies, on peut facilement comprendre que, dans un contexte
où la population de la planète
s'achemine progressivement vers 9 milliards d'individus d'ici 2050, on va éventuellement avoir un problème
d'adéquation entre les ressources et les besoins, d'autant plus que les
consommateurs de la classe moyenne, qui
consomment environ 80 % des
ressources de la planète, devraient doubler d'ici environ 15 ans. Donc, il y a
un défi énorme de concilier, donc, les besoins avec l'offre, et ce problème-là
va s'amplifier avec le temps.
Alors, il y a
de plus en plus de voix qui s'élèvent sur la nécessité de découpler à la fois
la croissance de la population et ses
besoins de l'activité économique, donc de découpler ça de l'extraction des
matières premières, donc des ressources naturelles et des impacts sur l'environnement. Ce message-là est porté
de plus en plus. On n'a qu'à penser, par exemple, à l'Europe ou à la Chine, en fait, qui ont des
problèmes, évidemment, d'approvisionnement en matières premières et de densification de la population, avec tous les
problèmes environnementaux que ça peut provoquer. Donc, il y a un appel à changer notre modèle économique actuel, changer
de paradigme pour quelque chose... un modèle économique qui soit plus
respectueux des contraintes naturelles de la planète.
Alors, ce
concept-là, en fait, s'appelle l'économie circulaire. Essentiellement, c'est un
concept qui vise, contrairement au
modèle de l'économie linéaire, à limiter le gaspillage en augmentant de façon
substantielle la productivité des ressources qui sont déjà en circulation dans le marché, d'accord, et, ce faisant,
donc, on évite d'en extraire en amont au même rythme qu'on le fait actuellement et on évite surtout
d'en enfouir en aval. Donc, la notion de gisement de matière ne se concentre
pas uniquement à ce qui se trouve dans la
croûte terrestre, mais plutôt en circulation dans le marché. Alors, pour ce
faire, il y a toutes sortes de
stratégies d'affaires qui sont mises en place, et ces stratégies-là, en fait,
permettent aux entreprises qui s'inscrivent dans un modèle d'économie
circulaire de tirer profit, évidemment... de tirer... en fait, de générer des économies substantielles. Et plus les cycles ou
les boucles, si vous voulez, de rétroaction sont courts, plus les retours pour
les entreprises et pour l'économie en général sont grands.
Alors, on
peut penser, par exemple... On en a parlé tantôt avec le Pr Durif des nouveaux
modèles d'affaires qui permettent,
donc, de partager les ressources, donc ce qu'on appelle la consommation
collaborative. Également, un nouveau modèle
d'affaires qui est en train de se déployer à l'échelle internationale, qui
s'appelle l'économie de fonctionnalité. C'est-à-dire qu'au lieu de vendre un produit on vend l'usage du produit,
et le manufacturier ou le distributeur reste propriétaire du produit en
question, si bien qu'il a accès, donc, à une source continue de matières
premières pour fabriquer des nouveaux
produits et, en même temps, permet de maintenir un lien avec son client qui
soit, évidemment, beaucoup plus fort
que l'économie linéaire ou l'économie, en fait, où on vend les produits peut
apporter. Le deuxième niveau, en
fait, c'est ce qu'on appelle le reconditionnement et le réusinage. Donc, à
partir du moment où le produit en question
a atteint sa fin de vie utile, donc, on peut reconditionner le produit en tout
et en partie et le remettre sur le marché. Et la dernière boucle, en fait, c'est le recyclage, qui,
essentiellement, constitue peut-être la moins intéressante des options, mais quand même intéressante, c'est-à-dire qu'on
évite, tout de même, d'extraire en amont des ressources naturelles pour
produire les mêmes produits.
Alors, tout
ça, évidemment, repose sur une série d'outils que vous connaissez, certains
d'entre vous, donc ce qu'on appelle l'analyse des flux de matière, les
politiques d'écofiscalité, des politiques de réglementation qui concourent, évidemment, à un meilleur usage des produits et
services, l'analyse du cycle de vie, l'écoconception, l'approvisionnement
responsable — Fabien en a parlé tout à l'heure — et aussi la logistique inversée, donc
comment on ramène les produits qui sont sur le marché vers les
entreprises qui vont les remanufacturer.
Et ça implique également une mobilisation des
acteurs, de tous les acteurs, que ça soit les entreprises, des gouvernements, les consommateurs qui doivent
travailler, donc, ensemble pour mettre en oeuvre un tel modèle économique
qui peut être déployé à l'échelle d'un
continent, d'un pays, d'une province, d'une collectivité locale, d'une filière
économique particulière. Et ça,
évidemment, ça implique que tout le monde, je dirais, concourt au même
objectif, donc vise dans la même direction.
Alors, ce
modèle de stratégie, en fait, c'est un nouveau modèle économique. Il est issu,
d'abord et avant tout, non pas, je
dirais, de pressions des écologistes, mais c'est un mouvement qui est venu
essentiellement de l'industrie manufacturière. Ils se sont aperçus que
la volatilité des matières premières, en fait, et des commodités allait de
façon croissante avec le temps et il
devenait de plus en plus difficile pour les entreprises manufacturières
d'établir leur coût de revient
au-delà de trois ans. Ce phénomène-là s'amplifie avec le temps, donc il faut...
Et, évidemment, la question de l'accès aux
ressources est aussi un enjeu majeur. Ce n'est pas parce qu'une ressource est
encore disponible qu'elle va être nécessairement exploitée parce qu'il y a toutes sortes d'enjeux sociaux qui viennent,
évidemment, jouer dans l'équation. Donc, la question de la disponibilité de la ressource est un enjeu
majeur, et qui va s'amplifier avec le temps. Donc, la meilleure façon pour
les entreprises de pouvoir contrecarrer ce
phénomène-là, c'était d'assurer un approvisionnement continu à partir de leurs
propres produits par toutes sortes de boucles de rétroaction que je vous ai,
tout à l'heure, montrées.
Alors, ce courant économique là est en train de
se déployer de façon substantielle en Europe et en Asie. Il y a toutes sortes d'initiatives qui voient le jour en
ce moment. Entre autres, du côté européen, il y a des... Par exemple, en
Allemagne, ils ont une loi-cadre sur
l'économie circulaire avec des lois qui touchent plus particulièrement
l'extraction des ressources et la
gestion des déchets. La Chine a également une loi sur l'économie circulaire
depuis 2008 qui se décline aussi en loi afférente sur également les
ressources, les déchets et l'énergie. Alors, il y a toutes sortes — comment
dirais-je? — d'initiatives
qui sont en train de se mettre en place à la vitesse grand V.
Lorsqu'on a
fondé l'institut il y a neuf mois, les termes «économie circulaire» étaient
très peu... Du moins, au Québec, on
en entendait très peu parler. Maintenant, c'est en train de se déployer un peu
partout, donc on suit ce mouvement économique
là. Et essentiellement les cibles que les gouvernements se donnent sont des
cibles de productivité de matière, donc on dit... Par exemple, l'Allemagne s'est
dit : D'ici 2020, on va doubler la productivité des matières qui rentrent
sur le territoire allemand et on va
bannir l'enfouissement. Donc, ce faisant, on aligne évidemment, pour atteindre
de tels objectifs, tous les
ministères concernés. Que ce soit le ministère de l'Environnement et du
Développement durable, que ce soient les
ministères à vocation économique, alors donc on concourt vers le même objectif.
Alors, tout ça pour dire que c'est porté
actuellement par le Forum économique mondial, donc c'est vraiment une
organisation internationale qui porte ce nouveau modèle économique.
Alors, dans
le cadre de la stratégie, on a intégré de façon un peu timide, j'avoue, la
notion de l'économie circulaire. Il y
a deux définitions qui ne sont pas tout à fait les mêmes et qui portent à
confusion. Ce que nous, on propose, en fait, c'est une définition qui a été définie par l'ADEME, donc l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, en France, et qui est beaucoup plus englobante que la
simple définition qui a été proposée dans le cadre de la révision de la stratégie. Alors, ce qu'on propose, nous, comme
institut, en fait, c'est que la stratégie repose, en fait, essentiellement sur
l'économie circulaire, puisqu'elle permet de
répondre aux orientations et à la plupart des actions qui ont été proposées
dans le cadre de la stratégie en question.
Donc, on touche à peu près à toutes les orientations — un, deux et huit — et on touche de façon indirecte la plupart des orientations et des objectifs.
Alors, ce qu'on propose, en fait, c'est de prendre l'angle économique.
Je termine là-dessus.
Le Président
(M. Bérubé) : Oui. Je vous inviterais, à travers les échanges
peut-être, à compléter pour qu'on puisse maintenir notre temps.
M. Normandin (Daniel) : Ah!
d'accord. Même pas la «slide» ici?
Le
Président (M. Bérubé) : Sur le temps... Alors, le gouvernement
permet que ça soit sur son temps. Continuez.
M.
Normandin (Daniel) :
D'accord. Donc, ce qu'on propose comme démarche, en fait, c'est de prendre,
pour une stratégie de développement
durable qui soit efficace, l'angle économique parce que c'est celui, en fait,
qui parle le plus aux acteurs, aux
parties prenantes de la société. Les signes de piastre parlent, évidemment,
beaucoup plus qu'une approche qui
est, je dirais, une approche punitive, de dire : Occupez-vous de
l'environnement et occupez-vous du volet social. Donc, rentrer par l'angle économique pour susciter l'adhésion
des ministères et des organisations, développer les connaissances sur le modèle d'économie circulaire,
se fixer des objectifs qui concourent entre les différents ministères et développer un plan d'action qui permette de
rencontrer ces objectifs. Alors, voilà. Je fais grâce des conclusions parce
que je reprends essentiellement les éléments que je viens de vous exposer.
Le Président (M. Bérubé) :
Merci, M. Normandin. Alors, M. le ministre, pour échanger avec des gens d'un
institut relié à votre alma mater, l'Université de Montréal.
• (10 h 30) •
M. Heurtel : Merci, M. le Président.
En effet, fier carabin que je suis.
M. Normandin (Daniel) : Fier carabin
que vous êtes.
M.
Heurtel : Alors, merci pour
votre présentation ainsi que votre mémoire. J'ai eu le plaisir de vous rencontrer, ainsi que plusieurs membres de l'institut l'automne dernier. Clair
que l'économie circulaire doit être intégrée, là, dans une réflexion profonde que nous avons à faire pour
effectuer la transition nécessaire de notre économie vers une économie
plus verte. La première question,
je voudrais avoir votre appréciation sur le lien entre l'économie
circulaire et la lutte contre les changements climatiques. J'aimerais
ça, que vous nous parliez un peu de ça, s'il vous plaît.
M.
Normandin (Daniel) : Oui. En
fait, le modèle d'économie circulaire, par définition, est un modèle qui est
beaucoup plus faible en intensité carbone qu'un modèle d'économie linéaire,
qui, lui, est axé beaucoup plus sur le gaspillage,
comme je disais. Donc, on peut s'attendre à ce que, si on produit moins
d'unités pour satisfaire les besoins d'une
même population, forcément on sera moins intense en carbone. Et l'économie
circulaire, en fait, repose également
sur les énergies renouvelables. Donc, les
matières qui proviennent de la biosphère, donc les matières d'origine
biologique, normalement on les met dans une boucle de rétroaction qui
permet, à la fin de leur vie utile, d'en extraire l'énergie, en fait, à
travers la méthanisation, entre autres, les composés biochimiques également à
haute valeur ajoutée, avant que ces substances-là
ne reviennent à la terre pour, évidemment, régénérer la planète. Donc, le
modèle d'économie circulaire en tant que tel est un modèle qui tend à lutter contre le changement climatique parce
que c'est un modèle à plus faible
intensité carbone.
M. Heurtel : Parfait. Donc, nécessairement,
on a, ici encore, une façon de voir la nécessité d'intégrer la lutte contre les changements climatiques à la stratégie
de développement durable et de s'assurer que nos efforts en matière de lutte contre les changements
climatiques — vous connaissez bien, plan d'action, Fonds vert, marché du carbone — soient
véritablement intégrés pleinement à la stratégie de développement durable. Bon.
L'autre point
que j'aimerais vous faire approfondir, c'est au niveau des opportunités de développement économique pour l'économie québécoise. Parce
qu'évidemment, souvent, lorsqu'on parle de transition d'économie, de changement
d'habitudes, de transformation, évidemment, on a tout de suite, évidemment,
beaucoup de gens qui vont soulever des questionnements,
et sur le fait que ça va probablement nuire à l'économie québécoise. Donc,
là-dessus, ce serait intéressant de vous entendre sur comment une transition, cette
transition-là peut, au contraire — et je le crois — être une opportunité très importante,
voire stratégique, pour l'avenir du développement de l'économie québécoise.
M.
Normandin (Daniel) :
Écoutez, les économistes qui ont étudié ce modèle-là, les économistes, entre
autres, du Forum économique mondial
ont fait des estimés, en fait, de, premièrement, d'économies générées pour les
entreprises et la société de façon
générale et la création d'emploi liée à l'économie circulaire. Uniquement pour
le territoire britannique, on estime
que l'économie circulaire devrait créer 200 000 nouveaux emplois d'ici
2030 par l'introduction de l'économie circulaire.
Alors, ça, les études n'ont pas été réalisées pour le Québec, mais on peut
s'attendre évidemment à avoir le même type — évidemment, toutes
proportions gardées, là — de
création d'emplois.
Le modèle
d'économie circulaire, qu'on le veuille ou qu'on ne veuille pas, est en train
de s'implanter à l'échelle internationale.
Donc, le Québec va être impacté, qu'il le veuille ou qu'il ne le veuille pas.
C'est-à-dire que l'intensité de consommation
de ressources, per capita, va diminuer au total. Alors, si on veut faire partie
du mouvement et tirer bénéfice, en
fait, de la création d'emplois et de richesse que ça peut occasionner, il faut
l'inscrire de manière concrète à l'intérieur de notre stratégie. Non
seulement de la stratégie de développement durable, de notre politique
d'innovation, de notre stratégie industrielle parce que tout ça, évidemment,
est relié. À partir du moment où on se fixe des objectifs de productivité de matières, il y a toutes sortes
d'entreprises qui vont inventer des nouveaux modèles, en fait des nouvelles
façons de mieux gérer les ressources, de mieux en tirer profit.
Tantôt,
Fabien a parlé de l'économie collaborative. Ça, c'est en train de se mettre en
place, qu'on le veuille ou qu'on ne
le veuille pas. Il y a un déploiement massif de l'économie collaborative et
l'économie de fonctionnalité, qui sont des
composantes importantes. Et ce qui nous permet de croire qu'aujourd'hui
l'économie circulaire va se réaliser à l'échelle internationale, c'est le fait que les planètes s'alignent sur une prise
de conscience des consommateurs, une écoeurantite aigüe, en fait, de l'obsolescence programmée des
produits qu'on consomme, la question des ressources qui deviennent de moins en moins disponibles, d'une part, et
aussi cette pression, en fait, occasionnée par la croissance de la population.
Donc, on n'a pas le choix, on va y aller.
Pour le Québec, évidemment,
ça veut dire de réfléchir en fonction de notre réalité économique
québécoise. On est une
nation extractive, entre autres, on a beaucoup de ressources naturelles. Comment l'industrie
extractive peut prendre un pas de
recul et considérer le gisement non pas juste en dessous de la croûte
terrestre, mais également à l'échelle du marché, que ce soit dans les sites d'enfouissement, en circulation dans
le marché autant que dans la croûte terrestre? On est en train de discuter, entre autres, avec le ministère de
l'Énergie et des Ressources naturelles,
justement, pour évaluer un projet qui viserait à
cartographier un peu ces ressources-là puis voir qu'est-ce qu'on peut en tirer,
comment on peut appliquer des modèles de
stratégie de circularité pour en tirer davantage, évidemment, de retour sur l'investissement et
s'inscrire dans cette dynamique d'économie circulaire qui est en train de se
mettre en place à la vitesse grand V.
Donc, il y aura des opportunités. C'est sûr qu'il y a
toujours des perdants lorsqu'on fait un changement de paradigme, un changement économique. Tantôt, si on
ne prend que l'économie de fonctionnalité, le fait, évidemment... Bon, on peut prendre l'exemple de Uber, on peut
prendre l'exemple de Airbnb, l'industrie hôtelière, l'industrie du taxi vont être impactées, mais globalement, en fait,
tout le monde va y trouver son compte. On va créer plus d'emplois qu'on va
en perdre par un modèle d'économie circulaire, c'est ce que soutiennent les
économistes qui sont à la base de ce modèle-là,
qui, d'ailleurs, n'est pas si nouveau que ça, on en parlait dans les années 70
par le Club de Rome. Mais, dans sa
définition moderne, c'est un modèle qui se déploie depuis environ une dizaine
d'années, de façon plus intensive depuis les quatre, cinq dernières
années, et on estime que la transition vers une économie circulaire devrait
prendre entre, grosso modo, 15 à 25 ans.
Mme
McDonald (Mélanie) : Mais,
si on regarde, par exemple, ce qui se passe en Allemagne, leurs expériences
ont débuté au début des années 2000. Avec
des indicateurs chiffrés... leur a permis de démontrer qu'effectivement c'était
symbole d'opportunité économique
intéressante, et ils ont d'ailleurs réenligné assez rapidement leur stratégie
d'économie circulaire, qui émanait, à
la base, de leur stratégie de développement durable — donc, c'est intéressant — quelques années après dans une stratégie plus musclée qui implique
l'équivalent du MDIE ou autre, donc, là, vraiment opportunité économique
liée à l'économie circulaire.
M.
Heurtel : Donc, de façon horizontale, il faudrait que, justement, la
stratégie intègre, justement, ces principes-là et s'assure que, par
exemple, que ce soit au niveau de nos politiques d'investissement, que ça soit
dans nos processus décisionnels,
l'aménagement urbain, transport, au niveau de tous les choix économiques, là,
toutes les interventions de l'État.
Parce qu'il y a beaucoup des exemples que vous avez donnés, l'État, parfois,
est un investisseur, un prêteur, un subventionnaire.
Alors, dans ça, il faudrait véritablement intégrer des conditions pour
s'assurer qu'on intègre l'idée de transitionner vers une économie
circulaire.
M. Normandin (Daniel) : Si je peux
me permettre, M. Heurtel, moi, je fais du développement durable et de l'environnement depuis environ 30 ans. C'est ma
carrière, en fait. Puis j'ai vu évoluer le champ du développement durable
autant en tant qu'universitaire, mais aussi
comme consultant. J'ai été consultant pendant cinq ans, j'ai fondé une firme
qui s'appelle Quantis, que certains
d'entre vous, peut-être, connaissez. Et ce qu'on peut dire, c'est qu'actuellement,
dans le contexte économique que l'on
connaît, qui est difficile depuis 2008, le développement durable est en
régression autant dans les
gouvernements que dans les entreprises parce qu'on voit ça comme étant un
fardeau supplémentaire à ce que les entreprises et les gouvernements
doivent déjà faire. Alors, c'est une approche qui est plus — comment
je dirais ça? — culpabilisante, c'est-à-dire occupez-vous de
l'environnement et occupez-vous du volet social. Et, ce faisant, les entreprises autant que
les gouvernements ont de la difficulté à intégrer ça dans leur quotidien, en
fait. En prenant l'angle économique,
on a des retombées sur l'environnement et on a des retombées sur le volet
social. Et c'est un angle qui parle à
la fois au gouvernement parce qu'on parle de création de richesse, et c'est un
angle qui parle également aux entreprises et aux citoyens parce qu'on crée des emplois, on maintient des emplois
et on permet à l'économie d'être beaucoup plus résiliente qu'elle l'est
actuellement.
Alors,
c'est pour ça qu'en ce moment il y a cette vague d'intérêt pour l'économie
circulaire à travers la planète. Et
les pays, évidemment, qui sont les premiers à adopter ça sont les pays qui ont
des problèmes déjà de densité de population et d'accès à la ressource que
sont, entre autres, la Chine et plusieurs pays européens.
• (10 h 40) •
Mme McDonald
(Mélanie) : Moi, j'ajouterais aussi qu'en fait il y a un intérêt
important des organisations environnementales,
des spécialistes en développement durable. Moi, je travaille depuis 15 ans en
développement durable, j'ai passé cinq ans en Europe à mobiliser... Moi, ma
spécialité, c'est la conduite du changement en développement durable. Et, là où
je trouve ça intéressant en plus, l'économie circulaire, c'est que c'est un cadre
fédérateur qui amène tout le monde à
la table sur un cadre de solution clair et cohérent. Donc, ça permet de
rassembler plusieurs actions
intéressantes, mais qui semblent dispersées. Et ça, c'est essentiel si
on veut mobiliser les gens, notamment les consommateurs, et autres, sur... mais
aussi les employés sur des initiatives de développement durable parce que,
sinon, tout le monde a l'impression d'agir
tout seul de son côté, c'est démotivant, et on a l'impression qu'on n'avance
pas, alors que, là, ça fait comme une
carte — si
vous voyez le schéma qu'on a essayé de reproduire, c'est un petit peu ça — qui nous permet de voir où moi,
j'agis, mais aussi où les autres agissent également.
Le Président (M.
Bérubé) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci. Merci, M. Normandin,
de votre présentation, mais aussi de nous présenter un peu une structure qui, pour moi, est fascinante.
Et je vais vous donner un exemple pratique parce que je pense que c'est très important. Dans mon comté, on est en train de
construire une usine de recyclage qui s'appelle Valoris, qui va regrouper,
en fait, Sherbrooke et tout l'ensemble de
mon comté, où on va prendre tous les déchets et on va faire un recyclage
total : produits biologiques, les produits non ferreux, les
ferreux, etc. L'usine devrait être en démarrage dans les prochaines semaines. Donc, je pense que c'est un de ces
exemples d'économie circulaire qui est en développement. J'ai, moi aussi,
hâte de voir la performance et l'évolution
que ça va nous amener. Et le site de déchets de Valoris, chez nous, est en
train de devenir, en fait, une
nouvelle industrie complètement parce que le nombre d'entrepreneurs et
d'entreprises qui y travaillent augmente
continuellement, puis de façon vraiment, vraiment systématique. Donc, ce que
vous nous dites là, là, c'est très, très bien.
Là
où moi, j'ai un problème de paradigme, c'est au niveau de certains segments de
l'industrie, on va devoir faire des
changements fondamentaux. Je m'explique. Par exemple, prenez l'industrie du
plastique, où les catalyseurs, l'aérologie,
les additifs font que le produit fini, dans son utilisation, devient
pratiquement impossible à recycler dans sa forme originale. O.K.? Vous comprenez très bien, là, cet ensemble de
choses là. Pour moi, dans les politiques de développement durable qu'on est en train de mettre en place,
est-ce que vous avez des suggestions à nous faire sur les paramètres, par
exemple, de recyclabilité, là, qu'on pourrait mettre dans l'évolution de nos
produits à partir des ressources naturelles originales pour permettre une
reconversion?
M. Normandin (Daniel) : Oui. Bien, en fait, il y a des éléments
techniques, évidemment, qui sont là-dedans. Moi, j'étais hier au forum organisé par Éco Entreprises Québec, et on a entendu
beaucoup d'exemples d'entreprises qui étaient, justement, des recycleurs. Le problème qu'on a actuellement, en fait,
c'est que la matière qu'on récupère par la collecte sélective et surtout la consigne... En fait, oui,
la consigne, en fait, je dirais, la matière est souvent de meilleure qualité,
mais, au niveau de la collecte sélective, il
y a beaucoup de contamination, si bien que les plastiques qu'on récupère, en
bout de ligne il y a seulement qu'une petite
proportion qu'on peut en faire, évidemment, quelque chose de... un objet de
qualité, disons. Alors, ça, il y a un enjeu
principal, un enjeu majeur là-dessus, il faut connecter la chaîne de valeur. Il
faut que les manufacturiers arrivent avec des cahiers de charges précis
et qu'évidemment les recycleurs qui récupèrent le matériel puissent répondre à
ces cahiers de charges là. Et ça veut dire aussi de retourner à la conception
du produit lui-même pour faire en sorte
qu'on utilise, oui, qu'on utilise, donc, des plastiques qui soient de meilleure
qualité au départ et qui soient
surtout recyclables, ce qui n'est pas le cas de tous les plastiques. Et souvent
ils sont mélangés, donc on se retrouve
avec un ensemble de plastiques de différentes natures, et ça fait en sorte
qu'on est obligé de jeter le tout. Alors donc, la conception en amont est extrêmement importante, et ça fait
partie des outils qui contribuent à la mise en place de l'économie
circulaire.
Le Président (M.
Bérubé) : Merci.
M.
Bolduc
(Mégantic) : ...
Le
Président (M. Bérubé) : Notre temps est terminé. À moins que
vous vouliez allonger sur votre temps de tout à l'heure, mais... On va
passer au groupe de l'opposition officielle, et je reconnaîtrai M. le député de
Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui. Merci, M. le Président. Bonjour...
M. Normandin (Daniel) : Bonjour,
M. Gaudreault.
M.
Gaudreault : ...Mme McDonald, M. Normandin. J'aurais,
évidemment, à peu près 10 000 questions, mais on va...
Une voix : ...
M. Gaudreault : Oui, c'est
ça, ça ne fait pas beaucoup de secondes par question. Alors, vous avez piqué ma
curiosité, Mme McDonald, avec les
expériences internationales. Puis, tout à l'heure, je voyais sur votre
présentation, là, la carte du monde,
où vraiment l'Amérique est complètement sur une autre planète, là, en termes
d'économie circulaire — c'est le cas de le
dire — autant
Amérique du Sud qu'en Amérique du Nord. Je suis étonné sur la Chine, là, avec
les lois en économie circulaire. Mais
j'aimerais que vous nous instruisiez un peu plus sur le processus, peut-être
particulièrement dans un pays qui
nous ressemble plus comme
l'Allemagne, ou la Grande-Bretagne, ou même la France, les Pays-Bas, sur le
processus qu'ils ont utilisé pour intégrer l'économie circulaire.
Autrement dit, en quoi ça pourrait nous inspirer par rapport à la stratégie qu'on a devant nous, là, pour être
capable de modifier tout de suite la stratégie qu'on a devant nous afin d'amener
davantage l'économie circulaire?
Mme
McDonald (Mélanie) : Bien,
je pense, tous les pays l'ont vu comme un cadre fédérateur. Donc, ça, quand
on parlait d'intégration horizontale qui
permet de catalyser la majorité des actions — c'est pour ça qu'on a fait un peu un recensement de tous les objectifs de la
stratégie actuelle que ça permettait de regrouper — ça, c'est quand même un point essentiel. De regrouper tous les acteurs
impliqués, ça a été un point commun de l'ensemble des pays. Donc, de mettre
à la table autant les gouvernements, les entreprises, les organisations environnementales
que les universitaires, ça a été vraiment,
vraiment important. Bien, ce n'est pas parce que c'est l'Institut EDDEC, là,
mais d'être accompagné par des organisations
de recherche en Allemagne, par exemple, l'Institut Wuppertal, qui a permis de
mesurer et aussi d'apporter des
conseils stratégiques sur comment le faire... Parce que ça soulève des
questions qui impliquent toutes les disciplines. Autant on a parlé de technique, mais on peut parler de politique
sociologique. Ça, c'est absolument essentiel, donc, de se doter
d'indicateurs de suivi.
Donc, ça fait
partie des premiers points où, en général, ils se sont dotés, en gros, d'un
incubateur de deux à trois ans pour
se permettre de vraiment être capables de se fixer un objectif et des plans
d'action qui font sens. Et c'est pour ça que notre recommandation... ce que Daniel Normandin disait tout à l'heure,
que c'est important, à notre avis, qu'on se donne le temps aussi avant de demander aux ministères et
organismes de réaliser des plans d'action. Donc, s'ils doivent le faire,
par exemple, pour le 1er avril et intégrer
tout de suite l'économie circulaire là-dedans, bien, je pense que ça demande un
certain temps d'appropriation, de discussion
entre les acteurs pour voir la contribution de chacun, pour qu'on puisse être
capable de se fixer ce plan d'action là en général. C'est ce que les autres ont
fait, du moins.
M.
Normandin (Daniel) : Si je
peux rajouter, le gouvernement a joué un rôle souvent, justement, de catalyseur
ou de mise en commun des parties prenantes,
d'une part. Et c'est souvent le ministère de l'Environnement ou du
Développement durable qui a joué de façon peut-être prioritaire ce
rôle-là, mais qui a entraîné, évidemment, les autres ministères à collaborer dans la démarche. Et, souvent, on...
Bien, en fait, c'est le cas de la France, qui est en train de... qui a un
projet de loi sur l'économie
circulaire qui est en discussion en ce moment. Normalement, ils ont créé un institut
qui s'appelle l'Institut de l'économie circulaire, qui n'est pas un
institut de recherche, contrairement au nôtre, qui est là plus pour regrouper les parties prenantes et faire les
pressions appropriées pour que l'économie circulaire puisse voir le jour, et
ils se sont donné comme objectif de
voter une loi de l'économie circulaire pour 2017 en France. Ça, c'était
l'objectif initial, mais déjà
Ségolène Royal a annoncé un avant-projet de loi cet été... l'été dernier, en
fait. Donc, les choses vont aller plus rapidement.
Et, comme je disais tout à l'heure, au-delà de
la fédération des acteurs, il faut savoir qu'au Québec toutes les composantes de l'économie circulaire existent.
C'est juste que les composantes sont en silo, les initiatives ne se parlent
pas, souvent, donc il y a beaucoup de
gaspillage de fonds juste pour soutenir des initiatives en développement
durable qui, individuellement, sont
intéressantes, là, concourent, en fait, à des objectifs de développement
durable, on s'entend, mais, comme ils
sont disparates, on a de la difficulté à atteindre un objectif commun.
L'économie circulaire permet ce parapluie
qui fédère l'ensemble des initiatives, et tout le monde travaille dans la même
direction. Et c'est pour ça qu'on donne
des objectifs de productivité de matière, et ça peut être également des
objectifs de réduction du changement climatique qui sont afférents. Et tous les ministères, Innovation, Industrie,
Ressources naturelles, Environnement concourent... et puis le ministère de l'Éducation aussi,
évidemment, pour former la main-d'oeuvre, les compétences nécessaires pour ce
faire, donc concourent au même objectif.
Mme
McDonald (Mélanie) :
J'ajouterais un autre point très, très important qui a été mis en oeuvre dans
plusieurs pays, notamment en Chine,
en Hollande, qui ont beaucoup cette approche-là, c'est les projets pilotes,
donc de tout de suite tester dans
plusieurs secteurs d'activité, sur plusieurs territoires, dans des
organisations des produits, plusieurs approches possibles, qu'est-ce que ça veut dire, l'économie circulaire, et puis de
mesurer concrètement les retombées économiques, environnementales, sociales de tout ça pour mieux encadrer par la suite.
Donc, la Chine est en train de déployer dans le cadre de sa loi
1 000 projets pilotes à l'échelle territoriale. Donc, on pourra
certainement s'en inspirer.
Puis, à
l'échelle des Pays-Bas, ils n'ont pas de loi. Ils ont été avec une approche, on
dit, plus libérale, donc où le gouvernement
va faciliter, joue un rôle de facilitateur pour les projets pilotes qui
rentrent dans un programme qu'ils ont appelé
Green Deals. On pourrait regarder ça si ça vous intéresse, mais c'est une
approche différente de l'approche législative et fixation d'objectifs
clairs.
• (10 h 50) •
M. Normandin (Daniel) :
Si j'ai quelques minutes, juste pour rajouter...
M. Gaudreault : Tant qu'à
être parti.
M.
Normandin (Daniel) : ...actuellement, on a une douzaine de projets qui sont à différents degrés de montage
au niveau de l'institut avec différentes parties prenantes. Un, entre autres, que vous avez peut-être entendu parler, en fait, c'est d'inscrire le secteur aéronautique dans l'économie
circulaire. Donc, c'est de faire du Québec, en fait, une plaque tournante, en fait, du démantèlement et de la valorisation des aéronefs en fin de vie. Il
y a trois plaques tournantes au niveau international. En Europe, évidemment, ils mettent beaucoup
l'emphase là-dessus, mais au Québec on a tout ce qu'il faut ici pour le faire.
Donc, en ce
moment, il y a eu deux projets
pilotes. Donc, on a démantelé deux
aéronefs. C'est un projet qui a eu lieu,
il y a deux ans, avec Air Transat, entre
autres, puis des joueurs comme
Pratt & Whitney, comme Bombardier, etc., et pour apprendre un peu. On est capable de recycler
jusqu'à 80 % un avion. Il reste
encore 20 % de matériaux de très, très haute qualité. La qualité
aéronautique, c'est le maximum qu'on peut obtenir, là. Alors, ces matériaux-là,
ces 20 % de matière là se ramassent
dans un site d'enfouissement. Alors, il faut monter ça à 100 %, et on
aurait au Québec, entre autres, l'opportunité
de devenir un pôle mondial de démantèlement et de valorisation des aéronefs en
fin de vie par toutes sortes de solutions qu'on pourrait éventuellement
mettre au point. Et donc c'est Aéro-Montréal qui s'occupe de ça, et on va travailler aussi avec le CRIAQ, le consortium de
recherche en aéronautique du Québec, pour que les ingénieurs, que les économistes, que les... en fait, que les
spécialistes d'aviation travaillent tous au même objectif, en fait, de devenir
ce pôle mondial là.
Ça, c'est un
exemple, mais on déploie l'économie circulaire aussi à différentes échelles,
échelle de quartiers... On a déposé
un projet à Je vois Mtl pour faire de la métropole, en fait, la première
métropole en économie circulaire en Amérique
du Nord. Et on peut déployer, évidemment, l'économie circulaire au niveau du
Québec. Donc, il y a différentes échelles géographiques : à
l'échelle d'une entreprise, à l'échelle d'une filière industrielle, à l'échelle
d'un métal, par exemple. C'est-à-dire, on
cartographie ce métal-là sur l'ensemble des flux, tout ce qui rentre, tout ce
qui est généré dans le marché et tout ce qui se ramasse dans les sites
d'enfouissement.
Le Président (M. Bérubé) : 30
secondes.
M. Roy : Bonjour.
M. Normandin (Daniel) : Oui, bonjour...
Le Président (M. Bérubé) :
Fais ça vite.
M. Roy : Vous êtes
passionnés. Quelles sont les zones de résistance?
M. Normandin (Daniel) : Les zones de
résistance? Évidemment, quand on change un modèle économique, il y a toujours
de la résistance, c'est clair. Les entreprises sont très conservatrices. Donc, les entreprises
qui sont là depuis très longtemps ont souvent des freins, quoique, dans le
modèle d'économie circulaire, en Angleterre il y a une centaine d'entreprises,
de multinationales qui se sont inscrites dans ce courant-là et qui modifient
leurs pratiques d'affaires.
Mme McDonald (Mélanie) : ...à
travailler ensemble, c'en est un bon.
Le
Président (M. Bérubé) : Merci beaucoup. Alors, on va passer aux
représentants de la deuxième opposition, M. le député de Groulx.
M. Surprenant : M. le Président,
merci. Mme McDonald, M. Normandin, bonjour.
M. Normandin (Daniel) : Bonjour.
M.
Surprenant : Ma question va porter sur l'impact au niveau des régions
de l'économie circulaire. Vous savez, le
Québec est un pays producteur de matières premières, donc c'est une donnée
importante, là, de notre économie. Alors, d'ailleurs, le gouvernement
est en train de créer le Plan Nord, donc veut mettre l'emphase sur le
développement des ressources en région.
Donc, ça crée beaucoup d'emplois, l'exploitation des ressources du sol. Alors,
ma question, donc : Quel est
l'impact d'une transition vers une économie circulaire pour les régions,
particulièrement celles qui sont liées aux ressources? Parce qu'il y a
des emplois qui vont se perdre, là.
Mme
McDonald (Mélanie) : Bien,
moi, je dis, vu l'augmentation de la population, là, on va continuer d'extraire
quand même, là. Donc, ça ne veut pas dire
que ceux qui sont dans le domaine de l'extraction vont perdre leur emploi parce
qu'on va dans une transition vers l'économie
circulaire. Par contre, ce qui est intéressant, c'est que, par exemple, en
France, ils ont été vers l'économie
circulaire pour redynamiser les régions, les territoires parce que ça recrée
une économie locale qui n'est pas
délocalisable. Par exemple, si on regarde les solutions au niveau de la
réparation des produits, ce type de solution
là va recréer des savoir-faire locaux qui sont disparus, oui, quand on va créer
des boucles locales de redistribution des matières, de réemploi. Il y a certaines des
solutions qui ne peuvent pas être faites, comme le recyclage, à l'échelle
mondiale. Donc, c'est dans cette optique-là
que, notamment en France, ils ont développé leur stratégie d'économie
circulaire en disant : On va
redynamiser nos territoires sur autre chose que l'exploitation des ressources
naturelles, qui, dans leur cas, n'est plus disponible, bien effectivement.
M.
Surprenant : Dans leur cas, vous dites, qui est... plus disponibles,
les ressources naturelles?
Mme McDonald
(Mélanie) : Les ressources naturelles sont moins disponibles en France
qu'ici, on s'entend.
M.
Surprenant : Voilà. Voilà. Donc, votre réponse, finalement, à mon
avis, ne fonctionne pas pour ce qui est du Québec parce qu'on parle de régions qui sont des grandes productrices
de ressources naturelles. La France, ce n'est pas le cas. Là, on veut transformer des régions, en fait, à l'économie
circulaire, alors qui vont, en contrepartie, écoper au niveau de la
production de matières premières. Alors, j'ai lu des documents au niveau de...
M. Normandin
(Daniel) : Mélanie dit justement...
M.
Surprenant : ...on parle de 20 %, au moins, de réduction de...
M. Normandin (Daniel) : Ce que Mélanie dit, en fait, c'est que la
population va s'accroître. L'idée là-dedans, c'est de diminuer la consommation de ressources per capita. Mais si la
population... En fait, pas si, la population va passer de 7 milliards à 9 milliards en 2050, à
12 milliards en 2150, donc avec, évidemment, une population de classe
moyenne qui va doubler d'ici 15 ans.
Donc, la demande pour les ressources ne va pas diminuer. Ce qu'on veut, en
fait, c'est diminuer l'angle de la pente ou l'angle... la courbe, si
vous voulez, en fait.
Le développement
durable, c'est quoi? C'est d'être capable de satisfaire les besoins des
générations actuelles sans compromettre les
générations futures d'être capables de satisfaire leurs propres besoins. C'est
d'abord et avant tout une question de
ressources. Si on extrait tout ce qu'on peut extraire aujourd'hui et que cette
extraction-là se ramasse dans un site
d'enfouissement éventuellement, comment voulez-vous qu'on rentre dans un
développement durable dans cette perspective-là?
Ce qu'il faut faire, en fait, c'est que les entreprises extractives, comme je
disais tantôt, prennent un pas de
recul et voient la ressource en question non pas juste en dessous de la croûte
terrestre, mais également dans le marché. Et je pense que ce qu'il faut relancer, c'est une industrie locale de
transformation de ces ressources-là ou de retransformation des ressources par pôles qui peuvent être
concentrés en foresterie, en différents types de métaux, donc spécialiser un
peu des régions.
Et
l'économie circulaire se conjugue au niveau des collectivités parce qu'on
essaie de réduire les circuits. Donc, les
circuits courts. Pourquoi les circuits courts? Parce que moins il y a de
transport, moins il y a de gaz à effet de serre, et on s'organise pour que les collectivités soient le plus autoportantes
possible. Donc, il y a des ressources qui se promènent à l'échelle mondiale, à l'échelle globale. Une fois
qu'elles rentrent sur un territoire, on essaie de faire en sorte que les
boucles soient les plus petites
possible, à l'échelle d'une province, à l'échelle d'une collectivité, à
l'échelle d'une ville, à l'échelle de... Alors, c'est ça.
Donc,
c'est certain que ça va... on devra repenser de la façon dont on exploite nos
ressources, mais ça ne veut pas dire
qu'on va perdre des emplois pour autant, là. On va créer de nouveaux types
d'emplois qui vont être plus associés sur la retransformation des
ressources qui sont déjà en circulation dans le marché.
Mme McDonald (Mélanie) : Et ça fait partie des points qu'on a identifiés
comme étant vraiment à explorer et à calculer précisément dans le cadre
de notre programmation de recherche, je vous rassure.
M.
Surprenant : Oui. J'ai encore un peu de temps, oui?
Le Président (M.
Bérubé) : Oui, vous avez 1 min 20 s.
M.
Surprenant : O.K. Parce qu'au niveau de l'emploi, en fait, ce que je
comprends, c'est que, bon, au niveau des
GES, on devra penser dans tout ça qu'il y ait une diminution du transport.
Donc, les ressources déjà utilisées en région pourraient être...
circuler là-bas et ramenées ici.
Une voix :
Une partie.
M.
Surprenant : Ou une petite partie, mais il va y avoir des usines qui
vont s'installer autour des grands pôles. Donc, l'économie des régions va être affectée, il y a des emplois qui
vont être déplacés vers les grands pôles nécessairement, là, si on parle
d'économie circulaire.
Mme McDonald (Mélanie) : Bien, actuellement, beaucoup de ressources vont
aussi directement en Chine, là, sans
être... Donc, il faudra voir, l'impact est vraiment difficile à analyser. Je
veux dire, cette étude-là au niveau de l'impact sur les emplois a été faite au niveau de l'Europe, ça a donné des
résultats superpositifs. Après, au niveau du Québec, je pense qu'on a besoin de prendre un pas de recul
puis de voir... Tout dépend des mesures qu'on choisit de mettre en place
aussi. Il y a certaines des solutions qui
vont pouvoir être déployées en région plus loin, d'autres qui supposeraient d'être
déployées plus proche des pôles. C'est à nous à faire des choix aussi comme
société.
M.
Normandin (Daniel) : Ceci
dit, les modes de transport influencent beaucoup les émissions de gaz à effet
de serre. Donc, on a des spécialistes
à l'institut, en fait des spécialistes de logistique inversée, qui permettent,
justement, de voir quels sont les meilleurs patrons de circulation des
flux de matières.
Le
Président (M. Bérubé) : Merci pour ce bloc, ça met fin. Alors,
on va passer à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
pour trois minutes.
• (11 heures) •
Mme
Massé : Merci. Merci pour votre réflexion, pour votre perspicacité de
voir ce qui s'en vient, ce qui est en avant.
Je trouve ça très intéressant, d'autant plus quand on parle d'être à l'affût de
modèles respectueux des limites de la planète,
hein? C'est comme ramener l'être humain dans son rôle premier, qui est d'être
un être humain. Ce que je trouve intéressant,
vous avez dit que c'est un type d'économie qui peut... bon, projets pilotes,
etc., mais se développer sur une base territoriale, sur une base de
modèle... une filière économique, etc.
J'aimerais ça
parce que je trouve qu'ici, au Québec — et vous l'avez souligné — on a quelque chose qui nous est propre, c'est-à-dire on a une SAQ qui,
annuellement, vend énormément de bouteilles de différents types de verre. On
avait historiquement des entreprises qui
agissaient peut-être sans le savoir dans une économie circulaire. J'aimerais
que vous me dites si, par exemple,
toute la question de la consigne... Vous y avez fait un état... Je n'ai pas
trop compris ce que vous vouliez
dire. Comment on pourrait faire en sorte d'inscrire le verre, une filière,
donc, dans l'économie circulaire ici, au Québec?
M.
Normandin (Daniel) : Bien,
écoutez, la question arrive à point. Hier, j'étais, donc, au forum Éco
Entreprises Québec, qui est responsable, donc, justement, des emballages
puis des imprimés. Et j'étais en atelier de travail sur le recyclage, et, entre
autres, il y avait deux entreprises, Tricentris et puis Gaudreau, qui sont en
train... en fait, qui ont développé des usines de traitement du verre. La
question de la consigne versus la collecte sélective, c'est surtout une question de qualité, évidemment, des matières
qu'on récupère. Quand c'est consigné, évidemment, en général on a une
plus grande qualité qu'en collecte sélective, surtout quand c'est tout mélangé.
