(Dix heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir fermer leurs téléphones cellulaires. Le mandat de la commission est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de stratégie gouvernementale de développement durable.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Damphousse (Maskinongé) est remplacé par M. Lévesque (Lévis) et M. Gingras (Blainville) est remplacé par M. Schneeberger (Drummond).
Le Président (M. Bergman): Merci beaucoup. Alors, à l'ordre du jour de ce matin, on va commencer avec l'Institut de développement durable des premières nations du Québec et du Labrador, suivi par l'Association québécoise pour la promotion de l'éducation relative à l'environnement.
Auditions (suite)
La première session, c'est pour une heure: une présentation de 15 minutes et, après, un échange avec les députés de la commission pour 45 minutes. Si vous pouvez vous identifier et faire votre présentation. Et je vous souhaite la bienvenue.
Institut de développement durable
des premières nations du Québec
et du Labrador (IDDPNQL)
M. Picard (Ghislain): Merci beaucoup, M. le Président, et merci également à Mme la ministre, et merci, mesdames et messieurs, membres de la commission. Pour les fins de la présentation de ce matin, je suis accompagné de Lucien Wabanonik, qui est membre de la nation Anishinabeg, que vous connaissez sans doute plus sous le nom d'«algonquin». M. Wabanonik est issu de la communauté du Lac-Simon, à une vingtaine de minutes de Val-d'Or, au sud de Val-d'Or, mais il est aussi le grand chef du Conseil de la nation Anishinabeg. Évidemment, moi, Ghislain Picard, chef pour l'Assemblée des premières nations du Québec et Labrador.
La présentation de ce matin va être assez succincte et, j'espère, assez claire pour vous tous et toutes. Créée en 1985, l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador est un lieu de rencontre permanent des dirigeants de 43 communautés ou premières nations représentant 10 nations distinctes: les Abénaquis, les Algonquins, les Attikameks, les Cris, les Hurons-Wendat, les Malécites, les Micmacs, les Mohawks, les Innus et les Naskapis. L'APNQL fonctionne un peu comme l'ONU: les chefs mandatent notre organisation régionale pour développer divers programmes, projets et politiques dans toutes les sphères d'activité. Il peut s'agir de la santé, de l'éducation, des services sociaux, de l'habitation, de la protection des territoires et des ressources naturelles, de la sécurité publique ainsi que des questions d'ordre politique telles que les relations de gouvernement à gouvernement.
L'APNQL s'est dotée, en 1997, d'un institut du développement durable. Cette organisation a la responsabilité de donner des conseils et d'informer les premières nations sur les questions touchant la foresterie, l'énergie, les changements climatiques, l'environnement, l'eau et des dossiers tels que la mise en oeuvre de la stratégie de développement durable, qui en est maintenant à sa deuxième version depuis 1997.
Les premières nations ont à maintes reprises exprimé leur vision, leurs aspirations et leur volonté de faire partie intégrante des multiples prises de décision qui sont appliquées chaque jour et qui affectent directement les territoires et les ressources naturelles. De nombreux mémoires, lettres ou autres documents ont été produits et déposés auprès de plusieurs ministères afin de leur faire connaître les besoins et les droits des premières nations. Trop souvent, ces requêtes sont restées sans réponse, même si diverses initiatives ont été entreprises auprès du gouvernement du Québec, au cours des dernières années. Encore une fois, le gouvernement du Québec présente une stratégie qui ne tient aucunement compte des intérêts et des droits des premières nations, alors qu'elle les affecte directement.
La stratégie gouvernementale de développement durable du gouvernement touche à un des éléments les plus fondamentaux des premières nations: le territoire. Dans l'analyse de cette stratégie, il est important de reconnaître aux premières nations un caractère particulier et spécifique, car les premières nations ne sont pas des interlocuteurs comme les autres, les premières nations ne sont pas simplement un groupe de pression, elles forment des peuples distincts qui détiennent des droits originaux ? les tribunaux utilisent l'expression latine «sui generis» pour qualifier ces droits ? et spécifiques sur les territoires et les ressources. Ces droits ont fait l'objet d'une évolution constante au fil des ans. C'est dans ce contexte que l'on doit aborder l'analyse de cette stratégie. Les premières nations sont incontournables à l'avenir du Québec, les parlementaires québécois doivent le réaliser.
Pour la suite de la présentation, je vais me tourner du côté du grand chef Wabanonik.
Le Président (M. Bergman): M. le grand chef.
M. Wabanonik (Lucien): Merci, M. le Président. Mme la ministre, messieurs et mesdames, au niveau du contexte juridique, les premières nations du Québec n'ont jamais cédé leurs titres et leurs droits sur leurs territoires ancestraux. Depuis 1973, la Cour suprême du Canada a réitéré à maintes reprises que l'occupation ancestrale du territoire par les premières nations leur confère, en droit canadien, un titre sous-jacent de la couronne. En conséquence, les provinces canadiennes ne détiennent pas et n'ont jamais détenu des droits exclusifs sur les terres publiques, leur droit de propriété est subordonné au titre aborigène, ou titre indien, et aux autres droits ancestraux.
La Loi constitutionnelle de 1982 garantit les droits ancestraux des peuples autochtones. Ces droits comprennent les droits ancestraux, dont le titre aborigène qui reconnaît aux premières nations le droit de faire usage et d'occuper leurs terres en exclusivité. Le gouvernement ne peut donc plus se dérober derrière l'ignorance de l'état du droit. L'antériorité de l'occupation historique du territoire par les premières nations a produit d'importants effets juridiques, et le gouvernement doit en tenir compte. Entre autres, le gouvernement a l'obligation constitutionnelle de consulter et d'accommoder les peuples autochtones pour toute décision qui risque de les affecter.
La Cour suprême a établi une échelle des obligations constitutionnelles. Cette échelle est graduée en fonction de la gravité de l'atteinte projetée. Occasionnellement, dit la Cour suprême, lorsque l'atteinte est moins grave ou mineure, il n'existe qu'une obligation de consultation, mais celle-ci doit néanmoins tenir réellement compte des préoccupations des peuples autochtones. Selon la jurisprudence, l'obligation de consulter à ces niveaux comprend le droit à un dialogue véritable avec les autorités publiques, le droit à toute information pertinente et le droit à une justification écrite des décisions gouvernementales eu égard aux préoccupations autochtones. Dans la plupart des cas, ajoute la Cour suprême, l'obligation fiduciaire exigera beaucoup plus qu'une simple consultation, il s'agit d'une obligation de consulter, d'accommoder et de porter atteinte le moins possible aux droits ancestraux.
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(10 h 40)
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Enfin, selon la Cour suprême, lors des atteintes les plus graves au titre aborigène, l'obtention du consentement de la première nation pourrait être exigée. La Cour suprême donne l'exemple de règlements provinciaux de chasse et de pêche qui visent les territoires autochtones. Dans le récent jugement Haïda, la Cour suprême a clarifié davantage sa position, elle a établi une distinction entre la situation juridique qui prévaut avant et après la preuve définitive d'un titre devant le tribunal. Avant la preuve définitive, si le titre est vraisemblable et crédible, il existe une obligation d'accommoder substantiellement les préoccupations de la première nation concernée, et c'est le cas pour la majorité des premières nations du Québec.
Dans sa pratique actuelle, le gouvernement du Québec est très loin de respecter ses obligations constitutionnelles telles qu'elles ont été définies par la Cour suprême. Les premières nations ont clairement le droit d'exiger que toute atteinte significative à leur titre fasse l'objet d'une entente négociée et qu'une forme de cogestion en amont des prises de décision relatives à la gestion du territoire soit instaurée. Il doit en être ainsi, à titre d'exemple, avant l'émission d'un contrat d'aménagement et d'approvisionnement forestier, qu'on appelle CAAF, les CAAF, l'autorisation de construire un barrage ou le début de tout autre projet de développement et d'exploitation des ressources naturelles. Une simple invitation à participer à une activité de consultation organisée pour l'ensemble des citoyens du Québec ne doit pas être considérée comme une mesure adéquate de consultation; une consultation particulière doit être menée auprès des premières nations, et les moyens pour y arriver doivent être assurés par le gouvernement du Québec.
L'adoption d'une politique ou d'une stratégie gouvernementale comme celle sur le développement durable n'échappe pas à l'obligation de consulter et d'accommoder les peuples autochtones. Or, dans le processus actuel, le gouvernement ne consulte pas adéquatement les premières nations. Ce mémoire ne doit donc pas être compris comme une participation à un processus de consultation; au contraire, il vient dénoncer le manque flagrant de consultation sur un projet qui affecte directement les premières nations.
Pire, le gouvernement du Québec ignore délibérément les préoccupations des premières nations maintes fois exprimées. Les très nombreux mémoires déposés par les organismes des premières nations lors de multiples consultations existent, mais ils sont lamentablement ignorés et non retenus pour l'ébauche des nouvelles politiques comme cette stratégie. Une prise en compte sérieuse de ces documents permettrait minimalement d'aborder correctement la question avec les premières nations. Richard Desjardins parle du peuple invisible en parlant des Algonquins. Les premières nations sont invisibles parce que les gouvernements ferment les yeux.
M. Picard (Ghislain): Je vais terminer la présentation du mémoire en abordant la question plus politique. En juin 2003, le premier ministre du Québec signait avec le chef régional de l'APNQL un engagement politique mutuel qui créait le Conseil conjoint des élus. Ce conseil s'est réuni à quelques reprises. Toutefois, ces rencontres n'ont jamais permis d'atteindre les objectifs qui avaient été fixés, notamment à l'égard du territoire et des ressources. Le Conseil conjoint des élus avait pourtant le mandat d'aborder en priorité le thème du territoire et des ressources. L'un des premiers sujets traités à cette table de travail a été l'importance que chaque première nation puisse se prononcer convenablement sur tout processus de gestion de leur territoire. Il a été mis en évidence qu'avant de pouvoir prétendre à toute consultation significative des premières nations l'arrimage de l'approche gouvernementale en matière de consultation des communautés et l'application des principes sous-tendant une véritable consultation des premières nations devaient être adressés en priorité. À cet effet, le Protocole de consultation des premières nations du Québec et du Labrador, adopté, en juin 2003, par l'assemblée des chefs, a officiellement été déposé au gouvernement du Québec.
Une seconde version du protocole de consultation, adoptée en octobre 2005, a été transmise au ministre délégué aux Affaires autochtones. Le guide intérimaire de consultation du gouvernement du Québec n'est pas une réponse adéquate à notre protocole de consultation. L'APNQL s'attend à ce que le gouvernement du Québec fasse plus et mieux à ce chapitre.
Par ailleurs, il est important de rappeler que la dernière rencontre du Conseil conjoint des élus remonte au 20 janvier 2005, à Kahnawake, et qu'aucun bilan n'a été produit depuis sa création. Depuis ce temps, plusieurs conflits se sont cristallisés ou sont apparus. Ces conflits entre des communautés autochtones et le gouvernement du Québec reposent, dans une forte proportion, sur la question de la gestion des terres dites publiques.
À la suite de la signature de l'Engagement politique mutuel, le Conseil conjoint des élus a reçu divers documents qui affirment la position des premières nations sur la nécessité de participer pleinement aux prises de décision. Un de ces documents de base déposés à ce conseil, Relations harmonieuses et cogestion de la décision, vient réaffirmer le besoin urgent de réexaminer toutes les mesures adoptées par le gouvernement du Québec qui affectent les premières nations et qui sont adoptées et appliquées unilatéralement, sans le consentement et sans la participation des premières nations.
La stratégie gouvernementale de développement durable ne reflète pas les intérêts des premières nations et ne répond pas aux attentes des premières nations telles qu'exposées dans la Stratégie de développement durable des premières nations. Cela s'explique notamment par le fait que le gouvernement n'a pas consulté les premières nations. Le processus actuel ne semble pas non plus contenir une consultation spécifique et adéquate. L'APNQL a dénoncé le guide intérimaire de consultation et tient à rappeler au gouvernement que son obligation de consulter les peuples autochtones signifie bien plus qu'une simple transmission d'information. L'APNQL et l'ensemble des chefs qui la composent souhaitent aujourd'hui que cette présentation saura générer une meilleure écoute que lors de toutes les autres présentations faites depuis quelques années. Si tel est le cas, le Québec pourra réellement prétendre être sorti d'une politique de colonisation qui, sous des formes différentes, continue d'aliéner le droit au développement des premières nations. Autrement, le Québec s'expose à des jugements sévères pour ne pas respecter ses obligations légales et politiques. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bergman): Merci, M. le chef. Merci, M. le grand chef. Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux saluer tous nos collègues de cette commission parlementaire. Bienvenue. Chef Picard, grand chef Wabanonik, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec et merci pour vos commentaires dans le cadre de cette consultation sur la stratégie de développement durable.
Vous avez bien sûr repris des revendications que je vais qualifier d'historiques, là, entre les relations entre les communautés autochtones, les premières nations et le gouvernement du Québec. Sans vouloir réduire l'ensemble de vos commentaires, je voudrais vous réentendre de façon plus spécifique sur cette notion de consultation spécifique, hein? Vous prenez le temps de dire: Les nations autochtones ne sont pas des groupes de pression, ne doivent pas être, je dirais, incorporées, là, à la notion de groupes que nous invitons habituellement à cette table. Je veux vous réentendre sur le processus que vous souhaitez. Je m'explique.
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(10 h 50)
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La Loi sur le développement durable parle des considérations qu'on doit avoir pour les communautés autochtones et les premières nations. Je veux aussi, pour le bénéfice de tout le monde, indiquer que, dans le document de la stratégie de développement durable, il y a, dès son introduction, un paragraphe complet qui est assez long, et, si vous le permettez, je vais juste camper ce qui est dit dans la stratégie de développement durable, le rappeler à tous. Ça dit ceci. Je suis en page 11, là, de notre document, en introduction. Ça dit: «Toutes les fois où l'occasion s'y prêtera, ces plans d'action ? parlant des plans d'action de l'ensemble des ministères et organismes de l'État ? prendront en compte les besoins des communautés des premières nations ? et là on ouvre les guillemets parce qu'on prend carrément, carrément une citation qui provient d'un document de votre institut, qui dit ? "qui font face à de grandes difficultés et à de grands défis en matière de santé, de logement, d'éducation et d'instabilité économique. Le maintien d'une qualité de vie devient un défi de taille pour les familles qui doivent faire face à de nombreux obstacles, tels que le manque de diversité et de possibilités d'emploi, ainsi qu'à un taux de chômage important et un recours à l'assistance sociale récurrent. La pratique des activités traditionnelles est devenue de plus en plus difficile dû, entre autres, à un manque d'accès à des ressources de qualité ainsi qu'à des barrières sociales et économiques ? valorisation sociale, manque d'équipement et de moyens de transport, etc. Ce sont là des conditions qui mettent en péril l'avenir des jeunes et [celle] des générations futures."» Et c'est donc issu de votre Stratégie de développement durable des premières nations du Québec et du Labrador, donc de votre institut. C'est en date de juin 2006.
Nous, on a cru qu'en reprenant carrément vos propos on campait le mieux possible ces considérations que nous devons avoir pour les premières nations. Vous insistez beaucoup, aujourd'hui... Je répète, je ne veux pas réduire le sens de l'ensemble de vos revendications, mais, pour les fins de la discussion d'aujourd'hui, je veux revenir sur cette notion de consultation et le cadre que vous souhaitez pour ces consultations parce que je veux vous rappeler aussi ? puis j'étais à Mashteuiatsh ? qu'au moment du Forum de Mashteuiatsh, donc l'automne dernier, lorsqu'il a été question que le gouvernement du Québec avait cette Loi sur le développement durable et allait avoir une stratégie, moi, j'avais cru comprendre qu'il y avait une entente, ou enfin qu'à ce moment-là le gouvernement avait dit qu'il y aurait une journée pleine consacrée à l'écoute des premières nations dans le cadre de cette consultation pour la stratégie de développement durable. D'ailleurs, entre vous et moi, 13 groupes représentant les premières nations ont été invités à participer à cette consultation, et, moi qui étais au Sommet de Mashteuiatsh, je croyais qu'il y avait eu comme, je dirais, un accord à dire que c'était la bonne formule de consultation, en tout cas dans le cadre qui nous occupe ici, là, de la stratégie de développement durable, et c'est dans ce contexte-là donc que le ministère élabore la stratégie, la dépose, il y a une consultation Internet, il y a une consultation à l'Assemblée nationale. Et, nous, on est prêts à consacrer une journée ? s'il faut plus, plus ? à l'écoute des premières nations.
Là, aujourd'hui, ce que vous me dites ? et là je veux bien comprendre ? vous me dites: Ici, là, notre mémoire ne doit pas être vu comme une participation à votre consultation parce que ça, ce n'est pas le bon processus de consultation des premières nations. Moi, je le répète en toute sincérité, moi, j'étais à Mashteuiatsh, je croyais qu'il y avait eu comme un accord. Peut-être qu'on pourrait le qualifier d'informel, mais les choses avaient été dites à Mashteuiatsh, qu'autour de cette stratégie il y aurait une journée pleine consacrée aux premières nations. Et là, aujourd'hui, vous dites: Ce n'est pas ça qu'on souhaitait.
Moi, je suis là, je me dis: L'automne dernier, c'est ça qui a été dit, et je sais... Je ne veux pas reprendre... Ici, ça devient un cas de figure, mais, pour bien comprendre, moi, là, qui suis ministre du Développement durable, pour bien comprendre, je veux vous entendre sur... Si je prends ici ce cas de figure de cette consultation, qu'est-ce que... À partir de ce qui a été dit à Mashteuiatsh, où on disait: Bien, on le fera lors de la consultation gouvernementale, là vous arrivez et vous dites: Ce n'est pas comme ça... Je veux vous réentendre, à partir de ce cas de figure, sur ce que vous souhaitez comme cadre et processus de consultation du gouvernement du Québec vers les premières nations.
Le Président (M. Bergman): Chef Picard.
M. Picard (Ghislain): Oui. Merci beaucoup. Mme la ministre, sans doute aurons-nous l'occasion de vraiment faire le bilan de Mashteuiatsh et surtout de ce qui s'est fait depuis les 12 derniers mois, depuis la tenue du Sommet socioéconomique, qui, encore aujourd'hui, à nos yeux, revêt quand même une importance importante parce qu'effectivement, comme on l'avait souligné à ce moment-là, c'était, oui, un événement sans précédent qui a mobilisé nos communautés, qui a mobilisé aussi, je pense, de façon assez importante les deux gouvernements et principalement le gouvernement du Québec.
Maintenant, entre ce qui s'est dit là-bas et notre présence ici, je vais d'abord commencer par une parenthèse en disant: Bon, sur la douzaine de groupes qui ont été invités ce matin, vous aurez constaté que la grande majorité de ces groupes-là ont choisi de ne pas se présenter en commission parlementaire afin de faire part de leur position, même si ces groupes-là, la plupart d'entre elles, ont jugé utile que l'APNQL, avec son institut de développement durable, revienne faire l'exercice avec vous, même si à prime abord, nous aussi, on était hésitants. Parce qu'on se retrouve dans une situation où, je veux dire, ça aurait été facile d'arriver, ce matin, avec un petit magnétophone puis, je veux dire, le faire jouer ici pour que tout le monde l'entende, parce que les arguments que nous vous présentons ce matin sont les mêmes que nous avons présentés sans doute plus d'une fois, à plus d'une commission parlementaire dans le passé, et c'est comme si à chaque fois le message ne se faisait pas comprendre.
Lorsqu'on dit qu'on n'est pas un groupe de pression comme un autre, c'est qu'on n'est pas un groupe de pression. Je veux dire, il y a un contexte historique, il y a un contexte légal aussi qui s'applique aux questions qui nous préoccupent et qui méritent une attention de la part non seulement du gouvernement, mais de l'Assemblée nationale. Peut-être que le grand chef Wabanonik pourrait lui-même en témoigner à un niveau qui touche plus directement sa nation. C'est que la question de la... J'aurais pu facilement commencer la présentation de ce matin en disant: Bon, c'est quoi, la réponse du gouvernement par rapport aux documents qui ont déjà fait l'objet de dépôts depuis 2003 et même avant? La stratégie, notre propre stratégie remonte à 1997, elle a été révisée au moins une fois depuis au Conseil conjoint des élus, qui fait suite à un engagement politique entre le gouvernement du Québec et l'APNQL. Il y a eu de déposés des documents qui constituent nos positions à nous. Je veux dire, qu'est-ce qui fait que, je veux dire, comme premières nations, on soit en quelque sorte subordonnés à l'approche gouvernementale? Parce que le guide intérimaire de consultation est essentiellement... je veux dire, reflète essentiellement cet esprit-là. Bon, je veux dire, je sais qu'à travers nos contacts et les communications, bon, on nous a dit que, oui, il y avait une réponse de prête par rapport à notre protocole de consultation. Aujourd'hui encore, on ne l'a pas, cette réponse-là.
Et, en ce qui concerne la consultation, je pourrais, je veux dire, essayer de rendre ça le plus simple possible et vous dire que... Encore hier, j'étais en rencontre avec des chefs qui me disaient: Bon, écoute, là, la consultation, j'ai reçu une lettre le 19 octobre, on me demandait de répondre le 20 octobre. C'est à peu près ça, là, encore aujourd'hui, malgré les nombreuses représentations que nous avons faites dans le passé, et la consultation essentiellement en ce qui concerne les premières nations tient d'un cadre qui est évolutif et qui a, je veux dire, évolué avec les récents jugements de la Cour suprême, notamment dans l'affaire Taku River et Haïda. Bon, le Québec a été saisi ? le gouvernement, j'entends ? de cette nouvelle réalité là, a essayé d'adopter sa démarche en conséquence, mais c'est une adaptation qui, encore aujourd'hui, ne rencontre pas nos attentes en tant que premières nations.
Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Je voulais savoir si le grand chef Wabanonik... M. Picard l'invitait peut-être à compléter. Je voulais juste être certaine que...
Le Président (M. Bergman): M. le grand chef.
M. Wabanonik (Lucien): Oui. Merci. Juste pour compléter, il est important de bien comprendre le contexte historique et juridique des premières nations. On n'est pas des tiers, la définition de «tiers» est différente. On a des droits qui ont été reconnus par la Cour suprême du Canada mais aussi par la Constitution avec l'article 35 de la Constitution de 1982. C'est des éléments juridiques, ce n'est pas un accommodement. C'est loin d'être ça, très loin de ça. Ce qu'il faut comprendre, c'est que c'est des obligations qu'aucun gouvernement ou parti ne peut prétendre ne pas connaître. On dit du Canada ou du Québec: On est un État de droit. Ma compréhension de ça, c'est qu'on ne peut pas passer à côté, on ne peut pas l'ignorer, on ne peut pas faire semblant de ne pas l'avoir entendu. Pour nous, c'est une responsabilité des parlementaires puis de l'ensemble des parties de bien saisir ce contexte-là. Ce contexte-là, pour nous il est incontournable, et, pour les gouvernements au pouvoir, c'est incontournable. Alors, c'est important de bien saisir quand on vous dit des choses.
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(11 heures)
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Par exemple, moi, en Abitibi, je vois mes conseils, nos chefs tenter de répondre à certaines de ces consultations-là, mais c'est impossible, c'est impossible, il y a tellement de consultations qui rentrent à toutes les semaines, à tous les jours, que ce soit le fédéral, que ce soient la province ou leurs différentes organisations publiques ou gouvernementales. Il y en a, il en pleut quasiment. Alors, ça en dit long, là, sur la situation de nos premières nations. Pour nous, c'est impossible, on n'a pas ces moyens-là.
Puis la façon aussi dont les choses nous sont présentées, c'est un élément peut-être qui est anodin pour quelques-uns, ou il semble anodin, mais, quand on veut défendre un droit, rien n'est anodin. Toute phrase, tout texte, il faut l'étudier. Aujourd'hui, on parle d'un projet de loi sur le développement, une stratégie de développement durable du Québec. Pour nous, ça a une conséquence directe sur nos droits, ça a une conséquence directe sur nos membres, sur nos communautés, et, dans ce sens-là, nous suggérons fortement à tous les partis de bien faire leurs devoirs, car à notre avis, quand ces documents nous parviennent, à notre avis c'est biaisé, là, ce n'est pas respectueux, c'est loin d'être respectueux.
Alors, pour ma part, je suggère, du moins fortement, aux provinces de revoir, de refaire leur travail sur ce projet de loi parce qu'elles portent atteinte à certains de nos droits et même titres sur le territoire. Merci.
Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Merci, grand chef Wabanonik. Eh bien, je veux poursuivre avec vous sur cette dernière déclaration, quand vous dites que la stratégie de développement durable qui est devant nous, pour vous elle a des conséquences directes sur vos droits. L'affirmation est importante. Je dois vous dire, je le dis en toute sincérité, en toute transparence: Quand, moi, j'ai questionné l'équipe du ministère du Développement durable sur ces questions, d'un point de vue légal, on n'avait pas l'impression que la stratégie de développement durable avait une conséquence directe sur vos droits. Je comprends bien le contentieux et je comprends bien le contexte légal et le fait que vous disiez: Bien, c'est des revendications, ce que M. Picard disait, là, «j'aurais pu avoir un magnétophone puis peser sur le bouton parce que, depuis des années et des années, je tente de vous expliquer ce contexte légal et ces revendications», mais par ailleurs je comprends donc la notion du dépôt de votre document sur comment vous souhaitez que les consultations se fassent, etc.
Mais, quand on dit que pour vous cette stratégie, elle a une conséquence directe sur vos droits, est-ce que vous dites que pour vous cette stratégie vous enlève des droits? Est-ce que ça va jusque-là dans votre analyse ou si... Quand vous dites: Elle a des conséquences directes sur les droits, c'est que vous voulez dire qu'elle ne remplit pas à votre satisfaction... Mais ça, ça semble évident, le type de relation et le processus de consultation des premières nations que vous souhaitez. Parce que, si vous dites: Elle a des conséquences directes sur nos droits, j'aimerais que vous m'expliquiez plus sur quels droits vous voyez qu'il y a atteinte, là, parce que bien sûr je vais m'en préoccuper.
M. Picard (Ghislain): Bien, si je peux me permettre là-dessus ? et je pourrais très certainement, encore une fois, permettre à mon collègue de compléter ? c'est que le Québec a très certainement le droit de développer sa propre stratégie en matière de développement durable, comme nous avons pris, nous aussi, ce droit-là en 1997, alors que l'obligation était remise entre les mains du Parlement canadien à travers ses différents ministères, et dans notre cas, bien, on s'est dit: Bon, pourquoi ce serait un ministère fédéral qui ferait, je veux dire, ce travail-là à notre place? Et ça, c'est la base de notre propre stratégie. Je veux dire, ce n'est pas la responsabilité du gouvernement fédéral, pour nous, c'est notre responsabilité, et c'est ce qu'on a fait.
Maintenant, ceci étant dit, bien c'est un peu, je veux dire, notre démarche à nous, avec des moyens qui sont très précaires, je pense, faut-il le préciser, que nous n'avons pas nécessairement à notre disposition, mais en même temps on a quand même l'obligation, parce que c'est une stratégie qui a été développée par l'Institut de développement durable, qui a été adoptée par les chefs et qui a été révisée au moins une fois depuis 1997... C'est notre démarche à nous, et elle devrait, à tout le moins, être comparée avec ce qui se fait au niveau du gouvernement du Québec.
En ce qui concerne la question de la consultation ici et, bon, de quels droits on parle au juste, il devrait y avoir une considération un peu plus spécifique par rapport aux questions que nous posons. Bon, on dit ici que ? dans le mémoire ? «l'antériorité de l'occupation historique du territoire par les premières nations a produit d'importants effets juridiques, et le gouvernement doit en tenir compte. Entre autres, le gouvernement a l'obligation constitutionnelle de consulter et d'accommoder les peuples autochtones pour toute décision qui risque de les affecter.» On parle d'une obligation qui n'est pas celle qui appartient... je veux dire, qui est la même que pour celle de la communauté de Saguenay ou la communauté de Rouyn, en Abitibi. On parle d'une autre obligation du gouvernement du Québec en ce qui nous concerne, et c'est là que le gouvernement du Québec tombe à côté.
Le Président (M. Bergman): Merci, M. le chef. M. le député de Drummond.
M. Schneeberger: Oui. Bon, bien, bonjour à tout le monde. Je voudrais féliciter la présence de M. Picard et M. Wabanonik ? c'est ça? je le prononce bien? O.K. ? et puis la présence de Mme la ministre de l'Environnement et des collègues députés.
J'aurais une question. Tantôt, vous avez énoncé qu'il y avait plusieurs groupes qui avaient annulé leur présence un petit peu en sorte de contestation parce que souvent il y a eu des consultations publiques et puis que finalement ça ne donne pas grand-chose. Pour clarifier les choses, c'est que souvent on consulte ces groupes, et puis finalement il ne se passe rien, sur le terrain, de concret, là. C'est ça que vous vouliez nous dire?
Le Président (M. Bergman): M. le chef.
M. Picard (Ghislain): Oui. Bien, je pense que, dans la majorité des cas, au niveau des autres groupes, oui, certains groupes ont pu saisir des occasions qui se sont présentées antérieurement pour faire valoir leur point de vue devant une commission parlementaire ou une autre, et souvent, bien, c'est toujours avec déception qu'on constate que le message n'est souvent... Sans doute que le message est entendu, mais pas souvent compris.
M. Schneeberger: O.K.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Drummond.
M. Schneeberger: Oui. Je voudrais revenir un petit peu sur le forum qui s'était déroulé à Mashteuiatsh. C'est sûr qu'il y avait eu plusieurs ententes d'entreprises. Parmi ces ententes-là, est-ce qu'il y a des ententes directes qui se sont concrétisées par la suite ou c'est encore en processus de... vraiment sur la table, sur les, comme on peut dire, planches à dessin, ou il y a vraiment des actions concrètes qui ont été faites, là? Pouvez-vous m'en nommer, s'il y en a, ou en tout cas un petit peu votre impression là-dessus?
M. Picard (Ghislain): Bien, je ne pense pas qu'on va prendre le temps ici pour faire la litanie de ce qui a été signifié comme engagement, là, au niveau du forum, très certainement une série d'engagements ou de propositions qui sont qualifiables dans le négatif ou dans le positif, dépendamment où on se situe. Mais, en ce qui concerne cette question-là particulière de terres et ressources, qui inclut également cette question-là d'accommodements, de consultations, ainsi de suite, ça a toujours été le point névralgique, si on veut, dans la relation entre nos premières nations et le gouvernement du Québec, et c'est d'ailleurs un des fondements principaux de l'engagement politique mutuel qui a été signé entre le gouvernement du Québec et l'Assemblée des premières nations en juin 2003.
On l'a expliqué tout à l'heure, il y a eu un conseil conjoint des élus qui a été mis sur pied, et on constate que, quatre ans plus tard, bon, là où on a fait le moins d'avancées, c'est à ce chapitre-là, bon, parce qu'on dirait qu'il y a une approche qui semble être priorisée par rapport à une autre, et c'est essentiellement notre argument, ce matin. Je veux dire, pourquoi, pourquoi un protocole que nous avons développé et qui interpelle des questions qui nous intéressent ne pourrait pas être recevable au niveau du gouvernement du Québec et constituer en quelque sorte le plan de travail? C'est la question que nous posons. Mais je ne veux pas m'étendre, ce matin, sur les autres questions qui touchent le Forum socioéconomique. Je veux dire, le terrain est très vaste, et on aura très certainement d'autres occasions pour le faire.
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(11 h 10)
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Le Président (M. Bergman): M. le député de Drummond.
M. Schneeberger: Tantôt, vous avez mentionné l'approche gouvernementale. D'après vous, ce serait quoi qui serait bénéfique autant pour les premières nations que pour le gouvernement du Québec, en tout cas pour la population du Québec en général, la sorte d'approche? Comment, vous, vous voyez ça? Vous dites, admettons: Nous, les premières nations, on aimerait que tel genre d'approche soit fait pour que justement les mesures qu'on parle sur papier soient mises en place de manière pas juste... Moi, je dis: On va toujours dans une direction, mais on écoute les autres, finalement on reste un peu au point mort. Ce serait quoi, vous, le genre d'approche que, vous, les premières nations, vous diriez: Bon, bien, nous, si on pouvait marcher comme ça, ce serait beaucoup plus bénéfique pour les deux, soit les premières nations et le gouvernement du Québec?
M. Picard (Ghislain): Bien, je n'ai pas vraiment d'approche à proposer. La seule chose que j'aurais à dire sans doute, c'est: Arrêtons de pelleter par en avant parce que de toute manière ça va éventuellement nous rattraper. Je veux dire, la question autochtone, au Québec, elle demeure entière et elle demeure grande ouverte, et tant qu'on ignore cette question-là et tant qu'on reporte à plus tard la nécessité d'y répondre, bien ça va toujours nous rattraper, et peut-être d'une façon qu'on n'aurait jamais souhaitée. C'est ça que je veux dire. Ce n'est pas une menace que je lance, ça, c'est juste que, je veux dire, ça fait plusieurs commissions parlementaires que je fais moi-même pour réitérer le même message: Quand allons-nous comprendre que ça doit faire son temps et qu'on doit passer à quelque chose... à autre chose, en tout cas de notre point de vue?
Le Président (M. Bergman): M. le député de Drummond.
M. Schneeberger: O.K. Sur une question un peu plus technique, moi, j'avais déjà questionné le ministre des Affaires autochtones sur le village de Kitcisakik, et puis justement c'est un village algonquin. On savait que justement c'est une manière de développer et de faire du développement durable parce qu'on connaît les problématiques, là: pas d'eau courante, le système d'égout... En tout cas, toute la panoplie est là.
Est-ce que, depuis le printemps... Moi, j'avais déjà questionné le ministre là-dessus, et on m'avait dit qu'il y avait des projets concrets qui avaient été mis en place. Est-ce que ces projets... Pouvez-vous les nommer? Est-ce qu'il y a quelque chose qui est sorti de ça ou si c'est encore au point mort, la population de Kitcisakik reste encore dans les mêmes conditions?
Le Président (M. Bergman): M. le grand chef.
M. Wabanonik (Lucien): Oui. Merci pour la question, je pense qu'elle est importante. Ma première réaction à votre réponse, je dirais plutôt: Le problème est durable. En disant ça, il n'y a rien, il n'y a pas grand progrès, à ce moment-ci. Il y a des choses qui doivent être faites. Il est humainement irresponsable... Il y a des choses qu'on doit agir et il y a des choses qu'on doit faire immédiatement. Le temps est passé, où est-ce qu'on disait: Bien, ce n'est pas notre gouvernement qui a fait ça, ce n'est pas nous. Je pense qu'il faut aller plus loin que ça, maintenant. Les partis, les parlementaires doivent savoir ce qui se passe sur le terrain. On peut décider des choses sans voir ou comprendre ce qui se passe réellement et humainement sur le terrain. C'est comme deux mondes.
Nous, de notre côté, c'est ça que je veux dire quand je dis que ça a des conséquences directes sur nos droits. Les droits les plus fondamentaux ne sont pas respectés. Quand vous regardez Kitcisakik, on est loin, là, de 2007, ça ressemble à plutôt dans les années 1800. C'est quand même grave, là. C'est des êtres humains, c'est une nation, c'est un peuple qui est là, il fait partie de notre société à nous, et pour nous c'est inconcevable de voir ça encore aujourd'hui. Alors, c'est dans ce sens-là ? et puis je réponds un petit peu à la question de la ministre en disant ça ? c'est dans ce sens-là que pour nous ce n'est pas un développement durable, ça. Le problème est durable. On l'a dit, on le dit puis on le redit. Comme Ghislain le mentionne, on pourrait vous amener des cassettes puis des documents ici et probablement qu'on remplirait la salle ici. Alors, ce n'est pas nouveau. On aimerait passer à une autre étape, et cette relation-là doit être redéfinie à un autre niveau. Merci.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Drummond.
M. Schneeberger: Alors, ce que vous nous dites, c'est que finalement il n'y a pas eu de démarche concrète, là. Il y a eu des pourparlers, mais, sur le terrain lui-même, il n'y a pas rien eu de nouveau, c'est un projet comme encore en attente. Il n'y a pas... C'est un peu... C'est au point mort, finalement.
M. Wabanonik (Lucien): Pour nous, le résultat est négatif.
M. Schneeberger: O.K. Sur un autre domaine, il y a comme... Sur la nation crie, ils ont fait beaucoup de démarches de développement, notamment dans le cas d'une scierie, ils ont développé dans le transport aussi.
Au niveau des autres nations, est-ce qu'il y aussi beaucoup de développements qui sont faits dans ce sens-là, où il y a eu des négociations, des projets mis sur la table, et ça bloque? Est-ce que vous pouvez nous nommer un petit peu le genre de projets qui... peut-être dans la nation algonquienne, là, s'il y aurait des projets qui seraient mis de l'avant justement pour aider ces communautés, au niveau économique, à sortir du marasme un peu qui est subi dans ces... en tout cas que la population vit?
M. Wabanonik (Lucien): Une des voies de solution les plus probantes que nous considérons très sérieusement, c'est la question d'un règlement de la question territoriale et des ressources, le partage de revenus, la cogestion. C'est un langage qu'on tient depuis des décennies, et, à ce niveau-là, les partis qui se sont succédé au pouvoir sont, on va dire entre guillemets un terme québécois, frileux d'embarquer dans ces discussions-là en disant que c'était complexe. Effectivement, un dossier comme ça, c'est complexe, mais pour nous ce n'est pas une excuse. Ce n'est pas une excuse de ne pas voir cette réalité-là. Ce n'est pas une excuse de ne pas considérer les suggestions qu'on fait. Pour nous, ce n'est pas encore une excuse, humainement parlant, moralement parlant, c'est carrément irresponsable.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Drummond. Oui?
M. Picard (Ghislain): Je voudrais peut-être juste ajouter un complément à la réponse du grand chef par rapport... et je pense que ça, c'est un aspect important parce que ça nous est souvent servi. Bon, il y a ça qui se fait du côté cri. Bon, comment ça se fait que, pour les autres nations, on soit rendu à un autre niveau? Ce qu'il faut aussi démystifier, là, au niveau de la culture politique québécoise, c'est qu'au Québec il y a des nations... Et on n'est pas ici pour émettre une opinion négative ou positive là-dessus, c'est une réalité qui appartient aux Cris. Il y a des nations qui ont été conventionnées et d'autres qui ne sont pas conventionnées, et je pense ici que, tant qu'il n'y aura pas, du côté gouvernemental, une attitude qui contribue à mettre tout le monde sur le même pied indépendamment des accords qui ont été signés, je pense qu'on va toujours se la poser, cette question-là: Bon, qu'est-ce qui arrive avec les autres nations? Je pense qu'il y a moyen de corriger l'attitude gouvernementale pour faire en sorte que... Il y a une réalité de premières nations au Québec, il faut y faire face.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Drummond.
M. Schneeberger: On parle beaucoup ces temps-ci de la crise forestière que subit le Québec, et je pense là-dedans que certaines nations sont directement impliquées, surtout quand on parle de l'Abitibi-Témiscamingue, dans ce coin-là, et je voudrais savoir, moi, c'est quoi, les conséquences directes qui sont attachées à certaines réserves, certains villages algonquins ou cris dans cette région-là, où est-ce qu'on a vu notamment qu'il y avait certains travailleurs des premières nations qui avaient arrêté de travailler, qui faisaient un petit peu des blocages parce qu'ils protestaient sur la situation qui perdure dans ces régions.
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(11 h 20)
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M. Picard (Ghislain): Je vais laisser encore une fois mon collègue compléter, mais je vais m'aventurer avec une réponse. Sur la question forestière, ça se vit à des niveaux différents d'une région à une autre, un peu comme au sein de la société québécoise: il y a des bons moments, des moins bons moments pour certaines régions. Et, en ce qui concerne nos communautés, bien il y a des expériences qui sont quand même probantes dans certaines communautés et sans doute pas comparables à ce qu'on retrouve ailleurs, pour la simple raison que, dans la majorité des cas, il y a des communautés qui n'ont pas le capital nécessaire pour pouvoir s'investir dans des projets aussi importants. Et je parle de la foresterie, j'aurais pu parler de l'énergie éolienne, du développement hydroélectrique.
L'aspect peut-être un peu plus particulier de ces projets-là, qui sont, ni plus ni moins, des rêves pour un grand nombre de nos communautés, c'est qu'il y a toujours, je veux dire, une partie qui est réservée à nos principes, en matière de développement durable, qui ne sont peut-être pas les mêmes que le gouvernement du Québec ou, à tout le moins, pas nécessairement plus importants ou moins importants mais qui ont des bases un peu différentes.
M. Wabanonik (Lucien): J'aimerais juste compléter.
Le Président (M. Bergman): M. le grand chef.
M. Wabanonik (Lucien): Merci. Quand on parle de développement durable, l'industrie, on comprend qu'elle vit des situations difficiles ou même très difficiles. D'ailleurs, de notre côté, on comprend la situation des travailleurs forestiers. Mais, de la façon dont le gouvernement a géré ce dossier-là au niveau du développement durable, pour nous il n'a pas rencontré les objectifs que, pour nous, on avait mis de l'avant, que d'ailleurs nous avions déjà discutés avec certains fonctionnaires en région. Mais, il semblerait, selon le discours qu'on entend sur le terrain, c'est que...
Le Président (M. Bergman): ...
M. Wabanonik (Lucien): Pardon?
Le Président (M. Bergman): En conclusion.
M. Wabanonik (Lucien): Oui. Merci. Simplement pour dire que, ce développement durable là, la situation forestière en région, bien elle est déplorable parce qu'elle n'a pas rencontré l'élément de durabilité de la ressource.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.
M. Bouchard: Oui. Grand chef Picard, grand chef Wabanonik, bonjour. Grand chef Picard, j'essaie de voir. Votre dernière affirmation pour moi est très éclairante, mais j'aimerais voir si je suis sur la bonne piste. Vous parliez de ce qui avait été convenu comme entente avec les Cris, et, si j'ai bien compris, c'est: Pourquoi ne pas utiliser ce modèle-là ou cette approche-là pour l'ensemble des nations autochtones? Est-ce que vous voulez dire que le mode de consultation, dans le cas de la «Paix des Braves», est un modèle que vous souhaiteriez voir s'étendre à l'ensemble des nations autochtones, autrement dit qu'il y ait un modèle de consultation de nation à nation? C'est ce que je dois comprendre?
M. Picard (Ghislain): Bien ça, il y a, je pense, la relation qui mérite d'être qualifiée, là. On parle beaucoup de gouvernement à gouvernement, de nation à nation depuis plusieurs années, d'ailleurs. Je veux dire, comment ça se fait que ça s'applique pour les Cris et ça ne s'applique pas pour les autres? Je pense que c'est beaucoup plus ça, la question.
En ce qui concerne le mode de consultation, non, je ne dis pas ici que je favorise le modèle cri, c'est un modèle qui appartient à la nation crie et avec lequel sans doute la nation crie est confortable. Je sais notamment qu'à l'intérieur de la «Paix des Braves» il y a, en matière de foresterie, le comité Cris-Québec qui, selon les rapports que nous recevons, donne quand même des résultats appréciables et qui sont très certainement satisfaisants pour la nation crie. On sait qu'il y a une réalité là qui n'est peut-être pas la réalité ailleurs.
Tout ce que je dis, c'est: Est-ce qu'on ne peut pas trouver... Bien, dans un cas, on semble avoir trouvé une façon de faire où la nation, je veux dire, occupe une place qu'elle mérite, qui lui revient. Est-ce qu'on ne pourrait pas faire la même chose pour les autres nations, même en dépit du fait qu'il n'y a pas d'accord de signé ou d'entente de signée avec le reste des nations autochtones au Québec? C'est essentiellement ça que je veux relever.
M. Bouchard: Merci, monsieur.
Le Président (M. Bergman): M. le député d'Abitibi-Est n'étant pas membre de la commission ni n'étant pas nommé comme remplacement ce matin, est-ce que j'ai le consentement des autres groupes parlementaires pour que le député d'Abitibi-Est participe à cette commission?
Une voix: Bien sûr!
Le Président (M. Bergman): M. le député d'Abitibi-Est.
M. Wawanoloath: Merci, M. le Président. Premièrement, je ne sais pas si vous l'avez... Vous l'avez sûrement dit ? je m'excuse de mon retard, j'étais à une autre commission ? mais on ne pourra jamais parler de développement durable sans parler de préservation du mode de vie traditionnel des premières nations si on veut penser à l'avenir, si on veut penser qu'un vrai développement durable va tout le temps se faire en lien avec les premières nations du Québec parce que le développement durable est très relié au territoire et que le territoire est une question centrale, avec les défis qu'on a, pour qu'on puisse vivre dans une belle cohabitation, les premières nations et les Québécois.
Avec ça comme prémisse, on a eu le Forum socioéconomique de Mashteuiatsh, on en a parlé un peu, on a vu en paroles des engagements pris par le gouvernement du Québec. J'étais présent à ce Forum socioéconomique en tant que représentant du Conseil des jeunes des premières nations. Tout ça, les premières nations le font pour l'avenir des jeunes parce qu'on sait que la pyramide des âges est inversée chez les premières nations. Moi, dans mon comté, il y a Kitcisakic et il y a Lac-Simon. 60 % de la population ont moins de 25 ans. Donc, il faut avoir vraiment ça comme dans notre pensée pour bien nourrir nos réflexions là-dessus.
Donc, on a ces engagements-là, on a des belles paroles, mais, aujourd'hui, on se retrouve, six mois plus tard, un an plus tard, avec peu de résultats. Et il y a des choses qui me consternent. J'étais à une réunion de la conférence régionale des élus dans ma région, et un directeur de ministre nous disait qu'il parlait avec ses collègues directeurs, et les différents ministères, les directions régionales ne connaissaient même pas les engagements qu'ils devaient appliquer eux-mêmes sur le terrain. Donc, on se retrouve dans une situation où la tête dit quelque chose et les bras ne suivent pas.
Est-ce que c'est quelque chose que vous sentez sur le terrain? Est-ce qu'aujourd'hui on pourrait se retrouver... Mettons, la stratégie de développement durable, la table de discussion qui devait être créée, est-ce qu'on sent des avancées là-dessus?
Puis, il y a aussi le Secrétariat aux affaires autochtones dans tout ça qui à mon avis devrait être un outil privilégié pour les premières nations pour avoir des bonnes relations avec le gouvernement. Mais on sent, aujourd'hui, plutôt un peu le contraire, que les ministères utilisent le SAA pour négocier contre les premières nations. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.
Le Président (M. Bergman): M. le chef.
M. Picard (Ghislain): Oui. Mon commentaire initial ou la première partie de ma réponse là-dessus, c'est: Je l'apprécie, merci beaucoup, M. Wawanoloath. Très à propos, effectivement, et je pense que vous êtes sans doute très bien placé pour bien saisir l'importance de notre propos ce matin.
Ce que j'aurais envie de dire, c'est que l'intention derrière le Forum socioéconomique, c'est de relever l'importance des défis auxquels nous sommes confrontés comme communauté et de faire en sorte que ces défis-là soient les mêmes pour la société qui nous entoure. Et je pense que j'aimerais situer ce commentaire-là bien au-delà, je veux dire, de la question. Je veux dire, on sait comment la réalité respire autour de nous, là, et on veut que ces questions-là... Je veux dire, pour qu'on soit justes envers la légitimité des préoccupations qui sont les nôtres, ça va beaucoup plus loin que la question de ce que le gouvernement a fait ou n'a pas fait. On est conscients qu'on va toujours devoir faire affaire avec le gouvernement qui se trouve en face de nous, le gouvernement du jour, celui qui est là pour représenter l'Assemblée nationale.
Mais en même temps je pense que c'est très injuste pour nous de revenir constamment devant vos institutions, refaire les mêmes représentations, et finalement, à la toute fin, ne pas trouver quoi que ce soit pour assurer la durabilité de nos propres sociétés. C'est comme si on était à la merci d'un processus que de toute évidence on ne contrôle pas mais qui en plus n'arrive pas à saisir, je veux dire, l'importance et l'aspect incontournable des questions qui nous préoccupent. Je pense que c'est davantage là-dessus que j'aimerais... C'est davantage de cette façon-là que j'aimerais réagir, parce que je sais qu'il viendra un moment où on aura à faire le bilan du Forum socioéconomique avec les moins bons aspects puis les... Il y a quand même des bons aspects.
Je pense qu'on n'a jamais, de façon aussi large et aussi claire, exposé la situation qui est celle de nos peuples, de nos communautés, et j'espère qu'on aura l'occasion ou l'opportunité dans le futur d'entretenir cette éducation-là, de faire en sorte que les gens soient conscients qu'en 10 ans, ou en 15 ans, ou en 20 ans voilà où nous en sommes rendus.
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(11 h 30)
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Le Président (M. Bergman): M. le député d'Abitibi-Est.
