(Quatorze heures cinq minutes)
Le Président (M. Reid): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre au moins la sonnerie, en tout cas, de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 92, Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Domingue (Bellechasse) est remplacé par M. Roy (Montmagny-L'Islet); Mme Leblanc (Deux-Montagnes) est remplacée par M. Deschamps (Saint-Maurice); et M. Deslières (Beauharnois) est remplacé par M. Trottier (Roberval).
Auditions (suite)
Le Président (M. Reid): Merci. Alors, j'invite le premier groupe à prendre la parole. M. Bélanger, M. Girard, vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Je vais tenter de vous avertir quand il restera une minute pour vous permettre de conclure, si jamais vous n'avez pas eu le temps, et je vous demanderais de vous présenter en même temps pour qu'on sache qui est qui.
Centre québécois du droit
de l'environnement (CQDE)
M. Girard (Jean-François): Jean-François Girard, président du Centre québécois du droit de l'environnement
M. Bélanger (Michel): Et Michel Bélanger.
M. Girard (Jean-François): M. le Président, avant même de commencer, ce matin, dans mon minutage, j'arrivais à peu près à 17 minutes. Alors, avec votre permission et les membres de la commission, si c'était possible d'allonger un peu la présentation...
Le Président (M. Reid): La difficulté, M. Girard, c'est que ça coupe sur le temps des parlementaires par la suite, alors c'est un peu difficile. De toute façon, la plupart du temps, si vous n'arrivez pas à terminer, il y a des membres du Parlement qui vont vous donner une chance de pouvoir terminer quelques objets ou sauter un thème que vous pourrez réutiliser par la suite.
M. Girard (Jean-François): D'accord. M. le Président, Mme la ministre, messieurs dames les députés et membres de cette commission, nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous exprimer encore une fois sur un sujet qui nous intéresse tout particulièrement, soit la gouvernance de l'eau. Je me permets de préciser d'entrée de jeu que ce mémoire a été produit et réalisé par les membres administrateurs bénévoles du CQDE. La situation financière du CQDE étant toujours la même depuis la dernière année, elle ne nous permet plus d'offrir des services à la population.
Ceci étant dit, huit ans après le rapport de la Commission sur la gestion de l'eau au Québec, la commission Beauchamp, six ans après la Politique nationale de l'eau, le gouvernement du Québec nous présente enfin un projet de loi visant à affirmer le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce projet de loi était attendu depuis longtemps.
C'est fort de son mémoire présenté dans le cadre de la commission Beauchamp et de son étude de l'évolution du droit depuis que le Centre québécois du droit de l'environnement, le CQDE, désire aujourd'hui commenter le projet de loi n° 92, que nous avons étudié plus particulièrement à la recherche de précisions sur: le statut juridique de l'eau et les conséquences de ce statut sur la gestion de la ressource; l'encadrement légal de la gestion intégrée par bassin versant et la reconnaissance juridique de l'existence, du rôle et de la mission des organismes de bassin; et la systématisation du droit québécois de l'eau.
Notre examen du projet de loi nous laisse à certains égards plutôt perplexes quant à la façon du législateur de répondre à ces enjeux, même si nous convenons que le projet de loi introduit certains concepts et éléments qui méritent effectivement droit de cité dans le régime québécois de protection de l'environnement.
Justement, ce régime d'autorisation des prélèvements en eau, commençons par cela. Nous constatons qu'à ce jour, en matière de gouvernance de l'eau, il n'existait à peu près pas ou très peu de moyens pour permettre de prévenir les conflits d'usage, particulièrement lorsqu'il est question de prélèvement de l'eau. C'est pourquoi le CQDE estime que l'entrée en vigueur des dispositions prévues aux nouveaux articles 31.74 à 31.87 projetés de la Loi sur la qualité de l'environnement constitue une avancée importante pour le Québec en matière de protection de ses ressources en eau.
Le CQDE désire souligner la pertinence de ces dispositions dans le régime québécois de protection de l'environnement, dont plus particulièrement:
1. le devoir du ministre d'assurer la protection des ressources en eau, notamment en favorisant une gestion durable, équitable et efficace de ces ressources ainsi qu'en prenant en compte le principe de précaution et les effets du changement climatique;
2. la possibilité pour le ministre ou le gouvernement d'ajouter des conditions particulières afin de s'assurer d'une protection accrue de l'environnement des écosystèmes aquatiques ou des milieux humides;
3. la durée de la validité des autorisations, qui est limitée à 10 ans, le CQDE voyant là une évolution majeure dans un régime où les autorisations avaient jusqu'ici vocation perpétuelle;
4. la possibilité pour le ministre ou le gouvernement, selon le cas, de suspendre ou révoquer définitivement une autorisation de prélèvement si les circonstances le justifient; et
5. la précision selon laquelle toute suspension ou révocation d'une autorisation de prélèvement ne donne lieu à aucune indemnité de la part de l'État.
Également, le CQDE apprécie la hiérarchisation des usages proposée au deuxième alinéa de l'article 31.76, même si nous croyons qu'il aurait été préférable de marquer davantage l'importance qui doit être accordée en priorité à la satisfaction des besoins humains et à la protection des écosystèmes aquatiques. Il faut en effet garder à l'esprit que, sans eau pour nous abreuver ou pour supporter les écosystèmes aquatiques, tous les autres usages de l'eau nous paraîtront plutôt bien futiles.
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(14 h 10)
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Ceci dit, notre examen du régime d'autorisation des prélèvements d'eau nous laisse perplexes à bien des égards, et nous identifions certaines lacunes qui méritent d'être corrigées.
Tout d'abord, l'exception en faveur des barrages et des ouvrages de production électrique. Même si nous comprenons le parti pris historique en faveur de la production d'hydroélectricité au Québec, nous estimons qu'il doit être mis fin aux privilèges de cette industrie, d'où notre recommandation n° 1 à l'effet d'abroger l'exception en faveur des barrages et ouvrages hydroélectriques qui est prévue à l'article 31.74 de la Loi sur la qualité de l'environnement projeté.
Le régime d'autorisation en matière de prélèvement d'eau proposé par le projet de loi n° 92 marque une évolution importante dans notre régime de protection de l'environnement, permettant ainsi au Québec à certains égards de rattraper son retard par rapport à d'autres juridictions. Ceci dit, force nous est de constater que l'introduction de ces nouvelles dispositions au sein de la LQE engendre un certain déséquilibre avec les régimes d'autorisation déjà existants, notamment le régime d'autorisation de l'article 22.
C'est pourquoi le CQDE propose que les principes introduits au sein de la Loi sur la qualité de l'environnement par le projet de loi n° 92 soient également appliqués aux autres volets de la loi, le gouvernement du Québec profitant ainsi de l'occasion qui lui est offerte de procéder à une modernisation en profondeur du régime québécois de protection de l'environnement.
Autre lacune importante du projet de loi n° 92, particulièrement en ce qui concerne le régime d'autorisation des prélèvements d'eau, le rôle et la participation des citoyens et du public y est réduit à une peau de chagrin. On remarquera en effet que seul le dernier alinéa de l'article 31.77 aborde cette question. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'autoriser un prélèvement d'eau, il est demandé au ministre de prendre en considération les observations que le public lui a communiquées relativement à ce prélèvement d'eau. Cela est trop peu. Pourtant, l'article 3 du projet de loi ne pose-t-il pas le principe que la gouvernance de l'eau est d'intérêt général?
Si tel est vraiment le cas, le CQDE est d'avis que toute demande d'autorisation pour un prélèvement d'eau doit faire l'objet d'un droit à l'information clair et transparent en faveur du public. L'ensemble de la documentation présentée au soutien d'une demande d'autorisation doit ainsi pouvoir être accessible aux citoyens qui en font la demande. De même, lorsque les circonstances le justifient, notamment lorsque le ministre aura reçu suffisamment de demandes en ce sens, des audiences publiques devraient être tenues.
Ce qui m'amène au statut juridique de l'eau et les conséquences de ce statut sur la gouvernance de l'eau. D'entrée de jeu, le premier article du projet de loi n° 92 aborde le statut juridique de l'eau au Québec en ces mots: «Étant d'intérêt vital, l'eau de surface et l'eau souterraine, dans leur état naturel, sont des ressources qui font partie du patrimoine commun de la nation québécoise et qui ne peuvent être appropriées, sauf dans les conditions définies par la loi, dont le Code civil.» Cet article affirme donc le caractère d'unicité de l'eau, qui, soit-elle en surface ou souterraine, est une ressource qui fait partie du patrimoine commun de toute la nation québécoise.
Nous apprécions que le législateur clarifie définitivement qu'il n'y a pas de distinction à faire entre les eaux de surface et les eaux souterraines. Elles relèvent toutes du même statut juridique. Mais il s'agissait ensuite d'ancrer le statut juridique de l'eau dans les principes de notre droit civil tels qu'ils sont définis dans le Code civil. Ainsi, il eût été souhaitable que le projet de loi n° 92 rattache le statut juridique de l'eau à l'une des catégories bien prévues au Code civil, soit celle des res communis, ce qu'il ne fait pas. Le patrimoine commun de la nation québécoise n'est pas une catégorie de biens définie au Code civil, et, dans ce sens, nous estimons que le projet de loi risque d'ajouter à la confusion qui règne quant au statut juridique de l'eau.
Par conséquent, nous sommes d'avis que l'article 1 du projet de loi pourrait être modifié pour affirmer encore plus clairement que l'eau, qu'elle soit en surface ou souterraine, est une chose commune, tel qu'en dispose nommément l'article 913 du Code civil.
Ce statut de chose commune entraîne cependant des conséquences importantes quant à sa gouvernance. Résumons ainsi la chose. Le bien du domaine public appelle une gestion par l'État, alors que la chose commune appelle une gestion par les usagers de la ressource, ainsi que le reconnaissait avec justesse la Politique nationale de l'eau, qui, je cite, nous proposait: «Une meilleure gouvernance de l'eau vise l'évolution du système actuel de gouverne, notamment par le développement et l'expression d'une vision globale, commune et partagée de l'eau ainsi que par une plus grande participation des différents usagers à la prise de décision. Cette façon de gouverner s'appuie sur: un leadership local et régional des acteurs de l'eau[...]; la responsabilisation des acteurs de l'eau quant à leur propre gestion[...]; [et aussi sur] la coordination et une plus grande imputabilité ? le mot est important ? dans l'action de l'ensemble des acteurs de l'eau», d'où la gestion par bassin versant.
Le CQDE applaudit. Enfin, une loi québécoise confirme que la gestion des ressources en eau doit être réalisée de manière intégrée et concertée à l'échelle des bassins versants! Le projet de loi n° 92 reconnaît aussi l'existence des organismes de bassin, qui enfin obtiennent une légitimité législative qui leur faisait jusqu'à ce jour cruellement défaut. De même, le projet de loi confirme l'existence des plans directeurs de l'eau, les PDE, qui, par bassin versant, permettront de dresser le portrait de l'eau. Enfin, nous sommes d'accord avec le fait que le ministre approuve les PDE, puisque cette mesure ajoutera à la légitimité et à la pertinence de l'exercice.
Cela dit, à propos de la gestion par bassin versant, permettez-nous de rappeler les propos du rapport Beauchamp, qui proposait la chose suivante: «Pour concilier la gestion de l'eau et des milieux aquatiques avec le développement économique et le respect de l'environnement, la concertation des acteurs de l'eau est essentielle. Réunir tous les acteurs de l'eau et des milieux aquatiques dans chaque bassin, leur donner la parole et leur déléguer la responsabilité décisionnelle et les moyens d'action, c'est la base d'un système de gestion intégrée. Les acteurs de l'eau sont l'État, les élus locaux, les citoyens, les associations, les usagers industriels, agricoles et touristiques. Le défi de la concertation, c'est d'inventer et de pratiquer une gestion partagée et participative, fondée sur le respect des uns et des autres et sur la recherche du consensus.» Nous sommes d'avis que le projet de loi n° 92 s'éloigne de cette proposition qui pourtant avait le mérite d'énoncer tous les éléments essentiels à la réussite d'une véritable gestion par bassin versant au Québec. De fait, l'impression générale qui se dégage du projet de loi n° 92 nous amène à croire que le rôle des usagers dans la gouvernance de l'eau y est bien mince.
Ainsi, on constatera que le projet de loi demande aux municipalités de seulement considérer les éléments du PDE dans l'exercice de leurs compétences. Or, comment pourra-t-on concilier la gestion par bassin versant avec la compétence exclusive des MRC sur la gestion des cours d'eau, tel qu'en dispose l'article 103 de la Loi sur les compétences municipales? Il eût été souhaitable que le projet de loi n° 92 précise ou formalise davantage la façon d'arrimer la gestion par bassin versant aux compétences municipales.
Enfin, il nous paraît tout à fait incongru que le ministre appelé à autoriser un prélèvement en eau ne soit jamais tenu de prendre en compte le PDE lorsqu'il y en a un, lorsqu'il est applicable. En fait, comme nous l'expliquons ci-après, le CQDE estime que le PDE doit devenir la clé de voûte de la gouvernance de l'eau. Ce document, cristallisant le consensus social autour des objectifs librement négociés et consentis de la gouvernance de l'eau, doit rallier tous les usagers et être mis en oeuvre par eux.
À l'heure où le Québec est censé avoir entrepris le virage du développement durable, nous constatons, au terme de notre analyse du projet de loi n° 92, non sans surprise, que ce projet de loi favorise encore la gestion en silo. D'un côté, il y a le régime d'autorisation des prélèvements d'eau, centralisé entre les mains du ministre, et, de l'autre, les acteurs du milieu, les usagers de l'eau, réunis au sein des organismes de bassin, à qui on demande de susciter le consensus et l'adhésion autour des objectifs du plan directeur de l'eau. Entre les deux, il y a ce lien ténu du PDE approuvé par le ministre sans plus de conséquence.
Or, le plan directeur de l'eau doit devenir la pièce majeure autour de laquelle s'articulera la gouvernance de l'eau. Rappelons-en l'essence. Le PDE est en fait la cristallisation du consensus social exprimé par les acteurs de l'eau quant à la gouvernance de l'eau dans un bassin versant donné.
L'élaboration d'un PDE est un exercice ardu mais nécessaire. Une fois adopté par le groupe des usagers, il appartient à chacun de mettre en oeuvre les éléments du PDE auxquels ils se sont librement et volontairement engagés. Pour le producteur agricole, par exemple, qui s'est engagé à respecter intégralement la bande riveraine le long des cours d'eau qui sillonnent sa propriété, c'est facile, il évite le fauchage et l'empiétement dans cette zone. Pour l'industrie qui, aux termes d'un PDE, s'est engagée à réduire ses rejets, elle investit dans la recherche et le développement et dans l'achat d'équipements plus performants. Pour le simple citoyen qui s'est engagé à économiser l'eau, pour prendre un exemple trivial, bien il évite d'arroser son entrée de garage. Personne n'est obligé, tous réalisent volontairement leurs engagements au sens du PDE.
Restent les acteurs étatiques, le gouvernement, les municipalités, qui, sans geste officiel, ne peuvent simplement faire quelque chose. Je m'explique. Ainsi, par exemple, une municipalité ne peut s'exprimer autrement que par résolution ou règlement. C'est pourquoi, si une municipalité veut traduire en actions concrètes les éléments du PDE auxquels elle s'est engagée, elle n'aura d'autre choix que d'adopter des règlements ou de modifier ceux déjà existants, notamment ceux d'urbanisme.
Dans tous les cas, le CQDE est d'avis qu'il y a lieu d'apporter une modification législative, vraisemblablement à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, pour faire en sorte que les municipalités soient tenues d'inclure dans leurs règlements d'urbanisme ou autres tout engagement auquel elles auront souscrit dans le cadre d'un plan directeur de l'eau adopté et en vigueur sur leur territoire.
n(14 h 20)n Qu'on se comprenne bien, il ne s'agit pas d'imposer le PDE aux municipalités, mais bien de leur donner le moyen de traduire leurs engagements, auxquels elles auront par ailleurs librement consenti au moment de l'élaboration du PDE. D'ailleurs, le législateur pourrait bien s'inspirer en cela de l'article 53.24 de la Loi sur la qualité de l'environnement qui, en matière de gestion des matières résiduelles, prévoit une mécanique similaire pour engager les municipalités dans la mise en oeuvre d'un plan de gestion des matières résiduelles en vigueur sur leur territoire. L'article 53.24 dispose ainsi que les municipalités sont liées par un PGMR en vigueur sur leur territoire et qu'elles doivent mettre leur réglementation en conformité avec les dispositions du plan.
De même en va-t-il du ministre ou du gouvernement, qui devraient également être tenus de respecter le plan directeur de l'eau existant lorsqu'ils sont appelés à prendre une décision dans le cadre de l'exercice de leurs compétences, notamment dans le cadre des articles concernant les prélèvements de l'eau. Encore ici, les dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement en matière de gestion des matières résiduelles...
Le Président (M. Reid): ...dire qu'il reste une minute.
M. Girard (Jean-François): ...peuvent nous servir d'inspiration. L'article 53.27 de la Loi sur la qualité de l'environnement prévoit en effet qu'en cette matière les pouvoirs d'autorisation attribués par la présente loi au gouvernement ou au ministre doivent être exercés dans le respect des dispositions de tout plan de gestion en vigueur sur le territoire d'une municipalité régionale. Rappelons que le ministre approuvera les PDE. Il nous semble n'être que juste mesure qu'il en respecte ensuite le contenu, particulièrement lors des autorisations de prélèvement d'eau, et pareil pour le gouvernement.
Aussi, le CQDE recommande que l'article 31.77 projeté de la Loi sur la qualité de l'environnement soit modifié afin d'obliger le ministre à respecter, lorsqu'applicables, les dispositions de tout plan directeur de l'eau en vigueur sur le territoire concerné par la décision qu'il s'apprête à rendre en matière d'autorisation de prélèvement d'eau. La même règle doit...
Le Président (M. Reid): Je vous interromps.
M. Girard (Jean-François): Il me reste un paragraphe.
Le Président (M. Reid): Allez-y.
M. Girard (Jean-François): Donc, la même règle doit être appliquée à toute décision du gouvernement en la matière.
Nous estimons que la boucle serait ainsi bouclée. Le PDE serait alors véritablement placé au centre de la gouvernance de l'eau, les silos seraient décloisonnés, et le Québec, lancé en avant au coeur d'un développement de plus en plus durable.
Le Président (M. Reid): Merci, M. Girard. Je passe maintenant la parole à la ministre.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup. J'ai compris que c'était sur mon temps que vous avez pu conclure, mais ça me fait plaisir. Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec, au salon rouge de cette Assemblée. Puis, premièrement, bonjour à mes collègues parlementaires. Et donc bienvenue puis merci pour un mémoire vraiment très étoffé et extrêmement intéressant.
Il y a des éléments sur lesquels je voudrais vous entendre. Peut-être un premier commentaire. Toute la section de vos considérations quant au statut juridique de l'eau et un arrimage, je dirais, plus parfait, en tout cas perfectible avec l'article 913 du Code civil, comme nous l'avons déjà indiqué à d'autres groupes qui sont venus nous rencontrer, dont l'Association pour un contrat mondial de l'eau, qui nous ont fait une proposition, ou encore la Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement également, qui nous ont fait des commentaires, juste vous dire que c'est évident, là, qu'au niveau des experts, avocats légistes du ministère, on va tenter de revenir, lors de l'étude article par article, pour réussir, je dirais, à rendre plus... Sûrement qu'il est perfectible, parce que ce que vous décrivez comme étant votre volonté, votre intention, ce que vous recherchez, là, je peux tout de suite vous dire qu'on partage cela, et donc là c'est vraiment dans la rédaction de l'article, là, de bien, je dirais, verrouiller toutes les issues. On s'entend là-dessus, et donc je ne commenterai pas plus ce que vous nous avez écrit dans votre mémoire.
Il y a peut-être trois éléments que je vais tenter d'avoir ? et, moi, j'ai maintenant 16 minutes pour discuter avec vous ? il y a trois éléments sur lesquels je voudrais vous entendre, et je vais tout de suite les dire. Il y a la question de la hiérarchie des... lorsqu'il y aura conflit d'usage de l'eau. Vous faites quelques commentaires sur la hiérarchie proposée dans le projet de loi, et je veux vous réentendre là-dessus. Il y a toute la grande question de la gouvernance. Puis il y a aussi une autre question, un peu plus pointue, sur laquelle vous avez un commentaire dans votre mémoire puis que je veux vous entendre. Je vais commencer par celle-là.
Vous semblez ? je vais résumer; vous semblez ? appuyer, dans votre mémoire, le fait que, dans la loi telle qu'elle est proposée en ce moment, il n'y ait pas d'indemnité prévue si le gouvernement se voit dans l'obligation, à cause d'une situation de conflit d'usage, de ne pas renouveler un certificat d'autorisation dans le contexte, le nouveau régime que propose la loi. Or, on a eu beaucoup de discussions. Encore hier, on était avec le Barreau du Québec qui, pour eux, au niveau du Barreau du Québec, considérait que ce n'était pas acceptable qu'il n'y ait pas de régime d'indemnité. Et, vous, vous arrivez, je pense, avec une vision que je dirais en tout cas assez... qui se différencie de ces propos tenus par le Barreau. Je voudrais vous entendre un peu plus, votre argumentaire sur pourquoi, vous, d'un point de vue juridique et dans le contexte du droit de l'environnement tel qu'on le connaît en ce moment au Québec, pourquoi vous appuyez le fait qu'il n'y ait pas d'indemnité prévue.
On m'invite ici à vous souligner, là, pour les fins de la discussion, que, pour le Barreau du Québec, eux, dans leur mémoire, ils nous écrivent que selon eux il s'agit là d'une expropriation déguisée qui mérite indemnité. Et, vous, vous semblez prendre une position contraire. Je voudrais entendre vos arguments.
M. Girard (Jean-François): La question de l'indemnité, je vais humblement vous avouer qu'on n'a pas fouillé la question en profondeur. Vous comprendrez qu'on a une tête, et il faut se limiter. Ce en quoi elle nous interpellait, c'est quant à l'application des règles de droit international, notamment ce que j'ai en tête, là, le chapitre 11 de l'ALENA. On sait que ? pour ce que j'en comprends, et je n'ai pas révisé récemment, là; pour ce que j'en comprends ? s'il y a une décision d'un organe étatique qui vient limiter l'utilisation qu'un exploitant fait d'une ressource y ou z, le chapitre 11 de l'ALENA vient lui donner le droit de poursuivre pour la perte de profits escomptés.
Je vais vous avouer que la disposition prévue au projet de loi n° 92, personnellement je la trouve sympathique, dans le sens où elle envoie un message disant: Nous, on fait fi de ces règles-là. Maintenant, est-ce qu'elle serait valide et valable en droit international? Je n'ai pas la prétention d'apporter aujourd'hui une réponse à cet égard-là, dans la mesure où ça sort de mon champ de connaissance. Michel.
M. Bélanger (Michel): Oui. Moi, je voudrais ajouter peut-être sur la question de l'indemnité. C'est que j'ai l'impression qu'il y a un nouveau paradigme que vous apportez avec la loi. Par contre, avec... Bon, puis on peut s'obstiner sur les termes «l'intérêt de la nation», «l'intérêt général», «le bien commun», le «res communes», mais à quelque part je pense que le gouvernement a l'intention de s'approprier une certaine... un mode de gestion qu'il n'avait pas auparavant dans la ressource elle-même.
Or, on peut penser que, si on révoque une autorisation qui avait été donnée, que les gens avaient l'impression d'avoir à perpétuité, c'est une autre question qui pourrait soulever éventuellement d'autres problèmes, si on voulait élargir ce qui de toute façon, et comme on l'a dit, est souhaitable, éventuellement. Mais, lorsqu'on insère un nouveau régime d'autorisation, lorsqu'on met un terme à ce nouveau régime d'autorisation là, lorsqu'on connaît les conditions au départ, c'est plutôt un privilège d'exploitation qui est donné aux gens et ce n'est pas un droit qui leur est donné et qui leur est nécessairement acquis.
À partir du moment où est-ce que l'eau est un bien commun, appartient à tout le monde... C'est vrai que le Code civil prévoit qu'il y a un usage, mais il prévoit également qu'on ne doit pas le modifier de façon importante en qualité et en quantité. Et ce n'est jamais très clair, cette mesure-là de quantité et de qualité que le Code civil dit qu'on doit préserver. Ce n'est pas possible d'utiliser de l'eau sans la modifier, de près ou de loin, dans sa qualité ou sa quantité. À partir de ce moment-là, je pense que, que le gouvernement se trouve un biais légitime pour tenter d'autoriser ce genre d'atteinte là, en qualité et en quantité, ça lui donnerait également l'autorité de fixer un terme. Et ça ne veut pas dire qu'à ce moment-là il est tenu à vie à octroyer ces usages-là. Moi, je pense que ça s'insérerait et ça se défend.
M. Girard (Jean-François): Et, dans la mesure où on est dans un régime où l'eau est une chose commune, un res communis, c'est d'autant plus pertinent et cohérent que les droits ne sont pas des droits de propriété parfaits qui s'exercent sur la ressource. Bien au contraire, ce sont les droits d'usage et pour lesquels les droits des autres usagers sont égaux et concurrents.
Donc, à partir de ce moment-là, et ce qui nous amène à la question de la gouvernance, si le plan directeur de l'eau est placé au coeur de la gouvernance de l'eau, il sera, peut-on espérer ou peut-on croire, il sera prévu, à travers ce plan directeur de l'eau, les possibilités d'exploitation à des fins de prélèvement d'eau. On aura évalué cette possibilité-là et on sera en mesure d'admettre un nouvel usager selon des barèmes x, y, z, dire: Bon, tu peux exploiter jusqu'à tel volume d'eau, ce qui sera fait par le biais de l'autorisation gouvernementale en respect de ce qu'il y a à l'intérieur du plan directeur de l'eau.
Ceci dit, une fois que c'est fait, lorsqu'on délivre l'autorisation ou même à l'intérieur du plan directeur de l'eau, il pourrait être prévu que, si la situation le justifie, si la situation se modifie, on pourra demander à certains usagers de restreindre leurs captages d'eau.
n(14 h 30)nMme Beauchamp: Comme vous savez, on a peu de temps. Juste vous dire: Ça, la situation que vous venez de décrire, elle est prévue dans la loi. Le ministre a le pouvoir justement de mettre fin avant terme, si je peux m'exprimer ainsi, à un certificat d'autorisation si la situation le justifie. Donc, je voulais juste vous le préciser, qu'on s'est donné cette capacité-là pour le futur.
Moi, votre commentaire sur... vous avez utilisé une expression qu'on retrouve à l'avant-dernière page de votre mémoire, cette expression que vous nous suggérez en page 31, vous dites: Si, nous, on avait rédigé la loi... vous mettez, dans votre premier point, cette notion que vous venez de reprendre que «les droits d'usage qui peuvent être exercés sur l'eau sont égaux et concurrents». Et, moi, quand j'ai lu cette proposition-là, cet énoncé-là, moi, j'ai cru que ça me ramenait à... moi, ça me ramène personnellement à la notion de «peut-on ou pas mettre une hiérarchie dans les usages de l'eau»?