Pour ce qui
est du verre, les technologies, qu'on nous a dit hier, étaient suffisamment à
point pour être capable, même par la
collecte sélective, donc, de récupérer le verre, de le traiter et de le
recycler... en fait, même, je dirais, de le surcycler. Parce qu'on appelle l'«upcycling» le fait de donner une valeur
au produit plus grande que sa valeur d'origine, contrairement au
«downcycling», en fait, ou sous-cyclage, qui donne une valeur moins importante
au produit de deuxième vie. Et ce qu'on nous a dit hier, en fait, c'est qu'il
semblait y avoir de nombreuses innovations pour permettre à ce verre qu'on micronise, donc qu'on rend à
l'échelle du micron, pour en faire des produits fort intéressants, que ça soit l'intégration dans les bétons, en fait dans le
ciment, mais que ça soit aussi pour la production de dalles ou... Donc, il
semblait plus y avoir un problème éventuellement d'offre qu'un problème de
demande pour le verre.
Le
Président (M. Bérubé) :
Merci. Ça met fin à ce bloc. J'ai une demande exceptionnelle du ministre
pour ajouter cinq minutes qui seraient
retranchées sur un prochain bloc du gouvernement si j'ai l'accord de l'ensemble
des membres de cette
commission. Est-ce que j'ai le consentement?
Une voix : Oui.
Le
Président (M. Bérubé) :
Ça va? Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, ça va? Alors, M.
le ministre... Ah! c'est Mme
la députée de Vaudreuil. Cinq minutes.
Mme
Nichols : Oui. Merci, M. le
Président. Merci aussi à... merci, les collègues. C'est tellement intéressant, on aimerait vous entendre et vous
entendre.
On sait que
l'un des résultats qui est recherché dans la stratégie, c'est d'augmenter
le nombre de municipalités, entre autres, là, de les impliquer
encore plus dans le développement durable puis leur capacité aussi à le faire.
Puis le ministre nous avait préalablement informés que vous
animiez, entre autres, Montréal :
Laboratoire de l'économie
circulaire en Amérique du Nord, puis je pense que Mme McDonald
en a glissé un mot tantôt, mais ça aurait été intéressant de vous entendre aussi, pour les plus petites municipalités,
l'intérêt de ce projet-là. Parce qu'on sait que c'est plus facile pour les
grandes municipalités, mais l'intérêt ou la façon qu'on peut l'appliquer pour
les plus petites municipalités...
M.
Normandin (Daniel) : On a
actuellement, comme je disais tantôt, dans les cartons, en fait, à différents
degrés de montage, plusieurs projets. Et l'échelle géographique, en
fait, est un des angles d'attaque, en fait, des projets de recherche de l'institut, et on est actuellement en
discussion avec des villes de taille moyenne ou de petite taille, en fait,
pour voir, justement, comment on peut
conjuguer l'économie circulaire à ces échelles géographiques là. Entre autres,
on est en discussion avec la ville de
Victoriaville, qui est une ville qui est, bon, le berceau du développement
durable pour toutes sortes de
raisons. Bon. Et il y a une écoute favorable de ce côté-là, et c'est de voir
comment on peut mobiliser les acteurs de cette région-là pour,
évidemment... Puis là il y a des entreprises comme Gaudreau qui en font partie,
qui sont des innovateurs en termes de
recyclage et de surcyclage. Donc, on est en discussion pour, justement, être
capable d'appliquer ce modèle-là à différentes échelles : petites,
moyennes et grandes villes.
Mme
McDonald (Mélanie) : Mais
aussi en région, en ville, dans les quartiers, donc on essaie vraiment d'avoir
une approche variée pour comprendre l'impact réel.
Mme
Nichols : Oui. Bien, il faut que ça soit un modèle inspirant aussi
pour les plus petites municipalités. Parce qu'on s'entend que les plus grandes ont souvent les moyens de le faire,
mais on cherchait la source d'inspiration pour les plus petites
municipalités.
Mme
McDonald (Mélanie) : Mais,
pour l'instant, je vous avoue qu'on répond seulement à la demande parce qu'on fait seulement quelques conférences, et puis
les gens viennent à nous, tu sais... l'exemple de Victoriaville, il y a plusieurs villes qui se sont montrées intéressées
à être des projets pilotes là-dessus, tout comme des entreprises, tout comme des organisations sans but lucratif, tu sais, il y
a vraiment un intérêt fort des acteurs de la société aujourd'hui au Québec.
Le Président (M. Bérubé) : Ça
va?
Mme Nichols : Oui, ça va. Merci
beaucoup
Le
Président (M. Bérubé) :
C'est tout pour votre bloc? Bien, finalement, c'était 2 min 25 s
au lieu de cinq. Alors, merci beaucoup. Merci de votre présentation. Et
on va passer aux prochains intervenants.
(Suspension de la séance à 11 h 5)
(Reprise à 11 h 7)
Le
Président (M. Bérubé) :
Alors, nous allons passer au prochain intervenant, du Centre québécois
du droit de l'environnement, et nous recevons Me Jean Baril, docteur en droit
et administrateur. Vous avez 10
minutes pour votre présentation.
Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)
M. Baril (Jean) : Bonjour. Merci aux
parlementaires, aux membres de la commission d'avoir accepté la demande du Centre québécois du droit de
l'environnement d'être entendu. Mon nom est Jean Baril. Je suis avocat, docteur
en droit et un des 15 administrateurs
bénévoles. Je le spécifie, le centre québécois est composé... tous
d'administrateurs bénévoles.
Pour ceux qui connaissent moins le centre, je
veux juste expliquer brièvement un peu sa mission, sa vocation. Depuis 1989, donc 25 ans déjà, le CQDE joue un
rôle actif au sein de la société québécoise en intervenant dans les débats
environnementaux importants qui animent
l'actualité. Il participe aussi régulièrement aux consultations
gouvernementales comme aujourd'hui
portant sur diverses réformes législatives et réglementaires ainsi que devant
les instances judiciaires lorsque
nécessaire. Vous avez peut-être entendu parler que dernièrement le CQDE s'est
ainsi récemment présenté devant les
tribunaux pour contester la légalité des autorisations environnementales
concernant les forages à Cacouna, l'absence d'autorisation concernant ceux effectués sur Anticosti ainsi que le refus de divulguer les produits
contaminants utilisés par l'industrie des gaz de schiste.
Depuis sa
fondation, le CQDE dispense de l'information juridique à des citoyens et des groupes de
protection de l'environnement leur permettant de faire la lumière sur les dimensions juridiques des
problèmes environnementaux auxquels ils font face tout en les
inscrivant dans l'atteinte éventuelle d'un développement qui soit durable.
Je suis
désolé de me présenter seul devant vous alors qu'il y a autant d'expertise
au sein du CQDE, mais il s'agit
d'un genre de symbole de la faiblesse des
moyens financiers du CQDE, qui, malgré sa vocation, ne bénéficie toujours d'aucun financement public.
Notre mémoire s'ouvre avec un rappel du principe
10 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, qui avait été adoptée
à Rio en 1992, qui est la base du droit du développement durable, que je
vous invite à lire attentivement parce qu'on y retrouve l'essentiel de la mission du centre,
et c'est principalement sur l'application
de ces principes au Québec que porte notre mémoire.
Outre la
définition générale du développement
durable qu'on retrouve dans la loi
adoptée en 2006, ses 16 principes juridiques forment, selon nous,
l'ossature de ce type de développement recherché. Dans un État de droit — et on
vit, heureusement, dans un État de droit — ces principes juridiques, novateurs à
plusieurs égards, doivent donc être transposés dans nos lois et règlements, particulièrement ceux qui sont antérieurs à
l'adoption du principe du développement durable.
Malheureusement,
le peu de place accordé aux changements juridiques nécessaires pour permettre
l'application concrète des principes du développement durable, tout
particulièrement ceux concernant l'accès à l'information et la participation du public aux prises de décision,
amène le CQDE à douter fortement que le projet de stratégie présenté ait
une influence marquante sur le projet de
société et le grand défi que constitue l'atteinte d'un développement qui soit
durable.
• (11 h 10) •
Le
Commissaire au développement durable a lui-même constaté que — et je cite — «les principes de développement durable définis
dans la loi sont encore trop souvent ignorés par l'administration publique ou
appliqués trop partiellement». Selon nous, toute stratégie gouvernementale digne de ce nom devrait avoir comme objectif principal de montrer
par quels moyens concrets la mise en oeuvre de ces principes juridiques sera renforcée au cours des cinq prochaines
années. Ce n'est pas du tout ce que nous constatons dans le projet actuel, et les 16 principes
juridiques ne font même pas partie des critères retenus pour fixer les orientations et les objectifs du projet de stratégie, comme le démontre
l'annexe III du projet.
Au CQDE, les principes juridiques
d'accès au savoir — qui
sont dans la loi — et
de participation et engagement
nous apparaissent particulièrement importants. Selon nous, ils impliquent des modifications législatives urgentes pour
assurer que l'ensemble de la société
québécoise soit partie prenante du projet de développement durable initié par
l'administration publique. L'accès à
l'information est d'ailleurs un préalable indispensable pour l'application de
très nombreux principes de
développement durable qui sont contenus dans la loi. Qu'on pense au principe de
prévention. Pour prévenir, il faut être
au courant des contaminants qui sont susceptibles d'être émis ou qui sont
présents dans l'environnement, il faut être au courant aussi des mesures
d'urgence qui sont prévues.
L'application
du principe pollueur-payeur, qui est dans la loi, pour un citoyen, pour
vérifier si le gouvernement respecte
ce principe-là, il faut savoir la quantité de pollution qui est émise par un
secteur industriel et les contreparties économiques qui sont versées pour utiliser soit des ressources
naturelles ou l'air et l'eau. Même chose pour la capacité de support des écosystèmes, comment un citoyen
peut voir à l'application de la capacité de support des écosystèmes s'il
n'a pas l'information sur l'état de ces écosystèmes?
Donc, les diverses
dispositions de la législation québécoise permettant aux citoyens d'accéder à
l'information environnementale datent toutes
d'une trentaine d'années, bien avant l'adoption du concept de développement
durable. Donc, prendre le virage
qu'implique ce type de développement signifie logiquement modifier nos façons
de traiter l'information
environnementale, que cette information relève du droit général d'accès à
l'information administrative, qu'on retrouve dans notre loi sur l'accès
qui a été adoptée en 1982, ou encore dans les mécanismes particuliers d'accès à
l'information environnementale, qui, eux,
datent de 1978, dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Malheureusement,
le projet de stratégie actuel passe
totalement sous silence ces questions et ne propose aucun changement concret à
réaliser au cours des cinq prochaines années.
Les
obligations des autorités publiques quant à la participation du public au
processus de prise de décision sont aussi
essentielles. Encore là, la première stratégie n'a entraîné aucun changement
sur ces questions. Par exemple, notre procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement date de 1978 et est
toujours inchangée malgré les nombreuses
critiques et les nombreux rapports, entre autres, de commissions parlementaires
qui ont proposé des modifications.
L'évaluation
environnementale stratégique, qui est de plus en plus utilisée ces dernières
années, n'est pas encadrée législativement, et les modalités de son
utilisation relèvent de la totale discrétion ministérielle ou administrative.
La population du Québec n'a aucune garantie
juridique à savoir si elle sera consultée, par qui, de quelle façon. Les
groupes environnementaux et le citoyen ne bénéficient d'aucun programme
d'aide financière pour participer efficacement aux consultations de diverses
natures initiées par l'Administration, et, malgré les promesses entourant la
création du Fonds vert en 2006, leur
situation financière n'a jamais été aussi critique. Même si le travail du CQDE
est clairement lié au développement
durable et à ses principes, ainsi qu'à celui d'accès à la justice, sa mission
ne jouit toujours d'aucune mesure de financement public.
Or,
rien dans le projet de stratégie actuel ne permet de penser que des avancées
seront faites sur ces questions au cours
des cinq prochaines années. D'ailleurs, la faiblesse de la consultation ciblée
qui a entouré la rédaction de ce projet de stratégie, qui est abordée dans notre mémoire, mais que je vais
passer rapidement ici, est d'ailleurs représentative, selon nous, du manque de volonté de mettre en oeuvre
pratiquement le principe de participation et d'engagement qui est prévu
dans la Loi sur le développement durable.
Donc,
de l'avis du CQDE, la stratégie 2015-2020 devrait indiquer clairement comme
objectif celui d'une modernisation de
la Loi sur la qualité de l'environnement, incluant une réforme de nos
mécanismes d'information et de participation
du public, l'intégration de l'évaluation environnementale stratégique, des
politiques, plans et programmes dans
notre législation et l'utilisation d'une partie du Fonds vert pour assurer un
financement public adéquat aux groupes citoyens et environnementaux.
Un
autre point qui est développé dans notre mémoire concerne les observations du
Commissaire au développement durable,
dont je sais que vous allez entendre à la fin de la commission. Selon nous, la
mesure de surveillance et de reddition de
comptes la plus importante prévue lors de l'adoption de la loi en 2006 demeure
la création d'un poste de Commissaire au
développement durable. Notre mémoire montre comment, au fil des ans, le
commissaire s'est montré très critique de la stratégie et de
l'application des principes du développement durable par l'administration
publique. Pour le CQDE, la population serait
en droit de s'attendre que de telles observations, établies par un expert
indépendant bénéficiant de pouvoirs légaux
exclusifs et de moyens appropriés — puis ce qui n'est pas le cas des groupes
environnementaux ou de n'importe quel
groupe de citoyens — soient
réellement prises en compte par l'administration faisant l'objet de ces
vérifications.
Or,
le projet de stratégie passe totalement sous silence les rapports du Commissaire
au développement durable, ainsi que
ses avis et recommandations. Ces rapports n'apparaissent même pas dans l'annexe
IV des principales références utilisées. D'ailleurs, le site Internet du
ministère de l'Environnement consacré à la stratégie 2015-2020 est tout aussi silencieux, tant sur la mission du commissaire que
sur ses rapports. Le CQDE ne peut donc constater que, dans la situation actuelle, l'administration publique fixe elle-même les objectifs qu'elle
devra atteindre, évalue ses propres résultats, décide qui est consulté
lors de l'élaboration du projet de stratégie et peut écarter de son rapport les
constats du principal instrument de reddition de comptes indépendant prévu par
la loi, le Commissaire au développement durable.
Pour le CQDE, cette
autarcie est malsaine, et les élus ainsi que les citoyens doivent se
réapproprier cette démarche si on veut que
le développement durable soit, un jour, une réalité au Québec.
À cet égard, toute stratégie de développement révisé devrait avoir l'obligation de revenir sur les constats du Commissaire au développement durable
et de motiver les orientations prises pour
en tenir compte. Ces bilans indépendants, établis sur la stratégie, les
indicateurs et les plans de développement durable, devraient obligatoirement
accompagner toute consultation préalable sur tout nouveau projet de stratégie.
Le dernier
point de notre mémoire porte sur la nécessité
d'assujettir les organismes municipaux, de santé. Je vais rapidement. Vous savez que la loi reconnaît le principe
de subsidiarité, ça a été un principe qui est reconnu par la Cour suprême et les
différents tribunaux du Québec. Actuellement, la Loi sur le développement
durable ne s'applique qu'aux ministères et aux organismes, et, même si
la loi prévoit l'éventualité pour le gouvernement d'assujettir les municipalités, les organismes de santé, sociaux,
le projet de stratégie est totalement silencieux sur cette question-là. Donc,
pour le CQDE, il serait important que le gouvernement se mette au diapason de
nos tribunaux quant à la place du développement
durable au sein de nos municipalités et du rôle qu'elles doivent assumer dans
ce domaine. La loi est en vigueur depuis maintenant 10 ans, et il est
temps d'assujettir les organismes municipaux ou scolaires ainsi que les
établissements de santé et de services sociaux aux 16 principes juridiques de
la loi.
Le Président (M. Bérubé) :
Merci.
M. Baril (Jean) : J'irai plus loin
en répondant aux questions.
Le
Président (M. Bérubé) : Merci, Me Baril. Nous allons passer au
groupe formant le gouvernement, avec la députée de Vaudreuil pour
démarrer. C'est bien ça? Non, député de Mégantic, pardon.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Baril.
Écoutez, vous nous indiquez à travers votre présentation qu'on devrait
utiliser une partie du Fonds vert pour assurer un financement public adéquat
aux groupes environnementaux, dont le vôtre.
Je trouve ça un peu intéressant de voir qu'est-ce qu'on y gagnerait à,
finalement, se servir d'un fonds vert
qui est pour, finalement, créer une économie durable et de financer des projets
d'actions pour financer, finalement, des débats, là. O.K.?
Puis vous parlez
de consultation qui est ciblée, un peu mal faite, etc. Pouvez-vous nous
éclairer là-dessus parce que ça me mêle?
M. Baril
(Jean) : Certainement. Au
niveau juridique, tous les principes de la Loi sur le développement durable se
tiennent et s'équivalent. Il n'y a pas juste les principes économiques, les
principes de participation et d'engagement. C'est beau de dire aux citoyens : Participez, venez nous rencontrer
en commission parlementaire, puis on fait de EES, il y en a beaucoup de ce type de consultations au
Québec, et, hier, vous vous l'êtes fait dire par le forum jeunesse — je suivais à distance — que ce
n'est pas toujours évident de suivre l'ensemble des consultations qui se
promènent un peu partout sur
différents sujets quand vous n'avez aucun financement. Je vous ferai remarquer
que beaucoup des groupes qui sont ici, qui viennent cette semaine ont,
de différentes manières, des financements qui viennent de l'État.
Les groupes
environnementaux... En 2006, le Fonds vert, quand ça a été annoncé, ce n'était
pas seulement à des fins économiques, c'était, entre autres, de
favoriser la participation et l'engagement des citoyens. La loi fédérale sur l'évaluation environnementale prévoit dans ses
mécanismes et depuis longtemps des fonds — il y a des règles adoptées par le législateur — qui permettent aux citoyens de se présenter, par
exemple, devant l'Agence canadienne d'évaluation environnementale ou devant l'Office national de l'énergie avec une
expertise, avec les photocopies, les documents pour être capable de
participer intelligemment.
Moi, je suis un partisan de la délibération
publique, même si c'est aux élus à prendre la décision finale. Mais, malheureusement, si on ne finance pas bien les
groupes et qu'on n'a pas l'information — parce que ça, c'est la base de tout, c'est avoir la même information disponible à
tout le monde — on se
ramasse, effectivement, avec des débats qui, des fois, tournent un peu en rond et à vide, avec des accusations d'un
bord comme de l'autre soit d'avoir des lunettes roses ou bien encore c'est la fin du monde demain matin.
Si tout le monde avait accès aux mêmes informations et à l'ensemble des informations, si les groupes de citoyens
avaient un financement suffisant pour se préparer, moi, je pense que la qualité
des débats et les résultats, pour l'ensemble
de la société, seraient meilleurs. Et c'est ce que proposait le principe 10 de
Rio, et c'est une des bases du principe d'engagement et de
participation.
Le Président (M. Bérubé) :
Toujours à vous.
• (11 h 20) •
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci. Écoutez, moi, je voudrais aller un peu plus loin
dans le cas de l'accès à l'information. Je pense que... en tout cas, ma
perception ici, au gouvernement, c'est qu'on dépense beaucoup, beaucoup
d'énergie à essayer de structurer,
d'organiser. Il y a une volonté vraiment sérieuse d'en arriver à rendre
l'information publique. Mais, quand
vous considérez l'ensemble de la masse des données... Et il y a des
gouvernements comme la France, certains pays européens qui ont commencé à donner des accès à cette information-là, et
on se rend bien compte que l'ensemble de la complexité de rendre la bonne information disponible... Parce que de
l'information, c'est facile à distribuer, mais, des fois, ça ne vaut pas
grand-chose, il faut être capable d'extraire les paramètres, de tirer des
conclusions ou de faire des analyses
pertinentes. Vous parlez beaucoup de changements dans la législation, on est en
train de faire des changements, mais est-ce qu'il y a des points
particuliers que vous nous suggérez de faire en regard à l'utilité de
l'information, pas seulement d'avoir de l'information, mais d'avoir de
l'information pertinente?
M. Baril
(Jean) : Oui. L'information
pertinente, elle est souvent demandée même par des élus municipaux en vertu de la loi sur l'accès, par exemple, pour
avoir accès aux documents qui ont fondé les autorisations environnementales,
les documents qui sont mentionnés au
certificat d'autorisation, par exemple, des projets de sablières et carrières
dans les municipalités. Il y a de
très nombreux cas — j'ai
fait ma thèse de doctorat sur l'accès à l'information environnementale, l'Assemblée nationale, vous m'avez récompensé pour
la qualité de ce travail-là — où les municipalités sont obligées...
et perdent tout le temps à la Commission
d'accès à l'information. Parce qu'il y a une étude hydrogéologique — je donne un
exemple précis — que
le ministère s'est servi pour autoriser l'installation d'une carrière ou d'une
sablière sur leur territoire. Les élus
municipaux, comme les citoyens,
se posent des questions sur l'impact sur la nappe phréatique, les
sources d'approvisionnement en eau potable de leurs citoyens,
ils veulent avoir l'information. Ce sera à eux de décider si c'est
utile, ils ne peuvent pas à l'heure actuelle en vertu de la loi parce que les
tiers ont un droit de veto. La compagnie, la sablière,
la carrière, qui a demandé à un ingénieur hydrologue de préparer cette
étude-là, parce qu'il avait
l'obligation de la remettre au ministère de l'Environnement, bien, en
vertu de la loi sur l'accès, il faut demander absolument... le responsable de l'accès demande au tiers s'il est
d'accord. Et j'ai lu des centaines et des centaines de décisions, dans
99 % des cas les entreprises
refusent. Donc, les élus comme les citoyens n'ont pas accès à ce qui a justifié
l'autorisation, ce qui peut amener toutes sortes de suppositions à tort
ou à travers.
Donc, ça,
c'est un exemple de notre loi qui devrait être modifiée. Même sans passer par
changement législatif, à l'heure
actuelle le Commissaire au
développement durable l'a aussi fait remarquer, mais, au registre public, le
registre du ministère de l'Environnement, sur un registre public, je
peux voir qu'il y a eu un certificat d'autorisation qui a été accordé à une sablière dans telle municipalité,
mais je n'ai pas de lien Internet, il faut que je fasse une demande d'accès
à l'information pour l'avoir. Dans le
dernier rapport annuel du ministère de l'Environnement, on montre que le
ministère a reçu, l'année dernière,
12 000 demandes sur l'accès à l'information dans l'année, c'est énorme.
Mais ce qui est pire — il faut être plus efficace
au sein de l'administration publique — c'est que la moitié de ces demandes-là ont
été vérifiées, et il n'y avait pas de
documents là-dessus. C'est énormément de temps et de gaspillage d'énergie. On
pourrait faire pas mal d'autres choses, je suis certain, au sein du
ministère quand...
Au niveau international, ce qu'on propose de
plus en plus, c'est ce qu'on appelle la divulgation active de l'information, donc plus besoin de passer par des
demandes. Tous les documents, maintenant, sont numérisés PDF, là — ce n'était
pas le temps quand on a adopté la loi en 1982, la loi sur l'accès — qui pourraient être mis... Le certificat
d'autorisation, il est mis sur le
site. Ça se passe en Ontario, ça se passe aux États-Unis, ça se passe en
Europe, ça fait partie de conventions internationales.
Donc, plus besoin de faire de demande d'accès, pas de fonctionnaires qui sont
mobilisés en temps et énergie de
trouver le document, vérifier si, effectivement, il correspond à la demande,
c'est des choses qui devraient et qui pourraient être faites, et,
malheureusement, ça n'apparaît nulle part dans la stratégie comme même volonté.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Ça m'amène à une réflexion, puis je voudrais
entendre vos commentaires là-dessus. Vous avez parlé de pollueur-payeur, je ne sais pas si vous vous rappelez,
dans les années 80, avec la gestion responsable, le gouvernement
américain avait créé un superfonds en ramassant 0,50 $ la tonne pour tous
les produits chimiques qui étaient produits
aux États-Unis dans l'espoir de bâtir un fonds pour décontaminer l'ensemble des
sites américains. Une quinzaine
d'années plus tard, les gestions de bureaux d'avocats américains ont trouvé le
15 milliards qui aurait pu servir à décontaminer tous les sites américains, puis, à la fin de la journée, on
s'est ramassé que le 15 milliards a passé en droits légaux et
qu'aucune décontamination ne s'est produite. Ici, vous êtes en train de faire
un débat environnemental très profond. Comment on pourrait se prévenir sur ce
type de comportement là? Vous qui êtes finalement...
M. Baril
(Jean) : Bien, un exemple
aux États-Unis, vous parlez des États-Unis, vous avez raison, aux États-Unis,
les avocats ont...
M.
Bolduc
(Mégantic) :
C'est payant.
M. Baril
(Jean) : C'est très payant,
et ils cherchent chaque occasion de poursuivre, ce qui amène des coûts énormes
à la société. Bien, justement, par rapport à
ça, une des choses qui pourraient être mentionnées dans la stratégie, une des
avancées possibles au niveau de l'information,
c'est que le milieu juridique américain en environnement a développé ce qu'eux, ils appellent «regulation by revelation». C'est beau, c'est
poétique, la réglementation par l'information, c'est que plutôt que de prendre... C'est très long, monter une réglementation sur un sujet précis, surtout aux États-Unis parce qu'il faut qu'ils prouvent, là, des études scientifiques, un dit le contraire
de l'autre, et souvent, le temps que ça prend pour adopter la réglementation, c'est déjà rendu obsolète parce que
l'industrie est rendue plus loin. Donc, on s'est dit — et
c'est très intéressant, ça donne de
très bons résultats au niveau de la réduction de la pollution aux États-Unis
dans les États où ça a été adopté : Ce qu'on va faire, plutôt que l'État
décide d'une réglementation, on va obliger les entreprises, toutes les entreprises,
à divulguer un certain nombre d'informations sur les produits qu'ils utilisent, la quantité
de déchets émis, etc., et là on va
laisser les forces du marché, la société civile... Ça peut être les
actionnaires de la compagnie, ça peut être les assureurs des compagnies, les banquiers, les élus municipaux qui peuvent
dire à telle compagnie : Comment ça se fait que vous, vous prélevez deux fois plus d'eau et vous rejetez de l'eau
usée deux fois plus que votre compétiteur qui fabrique la même chose et
qui est rentable? Donc, là, il y a une pression, là, vous polluez notre eau,
vous polluez notre air.
Et, par le
fait même, les entreprises sont obligées d'améliorer leurs industries.
Au Massachusetts, ça a donné des résultats,
selon les chiffres, de 70 % de
réduction de la pollution par juste l'information. Et ça, c'est la même chose,
c'est une nouvelle façon d'entrevoir
l'information qu'il aurait été intéressant de voir, une espèce de volonté, dans
la stratégie, d'avoir un État plus ouvert.
Le Président (M. Bérubé) :
Mme la députée de Vaudreuil.
Mme
Nichols : Oui. Bonjour, M. Baril. Alors, j'ai pris connaissance de
votre mémoire puis je remarquais que plusieurs
de vos commentaires ou les suggestions concernent ou proposent des
modifications surtout législatives. Évidemment, en fonction de votre...
M. Baril (Jean) :
Déformation professionnelle.
Mme
Nichols : Déformation professionnelle, tout à fait. Par rapport à la
Loi sur le développement durable. Mais, si on se concentre vraiment sur le projet de la Stratégie
gouvernementale de développement durable, qui est l'objectif direct de la commission parlementaire, parmi toutes les
suggestions que vous avez faites, ça m'intéresserait de savoir lesquelles
vous semblent les plus importantes directement liées à la stratégie.
M. Baril
(Jean) : Bien, c'est
l'application des principes. On a voté une excellente loi... vous avez voté en
2006 unanimement une excellente loi
sur le développement durable — puis ce n'est pas toutes les lois, là — puis elle est claire, elle est facile à comprendre. Il y a une
définition qui vient du droit international, il y a des gens qui la trouvent
trop vague, mais la stratégie en
porte une vision qui la rend encore plus vague d'une certaine façon, c'est une
autre critique, mais les principes juridiques... Une stratégie devrait
avoir comme mission, selon nous, de dire, le principe de précaution, qui n'existait pas avant 2006 dans notre législation,
qu'est-ce qu'on prévoit faire concrètement comme État, comme Administration
pour que, dans les cinq prochaines années, ce principe-là soit mieux pris en
compte par les administrations qui y sont assujetties
pour chacun des principes, pollueur-payeur, l'ensemble des principes
économiques, les principes sociaux. Donc, ça, selon nous, c'est de focusser sur l'application des principes
juridiques reconnus par la loi. Ce serait ça, la principale... Une
stratégie, ça devrait être de dire comment on peut mettre en oeuvre ces
principes-là légaux.
Mme Nichols : Très bien. Merci.
Le
Président (M. Bérubé) : Ça met fin à ce bloc. Nous allons
passer au groupe formant l'opposition officielle, et je reconnaîtrai M.
le député de Jonquière?
M.
Gaudreault : Oui. Alors, bonjour, M. Baril. Merci de votre
contribution. D'ailleurs, je tiens à rappeler que, le 13 novembre dernier, nous avions adopté une
motion unanime à l'Assemblée nationale que j'avais présentée conjointement avec
le ministre, le député de Nicolet-Bécancour et la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
pour souligner le 25e anniversaire de votre organisation, insister sur le rôle
actif que vous jouez au sein de la société québécoise par vos interventions dans les débats environnementaux
importants qui animent l'actualité, et là je saute des bouts, mais surtout
pour dire enfin que l'Assemblée nationale manifeste son souhait de voir se
poursuivre la belle et longue aventure du CQDE.
Alors, c'est avec, donc, plaisir que nous, qui vous avions souhaité un bon 25e
anniversaire, nous vous accueillons ici
parce que votre contribution est extrêmement importante dans tous les débats
qui touchent l'environnement au Québec, et vous avez rappelé très justement, là, les interventions que vous avez
faites dans le dossier des forages à la hauteur de Cacouna, dans le
projet de TransCanada Énergie, évidemment.
Maintenant,
je n'ai pas beaucoup de temps, puis, écoutez, quand j'ai lu le mémoire puis en
vous entendant, je ne sais pas trop par quel bout prendre ça parce qu'il
y a évidemment beaucoup, beaucoup d'éléments, c'est touffu, c'est surtout très, très critique, très, très critique à
l'égard de la stratégie. Depuis qu'on a commencé les travaux, vous êtes le
groupe, à mon sens, qui arrivez avec le plus d'éléments critiques. D'autres
font des suggestions.
Mais,
écoutez, je ne veux pas trop longuement vous citer parce que je veux surtout
vous entendre, mais, quand vous
parlez d'autarcie à la page 12 du mémoire, là, alors comme un cercle
vicieux à l'intérieur même de l'administration publique, quand vous parlez également de la nécessité d'élargir la
stratégie à la page 15, là, de l'élargir au milieu de la santé, de l'éducation, aux municipalités, et là, à
la page 16, dans le milieu, à peu près, de votre deuxième paragraphe, dans
votre conclusion, vous dites : «Ces
importantes lacunes nous font sérieusement douter que cette stratégie suscite
l'intérêt et l'enthousiasme
nécessaires chez la population pour la mobiliser vers l'atteinte de l'immense
défi que constitue [...] une société
qui se développe durablement», etc., écoutez, est-ce que, carrément, vous nous dites : On envoie ça
au recyclage puis on recommence le travail au complet?
• (11 h 30) •
M. Baril (Jean) : Non. Ce qu'on dit, c'est que le développement durable, de toute façon, on ne l'atteindra pas dans les cinq prochaines années, on est tous
conscients de ça, il va y avoir d'autres révisions subséquentes, mais
on ne pense pas... Et on n'est pas le seul, là, le Commissaire au
développement durable, là, vous l'avez, je l'ai cité dans mon mémoire, a dit... il a été très sévère sur la
stratégie précédente, que ça n'amènerait nulle part. C'est plus sévère même que
nous autres, et ça n'empêche pas, à chaque année, de faire des rapports pour
améliorer les choses.
Moi, je pense
sincèrement comme citoyen, là, pas seulement comme juriste, qu'il y a très peu
de Québécois qui savent même
l'existence d'un projet de stratégie, qui vont être enthousiastes à lire ça et
qui vont se sentir interpellés. Bon, c'est
une chose, ça ne se retient pas nécessairement d'un coup sec, mais c'est une
chose sur laquelle il faut tendre. C'est que, de plus, ce n'est pas seulement l'administration publique qui peut
nous emmener vers le développement durable, il faut absolument que les
citoyens, les entreprises privées, les groupes, tout le monde s'empare de cette
démarche-là. Donc, il faut élargir, plus
consulter en amont. Le projet de stratégie, on a parlé d'une consultation
ciblée. Le CQDE n'en a jamais entendu parler, c'est impossible de savoir
qui a été consulté. À l'avenir, à notre sens, ça devrait être une consultation très large à travers toutes les
régions du Québec sur ce que devrait être une stratégie gouvernementale de
développement durable pour les cinq prochaines années.
Sur le
caractère critique, quand on a 45 minutes en cinq ans pour parler d'un
projet, c'est sûr qu'on ne vient pas juste, seulement dire que vous êtes
bons, beaux et fins, on est un peu avocats du diable à notre façon, donc on
vient souligner... Il y a des bonnes choses
dans la stratégie, entre autres l'intégration... Ce qu'on dit aussi dans notre
mémoire, l'intégration de la lutte aux changements climatiques, c'est
essentiel dans toute stratégie de développement durable. On remarque, par contre, qu'on aurait pu aussi
essayer d'intégrer l'autre grande convention internationale qui avait été
adoptée en 1992 au moment de Rio, celle sur
la diversité biologique, d'avoir intégré le maintien... la diversité biologique
au Québec dans aussi tout l'ensemble de notre stratégie de développement
durable.
M.
Gaudreault : On sait que vous êtes spécialisé en droit du
diable, là, alors, ça, je ne suis pas inquiet là-dessus. Maintenant, est-ce que je comprends bien que, dans
le fond, vous dites : C'est une stratégie, mais qui fait juste comme
poursuivre celle qui se termine
présentement, sur laquelle le Commissaire au développement durable a été très
critique, c'est comme faire plus de
ce qui a marché plus ou moins, mais on continue dans ce sens-là, sans faire un
saut qualitatif, je dirais, de la
précédente stratégie par rapport à celle-là? Donc, vous dites : Les choses
continuent comme elles ont toujours été, puis il n'y a rien
d'extraordinaire?
M. Baril
(Jean) : Effectivement,
c'est ce que le Commissaire au développement durable a constaté, c'est que la
stratégie... il y avait peu de chances que
la stratégie antérieure amène des résultats concrets, intéressants pour le
développement durable au sein des
ministères. Il a fait des propositions. À chacun de ses rapports sur les
différents ministères, tous les ministères
disent : Oui, oui, on est d'accord. Mais on se rend compte qu'au moment de
rédiger une nouvelle stratégie on a écarté
totalement ces critiques-là. Ça aurait été intéressant de voir... On a un
commissaire indépendant qui a les moyens d'aller fouiller dans les différents ministères pour voir comment ils les
appliquent, les principes juridiques, les principes de la loi, on n'en parle pas du tout, ça ne fait
même pas partie des références. Les principes juridiques ne sont même pas
non plus... ne font même pas partie de ce
qui a soutenu l'élaboration de cette stratégie-là. C'est inquiétant comme
citoyen et comme juriste. Les
principes juridiques devraient être au centre de toute stratégie de
développement durable selon nous.
M.
Gaudreault : Pour moi, il apparaît fondamental qu'au coeur même du développement durable il y a
l'accès à l'information, il y a la participation publique, c'est un principe même
du développement durable, et là vous avez un propos extrêmement critique également sur la loi d'accès à l'information. Vous en avez parlé tout à l'heure, par exemple,
sur les 12 000 demandes, là,
50 % des cas ou à peu près, là, que le ministère a dit qu'il ne possédait
aucun des documents demandés. On
dirait que parfois c'est plus une loi de non-accès à l'information où, d'abord
et avant tout, l'administration publique va faire valoir des mesures
dilatoires ou exceptionnelles pour ne pas répondre à la demande.
Alors là,
vous proposez un autre chantier ici, et vous trouvez que, dans la stratégie de
développement durable qui nous est
proposée devant nous, il n'y a rien, c'est le... Je pense, vous dites même le
silence total, là, j'ai lu ça dans votre mémoire, là, concernant l'accès
à l'information. Alors là, il faudrait avoir un chapitre au complet dans la
stratégie de développement durable sur l'accès à l'information.
M. Baril
(Jean) : Dans la précédente
stratégie, une des orientations stratégiques s'appelait Informer, innover et
sensibiliser, et, malgré tout, il n'y a pas
eu aucun changement. Aujourd'hui, c'est disparu, on l'indique dans le mémoire.
Si vous faites une recherche sur «droit
d'accès à l'information», «droit à l'information», «accès à l'information»,
dans la stratégie ce n'est même plus mentionné. On peut douter qu'il va
avoir des changements intéressants au niveau de l'accès à l'information. Même si tout le monde parle de transparence au
Québec, la transparence, ça exige certains changements législatifs, et
on ne sent aucune volonté de les faire à travers cette stratégie-là.
M.
Gaudreault : Par où qu'on doit commencer à ce moment-là? Est-ce
qu'on doit commencer par s'assurer que la stratégie va avoir ces préoccupations-là, ensuite lancer un chantier sur
l'accès à l'information? Vous proposez également d'abord et avant tout, à un moment donné, dans votre mémoire, là, de
modifier la Loi sur la qualité de l'environnement. Alors là, il y a
beaucoup de chantiers en même temps, là, qu'est-ce vous nous proposez en termes
de séquence?
M. Baril (Jean) : Bien,
théoriquement, depuis deux ans, on nous annonce une réforme de la loi sur
l'accès à l'information, je sais que ce
n'est pas le sujet de la commission, mais j'espère bien qu'il y a une réforme
de la loi sur l'accès qui s'en vient.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Ça met fin au bloc, malheureusement. On poursuivra les échanges avec la
deuxième opposition, M. le député de Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, M. Baril, dans votre mémoire, vous en avez fait d'ailleurs
état tantôt, à la page huit, que le
Fonds vert, en fait, pourrait assurer un financement public adéquat aux
groupes environnementaux. Alors,
quelles sont vos suggestions, en fait, à ce niveau-là? Est-ce qu'il y aurait des règles, vous pensez, qui pourraient être mises en...
qui pourraient être établies, en fait?
M. Baril (Jean) : Bien, on pourrait
regarder, par exemple, il y a différents modèles qui existent. En France, il y a
ce qu'on appelle les associations agréées. Ce n'est pas n'importe quel groupe, mais il y a des groupes qui... Ça prend
un certain nombre de membres qui font un...
sur telle, telle, telle mission, et que c'est révisable après un certain temps,
qui bénéficient de certaines formes
d'aide financière en autant qu'elle participe, par exemple, à des commissions
parlementaires, à différentes consultations, aux audiences du BAPE.
L'évaluation
environnementale... la participation du public aux commissions du BAPE, c'est
quelque chose qui était dans la loi
en 1978, c'est un article qui n'a jamais été mis en vigueur. Il n'y avait pas
de Fonds vert dans ce temps-là, mais
c'était prévu qu'il y aurait un fonds qui aiderait les citoyens qui veulent
participer aux audiences publiques du BAPE à se préparer, à consulter les experts ou juste
faire des mémoires, là, puis les photocopier, etc., il y a des coûts à ça. Se
déplacer, il y a des coûts à ça. Les
entreprises, les fonctionnaires qui témoignent devant ces audiences-là sont
tous payés sur leur temps de travail,
les dépenses de transport sont remboursées, c'est tout à fait correct. Mais un
citoyen ordinaire, lui, il n'y a
personne qui ne lui rembourse rien. Et, après son travail, le soir, il s'en va
au BAPE, il expose son idée, son opinion, il a mis du temps, et c'est
normal, c'est les élus qui prennent la décision.
Donc,
les modalités, il y en a toutes sortes. En France, il en existe, je l'ai dit
tantôt. Au Canada, la loi canadienne prévoit
des modalités, l'Office national de l'énergie a d'autres genres de modalités.
Mais, à l'heure actuelle, les groupes environnementaux, vous allez en
entendre cet après-midi, la plupart des programmes de financement ont été
coupés. Le fonds d'action sur le
développement durable, SACAIS, on a fait, nous, des demandes à chaque année et
on ne cadre jamais parce qu'un groupe
de droit de l'environnement, nous, on ne plante pas des arbres, on ne refait
pas des bords de rivière. Ça, ça va
être financé, mais nous, on explique la loi qui protège les arbres et les
règlements qui protègent les bords de
rivière. Mais donc on n'est pas environnemental, et c'est très difficile de
trouver du financement public pour ce genre de mission là.
Mais,
quand on parle de Fonds vert, à l'époque, en 2006, je répète, mais une des
vocations du Fonds vert, c'était, entre
autres, de mieux financer les missions des groupes environnementaux. Et là ça
peut être les organismes de bassins versants,
là. Les environnementaux, ce n'est pas strictement Greenpeace ou des choses
comme ça, là. Les organismes de
bassins versants, c'est des groupes
environnementaux. L'environnement, c'est très vaste, et il y a toutes sortes de
gens qui le défendent, et de toutes
sortes de façons. Mais, à l'heure actuelle, ce qu'on se rend compte, c'est que
le financement de ces groupes-là est dans une voie d'étranglement.
• (11 h 40) •
M.
Surprenant : Le commissaire,
dans son rapport sur l'application de la Loi de développement durable, dans
son rapport 2013, recommandait d'actualiser
certains des 16 principes, alors, au regard, évidemment, de l'évolution des concepts de société. Pour votre part,
est-ce que certains de ces principes-là devraient, effectivement, être
réévalués?
M. Baril (Jean) : C'est certain qu'il y a des principes... Vous le savez, la déclaration
de Rio sur l'environnement et le
développement avait 27 principes. Au Québec, on en a conservé 16. Par
exemple, participation et engagement, c'est formulé différemment du principe 10, qu'on a mis en entrée de... Le
principe de subsidiarité, ça peut s'appliquer aussi différemment. On a vu, c'est un principe novateur,
principe de précaution. Il y a des débats énormes qui sont faits là-dessus,
en Europe principalement. On est une des
rares législations en Amérique du Nord à avoir ça dans notre législation. Donc,
c'est des débats... C'est normal, les lois
doivent évoluer. Et c'est ce qu'on dit, avec le développement durable, les lois
doivent évoluer vers l'atteinte des
principes de développement durable, et une stratégie devrait nous montrer, nous indiquer comment on s'y prend pour arriver là. Quand on lit le projet actuel,
nous, en tout cas, on ne voit pas vraiment l'application des
16 principes.
M.
Surprenant : ...encore un petit peu de temps?
Le Président (M.
Bérubé) : Encore une minute.
M.
Surprenant : O.K. Donc,
est-ce qu'on ne devrait pas finalement, avant de revoir la stratégie, d'abord
s'asseoir puis de revoir les 16 principes sur la base desquels la
stratégie va être déployée?
M. Baril (Jean) : Bien là, je pense qu'il y a plusieurs principes qui sont assez
clairs. Le principe d'information, c'est
un principe qui fait l'unanimité partout. Ce qui ne fait pas l'unanimité, c'est
l'application concrète. Tout le monde est
pour la vertu. Je veux dire, nous, on va fonctionner de façon ouverte. Mais,
quand vous faites des demandes d'accès à
l'information, vous vous rendez compte que c'est peut-être moins simple puis
moins évident. Je ne pense pas que ce genre
de principe là a à être vraiment réformé, mais je n'ai pas d'objection à ce
qu'on révise la Loi sur le développement durable. Mais le problème à l'heure actuelle, ce n'est pas la loi. La
loi, elle est claire, les principes sont clairs. Ce que le commissaire dit, ce n'est pas la loi qu'il faut
changer, c'est qu'il faut changer que les administrations, les ministères, les
organismes prennent vraiment en compte les
principes. C'est une de ses principales critiques, récurrente année après
année.
Le
Président (M. Bérubé) : Merci. Ça met fin à ce bloc. Nous
passons à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Oui. Bien, en fait, j'aimerais ça que vous continuiez sur la
question du commissaire. J'ai l'impression, dans votre propos, M. Baril, que vous dites : Oui, mais, dans ces
stratégies-là, les bottines ne suivent pas souvent les babines, puisqu'on a des beaux principes, on a un
commissaire qui veille au grain, mais on ne l'écoute pas. Est-ce que je saisis
bien? Et qu'est-ce qui pourrait en être autrement?