M. Wawanoloath: Je vais passer la parole à mon collègue d'Ungava.
Le Président (M. Bergman): M. le député d'Ungava.
M. Ferland: Merci, M. le Président. Mme la ministre, grand chef Picard et grand chef Wabanonik, on aurait une foule de questions, mais heureusement il y a d'autres groupes des nations autochtones qui vont défiler devant nous dans les prochains jours, les deux prochaines semaines, on aura l'occasion de revenir bien sûr sur plusieurs sujets. Mais je suis content de débuter avec les représentants de l'Association des premières nations là-dedans.
Alexis, mon collègue... Parce que vous avez donné des exemples, d'autres en ont soulevé. Moi, je reviendrais sur la stratégie elle-même déposée, sur laquelle on discute présentement, de développement durable. Une première question sur les, j'appellerais... J'ai toujours dit qu'il y avait un rôle pédagogique dans lequel le gouvernement, là, doit être responsable pour faire connaître la réalité à l'ensemble des Québécois et Québécoises, là, de la problématique des nations autochtones au Québec. Pédagogique pourquoi? Par l'histoire, par nos institutions d'enseignement, par nos différentes organisations et les différents ministères, bien sûr, parce que la stratégie proposée s'applique en premier lieu ou concerne en premier lieu l'ensemble de l'appareil public, de l'administration publique, donc les ministères.
Souvent, il y a des choses d'adoptées. Mme la ministre posait des questions tout à l'heure, puis, bon, la compréhension... On a un foutu problème. Quand il y a une entente... Vous parliez de la «Paix des braves» tantôt, mais on pourrait noter plusieurs... J'ai une foule de documents en avant de moi, là, puis je retourne depuis 1978, il y a plein de choses qui se sont faites: des commissions parlementaires, ainsi de suite. Il n'y a pas de suivi, et souvent le ministère d'à côté n'est même pas au courant de ce qui s'est fait. Et, quand une direction régionale... Parce qu'Alexis a soulevé tantôt... Dans les régions respectives, quand les directions existent dans les régions... Chez nous, dans Ungava, les directions existent plus ou moins, elles ne sont même pas présentes. Alors, c'est très difficile de communiquer l'information.
Donc, moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. C'est une problématique, ma première question, problématique au niveau des ententes ou des accords qui sont signés par le gouvernement avec soit l'Association des premières nations ou des nations spécifiques. Comme vous avez donné l'exemple des Cris tantôt, mais les ministères concernés... Et quel rôle le Secrétariat aux affaires autochtones pourrait jouer? Est-ce que le secrétariat devrait jouer le rôle de communicateur à l'ensemble de l'appareil gouvernemental ou se doter d'un mécanisme pour que les gens s'approprient ces choses-là et, quand on s'adresse ? peu importe la porte par laquelle on passe ? à l'appareil, que ces gens soient au courant qu'il y a des choses qui se sont passées?
Le Président (M. Bergman): M. le chef.
M. Picard (Ghislain): J'imagine qu'éventuellement le gouvernement, quel qu'il soit, aura à faire le bilan du Secrétariat aux affaires autochtones, son rôle, ses obligations envers les communautés que nous représentons. Mais je me souviens quand même d'une époque où le secrétariat était chargé des activités gouvernementales en milieu autochtone et même d'une époque où chaque ministère, au sein du gouvernement du Québec, avait son coordonnateur des activités gouvernementales en milieu autochtone. J'imagine que cette époque-là est révolue maintenant.
Mais, pour revenir à cette question-là de la stratégie, je me permets ici de revenir un peu en arrière et de citer un document que nous avons déposé, qui a fait l'objet d'une proposition à la table du Conseil conjoint des élus, en novembre 2003, et où la question qui est posée, c'est ? et je pense qu'elle est très claire ici, et c'est à cette question-là qu'on ne réussit pas à répondre à ce jour: Comment faire en sorte que toutes les mesures adoptées par le gouvernement du Québec et qui affectent les premières nations ne soient pas adoptées et appliquées unilatéralement, sans le consentement et sans la participation des premières nations? C'est cette question-là qui est au coeur de nos préoccupations à nous et c'est là-dessus qu'on n'a toujours pas de réponse à ce jour. Est-ce qu'on ne pourrait pas, je veux dire, se doter d'un processus qui met cette question-là en évidence, avec sans doute plusieurs autres questions? C'est essentiellement ça que nous relevons, ce matin.
Le Président (M. Bergman): Malheureusement...
M. Picard (Ghislain): Parce qu'en terminant, M. le Président. même si je suis un peu contraire à notre propre stratégie de développement durable, je vais quand même redéposer des documents que nous avons déjà déposés plus d'une fois devant vos institutions.
Le Président (M. Bergman): Merci. Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. le grand chef, M. le chef, je vous remercie pour votre contribution à cette commission parlementaire et je demande à l'Association québécoise pour la promotion de l'éducation relative à l'environnement pour prendre leur place à la table.
Je suspends nos travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 11 h 36)
Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demande à l'Association québécoise pour la promotion de l'éducation relative à l'environnement pour prendre leur place à la table.
Des voix: ...
Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que les gens de l'Association québécoise pour la promotion de l'éducation relative à l'environnement peuvent prendre leur place à la table?
Documents déposés
Avant de commencer cette partie de notre séance, est-ce que je peux déposer, avec votre consentement, les deux documents qui ont été déposés par le chef Picard? M. le député de Vachon, consentement pour déposer les documents déposés par le chef Picard?
M. Bouchard: Ah oui, certainement, M. le Président.
Le Président (M. Bergman): Mme la ministre? Merci.
Alors, bienvenue, M. Litzler. On a une heure pour la présentation: 15 minutes pour votre présentation, après, un échange avec les députés de la commission. Alors, la parole est à vous, monsieur.
Association québécoise pour la
promotion de l'éducation relative
à l'environnement (AQPERE)
M. Litzler (Robert): Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, distinguées personnes qui soient là, hommes et femmes, c'est avec un grand intérêt que l'Association québécoise pour la promotion de l'éducation relative à l'environnement répond, aujourd'hui, à l'invitation que la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Mme Line Beauchamp, nous a faite pour présenter nos réactions au projet de stratégie gouvernementale de développement durable, laquelle fait suite à l'adoption de la Loi sur le développement durable, sanctionnée le 19 avril 2006.
Nous faisons ici un parallèle avec l'Agenda 21. Tout en réservant à l'éducation un chapitre spécial, qui est le chapitre 36, que vous connaissez, ce document majeur, véritable guide pour une éducation écocitoyenne du XXIe siècle, produit à l'issue du Sommet mondial sur l'environnement et le développement durable ? Rio 1992 ? mentionnait le terme «éducation» plus de 500 fois à travers l'ensemble des chapitres, soulignant ainsi la transversalité de l'éducation dans l'ensemble des problématiques environnementales auxquelles le genre humain est, aujourd'hui, confronté. Ainsi, tout en insistant davantage sur l'orientation 1 ? parmi les neuf, sur l'orientation 1 ? laquelle concerne plus particulièrement la sensibilisation, l'éducation et la formation, qui est le champ de compétence de notre organisation, nos commentaires aux différentes orientations proposées sont essentiellement présentées à travers le prisme de l'éducation.
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(11 h 40)
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Nous préciserons en dernier lieu la contribution que nous comptons apporter au succès de la stratégie de mise en oeuvre du développement durable qui est proposée à la population québécoise par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. Cette contribution s'inscrit dans un long cheminement commencé depuis plus de 15 ans et qui nous donne plus que jamais raison d'avoir mis nos énergies dans le développement de l'éducation relative à l'environnement dans une perspective de développement durable.
À propos des enjeux fondamentaux. Savoir, savoir faire, savoir être pour finalement savoir vivre s'inscrivent dans des objectifs d'éducation relative à l'environnement. L'être humain ne peut en effet agir sans connaître. La connaissance doit précéder l'action pour que celle-ci soit efficace, et c'est ensuite l'ensemble des gestes concrets posés par l'individu qui caractérisent son engagement, et finalement le savoir-vivre se traduit par sa capacité d'intervenir dans le milieu comme agent de changement auprès de ceux qui l'entourent, dans la famille, dans le travail, dans les loisirs. Nous sommes donc en accord complet avec les trois enjeux fondamentaux exprimés dans la stratégie, à savoir développer la connaissance, promouvoir l'action responsable et favoriser l'engagement.
Les orientations stratégiques. L'orientation 1, je la mets au centre, évidemment, mais j'y reviendrai beaucoup plus en détail lorsque je proposerai des actions concrètes et la contribution que notre association va apporter au succès de la stratégie. L'orientation 1 se lit: informer, sensibiliser, éduquer, innover.
Cette orientation nous inspire rapidement deux commentaires: la présence insuffisante de l'État au niveau médiatique. Les acteurs oeuvrant dans l'éducation à l'environnement et au développement durable ? enseignants et formateurs des ONG ? doivent se sentir épaulés par les pouvoirs publics. Une grande partie de la population n'est pas encore familière avec les nouvelles technologies de l'information, parce qu'on fait référence souvent à Internet, et la télévision demeure de loin le moyen de communication le plus efficace. La promotion du développement durable doit donc être faite par ce moyen et aux heures d'écoute importantes.
La publicité est aussi un puissant moyen de communication, d'éducation informelle. Il serait souhaitable que l'État intervienne dans ce champ en tentant d'équilibrer l'importance des messages publicitaires, durée et contenu. Ainsi, nous estimons que la place occupée par la promotion de l'automobile est nettement disproportionnée par rapport au message invitant la population à une consommation responsable.
Orientation 2: réduire et gérer les risques pour améliorer la santé, la sécurité et l'environnement. Si l'environnement est devenu la préoccupation majeure des Québécois, c'est sans aucun doute en raison de l'influence directe que la qualité de l'environnement a sur leur santé. L'éducation à la santé devient donc une nécessité, et les enseignants et les éducateurs s'en préoccupent de plus en plus. Pour preuve, plus de 500 d'entre eux se sont inscrits au huitième colloque sur l'éducation relative à l'environnement de Montréal, qui a pour thème T'es vert... t'es en santé?, que l'AQPERE et la commission scolaire de Montréal ont convoqué le 9 novembre prochain, à l'école secondaire Saint-Henri.
Deux facteurs majeurs interviennent ici: l'exercice physique et la saine alimentation. Nous saluons ici les initiatives heureuses prises par les pouvoirs publics: sortir la malbouffe de nos institutions scolaires et offrir des installations qui permettent un accroissement de la pratique de l'exercice physique, la multiplication des pistes cyclables à Montréal et ailleurs. L'augmentation du nombre de places de stationnement pour bicyclettes dans nos écoles est sans aucun doute un incitatif aux modes de transport alternatifs. Le programme L'école en santé est certainement une excellente initiative et témoigne de l'efficacité d'une synergie entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et celui de l'Éducation. Il faut maintenant introduire dans nos écoles une véritable alimentation santé.
Orientation 3: produire et consommer de façon responsable. L'engagement du gouvernement à donner l'exemple par la gestion écoresponsable de ses activités dans tous les ministères est fondamental, mais les résultats concrets obtenus doivent être régulièrement communiqués aux citoyens afin qu'ils soient eux-mêmes motivés à passer à l'action. Nous qui sommes sur le terrain des écoles, des cégeps et des universités, nous nous rendons compte des efforts importants accomplis par les jeunes, les enseignants et les administrations scolaires. Mais, si les élus qui font les lois se donnent la responsabilité de s'y conformer en premier lieu, cela a beaucoup d'influence sur la motivation des citoyens dans leurs milieux respectifs. C'est alors que les politiques environnementales institutionnelles prennent tout leur sens, que les achats écoresponsables se font jour et que la pratique d'une gestion écologique des matières résiduelles gagne en ampleur et en efficacité. Il en est de même des efforts qui visent une moindre consommation d'énergie, l'amélioration de la qualité de l'air et les mesures mises en place pour atténuer le gaspillage de l'eau.
En créant, en 2004, le Colloque sur l'écodéveloppement des institutions d'enseignement du Québec, l'AQPERE a voulu se donner un instrument de mesure des progrès accomplis au fil des années. Cet événement annuel fournit des occasions d'échange d'expériences, de coups gagnants et d'accroissement de la motivation à emboîter le pas à ceux qui sont moins avancés. Les deux journées de formation que comportent ce colloque s'adressent principalement aux cadres scolaires, directeurs des ressources matérielles, directeurs des études et responsables des services aux étudiants. La quatrième édition aura lieu le 6 et le 7 mars 2008, au cégep de Jonquière.
Orientation 4: accroître l'efficacité économique. Si l'éducation relative à l'environnement se trouve moins interpellée par cette orientation, cette dernière a cependant une importance indirecte cruciale, surtout en ce qui concerne la gestion des matières résiduelles dans les institutions d'enseignement. Il est en effet fâchant pour les élèves, les enseignants qui s'adonnent à la pratique des 3RV dans nos écoles de constater que leurs efforts sont parfois anéantis par l'irrégularité avec laquelle les récupérateurs viennent prélever les matières destinées au recyclage. Au cours de nos interventions dans les écoles, nous avons maintes fois eu des plaintes à ce sujet.
Nous croyons toutefois que cette situation ira en s'améliorant avec l'orientation envisagée ici. Si les municipalités se voient octroyer davantage de ressources grâce à la compensation financière qu'elles recevront pour les services de récupération, en vertu de l'application du principe du pollueur-payeur aux entreprises qui mettent sur le marché des emballages, que les institutions se voient dans l'obligation de gérer de manière responsable, les municipalités pourront mieux servir les institutions qui sont de gros producteurs de matières résiduelles recyclables. Ce n'est qu'à cette condition qu'elles atteindront les rendements prévus à la Politique de gestion des matières résiduelles 1998-2008. Étant donné la proximité de cette échéance, il faudra faire vite. Mais il serait vraiment souhaitable que, sur l'ensemble du territoire québécois, les municipalités voient à ce qu'il n'y ait aucune carence à ce sujet.
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(11 h 50)
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Répondre aux changements démographiques, orientation 5. A priori, on peut penser que cette orientation est fort éloignée de l'éducation relative à l'environnement. Or, c'est bien le contraire, et tout dépend de la place que le projet éducatif fait à l'environnement. Nous croyons que la réalité actuelle conduit l'école à prendre résolument la voie de l'éducation à l'environnement. Nous avons constaté de nos propres yeux qu'une école menacée de fermeture a réussi, grâce à une intervention commune des élèves, du personnel, des parents et finalement de l'ensemble de la communauté, qui souhaitaient tous collectivement que l'école reste ouverte, à réaligner l'enseignement vers un contenu et une pédagogie orientés vers l'environnement, à renaître, à tel point qu'elle a triplé son effectif et ainsi éloigné la menace de fermeture. Mieux que cela, les parents ont constaté chez leurs enfants un engouement accru pour l'école et ce que les enfants y apprenaient parce que l'enseignement reçu était davantage orienté vers les réalités de la vie. Les parents ont préféré payer le transport scolaire plus cher pour que leurs enfants reçoivent une éducation orientée vers le respect de l'environnement. Cet exemple, qui nous vient d'une école du Bas-Saint-Laurent, est très important pour bien des écoles qui pourraient connaître la crainte de la fermeture. Ce qu'il nous apprend, c'est que le pouvoir de l'imagination créatrice a été au coeur du sauvetage de l'école.
Le principe 16 évoqué dans cette orientation s'applique particulièrement aux régions, et l'éducation relative à l'environnement a un rôle important à jouer. Chaque région du Québec a ses forces, mais on n'apprend pas aux élèves à les connaître. Le rapport à son territoire est un élément majeur dans le développement du sentiment d'appartenance à son milieu. Les jeunes apprennent alors à l'aimer et, même s'ils le quittent momentanément pour étudier ailleurs, ont peut-être le goût plus tard de s'y réinstaller parce qu'ils y ont bâti leurs racines. À travers nos échanges, on constate qu'un nombre croissant de jeunes reviennent dans la région où ils ont grandi pour y développer de nouvelles entreprises. Il est important de recenser ces initiatives et de les faire connaître à nos jeunes dans les écoles.
En région, l'école peut avoir une influence concrète sur le développement des entreprises existantes et même la création de nouvelles. Le projet Agriculture soutenue par la communauté, développé par le groupe Équiterre...
Le Président (M. Bergman): En conclusion. Il vous reste une minute.
M. Litzler (Robert): ...peut être promu à un bel avenir dans les institutions du Québec. Il cadre parfaitement avec un projet éducatif dans lequel le personnel de l'école participe à l'agriculture soutenue par la communauté. Ce projet est à la fois favorable à l'environnement puisqu'il encourage l'achat local, donc moins générateur de gaz à effet de serre, économiquement rentable puisqu'il stimule la création d'emplois et socialement souhaitable parce qu'il participe un grand nombre de citoyens à la mise en valeur des produits locaux.
Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Litzler (Robert): L'orientation 6 sera ma conclusion, mais il y a beaucoup d'éléments sur lesquels je pourrai répondre par la suite parce que tout ce que l'AQPERE pourra offrir comme support... Aménager...
Le Président (M. Bergman): Malheureusement...
M. Litzler (Robert): Juste deux paragraphes.
Le Président (M. Bergman): Parfait.
M. Litzler (Robert): Et c'est rapide. Aménager et développer le territoire de façon durable. Dans ce champ, il y a également de la place pour l'éducation au développement durable. Un exemple révélateur nous vient de la Conférence régionale des élus de Laval qui a pris l'initiative d'introduire la nature dans les cours d'école en réaménageant les espaces récréatifs et en assortissant cette transformation à un effort du corps enseignant d'orienter l'éducation vers le développement d'une écocitoyenneté des élèves. Des réactions très positives commencent déjà à se manifester à la fois chez le corps enseignant et chez les élèves. Les élèves apprécient davantage l'école, le sentiment d'appartenance grandit. Les élèves apprécient davantage l'école, et les enseignants se sentent investis d'une responsabilité à laquelle ils se prêtent très volontiers.
Dernier paragraphe. Nulle part ailleurs, au Québec, nous n'avons autant senti l'attachement des citoyens à leur territoire comme dans la Vallée-de-la-Bastican, lorsque le colloque de Trois-Rivières nous a menés à la rencontre des habitants de cette vallée. La rivière et les paysages qui ont façonné l'âme de ce peuple y sont certainement pour quelque chose. L'éducation doit amener les jeunes à ressentir la même chose. L'école a le devoir de cultiver chez les jeunes leur rapport au territoire qui est le leur. Merci.
Le Président (M. Bergman): Merci, M. Litzler. Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Vraiment, bienvenue, M. Litzler.
Je veux ici que l'ensemble des parlementaires qui vous ont entendu et qui vont échanger avec vous réalisent qu'on échange avec un Québécois qui, premièrement, fait partie du Cercle des Phénix de l'environnement, donc dont la contribution à la société québécoise pour l'environnement a été soulignée par le gouvernement du Québec, et je crois que votre mémoire illustre très bien votre profonde connaissance, mais pas seulement intellectuelle et pas seulement théorique, bien que vous êtes vraiment du milieu de l'éducation, mais votre profonde connaissance de ce qu'on appelle familièrement le terrain, là, comment ça se passe. Et le fait que vous souligniez avec tellement de fierté vous-même ce qui se passe dans les différentes régions du Québec, là, nous montre que vous avez une connaissance très intime de ce qui se fait. Et, quand à la fin, en conclusion, vous témoignez de la volonté des citoyens de bouger au nom de l'environnement, on sent que vous le faites à partir vraiment d'une très, très bonne connaissance des Québécois.
Moi, sur un ton plus personnel, M. Litzler, moi, je me souviens de vous quand, moi, avant d'être en politique, j'étais à Pro-Est, une société pour le développement socioéconomique de l'est de l'île de Montréal. Vous, vous ne le savez pas, mais vous nous avez influencés à l'époque ? vous étiez donc au collège de Rosemont ? puisque, devant l'importance que prenaient vos travaux au cégep de Rosemont, ça avait influencé un certain nombre de personnes, dont à l'époque la corporation Angus, dont Pro-Est, dans une certaine vision des choses où on disait que l'environnement pouvait devenir un vecteur d'excellence pour l'est de l'île de Montréal, qui par ailleurs avait plutôt une image d'un territoire marqué par la présence de l'industrie lourde et de problématiques environnementales. Je vous le dis honnêtement, vous avez influencé un peu les choses en disant qu'on pouvait tout simplement retourner cela, retourner cela en disant que des gestes pour l'environnement dans l'est pouvaient être une source de fierté à la fois pour les entreprises et pour les citoyens.
Vous vous souviendrez peut-être que ça nous avait amenés à beaucoup creuser la problématique des sols contaminés, à mettre en place la zone d'intervention prioritaire aussi pour le fleuve Saint-Laurent dans cette région-là de l'est de l'île. Mais, quand à l'époque on se promenait pour dire pourquoi il était important de parler d'environnement dans l'est de l'île de Montréal, parmi...
Vous savez, des fois, on fait la nomenclature de ce qui est objet de fierté. Bien, entre autres, à ce moment-là, le collège de Rosemont et vous, toutes vos initiatives faisaient partie de la nomenclature de dire pourquoi on pense qu'il y a déjà là un créneau d'excellence pour l'est de l'île de Montréal. Donc, moi, je vous reçois avec beaucoup de déférence, avec beaucoup de respect.
Je reçois votre mémoire vraiment avec beaucoup d'intérêt et surtout beaucoup, beaucoup de respect et je pense qu'on a pu lire que vous êtes présent parmi nous en ce 1er novembre alors que, dans une semaine à peine, vous allez être l'hôte d'un important colloque qui va se dérouler dans le sud-ouest de Montréal. Donc, j'apprécie d'autant plus votre présence ici, à Québec, en sachant que ça veut dire que, vous et votre équipe, vous en avez sûrement plein les bras devant l'organisation d'un nouveau colloque qui fait le lien, si j'ai bien compris, entre la question de santé et la question de l'environnement.
Ma première question, elle va être d'ordre général. En fait, votre premier commentaire, vous dites: On endosse la vision, on endosse les grands enjeux contenus dans la stratégie. Déjà lors de la consultation, en 2005, vous aviez insisté sur l'aspect de l'information, de l'éducation, de la sensibilisation, et, dans vos premiers commentaires par rapport à la stratégie, par rapport à la première orientation, qui est au coeur, je pense, vraiment de votre intérêt, là ? informer, tout ça ? votre commentaire, c'est l'utilisation des grands médias, puis même vous dites carrément la télévision. Je vais vous dire, j'ai été surprise parce que, je me dis, je suis pourtant devant quelqu'un qui, au fil des années ? sûrement par faute de moyens, je comprends ça ? mais a obtenu des résultats et a instauré, je dirais, un changement de culture dans plusieurs institutions, dont notamment dans le milieu de l'enseignement, particulièrement dans les cégeps. Et là je suis un peu étonnée de vous entendre dire ? parce que, vous savez, là, si on fixe des priorités ? de vous entendre dire que vraiment le doux reproche que vous nous faites, c'est de dire: Vous n'êtes pas assez présents à la télévision.
Puis, moi, là, en vous écoutant ensuite tout faire la nomenclature sur chacun des aspects, des histoires de gens à succès qui se connaissent au Québec, là je suis un peu étonnée, en me disant: Bien, pourtant, est-ce que vraiment c'est la bonne façon? Donc, je vous permets, là, de me reconvaincre que vous me dites: Bien, ça veut dire mettre des fonds au niveau de campagnes publicitaires à la télé. Je veux vous réentendre là-dessus parce qu'il me semble que votre parcours serait plutôt en train de me convaincre du contraire, presque.
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(12 heures)
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M. Litzler (Robert): Oui. Bon, merci de m'interpeller là-dessus. Ce que je voulais dire, au fond, quand vous interrogez le citoyen dans la rue... Moi, je le fais, je le fais avec les gens qui demeurent dans la maison que j'occupe et je leur dis: Développement durable, qu'est-ce que ça signifie pour toi? Bien, personne n'est en mesure de me donner une réponse correcte. Alors, je me dis que, si j'ai commencé cela par ce commentaire-là, c'est que je dis: Oui, bien sûr, la télévision nous a mis en évidence, et il y a beaucoup de gens qui ont entendu parler de nous, et puis beaucoup d'autres. Il est connu dans les messages de MétéoMédia.
Il y a un effort considérable qui est fait pour informer les gens sur les capsules sur les changements climatiques et leur rapport à l'environnement et les efforts que chacun d'entre nous peut faire pour faire sa petite part qui, multipliée par des milliards d'exemples, donnera des résultats en bout de ligne. Parce que souvent on se fait dire: Oui, mais qu'est-ce que ça me donne, moi, de mettre mon gobelet de plastique... de le nettoyer, de mettre mon gobelet de plastique là? Ça ne donne rien, c'est une goutte d'eau, ça. Bien oui, mais des milliards de gouttes d'eau...