La loi propose une certaine forme de hiérarchie. Vous, vous allez même jusqu'à dire dans votre mémoire: Bien, on doit mettre cette hiérarchie... dire ? et selon moi c'est un peu le cas, mais; dire ? qu'il faut le prévoir dans les plans directeurs de l'eau. Mais cette phrase-là, je veux bien la comprendre, puis vous venez de la réutiliser. Qu'est-ce que vous sous-entendez? Qu'est-ce que ça vient couvrir, la notion des «droits d'usage qui peuvent être exercés sont égaux et concurrents»? Et, moi, je ne suis pas légiste, moi, je vois ça comme étant contradictoire avec la loi qui dit: Il y a une hiérarchie à installer. Lorsqu'on sera devant un conflit d'usage, il y a une hiérarchie dans les droits d'usage de l'eau.
Le Président (M. Reid): M. Girard.
M. Girard (Jean-François): Je pense que l'un n'empêche pas l'autre, l'idée étant: la hiérarchie peut proposer... peut proposer une ordonnance de... ou une priorisation des usages qui doivent être faits de l'eau, et, à l'intérieur des différents paliers de cette hiérarchie-là, on retrouvera des droits qui sont d'usage... les droits d'usage qui sont égaux et concurrents. C'est-à-dire, entre deux industries, il y a équivalence et concurrence; entre deux... entre deux agriculteurs, il y a équivalence et cohérence. Mais je reviens à un principe tout à fait, je dirais, fondamental: s'il n'y a plus d'eau pour abreuver les humains, ça ne vaut plus la peine de parler de gestion de l'eau. Alors, il me semble que cette hiérarchie-là que l'on propose d'intégrer dans le cadre général de la gouvernance de l'eau pour qu'elle s'impose justement à tous les usagers de l'eau, que tous les usagers de l'eau approchent leur usage à l'eau à travers ce prisme, à travers ce maillage de la hiérarchisation des usages de l'eau...
Mme Beauchamp: Bien, c'est là et... c'est là que je vous annonçais que j'avais donc une question. C'est que je trouve que, dans votre mémoire, et tout ça, parfois vous nous parlez de la question de la hiérarchie comme si la loi ne le prévoyait pas puis d'autres fois vous dites: La hiérarchie prévue doit être intégrée, même, on doit obliger les plans directeurs de l'eau à en tenir compte. Je veux juste savoir si on se comprend bien.
À mes yeux à moi, si j'avais à décrire la loi, je dirais que la loi, dans son article 31.76, propose une hiérarchie dans les usages de l'eau qui doit notamment guider les décisions du gouvernement, de la ministre lorsqu'il y aura conflit d'usages de l'eau. C'est une hiérarchie qui à mes yeux, lorsque je lis votre mémoire... je me dis: Il me semble qu'on est très proche de ce que vous souhaitez. Dans le sens que c'est un article qui dit, en premier, qu'il faut «assurer la protection des ressources en eau» ? c'est le grand contexte dans lequel on travaille, la protection des ressources ? mais après ça on dit: «Toute décision que prend le ministre [...] doit viser à satisfaire en priorité les besoins de la population ? là, on les décrit ? en matière de santé, de salubrité, de sécurité civile et d'alimentation en eau potable.» Et par la suite on dit que les autres besoins doivent être conciliés. Et, deux, trois fois dans votre mémoire, vous revenez en disant: Bien, il faut dire que les besoins de la population sont prioritaires. Moi, j'ai l'impression que cet article-là est clair et dit ça. Est-ce que vous partagez mon avis ou pas? Est-ce que pour vous cet article-là est assez clair?
M. Girard (Jean-François): Oui. Cet article-là... et d'ailleurs ce qu'on dit, c'est qu'on le trouve intéressant. Peut-être aurions pu, nous, mettre: un, besoins de la population, santé et salubrité; deux, écosystèmes aquatiques; trois, agriculture; quatre... Bon. Ceci dit, on vit bien avec cet article-là.
Maintenant, comment on comprend l'économie de la loi, du projet de loi n° 92 que j'ai entre les mains, c'est que l'article 31.76 s'adresse et concerne le ou la ministre. Il parle au... Et, quand... Moi, la façon dont je comprends la loi, c'est, aux sections I à, disons, V, c'est ce que j'appelle le cadre général de la gouvernance de l'eau, et j'aurais voulu qu'on reprenne cet article-là qui va être inséré à travers la Loi de la qualité de l'environnement pour vous parler à vous, mais qu'on l'envoie aussi dans le cadre général de la gouvernance de l'eau pour qu'il parle à l'ensemble des usagers...
Mme Beauchamp: D'accord.
M. Girard (Jean-François): ...et, ce qui est cohérent avec ce qu'on vous propose, que le PDE soit au coeur de la gouvernance de l'eau.
Mme Beauchamp: Parfait. Donc, j'avais compris, c'est pour ça que je vous disais que parfois, moi, j'avais l'impression... j'avais compris cet élément-là que vous nous invitiez à dire que ça doit faire partie des éléments de base d'une gouvernance de l'eau par bassin versant, mais, ailleurs, j'avais l'impression que vous discutiez, je ne sais pas comment dire, là, de la hiérarchie proposée. On s'entend que vous êtes confortable avec l'article. Vous dites juste: Dans un cadre de gouvernance par bassin versant, on devrait rappeler que c'est des principes de base autour desquels un plan directeur de l'eau devrait être élaboré.
M. Girard (Jean-François): Tout à fait.
Mme Beauchamp: Je résume bien votre pensée?
M. Girard (Jean-François): Tout à fait.
Mme Beauchamp: O.K. Il me reste trois minutes, je vais donc faire une question très courte. Sur le grand thème de la gouvernance de l'eau, vous dites: Le plan directeur de l'eau doit être central. On a bien compris ce message-là. On a fait un pas, je pense: on reconnaît légalement la gouvernance par bassin versant, on reconnaît légalement l'existence d'un plan directeur de l'eau.
Peut-être un premier commentaire. Vous dites: C'est comme si la ministre... nulle part on ne prévoit que le gouvernement, le ministre doit en tenir compte. À mes yeux à moi, je pense que l'article 13 prévoit ça. Quand on dit qu'on doit prendre en considération, on parle... on a souvent discuté de ça en disant que ça concernait les municipalités, mais ça concerne le gouvernement aussi, «doit prendre en considération».
Mais, juste avant donc, vous abordez un sujet très pointu qui a fait l'objet ici de débats, c'est que vous dites: Dans le fond, les municipalités, on devrait trouver le bon mécanisme. Vous en proposez un où les pouvoirs municipaux seraient liés par le plan directeur de l'eau. Jusqu'à maintenant, le Regroupement des organismes de bassin versant, le Regroupement national des conseils régionaux en environnement et aussi les différentes instances municipales sont venus nous dire que peut-être que le fruit n'était pas mûr ? je vais prendre cette expression-là parce qu'il faut que je fasse court ? par rapport à ça. Et ça, c'est des acteurs très terrain en ce moment. Comment vous réagissez au fait que même, par exemple, le Regroupement des organismes de bassin versant ne fait pas, à ce moment-ci, en 2008, une telle demande?
M. Girard (Jean-François): Vous dites que ce sont des acteurs terrain, je me permettrai de préciser que je suis un acteur terrain. Je suis procureur d'une municipalité, je travaille avec les municipalités au quotidien. Je siège sur la Commission environnement de l'Union des municipalités du Québec, je vois les enjeux se dessiner.
Mme Beauchamp: J'espère que vous n'avez pas entendu, dans mon commentaire, un commentaire sur votre expérience.
M. Girard (Jean-François): Ah, non, non!
Mme Beauchamp: J'en suis désolée si vous l'avez compris ainsi.
M. Girard (Jean-François): Non!
Mme Beauchamp: On veut faire vite, mais, d'accord, je vous écoute, mais ce n'était pas du tout un commentaire sur l'expertise que vous amenez aujourd'hui.
M. Girard (Jean-François): C'est parce que je les vois, les tiraillements, et d'où ce qu'on vient préciser, c'est qu'il faut ne pas perdre de vue qu'à la base le plan directeur de l'eau est un document consensuel. Les engagements, les éléments qui sont inclus au plan directeur de l'eau, ils font l'objet de l'assentiment des acteurs de l'eau, qui ont participé à son élaboration.
Maintenant, et j'ai eu l'occasion de le dire au sein des municipalités, l'idée, ce n'est pas de se faire imposer ? et on l'écrit; ce n'est pas de se faire imposer ? c'est: Prenez, à l'intérieur du plan directeur de l'eau, ce qui vous concerne, parce que vous vous y êtes engagés volontairement, et traduisez-le à travers votre action sur le territoire municipal. Et, pour ce faire, il n'y a que deux façons de parler pour les municipalités: résolution ou règlement. Donc, je crois que ça doit passer par une modification réglementaire, et, ce faisant, ils ne font que traduire ce à quoi ils se sont engagés volontairement. Mais on aurait besoin que le législateur vienne attacher cette ficelle-là. C'est là qu'on propose peut-être une modification à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, où on vous propose le mécanisme déjà prévu pour les PGMR à la Loi sur la qualité de l'environnement.
Le Président (M. Reid): Merci beaucoup. Ça clôt cette partie de nos échanges. Je passe maintenant la parole au député de Marguerite-D'Youville.
M. Diamond: Merci, M. le Président. Première des choses, je tiens à vous saluer. Votre présence ici est excessivement importante. Il est déplorable que vous n'ayez plus la chance de remplir votre mission première, mais votre expertise en environnement mérite d'être entendue, puis je pense que c'est important aujourd'hui que vous soyez, là, entendus sur un projet de loi qui vous concerne.
Je vais commencer immédiatement avec toute la question de la hiérarchie des usages, qui a été l'objet d'une conversation à l'instant, et l'interrogation que j'avais se situe sur non pas la hiérarchie en tant que telle, mais comment réussir à arbitrer dans le fond les différends qui sont éventuels.
Par exemple, si, dans une municipalité donnée, l'agriculture entre en conflit avec le réseau municipal, qui va réussir à départir le bien du mal là-dedans? Si je peux utiliser une grande expression: Qui va réussir à trancher cette question-là? On sait très bien que le réseau municipal, c'est la consommation d'eau potable, mais c'est bien d'autres choses aussi. Ça peut être l'entretien d'une maison, ça peut être laver le pavé uni, tu sais, pour reprendre l'expression que vous avez amenée. D'autres fois, c'est une entreprise qui va être en compétition avec le réseau municipal. Ou parfois le réseau municipal va pouvoir aller chercher son eau ailleurs; l'entreprise, elle, ne pourra pas. Écoute, les questions sont abondantes. Comment est-ce qu'on va départir qui a raison, là-dedans?
n(14 h 40)nLe Président (M. Reid): M. Girard.
M. Girard (Jean-François): ...vous comprendrez, M. Diamond, que je n'ai certainement pas la prétention de répondre à votre question aujourd'hui, sauf pour dire, et je reprendrai les propos du rapport Beauchamp: Le défi de la concertation, c'est d'inventer et de pratiquer une gestion partagée et participative fondée sur le respect des uns et des autres et sur la recherche du consensus. Et elle est là, la clé: il va falloir apprendre à se parler. Le jour où la gestion par bassin versant va fonctionner, c'est le jour où l'amont va se soucier de l'aval.
Et je me permettrai d'utiliser ma pratique pour vous donner un exemple d'une municipalité, qui est située sur la rivière des Mille Îles, qui m'approche pour un avis juridique parce que, pendant l'été, les pompes pour le réseau d'aqueduc sortent de l'eau et, bon, évidemment, elles chauffent puis elles brisent. Et on se rend compte qu'une des raisons... ce pour quoi le niveau d'eau de la rivière des Mille Îles baisse, c'est parce que, sur la rivière du Lièvre, qui se jette dans l'Outaouais, qui va aller dans la rivière des Mille Îles, donc sur la rivière du Lièvre, s'ils ferment les barrages trop serré pendant l'été, il manque d'eau à la rivière des Mille Îles. Donc, c'est ça, le défi. Le jour où on va se soucier... que l'amont va se soucier de l'aval, on réussira à faire de la gestion par bassin versant.
Maintenant, il faut se parler, il faut que les acteurs soient assis à une même table, il faut que le plan directeur de l'eau suscite l'adhésion de ces acteurs-là pour que, quand surgissent des problèmes de cette nature-là, peut-être y aura-t-il des mécanismes déjà d'arbitrage prévus, à travers le plan directeur de l'eau, ou à travers la loi, ou à travers d'autres mécanismes qui seront à créer, pour nous permettre d'éviter ces conflits-là. Et c'est le rôle, c'est le rôle... un des rôles de la loi. Et un des rôles de la loi qui est proposée là, au niveau des modifications de la Loi sur la qualité de l'environnement, nous apparaît intéressant, parce qu'elle vient ajouter un outil pour permettre la prévention des conflits d'usage. Et ça, c'est important; il n'existait pas, ce mécanisme-là. Mais, maintenant, comment ça, ça s'articule au jour le jour? Je suis tout à fait d'accord avec vous que le défi, il est grand et considérable.
M. Diamond: ...
M. Bélanger (Michel): Je peux-tu juste ajouter...
M. Diamond: Oui. Absolument.
Le Président (M. Reid): Allez-y.
M. Bélanger (Michel): ...un élément là-dessus? C'est vrai que, si on compare avec la situation actuelle, c'est l'anarchie totale. Donc, c'est clair que c'est déjà une nette amélioration d'au moins se donner un cadre. L'approbation par la ministre ultimement peut peut-être permettre d'arbitrer s'il y a eu des éléments mal considérés. Mais vous touchez un point qui est quand même important, parce que c'est vrai que, si on met les gens autour de la même table, et on parle de la même ressource, il y a déjà des usagers qui sont installés, les terrains de golf déjà puisent, les agriculteurs sont à côté, il y a un arbitrage qui devra être fait. Je lance ça comme ça, parce que ça n'a pas été plus réfléchi, mais on pourrait effectivement imaginer la possibilité que, dans des cas de conflit, un mandat puisse être donné au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, qui est habitué à gérer... ça pourrait même être un mandat de médiation pour gérer des acteurs publics, d'intervenants, pour essayer de démêler et de donner une orientation au PDE. Donc, oui, il pourrait y avoir ici des mesures de mises en place.
M. Girard (Jean-François): Et il faut bien comprendre qu'à l'heure actuelle on est en train de découvrir ces mécanismes-là d'arbitrage... de prévention et d'arbitrage des conflits d'usage, parce que, jusqu'à voilà 30 ans, on peut dire, l'eau, on considérait que c'était une ressource si abondante qu'on ne sentait pas le besoin d'imaginer ces outils-là. Maintenant, on est dedans, là.
Le Président (M. Reid): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Diamond: Juste avant de commencer les audiences, on s'est discuté un peu, puis je vous l'avais dit qu'il y avait un élément dans votre mémoire avec lequel j'avais un contretemps, avec lequel j'avais un désaccord, et c'est certainement un élément central qui a fait l'objet de discussions, hier, avec le Barreau et certains autres intervenants, mais précisément ? surtout le Barreau ? sur la question du patrimoine commun de la nation, qui m'apparaît être la pierre angulaire du présent projet de loi.
Et je vais vous dire mon point de vue sur cette notion-là, qui est différent du vôtre, et j'aimerais entendre ce que vous en pensez. Le Barreau est venu nous parler, tu sais, de la responsabilité sans faute, qui est un peu ce qu'on propose, hein, de dédommager... de remettre en état un plan d'eau, même si en réalité il n'y a pas nécessairement eu de faute de la part de l'usager. Et puis ce serait du nouveau, là, dans le Code civil, d'amener un élément de responsabilité sans faute, si on se réfère à l'article 913, parce que le Code civil ne prévoit pas ça. Ce qu'ils nous ont dit, c'est que le débat avait déjà été fait, que les juristes s'étaient penchés là-dessus, ils n'avaient pas retenu l'idée de la responsabilité sans faute. Donc, par souci de cohérence par rapport à notre Code civil, il m'apparaît important que le patrimoine commun ne réfère justement pas exclusivement et explicitement au Code civil. Il peut évidemment lui donner un cadre, orienter la jurisprudence, mais il devient plus important d'aller chercher un concept étranger, qui est celui du patrimoine commun, qui est un concept européen. Ici, on a surtout parlé du concept français, qui amène un élément supplémentaire de protection, qui différencie évidemment n'importe quel res communis de l'eau, qui est un patrimoine commun. Est-ce que, vous, vous pensez que c'est absurde d'amener un élément nouveau dans le droit actuel ou, par souci de cohérence, on serait mieux de le faire?
M. Girard (Jean-François): Écoutez, s'il est question d'amener un élément nouveau, le CQDE tente toujours de faire preuve d'une grande ouverture d'esprit puis d'être proactif puis faire place à l'innovation. Bravo! Ceci dit, si on le fait, ce projet de loi là devra être beaucoup plus... beaucoup plus rigoureux sur la place de ce nouveau concept là dans le droit civil. Parce que, de l'avis du CQDE, depuis le dépôt de notre mémoire devant la commission Beauchamp, nous considérons que le droit civil, qui est la base de notre droit commun...
Rappelons-nous la disposition préliminaire du Code civil qui dit: C'est la base du droit commun, auquel les autres lois peuvent déroger ou ajouter. Mais il faut toujours repartir de cette fondation-là pour tenter de bâtir un édifice cohérent. Et il faudra que le projet de loi, à cet égard-là, soit très clair sur la place d'un concept comme l'intérêt, le patrimoine commun de la nation. Et je me permettrai de dire que, dans le projet de loi, simplement à travers ce projet de loi là, en plus de la notion de «patrimoine commun de la nation», on retrouve la notion d'«intérêt général», la notion d'«intérêt public», puis on retrouve, à l'article 7, cette notion d'«intérêts de la nation».
Alors, on retrouve différentes sortes d'intérêts. Mentionnons que l'article 982 du Code civil nous dit qu'on ne peut pas... c'est l'intérêt... on ne peut pas modifier un barrage ou un ouvrage qui épuise l'eau si... en fait on peut demander la destruction d'un ouvrage qui épuise l'eau ou qui la pollue, à moins que ce soit contraire à l'intérêt général. Donc, on a plein de sortes d'intérêts différents qui apparaissent à travers notre édifice législatif. Ce que le CQDE dit, ce que le CQDE demande aux législateurs: Soyez cohérents à cet égard-là de sorte que les juristes que nous sommes puissent s'y retrouver, à travers ça.
M. Bélanger (Michel): J'aimerais ajouter un élément également. Je pense que la définition donnée à «res communes» ferait la job, si on peut dire, par rapport aux objectifs que vous poursuivez quant à une nouvelle définition de «patrimoine commun». Le fait de qualifier le res communes, je pense que déjà on campe la notion de propriété et de droit d'usage par le concept de «bien commun».
D'ailleurs, si le Code civil fait en sorte que certaines personnes sont venues devant vous autres disant que l'État allait exproprier, par exemple, des... c'est parce que plus loin on donne le droit d'usage à quelqu'un qui a une source sur son fonds. Donc, on prend la peine d'ajouter au res communes de l'utilisation qu'on peut faire de ce bien-là dans certaines circonstances.
Donc, en quelque part, c'est un droit d'usage qui est donné, mais le bien reste commun. Et la Loi sur la qualité de l'environnement, cela a été...
Le Président (M. Reid): M. Bélanger, je vous prie de terminer, de conclure rapidement sur votre intervention parce qu'il y a encore des questions des députés de l'Assemblée.
M. Bélanger (Michel): D'accord. La réponse finale à votre question, c'est: Ça se ramène à la Loi sur la qualité de l'environnement qui déjà fait de l'environnement un bien sans égard au propriétaire. Déjà, on a le droit à une injonction pour ordonner la cessation d'une usine qui polluerait un terrain, même privé, sur son territoire. Pourquoi ne pas demander, de la même façon, réparation du dommage? Je pense que ce n'est pas un précédent, la loi a déjà campé ces principes-là.
Le Président (M. Reid): Merci. Merci, M. Bélanger. M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Diamond: Écoutez, M. le Président, je vais céder la parole à mon collègue, qui m'avait informé qu'il avait une série de questions. Je pense que ce serait une conversation à suivre, parce que j'ai bien d'autres questions à vous adresser. Merci.
Le Président (M. Reid): M. le député de Montmagny-L'Islet.
n(14 h 50)nM. Roy: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Au même moment où on travaille sur un projet de loi sur l'eau, on travaille sur le même projet de loi au niveau de la forêt. Et, quand vous avez parlé de l'amont, on devra se soucier de l'aval, et qu'on tombe dans deux MRC qui, une est située en montagne et l'autre est située dans la vallée, et qui ne s'entendent pas sur la nature même de la forêt et de l'utilisation de la forêt. On se trouve dans un contexte où les eaux de tête de la rivière Etchemin sont menacées par des travaux... des travaux forestiers importants, où on travaille sur la rivière Jaune, la rivière Noire, la rivière à Boeuf où en réalité, dans ce coin-là, on a des sources d'eau qui sont les sources d'eau de la rivière Etchemin, et on n'a pas tenu compte et on ne tient pas compte, bien sûr, en faisant les travaux forestiers, de la rivière.
Donc, en plus d'avoir des éléments sur l'eau, les plans directeurs de l'eau, maintenant les ministères vont avoir à se parler, eux autres aussi, entre la forêt et l'eau, parce que même eux vont être deux utilisateurs, là. Même eux vont être en contradiction, ils vont avoir chacun leurs besoins personnels: un pour faire vivre l'industrie et l'autre pour protéger son eau, et les gens qui vont vouloir protéger l'eau vont dire aux forestiers: Tu touches à mon territoire. Donc, déjà, je ne vois pas un conflit, mais je vois quand même certains problèmes qui vont se poser là.
Donc, comment vous voyez ça, sur la même table, là? Les forestiers vont être là, puis là bien il va y avoir les bassins versants qui vont être là aussi, qui vont dire: Attention, là! Tu es en train de scraper la rivière en bas pour l'avenir avec les travaux que tu fais en forêt. Comment on va faire pour concilier les deux?
Le Président (M. Reid): Messieurs, je vous demande de répondre à l'intérieur des deux minutes qui restent.
M. Girard (Jean-françois): Imaginez, il n'y avait même pas ces mécanismes-là pour qu'on se parle, avant. Alors, je pense que c'est un grand plus que cette notion de «gestion par bassin versant», la «gestion intégrée de l'eau par bassin versant». Mais, encore là, on est à découvrir ? je n'ai pas la réponse à votre question; on est à découvrir ? les mécanismes qui vont nous permettre, un, de prévenir, parce que bravo si on réussit à les prévenir, et, deux, de les arbitrer lorsqu'il y a des conflits d'usage. Mais il faut... C'est ce qui est en avant de nous, et c'est là le défi. Je ne peux pas répondre autrement. Michel?
M. Bélanger (Michel): Bien, c'est que ça vise aussi seulement les prélèvements d'eau, et vous avez tout à fait raison, que ce n'est pas juste ça qui porte une atteinte directe aux cours d'eau, et c'est vrai, c'est une partie de la réponse souvent qu'on y retrouve.
M. Girard (Jean-François): Et le plan directeur de l'eau, c'est là que je vous dis que le plan directeur de l'eau doit devenir la clef de voûte. Parce que, lorsqu'il est signé, là, lorsque le document est signé par l'ensemble des acteurs qui se sont assis, qui se sont parlé puis qui sont d'accord, bien on a déjà là la pierre d'assise, j'ose croire, d'une bonne entente pour le futur. Et donc, c'est primordial, et après ça, une fois que le plan directeur de l'eau existe, il faut que chacun des acteurs et des usagers de la ressource soit appelé à le respecter, soit appelé à le mettre en oeuvre dans ses capacités.
M. Roy: Est-ce que ça veut dire...
Le Président (M. Reid): Allez-y, il reste quelques secondes.
M. Roy: Est-ce que ça veut dire, ça, que justement c'est le plan directeur de l'eau qui va gérer tout et même le dossier de la forêt, ou si les deux vont être ensemble?
M. Girard (Jean-François): Le dossier de la forêt va avoir été intégré au plan directeur de l'eau.
M. Roy: Donc, c'est un en premier.
M. Girard (Jean-François): C'est un qui... C'est un phénomène d'ensemble, mais il faut que vous l'organisiez, que vous l'ordonnanciez. C'est au législateur de faire ça. Si vous voulez que la forêt passe en premier, mettez-le.
Le Président (M. Reid): Merci. Je vais passer maintenant la parole au député de Vachon.
M. Bouchard: Merci, M. le Président. Je ne pense pas que vous ayez, de front en tous les cas, abordé toute la question de redevance ou des redevances. Et j'aimerais avoir votre avis sur une question que je me pose depuis le début de cette commission.
On peut concevoir, à partir de l'article 1 et des articles subséquents, que l'État devient, de par ce qu'il est, là, le gardien de l'eau, hein? Il doit, quelque part, devenir imputable de l'application de la loi, premièrement, et aussi des moyens pour arriver à ce que l'eau soit protégée de la meilleure façon possible. Et je vous demande de réagir à une hypothèse... à l'effet que je me pose la question, si l'État ne devrait pas s'obliger, dans le projet de loi, à imposer des redevances. Et j'aimerais avoir votre réaction là-dessus.
M. Girard (Jean-François): On a constaté, là, effectivement qu'au préambule du projet de loi il est question des redevances de l'eau, lesquelles sont absentes, ensuite, du projet de loi en tant que tel. Ceci dit, je pense que c'est l'article 31 de la Loi sur la qualité de l'environnement, je ne sais plus quel paragraphe, qui prévoit la possibilité, par règlement, d'adopter des mécanismes de redevances. Alors, on a considéré que la ficelle était suffisamment attachée pour permettre au législateur ou au ministre de prévoir par règlement l'imposition de redevances.
Ceci dit, est-ce que ce serait une bonne idée? Parce qu'un projet de loi de cette nature-là a aussi une fonction pédagogique, donc est-ce que ce serait une bonne idée de faire formellement de la notion de «redevance» un article, une disposition du projet de loi?
M. Bélanger (Michel): C'est parce que votre question ne fait pas référence nécessairement à un concept juridique. Les moyens juridiques pour imposer une redevance sont prévus. À partir du moment où est-ce que vous dites: Est-ce qu'on ne devrait pas le mettre dans la loi comme une obligation?, ça s'adresse plus au niveau politique. Et la question, c'est: Comment ça se fait qu'on n'est pas capables ou on n'a pas encore été capables de charger une redevance, actuellement?
M. Bouchard: C'est exactement le contexte... vous avez très bien compris le contexte dans lequel je pose la question. L'article 31 auquel vous faites référence est un article qui permet à l'État d'imposer des redevances, mais nulle part l'État n'est obligé d'imposer des redevances, nulle part l'État ne s'oblige et est imputable devant cette obligation. Donc, ma question visait très explicitement plus cet aspect obligatoire d'imposition des redevances.