M. Baril (Jean) : Bien, je vais citer un petit peu ce que dit le commissaire parce que ce
n'est pas seulement nous qui sommes
critiques : «En somme, la stratégie n'a pas permis de faire des choix
essentiels à l'orientation des développements de la société pour les prochaines années et de centrer les actions des
entités sur les priorités ainsi établies.» La stratégie actuelle qu'on nous propose, à notre avis, reprend
ça. En droit et en politique, vous le savez aussi, les mots peuvent servir
à préciser les choses, mais ils peuvent
aussi rendre très vague de façon que personne ne va être capable de dire qu'on
n'a pas atteint nos résultats. À notre avis, c'est pour ça qu'on a parlé
de novlangue administrative à certains égards...
Je rappelle, hier, Mme Lauzon, du Conseil
patronal de l'environnement québécois, a fait remarquer qu'on a transformé la définition légale de «développement
durable» par une vision à 3.1 qui est très différente de ce que prévoit la loi. Et ça, c'est
inquiétant et dans un langage... Je peux juste citer, c'est qu'on dit, par
exemple : «[La] définition du développement
durable se traduit dans la vision suivante de la démarche gouvernementale[...]:
"Une société où la qualité de
vie du citoyen est et demeurera une réalité."» Ça a toujours été une
réalité, la qualité de vie, pour mon grand-père, pour nos enfants, peu importe le développement durable.
Ça veut dire quoi? «Une société responsable, innovatrice et capable d'excellence dans toutes ses réalisations», ça
aurait pu être un discours de Jean Lesage, de René Lévesque, ça peut être
un discours de Stephen Harper. Ça peut se
retrouver dans le programme de n'importe quel des partis politiques ici. Ça a
peu à voir avec la définition légale du développement durable. Ça évacue
totalement la vision à long terme, l'équité intergénérationnelle, la question
des ressources finies.
Ce qui a
amené le développement durable, c'est qu'on s'est aperçu qu'on vivait tous sur
une même petite boule et que les ressources étaient limitées, un jour ou
l'autre, avec l'augmentation de la population, l'augmentation de la consommation, c'était pour ne plus fonctionner, et
il fallait trouver d'autres solutions.
Tantôt, on a entendu des gens de l'économie
circulaire, mais il faut restreindre, donc il faut penser aux générations
futures. Cette vision-là écarte la définition légale, et c'est
inquiétant.
Le Président (M. Bérubé) : ...pour
terminer, 20 secondes.
Mme
Massé : Bien, je pense que c'est important que vous soyez là pour nous
rappeler qu'on est une société de droit
et pour nous rappeler que ce qui peut demeurer un filet de sécurité, c'est
l'implication et l'engagement citoyen. Merci.
M. Baril (Jean) : Merci.
Le
Président (M. Bérubé) : Merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Merci, Me Baril. Ça met fin
à votre présentation.
Et je vais suspendre quelques instants pour
accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 11 h 46)
(Reprise à 11 h 47)
Le
Président (M. Bérubé) : Alors, je souhaite bienvenue à notre
prochain groupe, qui est le Conseil du patronat du Québec. M. Yves-Thomas Dorval, président-directeur général, et Mme
Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef,
vous avez 10 minutes pour présenter votre position.
Conseil du patronat du
Québec (CPQ)
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Merci, M. le
Président, de nous accueillir. Merci à la commission d'accueillir nos commentaires et d'avoir cet échange aujourd'hui.
On est très heureux d'être parmi vous. Et nous vous avons fait parvenir notre mémoire. Évidemment, les délais sont très
courts, donc on a fait de notre mieux. C'est arrivé un petit peu tard, mais
l'important, c'est d'y arriver.
Alors,
juste un bref rappel. Le Conseil du patronat est une confédération
d'associations d'employeurs et d'employeurs corporatifs également. On représente plus de 75 000 employeurs au
Québec. Et on a quatre différents domaines d'intervention qui touchent du capital humain à la finance, fiscalité, à
réglementation intelligente, à l'économie durable. Alors, il y a beaucoup de ces domaines-là,
évidemment, qui s'intéressent directement au projet de Stratégie
gouvernementale de développement durable.
Alors, cette
seconde stratégie de développement durable marque un jalon important sur le
chemin que parcourt le Québec vers
une société davantage organisée selon les principes du développement durable.
Le Conseil du patronat du Québec
adhère pleinement aux principes de développement durable tout en souhaitant que
le gouvernement accorde une
importance équilibrée avec les trois piliers, l'efficience économique, l'équité
sociale et la protection de l'environnement. En effet, il ne peut y avoir de programmes sociaux et de lutte à la
pauvreté s'il n'y a pas de croissance économique générant des emplois, de la richesse et des revenus
fiscaux. Par ailleurs, la croissance économique, par l'innovation qu'elle
génère, peut permettre également de protéger l'environnement et de
lutter contre les changements climatiques. Ce n'est pas antinomique, ça peut
aller de pair.
Les
entreprises s'inscrivent dans la mouvance du développement durable, et, au sein
de nos membres, plusieurs ont adopté
des plans de développement durable au cours des dernières années et ont posé
des gestes pour modifier leurs pratiques, reflétant en cela les
résultats de l'enquête menée auprès des entreprises eu 2012 qui est mentionnée
à la page 36 de la stratégie. Soit dit en
passant, quand on consulte nos membres, plus de 50 %, la majorité de nos
membres sont directement impliqués dans des démarches ou des pratiques
de développement durable.
• (11 h 50) •
Ce processus
sera sans contredit graduel, où, à chaque étape, il faut s'assurer de
l'équilibre entre les trois volets, l'environnement,
l'économique et le social. Et ce projet de stratégie touche l'ensemble des
missions de l'État et la plupart de
ministères, si ce n'est pas tous les ministères, et, dans son mémoire, le
Conseil du patronat formule des commentaires, des souhaits et des recommandations a l'égard de huit des
27 objectifs de la stratégie, lesquels sont associés à cinq des
huit orientations.
Le conseil se dit d'accord
avec à peu près tous les énoncés que l'on retrouve dans le projet de stratégie
de développement durable formulés en des
termes généraux. Il note toutefois plusieurs éléments qui soulèvent des préoccupations, dont l'impact peut être majeur s'ils
ne sont pas traités correctement. Notre approche ici pour contribuer à
la réflexion du gouvernement et du ministre, ainsi qu'à celle des auteurs de la
stratégie, ainsi que l'ensemble des parlementaires
est plutôt de rattacher les objectifs et les activités annoncés dans la
stratégie à une série de questions et de
politiques publiques qui se sont posées au cours des dernières années et qui
reviendront sans doute dans l'actualité sur l'horizon de la stratégie,
de la durée de la stratégie.
Plusieurs des orientations et des objectifs
énoncés font déjà l'objet d'actions gouvernementales. Il y a, par exemple, la Stratégie d'électrification des
transports et le Plan d'action gouvernemental pour la solidarité et l'inclusion
sociale. D'autres orientations seront
prochainement mises en place par le gouvernement : la stratégie maritime,
stratégie en transport, stratégie
énergétique 2016-2025, le PACC 2013-2020, plan d'ensemble en efficacité et
innovation énergétiques 2016-2019,
allègement réglementaire, etc. Donc, on voit qu'il y a beaucoup d'initiatives.
Évidemment, pour nous, on accorde une très grande importance de
s'assurer de la cohérence de toutes ces actions-là, des actions et des politiques, et d'éviter les dédoublements,
l'éparpillement de l'action gouvernementale. Cette semaine, je
participais — et
le ministre était là également — à un événement portant sur l'écofiscalité,
et une des remarques les plus importantes qui est sortie des travaux et des échanges qui ont eu lieu à ce moment-là,
c'est l'importance de la cohérence dans toutes ces interventions-là.
Nous
profitons donc de la consultation pour exprimer le souhait que le gouvernement
mette en oeuvre un cadre réglementaire
efficace et stimulant pour nos entrepreneurs, en plus de contribuer à créer un
environnement au Québec... un environnement d'affaires qui favorise
l'investissement, l'innovation et les gains de productivité.
De façon
générale, les entreprises et les chefs d'entreprise, pour des raisons à la fois
pragmatiques et sociologiques, ont
décidé vraiment d'internaliser les meilleures pratiques et de développer des
politiques ou des approches en matière de
développement durable pour des questions très compréhensibles : le besoin
de leur clientèle pour leurs produits et leurs services, qui, de plus en plus, exprime des critères en matière de
développement durable, de responsabilité sociale; le fait qu'on doit, comme employeur, au Québec, renouveler
notre main-d'oeuvre qui va partir à la retraite et qu'on doit être attractif, attrayant pour les jeunes, les jeunes
générations qui, eux autres ont des valeurs et des principes de développement
durable fort importants et qui vont choisir
leurs employeurs en fonction de ce que vont leur offrir ces employeurs-là dans
ces matières-là; les investisseurs qui, de
plus en plus, intègrent dans leurs pratiques d'investissement des questions de
développement durable et de responsabilité
sociale. Donc, en partant, les employeurs, pour une question très pragmatique,
vont et sont intéressés à aller de l'avant de ce côté-là.
Mais, au plan
sociologique, on voit aussi la relève des entreprises et des chefs
d'entreprise, des entrepreneurs qui arrive
avec des valeurs qui sont beaucoup plus issues des problématiques actuelles, et
on s'aperçoit que les chefs d'entreprise, aujourd'hui, pour des raisons pas seulement pragmatiques, mais des
questions de valeurs personnelles aussi, veulent mettre en place les meilleures pratiques. Évidemment, ce
n'est pas tout le monde, et c'est pour ça que ça prend une réglementation,
pour que tout le monde joue sur le même pied.
Et ça nous amène à attirer l'attention des
parlementaires sur trois principes essentiels qui sous-tendent notre mémoire. Le premier, la réglementation doit être
efficace et intelligente. J'ai parlé tantôt de cohérence, on doit parler aussi
de simplification administrative parce qu'il y a des coûts rattachés à
l'administration de la réglementation, mais il y a également la durée des
processus pour obtenir des autorisations, et ainsi de suite.
Deuxième principe ou deuxième élément qui, pour
nous, est très important, toutes les questions de fiscalité. Et là-dessus le Conseil du patronat, dans sa
plateforme, parle beaucoup de l'approche utilisateur-payeur, qui, dans le
contexte du développement durable,
s'applique aussi dans l'esprit de pollueur-payeur. Ça peut peut-être en
surprendre plusieurs, mais vous vous rappellerez que j'ai coprésidé avec Steven
Guilbeault un comité du groupe Switch pour faire des recommandations en matière d'écofiscalité parce
qu'on croit que ça peut être une excellente façon d'aborder les questions
en internalisant les coûts, mais à condition
qu'il y ait un effet ultime de ne pas rendre nos entreprises non compétitives.
Donc, il doit
y avoir une certaine neutralité fiscale dans tout ça, par exemple un principe
de bonus-malus. On a des bons
comportements, on réduit nos émissions de gaz à effet de serre, on réduit nos
impacts sur l'environnement, on devrait
avoir un bonus. Et on cause des coûts à la société en matière d'émissions de
carbone, etc., on a un malus. L'ensemble de tout ça fait un effet neutre. Et, si, au niveau de l'écofiscalité, on
veut faire un remplacement de fiscalité en accélérant ou en accroissant
le fardeau fiscal concernant l'écofiscalité, il faut que ce soit fait en réduisant
d'autres aspects de la fiscalité parce que...
Et le ministère des Finances a publié un fascicule juste précédant la
commission sur la fiscalité qui est
très clair là-dessus, si on regarde l'ensemble de la fiscalité, la fiscalité au
Québec est plus lourde que les comparables en Amérique du Nord. Donc, par exemple, regardons les questions fiscales
qui sont moins, je dirais, rentables, qui sont moins un levier
intéressant pour la société, notamment la fiscalité sur la main-d'oeuvre, qui
est, à mon humble avis, improductive, si on
veut faire davantage d'écofiscalité, pour qu'il y ait un équilibre dans tout
ça, là, le même principe que le cran d'arrêt dans les dépenses
gouvernementales que le gouvernement a mis en place.
Finalement, troisième élément, c'est l'élément
qui touche l'acceptabilité sociale. Et, pour ça, on fait certaines
recommandations qui, ma foi, nous apparaissent très, très importantes d'abord
pour animer un débat, un débat plus cohérent,
et aussi pour faire en sorte de répondre à des demandes d'avoir davantage
d'information. Et c'est pour ça qu'on fait,
à l'instar de d'autres associations, notamment la Fédération des chambres de
commerce du Québec, la proposition d'amener une agence économique
indépendante.
Je vais laisser la parole 30 secondes à Mme
Kozhaya.
Le Président (M. Bérubé) : Il
nous reste 30 secondes pour la présentation.
Mme Kozhaya
(Norma) : Merci. Merci. Donc, évidemment, parmi les propositions sur
lesquelles on s'est prononcés,
l'écofiscalité, aussi, donc, le principe d'utilisateur-payeur autant pour le
transport collectif. Donc, en général, regarder
les catégories de bénéficiaires et que la participation au financement dépende
en gros des bénéfices retirés par les
différentes catégories : les utilisateurs du transport en commun, les
propriétaires d'automobiles, les municipalités, le gouvernement en
général. Et, dans le choix de développement et d'aménagement des territoires,
toujours considérer l'approche avantage-coût. Merci.
Le
Président (M. Bérubé) : Je vous remercie pour votre
présentation. Nous allons passer au gouvernement avec le ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Je ne sais pas, madame, si vous
voulez continuer ou si vous aviez terminé.
Mme Kozhaya (Norma) : Merci, ça va.
M. Heurtel : Ça va? O.K. Bon.
Mme Kozhaya (Norma) : Peut-être que,
pendant les questions...
Le Président (M. Bérubé) :
Dans les échanges...
M. Heurtel : Parfait. Parfait. Bon,
bonjour. Merci pour votre mémoire, votre contribution à nos travaux. La
première question, j'aimerais aller plus loin en matière d'écofiscalité.
J'étais à l'événement, justement, auquel vous faisiez référence il y a deux
jours, très intéressant, très important. Concrètement, dans un contexte de
stratégie de développement durable, je
voudrais voir comment ça s'articule pour faire en sorte qu'horizontalement,
hein, que ça soit... Évidemment,
l'écofiscalité interpelle directement, évidemment, le ministère des Finances,
mais ça a une portée très grande, on
parle de... Plusieurs ministères sont interpellés, d'organismes. On parle de
comment on développe et on applique des politiques. Même, ça va dans l'investissement, la participation financière
de toutes sortes du gouvernement dans les projets. Bref, j'aimerais ça, vous entendre davantage sur
comment vous voyez l'articulation, l'opérationnalisation de l'écofiscalité
lorsqu'on parle d'une stratégie de
développement durable puis on veut lui donner des façons, à cette stratégie-là,
de pouvoir véritablement avoir un
effet concret sur les ministères et organismes. Alors, comment vous voyez cette
opérationnalisation?
• (12 heures) •
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Eh bien,
c'est, évidemment, un vaste chantier, mais je vais donner quelques exemples,
peut-être, pour essayer d'éclairer la chose.
D'abord, effectivement, le commissaire, dans son rapport, mentionnait qu'il
manquait certains objectifs. Mais il y en aussi actuellement, et je pense,
entre autres, à l'objectif de réduire de 20 % l'émission des gaz à effet de serre. Et le gouvernement a mis en place,
par exemple, la question de la bourse du carbone, la question du SPEDE, et tout ça a un objectif
fondamental. C'est qu'il y a un objectif qu'on veut viser, il y a un instrument
d'écofiscalité, et on veut atteindre ces objectifs-là grâce à cet outil-là.
On appuie cet
outil-là dans le sens ou le principe du bonus-malus. On peut aller chercher un crédit, une valeur lorsqu'on fait une action qui va dans le sens de
réduire ses gaz à effet de serre. Par ailleurs, on a aussi un malus si on émet
des gaz
à effet de serre. Donc, à quelque part, il y a un principe économique, un échange de marché, une valeur qui
vise quoi? Un objectif
de réduire à la fin, hein, l'émission des gaz à effet de serre. Donc, ça, c'est un élément, et il y a plusieurs
éléments que le gouvernement a mis en place
à différents niveaux. C'est vrai dans la consigne, par exemple. C'est vrai
dans le traitement des matières résiduelles. C'est vrai dans différents
domaines comme celui-là.
Le problème,
c'est qu'on n'a pas nécessairement fait un inventaire de toutes ces mesures-là
et on n'a pas arrimé ça dans une stratégie globale, ce sont des
interventions qu'on pense qu'il y a une mode, il y a un exemple qui se fait ailleurs... Alors, nous, ce qu'on propose — et le comité d'écofiscalité, d'ailleurs, de
Switch proposait ça — c'est,
d'abord et avant tout, d'avoir de l'expertise qui regarde les meilleures
pratiques, les meilleurs résultats, de tout amalgamer ça ensemble pour faire
des recommandations basées sur les expériences, les meilleurs résultats, mais
dans un contexte québécois, nord-américain.
Alors, c'est
pour ça que la première des choses, c'est d'aller constituer cette
expertise-là. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, d'expertise, mais beaucoup des éléments ont été faits un peu à la
pièce. Alors, comment on peut y arriver? Bien, d'abord, il faut avoir cette connaissance de ce qui s'est fait, des
meilleures affaires, et de faire des priorités. Je vous donne un exemple de priorité. Beaucoup de discussions se
passent actuellement, par exemple, sur la question d'imposer davantage les promoteurs résidentiels par rapport à
l'étalement urbain. D'autres vont arriver avec : Ah! c'est les frais de
stationnement. D'autres vont arriver avec le péage. D'autres vont
arriver avec la taxe sur l'essence. D'autres vont arriver avec une taxe kilométrique. Alors, tous ces éléments-là
sont des éléments d'écofiscalité à quelque part qui sont à différents niveaux.
Parfois, c'est municipal. Parfois, c'est supramunicipal. Parfois, c'est
provincial, voire canadien ou même continental.
La question ici, c'est la cohérence qui nous
intéresse pour que tout ça s'arrime ensemble. Mais je prends un exemple très simple, le gouvernement poursuit une
politique familiale, voudrait que les Québécois aient davantage d'enfants
pour faire en sorte qu'on règle un autre
problème qu'on a sur la question démographique, et on pourrait, par exemple,
dire... Dans une volonté de dire : On va taxer les moyens de transport,
puis taxer les gros véhicules, par exemple, on pourrait avoir un effet
inversement proportionnel. De taxer, par exemple, les minivans... Pour des
familles qui ont quatre enfants, c'est bien
pratique, des minivans. Alors, on pourrait faire en sorte d'arriver à un
problème où on fait de la taxation
sur quelque chose... Ou une maison unifamiliale, c'est un principe... Quand on
a plusieurs enfants, il y a beaucoup de gens qui choisissent d'être dans un
environnement où tu as un terrain, où tu as un environnement, voisinage, etc.,
qui est différent d'être dans un multilogement, etc.
Alors,
comment on fait en sorte pour arrimer ça? Bien, ça prend un débat public, c'est
sûr, mais ça prend aussi une
cohérence aux différents niveaux, c'est le principal. Et comment y arriver,
tout ça? Bien, la première des choses, je l'ai dit tantôt, d'avoir un corpus. La deuxième, des choses, c'est de se
faire des priorités. Et on ne peut pas tout faire en même temps. Même si on peut, comme dirait le maire de
Montréal, marcher et mâcher de la gomme en même temps, à un moment donné on ne peut pas faire 10 choses en même
temps, il faut faire des choix. Je pense que la bourse du carbone en est un,
comment on peut faire en sorte que ça
devienne un outil extrêmement intéressant? Et, après ça, on peut faire des
choix. Quant à nous, on va vous
donner un exemple. Nous, on pense que le transport est plus important que le
choix de localité parce que, si je m'en vais demeurer en banlieue de
Québec à, je ne sais pas moi, Saint-Apollinaire, mais qu'une des deux personnes dans le couple travaille dans cette
région-là, pourquoi je le taxerais en pensant qu'il vient à Québec? Il ne
vient peut-être pas à Québec, puis lui, il n'a peut-être pas la capacité, en
termes de densité géographique, d'avoir du transport en commun comme moyen
alternatif de transport de personnes.
Alors, toutes
ces questions-là, ce n'est pas en cinq minutes ou en trois quarts d'heure qu'on
peut y arriver, mais ça prend une
analyse, ça prend le temps. Il faut faire des priorités, faire les choses en
ordre, et puis se donner, à quelque part,
un exercice où... Évidemment, la question d'acceptabilité sociale est
importante dans tout ça, même l'écofiscalité. On parle toujours d'acceptabilité sociale pour des projets qui touchent
l'environnement puis on oublie, à quelque part, que le citoyen payeur de taxes, lui, l'écofiscalité, ça peut être une
perception de menace s'il pense qu'il est perdant. Alors, comment faire en sorte, dans un débat, O.K. qu'on
ne soit pas perdant parce qu'on a peur, vraiment qu'on voie qui sont les gagnants et les perdants et qu'on puisse faire
le débat d'une façon éclairée? D'où l'importance, notamment, d'avoir un éclairage quand on parle de dossiers
d'acceptabilité sociale avec une évaluation économique indépendante parce que,
parfois, on voit... Il y a quelqu'un
qui précédait qui parlait des lunettes roses ou les lunettes noires, à un
moment donné il faut que ça prenne aussi de l'information assez
indépendante dans tout ça.
Je ne sais
pas si j'ai répondu à votre question, mais j'ai essayé de voir les enjeux, les
embûches en vous disant que ça prend de l'information indépendante, que
ça prend des priorités, on ne peut pas tout faire en même temps, qu'il faut que ce soit un débat qui englobe tous
les paliers parce qu'on ne peut pas le faire juste à un palier, ça touche tout
le monde, puis que, finalement, ça prend de l'acceptabilité sociale de tous les
côtés.
M.
Heurtel : Je crois que vous avez tenté de répondre à plusieurs
questions. Par rapport à la cohérence de l'action gouvernementale, j'aimerais avoir votre réaction,
si... pas si, une des priorités clairement exprimées par le gouvernement
tant au niveau environnemental puis dans
tout l'ensemble de l'action du gouvernement, y compris la relance économique,
c'est la lutte contre les changements
climatiques. Et donc vous avez parlé du marché du carbone, mais, justement, si
on peut ramener le propos à la stratégie de développement durable et les
orientations et les gestes que devront poser les ministères et organismes du gouvernement au cours des cinq prochaines
années, n'y aurait-il pas un besoin même urgent de s'assurer que, par exemple, en matière de développement économique,
que ça soit les politiques, les processus décisionnels, que ce soient les choix en matière d'investissement,
participation financière du gouvernement, que ce soit, bon, évidemment, l'écofiscalité, que ça soit
absolument nécessaire que, dans l'élaboration, dans le processus décisionnel
pour l'ensemble des gestes économiques du
gouvernement, qu'il y ait une prise en considération... plus qu'une prise en
considération, qu'un des facteurs dans
l'élaboration de ces décisions-là soit la lutte contre les changements
climatiques bien intégrée, évidemment, au développement durable?
M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors,
vous me permettrez de dire que le gouvernement et ses organisations ont
différentes possibilités d'intervenir. Je vais en faire un très rapidement,
mais juste en parlant de sa politique d'achat parce
que le gouvernement est un donneur d'ouvrage, etc., alors il doit se poser...
s'il veut aller dans une perspective de développement durable, dans sa propre politique d'achat, qu'est-ce qu'il
va faire pour privilégier des achats qui vont avoir des retombées, que ce soit en matière d'un
ministère comme émetteur, ou pollueur, ou quoi que ce soit, ou que ce soit
comme développeur aussi de technologies.
Parce qu'on est juste 8,3 millions d'habitants au Québec, là, il faut
comprendre que ça prend des gros
donneurs d'ordres à un moment donné pour faire bouger le développement de
l'innovation et des technologies. Donc, ça, c'est un élément.
Mais l'autre
élément, sur les transferts. Voyez-vous, on est ici pour parler du
développement durable, et souvent on
va parler tout de suite de développement durable, on va penser tout de suite à
environnement, puis écologie, changements climatiques. La réalité
économique, le Québec a une croissance économique et une économie, en termes de
PIB par habitant, parité de pouvoir d'achat,
qui est inférieure à la moyenne canadienne, et on a un enjeu énorme là-dessus,
et il faut enclencher la prospérité
puis le développement économique. Et nous, de façon très responsable, on a dit
qu'il y avait quatre endroits où le gouvernement pouvait focusser ses
interventions en termes d'aide financière au développement économique aux entreprises. Il y en a une qui est
très claire, aider les entreprises à réduire leur empreinte environnementale,
puis il y a un fonds vert qui va être créé,
il y a des moyens d'aider les entreprises de ce côté-là. Bien, qui va être créé...
qui est créé, il y a de l'argent qui va aller là-dedans, qui va pouvoir aller
là-dedans. Donc, ça, c'est un élément.
Mais il ne faut
pas que ça se fasse... Excusez-moi parce que je comprends que vous êtes... Le
ministre, M. le Président, le
ministre est responsable de cet élément-là, mais moi, je vais m'adresser au
ministre, par exemple, de l'Emploi,
Solidarité en disant qu'un des éléments aussi, c'est toute la question de
l'adéquation formation, main-d'oeuvre, etc., pour faire en sorte que nos
entreprises soient plus productives. Donc, il y a une panoplie de missions.
Nous, il y a quatre éléments. On a parlé de
réduire l'empreinte environnementale, on a parlé d'innovation. Le Québec investit énormément en R & D,
mais on fait moins d'innovation. Or, on ne peut pas avoir une prospérité
durable si on ne
fait pas davantage d'innovation. On ne peut pas avoir... Et le troisième
élément, c'est l'amélioration de la productivité
en entreprise. On ne peut pas être concurrentiels à l'échelle mondiale, donc
avoir une prospérité, une croissance économique — toujours un des piliers très important — sans avoir une plus grande productivité au
sein de nos entreprises. Et,
quatrièmement, on ne peut pas non plus arriver à tout ça sans une
commercialisation et un commerce international parce qu'on est trop petits comme société avec un vieillissement
démographique pour que la demande interne nourrisse suffisamment la
croissance économique.
Donc,
ces quatre éléments-là, vous voyez, sont à la fois différents et à la fois
interreliés. Et je donne l'exemple des
technologies et l'innovation dans les processus pour améliorer la productivité,
une des conclusions des grands émetteurs qui ont amené à réduire leurs
émissions de gaz à effet de serre dans les dernières années, c'est que ça a
amélioré leur productivité et leur potentiel
concurrentiel. Donc, ce n'est pas opposé, ça peut être ensemble, mais il ne
faut pas choisir un élément parce que
tous ces éléments-là sont très importants pour le développement économique durable et prospère pour le Québec.
• (12 h 10) •
Le
Président (M. Bérubé) :
Je prendrai l'intervention du député d'Abitibi-Est, en vous indiquant qu'il reste à peu près deux minutes.
M.
Bourgeois : Merci, M. le Président. On va y aller rapidement. Il y a une
préoccupation qui m'est plus directement... qui me titille,
j'aimerais ça que vous nous précisiez un
peu plus votre position concernant
les municipalités dévitalisées, la stratégie que vous nous parlez de
relocalisation des ménages. Je trouve ça un peu...
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Mme Kozhaya va...
Mme Kozhaya (Norma) : Oui, merci. Effectivement, c'est un sujet
qui est très délicat et qui est très difficile. Nous, la position, c'est que, dans l'histoire du Québec
et puis de tous les pays développés, il
y a certaines transformations qui
se font, il y a parfois des villages qui
naissent à cause d'une activité quelconque et que, lorsque cette activité n'a
plus lieu, parfois il y a
une délocalisation. Donc, l'idée, c'est qu'il faut essayer de maintenir, de
diversifier l'économie, diversifier les localités, mais jusqu'à quel prix? À quel prix on est prêts à payer?
C'est qu'à un moment donné peut-être qu'il y a des besoins dans d'autres municipalités, peut-être qu'il y a des
secteurs qui se développent ailleurs, qu'il faut aussi encourager la
mobilité dans la mesure du possible par des mesures. Donc, il faut y avoir
aussi du budget, de la formation, de l'information
et ne pas lutter à tout prix. Évidemment, il faut faire de son mieux, mais, pour nous, il y a peut-être
aussi une limite à ce qu'on peut... pouvoir maintenir de façon
artificielle certaines activités parfois.
M.
Bourgeois : ...je vous remercie.
Le Président (M.
Bérubé) : Autre chose à ajouter? Sinon, ça met fin au bloc.
M.
Bourgeois : Pour moi, ça va. Le député de Dubuc a...
Le Président (M.
Bérubé) : Quelques secondes, une remarque.
M.
Simard (Dubuc) : Rapidement.
M. Dorval, d'abord, merci pour votre mémoire. Une question : Est-ce que le Conseil du
patronat a des recommandations à ses membres concernant, justement,
la préoccupation du développement
durable dans chacune des entreprises par rapport à la traçabilité
environnementale? J'aimerais vous entendre un peu.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Oui, et on a créé un satellite traitant le Centre
patronal en environnement du Québec.
Le
Président (M. Bérubé) :
Merci. Merci, M. le président. Nous allons passer à l'opposition, et je
reconnaîtrai M. le député de Jonquière?
M.
Gaudreault : Oui. Écoutez,
j'étais pour vous demander... Avant la question de mon collègue
de l'Abitibi, j'étais pour vous
demander si vous aviez bien relu votre document avant de nous l'amener comme
mémoire ou si c'était un document de
travail avant d'amener la version finale parce qu'à la page 13 «le Conseil du patronat invite le gouvernement à réallouer une partie des budgets actuellement
consacrés au maintien des municipalités dévitalisées vers des mesures
facilitant la relocalisation des ménages qui y habitent».
Écoutez, honnêtement,
je ne pensais pas de lire ça venant d'un organisme comme le vôtre en 2015. Je
suis soufflé. Il y avait une histoire de
souffleuse à Longueuil, là, hier, ça tombe bien. Alors, je suis soufflé par une
proposition de cette nature-là, qui,
pour moi, est l'exact contraire de ce que doit être le développement durable,
qui inclut l'occupation du
territoire, l'occupation dynamique du territoire, qui inclut également — puis je ne sais pas si vous étiez ici quand
on a eu de la Chaire d'études sur l'économie circulaire, là — donc, de réutiliser, d'être capable de
réutiliser les ressources, puis là... Donc,
c'est quoi, là? Ça veut dire qu'on va développer des ressources dans le Nord,
puis on va faire du «fly-in/fly-out» sans développer le territoire localement? Moi,
j'aimerais ça que vous veniez plaider votre proposition, là, dans le comté de
mon collègue de Dubuc, là, dans des
places comme à Sainte-Rose-du-Nord, ou à Petit-Saguenay, ou à
L'Anse-Saint-Jean, ou dans le comté du président, là, à Matane-Matapédia, dans
plein de villages de ce coin-là où les gens se battent depuis des
générations, dans le comté de Bonaventure. En tout cas, expliquez-moi un peu
plus parce que, vraiment, je suis assez renversé de voir que vous amenez une
proposition comme ça dans un concept de développement durable.
Le
Président (M. Bérubé) : Madame.
Mme Kozhaya (Norma) : Merci. Parce qu'effectivement il y avait une question sur le maintien
de l'objectif de... Non, juste la page d'avant, renforcer les capacités
dans le but de soutenir le dynamisme. Effectivement, donc, je sais que — c'est
encore la même réponse, peut-être, que j'ai donnée tout à l'heure — c'est
qu'il y a des besoins, parfois, qui se développent dans certains secteurs, dans
certaines régions. Vous savez, on parle beaucoup aujourd'hui du besoin de main-d'oeuvre
dans certaines régions, on va, dans la politique d'immigration, encourager que
les immigrants s'en vont dans certaines régions parce qu'il y a des
besoins. Et, parfois, on essaie de maintenir, donc l'idée... Évidemment, la diversification économique, les politiques de
soutien, c'est très important, mais aussi, dans certains cas, il faudrait aider
à la relocalisation.
M. Gaudreault : Mais vous la fixez où, la barre, là, pour le jour que
vous allez envoyer un message aux résidents de tel village pour dire : À partir de telle date, là, c'est bien
de valeur, mais on vous délocalise, comme ça s'est fait dans les années 70 en Gaspésie, là, quand ils ont fait
le parc Forillon ou dans d'autres villages, là, la fameuse suite de l'étude...
Je pense, c'était le rapport
Higgins-Martin-Raynauld, là, qui disait : Bien, il faut fermer les
régions. Tant qu'à ça, là, je veux
dire, on la met où, la barre, là? À partir de quel moment vous allez être
capables d'évaluer, là, pour dire : Ah! bien là, ce village-là, il n'est pas viable, puis on envoie
un avis d'éviction à la population locale? Je veux dire, moi, je suis estomaqué,
là, de lire ça.
M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait, on va parler de choses très réalistes,
là, l'idée ici, ce n'est pas de dire qu'il ne faut pas tenter. D'ailleurs, quand Mme Kozhaya parle de la
diversification économique, c'est la seule façon, le seul moyen de faire en sorte qu'une localité puisse
perdurer si l'activité économique essentielle de base n'est plus disponible.
Alors, la question ici, ce n'est pas de
dire : Est-ce qu'on doit éliminer toutes les régions dès qu'il y a une
activité économique de terminée? Au contraire, il faut essayer de
diversifier.
Pensons
à l'entrepreneuriat. Je vais vous donner un exemple très précis, en Mauricie,
il y a eu des grandes entreprises qui
embauchaient beaucoup de salariés, il y a eu un choc, il y a des grandes
entreprises qui ont fermé leurs portes. L'idée ici, ce n'est pas de dire : On ferme la Mauricie. L'idée, c'est de
dire : Il faut développer des façons que les gens en Mauricie
puissent pouvoir développer leur économie, mais sur une autre base. Ça peut
être, par exemple, en développant l'entrepreneuriat,
en trouvant des nouvelles missions, par exemple, à une usine en place, etc.
Donc, l'objectif, c'est ça. Ce n'est pas de départir les territoires,
c'est d'aider les territoires à pouvoir durer de façon pérenne.
Ce qui est différent d'autrefois, c'est que
certaines localités ont été développées en fonction d'une matière présente,
physique, localement et que la matière soit
n'est plus disponible ou soit que sa concentration, son accès devient économiquement non rentable. Et là la question
qu'on doit se poser : Si on ne peut pas faire de diversification
économique, si on ne peut pas
permettre à la région de pouvoir aller développer un autre type d'activité
économique pour subvenir aux besoins des gens qui sont là, il ne faut
pas se fermer les yeux non plus alors que, dans d'autres endroits, toujours au Québec, il y a des endroits qui demandent, qui ont
besoin de main-d'oeuvre. Alors, comment on fait pour agencer ça? L'idée, ce n'est pas de dépeupler les régions,
etc., absolument pas. Le développement durable, c'est d'essayer de voir, de
façon durable, comment on peut avoir une
économie pérenne dans un endroit. Mais, si ça ne se peut plus, il ne faut pas
penser qu'il faut soutenir artificiellement quelque chose qui n'est pas viable
non plus. C'est juste ça.
M.
Gaudreault : Oui, mais, tant qu'à ça, on ne partira jamais le
cycle du développement. Donc, j'essaie juste de comprendre parce que je n'ai pas l'impression que vous êtes cohérent,
au sens où on n'ira pas exploiter des ressources fossiles, des hydrocarbures — parce que, plus loin, vous parlez
d'hydrocarbures — ou du
pétrole parce qu'à long terme on va
épuiser la ressource, donc il faudra fermer la communauté qui s'est créée
autour d'une exploitation minière ou d'une exploitation pétrolière à
quelque part.
Moi,
je trouve que... Puis là, en plus, vous dites à la page 12, là, dans le
deuxième paragraphe de 4.2 : «Souhaiter que le développement, quand il a lieu, s'effectue selon les principes du
développement durable n'entraîne pas que chaque collectivité doive nécessairement être pérenne à tout prix.» Alors, moi,
je reviens, on la met où, la ligne? Je veux dire, c'est ça qu'on fait dans nos communautés, là. Moi,
j'ai une usine dans ma circonscription, là, de Produits forestiers Résolu, on
se bat comme des fous pour essayer de diversifier, mais il faut toujours bien
que la compagnie essaie, elle aussi, d'amener
une nouvelle production à l'intérieur de l'usine pour pérenniser la chose. Mais
là ça veut dire que vous, vous partez
du principe qu'au lieu de pérenniser éventuellement on va fermer les régions.
Puis là, après ça, c'est un cercle vicieux parce que, dans la région du président, là, de la commission, c'est une
réduction du nombre de comtés électoraux depuis quelques élections. Pourquoi? Parce qu'il y a, justement, une démographie
baissante parce qu'il y a eu une exploitation des ressources qui ne s'est pas renouvelée. Donc, vous, vous rentrez
dans cette dynamique-là au lieu d'entrer dans une dynamique d'occupation
du territoire contraire, qui, pour moi, est un principe de développement
durable.
• (12 h 20) •
Le Président (M.
Bérubé) : Une minute.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Écoutez, ça dépend comment vous interprétez notre
propos.
M. Gaudreault :
Bien, je l'interprète comme ça.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Le propos
qu'on a, ce n'est pas de dépeupler les régions. C'est de faire en sorte que la planification se fasse dans un esprit de diversité économique
et de durabilité, et non pas seulement de dire : Bon, s'il n'y
a qu'une activité
faisable dans un endroit à cause de la proximité d'une ressource,
il ne faut pas non plus... Puis le Québec
en a fermé, des endroits à cause de ça. Alors, il ne faut pas non plus
dire : On va maintenir artificiellement des gens. Moi, je vais vous donner un exemple très pratico-pratique, il y a des
régions qui, actuellement, ne réussissent pas à obtenir un développement économique et il y a
une autre région à côté qui a des besoins de main-d'oeuvre. Je ne vous
dis pas qu'il faut dépeupler. Peut-être que c'est du «fly-in/fly-out», peut-être
c'est de la mobilité, etc.
Il faut
prendre tous ces éléments en considération là, et c'est juste de ne pas penser
que l'aide doit être faite sans avoir
une perspective aussi de produire un résultat. Donc, si l'aide, c'est de
fournir de l'argent, comme on dit, à un pêcheur, ce n'est pas ça qui est important. De lui fournir les outils pour
pêcher, c'est ça qui est important. Alors, nous, on dit : Aidons les communautés à pouvoir développer leur économie.
Mais, s'il n'y a plus de possibilité à une économie de se développer, bien, à ce moment-là, ça
ne donne rien de pomper de l'argent.
Le
Président (M. Bérubé) :
Merci, M. Dorval. Nous allons passer à la deuxième opposition, et je reconnaîtrai M. le député de Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. M. Dorval, Mme Kozhaya, bonjour. Alors, je
voudrais également faire du
millage sur ce que mon collègue, là, a amené comme sujet tantôt. J'avais également,
moi aussi, «highlighté — ce
qu'on se dit en bon français — à
la page 12, là... Je vais répéter la phrase : «Souhaiter que le développement, quand il a lieu, s'effectue
selon les principes du développement
durable n'entraîne pas que chaque
collectivité doive nécessairement être pérenne à tout prix.» Alors, je dois
vous avouer que ça m'inquiète, moi aussi, au niveau des régions.
Alors, plus
tôt aujourd'hui, un groupe est venu, l'Institut de l'environnement, du développement durable et de l'économie circulaire. Alors, on a discuté un peu du même
sujet, et on nous disait que, bon, l'économie circulaire pourrait, en fait, créer des
emplois dans les régions. Alors, au lieu d'extraire, bien, ce serait,
finalement, de se réapproprier les matières
premières puis de les réutiliser. Donc, ça pourrait créer de l'emploi. Alors,
je me demande, donc, quel est votre point
de vue par rapport à l'économie
circulaire, qui pourrait peut-être permettre aux régions, finalement,
là, de maintenir leur vitalité.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Je veux dire, le principe de base, c'est de dire qu'au lieu de regarder l'impact
négatif il ne faut pas se rendre là.
La question que j'ai à vous dire, c'est que, si on peut
développer des systèmes économiques pour faire en sorte de rendre pérennes les endroits où il y a eu une diminution de l'activité
pour toutes sortes de raisons, nous,
on dit : Bravo! C'est ça qu'il faut faire. Mais ce qu'on dit juste, c'est
faire attention que ce soit ça, l'objectif, et non pas de soutenir artificiellement quelque chose de non viable. C'est comme les entreprises. Si on considère qu'une entreprise n'est pas viable économiquement, on peut continuer à pomper de l'argent pour
la soutenir artificiellement ou on peut se dire : Bien, il va falloir essayer de diversifier puis de trouver
une autre activité à faire dans ce coin-là parce que
l'activité n'est pas rentable. On ne peut pas continuellement
subvenir à la non-rentabilité à un
moment donné. Puis je ne parle pas
d'une rentabilité pour des fins mercantiles,
je parle juste une question de développement
économique, ça permet à un tissu
social de pouvoir vivre. S'il n'y a
plus de développement économique possible — et
ça, c'est la limite — on
doit se poser la question : Qu'est-ce qu'on fait?
Donc, si je
l'applique au soutien aux entreprises, si une entreprise n'est pas viable, est-ce que le gouvernement, comme gouvernement, doit continuer à pomper de l'argent dans une entreprise
non viable ou il ne faut pas prendre à
un moment donné la décision puis dire à l'entreprise : Bien, écoutez, changez votre modèle d'affaires, changez votre processus parce
que nous autres, on ne peut pas aider
quelque chose qui n'est pas pérein? C'est juste ça qu'on dit.
C'est la même chose appliquée à une
communauté, il faut l'aider au maximum pour qu'elle développe sa capacité de vivre, de développer son économie et de survivre, mais, si, à un moment donné, ce n'est pas
pérein parce qu'il n'y a pas de capacité dans ce milieu-là de poursuivre, ce n'est pas pérein, à un moment donné
qu'est-ce qu'on fait? On la maintient artificiellement, mais là, à ce
moment-là, on ne développe pas une économie puis des gens heureux. Il faut
pouvoir développer les possibilités, les
opportunités. Et, nous, notre approche, ce n'est pas de le voir par la limite,
là, la lorgnette de la fin, il faut le regarder
avant, comment on peut faire en sorte de favoriser ce milieu-là à être pérein,
et non pas de favoriser... une fois qu'une
communauté n'est plus capable d'être pérenne, de la maintenir artificiellement.
C'est juste ça qu'on essaie de dire.
Évidemment,
nous, on n'est pas des élus, on peut le regarder avec un angle économique.
Mais, quand on est élu puis qu'on a des gens qui nous élisent, etc.,
c'est sûr que la préoccupation puis l'impact social est important, donc on est
préoccupé par ces choses-là. Nous, on
l'aborde purement sur l'aspect, là, je
dirais — excusez-moi — réalisme économique. Et ce
n'est pas contre les gens, au contraire. Puis il ne faut pas penser que,
dans notre mémoire, on est en train d'identifier plein, plein d'endroits que c'est comme ça, c'est
juste de dire : Si on va à la limite de la capacité de rendre pérenne une
communauté par un développement
économique local, à un moment donné il faut prendre la décision, comme dans une usine.
M. Surprenant : ...
Le Président (M. Bérubé) :
Oui, vous avez encore un peu plus d'une minute, 1 min 50 s.
M.
Surprenant : Alors, il n'y aurait
pas lieu de s'interroger... On sait qu'il
y a le Plan Nord, là, qui est en
train de s'organiser, alors, qui
pourrait être un élément qui pourrait, justement, amener une mobilité de la main-d'oeuvre, un déplacement vers les
nouvelles régions qu'ils veulent explorer. Donc, si on veut y aller dans
l'ordre des choses, il n'y aurait pas
lieu, avant d'aller mettre en place le Plan
Nord, de voir... au niveau
des régions qui pourraient être affectées, de créer des économies plus
locales, donc circulaires, en fait?
M.
Dorval (Yves-Thomas) : Mais
c'est une excellente idée. En fait, si je regarde le Plan Nord,
on parle toujours... on
pense, la première vision, c'est des mines, c'est des mines, puis c'est des
mines. La réalité, dans la stratégie du Plan
Nord, c'est d'ouvrir aussi le
potentiel récréotouristique, le potentiel pour les communautés
avec une infrastructure de transport, avec une voie ferroviaire, amener du
gaz ou amener de l'énergie pour... Ce sont tous des éléments qui vont
rendre pérenne cette région-là. Alors, ce n'est pas contre-indiqué. Au
contraire, c'est qu'il faut le regarder dans son ensemble, et non pas seulement
sur l'aspect exploitation minière.