Alors, ce que je voulais dire par là, c'est que le gouvernement doit devenir pédagogique. On l'a dit tantôt aussi dans la dernière présentation, c'est qu'il doit expliquer aux gens ce que cela veut dire, le développement durable. Et c'est ça que j'appelle, quand je fais référence à la télévision... Ça peut être la radio aussi, ça peut être les communications électroniques. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a l'éducation formelle qui se fait à l'école et qu'on tente de faire de mieux en mieux, il y a l'école non formelle... pardon, il y a l'éducation non formelle qui est celle que nos multiples groupes environnementaux font sur le terrain avec la population et souvent avec les écoles, et ils le font très bien, et il y a l'éducation informelle qui est celle qui nous vient par la publicité, par les messages visuels, par ce que les gens voient à la télévision, et ce, à des heures d'écoute importantes.
Donc, moi, je me dis, je fais un appel au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs d'éclairer le plus de citoyens possible sur ce que ça veut dire et sur l'espoir qu'ils ont, que le ministère a, que chaque citoyen, où qu'il demeure au Québec, comprenne bien que son geste est un geste d'une extrême importance et qu'il l'encourage dans ce sens. C'est juste ça.
Le Président (M. Bergman): M. le député d'Orford.
M. Reid: Merci, M. le Président. J'aimerais profiter de votre présence pour peut-être avoir un éclairage. J'ai vu que vous avez écouté attentivement les gens des premières nations qui sont venus avant vous. Moi, vous savez que je crois fermement, comme je pense que vous l'avez montré dans votre vie, que ce sont par les jeunes souvent que les changements arrivent, hein, les progrès se font souvent de cette façon-là. Vis-à-vis des premières nations, qui ont démontré une préoccupation pour le développement durable tout en disant qu'il y avait des éléments qui ne correspondaient pas à leurs vues et en disant aussi que la stratégie ne répondait pas nécessairement à leurs vues ou à leurs demandes, en parlant beaucoup de territoire, mais, d'une façon générale, est-ce que vous pourriez nous éclairer un peu ou avez-vous des suggestions sur ce que, nous, comme gouvernement, dans la préparation d'une stratégie gouvernementale de développement durable, pourrions faire pour rapprocher un peu ce qui me semble être une population du Québec de demain qui va être très importante parce que les jeunes ? et je pense qu'il y a un député qui l'a mentionné ? les jeunes des premières nations vont être une partie importante de notre population, la croissance qui est plus grande que le reste de la population, pour rapprocher ces parties-là? Parce que le développement durable, c'est une cause unique. Ce n'est pas une cause partisane, ce n'est pas une cause nationale, c'est une cause mondiale, en fait.
M. Litzler (Robert): Oui. Ça fait extrêmement plaisir, cette intervention que vous faites, et je me dis encore une fois que, si les choses n'avancent pas ? et c'est valable à tous les niveaux de la société ? c'est qu'il y a d'abord, au départ, une compréhension mutuelle de l'autre.
Lors d'une recherche que j'ai effectuée, qui a été financée par RECYC-QUÉBEC, l'année dernière, sur les facteurs de succès qui font que certaines écoles du Québec réussissent, entre guillemets, là, O.K.? ? préciser la réussite, ce n'est pas toujours évident ? en environnement... Et l'exemple que je vais vous citer, qui est d'ailleurs dans mon texte mais que je n'ai pas eu le temps de vous citer et que maintenant ça m'offre l'occasion de le faire... Le collège Saint-Paul... non, le collège Durocher, à Saint-Lambert, les étudiants et les enseignants ont dit à la direction: On veut mieux connaître les premières nations. Est-ce que le collège peut offrir un séjour de quatre jours en camping, dans la cour intérieure de notre école, à des autochtones avec lesquels nos jeunes et leurs jeunes pourraient mettre leurs problèmes en commun? Ce serait extraordinaire pour nous, les jeunes de l'école Durocher, de savoir c'était quoi, le respect de l'environnement pour les premières nations, c'était quoi, le savoir traditionnel de ces nations-là. Ce sont des nations qui vivent très proches de la nature. Nous qui sommes des urbains, mon Dieu qu'on a des choses à apprendre, et eux probablement aussi de nous! Est-ce que ces quatre jours pourraient nous servir à créer de véritables échanges?
Alors, je me dis, regardez, tout démarre au niveau de l'éducation, et, moi, je me dis que, si les Québécois connaissaient mieux les premières nations, fraternisaient davantage avec eux, les premières nations se rapprocheraient davantage de nous. Et n'est-ce pas là la réponse sociale qui est... On ne peut pas demander au gouvernement... Moi, ça m'énerve souvent d'entendre dire: Oui, mais le gouvernement ne fait rien. Un instant, là! Regarde dans ta cour, regarde ce que tu fais, toi.
C'est la même chose en environnement. O.K.? Il faut se regarder et dire: Qu'est-ce que je peux faire? Si, moi, je m'intéresse à un jeune Attimatek ou Algonquin, si je lui accorde du temps, si je lui accorde de l'écoute... On ne sait pas écouter, dans notre société. C'est très important. Si on lui accorde de l'écoute, la compréhension commence par l'écoute, elle se poursuit dans l'échange, elle se poursuit ensuite dans une connivence et dans un rapprochement qui va beaucoup plus loin.
Alors, moi, c'est ça. Je ne demande rien au gouvernement, je demande à nous tous, à l'ensemble de la société ? et c'est le message que nous pouvons transmettre par l'éducation: c'est dans l'école que ça doit se passer. Si le jeune, à la petite enfance, entend parler de ceux qui vivent dans le bois, lui qui n'y est peut-être jamais allé ? parce qu'il y a des Québécois qui demeurent à Montréal, qui ne connaissent pas la forêt; c'est épouvantable ? eh bien, si on commence par là, si ça transcende au niveau primaire, si on accorde à l'éducation des premières nations la place qui revient à cette éducation-là, si on poursuit ensuite au secondaire, si on poursuit au collégial et si ça gagne les universités, qu'on crée des associations, à l'intérieur des universités, qui permettent le rapprochement et le dialogue entre nous autres et les premières nations... Ça ne se fait pas du jour au lendemain. C'est quelque chose qui se construit lentement. Mais depuis combien de temps essayons-nous d'établir un véritable dialogue? C'est des siècles. Alors, c'est un peu comme dans l'âge géologique, hein? Alors, je me dis: Accordons-nous du temps maintenant, ne tardons plus, accordons-nous du temps pour échanger, pour aller au-delà, au-devant de l'autre, n'attendons pas qu'il vienne.
Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion.
M. Litzler (Robert): Alors, c'est ça. C'est ça, ma réponse.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Diamond: Merci, M. le Président. Les membres de la commission savent que l'éducation à l'environnement, c'est quelque chose qui me touche beaucoup parce que j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de mentionner que j'ai été justement au collège Durocher Saint-Lambert, qui a été en avance sur son temps, sur l'éducation à l'environnement, ce qui m'a beaucoup sensibilisé. Et d'ailleurs je fais une parenthèse. Ça me fait rire parce qu'effectivement le voyage dont vous parlez de quatre jours pour nous envoyer vivre avec les premières nations, bien, moi, je n'avais pas appliqué parce que les critères d'admission étaient fondés sur la quiétude en classe...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Diamond: ...et j'étais trop turbulent pour pouvoir être admissible à ces voyages-là. Donc, peut-être que je pourrais leur suggérer d'élargir les critères d'admissibilité.
La question que j'ai à vous adresser... Et j'en ai une seule, à vrai dire. Donc, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire, ça m'a éclairé beaucoup sur la dynamique que vous avez. Des fois, on reçoit des mémoires qui sont plus revendicateurs, d'autres qui sont plus inquisiteurs. Le vôtre est très constructif, et ça, c'est rafraîchissant de voir ça.
La seule question que j'ai à vous adresser, c'est considérant que l'éducation à l'environnement, c'est quelque chose d'important pour nous puis qu'on a une volonté de mettre de l'avant ce dossier-là. Il y a plusieurs organismes qui sont venus devant nous, qui ont à peu près la même vocation: ENvironnement JEUnesse, entre autres, évidemment les écoles vertes Brundtland, les établissements verts Brundtland aujourd'hui qui sont venus, qui nous ont fait... et vous qui venez, qui font avec éloquence et beaucoup de dynamisme la promotion de l'éducation.
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(12 h 10)
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Et puis, moi, la question que j'ai à vous poser, puis c'est toute une question, c'est: À partir de ce constat-là qu'on veut en faire la promotion, comment est-ce que le gouvernement pourrait être capable rapidement de mettre en place un programme à l'échelle du Québec au complet pour être capable d'avoir évidemment l'uniformité dans l'enseignement, d'avoir une efficacité, d'avoir évidemment, bon, des sorties scolaires efficaces? Parce que ce n'est pas toutes les régions qui ont la même réalité. Est-ce que le corps professoral, oui, est-ce que les enseignants vont être capables d'assimiler...
Évidemment, souvent, c'est complexe. Au primaire, on y va avec des généralités. Bon. Puis les grands concepts, c'est quelque chose de plus facile à assimiler pour le corps professoral. Lorsqu'on arrive au secondaire, je veux dire, moi, je l'ai vécu, souvent les questions commencent à être tellement, tellement pointues que ça dépasse la capacité d'un professeur généraliste. Ça fait que, là, face à cette situation-là, qu'est-ce qu'on pourrait prioriser?
Et puis vivre ça, ça veut dire aussi qu'on a besoin d'une bonne collaboration avec votre organisme, ENvironnement JEUnesse, les écoles vertes Brundtland, qui ont déjà une expertise importante dans le domaine. Comment s'assurer que la transmission s'effectue adéquatement avec le gouvernement? Donc là, je comprends que c'est de changer complètement une culture, d'instaurer un cursus qui n'était pas là avant. Ça ne se fait pas en quelques jours. Comment est-ce qu'on peut le faire le plus rapidement possible à l'échelle du Québec?
M. Litzler (Robert): Il y a beaucoup de questions dans votre question, là.
M. Diamond: C'est une grande question, tu sais. Ha, ha, ha!
M. Litzler (Robert): Oui. Absolument. Absolument. Alors, écoutez, ce que je dirais par rapport à ça, c'est que j'ai fait une comparaison: pendant deux siècles, on était familiers avec la poubelle. Depuis 20 ans, tout le monde a son bac devant la porte. La comparaison est claire. Changer une mentalité, changer les choses, vouloir changer les choses rapidement, oublions ça. À tous ceux qui me disent, qui me posent ce genre de question, je leur dis: N'y allez pas de façon trop intense. Il vaut beaucoup mieux remporter un succès sur une petite initiative que de courir l'échec en y englobant trop large. O.K.? Ça, c'est le leitmotiv. Ça, c'est vraiment le principe directeur.
On n'a pas commencé à bousculer le collège de Rosemont en une journée, là, ça nous a pris six ans avant d'adopter une politique environnementale. O.K.? Et on avait commencé en 1990. Si on avait voulu instaurer une politique environnementale en 1990 parce qu'on y croyait, qu'on devait y venir, c'était l'échec total. Il fallait que les gens vivent... il fallait que les gens vivent de petits succès.
Je reviens maintenant à votre question. Nous avons actuellement différentes initiatives à tous les niveaux de l'enseignement: dans la petite enfance, à l'école primaire et secondaire, avec le projet Avenir Viable École Communauté. C'est un projet extrêmement important dans lequel la conférence régionale des élus ? très important ? a investi 3,5 millions de dollars. Ça sert évidemment à ramener la nature à l'école, à donner à la cour d'école un aspect différent. C'est fondamentalement important parce que le développement d'un sentiment d'appartenance pour les petits appartient à... Il faut qu'ils aient envie d'aller à l'école. Mais ils n'ont pas seulement envie d'aller à l'école parce qu'ils ont des terrains de jeux ou parce que des arbres viennent d'arriver et qu'il y a un aménagement paysager plus invitant, ils l'ont aussi, et ça, c'est extrêmement important... Et c'est ma surprise. C'est que les enseignants veulent qu'on les aide et qu'on les accompagne pour développer l'éducation à l'écocitoyenneté. C'est extraordinaire, ça. Et ça ne se fera pas du jour au lendemain.
Vous avez, dans une école, des convaincus comme moi et vous avez des opposants comme ceux que je rencontre. Il s'agit de fonctionner avec ceux qui ont le goût de fonctionner parce que ceux-là font du bon travail. Et, quand la masse critique de cela sera atteinte, les autres n'auront pas d'autre choix, parce qu'ils vont se sentir comment? Et ce sont les élèves qui vont les pousser. O.K.? Ça, c'est pour le niveau primaire, secondaire.
Ce que nous faisons actuellement et qui est soutenu... Parce que nous avons été demandés pour gérer le programme d'éducation et de formation à l'école. C'est l'AQPERE qui a eu... On était extrêmement impressionnés que la conférence régionale des élus fasse appel à un groupe comme le nôtre. Mais probablement ils nous avaient trouvés sur le site Internet et puis ils avaient des connaissances qui leur ont dit: Écoutez, ce groupe-là, il est tellement actif sur le territoire québécois, on va leur faire confiance, et on est en train de faire cela, soutenu financièrement. Voilà un point qui est important.
Et dans votre question et dans ma réponse, il y a évidemment aussi les moyens que les gouvernements peuvent mettre à la disposition des écoles, et des enseignants, et des groupes comme le nôtre. C'est que le Fonds d'action québécois pour le développement durable, que tout le monde connaît, a mis à la disposition de l'AQPERE, évidemment avec un travail de préparation de dossiers, etc., consistant... Ce n'était pas sur ma bonne tête que le FAQDD a débloqué 300 000 $, on a travaillé fort là-dessus et on l'a, maintenant.
Le Président (M. Bergman): Monsieur...
M. Litzler (Robert): Et donc ça, c'est primaire, secondaire. Mais, ce que nous vivons actuellement comme chantier, comme laboratoire d'éducation à l'environnement à Laval, vous imaginez un peu que ça peut se transposer à toutes les commissions scolaires du Québec.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Lévis.
M. Lévesque: J'ai eu la chance, à travers les années, de participer à plusieurs audiences du BAPE, dont la Eastmain-Rupert, sur le dossier de Rabaska, puis, s'il y a un mot qui a été galvaudé par tout le monde à peu près, c'est «le développement durable». Ici, dans les principes de développement durable, il y en a un, le e, c'est la participation et l'engagement, puis j'aimerais voir un peu votre façon de voir ça. On parle d'une vision concertée du développement et d'assurer sa durabilité sur les plans environnemental, social et économique. Quand on parle de développement durable, il y a quand même le mot «développement» à l'intérieur de ça, puis ce qu'on vient parler directement de là, c'est de l'acceptation sociale d'un projet.
Pour vous, l'acceptation sociale, qu'est-ce que pour vous peut représenter l'acceptation sociale dans un projet?
M. Litzler (Robert): Alors là, écoutez, vous me donnez une chance inouïe de répondre à cette question par un exemple concret qui se développe actuellement, et j'ai été très ému tout à l'heure quand deux personnes qui sont en arrière de moi et qui savaient que je venais en commission parlementaire se sont déplacées de la Vallée-de-la-Bastican pour venir m'appuyer. Je les remercie évidemment beaucoup. Mais tout ce que vous venez de dire, l'acceptabilité sociale, la démarche éducative, le contexte économique aussi, le vrai développement durable qui associe les trois éléments, le social, l'économique et l'environnemental, sont à l'intérieur de ce que j'espère devenir un projet extraordinaire qui a pour titre Bastican, vallée de rêve, vallée d'espoir.
Voici ce qui se passe. Quand on regarde un petit peu ce territoire-là, qui est un territoire magnifique dont la rivière a façonné l'âme de ce peuple, c'est évident que les habitants de cette région sont collés à la rivière. Ils ne veulent pas la quitter, cette rivière-là, mais les problèmes sont énormes, la fuite démographique est épouvantable. L'arrivée de nouvelles personnes, des immigrants ou d'autres, ou des Québécois qui viennent de la ville vers la campagne, est inexistante. Nous avons dit avec ces gens-là... Et, moi, je suis venu de l'extérieur. C'est quelque chose qui a démarré dans un colloque à l'ACFAS, à Trois-Rivières, qui avait pour titre Environnement et engagement citoyen, et nous sommes allés dans la vallée de la Batiscan. Moi, le petit urbain de Montréal, on est allés dans la vallée de la Batiscan parce qu'on voulait d'abord les écouter. L'écoute. On avait avec nous des gens de la région, mais il y avait aussi des gens de l'Université du Québec à Montréal et il y avait des citoyens, il y avait tout ce monde-là, et on a vu combien ces citoyens-là ont engagé des luttes contre ceux qui pensent que la rivière ne peut développer ce territoire que lorsqu'on y construit des minicentrales.
Mais pensons-y deux minutes. Si, nous, on a un projet alternatif à proposer à l'ensemble de la société, un projet alternatif qui va faire quoi, qui va faire en sorte que les 12 écoles primaires et secondaires de cette région apprennent à connaître leur territoire et à l'aimer parce qu'on y fera une éducation au territoire, qu'on les fera réfléchir sur les richesses que représentent les ressources de la Batiscan, ne serait-ce que la rivière elle-même avec sa magnificence et ses 10 chutes... Vous détruisez ce territoire-là. Vous pouvez créer au contraire une richesse, faire de ce territoire un territoire agrotouristique et écotouristique remarquable, peut-être unique au Québec, dans tous les cas possibles, dans toutes les régions qui ont une richesse comme une rivière parce qu'une rivière, c'est fondamental, et la forêt aussi.
Il faut savoir tirer parti des richesses du territoire, ce que le territoire nous offre, les cultures spécifiques, l'artisanat spécifique, pour amener ça dans les écoles. Mais, quand vous amenez ça dans l'école, le petit jeune qui rentre à la maison et qui apprend à ses parents que, là, il pourrait promener un visiteur étranger dans son village pour lui faire vivre le patrimoine construit et le patrimoine naturel de son village, avez-vous pensé à ça, la fierté de ce gars-là? Avez-vous pensé un instant à ce parent à qui ce jeune vient rapporter ça de l'école et qui lui-même ne connaissait peut-être pas de ces richesses-là? Il dit: Mon Dieu! mon jeune, il en apprend, des choses, à l'école! Mais le parent, c'est peut-être un conseiller municipal, c'est peut-être un médecin, c'est peut-être un député, il a des enfants, c'est un agriculteur.
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(12 h 20)
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Le Président (M. Bergman): Monsieur...
M. Litzler (Robert): C'est un agriculteur qui est taxé, attention, c'est un agriculteur qui est taxé de polluer la rivière. Pourquoi? Parce qu'il a abattu les arbres qui sont à proximité, dans les bandes riveraines ? il n'y en a plus ? et donc le lessivage de la pluie va amener les pesticides, va amener la disparition des poissons, etc. Vous voyez ce que je veux dire?
Le Président (M. Bergman): Monsieur...
M. Litzler (Robert): Mais on apprendra à l'école comment la réduction des gaz à effet de serre et leur compensation, calcul qui peut être fait par les jeunes à l'école, qui vont évaluer les gaz à effet de serre produits par tous ceux qui se déplacent en voiture et qui ensuite disent: Bien, les arbres qu'on vient de calculer, on va les planter sur les bandes riveraines... Ils vont aller voir l'agriculteur et vont lui dire...
Le Président (M. Bergman): M. le...
M. Litzler (Robert): Nous, on a une proposition à te faire pour que tu ne sois plus taxé de maudit pollueur.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Lévis, pour une...
M. Litzler (Robert): Alors ça, ça fait vivre toute une société, ça amène des nouveaux emplois, ça amène des nouveaux développements, les gens sont fiers de leur région et le développement d'une région commence par la fierté de ses habitants.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Lévis, pour une très courte question et une très, très courte réponse.
M. Lévesque: Parfait. Maintenant, vous apportez ce projet-là à votre communauté. L'acceptation sociale, quelle doit être l'acceptation sociale? Est-ce que ça prend 50 plus un, pour cent? Est-ce que ça prend 80 % des gens qui doivent être d'accord? Est-ce que ça prend 100 % des gens qui doivent être d'accord pour qu'on puisse faire du développement durable sur un projet?
Le Président (M. Bergman): Il reste seulement...
M. Litzler (Robert): Oui. Très rapide, hein? Très rapide. O.K. Vous savez, il faut tenter... On n'a jamais l'unanimité dans une société, hein? C'est clair. Mais on peut sentir le pouls d'un certain consensus. Aujourd'hui, il y a un projet sur la table, qui est celui de la construction de minicentrales. Nous apportons comme alternative ? que les gens ne connaissent pas encore, les consultations vont démarrer; nous apportons comme alternative ? un projet de développement régional et nous ferons la preuve, alors que les choses ne sont pas faites encore, mais nous ferons la démonstration qu'il y a un véritable développement possible. Maintenant, vous autres, les citoyens, O.K., tous, vous avez deux projets sur la table. Vous en avez plus qu'un, vous en avez deux.
Le Président (M. Bergman): Malheureusement...
M. Litzler (Robert): Est-ce que vous choisissez celui qu'on vous propose ou est-ce que vous restez avec le développement de minicentrales, qui va donner de l'emploi à une centaine de personnes peut-être ou moins lors de la construction mais qui est ensuite réglé par un ordinateur dans son fonctionnement ultérieur?
Le Président (M. Bergman): Malheureusement...
M. Litzler (Robert): Et rien n'est prouvé qu'Hydro-Québec redonnera les redevances qui sont issues de cette rivière-là et qui normalement reviendraient à la population.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.
M. Bouchard: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Litzler. Merci de ce témoignage à la fois vibrant et durable, parce que vous êtes là depuis fort longtemps, et on souhaite que vous y soyez encore très longtemps.
Votre venue, et la lecture de votre mémoire, nous fait nous rendre compte que l'objectif 6 ? c'est un petit détail, mais je pense qu'il vous concerne directement ? de l'orientation 3, en page 12, est peut-être mal formulé, là. On verra ça avec la ministre éventuellement. «Appliquer des mesures de gestion environnementale et une politique d'acquisitions écoresponsables au sein des ministères et des organismes gouvernementaux.» Au sens de la Loi sur le vérificateur général, les écoles ne sont pas des organismes gouvernementaux, donc ne sont pas incluses dans cet objectif. Je le souligne en passant, là, pour qu'on puisse éventuellement y revenir, si possible.
Vous avez mentionné... et vous me rappelez de très beaux souvenirs, cette expérience de l'école de Sainte-Paule de Matane où on a réussi à faire tourner carrément le trajet de l'autobus, qui aurait pu transporter les enfants de Sainte-Paule vers Matane. C'est maintenant les enfants de Matane qui vont vers Sainte-Paule et qui ont développé un beau programme environnemental. Cependant, ce n'est pas inscrit dans la durée, hein, ce type de projet. Et je pense qu'on devrait avoir une préoccupation, en tant que parlementaires, de voir à ce que ces gens-là ne soient pas obligés de faire une bataille quasiment annuelle pour que leur institution soit considérée comme une institution durable.
D'autre part, vous avez mentionné aussi et vous mentionnez, dans votre mémoire, en page 6, orientation 6, deuxième paragraphe, cette expérience dans la vallée du Batiscan. Je pense que ce que vous soulevez là est un... Comment dirais-je? Il y a quelque chose là-dedans qui s'applique à énormément de nos bassins versants au Québec.
J'étais dans le bassin versant de la Bayonne, la semaine dernière, puis je me rends compte combien on enseigne drôlement l'histoire à nos enfants au Québec, parce qu'il y a plusieurs de nos rivières qu'on voit maintenant en état de détérioration et qui ont été jadis la voie de construction sociale, économique et communautaire de notre pays. La Bayonne notamment, il y a déjà eu 33 ou 34 petits moulins qui faisaient fonctionner des scieries, qui faisaient fonctionner des moulins à grain, etc. Et j'ai posé la question là-bas au gens: Oui, mais est-ce que vos enfants connaissent l'histoire de la Bayonne? Parce que quelque part l'idée de sauver une rivière, ce n'est pas simplement sauver une rivière pour son état actuel, pour l'utilité qu'on pourrait en tirer, mais c'est aussi sauver un patrimoine collectif, c'est aussi sauver une identité. C'est la même chose pour le fleuve Saint-Laurent, c'est renforcer l'identité. Le patrimoine, c'est notre identité, et votre beau témoignage à propos de la vallée du Batiscan nous rappelle cela aussi.
