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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le vendredi 8 novembre 2013 - Vol. 43 N° 10

Interpellation du député de Mercier au ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs sur le sujet suivant : Les enjeux environnementaux liés à la politique pétrolière du gouvernement du Québec


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Table des matières

Exposé du sujet

M. Amir Khadir

Réponse du ministre

M. Yves-François Blanchet

Argumentation

Conclusions

M. Yves-François Blanchet

M. Amir Khadir

Autres intervenants

Mme Jeannine Richard, présidente suppléante

M. Scott McKay

M. Gerry Sklavounos

M. Sylvain Roy

M. Donald Martel

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Bonjour à tous. Je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de Mercier au ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs sur le sujet suivant : Les enjeux environnementaux liés à la politique pétrolière du gouvernement du Québec.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Marcotte (Portneuf) sera remplacé par M. Martel (Nicolet-Bécancour).

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Je vous rappelle brièvement le déroulement de l'interpellation. Dans un premier temps, l'interpellateur, le député de Mercier, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi de M. le ministre pour également 10 minutes. Pour la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante : d'abord, un député de l'opposition, ensuite le ministre, puis un député du groupe formant le gouvernement, et ainsi de suite.

Le député de Mercier, qui demande l'interpellation, a droit à trois des six interventions de l'opposition, soit la première, la troisième et la cinquième. Il a été convenu que l'opposition officielle disposera de la deuxième et de la sixième intervention et que le groupe du deuxième groupe d'opposition aura la quatrième intervention. 20 minutes avant midi, j'accorderai 10 minutes de conclusion à M. le ministre et un temps de réplique égal à M. le député de Mercier. Enfin, je vous rappelle que le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi. Sauf que nous avons commencé à 10 h 3, je demande donc s'il y a consentement pour que nous terminions les travaux à 12 h 3.

Une voix : Consentement.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci beaucoup. Sur ce, je demande au député de Mercier de nous adresser la parole pour un temps de 10 minutes.

M. Khadir : Merci. On peut le faire assis?

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Vous pouvez rester assis.

Exposé du sujet

M. Amir Khadir

M. Khadir : Ça va simplifier les choses pour tout le monde. J'aimerais d'abord remercier le ministre, son adjoint — je pense, c'est le sous-ministre, c'est ça…

Une voix : …chef de cabinet.

M. Khadir : ...chef de cabinet, excusez-moi, le chef de cabinet — ainsi que ses collègues du parti gouvernemental, mes collègues de l'opposition et, surtout, remercier aussi de leur présence des citoyens qui sont dans l'assistance actuellement de la Coalition Saint-Laurent, des gens aussi du mouvement Stop Oléoduc de toute… en fait, de Matapédia, du Bas-Saint-Laurent et de Côte-Sud.

Je reviens… d'ailleurs, hier soir, j'étais dans une assemblée publique à La Pocatière avec des groupes de citoyens très, très préoccupés par le projet de TransCanada d'installer un oléoduc dans leur territoire, passant sur leurs terres, dans des parcs en développement, donc qui traduit bien ce qu'on a connu depuis quelques années à travers tout le Québec, c'est-à-dire une prise de conscience d'une bonne partie de notre population que l'exploitation des ressources, que ce soient des ressources minières ou que ce soient d'autres types de ressources naturelles comme les ressources pétrolières et gazières, ne peut pas se faire sans tenir compte de l'intérêt collectif et aussi de l'intérêt des communautés qui vivent sur notre territoire.

Cette prise de conscience a connu un regain très, très important, rappelons-nous, depuis la présence et les interventions répétées de Québec solidaire à l'Assemblée nationale depuis 2008. Le hasard a voulu que le Vérificateur général, au mois de mars ou avril 2009, a déposé ensuite un rapport dévastateur qui est venu confirmer toutes nos préoccupations, tout ce que j'avais exprimé auparavant sur le fait que l'exploitation minière au Québec ne rapportait pas au peuple québécois et dévastait notre territoire. Constat qui a fini par s'imposer à tout le monde, y compris au gouvernement, au parti qui agit au gouvernement actuellement, qui était dans l'opposition à l'époque, au Parti québécois, qui, petit à petit, s'est approprié de ce débat et, il faut le reconnaître, a formulé plusieurs critiques sur le modèle de développement et d'extraction de nos ressources naturelles pratiqué par le Parti libéral depuis déjà lorsque… bon, en 2009, on en discutait, depuis déjà cinq, six ans.

C'est ce qui motive le choix du sujet de l'interpellation aujourd'hui, où j'aimerais que nous puissions discuter des enjeux environnementaux, qui sont très, très importants quand on pense à la possibilité pour le Québec de développer la filière pétrolière et une intention de plus en plus manifeste du gouvernement du Parti québécois de faire du Québec presque, en fait, un État pétrolier. On entend souvent comme message à l'intérieur des plaidoyers faits par plusieurs ministres économiques du gouvernement du Parti québécois comme quoi, en fait, le Québec a tout intérêt à développer l'exploitation du pétrole sur son territoire parce que ça serait gage de richesse, que ça serait gage de développement, que, s'il faut aller les entendre, c'est le seul moyen d'assurer la pérennité de nos services publics, etc.

• (10 h 10) •

Je rappelle qu'au cours des dernières années, à tout le moins, une bonne partie de la population s'est ralliée derrière la mobilisation populaire qui a eu lieu dans la vallée du Saint-Laurent, notamment dans la vallée du Richelieu aussi plus particulièrement, à l'entour de la velléité de plusieurs compagnies gazières et des élites économiques avec leurs lobbys très puissants — on se rappellera de M. Caillé, M. Bouchard, M. Boisclair — pour développer la filière des gaz de schiste. Heureusement, ce lobby a fini par se faire entendre. Je me rappelle les hésitations de la députée de Charlevoix, à l'époque chef de l'opposition, mais qui, peu à peu, s'est ralliée à l'idée que oui, les gaz de schiste n'avaient pas leur place au Québec.

On sait que, maintenant, il y a un projet de loi qui est en discussion et qui nous préoccupe, mais tout ça traduit d'abord une espèce de consensus, je dirais, au sein de la population québécoise, qui ne veut pas d'abord qu'on massacre notre territoire, qu'on mette en danger nos nappes phréatiques, la valeur de notre patrimoine écologique, la qualité de vie dans nos communautés, dans nos villages pour un mirage. Pour un mirage, pourquoi? Parce que tout le monde est devant l'état de la situation du type d'exploitation, puis du type d'investissement, et du contrôle qu'on n'exerce toujours pas sur notre sous-sol, et le «free-mining», qui s'applique aussi au domaine pétrolier et gazier… Tout le monde sait très bien que l'essentiel des richesses qui vont être extraites d'une manière ou d'une autre de ces ressources-là vont profiter à des intérêts privés, souvent étrangers.

Mais, au-delà de ça, il y a aussi la conscience, très répandue au sein des citoyens, qu'il y a des dangers pour la planète, qu'il en va de la qualité de notre environnement, de la sécurité de notre vie, de la sécurité de notre santé, et, je dirais, de plus en plus de citoyens et d'intervenants, de groupes sociaux, de mouvements formés par des citoyens sont très au fait, à partir des rapports qui existent aussi, rapports d'experts locaux et internationaux, que nous faisons face véritablement à un danger au niveau planétaire qui exige une action urgente et concertée de la part de tous les pays, de toutes les nations, de toutes les communautés de la planète pour éviter le réchauffement climatique, qui va s'accompagner de cataclysmes sur le plan environnemental.

Évidemment, on a deux options dans cette voie-là. C'est de soit suivre les cancres de la planète, des provinces comme l'Alberta, des gouvernements comme celui de Harper, qui se sont mis complètement derrière l'industrie pétrolière, en fait surtout une industrie qui exploite le pétrole le plus sale de la planète. Je pense au pétrole albertain. On a le choix, donc, de se ranger derrière ces gouvernements-là ou de se ranger derrière le consensus scientifique et des approches telles que la Suède, telles que l'Allemagne, telles que même la Corée du Sud, pourtant producteur d'automobiles, qui aurait intérêt à voir se développer la filière pétrolière pour soutenir l'industrie de l'automobile individuelle, mais qui, dans ses villes et dans ses campagnes, investit massivement et réoriente les transports dans sa société pour les transports en commun et l'électrification de ses transports.

Je rappelle à M. le ministre… Je suis sûr qu'il est conscient de ça, mais je rappelle pour notre mémoire, pour fins de discussion, selon le rapport du GIEC, le seuil historique, le seuil qu'il fallait éviter, malheureusement, a été franchi : 400 parties par million. Toutes les autorités compétentes sont d'accord pour dire que c'est la responsabilité de l'homme. Il n'y a que des fossiles, sur le plan intellectuel ou, je dirais, institutionnel, qui continuent à mettre le doute sur la part de l'action de l'homme et de notre empreinte sur le climat pour nier le rôle de l'homme, donc, dans ce réchauffement. Donc, si la tendance se poursuit, on sait qu'on va, malheureusement, se rendre à une augmentation, en moyenne, de cinq degrés avec tout le dérèglement qui s'ensuit et des extrêmes climatiques qu'on commence déjà à vivre. Donc, le sentiment d'urgence doit, je pense, s'imposer à nous, comme il s'impose et il est évident dans le rapport du GIEC, qui, après tout, est un consortium qui dépend de nous, c'est un consortium international qu'indirectement on a contribué à mettre sur pied.

Face à l'urgence climatique, donc le Québec doit faire les meilleurs choix, ne peut pas hésiter, ne peut pas traîner la patte… Donc, j'ai une minute, madame?

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) :

M. Khadir : Très bien. Nous devons rapidement réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Je rappelle que le Parti québécois s'était engagé, hein? Il y a un rapport qui avait émis par Équiterre, Changer de direction: Pour un Québec libéré du pétrole en 2030 , et on a vu, lors de la dernière campagne électorale, le Parti québécois s'était engagé à réduire la consommation du pétrole de 30 % d'ici 2020 et de 60 % d'ici 2030. 30 % d'ici 2020, c'est-à-dire dans six ans. Alors, j'aimerais que le ministre m'explique comment, en voulant développer l'exploitation pétrolière en Gaspésie, en Anticosti, dans le gisement d'Old Harry ou, pire encore, en permettant le transit du pétrole de l'Alberta...

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci beaucoup...

M. Khadir : ...le pétrole le plus sale de la planète, il va atteindre ses cibles.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci beaucoup.

M. Khadir : Merci, madame.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député de Mercier. Vous aurez l'occasion de revenir. Bien qu'on ait la minuterie, je vous ferai quand même à la dernière minute qu'il reste une minute. Sans vous interrompre pour ne pas vous faire perdre votre élan, mais je vais vous faire signe quand il reste une minute. Alors, maintenant, je cède la parole à M. le ministre pour un temps de 10 minutes.

Réponse du ministre

M. Yves-François Blanchet

M. Blanchet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est un plaisir d'être ici parce que les occasions que nous offre le parlementarisme d'avoir des discussions un peu plus élaborées et un peu moins appuyées sur la gesticulation sont trop rares. Donc, c'est une belle occasion de pouvoir développer… peut-être pas autant qu'on le voudrait, là, mais de pouvoir développer un peu sur certains contenus.

Mes salutations à mon estimé collègue de Mercier, mon non moins estimé collègue de Laurier-Dorion, mon collègue et voisin de circonscription de Nicolet-Bécancour, les gens qui vous accompagnent. Les gens dans les gradins aussi, dans les tribunes, soyez les bienvenus. J'espère pouvoir contribuer à éclairer un certain nombre des enjeux liés aux hydrocarbures au Québec.

Vous savez, un gouvernement doit avoir une certaine vision, une certaine position à présenter à la population, et, je vous le dis d'entrée de jeu, il serait légitime, et il y en a qui ont ça comme position… Je ne pense pas que ce soit la position de tout le monde ou de qui que ce soit même dans l'Assemblée nationale, mais il y a des groupes dont la position est une rupture très rapide avec le modèle économique actuel qui prévaut en Occident, qui prévaut à peu près partout à travers le monde à bien des égards et, dans des endroits, de façon bien pire qu'au Québec, et qui prévaut, bien sûr, au Québec, et qui est un modèle économique qui, malheureusement — et on en est tous conscients — est encore profondément tributaire et dépendant des hydrocarbures, produits pétroliers de différentes natures et leurs dérivés.

On a beau vouloir qu'il en aille autrement, on peut progresser… Certains voudraient une rupture complète, ce n'est pas la position du gouvernement du Québec. Nous ne nous positionnons pas en rupture, nous nous positionnons avec une ferme volonté de tendre rapidement, de tendre rapidement vers un modèle économique qui permettra — et c'est purement mathématique — qui permettra de contribuer… parce qu'on n'est pas un gros poids en termes d'émission de gaz à effet de serre, mais de contribuer à tirer la planète vers un niveau d'équilibre. On sait tous que l'équilibre qui éviterait les enjeux catastrophiques des changements climatiques, il est derrière nous, il ne reviendra pas, ce point d'équilibre. Il y aura des conséquences, il y aura des nécessités d'adaptation aux changements climatiques. Et ça, personne n'y peut plus rien, on ne peut pas nier cette réalité-là. Bref, la position du gouvernement du Québec n'en est pas une de rupture par rapport au modèle économique actuel, en est une de progression rapide vers autre chose, et c'est dans ça que doit s'inscrire ce que sera notre démarche. Alors, si quelqu'un a cette position, je la reconnais comme légitime, je le dis d'emblée, ce n'est pas celle du gouvernement du Québec.

Il y a beaucoup de choses parmi les explications ou les énoncés de mon collègue de Mercier avec lesquelles je suis tout à fait d'accord. Il y a bien des éléments là-dedans, c'est bien sûr, outre que… Puis ce n'est pas vain de le répéter, il y a des éléments qui apparaissent vertueux, mais qui sont des vérités claires, nettes, des défis que l'ensemble de la planète doit affronter, puis je suis convaincu que tous les collègues sont d'accord avec ça. C'est quand on arrive dans les moyens, dans la détermination des moyens ou dans la détermination qu'on met à mettre en oeuvre les moyens qu'il faut s'entendre.