Cela dit, il faut se rendre compte aussi qu'il y
a des populations qui ne voudront peut-être pas aller vivre dans ces communautés-là, puis ça va prendre des travailleurs pour le
faire. Donc, il va falloir trouver les mécanismes pour que des travailleurs puissent s'y rendre sans nécessairement
qu'ils vont vouloir s'établir là. Et, de
toute façon, c'est un modèle qui se développe de plus en plus. C'est de moins en moins fréquent qu'on va voir se bâtir des villages permanents autour d'une exploitation plus restreinte qu'on voit
finir dans un temps relativement court. Ce n'est pas évident. Dans le temps,
ce n'était pas ça parce qu'on ne le voyait pas à assez long terme. Là, on le voit. Alors, les choses
ne se produiront plus nécessairement dans le futur de la même façon.
Mais le Plan Nord
est un excellent exemple où l'organisation du Plan Nord, ce n'est pas seulement
développer l'aspect minier, mais c'est d'aider les collectivités locales
de bénéficier de cet apport-là aussi. Parce qu'il y en a, des collectivités locales, autochtones ou non, puis
d'avoir une infrastructure pour permettre à ce secteur-là de se développer,
pas seulement sur l'aspect minier, mais sur l'aspect
récréotouristique, et autres, donc ça, c'est du développement durable, c'est pérein. Mais ça ne veut pas dire que chaque
endroit où est-ce qu'il y aura de l'exploration minière, chaque endroit
comme ça, lui, il est pérein. À un moment donné, la ressource va s'épuiser.
Le Président (M. Bérubé) :
Merci. Merci au Conseil du patronat. Ça met fin à notre échange de ce matin.
L'ordre du jour de cet avant-midi étant épuisé,
la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise à 14 h 2)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît, Mme la députée de Vaudreuil! Nous reprenons nos travaux. Je vous
rappelle...
Une voix : ...
Le
Président (M. Reid) :
Oui. Je remercie, d'ailleurs, le vice-président d'avoir fait le président de l'Assemblée ce matin. Alors, je vous rappelle que la commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de
Stratégie gouvernementale de développement
durable révisée 2015-2020. Cet après-midi, nous recevons d'abord l'Association québécoise de lutte
contre la pollution atmosphérique conjointement avec Stratégies énergétiques, ensuite Nature Québec, puis la Chaire en
éco-conseil de l'Université du Québec à Chicoutimi, et ensuite Greenpeace,
pour terminer avec Éco Entreprises Québec.
Alors, nous
commencerons par l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique conjointement avec Stratégies énergétiques. Je vous demanderais de vous présenter, et
vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Je vous avertirai quand il restera une minute environ, et, par la suite,
nous aurons 35 minutes d'échange avec les membres de la commission.
Alors, je vous donne la parole.
Association québécoise
de lutte contre la pollution
atmosphérique (AQLPA) et Stratégies énergétiques
M. Brunel
(Alain) : Très bien.
Donc, je m'appelle Alain Brunel. Je suis directeur climat-énergie pour
l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique,
l'AQLPA. Je tiens à excuser ici l'absence d'André Bélisle, le président, qui
devait être là, mais qui n'a pas pu, finalement, venir. L'AQLPA... et donc Me
Dominique Neuman, de Stratégies énergétiques, à mes côtés.
L'AQLPA, pour
mémoire, a été fondée en 1982. C'est un des plus anciens groupes environnementaux au Québec. Je suis d'ailleurs
un des cofondateurs également. Donc, l'organisation a plus de 30 ans d'actions
visant à protéger, améliorer la qualité de l'air au Québec. L'AQLPA a développé
au Québec des approches innovatrices dans l'atteinte d'objectifs environnementaux
par des instruments incitatifs fondés sur le partenariat avec les
gouvernements, les organisations d'intérêt socioenvironnemental et les
entreprises avec des projets comme Un air d'avenir, des programmes comme Faites de l'air! et Changez d'air! Pour
information, le programme, par exemple, Faites de l'air a contribué à retirer
50 000 vieux véhicules du
circuit et à retirer 65 000 tonnes de gaz à effet de serre depuis 2009.
L'AQLPA est également intervenue sur plusieurs projets énergétiques dans
différents forums, est membre également de Réseau Action Climat.
Stratégies énergétiques est un organisme environnemental
à but non lucratif actif depuis 1998 qui s'est donné pour mission de promouvoir
les objectifs de développement durable dans les domaines de l'énergie, de la
gestion des ressources, de l'aménagement du territoire et des transports en favorisant une planification stratégique harmonisant les considérations
environnementales, énergétiques, sociales et économiques.
Stratégies énergétiques a participé également
à plusieurs forums et a été membre de la table sur l'électricité.
Je
vais maintenant attaquer immédiatement
et vous présenter... en fait, je vais
laisser la parole plutôt à Dominique
Neuman, qui va vous présenter les premières recommandations de notre
rapport pour qu'on puisse en discuter plus amplement après. Dominique.
M. Neuman
(Dominique) : Merci Alain.
Bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les députés. Donc, d'abord
nous tenons à souligner que l'adoption,
il y a plusieurs années, de la Loi sur le développement durable et
la première stratégie gouvernementale de développement durable ont été des réalisations majeures au Québec.
C'est quelque chose d'unique en
Amérique du Nord, et nous tenons à le souligner, nous tenons à
féliciter tous les... enfin, l'ensemble des partis politiques qui ont contribué à ces réalisations. Dans le but d'aider à l'amélioration de cette stratégie gouvernementale, nous avons examiné le projet dont la commission est saisie et nous y avons identifié trois
lacunes qui nous apparaissent majeures et dont nous tenons à vous faire part. Dans le mémoire que nous vous avons
déposé, nous attirons votre attention sur les recommandations, la
liste des recommandations qui se trouve au début document.
D'abord,
la première lacune majeure que nous avons notée concerne l'application de cette
stratégie à ce que l'on appelle les actions structurantes de l'État. Ce terme est employé
par le Commissaire au développement durable, faisant partie du bureau du Vérificateur général du Québec,
pour désigner les lois, les règlements, les programmes et les politiques. Selon
la Loi sur le développement durable, cette loi et la stratégie s'appliquent à l'ensemble
des actions structurantes de l'État. Il est cité spécifiquement son application
aux programmes et politiques, et c'est là-dessus qu'il y a
une lacune, que le Commissaire au développement durable a constatée lui-même dans son rapport que nous
citons dans notre mémoire. Il y a manifestement un manque de suivi et un manque
d'actions de la part non seulement du MDDELCC, mais de l'ensemble des quelque 109 organismes assujettis à la loi pour veiller à ce que la stratégie
de développement durable s'applique à leurs programmes et politiques
et, le cas échéant, aux lois et règlements qu'ils ont à soumettre pour fins d'adoption.
Donc, c'est
pour ça que notre première recommandation à la commission consiste à l'inviter, dans son rapport, à spécifier la nécessité, pour le gouvernement du Québec et le ministère
du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les
changements climatiques, de corriger ce manque actuel de prise en compte des
principes du développement durable lors de l'élaboration ou de la révision des
actions structurantes de l'État que sont les lois, règlements, programmes
et politiques et de s'assurer que des cadres décisionnels
soient bien adaptés à cette prise en compte, et ceci implique que le MDDELCC devrait être amené à exercer au sein de l'État québécois
un rôle plus grand que celui qu'il
exerce actuellement, un rôle de leadership auprès des autres ministères
et organismes dans cette prise en compte.
Notre recommandation n° 2 touche un aspect spécifique de ces actions
structurantes que sont l'actuel allégement de l'État, la révision de la fiscalité et la révision des programmes,
qui sont des démarches en cours de la part du gouvernement actuellement. Il nous semble que ces processus, qui sont nécessaires,
qui sont requis pour des motifs, notamment, d'équité intergénérationnelle,
de réduire le déficit et la dette des Québécois, devraient s'effectuer en tenant compte de
manière intégrée de l'ensemble
des principes de développement
durable, ce qui ne semble pas le cas actuellement. Donc, il s'agirait d'inclure non seulement le principe de
développement durable que constitue l'équité intergénérationnelle, mais les
autres, les 15 autres principes de
développement durable de manière à ce que les décisions qui sont prises à
l'occasion de ces processus reflètent la stratégie de développement
durable, que l'on veut être une stratégie générique s'appliquant à l'ensemble
des actions de l'État, y compris ses actions structurantes. Là encore, le MDDELCC
doit jouer un rôle de leadership auprès des autres ministères et organismes à cette
fin.
Je vais redonner la parole à mon collègue, qui
va vous présenter... Excusez-moi, je vais vous présenter la recommandation 3, je vais passer ensuite la parole
à mon collègue. Également, le Québec, par le Canada, a adhéré à l'ALENA,
l'Accord de libre-échange nord-américain, et s'apprête peut-être à adhérer
prochainement à un accord Canada-Europe de
libre-échange. Ces différents accords ainsi que d'autres ententes de commerce international prévoient la possibilité, selon le cas, pour des États
étrangers ou même des entreprises étrangères, de contester les lois, les règlements,
les politiques, les programmes
du Québec au motif de restriction indue à la liberté commerciale selon les
clauses de ces ententes. Il y aurait
lieu que le Québec, dans le cadre de
l'application de sa stratégie de développement durable, s'efforce de s'assurer que son adhésion à de tels traités
dans l'avenir inclue la prise en considération de l'ensemble des principes de développement durable afin qu'on ne se trouve
pas à prendre le risque que des actions structurantes de l'État qui vont
de ce sens soient annulées pour des motifs
de liberté commerciale qui ne tiendraient pas compte de ces principes.
Maintenant, je passe la parole à mon collègue.
• (14 h 10) •
M. Brunel (Alain) : Alors, je vais
aller très vite. M. Neuman est avocat, donc il est bavard.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Brunel (Alain) : Donc,
recommandation n° 4. Y a-t-il des avocats dans la salle?
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Brunel
(Alain) : Donc,
recommandation n° 4 : Que tous les ministères et organismes se
conforment spécifiquement au principe
de participation et d'engagement. Il s'agit, bien sûr, d'inclure les
différentes parties prenantes en
matière de développement durable. C'est un principe fondamental qui est
développé, d'ailleurs, dans notre rapport et sur lequel il faudrait
insister.
Et la
recommandation n° 5, qui est un corollaire de la 4, c'est
qu'effectivement, pour que les différents groupes et organismes de la société civile, groupes
environnementaux puissent, effectivement, participer, eh bien nous recommandons
à la commission que, pour les groupes de la société
civile qui répondent au principe d'engagement du développement durable du MDDELCC ainsi que de tous les
ministères, bien, que ces groupes devraient recevoir un financement adéquat
qui leur permette de jouer véritablement
leur rôle de chiens de garde, de lanceurs d'alerte, de partenaires, de livreurs
de certains services dans certains
cas ou de recherches, qui est un rôle qui a une valeur ajoutée économique
sous-estimée.
La sixième
recommandation, donc, qui découle de cela aussi, c'est que le MDDELCC devrait
exercer un rôle de leadership plus
important auprès de l'ensemble des autres ministères. Ça a été souligné. Ceci
requiert — c'est le
corollaire également — que le ministère lui-même dispose des
ressources et des budgets suffisants pour ce faire. Je crois que ce n'est pas un secret pour personne que le seul
ministère qui a un rôle extrêmement important a un des budgets les plus petits
de l'ensemble des ministères de l'État. Et
je repasse la parole à Dominique pour les deux dernières recommandations.
M. Neuman
(Dominique) : Oui. Très
brièvement, sur la recommandation 7, nous notons que, dans la stratégie
actuellement proposée, tous les concepts, ce qu'on appelle les enjeux, les
orientations et objectifs qui étaient énumérés dans la première stratégie sont complètement reformulés, restructurés,
recatégorisés, et peut-être inutilement, puisqu'au niveau du contenu ça revient à peu près au même
résultat, et pensez aux pauvres 109 ministères et organismes qui auront
à s'adapter à ces changements.
Le
Président (M. Reid) : Merci. On a déjà dépassé le temps, merci.
Alors, nous allons passer maintenant à la période d'échange, et je
commence par le bloc gouvernemental en donnant la parole au ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous allez me
permettre une petite parenthèse. Dommage que M. Bélisle ne soit pas là, mais je tiens quand même à profiter de ce
temps pour souligner que j'ai eu le privilège et l'honneur de lui remettre un
Phénix de l'environnement l'automne dernier, et ça me permet de reconnaître à
nouveau le travail exceptionnel non
seulement de M. Bélisle, mais de l'AQLPA. Je tiens à vous remercier pour le
travail que vous faites, en effet,
depuis 1982. Votre contribution est impressionnante au développement durable du
Québec, et on a besoin de voix comme
celle de l'AQLPA. Alors, merci. Concernant votre mémoire, encore une fois,
aussi, je dois vous remercier pour la qualité du travail, comme
d'habitude. Vous nous avez habitués à toujours un travail de qualité.
Je voudrais parler de lutte contre les
changements climatiques et, plus particulièrement, vous entendre sur
l'importance, quand on parle de cohérence, de s'assurer que, dans la stratégie
de développement durable, on intègre complètement
la lutte contre les changements climatiques, les mesures qui sont déjà mises en
place, mais de s'assurer que la
perspective de développement durable, pour les cinq prochaines années du moins,
là, qui est la période visée par la
prochaine stratégie, intègre de façon
complète la lutte contre les changements climatiques puis les efforts que le gouvernement fait présentement.
M. Brunel
(Alain) : Effectivement, dans le projet de stratégie de développement durable, on mentionne qu'on doit intégrer la lutte contre les changements
climatiques, et d'ailleurs on incite les ministères à s'approprier des
objectifs de réduction de gaz à effet de serre de l'ordre de 10 %, je
pense, 10 % ou 9 %... 10 %, oui, c'est ça, d'ici 2020, donc qui
est un objectif qui semble tout à fait
réaliste, d'autant plus que l'objectif québécois — il y a peut-être... on peut
s'interroger sur la différence, d'ailleurs — l'objectif pour
l'ensemble du Québec, lui, est de 20 %.
Il est
évident qu'il serait nécessaire que l'ensemble des ministères concourent à
intégrer dans leurs actions cet objectif
global du moins 20 %, et cela supposerait effectivement que, je dirais,
l'ensemble du gouvernement, je dirais, assume cet objectif en prenant
les décisions parfois difficiles qui s'imposent à cet effet. Je pense à des
décisions qui concerneront directement les automobilistes, par exemple, hein?
C'est vrai que je pense au programme d'inspection obligatoire des véhicules, par exemple, qui n'est toujours pas en place
au Québec, alors que des pays comme l'Éthiopie l'ont mis en place ou des
pays en voie de développement ont déjà mis en place ce type de programme qui
permet non seulement de réduire les gaz à
effet de serre et les polluants, mais qui réduit aussi les accidents, les pannes
sur le réseau automobile. Dans la
région de Montréal, où j'habite, on a des pannes quasiment tous les jours sur
le réseau qui créent des bouchons importants, et donc des effets sur la
pollution de l'air indirects.
Il y a aussi
la loi zéro émission qu'il serait important de mettre en place pour que
l'ensemble des concessionnaires automobiles
et des constructeurs mettent sur le marché, rendent accessibles au marché des
véhicules à basse consommation pour
qu'effectivement le parc automobile aille dans la bonne direction, c'est-à-dire
dans le sens de zéro émission. Je vous rappelle que le groupe d'experts
sur les changements climatiques a mentionné dans son rapport de l'année
dernière qu'il fallait aller vers zéro émission de gaz à effet de serre dans la
deuxième moitié du siècle. Ce n'est pas une mince affaire, compte tenu de notre degré de dépendance à l'endroit des
combustibles fossiles, et donc il faut, effectivement, que l'ensemble
des politiques gouvernementales aillent dans le même sens.
Et je conclurai
en disant aussi que ce serait bien qu'il y ait vraiment des investissements
majeurs en matière de transport en
commun. Alors, on peut saluer que le gouvernement ait trouvé une astuce, je
dirais, pour faire payer par d'autres les
investissements en région montréalaise sur notamment le Train de l'Ouest et
puis le SLR, mais je tiens quand même à
rappeler qu'il est toujours plus rapide de faire Montréal-Québec en voiture
qu'en transport en commun au XXIe siècle, alors qu'il y a plein de
moyens qui permettraient d'aller beaucoup plus rapidement s'il y avait une
véritable volonté politique de faire quelque
chose en ce sens, et il me semble que ce serait important de prioriser ce type
de projet également.
• (14 h 20) •
M. Neuman
(Dominique) : Dans le sens de ce
qu'Alain vient de mentionner, nous nous demandons — et c'est un
peu la recommandation 8 de notre mémoire — s'il n'y aurait pas lieu que la stratégie gouvernementale de développement durable
reprenne et développe de façon plus explicite le contenu des stratégies et
plans gouvernementaux déjà existants. Que ce soit sur les changements climatiques, que
ce soit la stratégie énergétique, soit les stratégies en matière de transport
en commun, d'aménagement, de mobilité
durable, il y a plein de plans et stratégies qui existent déjà — il y a une stratégie aussi sur
l'efficacité énergétique — et
qui sont, oui, dans certains cas, mentionnés à la stratégie, mais de façon
tellement fine qu'on se demande s'il
ne serait pas mieux d'intégrer le contenu — et le contenu avec des objectifs précis qui se
trouvent déjà dans ces autres politiques — dans
la stratégie gouvernementale pour qu'à la fois ça exprime la volonté
globale du gouvernement plus clairement, mais aussi que les 119 ministères
et organismes qui auront ce document comme base de référence se fondent
là-dessus pour développer leur propre plan.
Dans
certains cas, je prends, par exemple,
l'efficacité énergétique, le souhait
qu'il y ait davantage d'efficacité énergétique
au sein de l'administration publique est écrit de façon tellement...
enfin, très vague, alors qu'on aurait pu être beaucoup plus précis
simplement en reprenant ce qui a déjà fait l'objet de multiples consultations
et plans, puisqu'on sait que les 119 ministères et organismes ont de la
difficulté à suivre, ils ont de la difficulté à faire ce qu'ils doivent faire, écrire leur plan et à le mettre en
application, c'est ce que le Commissaire au développement durable a noté.
Donc, si on leur mettait déjà au
moins ces éléments-là dedans, ce serait plus facile pour eux. Bien, ils
auraient à lire quels sont les objectifs
que le gouvernement a déjà fixés et est-ce
que mon ministère
à moi, est-ce qu'il peut contribuer à ces objectifs. Je pense,
par exemple, aux flottes de véhicules du gouvernement. Je sais que c'est déjà mentionné, en passant, dans la stratégie, mais il y a d'autres éléments. Est-ce que
leurs équipements énergétiques, leurs équipements de chauffage, est-ce qu'ils devraient tenir compte... Enfin, sur tous les
aspects, ce serait plus facile aux 119 ministères et organismes de suivre
ce qu'ils ont à faire si on l'intégrait plus clairement dans la stratégie.
M.
Heurtel : Si je
vous suis bien, est-ce qu'une façon d'opérationnaliser ça, là, concrètement,
ça serait de faire en sorte que les
16 principes de la Loi sur le développement
durable... qu'une stratégie qui
intégrerait de façon complète nos
actions puis nos principes en matière
de lutte contre les changements climatiques soit intégrée dès le départ au processus
décisionnel du gouvernement de façon complètement horizontale?
M. Neuman
(Dominique) : Oui. Et ça ferait...
M. Heurtel :
Donc, ce que ça voudrait dire, c'est donc de s'assurer que, comme dans plusieurs
processus gouvernementaux, il
y a certains prérequis d'analyse,
donc que ça soit développement
économique, que ça soit finances,
que ça soit aménagement, transport, peu
importe le domaine, qu'on s'assure qu'il doive y avoir une analyse d'un point de
vue développement durable, donc
une démonstration qu'on ait tenu compte des 16 principes de la loi et qu'également on ait, justement, pris en compte
les impératifs de la lutte contre les changements climatiques.
M. Neuman (Dominique) : Oui, absolument. Et, de cette manière, ça placerait le développement durable, la lutte contre les changements
climatiques, la stratégie gouvernementale à la place qu'elle doit occuper au
sein de l'appareil gouvernemental.
M. Brunel (Alain) : J'ajouterais, M. le ministre, si vous permettez, qu'il y a des économies
à aller chercher, hein? Je pense que l'État est en recherche d'économies, mais il y a
aussi des revenus à aller chercher en appliquant ces principes.
M. Heurtel :
Excusez-moi, j'ai été distrait. Pouvez-vous reprendre ça?
M. Brunel (Alain) : Je disais donc qu'en appliquant ces 16 principes
de manière horizontale, comme vous le soulignez, il y a des économies à
aller chercher, mais il y a également des revenus à aller chercher, des revenus
supplémentaires, principe pollueur-payeur, etc.
M.
Heurtel : Ça, on a déjà... on
a clairement... c'est justement, c'est...
Puis on en a parlé ce matin avec les représentants
de l'Institut de l'économie circulaire, d'ailleurs, que, justement, c'est... Je
crois que ça va être important aussi
de démontrer le bénéfice économique relié, que ce n'est pas une dépense, que,
premièrement, le coût de ne rien faire est
de loin supérieur au coût relié à l'action urgente qui doit être faite,
notamment en matière de lutte contre les changements climatiques, mais
qu'également il y a un potentiel de développement économique très important,
puis c'est pour ça, d'ailleurs, que la lutte contre les changements climatiques
est un des trois piliers de la relance économique que nous proposons comme gouvernement. Alors, je crois que
ça va être très important, justement, que la société civile, également, des organismes comme le vôtre mettent ça de
l'avant également comme étant une composante de l'action qui doit être faite.
Le Président (M.
Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci, M. le Président. Écoutez,
j'aimerais vous entendre, moi, sur une autre dimension du développement
durable parce que beaucoup de gens nous disent qu'on ne va pas assez vite, on
n'est pas assez intégrés. Il y a un peu de
messages là-dedans et aussi ici que vous nous donnez dans le sens où on devrait
garder la même terminologie, être
plus consistants, etc. Mais, quant aux grands objectifs et à l'avancement que
le Québec est en train de créer, puis
de se donner une certaine position de leadership, bien, moi, je vois une
dichotomie entre ce qu'on dit, ce qui arrive. Donc, je pense qu'il y a une
bonne volonté, là, de tous les acteurs, mais comment vous interprétez,
finalement, qu'à la fois on soit un
leader dans la société puis qu'en même temps on semble un peu mal organisés? Je
ne sais pas trop, là, j'ai de la
difficulté, un peu, à suivre, des fois, où on est exactement. Ou quelle est
votre perception, est-ce que le Québec fait bien les choses ou...
M.
Brunel (Alain) : Bien, il y
a certaines choses... Effectivement, le Québec, en matière de gaz à effet de
serre... C'est un sujet que je
connais davantage que d'autres, là, c'est vrai que le Québec, dans l'ensemble
canadien, a déjà de bonnes performances essentiellement en raison de
l'hydroélectricité, comme vous le savez, hein? Je pense que le Québec, c'est 10 tonnes par habitant, alors que le
reste du Canada, c'est plutôt 20 tonnes et plus par habitant de gaz à effet
de serre. Donc, c'est déjà bien. Mais l'objectif, c'est d'aller vers
deux, une, voire zéro tonne par habitant. Ce que nous disent les scientifiques du climat aujourd'hui, c'est ça. Donc, il ne faut pas s'asseoir sur ses lauriers, il faut
continuer. On dispose d'atouts majeurs
en termes, notamment, d'électricité
propre, et donc l'électrification des transports, nous, on est, évidemment, extrêmement favorables à ça comme
beaucoup d'acteurs dans la société québécoise parce que c'est tout à notre avantage d'éviter d'envoyer de l'argent soit
dans les pays étrangers en achetant du pétrole qui vient d'Algérie, ou du
Nigéria, ou même de l'Ouest canadien parce
que ça nous revient sous forme de péréquation. Ce n'est pas tellement
intéressant, vaut mieux le dépenser localement.
Donc, je
pense qu'on a une petite longueur d'avance, mais on est en train, je vous
dirais, de se faire rattraper très rapidement.
Il y a des sociétés comme le Danemark qui veulent carrément éliminer le pétrole
et les gaz à effet de serre complètement d'ici 2050, hein, c'est dans
35 ans, hein, c'est... Donc, ils ont un plan, on n'a pas encore de plan
pour éliminer complètement, nous,
l'utilisation du pétrole et les émissions de gaz à effet de serre. Il y a des
pays qui avancent beaucoup plus vite
que nous. Je pense que... Là, je me permets, je dirais, une remarque
personnelle qui n'est pas celle de
l'AQLPA, mais il est clair que, dans un système fédéral où l'État québécois a
des demi-pouvoirs, entre guillemets, et que les décisions prises à
Ottawa peuvent aller à l'encontre de celles qui sont prises au Québec, on
avance forcément moins vite. Mais, si déjà
tous les partis du Québec et toutes les parties de la société civile sont
d'accord pour aller dans une
direction, bien, alors, fonçons. L'électrification des transports, je ne vois
pas grand monde qui est contre ça. Alors, on peut aller plus vite, là,
dans ce domaine-là.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Vous nous avez parlé de l'électrification des
transports, c'est bien, le transport en commun, Montréal, entre autres. Vous parlez aussi du transport entre Montréal et
Québec. Moi, je n'ai rien contre cette vertu-là puis d'y aller, oui, mais on a un problème de culture, un problème
d'habitudes, et est-ce que vous avez des façons ou des vues sur quel
devrait être le type de changement qu'on devrait faire dans cette politique de
développement durable, justement, non
seulement pour — comment
je dirais ça, donc? — réduire
les gaz à effet de serre, mais aussi que l'utilisation de ces
services-là soit de plus en plus grandissante pour éliminer plus rapidement la
génération de...
Le Président (M. Reid) : ...en
20 secondes, s'il vous plaît.
M. Brunel
(Alain) : 20 secondes, bien,
rapidement, l'enquête origine-destination de l'Agence métropolitaine de transport a montré qu'effectivement l'usage des
transports augmente, hein, il augmente quand le service... Par exemple, à Laval, ça a beaucoup augmenté grâce à l'arrivée
du métro. Quand les services sont là, qu'ils sont pratiques, qu'ils sont
réguliers, qu'ils ne coûtent pas trop cher,
les gens sont prêts à... Évidemment, dans des régions où il y a peu de
transport en commun ou voire même qu'il est... les services sont
diminués, comme dans l'ensemble du Québec les transports interurbains ont été
diminués récemment parce qu'il n'y a plus assez de personnes qui les utilisent...
Le Président (M. Reid) :
Merci.
M. Brunel
(Alain) : ...bien là, il
faut trouver d'autres solutions. Mais, si on offre des services, les gens vont
les prendre, c'est sûr.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la
parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de
Jonquière.
• (14 h 30) •
M.
Gaudreault : Oui. Alors, merci, M. le Président. Alors, je
tiens à vous saluer également, M. Brunel, M. Neuman. Merci de votre
présence. J'ajoute ma voix à celle du ministre sur la contribution importante
de l'AQLPA, de notre ami André Bélisle
également, que vous saluerez. Et je profite, d'ailleurs, de votre... une de vos
dernières interventions, M. Brunel,
sur la question, au fond, des responsabilités, ou des compétences, ou des
limites même en matière d'environnement
pour le gouvernement du Québec pour rappeler que vous aviez, le
3 décembre, comme association, le 3 décembre
dernier, applaudi le projet de loi n° 390, que j'ai déposé. Et là je vous
cite : «Nous appuyons cette initiative et nous invitons l'Assemblée nationale et le ministre de l'Environnement
à accueillir ce projet de loi pour remplir le vide laissé par l'abolition rétrograde des lois
environnementales effectuée par le fédéral.» C'est justement André Bélisle qui
disait cela.
Alors, je
pense que ça va dans le sens que vous venez de dire, puis c'est très en lien,
au fond, avec cette capacité qu'on a
comme État à vouloir mettre réellement en place une politique sérieuse de
développement durable. Alors, je pense qu'on
ne peut pas se mettre la tête dans le sable, puis il faut également voir
justement... être capable de voir et
de juger des capacités limitées,
ultimement, du Québec de prendre les
décisions qui s'imposent en cette matière. Alors, je tenais à rappeler
ce communiqué du 3 décembre de votre part.
Maintenant,
quelque chose qui m'étonne quand même dans votre mémoire... Peut-être que je
l'ai mal saisi, mais c'est que vous
ne nommez pas — ou
peut-être que vous le nommez à quelque part, puis que je ne l'ai pas vu — l'élargissement de la stratégie de développement durable à
d'autres sphères que la sphère gouvernementale, par exemple le monde de la
santé, le monde l'éducation, le monde
municipal, le secteur privé. À moins que ce soit parce que c'est en toile de
fond de tout
votre mémoire. Et que pensez-vous de la mise en application, là, par décret, de...
en vertu de l'article 4 de la Loi sur le développement durable pour,
justement, que Loi sur le développement durable s'applique à d'autres sphères
que le gouvernement strict, là?
M. Neuman (Dominique) : Oui. D'abord, dans notre mémoire, nous indiquons que l'application de
la stratégie de développement durable aux 119 ministères et
organismes déjà identifiés doit servir de point de départ, de geste de leadership afin que les principes de développement
durable soient appliqués dans l'ensemble de la société. C'est un des chapitres de notre mémoire, nous demandons :
Pourquoi une stratégie de développement durable? Ultimement, c'est pour appliquer ses principes à l'ensemble de la
société. Donc, nous sommes, évidemment, d'accord à ce que le gouvernement
puisse étendre cette stratégie en vertu des
pouvoirs dont il dispose à ce qu'on peut appeler le parapublic, au secteur de
la santé, au secteur de l'éducation.
Mais, en plus de ça, ce qui est appelé la toile de fond de notre mémoire, c'est
qu'il faudrait aussi appliquer la stratégie actuelle.
On
se demandait tout à l'heure comment améliorer la stratégie ancienne et la
stratégie actuelle qui est proposée. Bien, la grande amélioration à
faire — et
c'est un peu l'ensemble de nos recommandations qui tournent autour de ça — c'est qu'il faudrait se doter des moyens de
l'appliquer, donc s'assurer qu'elle soit bien comprise et appliquée par les 119 ministères et organismes, que le ministère
du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques joue un rôle de
leadership dans l'ensemble de l'administration publique à cet effet, qu'il ait
les moyens de le faire, qu'on mobilise les
groupes et associations de la société civile qui peuvent aider à cette
réalisation. Donc, on voit cette
stratégie non pas comme limitée aux 119 ministères et organismes, mais
comme visant à appliquer les principes du développement durable à
l'ensemble de la société.
M.
Gaudreault : Quand vous dites : Il faut que la stratégie
ait les moyens et donne les moyens, vous parlez, entres autres, dans votre mémoire des moyens financiers,
et là vous ciblez, en gros, deux cibles, là — je m'excuse de faire un pléonasme,
là, mais vous identifiez deux cibles — donc, le ministère, hein,
lui-même, vous l'avez mentionné tout à l'heure,
qui devrait avoir des ressources additionnelles, mais vous mentionnez également
les organismes. Alors, quel est votre
constat là-dessus, c'est que des organismes comme le vôtre, par exemple, ou
comme d'autres... Avant vous, ce matin, il y a le Centre québécois du droit de l'environnement qui sont venus
plaider en disant, entre autres, qu'ils avaient peu de moyens. Alors,
pour vous, c'est un handicap à la réelle mise en application de la stratégie?
M. Neuman (Dominique) : Bien, effectivement, parce qu'il y a plein d'organismes, des organismes
à caractère national et à caractère régional qui sont là, qui sont
disponibles, qui ont pour mission de contribuer de différentes manières à l'atteinte des objectifs de
développement durable qui sont contenus dans la stratégie et qui peuvent
difficilement remplir leur mandat faute de ressources suffisantes.
Parfois, même ces ressources sont diminuées dans le cadre de l'assainissement budgétaire de l'État, ce qui est
extrêmement dommage, alors que, parallèlement, aussi le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la
Lutte contre les changements climatiques n'a jamais eu de budget important et a de la difficulté à maintenir ses
budgets pour réaliser ses mandats de plus en plus importants qui lui sont
confiés. Donc, il faut que les ressources de
l'État soient disponibles à la fois pour le ministère et pour les organismes de
la société civile. Si on prend cette stratégie au sérieux, il faut que
les ressources soient là, les ressources budgétaires, les ressources en termes
de personnel aussi.
M. Gaudreault :
Trotski parlait de la révolution permanente, et notre gouvernement parle d'une
révision permanente des programmes. Ils ont même créé une instance... Je suis
sûr que le ministre ne s'attendait jamais à être comparé à Trotski, mais ce
sera fait. C'est même dans le Journal des débats. Mais donc le gouvernement
a créé la Commission de révision permanente
des programmes. Bon, est-ce que vous trouvez que la stratégie qui est présentée
devant nous n'est pas suffisamment claire quant à s'assurer, faire en sorte que cette révision permanente
des programmes tienne compte des principes de développement durable?
Alors, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une recommandation ou quelque chose... en tout cas, un enlignement, un voeu, une action dans la
stratégie pour s'assurer que cette nouvelle structure, Commission permanente de révision des... révision
permanente des programmes, là, soit vraiment appliquée aux principes du développement
durable?
M. Neuman (Dominique) : C'est explicitement notre recommandation n° 2, c'est ce sur quoi nous insistons. Et je ne connais pas très bien ces grands penseurs
d'une autre époque, mais il y a aussi les principes ISO 14 000, ISO 9 000 qui parlent
d'amélioration continue également.
M. Gaudreault :
Je ne pense pas que Trotski parlait des principes ISO...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Neuman
(Dominique) : Et, pour compléter la réponse, M. Gaudreault, c'est vrai que
j'ai entendu dire qu'il y a eu des... pardon, des... comment? Je cherche le mot, des présentations qui
ont été faites, donc, à la Commission de
révision des programmes au sujet de l'écofiscalité, hein, donc, mais je n'ai
pas vu véritablement de prise en compte, là, pour l'instant de ces concepts-là dans la commission ou dans les travaux
de la commission. Donc, effectivement, je pense que ça serait une bonne
idée que ce soit explicitement retenu.
M. Gaudreault : Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Nous allons maintenant passer au
deuxième groupe de l'opposition, et je donne la parole au député de
Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, dans votre mémoire, vous
mentionnez que le Bureau d'audiences publiques
en environnement, là, s'est bâti une popularité, une réputation avec de la
rigueur dans son fonctionnement et dans ses décisions. Alors, vous avez,
par contre, mentionné qu'au niveau de la stratégie, là, que l'on révise, il y a
eu beaucoup de travail de déplacer des mots puis de changer des paragraphes, et
tout, pour en arriver, finalement, à un avancement
qui est modeste, finalement. Alors, ce que je comprends, c'est que le gros
problème, là, de la stratégie, c'est qu'il
y ait des actions structurantes, donc des lois... des attentes au niveau des
résultats, tout ça, puis il n'y a rien dans la stratégie à cet égard-là.
Donc, elle manque un peu, là, de...
M. Brunel
(Alain) : ...en fait, ce qui
est mentionné, c'est simplement que, dans la stratégie 2005-2014, on utilise
un certain nombre de rubriques et de dénominations qu'on ne retrouve, donc... et
on retrouve d'autres dénominations et d'autres
rubriques, d'autres nombres de rubriques — ce n'est pas les mêmes nombres — dans
la stratégie 2015-2020. Et donc, effectivement, ça entraîne certaines confusions. Même pour nous, pour analyser, où est-ce qu'on retrouve nos petits là-dedans,
on les cherche parfois. Et on s'est mis à la place des organismes, des ministères
et organismes qui doivent appliquer
ces principes-là, on se dit : Bien, ce serait quand même
plus simple si, effectivement, on reprenait les mêmes dénominations.
Ceci dit, il y a
des avancées dans la stratégie 2015-2020 qui sont mentionnées dans notre
mémoire, mais on pense aussi qu'il
faudrait, pour aller plus loin, il faudrait, effectivement, répondre aux
lacunes qu'on a soulignées. Et une de ces lacunes, c'est qu'effectivement il serait préférable, quand même,
qu'on ait les mêmes rubriques et les mêmes dénominations.
M. Neuman
(Dominique) : La grande lacune,
comme je l'ai mentionné tout à
l'heure, qui manque, c'est la mise en oeuvre. C'est la mise en oeuvre parce
qu'on a... C'est-à-dire les grands principes, tout ce... Le texte de 2005-2013,
grosso modo, il est bon, et on dit, en gros, la même chose que... Il y a des
variations, il y a des ajouts, il y a quelques soustractions que nous déplorons dans notre mémoire, mais, grosso modo,
on n'a pas changé grand-chose, à part de les renommer différemment et de les recatégoriser différemment. Mais on
n'avait pas nécessairement à le faire parce que c'était déjà bon en 2005. Mais ce qu'il faut, c'est le mettre en oeuvre
au niveau de l'Administration et à un niveau supérieur, au niveau des politiques structurantes que
j'ai mentionnées tout à l'heure, pour que ça s'applique à l'ensemble de la
société ultimement, pour que la société se serve du leadership de l'État
pour l'appliquer à ses propres activités.
• (14 h 40) •
M.
Surprenant : Excellent. Au niveau de la Loi sur le développement
durable, là, il y a
les 16 principes. Est-ce que vous considérez que les principes devraient être
révisés ou actualisés en fonction de l'évolution ou ils sont corrects comme ils sont là, donc, finalement, la stratégie
est enlignée avec les principes, qui sont d'actualité, ou on devrait
revoir les principes?
M. Neuman (Dominique) : Ce n'est pas la
peine de tout recatégoriser et de changer, c'est les principes, grosso modo... il y a quelques
variations, mais, grosso modo, qui étaient dans ce qu'on appelait l'Agenda 21
de l'ONU. Bon, il y a quelques
variations, mais l'essentiel n'est pas de... O.K. On pourrait jouer sur les
détails puis ajouter quelques éléments qui ont varié par rapport à
l'Agenda 21, mais ultimement les principes, les objectifs sont bons, et il faut
les appliquer. C'est ça qui manque.
M. Surprenant : Merci.
M. Brunel (Alain) : ...je
préciserais, je compléterais, si vous permettez, en soulignant qu'effectivement
il y a certains principes de... ce qui est
mentionné dans le mémoire, certains principes comme participation et engagement, par
exemple, ou accès à l'information qui sont fondamentaux
aussi pour éviter d'arriver à des décisions absurdes ou des erreurs radicales, des erreurs importantes qui sont très
coûteuses pour l'État et pour le public quand les décideurs publics engagent,
donc, des fonds publics et des décisions
sans prendre en compte l'ensemble des éléments, et les principes de
participation et d'engagement et
d'accès à l'information sont fondamentaux pour essayer, justement, de prendre
en compte l'ensemble des parties prenantes d'une décision, et donc pour
éviter les coûts inutiles, et en arriver à des décisions plus éclairées.
Le
Président (M. Reid) : M. le député de Nicolet-Bécancour,
1 min 30 s pour une courte question, une courte réponse.
M.
Martel : Oui. Je vais essayer
de faire ça assez rapidement. Mais, compte tenu que, dans le contexte où qu'on
est, on ne pense pas qu'on va augmenter les
ressources au niveau du ministère de l'Environnement, moi, je comprends que vous dites qu'on a identifié les bonnes
cibles, mais c'est notre capacité. Est-ce qu'on ne devrait pas peut-être
diminuer les attentes ou diminuer les objectifs puis s'assurer de les
atteindre avec les ressources qu'on a?
M. Brunel
(Alain) : Diminuer les
attentes? Certainement pas, puisqu'au contraire il faudrait plutôt accélérer,
hein, les choses si on veut vraiment
être à la hauteur, je dirais, des défis qui sont devant nous. Et diminuer les
budgets ou les maintenir en l'état
alors qu'on n'arrive pas à réaliser ce qui est attendu, bien là il y a un
problème. Moi, je pense qu'il faudrait
plutôt penser à des réallocations budgétaires, voire même aller chercher de
nouvelles sources de financement, pourquoi pas?
Le Président (M. Reid) :
Merci.
M. Brunel (Alain) : Le principe
pollueur-payeur.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Nous allons passer maintenant au bloc réservé aux députés indépendants.
Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Oui. Merci, M. le
Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être là. Effectivement, le Québec, depuis 2008, peut s'appuyer sur une vision assez
cohérente, disons, de développement durable, et là, en y ajoutant tout le défi des changements climatiques, ça fait
quelque chose d'intéressant en soi. Ce qui, disons, est un peu préoccupant,
c'est qu'on voit... malgré le fait qu'on a
des lois, qu'on a des stratégies, qu'on prend beaucoup de temps à développer
des stratégies, on se retrouve avec
du forage à Anticosti, on se retrouve avec une mégacimenterie, un Plan Nord, un
préjugé favorable pour le transport
par pipeline. Alors, pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes là aujourd'hui?
Pourquoi, si d'avoir des stratégies
ne semble pas avoir un impact sur notre gouvernement, sur nos choix publics,
comme vous venez de le dire, bien, pourquoi vous êtes là aujourd'hui?
M. Neuman
(Dominique) : Bien, parce que la
Loi sur le développement durable et la stratégie qui en découle, d'une part, sont en partie appliquées, et nous souhaitons
qu'elles le soient bien davantage. Et la raison de notre présence, c'est d'amener à ce qu'elles le soient davantage.
Parce que, comme on l'a mentionné, le texte de cette stratégie est bon. Les bons mots sont en bonne place, c'est plein de
bonne volonté, sauf qu'il faut passer de ce plan à des processus et une manière de gouverner l'État, une manière de gérer
l'administration publique qui fasse en sorte que ça se reflète dans les actions quotidiennes des ministères et organismes,
mais aussi, comme je l'ai mentionné, au niveau plus élevé des politiques,
des actions structurantes, des lois et des
règlements, et ça, ça implique que le ministère qui est, en premier lieu,
responsable d'appliquer cette
stratégie qui est le ministère du Développement durable et de l'Environnement,
de la Lutte contre les changements climatiques ait et exerce un rôle
plus grand au sein de l'administration publique que celui qu'il occupe actuellement. C'est absolument... c'est
nécessaire, là, ce n'est pas une... Le développement durable, ce n'est pas une
petite case à l'intérieur parmi les 20 autres cases de ce que le
gouvernement fait, c'est quelque chose de structurant.
Le Président (M. Reid) :
Alors, merci...
M. Neuman
(Dominique) : Oui, on souhaite
qu'il y ait plus de cohérence dans la politique gouvernementale, bien
sûr. C'est aussi pour ça qu'on est là.
Mme Massé : Merci.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Alors, je vous remercie de votre contribution à nos travaux.
Je suspends
maintenant les travaux quelques instants afin de permettre à nos prochains
invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 47)
Le Président (M. Reid) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite maintenant la bienvenue à nos invités de Nature Québec. Je vous demande de bien vouloir vous présenter d'abord.
Vous aurez 10 minutes pour faire votre présentation.
J'essaierai de vous avertir quand il restera
une minute, et, par la suite, nous procéderons à un échange avec les membres
de la commission pendant environ 35 minutes. Alors, je vous donne la parole.
Nature Québec
M. Simard
(Christian) : Oui. Bonjour.
Merci. Je suis accompagné de Mme Sophie Gallais, qui est chargée de projet en biodiversité à Nature Québec. Et
moi-même, Christian Simard, directeur général de Nature Québec. On remercie
les membres de la Commission des transports
et de l'environnement et le ministre responsable, M. Heurtel, de nous donner
l'occasion de nous exprimer sur le projet de stratégie gouvernementale en
matière de développement durable.
Ce qui était
peut-être important en introduction, en note introductive, il y a, encore
aujourd'hui, une confusion sur la
portée de la Loi sur le développement durable et sur ses champs d'application.
Est-ce une loi déclaratoire dont il faut s'inspirer, mais qui n'importe aucune contrainte? S'applique-t-elle au
fonctionnement des ministères et des organismes ou à l'ensemble de leurs programmes et interventions? Limite-t-elle
fortement la marge de manoeuvre du politique comme la Charte des droits, par exemple? La stratégie et
les plans d'action qui en découlent évoluent-ils en parallèle des autres
rôles de soutien au développement et de
régulateur de l'État? Est-on dans une logique de développement à deux vitesses?
