(Onze heures quarante-deux minutes)
La Présidente (Mme L'Écuyer): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, Loi concernant la construction d'un tronçon de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente...
Des voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Excusez! Est-ce qu'on pourrait baisser le ton, s'il vous plaît? Merci.
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente, Mme Doyer (Matapédia) est remplacée par M. Bédard (Chicoutimi) et Mme Ouellet (Vachon) est remplacée par M. Cloutier (Lac-Saint-Jean).
Remarques préliminaires (suite)
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. M. McKay, pour les remarques préliminaires, vous avez 20 minutes.
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Juste une minute! Compte tenu du nombre de députés présents, on va demander d'être attentifs et, en même temps, de la discipline. Merci. M. McKay.
M. Scott McKay
M. McKay: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais tout d'abord mentionner que ça me fait plaisir de revenir ici, à la Commission des transports et de l'environnement, dont mes nouvelles responsabilités de porte-parole pour les mines m'ont éloigné temporairement. Alors, je suis très content de revoir le personnel de la commission ainsi que tous les collègues, un nouveau ministre avec lequel je n'ai pas eu le bonheur de travailler beaucoup, jusqu'à maintenant, sur la législation.
Et je voudrais donc, à mon tour, faire des remarques préliminaires dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 2. C'est la Loi concernant la construction d'un tronçon de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges.
Permettez-moi de vous souligner, Mme la Présidente, d'entrée de jeu, parce que je ne sais pas si les gens qui ont suivi, qui sont très intéressés par ce projet de loi, ont suivi l'ensemble des débats, mais j'ai eu l'occasion d'intervenir lors de l'adoption de principe du projet de loi, donc au salon bleu, et j'avais réitéré... Et j'ai écouté plusieurs des interventions de mes collègues de mon groupe parlementaire, et chacun a appuyé le projet de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges. Donc, je pense qu'il n'y a personne qui peut remettre en cause, remettre en doute l'appui du Parti québécois à cet important projet d'infrastructure pour la Beauce. Et c'est certain qu'on le voit aussi dans une perspective d'avoir un lien aussi plus direct, plus rapide avec les États-Unis. C'est une route que j'ai prise, que j'emprunte... La route actuelle, je l'ai empruntée moi-même à quelques reprises pour me rendre aux États-Unis, pour différentes fonctions. Et il est indéniable que c'est un projet d'autoroute qui est très important et qui va permettre de desservir les gens de la Beauce, mais aussi avoir un impact au niveau économique, et donc c'est certain que c'est souhaitable. Et c'est d'autant plus déplorable, Mme la Présidente, de constater la désinvolture, ou enfin, l'ensemble des bévues qui ont été commises par le gouvernement actuel dans l'élaboration de ce projet de loi là.
On se retrouve avec ce projet de loi là, Mme la Présidente, essentiellement parce que le gouvernement a subi une défaite en Cour supérieure devant des citoyens, des simples citoyens, qui ont tout bonnement voulu défendre leurs droits. C'est tout à fait légitime pour eux parce que le tracé de l'autoroute passe sur des terres qui leur appartiennent et on va les déposséder d'une partie de leurs biens, les déraciner, d'une certaine façon, de ce territoire pour lequel ils ont trimé très dur.
Alors, ils se sont tout simplement présentés devant les tribunaux. Ils avaient une bonne cause, visiblement, et le gouvernement en avait une mauvaise, visiblement, puisque ce sont eux qui ont gagné. Et même la Cour supérieure a tranché en leur donnant raison.
Alors, on peut comprendre que le gouvernement, Mme la Présidente, n'est pas très heureux de la situation, parce que, dans le fond, ce que les tribunaux sont venus lui dire, c'est qu'il avait... le gouvernement, dans ses actions, avait erré, a mal agi, en fait, et là on essaie de venir passer l'éponge sur toute cette question-là. Plutôt que de faire son mea-culpa, plutôt que d'identifier ce qu'il avait... là où il a mal agi, le gouvernement, et d'en prendre donc bonne note et puis d'apprendre de ses erreurs, bien, il a décidé de passer le rouleau compresseur sur ces citoyens en venant déposer un projet de loi qui va venir annuler la décision de la Cour supérieure.
Notre porte-parole en matière de transport, le député de Gouin, l'a posée, la question. Il l'a posée publiquement et à plusieurs reprises: Pourquoi est-ce que le ministre des Transports a choisi de déposer ce projet de loi qui va venir annuler la décision de la Cour supérieure plutôt que de prendre acte de ce que la cour lui disait et d'agir en conséquence? Alors, pourquoi? On voit que visiblement le gouvernement a commis des erreurs, il a perdu la bataille au niveau des cours et puis il veut renverser la décision du tribunal et, en plus, en adoptant une loi avec un caractère rétroactif.
**(11 h 50)** Alors donc, ce n'est pas le bien-fondé de l'autoroute... du projet d'autoroute qui est en question, là, actuellement, c'est essentiellement l'attitude. Ce que nous dénonçons, ce n'est pas l'autoroute; l'autoroute, nous l'appuyons. Par contre, nous sommes dans l'obligation de dénoncer l'attitude du gouvernement qui vient passer le rouleau compresseur du ministère des Transports sur le dos d'honnêtes citoyens qui ont tout simplement défendu leurs droits.
Quand je parle de rouleau compresseur, je parle aussi de la précipitation avec laquelle le gouvernement, ce gouvernement, et le ministre des Transports ont voulu pousser ce projet de loi, ont voulu faire en sorte, idéalement, là... Je pense que mon collègue le député de Gouin a parlé de tentative de bâillon déguisé. Bien, lorsqu'on constate que l'attachée politique du ministre de la Sécurité publique, Mme Nathalie Roy, a fait parvenir des courriels à des citoyens de la région, envoyé des courriels à des Beaucerons pour qu'ils écrivent à la chef de l'opposition officielle, au leader de l'opposition et aussi à notre porte-parole le député de Gouin pour que ces citoyens-là interviennent pour demander qu'il n'y ait pas de consultations... Et n'oubliez pas qu'on parle de consultations particulières, là, sur invitation, et la liste des invités est toujours, dans ces cas-là, Mme la Présidente... Vous pourrez nous le confirmer si vous le souhaitez. Mais, lorsqu'il y a des consultations particulières, la direction de la commission voit à s'entendre avec les différents groupes parlementaires sur les invités. Et là ce qu'on a fait par en arrière, on a fait des pressions, on a demandé à des citoyens de faire des pressions pour éviter que ces consultations-là, même, aient lieu. Alors, c'est quand même assez particulier. Je vous rappellerai que le ministre responsable de la Sécurité publique est aussi le leader adjoint du gouvernement.
Cette consultation, qui a eu lieu, on a pu constater qu'elle était nécessaire, parce qu'elle a permis à différents intervenants de se faire entendre, et, nous, du côté du Parti québécois, on a pu constater que la consultation a mis en lumière le caractère... Moi, je vous dirais, le terme peut sembler fort, mais, devant les faits, là, on est obligés de constater qu'il y a un certain caractère odieux de ce projet de loi là qui brime les droits de citoyens qui ont voulu et qui ont réussi légitimement à défendre leurs terres et leurs biens.
Lors des consultations, on a eu l'occasion d'entendre la présentation que mon collègue a qualifiée de chirurgicale -- je pense que c'est pas mal le cas -- de Josée Bilodeau, une des propriétaires d'un des boisés qui est menacé par ce qu'on appelle, ce qu'il est convenu d'appeler le tracé est, que le gouvernement du Québec cherche à leur passer à travers de la gorge, là, malgré plusieurs victoires que les citoyens ont eues au niveau juridique.
Je ne reviendrai pas sur toute cette saga, mais... la saga juridique qui a emmené le gouvernement à... plutôt que d'agir de façon responsable, d'amener ce projet de loi qui brime les droits des citoyens. Je voudrais, Mme la Présidente, vous lire quelques extraits de la lettre... le mémoire, en fait, que le Barreau du Québec est venu déposer lors des consultations particulières. Alors, la lettre est adressée au ministre des Transports, même si... au ministre de la Justice du Québec, qui devrait se préoccuper de la qualité des pièces législatives qui sont présentées par son gouvernement, et le Barreau du Québec nous dit essentiellement qu'il a pris connaissance du projet de loi n° 2 et nous fait part de ses préoccupations.
Alors, il rappelle que le projet de loi a pour objet de valider rétroactivement à la date de son adoption par le gouvernement un décret, là, le décret 1180-2009, du 11 novembre 2009 concernant le prolongement de l'autoroute 73. Or, ce décret-là, on nous rappelle qu'il a été annulé par la Cour supérieure le 3 novembre 2010 pour des motifs de non-respect par l'Exécutif, et écoutez bien ça, Mme la Présidente, là, pour des... le décret adopté par le Conseil des ministres a été adopté... le décret, donc, a été annulé par la Cour supérieure pour des motifs de non-respect par l'Exécutif, donc le Conseil des ministres de ce gouvernement, de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles.
Alors, quand j'ai pris connaissance de cet aspect-là du projet de loi, j'ai été assez estomaqué de constater que la Cour supérieure vient annuler un décret du Conseil des ministres et vient l'annuler sur la base que le Conseil des ministres n'a pas respecté la loi. La Cour supérieure, elle a... et je continue de lire la lettre: «La Cour supérieure a souligné qu'en décidant de se substituer à la Commission de protection du territoire agricole[...], sans respect pour les procédures prévues dans la loi, le gouvernement a privé les demandeurs du droit d'être entendus et de contester les décisions qui les dépossèdent de leur propriété. La cour a conclu que le gouvernement n'a pas respecté ses obligations procédurales et que le décret [...] doit être annulé.» Je poursuis la lecture: «Dans un régime démocratique comme le nôtre -- nous rappelle le Barreau -- le respect de la règle de droit, de l'indépendance de la magistrature, du rôle de surveillance de la Cour supérieure et du droit des citoyens à l'équité sont nécessaires afin d'assurer la prévisibilité et la sécurité juridiques.» Et on nous souligne qu'«une législation rétroactive -- comme celle qui nous est proposée -- compromet la sécurité juridique en ne permettant pas aux citoyens de connaître à l'avance les règles de droit qui s'appliquent à eux. Or -- toujours selon le Barreau -- les justiciables doivent normalement pouvoir connaître à l'avance les règles juridiques qui régissent leurs relations avec l'État afin de pouvoir adapter leur comportement et d'ajuster leurs expectatives en conséquences.» En effet, tu sais, comment est-ce qu'on peut honnêtement suivre et appliquer à la lettre la loi si le gouvernement, comme il le... peut à sa guise venir changer les règles du jeu par après, rétroactivement? Alors, on dit: «L'adoption de lois rétroactives n'est justifiable que dans des circonstances exceptionnelles...» Et le Barreau ne voit pas le motif supérieur d'intérêt public ici qui serait de nature à justifier une législation aussi exceptionnelle.
Alors, on nous rappelle aussi qu'«en matière de respect de la règle de droit et du respect de l'indépendance des tribunaux, le gouvernement doit donner l'exemple et éviter de modifier la règle de droit rétroactivement». Alors, le gouvernement, s'il le souhaite... et je pense que c'est certainement le souhait du ministre des Transports de s'assurer que les citoyens du Québec et les citoyennes respectent la législation, respectent... -- je pense que c'est la base de notre système de droit -- bien, il doit éviter le plus possible de changer les règles du jeu en cours de route.
On dit que cette façon... le Barreau estime que cette façon-là de légiférer, là, le projet de loi n° 2 qui est devant nous, «cette façon de légiférer jette le discrédit sur le processus judiciaire et sème un doute sur la portée des lois d'ordre public adoptées par l'Assemblée nationale». Et on m'a même permis de... La lecture de cette lettre-là m'a permis d'apprendre un nouveau mot: «immixtion». Et: «Cette situation constitue une immixtion du pouvoir législatif dans un processus judiciaire afin de couvrir rétroactivement une décision illégale de l'Exécutif.» Alors, ce n'était pas un petit errement, c'était une décision illégale de notre propre Conseil des ministres.
Et il y a un endroit... Je vais quand même passer certains aspects de la lettre parce qu'elle est très détaillée et, à juste titre, je pense qu'elle souligne le caractère qu'on a qualifié d'odieux de ce projet de loi.
«Par ailleurs, les parties concernées ont engagé des frais judiciaires et des honoraires auront été payés en pure perte, sans compensation.» Alors, on nous mentionne: «Si le législateur décide tout de même d'adopter ce projet de loi -- malgré tous les avertissements que le Barreau du Québec nous a servis -- on devrait au moins y introduire une obligation de rembourser aux personnes concernées les dépenses faites pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux.» Alors, ce serait le minimum des minimums qu'au moins les citoyens qui ont gagné et que le gouvernement vient bafouer avec son rouleau compresseur, au moins qu'on les compense, et, à ce jour, Mme la Présidente, le ministre n'a jamais annoncé d'intention qui allait dans ce sens-là.
Probablement... possiblement que d'autres de mes collègues qui connaissent bien le projet de l'autoroute 175, qui se rend jusqu'au Saguenay--Lac-Saint-Jean, auront l'occasion de le mentionner, mais c'est une autre autoroute, dans une région qui était... un projet qui était extrêmement souhaité par la population, qui a pris quand même pas mal de temps avant de pouvoir se réaliser. Et il n'y a jamais eu de loi spéciale qui a été adoptée pour cette autoroute-là. Jamais on n'a privé aucun citoyen de leur droit de contester le tracé de cet autoroute-là. Et pourtant c'est une autoroute qui était réclamée depuis longtemps et...
**(12 heures)**M. Bédard: ...40 ans.
M. McKay: ...depuis 40 ans, alors... On reviendra probablement là-dessus.
M. Bédard: Je suis un témoin de première source.
M. McKay: Bien oui, on a un témoin, là, le député du Chicoutimi, qui vient de se joindre à nous, qui pourra en parler davantage.
Alors, le ministre évoque la nécessité d'adopter le projet de loi n° 2 puis de maintenir ce tracé est là par le fait qu'un changement de tracé ou d'autres poursuites judiciaires entraîneraient des délais additionnels, des délais que le gouvernement a annoncé, là, qu'ils seraient... il a annoncé récemment qu'ils seraient indus. Mais c'est plutôt étonnant parce que, lorsque le gouvernement libéral, Mme la Présidente, a décidé de porter en appel le jugement de la Cour supérieure, le 26 novembre 2010, il a affirmé, par voie de communiqué, et je le cite, et ça pourra conclure mon intervention: «L'appel du jugement ne met pas en péril l'échéancier prévu pour la réalisation du projet.» Alors, le ministre des Transports, en 2010, considérait que ça ne mettait pas en péril l'échéancier prévu pour la réalisation du projet. Bien, pourquoi le ministre change d'idée maintenant et nous dit que, si on n'adopte pas le projet de loi n° 2, là, le ciel va nous tomber sur la tête, ça va être l'enfer, là, pour... Les Beaucerons vont finir dans le... vont finir par périr à force d'attendre...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député?
M. McKay: ...alors qu'on estimait au début que ça respecterait l'échéance.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député de L'Assomption. Je cède maintenant la parole au député de Chicoutimi pour les 20 prochaines minutes.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Vous excuserez mon retard, ainsi que pour mes collègues. Je m'excuse. J'ai eu un petit point de presse impromptu avec nos gens de la tribune concernant la carte électorale, sujet qui vous est sûrement très cher autant qu'à moi, Mme la Présidente, et qui, là encore, concerne nos régions, et pour lequel le Parti libéral a reculé lors d'un caucus, il y a environ deux semaines, suite à une proposition que nous avions... nous nous étions entendus. C'est un exemple qu'en matière de région...
Des voix: ...
Une voix: Question de règlement.
M. Billette: ...d'autoroute du projet de loi n° 2 et non de la carte électorale. Donc, j'en fais un appel à la pertinence.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député. M. le député de Chicoutimi, appel à...
M. Bédard: Oui, mais...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci.
M. Bédard: Effectivement, mais on est... moi, j'ai entendu parler d'autoroute, de défense des régions, de la Beauce. Et le projet de loi que... La carte électorale concerne cette défense des régions là. Il n'y a pas plus, d'ailleurs, défenseur de la région... des régions que la Loi électorale.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Chicoutimi, je vais vous demander de revenir à l'ordre... au sujet en question.
M. Bédard: ...Mme la Présidente, ah oui?
La Présidente (Mme L'Écuyer): C'est le projet de loi n° 2, s'il vous plaît, M. le député.
M. Bédard: Mme la Présidente, je ne sais pas de quelle autorité... Je vais vous demander de me rédiger une...
M. Huot: ...
M. Bédard: Hein? Eh, monsieur...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Monsieur...
M. Bédard: Mme la Présidente, là, je viens d'entendre...
Une voix: Mme la Présidente, je fais appel au règlement, s'il vous plaît.
M. Bédard: ...
Une voix: Le député de Chicoutimi...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Excusez!
M. Bédard: Non, non, là...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Une chose à la fois. Vous n'avez pas la parole.
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Vous n'avez pas la parole, je m'excuse. M. le député de Vanier, je vais vous demander de retirer vos paroles auprès de... et de vous excuser auprès de votre collègue.
M. Huot: Ça me fait plaisir. Oui, je m'excuse, oui. Oui, oui.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Ce sont des mots antiparlementaires qu'on n'accepte pas.
M. Huot: Mais il ne faut pas qu'il remette en question votre autorité non plus.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député d'Orford, vous avez une question de règlement.
M. Reid: Oui, Mme la Présidente. Vous avez fait un appel au règlement. Le député de Chicoutimi n'accepte pas votre appel au règlement. Or, il doit accepter votre appel au règlement, vous êtes la présidente. Alors, je fais un appel au règlement pour que le député de Chicoutimi accepte ce qu'il doit accepter d'après nos règlements.
M. Bédard: Sur la question de règlement, Mme la Présidente, c'est simple, j'ai assisté aux consultations de cette commission, j'ai vu les gens de la Beauce venir nous parler du développement de la Beauce, venir nous parler de l'autoroute des bleuets, venir nous parler de l'importance du développement économique de la Beauce. Donc, je suis dans le coeur du sujet, là. Et pourquoi les gens veulent une autoroute? C'est, entre autres, pour le développement économique et la protection de leurs intérêts. Donc, Mme la Présidente, sur la pertinence, à ce niveau-ci, aux remarques préliminaires, à ma connaissance, j'ai une latitude qui est réelle.
La Présidente (Mme L'Écuyer): ...l'autoroute, c'est pertinent.
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente, et je vais essayer quand même de toujours me rattacher à cela, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Donc, oui, je crois au développement régional et je pense que les gens de la Beauce ont droit à leur autoroute comme, je vous dirais, les gens de la Beauce ont aussi droit à une carte électorale qui est conforme à leurs attentes pour s'assurer qu'ils soient bien représentés.
Je pense que tout ça est lié, Mme la Présidente. C'est la base. Le développement régional, il doit se refléter, oui, dans le système autoroutier, mais il doit aussi se répercuter dans notre Assemblée nationale. Et la réalité là-dessus, qui est malheureuse, c'est celle que nous avions réussi à s'entendre sur de nouveaux critères et malheureusement... qui s'assuraient d'une meilleure représentativité des régions, dont la Beauce fait partie, dont le Saguenay--Lac-Saint-Jean fait partie, avec sa 175, comme les autres régions aussi, je vous dirais: la Côte-Nord, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie. Hors, cette proposition a été rejetée par le caucus libéral, et c'est malheureux.
La ruralité, moi, je crois à ça. Je viens d'un comté urbain mais en région. J'ai 98 %... sûrement 99 % de mon comté qui est urbain, Mme la Présidente, et je pense que je peux avoir plus d'électeurs qu'un comté qui est rural. En Beauce, ils vivent la même réalité, Mme la Présidente. Qu'est-ce qu'ils vont faire quand ils vont perdre un député de plus? Quelle voix ils auront pour défendre leur autoroute mais pour... quelle voix qu'ils auront pour défendre leur réalité concrète au Parlement? Nous devons s'assurer, Mme la Présidente, que les...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député, question de règlement.
M. Bédard: Oui, allez-y.
M. Reid: Bien, je pense que vous avez déjà demandé au député de Chicoutimi de rester sur notre projet de loi. Je pense qu'il... tout en mentionnant la Beauce de temps en temps, il parle d'un autre projet de loi. Clairement, là, on n'est pas dans la pertinence du sujet, et, s'il vous plaît, pourriez-vous lui demander de rester dans la pertinence du sujet. Je sais qu'il a beaucoup de choses à dire et qu'il pourrait en parler pendant une journée, il l'a déjà dit. Alors, il pourrait parler, s'il vous plaît, de ce pour quoi on est ici ce matin.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Chicoutimi...
M. Bédard: Sur la question de règlement...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Je veux juste intervenir avant. Je serais très prudente, compte tenu qu'il y a eu une décision qui a été rendue par le président de l'Assemblée sur le sujet, je serais très prudente. Et, d'autre part, j'aimerais vous entendre sur le projet de l'autoroute et le projet de loi n° 2, qui est ce dont on discute actuellement, en termes de légalité.
**(12 h 10)**M. Bédard: Mme la Présidente, nous sommes sur le développement de la région de la Beauce. C'est ça, le principe et c'est ça que les consultations tenues et que... j'ai entendu le cri du coeur de ces gens, et elles ont porté là-dessus. Donc, à l'étape du principe, Mme la Présidente, vous savez tout comme moi que j'ai une très large, très large latitude par rapport à ce qui est mentionné, Mme la Présidente. Et je vais m'en tenir au principe. À l'étude article par article, nous devons effectivement se rattacher à l'amendement en tant que tel, Mme la Présidente. Donc, dans ce cas-ci, nous sommes sur le sujet. On n'est pas à l'étude article par article.
Je vous avouerais que j'en ai vu quand même pas mal et à l'étape où nous sommes actuellement, nous disposons d'une large latitude. Et ces gens-là d'ailleurs ont le droit de réclamer, comme les gens de la Gaspésie ont le droit de réclamer leur député. C'est ça, le principe de base. Et vient un moment où il faut être en accord avec ses choix. On ne peut pas parler d'un bord puis faire le contraire de l'autre. On ne peut pas dire aux gens de la Beauce: moi, je suis prêt à piler sur les droits des gens puis, de l'autre côté, dire aux gens de la Gaspésie moi, là, je ne respecterai pas vos demandes puis je vais faire le contraire de ce que je vous ai dit lors de l'élection partielle dans Kamouraska-Témiscouata. C'est ça, le problème. Il faut dire... Je pense que les gens croient à ça, la vérité. Quand on dit aux gens: On va s'entendre, on va proposer des choses, les gens, ils croient à ça. Et même quand ça ne leur fait pas plaisir, ils s'attendent qu'on leur dise la vérité.
Les gens de la Beauce... À aucun moment, Mme la Présidente, je n'ai dit le contraire de ce que j'ai affirmé ici. J'aurais pu faire mon finfinaud, dire: Ah! Vous savez, on est d'accord, essayer de me convaincre que... Je leur ai dit: Écoutez, j'ai une résistance très claire, parce qu'en matière d'expropriation -- j'en ai fait, c'est un domaine qui est d'ailleurs exceptionnel -- et, dans ce cas-ci, de façon rétroactive, par une loi, suite à l'invalidation d'un décret, je... Vous nous placez dans une situation qui va au-delà de la simple question d'une autoroute, qui va au niveau de la défense des droits.
Et, dans ce cas-ci, je leur ai indiqué, en consultation, ce malaise profond que j'avais, ce malaise profond. Et on a discuté... Honnêtement, là, je ne leur ai pas dit le contraire, je ne suis pas allé dans une campagne partielle pour dire aux gens: Je vais m'occuper de vous, regardez bien, là, moi, je vais faire telle affaire, et quand l'élection partielle est finie, bien, faire comme si ça n'existait plus et ne pas respecter ma parole. Moi, je pense sincèrement qu'il faut assumer ses choix.
Je viens d'une région, puis je crois au développement régional et je crois aussi qu'aux gens des régions, aux gens de ma région mais aux gens de toutes les régions, il faut leur donner l'heure juste. Il ne faut pas leur dire qu'il y a quatre personnes, par exemple, qui bloquent un projet parce que, dans les faits, le gouvernement s'est traîné les pieds parce qu'il a mal fait sa job puis qu'en bout de ligne ça a donné l'opportunité à ces gens-là de contester quelque chose qui était mal fait, puis ils ont gagné. Ils ont gagné à deux reprises. Alors, on ne peut pas dire le contraire puis mettre ça sur la faute de simples citoyens, du Parti québécois, de seul Dieu sait qui, là. Assumer le pouvoir, là, assumer ses décisions, c'est quoi? C'est de dire la vérité à ces gens-là.
Les tribunaux nous ont donné tort. On est face à une situation où on a agi de façon contraire à la loi. C'est ça qu'on aurait dû dire, littéralement, parce qu'il y a un jugement de tribunal qui vient de dire qu'on a agi de façon contraire à la loi, de façon illégale, Mme la Présidente. Aussi simple que ça. Puis ça, ce n'est pas moi qui le dit, c'est la Cour supérieure. Ce n'est pas une possibilité, ce n'est pas une réflexion, ce n'est pas anticipé avec quatre avis juridiques qui disent le contraire, c'est une réalité, un jugement de la Cour supérieure. Pire que ça, pire que ça, Mme la Présidente, ce jugement a invalidé un décret, qui est en soi exceptionnel. Les tribunaux interviennent de façon exceptionnelle dans la contestation de décrets ministériels.