M. Bélanger (Michel): Bien, la réponse, c'est exactement celle que je commençais à donner. C'est sûr qu'à partir du moment où vous estimez qu'il y a un problème qui fait en sorte que le gouvernement n'est pas capable ou ne charge pas la redevance la solution, c'est qu'effectivement vous proposez un amendement qui oblige le gouvernement à le faire.
C'est qu'au plan strictement juridique il n'y a pas d'autre façon que d'obliger quand une question ou une décision n'est pas prise. La question, et je n'ai pas la réponse parce que ce n'est pas un dossier que je connais bien: Quelle est l'incapacité qui fait... Qu'est-ce qui fait en sorte que le gouvernement n'a pas encore imposé une redevance jusqu'à maintenant sur les usagers? Est-ce que c'est une question d'arbitrage, c'est une question de... Je ne le sais pas. Mais, si effectivement l'opposition ou le gouvernement lui-même veut se lier avec une obligation de le faire, c'est une décision qui est politique, de lier le gouvernement avec une obligation de faire quelque chose comme ça, ce n'est pas du tout juridique.
M. Bouchard: Bien...
M. Bélanger (Michel): Ce qu'on pense, nous: Est-ce qu'il devrait le faire? Bien, à partir du moment où tout le monde est d'accord que ça prend une obligation légale...
M. Bouchard: Ce pour quoi je soulève la question devant vous, c'est parce que vous êtes des spécialistes du droit, et je me posais la question: Est-ce que l'État peut s'obliger à? Et je ne m'attends pas à une réponse politique, je m'attends à une réponse juridique vis-à-vis cette question-là.
M. Girard (Jean-François): Bien alors, on répondra un peu théoriquement ou un peu mécaniquement: Est-ce que l'État peut s'obliger à? L'État le fait lorsque le texte de loi dit: «Le ministre doit». Alors, si l'État veut s'obliger, il faudra que ce soit écrit «le ministre, ou l'État, ou le gouvernement doit».
M. Bélanger (Michel): Oui. Mais l'État s'est obligé au déficit zéro, l'État est capable de s'obliger à facturer une redevance.
M. Bouchard: C'est ce que je voulais entendre.
Le Président (M. Reid): Merci.
M. Bouchard: Merci.
Le Président (M. Reid): Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je vous remercie beaucoup de votre mémoire. Je sais que vous aviez des moyens extrêmement limités, mais souvent il y a des gens qui disent: Ah! bien, moi, je n'ai pas les moyens de faire ça, je ne ferai rien. Je pense que vous méritez nos félicitations d'avoir approfondi à ce point un certain nombre de recommandations, puis c'est tout à votre honneur. Je pense que, quand on croit dans quelque chose, je pense qu'il faut qu'on dépasse souvent les considérations financières. Je souhaite par contre que ça puisse s'améliorer quand même. Je pense que ça pourrait aider. En tout cas, vous méritez d'être aidés.
On a parlé beaucoup de la question d'arrimer la gestion par bassin versant aux compétences municipales. Je comprends que c'est difficile de trouver la solution miraculeuse, par rapport à ça, qui va tout régler tous les problèmes, là. Tout à l'heure, vous avez mentionné l'idée de résolution de conflit. Je pense que ça, ça m'apparaîtrait extrêmement intéressant qu'on puisse avoir un mécanisme local. Mais je sais qu'on est dans le «work in progress», là, on invente au fur et à mesure, mais ce seraient quoi, les conditions gagnantes pour faire en sorte qu'on puisse vraiment arrimer la gestion de bassin versant avec les compétences des municipalités, qui fassent en sorte que ce ne soit pas l'un contre l'autre, que ce soit l'un avec l'autre?
M. Girard (Jean-François): Il n'y a pas... Dans la pratique que je fais auprès des municipalités, je suis de plus en plus convaincu que la protection de l'environnement au Québec va passer ? elle va se faire ou elle ne se fera pas ? par les municipalités. Les municipalités détiennent la clé de la protection de l'environnement, dans la mesure où elles sont responsables du développement et de l'aménagement du territoire. Une municipalité qui déciderait de bétonner l'entièreté de son territoire, elle a pratiquement les pouvoirs de le faire, et on ne parlera plus d'environnement dans cette municipalité-là. Point final.
Ceci dit, maintenant et effectivement le défi, encore, il est là, à faire en sorte que les municipalités et MRC puissent réussir à se parler. Mais j'ose croire que les enjeux sont suffisamment importants pour qu'on soit capables de trouver la... qu'on soit capables d'arriver à ce consensus-là.
Parce que ça fait trois fois qu'on me pose la question. Il n'y en a pas, de mécanisme, il n'y en a pas, de baguette magique. Il va falloir asseoir du monde autour d'une table, qu'ils se parlent puis qu'ils trouvent le moyen de déterminer comment, pour le futur, ils vont gérer cette ressource-là, l'unité physiographique fondamentale étant celle du bassin versant. Si on est pour réviser la Loi sur la qualité de l'environnement, je l'ai écrit dans le mémoire, elle devra s'appuyer sur deux piliers: la gestion de l'eau par bassin versant et la capacité de support des écosystèmes. C'est là-dessus que ça va reposer.
M. Trottier: Dans le fond, ce que je comprends, c'est que, s'il y avait une plus grande sensibilisation de la part de l'ensemble des acteurs, c'est ça qui va faire que ça va marcher ou pas. S'il n'y a pas de sensibilisation, s'il n'y a pas de conscience de l'importance... puis, ce que je comprends également, c'est que l'environnement ne s'améliorera pas au niveau québécois, il s'améliorera au niveau local, qui va avoir une conséquence sur l'environnement québécois.
n(15 heures)nM. Girard (Jean-François): Bien, il faut espérer qu'il y aura un effet d'entraînement à l'ensemble des bassins versants. Mais il est clair qu'effectivement un bassin versant dépasse les limites d'une MRC. Peut-être, des fois, dans ma fièvre, je me dis: Peut-être qu'un jour on va arriver à une MRC par bassin versant ou une entité par bassin versant, une entité administrative. Peut-être que, quand on a créé les MRC, on n'avait absolument pas connaissance et conscience de cette notion de bassin versant, là. Peut-être qu'il faudrait arriver à ça un jour.
M. Trottier: Sur la question des bassins versants, vous parlez qu'on devrait gérer les eaux souterraines par nappe. Est-ce que vous pourriez donner un petit peu plus de détails par rapport à ça?
M. Girard (Jean-François): Oui. Dans la mesure où on propose... En fait, c'est la notion de ce que, nous, on a appelé dans notre mémoire les ressources communes partagées. Elinor Ostrom, une chercheure américaine, parle, puis c'est couramment employé en littérature scientifique, de la notion de «common-pool resource». Donc, on identifie une ressource commune dont les usagers se partagent l'usage. Une fois qu'on l'a identifiée, c'est ce groupe des usagers là à qui on demande d'élaborer, de participer à l'élaboration de l'institution de gouvernance qui va concerner cette «common-pool resource». Donc, si c'est bon pour les bassins versants et les eaux de surface, on soumet que c'est également bon pour les nappes d'eau souterraines, et il y a des juridictions ailleurs dans le monde qui le font, ils font de la gestion par nappe.
M. Trottier: Vous mentionnez, en recommandation 8, vous dites qu'on devrait «faire en sorte que les municipalités soient tenues d'inclure dans leurs règlements d'urbanisme ou autres tout engagement auquel elles auront [inscrit] dans le cadre d'un plan directeur». Vous dites que ça demanderait une modification législative. Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi ce n'est pas possible présentement?
M. Girard (Jean-François): C'est parce qu'en fait ça pourrait être possible si... Comme je vous ai dit tout à l'heure, une municipalité n'a d'autre moyen de s'exprimer que par résolution ou règlement. Alors, une municipalité qui aujourd'hui... Bon, je sais, pour vous donner un exemple: Corporation d'aménagement de la rivière L'Assomption. Leur plan directeur de l'eau a été adopté. Il est en vigueur, bien... ou en tout cas il existe maintenant. Si la municipalité de L'Assomption, ou de Joliette, ou quoi que ce soit, disait: Aïe, moi, ces éléments-là du plan directeur de l'eau, je veux les mettre en oeuvre, elle n'aurait d'autre choix que de procéder par règlement.
Ceci dit, et c'est ce qu'on dit dans le mémoire, ici, il aurait été souhaitable que le projet de loi donne la voie à suivre. Pour le moment ? et je vous dis, moi, je siège à la commission environnement de l'UMQ ? les municipalités sont là, ils se grattent la tête, ils disent: Comment on fait? Moi, tout seul, quand je dis: Bien, c'est la façon à faire, ma voix ne porte pas assez loin. Que le législateur, à travers un projet de loi qui parle de la gouvernance de l'eau, nous donne la voie à suivre, le livre de recettes à suivre, ce serait une excellente idée.
M. Trottier: La sixième proposition que vous faites, vous dites que «les engagements pris par un usager aux termes d'un plan directeur de l'eau peuvent être inscrits contre un immeuble et doivent [...] être publiés au registre foncier». Bon. Est-ce que...
M. Girard (Jean-François): Oui, ça, c'est dans mon projet de loi un peu... le projet de loi parfait.
M. Trottier: Qu'est-ce que ça changerait par rapport au fait que... Si, par exemple, un cultivateur qui doit respecter les... s'engage à respecter les bandes riveraines, ça changerait quoi par rapport au fait que ce soit inscrit au registre foncier?
M. Girard (Jean-François): Je vais vous dire où je veux aller avec ça. J'ai proposé un petit peu précédemment, dans le mémoire, que la gestion par bassin versant, on la limite, là, dans le projet de loi, au bassin versant nommément désigné. De la gestion par bassin versant, il s'en fait plein partout au Québec, à différentes échelles. Il y a beaucoup d'associations de lacs, à l'heure actuelle, qui protègent les lacs, qui ont adopté cette échelle de... cette unité physiographique du bassin versant. Alors, ces gens-là sont en train de gérer un lac, sont en train de s'autoréglementer quant à la gouvernance de ce lac-là par bassin versant.
Maintenant, s'ils le faisaient... si, dans le plan directeur ou de la façon dont le contrat social auquel ils adhèrent, il y avait moyen de le rendre... Dans le fond, c'est d'imposer une servitude. Vous donnez l'agriculteur, ce serait d'imposer l'équivalent d'une servitude, donc inscrit au registre foncier, à la publicité des droits contre l'immeuble, de telle sorte que, de génération en génération, il y aura publicité des droits qui va permettre... et un droit de suite qui va faire en sorte que chacun des propriétaires de cet immeuble-là seront avisés et tenus de respecter ce à quoi le plan directeur de l'eau ou en tout cas le contrat social les avait engagés initialement.
Le Président (M. Reid): M. Girard, M. Bélanger, je vous remercie de votre contribution. J'invite maintenant... Je vais suspendre pendant quelques instants pour donner le temps au groupe suivant de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 5)
(Reprise à 15 h 6)
Le Président (M. Reid): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants du Conseil patronal de l'environnement du Québec. Je vais vous demander, madame, monsieur, de vous présenter et je vais vous donner une quinzaine de minutes pour faire votre exposé. Je vous avertirai quand il restera une minute pour vous permettre de conclure, si ce n'est pas déjà fait.
Conseil patronal de l'environnement
du Québec (CPEQ)
Mme Lauzon (Hélène): M. le Président, merci. Bonjour, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Mon nom est Hélène Lauzon. Je suis la présidente du Conseil patronal de l'environnement du Québec et je suis accompagnée aujourd'hui de M. Jean-Claude Belles-Isles, qui est le directeur de l'environnement de l'Association minière du Québec. Cette association est membre de notre organisation.
Alors, le Conseil patronal de l'environnement du Québec est le porte-parole du grand secteur industriel et des affaires du Québec pour toutes les questions relatives à l'environnement et au développement durable. On compte environ 195 entreprises, dont une vingtaine d'associations sectorielles. Alors, pour les fins de la présentation, je référerai régulièrement à l'acronyme CPEQ pour désigner notre organisation. Merci de nous avoir invités à formuler les commentaires. Et nous commencerons dès maintenant.
Alors, d'entrée de jeu, nous tenons à donner notre appui au projet de loi qui consacre le caractère collectif de la ressource. Il s'agit là d'une pièce législative majeure qui apporte des éclaircissements à certains concepts, et on vous appuie.
Maintenant, on a quand même des commentaires à formuler, bien sûr. Ces commentaires sont surtout de nature à pouvoir alimenter votre réflexion pour pouvoir bonifier le projet de loi. Nos commentaires vont porter soit sur le droit d'accès à l'eau potable, sur le principe d'utilisateur-payeur, sur le nouveau pouvoir qui est conféré au Procureur général mais duquel découle la responsabilité sans faute, sur le principe de sécurité juridique et également sur les autorisations de prélèvement et sur les principes de justice et d'équité.
Mon premier commentaire porte sur le droit d'accès à l'eau potable. Bien entendu, on ne peut s'opposer à ce droit. C'est un droit qui est reconnu, même qui a été reconnu par les objectifs de développement du Millénaire. Et ce droit commande l'obligation de fournir de l'eau potable, bien entendu. Alors, considérant le fait que cette obligation de fournir de l'eau potable existe déjà pour divers exploitants d'établissement, et cette obligation existe à l'article 45 de la Loi sur la qualité de l'environnement, le CPEQ s'interroge sur la pertinence de maintenir ce droit, puisque l'obligation existe déjà dans la loi.
Mais surtout le CPEQ s'interroge sur la façon d'opérationnaliser ce droit. Alors, comment allons-nous l'opérationner tant au niveau provincial qu'au niveau municipal et au niveau des établissements? Alors, au niveau provincial, on peut se demander: Est-ce que cet article 2 obligera le gouvernement à subventionner toute personne qui voudra aménager un puits artésien? Est-ce qu'il obligera les municipalités à subventionner des petites usines de filtration ou encore à être obligées d'installer des puits d'alimentation partout sur le territoire? On peut aussi se demander: Est-ce que cette obligation obligera les entreprises à installer des sources d'accès à l'eau potable partout sur son terrain ou à l'intérieur de l'établissement? Aussi, contrairement à ce qui est actuellement prévu dans la législation, est-ce que ce droit interdira désormais aux installations touristiques, aux haltes routières ou encore même aux campings d'apposer des pictogrammes avec la mention «non potable», et pour les fins d'hygiène, c'est-à-dire pour ce qui est de l'eau que l'on utilise à des fins d'hygiène, alors que c'est actuellement permis?
n(15 h 10)n Alors, à la lumière de ces considérations et surtout de ces interrogations, nous vous suggérons d'apporter une modification au libellé actuel. Nous vous suggérons d'ajouter les mots, à la fin de l'article en question, «dans la mesure et selon les normes prévues par la loi», et cette modification permettra ainsi d'apporter des limites dans l'exercice de ce droit lorsque c'est nécessaire. On retrouve d'ailleurs un tel libellé à l'article 49.1 de la Charte des droits et libertés, qui reconnaît le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité, suivant les normes prévues par la loi.
Notre prochain commentaire porte sur le principe de l'utilisateur-payeur. Bien sûr, on peut reconnaître le fondement de ce principe à partir du moment où l'État doit administrer la ressource en eau, et, comme il n'y a aucun endroit dans la loi où on parle de redevance, on veut quand même pouvoir invoquer le fait que, au moment où sera le temps venu d'imposer des redevances, on vous demanderait d'appliquer le principe d'équité entre les utilisateurs et également de prendre en considération la compétitivité des entreprises. Bien sûr, il s'agira là d'une tâche délicate. Nous vous offrons notre collaboration, le temps venu, pour approfondir cette question.
Notre prochain commentaire... Ah! Bien sûr, pour ce qui est des redevances ? oui, excusez-moi, pour ce qui est des redevances ? on souhaiterait que les eaux de dénoyage ainsi que les eaux de refroidissement soient exclues de l'application de la redevance, le cas échéant, lorsqu'on sera rendu à cette étape.
En ce qui concerne le principe de la responsabilité sans faute, alors, bien entendu, il y a un nouveau pouvoir qui est conféré au Procureur général, ici, et qui permet au Procureur général d'intenter un recours contre une personne qui par son simple fait cause un dommage à la ressource en eau, indépendamment du fait qu'elle ait pu commettre une faute. Il s'agit là de la consécration d'un principe qui est le principe de la responsabilité sans faute. Il y a des groupes, avant nous, qui vous ont déjà fait ces commentaires. Alors, on réitère le fait qu'il s'agit d'un principe qui n'existe pas dans notre droit québécois. Notre régime de responsabilité est fondé sur la faute, et nous souhaiterions qu'il soit maintenu ici. Je comprends très bien qu'il s'agit là de droit nouveau d'inspiration européenne et que votre préoccupation, entre autres, c'est de pouvoir vous doter d'outils pour les cas où il y a des déversements alors qu'il n'y a aucune faute attribuable, par exemple, à une entreprise.
Alors, ce qu'on vous suggère, c'est que, plutôt que de contrevenir au principe de la responsabilité fondée sur la faute, qui est actuellement prévue au Code civil... ce que nous vous proposons, c'est d'amender l'article 31 de la Loi sur la qualité de l'environnement de façon à pouvoir imposer des mesures compensatoires ou des indemnités forfaitaires le moment venu, et également d'apporter une modification au Règlement sur les matières dangereuses. Ce règlement vous permet actuellement de forcer une entreprise, par exemple à la suite d'un déversement, de remettre le tout dans son état initial et de réparer le tout. Donc, il s'agirait d'apporter un amendement à ce règlement pour étendre son application à la ressource en eau, et ainsi on ne serait pas obligé de contrevenir au principe de la responsabilité fondée sur la faute.
Ce que l'on voudrait également souligner quant à l'application de l'article 7, qui reconnaît un pouvoir au Procureur général, c'est que ce pouvoir comme il est actuellement prévu devrait être limité exclusivement au Procureur général et non pas à autre personne, parce que c'est l'État qui administre la ressource, et donc il est normal que ce pouvoir soit réservé exclusivement au Procureur général.
Et enfin, en ce qui concerne toujours l'application de l'article 7, nous croyons que la définition de «potentiel écologique» mériterait d'être élaborée, de façon à éviter toute situation qui pourrait nous amener à conclure qu'une utilisation quelconque altère la ressource en eau. Alors, nous croyons qu'elle mériterait d'être définie.
Alors, si vous me permettez, je vais porter mes lunettes pour la section suivante.
Alors, en ce qui concerne la gouvernance de l'eau, le CPEQ salue la reconnaissance et l'initiative d'encadrement des organismes de bassin versant. Le seul commentaire qu'on aurait à formuler ici, ce serait de demander au ministre de publier la décision qui vise à reconnaître un organisme de bassin versant dans la Gazette officielle du Québec, de façon à publiciser cette décision.
Concernant le Bureau des connaissances sur l'eau, bien le CPEQ reconnaît la nécessité d'approfondir les connaissances sur l'eau, et je crois que les utilisateurs industriels bénéficient ou même sont détenteurs d'informations à ce sujet, donc il serait bon d'ajouter les utilisateurs industriels comme étant des personnes qui peuvent contribuer à la documentation ou à colliger l'information. Maintenant, le CPEQ reconnaît les compétences et l'expertise du Service d'expertise hydrique du ministère et, malgré les décisions qui ont été prises à cet effet, se demande quels sont les impacts financiers de la création d'un tel bureau.
En ce qui concerne, maintenant... Notre prochain commentaire porte sur le chapitre des autorisations de prélèvement. Le CPEQ est préoccupé par le fait que les autorisations n'ont désormais une durée de vie que de 10 ans; on souhaiterait qu'elles soient reconduites tacitement après 10 ans, à moins bien sûr qu'il y ait des changements majeurs dans les activités des entreprises.
En deuxième lieu, alors le CPEQ souhaite s'attarder au principe de sécurité juridique des certificats d'autorisation ou des autorisations. Bon, ce que l'on comprend, c'est qu'à l'article 31.79 désormais on souhaite conférer des pouvoirs discrétionnaires au ministre, et on souhaite le faire également à l'article 31.78, puisqu'on souhaite également conférer des pouvoirs discrétionnaires au gouvernement. Et l'effet de conférer de tels pouvoirs, c'est de permettre au gouvernement, à 31.78, et au ministre, à 31.79, d'adopter ou d'imposer des exigences autres que celles qui sont prévues par voie réglementaire. Pour les entreprises, c'est un enjeu majeur: il crée, ce pouvoir discrétionnaire, de l'incertitude, et les entreprises ne peuvent fonctionner avec une telle incertitude; elles doivent savoir d'avance quelles sont les normes qui s'appliquent à elles.
Le danger de créer un tel pouvoir discrétionnaire est de créer deux types de catégorie de citoyens, c'est-à-dire les citoyens qui seront assujettis à des normes réglementaires et d'autres citoyens qui pourraient être assujettis à des normes que la ministre ou le ministre pourrait imposer. Donc, ce qu'on vous demande, c'est de faire attention, parce qu'on vit dans un régime concurrentiel et que toutes les normes devraient être les mêmes pour les entreprises. On vit dans un régime où chaque citoyen est égal devant la loi, et donc toutes les normes devraient toujours être les mêmes pour chaque entreprise. Donc, on vous demande de retirer ces pouvoirs discrétionnaires.
Dans le même ordre d'idées, les entreprises membres du CPEQ sont préoccupées par l'article 31.86, qui permet de modifier une condition d'une autorisation ou la cessation d'un prélèvement sans même qu'un préavis... et même une indemnité ne soit versée. Encore là, pour les entreprises, l'enjeu, c'est l'incertitude. Si on veut favoriser, dans l'économie d'aujourd'hui, les investissements des entreprises d'ici, ou encore des entreprises de l'extérieur qui voudraient investir ici, on ne doit pas se retrouver dans un climat d'incertitude. Et si, après avoir engagé des investissements importants, une entreprise se voit retirer le droit de prélever, nous croyons qu'il serait équitable, suivant les règles de justice, de lui verser une indemnité.
Alors, sur ce, je voudrais terminer en saluant l'initiative qu'a prise le législateur de consacrer l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, qui permet au Québec d'honorer ainsi ses obligations en vertu de cette entente.
Je vous remercie pour l'attention que vous m'avez apportée, et nous sommes disposés à répondre à vos questions.
Le Président (M. Reid): Merci, Mme Lauzon. Je vais passer la parole donc immédiatement à la ministre.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup. Bonjour, Mme Lauzon, bonjour, M. Belles-Isles, et merci pour vos commentaires, pour l'appui général aux principes défendus par la loi, puis également merci pour vos commentaires particuliers.
Peut-être d'entrée de jeu deux petites choses que je vais tout de suite clarifier: vous n'êtes pas les premiers à venir nous dire que cette notion qu'on a mise dans la loi, de droit d'accès à l'eau potable, que plusieurs ont fait des commentaires pour resserrer un peu cet énoncé-là... et je voulais juste vous dire que sûrement qu'on sera appelés à le regarder, c'était évident. C'est évident, comme société, d'autant plus que le Québec est caractérisé par ce grand territoire et une faible population, ce grand territoire, qu'il n'y pas là-dedans un engagement, en tout temps et en n'importe quelle situation, que le gouvernement assure à quelqu'un de l'eau potable. Ce n'est pas ça, l'idée. L'idée est plus le grand contexte du droit quand même... le fondement même de la loi est de préserver la ressource pour qu'on soit capables d'approvisionner des populations en eau potable.
Mais donc le fait que vous nous demandiez de nous inspirer, entre autres, de la charte, du libellé utilisé lorsqu'on a introduit le droit à la biodiversité et à un environnement sain dans la Charte des droits et libertés, le fait que vous nous invitiez à s'inspirer de la même formulation dans la mesure, là, prévue et selon les normes prévues par les lois, on va sûrement le regarder attentivement, d'autant plus, comme je vous disais, que vous n'êtes pas les premiers à venir nous dire que la formulation utilisée n'est peut-être pas assez précise et suscite quelques craintes.
n(15 h 20)n Je veux maintenant vous poser des questions sur un élément qui m'apparaît assez majeur, où je pense qu'il y a quand même là une divergence de vues assez importante entre l'intention du gouvernement en ce moment, dans le projet de loi, et vos commentaires, et c'est sur la question du certificat d'autorisation, sa durée, le 10 ans, et le fait que vous veniez nous proposer que le gouvernement instaure un régime d'autorisation qui... Votre recommandation, si je l'ai bien comprise, est de dire: Bien, on devrait être sur un régime de reconduction automatique, à moins qu'il y ait une faute. Et puis je sais que vous utilisez les mots à escient, là. Vous dites: Une faute. Puis vous dites même: Une faute grave. Ma réaction à moi, c'est de dire: Dans le fond, vous demandez un régime de droits acquis en disant qu'une fois que vous m'avez donné le droit de puiser de l'eau, de prendre de l'eau, je devrais dire que je l'ai, à moins que j'aie fait une faute, alors que l'esprit de la loi est plutôt de dire que nous sommes devant une ressource qui est vitale, donc nécessaire à la vie, mais nous sommes devant une situation, je dirais, globale où nous ne sommes pas en mesure de prévoir la situation de la disponibilité de l'eau, compte tenu notamment, puis il y a plusieurs facteurs... mais non seulement parce que des usages s'additionnent dans un milieu donné, mais aussi compte tenu, par exemple, bien sûr de ce grand thème des changements climatiques et des impacts que ça peut avoir sur la ressource en eau.
Donc, je veux vous réentendre, parce que je me dis: Comment acquiescer à votre demande d'être sur un régime d'autorisation à vie? Certains diraient que la situation actuelle est un peu ça, par rapport quand même au fait de dire: Il y a... il faut avoir un... il faut avoir un certain degré de réalisme. Le principe même de la loi est de dire que l'eau est une ressource vitale, fragile, qu'il faut en assurer la préservation. Comment je conjugue ces principes-là, qui me semblent assez largement endossés, avec votre demande qui dit: Bien, une fois que vous m'avez dit oui, vous devriez continuer à me dire oui pour la vie?
Mme Lauzon (Hélène): Bien sûr. Comme je le mentionnais, à moins qu'il y ait une faute grave, à moins qu'il y ait une modification des activités importante. Et je dois reconnaître, Mme la ministre, qu'effectivement, s'il y avait des modifications d'usage ou des conflits d'usage, il faudrait réévaluer le tout, et, à ce moment-là, les entreprises peuvent très bien comprendre. Alors, je comprends ce que vous m'exprimez en ce moment.
Mme Beauchamp: Mais, à ce moment-là... c'est parce que, moi, je me dis: À ce moment-là, quel est le problème dans la loi lorsqu'on vous dit: Devant une situation donnée, un peu comme on le fait en Ontario, vous allez devoir... ceux qui veulent être des utilisateurs de l'eau, et notamment les secteurs que vous représentez, après 10 ans, doivent venir produire les études hydrographiques qui viennent démontrer sans l'ombre d'un doute qu'il n'y a pas de problème à maintenir la situation telle qu'elle est? Parce que c'est un peu comme si vous nous invitiez à prendre pour acquis ? la fameuse expression ? que toutes choses seraient égales par ailleurs tout le temps, alors qu'on ne peut pas statuer que... S'il n'y a pas d'augmentation de l'eau qui est captée, même dans des conditions où toutes choses sont égales par ailleurs, il se peut qu'une ressource en eau soit menacée dans une région donnée, dans une nappe donnée. Donc, c'est là où j'ai de la difficulté à concilier ce que vous me dites. Parce que vous me dites: La notion de faute, on... Je comprends ce que vous voulez dire. Mais qu'ensuite vous dites: Bien, à moins qu'il y ait une demande importante d'augmentation. Mais, même si je n'avais pas de demande d'augmentation de la capacité de prélèvement, il se peut qu'on en vienne à dire que la ressource est menacée et qu'on doive réviser les autorisations octroyées.