On a tenté de voir aussi, d'essayer d'apporter des réponses à ça dans la loi et
au niveau de la stratégie.
Donc, cette
confusion se reflète dans la stratégie révisée qui nous est proposée
aujourd'hui. Les orientations et les objectifs,
incontournables ou non, sont choisis en fonction de «l'une ou l'autre», et non de «l'un et l'autre» des objectifs
de la Loi sur le développement durable. Les objectifs sont : Instaurer un nouveau cadre de
gestion au sein de l'administration
publique afin que
l'exercice des pouvoirs et des responsabilités s'incrive dans la recherche d'un développement durable; et concourir à réaliser le virage
nécessaire au sein de la société face aux modes développement non viables.
Donc, normalement, c'est «l'un et l'autre»,
mais, dans la stratégie, c'est bien indiqué «l'un ou l'autre», et c'est quand
même assez important pour la suite des choses. Est-ce qu'il y a une
stratégie de développement durable qui dit son nom et est-ce qu'il y a une
stratégie en parallèle de développement non durable qui ne dit pas beaucoup son
nom?
• (14 h 50) •
Donc, si on
continue — je suis
en page 2 du mémoire — la stratégie de développement durable telle que présentée, parfois, heurte le sens commun, dans le sens
qu'elle ne fait pas mention de projets majeurs et de priorités
gouvernementales : le Plan Nord,
la stratégie maritime, stratégie de rigueur budgétaire ou d'austérité. Le mot
«hydrocarbures» n'est mentionné que
deux fois dans un contexte de programme de réduction de la consommation, mais
il n'est pas fait mention du Plan d'action gouvernemental sur les
hydrocarbures, qui a été lancé quand
même en grande pompe en mai 2014.
Donc, c'est des grands absents d'une stratégie de développement durable,
et c'est pour ça que nous, nous recommandons que la Stratégie gouvernementale de développement durable et les plans d'action qui en découlent intègrent l'ensemble
des grands projets de développement du gouvernement et organismes qui la composent et s'assurent de
leur durabilité conformément à la Loi
sur le développement durable, laquelle vise à assurer la cohérence des actions gouvernementales en matière de développement durable.
Dernièrement, il y a eu la création de la Société
du Plan Nord. On a fait des interventions et on a obtenu, quand même, que la Société du Plan Nord ne s'occupe pas
que du développement du Nord, mais aussi se préoccupe de la protection de la biodiversité, c'est inclus
maintenant dans la loi sur la création de la Société du Plan Nord. Il serait
intéressant de voir, vu des
références au Plan Nord dans la stratégie, l'absence de ces grands projets là
et, parfois, des volontés qui semblent à l'encontre de ce qui se fait
dans les faits.
Dans la deuxième recommandation, on se serait
attendus à une révision de la vision de la stratégie pour sa deuxième phase. Vous savez, ça fait près de
10 ans que la loi a été adoptée. La première stratégie a été longue à
mettre en oeuvre, puis, après ça, bien, les plans d'action se faisaient
en même temps que l'adoption de la stratégie. On peut comprendre, c'était une première fois, mais la vision était quand même
très, très limitée en termes de défi, là, et un peu autosatisfaite, on disait : «Une société où
la qualité de vie du citoyen est et demeurera une réalité». Ça ne nous situe
pas beaucoup dans un défi dans le
temps. «Une société responsable, innovatrice et capable d'excellence dans
toutes ses réalisations. Une société
misant sur l'harmonie entre le dynamisme économique, la qualité de
l'environnement...» En fait, ça reprenait un peu, là, la définition de
la loi, mais ce n'est pas une vision vers où le Québec sera dans cinq ans, une
vision d'amélioration qui est suivable, donc qu'on peut suivre.
On aimerait, à
tout le moins — et on vous
le recommande — «d'une
société qui contribue à relever le défi climatique planétaire». C'est un défi. Les cinq prochaines années, il y
a Paris... Le plan d'action, c'est dans les... Le nom du ministère a été
changé en fonction de ça, et j'ai entendu le ministre, tantôt, dire que c'est
clair que c'est une priorité gouvernementale, donc de l'inclure dans la vision.
Et je pense
qu'il faut aussi parler de préservation de la biodiversité. Quand la loi a été
adoptée, on a modifié la Charte des
droits pour inclure la protection de la biodiversité. C'est important que ça
soit là parce qu'on peut changer de système
économique... On veut bien dire que c'est indissociable. Au fil des années, il
y a eu plein de systèmes économiques, mais,
si on n'a plus de base de ressources et de biodiversité, il n'y a pas
d'échanges économiques possibles. Donc, je pense qu'il faut quand même
que le développement durable soit assis sur la possibilité, là, de se nourrir
et de continuer.
Dans les
enjeux, on pense qu'il devrait y avoir dans les grands enjeux la question de
l'occupation du territoire, là, qui soit orientée vers le maintien des
collectivités humaines. Je pense que ça mériterait d'être ajouté.
Dans les
questions d'objectifs contournables et incontournables, on comprend qu'il y a
eu des commentaires très fréquents du Commissaire au développement
durable, qui disait : Il n'y a pas de priorité, il n'y a pas de choses...
il n'y a pas d'obligation des ministères, et
la stratégie ne les contraint pas, et souvent les plans d'action qui
aboutissent des 120 organismes
et ministères, eh bien, ils aboutissent à un genre de liste d'épicerie qui a
plus ou moins rapport avec les principes du développement durable, et il
l'a répété à plusieurs reprises. Donc, je vois bien qu'il y a une volonté, puis
je la souligne, puis je trouve intéressant de dire : On va mettre un peu
de priorités, puis on va exiger des ministères et organismes qu'ils réalisent
certaines activités là-dedans. Le choix, cependant, de ces activités-là nous
étonne.
On pense aussi qu'il serait important de dire au
ministère, si on pense que c'est important, les principes de développement durable, qu'il ne fasse pas
seulement en tenir compte, mais qu'il les respecte. C'est dans la loi, donc le
respect. Il peut y avoir des sociétés de la
Couronne dont les principes de développement durable, là, ne fittent pas
tellement avec leur mission, ils
devront le justifier, mais, en partant, on veut qu'ils le respectent, et non
seulement qu'ils en tiennent compte vaguement. Ça, ça fait partie de
notre recommandation 3.
En 4, que la
lutte et l'adaptation aux changements climatiques soient clairement identifiées
comme un chantier horizontal et une activité incontournable. Ça a été
mis comme un genre d'encadré dans la stratégie, mais ce n'est pas identifié comme un objectif incontournable et ce
n'est pas identifié comme un chantier horizontal, alors que ce l'est dans
les faits. Et donc je pense qu'on devrait
corriger cette curiosité parce que, dans les faits, c'est un chantier
horizontal qui va prendre toutes les fonctions de l'État, puis je ne
pense pas que le ministère va nous contredire là-dessus.
Si on
continue, il y a des éléments qui sont importants aussi d'accès à l'information
et de participation publique. On dit dans les orientations, dans
l'orientation 1 : C'est très important de faire participer le public et de
consulter les Québécois, donc tous les
ministères devront en tenir compte. Mais je pense qu'à la base c'est d'avoir
une information de qualité et un
accès à l'information de qualité. Il y a Me Jean Baril, qui n'est pas très
loin, je pense, qui est passé ce matin, qui qualifiait, là, la loi sur l'accès à l'information d'une omerta juridiquement organisée. Donc, si on veut... il
faut absolument, je pense, avoir comme objectif général une modernisation de la loi de l'accès à l'information. Le premier ministre
a fait comme priorité la transparence dans son discours inaugural, je crois, ou
dans ses premières déclarations, et donc il serait important que ça se
traduise par une modernisation de la loi à l'accès à l'information.
Il
est important aussi que les évaluations environnementales stratégiques qui ont lieu se fassent sur un cadre ou des règles de l'art assez bien établies. Au Québec, il y en a
eu de toutes sortes : une privée faite par Genivar pour l'évaluation environnementale stratégique
du golfe Saint-Laurent; une autre faite par un comité de suivi, suggérée
par le BAPE, pour les gaz de schiste;
là, il y en a qui sont menées à tambour battant, là, sur
Anticosti et les hydrocarbures, d'une rapidité incroyable, sans éléments structurés de consultation du public. Donc, il
faut absolument qu'on améliore... puis qu'on fasse ça
selon les règles de l'art. Et on a une bonne expertise au Québec en examens
publics, un petit peu plus resserrer ces questions-là.
Sur
les questions d'économie verte, là, il est important, là aussi, de
réfléchir est-ce que la définition... le développement durable s'appuie
sur une vision où la prospérité économique, la protection de l'environnement et le progrès
social sont indissociables. Il faut quand même
se poser des questions. Est-ce
que l'économie verte s'ajoute à
une économie brune, si vous voulez, une économie,
là, plus gobeuse de ressources non renouvelables et axée sur les... Et, si elle
le fait, bien, je pense qu'il faut quand même
être conscients que... Le premier Commissaire au développement durable a
dit — Harvey
Mead — qu'on
pourrait... on consomme jusqu'à trois... encore rien qu'une minute, il faut que
j'aille plus vite... donc,
qu'on est... l'équivalent de notre consommation, si tous les humains avaient la
même que nous, on aurait besoin de
trois planètes. Donc, il y a quelque
part où, si on pense en économie,
il faut penser à une utilisation durable des ressources,
renouvelables ou non.
Sur la biodiversité, peut-être,
simplement...
Mme Gallais (Sophie) : Quelques mots, en fait, mais on va présenter plus
en détail nos mesures sur la biodiversité avec la SNAP ultérieurement. Mais, rapidement, on trouve que la
biodiversité est quand même un enjeu qui est peu présent au sein de cette stratégie de développement durable. On considère que la biodiversité sous-tend tout développement viable, tout développement économique, le bien-être aussi. Donc, selon nous... On a fait une recommandation pour modifier la vision à ce niveau-là, mais aussi modifier l'orientation 3, l'orientation 3, qui, telle qu'intitulée, on dirait que la
biodiversité est une contrainte au développement. Donc, on propose de reformuler cette orientation pour... comme
suit, en fait : «Protéger la
biodiversité et gérer les ressources naturelles de façon responsable.» Donc, on dira
plus ultérieurement avec la SNAP.
Le Président (M.
Reid) : Merci...
M. Simard (Christian) : Et, juste pour conclure, une seconde, et simplement
pour offrir notre collaboration pour la révision de la stratégie et pour
sa mise en oeuvre, là. On pense avoir quelques idées là-dessus et on offre
notre collaboration. On pourra revenir sur
les questions. J'espère que vous allez poser des questions
sur la partie du mémoire que je n'ai pas pu lire. Merci.
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Merci. Alors, nous commençons par le bloc gouvernemental, et le député
de Mégantic va poser la première question.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur, madame. Écoutez, j'ai
plusieurs questions. On va
essayer de démêler ça un petit peu parce
que vous nous avez débarqué un paquet
d'informations très rapidement. Je
peux bien comprendre qu'on veut changer des choses. Nature Québec semble avoir
des objectifs bien pointus, bien précis. Systématiquement, on parle de changements.
Dans les changements économiques de l'industrie... Puis je vais vous faire
un petit historique juste pour voir qu'est-ce qui se passe. Quand on est passé
à la technologie du charbon, pour passer à
la technologie du pétrole, ça a pris 60 ans. Pour changer à la technologie du
gaz, on va prendre à peu près les mêmes époques, puis là on veut s'en aller à une économie verte hier. Est-ce
que, chez Nature Québec, on se rend compte que oui, on veut changer, on veut s'améliorer... Je pense
que, tant et aussi longtemps qu'il y a un dialogue, l'opportunité est là,
mais, des fois, j'ai l'impression qu'on s'en
va... l'objectif, c'est tout de suite, tout de suite, tout de suite puis qu'il
faut se donner le temps.
Je
vous donne des exemples pointus. Les technologies, par exemple, ou les
équipements pour améliorer l'assainissement des eaux de nos
municipalités non seulement sont très dispendieuses, mais il y a encore
beaucoup d'améliorations technologiques à
faire avant qu'on les ait à point. Donc, on améliore ce qu'on peut avec les
moyens qu'on a en améliorant la technologie, puis éventuellement ce
phénomène-là va en arriver à un point où on n'aura peut-être plus d'impact
d'assainissement dans les régions via la qualité de l'assainissement. Donc,
vous voyez ce que je veux dire?
Quelle
est votre position dans... À part de dire : Bien, il faut faire ci, il
faut faire ça, il faut faire ça?, pouvez-vous nous lister un peu
quelques priorités puis un ordre là-dedans?
• (15 heures) •
M. Simard (Christian) : Je vais essayer. C'est une question large, et je
pense qu'on essaie. Il y a des éléments où ce n'est pas nous autres qui dictons la rapidité nécessaire. Là, il y
a quelqu'un qui a dit — je
pense que c'est Marc Durand, ingénieur :
Puis on n'a pas attendu qu'il n'y ait plus de pierres pour quitter l'âge de
pierre. Et il y a encore du pétrole, mais l'Agence internationale de l'énergie dit : Il faudrait laisser les
deux tiers des réserves connues de pétrole sous le sol parce qu'il faut qu'il en reste pour les
générations futures. C'est un bien extrêmement précieux, le pétrole. Donc, il y
a une obligation, puis le Québec
doit contribuer à ça, puis il y a des moyens pour contribuer à ça.
L'électrification des transports, on en a parlé, c'est un moyen qui peut
donner énormément d'emplois, là. L'économie d'énergie, ça aussi, ça crée des emplois dans toutes les régions, là, si on isole
mieux nos maisons, si on fait des bâtiments plus durables. Donc, c'est des
éléments de transition économique.
Mais
on ne peut pas dire : On va prendre le temps, on va attendre que toutes
les technologies soient trouvées, là. On parle de changements climatiques extrêmement rapides, et il y a une urgence qui va... À Paris, on doit arriver,
et, je pense, c'est... on doit
arriver... Chaque société doit contribuer à ça, et on a beaucoup
à faire parce que le Québec est quand
même
un gros consommateur d'énergie par habitant, là. Les Québécois,
l'énergie, c'est un des plus gros consommateurs de ressources. On l'a dit, si chaque Québécois...
Donc, il faut travailler là-dessus. Notre parc automobile, là, grossit à vue d'oeil. Le développement autoroutier, on
vient quand même d'autoriser, là, le prolongement d'une autoroute
de huit kilomètres à un coût de plus
de 500 millions. C'est des choix qui doivent être faits. Est-ce qu'on fait ces choix-là ou on fait le choix des transports collectifs
d'une autre façon qui va diminuer la pression sur la consommation du pétrole?
Ça, c'est des
choses que... quelques pistes. J'en ai d'autres, mais c'est les pistes qu'il
faut vraiment... Et on peut faire des choix comme gouvernement, ça peut se faire. Les technologies sont connues, sont assez fiables. Mais, encore là, c'est une question
d'orientation. On a tendance actuellement à faire un peu un buffet où on
distribue l'argent et les ressources gouvernementales dans des sens qui, des
fois, se contredisent.
M.
Bolduc
(Mégantic) :
J'aurais aussi... Puis je vais vous donner un exemple un peu plus pointu. Quand on parle de
notre économie verte, vous dites que l'économie
verte fait partie de l'économie, je pense que le ministre de l'Environnement, via
les... où on ramasse de l'argent pour les pneus, on ramasse de l'argent via les
ordinateurs, on... et, naturellement, le dernier
encan, avec la Californie, des gaz à
effet de serre où on ramasse des
sommes considérables et qui servent, qui ont pour objectif, définitivement, de développer une économie verte... Est-ce que ça, ça
va dans la bonne direction selon vous? Et je voudrais vous entendre,
est-ce qu'on ne va pas assez vite? Comment vous le voyez?
M. Simard (Christian) : Oui. Ce que
vous dites là... Puis je suis heureux de votre question, je la trouve très pertinente. Oui, il se fait des très bonnes
choses, on l'a vu. Et même de se servir davantage de l'écofiscalité comme moyen,
là, de faire avancer les choses à coût nul
parfois pour l'État et même pour les consommateurs, si on décourage, par exemple, la consommation de biens qui
sont moins durables et que l'argent d'une taxation... On appelle ça bonus-malus, là.
Si on taxe le Hummer puis qu'on
subventionne la voiture hybride ou électrique, globalement on gagne en termes de réduction de lutte à effet de
serre, puis ce n'est pas des coûts supérieurs pour l'État,
là, en termes de ressources. Donc, c'est les avenues. Donc,
utiliser l'écofiscalité, on ne l'a pas assez fait. Donc, je pense qu'il faut
être novateur.
On trouve,
des fois, là, pour revenir à la stratégie, qu'elle est un peu, beaucoup
timide. Et, par exemple, on réfère à ce fameux plan de... ce qu'on appelle le «cap-and-trade», là, en français,
le... voyons! le plafonnement des émissions, là, je lis trop en anglais. Donc, le système
de droits d'échange, c'est très intéressant.
On le cible dans la stratégie, on
aurait aimé qu'elle fasse des petits,
tu sais, que, dans la stratégie, on parle d'écofiscalité. Et, même
dans ça, dans la stratégie, on dit qu'il
faudrait vraiment qu'il y ait une adhésion de l'ensemble de la population
là-dedans puis de la faire plus... La commission parlementaire, c'est bien, mais de la faire atterrir dans les régions,
dans les localités. Qu'est-ce que vous voulez faire pour participer à
ça? Qu'est-ce que vous pouvez faire pour aider l'État à prendre le virage du
développement durable?
Ça, on
aimerait beaucoup participer à ça. Puis je pense aussi que les alliés de cette
stratégie-là, c'est le mouvement environnemental
aussi, et qu'il faudrait penser à des façons originales de le financer comme on
le fait dans la culture, qui fait partie du développement durable. On a
un programme Mécénat Placements Culture. Je pense que tout le monde connaît ça, là, ce programme-là, c'est quand les
organismes culturels ramassent de l'argent de donateurs privés, l'État vient soutenir avec une somme équivalente ou, des
fois, c'est 2 $ ou 3 $ pour 1 $. C'est des choses qu'on pense
que ça aiderait énormément, ça
coûterait très peu, et ce serait profitable en termes de création d'emplois
durables. Ça fait partie des suggestions qu'on fait, là, bien humblement
dans notre mémoire.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Qu'est-ce que vous pensez du 0,02 $ du
litre? Par exemple, vous parliez d'atteindre les régions, puis tout le monde participe. Le 0,02 $ le litre d'essence
qui va aller, justement, dans l'économie verte, est-ce que ça, ça ne
fait pas partie des développements? Vous n'en parlez pas, de ça, non plus.
M. Simard
(Christian) : Oui, oui, on
en parle. Oui, on en parle,
effectivement, puis on dit qu'on devrait... Non, effectivement, on parle dans le mémoire éventuellement de redevances aussi sur l'eau embouteillée dans
le même sens. C'est-à-dire que l'eau embouteillée, c'est un peu un produit de luxe parce qu'on peut la retrouver ailleurs, dans des fontaines publiques et des trucs. La bouteille d'eau, actuellement on a une redevance de 0,0007 cent. Pourtant, l'entreprise qui nous vend l'eau
embouteillée, c'est rarement en bas de 1 $ la petite bouteille, là. Donc, ça, c'est des choses qui sont
intéressantes, sur lesquelles... on
peut réinvestir ces sommes-là dans la... justement, faire des fontaines
publiques ou dans la conservation de
l'eau, des mesures comme celles-là. Ça fait partie des mesures, un peu,
d'écofiscalité. Donc, ce que vous dites, c'est bien. Je pense qu'on peut aller plus loin puis on peut étendre cette
recette-là. Puis, vous savez, là, on nous avait dit que ça allait être l'apocalypse, le 0,02 $ du litre,
là, que ça allait tuer l'économie, que ça allait être quasiment comme
l'apocalypse, mettre 0,02 $ du litre, là, l'équivalent, là, pour
l'économie québécoise. Il faut dire que ça a été un peu aidé par le fait qu'il
y a eu, je ne vous le cacherai pas...
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Le ministre des Finances a bien planifié.
M. Simard
(Christian) : Je ne vous le
cacherai pas, mais ça n'a pas été l'apocalypse, ça ne l'aurait pas été non
plus à 1,40 $ du litre. Mais donc, oui,
on pense que la stratégie aurait pu être plus courageuse, plus forte là-dessus.
Elle est beaucoup, beaucoup axée sur
les ministères eux-mêmes, leurs programmes d'achat, qu'on entend parler depuis
20, 25 ans, on se dit : Maudit! il faudrait avoir un programme
d'achat peut-être écoresponsable. Souvent, c'est limité par le plus bas soumissionnaire, les
plus bas coûts pour l'admission, mais c'est des choses qu'on pense, des fois,
qui auraient pu être réglées depuis
très, très longtemps. On pense qu'il y a beaucoup, beaucoup d'énergie mise dans
la stratégie sur ces éléments-là, mais,
sur les éléments plus structurants, plus globaux comme l'écofiscalité, comme
l'intégration des grands projets de développement
ordinaires, là, Plan Nord, et autres, auraient eu avantage... Puis je pense que
c'est encore possible de le faire
pour ne pas qu'il y ait du développement à deux vitesses au Québec : une
petite partie développement durable puis une partie gros développement
plus ou moins durable.
Le Président (M. Reid) : Je
vais passer la parole maintenant... Oui, vous avez encore une question?
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Non, je vais... une dernière petite question. Vous avez parlé de la loi zéro
puis des émissions zéro. Est-ce que
vous... Quel échéancier vous dites... On a parlé du Danemark, qui avait un objectif
de zéro en 2050. Est-ce que vous croyez qu'un objectif comme ça devrait
être là? Puis est-ce que 2050, ce serait adéquat, là?
M. Simard (Christian) : Plus rapidement,
là... Il y a des fois, il y a une méconnaissance de ce que c'est... Malheureusement,
notre suggestion est beaucoup moins ambitieuse que celle-là, là, c'est simplement...
Des lois zéro émission dans le domaine de
l'automobile, c'est rien que d'être capable d'avoir à peu près
toutes les marques d'automobiles rechargeables
qui se vendent. Puis ces lois-là ont été prises par huit États américains, et
ce que ça fait, c'est que ça oblige le
manufacturier à offrir des automobiles à zéro émission ou à très faibles
émissions sur le marché. Donc, ça oblige le concessionnaire automobile à
rendre disponibles ces voitures-là à la place d'uniquement des Hummer ou des
4x4.
Bien
humblement, là, la loi zéro émission qu'on propose ici n'est pas celle d'avoir
zéro émission de carbone, là. Il faut réduire nos émissions de carbone,
mais on ne voit pas comment, là, le Québec, dans un avenir raisonnable, soit cinq ans, là, soit à zéro émission, là. Mais une
loi zéro émission, c'est connu, huit États américains... Ce que ça fait, ça
oblige les producteurs automobiles à rendre
disponibles... Sur le marché du Québec, il y a énormément d'automobiles ou de... il
y a plusieurs marques d'automobiles
qui ne sont pas disponibles au Québec qui le sont au Vermont, qui le sont dans les États américains parce qu'on n'oblige pas les... Et ça ne coûte pas bien, bien cher, hein, ne coûte
rien. La seule chose, ça coûte de
résister à des concessionnaires automobiles qui vont déchirer leurs chemises en
disant : Bon, on ne les vendra
pas, puis ce n'est pas ça que le monde veut, ils veulent des gros chars. Si on
résiste à ça, ça se fait quand même
assez bien.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Mme la députée de Vaudreuil. Non?
Mme Nichols : Bien, je...
Le Président (M. Reid) : Ah!
pardon...
M. Simard (Dubuc): Bien, vas-y...
Mme Nichols : Non, vas-y.
M.
Simard (Dubuc): Je vais y
aller. D'abord, merci, M. Simard, de votre présentation.
Et, bien sûr, je salue, bien
sûr,
Mme Gallais. Vous avez dit dans votre présentation que les ministères
devraient respecter la Loi sur le développement durable. Pouvez-vous nous donner des exemples, c'est quoi qui se passe,
c'est quoi que vous aviez en tête quand vous dites ça, là?
• (15 h 10) •
M. Simard
(Christian) : Ça
répond à... C'est-à-dire c'est un questionnement qu'on a. Ça veut
dire que la Loi sur le développement
durable a été beaucoup interprétée comme une loi déclaratoire où les
gens devraient s'efforcer de tenir compte des principes du développement durable dans le fonctionnement, et la société québécoise, entreprendre le virage. Vous savez, la loi, elle n'a pas beaucoup d'articles
comme la loi québécoise sur la qualité de l'environnement, avec des punitions puis des amendes si elle n'est
pas respectée, là, il n'y a pas la... La section amendes dans la loi, elle
n'est pas bien, bien, bien forte. Je ne dis
pas que c'est nécessaire d'en avoir une, mais je me dis... Bon, mais, quand même,
les tribunaux, de plus en plus, interprètent cette loi-là de façon assez intéressante, c'est-à-dire qu'ils regardent les lois sur la
protection... la Loi sur la qualité de l'environnement, certaines lois, là,
d'aménagement du territoire, puis ils disent : Bien, il
y a aussi la Loi sur le développement
durable, puis le zonage devrait favoriser ça. Puis même
c'est intéressant, les interprétations que les tribunaux en font.
Ce qu'on dit simplement,
c'est que la loi est quand même la loi, là, donc on ne s'inspire pas... ou ce
n'est pas un genre de... on va
prendre des initiatives qu'on veut ou qu'on... Les principes de développement durable sont dans la loi, et normalement les organismes devraient plutôt avoir le fardeau de la preuve de dire
pourquoi ils n'appliquent pas le principe du développement durable, et non dire : Bien, on va appliquer
celui-là à moitié. Ou celui-là, ça nous tente, lui, on le trouve beau.
L'accès au
savoir, qui est l'accès à l'information, selon moi, c'est la base des sociétés
démocratiques. Si tu as accès à l'information, tu peux débattre. Une information de qualité, ça élève le débat. On
parle de science, on parle de connaissances, ça évite, là, les procès d'intention de part et d'autre. Pour moi, c'est
un avancement social d'avoir une loi d'accès à l'information, c'est le principe de l'accès au savoir. Ça, ça
touche toutes les sociétés d'État et organismes, ça ne devrait pas être le choix
de l'un ou l'autre. Moi, ça ne me tente pas
de donner l'information, c'est trop de trouble. Moi, je me replie sur la
loi actuelle d'accès à l'information, qui a énormément, énormément, là,
d'échappatoires.
Donc,
si on fait ce lien-là, c'est dans ce sens-là où on pense que la stratégie... le
ministère du Développement, qui coordonne ça, devrait s'assurer quand même
d'un contrat moral où la loi existe. Et, à moins de très, très bonnes raisons,
les principes de développement durable... Et la Suède, d'ailleurs, ce qui est
très intéressant — le
Commissaire au développement durable a analysé cette situation-là — oblige
les sociétés d'État à faire des rapports selon le Global Initiative... Je n'ai pas le nom qui me vient
comme ça, mais c'est dans le mémoire. Donc, c'est un processus de reddition
de comptes qui est reconnu à l'échelle mondiale, que les grandes entreprises
font, et ça a amélioré énormément la performance
des sociétés ensuite parce qu'ils ont eu à faire un «reporting», là, donc un
audit, selon des normes reconnues, et
là, à ce moment-là, ce n'est pas des indicateurs nébuleux. On a eu des gros,
gros problèmes de définir les indicateurs au niveau de cette stratégie-là. Donc, ça, ça fait avancer puis ça
responsabilise les ministères et agences. Ce n'est pas le ministère de
l'Environnement qui est toujours à demander, ils sont obligés de le faire, puis
ça responsabilise, ça.
Une voix : ...
Le Président (M. Reid) : À
moins que ce soit un commentaire très, très court, M. le député.
M. Simard (Dubuc) :
Bien, un commentaire... Je voulais faire un bout sur les lois qui sont votées
ici, au Parlement. Elles sont faites
en fonction du développement durable, comme la Loi sur les mines, qui exige
nécessairement un BAPE sur tous les projets, qui a des exigences
maintenant importantes, et vous en avez fait partie, des recommandations.
M. Simard
(Christian) : Ça ne s'est
pas fait tout seul, hein, M. Simard, vous le savez. Ça ne s'est pas fait sans
grincements de dents, vous vous rappelez?
M. Simard (Dubuc) : Mais ça
s'est fait.
M. Simard (Christian) : Oui.
Le
Président (M. Reid) : Alors, nous allons maintenant passer au
bloc de l'opposition officielle, et je donne la parole au porte-parole,
M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour. Alors,
bienvenue en commission. Vous avez dit tout à l'heure en réponse à une question d'un collègue qu'au fond vous trouvez
la stratégie du gouvernement de développement durable 2015-2020 timide, mais vous voulez — vous me direz si je me trompe, là — vous voulez quand même travailler sur
cette base-là. Mais ce que je comprends de votre propos, c'est que vous
souhaitez y mettre plus de mordant, vous souhaitez
qu'elle ait plus de dents, si on veut. Entre autres, j'ai vu une recommandation
que vous faites, là, de changer certains
termes, au lieu de parler de respecter la Loi sur le développement durable de
la part des ministères et organismes, vous dites... au lieu, c'est-à-dire, de
parler de prise en compte, de respecter la Loi sur le développement durable.
Donc, des petites interventions de cette
nature-là, mais qui peuvent quand même donner un peu plus de dents à la
stratégie. C'est ce que je comprends
de votre propos. Et, pour être sûr d'avoir un bond qualitatif par rapport à la
stratégie qui se termine présentement, la première stratégie, je
comprends aussi que vous voulez intégrer les évaluations environnementales stratégiques de façon un peu plus systématique,
revoir également le Bureau d'audiences publiques, moderniser le processus
d'auditions publiques d'une certaine
manière. Alors, j'aimerais ça, vous entendre un peu plus là-dessus puis voir
comment vous voulez l'intégrer dans la stratégie.
M. Simard
(Christian) : Oui. Je pense
qu'on devrait, dans la stratégie, qui est au coeur, en fait, de l'application
de la loi, puis les ministères, et agences,
et organismes, finalement, après ça, ils font un plan d'action en fonction...
C'est un petit peu comme en
aménagement du territoire, il y a des orientations qui sont données, là, et,
après ça, les municipalités appliquent
les orientations ministérielles. Donc là, il y a une orientation
gouvernementale, ce n'est pas très, très précis. On a simplement fait un chantier horizontal, c'est celui de la culture.
J'en suis, là, que la culture, c'est très, très important, mais il y a l'élément... le changement climatique,
ça devrait être identifié comme un chantier horizontal, même la question
de la protection de la biodiversité.
À un moment
donné aussi, le commissaire, dans ses nombreux rapports — le Commissaire au développement durable — a dit qu'une chatte y perd ses petits.
Est-ce qu'on avance ou on n'avance pas? Donc, dans la stratégie, il n'y a
pas d'échéancier. Vous le remarquez, mais je
vous invite, dans le rapport de la commission... Puis je pense de le faire en
collaboration avec le ministre parce que
tout ça a été élaboré même avant sa venue, là, ça fait deux, trois ans qu'on
travaille à cette révision de
stratégie là. J'ai vu, quand même, que le ministre et le ministère ont
introduit les questions de changements climatiques,
qui semblaient ne pas être là avant, là. Tu sais, on voit, des fois, dans la
nature d'un texte... Donc, je pense qu'il y a moyen d'améliorer ça, puis
des attentes plus précises là-dessus.
Et, au niveau des indicateurs, de retenir le
modèle suédois, où chacune des agences doit... pas tout le temps, peut-être pas
toutes les années, il faut voir, mais au moins deux fois pendant la période de
la stratégie, selon des rapports... donc, de
faire rapport de l'avancement et, dans la stratégie, de mettre quand même
un peu d'échéanciers. Là, tout peut
être réalisé un mois avant la fin — en
théorie, là — de
la stratégie parce qu'il n'y a aucune mise en oeuvre, il n'y a aucun calendrier dans la
stratégie. Et ça, c'est faible.
Et il n'y a
pas d'intégration des grands projets de développement qui sont en
parallèle, à côté, Plan Nord, etc. Vous avez parlé de la Loi sur les
mines, ce n'est pas indiqué là-dedans.
Amélioration des structures. Les EES,
tout le monde reconnaît, là, qu'il n'y en a pas une faite
pareille, là, tu sais. Il y aurait vraiment
besoin de ces outils-là. La loi d'accès à l'information, c'est un outil
de base, et là on irait plus loin, il
me semble. On a n'a pas besoin de tout faire, là, dans la... tu sais, là, c'est
la deuxième, mais il faut qu'on avance. De retenir la même vision, de rester quand même assez flou,
d'intégrer des activités incontournables, mais ça fait que bien
des activités deviennent contournables, dont la protection de la biodiversité.
Les choix qui ont été faits sont timides, maladroits,
selon nous, puis peut-être pas assez précis pour être appliqués par les
agences et organismes. Donc, je pense qu'il
y aurait lieu de resserrer quelques écrous, quelques vis avant de la publier,
et c'est dans... On sait que vous ne pouvez pas la changer au complet, là, il
y a un nombre de comités qui a
travaillé là-dessus qui est assez impressionnant, là, mais je pense qu'elle est améliorable, et je vous invite,
comme parlementaires, là, de façon assez simple, là... Bon, si on dit : On
le fait-u?, si on ne veut pas vraiment le faire, bon, on ne le met pas.
Mme Gallais
(Sophie) : Juste pour compléter...
Le Président (M.
Bérubé) : Oui, allez-y, madame.
Mme Gallais (Sophie) : ...un peu la réponse par rapport à l'évaluation environnementale
stratégique, justement, on pense que ça peut aussi être un outil qui
permet d'arrimer une stratégie de développement
durable avec des grands projets
de société comme le Plan
Nord, entre autres. On a souvent
ramené l'idée d'avoir une évaluation environnementale stratégique
pour le Plan Nord dans l'ouverture de ce vaste territoire là. L'évaluation
environnementale stratégique, c'est un
outil qui regarde les enjeux environnementaux, mais aussi les aspects sociaux,
les aspects économiques. Donc, c'est aussi
une façon... c'est un outil qui nous permet de rejoindre quand même, justement,
des projets mis de l'avant par le gouvernement puis aussi les principes
du développement durable.
M.
Gaudreault : Maintenant, j'aimerais vous entendre un petit peu
sur l'importance de l'élargissement... ou l'enjeu, je dirais, de
l'élargissement de la stratégie à d'autres institutions ou d'autres volets, là,
de la société civile ou même parapublics
comme les écoles, les universités, le système de santé. Est-ce que, là-dessus,
vous trouvez également que c'est trop timide?
M. Simard (Christian) : Oui, à un moment donné, c'est même prévu dans la
loi, mais il y a eu des choix de faits de plutôt le demander d'une façon
volontaire auprès des municipalités. Mais beaucoup de municipalités se dotent
d'agendas 21, pas seulement dans la culture, tel qu'est proposé dans la
stratégie. Moi, je me dis : Tant qu'à proposer des agendas 21, ne le faisons pas seulement dans le domaine de la
culture. En principe, un agenda 21, c'est un outil de développement durable global. C'est indiqué, ça,
pas seulement pour la culture, je pense qu'il y aurait lieu... Beaucoup de municipalités sont en avance là-dessus. Donc,
ça aurait pu être un défi, tu sais, d'appliquer la loi à plus de structures,
et pas seulement sur une base volontaire,
parce que je pense que ça aurait pu être, tu sais, une bouchée qu'on aurait pu
prendre.
Maintenant,
il est clair que les politiques et les programmes, ça influence tout le domaine
privé, tout le domaine social, et les programmes et politiques du
gouvernement ou les plans de développement pourraient être intégrés, ou discutés, ou doivent tenir compte des principes de
développement durable. Donc, ils se retrouvent, comme je vous disais, là,
étrangement, là... C'est pour ça qu'on a un
peu, des fois, l'impression... j'avais un peu l'impression que je lisais un
truc un peu fictif, parce que, tu sais, on parle, dans la stratégie...
M. Gaudreault :
Un peu désincarné, mettons, là.
M. Simard (Christian) : Un peu désincarné. Je vais vous donner des
exemples précis. On parle de l'utilité absolue, là, de travailler avec des agents de développement local dans
l'occupation du territoire, mais, en même temps, dans la vraie vie, on a
coupé Solidarité rurale, les CLD sont diminués, les...
M. Gaudreault :
CLD, conférences régionales des élus.
M. Simard (Christian) : Donc, j'ai l'impression, des fois, là... Je vous
dis ça, puis ce n'est pas méchant, mais, des fois, j'avais l'impression... Bien, tu sais, 1984, là, on
parlait de novlangue, là. Tu sais, des fois, là, j'avais l'impression, en lisant ça, que ça n'a pas de cohérence. Puis
moi, je pense que l'État a des ressources limitées, il faut le reconnaître.
Mais il faut le dire dans la stratégie, que
l'État a des ressources limitées puis qu'il faudra trouver des nouvelles
ressources. Donc, il faut l'aborder
de front, et ne pas faire comme si ça n'existe pas. On parle de lutte à la
pauvreté et puis, en même temps, on
coupe. Donc, c'est là où ça m'apparaissait une absence de cohérence. Beaucoup
de voeux sympathiques, mais est-ce
que, dans cinq ans, bien, coudon, on va refaire la même stratégie, la même
vision parce que, finalement, on n'a pas réussi à le faire?
• (15 h 20) •
M.
Gaudreault : Parlant de voeux sympathiques, croyez-vous que la
modernisation de la loi sur l'accès à
l'information dans l'optique d'un véritable accès à l'information, et non pas d'une loi sur le
non-accès à l'information... est-ce
que vous croyez que la stratégie devrait le cibler vraiment beaucoup plus... de
façon plus pointue et avec un échéancier dans le corps même du texte de
la stratégie?
M. Simard (Christian) : Oui. Puis il y a des fois si on a à mettre une
priorité... Parce qu'un peu le danger de ça, nous autres... Tu sais, on ne peut pas empêcher un coeur d'aimer. Puis
répondre tantôt à monsieur, c'est sûr qu'un organisme comme Nature Québec, ce sera toujours pressé, là.
Puis c'est plus facile pour nous, on va se le dire, parce que notre budget à
gérer est moins important. On le regrette,
on aimerait qu'il soit plus important, mais on comprend, tu sais, qu'on ne peut
pas empêcher un coeur d'aimer, on en met
beaucoup. Mais, si on veut regarder dans le structurant, là... Puis, vraiment,
on n'a pas besoin d'en faire tant que ça, là. On en a proposé là-dedans, là,
mais la loi d'accès à l'information, là, pour améliorer
la qualité du débat public, puis orienter, tu sais, la participation publique,
puis faire en sorte que les gens puissent faire des choix... Parce que les gens, individuellement, souvent,
veulent encore beaucoup d'autoroutes, veulent encore des gros chars, puis ne comprennent pas encore
l'impact de ça sur les changements climatiques, sur même leur qualité de
vie. Souvent, ils ne se rendent pas tant compte que ça, tu sais, tandis que...
Le
Président (M. Reid) : Je ne veux vous couper parce que c'est
intéressant, mais je dois, malheureusement, vous couper. Nous en sommes maintenant au deuxième groupe d'opposition, et je
passe la parole au député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Je
veux vous emmener à votre huitième recommandation, par rapport à l'orientation 6 sur le territoire et
les collectivités. Le constat que vous faites, c'est que vous dites :
«L'orientation 6 est en total décalage
avec la réalité des décisions gouvernementales récentes qui ont conduit à la
fermeture de Solidarité rurale, disparition des conférences régionales
des élus [...] grand nombre de CLD [...] compressions...»
Juste à titre
d'exemple, là, M. Simard, dans Nicolet-Bécancour, là, c'est l'équivalent de six
à huit ressources professionnelles. Avec les
coupures au niveau des CLD, là, il y a six à huit personnes professionnelles
qui travaillaient avec les
collectivités, avec des projets qui ne seront pas là. Il y a 125 comtés au
Québec, là. Ces personnes-là étaient formées. Donc, à l'échelle du
Québec, là, c'est des centaines de ressources qu'on se prive.
Au niveau des
commissions scolaires, on s'en va vers des beaucoup plus grandes commissions
scolaires, on éloigne les centres de
décision. Par exemple, chez nous, probablement que ça va s'en aller à
Drummondville. La même affaire au niveau de la santé. On a un petit CSSS
chez nous, tout l'ensemble des décisions va s'en aller au niveau de
Trois-Rivières.
Moi, j'aimerais ça
que vous commentiez davantage votre recommandation n° 8.
M. Simard (Christian) : Je vous inviterais à revoir l'objectif, les
orientations directement dans la stratégie, là, l'orientation 6,
favoriser les bonnes pratiques en... renforcer les capacités des collectivités
dans le but de soutenir la dynamique
économique et sociale des territoires. Moi, je me dis : C'est un choix
politique qui a été fait de faire ça, puis il y a des fois... on va voir, l'avenir va dire si c'est bon ou pas.
Parce que c'est un transfert qui a été fait. Ça ne disparaît pas, là, c'est dans les MRC, là, que ça a été
donné. Les MRC peuvent garder les CLD, mais ils ont la moitié moins d'argent,
ça fait que c'est sûr que... Mais c'est un
choix qui a été fait, puis je reconnais ce choix-là. Mais soyons cohérents. Si
on fait ce choix-là, on ne peut pas
maintenir des phrases comme celle-là puis des orientations comme celle-là. Tu
sais, on se doit, là, de dire :
Rajustons-nous selon les priorités qui ont été données par le gouvernement. Et
la stratégie doit en tenir compte, des
priorités du gouvernement, puis elle ne peut pas vivre de façon romanesque à
côté, avec des intentions qui sont très louables de lutte à la pauvreté, tout ça. Mais, si on n'a pas les moyens
ou si le gouvernement dit : On n'a pas les moyens, ce n'est pas là-dessus qu'on va prioriser, bien,
c'est correct. Mais ne maintenons pas dans une stratégie des choses qui
ne sont pas connectées avec la réalité parce que personne n'est gagnant à faire
ça.
M.
Martel : Merci. Le deuxième, c'est la recommandation 9. Là,
je suis peut-être un petit peu moins complaisant, là, je vais toujours
rester dans la réalité rurale. Vous dites qu'au lieu de faire — dans
mes mots, là — des
nouvelles routes, on devrait investir ça
dans le transport collectif. Moi, je vous ramène à la réalité du milieu rural,
où il y a eu beaucoup d'expériences
en transport collectif. Il faut savoir que les déplacements sont plus loin. Des
fois, d'avoir une meilleure route ou une meilleure autoroute va faire en
sorte d'améliorer la mobilité. Qu'est-ce que vous dites par rapport à ça?
M. Simard (Christian) : Je voulais vous dire, il y a... Je ne veux pas
faire de réponse simpliste, puis je vais vous dire : C'est dur puis
c'est tout un défi, le développement collectif dans les régions rurales. Puis
ma famille vient de... belle-famille, de la
Gaspésie, puis ma famille vient de la Côte-Nord. Ça fait que ce que vous dites
là, j'en tiens compte. Cependant, il
y a des belles expériences en développement, en mobilité régionale à Portneuf,
un peu partout, il s'en est fait, c'est un peu de soutien. C'est qu'à un moment
donné l'État finance 100 % des routes, mais, quand on veut faire du
transport en commun, les collectivités
doivent des fois payer 20, 30... tu sais, ils doivent payer une partie
importante de l'instauration du
système. Je trouve que l'auto compétitionne trop facilement d'autres solutions.
Les autres solutions sont coûteuses et,
en plus... Là, c'est sûr que l'exemple que j'ai donné, là, ce n'est pas la
route chez vous, je sais dans quel comté vous êtes, là. J'ai parlé d'un
huit kilomètres à 520 millions de dollars, là.
Une voix :
...
M. Simard (Christian) : Pardon? L'autoroute 19, c'est bien ça, là, que...
J'ai bien marqué 19, toujours? Je ne me
suis pas trompé de numéro d'autoroute? Mais donc c'est des éléments comme ça
où, à un moment donné, on ne peut pas
faire les deux choix. Puis je discutais avec le collègue de M. Heurtel, M.
Arcand, sur les questions d'énergie. On l'a rencontré avec d'autres groupes à Montréal, et il disait que... si vous
saviez, les demandes... Il est responsable, je pense, de la couronne nord de Montréal, M. Arcand, dans
ses nombreuses responsabilités et il disait : Si vous saviez, là, comment
j'ai d'autoroutes et de projets de route sur
mon cartable, là. Puis il y avait M. Guilbeault, d'Équiterre, qui disait :
Si vous demandiez qu'ils participent au financement, là, peut-être que
la liste diminuerait énormément, là, alors que vous demandez qu'ils participent
au financement du transport collectif. Et peut-être qu'il y aurait...