• (10 h 20) •

Je ne pense pas qu'on va faire un débat sur la loi n° 37, mais je me questionne encore sur les motifs pour lesquels les députés de Québec solidaire se sont abstenus de voter lors de la discussion sur l'étude de principe de la loi n° 37, qui est, après tout, la loi qui met en oeuvre un moratoire souhaité par tout le consensus que le collègue lui-même décrit. Donc, moi, je dis : Écoutez, s'il y a à ce point un consensus et que c'est à ce point-là proche de la vision et de la philosophie de Québec solidaire, je me questionnais sur les raisons de cette abstention, même si j'ai une très bonne idée pour les raisons des abstentions des deux autres partis présents à l'Assemblée nationale.

Le député de Mercier a mentionné en tout début de présentation le projet de Trans-Canada. Je dirai que nous n'avons rien sur la table, nous, de formel, donc c'est très difficile comme gouvernement, là. Pas comme parti politique, parce qu'on est encore un peu dans les limbes comme gouvernement. Quand on aura un projet, on l'analysera, mais il n'y a rien de concret qui est soumis aux études du ministère de l'Environnement. Mais on peut partager les inquiétudes qui sont exprimées par la population.

Par contre, lorsqu'on parle d'un gouvernement qui pourrait s'inscrire dans une philosophie pétrolière qu'il est assez audacieux de comparer avec ce qui se fait au Canada, là je pense que ça va, effectivement, loin. L'enjeu fondamental… Et le collègue lie lui-même l'enjeu du pétrole avec l'enjeu du réchauffement climatique. Eh bien, effectivement, à partir du moment où le Québec met en oeuvre une politique de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 25 % avec comme principal outil ce qui est considéré à l'échelle internationale comme la forme la plus moderne de système de plafonnement et d'échange des émissions de gaz à effet de serre, avec un objectif, donc, de réduction de 25 %, bien, ça veut dire que nous sommes, effectivement, dans cette démarche-là. Non seulement nous sommes dans cette démarche-là, mais nous le sommes plus et mieux que n'importe quelle autre juridiction en Amérique du Nord présentement. Alors, je me permets d'affirmer que le Québec n'est pas et ne vise pas à devenir un État pétrolier.

La question fondamentale est celle-ci : D'une part, est-ce que le Québec doit fermer les yeux et ne pas chercher à savoir ce que sont les ressources sur son propre territoire? Territoire modulé de différentes façons : la Gaspésie est une réalité; le golfe Saint-Laurent est une réalité; la vallée du Saint-Laurent est une réalité; Anticosti est une autre réalité. Et je pense que, dans un territoire qui est trois fois grand comme la France, il faut comprendre qu'il y a des variétés de… diversités géologiques, géographiques, démographiques, économiques dont il faut tenir compte pour avoir des politiques adaptées à chacun de ces cas-là.

Mais est-ce que le Québec est capable d'utiliser ses propres ressources en hydrocarbures pour s'affranchir plus vite d'une dépendance au pétrole qui est partagée par toutes les économies industrialisées? Est-ce qu'on est capables de faire ça? Est-ce qu'on est capables de réduire notre empreinte environnementale par rapport à l'importation de 12, 14, 13 milliards de dollars par année de pétrole? Est-ce qu'on est capables de le faire de façon exemplaire? Si tel est le cas, on a le devoir d'évaluer cette possibilité-là. On a le devoir de déterminer ce que contient le sous-sol du territoire québécois. C'est la science et la connaissance… Et je réitère que l'action du ministère de l'Environnement s'appuie toujours sur la science et la connaissance et dénonce ce qui est purement idéologique. C'est dans cet esprit-là que nous avançons vers l'acquisition de ces données-là.

Enfin, je reviens, avec le temps qui me reste, sur un fondement de notre approche. L'époque où on opposait l'économie et l'écologie est ou doit être derrière nous. Une des vertus de la notion de développement durable, qui est contestée et qui va évoluer comme n'importe quelle autre vision du monde, c'est qu'elle refuse cette opposition-là. Il est impossible d'envisager désormais le développement économique sans considération pour l'environnement. On sait aujourd'hui qu'il coûtera toujours moins cher de prévenir que de réparer, qu'il coûterait infiniment moins cher de déployer les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre maintenant de façon beaucoup plus intense que ce qu'il en coûtera, selon le rapport même du GIEC, au fil des prochaines décennies. Il n'y a plus de développement économique possible sans importante considération pour l'environnement.

En revanche, il n'y a pas non plus de protection de l'environnement possible sans considération pour l'économie. On ne pourra pas convaincre des travailleurs, des citoyens d'être sensibles à l'environnement, à deux exceptions près, d'ailleurs, ceux qui vivent une catastrophe ou ceux qui ont cette espèce de luxe d'avoir des considérations purement idéologiques sans inquiétudes pour leur quotidien puis nourrir leur famille… Mais on ne peut pas demander à des familles, québécoises ou ailleurs, de mettre l'environnement avant la sécurité et l'alimentation de leur famille. Il faut un minimum de prospérité pour qu'une société tende vers une meilleure protection de l'environnement, et cet équilibre-là doit être recherché, doit être atteint. Le développement économique a une incidence environnementale qu'il faut limiter, qu'il faut contraindre, qu'il faut encadrer, qu'il faut mitiger. Mais on ne peut pas faire de protection de l'environnement sans prendre soin de l'économie et on ne peut pas développer l'économie sans considérations environnementales.

Dans cette mesure-là, je pense que l'ensemble des politiques de l'État québécois, qui est un État très progressiste, qui est à l'avant-plan en Amérique du Nord... Puis notre partenaire californien dans le système de plafonnement et d'échanges a encore des productions d'énergie à base d'hydrocarbures, là. On s'entend qu'on est très avancés au Québec. Moins vertueux qu'on veut bien le dire parfois parce que, bien sûr, si on est à ce point-là des producteurs d'hydroélectricité, c'est parce que notre géographie l'a permis, parce que la richesse était là, elle était disponible, on est allés dans cette direction-là. Nous avons la responsabilité maintenant de prendre ce pouvoir, cette capacité d'influencer pour tendre vers quelque chose de meilleur. Et ça va vouloir dire de réduire rapidement notre dépendance aux hydrocarbures, mais ça ne peut pas vouloir dire une rupture qui va peut-être contraindre des Québécois ou des Québécoises à une sécurité économique moindre. Alors, sur ça, je veux bien qu'on continue le débat, Mme la Présidente.

Argumentation

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le ministre. Alors, nous allons entamer les échanges en commençant par le député de Mercier. Vous avez cinq minutes pour votre intervention.

M. Khadir : Merci, madame. Je veux rassurer le ministre, personne, à Québec solidaire, ne demande au Parti québécois de se rallier aux vertus de Québec solidaire, personne ne demande... Ça serait trop demander. D'accord? Personne ne demande au Parti québécois de rompre avec le système économique actuel. Personne de sérieux ne peut prétendre que sortir du pétrole, c'est au désavantage de l'économie du Québec. Tous les pays les plus avancés au monde savent que sortir de la dépendance pétrolière, c'est une avancée économique, c'est un développement économique. Tous les pays qui le font et qui l'ont fait en trouvent des bénéfices immenses. Juste au Québec, il sort chaque année 18 milliards de dollars de nos poches pour acheter du pétrole. En plus des pièces automobiles et des automobiles qu'on achète, 40 milliards. Donc, toute diminution au total, donc toute diminution… Chaque tranche de 10 % de diminution de notre dépendance au mode de transport individuel et à l'utilisation du pétrole, c'est 4 milliards dans la poche des Québécois.

Et je vous rappelle, M. le ministre, qu'au Québec, suivant des études faites par le Chantier de l'économie sociale, par l'UPA et également par le secteur de la construction, que les trois secteurs qui sont les plus créateurs d'emploi sont : en premier lieu, l'agriculture de proximité de type familial pour chaque dollar investi; en deuxième lieu, les transports en commun dans leur phase de construction et dans leur phase d'opération, les transports collectifs; et, en troisième lieu, la rénovation domiciliaire. Donc, M. le ministre, pour la prospérité du Québec, pour créer des emplois, on a mieux à faire que d'investir de l'argent de la Caisse de dépôt, de l'argent d'Investissement Québec ou d'encourager par nos politiques, par notre complaisance, par notre mollesse devant l'industrie pétrolière, d'encourager une filière… Parce qu'à chaque fois que le gouvernement ne prend pas des décisions pour occasionner les virages voulus puis qu'on continue sur le chemin de la dépendance pétrolière, en fait on rate des opportunités pour investir ailleurs, dans nos transports collectifs, dans l'efficacité énergétique, c'est-à-dire la rénovation domiciliaire, qui créerait des milliers d'emplois partout au Québec, ou encore dans l'agriculture de proximité pour répondre à une demande qui vient des régions.

Mais, cela étant dit, on ne vous demande même pas tout ça, on vous demande juste d'être à la hauteur, que le plancher soit au minimum, au même niveau que la première ministre conservatrice de Terre-Neuve. Pourquoi on s'est abstenus sur le projet de loi n° 37? D'abord parce qu'à cette étape-ci on pense, qu'on fasse les consultations avant ou l'adoption du projet de principe avant, c'est de l'enfantillage. C'est une guerre qu'on ne comprend pas, dans laquelle on ne veut pas embarquer. Nous, on veut aller au fond du problème. Puis le fond du problème, c'est que le projet de loi n° 37, selon nous, est bien en deçà des attentes du peuple québécois. C'est énormément même en deçà de ce que Terre-Neuve, avec une première ministre conservatrice, vient d'annoncer, c'est-à-dire un moratoire sur l'ensemble de son territoire, alors que votre moratoire ne propose, finalement, qu'un moratoire dans la vallée du Saint-Laurent. Donc, au Saguenay—Lac-Saint-Jean ou ailleurs sur notre territoire, la fracturation hydraulique puis les gaz de schiste, il n'y a pas de problème.

• (10 h 30) •

M. le ministre, le pétrole, ce n'est pas bon pour le Québec. D'abord, parce que la structure de propriété actuelle ne garantit aucune retombée réelle. Ça va être exactement comme les mines. Ça va être exactement comme les mines, c'est des intérêts privés. Dans l'exploitation minière, là, au cours des 20 dernières années, pour chaque dollar qu'on a extrait, chaque dollar de profit, les Québécois n'ont touché que moins de 5 %. Ensuite, Old Harry, d'accord, le seul pétrole un peu fiable, là, qui n'est pas de schiste, le pétrole conventionnel, rappelez-vous Deepwater, là, le golfe du Mexique, 42 milliards que ça a coûté alors qu'au Canada les responsabilités financières des pétrolières ne dépassent pas 30 millions.

Puis Old Harry, là, c'est dans un environnement marin, dans un des environnements marins les plus houleux, où le transport maritime est le plus dangereux, et là on prendrait des risques d'engouffrer le Québec dans des dépenses incroyables. Est-ce que les dépenses que vous encourez actuellement, qu'on encourt comme peuple au lac Mégantic ne devraient pas nous faire réfléchir? Si jamais il arrive une catastrophe, la moindre catastrophe dans le golfe du Saint-Laurent, c'est des milliards de dollars de dépenses pour les nettoyer. Regardez ce qui arrive à Sept-Îles. Qui va payer pour ça? M. le ministre, on fait une erreur. Le pétrole, c'est des coûts. Ce n'est bon que pour les Power Corporation de ce monde.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député de Mercier. M. le ministre, vous avez cinq minutes.

M. Blanchet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'essaierai, en cinq minutes, d'apporter quelques réponses. Sinon à l'intention de mon collègue, au moins à l'intention des gens qui suivent nos travaux. Dans un premier temps, le rôle du ministère de l'Environnement est de définir les conditions qui permettraient d'exploiter de façon acceptable et même exemplaire — parce que c'est là que la première ministre elle-même a mis la barre, nous voulons être exemplaires — des ressources quelles qu'elles soient. Que ce soit le développement d'une entreprise, que ce soit le pétrole.

Récemment, j'étais dans la circonscription de mon collègue, dans Nicolet-Bécancour, où on a fait une annonce en sa présence où on a réussi à concilier environnement et développement économique dans des dossiers… Écoutez, le dossier d'IVCO, le dossier de Quest, ça peut être des enjeux, là, il peut y avoir des débats, mais on réussit à obtenir une collaboration exceptionnelle d'entreprises parce qu'on veut faire le développement, parce qu'on a besoin des emplois puis on est capables de le faire en ne compromettant pas l'environnement. C'est fondamentalement ça, notre devoir comme gouvernement.

Mais, cela dit, le collègue parlait de tous les pays du monde qui tendent vers une diminution de leur dépendance au… C'est exact, et il n'y en a aucun qui soit aujourd'hui indépendant du pétrole. Il n'y a aucun État industrialisé ou même il n'y a aucun État dans le monde, point, qui soit indépendant du pétrole et il n'y en a pas qui cheminent plus vite que nous. Quelle est la meilleure manière de réduire notre dépendance au pétrole, puisque l'industrie pétrolière a comme client au Québec pour énormément le transport? C'est l'électrification des transports. Et quel est l'État en Occident qui met de l'avant la politique d'électrification des transports la plus audacieuse, la plus courageuse, avec, malheureusement, les moyens limités d'une province, alors qu'on pourrait faire bien davantage si on était un pays? Cet État-là, c'est le Québec. Alors, je pense qu'on a beaucoup de raisons d'être très fiers. Combinez l'électrification des transports avec la réduction de 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre en 2020, et je comprends qu'il devienne difficile d'attaquer les positions du gouvernement du Québec autrement que par des affirmations saines dans leur intention, mais qui ne pointent pas directement à des activités. Le gouvernement fait la job présentement, et il la fait… En un an, d'ailleurs — c'est très peu de temps — il en a fait beaucoup et il chemine rapidement vers des objectifs que tout le monde ne peut pas se permettre de ne pas partager.

Le collègue faisait référence à des secteurs économiques au Québec qui sont plus importants, et les plus importants étant l'agriculture ou la construction, différents secteurs de ce type-là. Mais je rappellerai au député de Mercier que tous ces secteurs économiques là ont encore… malheureusement, on en convient, mais ont encore besoin de pétrole. La question, c'est : Sous réserve que ce puisse être fait de façon économiquement valable et environnementalement exemplaire, n'est-il pas préférable de gérer la réduction de notre consommation de pétrole, incluant en agriculture, à partir de nos propres ressources et d'éviter, pour reprendre son propre chiffre, de continuer d'exporter 18 milliards de dollars par année? Évidemment, et l'environnement et l'économie sont servis par ce type d'approche là.