Mme Lauzon (Hélène): J'ai peine à croire qu'une telle situation se produirait à la 10e année. Je crois que, si on était confrontés à des conflits d'usage, on pourrait les voir arriver et progressivement voir comment faire pour les régir, et de sorte qu'au moment où on arriverait à la 10e année il est possible d'espérer qu'il y ait une tacite reconduction.
Mme Beauchamp: J'ai de la difficulté à concilier, parce que vous ne m'avez pas reprise quand je vous ai dit, pour résumer votre pensée... c'est un peu comme si vous me disiez: Il y a un droit acquis. Vous n'avez pas repris cette expression. J'ai de la difficulté à concilier le fait un peu que vous me proposiez: Considérons que le régime est un régime de droits acquis, mais, dans un contexte de droits acquis, on va accepter de se faire dire un jour que peut-être on n'aura plus le droit. Le principe, même ici, est un principe de régime d'autorisation renouvelable. Moi, j'ai un peu de difficultés à comprendre la notion pratiquement de droits acquis, avec une notion où vous dites: Bien, oui, même dans un contexte de droits acquis, on va...
Mme Lauzon (Hélène): Non. Je pense que je suis d'accord avec vous, c'est-à-dire que je suis d'accord pour admettre que le régime d'autorisation, ça constitue un privilège, et qu'on doit vivre avec les impondérables qui pourraient survenir au terme d'une période de 10 ans. Maintenant, il va falloir voir si on est en mesure de combler ces difficultés. Et, comme on pourrait avoir engagé des sommes très importantes, il va falloir peut-être mesurer les usages qui sont en cause pour savoir si on ne peut pas... Justement, la question de hiérarchie des usages prendra sa place pour voir à est-ce qu'on ne peut pas faire prévaloir cet usage-là, alors qu'il y aurait peut-être eu des investissements importants, et peut-être progressivement s'ajuster en fonction de ces conflits-là, comme vous le mentionnez.
Mme Beauchamp: La loi prévoit effectivement que le ministre pourrait donner des autorisations plus courtes que 10 ans.
Mme Lauzon (Hélène): Oui. Ce n'est pas la tendance actuelle.
Mme Beauchamp: Vous savez comme moi que le gouvernement ontarien a adopté une loi qui prévoit un tel régime d'autorisation avec les mêmes délais, 10 ans. Est-ce que vous avez eu des échanges avec ce qui serait l'équivalent, là, de votre organisme au niveau ontarien?
À partir de l'expérience de l'Ontario, même si elle est jeune, est-ce qu'il y a des raisons majeures qui vous permettent de douter du bon fonctionnement de ce régime d'autorisation?
Mme Lauzon (Hélène): Non, je n'ai pas eu d'échanges. Ce que je peux vous dire, ce que j'entends de la part de nos membres qui ont aussi des correspondants en Ontario, c'est que, pour eux, ce qui est fondamental, c'est qu'ils puissent avoir quand même une certitude de pouvoir opérer. Si on engage des investissements, comme je vous mentionnais, et qu'après 10 ans c'est terminé, c'est certain que c'est un peu dissuasif, en termes d'investissement. Mais, bon, je pense que tout le monde est aussi conscient de l'état actuel qui pourrait nécessiter des ajustements en fonction des conflits d'usage.
Mme Beauchamp: Donc, ce que vous dites, c'est qu'effectivement le gouvernement de l'Ontario a adopté ce régime d'autorisation, et, dans le fond, les choses... la vie continue, en Ontario, là.
Mme Lauzon (Hélène): Oui.
Mme Beauchamp: Ça n'a pas eu l'impact...
Mme Lauzon (Hélène): Oui, il n'y a pas eu d'impact. Non, au contraire, ce n'est pas parce qu'on a pris un régime de 10 ans. Peut-être que M. Belles-Isles veut prendre la parole? Je peux laisser M. Belles-Isles...
M. Belles-Isles (Jean-Claude): Je voulais simplement ajouter que c'est probablement trop récent pour pouvoir mesurer un impact de la réglementation ontarienne.
Mme Beauchamp: Je voudrais aussi soulever avec vous la question des indemnités. Vous plaidez pour que, si un certificat d'autorisation devait ne pas être renouvelé, il y ait un régime d'indemnités. Nous avons eu des échanges avec un certain nombre d'intervenants jusqu'à maintenant, certains prenant votre position, plaidant pour qu'il y ait des indemnités prévues, et d'autres pas. Ceux qui vous ont précédés disaient qu'ils étaient tout à fait capables de justifier légalement le fait qu'il n'y ait pas d'indemnité. Je voudrais peut-être vous entendre un peu plus, d'autant plus que vous reconnaissez dans votre mémoire... Vous-mêmes, vous dites que c'est un régime de privilèges lorsqu'on donne à quelqu'un le privilège de pouvoir faire des prélèvements d'eau, et que l'eau est une chose commune. Comment justifier un régime d'indemnités? Est-ce qu'un régime d'indemnités n'est pas basé sur des prémisses de propriété?
Mme Lauzon (Hélène): Non, c'est aussi...
Mme Beauchamp: Or, l'eau n'est pas la propriété de personne.
Mme Lauzon (Hélène): Non, c'est aussi basé sur une prémisse d'usage, et comme, dans le Code civil, on donne le droit à l'usage, à partir du moment où on aurait une autorisation, on aurait droit à l'usage, et cette autorisation-là doit nous assurer une certaine sécurité. On ne doit pas, comme je l'ai mentionné tout au long de la présentation, être confrontés à de l'incertitude. Or, s'il y a toujours une menace potentielle de cessation sans aucune indemnité, on aurait une problématique à régler. Ce n'est pas... Du fait qu'on ait l'usage, on a un droit à être indemnisé ultimement.
Mme Beauchamp: Donnez-moi juste un instant, je veux juste retrouver... Je voudrais peut-être vous entendre sur le fait... Est-ce que... Vous écrivez bel et bien que, pour vous, l'indemnité doit aussi accompagner une modification?
Mme Lauzon (Hélène): Oui, mais, oui...
n(15 h 30)nMme Beauchamp: Vous dites: Une indemnité avant de modifier une condition d'une autorisation.
Mme Lauzon (Hélène): Oui. Oui, parce que ma...
Mme Beauchamp: Donc, vous êtes en train de dire que, dans une situation donnée, si le gouvernement, au nom de la protection d'une ressource qui est une chose commune à l'ensemble des québécois, faisant partie du patrimoine commun, si même je diminue l'autorisation de prélèvement, vous dites: L'ensemble des Québécois doit dédommager l'entreprise en question. Je demeure sceptique, parce que, je me dis, ce que vous nous demandez, c'est d'instaurer un régime de droits acquis pour toujours et que toute modification à une autorisation de prélèvement doit entraîner une indemnité.
Mme Lauzon (Hélène): Non. Ce que je vous dirais, c'est qu'elle doit d'abord être précédée d'un préavis suffisamment long pour que les entreprises puissent s'ajuster. Ensuite, là où il y a peut-être une possibilité, c'est de dire: Lorsqu'on parle d'aquifère, la nappe d'eau souterraine, on pourrait être appelé à débourser une indemnité mais seulement peut-être des investissements non amortis, peut-être pas les dommages et intérêts ou encore la perte de profits. Par contre, si on parle d'eau de surface, alors là on s'attendrait à tout, même dans les cas de modifications qui pourraient être des modifications substantielles, bien entendu. Une modification mineure ne pose pas problème, mais, des modifications substantielles, je pense que oui.
Mme Beauchamp: Vous critiquez également, dans le mémoire, le fait que le ministre a des pouvoirs discrétionnaires qui lui permettraient d'émettre des certificats d'autorisation, je dirais, en dehors des normes établies par les règlements. Je me dis, il y a deux choix: on peut souhaiter que tout soit établi par règlement, et, à ce moment-là, vous savez comme moi que ça va être le choix de la plus grande prudence qui va s'appliquer parce que je suis devant une ressource nécessaire à la vie, ou je peux donner un pouvoir discrétionnaire au gouvernement, au ministre pour tenter de répondre à certaines situations très particulières, spécifiques à un aquifère donné, à une situation donnée. Je veux vous réentendre, parce qu'encore là, je me dis, dans la vie de tous les jours, sur l'immensité du territoire québécois, tenter de prévoir par règlement toutes les situations, puis lorsqu'il est question notamment d'une ressource qui est nécessaire à la vie, je me dis, c'est beaucoup demander. Est-ce que vous n'avez pas un certain degré de confort pour être capables de vivre avec un certain pouvoir discrétionnaire permettant d'ajuster les choses pour tenir compte vraiment de situations qu'on pourrait qualifier d'exceptionnelles, de justement hors normes, prenons cette expression-là, «hors normes»?
Parce que ma réaction est la suivante: si je suis votre logique ? je vous rappelle, on est dans une ressource vitale, on est dans la gestion, la gouvernance d'une ressource vitale ? ce seront les règlements et les normes les plus sévères qui seront appliqués à l'échelle du territoire.
Mme Lauzon (Hélène): Bien, c'est-à-dire, pour ce qui est des normes et règlements, on sera en mesure de vous faire part de nos commentaires au moment où vous les rédigerez, on pourra vous faire connaître nos préoccupations. Mais c'est certain qu'un pouvoir discrétionnaire, la crainte, comme je vous le mentionnais, la pire crainte, c'est l'incertitude que ça crée, c'est l'arbitraire où ça peut parfois nous amener. Et vous disposez déjà, aux articles 31.76 et 31.77, de nombreux critères pour appuyer votre décision. Alors, quant à nous, nous ne sommes pas inquiets que vous puissiez vous en remettre à ces critères et éventuellement à des normes réglementaires auxquelles l'industrie va avoir été partie prenante.
Mme Beauchamp: Parce que, vous savez, c'est un petit peu l'oeuf et la poule. Vous dites: Ah, peut-être, quand on verra le règlement, on pourra mieux statuer, mais, si vous nous demandez déjà d'enlever tout pouvoir discrétionnaire, ça indique vers quoi doit aller la rédaction des règlements, s'il faut tenter de prévoir, puis, pour des générations futures, toute situation qui pourrait survenir dans la gestion d'une ressource vitale comme l'eau. Et c'est pour ça que je vous répétais la question en disant: Est-ce que c'est bien ça que vous demandez? Parce que le pouvoir discrétionnaire est quand même balisé dans la loi en disant que c'est dans un esprit d'une protection accrue de l'environnement. Donc, c'est vraiment pour faire référence à des situations que je vais qualifier hors normes, exceptionnelles puis effectivement auxquelles il faut s'attendre dans l'avenir, ne serait-ce qu'avec l'impact des changements climatiques. C'est pour ça que je vous dis: C'est un petit peu l'oeuf et la poule. Donc, si vous nous demandez: Pas de pouvoir discrétionnaire, les règlements seront faits en conséquence.
Mme Lauzon (Hélène): Oui, mais ma réponse ne voulait pas...
Le Président (M. Reid): Très rapidement, s'il vous plaît.
Mme Lauzon (Hélène): Oui, je vais... Rapidement, oui. Alors, ma réponse, ça voulait dire: Nous ne voulons pas de pouvoir discrétionnaire, parce que nous savons que nous pouvons vous faire part de nos commentaires au niveau réglementaire. Et, pour ce qui est de la protection accrue de l'environnement, pour nous, ça nous apparaît des exigences peut-être plus sévères que ce qu'on pourrait retrouver dans les exigences réglementaires.
Le Président (M. Reid): Merci. Je vais maintenant passer la parole au député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy: Merci, M. le Président. Bonjour. Merci beaucoup d'être là. C'est toujours un peu complexe quand on va jusque dans les termes de loi, d'une loi qui est là mais qui n'est pas encore complète, et d'extrapoler sur le futur. Parce que, là, c'est ce qu'on est en train de faire depuis le début, on essaie de trouver tous les scénarios possibles, et finalement on ne les voit pas tous, on ne peut pas tous les voir. On l'a bien dit, on ne peut pas prévoir l'avenir, là, on n'a pas de boule de cristal.
Par contre, on parle du droit à l'eau dans une ville ou un village. Vous allez dire: Bien, c'est plus facile, une ville. Une ville, ça n'arrivera pas. Mais il n'y a pas juste les grandes villes au Québec, il y a des villages aussi. Et l'installation d'une de vos entreprises dans un village où finalement il arrive un problème majeur, il n'y a plus d'eau à l'intérieur de ce village-là, et, la seule source qu'on va trouver, l'eau n'est pas... on ne dit pas «potable», on va plutôt dire «très sulfureuse», donc non traitable, là, même si on essaie de traiter par tous les moyens... Donc, on va jusqu'où avec la possibilité de dire... d'avoir recours à l'eau comme droit? Comment on va faire dans ce cas-là? Parce que, si c'est un droit, d'avoir de l'eau, et que là on n'a pas la possibilité de l'avoir, est-ce que ça va aller par dérogation ou par règlement municipal? Comment on fait, à ce moment-là, pour s'assurer que l'entreprise ou les gens qui sont dans ce village-là vont avoir leurs droits à eux reconnus?
Mme Lauzon (Hélène): Bien, c'est ce que l'article 2 consacre. Selon ma compréhension, c'est que cet article consacre le droit à toute personne physique à l'accessibilité à l'eau potable, que ce soit à des fins de consommation ou des fins d'hygiène personnelle. Donc, le droit, il est consacré. Maintenant, ce sera soit dans le cadre de d'autres lois soit dans le cadre de réglementations qu'il pourra y avoir des limites à l'exercice de ce droit. Mais le droit est consacré par l'article 2.
M. Roy: Vous parlez de la compétitivité des entreprises, qui est un facteur qui souvent a été mentionné. Nous, on a entendu parler souvent de la compétitivité des entreprises. Et auriez-vous un exemple où... Vous avez tellement d'entreprises. On le voit, à la fin de votre mémoire, comment vous représentez d'entreprises. Est-ce que vous auriez un exemple précis à nous soumettre sur la compétitivité d'une entreprise qui a besoin de son eau?
Mme Lauzon (Hélène): Oui. Bien, peut-être un des exemples dans la prudence que l'on doit exercer, c'est qu'il existe le principe d'utilisateur-payeur. Donc, on va imposer une redevance en amont, si on peut dire, simplement du fait qu'on utilise l'eau. Mais actuellement, pour toutes les entreprises qui sont assujetties au Programme de réduction de rejets industriels, le fameux PRRI, plusieurs d'entre elles, en fait toutes ces entreprises qui sont assujetties au PRRI ont aussi l'obligation de payer des redevances pour la sortie des eaux dans le cours d'eau. Donc, ça voudrait dire, dans l'esprit de compétitivité, on se dit qu'il faut aussi retenir ces réalités-là qui existent déjà, c'est-à-dire qu'il y a déjà une redevance en aval, et donc, dans l'établissement de la redevance en amont, il va falloir être prudent.
M. Roy: Par contre, il est presque impensable qu'on puisse aujourd'hui, même si on dit: La quantité qui sort d'une entreprise, si infime soit-elle... et que ces rejets-là retombent dans la nature ou dans un cours d'eau, je ne vois même pas la possibilité de les laisser ressortir. Vous allez dire: Bien, comment ils vont faire? Je pense qu'on est rendus avec des technologies qui sont tellement loin qu'il va falloir que tout le monde mette la main à la pâte et que les rejets soient zéro. Si on prend un rejet, on ne peut pas dire que c'est... on va payer une taxe pour un rejet parce que c'est inconcevable de la part des gens. On pourrait tous faire ça en disant: Bien, ce n'est pas grave, le fumier, on peut le mettre dans les rivières, on va payer une taxe pour le rejet. Donc, les entreprises se doivent d'être hyperperformantes et que les inspections qui vont être faites à l'autre bout, ce n'est pas juste le fait de dire: Tu ne pollues pas beaucoup, donc tu ne paieras pas beaucoup. Donc, c'est sûr qu'on veut le garder compétitif, mais en même temps on ne peut pas se permettre ça. Avec ce qu'on sait maintenant, on ne peut plus se permettre ça.
Donc, comment vous allez... comment on va faire la... comment on va être capables de concilier tout ça avec vos entreprises pour qu'elles restent ouvertes, qu'elles soient conscientes qu'on ne peut pas... que le déchet qui sort, c'est zéro? Ça ne peut pas être 1 % ou 2 % puis te laisser payer une taxe.
n(15 h 40)nMme Lauzon (Hélène): Ça, je vais devoir faire appel à mon collègue pour savoir si, sur le plan technique... Je sais que toutes les entreprises font beaucoup d'efforts en ce moment pour atteindre rejet zéro, mais est-ce que, sur le plan technique, c'est possible? Je ne le sais pas, alors je vais faire appel à M. Belles-Isles.
M. Belles-Isles (Jean-Claude): Je vais prendre peut-être l'exemple de l'industrie minière, que je connais mieux. Au cours des ans, l'industrie s'est beaucoup améliorée au niveau de ses performances de rejet. On a maintenant des performances, on est passés de, à l'époque, dans les années quatre-vingt, 85 % de conformité à la réglementation en... disons, aux critères qui étaient proposés, maintenant on frôle les 100 %, depuis plusieurs années, de façon régulière.
Ce que Mme Lauzon voulait mentionner tantôt, c'est que, dans l'article, dans le projet de loi, il y a à la fois la notion d'utilisateur-payeur et de pollueur-payeur, et la redevance semble vouloir être basée sur ces deux principes-là. Et ce qu'on dit, c'est qu'il y a quand même actuellement des compagnies, des secteurs industriels qui paient pour la charge, l'idée étant de favoriser les compagnies à toujours s'améliorer pour atteindre ce qu'on pourrait appeler des rejets virtuellement nuls. Mais on n'est pas nécessairement rendus là encore, malgré que c'est vers ça qu'on tend. Donc, ce qu'on dit simplement, c'est, dans ce cas-là, il faut tenir compte du fait qu'il y a certaines entreprises qui paient déjà pour les rejets ou pour leur inefficacité à atteindre le virtuellement nul. Donc, c'est simplement ce qu'on voulait mentionner ici.
M. Roy: Quand vous parlez de rejets miniers, je sais très bien qu'il y a certaines mines dans le nord qui laissent certaines traces dans certains lacs, j'ai été en mesure de le voir, des lacs qui étaient impeccables avant, mais, aujourd'hui, ils se doivent de vivre avec certains rejets miniers. Mais là ils ont été obligés... Même s'ils se sont améliorés, le mal a quand même été fait.
Même si c'est loin de chez nous... On prend, à l'heure actuelle, ce qui se passe en Alberta, pour laver les sables bitumineux, le nombre d'eau qu'on prend, et qui reste polluée, et qui est indépolluable. Donc, ils vont se ramasser avec un autre problème majeur. Ça, c'est leur problème, mais c'est notre eau générale, hein? On parle du Québec. Oui, c'est chez nous, mais on a quand même des droits de regard où quand même, même si c'est loin, tôt ou tard, notre eau, on va en avoir de besoin.
Quand vous parlez d'eau, d'exclure les eaux de dénoyage puis des eaux de dérivation, j'aimerais beaucoup vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Lauzon (Hélène): Oui. Alors, probablement que M. Belles-Isles va vouloir expliquer davantage, mais les eaux de dénoyage sont les eaux que l'on retrouve dans une carrière ou dans une mine et qui nous empêchent d'exploiter. On ne peut exploiter une carrière ou une mine s'il y a de l'eau. Alors, tout ce que l'on fait, c'est qu'on dérive les eaux et on les dirige ailleurs, comme on le fait pour un barrage, par exemple. C'est en ce sens-là. C'est pour cette raison qu'on demande une exclusion de l'application de la redevance. Je ne sais pas si M. Belles-Isles...
M. Belles-Isles (Jean-Claude): Bon, c'est tout à fait ça. Ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas une utilisation de l'eau. Ça s'apparente davantage à une dérivation qu'à une utilisation.
M. Roy: Écoutez, on a déjà de la difficulté à faire des dérivations pour des barrages hydroélectriques, c'est déjà complexe d'avoir des droits, des permissions. Les carrières, on a vu, dans certaines municipalités, qu'il y avait déjà de bons problèmes avec les carrières. Mais les carrières... De toute façon, tout le monde a le droit de vivre. Moi, je respecte ça. Je veux simplement que ça se fasse dans l'harmonie et que les gens qui ont ce problème-là ne... Tu sais, on dérive l'eau, on l'envoie ailleurs, puis les autres s'arrangeront avec leurs problèmes. Depuis des années, on veut simplement faire acheminer le problème chez le voisin, mais il ne faudrait pas quand même que ça arrive là, là.
M. Belles-Isles (Jean-Claude): On ne dit pas qu'on s'oppose aux demandes d'autorisation... d'être soumis aux demandes d'autorisation. C'est qu'on dit: Selon le principe qui est évoqué dans les premiers articles ? je pense que c'est l'article 2, on parle d'un principe utilisateur-payeur, et, selon ce principe-là ? les eaux de dénoyage ne sont pas utilisées, elles sont simplement dérivées. Et tout ça se fait en conformité avec la réglementation actuelle, tout comme... Vous avez mentionné tantôt les situations où, dans le passé... Je vous dirais que l'industrie minière, à ce niveau-là, elle s'est beaucoup améliorée au cours des années, et actuellement ce que vous voyiez dans le passé n'arrive plus.
M. Roy: Comment est-ce qu'on ferait pour clarifier un peu l'expression «potentiel écologique», là, de l'article 7 au projet de loi?
Mme Lauzon (Hélène): Bien, je pense qu'on a déjà un peu de balises mais qui resteront à être précisées. Mais, si on regarde l'article ? attendez un instant que je reprenne ma disposition; si on regarde l'article ? 8, déjà le gouvernement semble vouloir établir des barèmes, des méthodes. Mais, bon, ce sera au gouvernement à essayer de préciser davantage cette notion. Je ne sais pas, M. Belles-Isles, si vous voulez donner des exemples de problématique.
M. Belles-Isles (Jean-Claude): Bien, j'ai posé la question notamment en vertu de l'article 7 dans le projet de règlement et j'ai demandé à des collègues biologistes: Qu'est-ce que vous comprenez? Qu'est-ce qu'on vise à protéger par tout ça? Et j'ai eu des réponses qui étaient très disparates d'une personne à l'autre. Alors, on parle de concepts comme la propriété biologique de l'eau. Qu'est-ce que ça veut dire exactement? Est-ce qu'on essaie de protéger les habitats? Est-ce qu'on essaie de protéger les poissons? Est-ce qu'on essaie de protéger les terres humides? Peut-être que oui, mais qu'on le dise clairement. Parce que le projet de loi, le titre du projet de loi laisse penser qu'on tente de protéger l'eau, mais je pense que le projet vise beaucoup plus large que ça. Alors, tout ce qu'on dit, c'est définissez-nous ce que vous voulez protéger, évitez qu'il y ait de l'interprétation abusive et que les gens qui interprètent le règlement aillent au-delà de l'intention du législateur.
M. Roy: Dernière question pour ma part. Quand vous parlez de se servir de vos compagnies et de vos compétences... Trop souvent, j'ai remarqué qu'on a une science infuse, dans les gouvernements. On pense qu'on connaît tout, on sait tout, on a tout vu, c'est nous autres, les législateurs, puis on ne va pas voir ailleurs. Dans bien des cas. Je ne dis pas tout le temps, mais dans bien des cas. C'est arrivé souvent.
Et je l'ai vu dernièrement, quand on a fait une consultation sur les résidus. On est allés dans un site d'enfouissement qui nous dit: Non, non, non, ne déterrez pas les déchets, c'est épouvantable, ça ne se fait pas, ça pue, c'est infaisable. Et, à 30 km de là, ils disent: Aïe, c'est la plus belle technique qu'il n'y a pas! On a une technique qui est fantastique. Ça ne sent pas, c'est le fun puis ça nous permet de récupérer les biogaz.
Donc, l'échange, vous venez juste de le mentionner avant, l'échange du savoir se confine dans les industries parce qu'on ne veut pas donner à notre compétiteur ce qu'on sait, de peur tantôt de tomber non compétitif parce qu'on va tous savoir la même chose. Et je trouve ça dommage. Mais vous ouvrez la porte pour que vos entreprises viennent donner au gouvernement un peu d'expertise, parce qu'on se rend compte qu'il en manque, hein? On fait un bureau, aujourd'hui, sur la connaissance de l'eau, et je ne comprends pas qu'on fasse ça aujourd'hui, alors qu'on vit dans l'eau depuis autant d'années. Donc, on arrive avec ça. Est-ce que c'est ça que j'ai compris dans votre message, que vous étiez ouverts à ce que vos entreprises, parce que vous en avez tellement beaucoup dans différents domaines, viennent donner leur expertise au Bureau sur la connaissance de l'eau?
Mme Lauzon (Hélène): Si vous regardez la façon dont la disposition, elle est rédigée dans le projet de loi... Je la retrouve. Un instant. C'est l'article 14, le paragraphe trois. On mentionne qu'il y a plusieurs parties ou intervenants qui vont être consultés pour contribuer à approfondir cette connaissance. Et on se dit que les industries aussi pourraient contribuer parce qu'elles détiennent parfois des données sur l'eau. Alors, on peut les partager avec les organisations qui sont énumérées au paragraphe trois de l'article 14.
M. Roy: Merci beaucoup. C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Reid): Merci. Je vais maintenant passer la parole au député de Roberval.
M. Trottier: Oui. M. le Président, je voudrais savoir de la part de l'organisation... Ce que je comprends, c'est que vous n'êtes pas contre le fait qu'il y ait des redevances. Vous dites: Il faut que ce soit équitable, mais il faut que ce soit aussi gérable. Est-ce que vous auriez une idée de ce que pourrait être une redevance qui serait équitable et raisonnable?
Mme Lauzon (Hélène): Oui. Équitable, ce serait que tous les utilisateurs doivent contribuer, non seulement ceux qui sont non branchés à un réseau, mais également ceux qui sont branchés à un réseau. Ça, ce serait une forme d'équité.
M. Trottier: Est-ce que les citoyens seraient inclus là-dedans, ou vous parlez seulement des entreprises?
Mme Lauzon (Hélène): Non, sûrement les citoyens, par l'intermédiaire des réseaux municipaux. Tout le monde bénéficie de cette ressource.
M. Trottier: C'est parce que les citoyens paient déjà une taxe municipale sur l'eau, qui peut varier de 150 $ peut-être à 500 $, en gros.
Mme Lauzon (Hélène): Oui, mais c'est une forme d'utilisation, là, aussi, alors... Oui, Jean-Claude.