Tout ça, je l'ai dit aux gens de la coalition, j'ai joué franc-jeu avec eux. Et je crois à leur projet d'autoroute, ils le méritent, et j'ai hâte qu'ils l'aient. Par contre, il y a des choses qu'on n'a pas comprises encore au moment où on se parle. Modification du tracé. Pourquoi? Où? Comment? Quels intérêts on servait? Qui était protégé là-dedans? On ne le sait pas encore, mais un jour on va l'avoir, la vérité, vous allez voir, ça finit toujours par ressortir.
Les dossiers ressemblent... Ça ressemble beaucoup à ce qui se passe dans la carte électorale, on ne peut pas dire... On ne peut parler des deux bords de la bouche, Mme la Présidente. On finit toujours par se faire pogner, Mme la Présidente. Quand c'est long au début, on sème la confusion, on dit: On est pour, mais, dans les faits, on est contre, parce que les gens d'en face, ils ont assisté au caucus, là, ils le savent, là, que le ministre, il est allé au caucus, il est allé vendre son affaire. Lui, je ne le sais pas trop, mais sûrement la vice-première ministre, elle a essayé de le vendre et elle a perdu. Moi, je sais ça, là, eux le savent aussi, mais on est sorti pour dire le contraire. Moi, je n'ai jamais fait ça aux gens de la Beauce, je les respecte. Je leur ai dit: Votre projet d'autoroute, je suis d'accord mais j'ai un problème. Puis je n'ai pas attendu qu'ils sortent de l'assemblée pour dire le contraire, là. Je leur ai dit quand ils étaient là parce que je les respecte. C'est ça, le respect. Mais, à la Loi électorale, on fait tout le contraire. On prend une décision, on rejette un consensus puis on s'en va dire qu'on a une proposition qui pourrait les sauver. C'est inadmissible. C'est ça, parler des deux bords de la bouche, Mme la Présidente. C'est deux dossiers qui se ressemblent profondément, profondément, Mme la Présidente: dans l'attitude, dans les façons de faire.
Et, dans le deuxième cas, au moins, la vérité, malgré les déclarations de certains députés, entre autres celui de Rivière-du-Loup... Bien, la vérité, elle sort maintenant. Parce que les gens de la coalition, ce n'étaient pas des péquistes, c'étaient des libéraux. Mais ils ont bien vu que la solution, c'est celle au début qu'on proposait puis celle qu'on a obtenu par consensus avec la vice-première ministre. Puis ils ont bien vu que le caucus libéral a rejeté cette proposition. Mais on l'a jamais dit. Avez-vous remarqué que personne ne l'a dit? Ça n'a jamais été dit, ça. Oups! C'est comme... Le premier ministre n'a même pas dit qu'il a imposé la ligne de parti, on ne le sait pas, comment, à l'intérieur, ça s'est passé, mais on sait que c'est arrivé. On sait qu'il y a eu un débat, puis on sait que la vice-première ministre a perdu.
La Présidente (Mme L'Écuyer): ...M. le député de Chicoutimi, ne pas faire le procès du caucus puis revenir à l'ordre... au projet de loi.
M. Bédard: Bien là, Mme la Présidente, je n'aurais sûrement pas autant de... Je voudrais faire le procès de votre caucus... On le fait un peu à tous les jours, je vous avouerais, mais je ne le ferai pas ici, dans cette commission. Je vous dirais, moi, je crois beaucoup aux délibérations, que les délibérations du caucus doivent être secrètes, je crois à ça, mais on ne peut pas faire semblant de ne pas le savoir. Eux, ils le savent, moi, je le sais. Ça fait que, quand je les vois, les gens, là, tenter de nous faire la leçon, là, ces gens-là, à un moment donné, soit ils n'ont pas parlé, ils ont parlé contre, mais ils n'ont pas fait ce qu'ils avaient à faire, et on aurait dû le dire.
Nous autres, on en tient... sur le projet de loi n° 2, on en a fait, un caucus. Les gens ont parlé, ont discuté...
Une voix: ...
M. Bédard: ...et voilà. Et voilà. Il dit -- le ministre en fait mention -- que c'était écrit dans le journal. Comme ses déclarations à l'effet qu'il mettait ça sur la faute des gens qui ont été menacés de mort, là. Oui, c'était écrit aussi dans le journal, ça. Ça, c'était irresponsable.
Une voix: C'est quel article, ça?
M. Bédard: Ça, c'est... Je ne sais pas, c'est l'article du... Je peux le déposer.
Une voix: C'est l'article du 5 mai.
M. Hamad: Mme la Présidente, s'il vous plaît, parce que le député de Chicoutimi me porte des paroles que je n'ai pas dites, alors, je peux corriger ça, s'il vous plaît, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Appel au règlement.
Une voix: 212.
M. Hamad: 212. Merci.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Allez-y, M. le ministre. Allez-y, brièvement.
M. Hamad: Bien, en fait, il vient dire que j'ai dit «le vote des citoyens», je n'ai jamais parlé «des votes des citoyens», j'ai toujours dit que ceux qui votent à l'Assemblée nationale -- c'est, à ma connaissance, le Parti québécois, ce n'est pas les citoyens -- ... Juste pour clarifier, j'ai toujours dit, et je le dis encore, «un vote contre le projet de loi, c'est un vote contre la Beauce». Mais qui qui vote à l'Assemblée nationale? Ce n'est pas les citoyens, c'est les représentants des citoyens qui sont présents ici, en face de moi.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le ministre. M. le député de Chicoutimi, si vous voulez poursuivre.
M. Bédard: Un vrai 212, ça, je suis content. Donc, Mme la Présidente, effectivement, je pense qu'on se rejoint. D'ailleurs, j'ai même les déclarations du ministre. Il peut dire qu'il a été mal cité. Elles sont entre guillemets. Le 5 mai dernier, il a déclaré dans le Journal de Québec, et je le cite: «En deux mots, il y a trois personnes qui prennent en otage une région complète qui est la Beauce.» Et là le ministre dit oui, là, je suis content.
Ces trois personnes, Mme la ministre... Mme la Présidente, ont fait l'objet de menaces de mort. Il y a eu un 810 contre les personnes qui les ont menacés de mort. Ça, ça veut dire que ces gens-là ne peuvent pas approcher ces trois personnes, Bien, le ministre, il s'en va en Beauce, là, puis il dit, sachant cela, là, il dit: Ces trois personnes -- il oublie de dire qu'elles sont menacées de mort -- prennent en otage votre région. Ça, c'est responsable, ça. Ça, c'est responsable. Le ministre peut invoquer 212 si ce que je dis, là, c'est contraire à ce qu'il a dit.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Vous pouvez continuer, M. le député de Chicoutimi.
**(12 h 20)**M. Bédard: Bon. Alors, voilà. C'est arrivé comme cela. C'est arrivé comme ça, Mme la Présidente. On n'est pas strictement sur un projet d'autoroute, là, on est sur une situation qui a amené le gouvernement à faire en sorte que ces gens-là sont devenus des victimes, alors qu'ils revendiquaient leurs droits, qu'ils sont devenus menacés de mort parce qu'on expropriait leurs biens, qu'ils se sont vu menacer parce qu'ils se sont tenus debout.
Et, normalement, la responsabilité de tout membre du gouvernement, Mme la Présidente, c'est de défendre ces gens-là, de ramener les gens au calme puis de dire: On va essayer de faire ce qu'on peut, mais de ne pas appeler à la vindicte populaire contre ces gens-là, de ne pas les rendre imputables de notre irresponsabilité, de notre incapacité à livrer le projet d'autoroute.
Parce que je comprends qu'ils peuvent nous mettre bien des affaires sur le dos, là, après huit ans, là, ils sont encore capables, paraît-il, mais, après huit ans, le projet d'autoroute, pas capable de le livrer, bien, ce n'est pas fort, là. Pas fort. Une autoroute, là, des dizaines de kilomètres, pas capables de livrer ça aux gens de la Beauce, là, puis on me fait la leçon aujourd'hui sur: on est contre la Beauce. Je comprends que le ministre des Transports, il peut dire que ceux avant lui étaient incompétents, là, mais il reste que, pendant huit ans, on n'a pas fait ce projet-là. On ne l'a pas fait. Les ministres et les députés qui étaient responsables de la Beauce, ils ont fait quoi?
Moi, quand on a annoncé le projet d'autoroute chez nous, là, j'ai dû monter, Mme la Présidente... Seulement pour vous dire, là, que je me suis battu. J'ai monté sur l'estrade avec qui pensez-vous? Jean Chrétien. Pour que je sois à côté de Jean Chrétien, là, le père des commandites, ça prenait une maudite bonne raison. Bien, j'étais à côté de lui, en 2002, en train d'annoncer le projet d'autoroute. J'étais responsable de ma région à l'époque. On était au gouvernement, puis j'étais fier de le faire, mais il a fallu que je me batte. C'est ça, être député. Je me suis battu puis, à un moment donné, j'ai dit: Regardez, là, on est capables de livrer ça, puis ça va coûter cher, oui, mais ça va être bon pour tout le monde, puis ça va être sécuritaire. Et j'étais fier de le faire.
Là, ce qu'on me dit, c'est que, pendant huit ans, là, on s'est traîné les pieds, on n'a pas été capables d'arriver... de livrer cette autoroute-là. Puis il y avait des arguments contre le mien, moi, puis il y en a encore, des gens, là... Bon, on est rendu dans les derniers... dans les derniers kilomètres, et c'est bien, c'est agréable. Vous savez à quel point, moi, je suis heureux de prendre cette autoroute-là, surtout en plein hiver, là, bien que je prends l'autobus pour venir à Québec, pour venir travailler. Mais, en général, il peut m'arriver effectivement de prendre la route avec ma famille, et je suis très fier de ce que j'ai fait et de ce que le gouvernement a continué. Je suis heureux: pour une fois, ils ont respecté la parole qui avait été donnée auparavant, et ça, je suis très fier de ça.
Alors, pourquoi les gens de la Beauce n'ont pas mérité ça, là? Pourquoi, pendant neuf ans, on n'a pas été capable de faire aboutir un projet? Pourquoi, en 2002, on avait un consensus sur un tracé, on a viré de bord, on a fait en sorte que finalement ça s'étire, ça s'étire, ça s'allonge, qu'on soit obligé de faire même... d'aller à l'encontre de la loi, tout ça parce que ça a été mal fait? Si on avait respecté les recommandations du BAPE au lieu de s'entêter, là, on ne serait pas là.
Le BAPE, il a dit: Ça ne marche pas. Regardez, votre projet, là, vous devriez trouver une alternative par rapport aux terres qui ne sont plus exploitées. Avant-dernier paragraphe du rapport. Avant-dernier paragraphe. Il ne dit pas, là: Vous êtes tous une bande de caves, là, il dit simplement: Regardez, là, c'est des terres agricoles, puis, au Québec, il faut les protéger, puis là on doit s'assurer de les protéger. Bien, savez-vous ce qui est arrivé? On n'a pas changé un iota du projet. Zéro. Zéro.
Alors, l'assise, là, on a bâti le dossier des contestataires à force de ne pas écouter ceux qui devraient être écoutés, ceux qui se défendaient de la loi. Et qui est responsable de ça, là? C'est-u les députés de l'opposition? Malheureusement, mon rêve, c'est qu'on ait toute la Beauce un jour. Je peux vous dire qu'un jour, quand ça va être le Parti québécois qui va la défendre, ils vont être mieux défendus. Ils vont être mieux...
M. Hamad: ...jamais.
M. Bédard: Ah! le ministre me dit: Jamais.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Excusez. Excusez! Il y a une personne qui a la parole, s'il vous plaît.
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il y a une personne qui a la parole. M. le député de Chicoutimi, continuez, s'il vous plaît.
M. Bédard: Le ministre me dit: Jamais. Savez-vous, la constatation des gens de la Beauce, c'est qu'ils savent qu'ils ont été mal défendus. Ils savent qu'il y a des gens qui n'ont pas fait leurs jobs. Ils savent que, là, ils sont pris à être obligés d'aller dans des projets de loi comme ça alambiqués parce qu'il y a des gens qui n'ont pas fait leurs jobs puis qui ont... ils ne les ont pas bien défendus. Ça, il n'y a personne qui est dupe de ça, et des fois c'est étonnant comment ça peut se retourner. Il y a eu de l'incompétence dans ce dossier-là.
Et j'ai hâte de revenir au pouvoir, Mme la Présidente, pour voir à quel point on a été incompétent dans ce dossier-là et pourquoi on en arrive là aujourd'hui. J'ai hâte, je vous le dis, là. Je me suis pris une note, là, pour savoir comment on a pu en arriver là et j'ai hâte de le vérifier parce qu'on n'a pas eu encore la vraie réponse. On ne sait pas encore pourquoi on a changé de tracé. On a changé quatre fois d'arguments. À un moment donné, on a dit: Il y a eu un accident. Le ministre -- vous vous référerez à vos galées -- nous a dit: Il y a eu un accident, à un moment donné, et là on a modifié. Ça n'a rien à voir, absolument rien à voir. À un autre moment donné: Ah! c'était le Parti québécois. Ça n'a rien à voir.
Alors, c'est comme des... la défense d'alibis, Mme la Présidente, en procès, c'est qu'un alibi vaut à partir du moment où tu l'as affirmé, mais après ça tu ne peux plus le changer. Tu ne peux pas dire: Je n'étais pas dans la pièce, j'étais avec ma mère au moment du crime, puis, après ça, woup! ta mère, elle dit: Bien, là, moi, j'étais en Floride, je ne pouvais pas être là. Là, il dit: Ah! Bien, finalement, ce n'était pas ma mère, c'était mon grand-père. Et là le grand-père n'était pas là, bien, il dit: Bien, là, ce n'était pas mon grand-père finalement, j'étais avec ma fille de deux ans puis elle ne peut pas témoigner pour vous dire qu'elle était là. Bien, c'est ça, on est placé devant ça.
J'ai eu quatre fois... À chaque fois qu'on a demandé pourquoi on a changé, on a eu quatre raisons différentes. Puis, à chaque fois, on disait: Bien, non, c'est la bonne, c'est vrai, l'autre n'est pas bonne; là, maintenant, ça, c'est la bonne.
Ça, là, dans un procès, là, quelqu'un qui fait ça, il n'a plus de crédibilité. Normalement, l'avocat dit au juge, là: Votre Seigneurie, c'est votre témoin. Il dit ça à l'autre partie, ça, ça veut dire: Ce témoin-là, là, il est foutu, il n'a plus de crédibilité. Alors, il dira ce qu'il voudra, à partir de maintenant, moi, ça n'a plus d'importance sur la véracité ou comme témoin des faits.
Bien, c'est ça qu'on a eu dans cette commission-là, et je pense que les gens de la Beauce auraient mérité la vérité. Moi, je leur ai dite en tout cas, tout le long, puis je tenais à y être parce que mon idée n'était pas faite avant d'entendre les deux couples qui sont venus nous expliquer le processus en détail. Ces gens-là m'ont convaincu que, tout le long, ils ont été dans leurs droits puis que, tout le long, on a tenté de contourner leurs droits, puis que... Dans les faits, c'étaient des gens très raisonnables, là, ce n'étaient pas des gens idéologiquement... Ils sont pour la route. C'est des gens qui sont pour la route. Ils la veulent, ils la souhaitent mais ils se sentent injustement traités parce qu'ils ne comprennent pas pourquoi on a changé le tracé. Puis, deuxièmement, c'est qu'on veut, de façon rétroactive, leur enlever leur droit de contester le pouvoir ultime du gouvernement de priver un citoyen de ses biens, de sa propriété, de ses terres. Ça, là, que je sois d'accord ou pas, ça, j'ai le goût de le défendre, j'ai le goût de défendre ces gens-là.
Et j'ai entendu les gens de la Beauce après ça. Quand ils les ont entendus, vous avez vu, ce n'était pas... Ils ont bien témoigné, là, les maires. Ils ont dit: Écoutez... Même M. Carette, l'ancien maire, homme fort sympathique, qui défend bien sa région, puis c'est bien d'avoir des gens comme ça, il a dit: Écoutez, je les ai entendus ce matin, c'est fort. Il n'a pas dit qu'il était d'accord avec eux mais il a bien vu que ces gens-là, c'étaient des gens qui étaient argumentés, là. Ce n'est pas des gens qui arrivaient du champ gauche puis qui tentaient de contourner quoi que ce soit, là. C'étaient des gens qui étaient déterminés, qui étaient essoufflés par contre, puis qui se voyaient victimes. Et, dans les faits, c'est le cas. Et que le ministre en rajoute quand il va dans la région, ça, il vivra avec ses paroles. Moi, je peux vous dire que je n'aurais pas fait ça. Puis il n'y a aucun de mes collègues qui aurait fait ça.
Et lui et les anciens ministres du Transport, ils devraient plutôt prendre le temps, là, qu'on a aujourd'hui pour m'expliquer pourquoi on a autant traîné, pourquoi on a rejeté le tracé qui faisait l'unanimité, pourquoi, de 2003 à 2010, on n'a pas fait ce qu'on avait à faire pour éviter cette contestation-là? Pourquoi, par exemple, on n'a même pas proposé encore à ces gens-là de leur payer au moins leurs honoraires de contestation. Pourquoi on n'a pas fait ça?
Une voix: ...
M. Bédard: Bien, je suis content, le ministre va répondre. Donc, c'est là-dessus qu'on devrait le faire, Mme la Présidente. Et, le ministre, il devra toujours porter le fait qu'un jour il a défendu -- j'essaie de choisir le mot parlementaire, Mme la Présidente, parce que le mot qui me vient, il n'est pas parlementaire -- a défendu le fait qu'on n'ait pas respecté les lois en accablant des gens qui, eux, réclament le bénéfice de cette loi-là pour eux. Ce n'est pas du gros courage. Si le ministre était allé en Beauce pour dire: Écoutez, on a merdé, là, honnêtement, là, on s'est trompés, on a mal fait notre travail, on aurait pu mieux faire, puis il prend le risque... Moi, des fois, j'ai des employés. Je suis au cabinet du leader, il y a des gens qui se trompent des fois. Je n'ai jamais dit à quelqu'un d'autre: C'est la faute de mon employé. Les avocats, ils apprennent ça vite, tu ne dis jamais à un client: C'est la faute de ma secrétaire, parce que ça t'assure que le client, il va dire: Bien, la prochaine fois, tu n'auras pas à me dire ça, mon homme. On dit: C'est de ma faute. Puis on prend... C'est ça, la responsabilité ministérielle, c'est de dire: J'assume ce qui s'est passé, mais ça n'arrivera plus. Puis les gens lui auraient pardonné. Les gens, ils auraient dit: Bien, là, on va peut-être corriger cette erreur-là puis maintenant on va faire différent. Et, comme tout le monde s'entend sur ce projet de loi là, on serait arrivés à un résultat qui serait à la hauteur de ce que mérite la Beauce, mais de ce que méritent nos lois, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député de Chicoutimi. Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise à 15 h 4)
La Présidente (Mme L'Écuyer): À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Je déclare la séance -- n'allez pas chercher les transcripts -- de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. S'il vous plaît, ne pas oublier comme ce matin.
La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, Loi concernant la construction d'un tronçon de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges.
Nous en sommes toujours aux remarques préliminaires, et le prochain est -- il ne faut pas que je dise son nom -- M. le député de Matane, pour 20 minutes.
M. Pascal Bérubé
M. Bérubé: Merci, Mme la Présidente. Je veux, d'entrée de jeu, saluer le ministre, les collègues parlementaires qui l'accompagnent, les gens de son équipe, mon compatriote gaspésien Steeve, que je me permets de nommer, originaire de la même région que moi, ancien président de la jeunesse d'un parti politique comme moi -- ça crée des liens -- saluer mon collègue porte-parole en matière de transport et mon collègue député de Johnson.
C'est la deuxième fois que j'ai l'occasion d'intervenir concernant le projet de loi n° 2, la Loi concernant la construction d'un tronçon de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges, sur une question de principes, sur une question de valeurs, de représenter des citoyens qui ont besoin, dans ce cas-ci, ultimement de l'intervention de l'opposition officielle pour faire respecter leurs droits.
Rappelons que les citoyens se sont prévalus de leur prérogative en allant devant la justice et en remportant des jugements importants. Et le gouvernement a choisi une avenue qui fait en sorte de passer outre les gains en justice qu'ont fait ces citoyens-là. Alors, le rôle des parlementaires de l'opposition, c'est de représenter les citoyens, de faire entendre leur voix, de les représenter ici, à l'Assemblée nationale, que ça soit en Chambre, que ça soit en commission parlementaire, en étude de projet de loi, sur des principes qui nous animent, des principes d'équité, de justice, d'équilibre aussi -- je pense qu'on peut utiliser le terme «équilibre» -- pour des citoyens qui en ont bien besoin. Qu'ils soient quatre ou qu'ils soient 10 000, les principes sont les mêmes; ils ne sont pas variables là-dessus. Je crois que c'est le rôle que je veux jouer. C'est le rôle de parlementaire, c'est défendre également les citoyens contre l'arbitraire. Souvent, on le fait à travers l'appareil gouvernemental comme député dans chacune de nos circonscriptions. On peut trouver parfois que les décisions qui sont prises ne sont pas équitables, ne sont pas justes, et c'est notre devoir de faire entendre la voix des citoyens du mieux qu'on peut et, ici, à travers les outils législatifs qu'on a.
Peut-être rappeler que je suis un député qui est bien au fait de l'importance d'une autoroute, rappeler que Matane attend depuis des années le prolongement de l'autoroute 20, qui arrête à Cacouna. Il y a d'autres tronçons pour les rattacher, alors, évidemment, je suis à même de comprendre les Beaucerons qui ont besoin de cette autoroute pour leur développement économique. C'est le même argumentaire qu'on a chez nous également. Une autoroute, ça fait la différence sur le flux des citoyens, du commerce, également psychologique, hein? Lorsqu'on a une autoroute, il me semble que ça donne de la confiance. Et évidemment on est pour ce projet de loi là, on l'a manifesté, mais le gouvernement comprendra qu'on a un rôle à jouer qu'on assume, un rôle sérieux. de représenter les gens. J'ai entendu toutes sortes de choses quant à nos intentions, Mme la Présidente: d'abord, qu'il y avait, notamment, une volonté de faire des gains, avoir des gains électoraux. Je vous rappelle une chose: le groupe de personnes qui manifestent pour l'autoroute est beaucoup plus nombreux que le nombre de groupe... que le groupe qu'on défend, alors, ce n'est pas racoleur, ce n'est pas électoraliste. On connaît nos résultats historiques en Beauce. On accepte le fait que les gens ont fait d'autres choix en Beauce. C'est une question d'humilité. Je connais bien l'histoire politique de la Beauce qui a fait des choix, à travers les années, qui sont différents.
D'ailleurs, aucun parti ne peut prendre pour acquis la Beauce, Mme la Présidente. Vous vous souviendrez que, dans le passé, plusieurs partis ont représenté la Beauce: le Parti créditiste, entre autres, le Parti national populaire, avec Fabien Roy, à l'époque, qui était chef de parti. Il y a eu le Parti libéral pendant 20 ans. Et, en 2007, les Beaucerons ont envoyé un autre message. Ils ont élu le député de Beauce-Nord. Ils ont élu le député de Beauce-Sud qui était avec l'Action démocratique du Québec.
Une voix: 2003.
**(15 h 10)**M. Bérubé: 2003? Dès 2003. Bien, 2003, je me suis trompé de quatre ans. Alors, voilà. Donc, tout ça pour dire que cette région-là n'est pas acquise politiquement à personne. Et, au fédéral, même chose: il y a eu un député indépendant, M. Bernier; il y a eu le Parti libéral du Canada, avec M. Drouin; il y a eu le Parti conservateur.
Alors, c'est une région qui est fière, une région qui est authentique et qui s'attend à ce que les formations politiques se présentent telles qu'elles sont. Alors, nous, on n'a jamais eu peur d'aller parfois face à l'adversité pour faire respecter des choses qui nous apparaissaient essentielles.
Je prends un exemple qui me touche dans ma région, toute la question des avantages fiscaux pour les régions ressources. On sait très bien que c'était nécessaire dans plusieurs régions du Québec, et en Beauce et dans Chaudière-Appalaches, il y avait des critiques sur ce projet-là. Alors, qu'est-ce qu'on a fait? On n'a pas changé notre discours. La chef de l'opposition officielle, la chef du Parti québécois, s'est rendue à Saint-Georges de Beauce présenter notre position, sachant qu'elle ne ferait pas l'unanimité, mais en disant: Voici les valeurs auxquelles on croit, elles sont authentiques, et puis on savait que ça ne serait pas facile. Alors, on l'a fait. Puis on sait que ce n'est pas facile non plus pour ça, mais défendre des principes, hein, des principes, je pense que c'est ce à quoi s'attendent les gens qui nous ont élus à l'Assemblée nationale.