Et
parfois, là, il faut aussi faire des choix de société. Est-ce qu'on s'en...
L'étalement urbain, est-ce que tout à l'automobile...
dans un contexte de lutte aux changements climatiques... L'électrification des
transports est notée dans la
stratégie, mais, en même temps, on a arrêté le secrétariat. Je ne suis pas un
maniaque de structures, on peut très bien électrifier les transports sans secrétariat à l'électrification des
transports, mais ça dénote quand même, tu sais, des contradictions qui
apparaissent, puis j'aimerais ça que ceux qui ont écrit ça, là, lui fassent
passer un peu le test de la réalité.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant au bloc réservé
aux députés indépendants, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci. Bonjour. Merci pour votre passion et votre
présentation. Je pense que vous le dites, vous l'avez dit à plusieurs reprises de toutes sortes de façons, dans le
fond, vous interpellez le gouvernement à une certaine cohérence. Et vous avez soulevé au cours de votre
présentation ou dans votre mémoire des moments ou des endroits où vous trouvez qu'il y a de l'incohérence, moi, j'en
soulève une aussi. Vous l'avez dit, mais j'aimerais la répéter, c'est comment
on donne à ce ministère-là, qui a la
responsabilité de porter la loi du développement durable, un des ministères qui
est le plus sous-financé à
l'intérieur de l'appareil... de l'ensemble des ministères... Et donc il y a là
quelque chose d'extrêmement incohérent quand on veut lui faire porter
cette vision-là de notre développement.
Vous
avez parlé de trucs structurants, de choses structurantes, la loi d'accès à
l'information, vous ne l'avez pas nommée comme ça, mais la question du
financement des différents groupes de société civile ou des citoyens. On l'a entendu par d'autres intervenants aussi comme
étant essentiel dans une perspective de développement durable, considérant
que c'est de la délibération et donc qu'il
est possible de mieux comprendre qu'est-ce qui se passe. Alors, peut-être
qu'après avoir des aires protégées
dans nos lois on pourrait avoir aussi un ministère protégé qu'on extrait du
projet de loi n° 15, hein, où on
va geler les embauches alors qu'il y a déjà du manque de personnel. En fait, je
voulais surtout... Vous êtes tellement passionnés... On a parlé peu de
biodiversité, j'ai compris qu'on en reparlerait plus tard.
Alors,
puisque je n'ai que trois minutes et qu'il doit vous en rester une et demie,
qu'est-ce que vous auriez à dire à ces
gens-là que vous aimeriez vraiment... que vous n'avez pas eu le temps de dire,
que vous aimeriez vraiment voir dans notre rapport comme commission?
M. Simard
(Christian) : Dans votre rapport...
Le Président (M.
Reid) : Il vous reste, effectivement, une minute.
• (15 h 30) •
M. Simard (Christian) : Oui, je pense que... Puis quelques éléments. Dans
votre rapport de la commission, bien sûr,
les éléments structurants : moderniser la loi sur l'accès à l'information,
on l'a dit, c'est fondamental, intégrer, quand même, les projets connus,
là, de développement. Pour moi, il n'y a pas de différence entre développement
durable et développement. Tout le
développement du Québec devrait être durable, donc la... Puis qu'on essaie
aussi dans les recommandations de
susciter l'adhésion de cette stratégie-là. J'ai parlé à des collègues qui
devaient... le mémoire, puis tout le
monde disait : Ah, mon Dieu! faire un mémoire encore, c'est une... tu
sais, puis c'était comme vraiment très souffrant, alors que ça devrait
être un projet enthousiasmant.
Le
commissaire a dit : Pourquoi une des responsabilités du ministère... Et
j'espère que c'est de la musique aux oreilles du ministre qu'on veut
augmenter les budgets de son ministère parce qu'il a la responsabilité, quand
même, d'appliquer le plan d'action sur les
changements climatiques puis la responsabilité de la Loi sur le développement
durable, et c'est vrai que ça prend
des ressources. Puis le Fonds vert, il y a des éléments, il y a des manières
intelligentes d'aller chercher ces
ressources-là, ça devrait... comment
le financer. Écofiscalité, question
d'accès à l'information, puis d'enlever les éléments qui sont là un peu
de façon lyrique, mais qui ne sont pas vraiment réalisables et qui sont
contraires aux orientations gouvernementales. Donc, simplifier, préciser, mettre des
échéanciers et avoir une reddition de
comptes correcte.
Le Président (M.
Reid) : Alors, Mme Gallais, M. Simard, merci beaucoup pour
votre contribution.
Je suspends les
travaux de la commission, le temps de laisser nos prochains invités de prendre
place.
(Suspension de la séance à 15 h 31)
(Reprise à 15 h 34)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je
souhaite la bienvenue à nos invités
de la Chaire en éco-conseil de l'Université
du Québec à Chicoutimi et je vous
demande de vous présenter et de présenter
les gens qui vous accompagnent. Vous avez 10 minutes. Comme vous avez vu, c'est
assez bref. Alors, quand il restera
une minute, je vous ferai un petit signal, et ensuite nous aurons une période
d'échange de 35 minutes avec les membres de la commission. Alors, je
vous donne la parole.
Chaire en éco-conseil de l'Université du Québec à
Chicoutimi (Chaire en éco-conseil de l'UQAC)
M.
Villeneuve (Claude) : Merci
beaucoup, M. le Président. M. le ministre, mesdames
messieurs, permettez-moi d'abord de
vous présenter notre équipe. Moi, je suis Claude Villeneuve, professeur
titulaire et responsable de la Chaire en éco-conseil à l'Université du Québec à
Chicoutimi, qui, je vous le souligne, est la meilleure université au nord
du parc des Laurentides. À ma gauche, vous
avez Olivier Riffon, Olivier Riffon qui est écoconseiller diplômé, candidat
au doctorat en développement régional et qui
travaille à la chaire depuis plusieurs années, qui est chargé de cours aussi
dans nos programmes. À ma droite, vous avez
le Pr Denis Bourque, qui est un docteur en droit, et un spécialiste des lois,
et qui enseigne, lui aussi, et travaille avec la chaire dans différents dossiers, et le Pr
Sibi Bonfils, qui, lui, est aussi professeur associé à la chaire et qui est un spécialiste en énergie, et en
changements climatiques, et en développement
international. Donc, nous avons aussi
David Tremblay, qui s'excuse de ne pas être ici et qui a participé à l'écriture
du mémoire que nous vous avons fait parvenir la semaine dernière.
Très
rapidement, la Chaire en éco-conseil, c'est une unité de recherche qui a été
créée en 2003 par l'Université du Québec
à Chicoutimi et dont l'axe principal de recherche, c'est l'opérationnalisation
du développement durable. Et un des grands champs de compétence, c'est celui de
la lutte et l'adaptation aux changements climatiques. Nous sommes aussi actifs dans toutes sortes d'autres domaines et,
depuis cinq ans, nous travaillons avec l'Institut de la Francophonie pour
le développement durable au développement d'un nouveau champ d'expertise qui
s'appelle l'analyse systémique de durabilité,
pour laquelle nous allons démarrer un programme international cette année pour
une durée de quatre ans pour expérimenter cette nouvelle chose là à
l'échelle de la francophonie.
Chez nous, la
recherche nourrit l'innovation et nourrit l'enseignement. Donc, les gens font
des travaux et communiquent aux
étudiants de deuxième cycle qui font nos programmes, soit des programmes sur
place en éco-conseil ou des
programmes à distance... font des travaux de développement durable, donc des
analyses sur des sujets réels. Et c'est
une de nos fiertés, c'est d'être des universitaires qui restent branchés sur la
réalité, et donc nous avons aussi travaillé avec à peu près tous les secteurs de la société civile, des commissions
scolaires aux camps de jeunesse, en passant par les ministères et organismes, et même l'Assemblée
nationale a fait sa stratégie de développement durable avec les services
de la Chaire en éco-conseil. Nous avons
aussi travaillé avec des entreprises, petites, moyennes et grandes. Donc, nous
avons plaisir à dire que nous écoutons les gens. Parce qu'«éco-conseil», ce
n'est pas «écologie», mais c'est «écoute».
Donc, on suit
la Loi sur le développement durable depuis son origine, et actuellement, si on
regarde le contexte du Québec et la
stratégie qui nous est proposée, ce contexte, en termes des enjeux de
développement durable au Québec, il se
caractérise par, d'abord, les changements démographiques, des changements
climatiques. On doit innover ou disparaître dans un contexte de
compétitivité d'une économie mondialisée. On a des enjeux de santé, des enjeux
d'éducation qui bouffent plus de 70 %
du... avec les municipalités, plus de 70 % du budget québécois. Donc, à
quelque part, ce sont des enjeux de
développement durable. On a aussi un enjeu d'affirmation culturelle parce qu'on
a toujours cette position du village
gaulois, et notre fierté, elle vient aussi du fait qu'on est capables de se reconnaître
entre nous et de se donner un vivre-ensemble. On a un enjeu de solidarité
intergénérationnelle qui interpelle directement le développement durable.
Et, finalement, on a un enjeu d'occupation
du territoire parce que notre occupation du territoire est d'abord historique, ensuite basée sur la disponibilité de ressources
qui peuvent ne plus être ce qu'elles ont déjà été, et on veut développer notre
territoire souvent encore dans l'ornière de la... uniquement la vision de
l'exploitation des ressources.
Le Québec
s'est donné une loi du développement durable qui était innovatrice et très
certainement plus largement éclatée
et éclairante que celle du gouvernement fédéral en 2006, mais le Québec se
situe dans une mouvance internationale. On est actuellement en train de considérer des principes qui ont été
décidés en 1992 et de se baser sur un modèle qui, en fait, n'a plus
vraiment cours. On aura, cet automne, à New York la conférence des Nations
unies qui va adopter des objectifs de
développement durable pour l'agenda post 2015 — c'est donc un contexte auquel on fait
référence dans notre mémoire — et, finalement, la Conférence de Paris sur
les changements climatiques, qui nous interpelle particulièrement parce que, si vous avez lu le rapport du groupe de
travail III du GIEC — et je
suis sûr, M. le ministre, que vous l'avez fait — vous
vous rendez compte qu'il y a des chapitres complets sur l'affirmation que c'est
par des actions de développement durable qu'on va réussir à atteindre
l'objectif de limiter à 2 °C l'augmentation de température au XXIe siècle.
• (15 h 40) •
Et nous sommes très actifs dans ce domaine-là
et, en particulier, nous voulons, dans notre mémoire, attirer l'attention sur le fait que la forêt, qui est un
de nos grands atouts pour la lutte aux changements climatiques, n'est pas du
tout considérée dans la stratégie, et, là-dessus, je pourrai répondre à des
questions plus spécifiques.
Et un autre
champ de recherche dans lequel on est en train de travailler depuis cinq ans,
c'est la contribution du secteur
minier à la lutte aux changements climatiques, en particulier avec des
dispositifs de recherche qu'on a mis en place avec des entreprises
minières pour créer des puits de carbone sur des parcs à résidus miniers.
La stratégie,
bien, en soi, elle réfère à la Loi sur le développement durable, elle vise à
atteindre les quatre cibles de la Loi
sur le développement durable. Notre mémoire porte essentiellement sur la
stratégie, mais on ne peut pas ignorer la
loi dans ce contexte-là. Cette stratégie-là, en gros — et j'ai entendu mon collègue M. Simard, qui
est passé auparavant, le dire — on trouve que c'est une stratégie qui
propose beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses, quelquefois, qui sont
contraires avec les actions gouvernementales. Et, en principe, donc, si on
voulait résumer ce qu'on en a... pour la qualifier,
c'est qu'il y a des actions qui ne sont pas assez ambitieuses, il y a des
moyens qui ne sont pas évidents et il y a des échéanciers qui sont totalement absents et des indicateurs qu'on
nous promet et à partir desquels on ne peut pas encore déterminer si la stratégie va nous permettre
d'atteindre les objectifs, même si, en général, on peut penser que c'est
faisable dans certains cas puis que, dans d'autres cas, c'est des voeux
pieux.
Alors, nous
avons présenté 14 recommandations. Je ne vous ferai pas l'insulte de vous les
lire, surtout dans le temps qu'il me reste. Par contre, je vais les
regrouper sur les valeurs et les intentions que nous avons en venant vous rencontrer. Premièrement, les recommandations
visent la cohérence, des recommandations comme amplifier l'usage de
l'article 46.1 pour être capable d'aller mieux cerner le concept de
l'acceptabilité sociale et outiller les tribunaux pour prendre des meilleures
décisions.
De prendre en compte les principes de
développement durable et de faire de la reddition de comptes, c'est-à-dire
qu'on puisse, au gouvernement, nous
présenter à un moment donné que oui, nous avons pris en compte, voici ce que ça
donne, voici ce que nous avons fait dans la
loi et voici quels sont les résultats qu'on attend. Et puis après on verra
quels sont les résultats, réellement, qu'on a eus.
On
parle aussi d'efficacité et d'efficience. Ce sont des points qui sont
importants. Il ne faudrait pas réinventer la roue. Il nous reste une
minute, c'est parfait.
L'amélioration
continue, qui est une valeur essentielle en développement durable, puisque
personne ne peut vendre le développement durable au kilo, c'est quelque
chose qu'on doit tous inventer ensemble.
Le
leadership, parce que le Québec a un rôle important à jouer au niveau
international, et on se félicite qu'on ait cité le rôle dans la
Francophonie.
Et
la complétude, c'est-à-dire qu'à l'heure actuelle on manque des grands pans de
mur du développement durable, et en particulier le pan de mur des
réseaux de la santé, de l'éducation et des municipalités.
Sur ce, M. le
Président, merci, et je suis prêt à répondre à vos questions avec mes
collègues.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons commencer nos
échanges avec le groupe gouvernemental, et je passe la parole au
ministre.
M. Heurtel :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Et merci beaucoup pour votre
contribution et votre présentation cet
après-midi. Très dense, on a très peu de temps. On aimerait passer l'après-midi
avec vous pour discuter de l'ensemble des recommandations. Je vais
essayer d'aller un peu en rafale avec certains points.
Premièrement, j'ai lu
avec intérêt, là, votre grande préoccupation au niveau de la chaire par rapport
à toute la question de la lutte contre les
changements climatiques, donc, encore là, par esprit de cohérence, votre
réaction à l'idée qu'il faudrait
avoir une meilleure intégration entre la stratégie de développement durable qui
est proposée et la lutte contre les
changements climatiques, de mieux l'intégrer et intégrer tout ce qui est déjà
fait, ce qui est mis de l'avant, mais s'assurer, donc, d'abord que la lutte
contre les changements climatiques soit bien intégrée à la stratégie, entièrement,
et que l'ensemble des processus décisionnels des ministères et
organismes visés par la stratégie intègrent les principes, donc, de lutte
contre les changements climatiques en amont. Alors, avant de prendre les décisions,
s'assurer qu'il y ait dans le processus décisionnel une prise en
compte de l'ensemble des principes de lutte contre les changements climatiques.
M. Villeneuve (Claude) : C'est tout
à fait exact. Et, si on revient avec
le rapport du GIEC, le rapport du groupe III, on se rend compte que ce
n'est pas seulement la stratégie qui doit être revue à cette lumière-là, c'est
aussi l'ensemble de l'intégration des politiques
de transport, des politiques d'efficacité
énergétique dans les bâtiments, des politiques
de développement du territoire qui facilitent ou qui rendent plus
difficile le transport en commun ou le transport collectif. L'exploitation des ressources, si on veut développer telle ou telle ressource naturelle,
bien, il faut voir à ce qu'on puisse le
faire avec le moins d'impacts possible. On a étudié, par exemple, avec notre
analyse de développement durable, le projet de Mine Arnaud, où on s'est rendu compte qu'il pourrait être très
possible d'électrifier les appareils mobiles à l'intérieur d'une mine à ciel ouvert. La ligne électrique doit
être tassée pour faire le trou. Alors, je ne vois pas quelle est la difficulté
d'avoir des camions sur trolley, alors qu'il
y avait déjà des camions sur trolley dans des mines comparables il y a 40 ans.
Ce qui fait qu'il y a plein d'éléments comme ça...
Si on prend la lutte aux changements climatiques
comme étant un de nos objectifs et qu'on suit, comme indicateur de résultats
de notre politique de développement durable, les émissions de gaz à effet de
serre par secteur d'activité, par industrie,
etc., on devrait être capables d'avoir quelque
chose qui est beaucoup
plus intégré, beaucoup plus logique et éviter d'avoir, par exemple, des développements dans des secteurs qui n'ont pas d'avenir en termes de production des changements
climatiques. On a instauré un marché du carbone, mais il faut bien penser que
le marché du carbone va nous exiger
aussi qu'on soit capables de générer les crédits compensatoires. Si vous
regardez les courbes dans le rapport du groupe I du GIEC, bien, vous voyez qu'à partir de 2070 la planète en
entier va devoir être en bilan négatif. Qu'est-ce qu'on attend pour
voir quels sont nos avantages comparatifs en termes de technologies à émissions négatives mettant en valeur la biodiversité? C'est
ce qu'on fait dans le programme Carbone Boréal, par exemple.
Et puis, naturellement, c'est sûr, si vous me demandez de parler de changements climatiques,
je pense que je vais devoir vous demander
une extension dans un autre lieu. Mais, pour la stratégie de développement durable, il faut vraiment
que ce soit au coeur de cette stratégie-là
et que ça nous permette d'avoir un indicateur mesurable, quantifiable, avec la
traçabilité. Il y a eu, il y a
deux ans, trois ans, une étude sur l'empreinte carbone des produits qui sont
faits au Québec, c'est un bel exemple. Si on est capables d'arriver
à avoir la connaissance sur nos émissions, à connaître les points chauds,
à connaître mieux notre économie,
à connaître mieux nos potentiels de réduction, on est gagnants. Et on est
gagnants non seulement en
termes du bilan de gaz à effet de serre, mais aussi en termes de bilan
économique.
M. Heurtel : Alors, encore
une fois, pour préciser, que ça soit
dans le domaine forestier, dans le domaine minier, qui sont deux secteurs que vous connaissez particulièrement bien, mais, sur l'ensemble de l'action gouvernementale, on parle de véritablement intégrer aux processus décisionnels... Il faut qu'il y ait...
Comme il y a certains autres critères qui sont intégrés aux processus décisionnels gouvernementaux, il faut intégrer dans le processus décisionnel des critères, des
exigences mesurables, quantifiables, des
obligations de performance reliées à la lutte contre les changements
climatiques?
M. Villeneuve
(Claude) : Au même titre, M. le ministre, que vous avez des obligations
budgétaires, puis des obligations de performance en ce qui concerne les
dépenses gouvernementales, puis des règles auxquelles vous devez
vous conformer.
M.
Heurtel : Merci.
Le Président (M.
Reid) : Oui, merci. Mme la députée de...
Mme Nichols :
Vaudreuil.
Le Président (M.
Reid) : ...Vaudreuil, pardon. Une hésitation.
• (15 h 50) •
Mme Nichols :
Bonjour, messieurs. Alors, dans votre très intéressant mémoire, il y avait une
demande que le gouvernement reconnaisse, entre autres, dans la stratégie le
potentiel de la forêt comme un secteur prioritaire, puis je m'en viens, justement, avec la fameuse question parce que
vous en avez glissé un mot, là, dans votre court exposé : Pouvez-vous
nous élaborer un peu, justement, comment... le potentiel de la forêt, là, dans
la lutte aux changements climatiques?
M. Villeneuve (Claude) : La forêt, dans les prévisions d'impact au niveau
des changements climatiques, présente une
grande incertitude, en particulier au niveau des forêts boréales à cause de
différents facteurs qui peuvent la mettre en péril. Actuellement, la façon dont on voit la forêt boréale, c'est
une source de ressource ligneuse qui doit alimenter les usines et qui a un impact sur l'économie
régionale. On n'ira pas dans le détail plus que ça, mais, si on regarde la
forêt et l'augmentation des puits de carbone forestier comme étant un potentiel de technologie à émissions négatives, le Québec
vient, tout à coup, de disposer d'un
immense potentiel, et nous avons démontré, dans un article
qui a été publié dans la revue Process
Safety and Environmental Protection en 2012, nous avons démontré que le Québec,
en prenant uniquement 20 000 hectares
par année de plantation, pouvait, pour les 70 prochaines années, s'assurer
de séquestrer jusqu'à 8 % des émissions industrielles, ce qui correspond, M. le ministre, vous en conviendrez, à une coche majeure dans une stratégie de
réduction des gaz à effet de serre.
Et
ce sont des crédits de carbone qui seraient générés au Québec,
sur le territoire québécois, en créant des emplois québécois
et qu'on pourrait mettre sur le marché pour nos entreprises et pour, éventuellement, d'autres qui ont moins de réussite.
Et ce sont des crédits qui, dans nos premières analyses, avec la valeur économique
nette, sont très peu coûteux. Alors, ce sont des potentiels qu'on n'a
pas explorés et qu'il faudrait mettre, au même titre que l'électrification des transports ou que l'efficacité énergétique, dans
la panoplie des choses auxquelles ont doit immédiatement réfléchir dans
la stratégie 2015-2020 pour être capables d'en tirer profit dans la stratégie
2020-2025 ou 2030... parce qu'on est là pour longtemps, et la forêt a cette capacité-là de nous faire des promesses à
long terme. Et peut-être que, dans certains cas, les meilleures options, ce n'est pas de conserver des
grandes zones de forêt, mais bien de les exploiter différemment, de telle
manière qu'on puisse en augmenter la
productivité, en augmenter la biodiversité et s'adapter aux changements
climatiques parce que les changements vont se produire, et les arbres ne
se déménageront pas tout seuls.
Mme
Nichols : Merci. De plus, dans votre mémoire, vous soutenez bien le
rôle de la Chaire en éco-conseil dans le
développement d'outils d'analyse et la mise en oeuvre opérationnelle du
développement durable. Vous citez plusieurs exemples d'outils que vous avez élaborés, dont une grille
d'analyse — mon
attention est restée sur la grille d'analyse — que vous avez développée pour et en
collaboration avec l'Institut de la Francophonie pour le développement durable.
Pouvez-vous nous expliquer un petit peu plus dans quelle mesure cet outil est
utilisé pour le développement durable?
M. Villeneuve
(Claude) : Très rapidement...
Mme Nichols :
Oui, parce que, j'imagine, c'est complexe, ce qu'on...
M. Villeneuve
(Claude) : ...parce qu'il y a quand même plus de 25 ans de
travail là-dessus, et puis je pourrai demander
aussi à Olivier et à Sibi de compléter là-dessus. Nous avons développé cet
outil-là à travers un besoin qui est de comprendre comment on peut mettre en oeuvre le développement durable.
C'est un outil qui est gratuit, qui est utilisé par toutes sortes de
monde — je
l'ai mentionné dans le rapport, d'ailleurs, dans le mémoire — et
cet outil-là a... La Francophonie avait
besoin d'un outil, et ils nous ont demandé de le tester auprès d'autres
populations et de l'adapter pour d'autres
populations, ce qui a été un résultat très positif, et je demanderai peut-être
à Sibi d'en parler si vous permettez.
M.
Bonfils (Sibi) : Merci, professeur. M. le ministre. Oui, c'est une grille
qui a été, donc, testée d'abord au niveau local, au niveau québécois, et, les trois dernières années, nous avons
testé la grille au niveau international dans plusieurs pays francophones, en Afrique notamment, huit pays
dans lesquels nous avons été former des gens, mais surtout appris aux
gens à utiliser la grille pour intégrer le développement durable dans leurs
stratégies de développement, stratégies nationales
de développement durable, mais également dans les stratégies sectorielles comme
les politiques énergétiques, politiques
forestières. Et on a eu beaucoup d'attention et surtout beaucoup d'enthousiasme
pour participer à ces formations, et
les remarques qu'on a souvent auprès des gens, c'est de dire : Si j'avais
eu cet outil avant de concevoir ma politique, j'aurais fait autrement. C'est vraiment une façon de dire que l'outil a
été apprécié. L'outil a été compris, en tout cas, et beaucoup de gens
sont en train de l'utiliser et même de l'enseigner au jour d'aujourd'hui.
M. Villeneuve
(Claude) : Olivier l'a enseigné en Chine. Vas-y, à toi.
M. Riffon
(Olivier) : Oui, c'est ça.
Puis oui, elle a été testée dans d'autres contextes, également en Chine, elle
a été traduite en créole récemment pour des utilisations à Haïti.
Un
élément que j'aimerais mentionner aussi, c'est que c'est une de nos
spécialisations, une de nos forces, le développement
d'outils d'analyse comme ça. On a une grille qui a 25 ans d'existence,
mais on a aussi développé plusieurs grilles
dérivées, des grilles simplifiées, des grilles adaptées à certains contextes.
On a été capables de partir de notre grille d'analyse générale pour faire des liens avec les 16 principes de
développement durable. On a fait le même exercice pour les 21 enjeux de la norme BNQ 21000, par
exemple. On fait la même réflexion pour les ODD qui sont en train d'être
développés au niveau international. Donc, on a un outil assez global qui
dresse vraiment un portrait d'ensemble des enjeux du développement durable pour voir si les projets, politiques, stratégies
répondent à ces enjeux-là, mais aussi on a la capacité d'adapter des
outils à différents contextes.
Mme
Nichols : On comprend que la grille d'analyse s'arrime, là, avec les
différentes normes, là, comme le BNQ...
M. Riffon (Olivier) : Elle le fait déjà, puis, en même temps, on peut encore aller plus loin
en l'adaptant davantage.
M. Villeneuve (Claude) : Et ça s'applique même à des projets. Nous sommes
en train de terminer... Demain, on fait
le rapport final pour la prise en compte du développement durable dans le
Programme de stabilisation des berges du lac Saint-Jean de Rio Tinto Alcan, ce qui va servir à écrire le chapitre
et des liens transversaux dans l'ensemble de l'étude d'impact qui va être présentée sur ce projet-là au
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Donc, la prise en compte du développement durable peut se faire à
travers ça et aussi à travers les 16 principes, ce qui, d'ailleurs, nous a
été demandé, de faire la traduction
aux 16 principes dans le mandat de Rio Tinto Alcan, et ça a comme avantage
d'amener une cohérence entre les intentions de l'entreprise, son
discours et sa prise en compte.
Et c'est une des
choses qu'on recommande dans notre mémoire, c'est que le gouvernement se dote
de cette cohérence-là, c'est-à-dire qu'on soit
capable, de façon explicite, de dire : Oui, nous avons pris ça en compte,
ça a donné tel résultat, il y a telle
interaction qu'on n'avait pas vu venir, puis qu'on aurait peut-être dû... ou
pour laquelle on a fait des
aménagements parce que c'étaient des effets contre-intuitifs, puis on va voir
qu'est-ce que ça nous donne après. Et on
n'a pas nécessairement à présumer que ce qui va sortir de là va être le
développement durable béni par qui que ce soit, hein, mais on peut avoir
l'idée que, si on fait cette démarche-là, on va s'approcher d'un développement
qui est plus susceptible de répondre aux
objectifs des Nations unies et qui est plus susceptible de répondre à ce projet
généreux qui est de mieux vivre ensemble, entre nous et avec la nature.
Le Président (M.
Reid) : Merci...
M. Riffon
(Olivier) : Si vous me permettez...
Le Président (M.
Reid) : ...quelques secondes.
M. Riffon
(Olivier) : Au niveau très, très technique, cet outil-là, aussi,
permet une meilleure efficacité dans l'action parce qu'on a des mécanismes qui
nous permettent de prioriser les pistes de bonification. Quand on fait une analyse des idées, on peut en avoir 200, 300, 400
pour améliorer un projet, une politique, mais on sait, tout le monde, qu'on
ne peut pas tout mettre ça en oeuvre. Donc,
on a élaboré une méthodologie, en fait, qui permet de cibler vraiment les
actions les plus efficaces, les plus
pertinentes selon le contexte, selon les moyens de l'organisation. Donc, ça
répond aussi à l'enjeu d'efficacité dans l'utilisation des moyens trop
précieux dont on dispose.
M. Villeneuve
(Claude) : Et c'est quelque chose qui est gratuit...
Le Président (M.
Reid) : Merci. Je dois vous interrompre.
M. Villeneuve (Claude) : ...qui est diffusé depuis très longtemps à tous
les gens qui veulent l'utiliser et qui est enseigné à distance, entre autres par Olivier, à l'intérieur des cours
du programme court de développement durable appliqué.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Je dois vous interrompre pour
passer la parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le
député de Jonquière...
M. Gaudreault :
Oui. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M.
Reid) : ...de l'Université du Québec à Chicoutimi, d'ailleurs.
M.
Gaudreault : Bien oui, diplômé de l'Université du Québec à
Chicoutimi. Alors, je confirme les propos de nos invités, que je salue. Alors, c'est toujours un plaisir puis une
fierté de recevoir des gens de la région, un quasi-voisin, même, M. Villeneuve, à Laterrière. Alors, c'est
toujours un plaisir de vous recevoir et, surtout, de nous inspirer de vos
propos très éclairants.
J'aimerais, pour commencer, vous entendre un
petit peu plus sur la définition du développement durable parce que vous avez quand même des
recommandations, là, qui concernent la représentation du développement durable
par le gouvernement du Québec. La
recommandation 2, c'est : «Que le gouvernement du Québec rende explicite
dans le modèle
gouvernemental la présence de plusieurs dimensions du développement durable et
leur hiérarchie s'il y a lieu.» Pour
vous, ce n'est pas assez clair dans la stratégie qui nous est proposée?
• (16 heures) •
M.
Villeneuve (Claude) : Non. La
représentation que le gouvernement présente, qui est une représentation extrêmement classique, pour quelqu'un comme moi
qui a vécu, là, l'idée du développement durable depuis 30 ans, bien,
c'est une représentation pré-1980, là. À quelque part, un modèle statique avec
trois boules d'égale importance, ça a peut-être
une certaine symbolique, mais, à partir du moment où vous voulez intégrer une
dimension culturelle, à partir du
moment où vous avez une dimension gouvernance, à partir du moment... le modèle
statique, devient quelque chose d'absolument invivable parce que le
modèle statique, il a perdu ce que les créateurs lui ont donné qui était
intelligent, c'est-à-dire l'aspect dynamique.
Jacobs et
Sadler, qui étaient des Canadiens, qui le sont toujours, je l'espère, mais ont
créé un modèle de trois sphères pour
essayer d'expliquer ce que les Nations unies avaient en tête puis ce que les
gens qui avaient travaillé sur l'idée de développement durable avaient en tête en 1972, 1975, 1977. Et ce
modèle-là était un modèle dynamique, c'est-à-dire dans lequel
A inter B, inter C, dans la théorie des ensembles, devaient maximiser leurs
points d'interaction. Donc, au lieu de travailler
chacun pour son bord, on devait travailler vers un point commun, et c'est là qu'était
l'intelligence du modèle à trois
boules. O.K.? Elles n'étaient pas nécessairement de même grosseur. Mais on a
voulu simplifier puis les mettre de même
grosseur, puis on a fait un modèle statique, ce qui est une mécompréhension du
développement durable. Aujourd'hui, on a des modèles de beaucoup de fractions
différentes.
Olivier va nous parler deux secondes du coeur de
sa thèse de doctorat, qui est la typologie du développement durable et qui, justement, nous permet de rendre
cohérent comment une organisation, en fonction de sa culture... et il examine
régulièrement des ministères et autres avec
ses étudiants, comment est-ce que ça peut nous permettre de rendre explicite
et de rendre fonctionnelle l'idée d'appliquer le développement durable. Je te
laisse la...
M. Gaudreault : Mais, juste
avant...
M. Villeneuve (Claude) : Oui.
M.
Gaudreault : ...que
vous répondiez, j'aimerais ça, dans votre réponse, que vous réfléchissiez à une
proposition qu'on a eue ici, d'inclure davantage la dimension de
l'économie circulaire. Alors, je vous écoute.
M.
Villeneuve (Claude) : J'ai
écrit sur l'économie circulaire, et, effectivement, c'est de l'ordre à la fois
d'un moyen et d'une cible. O.K.?
Comme le développement durable, ce sont des utopies. L'économie circulaire par
la thermodynamique, ce n'est pas
possible. Alors, dans les faits, on ne pourra jamais que s'approcher de
l'économie circulaire, on n'y arrivera jamais.
Mais, quand on fait du recyclage, quand on fait de l'écoconception, tous ces
éléments-là rentrent en ligne de compte. D'ailleurs, nous avons eu... Je
suis un petit peu bavard là-dessus parce que nous avons donné un
perfectionnement en écoconseil au mois de
janvier là-dessus, donc c'est encore frais dans ma tête, tu sais.
Mais, fondamentalement, l'économie circulaire
fait partie des outils pour considérer cette espèce d'amélioration continue
dans laquelle on veut faire plus avec moins,
satisfaire plus de besoins, limiter les impacts sur l'environnement, diminuer
la perte énergétique, qui est nécessairement associée
avec des émissions de gaz à effet de serre, puisqu'on est encore à 85 % de
l'énergie utilisée sur la planète qui provient des carburants fossiles.
M. Riffon
(Olivier) : Juste pour
répondre rapidement, c'est ça, le sujet de ma thèse, c'était d'aller voir dans
les municipalités les différentes
représentations, les différentes visions du développement durable en fonction
des outils qui sont utilisés. On
parlait de l'Agenda 21, les gens de Nature
Québec, avant, mais il y a Natural
Step qui est utilisé. Il y a des gens
qui utilisent les outils d'urbanisme, d'aménagement du territoire comme outils
de développement durable, mais il y a des
représentations différentes du développement durable qui sont associées à ces
différents outils là. On l'a mis en annexe, un résumé de cette typologie-là qu'on utilise, nous, pour diagnostiquer,
carrément, les visions, les compréhensions du développement durable dans
les organisations.
Puis ce qu'on
observe, c'est que souvent le premier réflexe, c'est d'y aller avec le modèle
des trois sphères. Mais, quand on
creuse, on se rend compte que la réelle représentation des gens, ce n'est pas
celle-là. Il y en a qui vont subordonner certaines dimensions à d'autres, donner plus d'importance à une ou à
l'autre, et certaines organisations vont ajouter des dimensions. Puis, pour nous, il n'y a pas de mal à
ça. Au contraire, ça donne plus de cohérence aux actions, plus de clarté
aussi dans les signaux qui sont envoyés.
Donc, quand on analyse la stratégie gouvernementale, la loi au Québec, pour
nous, il y a une volonté d'ajouter une
dimension culturelle aux trois sphères et il y a une dimension de gouvernance
qui englobe tout ça. C'est un cadre
de gestion qu'on se donne avec cette loi-là. Donc, on croit que de le rendre
explicite rendrait le message plus clair, plus cohérent, plus
consistant.
Pour
l'économie circulaire, pour nous, c'est un outil du développement durable qui
rentre dans une approche plus économiste.
Il y a d'autres approches plus humanistes, plus éthiques, plus politiques
aussi, tout ça est explicité dans l'annexe en question. Mais, pour nous, l'économie circulaire reste un outil, pas
une fin en soi. C'est un outil de mise en oeuvre du développement durable comme
il en existe beaucoup d'autres.
M. Gaudreault : Merci. Il me
reste du temps?
Le Président (M. Reid) : Oui,
il reste deux minutes et quelques...
M.
Gaudreault : O.K. Bon. Évidemment, j'aurais aussi
10 000 questions, là, mais je suis obligé de faire des choix. La question de la consultation publique... Vous
parlez dans votre mémoire de revoir les processus de consultation, entre
autres pour tenir compte davantage des
régions. Alors là, vous venez titiller une fibre que j'ai en moi. Alors,
j'aimerais ça, vous entendre un peu
plus là-dessus. On a beaucoup entendu parler ici de la loi sur l'accès à
l'information, de l'évaluation environnementale stratégique, etc.
M.
Villeneuve (Claude) : Les
régions, premièrement, sont, au Québec, une force non pas parce qu'elles ont
des ressources... Pr Francesco Di Castri, qui a été mon mentor pendant
très longtemps, disait que d'avoir des ressources naturelles, ce n'était pas un gage de développement durable, au
contraire; que les ressources naturelles pouvaient s'inscrire dans le développement durable, mais que ce n'était
surtout pas en considérant une région comme une région ressource, qu'on
ne pourrait jamais y faire du développement durable. La vision des régions
ressources est une vision... ce que j'appelle
du développement de bonbon. Quand un bonbon, on lui propose de le développer,
c'est le début de la fin. Alors, dans
les faits, nous avons une nécessité de rendre la consultation et la
participation des gens à l'élaboration et à l'évaluation de la stratégie la plus dynamique possible. Et ça,
bien, nous suggérons d'aller dans cette direction-là. On n'a pas nécessairement étudié quels seraient les meilleurs
mécanismes, mais il y a des choses qui font qu'objectivement la manière
actuelle de consulter du gouvernement exclut les régions. Elle les exclut parce
qu'elle les oblige à venir...
Le ministre Arcand m'a invité à aller sur la
commission sur l'énergie à Montréal. Écoute, là, j'ai déjà dépensé de l'argent pour venir à la
commission aujourd'hui, là, bien, je ne l'ai pas, cet argent-là, on me coupe...
Dans les universités, là, je vous le dis
tout de suite, là, il n'y a plus rien à couper, ça fait longtemps. Même s'il y
a 30 % de gras dans un os, ce n'est pas une bonne idée de couper
l'os, tu sais.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Villeneuve (Claude) : Bon. Puis
l'organe le plus gras du corps, c'est le cerveau. Ça, je l'ai déjà dit, un neurochirurgien devrait comprendre qu'enlever deux
livres de cerveau, ce n'est pas la meilleure idée pour maigrir. Voilà.
Mais, cela
dit, puisque... Vous me permettrez — j'avais une question trop facile — vous me permettrez de conclure cette réponse-là. Le développement durable, ça ne
se fait pas tout seul, ça ne se fait pas de façon centralisée, ça ne se fait
pas par des prescriptions qui viennent d'une
autorité, ça se fait par un dialogue constant. Et le devenir des régions, c'est
le devenir du Québec...
Le Président (M. Reid) :
Merci. Je dois vous interrompre.
M.
Villeneuve (Claude) : ...c'est le devenir du Québec, je n'en démords pas,
et ce sera une autre commission, si vous permettez.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant au
bloc réservé au deuxième groupe d'opposition. M. le député de
Nicolet-Bécancour.
M.
Martel :
Merci, M. le Président. Bonjour à presque... bonjour, bonjour à vous quatre. Un
bonjour particulier à M. Villeneuve,
et surtout merci de la générosité de votre présence aujourd'hui. Vous êtes pour
plusieurs au Québec une sommité en
termes de développement durable, et, pour nous, c'est un privilège de pouvoir
vous entendre. On pourrait juste vous
entendre sans vous poser de questions puis je pense qu'on apprendrait beaucoup.
Mais on a quand même une curiosité à
l'égard du mémoire que vous avez pondu, puis moi... C'est un milieu que vous
connaissez quand même assez bien, le
milieu municipal. Vous dites dans votre mémoire — puis d'autres l'ont dit, d'ailleurs — que les municipalités devraient être assujetties à la loi et donc, par
le fait même, à la stratégie. Le problème, c'est que c'est correct qu'on les
assujettisse, mais il faut qu'ils aient leur
mot à dire par rapport aux orientations qu'on va leur donner. Et aussi, quand
on sait la réalité... Vous savez, sur
le terrain, tu as les municipalités puis tu as le ministère de l'Environnement,
et souvent la relation d'un et
l'autre, c'est que, pour le ministère de l'Environnement, la municipalité
est — comment
je pourrais dire ça? — une contrevenante potentielle. Et ça ne
marche pas vraiment en complicité, et je pense que ce serait nécessaire pour
les intégrer dans la stratégie. J'aimerais ça, vous entendre par rapport à
toute cette question-là.
• (16 h 10) •
M.
Villeneuve (Claude) : Je
vais vous répondre en trois points très brefs et donner à Olivier la chance,
parce que ça a été son terrain de
thèse... Donc, trois points très brefs. Premièrement, vous ramenez la question
de M. Gaudreault, à savoir la
participation des parties prenantes dans l'élaboration des stratégies. Les
municipalités doivent être interpellées. Surtout, si on veut les
assujettir, il faut qu'elles aient leur mot à dire.
Deuxièmement, la responsabilité du ministère de
l'Environnement par rapport à la stratégie. La loi dit que le ministère de l'Environnement, qui s'appelle
Environnement, Développement durable, et tout ça... la loi dit que c'est le
ministère qui est responsable, mais il devrait y avoir dans un processus
d'amélioration continue — puisque,
dans la première stratégie, c'était comme
ça — il
devrait y avoir une progression vers peut-être un modèle de gouvernance qui
associe d'autres ministères et qui les responsabilise par rapport à ça. C'est
pourquoi, par exemple, on a mis comme proposition
que le CIDD, le conseil interministériel sur le développement durable, puisse
être présidé sur une base tournante, comme on a fait en Suisse. Et,
après la base tournante, en Suisse on a donné une nouvelle gouvernance au
comité interministériel.
Et, là-dessus, je vais laisser Olivier terminer
sur les applications ministérielles.
M.
Riffon (Olivier) : Oui.
Bien, on sent qu'il y a une volonté de la part du monde municipal d'appliquer
les principes du développement
durable, il y a plusieurs municipalités qui l'ont fait. Pour l'instant, je
dirais, leurs accompagnateurs, c'est
la TACOM, c'est le ministère des Affaires municipales, qui ont fait un
excellent travail. J'ai eu l'occasion de collaborer avec eux à plusieurs reprises, ce sont eux qui
accompagnent, qui outillent les municipalités aussi. Donc, eux sentent
l'intérêt, sentent aussi les limites
de la stratégie volontaire. Là, on atteint, je pense, un plafond en termes de
nombre de municipalités ou
d'organismes municipaux, là, y compris les MRC, les CRE, qui participent. Donc,
nous, notre diagnostic, c'est que, si on
veut aller plus loin puis si on veut vraiment amener plus de cohérence au
niveau territorial — parce
que, là, on parle de développement durable, d'un projet de société, donc
ça devrait se refléter un peu partout, à tous les échelons de la gouvernance — il faut, selon nous, aller de l'avant avec
un assujettissement. L'article 4 le dit, les modalités peuvent être adaptées. Donc, ce n'est pas obligé d'être un
modèle comme celui qu'on a pour les ministères et organismes de l'État qui
soit appliqué. Et nous, bien honnêtement, on
n'est s'est pas penchés sur quelles modalités d'application devraient être
appliquées. Donc là, tout est possible.
Nous, ce
qu'on considère, c'est que le ministère des Affaires municipales a fait un
excellent travail pour définir les
critères, les définitions, les étapes d'une telle démarche, les qualités d'une
municipalité durable, et tout ça. Donc, il y a une base de travail, de compétences à ne pas échapper ici, et il faudrait
assurément, si on assujettit le monde municipal, s'assurer que ça ne rende pas caduc tout le travail qui a été fait par
les municipalités qui ont été précurseures, qui ont été leaders dans le
domaine depuis 10 ans.
Donc, on n'a
pas de réponse, mais on est prêts. Puis ça, je lance l'invitation pour tous les
dossiers qui ont été discutés puis
dont on propose des recommandations dans notre mémoire, on est disponibles, on
est là, on offre notre collaboration au
gouvernement pour continuer à réfléchir à ces questions-là puis trouver les
meilleures solutions avec vous et avec les parties prenantes qui sont
concernées.
M. Villeneuve (Claude) : M. Bourque
aimerait ajouter un petit quelque chose là-dessus si vous permettez.
Le Président (M. Reid) : Oui,
M. Bourque.
M. Bourque
(Denis) : M. le Président, je
porte à votre attention que l'article 1 de la Loi sur le développement durable parle bien que le gouvernement se donne un
cadre de gestion, et il y a des virages à faire, hein? L'article 1 dit
bien — mon
collègue en a fait allusion : Si notre société veut effectuer les virages
qui sont demandés par la loi, bien, évidemment que les municipalités sont des
acteurs incontournables. Ils sont près de la population, ils desservent les populations directement. Ils interviennent au
premier chef au niveau de la lutte contre les changements climatiques et de
l'adaptation nécessaire à ces
changements-là. Alors, c'est à ce titre-là, entre autres, qu'on suggère que les
municipalités, acteurs très importants, soient assujetties à la loi.