Ma question ? puis là vous allez devoir faire ça très vite parce qu'il y a un caucus qui s'installe ici, je pense, juste après, là: Quelle est la situation de l'éducation viable au Québec en regard de ce qui se fait internationalement? Où est-ce que nous sommes, là, en termes de développement de cette approche?
M. Litzler (Robert): Écoutez, moi, je peux vous dire que, si le Canada n'a pas à s'enorgueillir de ses résultats sur le plan de l'environnement, en ce qui concerne l'éducation relative à l'environnement, nous sommes extrêmement bien positionnés. Et, la preuve de ça, vous savez qu'actuellement on est dans la décennie 2005-2014 de l'éducation au développement durable, mais savez-vous quels ont été les acteurs pour que cette décision-là soit prise aux Nations unies? Un des acteurs majeurs a été le ministre David Anderson.
Lorsqu'en 2002, à Johannesburg... Nous n'y étions pas, mais nous avions préparé pour lui, à son intention, nous avions préparé ? et ailleurs au Canada aussi, mais au Québec ? nous avons préparé pour lui 30 plans d'action de groupes environnementaux, des plans d'action sur cinq ans de ce qui pourrait se faire et de ce qui se ferait au Québec par rapport à l'éducation relative à l'environnement. Et, lorsque le ministre Anderson est arrivé avec non pas 30 mais 250 projets à travers le Canada, O.K., et que ces projets-là ont accompagné son plan stratégique de développement à l'avenir viable, d'éducation à l'avenir viable du Canada, qui est encore sur une tablette, je le dis vite, vite, vite, entre parenthèses, parce qu'il ne s'est pas véritablement développé... Nous, au Québec, si on a l'audience de toute la Francophonie ? je dis bien cela et je le dis aussi dans mon mémoire ? dans la partie internationale, c'est qu'en 1997 nous avons tenu ici le premier forum planétaire à l'Université du Québec: 700 personnes, 34 pays. Nous avons accompagné par la suite... Et M. Gaudreau est témoin de cela parce qu'on a eu du financement de ce ministère-là pour pouvoir accompagner, en France, à l'UNESCO, une délégation de 96 personnes issues des groupes...
Le Président (M. Bergman): Malheureusement...
M. Litzler (Robert): ...et ensuite, en 2005, au Burkina Faso. Et, en 2004, et je conclurai là-dessus, en 2004...
Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé.
M. Litzler (Robert): ...a été formée l'organisation internationale planétaire. Et savez-vous où est son siège social? Il est au Québec, il est au collège de Rosemont, et c'est l'AQPERE qui gère le secrétariat provisoire.
M. Bouchard: M. le Président.
M. Litzler (Robert): Je pense que...
M. Bouchard: Oui. D'abord, je vous remercie de votre témoignage. Mais j'aimerais savoir de combien de minutes on a disposé, le deuxième groupe d'opposition, ce matin, sur ce dossier-là, sur ce mémoire.
Le Président (M. Bergman): Sur le dossier?
M. Bouchard: Non, sur le mémoire, là.
Une voix: Est-ce qu'il reste du temps?
Mme Beauchamp: Pour entendre M. Litzler?
M. Bouchard: De combien de minutes le deuxième groupe de l'opposition a-t-il...
Le Président (M. Bergman): Il y avait une planification de une heure.
M. Bouchard: Non, je comprends.
Une voix: On a combien de temps?
n
(12 h 30)
n
Le Président (M. Bergman): Mais il reste peu de temps maintenant pour le...
M. Bouchard: Mais de combien de temps avons-nous disposé, M. le Président? C'est là ma question.
(Consultation)
M. Bouchard: Bien là, regarde, c'est une question légitime, Pierre, là. Bon.
Le Président (M. Bergman): Mais c'était convenu que... M. le député de Vachon, c'était convenu qu'on va finir nos travaux à 12 h 30.
M. Bouchard: Oui, je comprends très bien.
Des voix: ...
Une voix: Alors, on a le temps...
M. Bouchard: Je comprends... Non, mais on est en dehors de la séance, comme tel. Mais je comprends très bien, M. le Président, que nous avons dû comprimer le temps, mais je me pose la question si le ratio de temps a été équitable envers mon groupe par rapport aux autres groupes et je vous demande d'examiner ça pour me répondre cet après-midi si...
Le Président (M. Bergman): Oui. Oui. Je l'ai fait. Je l'ai fait très, très soigneusement, M. le député de Vachon, et je le fais très soigneusement pour avoir équité pour chaque groupe parlementaire, incluant le vôtre.
M. Bouchard: Mais vous serez en mesure de nous donner les minutes cet après-midi.
Le Président (M. Bergman): Certainement.
M. Bouchard: Merci.
Le Président (M. Bergman): Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Litzler, je vous remercie pour votre présentation.
Je suspends nos travaux jusqu'après les affaires courantes de cet après-midi. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 15 h 54)
Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je demande encore une fois à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Je vous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de stratégie gouvernementale de développement durable.
On vous a distribué, aux députés de la commission, copie des deux annexes au mémoire de l'Institut de développement durable des premières nations du Québec et du Labrador, entendu ce matin; de plus, copie des trois documents déposés, ce matin, par cette même organisation.
Maintenant, pour nos travaux de cet après-midi, je demande le consentement des trois groupes parlementaires à cette commission parlementaire de poursuivre nos travaux jusqu'à 6 heures, nonobstant l'ordre de Chambre, qui est à 5 heures. Alors, avec votre consentement, on poursuit jusqu'à 6 heures.
À ce moment, on entend la Conférence régionale des élus de la Chaudière-Appalaches pour une heure. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les députés de la commission pour 45 minutes. Alors, la parole est à vous. Premièrement, si vous pouvez identifier ceux qui vous accompagnent, ainsi que vous-même, et faire votre présentation pour 15 minutes. Merci.
Conférence régionale des élus de la
Chaudière-Appalaches (CRE de la
Chaudière-Appalaches) et Conseil régional en
environnement de Chaudière-Appalaches (CRECA)
M. Laverdière (Réal): Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, membres de l'Assemblée nationale, on vous remercie particulièrement de nous laisser l'opportunité de vous présenter une vision régionale concernant cette loi.
La présentation des membres ici, à la table, se ferait de la façon suivante: à l'extrême droite, il y a M. Cosmin Vasile, qui est le directeur général du Conseil régional de l'environnement de Chaudière-Appalaches; à ma droite, M. Guy Lessard, qui en est le président; à l'extrême gauche, M. Martin Vaillancourt, qui est agent de développement à la Conférence régionale des élus de la Chaudière-Appalaches; à ma gauche immédiate, M. Laurent Lampron, qui en est le directeur général; et je suis moi-même Réal Laverdière, le président de la Conférence régionale des élus de la Chaudière-Appalaches.
Ce que nous allons essayer de faire dans un très court délai de temps, c'est de vous parler un petit peu des choix que la région de la Chaudière-Appalaches a faits antérieurement, à titre de conférence régionale des élus, concernant des actions dans le développement durable, qu'est-ce qui se fait présentement et un petit peu des orientations et des actions que nous avons l'intention de mettre de l'avant dans les prochaines années.
Les actions que la Conférence régionale des élus a faites jusqu'à maintenant concernant le développement durable. C'est, dans un premier temps, au moment de sa création, de s'adjoindre un groupe spécifique, un groupe-conseil qui s'appelle le Conseil régional de l'environnement de Chaudière-Appalaches, dont M. Lessard est le président. Dans la planification stratégique régionale 2002-2007, qui a été revue en 2005, il y a, à l'intérieur de ça, des éléments de développement durable qui sont aussi illustrés. Nous avons aussi une planification stratégique, au niveau de l'agriculture et de l'agroalimentaire, qui a été développée en Chaudière-Appalaches et qui repose sur le développement durable. Présentement, nous sommes à mettre en place ? et nous en sommes aux derniers éléments ? une commission régionale des ressources naturelles et du territoire sur le territoire de Chaudière-Appalaches.
Et je vais vous citer aussi quelques projets qui sont porteurs, qui sont présentement soutenus par la Conférence régionale des élus de la Chaudière-Appalaches. Il y a, entre autres, la question de la gestion de l'eau par bassin versant, et je pense que le plus connu du groupe est le COBARIC, le bassin versant de la rivière Chaudière, qui est situé sur notre territoire. Nous en sommes présentement aussi à travailler à définir une entente spécifique sur le développement durable au niveau de la région de la Chaudière-Appalaches, et le plan quinquennal de développement 2008-2013 qui s'enclenche présentement reposera sur ces éléments-là, ce qui m'amène à vous présenter très rapidement deux recommandations à caractère général concernant le sujet en titre.
La Conférence régionale des élus et le Conseil régional de l'environnement de Chaudière-Appalaches appuient la stratégie gouvernementale de développement durable. Cependant, les organismes tenus d'appliquer cette stratégie devraient pouvoir mettre en oeuvre simultanément un nombre limité et ciblé d'orientations et prioriser les orientations les plus appropriées de façon à s'assurer d'atteindre réellement les objectifs visés par la stratégie.
La deuxième est la suivante: la Conférence régionale des élus de la Chaudière-Appalaches et le Conseil régional de l'environnement recommandent des approches différentes de mise en oeuvre de développement durable en fonction du secteur d'activité des organismes, de la taille de ceux-ci et de l'importance relative qu'ils accordent aux différentes sphères qui composent le développement durable. Ces approches doivent impérativement être intégrées dans la stratégie gouvernementale de développement durable, qui se veut surtout une stratégie de changement planifié.
Là-dessus, je passerais la parole à mon collègue, M. Lessard, qui vous donnera des indications plus précises. Et, si vous le permettez, je vous offrirai quelques conclusions à la fin. M. Lessard.
n
(16 heures)
n
M. Lessard (Guy): Alors, merci. Alors, bonne fin d'après-midi à vous tous. Deux choses. La première, un petit mot sur les conseils régionaux sur l'environnement. Je pense qu'on est bien connus au Québec, ce n'est peut-être pas nécessaire d'insister. Nous autres, en Chaudière-Appalaches, on est actifs depuis 1991. Le mandat qui est le nôtre est le même que celui des 15 autres conseils régionaux, qui est inscrit dans une entente que nous avons signée avec la ministre de l'Environnement et du Développement durable, c'est-à-dire que nous devons favoriser et promouvoir des stratégies d'action concertée ? alors, c'est pour ça qu'on est actifs au sein de plusieurs comités ? en vue d'apporter des solutions aux problèmes environnementaux et participer au développement d'une vision globale de développement durable de la région par de la sensibilisation, de la formation, de l'éducation et d'autres types d'actions. Alors, c'est pour ça qu'on n'a pas trop de difficultés à nous démêler dans nos obligations par rapport à la protection de l'environnement, comparativement à nos obligations par rapport au développement durable, puisqu'en matière de protection de l'environnement nous avons à assurer une veille stratégique sur le secteur de l'environnement, et dans un but très précis, c'est celui de soutenir l'application, la révision et le développement des politiques, des lois et des règlements.
En contrepartie, pour ce qui touche le développement durable, on assume la réalisation et le soutien à la réalisation d'outils, d'activités de formation et de sensibilisation auprès des décideurs et de la population en général. Alors, comme l'a mentionné M. Laverdière tout à l'heure, c'est nous qui agissons comme groupe-conseil en développement durable au sein de la Conférence régionale des élus.
Nous avons 14 membres au sein de notre conseil d'administration, et ça regroupe 344 membres de tout le territoire de Chaudière-Appalaches. C'est un réseau très fort, très articulé. Les milieux socioéconomiques sont tous présents, les groupes environnementaux également, et c'est ce qui fait un petit peu notre efficacité d'intervention sur le territoire. Vous avez ces informations-là particulièrement à l'annexe 2, où on vous a présenté ce qui est notre plan d'action de cette année, là, comme groupe en développement durable.
La deuxième chose rapidement, c'est les cinq autres recommandations qu'on veut vous transmettre ce soir. Alors, la troisième, c'est que nous appuyons évidemment la première orientation de la stratégie gouvernementale de développement durable et nous considérons que celle-ci constitue la pierre d'assise de la mise en oeuvre du développement durable. Si on n'a pas la connaissance, c'est bien sûr que, dans ce domaine-là comme dans les autres domaines, on risque de faire des actions inutiles.
La recommandation n° 4, c'est que nous sommes d'avis que le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs doit chercher les méthodes les plus appropriées pour atteindre les objectifs de la première orientation en tenant compte de la mission des organismes gouvernementaux et en fonction de l'échelle territoriale visée. Par leur principal mandat, vous comprendrez que nous recommandons que les conseils régionaux de l'environnement soient les interlocuteurs privilégiés de votre ministère, les mieux placés pour mettre en application, au niveau régional, la première recommandation de la stratégie, puisque nous le faisons déjà.
La recommandation n° 5: poursuivre le soutien aux organismes qui sont déjà engagés dans le développement de technologies assurant le développement durable et prévoir des mécanismes d'éducation et d'échange liés à la stratégie gouvernementale. Alors, je pense qu'il faut encourager le virage vers le développement durable en soulignant les pistes à suivre pour soutenir la recherche et les nouvelles pratiques envisageables et en adoptant les indicateurs de suivi qui permettent d'évaluer l'atteinte des objectifs.
L'avant-dernière de nos recommandations, c'est qu'on est d'avis que le gouvernement associe les commissions régionales sur les ressources naturelles et le territoire, notamment le CRRNT de la Chaudière-Appalaches, sous la supervision de la CRE, à la mise en oeuvre du développement durable, et plus spécifiquement dans le cadre des objectifs de l'orientation 6, qui est d'aménager et de développer le territoire de façon durable et intégrée. Donc, notre conception, comme vous pouvez le voir, sur la base de notre expérience, ce n'est pas de développer de nouvelles structures, mais c'est d'intégrer dans les structures existantes, d'utiliser les véhicules qui sont déjà là, par les obligations des lois, en tenant compte de la décentralisation des pouvoirs au niveau des régions pour articuler le développement durable en région.
Et finalement la dernière, c'est qu'on est d'avis que le gouvernement favorise l'élaboration et la mise en oeuvre d'ententes spécifiques ? encore là, on ne voudrait pas créer de nouveaux véhicules, il y en a déjà qui sont là, qui sont efficaces ? alors les ententes spécifiques de régionalisation, qui porteraient sur la mise en oeuvre du développement durable avec les régions du Québec, notamment avec la région de Chaudière-Appalaches, et que ces ententes impliquent les différentes directions régionales des ministères concernés.
Alors, je vais laisser la parole à M. Vasile, qui va vous faire le lien un petit peu entre les recommandations qu'on vient de vous faire et la réflexion qui a été la nôtre.
M. Vasile (Cosmin): Merci, M. Lessard. Je veux m'excuser, premièrement, pour mon niveau de français, j'essaie encore de faire de mon français ma deuxième langue maternelle. Mais c'est dans cet esprit qu'on a fait la troisième recommandation, parce que, dans le développement durable, je pense qu'on doit parler la même langue. Donc, pour faire ça, on a besoin vraiment de la première orientation, qui est d'informer, de sensibiliser, d'éduquer et d'innover.
Cette recommandation est aussi entérinée par l'article 7 de la Loi sur le développement durable, qui dit qu'«aux fins d'assurer sa mise en oeuvre par l'Administration la stratégie identifie certains moyens retenus pour privilégier une approche concertée respectueuse de l'ensemble des principes de développement durable; elle précise aussi les rôles et [les] responsabilités de chacun ou de certains des membres de l'Administration, dans une perspective d'efficacité et de cohérence interne au sein de celle-ci».
En fait, notre mémoire est rédigé d'une vision régionale. On a cette vision régionale, compte tenu qu'un principe du développement durable, c'est le principe de subsidiarité. Et on s'est concentrés surtout sur deux recommandations parce qu'on considère que c'est bien de prioriser certaines orientations dans la stratégie de développement durable. Pourquoi on a ciblé uniquement deux de ces orientations? C'est parce qu'on considère que la stratégie est valable pour cinq ans. Donc, en cinq ans, c'est bien de cibler vraiment les objectifs qui peuvent être atteignables et ne pas se lancer dans des objectifs qui ne peuvent pas être atteints. On parle de 29 objectifs dans cette stratégie. Ça n'empêche pas que, dans notre mandat, nous pouvons prendre en considération plusieurs autres objectifs, plusieurs autres orientations, et essayer de les intégrer dans les deux orientations qu'on a ciblées qui, je le rappelle, sont l'orientation n° 1 et l'orientation n° 6.
Je veux souligner aussi que le gouvernement est tenu, comme j'ai dit, le gouvernement est tenu périodiquement de réviser l'ensemble de son contenu aux cinq ans, le contenu de la stratégie sur le développement durable. En effet, en étudiant ce qui s'est passé au niveau du fédéral, on a remarqué qu'après quatre ans, après la première stratégie de développement durable au niveau du fédéral, après quatre ans, plusieurs organismes, ils n'étaient pas en mesure d'avoir des objectifs vraiment bien identifiés et d'avoir des résultats à ces objectifs. Donc, ce qu'on envisage, c'est vraiment de cibler encore une fois les deux orientations.
Ce que je voulais souligner aussi, on le trouve dans l'article 11 de la Loi sur le développement durable, où on parle du fait que la première version de la stratégie de développement durable doit aborder la question suivante: les mécanismes mis en place pour susciter la participation des différents intervenants de la société. Et le quatrième point de cet article, ce sont les moyens retenus pour viser une approche intégrée et la cohérence des différentes interventions en développement durable des autorités locales et régionales concernées, dont celles des communautés autochtones. Donc, c'est dans cet esprit qu'on essaie, aujourd'hui, de faire une démarche régionale de l'analyse de la stratégie sur le développement durable.
En revenant aux recommandations qu'on a soumises, je veux souligner qu'on a une philosophie de... Quand on a analysé ce document, on a abordé une stratégie...
Une voix: ...
M. Vasile (Cosmin): Oui.
Le Président (M. Bergman): En conclusion.
n
(16 h 10)
n
M. Laverdière (Réal): Oui. Si vous permettez, M. le Président, je voudrais vous dire, et à tout le groupe, que se doter d'une loi, c'est bien; se doter d'une stratégie de mise en oeuvre, c'est mieux. Mais, pour y arriver, l'action et l'expérience doivent venir de celui qui le propose. Est-ce que l'on peut...
Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé, et peut-être que vous aurez la chance pour entrer vos pensées dans les questions qui vous seront demandées. Alors, Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous tous. Je veux vraiment vous saluer, ainsi que les membres de cette commission, et vous dire que, par votre seule présence, Conférence régionale des élus avec le Conseil régional en environnement, déjà, je pense, vous illustrez, à cette table, une première dynamique, une première démarche de développement durable avec des gens qui sont capables de conjuguer leurs visions au nom de votre région. Donc, je veux vous souhaiter la bienvenue et vous féliciter pour votre mémoire.
J'ai quelques questions, je vais essayer moi-même de les prioriser. Ma première question est sur cette notion de priorisation que vous nous invitez à faire. Je prends le temps de vous dire que beaucoup d'interlocuteurs ici ont fait ce commentaire, qu'ils considèrent que la stratégie, telle qu'elle est en ce moment, est une stratégie qui peut-être trop embrasse des objectifs, et certains viennent carrément nous dire qu'on devrait en retirer, et d'autres qui viennent nous dire qu'on devrait en prioriser. Vous, avec sûrement un certain courage... Parce que souvent on pose la question: O.K., il faut sélectionner lesquels? Dans quel ordre? Vous, vous nous invitez à faire un choix, vous dites: Il y en a deux qu'il faut prioriser. Si j'ai bien compris votre mémoire, quand vous présentez la structure de votre mémoire, vous le dites carrément: On vous propose d'en prioriser deux, qui sont la première orientation, informer, et la deuxième, l'orientation 6, qui concerne l'aménagement du territoire.
En même temps, je vais vous dire, moi, je me dois d'écouter beaucoup de ces groupes qui comme vous viennent nous dire cela, puis en même temps je vais vous donner un exemple. Si je devais, avec courage, prendre votre recommandation, vous réalisez que ça veut dire que, comme gouvernement et comme Assemblée nationale, on serait en train de dire que, par exemple, l'orientation qui parle de produire et consommer de façon responsable... qu'on serait en train d'envoyer un message à travers l'ensemble de l'appareil de l'État que pour le moment c'est n'est pas une priorité.
Je veux vous entendre peut-être un peu plus sur pourquoi vous parlez de cette priorité, qu'est-ce qui vous a amenés à choisir, vous, les deux que vous nous soumettez sur les neuf et comment, si on devait prendre littéralement votre recommandation, comment, à travers deux orientations, comment on va vraiment réussir, à travers l'ensemble de nos ministères et de nos sociétés d'État, vraiment réussir à introduire un changement de culture qui est basé sur une notion de développement durable qui doit comprendre les trois piliers qui sont des questions de prospérité économique, de protection de l'environnement, d'équité sociale. Donc, je vous offre, là, qu'on puisse vous entendre un peu plus, d'autant plus que, si j'exagérais...
Je veux juste vous avertir, j'exagère un peu. Mais je vais y aller, je vais exagérer un peu. J'ai envie de vous dire: Vous nous invitez à prioriser, mais en même temps, alors qu'au moment où on se parle la stratégie ne vous interpelle pas dans ces premiers pas que l'on va faire, là, à implanter une stratégie dans l'appareil de l'État, en même temps vous nous dites: Priorisez des objectifs, mais on doit tout de suite l'étendre et, dans les premiers pas qu'on fait, tout de suite les faire en l'étendant vers les CRE en signant des ententes spécifiques. Donc, moins d'orientations, mais plus large. C'est à peu près ça, la conclusion de votre mémoire.
Je vous repose la question: Pourquoi prioriser? Pourquoi ces deux-là? Et déjà on nous dit: 150 organismes et sociétés d'État dans une première vague, vous embrassez large, et tout ça. Comment j'assurerais des conditions de succès si vraiment tout de suite j'interpelle les structures régionales, l'ensemble des réseaux, santé, éducation? Parce que, ceux qui l'ont vécu au quotidien dans leur entreprise ou dans un certain réseau, ça m'a frappé, certains groupes sont carrément venus nous inviter à accepter la théorie des petits pas. Parce que le plus important, si je veux conserver une mobilisation de la population québécoise, c'est d'être capable de raconter une histoire à succès. Donc, s'il y a un piège à prendre trop d'orientations, pourquoi il n'y a pas de piège à tout de suite l'étendre très largement, y compris vers les structures régionales?
M. Laverdière (Réal): Très rapidement, Mme la ministre, je vous dirais que, quand on parle de priorisation, on ne parlait pas d'exclusion des autres. Ce que l'on dit, c'est que ce sont ces deux premières orientations là qui nous interpellent au départ. La façon dont elles nous interpellent, M. Lessard pourra vous en parler plus longuement, mais c'est ce qui nous apparaissait chez nous comme étant les deux qui nous permettaient des réalisations à notre niveau les plus susceptibles d'apporter du succès.
Là-dessus, je vais passer la parole à Guy, qui est un plus grand connaisseur que moi dans le sujet.
M. Lessard (Guy): En fait, on ne remet pas en cause l'existence, dans la stratégie gouvernementale, de ce qui est proposé. Ce qu'on dit, c'est qu'au niveau de la mise en oeuvre ? c'est ce qu'on retrouve dans la recommandation ? dépendamment de l'organisme, du milieu, si je veux faire une démarche, par exemple, d'intégration du développement durable puis je travaille avec la Chambre de commerce de Lévis, par exemple ? il est parti, je l'ai manqué ? je veux dire, on n'aura peut-être pas...
Mme Beauchamp: On va faire semblant de rien, là.
M. Lessard (Guy): ... ? oui ? on n'aura pas peut-être la même approche puis la même démarche que si on est à l'intérieur du ministère de l'Environnement, du Développement durable. On n'a pas la même organisation, on ne part pas de la même place. Alors, ce qu'on dit, c'est que la stratégie devrait identifier ce que vous avez proposé, d'une part, mais, d'autre part, sa mise en oeuvre devrait permettre aux personnes, aux organismes d'y aller progressivement, en choisissant des cibles qui les interpellent plus que d'autres.
Si vous êtes dans un milieu d'affaires sociales, si vous êtes dans le milieu de la santé, si vous êtes dans le milieu de l'éducation, il y a peut-être des orientations qui vous interpellent, des objectifs qui vous interpellent plus que d'autres. Vous êtes plus à l'aise, vous êtes rendus à ce niveau-là, vous avez une volonté puis une acceptabilité des gens de travailler sur ces questions-là. C'est peut-être préférable de travailler à ce niveau-là.