Je reviens très brièvement sur la question de la loi n° 37. Il explique l'abstention de Québec solidaire par le côté enfantillages de notre approche. Bon, dans les faits, il y a eu déjà six projets de loi qui ont été déposés et qui demandaient les consultations après l'adoption de principe pour ne pas se faire faire le coup de la 43. Mais le critère fondamental, ce n'est pas de le faire avant ou de le faire après, c'est de le faire vite. Et, pour moi, l'abstention de Québec solidaire n'est pas un coup d'accélérateur pour que les Québécois puissent voir l'État québécois, et une commission parlementaire… et les groupes qui ont envie, qui ont besoin, qui ont la capacité de venir s'exprimer sur cet enjeu-là, qu'ils puissent venir le faire à l'Assemblée nationale. Moi, je pense qu'on est à bien peu de choses de pouvoir commencer à travailler sérieusement là-dessus, il suffit qu'on sorte d'un cadre qui serait davantage partisan.

Finalement, le député va beaucoup plus vite que le gouvernement, il nous projette dans quatre, cinq, huit ou 10 ans en parlant de la structure de propriété, puis de comment on va se comporter, puis de ce qui va se passer. Vous savez, nous allons cheminer, et il y a des années entre maintenant et le moment où il y a une exploitation commerciale à grande échelle de pétrole québécois. Durant cette période-là, nous avons la capacité et le devoir d'évaluer continuellement notre capacité de le faire d'une façon qui soit bonne pour les Québécois, bonne pour l'environnement et exemplaire.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant un député de l'équipe ministérielle — vous aurez cinq blocs de cinq minutes à la suite du ministre — le député de Repentigny. Vous avez la parole.

M. McKay : Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais, à mon tour, saluer nos collègues du gouvernement et de l'opposition, saluer aussi les gens qui sont dans les tribunes, qui se sont déplacés pour venir assister à cet échange, et espérons qu'on pourra continuer à maintenir les échanges, effectivement, à un bon niveau comme ça a été fait jusqu'à maintenant. Ce n'est pas toujours le cas, reconnaissons-le, mais c'est bien parti, je trouve.

C'est bien parti malgré le fait que le titre de l'interpellation semble pour le moins biaisé parce qu'il parle de la politique pétrolière du gouvernement du Québec, et il n'y en a pas, de politique pétrolière, il y a actuellement une discussion qui a été lancée sur les enjeux énergétiques du Québec de façon globale. Et, jusqu'à maintenant, cette discussion sur les enjeux énergétiques a été saluée de part et d'autre du spectre politique, tant à droite qu'à gauche, et ces discussions-là ne sont que, dans le fond, le départ de ce grand débat social que nous devons avoir au Québec sur la transition énergétique qui va nous amener, effectivement, à se libérer du pétrole, à être plus prospères d'un point de vue économique et aussi à pouvoir faire face aux enjeux environnementaux qui sont et qui seront de plus en plus graves.

Alors, cette transition… D'ailleurs, je vais en profiter pour faire une petite publicité pour mon livre qui va paraître aux Presses de l'Université Laval et qui sera lancé au Salon du livre de Montréal le 23 novembre, Pour un Québec vert et bleu  Le virage vert, l'économie et la gouvernance. Alors, on est pas mal là-dedans aujourd'hui. Moi, je vous dirais que la transition écologique du Québec, elle a été amorcée par ce gouvernement, et il y a, dans le fond, trois pièces maîtresses. Premièrement, l'électrification des transports. La discussion que j'ai mentionnée sur les enjeux énergétiques, donc, qui donnera lieu à une politique énergétique qui sera innovatrice et aussi la politique industrielle, on a passé… Je trouve, on n'a pas suffisamment parlé de ce virage fondamental dans la politique économique du gouvernement, Priorité emploi. Donc, on met l'emploi en priorité, et, effectivement, où est-ce qu'il y a des perspectives d'emploi pour le futur? Bien, c'est tout dans le domaine de l'économie verte. Qu'est-ce qui va permettre à nos entreprises québécoises de créer de l'emploi, et d'être plus concurrentielles, et de pouvoir exporter ces technologies vertes à l'extérieur? Bien, c'est le verdissement de tout notre secteur industriel. Et ce verdissement-là, il a été amorcé notamment par un fonds de 200 millions de dollars qui a été annoncé dans le dernier budget du ministre des Finances et de l'Économie. Et ce fonds-là, donc, a été voué essentiellement — 200 millions — à cette transition de notre secteur industriel vers l'économie verte.

• (10 h 40) •

Dans le domaine de l'électrification des transports, bien, peut-être rapidement rappeler les trois principaux objectifs. Premièrement, réduire les émissions de gaz à effet de serre pour rencontrer la cible fixée de 2020, de 2020. On a dit : Nous, on va s'aligner sur l'objectif de l'Europe, de l'Union européenne, donc 25 % de réduction pour 2020, contribuer au développement économique du Québec en misant sur une filière d'avenir et tendre vers l'indépendance énergétique du Québec. La stratégie d'électrification des transports, je l'ai mentionné pour les enjeux... La discussion sur les enjeux énergétiques a été saluée de tous les horizons politiques. C'est la même chose pour la stratégie d'électrification des transports parce que je vois l'Association des ingénieurs-conseils, le Conseil du patronat, l'Union des municipalités, les Manufacturiers exportateurs, la FTQ, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le Fonds mondial pour la nature, tous ont salué et félicitent le gouvernement du Parti québécois pour sa stratégie d'électrification des transports. Alors, Mme la Présidente, je pense que oui, nous sommes sur la bonne voie pour nous libérer du pétrole.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député. Je reconnais un député de l'opposition officielle, le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui. Je salue le ministre et les gens qui l'accompagnent, les députés du gouvernement, mon collègue de Mercier, mon collègue de la Coalition avenir Québec. J'ai très peu de temps, évidemment, je pense que je dispose juste d'un bloc. Possiblement une partie d'un autre bloc, là, mais c'est un deuxième bloc qui est pas mal théorique. Alors, je vais rentrer directement en matière.

On a mentionné plusieurs choses. Moi, il faut dire, en écoutant le député de Mercier, je suis d'accord avec le ministre, qu'on partage beaucoup de ce que le député nous dit concernant les constatations, etc., du GIEC, des experts qui nous parlent des changements climatiques, c'est au niveau de l'approche que nous sommes différents. Et je me reconnais beaucoup dans ce que le ministre a dit. Lorsqu'il parle plus généralement, le ministre, je me reconnais dans ce qu'il dit, concernant le fait qu'il doit y avoir un certain équilibre, il doit y avoir un certain équilibre entre le développement économique et la protection de l'environnement.

Sur le projet de loi n° 37 — je sais que le ministre l'a reproché à notre collègue de Mercier — il faut se poser juste une question très rapidement. Lorsque le Parti libéral, sur une question qui parle d'un moratoire sur les gaz de schiste, vote de la même façon ou quasiment de la même façon que Québec solidaire, qui s'est abstenu, il faut se poser des sérieuses questions lorsqu'on le reproche à Québec solidaire. Écoutez, nous avons fait front commun sur une question, un principe démocratique, il fallait avoir des consultations avant le principe. Le député de Mercier a lui-même mentionné... Et je ne dis pas que c'est ma position, mais on parle d'un projet de loi qui parle d'un moratoire qui est à géographie variable, qui est en soi une contradiction interne. On parle d'éliminer les indemnisations pour des personnes et des industriels qui ont investi à un moment donné où ils faisaient légalement… et on annule des permis sans compensation. Je trouve que c'est une question démocratique importante. Et on exclut le pétrole, qui subit le même type de procédé de fracturation, et tout le monde vous dirait que le pétrole et le gaz, la plupart du temps, se trouvent ensemble lorsqu'on n'adresse pas le procédé, mais on adresse la substance comme telle, l'hydrocarbure, il y a une contradiction interne.

Vous savez très bien, le Parti libéral ne s'est jamais prononcé pour un moratoire de bord en bord, on a toujours privilégié la science. Et j'ai beaucoup aimé le ministre qui nous a parlé de science, il dit : La connaissance dénonce le purement idéologique. Alors, ce que le ministre essaie de faire, c'est de passer rapidement un projet de loi avant d'avoir l'étude environnementale stratégique qui sort dans deux semaines. Moi aussi, M. le ministre, nous aussi, nous privilégions la science, et c'est pour cette raison, là, qu'on aimerait savoir les résultats de l'étude environnementale stratégique. On aimerait aussi savoir, au nom de la transparence, M. le ministre, on aimerait savoir ce qu'il y a dans le rapport conjoint qui a été préparé avec le gouvernement albertain sur Enbridge. Je pense que ça pourrait rassurer notre collègue de Mercier. Parce que j'avoue, malgré le fait que je ne partage pas beaucoup les positions de fond de mon collègue de Mercier, un ajout de transparence, un petit peu plus de transparence au niveau du gouvernement pourrait peut-être rassurer le collègue de Mercier ou pourrait, au contraire, lui donner d'autres éléments, d'autres prises pour questionner le gouvernement. Ce qu'on vous demande, M. le ministre, c'est une certaine transparence qui pourrait aider à ramener les gens ensemble.

Autre chose, lorsqu'on parle d'une cible de 25 %, c'est une chose, avoir une cible, M. le ministre — et, en ça, je me fais écho des propos, moi, j'ai entendu des sorties de la députée de Gouin à ce sujet-là — c'est une chose, avoir un chiffre, c'est une autre chose, avoir un plan d'action qui met en pratique ce qu'on dit. 20 %, c'est trop bas. 25 %, c'est mieux. Mais comment allez-vous vous rendre? Pas un plan d'action, on n'a rien vu encore. Et je rejoins mon collègue, il faut… On parle de la politique d'électrification de transports, vous savez c'est quoi? Je vais vous le résumer, c'est des annonces recyclées du Parti libéral. Vous allez vous souvenir de Jean Charest faisant des annonces sur les autobus électriques et les voitures électriques. Mais la question que tout le monde se pose, c'est : Comment qu'on va mettre en place un plan d'électrification des transports, alors qu'on coupe 50 % des sommes destinées au transport collectif? On coupe 50 % des sommes qui étaient réservées au transport collectif et on parle d'une électrification des transports. On coupe 15 milliards dans les budgets d'infrastructures qui servent au transport collectif. Alors, lorsqu'on parle de projets, on parle de notre corridor Québec-Vermont, vous savez aussi bien que moi que c'est une piste cyclable avec bornes, c'est ce que c'est. Il manque d'argent. C'est bien, avoir des voeux pieux, mais ce qui est plus important, c'est de passer à l'action, mettre de l'argent où ça compte pour pouvoir avoir des résultats concrets.

Alors, j'essaie de faire le résumé. Le 37, c'étaient des principes démocratiques. Le 25 % du ministre, c'est irréaliste, à moins qu'il y ait un plan concret qui vient avec. Je vais vous dire, électrification des transports, c'est de la poudre aux yeux, à moins qu'il y ait de l'argent qui l'accompagne. Et, en même temps, on veut de la transparence, M. le ministre, et on reproche beaucoup au gouvernement…

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci beaucoup…

M. Sklavounos : …de ne pas avoir participé…

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député. M. le ministre, c'est à votre tour.

M. Blanchet : Merci de nouveau, Mme la Présidente. Vous savez, aller de l'avant avec les projets d'acquisition de connaissances sur ce que sont ou ne sont pas les ressources en hydrocarbures sur le territoire québécois, sur le principe d'aller chercher l'information, je pense que le Parti libéral est plutôt d'accord avec le gouvernement. Ce n'est pas clair du côté de Québec solidaire, mais je n'entends pas une objection à ce qu'on le sache. L'enjeu, c'est beaucoup, encore une fois, au-delà de la politique et d'une présentation dans un cadre partisan… l'enjeu, c'est de savoir à quel rythme. Bon, outre le fait que le collègue de Laurier-Dorion se découvre une proximité idéologique avec Québec solidaire — je leur souhaite que ce soit réciproque — j'entends de Québec solidaire que peut-être on irait trop vite dans leur perception des choses, bien que personne ne sache à quelle vitesse on va aller, puisqu'on n'est pas rendus à fixer la vitesse, on est rendus à définir les conditions dans lesquelles même pas on va exploiter, exemple, sur l'île d'Anticosti, on est en train de définir les conditions dans lesquelles on va explorer, on est en train de définir les conditions dans lesquelles on va permettre que quelqu'un y aille. Et, je l'ai dit et je le répète, le ministère de l'Environnement, on va être dans leurs bottes, on va les suivre partout parce qu'on veut la donnée scientifique.

De l'autre côté, il y a le risque d'aller trop vite, d'aller trop vite et d'être, ce faisant, imprudent. Et je me permettrai — et je sais que ça pourrait ne pas plaire — de mentionner quelques cas d'imprudence, quelques cas d'imprudence qui sont, ma foi, clairs. Il y avait une imprudence en termes environnementaux dans la volonté dite, mais pas réelle — on le sait maintenant — de maintenir Gentilly en opération. Il y avait une imprudence en termes environnementaux dans la volonté du gouvernement précédent de financer la suite d'activités d'extraction d'amiante. Il y avait une imprudence du précédent gouvernement, qui a, par exemple, hérité d'un site à Pointe-Claire où il n'y avait aucun BPC en 2003, où, quand ils sont arrivés, on avait fait le ménage, on avait fait le ménage là, et il a fallu refaire le ménage maintenant quand on est revenus aux affaires. Pourquoi? Parce que, pendant ces neuf années-là, à défaut de suivi, il y a eu de nouveau de l'entreposage illégal. Alors, on a renettoyé l'affaire, et de telle sorte que, là, il n'y a pas moyen que ça revienne.

Il y a des questionnements lorsque la seule intervention du député du comté de Jean-Lesage sur les enjeux du Port de Québec, c'est de prendre fait et cause pour les entreprises, alors qu'on ne l'a jamais entendu s'exprimer pour la protection de l'environnement puis des citoyens du quartier Limoilou. Il y a des imprudences, et nous, on n'ira pas dans les imprudences, justement. Ce sont des illustrations du fait que nous, on va agir dans une perspective environnementale avec un modèle réel de développement durable.

