(Quinze
heures quinze minutes)
Le
Président (M. Lessard) : O.K. Donc, merci beaucoup. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte et je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones ou
carrément leurs téléphones.
Alors, le mandat de
la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières à l'égard du projet
de loi n° 37, Loi interdisant certaines activités destinées à
rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste.
Alors, Mme la
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Marcotte (Portneuf) sera remplacé par M. Martel (Nicolet-Bécancour).
Le Président (M.
Lessard) : Parfait. Donc, s'il n'y a pas d'autres… À l'ordre du jour d'aujourd'hui,
nous rencontrons donc Nature Québec, l'Association québécoise des fournisseurs de services pétroliers et
gaziers, ENvironnement JEUnesse, Conseil du patronat. Donc, nos travaux
vont se terminer à 18 heures.
Auditions (suite)
Alors,
de consentement, puisqu'on est interpellés pour ça, sans plus tarder, donc,
on va accueillir, donc, le premier groupe, qui est Nature Québec. Merci
de vous présenter à cette audience publique. Je vais vous demander de décliner votre identité pour les fins de l'enregistrement,
puis, par la suite, nous allons procéder. Vous aurez donc 10 minutes
pour faire votre présentation. Par la suite,
le gouvernement aura donc 16 minutes qui vont lui être accordées,
15 min 12 s pour le
premier groupe d'opposition, 3 min 48 s pour le deuxième. Pour
les autres groupes, il y a aura un ajustement sur le temps de parole entre les deux, entre le gouvernement et
l'opposition officielle, pour préserver le temps de parole du deuxième
groupe en fonction de l'échéancier de 6 heures.
Alors, la parole est
à vous pour votre présentation de 10 minutes.
Nature Québec
M. Simard (Christian) : Oui. Bonjour, M. le Président. Je vais d'abord présenter les gens qui
m'accompagnent : à ma gauche, M. Pierre Ross, qui est recherchiste à
Nature Québec; à ma gauche plus près, M. Charles-Antoine Drolet, qui est biologiste et membre du conseil
d'administration de Nature Québec; et moi, c'est Christian Simard, je suis
directeur général de Nature Québec. Merci.
Le Président (M.
Lessard) : Bonjour et bienvenue. La parole est à vous pour 10 minutes.
M. Simard (Christian) : Oui. On vous remercie, aux membres de la Commission des transports et de
l'environnement, de nous donner aujourd'hui
l'occasion de commenter le projet de loi n° 37, là, Loi interdisant
certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter le gaz naturel dans
le schiste. Nature Québec s'interroge toutefois sur la cohérence de la
démarche, sur la pertinence et l'utilité réelle de l'exercice, compte tenu des
éléments suivants.
Le
premier, là, qui saute un peu au visage, le projet de loi n° 37 sur le
moratoire risque fort de mourir au feuilleton au cours des prochains jours pour cause d'élections générales. Le projet
de loi n° 37, même s'il était adopté rapidement, risque d'avoir une
portée extrêmement limitée, puisqu'il deviendra caduc dès l'adoption d'un
projet de loi sur les hydrocarbures, dont on
prévoit le dépôt rapidement. Selon les indications actuelles, le projet de loi
encadrant l'exploitation des hydrocarbures serait déposé avant même la
conclusion de la commission du BAPE, laquelle se tiendra dans la foulée de
l'évaluation environnementale sur le gaz de schiste, ce qui constituerait,
selon nous, un non-sens.
Le
gouvernement a mis fin à toute possibilité d'étendre la portée du projet de loi
n° 37 à la fracturation du shale de Macasty à Anticosti en
annonçant le financement d'activités de fracturation et la prise de
participation publique dans des entreprises d'exploration, le tout sans
évaluation environnementale préalable.
Le rapport synthèse
du comité sur l'évaluation stratégique, EES, sur le gaz de schiste a été rendu
public seulement quelques heures avant notre comparution, ce qui ne nous a pas
permis… ni aux autres organismes qui comparaissent — cette semaine, du moins — de tenir compte véritablement de cet élément
majeur dans leurs commentaires.
Le
gouvernement pose des gestes majeurs en matière d'hydrocarbures, notamment
l'acceptation tacite du projet d'inversion du pipeline Enbridge sans
processus d'évaluation par le Québec et l'investissement spéculatif de plus de
100 millions de dollars dans l'exploration pétrolière à Anticosti.
Donc, notre présence
aussi est mise en contexte dans le cadre de… Le gouvernement pose des projets…
des gestes structurants sans avoir attendu les conclusions de sa propre
commission de consultation sur l'énergie et sans avoir
adopté sa politique sur l'énergie. Rappelons que 460 mémoires ont été présentés
ou déposés et que 47 séances publiques ont
été tenues par cette commission à l'automne 2013. Ne pas tenir compte de ça à
ce moment-ci, selon nous, est un grave manquement démocratique pour
poser des gestes qui risquent de ne pas avoir de retour possible.
Dans le contexte
pétrolier et énergétique, comment ne pas remarquer l'absence aussi, depuis
2012, de tout plan d'action de lutte aux
changements climatiques, si ce n'est un objectif général de réduction de
25 % des GES d'ici 2020. Cet
objectif a toutes les allures d'un voeu pieux, car il ne s'est toujours pas
traduit en plan d'action gouvernemental et en mesures concrètes,
vérifiables et mesurables.
Le
projet de loi n° 37 aurait pu représenter une étape majeure et positive
pour le Québec, car le moratoire, avec le temps d'arrêt et de réflexion qu'il propose, est l'aboutissement d'une
mobilisation et d'une prise de conscience citoyenne exceptionnelle dans tout le sud du Québec,
mobilisation qui s'étend maintenant à tous les hydrocarbures non
conventionnels en Gaspésie, aux
Îles-de-la-Madeleine et partout autour du golfe Saint-Laurent, mobilisation à
laquelle le mouvement environnemental s'est associé, et Nature Québec en
premier lieu.
Ce mouvement a
questionné et questionne toujours la pertinence pour le Québec d'exploiter des
sources non conventionnelles d'hydrocarbures avec des techniques non
maîtrisées, qui ont de lourds impacts à l'échelle locale et planétaire. A
contrario, il milite pour l'efficacité énergétique, la réduction de la
consommation d'hydrocarbures et le développement d'énergies renouvelables.
Le
projet de loi n° 37 devrait être une étape, imparfaite mais nécessaire,
pour compléter la réflexion collective sur les choix énergétiques qui se présentent au Québec. Ceux et celles qui
ont obtenu un moratoire de facto du développement des gaz de schiste au Québec désirent qu'il ait un
caractère officiel et une certaine durée dans le temps. Ce n'est, malheureusement, pas ce que recommande le projet
de loi, proposant une chose et son contraire et en n'allant pas assez
loin au niveau des activités de fracturation en général.
Nature Québec, donc,
recommande… Je vais aller sur les recommandations. J'ai 10 minutes. J'ai
combien de minutes de faites?
• (15 h 20) •
Le Président (M.
Lessard) : Maintenant, à peu près six minutes,
5 min 20 s.
M. Simard (Christian) : Nature Québec recommande que le projet de loi n° 37 inclue un
interdit inconditionnel des activités de fracturation dans le schiste
d'une durée minimale de cinq ans, le temps de compléter le processus d'évaluation environnementale stratégique,
incluant l'enquête du BAPE récemment annoncée, de permettre au Québec de
se doter d'une politique énergétique à la
suite des consultations de l'automne 2013 et de se prononcer sur la
pertinence environnementale, sociale et économique à long terme pour le Québec d'exploiter
les hydrocarbures dans le schiste, qu'il s'agisse de gaz ou de pétrole.
À
l'instar de plusieurs observateurs, Nature Québec ne comprend pas la différence
d'approche gouvernementale en ce qui
a trait à la fracturation et à l'exploitation pétrolière et gazière selon la
région où elle est pratiquée. Pour le gaz de schiste, le gouvernement a procédé à une évaluation environnementale
stratégique et a décidé d'imposer un moratoire, alors que, pour le
pétrole de la Gaspésie et celui d'Anticosti, faisant appel aux mêmes
technologies non éprouvées et à des problématiques environnementales encore
plus grandes — pour
le pétrole de schiste, notamment — il n'en a rien fait. L'analyse gouvernementale se résume-t-elle à l'approche
simpliste : Le monde en veut; le monde n'en veut pas? Même si elle se fait peu d'illusions sur son
acceptation, Nature Québec recommande que le projet de loi n° 37 étende sa
portée à toutes les activités de fracturation sur le territoire du Québec,
qu'il s'agisse de pétrole ou de gaz, compte tenu des problématiques soulevées au niveau des émissions de GES, des impacts
lourds appréhendés sur les milieux hydriques et les écosystèmes de même
que sur l'économie du Québec, compte tenu des faibles taux de retour
énergétique des filières non conventionnelles.
Il est à noter
que le gouvernement de Terre-Neuve, là, dont on vante souvent le fait qu'il
exploite son pétrole au large de
l'Atlantique — et pas dans le golfe du Saint-Laurent, mais
au large de la côte — fonce
vers le pétrole, mais, en novembre 2013, il a fait un moratoire complet
sur le territoire de Terre-Neuve pour la fracturation gazière et pétrolière — donc, le 3 novembre 2013 — parce qu'il trouvait la technologie non
maîtrisée et trop risquée. Ça fait que souvent, si on s'inspire de
Terre-Neuve d'un côté, il faudrait peut-être s'en inspirer de l'autre.
Nos
recommandations, donc, sont celles-là. Maintenant, le mémoire qu'on vous a
présenté, je vais vous… Il me reste une ou deux minutes?
Le Président (M.
Lessard) : Non, 3 min 30 s.
M. Simard (Christian) : Trois minutes, quand même. Dans le mémoire qu'on vous présente, on vous
rappelle que la question est liée directement — des hydrocarbures — à la
lutte aux changements climatiques. Et le Québec ne peut pas se soustraire à ça, et on ne peut pas faire comme si notre
économie ou notre développement se faisait en dehors des autres sociétés planétaires. Tout le monde tente
de tourner son économie vers l'économie non basée sur le carbone. Nous,
on n'a pas déjà une industrie du pétrole et du gaz, mais on a des énergies
renouvelables, on a un potentiel d'économie d'énergie incroyable et on a un
potentiel d'électrifier les transports très important.
Est-ce que je
pourrais… J'entends beaucoup parler.
Le
Président (M. Lessard) : Oui, continuez. Je comprends que ça vous
dérange un peu, on va essayer de laisser le présentateur faire sa…
Continuez, alors on va ne pas pénaliser… M. Simard, allez-y.
M. Simard (Christian) :
Oui, c'est ça, je… M. McKay a une voix forte. Et toujours est-il donc que, dans
ces questions-là, quand on parle d'urgence
climatique, il faut quand même rappeler que le GIEC, dans son dernier
rapport, parle d'un réchauffement qui peut
atteindre de 2,6 °C à 4,8 °C d'ici la fin du siècle. C'est avéré, c'est
scientifiquement basé, et donc on ne peut
pas faire au Québec comme si ça n'existait pas, puis dire : Bien, de toute
façon, ce n'est pas vrai, on ne pourra
jamais dépendre moins du pétrole, donc aussi bien qu'on consomme notre pétrole,
puis qu'on en exploite, nous aussi, puis qu'on continue avec du pétrole
non conventionnel, nettement plus dommageable que le pétrole conventionnel, dans les mêmes paramètres, alors que toute notre
société pourrait se tourner — et son économie — vers une économie sans carbone. Et
c'est ce qu'on invite le gouvernement à faire, d'autant plus…
Et on est
extrêmement déçus, là, des annonces récentes dans le cas du pétrole de schiste
d'Anticosti, d'autant plus que ça se fait à l'étape de l'exploration,
extrêmement risquée. Actuellement, il n'y a aucune trace ou il n'y a aucune
preuve de présence, là, d'un pétrole qu'on pourrait extraire de façon rentable.
L'étude Sproule, qu'on cite dans notre mémoire, le définit. Donc, des revenus théoriques, dans
les 30 prochaines années, de 45 milliards, là, c'est quelque chose, je pense, qui constitue un
certain mensonge aux actionnaires québécois, là, parce qu'il est totalement,
là, spéculatif comme espoir.
Anticosti a
24 rivières à saumon. Ce sont des rivières même plus fragiles encore que
celles du sud du Québec, qui ont fait
l'objet d'énormément d'études récemment, de même que la nappe phréatique.
24 rivières à saumon, 4 000 saumons. Une espèce
considérée comme en voie de disparition par le COSEPAC, là, qui est le comité
chargé d'étudier ça au niveau fédéral. Il y a un parc national à Anticosti, une
réserve écologique, 25 habitats fauniques. On a aussi des aires protégées
existantes, mais il y a plusieurs aires protégées qui attendent d'être
déclarées, mais qui sont bloquées par la présence
de titres pétroliers, et, à ce moment-là, ça nous empêche de faire cette
protection-là. S'il y a surabondance de chevreuils, comme le ministre le disait hier, il n'y a certainement pas
surabondance de saumons. Et actuellement 17 des puits qui ont été forés
depuis 1962 à Anticosti — des
forages, là, traditionnels, pas avec fracturation — il y en a une grande majorité qui ont été faits collé aux
rivières à saumon, dans les bassins de rivières à saumon. Ce sont des
rivières avec des niveaux très fortement variables, très bas, puis parfois sur
l'étiage. Ça peut être intéressant de savoir que les saumons d'Anticosti ne
choisissent pas leurs rivières comme les saumons du Nord.
Le Président
(M. Lessard) : M. Simard, vous êtes très enthousiaste.
Malheureusement, on devra donc passer à la période où est-ce que les
partis peuvent intervenir pour vous questionner. Vous aurez peut-être
l'occasion de parfaire l'information. Alors donc, M. le ministre, vous avez
maintenant 16 minutes à votre groupe parlementaire, là, pour adresser la
parole à nos invités.
M.
Blanchet : Merci,
M. le Président. Ne pensez-vous pas qu'il est possible pour la ministre des
Ressources naturelles de réintervenir dans
la loi sur les hydrocarbures à la lumière de ce que seront les décisions du
gouvernement et les recommandations du BAPE?
M. Simard (Christian) : De réintervenir?
Il va y avoir un… Là, actuellement, vous savez, je pense que vous l'avez vu dans le rapport synthèse sur l'évaluation environnementale, il
y a des lacunes au niveau
de la loi qui sont énormes. Quand on
veut nous présenter une prochaine loi sur les hydrocarbures, des lois… On l'a
vu avec la Loi sur les mines, hein, nous,
ça nous a pris quatre ans pour essayer de la modifier, là, avec trois projets différents. Donc, si on arrive avec un
projet de loi sur les hydrocarbures au mois
de juin, puis vous nous dites : Bien, dans deux, trois ans, on le
rechangera, bien, je pense que c'est des
choses qui méritent une plus grande réflexion parce qu'on ne peut pas changer
les lois comme ça année après année, là, c'est très complexe. Donc, on
ne peut pas se permettre de... On n'a pas droit à l'erreur dans ce domaine-là, et donc je pense que la logique voudrait qu'on
prenne cinq ans et qu'on complète l'examen sur la politique énergétique,
qu'on complète les études, qu'on en entreprenne pour l'île d'Anticosti, parce
qu'il n'y en a pas, qu'on complète l'étude du BAPE, et ensuite qu'on arrive
avec des lois qui sont conformes aux désirs des Québécois puis aux choix qu'on aura faits. Mais là on procède carrément à
l'envers, particulièrement dans le cas d'Anticosti, et je pense qu'on
joue avec le feu, et on risque de se brûler, et on risque de brûler la société
québécoise avec ces choix-là.
M.
Blanchet : O.K. Je
vais quand même me garder plus de nuances que ça. Donc, la ministre des
Ressources naturelles pourrait déposer une loi sur les hydrocarbures qui ne
couvrirait pas l'enjeu spécifique du gaz de schiste et revenir pour une
intervention ultérieure sur l'enjeu spécifique du gaz de schiste. Ce serait une
démarche légale et techniquement faisable.
M. Simard
(Christian) : Oui, tout à fait. Je sais que vous êtes dans la nuance, notamment quand vous dites
que vous êtes carrément dans les bottes des promoteurs, et donc que vous faites
beaucoup dans la nuance, mais parfois on se perd dans les nuances aussi, M. le
ministre, si vous me permettez et...
On peut très bien faire ça, mais je ne comprends
pas la logique. C'est-à-dire que, là, on a des activités qui sont risquées. La fracturation hydraulique, c'est
risqué, M. le ministre, et pourquoi on ne l'étudie pas dans son ensemble, et
on a une loi, ensuite, qui encadre l'ensemble des activités de fracturation? De
dire : On va le faire en deux temps… Et on n'a pas annoncé véritablement d'évaluation
environnementale sur l'île d'Anticosti, on a simplement dit : Après les
travaux d'exploration avec fracturation hydraulique en 2015 — vous
avez parlé de trois forages avec fracturation hydraulique
en 2015 et de 14 à 18 en 2014 — on
fera une évaluation a posteriori, en on trouve que de faire une
évaluation a posteriori, avec les enjeux environnementaux qu'on retrouve, particulièrement
au niveau des rivières à saumon, ce n'est pas une bonne solution, M. le
ministre.
M.
Blanchet : Le BAPE
sur le gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent va s'alimenter à
73 études qui ont été déposées
par le Comité sur l'évaluation environnementale stratégique. Vous voulez qu'un BAPE à l'île d'Anticosti soit tenu avant l'exploration.
Sur quelles données scientifiques s'appuierait-il?
• (15 h 30) •
M. Simard (Christian) : C'est une
bonne question. On aurait pu avoir une réponse à ça si vous n'aviez pas vous-même
écrit le 14 février 2013 au comité d'évaluation environnementale sur le gaz de schiste pour dire que vous ne vouliez plus qu'il travaille sur le pétrole, si
vous aviez… Parce que, vous savez, au départ, il y a
eu un mandat donné au comité d'évaluation environnementale sur le gaz de
schiste disant qu'il étudie le gaz de schiste. C'est dans le rapport, page 2, le rapport synthèse sur l'évaluation
environnementale qui a été sorti il y a deux jours. Je peux vous le citer,
c'est dans le mémoire, là, mais il est très
clairement dit que… Au départ, on a dit : Vous évaluez sur le gaz de
schiste. Ensuite, il y a eu une
demande par le ministre libéral de l'époque qui avait dit : Incluez le
pétrole. Et, ensuite, vous avez réécrit en disant : On ne parle plus du pétrole, on regarde le gaz de schiste
et on fera un BAPE par la suite. Il est clair et net que, si le comité
d'évaluation environnementale sur le gaz de schiste, qui étudie la
fracturation... aurait très bien pu étudier la fracturation du pétrole, et on
n'en serait pas là aujourd'hui. Et c'est un peu, beaucoup votre responsabilité
parce que vous leur avez signifié que vous ne vouliez pas qu'ils étudient cette
question-là.
M.
Blanchet :
Êtes-vous au courant que c'est le Comité sur l'évaluation environnementale
stratégique qui a demandé de ne pas couvrir le pétrole parce que ça prendrait
un an de plus?
M. Simard (Christian) : Peut-être,
mais c'est vous, le ministre.
M.
Blanchet : ...
Le
Président (M. Lessard) : Un instant! Un instant, s'il vous plaît! Pour
le bon déroulement de nos travaux, on va essayer de ne pas s'interpeller
directement ou se prêter des intentions.
M. Simard (Christian) : Excusez-moi,
M. le Président.
Le Président (M. Lessard) : On est
tous du monde très coloré, on va donc y aller… on va adopter un ton posé,
d'accord?
M.
Blanchet :
Je retiens avec énergie ma couleur, justement, parce qu'il a une espèce de
niveau qui ne sied pas à cette enceinte.
Le
Président (M. Lessard) : Oui, c'est bien. C'est toujours souhaitable.
D'accord. Ça s'adresse à tout le monde, M. le ministre, pas seulement à
vous.
M.
Blanchet : Oui, un
niveau qui ne sied pas à l'enceinte.
Le Président (M. Lessard) : D'accord.
M.
Blanchet : Donc,
c'était une demande du Comité sur l'évaluation environnementale stratégique.
Notre raisonnement à nous est à l'effet que
le processus d'exploration, tel qu'il est présentement défini, va fournir les
données qui permettront au BAPE de faire son analyse et sa consultation
publique par la suite. Vous pouvez, bien sûr, ne pas être d'accord. Mais, pour établir les fondements du
désaccord, dites-moi, à terme, si je comprends l'ensemble de
l'argumentaire, est-ce que votre voeu est
que le refus d'aller à l'île d'Anticosti faire de l'exploration ou de
l'exploitation soit total et final?
M. Simard (Christian) : Reformulez
votre question.
M.
Blanchet : Vous
voulez qu'on n'y aille pas?
M. Simard
(Christian) : En fait, ce
qu'on dit, c'est qu'il aurait été intéressant... Et il n'est pas nécessaire de
faire de la fracturation hydraulique pour... Regardez, avec les résultats des
forages historiques qu'ils ont eus à Anticosti, avec les données de base du pétrole de schiste, l'étude Sproule, on aurait
pu, je pense, faire des choix au niveau d'une politique énergétique, de dire est-ce que le pétrole de
schiste… Actuellement, il est très, très coûteux. On peut faire une
analyse économique. Ça aurait pu très bien
se faire, comme je vous dis, via le comité d'évaluation, même s'il désirait…
Vous auriez pu dire : Prenez un an de
plus pour travailler et faites le travail correctement. Ça aurait pu être un
choix de votre part, et on aurait pu établir ça, est-ce qu'il est
nécessaire de faire de la fracturation, une fracturation qui est risquée à
Anticosti. Il n'y a pas beaucoup d'eau à Anticosti, il y a des milieux
extrêmement fragiles, quoi qu'on en dise, là. Même que les chevreuils ne
peuvent pas vraiment piétiner, comme les rivières à saumon... Eh bien, on
aurait pu déterminer le choix qu'on veut faire.