Et la majorité gouvernementale fera en sorte que le projet de loi n'est pas menacé à terme, là. Le gouvernement est capable d'utiliser sa majorité pour faire adopter ce projet de loi là. D'ailleurs, il ne s'en n'est pas privé dans bien des cas. J'ai encore en tête, notamment, tout l'épisode des procureurs de la couronne. Alors, il est capable de le faire, et il le fera. Et il entend ce qu'on a à dire là-dessus, puis je pense que les échanges se passent plutôt bien à date. J'ai lu les différents échanges qui ont eu lieu. Et, si c'était seulement, disons, là, de flairer le vent là-dedans qui nous intéressait, bien, on aurait choisi peut-être une cause plus populaire. Alors, on le fait. C'est une question de principe, puis je veux que les gens nous sentent sincères là-dedans parce que c'est comme ça que, moi, j'aborde cette question-là.
Alors, oui, une autoroute, c'est important. On aimerait bien avoir la nôtre éventuellement aussi. J'espère voir ça dans un horizon rapproché. On a adopté des résolutions, nous, à Matane, également avec nos compatriotes, la ville de Matane, la chambre de commerce pour qu'on puisse avoir une route qui puisse relier un peu deux axes que sont l'axe nord-sud, l'axe nord-sud avec le développement... avec la Côte-Nord, et l'axe est-ouest avec le Bas-Saint-Laurent.
Vous dire également que cette tradition-là d'être le rempart, d'intervenir pour faire respecter les droits des citoyens, on le fait de façon, cette fois-là, plus publique, mais on le fait à travers aussi bien des relations qu'on a avec les ministres.
Vous dire également qu'on comprend que c'est une autoroute qui est attendue depuis, quoi, 40, 50, 60 ans même. Donc, il y a différents gouvernements successifs qui ont représenté la Beauce et qui ont, à leur façon, tenté de faire progresser ce dossier-là, de tous partis, du Parti québécois mais également du Parti libéral, y compris le gouvernement auquel appartenait le député de Beauce-Sud de 1985 à 1994. Alors, on plaide l'urgence, certes, mais ce n'est pas d'hier, là, qu'on attend. Et comme, la plupart du temps, c'était représenté, disons, dans les 20 dernières années, par des députés du parti gouvernemental, on comprend que ce n'était pas si facile que ça. Alors, on y arrive, on est tout près, mais ce n'est pas question quand même, là, d'abandonner des principes fondamentaux qu'il nous faut défendre.
Je me permets également d'utiliser cette tribune-là pour répondre à la ministre responsable de ma région qui a indiqué -- je crois que c'est hier -- en réponse au débat sur le nucléaire, c'était assez inusité d'ailleurs, que notre position quant à ce projet de loi là était une mesure antirégion. J'ai entendu ça. Je ne sais pas si le ministre l'a entendu. Je pense qu'on peut... que c'est excessif, c'est abusif. Ce n'est pas antirégion. On est pour le projet.
Moi, je ne me formalise pas qu'elle dise, cette ministre, dans L'Actualité, dans un grand portrait qui lui était consacré, comme étant... comme ministre, là, son parcours politique... que sa première raison pour faire de la politique, et je la cite, c'était d'abord pour le premier ministre et, ensuite, de concéder que c'était aussi pour la région. Ça, c'est tel quel dans le texte. Alors, je ne m'en suis pas formalisé; j'avais compris qu'on fait de la politique tous pour nos régions, pour le développement de notre coin de pays. De toute façon, les gens sont bons juges de ça, et, quand ils nous... ils procèdent à l'élection des députés, ils ont raison puis, quand ils décident de les battre, ils ont raison aussi.
Moi, j'ai connu la défaite en politique, j'ai connu la victoire. Dans les deux cas, ils avaient raison, Mme la Présidente. Il faut faire preuve d'humilité, puis on est tous attachés à nos régions, attachés à notre fonction de député, et puis ça ne fait pas exception dans ce projet de loi là. Alors, c'est comme ça que j'aborde ça. Puis il faut rejeter d'entrée de jeu toute intention qu'on nous prête, puis je ne tâcherai pas d'en prêter au gouvernement, sinon de dire qu'il aurait sûrement, sûrement aimé qu'on puisse procéder différemment, différemment avec un... disons, en excluant des contestations juridiques.
Je pense que son premier choix était celui-là. Il est face à ce qu'on appelle la «real politics» qui fait en sorte qu'il décide de prendre une décision puis trancher. Je respecte ça, c'est un choix gouvernemental. Mais également, nous, on a fait un choix de dire qu'on ne peut pas laisser passer ça tel quel. Alors, c'est comme ça, moi, que je veux aborder, devant le ministre, devant nos collègues, le rôle de chacun. Puis le rôle de l'opposition est un rôle qui est parfois... qui peut paraître dur, mais c'est le rôle de l'opposition. Moi, je me souviens très bien, pour avoir suivi ça à l'époque, comment les députés de l'opposition, à l'époque où le Parti libéral était dans l'opposition, étaient capables, eux aussi, d'avoir des critiques qui pouvaient paraître dures mais qui étaient souvent justifiées quand on fait abstraction de part et d'autre des choses qui ne sont pas essentielles au débat.
Pourquoi c'est important dans ce cas-là? Notamment, un aspect que je veux souligner, qui est celui de l'expropriation. On y a fait référence. On retire à deux groupes de citoyens de la Beauce le droit de contester l'expropriation dont ils pourraient faire l'objet dans le cadre d'un projet du prolongement de l'autoroute 73.
L'expropriation, pour un Gaspésien, c'est un mot fort, Mme la Présidente. Il y a un peu plus de 40 ans cette année, on se souvient de cette mesure funeste qui a été adoptée en Gaspésie et à Mirabel: on a exproprié des citoyens notamment du territoire actuel du parc Forillon. Ce n'était pas un épisode qui a grandi les gouvernements de l'époque. Les gens dans ma région ont encore ce traumatisme-là. Je me suis réjoui, moi, qu'on reconnaisse, plus de 40 ans après, que c'était une erreur. Je veux souligner, vous ne m'entendrez pas souvent le faire, que le Parti libéral du Canada a reconnu que sa formation politique avait commis une erreur et s'est excusé auprès des Gaspésiens. C'est digne de mention. C'était le gouvernement de M. Trudeau qui était là à l'époque. Alors, ils l'ont fait à la Chambre des communes, à Ottawa; ils ont adopté une résolution pour dire que: l'expropriation, plus jamais. Le député Raynald Blais, qui était député de Gaspésie--Les Îles, a fait une belle démarche, et la Chambre des communes a statué là-dessus.
Avec mon collègue député gaspésien de Gaspé, on a décidé de poser un geste. On va le faire à l'automne. Je vous l'annonce, que cet automne on va travailler ensemble à reconnaître que le gouvernement du Québec avait aussi un rôle à jouer. Par contre, on ne s'est pas entendus sur le responsable. Alors, ce sera l'Assemblée nationale d'abord qui va statuer là-dessus. Il a refusé de reconnaître le rôle de sa formation politique qui est telle... C'est elle qui a exproprié. En 1970, c'est le Parti libéral qui a exproprié, et ensuite il cédait les terres au gouvernement fédéral, au gouvernement fédéral qui, lui, aménageait le parc. Mais c'est vraiment Québec. C'est reconnu par l'ensemble des acteurs de l'époque, Me Lionel Bernier qui était l'avocat, etc. Alors, le Parti libéral, peut-être, je le souhaite, dans l'année, pourra reconnaître cette erreur d'avoir exproprié les citoyens de Forillon. Ça sera à l'image du Parti libéral du Canada. Je le souhaite vraiment.
Alors, ce n'est pas une mesure à prendre à la légère, l'expropriation. Je pourrais vous parler de tout l'arrière-pays, tout l'arrière-pays de la région de Matane: je pense à Saint-Paulin-Dalibaire, Saint-Thomas-de-Cherbourg, Saint-Nil, Sacré-Coeur-des-Landes, Saint-Bernard-des-Lacs, des municipalités qui ont également été expropriées dans les années soixante-et-dix par le Parti libéral du Québec, par le gouvernement de l'époque. Alors, ce n'est jamais heureux comme procédure, l'expropriation, puis, pour un Gaspésien, moi, ça me parle beaucoup.
Dans cette affaire, bien, il y a les pouvoirs publics qui sont représentés par le gouvernement du Québec, il y a le ministère des Transports, la Commission de protection du territoire agricole qui, quant à nous, bien, ont tous un peu échoué dans leurs tentatives de trouver une façon acceptable de bien mener ce projet-là, une série d'erreurs qu'on pourrait qualifier de grossières, qui ont fait en sorte que les contestataires du tracé privilégié par le gouvernement du Québec depuis 2004 appelé «tracé» ont remporté une série de victoires, plusieurs notamment devant le Tribunal administratif du Québec, la Cour supérieure, cette dernière ayant annulé un décret adopté par le Conseil des ministres, un événement qui, à ma connaissance, est plutôt rarissime. Ça ne doit pas arriver très souvent. Je ne sais pas si on a, à travers les débats, là, sorti une liste de moments dans l'histoire parlementaire où c'est arrivé, mais ça ne doit pas être très courant, Mme la Présidente, qu'une telle chose se produise.
Puis, en bout de ligne, bien, probablement par peur de perdre la décision en Cour supérieure, le gouvernement a déposé un projet de loi pour imposer le tracé contesté. On reconnaîtra ça, c'est une exception à une procédure qui elle-même, en soi, est assez exceptionnelle. Alors, vous voyez bien que cet enjeu-là va au-delà du tracé de l'autoroute, question de principe, question de justice, question d'équité, question d'équilibre entre des gens qui légitimement contestent un tracé qui va chambouler leurs vies, leurs terres, le choix de la ruralité qu'ils ont fait.
Je peux vous le dire, moi, je l'ai vécu dans ma région. Dans le domaine de l'éolien, ce n'était pas facile de trouver une façon de reconnaître l'acceptabilité sociale. Les gens qui n'avaient pas choisi, par exemple, d'avoir des éoliennes autour de chez eux, quand ça s'est fait autour de 2004, 2005, je peux vous dire qu'il y avait des drames qui se sont vécus là. Et je suis assez convaincu, à lire un peu les réactions des gens qui sont touchés, qu'il y a déjà des drames qui se jouent là. C'est allé même assez loin. On a même, dans certains cas, là, menacé leur intégrité physique. Je passe rapidement là-dessus mais il faut quand même le dire.
**(15 h 20)** Alors, la loi proposée sera également rétroactive. À travers l'étude que j'en ai faite, j'ai découvert ça. Alors là, c'est la totale. Mme la Présidente, cet enjeu-là va bien au-delà du tracé. Ce n'est pas la première fois qu'on a à manifester notre désaccord face à l'arbitraire. L'arbitraire s'est manifesté sur le dossier d'Orford, entre autres, sur les frais de scolarité, sur différentes mesures. Il y a une façon de faire, il y a un genre de fonds de commerce qui se manifeste là dans des occasions comme celle-là de dire: Bien, lorsque les tentatives ont échoué, on y va pour -- cinq minutes, parfait -- des coups de force, et là il y a toutes sortes de façons de communiquer à la population de façon générale, mais de communiquer à des populations ciblées qui vivent des situations, c'est plus dur. Sur les slogans, je fais confiance au gouvernement: il y en a eu plusieurs à travers les années, ils sont entendus, mais, dans le réel, ça ne passe pas toujours pour les citoyens.
Alors, je voudrais parler du Barreau. Le Barreau du Québec, là -- je parlais tantôt d'une mesure exceptionnelle -- n'intervient pas de façon frivole. Lorsqu'il le fait, c'est parce qu'il y a des éléments qui lui apparaissent... de l'action gouvernementale, la législation, incompatible avec le respect de la loi. Alors, c'est une institution noble, dont plusieurs membres de cette Assemblée, l'Assemblée nationale, sont membres. D'ailleurs, vous savez que l'attachement est grand. Il y a même du perfectionnement, durant les années de parlementarisme, où les juristes peuvent suivre des cours pour leur permettre de poursuivre, là, leur engagement à la suite d'une carrière politique ou même poursuivre leur connaissance du droit, là, pendant qu'ils sont parlementaires. Alors, ils sont très attachés au Barreau. Je pense que c'est comme un ordre des ingénieurs, c'est comme un ordre professionnel. Ça fait la fierté des gens qui en sont membres.
Et le Barreau s'est exprimé là-dessus. On a copie d'une lettre qui est adressée au Procureur général, au ministre de la Justice, et qui le met en garde face à la façon de procéder. Le ministère a certainement apprécié cette lettre-là et décidé de faire un choix, encore une fois. Il y a des signaux, là. Il y avait des signaux... il y avait des lumières jaunes, puis là c'est des lumières rouges, mais il fonce quand même. Alors, c'est un choix gouvernemental. On est en désaccord, mais ultimement le gouvernement utilisera sa majorité pour faire adopter cette pièce de législation là. Je veux mettre ça en perspective.
Alors, j'ai entendu également les propos du ministre quant à... un peu une diatribe presque belliqueuse qui rappelle le président américain Bush: Si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous. Je crois qu'il a eu l'occasion de nuancer sa pensée sur cette question-là. Je ne sais pas s'il est d'accord avec moi?
Des voix: ...
M. Bérubé: Non, il le maintient? Il le maintient. Alors, je...
Des voix: ...
M. Bérubé: Oui. Alors, de façon belliqueuse, alors je trouve que ça, pour un ministre qui souvent accuse une formation politique qui a comme objectif l'émancipation nationale d'un peuple -- c'est une belle cause -- de diviser les Québécois, quand je regarde leur taux de participation à 80 % contre, je trouve que ça divise pas mal les Québécois, ça, Mme la Présidente. C'est très divisif, leur action gouvernementale. Alors, je trouve que ce genre de phrase là... Peut-être que le ministre aura l'occasion de la nuancer à nouveau, lui qui est doué de plein de talents. Tout à l'heure, je le taquinais un peu sur un article qui a paru. Je fais amende honorable, je lui dis devant lui que j'avais fait référence à un texte, un texte de Patrick Lagacé, je lui dis ça par intégrité, devant lui. Je sais qu'il saura l'accepter, mais quand même. Je citais un texte où on le taquinait à l'effet que c'était un véritable homme d'esprit universel. J'arrête là, il sait que ce n'est pas très malin, mais c'est pour le taquiner un peu.
D'ailleurs, vous vous taquinez, là, je pense, le porte-parole en opposition puis le ministre, à l'occasion, puis c'est, semblerait-il, très agréable.
Des voix: ...
M. Bérubé: Alors...
La Présidente (Mme L'Écuyer): ...tu dis ça puis tu éclates de rire!
Une voix: ...chef de cabinet.
M. Bérubé: Non, non, mais le ministre sent en tout cas, là, ma volonté de mettre en perspective certains éléments.
Je vais terminer parce qu'il me reste à peu près une minute quelque. Une question de principe: de faire respecter des gens qui n'ont plus de tribune pour le faire. La justice est épuisée. Alors, moi, c'est ce que je voulais venir faire cet après-midi: dire au ministre que je suis convaincu qu'il aurait aimé une avenue différente, il aurait aimé faire ça de façon différente. Là, il a une pièce de législation à faire adopter à toute vitesse; on est contre, ça va quand même passer. On est pour le projet de loi, mais je veux lui réitérer qu'à chaque fois, à chaque fois qu'on sentira qu'on bafoue la loi, la légitimité des citoyens de contester, on sera là pour faire respecter les principes fondamentaux qui guident notre formation politique depuis que cette homme à ma droite, qu'on ne voit pas parce qu'il n'y a pas de caméra, M. Lévesque, a fondé ce parti-là. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député de Matane. Je cède la parole maintenant au député de Johnson pour les 20 prochaines minutes. M. le député de Johnson.
M. Etienne-Alexis Boucher
M. Boucher: Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. En commençant, je tiens à vous saluer, Mme la Présidente, de même que l'ensemble du personnel, là, de la commission parlementaire transports et environnement qui nous permet finalement de tenir ces débats, ces travaux, qui sont très importants. Je prends aussi le temps -- je pense que... je ne me rappelle pas l'avoir fait lors de ma première intervention sur le projet de loi n° 2, lors de l'adoption de l'étude du principe -- de saluer le ministre, le ministre, à l'heure actuelle, le ministère des Transports, de même que l'ensemble des collègues de la partie ministérielle qui font un bouleau pas toujours facile. Même chose de la part du collègue de Beauce -- bonjour, cher collègue de Beauce -- de même que les collègues de ma formation politique.
Ça me fait évidemment très plaisir d'intervenir sur ce projet de loi là qui est important, je le disais tantôt. Ça me fait d'autant plus plaisir parce que les travaux de la commission parlementaire, qui ont eu cours jusqu'à présent sur ce projet de loi là nous ont permis de découvrir plusieurs choses. La première, c'est que, contrairement au dire de la partie gouvernementale, contrairement au dire du ministre même, le Parti québécois n'est absolument pas contre l'autoroute, le prolongement de cette autoroute, le développement des régions de la Beauce... ou enfin n'est absolument pas contre ce prolongement, au contraire.
Évidemment, je ne connais pas aussi bien la séquence que des gens très impliqués comme, par exemple, Mme Bilodeau, mais cette dernière, lors des travaux de la commission parlementaire, mentionnait plusieurs dates, plusieurs études d'impact qui avaient été réalisées sur le tracé ouest, dit tracé de référence. Alors, il y a eu une première étude d'impact en 1973, le gouvernement libéral. Il y en a eu une deuxième en 1979, hein, c'est drôle, le gouvernement du Parti québécois. Il y a eu une troisième étude d'impact réalisée en 1982, encore le gouvernement du Parti québécois. On ne peut comme pas penser, avec tous ces gestes-là, que le Parti québécois ne désirait pas voir l'autoroute 73 prolongée en Beauce.
Évidemment, il y a toute une correspondance, entre 1976 et 1988, entre les expropriés, le ministère des Transports, la commission de protection du territoire et des activités agricoles, les villes qui étaient visées, etc. Ça, c'est un 12 ans durant lesquels le Parti québécois a été au gouvernement durant neuf ans, neuf ans sur 12, hein? Il y a aussi de nombreuses résolutions municipales qui ont été adoptées en 1996. Et, si je me rappelle bien, 1996 était l'année qui suivait l'année où s'est tenu le référendum volé de 1995.
Une voix: ...
M. Boucher: Bien non, il n'y a rien d'antiparlementaire. De toute façon, ça n'a rien à voir avec ici. Et on pourrait parler du respect de la démocratie par le gouvernement fédéral et de l'option du non, si vous voulez, ça va me faire plaisir, mais je ne pense pas que c'est l'objet...
Une voix: Mme la Présidente, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il y a une personne qui a parole...
Une voix: L'article 32, l'article 32, le décorum.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il y a une personne qui a la parole. S'il vous plaît!
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Oui, ça, ce n'est pas pire, puis ça, c'était ouvert à part de ça.
M. Boucher: Tout à fait. Alors...
Une voix: ...
M. Boucher: Donc, je vous remercie, Mme la Présidente, de me permettre de revenir sur la question de l'étude du projet de loi n° 2, qui concerne l'autoroute. On a même notre collègue de Beauce -- de Beauce-Nord, oui -- qui nous faisait remarquer que le fameux tracé est, la première étude concernant ce tracé-là a été réalisée sous un gouvernement du Parti québécois, en 1998. Évidemment, le Parti québécois avait de tout temps, bon, travaillé sur le tracé ouest, mais, vous savez, un gouvernement responsable se doit évidemment d'étudier l'ensemble des options qui sont à sa portée, l'ensemble des possibilités quant à, par exemple, le prolongement d'une autoroute.
Et, à ce titre, notre gouvernement avait jugé nécessaire d'étudier une alternative au tracé ouest, un tracé qui avait fait l'objet de nombreuses études d'impact, comme je l'avais mentionné, et de nombreux décrets gouvernementaux. On cite un décret en 1981. Oh! surprise, c'est encore dans le gouvernement du Parti québécois.
Alors, à un moment donné, de voir la partie gouvernementale continuer de proclamer que le Parti québécois est opposé finalement au prolongement de l'autoroute 73, est opposé au développement de la Beauce et de même que de l'ensemble des régions, c'est un peu faire fi, faire fi de la réalité des faits, Mme la Présidente. C'est un peu faire fi de ce que le gouvernement du Parti québécois a posé comme geste, des gestes qui sont tout à fait vérifiables, hein, et enregistrés. Il y a de la document qui est liée à ça.
Ça me fait aussi plaisir d'intervenir sur ce projet de loi là que je suis de très près. Évidemment, Mme la Présidente, je ne pourrais pas vous assurer que je le suis depuis le début, puisque le projet de l'autoroute 73 est né aux alentours de 1973, justement. Or, en 1973, je n'étais même pas, je pense, à l'étape d'être un projet, ma soeur aînée elle-même n'ayant pas été... n'ayant pas vu le jour, soeur aînée que, d'ailleurs, je salue. Elle fait certainement partie des foules en délire qui nous écoutent. Il n'y a pas que des Beaucerons d'ailleurs qui seront intéressés par cette question, par la question du prolongement de l'autoroute 73.
**(15 h 30)**M. Grondin: ...contestation.
M. Boucher: Ah! Peut-être, peut-être. Ça reste à voir. Évidemment, on ne peut pas réécrire l'histoire.
Alors, au cours... Bon, et une dernière chose qui me fait plaisir: de suivre ce dossier de façon un peu plus particulière, évidemment comme membre de la Commission de transports et environnement, mais aussi comme attaché politique, alors que, de 2003 à 2007, j'ai eu le plaisir de travailler au sein du bureau de mon prédécesseur, l'ex-député de Johnson, et c'est à ce moment-là que j'ai eu... qu'on a vu, finalement, toute la séquence, finalement, du prolongement ou des méthodes du gouvernement actuel un peu... faire en sorte que, finalement, ce tracé-là... le prolongement ne pouvait être que retardé, alors qu'on avait un trajet qui avait à peu près l'ensemble des autorisations, ou de nombreuses autorisations, notamment au niveau de la commission de la protection du territoire et des activités agricoles. Le gouvernement actuel, arrivé au pouvoir en 2003, a décidé de modifier, modifier le tracé en 2004, hein? Il y a eu des assemblées publiques, et c'est finalement en 2004 que cette décision a été prise de non plus favoriser le tracé de référence, dit tracé ouest à l'heure actuelle, mais bien le tracé est. Évidemment, un tel changement de position, à la base, ne peut que générer des délais supplémentaires, hein? On s'entend. Un délai qui, par exemple, est lié à une nouvelle autorisation de la commission de la protection du territoire et des activités agricoles du Québec. Par exemple, lorsqu'il a voulu faire... demander l'avis de la CPTAQ en avril 2006, il n'avait pas attendu les conclusions du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement qui portaient sur ce même tracé, le tracé est. Ce même BAPE a rendu public son rapport le 27 mars 2007, Mme la Présidente, et sa principale recommandation, du BAPE et non de la CPTAQ -- et c'est un drôle de paradoxe et on va le voir un petit peu plus loin -- était à l'effet que le ministère se devait de rechercher des solutions de façon à tendre vers aucune perte nette de superficie cultivée pour les exploitations touchées, hein? Et là, je tiens à le dire, là, c'est le BAPE qui l'a dit et non la CPTAQ, alors que c'est à la CPTAQ de s'assurer de la protection du territoire et des activités agricoles. Bon.
Le 13 juillet 2007, la CPTAQ, malgré l'avis du... et malgré les recommandations du Bureau d'audiences publiques de l'environnement, a confirmé, a donné un avis positif quant à la possibilité de procéder au tracé est, malheureusement, et comme je le disais, sans faire aucune référence à la recommandation principale du Bureau d'audiences publiques de l'environnement dont la mission n'est pas de protéger le territoire agricole mais qui le rappelait à l'organisme dont c'est véritablement la mission. Tel que le prévoit la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, soit par l'entremise de l'article 21.1 qui encadre les activités de la CPTAQ, les citoyens concernés pouvaient contester cette décision-là devant le Tribunal administratif du Québec, ce qu'ils ont fait. Et vous savez quoi, Mme la Présidente? Le Tribunal administratif du Québec, qui est quand même une instance extrajudiciaire, leur a donné raison le 17 juillet 2008. C'est alors que le TAQ, le Tribunal administratif, a renvoyé la CPTAQ et le ministère des Transports à leurs devoirs. Le 15 mars 2009, la CPTAQ a reconfirmé son appui au tracé est, soit le 15 avril 2009, tracé... ou plutôt décision, qui confirme le tracé est, qui est à nouveau contestée devant le Tribunal administratif du Québec, une contestation qui, encore une fois, est prévue par la loi, Mme la Présidente.
Malheureusement, malheureusement, alors qu'il y avait une cause pendante devant les tribunaux, c'est-à-dire que le Tribunal administratif du Québec avait prévu, pour janvier 2010, les audiences durant lesquelles les citoyens et le gouvernement devaient faire valoir leur point de vue, ou enfin seulement les citoyens, devant le Tribunal administratif du Québec, le gouvernement a adopté le décret 1180-2009 qui permettait le début des travaux en sus de la cause pendante devant le Tribunal administratif du Québec. Bon. Évidemment, c'était quand même quelque chose d'exceptionnel, hein, de procéder à un décret, alors même qu'il y avait des démarches, des démarches judiciaires qui avaient été entreprises devant, encore une fois, une instance quasi judiciaire.