• (10 h 50) •

Le commentaire du collègue sur la loi n° 37, le projet de loi n° 37, écoutez, il y a six cas en quelques mois où nous avons procédé à l'adoption de principe avant d'aller en consultation. Alors, je ne viens pas de créer un précédent, moi, là. Par contre, le précédent sur lequel moi, je m'appuie, c'est celui où on fait venir des gens, on les consulte, ça coûte du temps, ça coûte de l'argent, puis, après ça, on dit : Finalement, on n'adopte pas le principe. Mais là on a gaspillé le temps des gens. Moi, je dis : Écoutez, à résultat égal, on peut-u au moins adopter le principe, savoir que tout le monde a un intérêt pour en parler, puis, après ça, on va aller de l'avant? Ça, pour moi, c'est la bonne façon de procéder.

Je réitère qu'il y a une grande variation géologique, géographique, démographique entre les différentes régions du Québec et qu'on ne sert pas les Québécois en appliquant simplement une politique mur à mur. Par contre, quand le collègue dit : Écoutez, partout où il y a du pétrole, il y a du gaz, et vice-versa, là, là, je pense qu'à moins qu'il sache des choses que je ne sais pas il n'y a pas de pétrole dans la vallée du Saint-Laurent puis il y a du gaz dans la vallée du Saint-Laurent. Donc, son affirmation est d'emblée inexacte.

Lorsqu'on parle du Plan d'action sur les changements climatiques et lorsqu'on parle de la réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec, je me permets de rappeler aux collègues que c'est dans la foulée de politiques qui ont, effectivement, été développées par les experts du ministère de l'Environnement, notamment au moment où eux étaient au gouvernement, et c'est avec énormément de respect pour ces gens-là que moi, j'ai retenu beaucoup de ces éléments-là et qu'on continue à avancer. Bien, on augmente les objectifs, on est plus ambitieux parce que ce n'est pas sur la quantité brute de ses réductions que le Québec va avoir un effet à l'échelle mondiale parce que le Québec est une toute petite fraction, toute, toute petite fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre, c'est en étant un exemple, c'est en étant un leader, d'où l'objectif de 25 %, et la politique d'électrification des transports, et la réaffectation du résiduel du PACC un…

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci…

M. Blanchet : …qui font qu'on est déjà en train d'exécuter ce plan.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. le ministre. Vous pourrez revenir. M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, je tiens à saluer l'ensemble de mes collègues, M. le député de Mercier, député de Laurier-Dorion. Je salue monsieur…

Une voix : …Nicolet-Yamaska.

M. Roy : Nicolet-Yamaska, excusez-moi. Donc, je salue le ministre, et les gens en haut, et mon collègue ici, député de Repentigny.

Écoutez, bon, moi, je viens de la Gaspésie, vous le savez. Et on a parlé de la Gaspésie tout à l'heure, puis j'aimerais juste remettre, je dirais, dans le panorama que les enjeux sont différents selon les régions. Et vous savez, M. le député, qu'un des premiers déterminants dans la santé d'une population, c'est son environnement socioéconomique. Vous avez passé en Gaspésie, vous avez fait une marche, je pense, de quelques kilomètres en Gaspésie, je ne sais pas de combien de dizaines, et je suis sûr que vous avez remarqué votre environnement.

M. Blanchet :

M. Roy : 60? Donc, vous avez vu votre environnement et vous avez vu, je dirais, la plateforme industrielle, qui est pratiquement inexistante chez nous. Et, quand je dis ça, là, ce n'est pas que je suis pro-pétrole, là, puis qu'il faut y aller… Non, ce n'est pas ça que je dis, je tiens à placer les choses d'une manière, je dirais, géographique. Donc, la Gaspésie a besoin de développement économique. Ça, on s'entend là-dessus. Puis le premier déterminant, c'est l'environnement socioéconomique, la santé d'une population. L'espérance de vie est directement reliée en l'espérance en la vie. Et les gens qui n'ont pas de fenêtre d'opportunité de travail ou de capacité de s'intégrer dans une vie active, bon, meurent plus jeunes, requièrent plus d'arsenal thérapeutique, sont plus malheureux, plus de signalements à la DPJ, etc.

Ceci étant dit, s'il y a du pétrole en Gaspésie, moi, j'ai vraiment confiance au génie québécois aussi. O.K.? Nous sommes les premiers à avoir inventé la ligne à 700 000 watts. Les Américains, les Russes disaient : Vous ne serez pas capables, et nous l'avons fait. Nous avons été des dompteurs d'eau, si vous me permettez l'expression. Donc, on a été capables de le faire. Donc, je n'ai pas besoin de répéter l'ensemble du discours que mes collègues ont dit par rapport à notre volonté d'électrification des transports, une volonté de verdir notre économie, etc. Ça, c'est une chose. Si on possède un potentiel, je dirais, gazier ou pétrolier qui est important, pourquoi ne pas devenir parmi les meilleurs au monde en termes d'exploration et d'exploitation? C'est un défi qu'on peut se donner. Je crois qu'étant donné que nous avons été capables de le faire au niveau de l'hydroélectricité, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire au niveau du pétrole? Donc, c'est une réflexion que nous aurons et qui est déjà en branle.

Autre élément, si on parle de valeurs, M. le député de Mercier, on parle de système de valeurs, on parle d'éléments qui sont opérationnalisables et matérialisables dans la vie des êtres humains. Une valeur a la capacité d'atterrir sur terre. Même si, demain matin, on dirait : Bon, plus de pétrole, etc., vous savez très bien que c'est impossible. Donc, ça prend un minimum d'honnêteté intellectuelle dans chaque réflexion que nous avons, et ce, en fonction des faits, et non en fonction de l'idéologie.

Finalement, il me reste une minute. Bon, il y a un autre élément sur lequel j'aimerais vous interpeller. Et là c'est une réflexion un peu plus philosophique, mais, quand on attaque la crédibilité des vieux partis, quel message on envoie dans la population? Nous sommes les législateurs et nous venons… Ce discours-là a pour fonction d'éroder la capacité normative de nos législations. Je m'explique. Si on attaque la crédibilité d'une manière systématique, comme on le fait des politiciens, si notre travail, c'est de faire des lois, les lois que nous faisons, est-ce qu'elles sont valides? Est-ce qu'elles vont être suivies avec plus d'efficacité? Et là on a un travail collectif à faire à ce niveau-là. Il va falloir que nous soyons en mesure que, si on veut que nos environnements normatifs, entre autres, celui qui va être soumis à l'industrie pétrolière si elle… Bon, elle est déjà là, mais celui… cet environnement économique là… Il faut redorer notre blason. Il ne faut pas dire que tous les vieux partis ont des vieux modèles, c'est toujours la même histoire. Je pense qu'il y a une modernisation du discours et du langage à avoir à ce niveau-là si nous voulons exploiter efficacement nos filières économiques avec un environnement normatif qui va être respecté. Si nous ne dégageons pas une autorité, c'est-à-dire un consensus dans le rapport de celui qui donne l'ordre et celui qui soumet, nous allons être obligés de prendre de plus en plus de coercition, des inspecteurs sur le terrain, des polices, etc., mettez-en. Donc là, on va avoir des problématiques. Voilà.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député. Nous revenons au député de Mercier. Vous avez la parole.

M. Khadir : Bien, je profite de l'intervention du député de Bonaventure pour dire que, si c'est la crédibilité du législateur qui l'intéresse, le meilleur moyen de le faire, quelles que soient les critiques formulées par l'opposition, c'est de faire ce qu'on a promis qu'on allait faire. Donc, je demande à M. le ministre et à votre gouvernement : Le BAPE générique sur la filière pétrolière, quand est-ce que ça va être déclenché? Pourquoi est-ce que la première ministre s'en va en Alberta, alors que vous avez dit… Là, vous vous parlez depuis tout à l'heure, là… On peut ne pas être d'accord sur l'exploitation du pétrole en Gaspésie ou le gisement d'Old Harry, mettons cette discussion de côté. Mettons que je vous donne le bénéfice du doute que ça pourrait peut-être éventuellement être bénéfique pour le Québec. D'accord? Mais alors comment vous expliquez le renversement du flux dans les pipelines puis la construction de pipelines pour faire transiter par le Québec le pétrole sale de l'Alberta? Il est où dans cette équation-là? Et pourquoi faire toutes ces choses-là avant d'organiser le BAPE générique que vous avez promis? Pourquoi ne pas suivre les engagements que vous avez pris? Comment vous allez réduire de 30 % les gaz à effet de serre, de 25 %... bon, l'inverse, 25 % de gaz à effet de serre, 30 % de consommation pétrolière d'ici 2020? Comment on peut le faire en n'engageant pas réellement de véritables mesures pour réduire notre dépendance, non pas de changer le fournisseur de notre dépendance?

Souvent, j'utilise l'analogie suivante. Quand quelque chose est toxique pour notre économie, notre société… Et le pétrole, de l'avis de tout le monde, ça l'est. Pour notre environnement, pour nos économies, c'est toxique. Une substance toxique dont on veut se départir, ce n'est pas en changeant de pusher, c'est en réduisant notre consommation. Je veux bien que ça soit une solution intérimaire de dire… de se rabattre… Certains pourraient se rabattre : Ah! bien, le pusher est local, c'est dans ma propre famille, mais ça ne résout pas le problème de dépendance.

Je reviens à la question qui est la plus, je dirais, la plus problématique même au niveau de la prétention que le gouvernement a actuellement, là, que nous sommes engagés dans la bonne voie, que, dans le fond, l'histoire de permettre l'exploration pétrolière sur notre territoire, c'est pour qu'on soit moins dépendants de l'étranger. D'accord, mais expliquez-moi pourquoi est-ce que vous ne faites rien pour empêcher que le pétrole sale de l'Alberta transite par notre territoire?

• (11 heures) •

Il y a des citoyens actuellement dans le Bas-Saint-Laurent, Côte-Sud, Matapédia, tout ça, 1 300 au moins sont organisés alentour d'un mouvement qui s'appelle Stop Oléoduc, qui attendent que le gouvernement fasse quelque chose. Et ça pourrait commencer par un BAPE générique pour considérer l'ensemble de la filière pétrolière, et là on pourra savoir, avec la participation d'experts, la mobilisation des citoyens qui vont venir nous expliquer comment est-ce qu'ils voient, entrevoient le développement de leur région, par exemple en Gaspésie. Moi, je suis allé en Gaspésie, je n'ai pas entendu personne, personne là-bas, s'exciter à propos du développement pétrolier. Par contre, j'ai vu beaucoup d'agriculteurs, beaucoup d'agriculteurs ou de gens, alentour des questions d'exploitation de leur territoire, me parler d'agriculture de proximité, de soutien, par exemple, à l'acériculture, de soutien à l'agroforesterie qui est absent.

J'ai vu beaucoup de gens me parler de la nécessité de désenclaver la Gaspésie par des transports rapides, efficaces avec des grands centres, transports électriques, et c'est là l'intérêt du Québec. C'est une analyse faite par votre gouvernement en 1995, ça s'appelle le rapport Pour un Québec efficace, qui était un consensus de l'époque. Et, dans ce rapport-là, jamais on n'a parlé de développer la filière pétrolière au Québec, on parlait d'investir dans l'efficacité énergétique. Des millions de mégawatts qu'on peut aller chercher en mieux isolant nos établissements publics, nos maisons. Et ça, c'est des emplois pour des milliers de contracteurs à travers tout le Québec, pas juste des contrats pour les Tony Accurso ou pour les Catania de ce monde. Et ça crée des emplois, les transports électriques, je vous en ai parlé. Les transports collectifs, y compris les transports… Comment est-ce qu'on peut prétendre vouloir électrifier les transports puis d'apprendre — M. le ministre devrait le savoir — il y a quelques jours, qu'Hydro-Québec va augmenter le tarif d'électricité de la STM? Vous dites que vous voulez électrifier le transport, et le seul transport électrique majeur qu'on a au Québec, qui est le métro de Montréal…

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député.

M. Khadir : …va voir ses tarifs augmenter. Est-ce que c'est cohérent?

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. La parole va au ministre maintenant. Vous avez la parole.

M. Blanchet : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, il y a beaucoup de matériel dont le ton se rapproche de ce à quoi on est habitués, je vais essayer de faire le tour aussi rapidement que possible. Nous faisons mieux que notre engagement en matière de BAPE sur le pétrole. Parce que, comme je le disais tout à l'heure, le Québec est un territoire trois fois grand comme la France, c'est très grand. La réalité géographique, la réalité géologique, la réalité dans le type, et la nature, et la localisation des hydrocarbures même, pour être précis, la réalité économique et démographique de chacune des régions du Québec est très différente, nommément celles où il y a potentiellement des ressources en hydrocarbures. Et, pour cette raison-là, nous avons une approche propre à chacune, qui n'est pas moins prudente et qui est plus précise. Je pense qu'il est tout à fait convaincant de voir, d'observer ce qu'on fait dans la vallée du Saint-Laurent. Nous, on est à la position BAPE moratoire dans la vallée du Saint-Laurent, où il y a présence d'hydrocarbures. Donc, c'est assez difficile pour le représentant de Québec solidaire de dire que, là, on n'en fait pas assez. On en fait plus que lui, puisque nous on veut y aller puis que lui s'est abstenu d'aller vers l'avant. Donc, on doit être pas si mal.

Dans le cas d'Anticosti, on a déjà dit clairement qu'à partir des données scientifiques… Parce qu'on ne peut pas dire à un BAPE : Pouvez-vous… Et ça s'est fait une fois. Dans le cas du gaz de schiste, le gouvernement précédent, peut-être de bonne foi, a dit au BAPE : Pouvez-vous faire une consultation publique sur le gaz de schiste? Le BAPE est revenu en disant : Écoutez, nous n'avons pas de données scientifiques, on ne peut pas le faire. Pouvez-nous nous donner des données scientifiques? Alors, il y a eu une commande d'étude, d'évaluation environnementale stratégique. Et, d'ailleurs, je me permets de préciser à mon collègue de Laurier-Dorion que 43 des 78 études sont déjà sur le site Internet, et celles qui n'y sont pas, c'est parce qu'elles ne sont pas remises même au gouvernement parce qu'elles sont sur le site Internet au fur et à mesure. Donc, sur ce point-là, là, pas de théorie du complot possible. Donc, on est allés dans cette direction-là, on a dit au BAPE : Voici les données scientifiques, allez de l'avant. Donc, on ne peut pas aller à Anticosti puis dire au BAPE : Allez faire un BAPE sur le pétrole à Anticosti, ils vont nous dire la même chose, je suppose, en tout cas, par cohérence. On risque de se faire dire : Écoutez, on n'a pas de données scientifiques. Alors, nous, on dit : On va participer à la cueillette des données scientifiques. Et, avant d'aller de l'avant — passez-moi l'expression — avec l'exploitation, nous allons, effectivement, clairement — engagement très clair de la première ministre — avoir un BAPE. C'est une démarche qui est beaucoup plus cohérente.