Actuellement, on pense que c'est un mauvais
choix, nous autres, même d'un point de vue économique. C'est très, très coûteux, un pétrole non conventionnel à
lourd impact sur l'environnement. On peut aller chercher seulement de 1 % à 2 %, si jamais il y en a, le pétrole qui est dans le schiste. Il
va libérer du gaz qu'on va être
obligé de brûler jour et nuit pendant des années à
l'échelle, sans doute, de milliers de puits. Et c'est ça, la réalité du pétrole
de schiste, on le voit même au nord du Dakota.
Donc, on peut
faire des choix sans investir dans les compagnies juniors d'exploration, qui en
sont bien contentes, là, parce que
vous les sortez vraiment du pétrin, et on n'est pas obligés de faire de la
fracturation et de faire des forages pour avoir cette connaissance-là.
On peut faire une étude, une évaluation a priori, et ensuite on décide est-ce
que c'est vraiment dans l'intérêt
du Québec d'y aller ou non. Ensuite, on peut, si jamais
on répond oui, faire de l'exploration avec un encadrement légal correct.
Je trouve qu'on a procédé à l'envers dans ce cas-ci.
Le Président (M. Lessard) : M. le
ministre.
M.
Blanchet : Ce n'est
pas du tout ma question, là.
Le Président (M. Lessard) : M. le
ministre, si vous voulez repréciser pour votre question.
M.
Blanchet : Ce n'est
pas du tout ma question.
Le Président (M. Lessard) : Alors,
vous pouvez revenir sur votre question, M. le ministre, pour avoir…
M.
Blanchet :
S'il existait une autre façon de démontrer qu'il y a des réserves prouvées
de... — c'est
l'hypothèse de travail — pouvant
aller jusqu'à ce qui générera un bénéfice de 45 milliards, s'il existait
une autre manière de le démontrer, si on le savait déjà aujourd'hui, est-ce que
vous seriez pour l'exploitation ou contre?
M. Simard (Christian) : Dans une
exploitation non conventionnelle de schiste, c'est... Le rendement est tellement faible au niveau retour énergétique — on appelle ça en anglais le EROEI, là — dans le cas du pétrole de schiste, surtout dans une zone aussi éloignée, pas de port en eau profonde, éloignée des marchés, dans
un milieu sauvage, fragile, on ne
voit pas beaucoup d'intérêt. Mais, s'il
y avait généralement… si on pouvait
dire qu'il y a du pétrole conventionnel — ce
qu'il n'y a aucun élément qui nous dit ça — peut-être, ce serait un autre
questionnement. Le pétrole conventionnel a un
retour d'énergie quand même plus grand, ça demeure une ressource
non renouvelable. Mais, dans le cas du pétrole de schiste, qui est un pétrole extrêmement
lourd en impacts, très, très coûteux à aller chercher et à lourds impacts
environnementaux, je pense qu'avant même de faire de la fracturation
hydraulique il y a moyen d'en faire une analyse sérieuse puis dire est-ce que c'est l'option pour
le Québec, est-ce que c'est la vision pour le Québec
de demain. Selon nous, ça ne nous apparaît pas l'option.
Maintenant, il y a eu un débat, là, il y a une commission,
on pourrait argumenter sur cette base-là sans nécessairement investir dans les
compagnies juniors, puis se mettre par-dessus la tête là-dedans, et de prendre
fait et cause pour les compagnies
d'exploration comme gouvernement investisseur. Je pense qu'on aurait pu avoir
une réflexion avec une étude préalable qui n'aurait pas. Je pense qu'on
aurait pu faire ce travail-là autrement.
Le Président (M. Lessard) : M. le
ministre.
M.
Blanchet : Je
comprends quand même que les raisons de s'opposer de Nature Québec sont des
raisons à caractère environnemental, pas des raisons à caractère économique.
M. Simard
(Christian) : Pour nous, on
distingue difficilement... Vous savez, à
un moment donné, il y en a qui disaient en caricature : Vous les écologistes, vous n'avez pas
compris que la destruction de la planète, c'est le prix à payer pour une
économie en santé, et nous, on pense que l'économie réelle, c'est une économie
qui permet la durabilité des ressources. Donc, on ne peut pas ne pas s'intéresser
à l'économie, on le voit dans une économie écologique. La capacité des
écosystèmes à supporter leur utilisation par les humains, c'est de l'économie
écologique. Donc, on ne peut pas en faire abstraction.
Mais ne serait-ce que pour la lutte aux changements
climatiques, on attend toujours votre plan d'action, M. le ministre. Depuis 2012 maintenant, c'est comme
gelé. Mais, d'un point de vue de lutte aux changements climatiques, on
ne peut pas à la fois vouloir réduire de
25 %, d'être un leader au niveau mondial pour le Québec dans la lutte des
changements climatiques et d'emprunter la
filière pétrolière plein gaz. Et ça, je pense qu'il y a une incohérence
majeure, et on pense, nous, qu'au
niveau économique il y a plus à gagner pour le Québec, et on a le droit de
parole autant que les économistes. Vous savez, les économistes se trompent souvent, puis certains disent que
l'économie est trop importante pour être laissée dans les seules mains
des économistes. Et, dans ça, c'est qu'on pense, nous, qu'il y a plus de
développement à faire dans l'économie
d'énergie, l'énergie renouvelable que d'essayer d'être le dernier dans le club
des pays producteurs de pétrole avec du pétrole et du gaz non
conventionnels avec un lourd impact. Donc, je pense qu'on devrait collectivement
aller dans une autre solution que celle-là...
Le Président (M. Lessard) : M.
Simard, si on veut favoriser les échanges, on va essayer et de raccourcir les
questions, comme c'est le cas, et de peut-être garder les réponses un peu plus
courtes.
M.
Blanchet :
Avez-vous pris en compte dans vos analyses le fait que toute source d'émission,
incluant celle-là, est couverte par le système de plafonnement et
échange?
M.
Simard (Christian) : Si on émet plus, on ne peut pas beaucoup plafonner.
C'est comme...
M.
Blanchet :
Vous connaissez le système de plafonnement et échange.
M. Simard
(Christian) : Oui, oui, naturellement. Naturellement.
M.
Blanchet : Donc, vous savez que tout émetteur important est
assujetti, en particulier, à partir du 1er janvier 2015, l'industrie des
hydrocarbures.
M. Simard (Christian) : Oui, mais on ne voit pas comment une réglementation de
«cap-and-trade»... C'est de ça dont
on parle, là, le «cap-and-trade», là. Si on se met à rentrer dans ça, qu'on
sera capables de compenser ces mesures-là. Si on devient un plus grand producteur, on ne pourra pas véritablement, là,
trouver dans le marché et dans le marché des compensations… Et je pense
qu'on ne se met pas dans un bon système avec ça.
M.
Blanchet :
Je vous invite à me faire la démonstration chiffrée de ça. J'assume que vous
êtes la seule organisation parmi toutes celles qu'on rencontre qui est capable
de quantifier les émissions de gaz à effet de serre d'une éventuelle
exploitation de pétrole à l'île d'Anticosti, vous êtes capables de nous donner
le tonnage que ça représente et la capacité
de l'industrie, de l'entreprise de réduire ou de compenser en vertu des
technologies existantes.
M. Simard (Christian) : …on peut faire des projections à partir de l'exploitation des pétroles
de schiste au Dakota et sur des
modèles. Parce qu'actuellement personne ne peut déterminer… Même s'il y a du
pétrole qu'on peut extraire sur Anticosti, donc personne ne peut
déterminer ce que sera Anticosti en termes d'émissions de gaz à effet de serre,
on se comprend bien là-dessus.
M.
Blanchet :
On est d'accord là-dessus. Donc, à ce moment-là...
Le Président (M.
Lessard) : Ça va bien. Ça va bien, continuez.
M.
Blanchet :
...on ne peut pas établir qu'un système de plafonnement et échange ne peut pas
couvrir cet enjeu-là.
M. Simard
(Christian) : Il faudrait faire des projections, mais là on...
• (15 h 40) •
M.
Blanchet :
O.K. Est-ce qu'il n'y a pas, dans cette projection-là, dans la spéculation
relative à qu'il y a à l'île d'Anticosti, à
ce qu'il n'y a pas à l'île d'Anticosti… Dans les descriptions qui me semblent,
ma foi, troublantes, je serais le
premier à être inquiet si ça correspondait à une image qui m'apparaît réaliste,
mais je n'en suis pas
convaincu. N'est-il pas pertinent, dans l'intérêt des Québécois, de dire qu'un
exercice qui va couvrir en surface moins de la moitié d'un kilomètre
carré va nous permettre d'établir les réserves existantes dans le meilleur intérêt
de l'ensemble des Québécois, dont la totalité, à quelques milliers de véhicules
près, est encore, pendant une période de transition qui va prendre un
certain temps, tributaire d'hydrocarbures
qui, pour l'instant, viennent de l'Angola, du Kazakhstan, du Venezuela, de la
mer du Nord, avec une empreinte environnementale extrêmement importante?
De rejeter d'emblée en disant : Écoutez, on ne veut tellement pas qu'on ne veut même pas le savoir, s'il y a
quelque chose là, est-ce
que c'est une position
responsable, dans le meilleur intérêt des Québécois?
M. Simard (Christian) : Moi, votre discours me rappelle beaucoup de celui de M.
Harper, hein, c'est incroyable. C'est que, si on s'oppose…
M.
Blanchet :
On n'est pas obligés d'y aller à l'insulte, là. Ici, là, on est dans le
Parlement, là, on…
M. Simard (Christian) : Non, non, mais, je veux dire, là, si on a le
pétrole éthique du Kazakhstan, là, ou… on ne va nulle part avec ça, là.
Le Président (M.
Lessard) : M. Simard, on va…
M.
Blanchet :
…une petite gêne, là.
Le Président (M.
Lessard) : Non, là, ce n'est pas une… le nom du premier ministre du Canada,
ce n'est sûrement pas une insulte, mais, bon, on va s'en tenir à…
M.
Blanchet :
Ça se voulait une insulte. Conséquemment, c'en est une.
Le Président (M.
Lessard) : Bon, d'accord. Alors donc, on va…
M.
Blanchet :
Puis ça a marché, d'ailleurs...
M. Simard (Christian) : Oui, mais
regardez… écoutez, là, il y a une question…
Le
Président (M. Lessard) : M. Simard, s'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Simard
(Christian) : …est-ce que je peux répondre rapidement?
Le
Président (M. Lessard) :
Oui, mais une seconde. O.K.? Donc, la présidence demande maintenant
de ramener, donc, le point… Et les réponses sont correctes, je pense.
Chacun doit maintenant faire sa part, là, pour qu'on ait une audience intéressante. Parce que la population qui nous suit, là, en
perd des petits bouts, alors donc on va revenir sur les points
essentiels. M. Simard, vous avez une réponse structurée à donner, allez-y.
M. Simard
(Christian) : Oui. Il est sain et il est primordial que le Québec devienne
très rapidement moins dépendant du pétrole.
Donc, je pense qu'il y
a des très bons gestes qui ont été
annoncés, là, sur l'électrification des transports par le présent gouvernement. On ne peut pas,
malheureusement, tout faire. Donc, si on veut que ça réussisse, les
énergies qu'on a, les centaines de millions qu'on met sur Anticosti, on
devrait les mettre de façon structurée, on devrait les mettre de façon
structurée sur l'électrification des transports, sur l'absence… Est-ce que je
réponds dans le vide ou…
Le
Président (M. Lessard) :
Répondez, vous êtes enregistré. Et parfois il y a des échanges, ça peut
arriver, mais restez concentré sur le fait que vous faites votre
présentation.
M. Simard (Christian) : Oui. C'est parfois difficile. Donc, ce que je vous dis, c'est
simplement qu'on a des choix à faire,
des choix économiques. Au lieu de mettre 100 millions, là, pour
chercher d'éventuelles réponses sur une éventuelle possibilité
d'exploiter les hydrocarbures, si on mettait toutes ces belles ressources,
cette énergie-là à faire du Québec, là, une économie verte, je pense qu'on
serait gagnants.
Le Président (M.
Lessard) : O.K. Dernière petite question, il vous reste 15 secondes.
M.
Blanchet :
Oui. Vous étiez, le 12 novembre 2013, ainsi qu'un nombre considérable d'autres
organismes, d'accord avec le projet de loi n° 37, que vous saluiez parce
qu'il correspondait à la volonté populaire des Québécois. Avez-vous changé d'idée?
M. Simard (Christian) : On trouve que le projet de
loi n° 37, malheureusement, comme sa… Sur la base qu'il officialise un moratoire, c'est une
bonne chose…
Le Président (M.
Lessard) : C'est terminé là-dessus. Malheureusement, le temps gouvernemental…
M. Simard
(Christian) : On l'a dit, c'est une bonne chose. Malheureusement...
Le Président (M.
Lessard) : M. Simard, on va peut-être s'adresser à l'aile...
M. Simard
(Christian) : ...ces conditions le rendent moins intéressant.
Le Président (M.
Lessard) : ...peut-être à l'opposition, sur le temps de l'opposition,
peut-être que... Je vais passer à l'opposition.
M.
Sklavounos :
...M. Simard, M. Drolet, M. Ross… Je n'ai pas de micro.
Une voix :
M.
Sklavounos : Oui.
Bienvenue, M. Simard, M. Drolet, M. Ross. M. Simard, je vais vous laisser
compléter la réponse. Parce que je trouve que c'était une question importante,
alors on va vous laisser compléter cette réponse-là.
M. Simard (Christian) : Oui, en fait, il faut savoir que ce projet-là est issu, hein, d'une mobilisation citoyenne énorme dans le sud du Québec, et donc on a voulu
officialiser un moratoire pour permettre de compléter les études, et
tout ça. Donc, on a salué ça.
Maintenant,
si on le conditionne à l'entrée en vigueur d'un projet de loi sur les
hydrocarbures qu'on annonce très prochainement,
bien, le moratoire de cinq ans a moins de réalité. On a dit qu'on déplorait
aussi, là, que, dans le contexte actuel,
il risque de mourir au feuilleton aussi. Donc, c'est moins, selon nous, là, une
pièce fondamentale au niveau légal s'il ne dure que six mois et si,
finalement, on l'adopte dans six mois. Et, à ce moment-là, il va devenir un peu
caduc.
Nous,
on pense qu'il aurait pu être amélioré. Donc, la base du projet de loi, on l'a
saluée, mais on pensait pouvoir l'améliorer en étendant l'interdiction
de fracturation pour une durée de cinq ans à l'île d'Anticosti. Et on voulait
le proposer de bonne foi, là, pour faire
avancer ce projet de loi là, on n'a pas pu le faire parce que le gouvernement,
avec son annonce, nous a devancés, et c'est, à toutes fins pratiques, une fin
de non-recevoir. Je pense que ça a été confirmé par le ministre hier aussi.
M.
Sklavounos :
Merci, M. le Président. M. Simard, il y avait au moins une intervenante ici qui
a fait une présentation devant nous en
disant… Elle était tellement convaincue qu'il y avait déjà un moratoire qu'elle
se demandait pourquoi ça prenait un projet de loi.
Il y avait eu un débat à ce sujet-là. Vous, vous mentionnez à l'intérieur de
votre mémoire… vous parlez du moratoire de
facto. J'aimerais vous entendre là-dessus. En ce moment, là, selon votre
compréhension à vous, lorsqu'on
parle… Parce qu'il y a eu ce débat-là ici, il y a même eu
un échange à un moment donné où la
dame disait au ministre : Écoutez, il me semble qu'il y a déjà un
moratoire, puis le ministre disait à la dame : Il n'y en a pas, de moratoire, ça nous prend ça pour un moratoire. Votre point de vue — parce
que je sais que vous l'avez abordé un petit
peu, je vais vous donner l'occasion
de clarifier votre pensée — lorsque vous parlez de moratoire de facto, juste pour que les gens
comprennent, quelle est la situation présentement au Québec, selon vous?
M. Simard
(Christian) : Bon, actuellement, là, il n'y a pas de projet, là, en route
ou il n'y a pas de projet, là, concret, là,
d'exploitation dans le schiste, là. L'industrie, même, s'est un peu retirée. Il y a
une poursuite, là, aux États-Unis d'une
entreprise, Lone Pine — je ne suis pas sûr de me souvenir précisément du nom — selon
l'article 11 de la loi, mais essentiellement, là, on
est au point mort. Donc, il y a un moratoire de facto.
Cependant,
ça, ça peut changer du jour au lendemain. Bon, au lendemain, par exemple, du rapport du BAPE sur le gaz
de schiste, ça peut changer. Ça peut
changer après le dépôt d'une loi sur les hydrocarbures, on ne le sait pas,
parce qu'actuellement le projet de loi
n° 37 dit : À partir du moment où la loi sur les hydrocarbures est
adoptée, le moratoire tombe. Donc,
c'est quelque chose qui est réel, c'est un moratoire de facto, mais pour une
durée qu'on ne sait pas. C'est un peu
comme la situation en France — je parlais de ça avec M. Ross tout à
l'heure — où il y
a un moratoire de facto, mais éventuellement ça peut changer. Donc,
c'est intéressant, quand même, d'avoir un temps de réflexion pour jeter les bases
d'une politique sur l'énergie au Québec. Et, pour ça, bien, c'est important
d'avoir quand même, pour nous, un moratoire,
tel qu'il était prévu au départ, d'une durée d'au moins cinq ans, pour pouvoir
faire une analyse complète, là.
M.
Sklavounos : Juste pour clarifier un petit peu, évidemment
nous avons lu, tous — et on le
savait déjà avant parce que ça se discutait — au niveau de la non-opportunité économique
en ce moment, la non-rentabilité concernant le prix du gaz naturel sur
les marchés, est-ce que c'est ça lorsqu'on parle d'un moratoire de facto?
Est-ce que c'est, en effet, garanti pour le moment par le prix, et donc,
lorsque le prix sera peut-être plus intéressant, donc ça serait plus rentable… Est-ce qu'on… Je comprends qu'il y a
d'autres choses, je comprends qu'il y a une élection, je comprends tout
ça, mais faisons abstraction de tout ça, est-ce que c'est ça ou est-ce que
c'est d'autres choses aussi qui contribuent au fait qu'en ce moment il y a un
moratoire de facto au Québec?
M. Simard (Christian) : C'est sûr qu'il y a un rejet massif des populations concernées, hein?
Mais il peut y avoir, dans cinq, 10
ans, une montée, un changement des prix, et c'est pour ça que c'est important
de le faire non pas selon… mais selon
des choix que le Québec se sera donnés après réflexion. On va dans ce sens-là
ou dans un autre sens. C'est quoi, nos choix énergétiques? Et je pense
qu'ils ne devraient pas être dictés, là, par le prix du gaz, nécessairement,
conjoncturellement, ou par une levée de boucliers, mais qu'est-ce qui est le
meilleur intérêt pour le Québec au niveau économique.
On sait, justement, que le gaz de schiste, jusqu'à un certain point, a été un
concurrent d'Hydro-Québec, hein? Hydro-Québec
a eu beaucoup de difficultés à exporter son électricité sur les marchés
américains parce qu'on produisait de l'électricité avec le gaz de
schiste.
Donc,
c'est quoi, l'intérêt pour le Québec d'exploiter on non le gaz de schiste à
long terme, le pétrole de schiste d'Anticosti par rapport à d'autres
options énergétiques, par rapport… C'est quoi, les fondements de son économie? Est-ce qu'on doit l'exploiter parce qu'il est là,
même si les techniques ne sont pas bonnes, même si les prix sont
volatils? Je pense qu'il faut répondre à ces
questions-là pour le long terme, pour au moins une génération. Ce projet de loi
là nous permettait de jeter les bases
de cette réflexion-là, et c'est plus intéressant que : Ah oui! Il y a eu
une bataille, une guerre du gaz de
schiste, actuellement il n'y a rien qui se passe, mais ce n'est pas une
situation qui est intéressante, qui est positive et qui est porteuse de
solutions à long terme.
M.
Sklavounos : En quelque sorte, si je vous comprends bien…
Parce que, lorsqu'on a vu le projet de loi pour la première fois, il y avait certains éléments… Il y
en a qui ont souligné le caractère à géographie variable, si vous
voulez, du projet de loi, qui excluait
certains territoires en ajoutant d'autres. Il y a aussi le fait que, si je vous
comprends bien, ce qu'on propose,
c'est un moratoire, mais un moratoire avec tellement de trous que tous ces
éléments, tous ces facteurs dont vous parlez, incluant le fait qu'il
pourrait y avoir rapidement une loi sur les hydrocarbures, rendraient, en
quelque sorte… C'est un symbole plus
qu'autre chose, mais qui pourrait être, en quelque sorte, effacé rapidement
avec une loi, avec, possiblement — et je sais que ce n'est pas
pour demain — un
changement dans l'opinion publique concernant cette industrie-là. Vous êtes en
train de nous dire que ce qu'on a là, c'est comme une espèce de moratoire, mais
il y a tellement de trous dedans que ça ne vaut pas, en quelque sorte, le
papier sur lequel il est fait, là. Je...
• (15 h 50) •
M. Simard
(Christian) : Non, là, vous nous prêtez, là, des...
M.
Sklavounos :
Non, non, c'est… Désolé, j'essaie de...
M. Simard
(Christian) : Oui, ça, vous nous prêtez des mots qu'on n'a pas dits,
là.
M.
Sklavounos :
Ce n'est pas ce que je voulais faire.