Évidemment, ça peut relever de l'anecdote, sauf si l'on considère important le fait de respecter des principes aussi fondamentaux à notre système politique, notre système démocratique qui est, par exemple, la séparation des pouvoirs, hein, un principe qui a été institué par Montesquieu et qui donc s'appelle la croix de Montesquieu et qui dit que les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire doivent se contrebalancer et ne doivent point résider finalement dans les mains d'un seul homme, comme c'était le cas, par exemple, lorsque le dirigeant de l'État était un roi.
La Cour supérieure a été saisie de l'affaire... la Cour d'appel, pardon, et a rendu un jugement, rendu un jugement le 3 novembre 2010, et là, Mme la Présidente, je cherche mon jugement, un jugement qui dit... et là je vous fais grâce de l'ensemble de l'argumentaire, là, mis de l'avant par la cour, mais qui dit que, pour tous ces motifs, le tribunal déclare «que le gouvernement du Québec, lorsqu'il a adopté le décret n° 1180-2009 le 11 novembre 2009 -- et publié le 2 décembre 2009 -- n'a pas respecté -- écoutez, "n'a pas respecté", c'est quand même... c'est évident, écrit noir sur blanc, il n'a pas respecté -- la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles».
Et là, évidemment, je vous ferai grâce des explications que vous ont déjà données, déjà données les collègues sur l'importance de voir le gouvernement du Québec exercer son pouvoir en fonction du cadre législatif en place. C'est au gouvernement de donner l'exemple à ses citoyens, hein? Le «fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais», ça ne marche pas. Ça ne marche pas. Ça ne marche plus, du moins si cela marchait avant. Le tribunal déclare aussi qu'il annule à toutes fins que de droit le décret n° 1180-2009 du gouvernement du Québec et qu'il ordonne, qu'il ordonne qu'il soit sursis l'application du décret n° 1180-2009 jusqu'à jugement final, c'est-à-dire finalement que les travaux de construction soient suspendus.
Lors, je disais, de la parution, ou enfin, lorsque le Barreau est venu nous faire part de ses commentaires, de son opinion quant à la validité du projet de loi ou du moins à sa nature, une question leur a été posée, à savoir: Est-ce que c'était commun, est-ce que c'était fréquent ou, même disons, ponctuel qu'une cour, dans ce cas-là la Cour d'appel, déclare invalide un décret gouvernemental? Et le Barreau lui a répondu: Exceptionnel. Ça n'arrive... à peu près une fois sur jamais. Il a donné un exemple. Il a donné un exemple, Mme la Présidente, et l'exemple qu'il a donné, c'est les décrets gouvernementaux qui ont été annulés par la cour, des décrets qui avaient été adoptés pour, disons, faciliter, pour accélérer, pour permettre la construction de la fameuse ligne électrique Hertel-des Cantons.
Et je suis très bien placé pour connaître ce dossier-là, Mme la Présidente, alors que ce décret-là, la ligne Hertel-des Cantons, passait sur le territoire du Val-Saint-François dont je suis le député, et dont le député à l'époque était Claude Boucher, qui est, pour la culture de tous et jusqu'à preuve du contraire, mon père. Alors...
Une voix: Quel âge que tu avais?
Une voix: J'ai hâte de voir les preuves.
M. Boucher: ... à ce moment-là... Bien, les preuves malheureusement, outre l'ADN, pour ce qui est de la paternité, c'est beaucoup plus un acte de foi que la maternité, elle, le permet.
Mais, vous savez, Mme la Présidente, il faut se rappeler que ces décrets-là, ces décrets-là, qui ont été adoptés pour permettre la construction de la ligne Hertel-des Cantons, visaient à sécuriser la population québécoise en approvisionnement énergétique, c'est-à-dire en approvisionnement quant à l'énergie électrique. Pourquoi? Pourquoi sécuriser... Pardon?
**(15 h 40)**Une voix: ...
M. Boucher: Pas tout à fait, M. le ministre. Peut-être en connaissez-vous plus pour l'instant. Mais surtout, c'est que le gouvernement... c'était que le Québec, en 1998, avait connu une crise presque sans précédent, une crise qui peut aujourd'hui se comparer aux inondations que vivent plusieurs citoyens, plusieurs centaines de citoyens à l'heure actuelle. Il y avait des endroits au Québec qui n'ont pas eu d'électricité durant trois à quatre semaines au minimum, Mme la Présidente. L'île de Montréal, l'île de Montréal, avec 1,5 million d'habitants, s'était vue privée d'électricité durant des jours, sinon une semaine ou deux. On peut penser qu'il s'agissait ici d'un cas de force majeure, on peut penser ici qu'il s'agissait d'une situation exceptionnelle, Mme la Présidente. Or, le gouvernement a vu ses décrets invalidés par la cour. Alors, comment...
Écoutez, je comprends le Barreau. Je comprends le Barreau de dire que ce projet de loi là est inopportun parce que de tels décrets, qui évidemment sont tout à fait particuliers, notamment sur la question de la rétroactivité ou... non, pardon, que le projet de loi qui vise à entériner le décret... que ce décret-là... qu'un tel projet de loi se devait d'être... pouvait, disons, être opportun en cas de force majeure. Or, si la cour n'a pas jugé les dégâts de la crise du verglas et des suites à y donner comme un cas de force majeure, est-ce qu'on pouvait penser qu'une autoroute, finalement, qui est dans les cartons depuis des dizaines d'années et que... Sur les 18 kilomètres totaux pour le prolongement, il y en a déjà plusieurs qui sont en chantier. Est-ce qu'on peut penser qu'il y avait une urgence nationale, quitte à passer par-dessus plusieurs droits fondamentaux des individus, de tous les individus du Québec, finalement? C'est des questions à se poser, Mme la Présidente, évidemment.
Et mon collègue de Matane me dit: Notre position, à l'heure actuelle, n'est pas très populaire, surtout en Beauce. Hein, mon collègue de Beauce me disait: Tu ne gagneras jamais en Beauce. Écoutez, cela se peut fort bien, mais il faudrait que je me présente en Beauce, ce qui n'est pas mon intention. Je suis un Estrien de coeur et d'amour et je compte bien représenter la population que...
Une voix: ...
M. Boucher: Oui, en chair et en os, tout à fait. Mais, même si nous n'avons pas... même si évidemment nous n'avons pas l'appui d'une grande majorité de la population beauceronne, nous nous trouvons en bonne compagnie, Mme la Présidente. On est en bonne compagnie. Pourquoi? Parce qu'évidemment on est du côté, finalement... on est du même avis que le Barreau du Québec qui, lui, est un expert quant au fait de valider ou de considérer opportun ou non des projets de loi. Il y a aussi la Protectrice du citoyen qui s'est prononcée... qui avait émis de fortes réserves quant à la présentation de ce projet de loi là.
Alors, on ne peut pas... malgré le fait que, dans la population beauceronne, notre position, disons, ne les convaincra certainement pas de nous appuyer à 200 % au cours des prochaines élections, on peut penser que la politique, ce n'est pas qu'une affaire de popularité, mais aussi une question de principe et de valeur.
Je m'arrêterai ici, Mme la Présidente, ça fait plusieurs signes que vous me faites comme quoi mon temps est expiré. J'en suis bien heureux, j'aurai l'occasion de revenir un peu plus tard. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député de Johnson. Y a-t-il d'autres personnes pour des remarques préliminaires? Oui, M. le député de Chambly.
Motion proposant d'entendre le Barreau de Québec
M. St-Arnaud: Mme la Présidente, s'il n'y a pas d'autres remarques préliminaires, en tout cas, de notre côté, ça complète les remarques préliminaires que nous avions à faire à ce moment-ci. Mais, avant, Mme la Présidente, avant d'entamer l'étude détaillée du projet de loi, je souhaiterais faire une motion, en vertu de l'article 244, pour que nous entendions... et je peux vous lire la motion telle que je l'ai rédigée:
Il est proposé «que, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission des transports et de l'environnement tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende le Barreau de Québec».
Alors, c'est la motion, Mme la Présidente. Je l'ai... J'ai le libellé ici.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Je vous remercie. Nous allons juger de la recevabilité.
C'est recevable. Je vous informe, pour le déroulement des travaux, que l'auteur de la motion a 30 minutes... L'auteur de la motion a 30 minutes et les représentants de chaque groupe parlementaire, 10 minutes pour les autres intervenants. Une seule intervention et aucun droit de réplique. Ça veut dire, M. le député de Chambly, que vous avez 30 minutes, et chaque autre groupe a 10 minutes.
M. St-Arnaud: ...Mme la Présidente?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Et les représentants de chaque groupe parlementaire, 10 minutes. Mais il me semble que le... Ce n'est pas... C'est ça, ce n'est pas bien, ça.
(Consultation)
La Présidente (Mme L'Écuyer): Ça fait que M. le député... M. le député de Chambly, vous avez 30 minutes. M. le député de Gouin, vous avez 30 minutes. M. le ministre, 30 minutes si vous le voulez bien. Et les autres ont 10 minutes.
Une voix: Les autres?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Les autres intervenants.
M. St-Arnaud: Tous les autres membres de la commission.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Les autres membres, tous les autres membres.
M. St-Arnaud: Tous les autres membres de la commission.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Ça vous va? Vous avez tous compris? M. le député de Chambly, 30 minutes; M. le chef... le porte-parole, 30 minutes; M. le ministre, 30 minutes; et les autres députés, 10 minutes. Ça vous va? Oui. Question de...
M. St-Arnaud: Mme la Présidente?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Oui?
M. St-Arnaud: Question de précision, de règlement, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Oui, allez-y.
M. St-Arnaud: Effectivement, ça correspond à ce qu'on m'avait donné, ce que je j'avais comme répartition...
Des voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Excusez! Il y a une personne qui a la parole. M. le député de Chambly. Allez.
M. St-Arnaud: Effectivement, Mme la Présidente, ça correspond à ce que j'avais comme répartition. Là, je pense que c'est effectivement ce que vous venez de mentionner, là, 30 minutes pour le présentateur de la motion, 30 minutes pour le porte-parole de l'opposition officielle, 30 minutes pour la ministre, et 10 minutes pour chacun des autres membres de la commission. J'aurais peut-être juste une précision.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Allez-y.
M. St-Arnaud: Je comprends, Mme la Présidente, que je vais... je peux intervenir, là, mais, si j'interviens quelques minutes... le 30 minutes n'a pas besoin d'être en continu, hein, c'est bien ça?
La Présidente (Mme L'Écuyer): C'est une intervention. Mais, si vous ne le faites pas dans une, vous ne pouvez pas reprendre le temps qui n'a pas été fait. Vous n'êtes pas obligé de faire 30 minutes, mais, si vous ne faites pas votre 30 minutes au début, vous ne pouvez pas revenir. Il n'est pas scindable.
M. St-Arnaud: Il n'est pas scindable.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il n'est pas scindable. C'est une fois, c'est une intervention de 30 minutes.
M. St-Arnaud: J'avais l'information à l'effet qu'on pouvait la scinder, cette...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Une seule intervention...
M. St-Arnaud: Est-ce qu'on pourrait peut-être, Mme la Présidente, peut-être le vérifier, parce que...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Oui.
M. St-Arnaud: ...c'est quand même assez important.
La Présidente (Mme L'Écuyer): On va vous sortir... On a une cause là-dessus, puis on va vous sortir la jurisprudence. Il y a une seule intervention. Il va la sortir. On suspend, là, tant qu'à ça?
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): On va suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 15 h 49)
La Présidente (Mme L'Écuyer): Voulez-vous ouvrir, s'il vous plaît?
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): 209, oui, O.K. Bon, la décision date du 8 juin 2004: Bernard Brodeur, temps de parole, étude détaillée, motion préliminaire, auteur d'une motion.
Le contexte: Lors de l'étude détaillée d'un projet de loi, à l'étape des motions préliminaires, un député de l'opposition officielle propose une motion préliminaire. Il demande une directive à la présidence afin de savoir s'il peut diviser son temps de parole de 30 minutes en plusieurs interventions.
La question posée: Est-ce qu'un député peut diviser son temps de parole sur une motion préliminaire en plusieurs interventions?
La décision: En vertu de l'article 209 du règlement, «un député peut s'exprimer une seule fois sur une même question». En conséquence, le député ne peut fractionner son temps de parole en plusieurs interventions. Article du règlement cité: RAN, article 209. Ça vous va, M. le député?
**(15 h 50)**M. St-Arnaud: Oui. En fait, sur le fond, oui, Mme la Présidente. C'est drôle, moi, j'avais effectivement la décision du 11 juin 2004 par le président Bernard Brodeur, mais elle ne portait pas là-dessus. C'est-u la décision 244-36 que vous venez de nous citer?
La Présidente (Mme L'Écuyer): C'est 209-1.
M. St-Arnaud: Ah, ça, c'est sur les temps de parole, 209-1.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Article 209-1.
M. St-Arnaud: Excellent.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Temps de parole.
M. St-Arnaud: Alors, c'est clair, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Temps de parole. Ça vous va?
M. St-Arnaud: Ça me va tout à fait. Je vais laisser, Mme la Présidente, à ce moment-ci, la première intervention au porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports, mon collègue de Gouin, et je reviendrai immédiatement après.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Parfait. M. Gouin, la parole...
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Gouin, la parole est à vous pour les 30 prochaines minutes. Il a changé de nom, mais...
M. Nicolas Girard
M. Girard: Alors, merci. Merci, Mme la Présidente. Je rappelle, là, la motion qui a été déposée par mon collègue de Chambly, là. Il propose qu'en vertu, là, de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission des transports puis de l'environnement tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Barreau de Québec.
Je veux dire, Mme la Présidente, d'entrée de jeu, qu'il m'apparaît important d'entendre le Barreau de Québec. Pourquoi? Parce que vous savez, Mme la Présidente, que le Barreau de Québec regroupe plus de 3 600 avocats et avocates des districts judiciaires de Beauce, de Montmagny et de Québec et que le Barreau de Québec, bien, c'est l'une des 15 sections locales de la grande famille du Barreau du Québec.
Donc, il y a donc des avocats qui pratiquent, avocats, avocates, qui pratiquent dans le district judiciaire de Beauce, puis ce serait intéressant de les entendre sur le prolongement de l'autoroute, de l'autoroute 73. Je pense que c'est tout à fait pertinent de les entendre dans le cadre de nos travaux.
Et vous savez que le Barreau de Québec, là, a pour mission d'assurer la protection du public puis de participer, avec le Barreau du Québec, à maximiser les liens de confiance entre les avocats, les avocates, le public et l'État, de surveiller l'exercice de la profession, de soutenir les membres dans l'exercice du droit, de favoriser le sentiment d'appartenance et de faire la promotion de la primauté du droit, et ce, tout en veillant aux intérêts de ses membres. Alors, c'est un peu, là, la mission, la mission du Barreau de Québec, là, qui, je rappelle, Mme la Présidente, là, est l'une des 15 sections locales de la grande famille du Barreau du Québec.
Puis je rappelle qu'il y a 3 600 avocats, là, dans les districts judiciaires de Beauce, de Montmagny et de Québec, et je pense que, dans ce contexte-là, dans le contexte du projet de loi, il nous apparaît fort pertinent de les entendre. Et intéressant d'entendre l'avis du Barreau de Québec sur le projet de loi n° 2, là, sur la Loi concernant la construction d'un tronçon de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges. Pourquoi? Bien, parce que, je l'ai dit un peu plus tôt, il y a des membres du Barreau de Québec qui pratiquent dans le district judiciaire de Beauce. Ce serait intéressant de les entendre, de les entendre surtout, Mme la Présidente, parce qu'on a eu l'occasion, dans le cadre des trop courtes consultations particulières que nous avons tenues sur le projet de loi n° 2, d'entendre la présentation du Barreau du Québec. Vous vous en rappelez, je crois que vous étiez présente lors des consultations, des consultations particulières. Je crois que c'est vous qui avez présidé ou ma collègue de Matapédia, que je me rappelle, qui avez présidé les travaux. Vous avez du moins assisté, peut-être même posé des questions.
Et, nous, ce qu'on aimerait savoir, au fond, c'est: Est-ce que les collègues du Barreau du Québec... de Québec sont du même avis que ceux du Barreau du Québec? Est-ce qu'ils trouvent normal de brimer... trouvent normal qu'avec ce projet de loi là on brime des droits à des citoyens, qu'on dépossède de biens, qu'on dépossède de terres? Je pense que leur participation à nos travaux, ce serait tout à fait pertinent. Ça amènerait un éclairage important comme ça a été le cas pour celui du Barreau, celui du Barreau du Québec. Moi, j'espère, Mme la Présidente, que le ministre des Transports va se rendre à nos arguments afin de les entendre avant qu'on débute l'étude détaillée article par article du projet de loi qui concerne la construction d'un tronçon de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges.
Je sais qu'au départ... J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, que le ministre n'en souhaitait pas, de consultations particulières, qu'une journée, c'était déjà trop, trop pour lui. Nous, on pense de ce côté-ci qu'on ne peut pas débattre, Mme la Présidente, d'un projet de loi aussi important qui a autant d'impact sans entendre tous les intervenants concernés, que ça plaise ou non au ministre des Transports. Ça m'apparaît important de le dire aux parlementaires qui participent à cette consultation puis également aux gens qui nous écoutent aujourd'hui.
Je pense... et j'en profite, Mme la Présidente, pour revenir un peu au point de vue qui a été évoqué par le Barreau du Québec, lors des trop courtes consultations particulières, pour voir un peu si le Barreau de Québec pourrait, lui aussi, là, nous amener un éclairage, un éclairage sur le projet de loi qui est en cause.
Vous vous rappelez, Mme la Présidente, puisque vous étiez présente, tout comme plusieurs parlementaires qui sont ici réunis aujourd'hui, que les représentants du Barreau étaient Marc Sauvé, qui était directeur du Service de recherche et législation au Barreau du Québec. Il y avait également Me Jean Piette, qui est président, depuis de nombreuses années, du comité du Barreau en droit de l'environnement. Il y avait également Me Jules Brière, qui est un juriste de renom, qui pratique dans la région de Québec.
Et vous vous rappelez sans doute, Mme la Présidente, que, d'entrée de jeu, lors des consultations particulières, lorsqu'a débuté la présentation du Barreau, M. Sauvé, qui est le directeur du Service de recherche et de législation au Barreau du Québec, a dit, puis je le cite, que «personne n'est contre les autoroutes, mais, on pense, au Barreau, que les actions de l'État doivent s'inscrire à l'intérieur du cadre législatif, doivent respecter la loi. Et la législation rétroactive applicable aux causes pendantes, c'est certainement, pour le Barreau en tout cas, un moment où il doit intervenir pour protéger les principes d'une société démocratique.» Et je pense que ce point de vue là est pertinent, surtout qu'on sait qu'on se retrouve avec ce projet de loi là aujourd'hui parce que le gouvernement a subi une défaite en Cour supérieure devant des citoyens qui ont simplement voulu défendre leurs droits.
**(16 heures)** Et cette démarche-là de ces citoyens-là était tout à fait, tout à fait légitime parce que le tracé de l'autoroute, là, passe sur leurs terres, et ces gens-là, on leur enlève leurs biens. Et ces gens-là ont préparé leur cause, ont travaillé, ont participé à tout un processus de consultation et ils ont présenté leur dossier devant les tribunaux et ils ont gagné. Ils ont gagné leur cause. La Cour supérieure a tranché, leur a donné raison.
Mais là on se retrouve, là, j'ai eu l'occasion de l'indiquer, dans une situation où le gouvernement, lui, est mécontent, n'est pas d'accord avec la décision parce qu'il a perdu cette bataille juridique. Puis là il veut court-circuiter le processus judiciaire, puis là on veut déposer une loi qui va, si vous voulez, annuler la décision de la cour, de la Cour supérieure. Alors donc, c'est une loi qui va faire en sorte, là... qui est rétroactive, qui enlève des droits à des citoyens qui, légitimement, ont mené une bataille, ont mené une bataille juridique, qui ont gagné. Et je pense et j'aurais souhaité que l'avis du Barreau amène le ministre à réfléchir à son projet de loi et à le retirer, à prendre du recul puis à prendre la seule décision responsable, parce que ce qu'il fait, ça n'a pas de bon sens, compte tenu des décisions qui ont été prises par les tribunaux. Et c'est comme si le ministre, bien, changeait les règles en plein milieu de la partie, et ça, je trouve ça fort particulier, fort déplorable de la part du ministre des Transports.
Et, lors de la présentation, Mme la Présidente, vous vous en rappellerez sans doute, M. Piette, qui est président depuis, là, de nombreuses années du comité du Barreau, là, en droit de l'environnement, a un peu rappelé, là, le contexte du projet de loi. Il nous a dit qu'au fond le projet de loi avait pour objectif, là, de valider rétroactivement à la date de son adoption par le gouvernement le décret n° 1180-2009 qui est daté du 11 novembre 2009 concernant la question du prolongement de l'autoroute 73 du territoire de Beauceville qui va jusqu'à celui de la ville de Saint-Georges. Le Barreau rappelle que le décret a été annulé par la Cour supérieure le 3 novembre 2010 pour des motifs, là, de non-respect par l'Exécutif, donc par le Conseil des ministres, de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, de la compétence de la Commission de protection du territoire agricole du Québec puis de la règle audi alteram partem.
Et le Barreau nous rappelait également, à juste titre, que la Cour supérieure a souligné, en décidant de se substituer à la Commission de protection du territoire agricole du Québec, là, sans respect pour les procédures qui étaient prévues par la loi, que... Il soulignait que le gouvernement a privé les demandeurs du droit d'être entendus et de contester les décisions qui les dépossèdent de leurs propriétés, puis que la cour a conclu, là, que le gouvernement n'a pas respecté des obligations procédurales, puis que le décret 1180-2009, bien, doit être annulé. C'est ça, la décision qui a été prise. Donc, la cour n'a pas donné raison au gouvernement, a donné raison aux citoyens, à des gens comme Mme Bilodeau et d'autres citoyens qui contestaient la décision du gouvernement.
Donc, le gouvernement se retrouve, là... a subi une défaite en Cour supérieure. Il y a des citoyens qui ont voulu défendre leurs droits, puis c'est une contestation qui était, puis je le répète, tout à fait légitime, prévue, normale dans notre régime démocratique parce que c'est... ce tracé-là, bien, il va passer sur leurs terres, va passer sur leurs biens, puis ça a des incidences, ça a des impacts. Puis ces gens-là, bien, ont décidé de faire respecter leurs droits, se sont préparés. Ils ont participé à différentes consultations. Ils ont gagné. La Cour supérieure leur a donné raison. Ils n'ont pas retenu l'argument puis les arguments présentés par ceux qui représentaient le ministère des Transports.
Donc, là, le gouvernement, lui, dit: Bien, moi, je ne suis pas content de la décision, je ne suis pas content, a perdu puis là veut tenter de dire: Bien, écoutez, le processus judiciaire ne nous a pas donné raison, moi, je veux imposer mon pouvoir, je vais déposer une loi, une loi spéciale puis je vais faire en sorte que la décision de la Cour supérieure, bien, elle est nulle puis elle ne pourra pas être mise en application. Alors, là, le ministre a décidé de déposer un projet de loi qui va venir annuler la décision de la cour.
Et je pense que M. Piette, quand il est venu en commission, a été clair, puis ça, je pense que ça m'apparaît important de citer ce qu'il a dit lors des consultations particulières puis je serais heureux d'entendre le Barreau de Québec pour savoir s'il partage le même avis: «Dans un régime démocratique comme le nôtre, le respect de la règle de droit, de l'indépendance de la magistrature, du rôle de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure et du droit des citoyens à l'équité procédurale sont nécessaires afin d'assurer la prévisibilité et la sécurité juridique.» Il dit très clairement qu'une législation rétroactive, bien, ça va compromettre «la sécurité juridique en ne permettant pas aux citoyens de connaître à l'avance les règles de droit qui s'appliquent à eux». C'est ce que dit le Barreau. Et ils ajoutent: «Or, les justiciables doivent normalement pouvoir connaître à l'avance les règles juridiques qui régissent leurs relations avec l'État afin de pouvoir adapter leurs comportements et [d'ajuster] leurs expectatives en conséquence.» C'est ce qu'a dit M. Piette lors de la présentation.
Et ils indiquaient que, lors de la présentation, l'adoption de lois rétroactives, là, n'est justifiable que dans des circonstances qui sont exceptionnelles où il y a un impératif d'intérêt public qui le commande. Et vous avez eu l'occasion de l'entendre, Mme la Présidente, ainsi que tous les parlementaires qui étaient réunis lors des consultations particulières, que le Barreau du Québec ne voit pas clairement le motif supérieur d'intérêt public qui serait de nature à justifier la législation exceptionnelle qui est envisagée dans le projet de loi n° 2. Et, vous savez, ce que le Barreau ajoutait, c'est que cette loi rétroactive, si elle est adoptée, Mme la Présidente, et si elle est mise en vigueur, privera d'effet une décision judiciaire déjà rendue par la Cour supérieure et trouvera application malgré la procédure pendante devant la Cour d'appel. Ça, c'est ce que M. Piette est venu nous dire lors des consultations particulières. Puis je serais heureux d'entendre le Barreau de Québec pour savoir s'il partage l'avis qui a été donné par les représentants du Barreau du Québec lors des consultations particulières.