M. Belles-Isles (Jean-Claude): ...ajouter aussi: les entreprises aussi paient. Sans payer une taxe comme telle, elles paient aussi pour le traitement de leur eau.
M. Trottier: O.K. Puis le raisonnable? Ça, c'est l'équitable, mais le raisonnable?
Mme Lauzon (Hélène): Le raisonnable, alors, bien, comme je l'ai mentionné, ça, c'est une question qui mérite d'être approfondie, et nous offrons notre collaboration, au moment venu, pour la rédaction du règlement.
n(15 h 50)nM. Trottier: Vous avez parlé tout à l'heure que vous vouliez exclure les eaux de refroidissement puis les eaux de dénoyage. Sur les eaux de dénoyage, je pense, c'est relativement peut-être facile à comprendre. Sur les eaux de refroidissement, c'est peut-être un peu différent, dans le sens que, si ça provient d'un réseau municipal qui, à ce moment-là, c'est de l'eau potable, c'est de l'eau qui a été transportée, qu'on a épurée, qu'on a filtrée, à ce moment-là, il y a quand même une utilisation, là, on ne pourrait pas dire que c'est sans conséquence. Est-ce que vous seriez d'accord, dans ce sens-là, pour avoir peut-être une redevance qui pourrait être différente en ce qui regarde, par exemple, l'utilisation par rapport à la consommation? Si on faisait deux redevances, dans le fond, pour l'eau qui était utilisée, par exemple comme dans l'eau de refroidissement, puis une eau qui serait consommée, par exemple dans le cas de vente de produits?
Mme Lauzon (Hélène): Je sais que vous avez eu des représentations à cet effet par des organisations autres que la nôtre. Pour notre part, nous ne nous sommes pas encore entendus sur cette question, donc je n'ai aucun commentaire à formuler.
M. Trottier: Sur la question de reconduire automatiquement après 10 ans, il y a une suggestion qui nous a été faite. Entre autres, les gens des pourvoiries ont un renouvellement qui est à tous les ans mais sur 10 ans, puis, à ce moment-là, c'est comme il y a une pratique un peu différente puis qu'à ce moment-là on peut voir venir. Autrement dit, c'est que, quand on se fait renouveler, on sait qu'on a encore neuf ans, à moins qu'il y ait des problèmes. Est-ce que ça pourrait être une façon peut-être de régler le problème que vous voyez?
Mme Lauzon (Hélène): De renouveler... Un premier renouvellement à cinq ans, c'est ce que vous venez de mentionner?
M. Trottier: Non. Non, non, c'est que...
Mme Lauzon (Hélène): Non? Je n'ai pas entendu le début.
M. Trottier: Dans les pourvoiries, de la manière que ça fonctionne, c'est que c'est une autorisation pour 10 ans mais qui est renouvelable à chaque année. Donc, quand on se fait renouveler, on sait qu'on a encore neuf ans qui nous appartient, à moins qu'on fasse un problème, là, un préjudice grave. Est-ce que ça pourrait être une façon de régler le...
Mme Lauzon (Hélène): Non, je ne pense pas, parce que ça pourrait être très onéreux, en termes de temps et en termes d'investissement, pour les entreprises que d'être obligé de faire un renouvellement. On sait ce que ça exige quand on procède à un renouvellement d'autorisation ou même à des modifications, alors que d'être obligé de le faire sur une base annuelle, ce serait une grande énergie consacrée à une telle chose.
M. Trottier: C'est parce que ce que... Peut-être que c'est différent, mais, compte tenu que les pourvoiries ne sont souvent pas des grosses entreprises puis qu'elles n'ont pas les moyens justement d'avoir une grosse administration, probablement que la procédure ne doit pas être si compliquée que ça. Si ça pouvait se faire pour une petite entreprise, j'ai l'impression que, pour une grande entreprise, ça pourrait peut-être être gérable, là.
Mme Lauzon (Hélène): Mais peut-être que les impacts des activités des pourvoiries sont différents des impacts des grands secteurs industriels et des entreprises aussi.
M. Trottier: O.K. Sur la question de l'absence de préavis et d'indemnité, je comprends que vous avez des interrogations par rapport à ça, c'est normal. Vous mentionnez, là, que ça pourrait mettre à mal le principe de la sécurité juridique reconnue dans une décision. Est-ce que vous pourriez l'expliquer davantage?
Mme Lauzon (Hélène): Oui. Bien, en fait, vous voulez que je vous parle de cette décision, mais cette décision, c'est qu'on soulevait la validité de l'autorisation. On souhaitait que la pisciculture n'ait plus ces autorisations pour continuer d'opérer parce qu'il y avait des retombées dans le cours d'eau. Et ce que la Cour d'appel est venue réitérer, c'est que, lorsqu'on a un certificat d'autorisation, on doit pouvoir se baser sur ce certificat et que ce certificat-là ne soit pas contesté régulièrement par tout voisin ou toute personne qui ne serait pas heureuse des installations qui sont situées à proximité de chez elle. Donc, c'est simplement pour confirmer le caractère ou la sécurité juridique des certificats, c'est-à-dire empêcher qu'il y ait de l'incertitude qui serait reliée aux autorisations. C'est ce que Ciment St-Laurent également a étudié comme question.
M. Trottier: C'est beau.
Le Président (M. Reid): Merci beaucoup. Alors, Mme Lauzon, M. Belles-Isles, nous vous remercions.
Je vais suspendre la séance pendant quelques instants pour permettre au groupe suivant de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 54)
(Reprise à 15 h 57)
Le Président (M. Reid): Alors, je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association canadienne des eaux embouteillées. Je vais vous passer la parole. Je vous demanderais de vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne, et ensuite de prendre une quinzaine de minutes. Je vous avertirai lorsqu'il restera une minute, à moins que ce ne soit déjà terminé.
Association canadienne des
eaux embouteillées (ACEE)
M. Cotte (Daniel): Merci, M. le Président. Alors, je vais effectivement d'abord vous présenter les personnes qui représentent l'association aujourd'hui. Moi-même, je suis Daniel Cotte. Je suis président des Eaux Danone Naya et président de la Table pour la récupération hors foyer. Et, à mes côtés, M. Michel Lavallée, qui est expert en ressources en eau et qui est consultant pour notre association.
M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. membres de cette commission parlementaire, j'aimerais d'entrée de jeu remercier Mme la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs et les membres de cette commission qui ont permis à l'Association canadienne des eaux embouteillées de venir présenter et défendre son mémoire sur le projet de loi n° 92. La participation à une commission parlementaire est toujours un moment important car elle constitue un moyen privilégié pour exprimer notre point de vue et proposer des modifications en vue de l'amélioration d'un projet de loi important pour notre société. Notre démarche se veut donc constructive, et nous espérons que notre contribution saura faire avancer le débat.
Avant de vous présenter notre mémoire, permettez-moi de vous présenter notre association très rapidement. L'Association des embouteilleurs d'eau a été fondée en 1992. L'Association canadienne des eaux embouteillées a pour mission de représenter l'industrie canadienne de l'eau embouteillée mais surtout d'assurer la qualité de l'eau en bouteille au Canada. Comme l'eau en bouteille est destinée à la consommation humaine, il est très important qu'elle soit d'excellente qualité dès le captage ou le prélèvement dans la nature et que son embouteillage soit effectué en conformité avec les lois et règlements concernant l'eau de boissons commerciales.
Notre association compte une centaine de membres, tant des embouteilleurs que des distributeurs d'eau en bouteille au Canada. Certains de nos membres sont implantés au Québec depuis plus de 30 ans. Ces derniers possèdent donc une étroite connaissance des différents enjeux relatifs à la préservation et à la conservation de l'eau au Québec et plus particulièrement en matière d'eau souterraine.
Globalement, l'Association canadienne des eaux embouteillées considère que le projet de loi n° 92 établit des principes et des moyens justes, raisonnables et potentiellement efficaces pour amorcer une gestion globale, intégrée et écosystémique ? alors, ça fait un peu savant, ce mot, mais on y reviendra plus tard ? de l'eau sur le territoire du Québec. En fait, l'association reconnaît l'importance capitale du projet de loi n° 92 pour l'ensemble de la société québécoise. Il en est de même pour nos membres établis et oeuvrant au Québec.
n(16 heures)n Nous considérons que la prévention des conflits d'usage est d'intérêt mutuel à tous les utilisateurs de la ressource. De plus, nous sommes en accord avec la nécessité d'établir des règles de partage de la ressource entre les diverses catégories d'utilisation.
Cela étant dit, nous aimerions toutefois apporter quelques commentaires, suggestions et réserves pour bonifier le contenu de cet important projet législatif et qui, nous l'espérons, seront pris en considération par le législateur. Je vais donc passer au travers des quelques commentaires... vous avez reçu notre mémoire, mais je vais prendre les plus importants.
Concernant l'article 1 du projet, nous constatons que le Code civil du Québec n'est pas modifié par le projet de loi n° 92. Partant du fait que l'eau dans la nature n'a pas de frontière et certainement pas celle des propriétés foncières, ce code a depuis toujours affirmé que l'eau, dans son état naturel, ne peut faire l'objet d'appropriation et conséquemment que cette eau est donc une chose commune qui n'appartient à personne. Cet article du projet de loi propose à juste titre de qualifier l'eau dans son état naturel qui se trouve ou qui transite sur le territoire du Québec comme patrimoine commun de la nation québécoise. Le projet de loi n° 92 vise donc à mettre par écrit ce fait, et l'association est donc d'accord avec le libellé de cet article qui vise à définir le statut de l'eau au Québec.
L'article 2 propose que l'usage de l'eau soit prioritairement attribué pour l'alimentation et l'hygiène de chaque citoyen. Bien que nous soyons d'accord avec le caractère prioritaire de ces usages, nous souhaitons que soit précisée la portée de cette section de manière à ce que le caractère vital de l'eau soit reconnu pour d'autres usages essentiels, notamment pour la préservation des écosystèmes, mais aussi pour le développement économique de la société québécoise. À notre connaissance, il n'existe pratiquement aucune activité économique qui ne requiert pas d'eau.
Pour ce qui est de l'article 3, nous sommes bien sûr d'accord avec la proposition de protéger, restaurer, mettre en valeur et donc gérer les ressources en eau d'une manière durable.
La deuxième section présente les principes du projet de loi. L'association est entièrement d'accord avec les trois principes que sont le principe de l'utilisateur-payeur, le principe de prévention et le principe de réparation. Toutefois, nous avons quelques réserves importantes sur certaines des modalités d'application du principe de prévention, que nous expliciterons plus loin.
D'abord, le présent projet de loi énonce le principe de l'utilisateur-payeur sans toutefois établir aucune modalité ni aucun pouvoir de réglementation visant sa mise en oeuvre immédiate. En fait, nous craignons que la mise en oeuvre future du principe de l'utilisateur-payeur ait des conséquences importantes sur l'ensemble de l'activité économique du Québec, incluant la nôtre. L'Association canadienne des eaux embouteillées tient à ce que la future législation sur la mise en oeuvre du principe de l'utilisateur-payeur établisse qu'elle devra être universelle, équitable et raisonnable ? on insiste donc sur ces trois mots, «universelle, équitable et raisonnable» ? et que tous les fonds recueillis soient dédiés à la protection de la ressource. Ça, c'est une suggestion qu'on fait, qu'on considère qu'il sera important que l'ensemble des fonds collectés via ce principe soient dédiés, mis sur un fonds pour la protection de la ressource en eau, au Québec, de manière générale.
La troisième section du projet de loi porte sur l'action en réparation des dommages causés à l'eau, et nous sommes d'accord avec ces propositions qui reprennent d'ailleurs des dispositions déjà inscrites dans les lois existantes.
La gouvernance de l'eau est le thème de la quatrième section de ce projet de loi. Elle propose les modalités pour la création, l'organisation et le fonctionnement des organismes qui auront pour mission de réaliser et de mettre en oeuvre les plans directeurs de l'eau. Nous souscrivons à ces propositions notamment parce que la gestion future de l'eau sera réalisée par bassin, que les organismes de bassin seront consultatifs et que les plans directeurs de l'eau devront être approuvés par le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. Toutefois, nous souhaitons que le projet de loi stipule que les données de base utilisées pour l'élaboration des plans directeurs de l'eau doivent avoir été obtenues par des méthodes scientifiquement reconnues et approuvées par la ministre et que ces données reflètent l'état véritable de la ressource et de l'évolution de son utilisation. Trop souvent dans le passé, des opinions concernant l'impact des prélèvements d'eau sur la ressource n'étaient pas fondées sur des faits.
Dans la cinquième section, nous sommes heureux de constater que le Bureau des connaissances sur l'eau, prévu dans le projet de loi, soit créé au sein même du ministère et que le personnel soit principalement constitué de scientifiques spécialisés dans toutes les disciplines relatives à l'eau. Toutefois, nous souhaitons que le projet de loi soit bonifié de manière à ce que l'acquisition de connaissances sur l'eau, lorsqu'elle est confiée à des organismes non gouvernementaux, soit réalisée selon des méthodes scientifiques reconnues et approuvées par le ministre afin que ces données reflètent l'état véritable de la ressource et de l'évolution de son utilisation.
Nous souhaitons aussi que le présent projet de loi soit bonifié de manière à permettre à la ministre d'avoir des outils nécessaires pour éduquer la population et les intervenants sur l'hydrologie et l'hydrogéologie, afin que tous puissent avoir une vue juste sur les ressources hydriques.
Je sais que la question du partage des informations hydrogéologiques vous préoccupe, et nous voulons vous confirmer que nous sommes ouverts au principe du partage de l'information, dans la limite bien sûr de la préservation des secrets commerciaux. À titre d'exemple, chez Naya, nous partageons nos informations hydrogéologiques, depuis de nombreuses années, avec le comité de bassin versant de La-Rivière-du-Nord et la Commission géologique du Canada.
En conclusion, nous rappelons que l'Association canadienne des eaux embouteillées considère que le projet de loi n° 92 établit des principes et des moyens justes, raisonnables et potentiellement efficaces pour amorcer une gestion globale, intégrée et écosystémique de l'eau sur le territoire du Québec. Nous estimons toutefois qu'il mérite d'être bonifié. C'est pourquoi nous demandons aux législateurs québécois trois points. Le premier: d'amender le projet de loi n° 92 afin de garantir à toute entreprise qui prélève de l'eau le droit de demander et d'obtenir le renouvellement de son autorisation à tout moment avant l'échéance normale de 10 ans.
Deuxièmement: d'amender le projet de loi n° 92 afin de garantir que toutes les données sur l'état de la ressource en eau et de son utilisation actuelle et sur les prévisions de son utilisation future qui serviront à la gestion de l'eau doivent avoir été obtenues par des méthodes scientifiques reconnues et approuvées par le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.
Et, dans le cas de l'industrie de l'eau embouteillée, que le projet de loi n° 92 ne soit pas modifié en ce qui concerne la non-interdiction d'exporter hors bassin ni hors territoire les eaux qui seront embouteillées à partir des prélèvements établis et effectués légalement.
Nous avons la ferme conviction que nos commentaires et nos demandes contribueront à bonifier cette importante pièce législative car elles contribueront à assurer la sécurité du développement économique de notre industrie en général. C'est avec intérêt et grande attention que nous suivrons de très près le processus législatif entourant l'adoption du projet de loi n° 92 mais aussi de la réglementation qui en découlera. De même, nous souhaitons être invités à participer à l'élaboration, le cas échéant, de tout futur projet de loi sur la mise en oeuvre du principe de l'utilisateur-payeur.
Nous sommes toujours heureux d'apporter notre contribution à tout projet de développement durable. Et je vais me permettre de faire un petit aparté pour vous informer, vous mettre à jour, qu'à la fin août la Table pour la récupération hors foyer, qui est un sujet qu'on avait évoqué devant une commission précédente, a dépassé le niveau de 1 million de dollars de subventions à 126 projets de mise en place d'infrastructures de recyclage dans des municipalités, bars, hôtels et restaurants, donc une preuve de la notion concrète de l'engagement que nous avons dans nos contributions.
Nous vous remercions de votre attention, et il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
Le Président (M. Reid): Merci, M. Cotte. Je vais maintenant passer la parole à la ministre.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à vous deux à l'Assemblée nationale du Québec. Vous n'êtes pas sans savoir que, lorsqu'il est question de prélèvement d'eau, je dirais même de l'aspect presque éthique, et pas juste juridique, mais de l'aspect éthique de prélèvement d'eau, souvent votre industrie est donnée en exemple. Elle devient très symbolique du fait de dire: Est-ce qu'éthiquement même il est acceptable ou pas de faire en sorte qu'on puisse prendre de l'eau, la mettre en bouteille, la proposer sur des marchés à différents consommateurs? J'aimerais ça que vous preniez le temps de répondre à ces critiques très largement répandues. Enfin, qu'on puisse au moins entendre votre argumentaire ? parce qu'il y a eu déjà ici, autour de la table, certains échanges sur la nature de votre industrie; peut-être que vous nous la décriviez.
Et là je sais que j'ai une belle grande question pour vous, quand on parle d'éthique, c'est une belle grande question, puis je vais être en même temps obligée de vous demander de répondre assez succinctement, mais que vous nous décriviez votre industrie: Vous prenez combien d'eau? Est-ce que vous prenez juste de l'eau de surface? Est-ce que vous allez vers l'eau de... l'eau souterraine, pardon? Est-ce que vous avez des membres chez vous qui sont dans de l'eau de surface ou qui utilisent l'eau de municipalités? Et que vous commentiez la dimension donc éthique de votre industrie.
n(16 h 10)nLe Président (M. Reid): M. Cotte.
M. Cotte (Daniel): Merci, Mme la ministre. Effectivement, une vaste question. Il y a plusieurs éléments dans votre question. Vous faites l'opposition entre l'eau souterraine et l'eau de surface, c'est un premier point. Ensuite, la dimension éthique du fait de commercialiser un produit qui à l'origine appartient au bien public, d'une certaine manière. Or, je vais profiter de la tribune que vous m'offrez pour essayer de répondre à ces différents points.
D'abord, il y a beaucoup d'informations, souvent fausses, qui circulent sur le montant et la quantité d'eau qui sont prélevés par l'industrie chaque année. Et ensuite on parle donc de risque d'assèchement des nappes souterraines lié à l'activité de l'industrie embouteillée qui explose, etc.
Moi, je veux vous donner... Quelques exemples sont assez parlants. D'abord, le total des captages d'eau de la totalité de l'industrie de l'eau embouteillée au Québec est largement inférieur à 1 %. Et ce qu'on donne souvent pour remettre en perspective: la totalité de l'industrie capte moins d'eau souterraine que ce que captent cinq terrains de golf, au Québec, par an pour, on va dire, mettre en... pour garder... garder et entretenir ? voilà, c'est le mot que je cherchais ? leurs terrains de golf. Alors, je ne connais pas le nombre exact de terrains de golf qu'il y a au Québec, mais il y en a plusieurs centaines, et donc on est dans des proportions qui sont extrêmement limitées en termes de quantité.
Ensuite, on parle de la dimension éthique. L'industrie, et je crois qu'on l'a clairement exprimé dans ce mémoire, nous ne sommes pas du tout opposés à la notion de redevance pour l'utilisation qu'on fait d'un bien qui au départ est un bien commun, et à partir du moment où cette redevance est universelle et équitable et qu'elle s'applique à l'ensemble des capteurs dans la nappe souterraine, sachant que la grosse majorité des autres capteurs captent beaucoup plus que nous.
Ensuite, le fait qu'il y a beaucoup de légendes urbaines qui circulent. Ce qu'on entend le plus fréquemment, c'est le fait que l'eau embouteillée coûte plus cher à acheter au Centre Bell qu'un litre d'essence, ou des choses comme ça. Je crois qu'il faut remettre les choses en perspective là aussi.
Notre industrie est une industrie qui est extrêmement compétitive, sur laquelle les... comment dire, les prix sur lesquels nous fonctionnons... et donc nous amenons l'eau aux consommateurs, une eau d'une qualité exceptionnelle qu'on amène aux consommateurs, dans les différents endroits du Québec, se fait avec des prix très compétitifs, des marges qui sont relativement réduites. Et donc c'est une vision biaisée que de regarder ça en fonction du prix auquel est vendue une bouteille dans un dépanneur ou dans un espace comme le Centre Bell, par exemple.
Ensuite, je parlerais du type d'utilisation. Je crois qu'on se focalise sur l'eau de source parce qu'on met en marché, en en préservant toute sa qualité, un produit qui jaillit de manière naturelle. Mais la grosse majorité des boissons qui sont commercialisées utilisent plus d'eau que pour leur production, et donc leur bilan d'utilisation d'eau est supérieur, largement supérieur au nôtre. Je prendrais l'exemple de l'industrie de la bière. Il faut trois ou quatre litres d'eau pour faire un litre de bière, il faut beaucoup moins, de 1,2 à 1,5 litres pour faire un litre d'eau embouteillée. Donc, l'industrie est très consciente, est très... sa responsabilité sur la gestion responsable de la ressource. Et l'industrie, au sens large, fait des efforts très importants pour minimiser son empreinte, que ce soit sur les ressources en eau ou sur la partie environnementale, qui est un autre sujet qu'on pourrait développer.
Mme Beauchamp: J'ai accueilli avec un petit sourire votre expression sur vos marges bénéficiaires parce que par ailleurs je pense que... vous savez que plusieurs constatent néanmoins le niveau de profit, en termes absolus, fait par votre industrie. Néanmoins, ça m'amène à dire ceci: Je comprends bien, à la lecture de votre mémoire, que vous êtes en accord avec l'imposition d'une redevance sur l'eau au Québec; vous y identifiez des conditions. Mais en fait ce que je comprends, c'est que vous comprenez la volonté déjà exprimée par l'Assemblée nationale, puisque ça a déjà été prévu dans une loi antérieure, qu'il y a comme une espèce de sensibilité où on se dit: Il n'est pas normal, là, qu'une ressource commune à l'ensemble des Québécois puisse être mise dans une bouteille, vendue, créant des profits privés, sans qu'il n'y ait aucune redevance pour les Québécois. Ça fait que je comprends que votre position est de dire... vous comprenez cette sensibilité, vous comprenez ces arguments et vous êtes d'accord pour entamer donc ces discussions qui devront avoir lieu après le règlement sur la déclaration obligatoire qu'on veut amener au cours de 2009. On dit: On devra avoir ces discussions sur la redevance. Et on pourra revenir, à ce moment-là, sur les conditions que vous souhaitez mettre en place.
Je veux vous entendre, maintenant: parmi tous ceux qui sont venus nous voir, vous êtes l'industrie, en ce moment, qui devez déjà vivre sous un régime de certificat d'autorisation. Donc, depuis 2002, il y a donc ce Règlement sur le captage des eaux souterraines. Donc, vous vivez déjà sous un régime où il y a des autorisations délivrées sur 10 ans.
Vous savez sûrement que devant nous il y a eu plusieurs intervenants provenant de différents secteurs qui sont venus exprimer des craintes quant à la création d'une insécurité, d'un climat d'insécurité économique avec le fait d'avoir un tel régime d'autorisation sur 10 ans. Vous, vous êtes déjà sous un tel régime, et, à la lecture de votre mémoire, on voit bien que vous ne le critiquez pas. Si je ne me trompe pas, vous exprimez même un accord, mais en disant que vous souhaitez qu'on clarifie le point que, si une entreprise doit revenir ou souhaite revenir avant l'expiration de la validité de son certificat, venir voir le gouvernement, vous voulez être sûrs que le gouvernement va accueillir sa demande et procéder à l'analyse de sa demande.
Mais ça m'amène, pour le bénéfice de tous, à vouloir vous entendre. Vous vivez depuis 2002 sous un tel régime d'autorisation. Comment ça se passe pour votre industrie et... Parce que c'est assez frappant, donc, le fait que vous ne remettez pas en cause, vous, la notion d'une autorisation délivrée sur 10 ans.
M. Cotte (Daniel): Oui, nous pensons que l'approche de certificats d'autorisation délivrés sur une période de 10 ans est une approche saine, qui permet de réglementer un petit peu la manière dont seront faits les captages, de réglementer des conflits d'usage potentiels. Et, à partir du moment où nous avons une possibilité d'avoir une pérennité et une visibilité sur la conduite de nos activités, et je pense en particulier à des projets d'investissement qui pourraient être particulièrement élevés et qui requièrent, pour la lisibilité des actionnaires ou des parties prenantes... Le fait de pouvoir avoir une pérennité, à partir du moment où, sur des projets particuliers comme ceux-ci, le gouvernement reconnaît notre possibilité de pouvoir demander une confirmation à tout moment de ce certificat ou la réémission d'un nouveau certificat de 10 ans, selon de nouveaux éléments, au global cette méthode des certificats d'autorisation est bonne. Et nous accueillons avec satisfaction le fait qu'elle soit appliquée, qu'il soit prévu de l'appliquer à l'ensemble des capteurs, puisque, comme on l'a vu, l'industrie de l'eau embouteillé finalement... Les nappes souterraines, comme vous le savez, sont donc des... sont connectées. Les bassins et les ressources hydrogéologiques sont connectés les uns avec les autres par bassin versant. Et le fait que l'ensemble des capteurs soient soumis aux mêmes règles nous semble sain.
n(16 h 20)nMme Beauchamp: Merci. Je dois vous dire qu'on a déjà eu des échanges... Même précédemment, on revenait avec certaines considérations autour de comment faire pour régler, s'il y avait problème, là, de cette notion d'un peu d'insécurité face au fait qu'une autorisation viendrait à échéance... Imaginons-nous à l'année 7, à l'année 8, à l'année 9, mais qu'on est devant des projets d'investissement importants. Nous, en tout cas, une première analyse, disons que... on se dit même... même par rapport au régime actuel, sous lequel vous êtes, on se dit que rien n'empêche une entreprise de venir nous voir à l'année 5 ou à l'année 6 ou à l'année 7, si elle le veut, pour demander de procéder immédiatement, à partir bien sûr du dépôt des études nécessaires pour montrer que la situation n'a pas changé, qu'on ne compromet pas, là, bien sûr la protection de la ressource, de revenir nous voir. Est-ce qu'il faudrait le spécifier? On pourra se poser la question, mais je pense que l'approche que vous nous invitez à avoir, elle est intéressante et peut être un élément de réponse à ces questions liées à l'insécurité créée, par exemple, lorsqu'on est avec des perspectives d'investissement majeur.
Il y a un dernier élément sur lequel je veux vous entendre, puis honnêtement c'est un sujet qu'on n'a pas eu le temps en fait de bien aborder jusqu'à maintenant, c'est cette notion de partage d'information, que vous avez soulevée à la fin de votre présentation. Donc, vous dites... et déjà le Conseil du patronat, qui vous a devancés, disait aussi que, dans la formulation de notre article sur le Bureau des connaissances sur l'eau, il faudrait prévoir que le monde industriel bien sûr pourrait aussi être invité à contribuer. Mais, vous, vous commencez à être un petit peu plus spécifiques en disant: Oui, il y a une notion de partage d'information, mais en autant qu'on ne dévoile pas ce que vous avez appelé, vous, je pense, des...