M. Simard (Christian) : D'ailleurs,
ce vous voyez dans notre mémoire, nos recommandations, ça ne dit pas : Le projet de loi n° 37 doit être
jeté aux poubelles et le projet de loi n° 37 est mauvais dans son
principe. Ce n'est pas ce qu'on dit, aucunement. Ce qu'on dit, c'est que le projet de loi
n° 37, à la fois propose un moratoire de cinq ans et une condition qui fait qu'il pourrait être levé, dans
les faits, peut-être d'ici quelques mois. Et cette chose-là nous
préoccupe. Donc, on pense qu'elle devrait
être d'une durée minimale de cinq ans pour les raisons qu'on donne, parce
que... pour donner le temps de
compléter le travail. Et on pense que, si on veut être logique, vu que c'est la
fracturation, bien, cette fracturation, qu'elle soit dans le schiste avec le gaz ou dans le schiste avec le
pétrole, à Anticosti ou sur la Gaspésie, devrait être la même et
étendue. C'est ce qu'on souhaite. Malheureusement, comme je vous dis, notre
deuxième souhait, là, semble rejeté d'emblée, là.
M.
Sklavounos :
Est-ce que je peux poser une autre question, peut-être, un peu, de nature plus
scientifique, plus technique? Mettons, lorsqu'on va se mettre à creuser
à Anticosti pour trouver du pétrole, n'y a-t-il pas de bonnes chances que ce qu'on va frapper si on trouve... Et
on comprend que c'est... Il y a eu ce débat-là, ça s'est passé en
Chambre aussi, on parle de réserve très
hypothétique. Une des questions qui a été posée se base sur le rapport Sproule
également. Est-ce qu'on ne risque pas de
trouver du gaz avec le pétrole? Juste au niveau technique, scientifique, si
quelqu'un pourrait répondre à cette
question parce qu'on l'a entendue, puis on sait d'autres… il me semble, on les
trouve souvent ensemble. Donc, en quelque sorte, non seulement
parle-t-on du même procédé, mais, en quelque sorte, on risque de parler de la même ressource comme telle. Ils risquent de
creuser pour du pétrole et trouver du gaz. Je veux juste clarifier ça avec
vous. Vous avez des connaissances techniques que je n'ai pas. Moi, je n'ai pas
du tout cette formation-là.
M. Simard
(Christian) : Oui, je
peux... Je vais commencer, si mes collègues peuvent compléter... Il est clair
que, dans le pétrole de schiste, il est associé aussi de la présence de gaz
habituellement. La différence, quand on parle d'Anticosti,
c'est que c'est à peu près impossible à imaginer qu'on pourrait le canaliser,
ce gaz-là, créer un pipeline, vous savez,
sur une île du Saint-Laurent, dans le golfe du Saint-Laurent. On a la même
problématique au Dakota. Même si, encore
là, le Dakota, théoriquement, ce serait plus facile parce qu'ils sont sur la
terre ferme, ils sont directement sur le continent américain, mais on a
la même problématique de brûlage.
Donc, c'est
très semblable, si vous voulez, la fracturation comme technique pour trouver du
pétrole de schiste par rapport au
gaz, ça libère aussi du gaz. La différence, jusqu'à un certain point, est que
le gaz de schiste est quand même récupéré
en bonne partie dans le puits, en très grande partie, et il n'y a pas de
pétrole associé. Dans le cas d'Anticosti, on cherche le pétrole.
1 % à 2 % du pétrole qui est là, on pourrait le retirer, viendrait du
gaz qu'on devrait brûler jour et nuit,
multiplié par le nombre de puits qu'on aurait. On a fait une projection, on a
vu que le Dakota, le nord du Dakota produit autant de lumière, là, d'un point de vue satellite, que l'agglomération
de Chicago, même si vous devinerez qu'au Dakota on est plus dans le bétail et des densités de population très faibles.
Il y a certains même qui font des blagues, on pourrait peut-être faire
de la chasse au chevreuil la nuit à Anticosti parce qu'on brûlerait... Mais ce
n'est pas anodin, hein? Ça participe
massivement à l'émission de gaz à effet de serre. Je ne pense pas que le
système de «cap-and-trade» pourrait l'assimiler,
là, mais... Et ce serait de la génération, là... ce serait pour nous un impact
majeur au niveau environnemental, donc
il faut quand même le voir venir. Il y a des expériences qui ont lieu là, on
peut faire ces projections sans nécessairement faire de la fracturation
hydraulique pour le savoir.
M.
Sklavounos :
Je ne sais pas si quelqu'un voudrait compléter ou est-ce que c'est suffisant,
c'est clair. Je voulais aussi vous poser une question parce que vous
avez fait aussi des arguments de nature économique, hein, vous avez débordé
strictement de la question environnementale en parlant d'Anticosti, justement.
Si on était même pour faire abstraction de la formule de s'impliquer aussi
rapidement pour le gouvernement avec des deniers publics au stade de l'exploration,
si on était même pour faire abstraction à ce niveau-là, il me semble que j'ai
entendu des arguments économiques. Entre autres, vous avez parlé du fait de la
canalisation, entre autres, la rentabilité de cette ressource-là. Voulez-vous
revenir là-dessus un petit peu?
M. Simard
(Christian) : Bon, il y a
des éléments, là, de base. On dit souvent en économie écologique, là :
Quand il y a une ressource qui est non renouvelable, quand on va la chercher,
c'est comme... ça devient un passif au niveau de cette analyse-là parce qu'on l'enlève aux générations futures. D'où
l'idée, quand c'est fait, il faut que ça soit extrêmement rentable pour
trouver des substitutions au produit non renouvelable. Ça, c'est une première
chose. Dans le cas de l'exploitation, on
doit se poser cette question-là parce que, quand on exploite cette réserve-là
avec de mauvaises technologies et avec des impacts potentiellement
environnementaux lourds, bien, on impute ces problématiques-là aux générations
futures, qui n'ont plus la ressource et qui risquent de gérer les dégâts. Ça,
c'est un premier point.
Maintenant,
dans une économie beaucoup plus traditionnelle, c'est que, déjà, à
l'exploration, le Québec est très généreux. Il y a une étude de Ross et
Smith qui a déterminé que, dans le gaz de schiste, pour chaque 5 $ investi
par les compagnies au Québec, il y avait un
retour fiscal de 5,12 $. Ça, c'est l'étude qui est citée dans notre
mémoire de l'APGQ et qui dit… Et là
on ne parle pas d'investissement dans la compagnie. On peut deviner... Et on
fait travailler des fiscalistes, on pense que la même situation existe
aussi même pour une éventuelle exploration pétrolière au Québec, c'est-à-dire un retour fiscal plus grand. Juste par
comparaison, on l'a dit, Pennsylvanie, Texas, Louisiane, beaucoup moins
généreux, le retour fiscal.
Donc, déjà, dans le gaz de schiste, au Québec,
notre générosité au niveau de crédits à l'exploration et actions accréditives,
ça peut être plus de 100 % du coût. Si on ajoute 100 millions en
investissements dans des compagnies juniors,
comme on vient de le faire, ça devient à ce moment-là... le risque est assumé
entièrement par la société québécoise pour
un pétrole dont on ne sait pas s'il existe et pour une filière qui n'est pas
intéressante d'un point de vue environnement et économie, selon nous.
Donc, je pense qu'on va beaucoup trop rapidement dans ce dossier-là et qu'on
aurait pu agir autrement.
C'est un peu, là, le côté, là, qui fait qu'on est peut-être... un ton peut-être
un peu dur aujourd'hui parce qu'on a difficilement accepté, là, cet
investissement-là d'Anticosti, dont on ne comprend pas le sens actuellement.
M.
Sklavounos : Il y a eu des tentatives de la part du
ministre, de la part du ministre du Tourisme également, qui a fait certaines déclarations qui ont été relevées
dans les médias, que j'ai relevées hier dans nos échanges, d'essayer de tracer des différences entre
les basses-terres du Saint-Laurent et les gaz de schiste et le pétrole à
Anticosti. Entre autres, on revient
souvent sur la surface territoriale qui sera touchée, on revient sur le fait
qu'il n'y a pas une activité économique
concurrente telle que l'agriculture dans les basses-terres, on revient sur le
fait que la population n'est pas la
même, moins peuplé, moins de contestation. Pourquoi vous n'êtes pas convaincu
par ces arguments-là pour faire une distinction entre les deux et, en quelque
sorte, essayer de trouver une cohérence entre ce qui semble contradictoire, prima facie?
M. Simard
(Christian) : Oui. C'est sûr qu'au niveau, là, sociologique on ne parle pas
de la même chose, hein? Le sud du Québec,
en termes d'occupation de territoire, et l'île d'Anticosti, on va comprendre
que ce n'est pas la même réalité. Il y
a beaucoup plus de monde et d'électeurs, là, aussi, là, dans le sud du Québec
qu'à Anticosti, mais il y a des problématiques parfois même plus
graves à Anticosti. Par exemple, on n'a pas pu tout analyser le rapport synthèse qui a été remis, qui a été
publié lundi soir, de mémoire. Et donc on ne l'a pas tout lu, mais on a bien lu que certaines rivières peuvent assumer, là,
la ponction d'eau, certaines rivières ne le peuvent pas. La rivière du Chêne, la rivière Bécancour, je crois, de
mémoire, ne le peuvent pas. Mais, dans Anticosti, on parle de 24 rivières à saumon à très
faible débit. Il y a un phénomène morphologique là-bas qui fait que, parfois,
l'eau disparaît de certaines
tourbières, et les rivières
deviennent à sec pratiquement spontanément. C'est un système géologique assez
particulier, la morphologie…
Le Président (M.
Lessard) : Ça termine, malheureusement, l'intervention pour le groupe
de l'opposition officielle. On va donc
passer au critique de la deuxième opposition, donc le député de
Nicolet-Bécancour. La parole est à vous pour 3 min 48 s.
• (16 heures) •
M.
Martel : Merci, M. le Président. Bien, bonjour à vous trois.
Vous avez fait allusion tantôt au fait qu'on présente un projet de loi, on étudie un projet de loi, et
il y a des bonnes chances qu'il ne soit jamais adopté. Et je comprends,
puis, moi, ça me met même mal à l'aise un
peu de faire ces travaux-là, faire venir les gens en sachant que probablement
que le travail qu'on fait, il va être à recommencer. Puis, pourtant, cette
loi-là, je pense qu'elle a été déposée quelque chose comme au mois de mai, ça avait l'air à être une urgence,
et, finalement, ce n'est pas… Donc, on a de la difficulté, nous aussi, à
suivre le parcours, des fois, du gouvernement.
Moi,
je veux vous dire… Puis j'ai beaucoup de respect pour ce que vous faites comme
j'ai beaucoup de respect pour les entreprises privées ou des gens qui
vont avoir une propension plus favorable à l'exploitation des ressources naturelles. Mais, si vous trouvez que le Parti
québécois va trop loin, je veux dire, c'est évident que, par rapport à
nous, ça va être un petit peu plus difficile
parce que nous, on est d'accord avec le moratoire pour l'exploitation du gaz de
schiste, mais, pour Anticosti, on souhaitait que ça se fasse depuis,
quand même, déjà un bon bout de temps. Vous savez, vous avez une opinion par
rapport…
Prenons
Anticosti — puis
la même logique s'applique ici, là — vous dites que ce n'est pas
nécessairement rentable, compte tenu qu'il
n'y a pas de port en haute mer ou des choses comme ça, d'aller faire de
l'exploitation, puis je suis certain
que les arguments que vous soulevez, ils sont bons. Mais moi, je suis dans ce
dossier-là, ça fait quand même un bon
bout de temps, en même temps il y a l'entreprise privée, qui nous dit :
Nous, on met des sous, là, dans cette opération-là puis on trouve que c'est suffisamment rentable
pour y aller. Ça fait que nous, on essaie de trouver la situation idéale
par rapport à ça, puis une des façons d'y
arriver pour nous… Je reviens au gaz de schiste dans les basses-terres du
Saint-Laurent, nous, on pense que ce
serait intéressant qu'il y ait une espèce de puits, un projet pilote pour qu'on
puisse évaluer mieux le potentiel,
les retombées économiques, que le ministère acquière de la connaissance via le
ministère de l'Environnement, des Ressources naturelles. Qu'est-ce que
vous pensez de ça, qu'on ait un puits d'expérimentation, là, à un endroit,
évidemment, où il y a un potentiel, là?
M. Simard (Christian) : Disons que, si on parle du gaz de schiste, M. Martel, je constate — bonjour, Mme la Présidente — que vous avez la même position que le
gouvernement, là, sur et le gaz de schiste dans le sud et Anticosti, vous l'avez dit. On ne voit pas vraiment
l'utilité, là, d'un puits-école parce que mettons qu'aux États-Unis il
commence à y en avoir eu beaucoup, hein, de puits de gaz de schiste, donc on
peut quand même… Et il y a eu quelques expériences au Québec, là, même, une trentaine de puits, là. Le rapport synthèse en a
suivi environ 22, là, de façon plus serrée. Donc, on ne voit pas tellement qu'est-ce qu'on pourrait,
là, à part peut-être un puits-école pour des techniciens au cégep, là,
pour apprendre leur métier… Mais je pense qu'ils pourraient aller aux
États-Unis ou en Alberta, là, et donc on ne voit pas vraiment l'intérêt, là,
d'un puits-école parce qu'on pense qu'on peut faire des projections, compte
tenu…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Malheureusement, le temps est écoulé. Alors, je vous
remercie pour la présentation de votre mémoire.
Et on va suspendre
quelques minutes, et j'inviterais M. Mario Lévesque à prendre place, s'il vous
plaît.
(Suspension de la séance à
16 h 3)
(Reprise
à 16 h 4)
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, M. Lévesque, bienvenue à cette commission.
Vous avez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire. À vous la
parole, s'il vous plaît.
Association québécoise des fournisseurs
de services pétroliers et gaziers
M. Lévesque (Mario) : Parfait. Bien, premièrement, je voudrais remercier les membres du
comité de m'avoir ici aujourd'hui. C'est très apprécié, le travail que
vous faites.
Je
me présente, Mario Lévesque. Je suis le président de l'Association des
fournisseurs de services pétroliers et gaziers et président de
Séismotion, une entreprise privée dans le secteur de l'exploration du gaz
naturel et du pétrole.
L'AFSPG,
l'Association des fournisseurs de services pétroliers et gaziers, a été fondée
en novembre 2011 dans le but de
développer une expertise locale et de permettre aux entrepreneurs du Québec de pouvoir
accéder au développement de
l'industrie des hydrocarbures dans la province. Le développement de cette
expertise et des fournisseurs de services est une condition essentielle
au développement d'une industrie des hydrocarbures viable au Québec.
L'Association
pétrolière canadienne estime que, pour chaque emploi créé dans une compagnie
d'exploration et d'exploitation pétrolière, environ 10 emplois sont
créés dans le secteur du service. Autre statistique intéressante, chaque géologue pétrolier fournit du travail à 10
ingénieurs différents, et chacun de ces ingénieurs fournit du travail à 40 employés divers. Ces chiffres se recoupent et
sont vérifiables auprès des différentes sources, l'Association
pétrolière canadienne, PSAC, SHGC.
Selon
le ministère des Ressources naturelles, le Québec importe et consomme environ
5,5 milliards de mètres cubes de
gaz naturel par année. Cette importation fait partie intégrante de notre
déficit commercial. Il est un fait établi que le gaz naturel est une
source d'énergie propre quand on parle d'hydrocarbures, c'est la source la plus
propre. Le fait que nous devions réduire notre consommation de pétrole devrait
inciter le gouvernement du Québec à développer cette filière, et non pas à
établir un nouveau moratoire.
Le Québec a l'avantage et la chance de posséder
des ressources prouvées importantes en gaz naturel. Des entreprises telles que Questerre Energy, Lone Pine Resources,
Cambrian, Junex, Gastem, Talisman ont investi plusieurs centaines de millions de dollars en recherche et ont eu la
chance de découvrir et de prouver une ressource ici, au Québec, une
ressource qui, dans plusieurs pays, aurait
été considérée comme une manne. Mais, au lieu de nous réjouir et de développer
cette ressource énergétique propre, le Québec a décidé de mettre le frein et de
se camper dans une peur créée de toutes pièces
par certains groupes démagogues qui prônent par leur action la limite à la
croissance. Cette peur est devenue si forte que la seule évocation du mot «schiste» fait frissonner. Une peur
injustifiée, quant à moi, parce que le schiste, c'est quoi? C'est un
qualificatif pour plusieurs types de roches. Mais c'est aussi l'endroit où
naissent les hydrocarbures, c'est la roche mère.
Puis
que dire quand on parle de fracturation hydraulique, une technique grandement
utilisée pour stimuler les puits à eau
au Québec? On a fracturé plus de 200 000 puits à eau au Québec
présentement, mais c'est aussi la technique utilisée dans des centaines de milliers de puits de pétrole
et de gaz en Amérique du Nord et au Canada, puis avec succès et avec
très peu d'inconvénients pour la population. Mais cette technique a été
démonisée avec des stratégies de marketing des plus efficaces puis sans aucun
fondement.
En tant que
représentant de l'industrie du service, je suis persuadé que les techniques que
nous utilisons sont sécuritaires et respectueuses de l'environnement. J'y crois
tellement que, lors de la récente convention de l'APGQ, plusieurs des
dirigeants de l'industrie ainsi que moi-même avons bu le fameux liquide de
fracturation — on
en a pris chacun un verre — de
l'entreprise Halliburton.
Alors,
pourquoi cette peur? Peut-être par manque de connaissances, mais surtout, à mon
avis, parce que la population du Québec est devenue cynique et ne sait
plus qui croire. Les réseaux sociaux, avec tous ces prétendus experts, donnent
à ces groupes une fenêtre de mise en marché très efficace, mais aussi une
fenêtre de destruction de l'économie du Québec et un ralentissement
considérable à nos avancées environnementales et technologiques. Ces anciens
professeurs, ingénieurs, qui se font présenter comme spécialistes, mais qui
n'ont jamais travaillé dans notre industrie,
ont pris un goût au micro, et toutes sortes d'inepties sont bonnes pour
maintenir ce 15 minutes de gloire. Des discours si farfelus parfois que
les vrais experts de l'industrie refusent de débattre avec eux, car ils ont des
propos incohérents avec les réalités physiques et géologiques de notre planète.
Notre industrie n'en
est pas une de spectacle ni de divertissement, et, pour nous, ce n'est pas un
hobby. L'industrie des hydrocarbures en est
une de travailleurs ultraspécialisés, avec des concepts scientifiques très
pointus. Nous n'oeuvrons pas dans un
domaine de certitude, toutefois. Ça peut être frustrant pour la majorité de la
population. Malgré toute la bonne
volonté du monde, je ne peux pas vous affirmer que, si je fore un puits à
Sainte-Françoise de Lotbinière, par exemple, que ce puits sera productif
et à quel volume. Avec la connaissance actuelle de la vallée du Saint-Laurent,
si nous avions l'accord de la population et
des différents paliers de gouvernement, je ne pourrais pas vous dire combien
de puits pourraient être forés et quelles
zones seraient productives. Plusieurs centaines de millions en investissement
seront encore nécessaires dans des projets de démonstration de production afin
d'obtenir de ces réponses.
Un projet pilote de
production serait aussi bénéfique pour le gouvernement. Il permettrait au
ministère de l'Environnement, au ministère
des Ressources naturelles, au ministère des Finances de tester chacun de leurs
départements des hydrocarbures. Comme pour
Anticosti, le gouvernement doit chausser les bottes du promoteur, comme disait,
justement, le ministre Blanchet récemment, et devenir partenaire du
développement dans les basses-terres du Saint-Laurent. Ce partenariat
permettrait, à mon avis, de sécuriser la population et ainsi créer un projet de
société hydrocarbures.
Dans
la globalisation des marchés et avec les avancées importantes réalisées par nos
voisins en cette matière, les élus de
notre province doivent faire preuve de leadership et permettre de se lancer
dans le développement de ce secteur industriel.
Le gaz naturel, dans un contexte de réduction des gaz à effet de serre, devient
nécessaire au développement économique
et à la sécurité énergétique de notre province. Scientifiquement, il ne fait
aucun doute que l'utilisation du gaz naturel est meilleure pour
l'environnement que l'utilisation du charbon, du mazout ou du bois de
chauffage. Une production locale, en plus d'avoir des bienfaits sur notre
économie, améliorerait de façon instantanée notre empreinte environnementale.
Produire localement le gaz naturel équivaut à retirer 77 000 véhicules des
routes du Québec, et ce, instantanément,
sans changer nos habitudes de vie. Un des principes du développement durable
est la production locale, c'est aussi valable pour l'énergie.
• (16 h 10) •
L'expertise des universités, des collèges
québécois est méconnue de la population dans le développement des hydrocarbures, mais nos institutions
d'enseignement sont outillées et ont les connaissances nécessaires pour
supporter ce développement. Les bienfaits du
développement de toute nouvelle industrie sont souvent occultés par des
considérations environnementales qui peuvent
être légitimes, je l'avoue. Mais ici nous ne parlons pas d'une nouvelle
industrie ni d'une nouvelle technologie, le développement des
hydrocarbures a une expérience de plus d'une centaine d'années. Et des centaines de milliers de puits ont été forés au
Canada, et on parle de millions de puits en Amérique du Nord, ce qui
confère une banque de données des plus
considérables. La technologie est connue, efficace, sécuritaire. L'industrie
des hydrocarbures est l'une des industries les plus sécuritaires en
Amérique du Nord et dispose de la meilleure technologie disponible sur la
planète.
En
conclusion, je demanderais… le gouvernement doit se lancer dans un programme
d'information à grande échelle pour
corriger la situation de perception, tout comme il l'a fait pour Anticosti, et,
à mon avis, le BAPE sera la plateforme de lancement parfaite pour ça. Et
vous devez considérer — deuxième
chose — un
moratoire sur le développement du gaz naturel de schiste comme un moratoire sur
l'amélioration de notre environnement, de notre économie, de la création de milliers d'emplois et de notre
indépendance énergétique, et que tout nouveau moratoire sur le
développement des ressources naturelles au Québec lancera un signal négatif aux
investisseurs internationaux. Mais, si l'avenue du moratoire était choisie par cette Assemblée, je tiens à vous dire notre
ouverture à travailler avec mon gouvernement sur l'avancement de notre
société. Merci.