Et, si le Barreau du Québec a eu des commentaires aussi durs face au projet de loi déposé par le ministre des Transports le 24 mars dernier, c'est parce que, de leur point de vue, puis on le partage tout à fait, le ministre n'a pas été capable de démontrer, là, de nous démontrer hors de tout doute, la nécessité d'éliminer, là, tous les recours judiciaires puis d'imposer unilatéralement le décret du tracé est de décembre 2009. Le Barreau du Québec, nous non plus, ainsi que les citoyens qui sont venus en commission parlementaire, on n'est pas dans un contexte, là, de circonstances exceptionnelles. Puis le ministre n'a pas été capable de démontrer qu'il y avait un motif supérieur d'intérêt public, là, qui justifierait le dépôt du projet de loi n° 2. Et...
M. Hamad: Question de règlement, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Oui, question de règlement.
M. Hamad: Article 212. Le député de Gouin, je sais qu'il ne fait pas ça volontairement, mais il m'attribue des choses que je n'ai pas faites quand il dit que je n'étais pas capable ou je n'ai pas voulu, etc. Alors, c'est un opinion, mais il ne faut pas qu'il m'attribue ses... Il devrait retirer ses paroles, Mme la Présidente.
M. Girard: Non, Mme la Présidente, vous comprendrez que je l'ai...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député, je vous appelle à la prudence et peut-être retirer vos paroles.
M. Girard: Je ne retirerai pas mes paroles, je vous dis que le ministre n'a pas été capable, là, de convaincre le Barreau du Québec, de nous convaincre, de convaincre les citoyens de la nécessité d'éliminer tout recours judiciaire puis d'imposer unilatéralement le décret.
Une voix: ...
M. Girard: Non, mais c'est ça. Alors, c'est... Alors, on est dans une démocratie, on...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Gouin...
**(16 h 10)**M. Girard: Non, mais, Mme la Présidente, je veux terminer. On est dans une démocratie. Le ministre a droit d'exprimer son point de vue, ainsi que ceux qui sont venus en commission. Je ne partage pas son point de vue, je l'exprime. Je pense que je fais les choses correctement, dans les règles, dans les règles de l'art, puis je ne comprends pas du tout cette question de règlement. Elle n'est pas du tout à propos, Mme la Présidente. Et je n'ai pas l'intention, et je le dis clairement, là, de retirer quoi que ce soit que je viens d'affirmer.
Je m'en tiens aux faits et je m'en tiens à des interventions, à des citations et au point de vue de l'opposition officielle.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Gouin, je veux juste vous demander d'être prudent et d'utiliser un vocabulaire moins offensant et peut-être plus parlementaire. Merci, M. le député de Gouin.
M. Girard: Alors, je vais continuer...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Continuez.
M. Girard: Je vais continuer mon intervention. Je l'ai dit, que, de notre point de vue, le gouvernement, le ministre n'a pas été capable, à notre avis, de démontrer la notion d'urgence pour justifier la nature même du projet de loi, puis que le gouvernement du Québec, là, ne peut pas se réfugier derrière l'obligation que ça fait près de 40 ans que les Beaucerons attendent le prolongement de l'autoroute pour justifier l'urgence d'adopter la loi. Puis, si c'était le cas, là, il y a bien des lois, là, qu'aurait tenté de faire voter le gouvernement du Québec pour tous ceux qui attendent une autoroute ou qui ont attendu une autoroute pendant de nombreuses années.
Je peux vous parler, par exemple, du cas que le député de Lac-Saint-Jean connaît bien: l'autoroute 175 qui se rend jusqu'au Saguenay--Lac-Saint-Jean. Le gouvernement, dans ce cas-là, puis j'ai eu l'occasion de le mentionner, n'a pas adopté une loi spéciale, là, pour cette autoroute-là. Il n'a pas privé, Mme la Présidente, aucun citoyen de leur droit de contester le tracé, on n'a pas brimé personne, puis pourtant, là, vous le savez, Mme la Présidente, puis les députés de l'Assemblée nationale le savent, puis les gens de la région le savent, cette autoroute-là, là, elle était réclamée depuis des années par les gens de la région. Puis le député de Chicoutimi, ce matin, quand il est venu faire une intervention, est venu nous le rappeler avec justesse.
Et, ce projet de loi, et c'est ce que le Barreau est venu dénoncer, puis je voudrais entendre le point de vue du Barreau de Québec là-dessus, ça vise à enlever un droit de manière qui est rétroactive. Puis, nous, comme le Barreau... comme le Barreau, le ministre a le droit de ne pas être d'accord, mais, nous, on n'embarque pas là-dedans. On n'embarque pas là-dedans. Alors, on l'a dit clairement lors des consultations, on l'a dit clairement lors de l'adoption du principe, on le dit clairement dans le cadre de l'étude détaillée de ce projet de loi.
Puis, vous savez, en commission parlementaire, eh bien, M. Piette, lui, nous indiquait, et je le cite, là, qu'«en matière de respect de la règle de droit et du respect de l'indépendance des tribunaux, le gouvernement doit, selon nous, donner l'exemple et éviter de modifier la règle de droit rétroactivement de façon à priver d'effet les jugements qui s'appliquent à lui et qui ne font pas son affaire. Cette façon de légiférer jette le discrédit sur le processus judiciaire et sème un doute sur la portée des lois d'ordre public adoptées par l'Assemblée nationale.» Et M. Piette a ajouté que «cette situation constitue une immixtion du pouvoir législatif dans un processus judiciaire afin de couvrir rétroactivement une décision illégale de l'Exécutif». Et il a ajouté, lors de sa présentation: «À quoi sert-il d'adopter des lois et de donner des droits aux citoyens si le gouvernement utilise son pouvoir législatif pour court-circuiter des décisions judiciaires lorsque celles-ci ne font pas son affaire?», Mme la Présidente.
Et, moi, Mme la Présidente, je tiens à le dire ici, je ne comprends pas comment le gouvernement peut prétendre, là, qu'on ne brime pas les droits d'une personne à qui on vient de dire en Cour supérieure qu'elle venait de gagner et puis, en plus, on enlève à ces citoyens-là des droits de manière rétroactive parce qu'on met fin à la procédure judiciaire.
Puis, vous savez, c'est quoi, le comble, Mme la Présidente? Vous savez ce qu'on a appris? Puis je fais une parenthèse, là. J'ai appris que l'audition, là, pour l'appel du jugement de la Cour supérieure qu'a enclenché le Procureur général... Savez-vous c'était fixé à quelle date, Mme la Présidente? Le 16 mai. Le 16 mai dernier, C'était fixé le 16 mai dernier. Et puis le gouvernement, là, quand il a déposé le projet de loi, le 24 mars dernier, a demandé le report de la cause le 5 juillet. Alors, si le gouvernement n'avait pas déposé la loi spéciale qui est sur la table aujourd'hui, il y aurait déjà eu l'audition. Il y aurait déjà eu l'audition devant le juge. Alors, c'est ça, les faits, là. Alors le gouvernement a choisi, plutôt que de suivre la procédure judiciaire, de déposer une loi spéciale puis de faire fi de la décision de la Cour supérieure. Puis l'audition était fixée au 16 mai dernier. Puis c'est le gouvernement qui, suite au dépôt de la loi le 24 mars, a demandé de reporter l'audition le 5 juillet dernier. Alors, si le gouvernement n'avait pas déposé sa loi en mars, les partis auraient déjà plaidé devant un juge. C'est scandaleux, Mme la Présidente! Ça n'a pas de sens.
Puis comment le ministre des Transports, lui, il peut accepter une telle chose en son âme et conscience? Là, on se retrouve vraiment dans une situation, là, où c'est David contre Goliath. Puis comment le gouvernement peut prétendre, dans un contexte comme celui-là, alors que c'est lui qui a demandé de reporter l'audition devant la cour d'appel, d'y aller avec une loi spéciale, qu'il ne brime pas les droits de personne. Ça, Mme la Présidente, là, il faudrait m'expliquer ça parce que je ne comprends pas. Je vous le dis très franchement, là, je ne comprends pas du tout le raisonnement du gouvernement, le raisonnement du ministre. Puis j'ai de la difficulté, là, à suivre, à suivre le ministre puis à suivre le gouvernement. Le ministre nous a dit, là, qu'il... Il nous a dit à plusieurs reprises, là, que c'était important d'adopter le projet de loi n° 2 par le fait que, s'il y avait un changement de tracé ou s'il y avait des procédures judiciaires, bien, ça allait entraîner, Mme la Présidente, des délais additionnels. Pourtant, là, le gouvernement a décidé lui-même de porter en appel le jugement de la Cour supérieure le 26 novembre 2010. Il y a un communiqué qui a été émis: Prolongement de l'autoroute Robert-Cliche (73) -- Le Procureur général du Québec en appel de la décision de la Cour supérieure. Et il a affirmé, là, par voie de communiqué, puis je cite, là: «L'appel du jugement ne met pas en péril -- "ne met pas en péril" -- l'échéancier prévu pour la réalisation du projet.» Alors comment, d'un côté, Mme la Présidente, le ministre peut nous dire: Il faut adopter la loi n° 2 parce qu'il ne faut pas retarder les travaux, puis, de l'autre côté, soutenir dans un communiqué qui est émis par son gouvernement, oui, par son gouvernement, que l'appel du jugement, ça n'a pas d'impact sur l'échéancier? Et puis il dépose une loi spéciale le 24 mars et demande de reporter l'audition pour la procédure d'appel.
Je vous avoue, là, bien franchement, là, le gouvernement est très, très, très difficile à suivre sur cette question-là. Pourquoi le ministre, là, il n'a pas laissé le processus judiciaire suivre son cours? L'audition, là, Mme la Présidente, là, elle aurait déjà eu lieu, et c'est le gouvernement qui a demandé le report de l'audition qui était prévue le 16 mai pour le reporter au 5 juillet. Il a préféré la loi spéciale, alors que des citoyens avaient gagné légitimement devant la Cour supérieure. Il a préféré la loi spéciale que de suivre le processus judiciaire. Puis, en plus, il disait dans un communiqué que «l'appel du jugement ne met pas en péril l'échéancier prévu pour la réalisation du projet». Non, mais, il faut le faire, Mme la Présidente! Il faut le faire! Franchement, là, c'est incompréhensible, incompréhensible de suivre la démarche. Et ça s'ajoute à toute la gestion de ce dossier-là depuis le début.
**(16 h 20)** Mais je veux revenir, Mme la Présidente -- je ferme la parenthèse -- je veux revenir au Barreau, au Barreau du Québec. M. Piette nous a dit, en commission, que le Barreau du Québec a toujours dénoncé, dans le passé, ce type de législation rétroactive applicable aux causes pendantes. «Une telle législation est de nature à discréditer le processus judiciaire [...] à miner la confiance des justiciables envers les tribunaux et envers les lois générales de protection de l'environnement [puis] du territoire agricole censées protéger leurs droits.» Et on dit: «Par ailleurs, les parties concernées ont engagé des frais judiciaires et des honoraires auront été payés en pure perte, sans compensation. Telle que proposée, l'intervention du législateur dans ce dossier aurait pour effet de priver les citoyens du résultat de leur recours en Cour supérieure et de leur recours en appel au nom de l'intérêt général sans les indemniser pour le coût qu'ils ont assumé pour l'exercice de leurs droits.» Il dit... Le Barreau a ajouté: «Si le législateur décide tout de même d'adopter ce projet de loi, on devrait au moins y introduire une obligation de rembourser aux personnes concernées les dépenses faites pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux.» Et, moi, j'aimerais entendre le point de vue du Barreau de Québec là-dessus, surtout s'il y a des avocats du district judiciaire de Beauce qui, on le sait, sont membres du Barreau.
Et, à ce jour, Mme la Présidente, le ministre n'a fait aucune, aucune proposition concrète sur le remboursement aux personnes concernées pour les dépenses engendrées pour la défense de leurs droits devant les tribunaux, malgré le point de vue du Barreau. Il n'a annoncé aucunement son intention d'arriver avec un amendement, avec un amendement à sa loi qui permettrait de rembourser aux personnes concernées les dépenses qui ont été faites pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux. Et ces gens-là ont fait... Ces gens-là ont fait une démarche devant les tribunaux, ils ont gagné; rétroactivement, on veut leur enlever les droits.
Alors, le ministre n'a pas annoncé son intention de déposer un amendement. En tout cas, il ne l'a pas communiqué aux gens de l'opposition officielle. On n'a toujours pas de dépôt d'amendement sur cette question-là des frais judiciaires qui ont été encourus par les gens qui ont gagné devant les tribunaux depuis 2007. Le ministre ne nous a annoncé, là, aucune intention sur cette question-là, et j'aimerais ça l'entendre. S'il a un amendement à déposer, qu'il nous... qu'il l'indique, qu'il l'indique clairement aux membres, aux membres de la commission parce que, pour l'instant, il ne nous l'a pas dit, il n'a pas déposé, il ne nous a pas dit qu'il y a un amendement qui est en préparation puis il n'en a pas déposé. Puis il sait, là, que la rétroactivité, là, de son projet de loi, ça équivaut, si vous voulez, à changer les règles du jeu, là, comme si c'était en plein milieu d'un match de football. C'est comme si on adoptait des nouveaux règlements avant la fin du match pour permettre à l'équipe perdante de renverser le résultat final en sa faveur. C'est exactement ce que fait le gouvernement puis c'est inacceptable.
J'ai déjà terminé, Mme la Présidente? J'avais encore des choses à dire.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Oui, vous avez déjà terminé. Ça fait 20 minutes, M. le député de Gouin. Le...
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): 30 minutes, je m'excuse. Oui, oui, c'est 30 minutes.
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Non, non, c'est 30. Vous avez bel et bien fait 30. On peut...
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Vous avez fait 30, oui, tout à fait.
Des voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Excusez! Si vous voulez discuter, on peut prendre cinq minutes de pause ou on attend. On peut alterner ou bien on peut continuer de ce côté, puis vous pourriez intervenir après.
Des voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): O.K. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, 10 minutes.
Des voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Excusez! Excusez! M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, 10 minutes.
M. Martin Lemay
M. Lemay: Merci, Mme la Présidente. J'ai une offre d'un collègue de son 10 minutes, je ne sais pas si ça peut se faire techniquement.
Des voix: ...
M. Lemay: Non, non, non. D'accord, je suis désolé. Malgré quelques années en politique, j'ai gardé ce petit coin de naïveté en moi.
Des voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il y a une seule personne qui a la parole. Moi, ça ne me dérange pas, là, mais ça tourne, là. Allez-y.
M. Lemay: Ça m'étonne, Mme la Présidente, que nos collègues... ça m'étonne et m'attriste que nos collègues soient insensibles à ce qu'on vient d'entendre, le cri du coeur de notre collègue de Gouin, un excellent résumé de la situation, un excellent... même notre collègue de Beauce-Nord a été touché. Mais, sur le fond des choses, Mme la Présidente, comment ne pas donner raison à notre collègue sur le fond de ce dossier? C'est la raison pour laquelle j'appuie à 110 %, Mme la Présidente, la proposition de notre collègue de Chambly à inviter le Barreau de Québec à venir nous éclairer sur... Non pas que le... Le Barreau du Québec évidemment nous a donné un avis très intéressant. Ils ont même comparu en commission parlementaire, mais il reste que le Barreau de Québec, comme l'a si bien démontré notre collègue, connaît les enjeux locaux. C'est des avocats de la région de Québec, de la région de Beauce également. Donc, nous aurions eu peut-être une.. une interprétation, j'oserais dire, régionale de ce qui est proposé actuellement, Mme la Présidente.
Mais, sur le fond de choses, et nous y reviendrons probablement lors d'une proposition ultérieure, mais il reste que, quand nous regardons froidement les choses, Mme la Présidente... Et vous vous souvenez certainement, nous avons eu un débat, un débat corsé comme le sont tous les débats qui concernent la langue. Le gouvernement, le premier ministre en chef et la ministre étaient littéralement horrifiés à l'idée d'invoquer la clause «nonobstant» suite au jugement sur les écoles passerelles. Alors, une des questions que j'aurais posée au Barreau de Québec, Mme la Présidente, si, d'aventure, le gouvernement pouvait se montrer un peu ouvert à ces consultations-là, Mme la Présidente...
Dans le fond, ce que le gouvernement fait par ce projet de loi, c'est une clause «nonobstant» sans le mot. Une clause «nonobstant», Mme la Présidente, vous le savez, fait en sorte de protéger le pouvoir politique ou, si vous voulez, dans le cas qui nous préoccupe, l'Assemblée nationale d'une décision judiciaire, d'une décision des tribunaux. Ce qui conserve en quelque sorte, Mme la Présidente, un équilibre, un équilibre toujours ténu, un équilibre toujours précaire entre les trois pouvoirs, soit le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, et le pouvoir, Mme la Présidente, le pouvoir judiciaire.
Donc, ce que fait le gouvernement en déposant ce projet de loi n° 2 qui est en quelque sorte une clause «nonobstant», c'est de retirer au pouvoir judiciaire... de s'inclure dans le judiciaire, de s'inclure en retirant la Cour d'appel de ce dossier. Dans le fond, c'est d'indiquer de façon, Mme la Présidente, il faut le dire, là, de façon assez brutale la supériorité du pouvoir exécutif. C'est ça, le message qui est devant nous, Mme la Présidente. Le gouvernement a dit: Nonobstant les deux jugements, nonobstant la demande d'appel, nonobstant ça, le pouvoir exécutif retire du pouvoir judiciaire un dossier.
Mais une clause «nonobstant», Mme la Présidente, normalement, il me semble, et mes collègues avocats, ici, pourront peut-être nous le dire, mais une clause «nonobstant» peut se déposer ou s'autorise une fois le jugement fait, pas avant le jugement. Et, dans ce cas-ci, on impose une clause «nonobstant» voulant rééquilibrer, en théorie, et je le dis, Mme la Présidente, avec des gros guillemets, là, voulant rééquilibrer le pouvoir exécutif face au pouvoir judiciaire.
Est-ce que c'est un précédent? Il faudrait voir. En pleine procédure, là. Bien sûr, Mme la Présidente, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, de temps en temps, a passé des lois pour protéger certaines actions qui avaient été faites. Mais, très souvent, ces actions-là, comme je l'ai indiqué, ont été faites, et, dans ce cas-ci, les actions étaient en train de se faire. Alors, on l'a lu à quelques reprises, on l'a entendu à quelques reprises, et on va l'entendre souvent encore, le pouvoir exécutif s'est donné une posture d'arbitre et s'est dit: En plein milieu de la partie, je vais changer unilatéralement les règles du jeu pour retirer le pouvoir judiciaire du jeu qui était déjà commencé il y a plusieurs mois.
**(16 h 30)** Donc, Mme la Présidente, dans certains cas, ce gouvernement-là s'est montré horrifié à l'idée seulement d'imposer la clause «nonobstant», par exemple sur les écoles passerelles, et, dans ce cas-ci, on impose ce que... Évidemment, ce n'est pas une clause «nonobstant» au sens où on l'entend habituellement. C'est une image que je formule. Mais en retirant au pouvoir judiciaire les démarches déjà entreprises, l'exécutif, le pouvoir exécutif s'est arrogé le pouvoir de dicter au pouvoir judiciaire la manière de suivre ce dossier.
Et, Mme la Présidente, je ne le sais pas, mais il me semble que ça peut... Je dis bien «ça peut». Il faudrait faire une analyse en profondeur de la situation, mais c'est peut-être un signal, un signal pas très clair, là, qui est envoyé aux tribunaux. C'est un peu ce que le Barreau du Québec nous a indiqué dans sa lettre et dans, j'oserais dire, sa démonstration en commission parlementaire.
Et, Mme la Présidente, vous aurez compris que ce serait ce type de question là que j'aimerais poser au Barreau de Québec, à savoir: Est-ce qu'on peut assimiler le geste brutal du gouvernement avec une clause «nonobstant»? J'aurais posé la question au Barreau de... Et je crois, Mme la Présidente, que la question se pose parce qu'encore une fois les clauses «nonobstant» ont été prévues pour quoi? C'est pour rééquilibrer les pouvoirs entre le pouvoir judiciaire, l'exécutif et le législatif. C'est ça, une clause «nonobstant». Et le gouvernement, dans ce cas-ci... Je trouve que ça lui ressemble. Je trouve que ça ressemble à une clause, une clause «nonobstant», Mme la Présidente.
D'ailleurs, qu'est-ce qui me fait penser à cette idée-là? C'est la lettre du Barreau du Québec. Permettez-moi de citer, à la page 2 -- un, deux trois -- quatrième paragraphe vers la fin, et je cite: «Cette situation constitue une immixtion du pouvoir législatif dans un processus judiciaire afin de couvrir rétroactivement une décision illégale de l'Exécutif.» Bref, Mme la Présidente, en lisant ça, j'ai pensé à une clause «nonobstant». Une clause «nonobstant», c'est: malgré l'illégalité, le gouvernement justifie pour cinq ans cette illégalité à cause d'un besoin, d'un besoin supérieur de l'État, à cause d'un besoin de sécurité. Et, dans le cas de la langue, Mme la Présidente, c'était le cas. Et c'est à la lecture même du Barreau, du Barreau du Québec, que l'idée m'est venue. En lisant cette petite phrase, j'en suis venu à dire: Ça ressemble étrangement, même si ce n'est pas pareil, évidemment, Mme la Présidente, ça ressemble étrangement à une clause «nonobstant» de retirer du pouvoir judiciaire un dossier qui était là depuis...
Mais, malheureusement, comme l'ont dit plusieurs collègues avant moi, on n'a pas attendu la fin du processus, on l'a fait après deux jugements et on l'a fait à la veille d'une comparution devant la Cour d'appel. C'est pour ça, Mme la Présidente, que j'utilise le terme «brutal». C'est la raison pour laquelle j'utilise ce terme-là, mais certainement qu'au cours de nos intéressantes discussions nous pourrons revenir plus en profondeur sur ces enjeux. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques. Je propose une pause de quelques minutes. Après ça, on va... Vous pouvez enlever vos vestons, là.
Des voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): J'ai dit «les vestons».
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme L'Écuyer): J'ai bel et bien dit «les vestons».
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Et, après, en revenant... On revient... On recommence avec... Je suspends pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 34)
(Reprise à 16 h 39)
La Présidente (Mme L'Écuyer): S'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. La parole est au député de Johnson. M. le député, pour 10 minutes.
M. Etienne-Alexis Boucher
M. Boucher: Merci, merci...
Une voix: ...
**(16 h 40)**M. Boucher: Oui, j'en suis convaincu. J'aurai peut-être un micro avec ça? Je vous remercie beaucoup, M. le technicien. Merci, Mme la Présidente, de me permettre d'intervenir succinctement, évidemment, comme on le fait toujours, sur la motion présentée par mon collègue, mon collègue de Chambly, une motion qui va comme suit: c'est qu'il est proposé «que, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission des transports et de l'environnement tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi -- qui ne sont pas très nombreux, hein, de toute façon, donc certainement que le Barreau de Québec pourrait avoir un avis sur ce projet de loi -- et qu'à cette fin, elle entende -- justement -- le Barreau de Québec».
Pourquoi je me montre tout à fait en faveur et ouvert à la possibilité d'entendre le Barreau de Québec? C'est qu'évidemment j'aimerais, Mme la Présidente... J'aimerais voir si ce même Barreau appuierait, appuierait le Barreau du Québec. Je suis curieux. Je suis curieux puisque... et j'en suis persuadé. Mais, vous savez, le Barreau de Québec regroupe quand même 3 600 avocats et avocates de Beauce, de Montmagny et de Québec, on peut donc penser... représentants, donc, des avocats de la place qui pourraient être plus sensibles, finalement, quant à l'importance de prolonger l'autoroute et qui pourraient, disons, être moins clairs que leurs collègues du Barreau de Québec. Mais, vous savez, Mme la Présidente, je ne crois pas du tout, je ne crois pas du tout parce qu'il ne s'agit pas ici de partisanerie. Il ne s'agit pas ici d'histoire régionale ou autre, hein? Comme il n'y avait évidemment pas de partisanerie lorsque le Parti québécois a travaillé comme gouvernement au prolongement de cet autoroute-là depuis, finalement... au cours de 18 années que le Parti québécois a occupé le pouvoir au sein du gouvernement du Québec. On n'avait à peu près pas, ou pas du tout, de députés issus de la région beauceronne. Alors, on ne peut pas penser qu'on le faisait par partisanerie.
Comme j'en suis... je suis convaincu, finalement, que le gouvernement n'agit pas par partisanerie, qu'il désire franchement doter la région de la Beauce d'une autoroute et comme, nous, nous n'agissons pas par partisanerie en s'opposant, non pas au prolongement de l'autoroute, ni au désir du gouvernement de voir l'autoroute être prolongée, mais plutôt à la façon, à la voie qu'a suivie et que suit, que continue de suivre, malgré tous les avis, même malgré des décisions judiciaires, que continue de suivre ce gouvernement.