Dans le cas d'Old Harry, que ça nous plaise ou pas, il y a des enjeux territoriaux, des enjeux territoriaux où notre poignée est d'autant moindre que nous sommes une province, une province qui a été gérée pendant neuf ans avec une forme de fédéralisme qui n'était pas la collaboration entre deux paliers de gouvernement, mais une forme de soumission d'un palier à l'autre, ce qui nous met dans une très difficile position pour aller négocier dans le contexte d'Old Harry. Alors, il faudra voir comment la juridiction s'applique. Dans le cas de la Gaspésie, il y a deux cas d'espèce qui sont tellement différents l'un de l'autre qu'un BAPE qui couvrirait les deux serait une espèce de créature à deux têtes. Donc, ce cas par cas régional là est une approche qui nous permet d'aller plus loin et de mieux faire les choses. Et accuser que c'est de ne pas respecter un engagement électoral, c'est de mauvaise foi, nous allons au-delà de ce qu'était notre engagement électoral sur cet enjeu-là.

Alors, on pourrait parler très longtemps sur le cas d'Enbridge. On ne pourra pas le faire beaucoup parce que le temps va nous manquer, mais j'ai hâte qu'on le fasse autant que les collègues. Et je partage l'impatience des collègues quant à la discussion sur le rapport Alberta-Québec. Vous comprendrez que le document qu'on va déposer très bientôt va être un document précis, complet, ouvert, qui ne présume pas des conclusions et qui est fait pour avoir un véritable débat sain. Et ça, c'est ce que l'ONA, à laquelle nous n'avons pas voulu participer… c'est ce que l'ONA refusait, c'est ce que l'ONA ne permettait pas de faire en ne permettant pas aux citoyens ou aux groupes qui voulaient s'y exprimer d'y aller, en faisant un tri à la porte dans un cadre extrêmement restrictif. On a dit : On va faire nos propres consultations publiques sur la base d'un document qui sera complet, étoffé, québécois. On est capables de se faire notre propre tête, et, politiquement, je suis convaincu que nous allons demeurer incontournables.

Enfin, tout d'abord, je veux mentionner qu'en termes d'efficacité énergétique, comme mon collègue en parlait, sur la base, d'ailleurs, des budgets générés par le Fonds vert et dans le cadre du plan d'action sur les changements climatiques, ma collègue de Vachon, la ministre des Ressources naturelles, a annoncé des mesures extrêmement importantes en termes d'efficacité énergétique. Et aussi je veux clore ce bloc en disant ceci : Ça fait juste un an, juste un an qu'on est là, et regardez ce qu'on a déjà de fait.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le ministre. Je reconnais un membre du gouvernement, M. le député de Repentigny.

• (11 h 10) •

M. McKay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Le député de Mercier fait appel à une analogie avec des drogues dures, et, effectivement, je pense qu'on peut dire… Enfin, je pense, ça fait… ça semble faire sourire le député de Laurier-Dorion. Peut-être que ça lui fait penser un peu à la situation un peu dramatique que les citoyens de Toronto vivent actuellement, mais notre société, elle est junkie du pétrole. Et, effectivement, ça va prendre des mesures très sérieuses, et c'est un changement profond, dans le fond, qui est requis dans notre société pour se libérer, dans les faits, du pétrole.

Et moi, je pense que, comme toute dépendance, au départ ça va avoir l'air très difficile — ça a l'air très difficile actuellement — mais que... Puis pensez à ce qu'on a réussi à faire avec... Moi, j'utiliserais l'analogie de la cigarette — ça, c'en est une, drogue dure — on a réussi quand même à... Qui aurait pensé, quand on avait une vingtaine d'années, puis que les professeurs fumaient dans les salles de cours, et les étudiants eux-mêmes, qu'on arriverait, dans une période quand même assez rapide, à éliminer la cigarette de tous les lieux publics, et notamment les restaurants, puis même les bars? Alors, on a fait des progrès. Alors, on devrait peut-être regarder qu'est-ce qui fait en sorte qu'on a pu réussir dans ce domaine-là ou dans d'autres domaines qui ont bien fonctionné. Et moi, je pense qu'un des éléments de la recette du succès, c'est d'avoir un engagement social fort. Donc, au départ, c'est le débat dans la société qu'on doit alimenter.

Et le ministre a fait état que, bientôt, il va annoncer, justement, une consultation publique sur le renversement de la ligne 9, là, le projet d'Enbridge sur la base d'un document qui sera étoffé. Il a parlé aussi, dans le cas des gaz de schiste, d'évaluation environnementale stratégique qui va arriver avec... Bon, on parle de 78 études. Elles sont, au fur et à mesure, mises sur le site Internet de façon à ce qu'elles puissent être accessibles au public, et, par la suite, ce document-là va être remis au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour qu'on puisse reprendre la discussion publique. Parce qu'on s'est aperçu, avec le premier BAPE, qui était improvisé, du gouvernement libéral, on s'est aperçu qu'on n'avait pas les données suffisantes, c'était la principale conclusion du rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Et, dans le cas de l'Office national de l'énergie, l'ONE, du gouvernement fédéral, bien, on a vu que ce n'était pas un cadre adéquat pour, dans le fond, discuter de façon appropriée de ces grands enjeux. Donc, la consultation publique que le ministre va annoncer bientôt, elle sera sur la base de données factuelles et elle sera dans un cadre aussi qui va permettre d'avoir un véritable débat public.

Une chose aussi qu'il faut réaliser… Parce que j'ai entendu le député de Mercier parler d'efficacité énergétique, puis l'efficacité énergétique, c'est le fondement de la politique énergétique que le gouvernement du Parti québécois avait émise, le rapport qu'il a cité, Pour un Québec efficace. Et c'est toujours dans les orientations fondamentales de notre politique énergétique, la discussion sur les enjeux énergétiques, mais il faut, si on veut faire... Et l'autre élément du succès aussi, c'est d'arrêter de se faire des accroires. C'est un virage fondamental, et ça va prendre beaucoup d'électricité pour remplacer tout le pétrole qu'on consomme. Et ça va prendre de l'efficacité énergétique, mais moi, j'en ai cherché, puis j'en cite... Bon, je vais faire référence à mon livre, là, vous regarderez à la page 58, Du discours à l'action  Se libérer du pétrole, j'en ai cherché, des études qui font de la modélisation et qui nous permettent de voir comment on peut se libérer du pétrole...

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci... .

M. McKay : ...et ça requiert des quantités phénoménales d'électricité, et ça va être très difficile.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député. Je reconnais maintenant un membre du deuxième groupe d'opposition, le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bien, à mon tour de saluer mes collègues députés, saluer le ministre et les groupes qui sont ici présents. Mais surtout remercier le député de Mercier de nous avoir convoqués ce matin à un dossier extrêmement important qui concerne le pétrole. On peut reprocher un paquet de choses au pétrole, mais il y a deux éléments qu'on ne peut pas nier. La première, c'est qu'on est à une époque où on ne peut pas encore se passer de cette ressource-là. Et la deuxième, c'est que, d'un point de vue économique, c'est extrêmement important quand on pense à tout l'argent qui part du Québec puis qui s'en va à l'extérieur pour se procurer cette ressource-là.

Moi, je pense que... Évidemment, au niveau de notre parti politique, on s'est positionnés clairement favorables à l'exploitation du potentiel pétrolier au Québec, et moi, je voudrais me servir un peu... Parce que je pense qu'on est conviés à un beau défi, et on devrait se servir un peu du dossier des gaz de schiste pour ne pas répéter les mêmes erreurs qui se sont faites si on veut réaliser notre objectif d'exploiter le pétrole. Pourquoi le gaz de schiste, ça a échoué? Bien, essentiellement, il y a eu une non-acceptation sociale, les gens ne voulaient pas qu'on exploite cette ressource-là. Et pourquoi? Bien, moi, je pense… Puis j'étais là vraiment, au début, dans un autre métier, mais on aurait dû, à mon avis, donner, parce que c'était une nouvelle exploitation, c'était une nouvelle activité, on aurait dû donner au milieu des ressources pour développer un peu une expertise pour pouvoir discuter de façon beaucoup plus égal à égal avec les gouvernements et avec les industries pétrolières. Ça a échoué aussi parce que les industries sont arrivées ici, et elles n'étaient pas pourvues des meilleures pratiques, des hauts standards environnementaux pour faire l'exploitation des gaz de schiste. Ça a échoué aussi parce qu'à l'époque — et je me rappelle très bien — on avait une ministre qui croyait seule réaliser ce fort potentiel là. Bref, ça a échoué parce que, à mon avis, le gouvernement n'avait pas de politique préétablie par rapport à ça, et j'incite le gouvernement actuel, par rapport au pétrole, à se doter d'une politique de pétrole.

Tantôt, notre collègue de Repentigny faisait la promotion de son livre. Moi, je pourrais dire au gouvernement de s'inspirer très sérieusement du livre de notre chef de parti Cap sur un Québec gagnant — Le projet Saint-Laurent. À partir de la page 269, on traite de cette question-là. Et, à notre avis, un bon plan de développement du pétrole devrait avoir un certain nombre de critères. Premièrement, il faut se positionner clairement comme quoi qu'on est favorables à l'exploitation du pétrole. Deuxième chose, c'est qu'il faut immédiatement établir les hauts standards environnementaux qu'on souhaite voir se pratiquer, l'exploitation… Troisième chose, c'est qu'on devrait, dans un souci d'équité intergénérationnelle, s'assurer que la totalité des revenus tirés de l'exploitation du pétrole soit appliquée au remboursement de la dette, et on devrait aussi favoriser l'achat par le gouvernement du Québec… une participation financière jusqu'à 49 % des compagnies québécoises juniors.

Bref, si on veut réussir, il faut avoir un plan, et moi, honnêtement, je trouve ça très curieux que, toutes les fois qu'il est question de l'exploitation du pétrole, on ait affaire au ministre de l'Environnement. Je ne veux pas diminuer le rôle du ministre de l'Environnement, mais je pense que c'est un dossier qui relève beaucoup plus de la ministre des Ressources naturelles. Imaginez, dans les années 60, quand on a nationalisé Hydro-Québec, si le ministre des Ressources naturelles n'avait pas joué un rôle de premier plan… Ce ministre-là était René Lévesque, tout le monde se rappelle, qui a fait un succès de la nationalisation. Donc, moi, j'invite le gouvernement, particulièrement la ministre des Ressources naturelles, à se positionner en vue de faire un dossier gagnant. Et je voudrais juste, par rapport à l'espèce… mais je pense que je n'aurai pas le temps…

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : En terminant.

M. Martel : Je n'aurai pas le temps de l'aborder, mais une autre fois.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député. M. le ministre, vous avez la parole.

• (11 h 20) •

M. Blanchet : Mme la Présidente, merci de nouveau. Je prends acte du fait que… Bon, je ne veux pas être de mauvaise foi, je ne peux pas dire… Je ne sais pas si la position de la coalition est la position du député parce que, sur le dossier des gaz de schiste — puis c'est correct, là, on prendra le temps de le clarifier — la position de certains des députés concernés qui a été publiée dans les médias n'est pas encore harmonisée. Mais j'imagine que, lorsqu'on arrivera plus loin dans le processus parlementaire, on le saura. Parce que, exemple, le député de Drummond—Bois-Francs a dit clairement ce matin qu'il était favorable au moratoire, le député de Nicolet-Bécancour est nuancé, mais pas contre. Le député de Granby, lui, il ne veut rien savoir de ça, donc… Et le chef de la Coalition avenir Québec, même si le programme de la Coalition avenir Québec est favorable à un moratoire, a changé d'idée selon les entrevues qu'il a données. Donc, on ne sait pas exactement c'est quoi, la position. Mais c'est à ça que servirait une consultation, ça sert à réfléchir ensemble. Et, au terme de ça, on peut supposer que la coalition aurait une position harmonisée puis qui pourrait être celle du consensus québécois parce que, en particulier, d'ailleurs, dans Nicolet-Bécancour, le consensus est pour le moratoire, les Québécois veulent ce moratoire.

Une fois qu'on est favorable à l'idée d'exploiter les ressources en hydrocarbures, ce qui est la position de la coalition — puis je salue la clarté, c'est leur position — là où il faut qu'on s'entende, c'est sur le rythme, c'est sur la vitesse à laquelle on y va et sur le niveau de prudence qu'on y met. Moi, je suis, par fonction, par nature, comme ancien militant environnemental moi-même plutôt du côté prudent. Écoutez, on va se mettre des paramètres, on va se mettre des barèmes avant d'aller de l'avant. Par contre, je ne peux pas ne pas souligner l'analyse du député de Nicolet-Bécancour, qui nous dit : La raison pour laquelle l'exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent a échoué, c'est à défaut d'acceptabilité sociale, parce que ça n'a pas été bien fait.

Moi, je soumets… mais je ne présume pas du résultat du BAPE puis du résultat des consultations publiques, mais je soumets aux gens qui sont ici et à la population que peut-être, peut-être, que ce ne sera jamais accepté, peut-être qu'il n'y avait aucune façon qu'une vallée agricole densément peuplée veuille accueillir potentiellement des dizaines de milliers de forages. Peut-être que les gens vont toujours dire non. Mais il faut au moins leur donner l'occasion de le dire et, dans l'intervalle, leur donner l'assurance que, comme ça s'est fait au début, de façon très rustre, quelqu'un rentre sur leur terrain puis leur dise essentiellement : Tasse-toi, j'ai le droit de faire un trou… C'est sûr que ça n'a pas aidé, mais je ne suis pas convaincu que, même si ça avait été fait poliment, les gens, éventuellement, n'auraient pas dit : Écoutez, ça, chez nous, on n'est pas sûrs qu'on en veut. Alors, donnons-leur l'occasion de l'exprimer, donnons l'occasion aux milieux qui y sont favorables de l'exprimer. Ne présumons pas du résultat, mais ne rejetons pas l'hypothèse, surtout dans Nicolet-Bécancour, que peut-être les gens vont continuer à ne pas vouloir ça.