La
Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. Lévesque, pour la présentation
de votre mémoire, et vous l'avez présenté dans les délais requis. On va
passer maintenant au groupe formant le gouvernement. M. le ministre, à vous la
parole.
M.
Blanchet : Je n'ai que quelques questions
assez pointues pour vous parce qu'il
y a beaucoup d'éléments qui ont déjà
été abordés. On est un peu entre deux courants de pensée qui,
traditionnellement, s'opposent de façon très marquée, les promoteurs et
des groupes environnementaux, et on constate, hors de tout doute, qu'on est
capable de verser dans des excès assez extraordinaires.
J'ai fait la comparaison auprès de certaines
personnes qui ont comparu ici entre le projet de démonstration ou le projet pilote en disant qu'ultimement, comme le
disait M. Binnion, on pourrait creuser, forer 40 000 autres puits
puis on n'apprendrait pas grand-chose au
niveau technique. La vocation d'un forage est d'établir la réserve, prouver la
réserve éventuellement. À cet égard-là, donc
je suggérerais que ce projet de démonstration, c'est essentiellement une
exploitation à petite échelle. Comment on le
justifie à ce moment-là, puisqu'effectivement on dit : On va faire en
petit ce qu'on ne peut pas faire en
gros? Comment on justifie cette volonté-là de dire : On va y aller pareil,
mais on va y aller par la porte d'à côté?
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Lévesque.
M. Lévesque (Mario) : Bien, un pilote de
production, pour moi, c'est, premièrement, une fenêtre qui permettrait au gouvernement... — parce
que ça fait plusieurs années que je travaille avec le gouvernement... — qui permettrait, justement, de tester, autant au niveau
du ministère des Ressources
naturelles, du ministère de l'Environnement, du ministère
des Finances… Ce serait un pilote de
production pour voir qu'est-ce que ça pourrait donner éventuellement et de roder un système
avant de se lancer à grande échelle si, éventuellement, on se lance à grande échelle sur ce développement-là.
Ça, c'est au niveau du gouvernement.
Au niveau de
l'entreprise privée, un pilote permettrait de faire une avancée, un pas de plus
dans la connaissance du bassin. Puis,
au niveau de l'enseignement et de la population en général, bien, ça
permettrait de pouvoir s'intéresser et d'arriver
avec une certaine connaissance en formation et en développement de
connaissances au Québec. Ça fait que, pour moi, ce serait gagnant sur tous les niveaux. Mais bien entendu qu'un
projet comme ça ne pourrait se faire seulement par l'industrie, il
faudrait que ce soit un projet chapeauté 100 % par le gouvernement.
M.
Blanchet : Ne
retenez pas votre souffle. Un projet de ce type-là, s'il avait du succès,
extrairait du pétrole. Mais il n'y a pas de
rentabilité à extraire du pétrole d'un seul forage de type démonstration, ce
n'est pas un exercice
rentable, là, on est d'accord.
M. Lévesque (Mario) : Là, on parle
de gaz, là, dans le schiste?
M.
Blanchet : Oui,
oui, oui, effectivement. On finit par les mêler, hein?
M. Lévesque (Mario) : Oui, il
y a beaucoup de gens qui vous ont
parlé de pétrole. C'est sûr que, sur un projet de production comme ça, la rentabilité, sur le court terme, n'est
pas là, mais c'est justement pour l'avancée de la connaissance et de la mise en pratique de la
connaissance des meilleures pratiques pour l'industrie, pour éventuellement,
si on arrive avec un développement au Québec... ça permettrait d'acquérir une
plus grande acceptabilité, à mon avis, quand
les gens vont le voir directement, avoir une fenêtre de développement. Parce qu'on a parlé de la
Pennsylvanie, j'ai amené des gens
faire des voyages en Alberta. Depuis deux ans, là, on a un voyage annuel qu'on
fait. Malgré tout cela, ça ne peut pas être médiatisé au Québec comme
avoir une fenêtre directement ici, sur le travail.
M.
Blanchet : Dans la mesure où ce ne serait pas un exercice, en
soi, rentable et dans la mesure où on ne peut pas présumer du résultat
de l'exercice de consultation, de ce que seront les recommandations du BAPE et
de ce que sera la décision du
gouvernement — il est
possible que le gouvernement dise «c'est non, ça reste non» — est-ce que ce n'est pas contraire aux
intérêts de l'industrie, sauf si, bien sûr, le gouvernement ramasse la facture?
Mais je vous dis que ça n'arrivera pas.
Est-ce que ce n'est pas contraire aux intérêts de l'industrie que d'investir de
l'argent avec ce niveau-là de risque, puisqu'on pourrait arriver à la
conclusion qu'il n'y aura pas d'exploitation dans la vallée du Saint-Laurent?
Est-ce que ce n'est pas mieux d'attendre le 18 mois que ça pourrait
prendre pour disposer de l'enjeu?
M. Lévesque (Mario) : Oui et non. O.K. C'est sûr que, s'il y avait une fermeture complète puis
que le gouvernement ne serait pas
pour aller de l'avant sur aucune exploitation pétrolière ou gazière au Québec,
ça ne vaudrait pas la peine de le
faire. Mais, dans l'état actuel de la situation, avec le gouvernement qui a
décidé d'investir à Anticosti, avec les
technologies qui sont, à mon avis, à point, et qu'on est, au point de vue
technique… on sait qu'est-ce qu'on fait, que la population du Québec, on
l'a vu dans les récents sondages, a une très bonne acceptabilité du pétrole,
peut-être moins pour le gaz de schiste à
cause de La Présentation… Mais, d'après moi, la roue va tourner parce qu'il y a
quand même une mobilisation du gouvernement qui permet de pouvoir
espérer que les hydrocarbures vont se développer au Québec.
Puis
on peut le voir, sur un espace de temps assez réduit, qu'on va éventuellement
pouvoir faire, à mon avis, de l'exploitation
dans les basses-terres du Saint-Laurent parce que cette technique-là va être
prouvée sécuritaire avec le BAPE puis… Le problème qu'on a présentement,
ce n'est pas un problème de technique — puis on l'a vu avec l'étude environnementale — c'est beaucoup plus un problème
d'acceptabilité, c'est à ce niveau-là. Puis je pense qu'en collaborant avec le gouvernement… Les gens cherchent quelque
chose à se raccrocher. Et, si le gouvernement devient partenaire, bien,
ça sécurise beaucoup les gens.
M.
Blanchet : Je vous réitère… Et je dois le faire parce que,
comme vous avez vu, il y a un collègue de mon ami de Nicolet-Bécancour qui m'a déjà appelé «camarade»,
disant que j'étais un écolo extrémiste, et quelqu'un qui est passé ici,
il n'y a pas si longtemps, qui m'a comparé à Stephen Harper. Donc, vous voyez
qu'on peut verser dans des extrêmes sympathiques
ici. Alors, je veux préciser une chose, vous ne devez absolument pas présumer,
vous ne devez absolument pas…
Une voix :
…
M.
Blanchet : Non, non, non, un collègue de mon collègue. Toi,
tu étais mon ami; l'autre, c'était le collègue. Vous ne devez absolument
pas présumer que la volonté du gouvernement de participer à un exercice
d'exploration sur l'île d'Anticosti permet
de croire que le gouvernement envisagerait un exercice similaire dans la vallée
du Saint-Laurent. Parce que c'est
revenu à plusieurs reprises. Même hier, ça allait jusqu'à dire que ça ne se
serait pas passé de même si le gouvernement avait été là dès le début.
Venant de la Fédération des chambres de commerce, quand même, c'était sensationnel. Vous ne devez pas présumer de ça,
nous sommes dans un exercice qui part d'un a priori construit à partir d'un manque flagrant d'acceptabilité sociale. Et,
quoi qu'on en dise et quelles que soient les comparaisons fascinantes qu'on peut faire, la situation des basses-terres
du Saint-Laurent et celle de l'île
d'Anticosti ne sont pas comparables. Donc, ne présumez pas de cette
volonté-là du gouvernement.
Dites-moi,
est-ce que j'ai raison de penser que la rentabilité, compte tenu des prix sur le marché américain… la rentabilité du gaz de
schiste hypothétique de la vallée du Saint-Laurent, aujourd'hui, serait bien
incertaine?
• (16 h 20) •
M. Lévesque (Mario) : Oui. Puis je suis content que vous me posiez cette question.
Je viens de vérifier les prix sur
Henry Hub, le gaz naturel, présentement, aujourd'hui, est à 6,17 $, il était à 3 $ il y a un an. Il y a une grosse
différence, les prix ont une tendance à s'en
aller vers la hausse. Présentement, il y a une pression d'exportation aux
États-Unis sur les marchés. Présentement, la rentabilité au Québec, en
connaissant ce qu'on a comme connaissances présentement, bien, ça serait
rentable, effectivement, et très rentable.
M.
Blanchet :
Je ne suis pas prêt à dire que c'est une bonne nouvelle pour le gaz de schiste,
mais je suis prêt à dire que c'est une bonne nouvelle pour l'hydroélectricité,
par contre.
Est-ce que vous êtes
capable de chiffrer, dans l'état actuel du marché, des fluctuations et des
incertitudes, l'impact du report — il n'y a personne qui utilisait ce qu'il
était permis de faire auparavant — l'impact du report de ce délai, du moratoire, dans la mesure où il n'y a
personne, là… Le marché étant ce qu'il est, et, jusqu'à il y a un mois,
on était à 3 $, donc personne ne se
bousculait, ça n'aurait pas été rentable. Est-ce qu'il y a vraiment une perte
pour l'industrie ou est-ce qu'on n'est pas en situation assez
spéculative?
M. Lévesque (Mario) : Bien, présentement,
c'est sûr que les marchés… Puis, de la façon qu'un bassin va se développer, les
puits vont être forés, puis la production va aller en montant ou en diminuant
dépendamment de la demande
parce qu'un coup que ton puits est foré tu n'as pas besoin nécessairement de
l'exploiter tout de suite. C'est une des
réalités, tu sais, tu as ta réserve qui est là, mais être prêt à pouvoir aller
de l'avant... C'est que, quand on va arriver au moment où ça va devenir
intéressant de développer, tout comme le pétrole, tout comme… tu ne peux pas
forer des dizaines de puits à la fois, il y
a toute une industrie à s'établir autour, puis c'est une courbe qui va se faire
graduellement. Ça fait qu'on peut préparer
une industrie à l'avance sans nécessairement l'exploiter maintenant, dans les
jours qui viennent.
M.
Blanchet :
Dites-moi… Je ne sais pas comment ça se calcule, alors on va y aller par
surface, mettons par 100 kilomètres carrés.
On prend la zone la plus propice des basses-terres du Saint-Laurent, qui est un
peu la section est de Bécancour, la section ouest de Lotbinière, là, on
est dans cette espèce de petit ovale qui est une fraction d'Utica si je
comprends bien. Là, on se dit : On a 100 kilomètres carrés. L'exploitation
de ces 100 kilomètres carrés là en surface représenterait combien de puits,
combien de dalles de ciment?
M.
Lévesque (Mario) : Encore une
fois, ça va dépendre du développement du bassin parce que, dans la connaissance
actuelle des pressions, il y a encore
beaucoup de recherche à faire. On peut aller du six puits par «pad», par même
section, on peut aller à huit. Les jambes de section, à cette heure, ont plus
de trois kilomètres. Ça veut dire qu'un «pad» va pouvoir couvrir environ, probablement, six par six… six kilomètres par
six kilomètres, 36 kilomètres carrés sans avoir besoin de d'autres… Ça veut dire que tu as un «pad» à tous les six
kilomètres qui pourrait être créé. Puis ça, c'est si je vous dis une couverture totale, ce qui est loin d'être
le cas parce que, quand tu fais un développement, bien, premièrement, il
faut que tu aies ta rentabilité, deuxièmement, il faut que tu le rentres dans
le réseau. Puis le développement ne se fait pas nécessairement sur… ça va se faire de façon... en gonflant à partir d'un
point central. Pour vous dire exactement les chiffres, je ne peux pas
les avoir tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas fait plus de travail.
M.
Blanchet : Une
dernière. Elle est hypothétique, je comprends.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Moins
d'une minute, M. le ministre.
M.
Blanchet : O.K. Vous faites toutes les démonstrations
imaginables, vous faites tout l'exercice de démonstration, les résidents
de la vallée du Saint-Laurent disent quand même : On n'en veut pas. Est-ce
que vous reconnaissez la légitimité de leur choix?
M.
Lévesque (Mario) : Tout à fait.
L'industrie ne viendra pas s'établir tant et aussi longtemps qu'il n'y aura
pas une acceptabilité. Dans tout développement industriel à cette heure sur la
planète, c'est une condition sine qua non. S'il
y a un sentiment… Parce qu'on a à avoir l'acceptabilité locale pour pouvoir
faire un développement, parce que les gens locaux sont les partenaires
de l'industrie.
M.
Blanchet : Je salue
votre courtoisie.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Il
vous reste encore quelques secondes, M. le ministre.
M.
Blanchet : Je ne
sais pas si les collègues avaient une question, moi, j'ai…
La Présidente (Mme Beaudoin) : Non?
Ça va?
M.
McKay : Bien, juste
pour faire suite à…
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui,
M. le député de Repentigny, pour quelques secondes.
M.
McKay : Bien, vous n'êtes pas d'avis que l'adoption
de ce moratoire permettrait, justement, de pouvoir… pour vous qui pensez que vous
pouvez convaincre les gens que c'est bon d'aller de l'avant, que…
La
Présidente (Mme Beaudoin) : Malheureusement, le temps est écoulé. Alors, je cède la parole au deuxième
groupe formant l'opposition officielle. M. le député de Mégantic, à vous la
parole.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
M. Lévesque. Il me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui ici. Je voudrais, tout d'abord, vous
poser une question, est-ce que vous avez appris votre métier
d'exploration de pétrole ici, au Québec?
M. Lévesque (Mario) : Non. Quand j'avais
18 ans, pour payer mes études collégiales et universitaires, je faisais du sismique dans l'Ouest canadien. Ensuite
de ça, du dynamitage. J'ai fait de A à Z dans l'industrie du pétrole.
M.
Bolduc
(Mégantic) : O.K. Mais à l'extérieur du Québec. Vous êtes
revenu au Québec pour faire de l'exploration?
M. Lévesque (Mario) : Oui, tout à fait.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Maintenant, vous avez dit plus
tôt qu'il y avait eu des milliers de puits au Québec de creusés. Est-ce
que vous avez participé à beaucoup de cette exploration-là, vous?
M.
Lévesque (Mario) : Non. Bien,
j'ai parlé des puits à eau, il y a eu des puits... Les puits, dans les basses-terres
du Saint-Laurent, quand on veut produire de l'eau, se doivent d'être fracturés
la plupart du temps.
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Ah oui? O.K.
M. Lévesque (Mario) : O.K.?
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Donc, des puits artésiens qu'on...
M.
Lévesque (Mario) : Les puits
artésiens sont fracturés avec le même genre de technique qu'on utilise pour
les puits de pétrole, puis tu utilises aussi
des produits pour injecter dans les puits artésiens, pour produire de l'eau.
C'est...
M.
Bolduc
(Mégantic) :
O.K. Allez-y, continuez. Donc, votre production d'eau, des puits artésiens,
est-ce que vous en avez fait beaucoup, de ça?
M.
Lévesque (Mario) : Moi,
personnellement, non. Je connais des puisatiers, c'est de même que j'ai appris.
Mais j'ai travaillé dans le pétrole sur la
fracturation, puis c'est de même qu'on a pu comparer nos techniques qu'on
utilisait. La seule différence qu'on va avoir au niveau de la technique, c'est
sûr, quand tu fais un puits à eau, au lieu d'avoir 10 000 livres de
pression, vu que c'est en surface, ils fracturent à 1 000 livres de
pression.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Ils fracturent à 1 000 livres de
pression. Jusqu'à quelle profondeur ils peuvent... Est-ce que vous connaissez l'information, jusqu'à
quelle profondeur on peut trouver de l'eau dans la vallée du Saint-Laurent, la
nappe hydrogéologique?
M.
Lévesque (Mario) : Non, il y a
différentes... Bien, il y a la cartographie qui a été faite, puis ça dépend
des endroits parce que, quand on parle dans
Lotbinière, qui est un coin que je connais beaucoup,
on parle... ça va du 70 pieds jusqu'à 150,
200 pieds de profond. Mais il y a différentes profondeurs aussi pour les
nappes phréatiques, hein?
M.
Bolduc
(Mégantic) :
O.K. Est-ce que vous connaissez la profondeur moyenne des schistes dans la
vallée du Saint-Laurent avec les puits sur lesquels vous avez travaillé? Parce
qu'ici vous parlez d'hydrogéologie de 70 à 150 pieds, mais...
M. Lévesque (Mario) : On travaille dans
des profondeurs entre 1,5 et deux kilomètres.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Donc, on parle ici, là, de 1 500 à
2 000 mètres, donc on parle de 5 000 à
6 500 pieds, grosso modo. Ça va?
M. Lévesque (Mario) : Oui. Oui.
M.
Bolduc
(Mégantic) : O.K. Est-ce que
c'est à peu près uniforme? Parce qu'hier on voyait des dessins, puis il y a une relation
entre le risque hydrogéologique et la profondeur du schiste, là.
M.
Lévesque (Mario) : La profondeur
du schiste... Dans la vallée du Saint-Laurent, il y a la faille de
Yamaska puis il y a la faille de Logan. C'est deux failles, puis ça part... Le
métro de Montréal est foré dans le schiste d'Utica.
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Oui? Donc, il pourrait fonctionner au gaz.
M.
Lévesque (Mario) : Oui. Bien, ça
affleure à la surface quand on arrive à ce niveau-là. Puis, quand on arrive dans le coin de
Sherbrooke, on arrive environ à 3 000... passé le 3 000 mètres.
M.
Bolduc
(Mégantic) :
O.K. Puis, Sherbrooke, est-ce qu'on est à la limite est?
M.
Lévesque (Mario) : Non, ça va
encore plus loin que ça, mais nous autres, on ne peut pas aller plus loin
parce qu'il y a les États-Unis après ça.
M.
Bolduc
(Mégantic) :
O.K. Donc, ça couvre toute la partie aller jusqu'à la frontière, d'après ce que
vous nous dites.
M. Lévesque (Mario) : Oui, puis ça dépasse l'autre bord de la frontière. Mais la zone
intéressante est vraiment entre les deux failles ou la «P zone», qu'on
appelle, parce que, si tu n'es pas assez en profondeur, la pression n'a pas maintenu le gaz à l'intérieur de la roche, la
roche est devenue plus friable, puis, si tu es trop en profondeur, bien, on
appelle... c'est «overcook». Au lieu d'avoir du gaz
avec... ton liquide est trop chauffé, ta décomposition se fait, puis tu arrives
seulement à du carbone.
M.
Bolduc
(Mégantic) : O.K. Donc, autrement dit, il y a une
décomposition qui se fait dans le sous-sol.
M. Lévesque
(Mario) : Tout à fait, dans le sol avec la chaleur.
M.
Bolduc
(Mégantic) : O.K. Maintenant, vous avez parlé un peu plus tôt que, pour
vous, il y aurait un intérêt à... ou on n'a pas vraiment bien défini la zone
de schiste, ou on ne la connaît pas adéquatement,
puis qu'il y aurait intérêt à ce qu'on
fasse des études plus avancées pour mieux la comprendre. Mais là vous semblez
me dire que vous la connaissez pas mal bien, là, je suis un peu confus.
M. Lévesque (Mario) : Oui. Je connais très bien la zone. Ce qu'il nous reste à déterminer,
c'est si cette zone-là peut produire
commercialement. On n'a pas de données là-dessus encore. C'est à l'étape où on
est rendus présentement dans l'exploration
au Québec. Puis, au Québec, il faut savoir qu'il y a eu deux découvertes. Il y
a eu en Gaspésie Haldimand et il y a eu ici dans les basses-terres du
Saint-Laurent. Il y a deux endroits qu'il y a eu des hydrocarbures de
découverts à date. On a des potentiels ailleurs
qui sont intéressants, mais c'est les deux seuls endroits qu'on peut vraiment travailler présentement.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Puis, après, vous nous parliez de faire des projets pilotes. Combien de puits ou combien de temps ça prendrait pour définir
le potentiel sans l'explorer, là?
• (16 h 30) •
M. Lévesque
(Mario) : Oui, sans... Question de temps, la préparation d'un projet pilote
ou d'un projet de production, de
démonstration de production, on peut parler d'un an à 14 mois de planification.
Ensuite de ça, on peut parler encore de 14 à 18 mois de travail sur le
terrain.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Un supplément pour arriver à l'exploitation?
M. Lévesque (Mario) : Oui. Puis ça, bien, pas encore à l'exploitation, pour arriver avec des
données qui vont nous permettre de savoir si c'est exploitable.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Exploitable. O.K. Puis l'exploitation, si vous
voulez vous rendre à l'exploitation, il y a quoi, là, après ça?
M. Lévesque (Mario) : Bien, par la suite, si les lois puis les règlements approuvent ce
développement-là puis qu'il y a de l'acceptabilité, bien là il va y
avoir un processus de développement de puits. Puis une des choses, pour moi, qui est très importante au niveau… présentement,
au Québec, avec la connaissance du gouvernement, si jamais on s'en va vers un développement autant pétrolier que gazier,
bien ça prend des permis, ça prend la capacité d'émettre ces permis-là, ça prend, pour le gouvernement, aussi la capacité
de pouvoir faire ces analyses-là. Dans l'état actuel de la situation, on
a une capacité, probablement, au gouvernement d'être capable d'émettre de six à
10 permis de forage annuellement.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Puis combien vous en auriez besoin?