Vous savez, je serais curieux... Parce que le Barreau du Québec a été très loin, a été très loin dans son jugement du processus emprunté par le gouvernement. Et il a notamment souligné, d'ailleurs, mes collègues l'ont dit: On est face à un projet de loi qui a plusieurs exceptions. L'expropriation en est une, et la rétroactivité en est une autre, une autre exception. Et cette rétroactivité-là, elle est très particulière puisqu'évidemment les justiciables se doivent normalement de connaître à l'avance les règles juridiques qui régissent leur relation avec l'État afin de pouvoir adapter leur comportement et d'ajuster leurs expectatives en conséquence, Mme la Présidente.
L'adoption de loi rétroactive n'est justifiable que dans des circonstances exceptionnelles où un impératif d'intérêt public le commande. Et ça, c'est le Barreau du Québec qui le dit. Est-ce que le Barreau de Québec dirait la même chose? J'en suis persuadé, mais j'aimerais les entendre, j'aimerais leur poser la question, Mme la Présidente.
Mon collègue, mon collègue de Gouin a aussi soulevé le fait que le Barreau du Québec s'était grandement inquiété de l'absence, de l'absence d'articles portant sur des compensations financières. Parce qu'il faut savoir que, pour faire valoir leurs droits, les citoyens lésés dans ce dossier ont quand même déboursé plusieurs dizaines de milliers de dollars, voire une centaine et un peu plus, depuis le début, finalement, du débat et des démarches judiciaires. Ils ont même gagné, Mme la Présidente. Ils ont même gagné en fonction du cadre législatif actuel. Et le Barreau du Québec, voyant le gouvernement modifier le cadre, après coup évidemment, hein, modifier le cadre législatif dit: Bien, écoutez, dans ce nouveau cadre là, il faudrait, non pas se contenter de promesses, non pas se contenter d'annonces dans un communiqué de presse, des annonces qui souvent sont sans suite, non pas se contenter d'une simple position de principe, mais il serait important de voir, de voir l'idée de compenser financièrement les citoyens, non pas seulement pour la perte de leurs terres, Mme la Présidente, mais aussi pour les pertes financières encourues par le fait qu'ils se devaient de payer des avocats pour défendre leur cause devant les divers tribunaux.
Alors, je serais bien intéressé à savoir si le Barreau de Québec dirait la même chose, ce dont je ne suis pas persuadé, mais, en même temps, j'aimerais qu'il l'enregistre, qu'il le dise, que ce soit cartes sur table.
J'aimerais aussi poser la question au Barreau de Québec, à savoir si, comme le Barreau du Québec, il considère que le gouvernement n'avait pas à procéder ainsi. Pourquoi, Mme la Présidente? Pour la simple et bonne raison qu'il existait déjà une procédure réglementaire pour le gouvernement selon la Loi de protection du territoire et des activités agricoles. En effet, s'il voulait procéder, il n'aurait eu qu'à dessaisir la commission de son dossier, à lui demander son avis. Alors là il y aurait tout un ensemble de règles: la commission aurait dû aviser les intéressés, etc. Mais ce que le Barreau du Québec dit, c'est qu'il y avait une possibilité autre pour le gouvernement d'agir. J'aurais aimé poser la question au Barreau de Québec, à savoir s'il jugeait l'action du gouvernement de la même façon que les gens du Barreau du Québec l'ont fait, Mme la Présidente.
Évidemment, il y a toute la question aussi de la constitutionnalité, hein? M. le ministre se questionnait à savoir si l'Assemblée nationale était souveraine et qu'elle pouvait de ce fait adopter les lois qu'elle désirait. Effectivement, hein, on a même souvent... Il y a une expression qui dit que l'Assemblée nationale peut à peu près tout faire, sauf transformer un homme en femme ou le contraire. Et même là, même là, aujourd'hui, on pourrait adopter des droits qui pourraient faire en sorte de modifier, disons, des technologies ou autres pour procéder, mais on n'en est pas là.
Alors, les gens du Barreau ont effectivement reconnu, reconnu que le gouvernement, l'Assemblée nationale était souveraine et, en ce cas-là, elle pouvait effectivement procéder. Par contre, elle a dit que, ce faisant, l'Assemblée nationale, elle battait en brèche plusieurs autres principes. Elle battait en brèche plusieurs autres principes importants dans notre société, des principes tels que le respect du pouvoir judiciaire, des décisions judiciaires, de la séparation, de l'ordre judiciaire et du législatif. Et là on ne parle même pas de la séparation du législatif et de l'exécutif. C'est les principes qui sont fondamentaux. Alors, au nom du principe de la souveraineté de l'Assemblée nationale, vaut-il la peine de battre en brèche d'autres principes, encore une fois, tels que le respect du pouvoir judiciaire, des décisions judiciaires, de la séparation, de l'ordre?
J'aurais... j'aimerais poser la question au Barreau de Québec, et peut-être que le gouvernement nous permettra effectivement, effectivement de procéder. Et, vous savez, Mme la ministre, le combat que l'on mène est un peu le combat de David contre Goliath, hein? Mais, dans la fable, Goliath ne se relevait pas. Goliath acceptait le verdict de la loi de Dieu, si on veut, hein, ce qui était défini ainsi. Malheureusement, ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est ce pour quoi nous tentons de convaincre le gouvernement de l'inopportunité de son projet de loi. Et peut-être qu'en entendant d'autres acteurs qui pourraient déclarer aussi inopportun le projet de loi, tel que l'a fait le Barreau du Québec, eh bien, peut-être que nous réussirons à convaincre le gouvernement de non pas ne pas procéder au prolongement de l'autoroute, hein... Comme on dit, on veut tous ce prolongement-là: péquistes, adéquistes, libéraux. Probablement, même Québec solidaire, imaginez, est pour le prolongement de l'autoroute, on ne lui a pas demandé, mais c'est quelque chose. Par contre, on veut s'assurer que le tout se déroule conformément à nos lois en vigueur, et c'est ce pour quoi nous désirerions entendre le Barreau de Québec.
Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente, et je cède la parole à un collègue.
**(16 h 50)**La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député de Johnson. M. le député de Chambly, pour 30 minutes, la parole est à vous.
M. Bertrand St-Arnaud
M. St-Arnaud: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole sur la motion que j'ai présentée un peu plus tôt cet après-midi en vertu de l'article 244 de notre règlement, qui permet, lorsque cette motion est adoptée, avant d'entreprendre l'étude détaillée d'un projet de loi, ici, c'est le projet de loi n° 2, qui concerne la construction d'un tronçon de l'autoroute 73 de Beauceville à Saint-Georges, qui permet donc, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi, de tenir des consultations particulières pour éclairer davantage les membres de la commission. Et je dis «éclairer davantage» parce que je pense, Mme la Présidente, qu'on est face à un projet de loi assez exceptionnel, assez exceptionnel dans nos annales parlementaires, et je pense qu'avant de l'étudier d'une manière détaillée et avant de l'adopter je pense qu'il importe que tous les parlementaires aient tout l'éclairage requis parce que c'est effectivement un projet de loi d'une nature exceptionnelle et je dirais aussi qui contient des éléments juridiques importants, qui, derrière son libellé... Derrière son libellé, en fait, Mme la Présidente, on retrouve des principes de droits importants.
Alors, j'ai proposé, comme premier groupe que nous pourrions entendre, le Barreau de Québec. Pourquoi le Barreau de Québec? D'abord, peut-être, Mme la Présidente, vous rappeler... J'ai manqué une partie de l'intervention de mon collègue de Gouin, porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports, mais peut-être vous rappeler, si cela n'a pas été fait, c'est quoi, le Barreau de Québec. Le Barreau de Québec, c'est une section du Barreau du Québec. C'est une entité distincte et autonome du Barreau qui regroupe, et ce n'est pas négligeable, plus de 3 600 avocats et avocates des districts judiciaires de Beauce, de Montmagny et de Québec -- probablement, Mme la Présidente, que notre collègue de Beauce-Nord connaît plusieurs de ces juristes, peut-être connaît-il d'ailleurs le bâtonnier ou la bâtonnière du Barreau de Québec -- mais donc c'est une entité importante du Barreau qui -- et je continue, Mme la Présidente, la lecture des notes que j'ai ici sur le Barreau de Québec -- a pour mission d'assurer la protection du public et qui participe, notamment parmi ses différentes fonctions, à faire la promotion de la primauté du droit auprès du public.
Alors, Mme la Présidente, on est face à un projet de loi qui concerne, comme je vous le disais... Je reprends ma phrase, Mme la Présidente. On est face à un projet de loi qui, derrière son libellé, recèle des principes importants de droit. Évidemment, ça concerne tous les citoyens du Québec. Je pense que c'est les principes mêmes... Les fondements mêmes de notre système démocratique sont en filigrane derrière le projet de loi n° 2 que nous étudions de façon détaillée... que nous avons commencé à étudier de façon détaillée il y a quelques heures, Mme la Présidente. Mais ça concerne au premier chef les gens de la Beauce. Et c'est pourquoi je pense qu'il est important que les juristes du Barreau de Québec qui recoupe notamment les avocats et avocates qui pratiquent dans le district de Beauce, donc des gens de cette région, viennent s'exprimer devant la commission pour nous dire comment, eux, ils réagissent par rapport au projet de loi n° 2. Je vous l'ai dit, Mme la Présidente, le Barreau du Québec -- et on aura l'occasion d'y revenir, je vais y revenir dans quelques instants -- s'est exprimé ici, en commission, contre ce genre de projet de loi, qui est le projet de loi n° 2, en nous disant essentiellement, et j'y reviendrai tantôt, que ça heurte les principes importants de notre société. Ce n'est quand même pas rien, Mme la Présidente: le Barreau du Québec, qui est une institution importante dans notre société, est venu nous dire que ce projet de loi que nous sommes en train d'étudier autour de cette table cet après-midi heurte des principes importants de notre société.
Et je voyais, ici, un article du Soleil, de Mme Annie Morin, titré, au lendemain de la comparution du Barreau du Québec devant cette commission... Et le titre, c'était -- c'était en page 14 du Soleil du 4 mai dernier: Prolongement de l'autoroute 73: le Barreau fustige Québec. Et je vous lis le premier paragraphe, Mme la Présidente: «Le projet de loi imaginé par le gouvernement libéral pour couper court à la contestation du tracé de l'autoroute 73, dans la Beauce, équivaut à changer les règles du jeu à la fin de la partie afin d'assurer la victoire de son équipe, estime le Barreau du Québec.» C'est quand même des propos graves qui ne sont pas tenus par un organisme mineur de notre société. Ce sont des propos qui sont tenus par le Barreau du Québec. Et, en ce sens-là, il m'apparaît important... il m'apparaîtrait important -- et c'est pourquoi j'ai présenté cette motion en vertu de l'article 244 de notre règlement -- d'entendre la position des gens qui sont encore plus spécifiquement visés, à savoir, les gens... les juristes, les avocats, les avocates du Barreau de Québec qui comprend notamment ceux qui pratiquent dans le district judiciaire de Beauce. Qu'en pensent-ils? Comment se positionnent-ils?
C'est d'autant plus intéressant, Mme la Présidente, que le ministre, à plusieurs reprises... J'ai eu l'occasion de suivre plusieurs des débats entourant le projet de loi n° 2, en Chambre, lors de l'adoption du principe, et, à plusieurs reprises, le ministre a dit, et il l'a dit à l'extérieur, ça a été rapporté dans les médias: Ceux qui sont contre le projet de loi n° 2 sont contre la Beauce. Je vous avoue que, moi aussi, comme mon collègue le faisait remarquer tantôt, je trouve ça un peu particulier comme déclaration. Et je serais intéressé de voir comment les Beaucerons et Beauceronnes avocates et avocats réagissent par rapport au projet de loi n° 2. Comment ils réagissent? Et je pense qu'en ce sens-là ça serait extrêmement intéressant de les entendre ici, lors d'une consultation particulière. Parce qu'on est face, Mme la Présidente, vraiment, face à un projet de loi exceptionnel.
Pourquoi c'est un projet de loi exceptionnel? Je peux peut-être, Mme la Présidente... je l'ai un peu fait hier, ou avant-hier, je ne sais plus, mais peut-être rappeler, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, ce qui nous amène à être ici, avec un projet de loi exceptionnel, et je vais le rappeler sans rentrer dans tous les détails, parce que ça peut toujours... ça peut être long, mais rappeler un peu l'historique de ce dossier.
Mme la Présidente, on pourrait remonter à il y a quelques décennies, mais je vais remonter à 2004, parce que c'est en 2004 que le ministère des Transports a annoncé que c'est le tracé est de l'autoroute 73, du projet de prolongement de l'autoroute 73, qui avait été retenu par le ministère des Transports. Alors, 2004, le ministère annonce que l'autoroute 73, l'autoroute Robert-Cliche...
C'est un très beau nom, d'ailleurs, Mme la Présidente, Robert-Cliche. Un jour, je vous conterai, pour avoir plaidé devant son frère, je vous conterai les... Je vous conterai un jour, Mme la Présidente, le genre de procès que le frère de Robert Cliche, le juge Cliche, Charles, tenait à Montréal, à la cour criminelle parce que, pour moi qui est un urbain, Mme la Présidente, lorsque je plaidais devant le juge Cliche, c'était très particulier. Je ne voudrais pas... La pertinence...
Des voix: ...
M. St-Arnaud: Vous avez le goût de l'entendre?
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député...
Des voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député, vous avez attiré l'attention de tout le monde de la commission. Allez-y, M. le député.
M. St-Arnaud: Mme la Présidente...
Des voix: ...
**(17 heures)**M. St-Arnaud: Non, mais, Mme la Présidente... Je pensais que mon intervention jusqu'à présent était intéressante. Là, je sens tout à coup qu'elle devient particulièrement intéressante. Mais, effectivement, Mme la Présidente, je fais une petite parenthèse pour vous dire que le juge Charles Cliche était le juge attitré en Beauce. Peut-être que mon collègue de Beauce-Nord, enfin, connaît cette famille célèbre. Mais donc le juge Charles Cliche, qui était le frère de Robert Cliche, siégeait en Beauce, évidemment. C'était le juge attitré à la Cour du Québec, chambre criminelle, en Beauce. Et, bien, il venait faire une semaine par mois à Montréal. Et, là, comme on lui donnait des procès... On lui donnait des procès qui n'étaient pas trop de longue durée. Il faisait souvent la chambre des causes... ce qu'on appelle les causes, les infractions sommaires, donc les voies de fait simple, les vols à l'étalage. Et je peux vous dire, Mme la Présidente, je ne veux pas rentrer trop dans les détails, mais je peux vous dire que c'était toute une expérience, pour nous, qui plaidions à tous les jours devant des juges de Montréal. Et là, quand c'était le juge Cliche, Charles Cliche, quand c'était lui qui siégeait, écoutez, c'était... C'était évidemment une justice qui était rendue de manière très conforme à nos lois, mais c'était... j'allais dire, et je le dis avec beaucoup de respect et avec beaucoup de sympathie pour le juge Cliche... C'est un bonhomme formidable, qui avait.. qui jugeait ça un peu à la beauceronne, dans le sens...
Des voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. St-Arnaud: Non, mais c'était...
Des voix: ...
M. St-Arnaud: Bon. Alors, Mme la Présidente, je vais arrêter ici mon histoire, mais j'ai un cas très clair en tête, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme L'Écuyer): ...comme des petits enfants: Ce n'est pas juste!
M. St-Arnaud: ...ce que je raconterai à un autre moment. Mais c'était un juge formidable, c'était un juge, comme les gens de la Beauce le sont, quelqu'un de chaleureux, de sympathique.
Une voix: ...
M. St-Arnaud: Non, non, mais c'est vrai. Écoutez... Enfin, j'arrête ici parce que j'aurais le goût de vous raconter parce que c'est un de mes classiques. Mais, Mme la Présidente, je vais arrêter ici pour vous dire donc qu'effectivement, pour revenir à notre projet de loi, c'est un très beau nom d'avoir nommé cette autoroute 73 du nom de Robert Cliche, qui est un éminent, un éminent juriste qui avait connu une carrière assez extraordinaire.
Robert Cliche, vous vous en rappellerez, Mme la Présidente... Je pense qu'il y en a plusieurs qui ont pensé à lui récemment parce que vous savez que Robert Cliche avait été un militant du NPD pendant de nombreuses années, dans les années soixante. Je crois même qu'il avait été chef activement de la section québécoise du NPD. Il a ensuite eu une carrière de juriste remarquable, de juge par la suite. Et on se rappelle tous, bien sûr -- je pense que c'est comme ça que plusieurs se souviennent de lui -- de ce grand juriste, ce grand humaniste. Mais on s'en rappelle surtout, pour avoir été... évidemment pour avoir présidé cette commission d'enquête sur l'industrie de la construction avec deux personnes que l'on connaît bien aussi: une qu'on connaît un peu mieux de ce côté-ci de la table, Mme la Présidente, Guy Chevrette, qui avait été nommé sur recommandation des centrales syndicales, Guy Chevrette qui était vice-président d'une centrale syndicale nationale à ce moment-là, et Brian Mulroney, qui avait été recommandé, qui était, à ce moment-là, avocat, et qui avait été recommandé par les forces patronales sur cette commission d'enquête extrêmement, extrêmement... qui a marqué l'histoire, qui a marqué l'histoire parce qu'elle a siégé...
D'ailleurs, vous vous rappelez, Mme la Présidente, que... Je sens que je m'éloigne encore, mais je vais revenir. Mais c'était... Vous vous en rappelez, Mme la Présidente, que le procureur-chef de cette commission était Lucien Bouchard. Lucien Bouchard était le procureur en chef de la commission Cliche, présidée par le juge Cliche avec, comme commissaires, en plus de lui comme président, Brian Mulroney et Guy Chevrette. Et, cette commission, on y fait souvent référence depuis un an ou deux, ici, à l'Assemblée nationale, parce que c'est une commission qui a été marquante, qui s'était, contrairement à ce que... Vous savez, des fois, on entend... Et je m'en rappelle, de notre ancien collègue, mon ami Jacques Dupuis, qui nous disait souvent en Chambre, lorsqu'il siégeait ici, il y a deux ans: Ah! Une commission d'enquête, c'est lourd, c'est long, ça dure longtemps, puis privilégions d'autres façons de faire parce que c'est lourd, une commission d'enquête. Or, c'est intéressant de se rappeler que la commission Cliche, savez-vous, Mme la Présidente, combien de temps, elle a duré entre le moment où elle a été créée et le moment où elle a rendu son rapport? Un an, un an. C'est quand même assez extraordinaire. Un an.
Une voix: ...
M. St-Arnaud: Non. C'était très intéressant. Peut-être que ça pourrait inspirer certains membres autour de cette table, Mme la Présidente. Une commission d'enquête, c'est le moyen qui permet le plus rapidement possible d'aller au fond des choses. Et je pense que tous les juristes qui connaissent un peu ça... Et je pense notamment, Mme la Présidente, à un avocat qui est un avocat bien connu à Montréal, qui était le procureur du gouvernement fédéral dans la commission Gomery, qui a écrit un texte remarquable, à l'automne 2009, pour expliquer à ses concitoyens à quel point une commission d'enquête, c'était la vraie façon d'aller au fond des choses quand il y avait un problème.
Et effectivement la commission Cliche a siégé une seule année, a été efficace, a produit un rapport. Dans ce rapport, il y avait des recommandations que le gouvernement Bourassa et le gouvernement Lévesque par la suite ont rapidement mises en application, et ça a changé les choses pour plusieurs décennies sur les chantiers de construction. Alors, c'est...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il faudrait revenir à la motion.
M. St-Arnaud: Oui, je m'éloignais encore, Mme la Présidente. J'ai tellement de choses à vous dire sur tout ça.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Sur la motion?
M. St-Arnaud: J'ai cru comprendre, Mme la Présidente, qu'on serait peut-être ensemble pour quelques jours. Alors, j'aurai l'occasion de tout vous dire ce que j'ai à dire. Mais je reviens, Mme la Présidente, au projet de loi n° 2...
La Présidente (Mme L'Écuyer): ...
M. St-Arnaud: ...parce qu'effectivement, Mme la Présidente, je voulais vous rappeler rapidement l'historique, l'historique du projet qui nous amène à se retrouver aujourd'hui devant ce projet de loi n° 2, ce projet de loi exceptionnel qui est... exceptionnel.
Qu'est-ce qui s'est passé? J'étais en train de vous dire, Mme la Présidente, qu'effectivement, en 2004, le ministère des Transports a annoncé la construction du prolongement de l'autoroute, le tracé est, le prolongement de l'autoroute 73, Robert-Cliche, de Beauceville à Saint-Georges.
Alors, le ministère annonce sa décision en 2004 et, en 2006, le gouvernement libéral demande à la Commission de protection du territoire agricole d'autoriser le ministère des Transports à utiliser à des fins autres qu'agricoles certains terrains nécessaires pour prolonger l'autoroute Robert-Cliche.
Alors, la Commission de protection du territoire agricole siège, entend les parties et finalement donne... rend jugement, rend jugement, si je ne m'abuse, à l'été 2007 et elle donne raison au gouvernement. Les citoyens visés, comme ils en ont le droit dans une société démocratique, décident alors d'aller en appel devant le Tribunal administratif du Québec, qui est l'instance d'appel de la Commission de protection du territoire agricole du Québec, vont devant ce Tribunal administratif du Québec, et, Mme la Présidente, le Tribunal administratif du Québec renverse la décision de la Commission de protection du territoire agricole, donc donne raison aux citoyens concernés, et le dossier revient pour une première... une deuxième fois, en fait, devant la Commission de protection du territoire agricole.
La Commission de protection du territoire agricole se repenche sur le dossier à la lumière de la décision du Tribunal administratif du Québec et donne encore raison au gouvernement. Que font les citoyens à nouveau, comme ils en ont le droit dans une société de droit, dans une société démocratique? Ils utilisent les recours juridiques, les recours devant les tribunaux, qu'ils ont le droit d'utiliser, et donc ils vont pour une deuxième fois en appel devant le Tribunal administratif du Québec.
Or, Mme la... M. le Président, or, coup de théâtre, un mois avant l'audition de ce recours en appel devant le Tribunal administratif du Québec, de ce recours de citoyens en contestation de la décision rendue à la Commission de protection du territoire agricole, le gouvernement libéral, le Conseil des ministres libéral, a dit: Bien là, là, ça suffit, on n'attendra pas l'appel, c'est trop compliqué. Et on décide, en Conseil des ministres, d'adopter ce qu'on appelle un décret, donc une décision du Conseil des ministres, un décret pour dire: Bien là, on arrête tout, là, puis on décrète. Nous, le Conseil des ministres, on arrête le processus judiciaire, on court-circuite une première fois le processus judiciaire -- parce qu'il y aura une deuxième fois, M. le Président, j'y reviendrai tantôt -- on décide de court-circuiter une première fois le processus judiciaire un mois avant l'audition devant le Tribunal administratif du Québec et on décrète, par décret, par décision du Conseil des ministres, que le gouvernement peut utiliser, à des fins autres que l'agriculture, les terrains visés pour prolonger l'autoroute 73.
Alors, ce faisant, évidemment, le gouvernement court-circuite une première fois le processus judiciaire. Et évidemment, vous comprenez, Mme la... M. le Président, qu'à sa face même ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens, d'autant plus, M. le Président, que les citoyens apprennent cette décision du Conseil des ministres, prise en novembre 2009, apprennent ça par les journaux, apprennent ça par les journaux, que le gouvernement a décidé de court-circuiter le processus judiciaire, de littéralement tasser les tribunaux puis d'imposer sa volonté par le biais d'un décret.
**(17 h 10)** Alors, qu'est-ce qu'ils font, les citoyens, M. le Président? Évidemment, on est dans une société démocratique, puis il y a un tribunal qui s'appelle la Cour supérieure du Québec, puis, ce tribunal, bien, il a un rôle justement de surveillance de l'Administration, de contrôle de l'Administration, donc de vérification de la conformité des décisions eu égard à nos principes de justice fondamentaux. Alors, ils s'adressent à la Cour supérieure puis ils disent: Écoutez, le gouvernement, là, ça n'a pas de bon sens la façon dont il a procédé avec ce décret, d'autant plus, disent-ils, qu'il ne nous a même pas entendu avant de décréter son décret. Il ne nous a même pas entendu. Ça n'a pas de bon sens. C'est contraire aux principes de justice naturelle. Et donc on vous demande, vous, Cour supérieure, d'annuler le décret, d'annuler cette décision gouvernementale prise contrairement aux règles fondamentales de justice naturelle.
La Cour supérieure se penche sur le dossier et effectivement, M. le Président, le 3 novembre dernier, 3 novembre 2010, la Cour supérieure, par la voix du juge Paul Corriveau, rend un jugement extrêmement intéressant, pour ceux qui s'intéressent à ce genre de dossier, un dossier de... un jugement de 11 pages où il en vient à la conclusion... Exerçant son rôle de surveillance, de contrôle des décisions gouvernementales, il en vient à la conclusion -- et je cite la décision du juge Corriveau à la page... au paragraphe 74 de sa décision -- que le gouvernement n'a pas agi en respectant la loi et déclare donc nul le décret du gouvernement libéral. Il déclare le décret nul.