Et je fais le parallèle, écoutez, si on s'en va à Anticosti, la population est de 260 personnes, et, contrairement à l'image qu'on en projette… Et peut-être qu'Anticosti a déjà été un paradis, aujourd'hui Anticosti a de graves problèmes environnementaux d'une tout autre nature. Sur Anticosti, on met des clôtures pour protéger les arbres à cause de la surpopulation de chevreuils. Tu sais, on va se dire la vraie affaire, là, il y a des morceaux de paradis à Anticosti, il y a des rivières à saumons qui sont extrêmement précieuses, mais l'humain a déjà fait des ravages considérables sur une île qui est grande comme la moitié de la région administrative de la Gaspésie et qui a déjà… Donc, c'est un autre contexte. Je ne présume pas des résultats du BAPE sur l'île d'Anticosti, je dis : On va aller voir ce qu'il y a là avant pour que le BAPE ait des informations. Donc, ne présumons jamais du résultat ou de l'opinion de la population.

J'espère avoir le temps de développer — puis peut-être que mes collègues pourront le faire, là — la politique. D'ailleurs, parlant de livres, moi, je n'ai pas de livre à mettre de l'avant, je suis convaincu que je vais prendre beaucoup de plaisir à lire celui de mon collègue, mais j'invite les gens à aller lire le programme du Parti québécois. Vous allez voir c'est quoi, la cohérence de la politique du Parti québécois. L'indépendance énergétique, c'est plus complexe que de dire : Pétrole ou pas pétrole, c'est pourquoi on irait, pourquoi on veut utiliser notre propre pétrole pour s'en assujettir progressivement, investir dans les énergies renouvelables. C'est ça, le programme du Parti québécois. Donc, j'invite les gens, ne serait-ce que sur Internet, on sauvera le papier… mais j'invite les gens à aller en prendre connaissance, c'est une politique cohérente. Et, tant qu'à avoir des lectures pertinentes qui marient l'environnement et l'économie, je les invite aussi à aller prendre connaissance de la politique Priorité emploi du gouvernement du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Je vais revenir à la Gaspésie. Le député de Mercier a souligné tout à l'heure qu'il a rencontré des gens qui lui faisaient part de certaines priorités. Pour votre information, le transport collectif existe en Gaspésie, il est géré par le REGIM, régie… Je ne me souviens pas… Bon.

Une voix :

M. Roy : Bon, c'est ça, le REGIM — je vous le dirai tout à l'heure — auquel j'ai participé. Donc, j'ai fait l'étude, on a envoyé 10 000 questionnaires, et nous avons permis l'implantation d'un système de transport qui n'était pas parfait au début, mais qui est venu répondre aux besoins. Donc, ça existe déjà en Gaspésie, et c'est une préoccupation des Gaspésiens. Et même on a essayé de l'introduire comme un nouveau déterminant de la santé, c'est-à-dire de l'accès à la mobilité pour le jeune dans le fond d'un rang qui n'est pas capable de sortir pour aller jouer au hockey, etc.

Tout à l'heure, vous avez énuméré des, je dirais, des secteurs d'activité économique, bon, l'acériculture, l'agroforesterie, le tourisme. Certes, ce sont des secteurs importants en Gaspésie, mais des secteurs soumis aux aléas de la nature, qui fait en sorte que tu as besoin de l'assurance-emploi ou de l'aide sociale pour boucler ton année, et ce n'est pas des moteurs de développement économique, ça. Donc, tout ce que… Les Gaspésiens ont une grande sensibilité en leur environnement...

Une voix : Régie…

M. Roy : Régie intermunicipale du transport...

Une voix : …Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine.

M. Roy : C'est ça, Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine. Les Gaspésiens ont une grande sensibilité face à leur environnement. Mais, comme je vous disais tout à l'heure, ils ont besoin aussi de vivre chez eux. Donc, ça prend une filière économique. Bon, on ne peut pas construire notre économie strictement sur des secteurs d'activité saisonniers soumis aux aléas de la nature. Donc, s'il y a du pétrole — et je le réitère — il y a une opportunité là.

Sous un autre angle de réflexion, je vous dirais que la société industrielle — société moderne pour certains auteurs — a provoqué, certes, des désordres au niveau environnemental. Ça, on le reconnaît. Mais ça a aussi amené une amélioration incroyable de l'espérance de vie puis de la qualité de vie des individus — et là je suis dans un concept macrosociologique — ça, là, c'est indéniable. Et là la question, c'est : Est-ce qu'on poursuit dans le modèle du développement de la modernité ou de la société industrielle ou on passe à un autre stade, qui est la société post-industrielle ou post-moderne, tout dépendamment des auteurs? Bien, moi, je crois sincèrement que notre gouvernement a relevé le défi d'une transition historique et d'une volonté de passer de la société industrielle, où on croit que la science et les technologies vont amener une amélioration ininterrompue du sort des humanités, à une société post-industrielle, où l'environnement, la quête du sens, les valeurs sont primordiaux pour les individus. O.K.?

L'environnement, nous le démontrons avec ce que j'appellerais une forme de révolution énergétique… L'électrification des transports, c'est quelque chose de majeur. Ça, il faut en convenir. Nonobstant le fait que nous voulions explorer et exploiter notre filière pétrolière, il n'en demeure pas moins que de vouloir faire ça, c'est révolutionnaire, c'est de passer à un autre stade. Et ça, il faut le reconnaître. Tous les sous qui vont être mis là-dedans, c'est très important, là, je veux dire, ça démontre une volonté fondamentale. Donc, je crois sincèrement que notre gouvernement va marquer l'histoire en permettant aux Québécois d'avoir accès à une nouvelle forme de vivre-ensemble, une nouvelle dynamique économique, sociale et culturelle qui vont être liées à un projet de société, qui est celui... Je reprendrai le titre de... Pour un Québec vert et bleu, de mon collègue député de Repentigny.

Donc, vous comprenez que, pour la Gaspésie, c'est important, la filière pétrolière, mais, en même temps, que tout ça est accompagné d'un intérêt très important pour la protection de l'environnement. Et ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas exploiter une filière pétrolière en corrélation avec le tourisme, l'agriculture, l'agroforesterie, etc. Ce n'est pas contradictoire, sauf qu'il faut comprendre, en fonction des régions, les enjeux sur lesquels nous sommes confrontés. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Merci, M. le député. M. le député de Mercier.

M. Khadir : Je veux bien croire le député de Bonaventure, mais, si le député de Bonaventure ou le gouvernement sont convaincus de la solidité de leur argument pour encourager le développement d'une industrie pétrolière au Québec, bien le gouvernement pourrait organiser le BAPE générique promis sur la filière pétrolière qu'on attend. C'est le moment parce que, là, pendant le temps qu'on attend, les citoyens mobilisés un peu partout alentour de cet enjeu-là n'ont pas l'occasion de venir se manifester, exprimer leur inquiétude. Je pense aux gens qui sont touchés par le projet d'Enbridge, le projet aussi de Québec-Est, Trans-Canada, Enbridge. O.K.? Ils ont des inquiétudes parce que, pendant ce temps-là, ces deux compagnies-là avancent leurs projets, font une propagande qui n'est pas accotée par la capacité des citoyens à se faire entendre. Ils font une propagande, ces compagnies, alors, leur lobby, sur les vertus du pétrole et du développement des sables bitumineux puis comment les sables bitumineux d'Alberta, c'est bon pour le Québec.

Et surtout on aurait l'occasion d'essayer de comprendre pourquoi, pendant le temps que le gouvernement prétend qu'on veut se sortir du pétrole et devenir indépendants du pétrole, en tout cas, de l'extérieur, d'accord, puisque c'est la motivation de développer, mettons, le pétrole de la Gaspésie, pourquoi est-ce que la Caisse de dépôt a investi plus de 4 milliards de dollars dans des projets en Alberta, pourquoi Investissement Québec fait pareil, pourquoi on continue à encourager par nos crédits d'impôt des grands holdings financiers comme Power Corporation, qui s'apprête à investir maintenant 5 milliards de dollars dans un autre projet avec Total, Suncor et Total. Via Total, là, via Total, Power Corporation est derrière un investissement de 5 milliards pour un projet total de 13 milliards dans les sables bitumineux. On pourrait en parler, et essayer de trouver des incohérences, et essayer d'éviter, par l'argent des contribuables, par les crédits d'impôt qu'on donne, par tous ces RÉER qui vont dans ces fonds d'investissement encourager indirectement le pétrole le plus sale et le plus polluant de la planète…

• (11 h 30) •

Ensuite, on pourrait aussi, alentour de ce BAPE générique qu'on attend… J'insiste, il nous faut un BAPE générique sur le pétrole pour permettre aux citoyens de venir exprimer leur inquiétude. L'ingénieur Durand, l'ingénieur Marc Durand, pourrait venir expliquer au ministre… Comme l'a dit le député de Laurier-Dorion, il y a quand même un lien entre pétrole et gaz. C'est sûr que ce n'est pas à chaque fois qu'il y a des gaz de schiste qu'il y a du pétrole, mais c'est sûr qu'à chaque fois qu'il y a du pétrole il y a du gaz aussi. D'accord? Donc, si on exploite le pétrole sur Anticosti, là, Marc Durand, avec les 12 000 à 15 000 puits qu'il faut pour rentabiliser le projet, ça veut dire qu'Anticosti est transformée en une véritable torchère. Il suffit de voir ce qui se passe en Dakota du Nord, là. Si vous voulez aller voir sur Google Earth, la nuit, ce que ça représente en termes de densité de puits, c'est une véritable torchère qui représente, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, 1 million de voitures de plus au Québec, 1 million de voitures. Là, vous allez avoir de la difficulté à rencontrer les objectifs, il y a une incohérence. C'est ce genre d'incohérence qu'on pourrait aborder ensemble. Je ne dis pas que vous l'avez fait exprès, je ne pense pas que le gouvernement se lève pour faire des politiques… sauf qu'il faut, oui, de la rigueur scientifique, il faut la lucidité.

Parlant de lucidité, je trouve que c'est un peu… disons, ça atteint ma fierté de Québécois quand je vois un gouvernement conservateur à Terre-Neuve, madame… J'oublie son nom, là, la première ministre. Ah oui! Kathy Dunderdale, d'accord, du Parti conservateur, a imposé un moratoire sur les gaz de schiste qui est beaucoup plus énergique, beaucoup plus courageux que le moratoire… Et, si nous, nous nous sommes abstenus, c'est parce que nous pensons que le gouvernement ne doit pas lui-même faire harakiri de son propre projet. Contrairement au secteur minier, dans le secteur des gaz de schiste, on n'a pas eu de consultations parlementaires depuis toutes ces années. Ça serait l'occasion pour les groupes de citoyens de venir appuyer la volonté du gouvernement si, vraiment, il y a une telle volonté d'imposer non seulement un moratoire, tel que le gouvernement le veut, et même l'améliorer, de s'assurer qu'on protège notre territoire de l'appétit vorace des compagnies pétrolières et gazières qui veulent aller dans le gaz de schiste.

Donc, j'implore le gouvernement à ne pas lui-même torpiller son projet de loi n° 37, de ne pas donner l'opportunité à l'opposition, irresponsable en ces matières, de tuer le projet avant même qu'on puisse avoir une consultation publique, et donc de permettre cette consultation avant l'adoption du projet de principe. Ce ne sera pas perdu, ce sera une occasion de mobilisation populaire et ça va être en appui avec l'idée de sortir le Québec de l'énergie fossile.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci beaucoup. Merci, M. le député. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Blanchet : Merci, Mme la Présidente. Sommairement, si, pour des raisons qui leur appartiennent, tous les partis présents à l'Assemblée nationale ne s'étaient pas objectés à l'adoption de principe du projet de loi n° 37, on pourrait incessamment commencer des consultations et aller de l'avant. Le résultat réel, objectif, clair, c'est trois choses. Un, c'est bloqué, première affaire. Deux, on constate la proximité, parce que les deux y ont fait référence, entre la position de Québec solidaire puis du Parti libéral sur cet enjeu-là. Et, trois, on constate que la Coalition n'a pas encore développé sa position sur cet enjeu-là.

J'invite tout le monde. On est vendredi, on revient la semaine prochaine. Tout le monde se fait une tête, on revient, on en parle, puis peut-être qu'on est capables de dire : On va aller de l'avant, on va l'adopter, le principe, puis on va aller de l'avant. Tout le monde dit : On va aller de l'avant, mais les seuls qui font pour aller de l'avant, c'est nous autres. Alors, à un moment donné, il faut agir en conséquence des propos qu'on tient.

Très rapidement, je veux revenir sur certains aspects. Bon, peut-être que ça en fait partie, là, mais, sur l'enjeu d'Enbridge, parce qu'on a entendu toutes sortes d'affaires là-dessus, là… Et, justement, la raison pour laquelle il y a un document rigoureux et objectif qui va être déposé, c'est qu'il va falloir faire la discussion, encore une fois, sur la base de données scientifiques, de questions concrètes, et non pas de positions qui apparaissent souvent dogmatiques. On présume de l'origine… D'abord, du pétrole sale de l'Alberta… Moi, de façon générale, je vais vous dire, du pétrole propre, je n'en connais pas. C'est un mal nécessaire parce qu'aujourd'hui on sait l'impact négatif du pétrole sur l'environnement. Maintenant, il présume que c'est du pétrole de telle place, qui vient des sables bitumineux, et ce n'est pas l'information qu'on a, d'autant moins, d'autant moins — et je sais très bien ce que le collègue va répondre tout à l'heure — que les raffineries québécoises ne peuvent pas traiter le pétrole lourd issu des sables bitumineux. Il y a une toute petite fraction de la capacité de traitement des raffineries québécoises qui est capable de prendre cette diète-là — j'appelle ça comme ça — et donc ça demanderait des changements dans les équipements des raffineries, et ces changements-là demanderaient une intervention du gouvernement du Québec.