M. Cotte (Daniel): Des secrets commerciaux, je crois, oui.
Mme Beauchamp: Des secrets commerciaux.
Mais j'aimerais ça vous entendre un peu plus... un peu plus, parce qu'il est évident que, lorsqu'on veut mettre en place un Bureau des connaissances sur l'eau puis qu'on parle d'une «chose commune», honnêtement, là, le grand principe que l'on vise est un large partage des connaissances grâce à un portail sur la situation de l'eau au Québec, son renouvellement, sa qualité. On sait que ça prendra un certain nombre d'années pour y arriver, mais il est évident qu'un jour on aura à se poser la question sur qu'est-ce qu'on rend public, à partir des documents fournis par une entreprise privée qui aura payé ces études, qui va les considérer comme siennes, qu'est-ce qu'on met sur un portail ou pas, du point de vue de l'information publique. Ça fait que je veux vous entendre un peu plus, surtout que vous êtes déjà, vous, assujettis à un tel régime, là, vous devez fournir ces études au gouvernement. Je voudrais vous entendre un peu plus sur, dans votre vision à vous, qu'est-ce qui pourrait être versé donc de nature publique et qu'est-ce qui en aucun temps, selon vous, ne devrait être versé à partir des documents que vous devez déposer au gouvernement.
M. Cotte (Daniel): Je vais prendre un exemple très précis. En fait, toutes les études... nous sommes prêts à partager... Alors là, je vais changer de casquette un petit peu, je vais vous parler en tant que président des Eaux Danone Naya. La question précise que vous posez n'a pas été délibérée avec l'ensemble des membres de l'Association canadienne, donc je vais vous répondre au nom de ma société.
Aujourd'hui, nous avons des obligations, un certain nombre d'obligations vis-à-vis du ministère du Développement durable sur la gestion de notre ressource, et donc nous devons faire le suivi et donner des informations sur le pourcentage d'utilisation du permis que nous avons... de captage que nous avons, etc. Et parallèlement nous faisons des études hydrogéologiques, dont certaines effectivement sont déjà remises au ministère, comme les études concernant le périmètre bactériologique ou virologique, qui sont donc des obligations réglementaires, et d'autres études qui sont plus larges.
Nous, nous sommes prêts à partager la totalité des études hydrogéologiques que nous faisons pour se conformer à la réglementation ou du fait du désir que nous avons de la connaissance de notre ressource. Ce sur quoi nous avons plus de réticences à voir partagé, ce sont les informations concernant l'exploitation, entre guillemets, du permis de captage que nous avons. Si nous avons un permis de captage pour cent... donc, sur un indice 100, aujourd'hui, vos services savent si nous utilisons 25 %, 30 %, 35 %, et ces informations-là sont des informations qu'on considère comme étant des informations que nous ne voulons pas voir divulguées à nos concurrents. Mais, en revanche, les études globales sur la ressource hydrogéologique, nous sommes tout à fait prêts, nous le faisons déjà. Nous sommes même... Nous avons été un membre fondateur, par exemple, de la création de l'Agence de bassin versant de La Rivière-du-Nord et nous partageons, voire même nous sommes le principal fournisseur d'informations hydrogéologiques à ce bassin, par exemple.
Le Président (M. Reid): Merci, M. Cotte. Je vais maintenant passer la parole au député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy: Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Premièrement, je dois vous saluer, de la part de mon confrère M. Diamond, donc député de Marguerite-D'Youville, qui s'excuse d'avoir dû quitter la commission, mais il aurait aimé poser les questions lui-même, il m'a transmis le message, donc je vous le fais. Donc, vous avez ses salutations.
Une autre chose aussi qui est importante, c'est que je dois saluer l'effort que vous avez fait pour la Table hors foyer. Donc, ces montants-là, pour certaines personnes, ça peut paraître anodin, mais, pour le travail qu'on en a fait à la commission, j'ai trouvé que l'investissement de base que l'industrie, vous faisiez était méritoire. Donc, je tiens à vous féliciter pour ce travail-là. C'est quand même un beau geste puis c'est... Certaines personnes pourraient dire: Bien, ils se donnent bonne conscience. Moi, je n'irai pas là, je dis simplement bravo pour le geste. Moi, je trouve que c'est méritoire, et, si on avait plus de personnes qui s'impliquaient, on avancerait dans différents dossiers.
Un autre côté où je vous trouve très humbles, et là vous allez devoir partager vos connaissances, c'est justement les connaissances que vous avez sur l'eau. Et, moi, je vous dirais d'emblée: Vous avez énormément de connaissances sur l'eau, beaucoup plus qu'on peut le penser, et je suis persuadé que la personne qui vous accompagne en sait beaucoup sur l'eau. Et, quand on voit le bureau qui va se créer, on part d'une base et on espère qu'on va le développer avec les années. Mais ces années-là que vous pourriez nous sauver avec vos connaissances sur l'eau, les connaissances hydrologiques, feraient avancer le dossier.
Moi, je dis que dans le fond ça, ça se paie. Vous les avez eues, vous les avez travaillées, vous avez investi dans ce domaine-là aussi, et, quand on parle de redevance, bien ça en serait une, une redevance, que vous pourriez mettre vos connaissances à contribution moyennant d'échange... Je trouve que vous avez une monnaie d'échange incroyable qui pourrait vous donner une belle ? moi, en tout cas, je vous dis ça comme ça; qui pourrait vous donner une belle ? poignée, à l'effet de dire: Oui, on va vous exiger des redevances comme tout le monde, égales, équitables, mais en même temps vous avez cette force-là qui est un partage avec le Bureau des connaissances de l'eau, qui n'est pas un partage avec l'ensemble de la province de Québec, mais avec le bureau, qui, eux, vont avancer plus vite. Je ne sais pas quelle serait votre ouverture d'esprit à cet effet-là, mais, moi, j'aimerais un peu vous entendre là-dessus, parce que ce n'est pas vrai que vous connaissez juste... Vous en connaissez beaucoup plus long que ça, et c'est mes antécédents dans l'eau de source qui me font dire que vous en connaissez beaucoup plus que ça.
M. Cotte (Daniel): Merci pour votre question. Je crois que vous avez prononcé un mot qui est un mot important, qui est l'«humilité». Le produit que nous commercialisons, notre modèle d'affaires est centré à 100 % sur cette ressource qui est l'eau de source naturelle. Et donc toute entreprise qui vise à assurer et à améliorer la protection de la ressource en eau du Québec au sens large est une entreprise que l'on considère comme étant intéressante, à laquelle nous voulons contribuer.
Je vais vous citer un exemple. Au-delà de nos... Nous, nous travaillons fortement à la protection de notre ressource, celle qui est autour de notre périmètre, de notre source. Nous oeuvrons également... Nous avons, avec le ministère des Ressources naturelles, créé le Fonds Naya pour la protection des cours d'eau en milieu urbain, qui n'a rien à voir avec notre source telle qu'elle existe aux alentours de notre usine, par rapport à cette volonté d'essayer de contribuer au maximum à la protection au sens large.
Ceci étant dit, il faut être humble. Vous savez que le Québec a une ressource en eau qui est absolument exceptionnelle. Des chiffres circulent, et je crois qu'on dit que 3 % des réserves d'eau douce sont au Québec. Le sous-sol du Québec est un véritable gruyère en termes de... avec donc cette ressource extrêmement précieuse partout. C'est très compliqué d'arriver à la connaître et à la maîtriser, et je crois que l'idée de ce projet de loi, c'est d'essayer de s'avancer le plus possible dans cette connaissance et de la maîtriser au mieux pour pouvoir en garantir la pérennité.
n(16 h 30)n Nous, nous sommes totalement ouverts à partager l'ensemble des connaissances hydrogéologiques que nous avons et que nous avons construites au fur et à mesure des années. Je serais peut-être un tout petit peu moins optimiste que vous sur l'ampleur des connaissances que nous avons. Nous avons une très bonne connaissance des ressources, on va dire, dans la région de notre bassin. Au-delà de ça, nous en avons certaines que nous partagerons, mais il serait souhaitable en fait que l'on parvienne, au niveau de la province, à avoir une connaissance aussi pointue et précise sur la totalité des ressources que celle que nous avons sur la nôtre. C'est un gros chantier auquel on sera ravis de contribuer.
Et là où vous avez totalement raison, c'est que mon voisin effectivement en sait beaucoup plus sur l'eau que moi, ça, c'est sûr. Et donc que nous avons, on va dire, autour de nous des gens qui ont une très forte connaissance et qui seront disposés... Alors, ne parlons pas... Nous n'avons pas beaucoup de permanents, à, comment on appelle ça, l'association des embouteilleurs d'eau, mais, de toutes les manières qu'on pourra contribuer, on le fera.
M. Roy: L'autre question, c'est que dernièrement j'étais avec un groupe d'ingénieurs forestiers qui avaient pour thème la communication, parce que le fait qu'ils communiquent mal, ils transmettent mal leur information, bien le milieu forestier est méconnu, mal connu, et finalement on a une mauvaise interprétation du milieu forestier parce qu'ils n'ont pas su se vendre. Au niveau de l'eau, vous venez d'apporter un point qui est un éclairage pour les gens en disant: Tout ce que, nous, on capte, ce n'est pas l'équivalent de l'arrosage de cinq terrains de golf au Québec. C'est des arguments comme ça que les gens peuvent comprendre. Autrement, vous êtes simplement des gens qui captez de l'eau et qui nous la revendent. Et, au-delà des publicités que vous pouvez faire, vous auriez tout intérêt à faire des publicités qui sont assez percutantes, comme celle-là, qui à mon avis seraient non pas juste symboliques, qui refléteraient les besoins de votre industrie. Donc, je ne le sais pas, mais c'est un apport important que vous avez apporté tantôt.
M. Cotte (Daniel): Je vous remercie de votre suggestion. Je pense que notre approche, que ce soit au niveau de l'association ou nous en tant qu'entreprise, c'est avant toute chose de poser des gestes concrets: la Table pour la récupération hors foyer, le fonds Naya pour la protection des cours d'eau, etc., et ensuite de les communiquer. Nous commençons à les communiquer pour répondre à la polémique et à la prise de symboles de l'industrie de l'eau embouteillée, dont parlait Mme la ministre au début de l'intervention.
M. Roy: Deux questions courtes, après ça je passe la parole à mon confrère. J'ai le temps, M. le Président?
Le Président (M. Reid): Allez-y.
M. Roy: O.K. Combien de temps on peut... Pour développer des connaissances, là, on a un nouveau bureau qui va se mettre en place, on peut attendre un certain temps, c'est sûr qu'on peut travailler avec ce bureau-là, d'abord les gens qui vont travailler là ont déjà une connaissance, et on arrive là, mais, pour développer énormément de connaissances, on peut penser à combien de temps pour vraiment connaître ce qu'on ne connaît pas? À l'heure actuelle, on n'a que des présomptions, on n'a qu'une idée vague, on a peut-être une idée générale, mais, pour avoir vraiment des connaissances, l'investissement et le temps qu'on doit avoir?
M. Cotte (Daniel): Je vais laisser mon collègue répondre à cette question.
M. Lavallée (Michel): Je vais essayer de vous répondre. Il y a une limite; la limite, c'est l'eau souterraine. L'eau souterraine, c'est quelque chose qui ne se voit pas. Le ministère de l'Environnement détient... Et, il y a longtemps, le ministère des Ressources naturelles, je ne me rappelle plus comment il s'appelle, dans les années cinquante, avait des programmes d'acquisition de connaissances, mais ce sont des connaissances macroscopiques, c'est-à-dire que c'est sur la base de, je ne sais pas, moi, 5 km, 10 km. Ils n'ont pas de connaissances pointues sur une localité. Et, en matière d'eau souterraine, on ne peut pas faire autrement que de faire la collection des résultats des autorisations, que le ministère de l'Environnement a commencée déjà il y a longtemps, bien avant d'ailleurs 2003. La collection de ces connaissances pointues, particulières, à la longue pourrait constituer un affinement de la connaissance qu'ils ont déjà. Alors, quand vous me dites: Combien de temps? Je pense que c'est un processus en continu en ce qui concerne l'eau souterraine.
En ce qui concerne les eaux de surface, les connaissances sont déjà là. Je pense que généralement il y a déjà un suivi de la qualité des eaux de surface. Ce n'est pas moi qui devrais répondre, là, normalement, M. le Président, ça devrait être la ministre qui est en charge de tous ces programmes-là. Alors donc, combien de temps? Bien, eau de surface, à mon avis c'est déjà pas mal assuré; eau souterraine, bien, si on veut avoir une connaissance pointue, il faut y aller autorisation par autorisation pour acquérir cette connaissance.
M. Roy: Question très courte, et après mon confrère va prendre la parole. J'ai parlé, la semaine dernière, de la différence entre de l'eau... bien sûr de l'eau souterraine et de l'eau vendue commercialement qui viennent de grandes compagnies et qui sont captées à même les Grands Lacs, qui sont vendues dans plusieurs commerces. Donc, c'est de l'eau qu'on dit traitée. Donc, comment on doit traiter ces deux dossiers-là: votre eau et le dossier des autres eaux, où en réalité on se fait avoir, parce que les gens ne regardent plus sur la bouteille? On regarde, parce que vous devriez en faire la publicité, mais les autres bouteilles, on achète de l'eau du lac Ontario traitée à Mississauga.
M. Cotte (Daniel): Ce que je vous dirais... Je parle aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des embouteilleurs d'eau, mais, ceci étant dit, les eaux auxquelles vous faites référence, il existe effectivement sur le marché des eaux embouteillées qui sont d'origine municipale, donc embouteillées à Mississauga en provenance du lac Ontario, comme vous dites. Ces marques-là et ces producteurs-là ne font pas partie de notre association. Notre association représente, de manière extrêmement majoritaire, des producteurs d'eau de source naturelle.
Je vais quand même vous répondre en mon nom personnel et non pas au nom de l'association pour vous dire: Je partage votre opinion sur le fait que ces eaux-là, qui ne pèsent qu'une petite partie, moins de 10 % du marché nationalement, quelque part mettent une ombre sur l'industrie, dans la mesure où elles permettent à tous les gens qui ont envie de polémiquer de faire un amalgame, et donc ce n'est pas à moi à me positionner sur ce que pourrait ou devrait faire le législateur là-dessus. C'est sûr que l'industrie de l'eau embouteillée est en grande majorité une industrie dont le but est d'amener de l'eau de source naturelle et qui est donc une eau de qualité très différente de l'eau de surface et de l'eau municipale, et que cet amalgame lui porte tort.
Le Président (M. Reid): Merci. Alors, M. le député de Saint-Maurice, il reste à peu près 2 min 15 s.
M. Deschamps: Oui, M. le Président. Messieurs, je pense que la loi n° 92, ça va être une loi très importante, puis il y a deux aspects qu'on soulève depuis le début des audiences qui me semblent avoir un impact assez important, c'est le côté juridique, qui est assez ambigu, puis le côté scientifique également.
Dans votre mémoire, vous soulevez deux fois les méthodes scientifiques reconnues: dans la section IV et dans la section V. Est-ce qu'il y a vraiment, au Québec, des méthodes scientifiques connues sur l'utilisation de l'eau? D'après également l'Institut national de recherche scientifique, on a le même point de vue que vous en disant que les méthodes scientifiques reconnues ne sont pas tellement développées présentement. Alors, il faudra qu'on repense peut-être la loi n° 92, parce que présentement il y a des firmes qui sont non scientifiquement reconnues puis qui donnent... Exemple, la ville de Shawinigan qui s'apprête à donner des contrats de 100 millions pour des travaux d'infrastructure pour des changements de captage d'eau qui ne sont basés sur aucune étude scientifique reconnue. Alors, je me demande si on ne devrait pas s'attarder sur le côté scientifique. Puis qu'est-ce que vous entendez, vous, par des méthodes scientifiques reconnues, dans votre mémoire?
Le Président (M. Reid): Réponse en dedans d'une minute, s'il vous plaît.
M. Cotte (Daniel): En dedans d'une minute. Je vais faire une très petite et je vais passer la parole à mon collègue, parce que je ne vous étonnerai pas si je vous dis que je ne suis pas un scientifique, moi.
Ce qui nous paraît important, c'est que les données qui vont être maniées dans ce dossier qui est complexe soient homogènes et soient de grande qualité et donc scientifiquement reconnues. Mais je vais passer la parole à mon collègue pour essayer de vous aider dans la définition de ce que l'on met derrière ces termes.
Le Président (M. Reid): En quelques mots seulement, s'il vous plaît, parce qu'il ne reste presque plus de temps.
n(16 h 40)nM. Lavallée (Michel): Alors, je crois personnellement que les méthodes existent. C'est d'ailleurs une des tâches que le ministère de l'Environnement fait en recevant des études hydrogéologiques, c'est de voir, de vérifier si le contenu de ces études-là est basé sur des faits, sur des mesures de terrain et non pas sur des opinions, à savoir... Alors, c'est un peu ça. Les méthodes existent, il suffit tout simplement... À preuve, les méthodes d'analyse de l'eau font déjà l'objet d'un processus de normalisation en vertu des pouvoirs de la ministre de l'Environnement. Donc, je pense qu'elles existent déjà. La raison pour laquelle on a amené ça...
Le Président (M. Reid): Je m'excuse, je dois vous interrompre, parce que le temps est déjà dépassé d'une minute, si je ne veux pas gruger sur le temps du député de Roberval. C'est à vous la parole, M. le député.
M. Trottier: Mais ça faisait partie de mes questions. Je vais vous laisser poursuivre parce que je voulais justement savoir quelles sont vos craintes par rapport à ça.
M. Lavallée (Michel): Bien, nos craintes, je veux dire, on y a fait une allusion. Trop souvent, il y a eu dans le passé, peut-être moins aujourd'hui, des opinions qui ont circulé sur des impacts qui n'étaient pas basées sur des faits, notamment pour l'industrie des eaux embouteillées, qu'elle prélevait des quantités énormes d'eau. Après tout, quand on regarde d'autres boissons, d'autres produits alimentaires à boire, il faut savoir... Je suis chimiste de formation, et, dans un verre de jus, il y a presque autant d'eau, à volume égal, que dans un verre d'eau pure. Donc, sur la question de l'éthique, peut-être, pour faire allusion, peut-être que c'est le fait que nos produits s'appellent «eau». S'ils s'appelaient «boisson», il n'y aurait peut-être pas eu autant d'impact.
Mais ce qu'on veut dire essentiellement, c'est qu'on craint que les données de base sur lesquelles les comités de bassin, les plans directeurs de l'eau... soient fondées... il faut que ce soient des éléments de mesure de terrain qui ont été vérifiés, et qu'à partir de là il y a une décision qui est prise sur les partages, etc. C'est essentiellement ça.
M. Trottier: O.K. Il y a plusieurs mémoires qui nous ont fait mention qu'on devrait peut-être avoir différents types de redevances, une redevance, par exemple, pour l'eau utilisée puis l'eau consommée. Est-ce que vous seriez d'accord avec ce principe-là?
M. Cotte (Daniel): C'est une notion dont nous n'avons pas débattu au sein de l'association, donc je me garderais de me prononcer sur ce thème-là aujourd'hui.
M. Trottier: Tout à l'heure, vous avez mentionné, par rapport à l'eau qui était produite à même l'aqueduc, que peut-être que ça pouvait même nuire à votre entreprise, au niveau de l'image. Est-ce qu'on devrait avoir une redevance qui serait plus élevée pour ce type d'eau là?
M. Cotte (Daniel): Nous, en tant qu'association, on se positionne sur une idée de redevance universelle et équitable. Donc, ensuite, je pense que c'est à chaque société de revenir justement sur l'approche qu'elle a, d'un point de vue éthique, des produits qu'elle commercialise, et je pense que c'est beaucoup plus une décision de société qu'une décision du législateur.
M. Trottier: Dans les dernières semaines, on a vu qu'il y a des quantités, semble-t-il, assez faramineuses d'eau, de bouteilles d'eau en plastique qui terminent leur vie dans l'environnement. Est-ce que les bouteilles d'eau devraient être consignées pour éviter ce phénomène-là? Sinon, quelle est la solution?
M. Cotte (Daniel): Alors là, c'est une question très similaire à celle de la précédente commission. Alors, je suis content que vous me la posiez, ça me permet de faire un pont quand même par rapport à une discussion qu'on vient d'avoir sur la fiabilité des données. La première réaction que j'aurais, c'est: Surtout, ne croyez pas tout ce que vous lisez dans les journaux en ce qui concerne ce point-là. Les seuls chiffres que l'on a qui sont des chiffres avérés, avec un support statistique fiable, ce sont les chiffres de l'étude de RECYC-QUÉBEC de 2006, qui disent que le taux de récupération des bouteilles d'eau en secteur résidentiel, aujourd'hui, est en très forte croissance, est à 57 % en 2006, et donc vraisemblablement, aujourd'hui, on avoisinerait... On est en croissance continue, donc on est vraisemblablement plus élevé que ça encore aujourd'hui. Ça, c'est le premier point.
Le deuxième point, c'est: Nous, on pense que la meilleure manière d'augmenter de manière significative le taux de récupération des bouteilles, pas que d'eau, de toutes les matières recyclables, dans les circuits hors foyer, qui sont ceux qui font défaut aujourd'hui, c'est via la collecte sélective, qui est le système qui est le plus global et qui permet d'avoir le plus facilement de masse critique. La gestion de systèmes parallèles et centrée sur un seul type de produit ou un seul type de boisson crée une complexité de compréhension forte au niveau du consommateur et ne donne pas la possibilité d'atteindre les masses critiques dont ont besoin à la fois l'ensemble des parties prenantes, en particulier les municipalités, pour pouvoir augmenter de manière importante les taux de récupération.
Donc, les options et les initiatives que l'on a prises, telle la Table de récupération hors foyer, donc pour mettre le pied à l'étrier de projets hors foyer pour augmenter... pour mettre en place des infrastructures de recyclage vont permettre selon nous de répondre à cette préoccupation.
Le Président (M. Reid): Merci. Merci beaucoup. M. Cotte, M. Lavallée, merci de votre contribution. Je vais suspendre les travaux pour quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 46)
(Reprise à 16 h 50)
Le Président (M. Reid): S'il vous plaît, à l'ordre! Alors, je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue aux représentants de la Conférence régionale des élus de l'Abitibi-Témiscamingue. Je vais passer la parole au secrétaire de la CRE et préfet de la MRC d'Abitibi-Ouest et lui demander de présenter la personne qui l'accompagne. Et je vais vous donner une quinzaine de minutes et, au bout de 14 minutes, à moins que ce soit déjà conclu, je vais vous donner un indice pour que vous puissiez terminer dans les délais prévus.
Conférence régionale des élus de
l'Abitibi-Témiscamingue (CREAT)
M. Rancourt (Daniel): Bonjour. Il faudrait presque dire bonsoir parce que l'heure avance. Dans un premier temps, je tiens à remercier les membres de la commission, Mme la ministre et M. le président de nous donner l'occasion de présenter un peu ce qui se passe dans notre coin de pays concernant nos réactions face au projet de loi n° 92.
D'entrée de jeu, je voudrais préciser certains éléments qui vont nous permettre de mieux comprendre l'état de situation dans lequel on se retrouve. On est en Abitibi-Témiscamingue, on est au nord du Québec, près de la frontière ontarienne. On est au versant... à la croisée des chemins, si on peut dire, entre le nord et le sud, donc la séparation des eaux de la province. On est au sommet de la province et, j'oserais dire, on est le garde-manger de l'eau du Québec, si on peut dire.
D'entrée de jeu aussi, en 1984... non, en 2004, c'est-à-dire, le gouvernement de la province de Québec a dit: Les CRE vont être des interlocuteurs privilégiés. Et on a pris notre rôle au sérieux et c'est pour ça qu'on s'implique dans ce dossier-là. Aussi, par la même occasion, on a sur notre territoire, comme beaucoup au Québec, on a des eskers, on a des eskers de qualité, ce qui fait qu'à deux occasions en particulier la ville d'Amos et une autre municipalité de notre secteur ont été déclarées avec la meilleure eau du Québec, la meilleure eau au monde même, d'où une préoccupation importante de savoir, si on a une meilleure eau au monde, de quelle manière on peut la protéger et surtout de quelle manière on doit la gérer.
Donc, la CRE, depuis sa formation et antérieurement avec les CLD, a toujours une préoccupation sur l'eau et les ressources hydriques. Sur notre territoire, pour matérialiser tout ça, on a formé une société en eau souterraine, qui est représentée ici avec M. Serge Bastien, qui est président de l'organisation, et qui a comme mission de se préoccuper: qu'est-ce qu'on fait avec notre eau, comment on s'organise, comment on collige les informations, donc d'où la présence de M. Bastien. Et tout ça en étroite collaboration avec notre université, notre université qui fait tout notre territoire mais qui a un secteur bien particulier en recherche en eau.
Donc, dans le cadre de cette consultation, la Conférence régionale ne souhaite pas se positionner comme maître d'oeuvre mais plutôt à titre de soutien politique. Nous voulons surtout vous démontrer que la communauté régionale endosse et appuie les gestes que posent les principaux bras agissants et porteurs de la question de l'eau en Abitibi-Témiscamingue, soit la société, ce qu'on va appeler communément dans le rapport le SESAT, et l'UQAT, qui est notre université.
L'Abitibi-Témiscamingue est une région riche et notamment riche en eau. Ce n'est pas d'hier qu'elle se préoccupe de cette ressource et compte sur son action... pour plus d'une dizaine d'années de réflexion sur la question. La question de l'eau, sa protection, sa pérennité, de même que le développement d'activité économique durable, fait d'ailleurs partie des priorités de la planification stratégique régionale 2007-2011. C'est donc collectivement que nous avons convenu qu'il fallait, entre autres, mettre en place une veille stratégique sur la protection et la mise en valeur de l'eau souterraine, sensibiliser, informer et éduquer la population de l'Abitibi-Témiscamingue ? et, vous comprendrez, ça a des répercussions sur le reste du Québec ? de s'assurer de la diffusion des connaissances scientifiques sur l'ensemble de notre région et du Québec. C'est aussi collectivement que nous souhaitons la poursuite des travaux du Comité du créneau ACCORD sur la valorisation des ressources hydriques. Notre région croit tellement en son potentiel qu'elle s'est dotée d'outils, et je les ai nommés tantôt, on parle du SESAT et de l'UQAT.
Trois organismes qui nous présentent ce mémoire aujourd'hui estiment que le projet de loi n° 92 est une suite logique de la Politique nationale de l'eau. Nous sommes en général très satisfaits du projet de loi n° 92, surtout en ce qui concerne la section Gouvernance de l'eau et Bureau de connaissances sur l'eau, et nous félicitons cette démarche importante pour le Québec.
Je cède maintenant la parole à M. Serge Bastien qui va nous parler plus spécifiquement et plus techniquement du rapport ou du projet. Serge.