Alors, le gouvernement, comme c'est son droit, décide d'aller en appel de la décision rendue en novembre 2010 par le juge Corriveau. Il va en appel à la Cour d'appel du Québec parce qu'encore une fois, dans une société démocratique, il y a des tribunaux, puis il y a des instances, puis il y a une première instance, puis il y a une Cour d'appel, puis il y a la Cour suprême par la suite. Alors là, le gouvernement perd en Cour supérieure par cette décision de la Cour supérieure en première instance, parce que c'est une décision du juge Corriveau du 3 novembre dernier. Qu'est-ce que fait le gouvernement? Bien, il décide d'aller en appel. Et savez-vous quoi, M. le Président? Je répéterai ça éventuellement... Je ne veux pas être contraire au règlement quant à la présence ou l'absence de certaines personnes autour de cette table, mais j'aurai sûrement l'occasion de le répéter.
Mais savez-vous quoi, M. le Président? La décision a été rendue en novembre 2010. Savez-vous quand est-ce que l'appel porté par le gouvernement devait être entendu? Bien, M. le Président, ça devait être entendu le 16 mai dernier, le 16 mai dernier. Et donc on se retrouve aujourd'hui à la fin du mois de mai, passé la date du 16 mai, et on aurait peut-être déjà... Le problème serait peut-être déjà réglé. Peut-être que la Cour d'appel aurait déjà rendu un jugement, un jugement qui aurait peut-être été conforme à ce que veut faire le gouvernement mais dans le respect de nos principes démocratiques parce que...
Et, vous savez, M. le Président, je reviens un petit peu en arrière, je reviens un petit peu en arrière pour vous dire ceci: Souvent, j'ai entendu... Puis j'ai encore entendu le ministre le dire dans sa réplique, lors de l'étude en Chambre, la deuxième lecture, l'adoption du principe. J'ai entendu le ministre dire: Il faut se dépêcher, il faut adopter le projet de loi n° 2 parce que le temps presse, le temps presse. Mais, quand la décision a été rendue par la Cour supérieure en novembre dernier, le ministère des Transports a rendu... a décidé d'aller en appel et a publié un communiqué qui est extraordinaire, M. le Président, quand on le lit parce qu'il dit justement essentiellement que l'appel du jugement -- parce que le gouvernement a décidé d'aller en appel -- ne mettait pas en péril l'échéancier prévu pour la réalisation du projet.
Alors, le propre communiqué émis par le ministère des Transports, le 26 novembre 2011, vient renverser l'argument présenté par le ministre en Chambre, lors de sa réplique, à savoir qu'il fallait se dépêcher parce que ça mettait en péril la réalisation de l'autoroute. Le propre communiqué, je vous le lis, M. le Président, parce que, je pense, c'est intéressant. Alors, vous voyez donc, décision du juge Corriveau de la Cour supérieure; 26 novembre, communiqué quelques jours plus tard, communiqué du ministère des Transports qui dit ceci:
«Le Procureur général du Québec interjettera appel du jugement rendu par la Cour supérieur du Québec dans le dossier du prolongement de l'autoroute 73 entre Beauceville et Saint-Georges. Les arguments relatifs à l'appel seront énoncés lors de son inscription, qui sera déposée sous peu.
«Dans son jugement du 3 novembre 2010, la Cour supérieure annulait le décret du 11 novembre 2009, empêchant ainsi l'utilisation de terres agricoles à des fins autres que l'agriculture entre Beauceville et Notre-Dame-des-Pins.
«Vu la décision de la Cour supérieure, le ministère des Transports peut poursuivre les travaux d'arpentage et de forage dans le secteur uniquement sur les terrains où une entente de gré à gré a été conclue avec les propriétaires. En effet, le décret invalidé par la Cour supérieure ne concerne que l'utilisation de terres agricoles à des fins autres que l'agriculture[...].
«Les travaux de prolongement de l'autoroute Robert-Cliche, réalisés en partenariat avec le gouvernement du Canada dans le cadre du Fonds sur l'infrastructure [routière], sont attendus depuis plus de 30 ans par les citoyens, les commerçants ainsi que les élus de la Beauce. [Mais] l'appel du jugement ne met pas en péril l'échéancier prévu pour la réalisation du projet.»Une voix: Ah! Ha!
M. St-Arnaud: C'est quand même... Non, mais c'est quand même... C'est quand même, M. le Président, important, là. Parce que ça vient complètement contredire l'argument du ministre qui dit: Il faut absolument adopter le projet de loi n° 2, puis tout de suite, puis avant l'ajournement du 10 juin parce que, sinon, ça met en péril l'autoroute. Au contraire, le ministère des Transports nous a dit le contraire. Mais, plus que ça, M. le Président, je vais répéter ce que j'ai dit tantôt, il y a quelques minutes. Je ne sais pas si... Vous savez, M. le Président, je vais m'adresser à vous, j'aurais le goût de m'adresser à quelqu'un qui est en face de moi, mais je vais m'adresser à vous... à la personne qui est en face de moi par votre intermédiaire.
Si le gouvernement avait laissé les choses procéder... On sait que la Cour d'appel devait se pencher sur ce dossier le 16 mai dernier. Le 16 mai dernier, la Cour d'appel devait se pencher sur ce dossier, aurait peut-être donné raison au gouvernement du Québec, et là on aurait pu éviter tout ce ramdam juridique et constitutionnel, si on avait, tout simplement, attendu la décision de la cour qui devait se pencher sur ce dossier le 16 mai. Or, ce qui est arrivé, c'est que les avocats sont allés dire: Bien non, bien, écoutez, là, on vient de déposer le projet de loi n° 2, attendons... reportons le tout au mois de juillet et on refera le point là-dessus en juillet.
Alors, M. le Président, il me reste quelques minutes. Vous comprenez donc qu'en novembre 2010 le décret de 2009 a été jugé nul. Le gouvernement a décidé d'aller en appel. L'appel devait être entendu le 16 mai dernier. On aurait peut-être déjà la décision de la cour d'appel. Au lieu d'attendre la décision de la cour d'appel, la décision de nos tribunaux, au lieu de respecter nos tribunaux, qu'est-ce que fait le gouvernement? Le gouvernement a encore une fois décidé de court-circuiter pour une deuxième fois le processus judiciaire en déposant, au mois de mars, ce projet de loi, ce projet de loi n° 2, qui est un projet de loi exceptionnel parce qu'il vient valider d'une manière rétroactive, au 11 novembre 2009, un décret qui a été jugé illégal par la Cour supérieure du Québec. Alors, pour la deuxième fois... Je vous ai dit tantôt, M. le Président, qu'ils l'avaient déjà court-circuité une première fois en imposant son décret. Là, il se fait dire que son décret est nul. Qu'est-ce qu'il fait? Il va... il décide d'aller en appel, mais, avant d'entendre l'appel, il vient recourt-circuiter une deuxième fois le processus judiciaire pour présenter ce projet de loi n° 2.
Alors, vous voyez qu'il y a vraiment un problème juridique, un problème très particulier que le Barreau... Le Barreau l'a dit en quelques mots: c'est inopportun, ça heurte les principes importants de notre société.
M. le Président, j'aurai l'occasion d'y revenir parce que j'ai lu avec attention les témoignages qui ont été rendus par les représentants du Barreau du Québec. Et je pense qu'il y a des choses extrêmement importantes qui ont été mentionnées à ce moment-là et je pense qu'il serait important que le Barreau de Québec, qui est le premier concerné parce qu'il regroupe les avocats, les 3 600 avocats du district, non seulement de Québec, mais aussi du district de Beauce... Il serait important que ces avocats viennent aussi s'exprimer devant cette commission avant que nous procédions à l'étude article par article du projet de loi n° 2.
Alors, d'où, M. le Président, cette motion que j'ai formulée un peu plus tôt cet après-midi, à savoir qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, nous puissions, nous, membres de la Commission des transports et de l'environnement, recevoir, entendre, le Barreau, le Barreau de Québec, les représentants du Barreau de Québec pour pouvoir les interpeller, les interroger sur un certain nombre d'éléments qui ont été mentionnés par le Barreau du Québec, par d'autres juristes également, mais qui les concerne au premier chef parce qu'ils sont, eux, dans cette région qui est principalement visée par le projet de loi n° 2, le projet de loi qui concerne, donc, la construction d'un nouveau tronçon, tracé est de l'autoroute 73, de Beauceville à Saint-Georges.
Alors, M. le Président, je comprends que je dois terminer ainsi. Alors, je vais arrêter ici pour l'instant, mais j'aurai l'occasion de revenir sur un certain nombre d'arguments qui ont été mis de l'avant par le Barreau et qui m'apparaissent extrêmement intéressants et préoccupants. Et c'est pourquoi je pense qu'il faut aller de l'avant avec une audition supplémentaire du Barreau de Québec.
Le Président (M. Huot): Merci, M. le député de Chambly. Et on compte sur vous, après l'ajournement des travaux pour poursuivre l'anecdote sur le juge Cliche, n'est-ce pas? M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Cloutier: Bien, avec le consentement des membres, j'aimerais poser à mon collègue: Comment jugent, justement, les Beaucerons? Il nous avait presque dit la réponse. J'aimerais ça lui poser la question, avec consentement. Peut-il nous expliquer?
**(17 h 20)**M. St-Arnaud: Non, mais, en quelques mots, sans rentrer dans les détails, M. le Président, en quelques mots, c'est que, souvent, à la cour, vous le savez, il y a plusieurs avocats autour de la table. C'est relativement formel. C'est relativement formel. Alors, je vais faire un pas de plus mais sans aller jusqu'à la fin complète de l'histoire. Mais c'est relativement formel. Et, quand le juge Cliche arrivait dans la salle 312 du palais de justice de Montréal, disons que c'était moins informel... C'était moins formel et plus informel à plusieurs égards, et ça... Voilà! Alors, je me limiterais à ça.
J'aurais le goût de vous donner un exemple, un exemple précis d'une cause, M. le Président, mais que je vous raconterai dans un autre moment. Mais c'était essentiellement... D'abord, c'était, je vous l'ai dit tantôt, c'était quelqu'un de... On connaît Robert Cliche pour l'avoir vu à la télé, enfin, pour ma part, l'avoir vu, son humanisme, sa chaleur, sa vigueur.
Et, quand son frère, Charles Cliche, venait siéger à Montréal, c'était... Il montait sur le banc, puis c'était... On se pensait... C'était... c'était... Le climat était fort agréable, disons ça comme ça, était fort agréable, était fort comme ici, M. le Président, il va sans dire, était convivial, était chaleureux. C'était quelqu'un de... Et ça faisait...
Écoutez, il faut le dire... Je ne veux pas me vieillir, M. le Président, savez-vous en quelle année c'était? C'était dans les années 1982-1983. Alors, imaginez, ça fait déjà 30 ans que je suis avocat, mais...
Une voix: C'est beaucoup. C'est vraiment beaucoup...
M. St-Arnaud: J'ai été assermenté très jeune. Mais je vous dis ça pour vous dire...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Le ministre a sorti ton CV.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. St-Arnaud: Oui, je vais faire attention à ce que je dis. Mais, M. le Président, tout ça pour vous dire que c'était à une époque où c'était passablement plus formel que ça ne l'est présentement. C'était à une époque plus... On parle de 1982, 1983, 1984, alors il y avait encore... C'était plus formel devant les tribunaux, et, quand le juge Cliche arrivait, on sentait... Il y avait un climat différent, il y avait une écoute différente, il y avait une chaleur différente qui créait un climat fort particulier dans cette salle de cour 312 où plusieurs ont commencé, parce que, vous savez, M. le Président, c'était la salle, je vous le disais tantôt, des infractions sommaires, alors c'étaient les petits dossiers.
Moi, quand j'ai fait mon stage -- vous savez qu'il faut faire un stage pour être avocat, de six mois -- moi, j'ai fait mon stage à l'Aide juridique de Montréal, avec d'ailleurs -- je m'éloigne encore -- mais avec... Savez-vous qui était ma maître de stage? Ma maître de stage était Élizabeth Corte, qui est maintenant la juge en chef de la Cour du Québec. Alors, quand même. Et elle était, à l'époque, directrice... une des directrices de l'Aide juridique à Montréal. Et donc, quand on commençait comme stagiaire, dès la première semaine, on nous donnait des dossiers et on nous donnait des dossiers évidemment de vol à l'étalage, de voies de fait simples, et on se retrouvait devant cette salle 312 où siégeait, une fois par mois pendant une semaine... Il venait passer la semaine à Montréal... J'arrête ici.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Huot): Oui, oui. Oui, on va arrêter ça ici, M. le député de Chambly.
M. St-Arnaud: Alors, je continuerai à un autre moment, M. le Président.
Le Président (M. Huot): Maintenant, j'avais deux demandes d'intervention. J'ai le député de Lac-Saint-Jean et j'ai le député de Beauce-Nord. Ça se passe très bien. Je ne sais pas... Est-ce qu'on y va tout de suite avec le député de Beauce-Nord? Vous savez que vous avez une intervention pour une période maximale de 10 minutes.
M. Janvier Grondin
M. Grondin: Là, les micros sont fermés, là. Juste pour continuer une anecdote, par...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Grondin: Après ça, je parlerai. Mais, s'il vous plaît...
Le Président (M. Huot): Mais...
M. Grondin: Parce que, de toute façon...
Le Président (M. Huot): Mais on est en ondes, M. le député de Beauce-Nord.
M. Grondin: De toute façon, ce n'est pas...
Le Président (M. Huot): Je peux vous laisser votre période de 10 minutes immédiatement. Si vous voulez commencer par votre anecdote, libre à vous, j'ai tendance à être très large sur la pertinence.
M. Grondin: Bien correct, M. le Président, c'est juste pour continuer en parlant du juge Cliche. Je ne sais pas si vous savez que les... La famille Cliche, là, je ne sais pas si c'est Charles Cliche ou... Mais les deux frères se sont tués dans un accident d'automobile, à Saint-Joseph-de-Beauce, sur la 173, et puis les deux frères ne savaient pas ni un ni l'autre... Il y en a un qui arrivait des États-Unis, l'autre arrivait de Montréal, puis ils ne savaient pas qu'ils s'en venaient à Saint-Joseph puis ils se sont frappés, face à face, à Saint-Joseph-de-Beauce. Ils se sont tués les deux. Ça fait que...
Une voix: Il n'y avait pas d'autoroute.
M. Grondin: Il n'y avait pas d'autoroute. Alors...
Des voix: ...
M. Grondin: Ça n'aurait peut-être pas arrivé. Mais c'est juste pour vous dire que c'est la famille Cliche, et...
Des voix: ...
M. Grondin: Mais pour...
Des voix: ...
Le Président (M. Huot): Oui, on va ramener un peu de décorum, s'il vous plaît. L'ambiance est... Ça va bien, mais la parole est au député de Beauce-Nord, s'il vous plaît.
M. Grondin: Juste pour quelques minutes et juste pour dire que vous parlez beaucoup de la Beauce, c'est exceptionnel, puis tout ça, c'est vrai que la Beauce, c'est un comté... c'est une région assez exceptionnelle parce que, quand on arrive pour avoir un projet dans la Beauce, c'est toujours... on est toujours en dehors des normes, nous autres, parce que, dans la Beauce, c'est... Regardez les gens qui vont aller demander le chômage dans la Beauce, ils ont 15 ou 16 semaines parce que la Beauce, il n'y a pas beaucoup de chômage. Alors, on est des exceptionnels. Quand on arrive pour n'importe quel projet du gouvernement, on est toujours à côté parce que la Beauce, on se sort bien... l'économie est bonne, ça roule bien.
Alors, quand on arrive pour avoir une autoroute, c'est encore un maudit problème. On est toujours en dehors de la mappe. Alors, c'est pour ça que je vous dis qu'il faut toujours se battre pour avoir de quoi, puis pourtant on est une région qui... normalement, économiquement, on se sort très bien puis on paie des taxes et des impôts, qu'on fait vivre peut-être bien du monde alentour de nous autres.
Pour un peu parler de l'autoroute et pourquoi que c'est arrivé à un changement de tracé ou de sortie d'autoroute, là, vous autres, vous ne vous rappelez pas de ça, mais, à Vallée-Jonction, quand l'autoroute est arrêtée à Vallée-Jonction, à la sortie de l'autoroute, il y avait une pente, il y a eu des accidents, des vans qui passaient tout droit en bas. Il s'est tué du monde, alors on a été obligé d'arrêter les vans de sortir de là. Il fallait les faire sortir à Sainte-Marie pour ne pas qu'ils prennent cette pente-là.
Là, présentement, on a fait un lit d'arrêt pour être... au moins arrêter qu'il y ait des accidents mortels. À Saint-Joseph-de-Beauce, à la sortie de l'autoroute 73, Saint-Joseph-de-Beauce, il y a une van qui a passé, qui a descendu dans la ville. Elle a rentré dans une maison, une van de bière. Tout le monde, la famille dormait, les enfants, puis tout ça, les caisses de bière en dessous du lit puis... En tout cas, appelez ça comme vous voulez, il n'y a pas eu de mort, mais il reste que la van... La maison a dérangé du solage. Elle était finie bien raide. Alors, on a bloqué la sortie de l'autoroute à Vallée-Jonction pour ne plus que les vans aillent dans la ville. On a pris les routes de contournement pour faire en sorte que le trafic lourd ne vienne plus dans la ville de Saint-Joseph.
Quand on est arrivés à Beauceville, quand on... Le projet de l'autoroute à Beauceville, là, le premier tracé arrivait sur la route... la sortie à la route Fraser. La route Fraser, quand le ministère des Transports a vu qu'est-ce qui se passait dans les autres sorties, ils ont dit: Wo! On ne pourra plus faire ça là, là, parce que c'est dangereux. On l'avait vécu dans les deux villes avant. Alors, c'est là que le projet d'autoroute a changé de côté, qu'ils ont analysé une autre façon pour essayer de ne pas sortir dans la ville de Beauceville, pour essayer d'éviter les accidents.
Alors, moi, je me dis que le tracé à l'heure actuelle, c'est sûr que... C'est sûr que ça dérange du monde, mais trouvez-moi une loi, trouvez-moi une autoroute, trouvez-moi n'importe quoi qui ne dérange pas quelqu'un.
Une voix: ...
M. Grondin: Il faudrait que l'autoroute passe dans le... Il faudrait qu'elle passerait dans les nuages ou bien faire un tunnel. Alors, on sait qu'elle passe du côté... où elle passe à l'heure actuelle... Là où le tracé, où le ministère a fait le tracé, le dernier tracé du côté est, je vous inviterais, moi, tout le monde à prendre un autobus puis venir voir sur place, puis vous allez constater que c'est le meilleur tracé pour l'avenir puis pour la sécurité des gens, C'est le meilleur tracé. Puis la meilleure manière de le savoir, ce serait de venir sur place, venir voir. Puis, moi, je pense qu'on perd beaucoup de temps ici, là. On pourrait prendre deux heures, puis aller en autobus, puis aller voir. Peut-être que votre façon de penser serait peut-être différente.
Une voix: Si ça fait partie des travaux de la commission...
Une voix: Ah! Motion pour une commission itinérante...
M. Grondin: Alors, voilà, c'est ce que voulais vous dire, puis j'espère, en tout cas, les... Je sais que vous avez des travaux à faire, l'opposition, puis, moi, je suis dans l'opposition moi aussi, mais je pense que ce projet d'autoroute là, c'est un projet qui, pour la région de la Beauce, est un projet qui devrait aller de l'avant le plus rapidement possible. On en a besoin. Merci.
**(17 h 30)**Le Président (M. Huot): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Maintenant, la parole est au député de Lac-Saint-Jean pour une période de 10 minutes.
M. Alexandre Cloutier
M. Cloutier: Merci, M. le Président. Je pense qu'on aurait pu reprendre mot à mot les paroles de notre collègue de Beauce-Nord et les faire nôtres. On est entièrement d'accord avec lui sur la nécessité de la construction de l'autoroute. On partage les besoins. On est conscients de la sécurité qui est en jeu. Puis malheureusement, bien, pendant qu'on tergiverse depuis de nombreuses années maintenant sur la construction de cette autoroute, bien, force est de constater qu'effectivement il y a eu des cas tragiques, des cas déplorables, et on espère que ce sera corrigé le plus rapidement possible.
Mais il n'en demeure pas moins, M. le député de Beauce-Nord, vous nous l'avez dit, que l'opposition a aussi un rôle à jouer qui est celui de s'assurer que les décisions qui sont prises par le gouvernement du Québec, elles soient prises à l'intérieur du cadre juridique applicable. Puis c'est là aussi, je pense, que nous avons une responsabilité particulière de s'assurer du respect des règles en cause.
M. le Président, on a eu... Je pense qu'une des interventions les plus... qui a le plus éclairé les travaux de la commission a certainement été la lettre qui a été envoyée par le Barreau du Québec. J'y reviendrai un peu plus tout à l'heure, mais, si nous souhaitons que le Barreau de Québec participe aux travaux de la commission, c'est, entre autres, parce que les gens... il représente aussi les avocats de la Beauce. Et ce serait très intéressant d'entendre les gens de la Beauce, les avocats de la Beauce, les représentants, par l'intermédiaire du Barreau de Québec, qu'ils viennent nous dire quelle est leur interprétation de la loi qui est devant nous aujourd'hui sous étude.
Force est probablement de constater que ce serait similaire. On peut penser du moins que ce serait similaire à la lettre qui a été envoyée par le Barreau du Québec. Il pourrait peut-être y avoir d'autres faits qui viendraient bonifier l'argumentation qui nous a déjà été présentée, mais ça serait certainement valable d'entendre les gens de Québec, particulièrement les avocats de la Beauce, qu'ils viennent nous expliquer leur vision de la façon dont le gouvernement s'est comporté dans ce projet de loi là.
Je répète, M. le Président, que je trouve particulièrement déplorable que les Beaucerons se retrouvent dans cette espèce de cul-de-sac juridique, parce que c'est vraiment ça que c'est, et qu'ils sont pris en otages d'une situation... d'une situation délicate, d'une situation qu'on n'aurait pas souhaitée et qui, malheureusement... On est placés un peu tous malgré nous... Parce que des mauvaises décisions ont été prises, parce que le gouvernement du Québec a perdu en Cour supérieure, parce que le gouvernement du Québec était convaincu qu'il allait perdre aussi en Cour d'appel du Québec, parce que le gouvernement avait perdu aussi devant le Tribunal administratif du Québec et, pour toutes ces raisons, bien, il a décidé d'avoir une... de proposer une procédure exceptionnelle, qui était celle du décret. Mais, malheureusement, lors du dépôt du décret, on a oublié une autre règle, qui est assez fondamentale, qui est celle d'avertir ceux et celles qui étaient particulièrement concernées.
On est pas mal... On est pas mal à la base, M. le Président, l'a b c du droit. J'imagine qu'il y a sûrement eu... dû y avoir quelqu'un au ministère, j'imagine, qui a reçu un appel puis à qui on a demandé des explications pour savoir comment se faisait-il que les gens concernés n'ont pas été informés. J'imagine qu'on a au moins posé la question. Peut-être que la réponse pouvait se justifier, je ne le sais pas. Elle n'a certainement pas été rendue publique. Mais ce qui est certain, c'est que le juge de la Cour supérieure, lui, ça été assez clair pour lui qu'on avait violé une règle de base en droit, ce qui fait en sorte que la décision...
Un décret a été rendu... a été déclaré illégal. Honnêtement, qu'un décret, donc, qu'un acte ministériel soit déclaré illégal, à ma connaissance, M. le Président, c'est vraiment exceptionnel. D'ailleurs, je me demandais sur quelle base la Cour supérieure pouvait déclarer illégal un geste posé par l'Exécutif, un décret. Évidemment, on a tous compris que c'était essentiellement à partir de la règle audi alteram partem, là, qui est un des principes de justice naturelle. Mais c'est quand même exceptionnel, puis il faut le réaliser, que le Barreau du Québec... pas le Barreau, pardon, la Cour supérieure est venue annuler un décret du gouvernement du Québec. Mon collègue, qui a beaucoup d'expérience avec le juge Cliche, je ne suis pas convaincu qu'il a vu, au fil de sa carrière, beaucoup de décrets annulés par...
M. St-Arnaud: Aucun. Aucun.
M. Cloutier: ...par la Cour supérieure.
M. St-Arnaud: Voulez-vous que je vous parle de ça?
M. Cloutier: Bien, ça serait intéressant. Peut-être éventuellement, effectivement.
M. St-Arnaud: On aura l'occasion. Je vous en reparlerai. Aucun.
M. Cloutier: Mais on a posé la question, d'ailleurs, aux intervenants du Barreau. De mémoire, la réponse, ça a été: un ou deux. Je n'ai pas la... Je n'ai pas la...
M. St-Arnaud: Un, ou deux, ou trois sur plusieurs décennies.
M. Cloutier: Exactement. Sur plusieurs années. Alors, ça nous montre bien que c'est exceptionnel comme procédure et que la Cour supérieure va intervenir uniquement dans ces situations exceptionnelles.