J'expliquais à un groupe d'élèves du secondaire l'autre jour et j'ai utilisé... Excusez l'approche simpliste, là, mais je leur disais: Est-ce qu'on veut apprendre comment faire un gâteau aux pécans ou si on veut apprendre à cuisiner? Voyez-vous, si on veut apprendre à faire un gâteau aux pécans puis que je vous dis: Je vais prendre juste de la farine puis des pécans, vous allez dire: Vous n'aurez pas un très bon gâteau, puis vous allez avoir raison. Mais, si je vous dis: On va apprendre à cuisiner puis on va commencer par des choses qui répondent à nos attentes, aux moyens qu'on a, et qui vont nous permettre d'avoir des résultats qui sont préconisés par la politique, et qui vont m'amener à aller plus loin après, on est peut-être mieux d'aller sur une démarche comme celle-là que de vouloir digérer, avec tout le monde en même temps, partout, les mêmes objectifs puis les mêmes orientations. Je ne sais pas si c'est plus clair.
Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Oui. Bien, peut-être que votre propos permet d'illustrer plus concrètement encore ce qui va littéralement se passer au cours de la prochaine année, quand les ministères et les organismes vont avoir à préparer leurs plans d'action. Dans le fond, je pense que votre mémoire illustre un peu ce qui va se passer durant les premiers mois de l'année 2008, quand les ministères vont effectivement se poser la question: Parmi ces orientations et parmi ces objectifs, lesquels, là, m'interpellent au premier rang puis lesquels je vais prioriser parce qu'ils sont plus proches de ma mission, ou etc.? Vous, vous avez répondu à cette question en disant: Nous, il y en a deux que, si on avait, demain matin, à faire un plan d'action, on dirait: Nous, on va mettre notre énergie là-dessus. Mais honnêtement c'est comme ça que ça va se passer à travers les plans d'action des ministères.
Je pourrais peut-être vous donner l'exemple du plan d'action qu'on a déposé pour le ministère du Développement durable à des fins de discussion, pour donner un exemple. Si vous regardez le plan d'action qu'on a déposé pour alimenter la discussion, vous verrez que ce n'est pas l'ensemble des objectifs, des 29 objectifs qui est repris systématiquement par mon propre ministère. Donc, j'illustre ça en disant: Voici une vision complète des orientations et des objectifs, mais effectivement chaque ministère, chaque société d'État va en venir, je dirais, à faire cet exercice en disant: Si celle-là, bien sûr elle me concerne au premier rang, c'est sur celle-là que je peux, avec le plus de succès, atteindre des résultats. L'équipe à l'interne du ministère va faire cette analyse. Et j'ai envie d'interpeller tout le monde parce qu'on se fait beaucoup dire que la stratégie, elle est trop large. Et dans le fond votre propos m'amène à dire: Votre démarche que vous avez faite, votre réflexion que vous avez menée, c'est l'équivalent de ce qui va se passer dans les ministères et les organismes à l'avenir.
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(16 h 20)
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Je voudrais vous entendre un peu plus, donc, parce que vous le savez, que la stratégie, au moment où on se parle, elle n'interpelle pas tout de suite le monde régional, les CRE, ou encore les municipalités, ou les MRC, ni les réseaux de la santé et de l'éducation, elle interpelle les ministères et les organismes de l'État. Puis déjà on dit: C'est 150, puis certains qui sont venus se présenter à la table, certains on dit: Déjà ça, c'est trop, vous devriez viser plus petit. Moi, je voudrais profiter de votre présence, qui est très importante, avec cette dimension régionale, pour nous dire comment... pour peut-être faire encore mieux le point sur où est-ce qu'on en est vraiment rendus sur la dynamique au niveau régional, au niveau du développement durable. Là, je repose ma question non pas sur la notion de priorisation, mais sur la notion d'étendre. Vous nous interpellez sur la notion d'ententes spécifiques. Moi, j'ai une responsabilité: qu'on puisse écrire ensemble une histoire à succès. Est-ce que vraiment on doit tout de suite aborder cette dimension-là ou si j'écris une histoire à succès en premier avec les ministères et les organismes de l'État?
M. Lessard (Guy): Bien, une première peut-être intervention, puis je vais laisser M. Vasile poursuivre.
Lors de la consultation sur le projet de loi sur le développement durable, nous avons fait la recommandation ? puis ça a été retenu finalement dans la loi que vous avez, à l'article 4 ? que l'un ou plusieurs des organismes municipaux visés par l'article 5 de la loi pourraient se mettre sous le parapluie de la loi, également des organismes scolaires, des établissements de santé et de services sociaux, des organismes et des établissements qui sont consultés directement ou par l'entremise de leurs associations ou d'organismes régionaux. Alors, au moment où on a adopté la loi, il y a quand même une clause qui permet, dans un deuxième temps, d'étendre la possibilité à d'autres organismes de se placer sous le parapluie de la loi. Et évidemment, comme on était parmi ceux qui ont fait ces recommandations-là, c'est que, déjà dans nos milieux, on était en marche dans ces domaines-là puisque ça faisait déjà cinq, six ans à ma connaissance que les conseils régionaux de l'environnement avaient ce mandat-là de faire la promotion du développement durable en région. Alors, c'est certain qu'il y a des régions qui sont plus avancées que d'autres, mais, chez nous, comme je vous dis, c'est déjà intégré dans les encadrements administratifs puis organisationnels de la Conférence régionale des élus.
Et je vous dirais qu'encore avant hier, dans une rencontre impliquant plusieurs catégories de personnes chez nous, c'était une volonté de cheminer dans l'intégration des préoccupations du secteur municipal, agricole. Il y avait quatre ministères qui étaient représentés. Donc, il y a une dynamique d'intégration puis de démarche intégrée sur la recherche de solutions. Alors, c'est évident que...
Peut-être que Cosmin pourrait vous donner des exemples de choses qu'on fait présentement et de choses à venir. Déjà, M. Laverdière a fait une liste tout à l'heure, mais il y a une ouverture pas mal plus importante qu'on pense vis-à-vis le développement durable.
Moi, juste en conclusion là-dessus, je vous dirai que la grande surprise que j'ai eue quand j'ai participé au Forum des générations, c'est que, devant tous les représentants socioéconomiques et politiques du Québec, on a commencé notre première intervention en disant: On n'est pas venus ici pour vous dire que c'est important de faire du développement durable, on pense que vous êtes convaincus, on va vous dire comment le faire, puis ça a dû fonctionner parce qu'à la fin ça a été une des recommandations du groupe. Ça a été une belle opportunité qu'on a eue. Puis après ça on a eu le privilège de participer à la consultation publique avec votre prédécesseur, qui était le porteur de la loi.
Moi, j'ai fait le tour du Québec. J'ai entendu plein de gens. Puis-je vous dire qu'à l'exception d'un groupe qui était déjà un peu en confrontation avec le ministre, à ce moment-là, j'ai été surpris de voir l'accueil que les représentants sectoriels qui venaient présenter des mémoires avaient? Puis dernièrement encore une très grande surprise, une invitation d'une chambre de commerce à les accompagner dans une démarche pour intégrer le développement durable dans... Alors, moi, je n'ai aucun doute sur l'intérêt des gens.
Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Oui. Bien, c'est vraiment intéressant de vous entendre. Puis, de cette expérience-là, vous nous dites que... Et c'est vrai, je veux juste vous confirmer, c'est vrai que vous nous avez influencés lors du Forum des générations. Puis, quand vous racontez que vous êtes maintenant interpellés même par un secteur plus privé pour les accompagner pour l'adoption de cette démarche, franchement ça donne confiance en l'avenir.
Il reste peu de temps, mais je vais vous poser la même question que j'ai posée à M. Généreux, qui venait au nom de la FQM ici, à cette table, la semaine dernière. Quand vous parlez d'ententes spécifiques ? parce que c'est quand même une recommandation majeure dans votre mémoire ? je veux vous entendre sur la chose suivante, c'est que j'ai l'impression parfois que les gens ont tendance à voir le développement, que je vais qualifier de développement traditionnel ? je vais dire ça comme ça ? avec tous ses budgets, ses programmes, etc., puis que, tout d'un coup, on est en train de placer les notions de développement durable comme à côté, en parallèle, avec ses propres budgets puis ses propres programmes, comme si ça venait atterrir comme un programme supplémentaire, alors que, je me dis, il faut en venir, tout le monde, nous en premier puis vous éventuellement, à ce que ce soit plutôt vu comme une démarche puis que ce ne soient pas deux types de développement, puis l'une qui vient s'additionner à l'autre. Ça fait que c'est là que je veux bien comprendre dans votre tête. Quand vous nous parlez d'ententes spécifiques, là, c'est un outil qu'on a, mais je veux voir comment je vais faire, à travers ça, pour éviter que ce soit vu comme une entente à côté de celles qu'il pourrait y avoir sur le tourisme, le développement culturel. Là, ce n'est pas la vision que je défends; pour moi, il faut que ce soit intégré à la mission de l'organisme, au mode de fonctionnement de l'organisme.
Une voix: Je vais demander à monsieur...
M. Laverdière (Réal): Si vous me permettez, très rapidement, Mme la ministre, juste un petit commentaire sur une intervention que vous faites présentement. Moi, je trouve particulièrement intéressant que les ministères et organismes publics du Québec s'investissent de cette volonté-là. D'ailleurs, je pense que c'était la dernière partie de ma petite conclusion en disant: Bien, j'imagine que, si l'exemple vient d'en haut, ça va sûrement être valorisant et intéressant. Et là-dessus, bien, on se fie sur l'appareil gouvernemental pour le faire.
Dans la deuxième chose, ce qui me questionne aussi, c'est que les conférences régionales des élus sont quand même, je pense, les interlocuteurs privilégiés du gouvernement en région. Nous, en Chaudière-Appalaches, nous avons été probablement contaminés par les gens du comité régional, et là-dessus, l'utilisation des ententes spécifiques, bien je vais laisser l'occasion à M. Lampron de vous en dire deux mots.
M. Lampron (Laurent): Alors, effectivement, l'utilisation des ententes spécifiques nous permettra justement de pouvoir atteindre ce niveau d'intégration en lançant un message très fort. Et parfois il faut se doter du véhicule qui nous permet de contaminer. Donc, l'entente spécifique étant un outil essentiel à cette possibilité d'intervenir auprès des autres ministères, parce que vous le savez, que, dans des ententes spécifiques, c'est aussi une collaboration très large, ça nous permettra effectivement de véhiculer de façon beaucoup plus forte encore les principes qui sous-tendent le développement durable, de l'économie, du social et de l'environnement.
Le Président (M. Bergman): Merci. M. le député de Lévis.
M. Lévesque: Merci beaucoup. Premièrement, j'aimerais souligner, M. le Président, à la ministre que, par votre présence ici, ça démontre leur dynamisme parce que la CRE de Chaudière-Appalaches représente très bien l'ensemble des intervenants. J'ai eu la chance de vous voir en action sur le terrain et je vous en félicite parce que ça n'amène que du positif dans notre grand territoire. Merci beaucoup.
Deuxièmement, on a eu la chance de travailler quelques dossiers ensemble, je veux juste dire ça de même ? régions ressources, d'autres projets comme Rabaska, puis tout ça ? et, dans des audiences du BAPE, beaucoup de gens sont venus nous parler d'une chose, c'est que c'est développement durable, puis le monde utilisait ce mot-là, là, large comme ça, puis dans toutes sortes de créneaux, pour défendre tous leurs projets, puis tout ça. Mais ici on parle de développement durable puis, dans le point e du cahier de la stratégie gouvernementale du développement durable, on parle de participation et engagement et là-dedans on parle d'une vision concertée du développement et assurer sa durabilité sur les plans environnemental, social et économique. Ça, dans mon livre à moi, ça veut dire «acceptation sociale».
J'en ai parlé tantôt à un groupe qui était... auparavant. Pensez-vous que ce soit possible de quantifier qu'est-ce que l'acceptation sociale dans des projets? Pensez-vous que, quand on parle de développement durable, pour un entrepreneur ou quelqu'un qui arrive avec un projet, on puisse quantifier pour dire qu'après ça, bien, si tu atteins cette cible-là, on va pouvoir dire que tu as vraiment une acceptation sociale de ton projet?
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(16 h 30)
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M. Lessard (Guy): La difficulté de répondre à une question comme celle-là, c'est de ne pas l'attacher à un projet, parce que les projets cheminent différemment. Ce qu'on constate beaucoup, c'est que, quand il arrive un projet, dépendamment de la manière qu'il est présenté à la population, aux différents intervenants, ça a beaucoup d'influence. Si c'est une annonce prématurée puis opportuniste d'une personne qui veut en faire son intérêt personnel puis que les gens de sa population n'ont jamais entendu parler de ça, ça part mal, voyez-vous, là. Donc, il y a des étapes à suivre, je pense.
Moi, j'ai vécu plusieurs expériences, depuis 15, 16 ans, des entreprises qui viennent vous rencontrer, vous expliquer c'est quoi, leurs projets, qu'est-ce qu'ils veulent faire. Ils demandent votre opinion, ils viennent chercher un peu votre compréhension du projet, intègrent dans un processus continu les préoccupations des résidents du milieu, des élus municipaux. Par contre, on a vu des projets, les éoliennes par exemple, on a assisté à des projets où l'entrepreneur arrive puis il s'installe, puis voici comment il faut fonctionner. C'est tout un processus qui est basé sur le respect des personnes et des organismes. La transparence, c'est un principe important, et les bons interlocuteurs aussi. On a tellement vécu de projets pour savoir qu'est-ce qu'il faut faire puis qu'est-ce qu'il ne faut pas faire.
D'autre part, je vous dirais qu'il y a aussi une espèce de phénomène quand vous parlez qu'on s'interpelle du développement durable ? nous, on le voit aussi régulièrement tant dans des projets locaux qu'au niveau provincial ? c'est que vous avez des gens qui s'interpellent du développement durable, mais en réalité c'est l'histoire pas-dans-ma-cour, voyez-vous? Il y a cette catégorie de personnes là qui participent, à un moment donné, à des débats. Vous avez aussi des gens qui vont participer à des débats par intérêt personnel, des conflits d'usage ? je ne donnerai pas d'exemple, on a probablement tous le même exemple en tête ? mais il y a, à un moment donné, des débats publics qui se font sur des projets qui ne sont pas bien reçus par la population parce que, là, il y a des conflits d'usage qui sont en cause. Il y a différentes catégories. L'environnement étant devenu une valeur importante au sein de la population, bien vous avez des gens qui aiment ça faire partie des débats publics et qui vont s'immiscer dans les débats sous le parapluie de l'environnement, par exemple, également pour... Puis il peut y avoir aussi... Non. Il y a aussi des éléments de politique partisane qui s'intègrent dans certains débats, dans certains projets.
C'est pour ça que, des groupes comme nous autres, au niveau des conseils régionaux, quand on intervient dans des projets, c'est très rare qu'on fait partie des débats publics, comme tel. On ne le fera sûrement pas avant d'avoir le rapport d'évaluation environnementale, et on va aller le faire en commission parlementaire ou dans les audiences publiques du BAPE, et on va aller donner notre opinion, et on va donner notre opinion en n'ayant pas seulement... C'est-à-dire, on va aller présenter des arguments pour justifier nos positions et pas uniquement se limiter à des opinions, et on va aussi faire un effort pour proposer des alternatives.
Quand on est embarqués dans le débat du Suroît ? on va en prendre une, exemple, parce qu'elle est passée, elle est réglée, celle-là ? c'est que, si on n'avait pas mis sur la table tous les avantages de l'énergie éolienne, je ne suis pas sûr qu'on aurait eu la même efficacité dans ce débat-là. Alors, voici quelques éléments rapidement, là, qui me permettent de répondre à votre question, puis je pense que Cosmin pourrait compléter.
M. Vasile (Cosmin): Je voulais aussi souligner, par exemple, que, cette année, on a eu, avec la conférence régionale des élus et l'Association québécoise de la lutte contre la pollution atmosphérique, une série de conférences concernant l'implantation des éoliennes en Chaudière-Appalaches. Donc, ce qu'on a remarqué lors de ces audiences, qui ont été des audiences publiques, surtout dans les points chauds où on préconisait d'avoir des projets d'éoliennes, c'est que les gens n'étaient pas informés des vrais enjeux et puis ils n'étaient même pas informés du fait que, oui, on a des impacts environnementaux, mais on a aussi des méthodes pour réduire ces impacts sur l'environnement; oui, on a des impacts sociaux, mais on a aussi des méthodes pour vraiment faire les gens réagir ensemble puis accepter les projets des éoliennes. Donc, c'est vraiment, disons, dans l'approche du gouvernement qu'on doit vraiment prévoir des objectifs très ciblés concernant l'acceptation sociale.
M. Lévesque: O.K. Dans le cadre où... Pardonnez-moi, M. le Président.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Lévis.
M. Lévesque: Parfait. Dans le cadre que vous parlez dans la recommandation n° 6, d'aménager et développer le territoire de façon durable et intégrée, alors pour vous c'est sûr qu'actuellement... Sentez-vous que vous auriez les outils pour dire que vous sauriez quantifier, vous sauriez comment structurer votre intervention si vous aviez, un jour, à faire une intervention à travers la stratégie du développement durable?
M. Vasile (Cosmin): En fait, nous considérons qu'il y a plusieurs orientations, plusieurs objectifs qui se retrouvent dans les autres orientations ? et Mme la ministre, elle a parlé de produire et de consommer de façon responsable ? qui peuvent être assez facilement intégrés dans cette orientation 6, aménager et développer le territoire de façon durable et intégrée, parce qu'on ne peut pas réaliser un développement en aménagement du territoire sans prendre en considération la partie économique de ce développement, et puis la partie économique, bien ça comprend la production et la consommation. Donc, d'après nous, les trois sphères de l'environnement doivent se retrouver aussi au niveau régional, pas nécessairement uniquement au niveau provincial. Donc, c'est dans cet esprit qu'on essaie de dire: Bien, l'aménagement et le développement du territoire, c'est vraiment le pouvoir des régions, et puis on a, comme j'ai mentionné, le principe de subsidiarité selon lequel on doit vraiment donner aux régions cette partie de gestion.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Diamond: Merci, M. le Président. La première des choses, je tiens à mentionner à M. Vasile que votre qualité de langue est exceptionnelle, vous n'avez pas besoin de vous excuser avant de... Vous le saurez pour la prochaine fois.
Vous avez effectivement fait l'effort de prioriser. Et puis, depuis le début de la commission parlementaire, de cette consultation-là, c'est redondant, là, le fait qu'il y a 29 objectifs, qui sont tous louables. On ne peut pas être contre la vertu, mais il faut, à un moment donné, savoir vers où on s'en va, et puis vous avez fait l'effort, vous avez amené l'objectif 1 et l'objectif 6 comme étant deux cibles qui sont primordiales à vos yeux, et puis c'est... Et puis là je ne veux pas non plus rentrer dans ce débat-là, lesquels... parce que, là, à ce moment-là, on s'y perdrait, et puis on a un cours laps de temps pour échanger.
Mais ma question, dans cet ordre d'idées là, est de savoir combien serait le nombre idéal d'objectifs à prioriser. Est-ce qu'effectivement deux, c'est à votre sens quelque chose qui serait un juste milieu, qui nous permettrait d'avancer, ou un troisième objectif, ou un quatrième? Et puis dans quel laps de temps ce serait raisonnable d'accorder le délai? Est-ce que c'est sur 10 ans? Est-ce que vous considérez que deux objectifs pour cinq ans, c'est raisonnable et puis qu'à ce moment-là on serait capables de faire un suivi adéquat? Alors là, sur la question de fond, il faut prioriser, je pense qu'il y a un consensus. Mais maintenant, sur comment le prioriser, quelle méthode mettre de l'avant, bien ça, c'est la question que, là, j'ai à vous poser.
M. Vasile (Cosmin): Il faut comprendre, quand on parle d'organismes gouvernementaux, on parle de plusieurs organismes qui ont plusieurs... bien qui ont différentes grandeurs et puis qui ont différents mandats, différentes missions. Ça fait partie de nos recommandations, c'est vraiment de cibler les orientations qui s'appliquent vraiment à un tel ou à un tel organisme. Et puis on parlait du fait qu'initialement on prévoit d'implanter la stratégie au niveau des ministères.
Il faut se rappeler qu'aussi, dans les régions, on a les directions régionales des ministères, et puis on a eu, avant-hier, une journée thématique concernant la gestion des matières résiduelles où on a réussi d'avoir quatre directions régionales, puis aussi des directions centrales de certains ministères, et puis c'était pour la première fois quand ils étaient ensemble, et ils voyaient des méthodes de valorisation des matières résiduelles, au Québec, dans une région. Donc, c'était pour la première fois quand ils échangeaient sur cet aspect. Donc, on voit aussi que, dans les régions, on a aussi la partie ministérielle qui est active.
Ce qu'on demande, c'est vraiment de prendre en considération les autres acteurs régionaux, pas nécessairement uniquement les ministères.
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(16 h 40)
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M. Lampron (Laurent): Si vous me permettez une petite réponse complémentaire avec un caractère un peu plus généraliste, ce que l'on propose ici, ce que l'on dépose, c'est qu'on dit que pour nous, en Chaudière-Appalaches, ce que l'on préconiserait, c'est ça, mais on pense que, dans l'implantation de ça, ça peut être à géométrie variable, pour utiliser un langage qui est connu, dans le sens que, dépendant de la situation où se trouve chacun des secteurs, c'est évident qu'ils ne réagiront pas de la même façon par rapport à cette Loi sur le développement durable. Qu'il y ait des minima à atteindre, mais, dans certains milieux, le minimum peut être dépassé, ou qu'ils aient des ambitions un peu plus grandes que le minimum. Donc, c'est un peu dans cet esprit-là. Et quand, nous, on vous dit: Les deux orientations que l'on voudrait privilégier, c'est celles qu'on voudrait privilégier en Chaudière-Appalaches, mais on ne demande pas de les privilégier pour l'ensemble de la province.
M. Diamond: Ce que vous venez de dire est intéressant parce que l'un des points qu'on avait soulevés lors de cette consultation-là, ou du moins que, moi, j'avais identifiés, c'était le fait qu'effectivement, si on laisse une latitude, bon, aux organismes, aux ministères, comme c'est déjà prévu dans la loi, là, sous forme de plan d'action où on va adopter des indicateurs éventuellement, bien ça, ça laisse déjà une très grande décentralisation. Mais ma crainte à moi, c'était de dire que, si on laisse à ce point une grande décentralisation puis une autonomie aussi importante, bien là on va avoir 150, ou à peu près, organismes ou ministères qui vont aller pas tous dans les mêmes directions. Bien là, à ce moment-là, on aura un problème de cohérence, d'où l'importance de laisser une latitude importante mais d'établir quand même des moyens concrets, des balises plus claires. Et puis là, conceptuellement, là, je pense que ça va bien, effectivement, d'avoir des moyens plus précis, des balises, des priorités. Ça va. Mais là où j'ai de la difficulté à aller plus loin que le concept, c'est de concrétiser cette pensée-là sous forme de quels moyens concrets, par exemple.
Et puis est-ce que vous auriez des exemples, vous, de moyens concrets qu'on pourrait... dans le cadre de cette thématique-là, tout en laissant une bonne autonomie dans les plans d'action, là, mais quand même mettre un peu plus de substance?
M. Laverdière (Réal): Bien, moi, j'aurais le goût de vous dire: On peut avoir deux approches selon moi là-dedans. On peut avoir une approche stratégique où finalement tout le monde va avoir le même objectif, en fin de ligne, à la grandeur de la province, ou on peut avoir une approche systémique où, dans plusieurs régions de la province, il va y avoir des approches un peu différentes mais toujours en fonction de ce qui existe dans la loi et dans la stratégie qui est déposée. Et c'est évident qu'à ce moment-là les régions, ou les secteurs, ou les milieux, ou même les ministères vont procéder avec des vitesses variables, avec un plan d'action qui va être différent mais qui va toujours quand même être encadré par la loi et les stratégies qu'il y a autour de ça.
Le Président (M. Bergman): En conclusion, M. le député.
M. Diamond: Bien, écoutez, M. le Président, j'avais terminé. Je vous remercie pour le temps.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.
M. Bouchard: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs. Merci de votre présence et de votre témoignage. Chaudière-Appalaches, c'est une région innovante, hein? Vous êtes des précurseurs...
Une voix: On essaie.