M. Lévesque (Mario) : Bien, ça va être une courbe de croissance. Si on parle qu'il y aurait
un développement dans les
basses-terres, en Gaspésie et sur Anticosti, on peut espérer probablement faire
quelques centaines de puits par année sur les trois développements.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Maintenant, pour faire une image
totale, combien de temps ça prendrait à partir de faire la
planification, l'exploitation, l'exploration pour en arriver à être prêt à
admettre une opération? Si on commençait au point zéro, combien de temps avant
qu'on arrive avec une exploitation commerciale rentable?
M. Lévesque (Mario) : Exploitation commerciale rentable, dépendamment encore des efforts
qu'on va mettre pour le faire, mais, dans trois ans, ce serait faisable.
M.
Bolduc
(Mégantic) : C'est trois ans à partir du point
de départ. Donc, est-ce que c'est pour ça que vous dites qu'à
l'intérieur du moratoire qu'on veut mettre en place on pourrait se rendre,
finalement, à la loi des hydrocarbures éventuellement,
qui pourrait, elle, encadrer? Mais est-ce que ça vous effraie, ça, de ne pas
avoir la loi avant de commencer à travailler?
M. Lévesque
(Mario) : C'est sûr que ça prend une concertation puis ça prend… La
prévisibilité, dans notre domaine, est
primordiale. Avoir une loi sur les hydrocarbures, c'est primordial pour notre
industrie. L'acceptabilité sociale du
développement, c'est une condition sine qua non pour pouvoir aller chercher les
fonds puis pour pouvoir permettre de travailler.
Parce que ce que je vous parle ici, du développement de notre industrie, si on
parle de développer les basses-terres du Saint-Laurent, on parle de
quelques milliards de dollars nécessaires au développement. Si on parle de la
Gaspésie, on parle encore d'un 2, 3 milliards.
Puis, si on parle d'Anticosti, on parle probablement d'un autre 5 milliards
par-dessus ça pour
le développement. C'est énormément d'argent, mais que les marchés
internationaux sont prêts à mettre en capital de risque sans que ce soit de l'argent de la population qui soit risqué.
Mais le signal puis la prévisibilité doivent être là. Puis les
investisseurs qu'on va avoir au Québec sont les mêmes investisseurs dans les
mines, dans toutes les ressources naturelles.
Si on parle à la Norvège avec Pareto, si on parle avec New York, si on parle
avec Bay Street, ces gens-là sont prêts
parce que les retombées… quand les lois et les règlements sont là, bien ils
vont être prêts à investir cet argent-là.
M.
Bolduc
(Mégantic) : En signal clair, là, pour les gens qui nous
écoutent aussi, ce que vous nous dites, c'est
que les signaux du gouvernement, dans le sens général, la prévisibilité, ça veut
dire la capacité à voir qu'à long terme on peut entreprendre des activités ou des investissements qui pourraient
être — comment je dirais ça, donc? — rentabilisés,
et l'acceptabilité sociale. Maintenant, l'acceptabilité sociale, vous l'avez vu
comme moi, il y a eu… on a commis des erreurs.
En fait, il y a des gens qui sont venus ici puis qui l'ont admis, qui ont dit
qu'on ne s'est peut-être pas comporté de la meilleure façon possible. Est-ce que vous pourriez nous donner des
indications de, si vous aviez à le faire aujourd'hui, comment vous feriez
ça? Vous avez parlé du BAPE, là, mais hors ça, là?
M. Lévesque (Mario) : Oui. Les gens vont toujours avoir une crainte de l'industrie parce
qu'au Québec on a peur de qu'est-ce
qui est commercial. C'est une des raisons pourquoi qu'à mon avis il faut que le
gouvernement s'investisse beaucoup
plus dans l'éducation à la population. Il y a un phénomène maintenant qui est
répandu partout dans le monde, Facebook, Twitter qui transmettent de l'information
qui n'est pas nécessairement véridique à cette heure. Puis c'est triste,
mais ça empêche le développement de notre province à bien des égards. La façon
de le faire... Puis, en 2006, en 2007, en
2008, c'est moi personnellement qui faisais les permis dans les municipalités,
c'est moi qui faisais ces projets-là. J'ai
fait tous les projets sismiques au Québec puis j'ai foré 15 des 31 puits. O.K.?
On allait dans les municipalités, on allait parler avec les maires, les
conseillers municipaux, puis ils nous disaient : On n'a pas le temps de
vous parler, allez voir l'inspecteur municipal, c'est lui qui va…
Le
Président (M. Lessard) : …M. Lévesque, c'est le temps alloué à
l'opposition officielle. On va donc passer au deuxième groupe
d'opposition, puis c'est donc le député de Nicolet-Bécancour pour
3 min 45 s.
M.
Martel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lévesque. Moi,
je pense que c'est une bonne idée, le moratoire, compte tenu de... L'acceptabilité sociale n'est vraiment pas là, puis ça
s'explique. Je pense que l'attitude de l'industrie, quand ils sont arrivés… Le gouvernement, il a
peut-être négligé, là, certaines choses dans sa stratégie de développer
ça. Donc, je pense que de prendre un temps
d'arrêt puis d'essayer d'expliquer mieux, de mieux comprendre, je pense,
c'est nécessaire. Je sais que le ministre
était très pressé de procéder à l'adoption de ce moratoire-là. Là, je ne le
sais pas trop s'il est moins pressé parce que, compte tenu du moment où
on décide d'étudier ça, je ne suis pas sûr qu'on va arriver à pouvoir adopter… Je ne sais pas si c'est l'influence
de son nouveau collaborateur, M. Boisclair, qui a quand même des bonnes
connaissances au niveau de l'industrie, qui le refroidit.
Quoi qu'il en soit,
moi, je voulais vous demander deux choses assez rapidement. Compte tenu des
ressources disponibles, combien de puits
vous pensez qui pourraient être construits au Québec par année si on n'était
pas dans un moratoire? Combien d'emplois ça créerait, des nouveaux
emplois? Puis, s'il vous reste un petit peu de temps, parlez-moi… Parce que
beaucoup de gens viennent ici, puis ils nous parlent des fuites sur les puits
actuellement, qu'est-ce que ça représente, ça?
M. Lévesque (Mario) : O.K. Je vais commencer par la capacité, présentement, de forage au Québec. La capacité de forage au Québec, présentement, est nulle parce que ça prend des
foreuses. Au Canada, il y a 800 quelques
foreuses. On peut espérer, advenant un développement au Québec, attirer deux, trois foreuses, peut-être,
les premières années. O.K.? Chaque
foreuse va permettre de creuser un maximum d'un puits par mois. Ça peut aller un petit peu plus dépendamment des formations, puis ça, là. Ça veut dire
qu'admettons qu'on a deux foreuses on va être capables de faire 24 puits par année. Ça, c'est au début. Ça doit servir absolument
à développer l'entrepreneuriat. Les gens du Québec devront acquérir
des foreuses parce que cette technologie-là ne devra pas venir de l'Ouest canadien
parce qu'on n'aura jamais une industrie qui est viable en faisant seulement
affaire avec les gens de l'extérieur. Le but de l'association, c'est que 100 % du travail soit fait par des
travailleurs québécois, sur un espace de cinq ans, que tous les entrepreneurs
qui travaillent dans ce domaine-là soient des entrepreneurs québécois.
O.K.? Puis un développement comme ça va se faire sur une courbe de «bell»,
petite échelle, en montant, en «peakant», et en rediminuant, et avec un plateau
par la suite.
Au
niveau... Puis vous m'avez posé la question sur les fuites des puits, la chose
qui est la plus importante dans l'industrie des hydrocarbures, c'est de
travailler avec les meilleures pratiques de l'industrie. Dans l'Ouest canadien,
on travaille avec une loi en Alberta qui est
sur Alberta Energy Regulator, il y a 12 000 pages de règlements. La loi a
été bâtie en fonction qu'aussitôt qu'une
technologie meilleure apparaît l'industrie se doit de l'utiliser. C'est une des
conditions pourquoi qu'à mon avis puis de l'avis de plusieurs personnes, quand
qu'on parle de la Colombie-Britannique, de l'Alberta,
de la Saskatchewan… bien, le développement a eu lieu en Alberta, que ça fait un
des endroits les plus sécuritaires. Parce
que je ne veux pas qu'on se compare puis je ne veux pas qu'on développe ça
comme ça s'est fait en Pennsylvanie…
Le
Président (M. Lessard) : Malheureusement, c'est tout le temps qui
était accordé. Alors, merci de la présentation
que vous avez faite au nom de l'Association québécoise des fournisseurs de
services pétroliers et gaziers.
Alors, on va
suspendre quelques instants et permettre au prochain groupe de se présenter.
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 40)
(Reprise à 16 h 41)
Le
Président (M. Lessard) :
Alors, merci. Nous reprenons donc nos travaux. Nous accueillons maintenant le groupe ENvironnement
JEUnesse. Alors, vous aurez donc 10 minutes pour faire votre présentation.
Par la suite, le gouvernement aura 12 minutes pour s'adresser à vous, l'opposition officielle, 11 minutes, et 3 min 45 s
pour le deuxième groupe d'opposition. Alors, si vous voulez décliner votre identité
pour les fins d'enregistrement et, par la suite, procéder à votre
audition, votre présentation. Donc, on vous écoute.
ENvironnement JEUnesse
M. Normand
(Jérôme) : Parfait. Donc, merci
de me recevoir. Je suis Jérôme Normand, je suis directeur général d'ENvironnement JEUnesse. Je suis accompagné de mes collègues au conseil d'administration, Renaud Gignac, qui est secrétaire, et
Catherine Gauthier, qui est vice-présidente.
Le Président (M. Lessard) : Bonjour
à tous.
M. Normand
(Jérôme) : Merci. Donc, rapidement,
ENvironnement JEUnesse, c'est un organisme d'éducation environnementale
qui couvre tout le Québec, qui existe depuis 1979. On fait de l'éducation à l'environnement,
particulièrement en milieu scolaire. Donc, on touche les moins de 30 ans à
travers des projets, de la mobilisation, de la sensibilisation et de la formation
directement en classe. On donne entre 300 et 400 ateliers chaque année, en plus
de mener des projets de grande envergure.
On va vous
présenter notre mémoire succinctement et rapidement, à tour de rôle. Et
d'emblée, en termes d'introduction, on souhaite mentionner
qu'ENvironnement JEUnesse appuie le moratoire sur l'exploration et
l'exploitation du gaz de schiste. Cependant,
on souhaite y apporter des nuances. On croit, entre autres, qu'en termes
d'application, au niveau du temps et
au niveau du territoire, ça devrait être plus englobant et que tout ça soit non
pas à un terme de l'entrée en vigueur
d'une loi sur les hydrocarbures ou une échéance de cinq ans, mais plutôt lié à
l'adoption de la future stratégie énergétique
pour qu'il y ait une concordance entre les divers plans et politiques publiques.
On y reviendra un petit peu plus tard. Donc, je passe tout de suite la
parole à mes collègues, à M. Gignac.
M. Gignac
(Renaud) : Oui, bonjour. La Loi
sur le développement durable, vous la connaissez probablement : 16 principes fondamentaux qui ont vocation à
s'appliquer à tous les domaines de l'intervention de l'État. On retrouve
dans ces principes-là l'équité, la
solidarité sociale, la protection de l'environnement, la santé et la qualité de
vie. Notamment, on aurait aimé voir une mention dans le projet de loi,
très court, mais j'imagine que les principes ont guidé quand même l'action des
parlementaires.
Parmi les principes de la Loi sur le
développement durable, dans le respect de l'environnement, vous avez... Il y a d'autres groupes qui sont venus vous parler
des considérations environnementales. Nous, on est particulièrement inquiets sur les changements climatiques. C'est
une réalité qui va affecter toutes les générations à venir, puis on est
très préoccupés par cette réalité-là. Le
Québec veut être un leader en termes de réduction des gaz à effet de serre. On
a une cible ambitieuse, moins
25 % d'ici 2020, malgré qu'on ne la trouve pas dans aucun texte officiel.
Peut-être que vous pourrez nous
donner des pistes d'explication. Moins 30 % de consommation
d'hydrocarbures à l'horizon 2020, on ne le trouve pas non plus dans aucun document officiel depuis
quelques mois. On sent que peut-être cette priorité-là a été mise de
côté, mais peut-être que vous pourrez nous donner des pistes de réponse. On veut
électrifier nos transports, c'est une démarche très louable. Et le gaz de schiste dans tout ça? Pour nous, commencer à
explorer et exploiter le gaz de schiste sans savoir qu'est-ce que le gaz
naturel puis le gaz de schiste doivent prendre comme place dans le mix
énergétique du Québec, ça n'a pas vraiment de sens.
Donc, pourquoi faire une stratégie énergétique,
finalement, si on n'a qu'à adopter des principes qui... la loi sur les
hydrocarbures? Et on ne sait même pas encore quelle place le gaz naturel prend
dans notre mix énergétique, puis on commence
déjà l'exploration sans connaître, finalement... Nous, on participe aux consultations sur la stratégie énergétique, puis on se demande un peu à quoi
ça sert, finalement, si... Nous, on dit que la place du gaz naturel doit être réduite substantiellement pour que le Québec
remplisse, relève les défis des changements
climatiques, et là,
finalement, on commencerait peut-être à explorer sans connaître cette place-là.
Donc, pour donner peut-être un ordre de grandeur
de l'ampleur du défi des changements climatiques, le Québec a un budget carbone…
L'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, l'IRIS, l'a
calculé, le Québec dépasse de 20 % son budget carbone. Le budget
carbone, c'est ce que le Québec peut émettre par rapport à son poids
démographique, compte tenu des autres pays du monde. Et déjà, même si on veut
être un leader, on émet plus de 20 % de
ce à quoi on a droit. Et le ministère a reconnu en 2013, l'année dernière, que
l'exploitation des gaz de schiste pourrait avoir un impact non
négligeable sur la capacité du Québec de réduire les émissions de gaz à effet
de serre de 25 % sous le niveau de 90 d'ici 2020.
Donc, quelle place les gaz de schiste doivent
prendre dans le mix énergétique? Quel impact cela aura sur les autres sources d'énergie renouvelable? C'est des
préoccupations qui sont discutées dans le cadre de la stratégie
énergétique. Et de commencer comme ça
l'exploitation puis l'exploration avant d'être fixé sur la stratégie
énergétique, nous, on trouve que
c'est mettre la charrue devant les boeufs. Les boeufs devant la charrue… ou la
charrue devant les boeufs, c'est bien ça.
Dernières
données, les réserves imbrûlables. On entend... en fait, on sait qu'il y a
entre trois fois trop de réserves prouvées par rapport à ce qu'on peut
brûler au XXIe siècle pour éviter de dépasser la limite sécuritaire de
2 °C. Donc, présentement, si on calcule le bilan
carbone de toutes les réserves prouvées — puis ça, c'est Carbon
Tracker Initiative, c'est l'Agence internationale de l'énergie — dépendant des estimations, là, il y a soit
trois fois, soit cinq fois trop de
réserves. Et là le Québec, même si on n'est pas en voie d'atteindre nos
objectifs de réduction de gaz à effet de serre, on viendrait faire déborder encore un verre qui a déjà débordé
trois à cinq fois. Alors, pour nous, l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste, ce n'est pas la
voie d'avenir. Il ne faut pas s'enligner là-dedans, sinon on aggrave
notre déficit carbone et on met en péril les générations futures.
Je vais passer la parole à ma collègue Catherine
Gauthier.
Mme Gauthier (Catherine) : Merci.
Le Président (M. Lessard) : Mme
Gauthier, allez-y. Il vous reste environ 3 min 30 s.
Mme
Gauthier (Catherine) : D'accord.
Donc, je vais y aller rapidement. Nous avions quelques commentaires plus précisément sur le projet de loi. Donc, si on
regarde son article 1... En fait, j'aimerais rappeler le but d'un
moratoire, c'est de suspendre des activités,
le temps qu'on en sache davantage sur les conséquences, notamment
environnementales, sur l'environnement
humain également d'une activité. Donc, dans cette optique, ENvironnement
JEUnesse est plutôt d'avis que le
moratoire devrait toucher l'ensemble des activités liées à l'exploration ou à
l'exploitation des hydrocarbures, donc pas seulement le gaz de schiste, et devrait également protéger l'ensemble du
territoire québécois pour comprendre notamment l'île d'Anticosti.
Quant à
l'application temporelle, mon collègue M. Gignac l'a quand même évoqué, donc
nous souhaitons que le moratoire soit
en vigueur jusqu'à l'adoption d'une stratégie énergétique qui soit cohérente
avec les objectifs dont s'est doté le
Québec, et, en plus, il serait intéressant d'inclure dans la future stratégie
énergétique des cibles de réduction des gaz à effet de serre et de la
consommation de pétrole et de gaz à plus long terme, donc au-delà de la période
qui s'étend jusqu'à 2020.
• (16 h 50) •
M. Normand
(Jérôme) : Puis, pour terminer,
peut-être on en a parlé, ce qui nous démarque, nous, c'est qu'on ne va pas nécessairement insister sur les impacts
strictement environnementaux, sur la préservation du milieu, mais aussi
sur la connaissance, la participation du citoyen, l'équité
intergénérationnelle, l'accès au savoir, qui est, entre autres, un autre
principe de la Loi sur le développement durable. Et donc la place du citoyen et
la place des jeunes dans le débat nous importent beaucoup, et, en ce sens-là,
on trouve que de s'y retrouver dans les diverses consultations, celles sur invitation, celles grand public, le BAPE sur l'industrie du gaz de schiste en 2010, les consultations sur le plan d'action sur les changements climatiques en 2012, la commission sur la réduction des
GES et l'indépendance énergétique en 2013, la commission parlementaire
sur le pipeline d'Enbridge, plus récemment, dans notre cas, la future politique
jeunesse, qui ne mentionne pas de lien avec
le développement durable… de s'y retrouver dans le «pacing» — si vous me permettez l'expression — de toutes ces consultations, de chacun de
leurs rapports, de leurs impacts... On sait, par exemple, que le rapport de l'évaluation environnementale
stratégique tombe hier alors qu'on est en pleine commission sur le
moratoire. On trouve que l'arrimage entre
ces consultations, leurs rapports et les prises de décision publiques sont
difficiles à suivre. On souhaite,
justement, qu'il y ait une place de participation citoyenne qui est rodée puis
qui est prévue et qu'on n'ait pas, par exemple,
à s'y faire inviter ou pas inviter, etc. Donc, la place du citoyen là-dedans.
Et, évidemment, tout l'aspect alternatif, qu'on pense qu'il est à mettre
de l'avant.
C'est difficile de présenter des projets
mobilisants, puis innovateurs, puis structurants pour le Québec quand on ne fait que réagir à des projets de promoteurs
dans le domaine des hydrocarbures. Donc, on a, à travers nos mémoires,
nous, toujours insisté sur non pas bloquer des projets, mais investir plutôt
dans des énergies renouvelables. On sait qu'il
y a plusieurs études qui démontrent que 1 million investi dans le secteur
du pétrole et du gaz crée un emploi versus quatre à sept fois plus
d'emplois pour le même investissement dans le secteur des énergies vertes, et
il y a plusieurs mesures qu'on a nommées dans notre mémoire qu'on pourrait
mettre en place. Mais on souhaiterait voir aussi des consultations positives
pour amener des projets structurants, et pas juste être en réaction.
Le
Président (M. Lessard) : Ça termine, donc, votre présentation. Merci
beaucoup. On va passer du côté de l'aile gouvernementale. M. le
ministre, vous avez donc 12 minutes pour vous adresser à nos invités.
M.
Blanchet :
Merci, M. le Président. Fort intéressante présentation. Je l'ai dit à d'autres,
je vous le dis à vous, sur les objectifs, sur la vision de ce que c'est
supposé être à moyen terme, on est à la même place. Au niveau de la nécessité de s'affranchir des hydrocarbures, au
niveau de la nécessité d'aller vers de nouvelles énergies, on est à la
même place. Cela dit, évidemment, les
contraintes, l'environnement au sens professionnel ou au sens politique dans
lequel on se déploie est particulièrement différent. Et j'ai aussi
souvent dit que le développement durable, qui est, effectivement, beaucoup plus
large que la notion simple d'environnement, est aussi du développement social
et qu'on ne peut pas favoriser le développement durable s'il se fait au
détriment d'un minimum de qualité de vie des gens. On ne peut pas repousser des gens vers la pauvreté, on ne peut
pas… tu sais, il y a des choses qu'on ne peut pas faire, et donc ça
prend plus de temps que ce que vous et nous, on souhaiterait.
Vous avez
indiqué que nous ne sommes pas en voie d'atteindre nos cibles en matière
d'émission et de réduction de gaz à effet de serre. J'aimerais que vous
me démontriez ça.
M. Gignac (Renaud) : Est-ce que vous
pouvez démontrer que vous êtes en voie de les atteindre?
M.
Blanchet : Oui. Cela dit, on dit souvent — et
c'est même rendu une espèce de rengaine, il y en a plusieurs — qu'on
n'a toujours pas le plan. Écoutez, je comprends qu'il y a des rumeurs
d'élection pour bientôt, mais ce n'est
pas parce qu'on est au pouvoir depuis quatre ans et demi, là, hein? C'est très
récent, on n'a pas tout fait dans cette année-là. Mais, puisqu'on lit
les mêmes journaux, vous et moi, vous savez ce qu'a été l'actualité sur les
enjeux environnementaux et vous savez
comment le gouvernement a été engagé. Et, d'ailleurs, on oublie trop souvent
les décisions du gouvernement, que ce soit sur Gentilly, ou sur
l'amiante, ou sur l'uranium, ou sur, bon, le gaz de schiste. On a tendance à
oublier ça et, parfois, à avoir des propos qui peuvent être un peu vindicatifs.