C'est assez intéressant aussi, la mise en garde que fait le Barreau du Québec sur la rétroactivité des lois. Le Barreau dit essentiellement qu'à chaque fois que les parlementaires vont décider de procéder par une loi rétroactive, le Barreau, qui est un peu le gardien des procédures, le gardien du droit au Québec, bien, va venir dire aux parlementaires que ça doit être utilisé de façon exceptionnelle, de façon isolée, dans des cas où on pourra réellement justifier la rétroactivité des lois en fonction de circonstances, là, bien précises.
Puis, dans la lettre, bien, le Barreau ne manque pas de clarté. Le Barreau, page 2, deuxième paragraphe, nous dit: «Le Barreau ne voit pas clairement le motif supérieur d'intérêt public qui serait de nature à justifier la législation [...] envisagée», «la législation exceptionnelle envisagée», parce que la nature exceptionnelle d'une loi rétroactive, ça va de soi, M. le Président. Essentiellement, ce qu'on dit, c'est... La règle de base, c'est que la loi ne doit pas être rétroactive. Ça, c'est la règle d'application générale. Mais, à cette règle d'application générale, il peut y avoir une exception. En fait, ça va de soi que la règle d'application générale viole le principe de la prévisibilité des mesures législatives, mais on peut justifier cette atteinte à cette règle de base dans la mesure où on est dans une situation exceptionnelle, et c'est cette justification de l'exceptionnabilité ou du caractère exceptionnel de la situation en cause que le gouvernement du Québec n'a pas été capable de démontrer, alors, ce qui fait en sorte, M. le Président, que le Barreau conclut que la mesure en cause ne peut pas s'inscrire dans le contexte qui exige un caractère exceptionnel.
Alors, ça, c'est le Barreau du Québec qui est venu, dans une lettre qui est adressée à la commission, de façon très claire... Et, ensuite, il y a eu les représentations faites, entre autres, par M. Brière. Mais ce serait extrêmement intéressant d'ajouter à ce que le Barreau du Québec est déjà venu nous présenter ici... d'avoir les représentants du Barreau de Québec qui, encore une fois, je le répète, regroupe 3 600 avocats, dont plusieurs sont du district judiciaire de Beauce. On n'a pas les chiffres, hein, par contre, du nombre d'avocats que ça peut représenter dans le district de Beauce, mais on peut spéculer, on peut spéculer effectivement qu'il doit au moins y en avoir une centaine, une centaine d'avocats, mais ça m'apparaît pas mal le minimum. Sur 3 600, on peut penser même que c'est plusieurs centaines. Alors, ce serait extrêmement intéressant parce qu'eux se retrouveraient dans le même dilemme qu'a eu l'opposition officielle, c'est-à-dire on peut penser qu'ils seraient, eux aussi, favorables... bien, en fait, qu'ils souhaitent... En fait, on est convaincus qu'eux aussi veulent la construction de l'autoroute dans les meilleurs délais, mais, M. le Président, ils seraient... ils auraient, eux aussi, la responsabilité, la responsabilité du droit, de l'application du droit, et la responsabilité même professionnelle. Alors, lorsqu'on leur demande leur avis, au-delà du fond, là, parce que... du projet de loi qui sera adopté, bien, eux aussi doivent s'assurer de l'applicabilité des règles de procédure en cours qui respectent, là, qui respectent la loi.
Alors, M. le Président, vous m'indiquez qu'il...
Le Président (M. Huot): ...
M. Cloutier: Pardon?
Le Président (M. Huot): Une minute.
M. Cloutier: Il m'en reste encore une, minute? Alors, je vais poursuivre là-dessus puis j'aurai la chance...
Le Président (M. Huot): ...
M. Cloutier: C'était 1 min 30 s, vous me disiez? Très bien. Alors, je vais...
Une voix: Mais là, c'est 45 secondes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cloutier: Je continuerai 30 secondes. Mais, très sérieusement, M. le Président, parce que l'enjeu est sérieux puis le député de Beauce-Nord nous a bien rappelé à l'ordre, tout à l'heure, qu'essentiellement il y a des motifs de sécurité qu'on partage amplement, puis que c'est vrai que la région mérite amplement son autoroute, et on la souhaite, mais, comme je l'ai dit, on a une responsabilité professionnelle, et malheureusement la façon dont on s'y est pris ne respecte pas l'état du droit, M. le Président, et on n'a pas le choix de s'y opposer.
Le Président (M. Huot): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. La parole est maintenant au ministre pour une période maximale de 30 minutes.
M. Sam Hamad
M. Hamad: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Huot): Donc, ce sera 20 minutes, compte tenu de l'heure, au maximum, pour poursuivre à la prochaine séance si vous voulez utiliser tout votre temps.
M. Hamad: Merci, M. le Président. Alors, la discussion est autour de la motion proposée par le Parti québécois à l'effet qu'ils veulent avoir le Barreau de Québec venir ici, en consultation. Et je n'ai pas cette qualité-là, M. le Président, je ne suis pas avocat, mais j'ai été président de l'Ordre des ingénieurs de la région de Québec, c'est l'équivalent du Barreau de Québec. J'ai été cinq fois, cinq fois vice-président de l'Ordre des ingénieurs du Québec. C'est l'équivalent du Barreau du Québec. Et, à mes connaissances, M. le Président... Je ne sais pas, pourtant il y a plusieurs avocats qui siègent dans le Parti québécois, ils doivent le savoir, que, lorsqu'une corporation professionnelle nationale se prononce, les autres corporations régionales, en général, suivent la corporation provinciale. C'était le cas, M. le Président, pour l'Ordre des ingénieurs du Québec, et je suis surpris de voir... Et je suis encore davantage surpris lorsque le député de Johnson et d'autres députés disent: Moi, je suis curieux de voir si le Barreau de Québec -- et là je note mot à mot -- appuierait le Barreau du Québec. Et sincèrement, M. le Président, on est rendus loin pour penser comme ça, là.
Est-ce que, finalement, les députés du Parti québécois cherchent à voir les contradictions entre les deux Barreaux ou ils cherchent à voir la même direction ou le même message? Moi, je pense intuitivement que le Barreau de Québec va dire la même chose que le Barreau du Québec, je pense. Le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, il dit: J'ai des questions à poser. Bien, M. le député, là, si vous voulez poser une question au Barreau de Québec, là, c'est 418 -- notez-la, là -- 529-0301. Et, si vous voulez appeler le Barreau du Québec, c'est 514 954...
**(17 h 40)**Une voix: ...
M. Hamad: ...33... En plus, ça coûte... Donc, ce n'est pas un longue distance pour vous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Hamad: Alors, appelez à 954-3400. Si vous avez des questions, là, vous avez des doutes, là, appelez donc ces gens-là, ils vont vous répondre. Puis normalement j'espère que vous avez dû déjà appeler ces gens-là.
Une voix: ...
M. Hamad: En passant... Oui, c'est bon qu'il soit enregistré. Et d'autres éléments, M. le Président. Jules Brière... Vous faites référence souvent à Me Brière. C'est un avocat de Québec, en passant. Ils ne le savent pas, peut-être, mais c'est un excellent avocat de Québec, un avocat qui a une grande renommée. D'ailleurs, il a travaillé déjà pour le Parti québécois pour préparer des lois, il a travaillé déjà pour l'Ordre des ingénieurs pour préparer des lois. C'est un expert dans les lois et c'est un gars de Québec. Donc, ils ont déjà, le Barreau du Québec, un imminent avocat de Québec en plus.
Et l'autre élément, M. le Président: je pense que le Barreau a été clair dans son message et il a clarifié des points suite à des questions que nous avons posées. La question fondamentale qui était adressée au Barreau du Québec: Est-ce que l'action du gouvernement du Québec de déposer un projet de loi... est-elle légitime ou non? La réponse du Barreau de Québec était oui.
Le Barreau du Québec... Ce n'était pas ça, le point de litige pour le Barreau de Québec. Le Barreau de Québec, il dit: Vous venez poser un geste pendant qu'il y a des gens qui sont en cour actuellement et vous changez les lois, et vous devrez tenir compte de ça. Ce qui est surprenant, M. le Président: le même mémoire que le Barreau du Québec a déposé pour ce projet de loi est exactement le même mémoire, à peu près, pour le métro de Montréal. C'est le même. Puis là le métro de Montréal, ils n'ont pas dit un mot, l'opposition, là-dessus, là; le Barreau de Québec, ce n'était pas important dans ce temps-là. Donc, c'est toujours les positions de... On a constaté, M. le Président, depuis quelques jours, depuis quelques mois: c'est toujours à géométrie variable. Ce qui est applicable à Québec n'est pas applicable en Beauce, ce qui est applicable pour le métro de Montréal n'est pas applicable pour la Beauce. C'est toujours à géométrie variable, et on a vu plusieurs journalistes, éminents journalistes, soit dans Le Soleil, soit dans Le Devoir... Michel David, on sait qu'est-ce qu'il a dit de tout ça. C'est un peu gênant, là, d'entendre tout ça.
Maintenant, nous, c'est sûr qu'on a entendu le Barreau, on sait l'opinion du Barreau, puis on va voter contre cette motion-là, c'est clair. Cependant, j'ai entendu le député de Gouin faire... dire: Je veux voir les amendements. Bien, s'il veut voir des amendements, il doit passer à l'étude article par article. Alors, je pense que c'est fondamental, avant de demander des amendements, passons donc à l'article par article, on verra après s'il y a des amendements. Il ne peut pas voir les amendements si on est sur une question de principe.
Deuxième question que j'ai pour le député de Gouin: Est-ce que je dois comprendre par sa proposition, si on fait cet amendement-là, il allait appuyer le projet de loi ou non? Sinon, pourquoi qu'il nous demande ça? Là, il me répond non. Donc, finalement, ce qu'il nous dit: Si on amène un amendement -- il vient de me dire non -- si on amène un amendement pour les frais juridiques, il n'appuiera pas davantage la loi, donc, finalement, c'était une question plutôt qu'une proposition. Alors, je tiens... je veux noter ce que le député de Gouin fait maintenant et je comprends qu'un amendement à ce niveau-là, ça ne changera rien dans le processus d'adoption de ce projet de loi.
M. le Président, demander le Barreau de Québec, peut-être que c'est une bonne initiative, mais le Barreau du Québec est déjà venu ici présenter son mémoire, on a eu un débat et on en a discuté longuement, sur la position du Barreau du Québec. Et, encore une fois, la question fondamentale: Est-ce que le Barreau du Québec est contre le projet de loi? Le Barreau du Québec a répondu clairement non. Et on a demandé au Barreau de Québec: Est-ce que c'est légitime, le projet de loi? Est-ce qu'il est légal? Est-ce qu'il est légal? Parce que, là, dans l'opportunité, c'est un peu relatif. Est-ce que c'est légal ou non? La réponse, c'était: Ce n'est pas illégal.
L'autre élément. J'ai noté, M. le Président, qu'ils voulaient savoir les sentiments des avocats de la région de Québec. Ils voulaient avoir les sentiments des Beaucerons, les avocats beaucerons sur le projet de loi. Puis ça me surprend, encore une fois, venant des avocats d'expérience, puis des bons avocats, de dire ça, parce qu'il me semble, moi, l'ignorant en droit, que l'application, c'est: le Barreau applique les lois, n'applique pas des sentiments. Puis, à ma connaissance, les lois à Québec, à Saint-Georges de Beauce, à Montréal sont les mêmes. Il n'y a pas eu de changement, là, il n'y a pas des lois qui sont applicables d'une façon à Québec puis applicables d'une autre façon à Montréal. Donc, on n'est pas dans la question de sentiments, on est... question d'applicabilité des droits.
Et donc la question: Est-ce que je dois comprendre qu'il pense que les lois à Saint-Georges de Beauce sont complètement différentes d'application à Montréal ou à Québec pour le métro de Montréal, pour l'amphithéâtre de Québec et pour l'autoroute de la Beauce?
M. le Président, devant les arguments qui nous ont été présentés par l'opposition, nous croyons qu'ils ne sont pas suffisamment convaincants pour nous permettre, à la partie ministérielle, d'accepter cette motion-là, donc nous allons voter contre, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Huot): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants du côté ministériel? Je crois que le temps était terminé du côté... M. le secrétaire, là...
Une voix: ...
Le Président (M. Huot): Oui, on est... C'est là qu'on était rendus. Je vérifiais simplement, du côté ministériel, s'il y avait des interventions, si les personnes voulaient faire des interventions. Ils avaient droit à 10 minutes chaque.
Mise aux voix
Donc, M. le secrétaire, nous sommes au vote. Je vais relire la motion déposée par le député de Chambly:
Il est proposé «que, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la Commission des transports et de l'environnement tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende le Barreau de Québec». M. le secrétaire.
Le Secrétaire: Oui. M. Girard (Gouin)?
M. Girard: Pour.
Le Secrétaire: M. Cloutier (Lac-Saint-Jean)?
M. Cloutier: Pour.
Le Secrétaire: M. Boucher (Johnson)?
M. Boucher: Pour.
Le Secrétaire: M. Grondin (Beauce-Nord)?
M. Grondin: Contre.
Le Secrétaire: M. Hamad (Louis-Hébert)?
M. Hamad: Contre.
Le Secrétaire: M. Billette (Huntingdon)?
M. Billette: Contre.
Le Secrétaire: M. Reid (Orford)?
M. Reid: Contre.
Le Secrétaire: M. Huot (Vanier)?
Le Président (M. Huot): Je m'abstiens.
Le Secrétaire: La motion est rejetée.
Le Président (M. Huot): Donc, la motion est rejetée. Donc...
Motion proposant d'entendre Mme Eugénie Brouillet
M. Cloutier: ...j'aimerais proposer qu'en vertu de cet article de nos règles de procédure, «la Commission des transports et de l'environnement tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 2, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende la constitutionnaliste Mme Eugénie Brouillet».
Le Président (M. Huot): Est-ce que vous avez cette motion par écrit?
M. Cloutier: Oui.
(Consultation)
Le Président (M. Huot): Évidemment, la motion est recevable. Même règle de procédure: M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez 30 minutes; le porte-parole de l'opposition officielle a 30 minutes; le ministre a 30 minutes; tous les autres membres de la commission ont 10 minutes. Donc, je reconnais M. le député de Lac-Saint-Jean, oui. Vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes, compte tenu de l'heure.
M. Alexandre Cloutier
M. Cloutier: Je vous remercie, M. le Président. On me demande qui est Eugénie Brouillet. Permettez-moi de vous la présenter. Eugénie est professeure titulaire à l'université, à la Faculté de droit de l'Université Laval. Elle est professeure depuis environ six ou sept années. Elle a publié un livre, qui a gagné d'ailleurs un prix ici, à l'Assemblée nationale, qui porte sur la nation québécoise et la négation de la nation québécoise par les jugements de la Cour suprême. Elle participe maintenant aussi à l'écriture, ou à la mise à jour plutôt, du livre de Droit constitutionnel d'Henri Brun, qui est la brique en droit constitutionnel ici, au Québec, qui est le pendant ou l'équivalent de Peter Hogg, là, la brique rouge du Canada anglais. Nous, on a notre brique verte ici, au Québec.
Mais la raison pour laquelle, M. le ministre... Puis là-dessus peut-être que j'aurai... nous aurons un peu plus d'écoute. Vous avez peut-être lu, ce matin, Vincent Marissal... Vous savez, je vous ai parlé hier du principe de la «rule of law» puis du... puis je vous ai parlé même de Dicey. Quelle ne fut pas ma surprise ce matin de voir Vincent Marissal qui nous citait nulle autre que la «rule of law» dans le contexte du projet de loi de l'amphithéâtre. Mais ça, on y reviendra.
**(17 h 50)** Mais effectivement c'est intéressant parce que... Bien, je suis content que vous soyez intéressé, M. le député du gouvernement, parce que justement c'est ce que j'essaie de susciter en vous, cet intérêt pour entendre notre constitutionnaliste Eugénie Brouillet, qui viendra peut-être nous en dire davantage sur la constitutionnalité ou non du projet de loi.
Je sais que vous avez posé la question au Barreau du Québec sur la capacité de l'Assemblée nationale à adopter un tel projet de loi, et le Barreau a dit essentiellement que ça prenait un caractère exceptionnel. Mais il y a une ambiguïté qui persiste, ça, j'en suis profondément convaincu, en ce qui a trait au respect ou non du principe de la prévisibilité du droit.
Et ça serait extrêmement important... Puis d'ailleurs j'ai été très honnête avec vous lorsque vous m'avez demandé: Est-ce que vous êtes prêt à mettre votre siège en jeu sur le fait qu'on allait ou non gagner en cour? J'ai été très prudent, en bon avocat, parce qu'un avocat habituellement prend toujours la peine de ne pas se mouiller complètement. Je vous ai dit: Bien, ce serait certainement un argument très fort en cour. Maintenant, est-ce qu'on gagne...
Alors, ce serait extrêmement intéressant, je pense, M. le Président, qu'elle vienne nous entretenir justement sur ce principe de droit constitutionnel, qui, comme je l'avais... j'avais eu la chance de le dire au salon bleu, est un principe constitutionnel non écrit qui a été reconnu formellement dans le jugement de la Cour suprême dans le renvoi sur la sécession.
Mais il faut comprendre que ce n'est pas dans le renvoi sur la sécession que soudainement on a découvert le principe, là, de la «rule of law» ou de la primauté du droit, mais, par contre, c'était la première fois qu'on venait en faire un principe constitutionnel non écrit, de façon formelle, dans un jugement de la Cour suprême. Puis d'ailleurs c'était carrément la première fois qu'on parlait de principes constitutionnels non écrits, puis c'est la première fois qu'on en énumérait quatre. Alors, suite à ça s'est développé une jurisprudence, une jurisprudence intéressante, et ça serait pertinent, je pense, d'entendre des constitutionnalistes. Bon, on a ciblé Mme Brouillet parce qu'elle est à l'Université Laval. Elle est jeune, elle a le vent dans les voiles. C'est une professeure qui a su démontrer ses talents exceptionnels. Elle a reçu de nombreux prix. Et ce serait extrêmement intéressant, comme je le disais, de l'entendre sur ce principe de droit qui est fondamental.
Le Barreau du Québec nous a dit que, lorsqu'on adopte une loi qui est rétroactive, bien, on doit s'assurer qu'on le fait dans des circonstances bien particulières. Non seulement on doit le faire dans des circonstances bien particulières, M. le Président, mais on a carrément utilisé l'exemple d'un match de football ou presque -- c'est presque cet exemple-là -- d'un match où, au cours du match, dans le fond, l'arbitre vient modifier les règles du jeu. Pas besoin de disserter pendant des heures pour comprendre le problème que ça pose. Et c'est là qu'entre en jeu ce fameux principe de la prévisibilité du droit et c'est là qu'il y a encore une zone grise. Hein, les tribunaux, à mon sens, se comporteraient de quelle manière? Bien, ils se diraient: Est-ce que les circonstances exceptionnelles peuvent permettre au législateur d'intervenir dans ce cas bien précis parce que, justement, malgré le principe de la primauté du droit, les circonstances font en sorte que, dans ce cas-là, on peut justifier une intervention du législateur? Le Barreau semble nous dire que le caractère exceptionnel ne saute pas aux yeux.
Maintenant, est-ce que, dans l'application du principe de la primauté du droit, ce sont les mêmes critères? Bien, ce serait justement intéressant d'avoir les éclairages d'une professeure, de quelqu'un qui en fait son métier et surtout quelqu'une qui aurait eu le temps de faire la révision de la jurisprudence en cours et de nous dire clairement qu'est-ce qui en est sur cette situation-là, et de l'entendre.
Parce que, dans le fond, on n'est pas plus avancés, M. le Président, vous en conviendrez avec moi. Que le gouvernement adopte le projet de loi et que ce projet de loi soit contesté devant les tribunaux, est-ce que le gouvernement va adopter un autre décret? Peut-être. Peut-être que, cette fois-là, il prendrait la peine d'avertir les partis; j'ai un petit sentiment qu'il le ferait. Mais, blague à part, M. le Président, ça mettrait le gouvernement dans l'embarras et ça serait... Ça prendrait, quoi, ça prendrait une après-midi pour faire venir... On demande à la constitutionnaliste de se joindre à nous, on lui pose des questions, on vide le sujet. Si nous sommes convaincus que ça répond aux interrogations...
M. Hamad: ...
M. Cloutier: ...non, mais... Pardon. Les propos du ministre suscitent l'intérêt, M. le Président.
Alors, je disais donc que, si nous vidions cette question lors d'une présentation, quoi, d'une vingtaine de minutes qui pourrait prendre en tout, quoi, une heure, une heure et demie, M. le Président, on saurait à quoi s'en tenir sur un enjeu qui m'apparaît fondamental. Parce que le Barreau du Québec n'est pas vraiment mouillé, hein? Le Barreau, ce qu'il nous dit, c'est qu'il ne voit pas le motif d'intérêt public qui pourrait justifier la législation exceptionnelle envisagée. C'est vrai que le Barreau du Québec a aussi parlé de la souveraineté du Parlement puis qu'il pouvait adopter des lois, mais qu'en même temps il devait le faire dans le cadre imposé par la constitution. Mais ils ne sont pas allés jusqu'à plaider l'inconstitutionnalité de la loi. Ils ne se sont pas prononcés sur cet enjeu-là, ils ne sont pas allés jusque-là. Et c'est là que ça devient intéressant pour nous, comme parlementaires, de s'assurer que les lois qu'on adopte, bien, respecte non seulement l'ordre établi, mais aussi la Constitution canadienne.
Et, ces principes constitutionnels non écrits, moi qui ai fait mon travail de maîtrise sur le renvoi de la sécession, je peux vous dire qu'à cette époque-là ça intéresse peut-être moins les ingénieurs, peut-être moins aussi les parlementaires, mais, lorsqu'on avait nommé ces principes... Parce qu'il faut comprendre que, quand on a demandé à la Cour suprême de se prononcer sur la légalité du processus de souveraineté du Québec, il n'y avait aucune règle de droit applicable.
Alors, sur quoi les juges se sont-ils fondés pour prétendre que ça prenait une majoritaire pour une question claire? Sur quoi pensez-vous que les juges se sont basés pour dire que ça prenait une question claire? Savez-vous c'est quoi, M. le Président, la réponse à ça? Ils ont dit... Ils ont inventé, parce que c'est vraiment, à mon sens, ce qu'ils ont fait. Ils se sont réunis puis ils ont décidé que ça serait à partir des principes de droit constitutionnel, mais pas les principes de droit constitutionnel écrits, les principes de droit constitutionnel non écrits. Ah bon! Alors là, à partir de ces principes non écrits, on en est venu à établir des nouvelles règles applicables qui, elles, sont bien écrites dans le jugement.
Puis ça, c'était complètement du droit nouveau, M. le Président. Ça a été un choc dans le monde juridique parce que, justement, c'était tellement nouveau qu'on ne savait pas trop si maintenant on pouvait invoquer ces principes constitutionnels non écrits pour venir invalider certaines dispositions législatives ou si, au contraire, ces principes constitutionnels non écrits étaient plutôt invoqués dans le cas précis de la question qui était posée devant les tribunaux.
Mais un de ces principes-là, c'est celui de la primauté du droit, primauté de droit, M. le Président, que la Cour a dû définir et qu'elle a défini essentiellement comme la prévisibilité des règles juridiques applicables. Ça fait partie des règles de base que notre ami Vincent Marissal a cité en long aujourd'hui dans son jugement, le principe de Dicey, qui sont pas mal à la base de notre...
C'est assez surprenant, quand même, je dois vous dire. Ça devait être la première fois, dans l'histoire de la presse, qu'on citait Dicey. En tout cas, moi, c'est la première fois que je lisais dans un grand quotidien... Mais tout ça pour vous dire que c'est un des principes constitutionnels.
Alors là, on est dans un contexte où on a adopté une loi qui, elle, est rétroactive et qui, à mon sens, du moins à sa face même, est en violation du principe. Est-ce qu'on est dans un contexte où on pourrait justifier une violation à un principe constitutionnel? Bien, moi, j'en doute, je ne le crois pas. Par contre, une professeure comme Eugénie Brouillet pourrait venir porter un éclairage sur la situation actuelle.
J'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup de respect, d'ailleurs, pour Eugénie, parce que, justement, elle a su vraiment démontrer ses capacités intellectuelles, il faut le dire, là, hors du commun. Et je suis persuadé que le ministre y trouverait avantage à entendre mes propos.
Des voix: ...
M. Cloutier: J'entends le ministre qui dit qu'il a le goût de l'entendre. Alors, j'ai bon espoir, M. le Président, que les travaux... demain, nous réussirons effectivement à... nous poursuivrons sans doute cette discussion, et que, peut-être, dans les minutes qu'il me restera, M. le Président, je pourrai.
Alors, je vois bien que je commence à perdre l'intérêt de mes collègues. Alors, comme je ne voudrais pas...
Une voix: Vous recommencerez demain. Vous avez 20 minutes, demain matin, pour...
M. Cloutier: ...réduire... perdre le temps qui m'est alloué pour convaincre... Je vais reprendre mes propos la semaine prochaine... demain, demain, demain.
Le Président (M. Huot): Oui, merci. Compte tenu de l'heure, nous devrons arrêter. M. le député de Lac-Saint-Jean, il vous restera 19 minutes, demain, à votre intervention.
Donc, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission à demain, vendredi le 27 mai, 9 h 30. La commission se réunira à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, merci.
(Fin de la séance à 18 heures)