M. Bouchard: ...on le sait très bien, et, dans ce domaine-là en particulier, retrouver un plan stratégique régional avec un vecteur aussi fort en développement durable et qui origine de votre plan régional 2002-2007, là, c'est en effet un geste, je pense, extrêmement intéressant et précurseur. Selon ce qu'on en sait, vous ne devez pas être beaucoup dans le club, là. Mais c'est terriblement exigeant, terriblement exigeant.
Je regarde votre deuxième, troisième et quatrième paragraphe de votre point 3, en page 9, et je les rappelle à l'ensemble des collègues qui sont réunis ici, puis je lis le deuxième paragraphe: «Considérant l'importance de son économie fondée sur l'exploitation et la transformation des ressources naturelles mais également de son caractère rural, de ses paysages naturels et leur potentiel récréotouristique, il était et demeure toujours essentiel pour la qualité de son développement que la Chaudière-Appalaches adhère et adopte [des] principes [de] développement durable...» Les prémisses sont très importantes dans cette adhésion.
Le deuxième paragraphe, la phrase du milieu, «un développement durable signifie une manière de faire dans l'extraction, l'utilisation et la gestion des ressources qui permet de concilier production et rendement avec renouvellement des ressources et protection des écosystèmes, des nappes phréatiques et [encore une fois] des paysages», vous insistez là-dessus. Et, le troisième, là, vous mettez cela en équilibre avec la nécessité de faire référence à la validité économique et sociale du développement, les critères qui déterminent l'épanouissement des individus, la redistribution de la richesse. D'ailleurs, j'ai vu, je pense, une résolution, là, de la MRC de Bellechasse qui demande à ce que les retombées éventuelles de Rabaska soient distribuées à l'ensemble des sous-régions.
En page 10, le point 3, maintenir l'intégrité des milieux sensibles, mettre de l'avant des moyens pour protéger les milieux naturels, maintenir l'intégrité des sites d'intérêt esthétiques et identitaires du territoire, ensuite le point 4, développer des énergies renouvelables, c'est vraiment une prise de position puis une adhésion à des principes extrêmement exigeants.
Et la question qui vient naturellement ? puis je ne m'en cache pas, là, parce que je sais bien que vous allez être, si jamais ça se produit, la terre d'accueil du projet Rabaska, votre région ? je me dis: Avec une intention explicite comme celle-là et avec une cohabitation du Conseil régional en environnement et le Conseil des élus, j'aimerais ça qu'on puisse prendre ça comme un laboratoire de comment une région peut fonctionner lorsqu'arrive une proposition comme celle-là et qu'il y a un partenariat qui se présente, comme le vôtre, là, dans les circonstances. Autrement dit, vous êtes saisis du projet. Qu'est-ce qui se passe ensuite? Quelles sont les démarches que vous entreprenez ensemble pour arriver à prendre une position commune vis-à-vis le projet, en l'occurrence Rabaska? Ça pourrait être un autre projet, mais en l'occurrence Rabaska. Et comment vous arrivez à concilier les décisions que vous prenez avec les engagements que vous avez pris en termes de politique du développement durable?
M. Laverdière (Réal): Bon, je vais tenter de vous donner une réponse la plus simple possible, même si ça n'a pas été aussi simple que ça pour y arriver.
M. Bouchard: Non, je suis persuadé que c'est très compliqué.
M. Laverdière (Réal): Bien, de un, pour vous donner une réponse facile, là, vous avez, en page 27 du document, un communiqué de presse, là, qui date du mois d'août dernier. Mais, si on parle particulièrement du dossier de Rabaska, moi, je vous dirais qu'à partir du moment où la région a été interpellée sur ce dossier-là il y a eu la mise en place d'un comité aviseur dans lequel, comité aviseur, tous les intervenants potentiels et même tous ceux qui voulaient éventuellement être du groupe ont été mis à contribution, et particulièrement les gens du Conseil régional de l'environnement, où on a partagé des idées, on a essayé de soupeser tout ce qu'il y avait là-dedans. Et ce que nous avons réussi à faire, je pense, avec, je pense, une certaine fierté, c'est d'être capables de dire que le Conseil régional de l'environnement avait des opinions qui portaient sur certains points très précis par rapport à la réalisation, alors que la Conférence régionale des élus avait aussi des positions qui portaient, elles, sur des visions différentes.
Il est évident que, même si on a un partenariat très intéressant puis, je pense, très, très présent pour le développement de notre région, il reste une chose, que le Conseil régional de développement est assis sur une chaise qui est fort différente de celle de la Conférence régionale des élus, et, quand on arrive à prendre des décisions, bien on est obligés de regarder où on est situés pour être capables de prendre les décisions.
Donc, c'est un petit peu l'essence de la façon dont nous avons procédé, et là-dessus je pense que les recommandations qui ont été présentées au BAPE, particulièrement au mois de janvier dernier, étaient faites de façon unanime, au niveau de notre comité, vis-à-vis ça. Il y a peut-être M. Lampron qui pourrait compléter un peu l'explication, mais en gros c'était l'objectif visé.
M. Lampron (Laurent): Effectivement, c'était une question de démarche, et, dans cette démarche-là, comme M. Laverdière vient de le mentionner, nous avons regroupé tous les acteurs du monde économique, social et de l'environnement dans le comité. Ces acteurs-là siègent déjà au conseil d'administration de la Conférence régionale des élus. Vous avez, en annexe 1, la liste des membres du conseil d'administration et vous allez retrouver des représentants du milieu de l'environnement, du milieu social et du milieu de l'économie, en plus bien sûr des élus municipaux.
Alors, le comité ? on va l'appeler le comité Rabaska parce que c'est le projet dont on illustre ici les conclusions ? ce comité-là a cheminé pendant un an à la CRE, de telle façon que nous nous sommes assis, nous avons évalué, nous avons discuté, nous avons échangé, et bien sûr M. Laverdière vient de vous illustrer la manière dont les conclusions ont été énoncées dans ce dossier.
Le Président (M. Bergman): M. le député d'Ungava.
M. Bouchard: M. Vasile, vous avez quelque chose à ajouter à ça? Non, hein?
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: C'est le président qui s'exprimera?
M. Lessard (Guy): En fait, ce n'est pas parce qu'on a une loi sur le développement durable puis qu'il y a des ententes de partenariat dans les régions, que ce soit, à un moment donné, par rapport à l'environnement, à la culture, à l'éducation, que nécessairement il va y avoir accord parfait sur tous les points. Nous, on a soulevé des préoccupations en les justifiant, et je suis heureux de voir que, parmi ces préoccupations-là qu'on a élaborées, qu'on a présentées à ce moment-là, ça vient justifier des annonces qui sont faites depuis quelques mois, en regard de ce dossier-là. Entre autres, juste à titre d'exemple, l'importance d'intervenir pour créer des incitatifs pour qu'on puisse remplacer le mazout par le gaz naturel, alors ce n'était pas du tout présent dans le projet Rabaska. Donc, c'était une des conditions.
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(16 h 50)
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Donc, nous, on avait soulevé un certain nombre de conditions importantes qui devaient être prévues pour rendre le projet acceptable. On ne s'est jamais battus contre la présence du gaz naturel. On met beaucoup d'énergie sur l'importance de l'efficacité énergétique parce qu'on pense qu'il y a un travail extraordinaire à faire encore à ce niveau-là. On met beaucoup d'importance sur les énergies vertes. Je pense que, là aussi, il y a encore beaucoup de développement à faire, mais, je veux dire, nous, on a joué notre rôle puis notre mandat là-dedans, puis il y a des décisions qui se prennent, puis chacun assume son rôle, et on continue à travailler ensemble dans les dossiers.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.
M. Bouchard: Juste une petite remarque tout simplement, M. le Président, c'est que je suis très heureux de constater que vous êtes encore partenaires.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bergman): M. le député d'Ungava.
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ferland: J'étais en consultation avec mon collègue.
Merci, M. le Président. Je ne sais pas combien qu'il reste de temps, là, mais j'aurais deux questions. Une, je ne suis pas certain si j'ai bien compris tantôt, mais ma première s'adresse à M. Laverdière.
On a eu, cette semaine, là, la présentation, par M. Bernard Généreux, de leur mémoire, la fédération. Là, on est dans la stratégie de développement durable. Vous amenez beaucoup de choses. C'est vraiment, là... Vous en couvrez un secteur très, très large, mais je n'ai rien vu là-dedans au niveau des moyens, de la mise en oeuvre que vous proposez. Parce qu'on sait que, bon, quand va atterrir cette stratégie-là, il y a des coûts rattachés à ça, il y a des... J'aimerais vous entendre là-dessus. De quelle façon vous voyez ça? Et là j'ai compris que ce n'est pas le même siège. Je pose la question à la CRE, où la plupart des maires et des préfets siègent. Mais, dans la mise en oeuvre, dans la mise en application de cette stratégie-là qui, dans un premier temps, s'adresse à l'administration publique mais qui tantôt aura à être mise en oeuvre aussi dans chacun de nos milieux, au niveau des municipalités... Et on sait qu'il y a des petites municipalités, nos petits milieux, surtout au niveau rural, qui n'ont peut-être pas nécessairement toujours les mêmes moyens pour mettre ça en oeuvre. Et on ne voit pas non plus, dans la stratégie, les moyens qui pourraient accompagner la mise en oeuvre de ça.
M. Laverdière (Réal): Bon, moi, je vous dirais, dans un premier temps, dépendant des actions qui seront proposées ou qui seront retenues, qu'il y a des éléments qui vont sûrement être d'un niveau local, et, si, par exemple, le niveau local ? puis, quand je parle du niveau local, je parle d'une municipalité ? ne peut pas ou préfère se regrouper avec d'autres pour être capable d'accepter certaines responsabilités, je pense que ça, ça va dépendre de leur choix à eux. Que maintenant des responsabilités à caractère régional soient aussi mises en place, bien, moi, je pense que, oui, il y a des éléments de régionalisation puis il y a les éléments de décentralisation. Quand on va parler de décentralisation, bien, moi, je pense que le principe de la subsidiarité s'applique intégralement. On va aller voir la personne. S'il y a du regroupement de municipalités pour être capable d'atteindre un objectif, bien on devra le faire de cette façon-là. Il y a des éléments qui vont être au niveau régional, c'est évident, puis, quand on parle, par exemple, d'un conseil régional, il y a des orientations ou des grands principes qui pourront être mis en place au niveau régional, mais il y a des actions puis il y a des activités qui vont se faire au niveau local.
Donc, si je prends, par exemple, la question du traitement des boues de fosses septiques, qui est un élément qui est intéressant là-dedans, c'est évident que ce ne sera pas chaque municipalité locale qui va avoir une usine de traitement. Maintenant, de quelle façon ils vont régler le problème? Parce que, les boues de fosses septiques, il y en a dans chaque municipalité locale. Bien là, il y a toutes sortes de méthodes possibles, mais, moi, je pense que c'est à ceux qui sont les plus près de l'activité d'être capables de prendre la décision à savoir de quelle façon ils vont procéder. Mais il faut s'assurer que ça procède et non pas que... Et, dans le cadre du développement durable et de cette loi-là, c'est l'élément qui est le plus important, c'est de s'assurer que tout le monde chemine. Maintenant, au niveau régional, il peut y avoir aussi d'autres façons de faire et d'autres responsabilités qui seraient dévolues à un niveau différent.
M. Vasile (Cosmin): Je voulais uniquement souligner que, dans la Loi sur le développement durable, on prévoit de sortir les indicateurs pour mettre en oeuvre la stratégie, qui seront sortis peut-être l'an prochain. Donc, moi, je vois la mise en oeuvre...
Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Vasile (Cosmin): ...je vois que la mise en oeuvre doit se baser sur des indicateurs que le gouvernement sort. Donc, sans ces indicateurs, je ne vois pas comment on va faire. Bien, on risque de faire une mise en oeuvre différente de ce que le gouvernement veut.
Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, je remercie la Conférence régionale des élus de la Chaudière-Appalaches et je demande les gens du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement de prendre leur place à la table.
Je suspends les travaux pour le moment. Une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 16 h 57)
Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue au Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement. C'est une session d'une heure, avec une présentation de 15 minutes et un échange avec les députés de la commission pour 45 minutes. Si vous pouvez faire l'identification vous-mêmes et donner votre présentation pour 15 minutes.
Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)
M. Ruelland (Jacques): Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le critique en matière d'environnement de l'opposition officielle, M. le critique en matière d'environnement du Parti québécois, Mme la députée, MM. les députés, on a trouvé très intéressante la conversation précédente, vous avez pu voir un peu le travail de nos conseils régionaux de l'environnement, et on espère que certaines des questions nous reviendront parce qu'on a des réponses adéquates à certaines des questions.
Alors, comme vous le savez, les conseils régionaux de... Bon, je me présente. Je m'excuse. Jacques Ruelland, je suis le président du regroupement. Philippe Bourke est notre directeur général.
Vous savez qu'il y a 16 conseils régionaux de l'environnement dont certains existent depuis 25 ans. Ce sont des organisations autonomes issues du milieu, qui regroupent plus de 2 000 membres et évidemment des milliers de partenaires et de membres associés avec tout ça. On a pour mission de contribuer au développement et à la promotion d'une vision globale de développement durable, de représenter l'ensemble de nos conseils régionaux et d'émettre des opinions publiques en leur nom. Nous oeuvrons évidemment dans la plupart des grands dossiers. Les conseils régionaux de l'environnement privilégient des stratégies de concertation et tentent de faire avancer leurs dossiers en défendant des valeurs fondamentales.
Le regroupement et les conseils régionaux ont toujours suivi de près l'évolution de la démarche de développement durable, et on peut même dire qu'on a été des précurseurs, et Guy Lessard, qui est l'ex-président, a été une des forces motrices dans la promotion et la mise en oeuvre du développement durable au Québec. Et je profite de l'occasion pour le saluer. Et rappelons qu'à l'automne 2004, par nos interventions lors du forum, comme il l'a mentionné, le RN avait contribué à faire de la mise en oeuvre du développement durable l'une des priorités pour l'avenir du Québec. D'ailleurs, à ce moment-là, on a fait des interventions dans le cadre du dépôt du projet de loi n° 34 sur la création des CRE pour faire inscrire en préambule l'obligation, pour les CRE, d'inscrire leurs plans stratégiques dans une démarche de développement durable. Ça, c'est important parce que structurellement, dans les régions, maintenant les CRE ont l'obligation d'élaborer des plans stratégiques dans une perspective de développement durable, ce qui n'était pas dans le projet de loi original, et c'est à notre demande que ça avait été rajouté par le ministre du temps.
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(17 heures)
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Donc, nous sommes heureux de participer à cette prochaine étape de la stratégie, et je voudrais profiter de l'occasion pour féliciter le Parti libéral, le gouvernement du Québec, d'être le premier parti à avoir initié une démarche de promotion et de mise en oeuvre de développement durable par sa politique et sa stratégie. Même si on est critiques sur certains aspects de la démarche et du contenu, il reste quand même que c'est la première fois qu'un gouvernement lance un paradigme de développement durable, ce qui était nécessaire, comme l'avait formulé la commission Brundtland il y a déjà maintenant 20 ans.
On est interpellés de multiples façons, évidemment, dans cette perspective-là, puisque nous avons une relation privilégiée avec le gouvernement du Québec et avec le ministère de l'Environnement, parce que, depuis 10 ans déjà, dans le cadre d'un protocole d'entente que nous avons avec le ministère, le gouvernement nous reconnaît et nous donne le mandat de contribuer au développement d'une vision régionale de l'environnement et du développement durable et de favoriser la concertation de l'ensemble des intervenants régionaux en cette matière. Et le ministre de l'Environnement reconnaît les CRE comme interlocuteurs privilégiés du gouvernement en région pour la concertation en matière d'environnement et de développement durable. Donc, dans cette perspective-là, nous espérons pouvoir travailler, à l'échelle régionale, à la mise en oeuvre, avec les ministères et les institutions gouvernementales dans un premier temps, à la réalisation des objectifs visés, et vous voyez, par l'annexe qu'on a ajoutée à notre mémoire, que nous travaillons avec de multiples intervenants, dans de multiples secteurs, sur de multiples dossiers, toujours dans une approche et une perspective de développement durable.
Je vais laisser à Philippe Bourke le soin de vous présenter la synthèse des recommandations et des commentaires qui nous sont parvenus de nos 16 conseils régionaux de l'environnement et que nous avons regroupés.
Le Président (M. Bergman): M. Bourke.
M. Bourke (Philippe): Merci. Mon président a distribué les fleurs puis il me donne la tâche maintenant de... Vous savez qu'est-ce qui vient après. Non, en fait, il a tout à fait raison. Écoutez, on reconnaît vraiment que, derrière tout ça, il y a une motivation très, très intéressante, une volonté ferme de mettre en oeuvre le développement durable, et ça, c'est unique, et, en ce sens-là, on le salue.
Ceci dit, oui, on a posé un regard critique parce qu'on a l'expérience. Une démarche de développement durable, on l'expérimente continuellement, dans le jour à jour, dans nos milieux, et donc on est conscients de ce que ça veut dire, ce que ça représente, et c'est en ce sens-là qu'on veut apporter notre contribution. C'est uniquement dans un objectif constructif.
Donc, j'y vais d'abord au niveau de l'appréciation sur la forme du document. Personnellement, on s'attendait à un document beaucoup plus exécutif, une stratégie. D'ailleurs, on le mentionne dans la stratégie elle-même, on dit: «Maintenant, cette démarche doit s'articuler autour d'un projet encore plus concret [que la loi].» Alors, on s'attendait donc à quelque chose de plus exécutif. C'est-à-dire, on s'attend à des choses beaucoup plus claires et on a plutôt un document qui n'apparaît pas centré sur l'action. Et d'ailleurs on soulève le fait qu'il y a seulement qu'une demi-page sur le document qui est consacrée à la mise en oeuvre de la stratégie. Donc, ça relatait un peu le fait qu'il manque peut-être un peu de mordant ou de volonté d'action autour de ça. On comprend peut-être que c'est une approche de vouloir bien camper les principes et tout, mais en même temps, comme c'est une stratégie, on s'attendait à quelque chose de plus exécutif.
Au niveau du fond, donc l'appréciation sur le fond du document, dans l'ensemble, le regroupement estime que la stratégie n'est pas à la mesure des défis humanitaires actuels, lesquels nous ont été rappelés, la semaine dernière, dans le dernier bulletin de santé de la planète, réalisé par l'ONU, qu'on va appeler par la suite le GEO-4. Ce rapport, entre autres, nous rappelle que l'humanité doit rapidement mettre en oeuvre des changements profonds à ses façons de faire. 20 ans après le rapport Brundtland, les problèmes environnementaux se sont aggravés partout sous l'impulsion d'une population et d'une consommation croissante, au point où ils mettent désormais l'humanité en danger.
La stratégie, même si elle ne s'applique qu'au gouvernement du Québec ? là, il faut comprendre qu'on a un champ d'action limité ? doit quand même s'inscrire dans ce contexte. Elle doit s'en inspirer et donner l'exemple. Conséquemment, le regroupement invite la commission à se demander comment elle peut améliorer la stratégie de façon à ce qu'elle nous permette de faire notre juste part face à ces défis.
J'entre maintenant au niveau des considérations spécifiques. D'abord, la vision. Le regroupement estime que la vision énoncée dans le projet de stratégie gouvernementale devrait plutôt être formulée ainsi: une société où la qualité de vie de tous les citoyens doit devenir et demeurer une réalité, une société responsable, innovatrice, et capable d'excellence dans toutes ses réalisations, une société qui reconnaît que le respect de l'environnement et l'équité sont des conditions essentielles au dynamisme économique et à l'épanouissement social.
Ces modifications sont motivées par les constats suivants: d'abord, le modèle de développement actuel est inéquitable, ce modèle conduit à la dégradation de l'environnement et enfin le gouvernement doit rechercher l'harmonie globale, c'est sûr, mais pas l'harmonie entre l'environnement, l'économie et le social. Le gouvernement doit plutôt faire l'arbitrage entre ces trois pôles afin de viser l'harmonie. Cette harmonie n'est possible que si le développement se fait dans le respect de la capacité de l'environnement à répondre aux besoins humains et sociaux. Les trois pôles ne sont ainsi pas nécessairement en équilibre, ils sont placés dans un cadre hiérarchique.
J'enchaîne maintenant avec les enjeux. On présume que l'intention du gouvernement, lorsqu'il a formulé les enjeux, c'est de dresser quels sont les défis et les obstacles qu'on doit surmonter pour atteindre les objectifs, et là-dessus on se base sur notre expérience, comme on disait, où on fait souvent la promotion du développement durable dans les régions et on constate les difficultés.
Première difficulté: évidemment, c'est en lien avec ce que je viens de mentionner, c'est-à-dire qu'il faut poser d'abord un diagnostic de la situation actuelle. Comme on l'a exposé plus tôt, le rapport GE0-4 nous démontre que nous sommes déjà dans un mode où l'on tire annuellement plus de ressources de la terre que ce qu'elle peut produire. Donc, ça nous impose un double fardeau. Il faut retrouver l'équilibre et ensuite le maintenir. Donc, le RNCREQ considère que cette réalité doit nécessairement guider le gouvernement du Québec dans sa façon d'envisager le développement durable.
Autre enjeu: développer les connaissances. Là-dessus, on est absolument d'accord avec le gouvernement dans sa stratégie. C'est absolument important de comprendre et de reconnaître qu'il y a un grand besoin au niveau du développement des connaissances. Là-dessus, nous, on suggère quatre chantiers prioritaires.
D'abord, accentuer les efforts de sensibilisation et de formation au développement durable, et ça, là-dessus, je pense qu'on a bien démontré qu'on a un rôle, nous, les CRE, à jouer là-dedans.
Ensuite, encourager la recherche et l'innovation pour identifier les moyens permettant de répondre aux besoins humains et sociaux tout en réduisant les impacts environnementaux que ça entraîne, dresser le portrait de l'état de l'environnement au Québec afin de pouvoir mesurer le progrès et cerner les problématiques qui sont criantes et enfin développer un mécanisme permettant d'estimer quelle est la capacité des écosystèmes québécois à répondre aux besoins humains et sociaux sans que ces écosystèmes s'en trouvent altérés.
Troisième enjeu: favoriser l'engagement envers l'action responsable. Ça aussi, c'est un constat qu'on fait d'une difficulté à rencontrer lorsqu'on veut promouvoir le développement durable. C'est qu'il faut reconnaître que, dans notre société moderne, les individus sont de plus en plus centrés sur la satisfaction de leurs besoins individuels, et le développement durable, qu'on tente de promouvoir, lui, il implique plutôt une vision à long terme axée sur l'oubli de soi, de penser aux autres. Donc, évidemment, il y a comme une contradiction ici dans les valeurs qui sont véhiculées. Donc, ça va demander des efforts importants au niveau éducatif pour changer cette échelle de valeurs là qui sont véhiculées par la société d'aujourd'hui, et donc ça va impliquer et nécessiter des efforts éducatifs importants.
Enfin, un autre enjeu qu'on ajoute: celui de changer la façon d'entrevoir le développement économique. Le regroupement considère qu'il faut revoir le modèle économique actuel, qui s'appuie sur une fausse prémisse, à savoir que la terre a une capacité illimitée à fournir des ressources et à absorber les résidus de l'activité humaine. Évidemment, encore une fois, on reconnaît que le gouvernement du Québec a un contrôle ou un pouvoir limité sur cet enjeu-là, mais je pense que c'est important qu'il reconnaisse qu'il y a cette réalité-là et qu'il la prenne en compte.
Au niveau des orientations, on considère qu'en général elles sont appropriées. Par contre, il y en a deux sur lesquelles on suggère un changement, c'est-à-dire de mettre, au niveau de l'orientation 2, la question de la protection de l'environnement et des ressources naturelles toujours en lien avec l'importance de respecter la capacité de support de l'environnement si on veut tendre vers un développement durable. Et aussi, au niveau de l'orientation 4, donc en lien avec ce que je viens de mentionner, c'est-à-dire de remettre en question le modèle de développement économique actuel, évidemment le gouvernement, comme on le dit encore une fois ici, n'a pas nécessairement de grands moyens pour provoquer un changement à ce niveau-là, mais il peut faire le constat, s'en préoccuper et même initier une réflexion sur comment on pourrait arriver à changer ces paradigmes-là.
Enfin, au niveau des objectifs, nous, on considère qu'en général ils sont imprécis et surtout qu'ils manquent d'ambition. Le gouvernement doit à notre avis être exemplaire par rapport aux défis de la mise en oeuvre du développement durable pour ainsi déclencher un mouvement dans lequel vont s'inscrire tous les acteurs de la société. Et on donne un exemple de ce qu'on s'attendait, nous, comme objectifs de la stratégie. Par exemple, tous les ministères et organismes doivent réduire de 2 % par année, pendant cinq ans, leur consommation d'énergie. Donc, on pourrait en décliner d'autres, par exemple pour les matières résiduelles, pour les politiques d'achat responsable.