Cela dit, si on fait
des calculs... Je ne dis pas que c'est vous, là, je l'ai entendu. Au contraire,
je trouve votre présentation très correcte
et très intéressante. Il n'existe pas de chiffres. On fait souvent les
affirmations qu'on ne peut pas quantifier établissant la comparaison
entre l'empreinte environnementale de la consommation pétrolière et gazière du Québec dans un approvisionnement qui serait
local... Puis je ne dis pas que ça peut l'être parce que je ne connais pas
d'autre endroit avec des réserves
potentielles gazières que la vallée du Saint-Laurent. Et je ne me roule pas
dans l'enthousiasme à l'idée d'aller
l'exploiter, mais il n'y a personne qui est capable d'établir — puis moi, je le demande à mes gens, puis
on fouille dans les études existantes — de comparatifs entre l'empreinte
environnementale de notre importation de, d'ailleurs, 14 milliards
de dollars par année de pétrole et ce qu'on aurait comme empreinte si on le
faisait chez nous de façon exemplaire. Et ça, pour moi, ça me semble un point
intéressant à développer.
Si,
effectivement, on peut le faire chez nous de façon exemplaire, avec une
empreinte environnementale moindre, avec
une empreinte sociale nettement moindre — parce que, je suis désolé, je ne connais pas
beaucoup de monde qui aurait envie de
déménager dans certains des pays dont on importe les produits pétroliers — je pense qu'on… En tout cas, moi, ma théorie, c'est qu'on est capables de faire
beaucoup mieux en termes environnementaux. Et, si on travaille à
l'indépendance énergétique et si
l'indépendance énergétique est une doctrine par laquelle on utilise nos revenus
pour, justement, travailler au
développement de nouvelles énergies, lesquelles nous affranchissent du pétrole,
on a une position environnementale beaucoup
plus valable que de dire : Continuons à importer du pétrole tant et aussi
longtemps qu'on n'aura pas fini d'en consommer. Je comprends le
sex-appeal de cette approche-là, mais je ne suis pas du tout convaincu qu'elle
est plus écologique si on fait des calculs, si on analyse le fond des choses.
Donc, je me
questionne sur la démonstration qu'on n'est pas en voie de l'atteindre. Bourse
du carbone, électrification des transports, PACC 1, PACC 2, d'autres mesures
possibles qui ne sont pas toutes sorties. Ça fait un peu plus d'un an que nous sommes aux affaires. Si tant est que nous
soyons encore aux affaires le temps qu'il faudra — et j'espère
que c'est rapide — je
pourrai compléter cette espèce de courtepointe de mettre les morceaux ensemble
qui m'amène déjà au-delà du moins 20 %
du gouvernement précédent et presque, il me reste des affaires à peaufiner…
et, effectivement, à une réduction de moins 25 % pour 2020.
Et
je vous invite aussi à me préciser une dernière affaire, pourquoi est-ce que
les émissions de gaz à effet de serre d'une
éventuelle exploitation, que personne n'est capable de quantifier, sinon en me
parlant d'une chaise sur la lune… Si personne n'est capable de me
quantifier ça, comment peut-on dire que ça ne peut pas être couvert par le
système de plafonnement et échange, qui, pourtant, va couvrir des industries
autrement plus polluantes?
Le
Président (M. Lessard) : Alors, il y a une série de questions qui
étaient adressées. Alors, je ne sais pas, dans l'ordre, si vous avez
noté.
Une voix :
Par ordre alphabétique.
M. Normand (Jérôme) : …j'ai noté les 13. Alors, pour la première… Non, mais sérieusement je
pense qu'on a, tous les deux, un rôle
à jouer. Nous, notre rôle, c'est de pousser pour que des mesures innovantes
puis structurantes soient mises de
l'avant le plus vite possible. Puis, je pense, vous, votre rôle, c'est
d'appliquer pour que ces mesures-là soient mises en place le plus vite possible. En tant que ministre de l'Environnement,
et non pas en tant que représentant du gouvernement en place. Mon point
de vue. Donc, on s'entend, comme vous dites.
Ce
que vous avez répété, c'est un peu les objectifs que l'on vise. Nous, ce qu'on
constate, c'est, entre les plans, puis les visées, puis les résultats,
bien on essaie, effectivement, de joindre les deux bouts pour que ça se fasse
le plus vite possible. Il y a deux éléments
que je retiens. Un, nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait une transition
qui soit effectuée rapidement. On a
parlé du plan d'électrification des transports, c'est une voie qui est
intéressante. Nous, ce qu'on pense, c'est
qu'il faut l'accélérer. Nous, ce qu'on pense, c'est que, si on commence à
investir dans l'hydrocarbure pour faire chez nous ce qu'on fait ailleurs puis parler du déficit puis de la balance
commerciale, on se tire dans le pied parce qu'on met nos énergies quelque part où on ne les met pas
avant. Mettre 115 millions pour explorer sur Anticosti, c'est
115 millions qui ne sont pas à développer une autre structure. Tu sais,
c'est un petit peu ça, notre vision.
Puis
de la même manière… de la manière qu'on voit qu'on traite… Puis je ne juge pas
ça, là, mais, de la manière qu'on
traite la sauvegarde des 500 emplois dans des raffineries par des projets
immenses de transit pétrolier, j'ai de la misère à croire que, si on développe une industrie d'exploitation des
hydrocarbures qui va créer à terme 1 000, 2 000, 5 000
nouveaux emplois, à un moment donné on va être capables de dire : O.K.
Maintenant, on ferme le robinet puis ces
emplois-là, parce qu'on a une autre… Si on s'embarque là-dedans, bien on
embarque là-dedans. Si on n'embarque pas là-dedans, bien on développe
d'autres choses. Ça fait que moi, je le vois un petit peu comme ça.
Je ne sais pas si
vous voulez rajouter des points sur… Parce qu'il y a bien des éléments dans
votre question pour lesquels je suis d'accord, là, on vise la même chose puis
on travaille dans le même sens là-dessus.
M.
Blanchet :
Je vais porter à votre attention qu'en efficacité énergétique, électrification
des transports — éolien
n'est même pas compté là-dedans, mais il
fait partie de l'analyse que je vous dis — le PACC 1, le PACC 2, l'hydrolien, à la limite, à chaque année, il y a plus de 400 millions
de dollars qui vont en nouvelles énergies, efficacité énergétique, électrification des transports, et tout un
assortiment, puis, sans compter l'éolien, là, on est à plus que
400 millions de dollars par
année, 2 point quelques milliards de dollars entre maintenant puis 2020.
Pendant ce temps-là, on va avoir investi, pour savoir ce qu'il y a dans le sous-sol de l'île d'Anticosti,
115 millions. On est dans un rapport de 40 pour un en faveur des énergies renouvelables, et il y a des gens qui
mettent en doute les efforts du gouvernement vers la transition, 40 pour
un. Et on sait tous — et
ça, la démonstration est assez facile à faire — que…
Tu
sais, quand on a annoncé la stratégie d'électrification des transports, on
s'est tous dit — puis
j'en parlais avec M. Pineau, des HEC,
hier — ce n'est
pas vrai que, dans les deux
prochaines années, ça va réduire significativement nos émissions, là, on est tous d'accord
là-dessus, parce qu'il y a une
période d'implantation, il y a des habitudes de consommation qui doivent
se déployer, ça va prendre un certain temps. D'ici 2020, si ça représente
1 % à 1,5 % de réduction, c'est correct.
Après, ça devrait être exponentiel. Donc, on peut considérer que, d'ici 2020,
l'argent qui est investi en électrification des transports, même si on le multipliait par trois puis quatre, ça
resterait une contribution faible à notre bilan en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Donc, on ne
peut pas mettre une quantité infinie d'argent là-dedans en supposant que
l'effet va être immédiat, il y a une
transition. Pendant la transition, il y a consommation d'hydrocarbures. C'est
juste qu'on se comprenne bien
là-dessus, là, les efforts se font. On pourrait laisser croire que non, mais
les efforts se font. Je veux laisser du temps à mon collègue Scott. On
n'a jamais assez longtemps, finalement.
• (17 heures) •
Le Président (M.
Lessard) : Il reste moins d'une minute… deux minutes…
M.
Blanchet :
Deux minutes. Scott.
Le Président (M.
Lessard) : Excusez, trois minutes.
M.
Blanchet :
…beaucoup l'échange.
Le Président (M.
Lessard) : Oui, c'est 12 minutes. C'est l'opposition officielle qui a
11 minutes.
M.
McKay :
Bonjour. Et merci beaucoup. Premièrement, je veux vous dire que je trouve votre
proposition excellente d'attacher la fin du moratoire… plutôt que sur une loi
sur les hydrocarbures, de la rattacher à la stratégie énergétique parce qu'effectivement, bien, mon premier… le projet de…
J'en avais déposé un, projet de moratoire, quand j'étais porte-parole de l'opposition, et, à l'époque, c'était par
rapport à la loi sur les hydrocarbures. Mais je pense que le gouvernement, effectivement, est rendu plus loin
maintenant, et on a toutes… Vous avez participé… Merci beaucoup, mais vous savez que les gens étaient très nombreux à
participer à la commission sur les enjeux énergétiques du Québec, et, effectivement, il y a quelque chose là. Je veux
vous féliciter aussi pour ne pas être tombés dans certains excès de
langage, je vous dirais, qu'on a entendus à
certains égards de tous les côtés, là. Ce n'est pas un reproche aux gens qui
sont venus, mais je pense que vous, tout en campant très bien vos
positions…
Moi,
je voudrais savoir, avec tout ce que vous dites, la mobilisation, les
changements d'habitude, de comportement, les changements dans les décisions gouvernementales que cette
transition-là écologique ou modernisation écologique de notre économie va prendre, comment un organisme
comme ENJEU peut contribuer? Je suis sûr que vous pouvez contribuer
largement, vous travaillez avec les jeunes.
M. Normand
(Jérôme) : Puis, tu sais, je pense, on l'a nommé, mais, pour nous, le
contexte des changements climatiques est
peut-être quelque chose qu'on ne prend pas assez au sérieux puis pour lequel on
ne sent pas assez la notion d'urgence. Puis, quand je dis «on», je ne
dis pas le gouvernement, puis ce n'est pas un reproche, puis je ne suis pas vindicatif, c'est juste, de manière générale, je
pense qu'on a atteint un «peak» de sensibilisation face aux changements climatiques il y a quelques années qui fait en
sorte que, dans la population, on a tendance à dire : On le sait
maintenant, puis il n'y a rien à faire, puis
c'est un peu un désistement, puis donc voilà. Ce n'est pas le cas. Il y a
beaucoup de choses à faire, puis il y
a une transition rapide à faire. Quand on disait : L'implantation de
l'électrification des transports peut prendre une dizaine d'années, il
aurait peut-être fallu l'amorcer en 1995, cette transition-là, tu sais. Ça fait
qu'en tout cas il y a tout un sentiment
d'urgence. C'est sûr que, pour nous, l'éducation populaire, de faire participer
les jeunes… On fait tout le temps une simulation à notre colloque annuel
de participation à un bureau d'audiences publiques avec des jeunes du secondaire puis du cégep, puis ils nous disent
tout le temps à quel point… Oui, mais je ne pensais pas que j'avais le
droit, je n'ai pas 18 ans. Oui, mais je ne suis pas expert. Ça fait que ça,
c'est important. Puis, pour ça…
Le
Président (M. Lessard) : On doit passer… Excusez-moi de vous
interrompre, désolé, mais je suis l'arbitre du temps et je suis obligé
de passer du côté, maintenant, de l'opposition officielle. Alors, vous pourrez
peut-être essayer de compléter à travers ce que le critique va vouloir vous
autoriser.
M.
Sklavounos : Merci, M. le Président. Ne vous inquiétez pas. M.
Normand, on va avoir l'occasion, vous allez pouvoir compléter, je crois, je vais vous laisser le temps. Alors,
bienvenue, M. Normand, Mme Gauthier et M. Gignac. Et d'abord vous dire à quel point je trouve ça
impressionnant, votre implication et le fait que vous êtes jeune. J'ai
toujours cru que l'environnement, c'était un
dossier qui était, évidemment, particulièrement intéressant pour les gens plus
jeunes, mais, deuxièmement aussi, particulièrement important pour les
gens plus jeunes parce qu'on parle de l'avenir. Et l'avenir, si vous voulez, appartient
aux générations plus jeunes. Et on parle de ce qu'on va vous léguer comme
planète, et je trouve ça très important.
Deuxièmement, je dois vous dire à quel
point je vous trouve professionnels, bien préparés, succincts. Vous avez
de l'ordre dans vos idées et vous les
défendez bien. Je vais vous laisser le temps de compléter votre pensée, mais je
veux juste vous dire en partant, là, c'est
la première fois que j'entends du ministre, là, qu'il a un plan d'action de réduction des gaz à effet de serre. Puis je
ne suis pas sûr qu'il l'aurait dit à Nature Québec, qui était ici avant vous,
là, parce que déjà il y avait
des flammèches, là, il y avait de l'action ici plus tôt, là, qu'il l'aurait dit
à Greenpeace s'ils étaient présents. Il ne
l'a pas dit devant l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, il
ne l'a pas dit. Et, aujourd'hui, ce
que j'ai vu, moi — et
je note très bien le commentaire de M. Gignac — c'est
une chose d'avoir une cible, là, mais c'est autre chose d'avoir le plan
qui va te montrer comment tu vas te rendre là.
Et,
tout à l'heure, je voyais le ministre essayer de ramasser
les choses et dire : Écoutez, j'ai un plan, là. Il y a ça, il y a ça ici, il y a
ça ici, puis il y a ça là, puis, dans ma tête, je mets ça tout
ensemble puis j'ai un plan. Malheureusement, là… Et il parle de moi peut-être,
le ministre, qui l'achale, mais je ne suis pas le seul, puis je ne suis pas le
seul…
M. Blanchet :
…
M.
Sklavounos :
Honnêtement, vous êtes en bonne compagnie. Ni Greenpeace, ni Nature Québec,
ni l'association québécoise de lutte à la pollution… On ne parle pas des
libéraux, puis la CAQ, puis Québec solidaire, là, il n'y a personne qui a vu le plan d'action du ministre. Bien, le ministre l'a vu, là,
apparemment. Je ne sais pas, c'est-u virtuel? C'est-u... Il y a une
nouvelle série à la télévision qui s'appelle Intelligence où on a
installé un chip dans la tête d'une personne,
il est moitié robot et moitié être humain, là, puis il voit des choses, là, il y a des
tableaux… Peut-être, il le voit, peut-être que c'est là…
Le Président (M.
Lessard) : M. le critique de... on va essayer de rester sur le sujet, s'il
vous plaît.
M.
Sklavounos : Oui.
Vous comprenez, c'est de l'humour. C'est de l'humour, c'est un… Le ministre comprend que c'est de l'humour. Mais, juste pour vous dire, ça n'existe pas. Et,
quand on ne le voit pas sur papier, quand on ne voit pas le plan sur papier pour pouvoir bien l'analyser…
C'est sûr qu'on peut sortir des mesurettes, des choses prises ici et là
pour essayer de vous convaincre qu'il y a quelque chose. Et, lorsque le ministre
vous dit : Oui, je suis convaincu que je vais
atteindre la cible, je suis presque rendu, je me demande pourquoi on n'en fait
pas la démonstration puis pourquoi on ne dépose pas ce plan-là pour qu'il puisse être analysé par les Greenpeace,
par l'opposition officielle, par la deuxième, par Québec solidaire,
par la population en général. C'est une chose de dire qu'on en a un, autre
chose, le voir.
Je
vais vous dire autre chose. Lorsque vous parlez d'une politique
énergétique, non seulement des groupes qui sont pour la protection de
l'environnement, mais des associations de consommateurs qui sont venus devant
nous dire la même chose, écoutez, il semble que la grande stratégie, là, tu
sais, le maestro, le chef d'orchestre, là, cette politique énergétique, on ne l'a pas, c'est très difficile,
là, de marcher sans avoir une vue d'ensemble. Et ça, ça a été
d'associations des consommateurs du gaz.
Alors, je vous dis, honnêtement, il manque des morceaux. Je ne vais pas vous
parler des détails, du fait qu'on
peut annoncer n'importe quoi au niveau de l'électrification des transports, et
prendre le même argent pour le mettre
dans d'autre chose, et bouger l'argent, puisqu'il n'y a pas de revenus. C'est
pour ça qu'un plan d'action qui est chiffré, là, où on va nous dire
comment qu'on va atteindre ces buts-là puis un budget de dépenses, et tout ce
qui est nécessaire pour pouvoir vérifier ça est nécessaire. Et on le déplore,
et il me fait plaisir de vous entendre le dire…
Et
je veux vous rassurer, là. Je ne veux pas que vous soyez du tout intimidés par
ce que le ministre a dit, il n'en a pas un, puis il ne l'aurait pas… Je
ne l'ai pas entendu dire ça aux autres groupes, et ça m'aurait étonné qu'il le
dise à Nature Québec, à M. Simard qui était
ici plus tôt, là, qu'il lui dise qu'il a un plan d'action. On ne l'a pas vu.
Moi, je ne l'ai pas vu nulle part.
Vous allez chercher sur tous les sites, là, Internet qui existent, il n'y en a
pas un. Je suis désolé, M. le ministre. Je suis désolé, je voulais le
dire.
Alors,
ceci étant dit, je veux vous permettre de compléter votre pensée tout à
l'heure, et je vais vous revenir avec d'autres questions. Parce que vous
étiez bien parti, M. Normand, sur... dans le dernier propos, puis vous aviez
l'air d'avoir été coupé.
Le Président (M.
Lessard) : M. Normand, si vous voulez repréciser dans le contexte dans
lequel vous êtes intervenu. Il s'est passé quand même cinq minutes, alors…
• (17 h 10) •
M. Normand (Jérôme) : Pour répondre sur le rôle que pouvait avoir ENvironnement JEUnesse dans
la mise en place de changements de
comportement dans la société civile, je disais qu'effectivement il y avait un
grand rôle d'intérêt de former les citoyens à participer à l'exercice
public, à s'intéresser à la question, que, dans nos simulations, on nous disait tout le temps : Je ne suis pas expert,
je ne sais pas comment faire, je ne saurais pas comment monter un
mémoire, ça fait que, tu sais, de démontrer
que c'est accessible pour tout le monde, qu'on peut les encadrer, qu'on a
vraiment un rôle de formateurs là-dedans pour que les citoyens prennent
la parole et s'expriment.
On a parlé beaucoup
d'acceptabilité sociale, je pense, puis, d'après moi, ce n'est pas juste une
question de comment convaincre la population que c'est acceptable, mais aussi
d'outiller la population pour qu'elle se fasse sa propre idée. Puis, si ce n'est pas acceptable socialement, c'est
peut-être qu'elle est bien informée puis qu'elle a décidé ainsi, et non
pas qu'il faut trouver le bon moyen marketing pour changer son avis.
Ceci
dit, pour faire un rôle d'éducation scientifique, de loisir scientifique comme on le fait, c'est là où je voulais
en venir, ça prend du financement de base
qui est récurrent puis auquel on peut s'attendre. On a, les groupes environnementaux, amorcé une discussion avec le ministre là-dessus qui
s'étiole. Puis, encore une fois, pour reprendre un peu votre ligne, là, je
pense qu'il y a un plan, mais on n'en a pas vu encore les grandes lignes.
Donc,
voilà, je voulais juste rappeler l'aspect financement de base, et non pas seulement
par projet. Je pense qu'il y a bien des organismes comme le nôtre qui dénaturent
quelque part leur action en agissant juste sur les changements climatiques ou juste les matières résiduelles parce que
c'est le seul financement public par projet qui existe en ce moment.
M.
Sklavounos : Juste
être sûr d'avoir été bien compris, j'ai dit : S'il y avait
un plan, c'est le seul qu'il l'a vu, je ne suis pas du tout sûr qu'il
existe un plan comme tel. Alors, juste qu'on soit clair.
Je
veux revenir… Évidemment, c'était clair, vous avez un certain ordre dans
vos idées, ça ressemble un petit peu à ce
que Nature Québec nous a dit, il y a des trous dans le
moratoire, si vous voulez. Et je ne vous dis pas que je suis pour un moratoire d'un bout à l'autre, je ne dis pas du
tout ça. J'essaie de suivre la logique, par contre, du gouvernement, j'essaie de comprendre, je
cherche la cohérence, on parle à ce niveau-là.
Anticosti, jeudi
passé, même procédé. Évidemment, il y a une question de densité de population,
une certaine acceptabilité sociale. Moi, je
suis d'accord, je suis capable de reconnaître ça. Je pense, des
intervenants ont dit : Écoutez, moins de votes aussi, là, Anticosti
qui a…dans les basses-terres du Saint-Laurent. Mais, au niveau du procédé de la
fracturation, au niveau du fait qu'il risque
d'avoir du gaz qui va sortir avant le pétrole, de toute façon, qui va
échapper, d'ailleurs… et qui va être brûlé,
au niveau du fait qu'on parle dans ce cas-là d'avoir un BAPE après le stade de
l'exploration, alors qu'il y aura déjà eu de
la fracturation, dites-moi, vous cheminez là-dedans comme moi, pouvez-vous
essayer de nous aider? Moi, je cherche la
cohérence. Le ministre ne m'a pas convaincu. Je vous donne l'occasion
peut-être… Vous avez regardé ces choses-là
attentivement, vous avez un intérêt particulier pour l'affaire. Moi, je ne suis
pas du tout un expert. Je n'émane pas de ce
milieu-là, ce n'est pas ce que je faisais avant de me lancer en politique.
Est-ce que vous voyez une certaine
cohérence dans cette approche-là de vouloir, d'un côté, aller avec un moratoire
puis, de l'autre côté, fracturer dans le pétrole de schiste sur un autre
territoire d'un point de vue environnemental?