Bon, encore une fois, ici, nous sommes...
Le Président (M. Reid) :
Rapidement. Bien, c'est parce que le temps est terminé.
M. Bourque (Denis) : Oui? Ah bon!
Parfait, je... Alors, merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, maintenant, nous allons
passer au dernier bloc, celui réservé aux députés indépendants. Mme la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Finissez votre phrase, s'il vous plaît, M. Bourque. Donc, on
souhaite que les municipalités soient assujetties?
M. Bourque
(Denis) : Oui, assujetties. Puis
la nuance que je voulais apporter, mon collègue Olivier, là, en a fait
allusion, c'est qu'on pourrait y aller avec des modalités. L'article 5 de la
loi donne une marge de manoeuvre. Je sais qu'il
y a peut-être certains maires, évidemment, qu'on connaît qui
sont peut-être réfractaires à ce genre d'assujettissement,
mais il en va de la cohérence de l'action gouvernementale. L'expression «cohérence de l'action gouvernementale» a été exprimée à plusieurs reprises à l'occasion des travaux de la commission ici, et je pense qu'il y a des acteurs que sont
les municipalités qui sont des acteurs incontournables pour assurer
cette cohérence-là.
Le Président (M. Reid) : Mme
la députée.
Mme
Massé : Merci. Alors, je
suis heureuse parce que, justement, je voulais aller un peu sur... Parce
que vous faites état dans votre
mémoire de l'article 46.1, que j'aimerais qu'on parle un petit peu, mais je veux juste réitérer que, si on assujettit, on se met aussi en mode échange, discussion, hein, on
n'est pas juste... Ça aussi, je l'ai bien entendu dans votre
présentation.
Sur le
46.1, il est question de définition, il est question
de mieux cerner quelque chose qui, en matière de développement durable, est... On a à s'entendre sur ce qu'on veut dire
en arrière de ce mot-là, et c'est toute la question de l'acceptabilité
sociale. Vous dites que ça serait un facteur
pour une meilleure interprétation des lois, pour, bien sûr,
au niveau des règlements et aider notamment, au-delà du législateur,
nous, comme gouvernement, à prendre des décisions en fonction de cette définition-là. C'est ça que je me demandais, c'est
au niveau du facteur décisionnel, là... Je pense, par exemple, là, l'exemple qui me venait...
On a parlé de Mine Arnaud, d'Investissement
Québec, comment l'amélioration ou la transformation de ce que vous proposez... qu'est-ce que ça
veut dire pour le gouvernement?
Le Président (M. Reid) :
En une minute.
M. Bourque (Denis) : Oui. En fait, M. le
Président, la question est très importante. Évidemment, ça met au premier chef le rôle du ministre.
Le document que vous avez déposé, la stratégie, reconnaît les cadres légaux
existants. À la page 16 du document
déposé par le ministre, on dit bien qu'on reconnaît l'article auquel Mme la députée fait allusion, l'article
46.1, qui, M. le Président, je le souligne, impose un devoir de nature
constitutionnelle au gouvernement
québécois. Elle est de portée
constitutionnelle. C'est un nouveau droit qui est inscrit dans la Charte des droits et libertés de la personne,
et c'est un droit qui dépasse celui qui est déjà inscrit dans la Loi sur la
qualité de l'environnement.
Donc, le
point auquel on faisait allusion aussi, c'est que, puisque vous le suggérez, il
existe, il faut lui donner un contenu.
Le problème qu'on a, c'est de lui donner un contenu et donner un rôle au gouvernement pour assurer ce contenu-là. Donc,
il a un aspect, j'ai dit... On dit dans le document qu'il a un aspect... il
sert, cet article-là, pour interpréter, il a un rôle interprétatif des
lois. Si vous avez, par exemple...
Le Président (M. Reid) : Je
dois vous interrompre, malheureusement, parce que le temps est écoulé. Je vous
remercie, au nom de la commission, pour la contribution que vous avez apportée
à nos travaux.
Et je suspends les travaux pour quelques
instants, le temps de laisser nos prochains invités prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 18)
(Reprise à 16 h 21)
Le
Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités. Il s'agit maintenant du groupe
Greenpeace. Et je vous demanderais de vous présenter, de présenter la personne
qui vous accompagne. Vous avez
10 minutes pour faire votre présentation. J'essaierai de vous faire un
signal quand il restera une minute,
et, par la suite, nous aurons une période d'échange de 35 minutes avec les
membres de la commission. Alors, je vous donne la parole.
Greenpeace
M.
Mainville (Nicolas) : Merci,
M. le Président. Bonjour à tous, M. le ministre, M. le sous-ministre, les gens
de l'opposition. Je me présente, Nicolas Mainville. Je suis porte-parole
de Greenpeace au Québec et responsable de la campagne
Forêt. Je suis accompagné de Patrick Bonin, aussi porte-parole et responsable de la campagne Climat-Énergie. C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui pour discuter de la stratégie de développement durable, une stratégie
qui, vous allez le voir dans notre
mémoire, nous surprend peu. On a un certain... je vous dirais, une déception
par rapport à cette stratégie-là. On
veut vous en parler aujourd'hui, on est préoccupés par cette stratégie-là, par peut-être
son manque d'ambition, son manque de
dents. Et surtout on aimerait ça attirer votre attention sur deux enjeux qui,
pour nous, sont vraiment l'essentiel. On
a gardé notre mémoire de façon assez succincte à deux grands points : le
climat et la biodiversité. C'est vraiment les deux angles qu'on approche
la question.
Est-ce qu'on
est capable, avec cette stratégie-là, de s'assurer que le Québec
va s'assurer de vraiment lutter contre les deux grandes crises
auxquelles fait face l'humanité actuellement, la perturbation profonde du
climat à l'échelle mondiale et l'érosion
accélérée de la biodiversité? C'est clair que, pour nous, cette stratégie-là
semble déconnectée de la réalité, malheureusement. On dirait qu'on vit dans deux mondes parallèles. On dirait même une
stratégie un peu ésotérique. C'est-à-dire qu'elle est pleine de bonnes intentions, il y a
toutes sortes de belles choses dans cette stratégie-là, mais elle ne connecte pas avec qu'est-ce qui se passe actuellement au Québec, puis, pour nous, c'est extrêmement important que ça
soit directement en lien avec
qu'est-ce qui se passe actuellement. C'est quoi, les choix de société
qui se passent au Québec? Qu'est-ce
qu'on est en train de vivre comme Québécois? Et qu'est-ce que cette stratégie-là nous dit?
Pour l'instant, on croit qu'il y a probablement... En fait, il y a beaucoup de bonnes intentions, mais on n'a pas les outils
pour s'assurer qu'on va régler les
grandes questions. Nous, on veut faire réatterrir cette stratégie-là. C'est ce
qu'on vous propose dans notre mémoire, comment qu'on peut faire
réatterrir la stratégie sur le plancher des vaches.
Bien, la
première des choses, c'est qu'il faut qu'on impose le filtre du développement
durable dans les projets qui sont existants, les projets qui sont sur la
table actuellement. Il faut se poser la question : Est-ce que de faire
venir, par exemple, le pétrole des sables
bitumineux de l'Alberta au Québec, c'est du développement durable? Il faut se poser
la question : Est-ce que d'aller
couper les dernières forêts vierges du Québec dans des écosystèmes très fragiles au Nord,
est-ce que c'est ça, du développement durable? Est-ce que de faire une cimenterie qui va coûter
des millions de dollars, qui va augmenter
drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, est-ce que c'est du développement durable? Nous, on pense qu'il faut imposer ce
filtre-là. Et, si on imposait ce filtre-là réellement, c'est clair que les
réponses à ces questions-là seraient probablement négatives.
Comment qu'on
peut s'assurer qu'on va lutter réellement contre les crises climatiques et de biodiversité?
Bien, il faut se donner dans la
stratégie des critères et, surtout, des balises très précises, des échéanciers,
et, pour l'instant, ils ne sont pas
là. Et moi, je vais adresser seulement la question de la biodiversité, et
Patrick va vous parler de climat. Mais c'est clair que, bien que les
intentions semblent là, on se retrouve à... Comment qu'on va pouvoir mesurer réellement
nos progrès sur le terrain? Comment qu'on va
pouvoir s'assurer que, par exemple, sur le dossier forestier, on n'est pas en train
d'encourager la disparition de certaines espèces qui sont fragiles, qui sont en
train de reculer sur le territoire?
Il
y en a, des outils qu'on peut utiliser. La question de la biodiversité, pour
nous, c'est clair, le meilleur outil, c'est les aires protégées. Comment qu'on fait pour faire des aires protégées
au Québec? Comment qu'on peut expliquer, par
exemple, qu'on est maintenant, en 2015, 23 ans après Rio... Là où, à
Rio, on s'était engagé à 12 % d'aires protégées, 23 ans plus tard on n'a,
malheureusement, que 9 % au Québec, 5 % de nos forêts protégées
seulement. Il y a encore beaucoup de terrain à gagner sur la question des aires
protégées. Et, pour nous, on est capables de l'asseoir dans cette stratégie-là avec des cibles précises à chaque
année, des échéanciers vraiment serrés, et, pour l'instant, ils ne sont pas là,
même qu'on semble ouvrir un certain recul.
Je fais juste
vous présenter la question des forêts intactes, qui est... Pour nous, c'est
central. Si on parle de biodiversité, on doit regarder les derniers
écosystèmes encore vierges, les écosystèmes qui n'ont pas été touchés par l'industrie forestière. Ce n'est pas mentionné
pour l'instant dans la stratégie, et je vous invite à lire la section dans
notre mémoire sur cette question-là
parce que, pour nous, c'est central, c'est un enjeu, oui, québécois, mais aussi
mondial, et c'est là que ça va donner beaucoup de crédibilité à cette
stratégie-là.
Je passe la parole à Patrick pour la question
climatique, et c'est sûr que ça va me faire plaisir de répondre aux questions
par rapport à cet enjeu-là. Merci.
Le Président (M. Reid) : M.
Bonin.
M. Bonin
(Patrick) : Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. et Mmes les
députés, écoutez, essentiellement, je
pense que le message est relativement clair, vous avez une deuxième stratégie
de développement durable au Québec où
il y a une ouverture à ratisser un petit peu plus large que ce que fait
seulement le gouvernement ou... le gouvernement, ministères et
organismes, et vous parlez même de financement à l'intérieur de cette
stratégie-là.
Donc, on
arrive à un point où il faut se dire où arrête le carré de sable de la
stratégie, et est-ce que le but, c'est justement
d'avoir une vision globale du Québec, est-ce que c'est à travers cette
stratégie-là, et surtout quand on parle, entre autres, d'investissements, de vision de transition d'économie verte.
Donc, il y a historiquement une stratégie qui était essentiellement basée sur les activités du gouvernement ou de
l'appareil public en général, et là on voit une ouverture, et on se dit : C'est le moment de parler des
vraies choses et de dire qu'actuellement on a un manque de cohérence entre
cette vision de stratégie, où la stratégie dit qu'on veut aller, et de
ce qui se passe sur le terrain.
Nicolas a mentionné
plusieurs exemples. Je vais en prendre quelques-uns concrètement pour qu'on
voie que... Nous, on ne voit pas comment c'est rattaché, et c'est là qu'on ne
comprend pas et qu'on aimerait qu'on nous explique pourquoi ce n'est pas rattaché. Et, si oui, bien,
il faut que ce soit clair, comment on va faire en sorte, par exemple, qu'un
projet comme le projet Énergie Est, que vous
connaissez, l'oléoduc de TransCanada qui va passer sur le territoire québécois... Il va y avoir des infrastructures, il
va être éventuellement soumis au BAPE, et le gouvernement, actuellement,
parle de ne pas regarder la question des
émissions de gaz à effet de serre reliées à l'augmentation de la production des
sables bitumineux en Alberta. C'est
quand même majeur comme augmentation, là, l'Institut Pembina parle
d'augmentation de gaz à effet de
serre équivalant à ajouter 7 millions de véhicules sur les routes juste la
production supplémentaire de pétrole
des sables bitumineux pour ce pipeline-là, et le gouvernement du Québec
dit : Pour l'instant, on n'a pas l'intention de regarder ce qui se passe en amont, donc on va
juste regarder le tuyau, alors que, dans la Loi du développement durable,
il y a un principe, le principe h, qui dit clairement — et je
vais le citer parce que c'est sans équivoque, là — que «[le gouvernement doit] collaborer afin de rendre
durable le développement sur les plans environnemental, social et économique.
Les actions entreprises sur un territoire doivent prendre en considération
[les] impacts à l'extérieur de celui-ci.»
Donc, à
partir du moment où on a des projets, qu'on a un bureau d'audiences publiques
en environnement, des projets
significatifs, là, 7 millions de véhicules en termes d'ajout au Canada
comme pollution, c'est plus que tout le parc automobile du Québec... Donc, si on ne rattache pas la réalité des
projets qu'on évalue, des projets qu'on finance avec les objectifs, on n'y arrivera jamais. Et c'est
ça, le point, je pense, principal, et je prends cet exemple-là parce qu'il est
majeur parce qu'il se rattache à un principe
de la loi. Et là il faut nous expliquer la cohérence là-dedans, et,
actuellement, on ne la voit pas.
Et c'est la même chose un peu avec les projets
qui sont financés, que ce soit, par exemple, la cimenterie de Port-Daniel, que ce soient les autoroutes 19...
Actuellement, il y a une situation budgétaire que vous connaissez, où vous
exigez de la rigueur — d'autres appellent ça de l'austérité, mais peu importe — et là il y a des investissements massifs qui
se font, mais on n'est pas capable — du moins, vous n'êtes pas capables — de nous prouver que les investissements ne
vont pas à l'encontre de ce que le Québec
s'est donné comme cible, comme objectif, entre autres, au niveau de la
réduction des gaz à effet de serre.
Et, si on n'a pas ça, cette preuve-là, tous les projets qui sont vus comme
polluants... Il y a une raison
pourquoi il y a de l'opposition, il y a une raison pourquoi on dit qu'il y a un
manque de cohérence, c'est parce qu'on va défaire complètement tout ce
qu'on essaie de faire d'un côté. Donc, vous avez une stratégie qui, si on la
regarde, va peut-être amener quelques
réductions d'émissions de gaz à effet de serre, on en convient, mais, d'un
autre côté, tout ce qui risque d'être
fait, que ce soit soit Port-Daniel, que ce soit Anticosti, que ce soit le
pipeline Énergie Est, que ce soit l'autoroute 19, au centuple, va
annuler à peu près les réductions que la stratégie pourrait apporter.
• (16 h 30) •
Ce qui m'amène à la question du tableau de bord
dont on a besoin. Vous avez des indicateurs au niveau du Québec, des indicateurs pour voir si la stratégie
est en place, des indicateurs pour voir l'état de l'environnement au Québec,
mais actuellement, à moins que vous n'ayez pas rendu publics ces documents-là,
il n'y a personne qui est capable de nous
dire — et
j'invite M. le ministre à le faire si vous êtes capable — où en est le Québec par rapport à l'atteinte
de son objectif de réduction de gaz à
effet de serre pour 2020. Il y a un objectif ambitieux. Le ministre est
maintenant ministre des Changements
climatiques. Peut-être qu'il a des documents à l'interne qui vont nous
rassurer, mais clairement nous, quand on fait l'analyse, on se dit que le Québec
n'est pas en voie d'atteindre son objectif 2020. Et ce qu'on dit, c'est qu'on
n'a aucun indicateur crédible. Même le bilan
de gaz à effet de serre de 2012 n'est pas publié au Québec.
La tendance des émissions pour 2020
n'est pas publiée au Québec. Le bilan du plan d'action qui terminait au
31 décembre 2012 n'est pas publié au Québec, final. On ne sait pas où va
l'argent dans le Fonds vert, et là on a d'autres projets qui s'ajoutent.
Donc,
c'est sûr qu'on peut parler de principes, à quel point... Et on en convient,
là, l'appareil gouvernemental et public
doit appliquer les principes de développement
durable dans son agir, ses actions,
mais il doit le faire aussi dans les politiques,
dans la vision, dans les programmes, dans la stratégie. Et c'est exactement
ça, le problème, on ne voit pas le lien entre la stratégie et ce qui se
passe sur le terrain.
Le
Président (M. Reid) :
Merci beaucoup de votre présentation. Nous allons maintenant
passer à une période d'échange avec
les membres de la commission, et je commence par le bloc gouvernemental, M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Écoutez, tout d'abord,
je pense que je vais essayer de faire
un petit recul, puis on va se rajuster un peu, là. La politique
du développement durable, telle qu'elle a été initiée, s'appliquait principalement à créer une
nouvelle façon de voir les choses puis de les étendre aux ministères
du gouvernement. La nouvelle stratégie qu'on a ici, comme vous le voyez,
veut maintenant s'étendre aux ministères et organismes. Je crois qu'il y a une évolution,
là — puis
j'espère que vous voyez ça, au moins — et la tendance est de l'étendre et l'agrandir d'une façon que je dirais
plus structurée, plus organisée. C'est peut-être compliqué au niveau du gouvernement. Greenpeace, c'est une plus petite organisation. Vous travaillez
dans le privé, ça va vite, on se vire de bord sur un cinq cents. Ici, c'est un peu plus compliqué, puisqu'il y a des
lois, il y a une législature, il y a une structure, il y a toutes sortes de paramètres de
sécurité qui nous empêchent de dériver facilement, etc. O.K.?
Par contre,
la perception, autant le gouvernement ne va pas assez vite que les organismes
environnementaux, eux, veulent
révolutionner le système, souvent au détriment de l'économie.
Quand vous parlez, en Gaspésie, que les gens, ils ne devraient pas en avoir, de cimenterie, bien,
allez les voir, ces gens-là, vous allez voir, ça va aller mal. Donc, il y a
un équilibre, puis ce que moi,
j'essaie de vous dire en commençant la discussion aujourd'hui, c'est que, des fois, il faut prendre le temps d'y réfléchir, il faut prendre le temps de regarder l'ensemble
des vecteurs, et souvent on a l'impression, entre autres chez Greenpeace, que les crapauds puis les
tortues sont plus importants que les humains. O.K.? Puis je vous donne
des perceptions parce que
peut-être que, des fois, là, vous savez, il faut prendre le
temps d'y réfléchir puis regarder ça. Ça
fait que moi, je vous dis : Vous avez des idées, vous avez des points de vue, je respecte tout ça, c'est bien. Mais, si on pouvait en discuter bien ouvertement puis
d'échanger de façon plus... — comment je dirais ça, donc? — avec moins de confrontation, avec moins de résistance, tout le monde y gagnerait.
Donc, je pense que ça, là, c'est une entrée de jeu qui, pour moi, est
très, très fondamentale.
Vous
avez beaucoup de crédibilité, et c'est tout à votre honneur, mais ça amène
aussi des responsabilités. O.K.? Puis, pour moi, c'est important, de la
même façon que nous, comme gouvernement, on a aussi des responsabilités. Je
n'essaie pas de nier ça puis je ne veux pas transférer la chaudière de l'autre
côté, mais je fais juste vous dire que ces éléments-là, ils doivent être
harmonisés, synchronisés, travaillés en collaboration, etc.
Donc,
vous nous arrivez avec des éléments... de pertinence, je pense que, des fois,
il va falloir le regarder puis l'étudier.
Mais, quand vous dites qu'on manque d'ambition, on manque de diversité, ça
devient très compliqué dans une société
de compétition, ça devient très difficile quand nos gens nous disent :
Bien, écoute, on se cherche des jobs, puis vous ne nous aidez pas, vous nous nuisez, en fait. Ça, c'est le
gouvernement qui a la responsabilité d'aider les gens à vivre. On n'entend pas ça chez vous, dire : Bien, écoute,
les jobs des gens, là, c'est important, il faut les créer, il faut les
supporter. Oui, je suis d'accord avec
l'économie verte, on est en train de la créer. En tout cas, moi, je vois dans
la volonté du ministre, les fonds
verts, les budgets qu'on alloue, de collecter de l'argent à partir des émissions de gaz à effet de
serre, de collecter des sous
pour la récupération des pneus, entre autres, des écrans d'ordinateur... Là, je
ne veux pas élaborer toutes les politiques, mais je vous dis juste qu'il y a
un phénomène évolutif, une dynamique qui est en train de se produire. Moi,
je vois qu'il y a beaucoup d'opportunités là-dedans.
Ce
que moi, j'aimerais vous entendre, c'est quelles seraient les priorités que
vous voulez développer. Vous avez
parlé de forêts originales ou de vieilles forêts que vous voulez préserver,
mais il n'y en a pas juste dans la vallée de Broadback
puis les Montagnes Blanches, là, des vieilles forêts. Comprenez-vous ce que je
dis? Ça, c'est des enjeux du jour qui
sont dans l'intérêt de Greenpeace de poursuivre ces objectifs. Mais, si on
prend l'image, puis je la recule, là, moi, je regarde le Québec, là, c'est plus grand que ça, c'est plus que ça. Je
veux vous entendre sur comment vous voyez ça puis qu'est-ce que vous préconisez comme développement. Donnez-nous des
éléments d'actions. Quels objectifs vous voulez en 2030? O.K.? Quand
est-ce... ou quelle date devraient être les émissions zéro? O.K.? Puis quelles
étapes, on devrait faire à travers ça? C'est
un peu les points sur lesquels j'aimerais vous entendre. Vous allez voir, ce
n'est pas si ésotérique que ça.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Merci, M. le député de Mégantic. M. Bonin ou M.
Mainville.
M. Mainville (Nicolas) : Je peux commencer. Sur les tortues ou l'ésotérisme? Je peux peut-être
répondre à quelques aspects, là,
c'est une question très large, là. Mais j'aimerais ça, par contre, qu'on
s'assure qu'on puisse interagir aussi avec M. le ministre parce que je pense qu'il y a eu des questions précises
qui ont été posées, puis ça serait intéressant qu'on ne prenne pas tout ce temps-là à discuter de
Greenpeace, mais qu'on ait aussi des réponses. J'espère, en tout cas, qu'on va...
Le
Président (M. Reid) : Écoutez, ce sont les députés qui décident
les questions qu'ils veulent poser, c'est moi qui leur donne la parole.
M. Mainville (Nicolas) : D'accord. On ose espérer que M. Heurtel prendra
un tour de parole. C'est sûr que la question des jobs est essentielle.
Puis je pense que vous l'avez vu, le rapport qu'on vous dépose là est très
succinct et vraiment ciblé sur quelques
enjeux. Il y a énormément d'enjeux à traiter. Par contre, nous, on considère
que, si on traite ces deux questions-là, on est gagnant sur bien des éléments,
incluant les jobs. La question de la biodiversité est centrale. Puis je pense que, si on regarde, par exemple, la
question de l'industrie forestière, on sait maintenant qu'on ne peut pas
faire d'aménagement durable des forêts sans préserver la biodiversité. On sait
que les jobs en région, les jobs en forêt nécessitent
une forme de protection de la biodiversité, nécessitent des aires protégées,
nécessitent une gestion durable de la
forêt. Et, lorsqu'on parle de jobs, bien, on parle surtout de s'assurer qu'on
est capables de vendre nos produits sur les marchés internationaux. Et on le voit de plus en plus, les grands
marchés, qu'est-ce qu'ils demandent à l'international, c'est des produits certifiés. Cette
certification-là environnementale assure, justement, qu'on va maintenir la
biodiversité. De quelle façon que ça soit? Bien, entre autres, en créant
des aires protégées.
Et,
lorsqu'on parle d'équilibre, je trouve ça intéressant que vous souligniez la
question de la Gaspésie. Allez en Gaspésie
actuellement, l'industrie forestière est pratiquement inactive. Il y a eu
énormément d'exploitation. Maintenant, qu'est-ce
qui fait rouler la région? Bien, c'est le parc, puis c'est la réserve faunique,
puis c'est... Tu sais, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de rentrées économiques sur des enjeux comme la
protection de la biodiversité à long terme. Et c'est deux mondes qui sont complémentaires, ce n'est pas
un ou l'autre. Oui, il faut exploiter la forêt. Oui, il faut créer des jobs
en coupant la forêt. Mais il faut s'assurer
que l'équilibre soit rétabli. Nous, ce qu'on dit dans ce cas-ci, c'est que
5 % de forêts protégées au Québec, ce n'est pas ça, l'équilibre.
Puis on est capables de le ramener, puis ça va bénéficier non seulement à la biodiversité, mais ça va assurer en
plus qu'on aura une gestion durable de nos forêts et que l'industrie pourra
profiter de ça à long terme.
Et
c'est là la question. Je pense que d'opposer les crapauds puis les humains, là,
je suis désolé, là, mais il faut faire attention
à ce qu'on dit. Au contraire, on pense que les deux vivent ensemble et doivent
vivre ensemble. Ce n'est pas un ou l'autre, c'est les deux
conjointement.
• (16 h 40) •
M. Bonin (Patrick) :
Oui. Bien, écoutez, je suppose que
c'était un petit peu — comment dire? — du deuxième degré votre comparaison
crapauds, et tortues, et opposition environnement, là. Je pense que Greenpeace
a un rôle. Vous le comprenez bien, vous avez un rôle également. On est parfois
en confrontation, parfois en collaboration. Ça adonne qu'actuellement on n'a pas de collaboration avec le gouvernement, on le
dit ouvertement. Nous, la porte est toujours ouverte, mais il faudra, de votre côté, peut-être décider
d'interagir avec Greenpeace si vous voulez parler de collaboration. On profite
quand même de cette tribune-là pour parler des priorités
C'est
relativement simple, les priorités
pour le Québec. Le Québec a un plan
d'action de lutte aux changements climatiques
sur la table, vous l'avez sorti. Votre gouvernement, du moins, avant d'être réélu,
le gouvernement précédent que vous
aviez. Ce plan-là, on ne sait même pas qu'est-ce qui a été mis en place, où on
est... et c'est le plan de lutte aux changements
climatiques 2013-2020, qui s'appelle phase I. Et il y a une phase I, et on ne
sait pas où c'en est, la phase I, première
chose. Donc, on ne sait pas si Québec est en voie d'atteindre ses objectifs de
réduction de gaz à effet de serre. Et
ça, c'est reconnu mondialement, la science, elle est très claire, il faut
réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Les pays industrialisés, c'est environ zéro émission
de gaz à effet de serre en 2050, si on généralise, pour les pays
industrialisés, par la suite les pays
en développement, et on arrivera au niveau mondial à peu près en 2070
idéalement à zéro émission si on est
sérieux et on veut limiter le réchauffement à 2° C. Donc, si la première
étape, c'est... Bien, en fait, c'est la deuxième étape, disons, 2020, pour le Québec. Il faut qu'on sache si on est en
voie de l'atteindre, il faut qu'on sache si on est en bonne voie pour atteindre nos objectifs de 2050,
qui est environ zéro émission. Donc, la première chose à faire, où on en
est pour le plan d'action lutte aux changements climatiques.
Deuxième
chose, vous êtes censés sortir une phase II de ce plan d'action là parce que le
premier plan n'avait pas suffisamment
de mesures pour atteindre l'objectif en 2020. Donc, la phase II, on espère...
Et le ministre a mis un comité en
place, aviseur, sur lequel il y a, entre autres, des groupes écologistes. Greenpeace
n'est pas là, mais on espère qu'on va avoir
une phase II bientôt ou un mécanisme quelconque qui va nous amener à proposer
des solutions concrètes, qu'on connaît,
pour la plupart, au Québec. Ou du moins on sait il est où, le problème, il faut
investir dans le transport en commun, il faut investir dans
l'électrification des transports. Il faut avoir un plan, essentiellement pour
limiter et réduire notre consommation de
pétrole, et c'est beaucoup le transport des marchandises aussi, et il y a une
panoplie de choses à faire, passant
de l'efficacité énergétique à autre. Et on pourrait passer les
45 prochaines minutes à parler des solutions, et il y en a
beaucoup.
Donc, on n'est pas en
mode opposition. On n'est pas pour les crapauds, les tortues plus que les
humains. Les changements climatiques, c'est des millions de personnes à travers
le monde qui vont être affectées, qui sont déjà affectées. On parle de millions de personnes qui risquent de ne plus
avoir accès à l'eau potable, de ne plus avoir accès à la nourriture, de
souffrir de malnutrition. On parle de 300 milliards par année — ça,
c'est le programme des Nations unies — 300 milliards par année, le coût des
changements climatiques en 2050. Ça, ce n'est pas 300 milliards de dollars
parce qu'il y a des tortues et des crapauds
qui vont être affectés. Donc, c'est correct, là, de lancer une tirade crapauds,
tortues, là, mais soyons sérieux, regardez
ce que Greenpeace fait au niveau international, ce qu'on sort comme révolution énergétique. On travaille avec plusieurs
gouvernements, que ce soit en Europe, que ce soit aux États-Unis, un petit peu
partout sur la planète. On a déjà travaillé
avec le gouvernement du Québec, ça va nous faire plaisir de travailler. Mais on
n'est pas juste en confrontation, et je pense
que c'est un petit peu réducteur que de nous mettre dans cette petite case là.
Le Président (M.
Reid) : Est-ce que j'ai une autre question? M. le député de
Dubuc, deux minutes.
M. Simard (Dubuc) : Merci, M. le
Président. Combien?
Le Président (M. Reid) :
Deux minutes.
M.
Simard (Dubuc) : Deux minutes. Bon, ça va être comme la cerise sur le
sundae. M. Mainville, je vous entends aujourd'hui
et puis je voulais vous dire que moi, j'habite dans une région qui est
extrêmement touchée par vos décisions, par
vos orientations au niveau de la forêt. Je vous entendais tout à l'heure
protéger... puis que les gens sont capables de vivre proche des parcs. Vous irez parler à des petits villages. Moi qui
demeure le long des parcs, vous allez voir comment ils vivent bien. Ils
ont extrêmement de la difficulté à gagner leur pain. Ils ont de la difficulté
même à avoir, je vous dirais, des activités
à l'intérieur du parc. C'est incroyable. Vous irez les rencontrer, je vous
invite à y aller. Puis je ne ferai pas de procès, mais je vais juste
vous inviter à aller les rencontrer.
Maintenant,
par rapport aux orientations que vous donnez dans votre proposition, à l'effet
que, bon, Greepeace recommande — c'est la recommandation
n° 1, là — que
toutes les planifications des grands projets et les grandes orientations de l'État soient élaborées en
fonction des principes de la Loi sur le développement durable, vous savez comme
moi que, bon, le gouvernement précédent,
également le gouvernement qu'il y a eu avant a essayé, mais il n'a pas réussi,
le ministre non plus... faire une loi sur
les mines. La Loi sur les mines, maintenant — ça va être la même chose au niveau des hydrocarbures, là — ça prend... D'abord, premièrement, il y a
des études environnementales qui sont faites, des études stratégiques
environnementales qui sont demandées, il y a des BAPE qui sont demandés, qui
sont même obligatoires maintenant, et il y a
une foule de nécessités, lorsqu'il y a un grand projet, de fournir, pour que la
population soit bien au fait et que l'acceptabilité sociale soit là...
Par rapport à vos recommandations, vous venez ici pour nous parler...
Le
Président (M. Reid) : M. le député, si vous voulez leur laisser
30 secondes pour répondre, il faudrait s'arrêter.
M. Simard (Dubuc) :
Non, mais par rapport à... Vous venez ici pour nous parler de développement
durable, puis, dans vos propositions
ou vos recommandations, très souvent, si on fait le tour de l'acceptabilité
sociale dans les villages où vous
voulez qu'on arrête de couper dans le bois, là, vous allez voir que
l'acceptabilité sociale, elle ne sera pas là. Ce n'est pas ça, le
développement durable. J'aimerais vous entendre peut-être 15 secondes. Merci,
M. le Président.
Le
Président (M. Reid) :
Vous n'avez pas beaucoup de temps... Oui, je vous laisse la parole
quelques instants, mais le temps est écoulé, en fait.
M.
Mainville (Nicolas) : Bien, je
vous invite peut-être, M.
Simard, à vraiment lire ce qui est écrit. On ne dit pas d'arrêter de couper dans le bois, premièrement, on
dit qu'il y a place à l'équilibre entre l'exploitation et la conservation.
Pour l'instant, cet équilibre-là n'est pas
là. Est-ce que vous êtes prêt à reconnaître qu'il n'y a pas cet équilibre-là?
Je crois que tout le monde ici, autour de la table, reconnaît qu'il y a
un grand manque à gagner en termes d'aires protégées au Québec. Il faut le faire, ça fait partie des objectifs du gouvernement,
de toute façon. On a repoussé nos cibles à plusieurs reprises. Maintenant, est-ce que cette
stratégie-là va répondre à cette lacune-là? Pour l'instant, nous, on considère
que non, malheureusement.
Le
Président (M. Reid) : Merci. On va mettre fin au groupe
gouvernemental. Je passe maintenant la parole au porte-parole de l'opposition
officielle, M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. Bonin, M.
Mainville, merci d'être ici. Merci d'avoir pris le temps de faire ce
mémoire. Parce que je devine par vos propos — peut-être vous pourrez me
corriger — que
vous vous êtes posé des questions à savoir
si ça valait la peine, dans le fond. Parce que j'ai l'impression que vous
trouvez que la stratégie ne va pas
assez loin, la stratégie est juste une réédition de la stratégie précédente, qu'il
n'y a pas vraiment de différence
marquée pour la suite des choses. Alors, moi, je veux vous remercier d'avoir
fait ce travail-là puis de venir nous le présenter.
Et, en tout
cas, moi, je veux témoigner de l'ouverture que vous manifestez aussi pour trouver
des solutions puis pour discuter avec des communautés. Je sais que ce
n'est pas toujours facile, je sais qu'on fait souvent face à des travailleurs qui sont inquiets pour avoir leur
salaire, leur emploi. Je suis très, très, très conscient de cela parce que je
suis moi-même député d'une communauté, d'une circonscription où il y a
des enjeux reliés à l'avenir de la forêt puis à l'industrie forestière et je
pense que le Greenpeace de 2014, de 2015 est un Greenpeace d'ouverture et de
discussion, beaucoup moins extrémiste que
pouvait l'être le Conseil du patronat cet après-midi, là, par rapport au
développement des régions. En tout cas, je l'ai encore dans la gorge,
là, leur présentation, mais, bon, je ne veux pas déraper là-dessus.
Ce que je comprends de ce que vous proposez,
c'est que, pour vous, la stratégie de développement durable devrait servir, au fond, d'un genre de grille
d'analyse qui permet d'évaluer les projets qui se présentent au Québec, que
ce soit... Bon, vous avez parlé d'Énergie
Est, je sais que vous parlez de Port-Daniel, il pourrait y en avoir d'autres
qui se présentent. Et, pour évaluer,
d'une certaine manière, la pertinence, pour savoir si, comme collectivité, on
va de l'avant avec tel projet, bien,
il faut répondre à cette grille d'analyse. C'est un peu comme ça que vous le
voyez, et je comprends de vos propos
que vous trouvez que ce n'est pas ça qu'on a devant nous présentement. Vous
pourrez me confirmer si ma compréhension est bonne ou non.
Deuxième
élément sur lequel je veux vous entendre dans un premier temps, c'est une
question que le ministre a posée
souvent dans ses interventions précédentes : Comment on peut s'assurer
d'intégrer dans la stratégie de développement durable l'enjeu de la
lutte aux changements climatiques de façon beaucoup plus concrète? Je sais que
vous avez... La recommandation 8, là, vous
avez un certain nombre de picots qui découlent de cela, bon, sur la question
des échéanciers, la
publication, la transparence, etc., mais je voudrais vous entendre un peu plus
là-dessus pour qu'on puisse, nous, faire des recommandations au gouvernement, au ministre comme parlementaires
pour intégrer davantage cet enjeu de lutte aux changements climatiques
qu'on ne peut plus considérer en vase clos dans le contexte du développement
durable.
Le Président (M.
Reid) : M. Mainville.
• (16 h 50) •
M.
Bonin (Patrick) : Bien, peut-être, d'emblée, sur cette question-là,
justement, des picots ou des points qui ont été mentionnés par rapport à la lutte aux changements climatiques,
actuellement on n'a pas de tableau de bord au Québec qui nous permet de dire comment ça va, est-ce que nos
investissements sont bien faits dans la lutte aux changements climatiques, est-ce
qu'on est en voie d'atteindre nos objectifs ou pas d'ici 2020. Nous, on est
convaincus que non et on n'est pas les seuls. On n'est pas en voie de
savoir l'argent qui a été dépensé, où elle a été dépensée, du moins une partie
de l'argent. Et, en temps réel ou presque, là, ça devrait être le cas. Et
ça, même gouvernement fédéral publie à tous les ans une tendance des émissions de gaz à effet de serre. Et ça, on sait
clairement que le gouvernement fédéral va manquer son objectif.
Et l'idée, c'est qu'à
partir du moment où il n'y a pas de transparence, à partir du moment où on met
de l'argent — on va devoir mettre 3 milliards dans les prochaines années en lutte aux
changements climatiques, et ça va être encore
plus après — bien,
on risque en plus de créer une situation où les gens se demandent où va l'argent,
à quoi il sert, les gens ne veulent
plus investir dans la lutte aux climatiques ou ne soient pas réceptifs s'il n'y a
pas de transparence, de reddition
de comptes qui se fait adéquatement.
Et,
actuellement, il y a eu deux rapports du Commissaire au développement durable sur le plan
d'action de lutte aux changements
climatiques, les deux rapports étaient critiques. Il y a eu des améliorations,
on en convient, mais encore on n'a pas de bilan au niveau des émissions de gaz
à effet de serre, le portrait, là.
C'est quoi, les émissions de gaz à
effet de serre au Québec, on n'a pas de bilan à date fixe. Au fédéral, ils
l'ont, ils ont sorti pour l'année... Pour l'année 2012, c'est en avril 2014 qu'ils l'ont sorti. Au Québec,
on n'a pas encore le bilan qui... On appelle ça l'inventaire des émissions
de gaz
à effet de serre, on ne l'a pas. Le
bilan du plan d'action de lutte aux changements climatiques, on n'a même
pas le final. Et ça, si on n'a pas ces outils-là, c'est... Il
faut que ce soit traduit à travers des indicateurs et qu'on sache pas si les
émissions du Québec sont en descendant, on sait qu'elles sont en
train de descendre. Est-ce qu'elles sont réduites assez rapidement?
C'est ça, la question par rapport à notre objectif, par rapport à ce qu'on doit
faire, et ça, on ne l'a pas.
M. Mainville (Nicolas) : Juste rajouter quelque chose. En fait, la question est tout à fait pertinente, est-ce que cette stratégie-là peut servir de filtre, un peu?
C'est ce qu'on propose, là, de dire, à chaque fois qu'il y a un projet qui est
proposé, d'imposer le filtre du
développement durable. Pourquoi qu'on propose ça? C'est parce qu'on le sait,
puis peut-être parce qu'on a étudié
longtemps là-dedans pour avoir fait des maîtrises et baccalauréats là-dessus,
c'est que le développement durable,
c'est la conclusion de nombreuses décennies d'échec d'un modèle qui ne
fonctionne pas. Puis là on arrive avec un
modèle qui dit : Il faut absolument rétablir un équilibre entre les trois
facettes du développement, que ça soit social, environnemental, économique. Si on impose ce filtre-là, ce n'est pas
pour opposer l'économie, ce n'est pas pour dire : Non, on ne veut pas que les compagnies fassent des
profits à court terme, c'est pour dire : Est-ce que, pour la société, on va vraiment être gagnants? Est-ce qu'on va
vraiment permettre que l'ensemble de ces facettes-là soient... qu'il y ait un
bénéfice pour ces facettes-là? Puis nous, on
constate qu'il y a des projets actuellement sur la table qui échouent le test
du développement durable, mais qui passent, et puis il va falloir qu'on se
donne un outil au gouvernement pour dire : Il faut éviter ce genre de projets là parce qu'on est tous perdants si
ce n'est pas du développement durable, et pour la société, et pour
l'économie, et pour l'environnement. C'est là qu'on en est.
Le Président (M.
Reid) : 1 min 30 s.
M.
Gaudreault : Oui. Bien, je comprends qu'un des moyens que vous
voyez pour intégrer davantage la lutte aux changements climatiques dans cette stratégie, c'est, entre autres, de
tenir compte — bien, un
peu comme on l'a fait dans la motion
qu'on a adoptée à l'unanimité sur TransCanada le 6 novembre — d'intégrer une évaluation globale de l'émission
des GES même en amont des projets. Si on
prend l'exemple d'Énergie Est, bon, bien, la production de sables
bitumineux en Alberta, ce n'est pas
désincarné, là, il n'y a pas un mur jusqu'à la stratosphère, là, entre
l'Alberta puis le Québec, je veux dire,
il va y avoir une émission de GES, là. Donc, ça, je pense, c'en est un, moyen
de tenir compte de la lutte aux changements climatiques dans la
stratégie. Oui ou non?
M.
Bonin (Patrick) :
Clairement, Barack Obama le fait pour le projet de pipeline Keystone XL, il
regarde les émissions. Il n'a pas
encore pris sa décision là-dessus, mais il considère quand même les émissions en
Alberta. Oui, c'est quand même une compétence provinciale au niveau des
émissions, on en convient. Mais, en l'absence de l'Alberta qui est sérieuse dans la lutte aux changements
climatiques, en l'absence du fédéral qui est là pour regarder, est-ce que
Québec ne regardera même pas les émissions? On pourra avoir le débat c'est quoi...
est-ce que c'est 7 millions de véhicules, est-ce que ça
va se faire, de toute manière, cette expansion-là. Ayons-le, le débat, mais ne l'évacuons pas, et la
crédibilité du Québec est assise là-dessus. 7 millions de
véhicules, ce n'est pas rien. Donc, oui, c'est un enjeu, et c'est la même chose pour tout. On parle beaucoup de l'analyse complète du cycle de vie. Ça en
fait partie, de ça. On parle de l'analyse complète du cycle de vie pour les carburants également, et
ça, le Québec devra le faire à partir du moment où on a les
sables bitumineux qui arrivent aussi, là.
Le Président (M. Reid) : Merci
beaucoup. Je passe maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe
d'opposition, M. le député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel : Merci, M. le Président. Bonjour, vous deux. Je vous amène à la recommandation n° 3. Ça fait plusieurs
fois que je parle, là, dans différentes instances de la cimenterie Port-Daniel,
que et le Parti québécois au pouvoir et le Parti
libéral au pouvoir ont autorisée, ont
appuyée. Il existe déjà beaucoup d'outils, par exemple un BAPE, par exemple des études financières. Expliquez-moi comment votre recommandation, votre libellé peut faire en sorte qu'un gouvernement va tenir compte... ou va avoir les mains attachées
dans une situation comme ça.
M. Bonin
(Patrick) : Je peux y aller.
Bien, déjà, d'emblée, il y aurait eu un BAPE. Ça, ça aurait été la première
chose. Donc, il y aurait eu une évaluation environnementale de l'impact...
Pardon?
M.
Martel : Comment? Pourquoi
qu'il y aurait eu un BAPE?
M. Bonin
(Patrick) : Bien, parce que,
pour savoir si les projets passent la grille du développement durable, il faut
les évaluer. Et le projet de la cimenterie
de Port-Daniel n'a pas été évalué par
rapport aux émissions de gaz à effet de serre. Vous connaissez
l'histoire très bien, ça n'a pas été évalué. Donc, c'est la première étape,
c'est d'évaluer les projets correctement, avec l'ensemble du cycle de vie
idéalement. Donc, ça, c'est la première chose, c'est certain.
Après ça, au
niveau du financement, est-ce que... Tu sais, il y a beaucoup... il y a des
centaines de millions, là, en termes
d'investissement. Il y a plusieurs instances, j'en conviens, mais c'est quand
même des investissements majeurs qui
auraient pu être faits dans d'autres types de projets. Parce que, si on avait
regardé les émissions de gaz à effet de serre, on se serait dit : Un instant, 2 millions de tonnes de gaz à
effet de serre par année au Québec, ce n'est pas rien, là, c'est quasiment 500 000 véhicules de plus sur
les routes, donc on défait d'une main ce qu'on est en train de faire de
l'autre, et clairement il y aurait eu
plusieurs drapeaux rouges qui auraient été levés et il y aurait eu, à tout le
moins, une évaluation de quelles sont
les autres options d'investissement qu'on pourrait faire dans quelque chose de
durable. Des discussions, des débats,
des forums auraient pu se faire en Gaspésie sur, si on a à investir dans des
technologies de l'avenir ou dans une vision
de développement, qu'est-ce qu'on ferait avec cet argent-là qui,
malheureusement, est allé dans brûler du pétrole de coke, qui est pire
que le charbon, même.