M. Bastien (Serge): Merci, M. Rancourt. M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les membres de la commission. Alors, à mon tour de vous remercier de nous accueillir et de nous avoir accueillis d'ailleurs un peu in extremis. On a, je crois, remplacé quelqu'un pour pouvoir venir vous présenter notre vision de ce qu'est le projet de loi n° 92. On est ici donc pour apporter notre goutte d'eau aux principes qui sont énoncés dans le mémoire et pour nous permettre d'échanger sur nos préoccupations de la région, qui, on le croit, en termes d'action, ont un potentiel d'impact sur le reste de la province.
D'abord, comme on l'a dit, on appuie le projet de loi. On appuie son titre qui insiste sur le caractère collectif de l'eau, ce qui est un élément essentiel, l'eau étant reconnue comme étant une chose commune. C'est un principe reconnu, et j'accueillais avec beaucoup de plaisir le fait qu'on va préciser même ces énoncés-là, un peu plus tôt, Mme la ministre, et donc qu'effectivement l'eau soit une chose commune et ait un caractère collectif, ce qui donne automatiquement des obligations autant au gouvernement qu'à la population en général, et la population en région en particulier. Et, à cet égard-là, je trouvais intéressant aussi le fait qu'en établissant le principe de chose commune on avait... et le fait que l'eau soit une ressource vitale qui appartenait à tout le monde, que le gouvernement et les instances dirigeantes aient un rôle de fiduciaire... Ça, c'était dans votre présentation, Mme la ministre, et je trouvais ça intéressant qu'on utilise ce terme-là, à titre de fiduciaire de la ressource, parce qu'elle ne nous appartient pas. Et peut-être que c'est le notaire en moi qui applaudissait au terme, là, mais enfin on trouve que dans le fond l'utilisation du terme «fiduciaire» est appropriée, puisqu'il présuppose nécessairement une entente entre les parties et une utilisation appropriée des règles de jeu qu'on s'est données. Et, quand on se donne la crédibilité de le faire et de bien le faire, bien ça a des résultats souhaités par tous.
L'autre notion, la notion de protection, qu'on applaudit aussi bien entendu, et particulièrement au niveau de l'eau souterraine, parce que tous reconnaissent que les cas d'abus et de contamination d'eau sont graves et le sont plus particulièrement en termes d'impact au niveau de l'eau souterraine, parce que généralement, quand on trouve le problème, il est trop tard, et très souvent le problème est même potentiellement irrémédiable. On voit la difficulté qu'on a avec la notion des algues bleues et on voit qu'il va y avoir plusieurs années qu'on va avoir à prendre pour régler le problème. On peut imaginer les problèmes que soulèverait une contamination de nappe d'eau souterraine. Ça existe déjà, et on voit les conséquences, qui sont dramatiques. Donc, notion de protection, notion majeure.
Le but du mémoire, c'est toutefois de soumettre à l'Assemblée que la notion d'eau souterraine devrait recevoir une présence plus importante au niveau du projet de loi, donc que la notion d'eau souterraine ne soit pas seulement une notion incluse dans le terme «eau», mais qu'on retrouve à certains endroits une définition ou une indication plus claire de l'eau souterraine. Pourquoi? Parce que nous croyons que les problématiques liées à l'eau souterraine ont des besoins propres en termes de règles de gouvernance, de règles de protection et de règles en termes de valorisation ou de mise en valeur. L'eau souterraine a également besoin de règles propres au niveau de la connaissance, et l'ensemble des discours reconnaissent le manque de connaissances qu'on a à ce niveau-là, sur la façon de bien la gouverner, sur la façon dont l'eau se comporte sous terre, etc. Et on se rend compte de l'impact de cette méconnaissance-là... on se rend compte que potentiellement l'impact de cette méconnaissance-là peut être majeur pour l'avenir.
n(17 heures)n C'est pourquoi nous avons choisi, en Abitibi-Témiscamingue, de baser nos actions sur la recherche en établissant un partenariat avec l'UQAT et l'unité de recherche sur l'eau souterraine. Le besoin de connaissances à ce niveau-là est essentiel, et le Bureau de connaissances de l'eau qu'on propose de mettre en place l'est tout autant, et à mon sens c'est un préalable et c'est incontournable dans la continuation des actions. À mon sens, la question de la connaissance doit transcender tous les discours, toutes les lois, tous les règlements qui vont découler du projet de loi n° 92. Et la présence de l'eau souterraine devrait, à notre point de vue, être plus manifeste, parce qu'il s'agit d'un volet qui est malheureusement fort méconnu et trop souvent pris pour acquis. L'eau jaillissant de la terre, on prend pour acquis que ça arrive de façon... bien, pas magique, mais enfin que c'est quelque chose qui est facile à gérer.
L'autre point que nous souhaitons voir valorisé dans le... que nous souhaiterions voir valorisé soit dans le projet de loi ou dans ce qui va en découler, c'est le principe directeur à l'effet que l'eau doit payer l'eau, à savoir qu'à partir du moment où on parle de redevances, à partir du moment où on parle des notions d'utilisateur-payeur, pollueur-payeur, principes des réparation, le lien qui devrait s'établir avec ces principes-là, c'est que les montants qu'on en perçoit éventuellement soient utilisés strictement au bénéfice de la ressource hydrique.
Comme préalable, à cet égard-là, nous croyons et nous soumettons dans le rapport que la notion de pollueur-payeur... d'utilisateur-payeur devrait être quelque chose qui soit plus... qui soit bien défini. Et, à cet égard-là, je ne suis pas ici pour mieux le définir. Et nous soumettons qu'il devrait y avoir une vaste consultation sur le sujet, notamment par l'apport de colloques ou autres exercices du genre, pour donner de l'information, partager l'information sur les sujets, et donc agrandir la connaissance, ainsi qu'un forum ou une commission de la nature dont on a aujourd'hui... telle qu'on a aujourd'hui pour orienter les décisions en la matière.
Actuellement, on manque cruellement de connaissances pour prendre des positions par rapport à ces notions-là. Et nous croyons que, pour prendre des décisions éclairées, le débat doit s'animer, et de façon la plus rapide possible, surtout à partir du moment où on aura adopté le projet de loi.
Au niveau de la connaissance donc, la connaissance qu'il est nécessaire d'aller chercher, bien nous croyons qu'il faut aller voir ce qui se fait ailleurs. On est au Québec. Ailleurs sur la planète, il y a des secteurs qui ont eu des problèmes de ressources hydriques bien avant nous autres, et on croit qu'il y a là une source de renseignements et de connaissances qui est bien importante. Et on doit également, en termes d'utilisation de variables au niveau de notamment l'utilisateur-payeur, tenir compte des différents impacts et faire des études d'impact sur les utilisateurs en question. Donc, que ce soient des agriculteurs, que ce soient des minières, que ce soient des compagnies forestières, des municipalités, des commerçants d'eau, quand on veut parler de redevances, je pense qu'il est nécessaire de faire une bonne évaluation des impacts que ces entreprises-là ont, et, à partir de là, à partir des connaissances acquises, gérer et décider en conséquence.
Un des éléments qui est intéressant, c'était l'utilisation, dans la Loi sur le développement durable, du principe d'internalisation des coûts. C'est un des éléments que je trouvais intéressants comme exercice à faire pour pouvoir établir les règles d'établissement des redevances et de définition des utilisateurs.
La deuxième conséquence du principe qu'on soumet au niveau du fait que l'eau doit payer l'eau, c'est que toute redevance doit servir à l'eau, donc dans un fonds de l'eau et pas nécessairement à l'intérieur d'un fonds vert, ou, si à l'intérieur d'un fonds vert, dans une destination spécifique à l'eau. Jusqu'à maintenant, à notre point de vue, trop peu a été investi, trop peu a été fait et trop peu a été perçu au niveau de l'eau. Et toute somme que nous pourrions recevoir ou percevoir après les travaux préalables devrait être orientée vers l'usage de la ressource hydrique.
Le Président (M. Reid): M. Bastien, il vous reste deux minutes pour conclure.
M. Bastien (Serge): Très bien. Donc, il y a un rattrapage à faire à cet égard-là. Et nous croyons que l'eau, le fait que nous utilisions la redevance à ce niveau-là nous permettra d'avancer plus rapidement qu'on l'a fait jusqu'à maintenant.
L'autre point, c'est le point de la gouvernance, où nous proposons sans doute un terme innovateur. Et je vous incite à consulter les cartes que je vous ai soumises, où on constate que dans le fond, quand on parle d'eau souterraine, on parle de rivières, de bassins versants, mais, si on parle d'eau souterraine et qu'on parle d'eskers, premièrement, il y en a en présence, en quantité très significative au Canada, et, sur notre territoire, on voit les lignes plus foncées sur la carte, en noir et blanc, il s'agit là d'eskers donc qui peuvent être assimilés aussi bien à une rivière, donc, aussi bien à un bassin versant, mais un bassin versant souterrain, donc ayant des impacts sur plusieurs territoires.
Donc, à notre point de vue, il devrait y avoir, à l'intérieur du projet de loi, une notion qui permettrait une plus grande flexibilité au niveau de la gouvernance et d'un modèle de gestion qui tiendrait compte effectivement de cette notion-là d'eau souterraine. Naturellement, le lien devant se faire avec l'eau de surface parce que l'un est indissociable de l'autre. D'où la nécessité, à notre point de vue, de réviser les articles 12.2 et 14 pour tenir compte de la différenciation au niveau de l'eau souterraine.
Enfin, le Bureau de la connaissance sur l'eau est un élément essentiel. Comme région, nous souhaitons y participer. Pour qu'un bureau sur la connaissance de l'eau soit utile, bien encore faut-il que la connaissance soit accessible. À cet égard-là, on est d'accord avec le principe d'utilisation de données scientifiques pour réussir à établir un bureau crédible, mais encore faut-il aussi que cette connaissance scientifique là soit assimilable. Et, pour avoir lu une couple de rapports sur le sujet, ce n'est pas tous les citoyens qui peuvent digérer facilement un rapport scientifique.
Le Président (M. Reid): Bien, je vous remercie, messieurs, et je vais maintenant passer la parole à la ministre.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup. Bienvenue, bienvenue à vous. Comme ministre de l'Environnement, du Développement durable et des Parcs, premièrement, je veux souligner ici effectivement la qualité du travail fait dans votre région depuis bon nombre d'années et sûrement le travail de concertation à très belle échelle qui a été fait autour de la problématique de l'eau chez vous, puisqu'on le voit, là, il y a vraiment ces échanges précieux entre des élus, entre le monde universitaire, entre les groupes environnementaux. Et je tiens à le souligner puis vous dire qu'on reconnaît cette expérience-là, assez unique en fait sur le territoire québécois, que vous avez dans votre région.
Maintenant, il y a certains éléments sur lesquels je veux revenir très rapidement pour, après ça, apporter certaines questions. Peut-être, la première des choses, c'est vous dire jusqu'à quel point j'accueille avec beaucoup d'enthousiasme, je dirais, un peu... dans votre mémoire, vous n'avez pas eu le temps de l'aborder très longuement, mais vous proposez carrément ce travail de collaboration avec le Bureau des connaissances sur l'eau en disant: Oui, on est prêts à partager les travaux qui ont déjà été réalisés dans notre région. C'est vraiment le sens d'un Bureau des connaissances sur l'eau, qui aura son portail, c'est vraiment ce large partage des connaissances à l'échelle du Québec pour tout ce qui concerne l'eau. C'était le souhait exprimé dans la commission Beauchamp, dans la Politique nationale de l'eau, et qu'on met en branle.
Je prends bonne note de votre notion d'alliance nécessaire avec les acteurs de l'eau dans les régions. Je pense vous avez sûrement vu, lors de l'annonce que nous avons faite, que nous insistons pour que les sommes qui doivent transiter, entre autres, par le monde de la recherche scientifique, on a abordé cette question-là précédemment aujourd'hui, mais nous avons mis comme exigence qu'il y ait ce lien, qu'il y ait une alliance avec soit une municipalité, soit une CRE, soit un OBV, un conseil régional de l'environnement ou un autre organisme, mais il y a cette notion que ça prend une alliance, et j'espère que ça répond à vos attentes.
Et finalement, sur les notions de vulgarisation, peut-être juste vous dire que nous avons conservé une somme ? sur cinq ans, ça donnera un demi-million de dollars ? mais, dans le Bureau des connaissances sur l'eau, là, nous avons indiqué qu'il y avait des sommes réservées à la question, à tout le moins, en tout cas, de pouvoir supporter des initiatives qui pourraient naître dans des régions, mais supporter des initiatives de partage des connaissances: colloques, etc., ça pourrait se réaliser à l'intérieur du mandat des bureaux des connaissances sur l'eau.
n(17 h 10)n Deuxièmement, je veux aussi vous dire que j'ai pris bonne note du fait que vous disiez que, lorsqu'a été adoptée la Politique nationale de l'eau puis qu'ont été reconnus 33 organismes de bassin versant dits prioritaires, il y en avait un seul dans votre région. Lorsque, l'année dernière, j'ai fait cette tournée très instructive sur la problématique des algues bleues et que je suis allée dans votre région, c'était assez frappant qu'effectivement il y avait là une problématique. Puis vous avez sûrement remarqué qu'on a décidé, avec une entente avec le Regroupement des organismes de bassin versant, bien sûr d'augmenter leurs budgets, mais, après ça, de procéder à un redécoupage de la carte du Québec méridional pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de coins orphelins, je dirais, d'une structure de concertation.
Et peut-être le dernier point que je voulais, c'est plus des éléments de réponse, c'est vos commentaires sur... de dire que l'argent de l'eau doit aller à l'eau. Vous, vous dites: Ça prendrait un fonds de l'eau. Je veux juste vous rappeler ? et je pense que c'est trop méconnu ? mais, dans le Fonds vert, quand on a adopté la loi, les articles de loi qui créaient le Fonds vert, parce qu'il y a différents types de redevances qui transitent vers le Fonds vert: la redevance sur les matières résiduelles, la redevance sur ce qu'on appelle familièrement... pour les pétrolières, là, contre la lutte aux changements climatiques. Mais déjà on avait carrément prévu... Je veux juste vous le souligner, c'est l'article 15.2, on dit que les redevances liées à l'utilisation, à la gestion et à l'assainissement de l'eau, que c'est prévu que ce soit affecté au financement de mesures qu'il peut prendre pour assurer la gouvernance de l'eau, entre autres pour favoriser la protection et la mise en valeur de l'eau ainsi que pour la conserver en qualité et en quantité suffisante dans une perspective de développement durable. Donc, déjà, je voulais juste vous rassurer en disant que la loi va obliger que l'argent de l'eau aille à l'eau. On se comprend bien là-dessus.
Maintenant, vous êtes une CRE, et déjà, dans la question de... déjà, on a passé plusieurs heures à discuter avec différents intervenants de la question de la gouvernance, la section sur la gouvernance. Vous savez que le portrait actuel veut qu'il y ait des organismes de bassin versant. Ils ont le mandat d'élaborer un plan directeur de l'eau, et la loi dit: Bien, les instances appropriées ? ça comprend le gouvernement ou les instances municipales ? doivent prendre en considération le plan directeur de l'eau. Mais il y a eu du monde qui sont venus nous dire: Ça ne devrait pas fonctionner comme ça. Ça devrait être les municipalités des MRC qui viennent... qui devraient développer les plans directeurs de l'eau, parce que c'est du monde imputable. Il y en a d'autres qui sont venus... On sait qu'à l'échelle du Québec... Il y a un représentant d'une CRE ici, mais il y a, par exemple, la CRE du Bas-Saint-Laurent qui dit: Nous, on pense que ça devrait être à nous à assumer ce mandat.
Vous, vous venez plaider pour dire: Bien, ça ne peut pas être un modèle unique, puis il n'y a pas de mur-à-mur, mais par ailleurs vous voyez bien qu'il y a toute cette question d'imputabilité en fait qui ressort. C'est que je veux quand même un peu plus vous entendre. Vous avez une certaine expérience, mais ce qui m'a frappée, puis je termine là-dessus, c'est que vous avez pris le temps de dire: Nous, on ne revendique pas des pouvoirs, si je peux dire, ou on ne revendique pas une reconnaissance, comme CRE, pour la mise en oeuvre du plan directeur de l'eau. Vous dites: Nous, c'est un soutien politique. Mais en même temps vous venez plaider pour dire: Bien, il ne faut peut-être pas que ce soit si clair que ça que ça va vers des organismes de bassin versant, ça ne prend pas de mur-à-mur. Chez vous, c'est qui qui fait les plans directeurs de l'eau?
M. Rancourt (Daniel): Voulez-vous me piéger, là?
Mme Beauchamp: Non. Mais d'habitude c'est moi qu'on piège.
Le Président (M. Reid): Le président surveille, rassurez-vous.
M. Rancourt (Daniel): Non. Écoutez, comme Serge disait tantôt, au départ, les bassins versants, ce qui est à la surface, là, ce n'est pas nécessairement la même chose qu'on a en dessous. Et, si on veut traiter l'eau, si on veut la considérer, l'eau, il va falloir la considérer dans le lieu où elle est, et, le lieu où elle est, j'oserais dire que c'est le bassin versant, mais interne. Alors que, pour le commun des mortels, le bassin versant, bien c'est une rivière qui recueille... C'est réglé, là. Alors que l'eau souterraine ? en tout cas, selon mes connaissances à moi, là ? ce n'est pas aussi clair que ça, puis je ne suis pas sûr qu'on ait la connaissance de tous ces éléments-là.
Donc, loin de répondre à votre question, je m'interroge, moi aussi, c'est: Quelle est l'entité qui va devoir être responsable de l'ensemble de cette structure-là? Parce que nécessairement, à quelque part, ça dépasse le stade d'une municipalité, ça dépasse le stade d'une MRC, puis des fois ça dépasse le stade d'une CRE. Et, si on confie ça directement au ministère, bien là le monde, ils disent: Bien, écoutez, là, il n'y a plus de monde là-dedans. Parce que je pense que, vous savez, quand on est dans le monde politique, là, on n'est plus crédible, là. On vient d'attraper une maladie, là, qui fait que tout ce qu'on dit, ce n'est plus bon, ce n'est plus vrai. On doute de tout, là. Donc ça, c'est une dure réalité qu'on a à affronter chacun chez soi, sauf que c'est avec ça qu'il faut vivre. Et je dis: Quel va être le lieu où on devrait se concerter, où on devrait se questionner là-dessus? Puis je pense qu'il va y avoir un bon débat de société là-dedans.
Je prends des exemples concrets, parce que tantôt j'écoutais... il y avait un monsieur qui jasait, qui disait: Les parcs miniers, là, vous savez que le Nord-du-Québec, là, dans notre coin à nous autres, là, on a des beaux parcs miniers. Vous savez qu'un parc minier, c'est quoi? On fait un bel entonnoir, on met des membranes pour empêcher l'eau de sortir, puis on dit: En attendant de trouver quelque chose, on va s'organiser pour ne pas qu'elle sorte. Mais ces bassins-là, qui sont hermétiques jusqu'à un certain point, sont souvent sur des eskers, sont souvent sur des... j'oserais dire des niques à troubles, parce que, le jour où il y a un déversement, il se passe quoi? Puis on ne pourra pas dire: Ah, la CRE aurait dû faire, la MRC aurait dû faire, le gouvernement aurait dû faire. C'est bien facile à dire, mais comment on va gérer tout ça? Puis, moi aussi, j'ai des questions à poser là-dedans, je n'ai pas nécessairement de réponse. Ça, c'est mon point de vue, Serge, mais tu peux y aller du tien.
M. Bastien (Serge): Bien, en additionnelle, M. le Président. Dans le fond, le plan directeur de l'eau, quand on parle de régions où il y a des bassins d'eau souterraine comme on le voit au niveau des eskers, je pense qu'à ce niveau-là ça dépasse justement largement le domaine strictement municipal ou même tous les domaines. Parce qu'en fait les discussions qu'on a jusqu'à maintenant en région, c'est que, et les ministères et les MRC, l'ensemble des acteurs qui parlent, mettons, de notre volet eau souterraine sont tous d'accord à dire que chacun a un bout de connaissance, mais il n'y en a pas un qui est en mesure d'enligner ni les règles de gouverne ni les règles de protection. Actuellement, on a certains enlignements justement au niveau des règles de protection, entre autres au niveau des gravières, mais on se rend compte que c'est enligné strictement sur une interprétation stricte de la loi. Mais, quand on creuse moindrement, on se rend compte que la connaissance est assez limitée et que les études d'impact le sont tout autant sinon plus, parce qu'il n'y en a pas ou à peu près pas, et, par définition, un banc de gravier, comme par hasard, c'est sur la tête d'un esker, généralement. C'est facile à aller chercher, le sable, là, sauf qu'on se rend compte d'un impact potentiel que pourrait avoir un déversement sur un lieu semblable.
Alors donc, je reviens au fait qu'il n'y en a pas un des acteurs, chez nous en tout cas, qui revendique absolument ça, parce qu'il n'y en a pas un qui est capable de dire: Moi, je vais diriger ça, le plan directeur de l'eau. Et, au niveau de l'eau souterraine, ce qu'on soumet, c'est que dans le fond il devrait y avoir des plans directeurs de l'eau souterraine sur potentiellement tous les eskers, mais à tout le moins ceux qui sont déjà intéressés, qui sont déjà activement impliqués pour expliquer le mode de fonctionnement. Parce que, pour revenir à la question de savoir... la notion de bassin versant, ce que notre principal chercheur, Vincent Cloutier, nous dit jusqu'à maintenant au niveau de l'eau souterraine, c'est que ça a la tendance d'aller dans le même sens que les bassins versants, mais, chez nous, comme on est à la tête des eaux, ce n'est pas automatique. Il y a une tendance générale, mais on se rend compte qu'un esker, prenez n'importe quel, prenez le plus grand, qui est la moraine Harricana, qui part de Rapide-7, qui monte jusqu'à la baie James, il y a là, à quelque part dans le milieu, un partage justement, un endroit où on est à la tête du partage des eaux, et il y a plusieurs bassins versants qui sont susceptibles d'impacter cette moraine-là. Alors, de ce point de vue là, la connaissance avant de pouvoir aller plus loin, je ne pense pas qu'il y ait ni une MRC ni un ministère actuellement qui soit en mesure de se prononcer.
Mme Beauchamp: On sent donc derrière votre commentaire de pas de mur-à-mur que ce n'est pas tout à fait sur les mêmes bases que d'autres intervenants qu'on a entendus, soit la FQM ou encore la MRC de La Haute-Yamaska. Vous, c'est vraiment la préoccupation liée à la particularité du territoire où il y a bon nombre d'eskers, avec les difficultés que ça pose. Mais quelle serait la réaction? Parce que, derrière tout ça, il y a quand même une notion, qui existe depuis maintenant un certain nombre d'années, qui dit: On doit produire des plans directeurs de l'eau. Puis on dit que les instances appropriées, puis là on fait allusion au gouvernement puis au monde municipal notamment, qui peuvent adopter des règlements, puis tout ça... on dit: Ils doivent le prendre en considération. Parce que, derrière vos propos, puis on l'a entendu ce matin, puis, moi, je n'ai pas eu le temps d'aborder la question, c'est avec le Conseil québécois du droit de l'environnement, il y en a qui disaient: Bien, dans le fond, il va falloir aussi mettre en place des organismes de gestion de nappes. Ils les appelaient ainsi, si je me souviens bien, dans leur mémoire.
n(17 h 20)n Et là vous imaginez le portrait, là. Je suis juste, là, en train de me dire: O.K., un certain nombre d'OBV, mettons-en une quarantaine sur le territoire québécois, les ZIP pour gérer le fleuve Saint-Laurent, il y en a 16, puis on nous disait qu'il en manquait, puis... O.K., est-ce que je mets une couche, là, d'intervenants qui, eux autres, vont gérer ça par eau souterraine? Quand je fais le portrait de tout ça, je me dis juste: C'est quoi, la réaction des élus municipaux qui, à la fin, vont être interpellés pour prendre en considération tout ça?
Autrement dit, est-ce que vraiment... d'un point de vue, je dirais, pragmatique, disons pragmatique, est-ce que c'est la bonne piste de réflexion, ou si on se dit: Il n'y aura pas de solution parfaite, mais la notion de bassin versant sur des bases d'unités hydrographiques, comme on l'a connue jusqu'à maintenant, demeure le meilleur découpage, bien qu'il ne soit pas parfait ? et prévoyons, par entente, les arrimages nécessaires sur d'autres aspects, dont les aspects des eaux souterraines?
Bien honnêtement, je réfléchis à haute voix avec vous, là, hein? Mais c'est important de vous entendre. Mais les notions de pas-de-mur-à-mur, je suis sensible à ça, je suis très sensible à ça, mais il reste quand même qu'il faut donner quand même certaines balises. Autrement dit, donc, est-ce que les balises qu'on retrouve dans la loi... est-ce que vous êtes capables de vivre avec? C'est ça, la vraie question, à la fin.
M. Rancourt (Daniel): Je vais faire une comparaison qui va être loufoque un peu, j'oserais dire, comme c'est un «one size», pour certains, ça va être parfait, pour d'autres, pour d'autres régions, ça va être trop grand, puis d'autres, ça va être trop petit. Ça fait que, sur l'ensemble, on va dire: Bon, bien, le monde ne chiale pas trop; il y en a une gang qui disent oui, une autre gang qui disent non puis une gang qui disent que c'est pas pire. C'est plate, mais, tant et aussi longtemps qu'on ne pourra pas aller vers une différenciation un peu plus élaborée...
Puis, quand je dis ça, là, je comprends très bien que je mets la barre excessivement haute. Ça fait des années qu'on dit: Il va falloir qu'on arrête de dire: Il y a une règle, puis cette règle-là, elle s'applique partout, parce qu'on a des contextes qui sont différents, des situations qui sont différentes. Mais il va falloir se rapprocher de ça et donner peut-être la possibilité de se rapprocher. Je pense que c'est peut-être ça qui est le mieux. On pourra sûrement dire: Oui, ce qui va être le moins pire, c'est ça. Mais est-ce qu'on peut améliorer le moins pire? Je pense que oui.
M. Bastien (Serge): Ici, on peut compléter, dans le fond, le modèle actuel en y insérant des notions additionnelles, mais pour en tenir compte. Parce que dans le fond ce qu'on ressent ou... c'est justement, c'est qu'on n'en tienne pas suffisamment compte; en tout cas, à la lecture des documents, du projet de loi, c'est que c'est... la notion notamment d'eaux souterraines ? c'est pour ça qu'on soumet le point ? elle n'est pas aussi présente, puis c'est probablement normal, parce que ça fait des années qu'on fonctionne avec les OBV.
Mme Beauchamp: Peut-être aussi que...
Le Président (M. Reid): Il reste quelques secondes, quelques secondes.
Mme Beauchamp: J'allais dire: peut-être aussi que votre préoccupation, elle découle historiquement aussi du fait qu'il n'y avait qu'un seul OBV sur votre territoire. Ce que je veux dire par là, c'est que vous insistez beaucoup, beaucoup pour faire une différenciation entre l'eau souterraine et l'eau de surface, alors que, moi, je vois un certain avantage à ce qu'on ait un projet de loi qui plutôt confirme que les eaux sont sur un même niveau, alors que parfois, par le Code civil, les gens interprétaient ça de façon différente jusqu'à maintenant.