M. Gignac (Renaud) : C'est une question intéressante, mais on a parlé tout à l'heure… En fait, bon,
pour répondre à Anticosti versus la
vallée du Saint-Laurent, bon, on parle de… les sources d'eau potable,
etc. Mais nous, depuis tantôt, on parle
de climat puis de changements
climatiques. Mais le moratoire n'est
pas relié à ces questions-là, le moratoire n'est relié qu'à l'adoption de règles pour l'environnement local, les
sources d'eau, etc., qui vont être dans la prochaine loi sur les
hydrocarbures. Donc, tout ce qu'on dit présentement, finalement c'est non
pertinent aux travaux de la commission parce
que la stratégie énergétique,
finalement, elle n'a rien à voir avec le moratoire tel que présenté à l'heure actuelle. Le moratoire n'est pas
lié à la stratégie énergétique du Québec. Le moratoire n'est pas lié à la place
du gaz naturel dans le mix énergétique,
n'est pas lié à comment relever le défi des changements climatiques. Le
moratoire n'est pas lié aux impacts du gaz naturel sur les autres
filières puis le développement de ces autres filières.
M.
Sklavounos : Je
veux juste comprendre quelque chose, il reste juste une minute, là. Avec ce que vous
venez de me dire, là, on parle d'un projet de loi, mais qui a bien plus la valeur d'un symbole qu'il est rattaché dans la
réalité sur ces questions-là dont vous venez de mentionner si je
comprends bien, là. Je ne sais pas, on semble déconnecté, là. On peut, avec la
loi sur les hydrocarbures, continuer le cheminement comme si rien n'ait été.
Mme Gauthier (Catherine) : Rapidement, je pense qu'il doit rester quelques secondes. Notre point de
vue, c'est que le moratoire est un
pas, un premier pas dans la bonne direction, mais c'est certain qu'il faut
arrimer l'ensemble des politiques,
c'est extrêmement important. Et il faut le faire quand même assez rapidement
parce que, si on se lance dans une exploration à court terme sans
stratégie énergétique, sans vision à long terme, c'est, effectivement, un
problème.
Puis
je veux revenir, parce que je pense que c'est très important, sur l'importance
d'impliquer les jeunes dans les processus. Ça a été mentionné, oui, il
faut soutenir financièrement les organisations pour faire de l'éducation, mais
il faut également avoir des structures qui
favorisent la participation des jeunes. Ça peut être intimidant pour quelqu'un
qui est au secondaire ou au cégep de venir se préparer pour présenter un
mémoire à une commission...
Le
Président (M. Lessard) : Ça termine, malheureusement, nos travaux.
Donc, on vous remercie beaucoup de votre présentation concernant, donc,
ENvironnement JEUnesse.
On va suspendre quelques
instants pour permettre...
Une voix :
…
Le
Président (M. Lessard) : …il m'avait signifié qu'à cette étape-là,
comme il était arrivé par la suite, qu'il n'allait pas prendre son
temps.
Alors
donc, on va donc suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe
de venir nous rencontrer.
(Suspension de la séance à
17 h 16)
(Reprise à 17 h 19)
Le Président (M.
Lessard) : Alors, merci. Nous reprenons nos travaux. Donc, nous
accueillons aujourd'hui, donc, lors de ces audiences
publiques le Conseil du patronat. Alors donc, si vous voulez décliner votre
identité pour les fins
d'enregistrement. Vous aurez 10 minutes après ça pour faire votre présentation.
Seront attribuées au gouvernement 12 minutes, 11 minutes à l'opposition
officielle et 3 min 45 s pour les échanges.
Alors,
bienvenue, M. Dorval, et puis la parole est à vous. Vous êtes un habitué de
l'Assemblée nationale. Et, pour les
fins d'enregistrement, vous aurez... si vous avez l'amabilité de décliner votre
identité pour les fins d'enregistrement.
Conseil du patronat du
Québec (CPQ)
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Merci, M. le
Président. Alors, mon nom est Yves-Thomas Dorval. Je suis président du
Conseil du patronat du Québec et je suis accompagné, à ma gauche, de Mme Norma
Kozhaya, vice-présidente Recherche et économiste en chef au Conseil du patronat
du Québec.
Alors, merci
de nous accueillir aujourd'hui. Je sais que nous n'avons pas été en mesure de
vous faire parvenir notre mémoire
longtemps d'avance. Ce n'est pas mon habitude de lire un texte, puisque,
d'habitude, je résume dans mes propres
propos différents éléments. Je vais quand même, étant donné la courte échéance
que nous avions pour remettre le mémoire, parcourir quelques passages du
mémoire pour être sûr que ces aspects-là soient bien pris en compte.
• (17 h 20) •
Le Président (M. Lessard) : M.
Dorval, la parole est à vous.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Alors, pour
le Conseil du patronat, la question n'est pas tant de décider si
l'industrie du gaz de schiste doit se
développer ou non, mais bien dans quelles conditions. Lors des consultations
qu'avait menées le BAPE en 2010, le
Conseil du patronat a présenté un mémoire étayé sur le sujet abordant, entre
autres, la protection de l'eau, les
avantages pour l'économie, la substitution du gaz québécois au gaz de l'Ouest
et la fiscalité. Nous ne reprenons pas
dans notre mémoire aujourd'hui tous les éléments contenus dans ce dernier de
2010, mais nous souhaiterions qu'il soit considéré comme faisant partie
de nos commentaires sur la question. D'ailleurs, dans le rapport du BAPE, les
propos du Conseil du patronat ont été maintes fois rapportés.
Pour nous, dans l'équation énergétique, le
Conseil du patronat considère qu'il est important de recourir à plusieurs formes et sources d'énergie en fonction
de leurs caractéristiques respectives. Les besoins sont diversifiés et
les différentes formes d'énergie peuvent
répondre à ces besoins chacune à leur façon tout en étant complémentaires.
Même si l'hydroélectricité satisfait une
partie importante, soit 40 %, et pourrait — et nous appuyons… — prendre encore une plus grande part du bilan énergétique de nos besoins en
énergie, il faut se rappeler que les combustibles fossiles en comblent
la plus grande part encore, même si on
devrait réduire cette portion-là, et qu'ils ne sont pas près de disparaître.
D'ailleurs, les études qui ont été commandées par le gouvernement démontrent
qu'il y aurait encore des besoins pour ce type d'énergie pendant très
longtemps.
39 % de
ces 52 % actuels de combustibles fossiles sont constitués de pétrole, et
13 % de gaz naturel. Le gaz naturel, plus spécifiquement, comporte de nombreux avantages également qu'il ne
faut pas négliger et qui le rendent difficile à remplacer pour certains usages, notamment industriels. De plus, le gaz
naturel pourrait se substituer avantageusement à d'autres produits dans les usages de chauffe et certains types de
transports, contribuant ainsi à réduire le gaz à effet de serre. Par exemple, dans le segment du marché du
transport lourd, le recours à l'électricité n'est pas envisageable sur un
horizon à court et à moyen terme. Par contre, le gaz naturel est une solution
prometteuse, et les avantages d'une utilisation accrue du gaz naturel peuvent
être nombreux.
D'ailleurs, c'est toujours étonnant lorsque nous
avons des discussions privées avec certaines personnes bien préoccupées, et à raison, de la protection de
l'environnement où on reconnaît très souvent qu'il y a des éléments
d'efficacité et des avantages au gaz naturel
dans certaines conditions, mais que, sur la place publique, on ne les exprime
pas, de peur que ça normalise un combustible fossile, ce qui est quand
même important à souligner ici parce que la population n'a pas nécessairement
accès, à ce moment-là, à l'ensemble de l'information et des préoccupations.
Tout notre
gaz est actuellement importé de l'Ouest canadien. Le développement d'une
industrie du gaz de schiste locale
permettrait au Québec d'améliorer à terme sa balance commerciale
interprovinciale, et de diminuer légèrement le prix du gaz au Québec, et d'améliorer aussi la sécurité de son
approvisionnement d'un bien énergétique essentiel. Nos importations de gaz s'élèvent à environ
1,4 milliard de dollars par année, et produire le gaz ici permettrait de
déplacer vers le Québec une partie de
l'activité économique, donc de la richesse qui est actuellement créée dans
d'autres provinces. On veut bien
l'utiliser, et, de plus en plus, le gaz naturel qui est produit, en partie
c'est du gaz de schiste qui est mélangé au gaz traditionnel, et les nouvelles perspectives de développement
démontrent que c'est de plus en plus essentiellement des sources de gaz
de schiste qui comportent les perspectives futures.
Certes, certains pays ont imposé un moratoire
sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste à un certain moment au
cours des dernières années afin de mener des études exhaustives sur les impacts
environnementaux liés à l'extraction par fracturation hydraulique. Mais la
plupart de ces pays, qui disposent de normes de sécurité similaires aux nôtres, ont levé leur moratoire depuis ou sont
sur le point de le faire à la suite des résultats de leurs études. Même
que le Parlement européen a exprimé sa
position officielle en novembre 2012
dans la foulée du dépôt de rapports concluant que les risques peuvent
être mitigés par l'adoption de meilleures pratiques. Il arrivait aussi à la
conclusion que le gaz de schiste était une occasion à saisir plutôt qu'une
menace à éviter.
Donc, en se
basant sur des études existantes, le Conseil du patronat estime que les risques
associés à l'extraction du gaz de schiste sont gérables comme dans
beaucoup d'autres activités industrielles. C'est impossible d'avoir un risque
zéro, c'est certain. Donc, c'est pour ça que ça prend quand même un encadrement,
un bon encadrement législatif qui permettrait le développement sécuritaire de
cette industrie dans l'intérêt de toute la population québécoise.
Évidemment,
la question de l'acceptabilité sociale est très importante,
en particulier lorsqu'il est question
d'une nouvelle industrie
avec laquelle la population n'est pas familière. Pour que l'industrie puisse
se développer harmonieusement, les populations touchées doivent être
convaincues que l'exploitation se fera selon les meilleures pratiques en
matière de sécurité et
d'environnement, et le Conseil du patronat du Québec note d'emblée que le
climat dans lequel le débat sur l'industrie
s'est fait au début était loin d'être constructif et serein. Dans les deux
camps, prodéveloppement et antidéveloppement,
chacun a présenté des données et des arguments perçus par l'autre comme non
crédibles et exagérés. Pour les uns,
on minimisait les risques et on exagérait les retombées positives. Pour les
autres, on prévoyait des impacts environnementaux catastrophiques, voire
apocalyptiques. Des deux, la population ne savait plus en qui croire et ne savait
plus que penser. Plutôt que de reposer sur la raison, la plupart des attaques
étaient essentiellement basées sur l'émotion, à savoir la menace de perdre sa qualité
de vie, ou d'être en position insécure, ou avec des problèmes de santé
publique.
Les citoyens,
et en particulier ceux qui résident dans les régions où il y a un potentiel
d'exploitation, peuvent avoir des craintes compréhensibles au regard du
développement de l'industrie, notamment en ce qui a trait au processus de
fracturation et à l'injection de produits chimiques ou possibilité de
contaminer… pas seulement contaminer, mais également affecter les sources d'eau
potable. Selon nous, l'acceptabilité sociale et le processus d'information et
de familiarisation avec cette industrie
ainsi que la validation de ces pratiques ne requièrent aucunement l'imposition
d'un moratoire officiel alors même qu'il y a
actuellement un moratoire de facto et qu'on attend les conclusions de
nouvelles études. Nous croyons plutôt que la
meilleure façon d'informer concrètement le public sur les répercussions de
l'exploitation du gaz de schiste serait
d'autoriser des projets de démonstration d'extraction de gaz naturel dans un
contexte bien contrôlé. Dans le cadre
d'un partenariat entre l'industrie et le gouvernement, un tel projet
permettrait d'acquérir une expérience concrète sur la façon dont le gaz
de schiste pourrait être exploité de façon sécuritaire, dans le respect de la
population locale et de l'environnement.
Le projet de loi, selon nous, devrait permettre à une municipalité où il existe une
volonté d'expérimenter l'exploration du
gaz de schiste de se soustraire à la liste des territoires couverts dans son
annexe. La décision municipale, par
ailleurs, devrait être sanctionnée par un
processus démocratique. Un tel projet permettrait de rassurer la population et
d'établir les conditions nécessaires pour
qu'émerge une acceptabilité sociale basée sur de l'information concrète plutôt
que contrée par des campagnes de
peur. Il permettrait également aux entreprises concernées, aux investisseurs,
au gouvernement et aux divers intervenants économiques locaux et
provinciaux d'acquérir toute l'expertise et les connaissances nécessaires pour
explorer éventuellement cette ressource à une plus grande échelle.
En fait, ce
que le gouvernement a décidé de faire à l'île d'Anticosti, que nous
avons salué, pourrait servir de modèle. Et, soit dit en passant, la connaissance de la population québécoise n'est pas très forte sur l'exploitation des
hydrocarbures. Mais, dans la grande majorité
des cas, lorsqu'on exploite des sources de pétrole, que ce soit de gaz de schiste ou autres, il y aura génération de gaz, et, de toute façon, la
question devra se poser même à l'île d'Anticosti : Que ferons-nous des gaz
produits par la production ou l'extraction éventuelle de pétrole? Et, pour
faire tout ça, ça nous prend un cadre réglementaire qui soit prévisible, et
vous avez dans notre mémoire quelques propositions.
En conclusion, un moratoire n'est pas
nécessaire. En fait, n'est pas nécessaire ou devrait ne pas empêcher la possibilité d'avoir deux, trois projets
d'expérimentation. Mais ce qui est plus important pour le Québec, c'est d'avoir
un cadre réglementaire qui s'inspirerait
d'une politique énergétique qui tient compte de la réalité et, surtout, des
possibilités que pourrait avoir cette industrie.
Le
Président (M. Lessard) : Merci, M. Dorval. Ça termine donc votre
présentation officielle. Je cède la parole, donc, au ministre pour la
partie gouvernementale, qui aura donc 12 minutes pour s'adresser à vous. Merci.
Et donc on procède.
• (17 h 30) •
M.
Blanchet :
Messieurs dames, bonjour. Un plaisir de vous recevoir, soyez les bienvenus. Je
vais formuler quelques commentaires et des
questions, mais un peu en vrac parce que je trouve qu'on n'a vraiment pas beaucoup
de temps puis j'essaie de donner du à mes collègues, là, qui ont aussi des questions.
Dans un
premier temps, je comprends très bien
le principe de la balance commerciale interprovinciale. Je suis moins convaincu de l'impact sur le prix. C'est sûr
qu'on va vouloir invoquer que ça baisse le prix. Bien, si ça ne baissait
pas le prix, il n'y aurait pas de raison de
le faire. Peut-être qu'il
n'y a pas de raison de le faire
aussi. Vous comprenez ce que je veux dire? Donc, ça, pour moi, ce n'est
pas une démonstration claire.
Pour revenir
sur le moratoire de facto, ma position à moi, c'est que ça n'existe pas. Un
moratoire au Québec, ça passe par une loi adoptée à l'Assemblée
nationale. Ce qui ne passe pas par une loi adoptée à l'Assemblée nationale n'est pas un moratoire. C'est autre chose qu'on
pourra appeler de mille et une façons, mais ce n'est pas un moratoire.
Et le fait qu'une activité n'ait pas lieu ne veut pas dire qu'il y ait
moratoire, ça veut que, pour d'autres raisons, l'activité n'a pas lieu. Donc, je comprends la rhétorique de
l'exercice, mais un moratoire, bien ça a une définition précise. Et,
dans le cas présent, on y va avec la définition précise, d'où le projet de loi.
Vous mentionnez encore une fois deux, trois
projets à caractère scientifique. Or, même le président de l'association, M.
Binnion, l'a dit, on pourrait faire 40 000 forages, on n'aurait pas plus
d'information technique, sauf une
démonstration de ce que sont les réserves. Alors là, il faut, je pense,
utiliser les bons termes si on veut démontrer ce que sont les réserves. On est en exploration à des fins d'exploitation,
et non pas à des fins de démonstration de la technique, de la technologie ni rien du genre. C'est de l'exploitation
à petite échelle ou de la démonstration de présence de ressources, ce
qu'il est peut-être prématuré de faire lorsqu'on est dans une situation où les
gens pourraient ne pas en vouloir.
Je veux savoir si vous allez participer au BAPE
parce qu'effectivement ce sera le forum pour que toutes les opinions
s'expriment non pas sur la question pointue du moratoire, mais bien sur
l'ensemble du dossier, et donc tous les points de vue doivent être exprimés. Si
vous y participez, ce que moi, je souhaite vivement, bien, à ce moment-là, évidemment, il faut aussi voir et admettre que
c'est parce que la société civile a, effectivement, ce forum
exceptionnel et très
respecté au Québec qu'est le Bureau d'audiences publiques en environnement pour
développer des positions complètes et élaborées.
Enfin, je
conclus sur la notion d'acceptabilité sociale. Un peu une question que j'ai
posée à quelqu'un un peu plus tôt,
s'il arrivait que tout le débat ayant eu lieu, tout le monde ayant pu
s'exprimer, toutes les démonstrations de l'industrie ayant été faites,
toutes les vertus économiques prouvées, ou prétendues, ou alléguées aient été
faites et le contraire… s'il advenait que la
population des basses-terres du Saint-Laurent dise encore : Nous n'en
voulons pas, est-ce que ce refus par
la population des basses-terres du Saint-Laurent de la présence de cette
activité est légitime, selon vous? Parce que c'est mon point de vue.
S'il y a à ce point-là des gens qui disent : C'est dans ma cour arrière,
je ne veux pas, si le refus, si l'acceptabilité sociale est toujours absolument
absente, est-ce que vous reconnaissez la légitimité de la population de vouloir l'empêcher? Parce que l'esprit même du
moratoire, c'est de dire : Nous suspendons tout jusqu'à ce qu'on ait
disposé de cet enjeu-là en termes
législatifs, en termes d'acceptabilité sociale afin que, s'il y avait — et ce n'est pas ma présomption, que ce soit clair dans le festival de la
déformation — une
suite à cette activité-là, bien, qu'elle ait été au moins définie
clairement, tout comme serait définie clairement la possibilité qu'il n'y ait
pas de suite à cette activité-là si tel était le souhait du gouvernement et de la population. Alors, c'est un peu en
vrac, mais je suis convaincu que vous avez bien noté pour qu'on puisse
avoir ces clarifications, messieurs dames, et je vous en remercie beaucoup.
Le Président (M. Lessard) : Alors,
la parole est à vous, M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Je vais
essayer de prendre les différents arguments. La question de la balance
commerciale, vous dites que ce n'est pas convaincant. En fait…
M.
Blanchet : ...
M. Dorval (Yves-Thomas) : Pardon?
M.
Blanchet : …le prix. La balance commerciale, je comprends très, très bien. Mais c'est sur le prix, le fait que ça
coûterait moins cher.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Non, ça,
c'est une hypothèse, et, tant qu'on n'aura pas… La première des choses qu'il faut comprendre, c'est que l'industrie
n'existe pas encore ici. L'expertise, les fournitures de matériel, le savoir-faire,
la masse critique, ainsi de suite,
n'existent pas. De toute façon,
pendant un certain laps de temps… la rentabilité ne sera pas immédiate,
ça prend du temps. Et, par exemple, juste à titre d'exemple, si on veut faire
des forages, si on veut faire de
l'exploitation, il faut faire venir des équipements de l'étranger parce qu'on
ne les a pas ici, il faut faire venir des équipes de personnes avec une
formation parce qu'on ne l'a pas ici, et ainsi de suite. L'idée ici, c'est
qu'elle n'existe pas.
Donc, pour la
question du prix, de toute façon, au début, c'est coûteux, c'est un
investissement de démarrage, etc. Si le potentiel est là…Et le prix du
gaz ne restera pas toujours où est-ce qu'il est, il va fluctuer. Des fois, il
va être bon; des fois, il va être mauvais.
La question, c'est que, de toute façon, on importe du gaz naturel et on va en
avoir besoin. Et la question, elle fait partie aussi d'une question qui
déborde de la question du prix, qui est une question aussi d'indépendance
énergétique, d'avoir davantage la possibilité de contrôler ses sources. Parce
que le gaz sera toujours une ressource
énergétique nécessaire dans bien des cas, et même plus efficace que d'autres et
générant donc moins de gaz à effet de serre que si on utilise d'autres
types de sources d'énergie.
Donc, à
partir de ce moment-là… Et, le prix, on a vu… Puis j'ai pris connaissance,
entre autres, rapidement des constats
de l'étude qui a été rendue publique cette semaine, et on voit que, le prix, là,
il y a différentes considérations, l'internalisation
des coûts par rapport… mais il y a le cycle aussi. Alors, tous ces éléments-là…
Je ne suis pas en train de prétendre
que le prix va nécessairement être réduit, mais la stabilité peut être faite
parce que, là, on n'est plus dépendants de ce qui existe ailleurs et des
impacts qu'il peut y avoir ailleurs, on a l'indépendance énergétique ici
davantage sur une source qui, de toute façon… on aura besoin.
La question
du moratoire, je comprends ce que vous dites, mais c'est aussi un signal. C'est
un signal très fort qu'au Québec,
dans certaines circonstances, s'il y a un dossier chaud, etc., on change ou on
met en place de la réglementation qui fait en sorte que, pour des
investisseurs potentiels, il y a une instabilité, il y a une non-prévisibilité,
et ainsi de suite, il n'y a pas un climat
favorable. Nous, ce qu'on dit, c'est… Et, sur l'aspect des projets que vous
dites, écoutez, il y a des spécialistes qui vous ont dit : Bon, sur
l'aspect scientifique, ce n'est pas… Et de toute façon, effectivement, ça
existe ailleurs, on pourrait, tout simplement, prendre copie ailleurs. Moi, je
lie ça à l'acceptabilité sociale. La population québécoise n'a pas l'expérience
des hydrocarbures.