Donc, le péril en la demeure qu'on veut bien brandir en cette semaine post-Halloween, il est beaucoup moins grave que ce qu'on dit. Ça ne veut pas dire de ne pas être prudent, mais ça veut dire d'être prudent sur la base des véritables dangers. On affirme quelque chose qui n'est pas du tout établi. Le rapport va nous ouvrir des pistes de réflexion puis des modèles d'intervention possibles. L'enjeu, et ça, je trouve ça dommageable qu'on n'en tienne pas compte parce qu'on a dit beaucoup de choses sur Enbridge… Je ne présume pas du résultat de nos discussions, mais, au moins, faisons-le sur la bonne base. Ce n'est pas de créer des emplois. Enbridge ne crée pas vraiment d'emplois — on parle peut-être d'une centaine d'emplois, il faut entretenir le tuyau inversé — Enbridge préserve des emplois. Mais là on va dire que ce n'est pas vrai que ça préserve des emplois, puisque ces endroits-là sont déjà approvisionnés, il y a déjà du pétrole qui vient fournir les raffineries québécoises et toute la nébuleuse industrielle qui va autour. O.K.? À ce moment-là, posons-nous la vraie question : Quel est le mode de transport du pétrole le plus sécuritaire? C'est ça, la question. Est-ce que l'oléoduc est un mode de transport du pétrole plus sécuritaire que le bateau ou le train? C'est ça, la question. Laissons les gens venir nous le dire.

Vous savez, il faut poser les bonnes questions, et, le cas échéant, il faut définir les conditions. Il faut se mettre dans une position, comme État québécois, de dire : Si vous voulez inverser chez nous — vous pourrez prétendre des juridictions fédérales tant que vous voudrez, mais il y a quand même un poids politique, là, et aussi indifférent à nous soit-il, le fédéral ne pourra pas en faire fi — voici ce que sont nos demandes et nos conditions. C'est vers cette démarche-là qu'on s'en va. Moi, je sollicite — et je ne dis pas que ça ne fonctionne pas du tout — une certaine collaboration des entreprises à cet égard-là.

Tout ceci étant dit, là, écoute, il y a plein d'autres éléments que j'aurais voulu… Ce que je ne veux pas qu'on fasse… Quand on parle de travailler sur la base de la science et de la connaissance, d'abord il faut s'assurer que la science et la connaissance se préservent une certaine objectivité. Lorsqu'un scientifique, quel qu'il soit — comment dire? — manifeste une très grande proximité avec un certain parti politique, je pense qu'il renonce à une partie de cette objectivité-là, et je rappellerai que le même scientifique avait parlé de données réglementaires au Dakota du Nord qui se sont avérées complètement fausses. Donc, prenons nos données de science auprès des scientifiques. Il y en a beaucoup qui ne sont associés à aucun parti politique, qui pourront venir s'exprimer. Et, surtout, évitons un piège qui serait le pire des pires, évitons que, pour des raisons politiques, pour des raisons dogmatiques, pour des raisons de gain potentiel ou de caricature d'une position séduisante… évitons une chose, évitons le refus de la connaissance, le refus de la science, le refus d'aller voir et le refus de savoir ce dont on dispose.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Merci, M. le ministre. M. le député de Repentigny.

M. McKay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, le député de Mercier appelait à une consultation sur les enjeux strictement pétroliers, et je pense que ça a été… on y a déjà répondu très clairement qu'il y en a, une consultation publique sur les enjeux énergétiques incluant le pétrole, mais on ne peut pas prendre le pétrole séparément, il faut avoir une vision globale, il faut avoir une vision holistique, il faut avoir une vision qui touche l'ensemble des différents secteurs énergétiques, et je voudrais lui rappeler que la commission sur les enjeux énergétiques du Québec, qui a tenu 47 séances de consultation dans 15 régions du Québec, donc, entre le 4 septembre et le 11 octobre 2013, il y a près de 300 intervenants qui ont été entendus. Là, on parle de 58 citoyens, 65 entreprises, 31 institutions et 145 groupes. 13 séances ont été ajoutées en cours de processus par rapport aux séances initialement prévues, compte tenu du volume, et, au 22 octobre 2013, les commissaires avaient reçu 458 mémoires. Alors, pour soutenir la consultation, il y a un document de consultation, il y a un site Web, il y a un forum de discussion en ligne qui ont été mis à la disposition des groupes et des citoyens, et tout ça va donner lieu à une politique énergétique qui sera déposée l'année prochaine et qui fera aussi l'objet de discussions publiques.

Parce que, si on parle de se libérer du pétrole, comme j'avais introduit tout à l'heure, le fait que des modèles… les gens qui se sont penchés sérieusement pour voir comment on pourrait, effectivement, se libérer du pétrole concrètement, là, avec les données techniques et scientifiques dont on dispose, il y a l'étude de Patrick Déry, du Groupe de recherches écologiques de La Baie, et ça, c'était effectué en collaboration avec le Conseil régional de l'environnement et du développement durable du Saguenay—Lac-Saint-Jean.

• (11 h 40) •

Et cette étude-là a été, d'une certaine façon, la bougie d'allumage de toute une démarche d'information et de consultation sur la réduction de la dépendance au pétrole qui a été menée à travers le Québec, qui s'appelait Les Rendez-vous de l'énergie, alors Les Rendez-vous de l'énergie qui ont été organisés par les conseils régionaux de l'environnement à travers tout le Québec. Et cette étude-là de M. Déry, qui a opposé différents scénarios, mais un scénario… Mettons qu'on… un Québec indépendant du pétrole en 2030, la voie à suivre… Il faut dire qu'il était visionnaire parce qu'il prévoyait déjà la fermeture de Gentilly-2, ce que notre gouvernement a fait. Mais l'efficacité énergétique, c'est nécessaire et c'est nécessairement la base de son scénario. Mais on arrive quand même en 2030 d'avoir augmenté la production d'électricité au Québec de 67 %. Donc, on parle de 165 térawattheures de plus d'ici à 2030. Donc, on nous parle — et ça, c'est les conseils régionaux de l'environnement, là — de plus de barrages, plus d'éoliennes, plus de biomasse, plus de géothermie, de la microproduction, donc, solaire, des minicentrales hydroélectriques. Et les mégawatts, donc, qui doivent primer sur les mégawatts, sont inclus là-dedans, mais sont loin de suffire pour remplacer tous nos besoins en hydrocarbures.

Et l'autre aspect qu'il est important de réaliser quand on veut le faire vraiment, là, puis qu'on se penche sur la réalité des choses, sur les faits, eh bien, c'est que ça nous prend de la cohérence en matière de planification énergétique. Je pense que ça requiert un exercice global. Alors, on peut le faire sur le pétrole, on pourrait le faire sur les éoliennes, on pourrait le faire sur la biomasse, mais ça prend un exercice global. Si, comme société, on veut vraiment mettre fin à notre dépendance, si on veut ne pas être toujours en train de chercher des nouvelles sources d'approvisionnement en pétrole, de se trouver un nouveau pusher, comme le disait le député de Mercier, bien, il faut le faire sérieusement, réduire cette dépendance-là. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on a d'autres exemples de succès, comme ce qu'on a fait avec le tabagisme. On ne l'a pas éliminé complètement, mais on l'a réduit de façon quand même assez dramatique, assez radicale, et c'est ce qu'il faut faire maintenant avec le pétrole.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. le député de Laurier-Dorion, vous avez une minute pour votre dernière intervention.

M. Sklavounos : Une minute? Je ne savais pas qu'il me restait une minute. Mme la Présidente, merci. Alors, je vais faire un dernier pitch pour la transparence en demandant au ministre de dévoiler le rapport conjoint Alberta-Québec qui dort sur son bureau depuis plusieurs mois, de nous confirmer avec un plan d'action concret comment qu'il compte atteindre le 25 % dont il nous parle. Il a bien compris que, pour les études environnementales stratégiques, je lui parlais du rapport qui vient une fois que les études sont faites. On veut attendre… Et, je dois dire, je pense que tout le Québec reproche au ministre de ne pas s'être pointé devant l'Office national de l'énergie alors qu'on discutait du projet Enbridge et alors que Lucien Bouchard, lorsqu'il était au pouvoir, et le flux allait dans le sens inverse, il avait cru nécessaire d'aller devant l'Office national de l'énergie et faire part des préoccupations de la position du Québec. Je ne sais pas si c'est la gouvernance souverainiste qui fait en sorte que le ministre a décidé de boycotter et de pratiquer la politique de la chaise vide, mais, à chaque fois que le Québec n'est pas à la table, c'est les Québécois qui sont perdants. Merci, Mme la Présidente.

Conclusions

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député. Nous en sommes aux dernières interventions. M. le ministre, vous avez 10 minutes pour conclure.

M. Yves-François Blanchet

M. Blanchet : On va essayer de ramasser tout ça. À la demande précise de mon collègue de Laurier-Dorion, d'abord, je veux corriger un fait, il n'y a pas de rapport qui dort sur mon bureau depuis des mois. En fait, le rapport n'a pas encore été rendu public simplement parce qu'il a évolué, changé, a été amélioré sans cesse. Le nombre de personnes qui se sont consacrées à regarder le détail, le nombre de ministres qui ont lu, relu et rerelu ce document, c'est… Moi, je trouve ça remarquable comme exercice, ce à quoi le gouvernement s'est prêté parce que ce qu'on va déposer, ça ne sera pas… Je comprends que ça va être jeté en pâture à une certaine forme de politique partisane, là, mais ça va valoir beaucoup mieux que ça, soyez-en assurés.

Je veux compléter un raisonnement, tout à l'heure, donc, qui va nous amener à la… Puis ça va être très rapide, ça va être très rapide, là, on est pratiquement là, là. Je veux finir sur la partie Enbridge de mon intervention de tout à l'heure, là. L'enjeu, et ça illustre ce que je disais plus tôt… Ce n'est pas vrai qu'imprudemment le gouvernement du Québec pourrait laisser compromettre sur le moyen terme des milliers d'emplois. C'est l'exemple idéal. C'est l'exemple par le moins le fun, c'est l'exemple par quelque chose qui est lié au pétrole, mais c'est quand même des milliers de jobs. Et, tant qu'on ne peut pas faire — puis on ne peut pas en faire tellement que ça en même temps — des mesures économiques de remplacement de ces emplois-là — puis, quoi qu'on en dise, ce n'est pas vrai que, demain matin, on va créer 7 000 jobs dans les énergies renouvelables, là, ce n'est pas vrai, là — tant qu'on n'a pas complété cet exercice de transition, il faut être sensible à ces familles-là et à ces travailleurs-là.

Il y a des manières de le faire. Notre gouvernement en a développé une. Et je dis et je le redirai, parce que je m'y étais engagé personnellement beaucoup, beaucoup, lorsque le gouvernement a déclassé, confirmé le déclassement de la centrale de Gentilly-2, c'était dans la foulée d'une décision qui, somme toute — je suis certain que mon collègue en conviendrait — avait été à peu près prise, fortement recommandée et pas mal prise par le gouvernement, mais qu'il ne l'avait pas annoncée, des mois plus tôt. Il était évident au plan économique et nettement préférable au plan environnemental de déclasser Gentilly, mais on savait que ça venait avec un impact économique. Avec le gouvernement précédent, c'était déclassement non avoué, aucune mesure de transition. Avec nous, à même nos engagements électoraux, c'était déclassement clair, on l'a fait vite, et mesures de transitions, fonds de diversification économique de 200 millions de dollars dont on a tout dit et son contraire, et qui marche, et qui fonctionne. On n'est pas rendus à 10 millions d'engagés sur le fonds de 200 millions, puis il y a déjà à peu près 200 emplois de créés par l'effet de levier du fonds. Je vous laisse faire les calculs. Sans la prétention que ce ratio sera maintenu jusqu'au bout, mais il marche, ça fonctionne, et il y a aussi d'autres entreprises qui viennent dans ce même secteur.

Nous sommes en train, avec les acteurs économiques, les élus de la région de définir — avec des débats parfois — de définir le nouveau modèle économique d'un secteur qui était dépendant d'une entreprise, d'une institution qui n'avait plus sa raison d'être. On est en train de l'amener vers une économie axée sur la diversité, l'innovation, l'exportation, la PME dans une forte mesure, la propriété locale, donc des entreprises davantage engagées dans leur milieu. C'est un beau modèle économique que je suis content de promouvoir partout parce que c'est le modèle économique qui a pris, à titre d'exemple, le Drummondville du début des années 80 et l'a amené à l'effervescence économique que le reste du Québec envie à la région de Drummondville. Donc, il est possible de passer d'activités économiques non souhaitables à activités économiques éminemment souhaitables en termes environnementaux aussi, puis on le fait, puis on le travaille dans la région de Bécancour. L'attitude de Quest en est un exemple. D'autres annonces à relativement court terme que je ne voudrais pas faire à l'avance sont éminemment à caractère environnemental, ça se fait.

Et ça m'amène sur une approche très large de comment je crois qu'on doit travailler. Vous savez, à travers le monde, il y a un énorme pourcentage de la population qui fait partie de ce qu'on appelle le BRICS, donc Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, qui a le désir de faire partie de ce groupe. Ce sont des pays en développement qui veulent… puis qui disent : Légitimement, on a droit au même niveau de développement économique et industriel que l'Occident. Mais, ce faisant… et la vitesse à laquelle ils le font génère un niveau de pollution atmosphérique, entre autres, épouvantable. Et je le dis sans gêne parce qu'eux-mêmes le disent, ces pays-là reconnaissent qu'il y a de grands enjeux environnementaux.

 Quelles sont les forces de l'Occident, de l'Amérique, du Québec? L'innovation, les cerveaux, la capacité de développer des solutions. Et donc, dans nos centres de recherche universitaires, dans nos centres de recherche privés, dans nos quelque 48 centres de recherche collégiaux, on travaille au développement de solutions sur un ensemble d'enjeux. On maille avec des entreprises, et, pour moi, je n'ai pas d'allergie, je n'ai pas de poussée de boutons à l'idée de faire affaire avec des entreprises privées issues de l'entrepreneuriat québécois, je n'ai pas honte de ça. Je ne pense pas que l'entreprise petite, grande ou moyenne est forcément pas fine, je pense qu'il y a une collaboration et il y a un encadrement qui doivent venir. Et donc ça développe un modèle qui nous permet d'offrir à ces pays-là des solutions de technologie environnementale, des solutions d'électrification des transports, des solutions de gestion des conséquences des problèmes environnementaux du passé. Ça nous permet d'être ces joueurs-là et de profiter du potentiel économique extraordinaire qui nous est offert. Quel merveilleux mariage entre des considérations environnementales et des considérations économiques porteuses de prospérité! C'est comme ça, je crois, qu'on doit travailler, sans jamais faire de compromis.