Mais ce que je veux dire, c'est que, dans les plans directeurs de l'eau qu'on a connus jusqu'à maintenant, qui ont été produits depuis 2002, il y a la présence, la préoccupation pour bien connaître la situation de l'eau souterraine sur la base d'organismes de bassin versant; c'est inscrit dans les plans directeurs de l'eau qui nous ont été déposés jusqu'à maintenant. Et, dans ce sens-là, je me dis...
Puis, vous avez remarqué que le projet de loi n'est pas rédigé en nommant spécifiquement OBV. Il y avait une volonté de se garder une marge pour éviter du mur-à-mur. Mais, je suis en train de me dire, il faut reconnaître que, dans le travail fait jusqu'à maintenant dans les plans directeurs de l'eau, il y a une prise en considération de la situation de l'eau souterraine sur les territoires, là.
Le Président (M. Reid): Je vais devoir vous interrompre, Mme la ministre, pour passer la parole maintenant au député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy: Merci, M. le Président. Depuis le début... Bonjour, messieurs, et, entre parenthèses, j'aimerais vous féliciter pour la concertation des trois organismes. Donc, c'est important de voir que les gens sont capables de s'asseoir, de travailler ensemble, de trouver des éléments qui vont un peu... qui vont satisfaire, j'espère, l'ensemble des individus. Vous l'aviez bien mentionné tantôt, on veut bien prendre une paire de souliers qui va bien faire, mais il y en a certainement qui vont être inconfortables dans les deux cas.
Je veux juste savoir combien vous avez de MRC.
M. Rancourt (Daniel): Cinq MRC.
M. Roy: Vous avez cinq MRC. C'est déjà une grande difficulté, parce que, quand on gère... quand on essaie d'être député dans deux MRC, c'est déjà beaucoup. Cinq MRC, je comprends que vous avez quand même des gens, mais c'est beaucoup de monde à rallier alentour de la même chose. L'Abitibi, vous avez une situation particulière, puis c'est pour ça que je comprends votre mur-à-mur, et j'en ai parlé tantôt avec un autre organisme. Quand on parle de l'industrie minière, on a la plus grande concentration au Québec de mines chez vous, et bien sûr il y a rejets de mine, il y a concentration de ces rejets-là. Donc, à l'heure actuelle, vous avez travaillé comment pour, vous dites, à peu près, là, faire une saine gestion de vos bassins de rétention? Qu'est-ce qu'on va faire avec et qu'est-ce qu'on prévoit faire avec? Bien, c'est parce que ça fait des années, là, vous devez commencer à avoir une certaine connaissance.
M. Bastien (Serge): Bien, actuellement, au niveau des mines, il faut dire une chose, c'est que les citoyens corporatifs mines sont moins pires que souvent on veut le dépeindre à l'extérieur de la région, et, pour travailler avec une couple de projets miniers chez nous actuellement dans l'éventuelle implantation de mines, la notion de protection de l'eau et ? assez récemment, malheureusement, mais heureusement aussi, là ? la notion de l'eau souterraine ont pris une grande place, puis je pense que c'est la préoccupation politique et citoyenne par rapport à la qualité de l'eau en Abitibi qui a fait allumer les citoyens corporatifs en question. Donc, la gouverne de l'eau, par rapport aux mines, se fait par consensus aussi, et ils sont les premiers à venir dire: Oui, là, il faut en tenir compte plus que ce qu'on en a... Déjà qu'il y avait des problématiques au niveau de l'eau de surface, et on a cette notion-là additionnelle, et ils sont parfaitement conscients de la problématique et veulent participer aux travaux qu'on va mener au niveau de la concertation au niveau du développement sur le territoire.
M. Roy: C'est sûr que vous comprendrez que je n'aime pas le mot «moins pire», parce qu'encore une fois c'est de se donner une grande porte. Personne n'est parfait, mais le mot «moins pire» ne s'applique pas dans ce cas-là, parce que... Je comprends bien sûr l'intérêt des villes, des municipalités, des MRC de voir des travaux, de voir des compagnies s'implanter: création d'emplois, l'économie, l'argent que ça apporte. Je comprends qu'il y a des intérêts, qu'il y a des intérêts que n'importe quelle région du Québec aurait, et à la limite on est prêts à dire: Bien, c'est moins pire, ils vont tenter de faire le mieux possible dans le contexte où c'est dur, là, d'éviter tout rejet, ou toute pollution, ou toute contamination. Et vous semblez me dire aussi que les citoyens corporatifs, ces mines-là font des efforts remarquables pour contrer leurs... je ne dis pas leurs dommages environnementaux, mais essayer de contrer les effets environnementaux de leurs industries. Donc, est-ce que ça, vous le remarquez plus maintenant qu'avant? Mais depuis combien de temps on a une conscience un peu moins élastique?
M. Bastien (Serge): En termes de temps, je serais bien malaisé de vous répondre, mais c'est quand même peut-être relativement récent, là, sauf que les compagnies en question sont conscientes qu'il y a encore des croûtes à manger puis des devoirs à faire et s'attendent, un petit peu comme ceux qui nous ont précédés, dans le fond ils s'attendent à avoir plus d'obligations au niveau soit de la loi ou des règlements par rapport à ça, et c'est sûr que ce qui est discuté, non pas... actuellement très, très informellement, c'est toute la notion justement de la prédominance de la Loi sur les mines sur les autres, et, quand on remarque, maintenant, l'impact de l'eau, qui historiquement, malheureusement, a toujours été malheureusement en même temps partout et nulle part, ils se rendent bien compte qu'il y a des éléments là qui risquent d'arriver, avec des impositions de règles plus grandes.
Et je pense que c'est notre rôle comme citoyens de se manifester par rapport à ça et de se manifester auprès du gouvernement pour que les impacts s'effacent.
n(17 h 30)nM. Roy: Tantôt, j'ai mentionné qu'on avait une autre commission sur la forêt, on avait un deuxième joueur. On attend toujours la stratégie minérale du gouvernement, et là on va voir, voir si, à l'intérieur de cette stratégie minérale, on va avoir encore une autre pièce de puzzle, parce que là on va jouer encore avec un autre ministère qui devra oublier... Parce qu'on sait qu'on a une prédominance minérale, mais il va falloir qu'on soit conscient qu'aujourd'hui on établit une reconnaissance de l'eau, et on ne pourra pas éternellement donner... Parce que, si on veut hiérarchiser l'eau, il va falloir en même temps qu'on dise qui est plus important, qui est la mine, la forêt, l'eau, les gens. Donc, là, on est rendus à un grand débat. On a ouvert une boîte de Pandore, qui, j'espère... j'espère, va être capable...
Et, moi, ce qui m'étonne dans ça, c'est qu'un groupe nous ait dit au début, au tout début: On ne peut pas gérer ce qu'on ne connaît pas, et là on se rend compte que de plus en plus on se questionne sur la connaissance qu'on a sur l'eau, on se questionne sur la connaissance qu'on sur les forêts, on se questionne sur les connaissances qu'on a sur les mines. Et là on embarque dans des projets de loi où on va devoir... où on devrait avoir ces connaissances-là pour en appliquer le projet de loi. Donc, moi, ça m'interpelle beaucoup, ça. Ça me questionne beaucoup, parce que, oui, on va faire un projet de loi, mais on sait qu'il va rester une brèche. Et tantôt les mines vont nous apporter quelque chose que la forêt n'avait pas vu, puis finalement il va falloir que tout ce monde-là joue ensemble, là.
Je ne sais pas, mais, vous, vous vivez dans tout le secteur, là. Vous avez un secteur important, vous avez un secteur incroyable, que je connais à fond, entre parenthèses, je vous rassure, là. C'est pour ça que je veux revenir sur un petit élément: l'eau est tellement bonne dans votre région. Tantôt, j'ai parlé de l'eau de Mississauga. Donc, l'eau de Saint-Mathieu est tellement bonne, vous devriez la commercialiser, vous autres avec, hein? D'ailleurs, vous aviez la meilleure truite au monde, c'est dommage que la pisciculture soit fermée, mais la truite de Saint-Mathieu était la meilleure truite, à cause de son eau, d'ailleurs.
Donc, je veux juste que vous m'expliquiez un peu comment vous allez procéder avec la forêt, qui s'en vient, l'eau, qui est là, et les mines, qu'on va avoir. J'espère, finalement, on va accoucher d'un projet minéral en 2009.
M. Bastien (Serge): En effet, c'est l'exercice justement auquel on veut se prêter. Et, grâce à l'appui qu'on a, autant du niveau politique que du secteur de la recherche, comme organisation, on ne veut pas... on n'a aucune prétention de se substituer à qui que ce soit, mais on veut vraiment continuer à travailler activement à la concertation donc de l'ensemble des acteurs.
À partir de là... Et le modèle, si modèle il y a, c'est par rapport... si on parle de l'eau souterraine, bien effectivement c'est quand même... ça reste, en bout de piste, le modèle des organismes de bassin versant qui établissent des règles et des paramètres à ce niveau-là. Et ce qu'on veut faire par rapport à l'eau souterraine, c'est faire un projet pilote, justement, spécifique sur l'eau souterraine pour justement aligner aussi des façons de faire et de se comporter et des connaissances à acquérir pour pouvoir établir des règles.
Comment allier les différentes lois? À mon sens ? c'est un des points d'ailleurs que je n'ai pas soulignés tantôt ? c'est probablement en rehaussant, encore une fois, et en remettant vraiment d'avant toute la notion des principes de développement durable. Et donc, quand on se rattache à cette loi-là, et qu'on s'oblige, et qu'on se force à faire adhérer les principes ou les énoncés de mode de gouverne sur ces principes-là, bien il y a des choix qui ne sont peut-être pas nécessairement faciles à faire mais qui au moins donnent un alignement, ce qui n'a pas été le cas dans le passé, pour une des raisons qu'on n'adhérait pas d'abord à ces principes-là.
À partir du moment où les acteurs disent: Oui, on est d'accord, on lit l'article 2, l'article 6 de la Loi sur le développement durable, puis on est d'accord avec ces principes-là, déjà il y a certains enlignements et certains choix que, comme organisation forestière, organisation minière ou gestion de territoire, on doit faire.
M. Roy: On a aussi: Tant qu'il y a de l'homme il y aura de l'hommerie. Quand vous avez une CRE qui est performante ? donc je parle ici du partage des connaissances ? est-ce que, quand vous rencontrez d'autres CRE, il y a une écoute ou si en réalité, parce qu'on est dans des coins différents de la province de Québec, tout le monde a une réalité territoriale, tout le monde a une réalité qui est différente, et on dit: Bien ça, ça ne s'applique pas chez nous, sans jamais regarder? On se ferme les yeux, on biffe ça de la main. Eux autres, ils vivent en Abitibi, nous autres, on vit en Chaudière-Appalaches puis... Je ne dis pas que c'est arrivé, là, mais je dis que: Est-ce que vous sentez qu'il y a une grande ouverture d'esprit de la part de tout le monde et que, grâce à votre expertise des CRE, on pourrait faire avancer les dossiers en région, dans toutes les régions du Québec, où le partage de cette connaissance-là pourrait aider le gouvernement à s'orienter et mieux s'orienter? Même s'il est bien orienté ? donnons-leur le bénéfice du doute ? est-ce qu'on ne pourrait pas aider la cause de tout le monde, en réalité?
M. Rancourt (Daniel): Moi, je dis oui dans la mesure où les CRE qui se rencontrent ont des problématiques semblables. Donc, si je prends la CRE d'Abitibi-Témiscamingue, lorsqu'elle va jaser avec la CRE du Lac-Saint-Jean, on a des problématiques qui sont semblables: on est loin des centres importants urbains, on a une situation forestière qui est actuellement à peu près désastreuse, on a l'agriculture qui tire de l'aile. Donc, c'est facile de se trouver des alliés dans des problématiques parce qu'on a des problématiques semblables.
Maintenant, c'est bien sûr qu'on ne commencera pas à faire des alliances, moi, j'appelle ça «stratégiques», parce que, si on veut mettre en commun des éléments de nos problématiques, on commence par rencontrer des gens qui nous ressemblent puis sur lesquels on peut compatisser et aussi on peut s'appuyer les uns sur les autres. Donc, actuellement, au niveau des CRE, il y a un très bon climat de communication et d'échange d'information là-dessus.
M. Roy: Est-ce qu'au niveau des partages de connaissances... Vous êtes dans un domaine minier. On va avoir une région minière dans Chaudière-Appalaches, parce qu'on prétend... pas prétend, c'est en place à l'heure actuelle dans d'autres régions du Québec, on va travailler, on va élaborer l'ouverture d'autres mines, est-ce que vous... est-ce que tout le monde est bien ouvert au partage de ces connaissances-là et surtout à la réceptivité de ce qui est offert par les autres intervenants du milieu? Est-ce que vous sentez qu'il y a une grande ouverture d'esprit ou encore on reste fermés sur nos positions?
M. Rancourt (Daniel): Ça, je n'oserais pas répondre directement là-dessus, étant donné que... Si vous m'apportez sur le domaine minier, jusqu'à présent le domaine minier a été souvent un domaine, j'oserais dire, un peu à part, et jusqu'à présent je ne crois pas que les CRE ont eu un grand rôle à jouer dans les développements miniers.
Une entreprise minière s'installe lorsqu'elle peut avoir un filon, puis qu'il peut être intéressant, puis que le prix de l'or ou le prix des métaux est bon. Ça fait qu'actuellement la mise en marché, la mise en fonction est surtout ça. Donc, les CRE ont eu peu à intervenir jusqu'à présent, là.
M. Roy: Moi, je ne parlais pas nécessairement juste des mines. Je parlais du partage des connaissances générales, aussi bien territoriales, l'eau, les eskers. Depuis le début qu'on parle du partage des connaissances pour aider le bureau de l'eau, pour aider les connaissances en milieu forestier, pour que toute la matière grise qui est cachée en quelque part puisse se faire valoir, puisse sortir de l'ombre enfin et dire: On aurait ça à dire, on pourrait-u le dire, on peut-u trouver une table pour le dire, que ça se rende en quelque part? Parce que ça n'a pas l'air à vouloir se rendre, là.
M. Rancourt (Daniel): O.K.
Le Président (M. Reid): Et commenter en 30 secondes, s'il vous plaît.
M. Bastien (Serge): Bien, à date, si on parle au niveau de l'eau, on a déposé une demande de projet pilote sur la gestion intégrée de l'eau souterraine, sur l'esker Berry?Saint-Mathieu, un petit périmètre bien délimité mais qui a l'avantage de réunir tous les intervenants, et, d'office et d'avance, c'est ce qu'on a écrit, là: ce qu'on veut, c'est que cette expérience-là soit exportable en région et dans le reste de la province, et toutes nos actions sont menées dans ce sens-là.
Le Président (M. Reid): Merci beaucoup. Je vais passer la parole maintenant au député de Roberval.
M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. Tout d'abord, je vous remercie d'avoir fait le voyage, consacré temps et énergie, ce n'est pas toujours évident. Puis, vous nous apportez des éléments et des précisions qui sont extrêmement importants puis qui n'auraient pas pu être apportés par d'autres que vous parce que vous possédez un immense territoire, vous possédez aussi des caractéristiques qui vous sont propres puis vous avez aussi, on pourrait dire, une conscience puis probablement une expertise que d'autres n'ont pas. Ça fait que, pour moi, c'est extrêmement important, puis ça me fait dire qu'on devrait faire davantage confiance aux régionaux, qu'on devrait leur donner davantage de responsabilités et d'imputabilité. Je pense que vous êtes l'exemple qu'en région on puisse faire des choses assez extraordinaires qui peuvent aider l'ensemble du Québec.
Vous précisez, à la page 6 de votre mémoire, que, bon, par rapport à... vous dites: L'Abitibi-Témiscamingue se distingue du sud de la province. Vous dites, par exemple: «...les pratiques agricoles étant moins intensives et l'extraction minière plus présente, nous croyons qu'il [ne] serait [pas] sage [d'établir] une loi mur à mur.» Vous l'avez mentionné à quelques reprises. Mais, par rapport à ces deux éléments-là, pratiques agricoles et extraction minière, est-ce que vous pourriez préciser davantage votre pensée en nous disant... Par rapport aux questions de l'utilisateur-payeur et le principe de réparation, qu'est-ce que vous voyez de problématique par rapport à ces deux éléments-là, les pratiques agricoles et l'extraction minière?
n(17 h 40)nM. Bastien (Serge): Bien, c'est principalement dans la différentiation. En fait, on se projette un peu dans l'avenir au niveau de la notion de redevance, éventuellement, et c'est en lien beaucoup avec cet élément-là, entre autres. C'est que, dans le fond, il y a une différenciation qui doit être faite entre les différents secteurs d'activité économique. Et, même à l'intérieur d'un secteur d'activité économique donné, il y a potentiellement des différenciations à faire à ce niveau-là.
Et c'est la raison pour laquelle on propose d'ailleurs qu'il y ait une large discussion pour établir les fameuses règles d'équité. Parce qu'on l'a entendu, là, tout le long de l'après-midi, puis vous l'avez entendu ad nauseam jusqu'à maintenant, pour dire: Bon, bien, qu'est-ce que c'est justement, la notion d'équité, et, quand on parle d'équité, bon, bien, justement, toute forme d'équité qui peut être aussi interrégionale, si on veut, à savoir qu'il y a une différenciation qui peut s'appliquer à ce niveau-là.
M. Trottier: Ça veut dire que, vous, le concept de redevance universelle, égale, ce n'est pas tellement ça qui vous intéresse, vous parlez plus d'équité qui pourrait tenir compte d'un certain nombre de facteurs. Donc, on devrait avoir des redevances qui seraient différentes d'une région à l'autre, par exemple, d'une utilisation à l'autre. Ça veut dire que ça, ça veut dire que, là, c'est complètement différent de ce que plusieurs nous ont proposé, là.
M. Bastien (Serge): Oui. Et à ce niveau-là je vous donne l'information, pour le peu que j'en connais, mais je sais qu'ailleurs, notamment en Europe, ça existe, ça, cette variation-là, et tous les citoyens, à peu près à tous niveaux ? c'est ce que j'ai pu en comprendre ? contribuent effectivement à la notion de la gouverne de l'eau, mais avec une large différence. Parce que, si on part du principe qu'un citoyen, il doit avoir accès à l'eau, donc ça doit être une contribution minimale, et, à l'autre bout du spectre, bien, naturellement, un vendeur d'eau, entre guillemets, ça doit... potentiellement, en tout cas, la proportion doit être plus grande.
M. Trottier: Puis est-ce que vous pourriez nous faire parvenir des paramètres de ce que ça pourrait ressembler, cette différenciation-là, des exemples, des choses qui pourraient nous être utiles dans la rédaction du projet de loi?
M. Bastien (Serge): Alors, jusqu'à maintenant, on n'a pas... on est justement à commencer à travailler dans ce sens-là. C'est un de nos points, dans le plan d'action, qui est dans nos priorités, parce que, sans... avant même de venir ici, chez nous, là, la question de redevance, c'est, je ne dirais pas, n'importe quoi, mais en tout cas, c'est à géométrie hautement variable, là, et surtout avec l'utilisation qu'on peut en faire. Ça fait qu'on se dit: Bon, avant de parler de redevance et d'adapter un principe, quel qu'il soit, on va commencer par aller chercher de l'information, et à date on constate, là, qu'il y en a beaucoup à aller chercher.
M. Trottier: Tant qu'on est dans les... on pourrait dire, dans les orientations, dire qu'on veut avoir des redevances, tout le monde peut trouver à manger, comme on dit, mais, quand on arrive dans l'application, c'est là, à ce moment-là, là on commence à vouloir préciser puis à vouloir différencier, puis je pense que c'est tout à fait normal.
Vous avez comme recommandation aussi que le ministère de l'Environnement et Développement durable devrait faire en sorte que le milieu participe au Bureau des connaissances de l'eau et qu'une alliance stratégique entre les régions de bureau prennent forme. Est-ce que vous pourriez donner un peu plus d'explications par rapport à ça?
M. Bastien (Serge): Bien, dans ce sens-là, ce qu'on croit, c'est que la structure du Bureau de la connaissance de l'eau doit être la... bien la plus petite possible, doit être une structure minimale. Et l'intégration et l'action au niveau de la connaissance, donc l'acquisition de connaissances et de l'input qu'on veut amener au bureau en question soit maximale, donc que ce soit étendu le plus possible dans les régions, dans les différents secteurs et dans les différentes préoccupations, naturellement, toutes catégories d'eau confondues. Donc, de ce point de vue là, c'est vraiment une structure minimale, parce que dans le fond les structures concentriques qui s'autoalimentent, si on veut, deviennent à un moment donné non accessibles, et puis, au niveau de l'eau, c'est une notion qui est trop importante pour qu'on laisse grossir ça au centre. Et on l'a trop vu, là, dans d'autres secteurs où on a une concentration de connaissances et d'information, si on veut, qui est bien utile pour l'organisme qui l'utilise mais qui ne fait pas la job sur le reste du territoire.
Puis l'eau, c'est d'abord une ressource citoyenne, donc je crois que la priorité doit être absolument dévolue vers les citoyens à ce niveau-là, d'où l'intérêt à ce que les actions se fassent plus en région et d'où l'intérêt que le bureau de l'eau ne soit pas non plus un élément statique. Parce que dans le fond ça doit être vivant, cette affaire-là. L'information doit... ne doit pas... L'idée du portail puis de rassembler l'information, c'est absolument essentiel, mais ce qui est aussi essentiel, c'est que ce soit vivant, dynamique et qu'il y ait des porteurs ? des porteurs d'eau, si on veut! ? partout en région par rapport à ça.
M. Trottier: Est-ce que je comprends bien que vous souhaiteriez qu'on ait des bureaux régionaux de la connaissance de l'eau qui pourraient développer la connaissance de l'eau sur l'ensemble de la région, et que le Bureau des connaissances de l'eau fasse, on pourrait dire, la concertation de l'ensemble de ces connaissances-là?
M. Bastien (Serge): Bien, je crois que le bureau de l'eau doit avoir effectivement deux rôles: c'est justement de s'assurer qu'on aille chercher le maximum d'information là où elle est, et d'orienter donc à ce niveau-là la recherche et l'acquisition de connaissances, d'une part. Et, d'autre part, c'est de digérer ça, si on veut, ou d'avoir donc des spécialistes qui soient en mesure de recevoir l'information, mais dans le but de l'actualiser puis de la régionaliser. C'est une avenue tout à fait intéressante.
M. Trottier: Il y a eu une entreprise importante, qui existe encore, qui a commercialisé l'eau. On voit que souvent les gens disent: On peut faire de l'argent comme de l'eau avec de l'eau. Ce n'est pas si facile que ça. Est-ce que vous pourriez nous... sans nous raconter tout ce qui tourne autour... mais c'est quoi, le défi de pouvoir commercialiser l'eau? Même quand elle est de très bonne qualité, c'est quoi, le plus grand défi auquel on doit s'attaquer?
M. Bastien (Serge): Bien, un des défis quand on parle de l'eau de qualité, c'est que ce n'est pas tout le monde qui a le même niveau de conscience ou de connaissance au niveau de l'eau. Comme, nous, on trouve ça bien important puis on connaît ça depuis longtemps, puis on trouve que l'eau des eskers, c'est une eau de grande qualité, on a tendance à s'attarder justement à la qualité, ce qui fait que, quand Aquafina et Dasani, pour ne pas les nommer, ont sorti, ça n'a pas eu un écho extraordinaire chez nous, sauf qu'on se rend compte que la moyenne des gens, à ce niveau-là, ne fait pas nécessairement la différence. C'est quelque chose donc qui commence à entrer dans l'imaginaire. Donc, c'est un défi.
L'autre défi, c'est toute la notion de commercialisation. Chez nous, les gens ont dit justement: L'eau Esker, qui est devenue l'eau Eska maintenant, ça devrait appartenir à la région, ça ne devrait pas... C'est Parmalat qui ont... c'est fermé maintenant. En majeure partie, il y a des intérêts américains, on peut dire, malheureusement, mais il y a une chose qui est sûre, c'est que le défi de la commercialisation de l'eau, c'est majeur.
On ne rentre pas... Puis je vais vous dire de façon bien, bien pratique, en fait: Avant, l'histoire de cette usine-là, la petite usine qui existait, c'est l'eau Périgny, puis je vais vous dire que ce n'est pas les... c'étaient les gens qui avaient quand même une certaine fortune, là; ils avaient en tout cas un certain montant d'argent, à mon point de vue. Ils auraient englouti la totalité des sommes qu'ils avaient et ils n'auraient jamais réussi à percer pour faire un équivalent de ce qui est maintenant... Danone va prendre la place sur les tablettes. C'est énorme, là, l'effort que ça requiert de prendre sa place à ce niveau-là. Donc, le défi, c'est un défi beaucoup... c'est un défi de connaissances et de commercialisation.
À partir du moment où les gens vont reconnaître la qualité, bien là, nécessairement, on va déjà prendre de plus en plus notre place, et c'est d'ailleurs un des éléments. Quand on parle de valorisation, nous, ce qu'on souhaite, c'est utiliser cet élément-là comme région pour se donner une image distinctive au niveau régional, pour dire: Bien, voici que, chez nous, on a une eau de qualité exceptionnelle.
M. Trottier: Est-ce que dans le fond présentement le contenant n'est pas plus important que le contenu, que les gens se sécurisent avec une bouteille de plastique comme de quoi que ça enlève tous les problèmes, que ça devient de qualité, puis qu'à ce moment-là les gens achètent davantage un prix qu'un produit? Puis est-ce qu'à ce moment...
n(17 h 50)nM. Bastien (Serge): Ça change, là, mais...
M. Trottier: Est-ce que vous croyez qu'on devrait avoir des redevances différentes pour une eau souterraine par rapport à une eau de l'aqueduc?
M. Bastien (Serge): Ah, à ce niveau-là, mon Dieu! je ne sais pas. Je dirais que non. À mon sens, techniquement, on utilise... on utilise l'eau... on utilise une eau pour la commercialiser. À ce niveau-là, à mon sens, ce serait assez égal, là, mais ça mérite... ça mérite probablement plus de réflexion.
M. Trottier: Non, mais l'idée, c'était d'essayer d'encourager l'eau de bonne qualité par rapport à... Puis, en plus aussi, c'est que, là, pourquoi, pourquoi on mettrait... pourquoi on mettrait de l'eau... de l'eau de l'aqueduc dans une bouteille, quand on peut déjà la prendre dans l'aqueduc?
Quand je vois des municipalités, quand je vois des conseils de ville qui mettent des bouteilles d'eau en avant de leurs bureaux, ça me questionne beaucoup, quand ils sont les premiers producteurs d'une eau supposément de qualité. Je vous remercie beaucoup.
M. Bastien (Serge): Vous avez raison.
Le Président (M. Reid): M. Rancourt, M. Bastien, merci beaucoup pour votre contribution.
Je vais maintenant ajourner les travaux jusqu'à demain, 25 septembre, à 9 h 30, pour terminer le mandat de la commission.
(Fin de la séance à 17 h 51)