Et on
pourrait avoir tous les débats… Puis je vais revenir sur votre dernière
question avec le BAPE, auquel on va participer, bien sûr. On pourra
arriver avec nos commentaires, avec d'autres, etc., on pourra avoir tous les
débats, ça ne fera jamais en sorte que la population va avoir cette
expérience-là. Et, sans expérience, c'est très facile de dire à des gens : Votre santé, votre qualité de vie,
votre sécurité est mise en cause. Et, même si on n'est pas capable d'en
faire toute la démonstration, il n'y a pas
un individu sur terre, dans un contexte où il n'y a pas cette expérience-là,
qui va pouvoir dire : Je vais
prendre le risque. Par contre, si on a la chance et la possibilité de le vivre
plus près de chez nous, on va voir peut-être
la différence. On peut tellement importer d'exemples positifs, et il y en a
d'autres qui vont importer des exemples négatifs, mais la population ne la vivra pas, l'expérience. Et ça, je
pense que, dans la vie des gens, c'est important aussi, c'est au-delà de la science. Mais la science est
intéressante, par contre, pour le régulateur parce que les ministères,
les fonctionnaires, les inspecteurs, etc., qui n'ont pas cette expérience-là
pourraient l'acquérir en même temps.
Cela dit, donc, le BAPE, c'est
important, et on va y participer. L'acceptabilité sociale, on y croit. Alors,
j'arrive à votre question : Est-ce que,
si la population refuse… La question, elle est fort pertinente, et, à mon avis,
finalement, le peuple, c'est lui qui
décide qu'est-ce qu'il veut ou qu'est-ce qu'il ne veut pas. Ça ne veut pas dire
qu'une population qui n'a pas eu la
possibilité d'être exposée à tous les faits va prendre nécessairement la bonne
décision. Deuxièmement, il y a des fois, lorsqu'on parle de ressources
naturelles, que c'est facile de dire : Pas dans notre cour puis, en même
temps, de bénéficier aussi de l'ensemble des programmes de l'État.
La
question qu'on doit se poser, c'est : À un moment donné, le sous-sol, à
quelque part, appartient à la collectivité québécoise. S'il y a un
potentiel qui permet de générer plus de richesse, qui fasse en sorte qu'on se
permette certains programmes, ce n'est pas
la prétention du Conseil du patronat, mais je vous dirais que plusieurs
personnes pourraient dire : Bien, si une région ne veut pas et
qu'il y a un potentiel réel, bien, dorénavant, elle ne pourrait peut-être pas
profiter au même niveau des autres
programmes. Ce n'est pas la position du Conseil du patronat. Je vous dis
juste : Il y a des gens qui
peuvent aller aussi loin que ça en disant : Écoutez, si la ressource
appartient à l'ensemble de la collectivité et que vous n'acceptez pas que l'ensemble de la collectivité
en bénéficie, peut-être qu'à ce moment-là vous ne pourrez pas bénéficier
non plus de ce que l'ensemble de la collectivité peut procurer. Et ça, ce sont
toutes des discussions qui sont, je dirais, philosophiques, mais qui sont aussi
réelles. Et, moi, ce que je dirais, c'est que, la population qui est touchée
par une industrie, il faut qu'elle puisse s'exprimer, mais il faut qu'elle
puisse s'exprimer en ayant accès à toute l'information, y compris de l'expérimentation. Et, finalement, il y a, je dirais, une
question d'opportunité aussi pour l'ensemble du Québec qu'on risque de
négliger.
J'ai bien aimé les propos que vous avez faits, M.
le ministre… je m'excuse, M. le Président, que le ministre a faits…
• (17 h 40) •
Le
Président (M. Lessard) : Si les échanges sont courtois, on peut… Quand
on se félicite, on peut s'interpeller.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Parce que vous avez mentionné plusieurs éléments
sur l'acceptabilité sociale, puis c'est
le coeur du problème. Puis on n'y arrivera pas, à franchir le cap de
l'acceptabilité sociale sans expérimentation, sans que les gens aient eu l'occasion… mais des gens
qui acceptent de le faire. C'est pour ça d'ailleurs, dans notre mémoire,
c'est quand même assez… ce n'est pas nécessairement très, très, très de droite,
là. Ça prend une acceptation de la population
locale pour que ce genre de projet là se fasse, ça ne peut pas se faire à
l'encontre de tout le monde. Le développement
durable repose sur l'acceptabilité sociale. S'il n'y a pas d'acceptabilité
sociale, il n'y a pas de développement durable.
Mais, s'il n'y a pas de développement durable, ce n'est pas juste du
développement économique, il n'y aura pas de développement social puis
il n'y aura pas de développement non plus au niveau de l'environnement, c'est
un tout.
Le Président (M.
Lessard) : Moins d'une minute. Oui, je reconnais le collègue de
Repentigny.
M.
McKay :
Moins d'une minute?
Le Président (M.
Lessard) : Moins d'une minute.
M.
McKay : O.K. Vous avez dit : L'acceptabilité sociale,
on y croit. Vous avez aussi dit qu'au Québec on n'avait pas d'expérience… la population n'avait pas
d'expérience de l'exploitation d'hydrocarbures. Par contre, moi, je vous
dirais, il y a eu une expérience, une pas étant juste un cas, il s'est foré
quand même un certain nombre de puits de gaz de schiste, et il y en a eu un certain nombre là-dessus, la moitié, qui
avaient des fuites de méthane, il y en a eu qui se sont percés dans la
cour presque immédiate de gens qui ont eu à vivre avec tout l'équipement de
fracturation hydraulique. Je ne sais pas si vous avez déjà vu une opération de
fracturation. J'en ai vu et…
Le
Président (M. Lessard) : Malheureusement, je dois vous interrompre,
malheureusement, et… Alors donc, c'est le temps qui était imparti, là,
pour le gouvernement. On doit passer du côté de l'opposition officielle.
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Est-ce que je réponds ou je répondrai tantôt?
Le
Président (M. Lessard) : Je pense qu'il n'y a pas de question, mais
vous devrez… Ça termine ce bloc-là. Alors, on va passer du côté de l'opposition officielle, et le député de Viau
qui va s'adresser à vous pour un bloc de 11 minutes.
M.
Heurtel : Merci, M. le Président. M. Dorval, Mme Kozhaya, merci d'être
avec nous. M. Dorval, vous sembliez vouloir quand même poursuivre sur
les propos qui viennent d'être faits. Alors, si vous voulez, je suis bien prêt
à vous donner l'opportunité d'y aller.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors, très rapidement. Écoutez, le gouvernement
s'associe avec un promoteur à l'île
d'Anticosti, et nous l'appuyons. La question, c'est qu'ils vont frapper les mêmes
problèmes. On dit qu'il y a eu des problèmes, ou quoi que ce soit. Le
problème qu'on a, c'est qu'on n'avait pas un, peut-être… Pas peut-être, on n'a
pas le cadre réglementaire adéquat par rapport à ce type de nouvelle industrie
au Québec. Ça prend un nouveau cadre réglementaire
et, deuxièmement, ça prend les meilleures pratiques. Lorsque le gouvernement
s'associe dans le projet de l'île
d'Anticosti, il garantit à la population qu'ils vont suivre les meilleures
pratiques et qu'ils vont faire en sorte que les questions environnementales vont être protégées. Là, dans le gaz de
schiste, non seulement le gouvernement n'y participe pas actuellement, mais, dans le passé, il n'y
avait pas de ce cadre réglementaire là. Alors, est-ce qu'il y a eu des
erreurs? Il y a eu des erreurs.
Quand
j'ai dit tantôt aussi, là, sur la question des points de vue, les points de
vue, là, des deux côtés, y compris des promoteurs comme des anti, la
question ici, c'est : Est-ce qu'on devrait, au Québec, se limiter à des
expériences négatives ou est-ce qu'on
devrait baser sur une base solide avec une réglementation efficace qui tient
compte d'une politique énergétique où il y a, entre autres, de
l'indépendance énergétique, et ainsi de suite, avec une réglementation et avec
les meilleures pratiques? Et c'est ça qu'on doit tenir compte, et c'est
là-dessus qu'on devrait travailler.
M.
Heurtel : Vous avez fait référence à votre mémoire que vous avez
présenté au BAPE, puis, dans ce mémoire-là, il est fait mention notamment qu'en développant le gaz québécois ça
remplacerait le gaz qu'on se procure présentement, notamment dans l'Ouest. Je sais bien que vous
n'avez pas approfondi ça dans les documents que vous nous avez soumis,
mais est-ce que vous pourriez aller plus loin là-dessus?
Mme
Kozhaya (Norma) :
Oui, tout à fait. C'est qu'en ce moment toute
notre consommation de gaz est importée essentiellement
de l'Ouest, donc on s'est dit qu'avec le temps, si on développait notre gaz
ici, c'est sûr que ça créerait plus
d'emplois au Québec, plus d'investissements au Québec et donc ça permettrait
d'avoir des bénéfices économiques. Et
éventuellement, si on a une production qui est substantielle, ça permettrait
aussi de se payer un prix qui est probablement plus faible. Évidemment, comme le pétrole, c'est des prix qui sont un
peu internationaux, mais, si on pense aux coûts de transport, si on pense à différents éléments, à
terme on peut aussi espérer avoir à payer un prix probablement plus
faible, dépendamment, bien sûr, des coûts
d'extraction ici et dépendamment aussi de la quantité qui va pouvoir être
extraite. Mais, pour ça, il faut commencer par savoir c'est quoi, le
potentiel, et de travailler là-dessus pour avoir ces bénéfices-là.
M. Heurtel : Par rapport à ce que
révélait notamment une des conclusions de l'évaluation environnementale
stratégique qui a été rendue publique il y a deux jours, un des points, c'était
à propos particulièrement, là, que le prix du gaz est très bas présentement.
Donc, est-ce que ce facteur-là influe ou a un impact sur votre position d'une
façon ou d'une autre?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : C'est
volatil et c'est circonstanciel. C'est continental, par contre, actuellement.
Mais la réalité, c'est qu'il y a des
entreprises qui réussissent, et il y a une industrie qui réussit à générer à la
fois des retombées intéressantes et à la fois des revenus intéressants.
Alors, la question est pertinente. Mais, si les autres le font, je ne vois pas pourquoi qu'au Québec on ne pourrait pas
être capables de le faire aussi. Ça dépend de la masse critique. Or, il y a un potentiel géologique, géophysique qui
semble démontrer qu'il y en a un, réel potentiel. Et maintenant la
question, c'est pertinent, mais, si les autres sont capables de le faire, on
devrait être capables de le faire aussi.
M. Heurtel : Merci. M. le Président.
Mon collègue le député de Mégantic aurait des questions.
Le Président (M. Lessard) : Oui.
Alors, le collègue de Mégantic, donc, la parole est à vous.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Merci, M. le Président. Écoutez, vous avez
parlé dans votre page 3 que le gaz naturel pourrait être substitué à plusieurs autres applications. Est-ce que le
Conseil du patronat a fait des études à ce sujet-là? Je voudrais entendre ce que vous avez à dire là-dessus
parce qu'effectivement il y a des possibilités, mais est-ce que vous
avez regardé cette opportunité-là?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : On n'a pas
fait d'étude, mais on a consulté des études à ce sujet-là. Et, si on
prend l'exemple de la chauffe, la chauffe,
hein, les processus qui nécessitent de faire de la chauffe, si vous êtes dans
un processus alimenté au pétrole actuellement ou même à l'électricité,
si c'était le cas, probablement que le gaz naturel, en termes d'efficacité, de production d'énergie, par rapport
à l'utilisation et de la génération des gaz à effet de serre,
probablement que… pas probablement, les
études démontrent qu'il y a une efficacité énergétique… Ça dépend toujours du
contexte.
Dans le
transport lourd, de lourds camions, alors il n'est pas clair actuellement que
le transport lourd, ça serait bien bon
à l'électricité, mais, par contre, on sait qu'ils utilisent surtout le pétrole.
Or, il y a des flottes, actuellement, de camions qui utilisent le gaz naturel et qui ont des démonstrations de gain
d'efficacité environnementale et énergétique, mais ça prend des conditions particulières. Exemple, une
flotte qui a un point de départ et un point d'arrivée standard, c'est-à-dire
qui ne circule pas nécessairement dans
d'autres destinations, où est-ce qu'on peut avoir une alimentation prévue en
fonction du point d'arrivée et point de départ, il y a une économie à la fois…
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Des circuits fermés, là, ici ou des circuits courts.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : C'est un exemple.
Par exemple, les camions de… excusez-moi l'expression, là, les
poubelles, voilà, les déchets, collectes d'ordures, et ainsi de suite, c'est un
exemple. Il y a des transports de camions également,
il y a des flottes comme ça. Les questions… Les études existent, il y a une
rentabilité. C'est vrai dans la chauffe, c'est vrai dans le transport
puis ça permettrait de substituer du pétrole qui, dans ce cas-là… Mes membres
du pétrole n'aimeront pas ça, mais, en tout cas, c'est la réalité.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Comme vous le savez bien… En tout cas, je ne
sais pas si vous le savez, mais vous savez
que le gaz naturel produit 30 % de moins de gaz à effet de serre que le
pétrole. Est-ce que vous considérez que c'est un avantage économique
significatif? Parce qu'on s'en va, je dirais, dans une période où les gaz à
effet de serre ont un
coût, on a commencé déjà à faire des encans. Pour vous, pour le Conseil du
patronat, qu'est-ce que ça, ça représente comme opportunité en termes
de… Parce que, si vous…
M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, en termes de bilan environnemental et bilan
énergétique, dans les deux cas, c'est
une opportunité extraordinaire. Cependant, encore une fois, la tristesse de ça,
c'est que même les gens qui sont au courant
de ces choses-là, mais qui, pour d'autres raisons, visent à dénormaliser une
source d'énergie pour faire en sorte de promouvoir une cause tout à fait
noble qui est la protection de l'environnement… Il faut faire attention à ça
parce que la réalité, c'est qu'il y a des
gains d'efficacité. Et ce n'est pas tout le monde qui fait ça, là, mais,
malheureusement, la population n'en a pas nécessairement le message aussi clair
qu'on peut substituer et faire des gains.
Puis,
la réalité, dans notre bilan énergétique, on va en avoir besoin encore
longtemps, même si on doit faire...
Et, là-dessus, le Conseil du patronat a appuyé la stratégie d'électrification
des transports du gouvernement, et on est proélectricité.
Ça n'a pas un lien entre le fait qu'on soit proélectricité, qu'on soit proréduction,
amélioration de l'empreinte environnementale, etc., la
réalité, c'est qu'on va avoir besoin de ces sources-là parce qu'elles ont une
raison d'être. Pourquoi on ne la produirait
pas ici si le potentiel existe plutôt que de l'acheter ailleurs et, donc,
d'amener ici la richesse qui est
créée ailleurs par la production de cette énergie-là, mais à condition que ça
se fasse dans un cadre réglementaire qui protège la santé et la sécurité de la population, l'environnement comme
tel et que ça se fasse dans les meilleures pratiques?
• (17 h 50) •
M.
Bolduc
(Mégantic) : Vous avez fait relation à
l'acceptabilité sociale, qui a été, disons-le, là, carrément, dans les
dernières années, un problème très sérieux, O.K., pour l'acceptabilité du
développement du gaz de schiste dans la vallée
du Saint-Laurent. Est-ce que le Conseil du patronat a regardé cette
situation-là? Puis, si oui, quelles seraient les recommandations ou les pratiques qu'on devrait changer pour changer cet
état de fait là? Parce que vous parlez d'économie, vous parlez de biens, on parle d'emplois, on parle
de création d'économie, donc on parle d'éléments positifs, mais, sur le
plan environnemental et sur le plan acceptabilité sociale, ça semble négatif.
Comment on règle cette dichotomie-là?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Ah! c'est toute une campagne sociétale qui doit être
amorcée. La première des choses, ça commence à l'éducation de base parce qu'on
regarde beaucoup les notions qui ont trait à la qualité de vie et très peu à
l'économie dans notre éducation. Alors, je pense qu'il faudrait commencer à
regarder également les questions
d'économie.
Mais,
plus que ça, on a déjà mentionné dans plusieurs tribunes également qu'on
devrait avoir, entre autres, une agence
économique indépendante au gouvernement du même type qu'on a le BAPE pour
étudier l'impact environnemental, du
même type qu'on a les départements de santé publique, qui sont indépendants et
qui rendent une évaluation en fonction soit
de la problématique sociale ou de la problématique environnementale, ce qui
nous manque, même si le BAPE le fait. Je veux dire, il faut comprendre
que, de façon indépendante, une agence économique indépendante qui regarderait
le troisième pilier du développement durable serait tout aussi pertinente.
Ça
fait partie de ces questions-là parce que le promoteur, il est isolé. Le
promoteur va toujours être perçu comme ayant des intérêts mercantiles,
c'est un peu normal. Donc, la perception, c'est que l'information que le
promoteur va livrer dans une étude
d'avant-projet ou dans une étude de projet, ça va être parce que c'est biaisé
par rapport à son intérêt de faire de
l'argent mercantile. Je m'excuse, mais c'est comme ça. La vie puis l'expérience
m'ont démontré ces questions-là, et donc
ça prend aussi d'autres intervenants tiers qui ne sont pas des «think tanks»
idéologiques ou autres. Et, même quand le Conseil du patronat fait ses
présentations, nous représentons des employeurs, c'est facile d'accrocher ça et
dire : Ah! bien oui, vous représentez
l'industrie. Alors, ça prend donc une agence indépendante. Et, au-delà de ça,
ce que je vous ai dit, c'est que, tant qu'on n'aura pas d'expérience, on
ne sera pas capables de générer cette acceptabilité sociale là parce que c'est
facile...
Le Président (M.
Lessard) : C'est terminé, donc, pour le groupe de l'opposition
officielle. On va passer au deuxième groupe d'opposition. Donc, vous avez donc
3 min 45 s au député de...
M.
Martel :
Nicolet-Bécancour.
Le Président (M.
Lessard) : Nicolet-Bécancour. Excusez-moi, la fatigue…
M.
Martel : Merci, M. le Président. Bonsoir. Bonsoir à vous
deux. Merci pour la présentation. Je vais faire un petit peu de pouce avec ce que vous terminiez dans votre
réponse. Ça fait longtemps que je touche à ce dossier-là, j'étais au municipal avant dans un des premiers territoires
qui a été visé. Puis c'est un dossier qui est quand même très compliqué,
hein, parce qu'il comporte beaucoup d'inconnues au niveau économique, il
comporte beaucoup d'inconnues aussi au niveau
environnemental, et c'est un dossier, je vous dirais, extrêmement émotif. Il y
a des gens qui ont peur. Il y a des gens qui s'enthousiasment par
rapport au potentiel. Très émotif.
Moi, je veux vous
amener sur le terrain dans un après, là. On va de l'exploration, de
l'exploitation éventuellement… Puis, comme
Conseil du patronat, j'aimerais ça, avoir votre idée. Tout à l'heure, M.
Lévesque, il nous disait que, si on
débutait demain matin l'exploitation, il n'y aurait pas beaucoup de ressources
de l'extérieur pour nous aider à
l'explorer. L'objectif, c'est de dire : D'ici cinq ans, il faut qu'on
acquière toute cette connaissance-là, et c'est l'entreprise du Québec
qui va contrôler l'industrie. Croyez-vous que c'est possible, ça, de partir de
rien et, en cinq années, développer toute une industrie québécoise par
rapport à l'exploitation des gaz de schiste?
M. Dorval (Yves-Thomas) : Si le
potentiel s'avère, oui.
M.
Martel : Je n'ai
pas d'autre question. Non, non, c'est des blagues. Merci. Je pensais
que vous développeriez, mais je me
contente de ça. Ça me donne la chance de vous poser l'autre question.
Tantôt, quand vous êtes sorti de votre texte, vous avez parlé de — j'essaie
de comprendre ce que vous vouliez dire — normaliser l'utilisation.
Voulez-vous dire que... Vous savez ce que je fais allusion?
Le Président (M. Lessard) : M.
Dorval.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Oui. Oui. Excusez-moi.
Il y a une technique — merci,
M. le Président — très
utilisée dans le monde des groupes de
pression, lorsqu'on est contre l'utilisation d'une substance, quelle qu'elle soit, on
appelle ça de la démonisation ou de la
dénormalisation. Ça fait en sorte que, si on fait en sorte que tout ce
domaine-là est démonisé, on réussit à faire passer le message qu'on ne
fait rien par rapport à ça.
Nous, ce
qu'on dit, c'est qu'il y a une réalité au-delà du démon. Le démon de la
pollution de l'environnement
existe, mais il y a une réalité aussi qui
existe. Alors, ce qu'on dit, c'est que, même, même lorsqu'il y a des preuves,
des données probantes qu'il y a une efficacité tant environnementale qu'énergétique
d'utiliser certaines formes comme le gaz dans certains cas, même lorsque
c'est ça, on n'entendra jamais de la part de ceux qui veulent démoniser
l'industrie… on n'entendra jamais dire qu'on reconnaît cet aspect-là. Or, les
données probantes le démontrent. Ça ne veut pas dire qu'il faut faire la promotion du gaz ou du pétrole. Comme j'ai dit tout
à l'heure, il faut travailler tous ensemble, et plus fortement même qu'on le fait, à trouver des formes
d'énergie alternatives. Nous appuyons les énergies non fossiles, les énergies renouvelables, et ainsi de suite, il n'y
a pas de doute là-dessus. Mais la réalité, c'est qu'il reste des énergies
qui ont leur raison d'être dans un bilan. Elle va continuer à l'être, et il ne
faut pas la démoniser parce qu'elle existe, mais en prendre acte.
Le Président (M. Lessard) : Ceci va
terminer, donc, nos auditions pour aujourd'hui. On veut remercier les
représentants du Conseil du patronat du Québec.
La commission, ayant épuisé l'ordre du jour,
ajourne ses travaux à jeudi, 20 février 2014, après les affaires courantes, où
elle poursuivra ce mandat. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 58)