• (11 h 50) •

Vous savez, ce n'est pas... Une gang nous reproche de ne pas être assez prudents, l'autre de l'être trop. Bien oui, on a quand même, effectivement, imposé un BAPE générique sur la filière de l'uranium. On a, effectivement, imposé un BAPE aux Îles-de-la-Madeleine parce qu'il y avait des enjeux en matière de ressources souterraines qui pouvaient mettre en péril les réserves en eau. On a fait cette décision-là, on a pris cette décision-là parce qu'elle apparaissait essentielle aux gens des Îles-de-la-Madeleine, que vous représentez, Mme la Présidente. On s'est engagés très clairement — la première ministre l'a fait — à dire : Il y aura un BAPE sur l'enjeu d'Anticosti.

Et quelle extraordinaire évolution! Pendant que le collègue de mon... mon ami de Laurier-Dorion vilipende le gouvernement sur sa politique minière et sur la loi n° 43, deux entreprises minières disent au gouvernement : Nous ne sommes pas assujetties à un BAPE en vertu du règlement actuel. M. le ministre, pouvez-vous modifier le règlement pour que nous soyons assujetties? Nous voulons, nous — deux sociétés minières — nous voulons qu'il y ait un BAPE sur nos projets. Quelle extraordinaire évolution! Quel message international! De façon très irresponsable, des gens au Parti libéral qui ont donné une mauvaise image au Québec à l'échelle internationale, aujourd'hui, doivent composer avec le fait que des sociétés minières disent au gouvernement : Votre approche nous convient, nous demandons un Bureau d'audiences publiques en environnement sur nos projets. C'est une évolution. C'est une vision de cette proximité, de ce mariage possible entre l'économie et l'écologie sur lequel on travaille. Dans ce contexte-là, bien sûr, il faudra gérer une transition d'une économie passablement dépendante du pétrole — on ne se contera pas de menteries — moins ici qu'ailleurs, sauf, bien sûr, dans le domaine des transports… Et, puisque le domaine des transports est notre plus gros... 43 % des émissions de gaz à effet de serre du Québec sont liées au domaine des transports, bien, c'est à ça qu'on s'attaque.

Et comment on le fait? On le fait avec un plan très audacieux d'électrification des transports dont une forte partie est financée par les revenus générés au sein d'institutions liées au ministère de l'Environnement, qui est essentiellement le Fonds vert, dans la continuité de ce que les experts du ministère de l'Environnement ont créé auparavant, l'électrification des transports et des alternatives de transport lourd aujourd'hui pas applicables. Donc, des alternatives, est-ce que c'est le gaz naturel ? Est-ce qu'on regarde dans cette direction-là? Est-ce qu'on réduit de ce 15 % ou 17 % les émissions de ce secteur-là? Mais c'est, évidemment, au niveau du transport qu'il faut regarder. Mais ce n'est pas vrai que, demain matin, on dit à cette industrie essentielle qu'on va réduire, couper, astreindre. Au contraire, on va accompagner. Il y a des projets pilotes qui ont été faits, il y a toute une flotte de camions qui s'est convertie au gaz naturel au Québec avec l'aide du ministère de l'Environnement. Il y a des possibilités de le faire de façon qui fonctionne.

Moi, Mme la Présidente, je suis très, très content parce qu'en plus de tout ça il y a d'autre chose qui s'en vient. Il y a la protection réelle de notre environnement par une vraie, vaste politique de conservation avec laquelle mon ministère s'en vient. Elle va gérer les pourcentages, les cibles, se coller sur les cibles internationales, des objectifs qui vont faire du Québec un citoyen du monde extraordinaire, et je suis très content de ça. Je suis content de ça parce que ça vient d'un parti qui est au gouvernement qui a créé les zecs, qui a créé les SEPAQ, puis qui a été à l'origine de beaucoup de belles choses au Québec dont, Mme la Présidente, la création du ministère de l'Environnement. Alors, ce sont des héritages de l'époque de René Lévesque qu'il nous faut gérer avec prudence et beaucoup de fierté, et cette période d'opposition entre l'environnement et l'économie est finie.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le ministre. Et, pour conclure, vous avez 10 minutes, M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. En fait, au nom de tous les collègues qui ont participé à ce débat, à cette interpellation, je vous remercie, au nom, donc, des nôtres, pour nous avoir guidés à travers ce débat.

Je comprends l'appel à la prudence du ministre, il a terminé son intervention avec ces mots. Je dirai que, trop souvent, cependant, nos sociétés croulent sous un excès de prudence. La politique, l'exercice de la démocratie croulent sous un excès de prudence. En fait, je crois que, comme le député de Bonaventure a dit un peu plus tôt aujourd'hui, ce que la population attend maintenant, là où on a un problème puis qu'il faut rectifier, c'est la crédibilité de nos institutions, de notre démocratie, de nos mécanismes démocratiques. Il faut le restaurer par plus de cohérence et plus de sincérité.

Je ne doute pas de la volonté du gouvernement de vouloir sincèrement améliorer le bilan énergétique du Québec, améliorer le bilan environnemental du Québec, je rappelle simplement pour les besoins de notre débat que, pour vraiment démontrer toute sa sincérité, toute sa cohérence, le gouvernement, peut-être d'abord, en termes de lectures, devait s'intéresser à ce que nous dit le premier Commissaire au développement durable du Québec, Harvey Mead, qui vient de publier… Puisqu'on parle de livres publiés, là, Harvey Mead vient de publier tout récemment Pour un indice du progrès véritable, où il parle de fondamentaux encore plus importants qui intègrent tous les soucis du ministre et des différents députés : amélioration de la qualité de vie, amélioration de la santé populationnelle liées à l'industrie de développement social et économique. Harvey Mead les intègre, puis il nous démontre que, dans le fond, pour l'atteindre, la chose la plus urgente et la plus lucide à faire, c'est de diminuer le plus rapidement — beaucoup plus rapidement qu'on le fait — notre dépendance aux énergies fossiles. Ensuite, le gouvernement pourrait augmenter la cohérence et démontrer encore plus sa sincérité en organisant un BAPE générique sur toute la filière pétrolière, comme promis, donc pour respecter ses promesses et parce que c'est nécessaire.

Je comprends qu'il y a eu une consultation sur l'avenir énergétique du Québec, mais il n'y a pas eu assez de place… Et surtout c'est parce que, pendant le temps qu'on est en train de faire le bilan de ça, tout l'appareil de tordage de bras, là, des… Comme on l'a vu dans le cas des gaz de schiste, rappelez-vous, cette industrie-là est très, très forte et a tous les moyens de le faire. Donc, tout l'appareil de tordage de bras des «peddlers» qui sillonnent le territoire pour installer les pipelines est en opération, Enbridge et TransCanada avancent leurs projets.

Et ensuite on a des questions sérieuses à poser. On ne s'entend pas est-ce que, vraiment, c'est au bénéfice du Québec, aller puiser du pétrole dans Anticosti, où on risque d'aggraver notre bilan environnemental lourdement, comme le prétend l'ingénieur Marc Durand, qui n'est pas à négliger. Donc, vivement un BAPE générique sur la filière pétrolière où on pourra se faire une tête démocratiquement en permettant aux citoyens de venir exprimer aussi leurs préoccupations et leurs observations. Parce que n'oubliez pas qu'actuellement, là, les compagnies pétrolières, ceux qui gèrent les oléoducs, ne sont capables, de leur propre aveu, que de détecter à peu près 10 % des fuites, et il y a plus de déversements par fuite dans les oléoducs que ce qu'on a par tout autre type de déversement qu'on a observé, les gros déversements qu'on a eus, par exemple, tout récemment dans la tragédie du Lac-Mégantic. Donc, ça devrait nous faire réfléchir. Les citoyens ont raison d'être inquiets, ils ont besoin de cette consultation.

Ensuite, si le gouvernement veut augmenter sa crédibilité et parfaire sa sincérité, il ne devrait pas donner un prétexte à l'opposition de tuer le projet de loi n° 37 pour un véritable moratoire sur les gaz de schiste. D'accord? Nous, si on s'est abstenus, c'est parce qu'on ne voulait pas collaborer avec le gouvernement à participer avec lui à son propre hara-kiri. Nous, on est persuadés que le Québec a besoin d'un moratoire sur les gaz de schiste. Je pense que vous serez plus crédibles à ne pas essayer d'insulter l'intelligence de la population de nos auditeurs en leur faisant croire qu'on serait contre un moratoire sur les gaz de schiste. Je pense que vous devez plutôt vous employer réellement à faire en sorte que ce ne soit pas bloqué pour des questions de procédure ou de consultation, deuxième chose.

Et les groupes concernés… Toutes les associations, moi, je les ai consultées. Pas toutes, mais les grandes ensemble, la plupart… En fait, tous ceux que j'ai consultés, puis je n'ai pas entendu d'associations qui disent : Avant, là, il faut que le gouvernement obtienne l'adoption du projet de principe, puis, après, on va venir aux consultations. Ils n'attendent pas de mieux que de participer rapidement à des consultations publiques, ensuite, pour améliorer, je dirais, notre cohérence. Là, je ne veux même pas parler du gouvernement, notre cohérence comme institution démocratique. D'accord? Comme institution démocratique et décisionnelle principale, il faut que le gouvernement donne une directive claire à la Caisse de dépôt et Investissement Québec de cesser d'investir dans les sables bitumineux. Même en vertu de vos arguments sur le fait qu'on pourrait au moins développer notre propre filière pétrolière, ça ne tient pas la route, ça ne tient pas…

Pendant le temps qu'on fait ça, bien, il y a plus de 5 milliards de dollars qui sont engagés, comme je vous ai dit, directement, Investissement Québec et la Caisse de dépôt, sans parler des milliards de dollars de nos REER à travers des fonds d'investissement comme Power Financière et Power Corporation qui ont des intérêts dans Total, qui investit dans le sable bitumineux. Donc, autrement dit, l'argent des Québécois, aujourd'hui, ne sert pas à développer les filières vertes, ne sert pas à développer même notre propre filière pétrolière, ne sert surtout pas à l'efficacité énergétique ou à l'électrification des transports, sert à développer le pétrole le plus sale. Tous les pétroles sont sales, mais il y en a un qui est particulièrement dommageable pour l'environnement, et tout le monde le reconnaît, c'est le pétrole de l'Alberta, et on contribue à le développer. C'est juste incohérent. C'est pour ça que ça remet en... autant de doutes sur votre véritable volonté.

• (12 heures) •

Ensuite, Old Harry, d'accord? Il y a eu une évaluation environnementale stratégique qui est négative sur Old Harry. Quand l'évaluation environnementale stratégique sur le développement du pétrole dans l'estuaire du Saint-Laurent s'est avérée négative, au moins les libéraux se sont dépêchés et ont déposé un projet de loi, on l'a adopté, le projet de loi n° 18. Écoutez, il ne faut pas que vous soyez en deçà des libéraux. Et je pense qu'il y a quelque chose d'insultant dans l'idée que le PQ, là-dessus, est en deçà des libéraux.

Ensuite, pour être cohérent, M. le ministre, vous devez parler à votre collègue des Ressources naturelles pour donner une directive claire à Hydro-Québec, que c'est juste incohérent, d'une part, vouloir prétendre qu'on développe l'électrification des transports puis, de l'autre main, on défait ce qu'on a fait, on augmente les tarifs d'électricité de la Société de transport de Montréal, la STM, qui gère le métro de Montréal au moment même où on s'apprête à donner des rabais supplémentaires sur le tarif L à des industries aussi polluantes que l'industrie de l'aluminium. C'est juste incohérent. Comment voulez-vous que la population vous juge après ça sur la sincérité de votre engagement à orienter le Québec vers un plus grand recours aux énergies renouvelables, aux énergies plus vertes?

Je disais de cesser de défaire ce qu'on fait d'une main pour plus de cohérence, pour rétablir ce que le député de Bonaventure, à raison, réclame de nous, c'est-à-dire une plus grande crédibilité. Bien, écoutez, les investissements en transport collectif, là, tout le monde a remarqué qu'au dernier budget étaient en deçà encore des libéraux dans le nouvel argent consacré au transport collectif. Or, au même moment, non seulement le Parti québécois a continué le modèle pour Turcot, le modèle des libéraux, au lieu d'accepter la proposition de tous les partis qui s'étaient entendus sous l'initiative de Projet Montréal de consacrer au moins la moitié de ce financement pour Turcot pour le consacrer au transport collectif… Donc, cohérence, cohérence, cohérence pour que la sincérité apparaisse.

Ensuite, l'efficacité énergétique, ça veut dire des logements aussi. L'efficacité énergétique, ce n'est pas juste mieux isoler nos maisons, c'est aussi construire des maisons abordables, des logements abordables, des logements sociaux dans les grands centres urbains pour avoir moins besoin de transport individuel, donc pour consommer moins d'essence. Le maire de New York, M. le ministre, le maire de New York vient d'annoncer 200 000 logements sociaux pour une population d'à peu près 10, 12 millions d'habitants. Nous, on n'a même pas 50 000, c'est-à-dire on a moins du quart pour à peu près la même population. Il y a quelque chose d'incohérent là-dedans, on est en deçà du maire démocrate de New York.

Donc, pour plus de cohérence, je vous interpelle, je vous implore, le minimum, le minimum, c'est un BAPE générique sur la filière pétrolière et un BAPE sur le projet d'Enbridge. Ça, vous l'avez promis depuis moins d'un an encore, donc vous avez moins de raisons de l'avoir oublié. Ça fait à peine six, sept mois. Un BAPE sur les projets de pipelines. Bien, tous les groupes, en tout cas, tous les groupes ont mobilisé et tous les groupes environnementaux sont persuadés que vous êtes en train de travailler sur un… Donc, dites-le que, oui, il n'y aura pas de BAPE sur les pipelines, qu'ils pourront opérer sans évaluation environnementale. Et je ne sais pas en vertu de quelle loi est-ce qu'ils sont autorisés à le faire.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Merci, M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. Et je remercie encore les groupes qui se sont déplacés de s'être donné la peine de venir nous entendre.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Bonjour aux gens dans le public. Je vous remercie, chers collègues, pour ces échanges respectueux. Je vous remercie d'avoir facilité ma tâche de présidente.

Alors, je lève donc la séance. Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci infiniment, tout le monde.

(Fin de la séance à 12  h 5)

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