Le Président (M. Reid) : M.
le député de Groulx.
M.
Surprenant : Merci, M. le Président. Mon collègue d'en face, tantôt, a
parlé, là, de la forêt, la déforestation, qu'on comprend bien qu'on a besoin d'arbres pour produire du bois pour
construire des maisons, et tout, mais il y a quand même un potentiel de la forêt, quand même, des
arbres au niveau de la lutte contre les changements climatiques. Et on parle beaucoup de crédits compensatoires
actuellement, moi, je pense qu'il y aurait peut-être des efforts à faire plus
près des gens pour montrer que le
gouvernement, finalement, veut montrer l'exemple et soit catalyseur au niveau,
là, de ces crédits compensatoires là.
Et je regarde le bord des autoroutes, par exemple, il y aurait de la place pour
planter des arbres qui pourraient, en même temps, aussi servir... Bon,
il pourrait avoir des crédits compensatoires qui pourraient être générés par ça. Il y aurait aussi un double effet,
finalement, parfois de réduire les vents, de diminuer le risque de gel des
routes aussi. Donc, il y a une visibilité plus rapprochée des gens, et donc je
pense qu'il y aurait peut-être lieu pour le gouvernement
de poser des gestes peut-être pas d'éclat comme vous en posiez autrefois,
peut-être encore dans certains cas,
mais de poser des gestes, là, d'impact pour démontrer qu'ils veulent prendre
pied au niveau, là, de la compensation de crédits carbone et de la
reforestation.
Donc, est-ce
que vous auriez d'autres idées? Et qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là,
au niveau de poser des gestes plus de
proximité au niveau du gouvernement pour démontrer l'importance, finalement, de
la lutte aux changements climatiques?
M.
Mainville (Nicolas) : Oui. En
fait, c'est un bon exemple de comment qu'on peut changer un peu de paradigme.
Là, ce qu'on est en train de regarder au
niveau forestier québécois, c'est d'aller chercher des volumes de bois en
termes de quantité le plus vite
possible et, malheureusement, le plus loin qu'on peut parce qu'on est rendu,
dans certains secteurs, accoté sur la
limite nordique. Je ne sais pas si vous connaissez la limite nordique, c'est à
peu près le 51e, 52e parallèle. C'est
la limite qu'on a fixée où est-ce qu'on sait que, si on va plus loin, ce n'est
plus vraiment rendu rentable de couper les
arbres parce qu'ils sont trop petits, ils ne poussent pas vite, ils sont trop
épars, puis ça coûte trop cher pour aller les chercher. Donc là, on est
accoté dans ces régions-là, et c'est justement des régions qu'on se dit :
Il faudrait peut-être les protéger à la
place parce que ça s'adonne que ces régions-là, c'est aussi le plus gros
réservoir de carbone terrestre au monde.
Il y a plus de carbone dans cette forêt-là, la forêt boréale, qu'en forêt
tropicale parce que le carbone s'accumule année après année, il ne se décompose pas, contrairement à en forêt
tropicale. Donc, pourquoi qu'on ne protégerait pas ces secteurs-là puis
qu'on ne concentrerait pas, justement, l'exploitation dans des zones plus
rapprochées?
Il y a déjà
un projet de forêt de proximité, mais d'investir massivement pour rapprocher
les opérations forestières, laisser les
zones vierges... Et les cas de ligniculture comme vous parlez existent déjà,
mais ils sont encore très marginaux. Il
y a moyen d'investir dans ces genres de projets là, diversifiés. Puis c'est
aussi qu'il faut qu'on considère la forêt comme étant autre chose qu'un champ d'arbres ou des mètres cubes de bois. Il y
a toutes sortes de produits qu'on peut sortir de la forêt. Si on pense, par exemple, aux produits
forestiers non ligneux, il y a toute une émancipation de ce marché-là
actuellement. Les plantes médicinales,
les petits fruits, les champignons, là, pensez-y, là, il y en a, toutes sortes
d'options, et ça, c'est du
développement économique régional basé sur autre chose que des quantités de
bois à sortir le plus rapidement possible pour des profits de multinationales à court terme. Lorsqu'on pense à
développement durable, c'est là qu'on rentre dans ces genres d'options
là.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Merci beaucoup. Je passe
maintenant au bloc réservé aux députés indépendants. Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques.
• (17 heures) •
Mme
Massé : Merci. Alors, comme le disait mon collègue de Mégantic, la crédibilité vient avec les responsabilités.
Je pense que le gouvernement du Québec a su,
au tournant du XXIe siècle, s'imposer, hein, a été créatif avec sa loi, avec
ses différentes stratégies, mais là on se
retrouve plusieurs années plus tard, et vous nous dites, vous, gens de la société civile
qui nous regardez aller, vous nous dites : Il faut imposer le fil du développement durable à l'ensemble du développement au Québec, y
incluant le développement économique. Pas pour le tuer, mais pour le
responsabiliser, pour qu'on puisse garder notre crédibilité.
Vous avez
parlé de différents outils, indicateurs, tableau de bord, etc. Je me demandais,
est-ce que, si on intégrait une
clause d'impact où chacun des choix qui sont faits pourrait être un des outils...
bien, comme on l'a, d'ailleurs, sur la loi pour la lutte à la pauvreté,
est-ce que ça pourrait être un outil intéressant pour vous, ça?
M. Bonin (Patrick) : Pouvez-vous
préciser? Clause d'impact, pour moi, ce n'est pas clair.
Mme
Massé : C'est-à-dire qu'à l'intérieur d'une loi on détermine une
clause où on doit se mettre à l'écoute du développement durable dans l'ensemble
de nos choix, législatifs, de programmes, de coupes, etc. Donc, c'est l'impact
que les choix qu'on fait comme gouvernement... C'est ça. C'est ça, une clause
d'impact.
M. Bonin
(Patrick) : Bien, encore une fois, je pense que, si, autant au niveau
de la biodiversité que de la lutte aux
changements climatiques, on a un cadre précis, si on a des objectifs précis,
tous les projets, il va falloir qu'ils rentrent dans une petite case et là, en calculant l'impact, est-ce que ça fait
qu'il faut qu'on enlève quelque chose dans cette case-là, donc on
réduise, par exemple, nos émissions ailleurs parce qu'on les augmente au niveau
du transport en favorisant l'élargissement
d'une autoroute, par exemple, ou au niveau industriel. Donc, dans ma tête,
c'est : Si on est clair, on a des balises et on est capables de
suivre une évolution, on va le savoir rapidement si cet impact-là est acceptable
ou pas.
Il faut faire
attention à la compensation aussi, là. On est en voie d'acheter beaucoup de
crédits de compensation en Californie
parce qu'on ne réduit pas dans les transports. Donc, c'est de l'argent qui part
du Québec qui s'en va possiblement en
Californie, alors qu'on a un besoin criant et des coûts-bénéfices à réduire les
émissions, à améliorer la qualité de l'air en réduisant la consommation
de pétrole, par exemple.
Mme
Massé : Vous avez parlé beaucoup de transparence, de l'accessibilité
de documents, etc. Plusieurs intervenants sont venus nous parler de la nécessaire transformation de la loi de
l'accès à l'information, j'aimerais vous entendre dans le...
Le Président (M. Reid) : 20
secondes qu'il reste.
Mme Massé : ...20 secondes qu'il
nous reste.
M. Bonin
(Patrick) : Écoutez, je pense que ça a été une expérience
particulière, le cas des bélugas avec Cacouna, là, où on a vu clairement qu'il faut aller en cour, dans une certaine
mesure, pour avoir les documents, pour savoir de quoi il en retourne des
projets, qu'est-ce qu'obtient, qu'est-ce que présente l'entreprise. La loi
d'accès à l'information, actuellement, pour
les projets, c'est extrêmement pénible, c'est extrêmement compliqué. Et,
là-dessus, je pense qu'on a tous à
gagner, et le ministère aussi et le gouvernement, à ce qu'il y ait une
transparence et qu'on puisse, justement, avoir du feedback, des
commentaires de la société civile et autres experts sur les projets au Québec.
Le Président (M. Reid) : M.
Bonin, M. Mainville, merci pour votre contribution.
Je
suspends les travaux de la commission pour quelques instants, le temps pour nos
prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 5)
Le
Président (M. Reid): À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à nos invités d'Éco Entreprises Québec. Je
vous demande de bien vouloir, d'abord, vous présenter, présenter les personnes qui vous
accompagnent et, ensuite, prendre une dizaine de minutes pour votre
exposé. Je vous ferai un signe lorsqu'il restera une minute, et, par la suite,
nous passerons à 35 minutes d'échange avec les membres de la commission. Alors,
je vous cède la parole, allez-y.
Éco Entreprises Québec
(EEQ)
M. Brisebois (Denis) : Alors, mon
nom est Denis Brisebois. Je suis président du conseil d'administration d'Éco Entreprises.
Mme
Vermette (Maryse) : Bonjour.
Mon nom est Maryse Vermette. Je suis la présidente-directrice générale d'Éco Entreprises Québec.
Mme
Bussières (Virginie) :
Bonjour. Virginie Bussières, directrice des communications et des affaires
publiques chez Éco Entreprises Québec.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Bien.
M.
Brisebois (Denis) : Alors, M. le président de la commission, M. le
ministre, Mmes et MM. les parlementaires, alors,
comme je vous disais d'entrée de jeu, je suis le président du conseil
d'administration d'Éco Entreprises depuis bientôt
six ans. Alors, nous vous remercions, évidemment, de nous avoir permis de
témoigner devant vous aujourd'hui. Nos activités sont directement en
lien avec le développement durable ainsi que de l'orientation n° 2 de la
stratégie gouvernementale, à savoir de
développer une économie prospère d'une façon durable, verte et responsable.
Alors, à titre de vice-président
aussi de Metro, une entreprise qui est contributrice à Éco Entreprises, je
connais très bien, évidemment, le
rôle fondamental que jouent les entreprises qui contribuent financièrement à la
collecte sélective des matières recyclables et, par le fait même, à l'économie verte du Québec. Par contre, notre
rôle est, malheureusement, trop souvent méconnu, malheureusement.
Voici quelques chiffres simplement pour vous
illustrer l'importance de la contribution des entreprises. Alors, depuis 2005, les entreprises ont versé pour le
financement de la collecte sélective près de 1 milliard de dollars, soit
135 millions en 2014, ce qui a
permis de récupérer à peu près l'équivalent de 5 millions de tonnes de
matières recyclables. Donc, juste pour
vous donner une idée, 5 millions, c'est à peu près l'équivalent de 45
stades olympiques remplis au complet. Alors, c'est peu dire. Et on parle
ici de 2 millions de tonnes de GES évités. Alors, au-delà de cette
contribution financière, Éco Entreprises
Québec et les quelque 3 000 entreprises qu'elle représente jouent aussi un
rôle stratégique en allant au-delà de
nos obligations légales. Alors, les entreprises québécoises participent donc
proactivement et investissent pour avoir une économie plus verte et durable parce qu'elles y croient, évidemment.
Alors, c'est rare dans le contexte d'austérité actuel, et ça mérite
d'être encouragé par un gouvernement qui a identifié l'innovation et l'économie
verte parmi ses priorités.
Rappelons-nous le discours inaugural, lors
duquel le premier ministre a dit qu'il fallait allier l'économie et l'environnement. Eh bien, c'est précisément
l'approche que nous avons adoptée hier lors de notre tout premier forum sur
l'optimisation de la collecte sélective au
Québec ayant pour thème Matières à solutions, où plus de 200 acteurs se sont
présentés. Ce forum s'est avéré un réel
succès et marque le point de départ d'une volonté réelle de passer à l'action
pour améliorer l'efficacité et la performance de la collecte sélective
au Québec.
Nous sommes
donc très fiers de l'opportunité qui nous est donnée aujourd'hui. Vous tracez
les grandes lignes des conclusions de
la journée. Nous espérons que les recommandations qui en découlent sauront
alimenter le projet de stratégie de développement durable 2015-2020, et
particulièrement l'orientation 2.
Sachez, en
terminant, que nous sommes des joueurs essentiels et une industrie mobilisée,
proactive et prête à agir collectivement. Alors, je cède la parole à
Maryse, notre présidente-directrice générale.
• (17 h 10) •
Mme
Vermette (Maryse) : Merci,
Denis. Bien, merci infiniment de nous accueillir. C'est un privilège d'être
devant vous aujourd'hui. Alors, bien,
comme Denis vient de le mentionner, nous voulons travailler avec le
gouvernement et les acteurs concernés
pour soutenir et renforcer l'industrie verte de la collecte sélective. Alors,
dans notre mémoire, nous vous soumettons des propositions visant à
bonifier la stratégie québécoise de développement durable et les orientations qui y sont fixées. Ces propositions sont basées
sur 10 ans d'expérience ainsi que sur le travail effectué au cours de la
dernière année. Alors, en effet, on a procédé, avec une collaboration très
étroite avec KMPG-Secor, à l'identification de stratégies d'optimisation
de la collecte sélective au Québec.
Alors,
optimiser la collecte sélective, bien, pour nous, c'est un élément essentiel au
développement d'une économie prospère,
durable au Québec. Quand on parle d'optimisation, qu'est-ce que ça veut dire, ça, l'optimisation? On parle au départ de
coordonner l'action des partenaires de la chaîne de valeur — cette
chaîne de valeur là, c'est les fabricants d'emballages,
les entreprises contributrices, les opérateurs de collecte, de
tri, les centres de tri, effectivement, les conditionneurs,
les municipalités, RECYC-QUÉBEC — afin
d'obtenir des cibles que l'on veut atteindre dans le futur, c'est-à-dire avec un horizon de 2023. Alors, pour
ça, il faut améliorer la performance du système — alors, on parle d'augmenter les quantités de matières récupérées
de 800 000 tonnes en 2013 à 1 million en 2018 et 1,2 million en
2023; améliorer la qualité de la
matière — ça, vous
en avez entendu beaucoup parler, c'est un sujet sensible; et il faut réduire
les contaminants de la matière récupérée de
moitié d'ici 2023; il faut améliorer la recyclabilité de la matière, alors
augmenter le taux de recyclage. Ça,
c'est important, les citoyens mettent des matières dans le bac de récupération,
il faut s'assurer que ces matières soient bel et bien récupérées, puis
améliorer l'efficacité du système.
Avec nos
analyses, on est arrivés à la conclusion qu'on pouvait, comme cible, au Québec,
se donner une réduction de coûts
annuels de collecte et de tri de 20 % d'ici 2018 — là, on parle d'à peu près 40 millions
de dollars — et de
35 % d'ici 2023, environ 100 millions de dollars. Et ça a été
fait, là, dans un esprit relativement conservateur.
Alors, nous
proposons de bonifier la stratégie gouvernementale en y ajoutant quatre
éléments. Premièrement, dans sa
stratégie, le gouvernement fixe comme objectif de favoriser l'investissement et
le soutien financier pour appuyer la transition
vers une économie verte et responsable. Ça, c'est l'objectif 2.3. Alors, un
élément essentiel à l'atteinte de cet objectif,
c'est se doter d'une stratégie pour la modernisation des centres de tri au
Québec. Comment le gouvernement, justement,
peut appuyer cette stratégie de modernisation? C'est adopter des mesures
économiques et fiscales soutenant la modernisation des centres de tri
par l'achat de nouveaux équipements et aussi la formation de la main-d'oeuvre.
Il faut
donner aussi un signal clair que la matière visée restera dans le bac de
recyclage. Alors, hier, lors de notre forum,
beaucoup d'acteurs de la chaîne de valeur nous ont fait part qu'il y a un
certain climat d'incertitude concernant les
matières qui sont visées et aussi, bien, les matières qui pourraient, un jour,
ne plus se retrouver dans le bac de récupération.
Alors, on fait ici, entre autres, référence au fameux débat, là, de la consigne
des bouteilles de vin. Alors, le
verre est un exemple d'une matière nécessitant des investissements tant dans
les équipements dans les principaux centres de tri du Québec, ainsi que la diversification des débouchés. Il faut un
signal clair du gouvernement que les investisseurs puissent investir
dans l'avenir dans leurs équipements.
Les
ministères ont également un rôle à jouer pour soutenir la demande de produits
issus de la chaîne de valeur. Ce rôle
passe notamment par la coordination de l'action gouvernementale. Par exemple,
en tant que donneur d'ordres, si on
reste dans l'exemple du verre, des ministères peuvent contribuer à la création
de débouchés. Il est donc important que le ministère — on peut
donner comme exemple le ministère des Transports — soutienne la recherche et le développement
de débouchés, mais également qu'il tienne compte de cet aspect dans ses cahiers
de charges. Le gouvernement doit appliquer les principes de l'économie
circulaire afin de contribuer à boucler la boucle du recyclage.
Deuxièmement,
dans sa stratégie, le gouvernement fixe également l'objectif d'aider les
consommateurs à faire des choix
responsables. Alors, ça, c'est l'objectif 2.5. Selon nous, cela implique une
optimisation du geste du citoyen en simplifiant la récupération des
matières, en appliquant de manière uniforme et obligatoire la charte des
matières de RECYC-QUÉBEC partout au Québec.
Il y a une autre
stratégie, c'est celle qui touche le partage des meilleures pratiques. Alors,
c'est important, les municipalités, au
Québec, ne savent pas quels sont les bons coups, il faut partager, diffuser
l'information. Et ça, ça touche directement tout le volet de l'économie
verte et de rendre une industrie plus prospère, l'accès à l'information.
Quatrièmement, nous
croyons que le gouvernement a un rôle à jouer pour inciter et appuyer les entreprises
à intégrer l'écoconception à leurs pratiques
d'affaires. Donc, proposer que la stratégie fixe des cibles à cet égard — ça, c'est l'objectif 2.1 — au-delà de ce qui se trouve déjà dans la
stratégie. Alors, la bonification de la stratégie gouvernementale nous
aidera à bâtir au Québec un modèle d'affaires de la collecte sélective prospère
et durable, adapté aux réalités québécoises et basé sur les principes de développement
durable. Voilà. Merci.
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Dans le respect du temps en plus, félicitations. Merci pour votre
présentation. Nous allons maintenant passer à la période d'échange, et
je vais donner la parole au ministre.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonjour, monsieur. Merci pour
votre mémoire. Merci pour votre
présentation. Premièrement, je voudrais vous remercier, Mme Vermette,
publiquement pour votre travail à titre de coprésidente de notre
Comité-conseil sur les matières résiduelles, que nous avons mis sur pied
l'automne dernier. Également, je tiens à vous féliciter pour votre forum
d'hier. Je n'ai, malheureusement, pas pu assister parce que, justement,
on était en travail ici pour la stratégie. Je comprends, cependant, que mon
collègue le président du Conseil du
trésor, Martin Coiteux, y était, et il m'a dit à quel point ce fut un
retentissant succès. Alors, ça s'annonce bien. C'était votre premier
forum, et donc ça s'annonce bien pour les forums subséquents. Alors,
félicitations pour ça.
Au niveau de la collecte sélective, j'aimerais vous entendre, bon, par rapport... l'importance... comment la collecte
sélective et les résultats, là, concrets que
vous avez présentés s'inscrivent dans une perspective de lutte contre les
changements climatiques, à quel point
la collecte sélective joue un rôle essentiel dans une stratégie globale de
lutte contre les changements climatiques et, par rapport à la stratégie,
comment c'est important d'intégrer, justement, la notion de lutte contre les
changements climatiques dans l'ensemble de la stratégie.
Mme Vermette (Maryse) : Alors, merci, M. le ministre. Alors,
effectivement nous, on a une expression quand on parle de la collecte sélective, on dit que la collecte sélective,
c'est le transport en commun des matières recyclables, hein? Alors, c'est sûr que, quand on pense à réduire
les gaz à effet de serre, bien, c'est évident que tout le volet du transport est fondamental. Donc, la collecte sélective,
bien, 99 % de la population du Québec est desservie par un programme de
collecte sélective. Je peux vous dire, là,
que partout, même pas juste en Amérique du Nord, même si on se compare aux
juridictions européennes, le Québec est un
champion. Puis je pense qu'il faut le dire, d'avoir réussi à desservir
l'ensemble du territoire québécois,
c'est presque un exploit, compte tenu aussi de notre typologie du territoire.
Malgré tout ça, les municipalités,
les 550 donneurs d'ordres au Québec, là, qui couvrent l'ensemble du
territoire, offrent à leurs citoyens un programme multimatières. Donc, on collecte toutes les matières dans le
même équipement. Et c'est clair que, quand on regarde les effets sur ce mode de collecte, bien, c'est un mode de
collecte optimisé parce que, justement, toutes les matières sont collectées. Alors, ça, c'est clair que c'est
un enjeu, il y a un effet au niveau de la réduction des gaz à effet de serre.
Au niveau de la
matière comme telle, toutes les... Vous savez, quand on produit un bien, quand
on produit un emballage, quand on produit un imprimé à partir de produits
vierges, bien, c'est sûr qu'il y a un impact au niveau de l'émission parce qu'il faut produire ces biens-là,
et c'est reconnu que la production avec des matières vierges a un impact plus grand que la réutilisation de matières qui
ont été au préalable recyclées. Donc, ça, c'est un autre élément important.
Et ça, ça a été quantifié, c'est pourquoi on
est mesure de vous présenter des données quand on fait référence aux tonnes,
là, qui sont détournées grâce à la collecte sélective. Donc, ça, c'est un autre
aspect de la réduction des gaz à effet de serre. C'est pour ça que cette industrie de la récupération est fondamentale.
On doit absolument continuer à gérer nos matières recyclables, à leur donner une seconde vie, et
c'est le principe de... Donc, on parle de plus en plus d'économie circulaire,
boucler la boucle du recyclage, et ça a un
impact direct au niveau, là, de la réduction des gaz à effet de serre parce
qu'on n'utilise pas des matériaux vierges, on utilise des matériaux...
on les réintroduit dans un processus de fabrication de nouveaux produits.
• (17 h 20) •
M.
Heurtel : Je comprends de votre présentation que... Bon, vous
présentez de façon éloquente, bon, les résultats déjà accomplis par la collecte sélective puis ce qu'on a besoin de faire
pour aller encore plus loin. D'emblée, ces actions-là, ces gestes-là sortent du périmètre du gouvernement. Je veux dire, c'est sûr que le gouvernement a un rôle à jouer
dans le développement de la collecte sélective, mais, quand on regarde ça, si on ramène ça au
but principal de nos travaux, c'est véritablement de ramener ça à la
stratégie de développement durable des ministères et organismes de l'État.
Vous avez parlé... Puis, sans nier, là, ce que
vous avez présenté, mais j'aimerais ça, vous entendre sur, plus particulièrement, qu'est-ce que les ministères et organismes... Si on regarde ça
d'une façon horizontale, vous avez effleuré, bon, notamment... Je crois que j'ai compris... puis j'ai lu rapidement,
là, mais on parle de sensibilisation, de communication accrue. Mais, si on regarde ça sur une base
horizontale, si on regarde, là, les 122 ministères et organismes, quelles
actions concrètes, au cours des cinq
prochaines années, on peut mettre en oeuvre dans le cadre de la stratégie qui
pourraient être perçues... ou, en tout cas, comment, concrètement, on pourrait voir, ça soutient les objectifs,
là, de la collecte sélective?
Mme
Vermette (Maryse) : Bien, il y a
deux angles qu'on pourrait adresser. Le premier, le gouvernement est un des plus grands
acheteurs, hein, on ne se le cachera pas. Donc, c'est sûr que la politique
d'approvisionnement doit favoriser l'utilisation de matières à contenu
recyclé. Ça, il faut vraiment prendre cette direction-là parce que qui d'autre
que le gouvernement ne peut pas donner l'exemple, justement, aux entreprises,
aux citoyens? Donc, ça, c'est fondamental, politique
d'approvisionnement. On ne parle pas juste ici du papier fabriqué à partir de
fibres recyclées, là, ça, c'est connu depuis plusieurs années. Mais ça
va plus loin, et ce n'est pas nécessairement uniquement au niveau des
contenants, emballages et imprimés, là, ça
peut toucher la réintroduction de produits recyclés issus, là, de d'autres
filières de recyclage. Mais, pour les
contenants, emballages et imprimés, c'est clair que le gouvernement est un acheteur important de produits, et il faut absolument aller
et donner l'exemple. Ça, c'est le premier angle.
Le deuxième
angle, bien, toutes les politiques et programmes gouvernementaux doivent favoriser, justement, la réintroduction de contenus recyclés. Et je donnais
l'exemple du ministère des
Transports, le ministère des Transports... Et, vous savez, hein, le bitume, c'est un matériau
qui est très, très important et aussi le ciment, hein, l'asphalte ainsi que les trottoirs et tout ça. Donc, il existe actuellement... On travaille sur des débouchés pour le recyclage du verre. Donc,
comme je le disais dans ma
présentation, il faut être ouvert comme gouvernement à regarder ce qui
se fait au niveau de la recherche et le développement pour aller vers des solutions où on introduit la
poudre de verre dans le ciment pour faire des trottoirs puis des infrastructures. Puis c'est la même chose
pour le bitume, et on sent que, bien, il
n'y en a pas, d'ouverture. Donc, il faut qu'il y ait une volonté
politique de regarder ces éléments-là, et qui d'autre que vous, les élus, pour
amener l'Administration à être sensible à...
Alors, je vous ai donné un exemple au niveau du verre, mais il existe d'autres
exemples aussi au niveau des produits qui sont fabriqués avec du
plastique, hein, les tubulaires de plastique, etc. Donc, il y a énormément de produits qui sont fabriqués à partir
de contenus recyclés que le gouvernement pourrait... dans sa politique
d'approvisionnement.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Je vais passer la parole maintenant au député d'Abitibi-Est.
M. Bourgeois : Je m'excuse, j'étais
en train de...
Le Président (M. Reid) : Il
était concentré sur sa question, on a l'impression.
M.
Bourgeois : Oui. Bien, effectivement, je voudrais vérifier un point au
niveau du pourcentage par rapport aux régions
comparativement aux grands centres. Votre action... Comme vous dites, le
gouvernement doit être un exemple. Nous, ce qu'on constate souvent en
région, la problématique, c'est après coup pour être capable de donner une
valeur économique plus intéressante à
l'action, et j'aimerais vous entendre là-dessus, comment le gouvernement peut
aider, dans le fond, à la fois les municipalités, qui sont beaucoup impliquées
dans la dynamique, les différents fournisseurs qui s'y impliquent.
Mme
Vermette (Maryse) : Bien,
vous savez, la collecte sélective, là, c'est 10 000 emplois au Québec. Et
nos centres de tri, 30 % des emplois en centre de tri, bien, c'est
des emplois issus de l'économie sociale. Donc, c'est une industrie qui est créatrice d'emplois. De plus en
plus de matières, de plus en plus de matières à gérer dans nos centres de tri,
donc de plus en plus d'emplois aussi, et
c'est sûr qu'en région... Bien, nous, on ne parle pas d'un modèle unique pour
le Québec, là, toute notre analyse
d'optimisation considère les différentes réalités québécoises. Donc, au Québec,
on doit développer un modèle optimal
au niveau de nos centres de tri pour bien gérer la matière, et aussi développer
les débouchés en conséquence, et
appuyer nos PME. On a des PME au Québec, là, qui sont très, très créatives.
Entre autres, bon, les gens
connaissent peut-être l'entreprise Soleno, qui a investi beaucoup en recherche
et développement pour réintroduire du
plastique recyclé dans la fabrication, entre autres, de tubulaires de
plastique. Et ça, c'est des emplois en région, là, et ça créé de la richesse, et ça fait rouler l'économie.
Donc, quand on dit boucler la boucle du recyclage, il faut travailler sur
les débouchés, puis être en mesure de créer de la richesse dans nos différentes
régions au Québec.
C'est pour ça
qu'on parle d'un modèle d'affaires adapté aux réalités québécoises. Donc, c'est
important d'avoir ça en tête, là, de
ne pas nécessairement prendre des modèles qui existent ailleurs puis de vouloir
les appliquer ici, c'est vraiment de
travailler aussi avec notre structure industrielle, avec notre structure des PME
et les soutenir. Donc, le rôle des ministères au niveau économique est
fort important pour la filière du recyclage. Donc, dans la stratégie, ça, c'est
important aussi quand on dit que les politiques et les programmes doivent
encourager l'économie circulaire.
M. Bourgeois : En complément, bon,
on parle de développement durable, mais on parle aussi de lutte aux changements climatiques. Je reviens, encore là,
sur le principe aussi de... En région, on parle de toute la logistique de
transport. Pensez-vous que le gouvernement, on peut
intégrer des mesures pour en favoriser la transformation plus directement en région, pour éviter, dans le fond,
de déplacer des masses importantes vers des centres de transformation? On sait que c'est un enjeu. Comment on peut mieux
travailler au niveau de la politique pour intégrer cette notion-là au
niveau de la lutte des changements climatiques?
Mme Vermette (Maryse) : Bien, tantôt, j'aurais pu glisser cet exemple-là,
nous, on a parlé beaucoup d'optimisation des routes de collecte, hein? On a eu un exemple hier de la ville de
Québec — on est à
Québec — au forum
où ils ont fait l'exercice
d'optimiser leurs routes de collecte, et ils se sont rendu compte que la façon
dont... — vous
savez, une route de collecte, là,
c'est les routes qu'empruntent les camions de récupération — bien, que ce n'était pas optimisé, puis il
pouvait y avoir, à cause de la façon
dont la ville était gérée, des camions qui se retrouvaient à moitié vides,
hein, puis qui se rendaient au centre
de tri. Donc, cette optimisation-là des routes de collecte peut générer, hein,
des économies importantes puis, naturellement,
peut éviter l'émission de gaz à effet de serre. Donc, il faut regarder une
stratégie au niveau de l'optimisation des routes de collecte.
Au
niveau du transport en région, il faut être créatif aussi. Il faut peut-être
envisager des postes de transbordement, hein, parce qu'à un moment donné il faut favoriser aussi le
regroupement. Ce qu'on s'est rendu compte, c'est qu'on a beaucoup de
petites municipalités qui gèrent — des municipalités de 500, 1 000
habitants — qui
gèrent leurs propres contrats. Bien, vous
savez, un camion ne va pas nécessairement couvrir l'ensemble du territoire.
Alors là, je veux dire, un camion
peut couvrir plus qu'un territoire d'une petite municipalité, il faut
encourager les municipalités à se regrouper pour l'octroi des contrats.
Et ça, ça a un impact direct sur la réduction des gaz à effet de serre parce
qu'on limite la circulation des camions sur
le territoire. Et, quand je parlais des postes de transbordement, bien, c'est
la même chose, si on a un lieu où on
peut regrouper la matière et, après ça, l'acheminer avec un volume plus
important, là aussi il y a un impact sur les gaz à effet de serre.
Le
Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Je passe maintenant la
parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de
Jonquière.
• (17 h 30) •
M.
Gaudreault : Oui. Alors, merci. Merci beaucoup pour votre
présence et pour votre présentation. Effectivement, je pense que vous êtes l'incarnation du
développement économique ou de la création de richesse, voilà, qu'engendre une
économie verte. Et vous êtes l'incarnation de ce qu'il faut faire, au sens où
il faut cesser d'opposer développement économique
versus environnement ou protection de l'environnement. Alors, moi, je peux vous
dire que je me sers souvent de vous,
dans le fond. Quand, des fois, je rencontre des gens qui me disent : Ah!
oui, oui, il faut faire attention, non, non, je veux dire, le développement durable, l'environnement, c'est générateur
de création de richesse, vous en êtes la démonstration.
Maintenant,
un élément sur lequel je voudrais vous entendre un peu plus, quand vous parlez
de la façon d'optimiser la collecte
sélective à travers la stratégie gouvernementale de développement durable, bon,
vous dites à la page 11, là, de votre
mémoire : «Faciliter l'accès à l'information portant sur les contrats de
collecte et de tri et encourager le partage des meilleures pratiques.» Et là vous dites dans le bout qui est en
gras, là, «le partage de l'information et des meilleures pratiques entre les partenaires de la chaîne de
valeur de la collecte sélective, notamment sur la scène municipale». Mais
la stratégie s'adresse au gouvernement, la stratégie ne s'adresse pas — en
tout cas, à ce stade-ci — aux
partenaires municipaux, aux commissions
scolaires, quand même, où il y a aussi beaucoup de collecte. On sait la
consommation, par exemple, de
bouteilles d'eau ou ainsi de suite, de liqueur, de boissons gazeuses, de jus
dans les écoles. Les hôpitaux, même chose.
Alors, qu'est-ce que vous avez à dire sur cet élargissement-là? Est-ce que vous
croyez que le gouvernement devrait être plus actif via la stratégie pour
étendre ou élargir la stratégie à ces autres secteurs?
Mme Vermette (Maryse) : Bien, on a toujours eu... On parle ici du hors
foyer, hein, d'une certaine façon, là, quand
vous adressez les institutions. Beaucoup de programmes municipaux de collecte
sélective couvrent les institutions, notamment
les écoles. Ça a été tout le mouvement lancé au tout début par les gens du
CFER, qui avaient mis en place, là, des
programmes, et ça visait... Donc, c'est clair qu'on a des résultats qui sont
très probants au niveau de la desserte au Québec. Et ce qu'on constate, c'est qu'il y a de plus en plus... le hors
foyer est de plus en plus desservi au niveau de la collecte sélective.
Donc, c'est...
Une voix :
...
Mme Vermette (Maryse) : Oui, oui, c'est ça. Et RECYC-QUÉBEC nous donne
des données à cet effet. Donc, est-ce que le gouvernement peut soutenir
le développement de la collecte sélective? C'est un peu votre question si je
comprends bien?
M. Gaudreault :
Oui, mais l'élargissement aux autres secteurs aussi de la stratégie.
Mme Vermette (Maryse) : Bon, c'est clair que la compétence de la gestion
de la collecte sélective, c'est une compétence municipale. Donc, c'est
la municipalité qui décide si elle offre ou pas un service.
M.
Gaudreault : Mais la stratégie ne s'applique pas aux
municipalités, là, à ce stade-ci, il n'y a pas d'obligation.
Mme
Vermette (Maryse) : C'est
ça. Le gouvernement, avec ses institutions, peut mettre en place des mesures
pour favoriser la récupération, peut faire
des maillages avec les municipalités pour optimiser la collecte sélective. On
en parlait
tantôt, là, qu'il faut éviter, là, d'avoir en parallèle différents systèmes.
Donc, il y a un intérêt pour le gouvernement de se doter de sa politique
de récupération au niveau de ses établissements, c'est un petit peu ça.
M.
Gaudreault : Oui. Oui, mais, en fait, je veux savoir s'il faut
aller plus loin et faire en sorte que la stratégie s'applique aux
municipalités ou aux autres secteurs comme le secteur de l'éducation.
Mme Vermette (Maryse) : Bien, vous savez, au Québec, récupérer, ce n'est
pas une obligation, hein, c'est... On a réussi à développer les
programmes sur une base volontaire. Est-ce qu'il faut aller vers une obligation
à l'échelle québécoise au niveau du système?
Vous savez, on n'a même pas, d'une municipalité à l'autre... On a une charte
sur les matières recyclables, là, qui
a été développée avec les partenaires, puis c'est RECYC-QUÉBEC qui en fait la
promotion, mais cette charte-là, elle
n'est pas appliquée. Donc, d'une municipalité à l'autre, les services
diffèrent. Le citoyen est très confus.
Il déménage d'une région à l'autre et il ne sait pas trop quoi mettre dans son
bac. Donc, c'est important, au Québec, d'avoir
une approche harmonisée, il faut... Le mot «standardisation» fait peur, là,
mais je pense qu'on est rendu là. Après 20 ans, je pense que le
gouvernement a un rôle à jouer à ce niveau-là.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Je passe maintenant la parole au député de
Bonaventure.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames et monsieur. Par rapport au
compostage, on en est où actuellement au Québec? Je sais qu'on parle de la
récupération, mais...
Mme Vermette (Maryse) : Bien, nous, on représente les entreprises qui
génèrent des contenants, emballages et
imprimés. Alors, la filière du compostage, actuellement, bien, elle n'est pas
adressée... nous, on n'en est pas, finalement, les porte-parole. Donc, c'est
RECYC-QUÉBEC qui a la responsabilité de réunir ceux qui sont concernés et d'appliquer,
finalement... d'aller vers les orientations gouvernementales puis les objectifs qui ont été fixés
dans le plan d'action de la Politique québécoise de gestion des matières
résiduelles.
Donc,
on sait qu'il y a un bannissement, hein, des matières organiques,
là, en 2020, c'est ça, bannissement des fibres aussi, là. Donc, ça, c'est tout un enjeu, c'est un gros défi.
Puis d'ailleurs M. le ministre a demandé au Comité-conseil sur la gestion des matières résiduelles de se
pencher sur comment sensibiliser la population à cet enjeu-là parce que, vous savez, ça a pris quand même au Québec...
Je veux dire, on a réussi en 20 ans à implanter un programme
de récupération de collecte
sélective, puis c'est sûr que c'est un défi. Le prochain défi de la gestion des
matières résiduelles, c'est les matières organiques, là, vous avez tout
à fait raison. Mais on n'est pas,
comme tel, porte-parole, là, de ce dossier-là. Même si on représente
les entreprises qui en génèrent, je sais...
M. Brisebois
(Denis) : Moi, je pourrais vous en parler, mais il faudrait que je
change de chapeau.
Le Président (M.
Reid) : Allez-y.
M. Roy :
On vous donne l'autorisation de mettre...
M. Brisebois (Denis) : Pour Métro, je pourrais vous en parler, mais,
pour EEQ, je ne peux pas vous en parler.
M.
Roy : O.K. Écoutez, par rapport aux stratégies
communicationnelles, est-ce que c'est par l'axe de l'éducation qu'on doit former la population à faire de la
récupération un mode de vie ou si c'est la responsabilité, je dirais, de l'État
de faire des campagnes dans les médias? Quelle est la meilleure stratégie selon
vous?
Mme Vermette (Maryse) : Bien, c'est ça, quand je faisais référence à
l'harmonisation puis un peu à la standardisation,
c'est clair qu'il y a une multitude de campagnes actuellement au Québec. C'est
difficile pour RECYC-QUÉBEC de faire
une campagne nationale. On en a fait avec RECYC-QUÉBEC il y a quelques années,
mais, comme il n'y a pas de
standardisation dans les différentes régions, bien, le citoyen, lui, pense
qu'une matière est acceptée, et, bon...
Nous, on fait la promotion de la charte, puis la charte, bien, c'est toutes les
matières, sauf le polystyrène. Donc, ce
qu'il faudrait viser au Québec, c'est que toutes les matières qui sont dans la
charte soient récupérées par les programmes de collecte sélective, et ça pourrait beaucoup faciliter le travail au
niveau communicationnel, au niveau de la sensibilisation.
M. Roy :
C'est tout pour moi. Merci.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant au
porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de
Nicolet-Bécancour.
M.
Martel : Merci, M. le Président. Bonsoir à vous trois...
bien, en fait, à vous quatre, il y a quelqu'un qui n'est pas assis avec vous autres, mais que j'ai vu. Puis
un bonjour particulier à Maryse, une estimée ancienne collègue directrice
de MRC. Bienvenue.
Vous
avez parlé tantôt du succès du recyclage au Québec. Quand on fait un petit
historique de ça, là, on regarde les
municipalités, vraiment elles ont joué leur rôle, on a un service de collecte
partout au Québec. Les citoyens ont joué un rôle aussi, hein, parce qu'on est parti d'à peu près rien. On
pourrait faire plus, on pourrait faire mieux, mais les citoyens, ils ont
quand même embarqué dans cette aventure-là.
Quand on arrive après ça,
qu'est-ce qu'on fait avec ces produits? On a eu un peu de failles là, on a eu
des problèmes avec les centres de tri. Là,
on voit que, par exemple, toute l'utilisation du verre, ça fait mal au
recyclage, ça. Qu'est-ce que vous
nous proposez pour inciter peut-être davantage, là, le milieu économique, le
milieu gouvernemental à faire en sorte que le relais soit pris dans
toute cette chaîne de recyclage là?
• (17 h 40) •
Mme
Vermette (Maryse) : Bien,
merci beaucoup, M. Martel. Bien, c'est vraiment notre enjeu des prochaines
années parce qu'effectivement la collecte
sélective, c'est une industrie. On a analysé la courbe de maturité de
l'industrie de la collecte sélective
au Québec avec les spécialistes, hein, KPMG-Secor, et on nous a dit qu'on était
dans une courbe, bon, peu mature. Ça,
ce que va veut dire, c'est que oui, le service est là, les citoyens sont là,
les entreprises contribuent, mais on a besoin de consolider cette
industrie-là au niveau de ses pratiques d'affaires, au niveau de l'encadrement
de l'industrie. Actuellement, là, il n'y a
pas d'encadrement, il n'y a pas de normes de qualité, il n'y a pas de... les
centres de tri opèrent en fonction de
devis que les municipalités, hein, rédigent. Mais les municipalités, ce n'est
pas des spécialistes en tri, c'est difficile. Donc, il faut
être capable, au Québec, de se doter de standards, de critères de
qualité, de performance et les
enchâsser, justement, dans les devis, mais aussi le gouvernement a un rôle à jouer pour que l'industrie devienne mature. Mais il faut envisager de
l'encadrer par certaines règles, hein, et ce n'est pas facile.
Mais ça
existe dans d'autres pays, ça existe beaucoup dans les pays européens. Et ça, ce que ça a fait,
c'est que ça a aidé l'industrie, hein, bon, à générer de la qualité au niveau des centres de tri,
à générer de la richesse au niveau de
nos recycleurs. Il y a
un enjeu de qualité, mais nos recycleurs, nos conditionneurs ont vécu des problèmes,
particulièrement les conditionneurs de plastique, et plusieurs
ont fermé. Donc, il faut l'adresser, cet enjeu-là, donc l'enjeu des
matières autres aussi dans les bacs
de récupération. Donc, il y a un encadrement réglementaire. Le régime de compensation pourrait être bonifié pour, justement, faire en sorte que
l'industrie puisse développer sa courbe de maturité. Et nous, ce que l'on
fait, on a fait hier... on a fait un appel,
on a dit : Il faut que les partenaires travaillent ensemble à développer
un modèle d'affaires. Et ce n'est pas
toujours évident, hein? On avait plusieurs centres de tri avec nous lors de...
et eux, bien, d'avoir des normes,
puis des standards, puis des critères de qualité, tu sais, sur le coup, ils
peuvent être réfractaires, mais on leur a fait comprendre que, si on
voulait avoir une industrie pérenne au Québec, il faudrait peut-être passer par
là.
Le Président (M. Reid) : Une
dernière question.
M.
Martel : Oui. Évidemment, vous êtes un peu les apôtres, là, du recyclage,
mais il y a une pensée de plus en plus répandue au niveau de l'incinération des déchets.
Quel message vous envoyez au ministère, à la commission par rapport à cette
tendance-là de plus en plus, je dirais, large, là, d'aller vers l'incinération
plutôt que le recyclage?
Mme
Vermette (Maryse) :
L'incinération des déchets, bien, on voit ce procédé-là beaucoup
en Europe. Pourquoi? Parce qu'en Europe c'est la valorisation
énergétique des matières. Parce qu'ils n'ont pas d'hydroélectricité comme nous,
hein, alors la valorisation énergétique des
déchets, hein, c'est une façon de récupérer de l'énergie. Bon, nous, au Québec,
il faut se questionner, là. Avec la richesse
de notre énergie, de notre système, est-ce qu'on doit aller vers de la
valorisation énergétique en utilisant l'incinération? C'est sûr que
nous, on préconise les 3RV, et le recyclage, bien, passe avant la valorisation
énergétique.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci beaucoup pour votre
contribution, votre participation à nos travaux.
L'ordre du
jour étant épuisé et les membres de la commission étant presque épuisés aussi,
je lève la séance de la commission, et la commission ajourne ses travaux
au vendredi 30 janvier 2015, à 9 h 30, c'est-à-dire demain matin.
(Fin de la séance à 17 h 43)