Évidemment, je fais une distinction ici dans les objectifs par rapport aux opérations des ministères et des objectifs qui sont liés plus à la mission des ministères. Je pense que, si on avait fait cette distinction-là, ça aurait peut-être clarifié la stratégie. Mais on pourra y revenir dans la période de questions. Là-dessus, ça termine notre intervention. Merci.
Le Président (M. Bergman): Merci. M. le député de Vachon.
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(17 h 10)
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M. Bouchard: Oui. Merci. D'abord, je veux remercier mes collègues du parti ministériel et mes collègues du parti de l'opposition officielle de nous permettre d'intervenir les premiers, étant donné notre horaire, notre agenda. Bonjour, messieurs. Merci de votre contribution.
D'abord, un, je constate que vous êtes de ceux qui placez l'environnement et l'équité comme une condition au développement, et vous ne vous satisfaites pas d'une définition où les trois éléments, environnement, social et économique, sont conçus comme étant en harmonie mais où ils sont sur un pied d'égalité. Là, je constate ça. Vous n'êtes pas le premier groupe à nous le dire, la Chaire en développement durable de l'Université du Québec l'a également souligné. Et donc c'est sur ces prémisses-là que certains des groupes nous arrivent et que nous devrons éventuellement débattre entre nous, bien que ce débat-là ait déjà eu lieu lors des discussions sur la loi, mais on est ici pour voir l'évolution des mentalités aussi puis voir qu'est-ce qui émerge des propositions.
Je retiens aussi de votre présentation, M. Bourke, le thème, un thème qui nous ramène à une valeur absolument essentielle du développement durable, c'est celle de la générosité, l'oubli de soi, la capacité de se mettre dans les souliers des autres personnes, comme disent les Anglais, donc une capacité d'empathie sans laquelle on est incapables de se projeter dans la durée, hein, et sans laquelle on est incapables aussi de se projeter dans d'autres conditions de vie que celles que l'on vit soi-même, et ça, je pense que c'est extrêmement important.
J'ai envie d'échanger avec vous sur un sujet qui me préoccupe beaucoup. Vous parlez des objectifs et des cibles qui devraient être plus précis. On a une façon de gérer ce type d'orientation là en Europe qui est très différent de ce qu'on a ici. L'Union européenne, par exemple, lorsqu'elle a décidé de diminuer le taux de pauvreté parmi les pays qui la composent, s'est fixé un objectif commun, 25 % à 30 %, je ne me souviens plus très bien, mais chacune des entités territoriales avait le loisir d'utiliser les moyens et les stratégies appropriés pour contribuer à l'objectif et doit valider, devant l'Union, les choix qu'elle aura faits, cette juridiction. Autrement dit, on choisit, nous, de diminuer de 12 % parce que 30 %, c'est irréaliste, étant donné que, par exemple, la Suède dirait: Ah! bien, écoutez, non, non, non, pas vraiment, parce qu'on est déjà à 4 %, puis ça va être plus difficile d'atteindre une diminution de 30 %.
Et, comme la ministre l'a dit souvent ? puis, moi, je suis d'accord avec la ministre là-dessus ? le projet de stratégie qui nous est proposé, c'est un projet de société. Autrement dit, ça dépasse largement seulement les organismes gouvernementaux et même les organismes associés, la stratégie interpelle la société en général. Et plus ça va, moi, plus je me dis que ce qui manque ? puis j'aimerais avoir votre opinion là-dessus ? ce qui manque dans la stratégie, dans le fond, ce sont des objectifs nationaux quantifiés: on veut arriver à tel objectif, on part de là, on arrive à tel objectif dans cinq ans et on invite les organismes ministériels ou autres, dans la communauté, la société, à exprimer comment ils vont contribuer, à partir de quels moyens; autrement dit, une stratégie qui nous ramène aux mêmes objectifs, tout le monde, mais avec une façon de procéder, dans chacun de nos milieux, qui soit particulière ou spécifique au milieu. Et c'est une autre façon de voir la stratégie, là, puis en même temps ça remet en question peut-être certains aspects ou certains éléments de la loi même sur le développement durable. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Ruelland (Jacques): Bien, il est évident que... Je vais commencer à donner un certain contexte. Il est évident que ? peut-être deux commentaires ? il faut trouver une façon d'englober l'équité sociale et humanitaire dans le concept de développement durable, mais on est aux premiers balbutiements encore de ce paradigme-là et on n'a pas réussi encore à intégrer ce volet-là.
Vous savez, le développement durable, ça découle un peu du rapport du Club de Rome en 1972, quand le Club de Rome avait produit un rapport qui s'appelle Limits to growth, Les limites [à] la croissance, qui prônait une croissance zéro et qui a débouché sur un compromis avec le rapport Brundtland, qui cherchait à atteindre un équilibre entre l'économie, le social et l'environnemental. Mais, dans le social, finalement, on regroupe l'équité sociale, l'aspect humanitaire des choses, mais on ne réussit pas nécessairement à trouver une façon de l'intégrer.
Je vais vous donner un microexemple d'un dossier qui touche à la fois l'environnement, l'économie et le social. On constate, dans le développement immobilier par exemple, que plus le quartier est pauvre, moins il y a de sécurité, ou plus il y a de bruit, moins il y a de verdure et donc moins il y a de qualité de vie, alors que théoriquement tous les citoyens devraient bénéficier ou tous les enfants devraient bénéficier d'un environnement culturel et social relativement équitable et égal en termes d'accessibilité à l'école, à des terrains de jeux, et tout ça. On voit qu'il y a une discordance qui reflète les classes sociales et qui fait en sorte que finalement plus les quartiers sont aisés, plus on retrouve des éléments qui contribuent à la qualité de vie des gens, et ça, ce n'est pas un problème qui est facile à régler puisque, dans le système de marché dans lequel on vit et dans le système d'offre et de demande qui est régi par les règles du marché, les gens vont habiter là où ils ont les moyens d'habiter. Or, est-ce que c'est au gouvernement, c'est à l'État à faire en sorte, par des politiques sociales, et humanitaires, et fiscales, qu'on contribue, par des normes, à exiger que, même si on est dans un quartier à multilogements, bien on fournisse au moins le même type de services, en termes de qualité de vie, de sécurité, d'accessibilité aux services et à la récréation, qu'on peut fournir dans des quartiers plus aisés? Ce n'est pas nécessairement évident. Et, quand on l'applique à l'échelle provinciale, l'échelle globale, là c'est encore plus complexe.
Mais il est évident que c'est un objectif qui fait partie du développement durable mais qui est peut-être encore plus difficile à intégrer que la conciliation entre la protection de l'environnement à long terme et le développement économique, qui comporte des exigences qu'on ne peut éviter, évidemment, là. Je ne sais pas si Philippe a quelque chose à ajouter à ça, mais...
On est encore aux premières étapes, et les changements climatiques, c'est un dossier... Encore il y a quatre, cinq ans, trois, quatre ans, le président des États-Unis ne croyait pas à ça. Les cyanobactéries, il y a deux ans, il y a des spécialistes qui n'avaient même jamais entendu prononcer le mot. Donc, on est dans un... La société évolue et la terre évolue d'une telle façon, avec une telle rapidité que les décideurs sont confrontés à des problèmes nouveaux auxquels ils n'ont jamais fait face.
J'espère que vous allez me poser la question sur Rabaska, parce que comment trouver à concilier des enjeux qui sont en apparence très contradictoires? Moi, à mon avis, le dossier de Rabaska et des dossiers qui suscitent énormément de conflits, comme le mont Orford, et tout ça, découlent du fait que les décideurs n'ont pas en main les méthodologies nécessaires pour déboucher sur la décision appropriée à long terme.
Ce n'est pas parce qu'ils sont partiaux dans leurs décisions ou qu'ils sont incompétents, c'est parce que... Par exemple, comment calculer la valeur des externalités à long terme, tu sais, la qualité de vie, l'accessibilité aux parcs? Comment protéger la valeur patrimoniale de la région de Québec tout en ayant du développement économique? Bien, tu sais, on y va pas mal, tu sais, au pif là-dessus, là, hein, en fonction de certaines études qui sont essentiellement des études économiques traditionnelles. On n'a pas la capacité d'intégrer l'ensemble des paramètres, qui sont souvent intangibles et difficiles à quantifier.
Tu sais, nous, on travaille, dans les Laurentides, beaucoup sur la protection des paysages. Dans les falaises de Piedmont, où il y a des projets immobiliers de 25, 30 millions, par rapport à un groupe qui veut protéger les falaises de Piedmont comme parc pour les générations futures, qui se fait dire: Bien, ça vaut quoi, le paysage des falaises de Piedmont, par rapport au développement économique qu'on encourrait si on avait des revenus de taxes de 10 millions par année, donc ce qui fait tourner l'économie?, on va les confronter avec cette problématique-là qu'on doit tenter d'inscrire dans une vision à long terme... Parce qu'il est sûr que, la ligne électrique qui traverse à Beaumont, on ne la mettrait pas là aujourd'hui, hein? On l'a mise là dans les années cinquante ou soixante, mais, aujourd'hui, avec les valeurs de la société, c'est clair que ça ne passerait pas là. On ne la peinturerait certainement pas en rouge si on la mettait là, là.
Donc, les sociétés évoluent, puis on n'a pas de réponse, personne. Je pense qu'on essaie de faire de notre mieux, tout le monde, mais on n'a pas vraiment les réponses puis on n'a pas les méthodologies, même avec les changements climatiques, puis on n'a pas le consensus. La Chine n'embarque pas, les Indes n'embarquent pas, le Brésil, les États-Unis, l'Australie. Les pays européens embarquent. Tu sais, on n'arrive pas à trouver les modèles décisionnels qui nous permettent de dealer avec des problématiques qui sont nouvelles et qui sont à l'échelle planétaire ou même à l'échelle locale, puis je pense que ça, c'est une démarche qui s'inscrit un peu... C'est un petit pas, mais on essaie d'avancer, là.
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(17 h 20)
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Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.
M. Bourke (Philippe): Juste un petit point sur les objectifs nationaux, là, rapidement. C'est juste qu'effectivement je pense que ça a toujours été dans l'intention du gouvernement de donner l'exemple par l'adoption du Plan de développement durable, de dire: Le gouvernement va donner l'exemple. Et je pense que ça donnerait l'exemple de dire: Bien, voici, le gouvernement, et ses sociétés, va atteindre, dans cinq ans, une diminution de tant de matières résiduelles et tant d'énergie. Quelques objectifs clairs au niveau des opérations, ça lancerait un message, et le message, c'était ça, l'intention au départ, lancer un message que c'est possible puis que c'est même rentable. On n'y perdra pas, on va continuer à vivre, mais on va réussir à atteindre les objectifs de diminution. Je pense que ce serait utile, fort utile.
Le Président (M. Bergman): M. le député d'Ungava.
M. Ferland: Merci, M. le Président. M. Ruelland et M. Bourke, je vais juste référer au rôle qui vous est confié par le ministère, là, ici, à la page 13 de votre mémoire, où on dit: «Le gouvernement du Québec reconnaît que les conseils régionaux de l'environnement ont le mandat de contribuer au développement d'une vision régionale et du développement durable et de favoriser la concertation de l'ensemble des intervenants régionaux en [cette matière].» Nous avons reçu, cet avant-midi, le chef des premières nations, qui ont déposé leur mémoire, et eux se sont donné une stratégie de développement durable des premières nations. Est-ce que, dans les régions, vous êtes en contact? Est-ce qu'il y a une collaboration, il y a un échange? Et est-ce que vous vous êtes approprié cette stratégie-là, comme organisme national? Parce que vous êtes le Regroupement national des...
Le Président (M. Bergman): En conclusion, M. le député. En conclusion.
M. Ferland: Bien, ma question: Est-ce que vous travaillez avec...
M. Bourke (Philippe): Je ne pourrais pas répondre dans les régions. Je sais qu'il se fait beaucoup de choses dans les régions, je ne pourrais pas vous donner d'exemple précis, mais pour vous dire qu'on travaille depuis peu mais en collaboration avec ces gens-là, qui organisent d'ailleurs un colloque sur le développement durable des premières nations à l'hiver et sur lequel on participe au comité organisateur. Donc, on veut créer des meilleures relations, tant à l'échelle nationale que dans les régions, entre les premières nations et les groupes environnementaux.
M. Ferland: Vous allez participer à cette activité-là.
Le Président (M. Bergman): Merci, M. Bourke. Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Merci. Bienvenue à vous deux. Ça me fait plaisir de vous retrouver. Nous, on a eu l'occasion, au cours du mois d'août et du mois de septembre, de se côtoyer autour de quelques lacs, au Québec. Mais soyez assurés que ça me fait très plaisir de vous retrouver.
Peut-être que je vais commencer avec un commentaire. Premièrement, je vous remercie. Pour moi, c'était extrêmement important de vous entendre. Mais mon commentaire est le suivant: lorsque, moi, je me suis assise avec des gens du ministère pour me faire expliquer le travail qui avait été fait depuis les 18 derniers mois, et tout ça, je vous avoue qu'on m'avait avisée. On m'avait dit: Lorsqu'il y a eu la consultation sur la loi, les gens, avec impatience, voulaient parler et exprimaient leurs attentes sur la stratégie. D'ailleurs, c'est à partir de tout ce qui a été colligé lors de la consultation qu'on en est venus à proposer la stratégie qui est là. Et gentiment on m'avait avisée. C'est ce que je glissais comme mot à M. Lauzon. On m'avait dit: Et, vous allez voir, quand on va être devant la stratégie, les gens vont vouloir être en train de vouloir voir les plans d'action, hein?
Je dis ça parce que je veux reprendre ce qu'il y a dans votre mémoire, en page 13. Quand vous nous interpellez pour que les objectifs soient formulés de façon, je vous dirais, là... avec des termes plus actifs, mais aussi quand vous dites que vous proposez, par exemple, une cible à atteindre dans un objectif, je veux juste reprendre même l'exemple que vous nous donnez, ou je pourrais reprendre l'exemple du plan d'action sur les changements climatiques. Tu sais, au moment où on se parle, là, la stratégie énergétique du Québec, il y a une obligation d'atteindre certains objectifs de diminution de la consommation d'énergie, par exemple dans le réseau de l'éducation, de 10 % à 14 % jusqu'en 2010, et on me racontait, là, que c'est variable, les résultats, effectivement, après à peine un an, mais que le ministère de l'Éducation était en train de parler des objectifs à atteindre avec le réseau de l'éducation par rapport à la diminution de la consommation d'énergie.
Si, moi, je prends le plan d'action sur les changements climatiques, c'est un plan d'action avec un... Ma cible, je la connais très bien, 13,8 Mt pour 2012, diminution de gaz à effet de serre. Ce que je suis en train de dire, c'est que la notion d'objectifs chiffrés, et tout ça, ça se retrouve dans les plans d'action, certains d'entre eux d'ailleurs à partir de la stratégie de développement durable. On n'est pas en train d'effacer l'ardoise de l'histoire du Québec puis de ce que fait déjà le gouvernement du Québec, la stratégie énergétique est là, les gaz à effet de serre sont là, et, je me dis, quand je reprends l'exemple que vous nous amenez par rapport à la consommation d'énergie, quand vous dites «2 % par année pendant cinq ans», je veux juste reprendre l'exemple du cheminement que fait en ce moment le ministère de l'Éducation avec les réseaux de l'éducation. Il y a en ce moment des écoles qui ont commencé... ou peut-être même qu'il y en a que ça fait environ cinq ans qu'ils ont fait des investissements pour changer leur système de chauffage, et tout ça. Ce n'est pas évident qu'on a les mêmes exigences et la même cible pour telle école par rapport à la cible qu'on donne à l'ensemble de la commission scolaire.
Je vous dis ça en disant: Quand je regarde la proposition que vous me faites par rapport à un objectif, honnêtement ça me fait presque penser à ce qu'on essaie d'expliquer au gouvernement fédéral par rapport à Kyoto. On est en train de dire: Quand vous mettez une cible uniforme sur tout le territoire canadien, et qu'au Québec on a déjà diminué nos gaz à effet de serre, puis que nos entreprises ont déjà diminué d'environ 36 % leurs émissions de gaz à effet de serre... pas 36 %, pardon, de 6 % depuis 1990, on essaie d'expliquer qu'on ne peut pas nous imposer la même cible, qu'il faut tenir compte d'où on est.
Je voulais faire ce commentaire pour vous dire: Je comprends bien, très, très bien le message qui dit: Il faut que ce soit plus proactif, avec des cibles, mais je me dis, c'est vraiment une réalité qui va se refléter dans les plans d'action, où j'estime que le ministère de l'Éducation, à partir aussi de comment il est interpellé par la stratégie énergétique et là les orientations et les objectifs de notre stratégie, va devoir s'asseoir avec son réseau, par exemple, éventuellement puis là discuter de comment il module tout ça pour tenir compte de la réalité.
En tout cas, je voulais faire ce commentaire en disant: Des fois, je trouve que de penser qu'on va imposer la même cible à l'ensemble des ministères et des organismes, ça ne m'apparaît pas tout à fait réaliste par rapport à quelque chose que le gouvernement se donne comme cible, si je reprends l'exemple de la stratégie énergétique ou je reprends l'exemple de Kyoto. Et là, oui, c'est moi qui est la gardienne de voir que chacun fait sa part puis atteint l'objectif, mais... Enfin, c'est pour ça que je voulais dire que pour moi ça va mieux se refléter dans les plans d'action des ministères.
M. Ruelland (Jacques): Vous me permettez de faire un petit commentaire là-dessus?
Mme Beauchamp: Oui. Oui, bien sûr.
M. Ruelland (Jacques): Ce n'était pas...
Mme Beauchamp: Ça se voulait un commentaire, mais dans le fond...
M. Ruelland (Jacques): Ce n'était pas négatif, c'est dans le sens que, vous savez, le développement durable, c'est complètement galvaudé, hein, depuis le début. Tout le monde, toutes les politiques de tous les ministères, des corporations multinationales commencent toujours avec un préambule de politique de développement durable. Vous avez vu, hier, dans les journaux, la critique du Commissaire à l'environnement, à Ottawa, ce qu'ils disent sur la démarche fédérale. Nous, on dit qu'en termes pédagogiques, si on veut atteindre des résultats rapidement et mobiliser les gens, il faut que ce soit très concret, très, très concret, et c'est strictement un exemple qu'on a donné non pas pour viser l'uniformité, mais c'est que, de la stratégie au plan d'action, il faut trouver des cibles précises et imposer des obligations concrètes et quantifiables parce que tout le monde se gargarise avec le développement durable. Finalement, tout le monde tourne en rond avec ça. Et, si on veut atteindre dans des temps raisonnables la mise en oeuvre, et des objectifs concrets, et des cibles déterminées, bien il faut... Puis ce n'est pas une critique, là, de votre approche, mais c'est notre expérience sur le terrain. Il faut vraiment dire: Bien, écoutez, là, fixez-vous des cibles dans telle année, dans tel domaine, dans le contexte dans lequel vous travaillez, et on va mesurer et on va monitorer l'évolution de votre démarche pour voir si vous atteignez vos résultats. C'est strictement dans cette perspective-là.
n(17 h 30)nMme Beauchamp: Peut-être juste pour poursuivre, je comprends cela. Je me dis: Je pense que la loi prévoyait cette philosophie lorsqu'elle prévoit les indicateurs puis lorsqu'elle prévoit tous les mécanismes de reddition de comptes auxquels on va astreindre les ministères et les sociétés avec la présence du Commissaire aussi. C'est exactement une logique de «on va se donner des cibles, on va se donner des indicateurs et on se donne la démarche de reddition de comptes qui va avec».
Je vais juste porter quelque chose à l'attention de l'ensemble des parlementaires parce que j'ai l'impression que, dans la vision du ministère et notre vision en ce moment, quelque chose qui rejoint les commentaires que plusieurs ont faits, c'est en page 46. D'ailleurs, je suis en dehors de la demi-page que vous avez ciblée, là. Ça s'appelle Plan de mise en oeuvre de la stratégie gouvernementale et c'est en page 46. Je ne suis pas dans la demi-page, la seule que vous aviez, vous, trouvée, là, je vous fais le commentaire en passant. Dans le plan de mise en oeuvre, une des choses que l'on dit, on parle de grands chantiers... Vous allez m'aider, je veux juste retrouver dans quel boulet je le retrouve, les chantiers. Oui, voilà. Je suis en milieu de page, c'est près... «...la mise en place, dès l'adoption de la stratégie, de grands chantiers intersectoriels sur un certain nombre d'orientations, de façon à créer la synergie nécessaire à la mise en oeuvre de la stratégie.» J'ai l'impression que, ce boulet-là, là, de la page 46, il va falloir le mettre en exergue pour que les gens réalisent plus qu'on est conscients des commentaires qui ont été faits sur le fait de dire qu'il va falloir qu'on se donne certaines orientations qui ressortent plus. Je pense que c'est peut-être écrit en trop petit puis que c'est trop... Mais l'orientation prise par le ministère, c'est: Donnons-nous les grandes orientations, et ce sera à travers des chantiers intersectoriels que, oui, on va, par exemple, dire que...
Bien, je pourrais prendre ça à l'inverse. Ça existe déjà, la stratégie énergétique, mais ça aurait pu être un exemple de dire: On va se donner... Ou, par exemple, j'imagine qu'un des chantiers, ça va être la notion de la consommation responsable à l'intérieur de tous les ministères ? je donne ça, là, à titre d'exemple ? et là ça va faire ressortir certaines orientations dites plus stratégiques.
Mais tout ça pour dire que vous êtes ici puis que vous représentez une réalité qu'il faut entendre, c'est la dimension régionale. Puis vous avez entendu donc nos invités précédents, de la région de Chaudière-Appalaches, et je veux plus vous entendre sur comment, vous ? et je sais que la question, elle est délicate et difficile et que les choses sont en mouvement ? mais comment, vous, vous voyez la notion de mise en oeuvre, quand on sera rendus là, au niveau régional, mais par rapport au rôle des CRE et le rôle des CRE, parce que vous nous interpellez pour qu'il y ait une reconnaissance de votre apport. Moi, bien sûr, à travers le ministère, on reconnaît que vous êtes des partenaires, mais, par rapport à la notion de développement durable, sur les territoires régionaux, je veux plus vous entendre sur... Parce qu'un jour on va être interpellés sur c'est qui, le porteur, hein ? je vais résumer ça comme ça, c'est qui, le porteur ? et je veux entendre votre vision des choses et votre point de vue au niveau du déploiement au niveau régional.
M. Ruelland (Jacques): Bien, au niveau régional, on est comme des courroies de transmission et on participe à une dynamique régionale politique qui inclut les CRE, les MRC, la Santé publique, les directions régionales des ministères, qui, chacun dans leur domaine, travaillent sur la mise en oeuvre de certaines politiques. Nous, par exemple, on siège à la Commission des ressources naturelles et du territoire, que vous connaissez bien et qui a des mandats au niveau de la mise en oeuvre, la planification éventuellement et la gestion de certaines ressources. Déjà dans ce créneau-là, il y a toute une dimension d'approche de développement durable, de la mise en oeuvre de la forêt et de l'exploitation forestière.
Les CRE ont un mandat qui est complémentaire à celui des MRC et ont l'obligation d'élaborer des plans stratégiques de mise en oeuvre qui sont théoriquement dans une perspective de développement durable. Ils doivent identifier des priorités et implanter leurs priorités en collaboration avec les acteurs du milieu dans les domaines qui ont des incidences directes sur le développement durable: le transport collectif, la santé publique, le développement économique, l'immigration, la culture. Ça touche tous ces volets-là.
Et, nous, on est comme les porte-parole de l'environnement et du développement durable à l'échelle régionale, mais la dynamique régionale varie d'une région à l'autre de manière drastique. Les choses sont très différentes dans les régions ressources ? l'Abitibi, la Côte-Nord, la Gaspésie ? que dans les régions urbaines ou semi-urbaines en termes... et les problématiques sont différentes. Mais le canal privilégié de notre intervention se situe avec deux clientèles différentes qui sont toutes les deux responsables de la mise en oeuvre du développement durable: il y a les directions sectorielles des ministères, puis il y a les organismes régionaux, il y a les villes, il y a les municipalités, il y a les MRC, il y a les CLD, et tout ça, qui ont à la fois des ressources et des mandats de mise en oeuvre de conservation et de développement économique. Donc, on travaille à cette échelle-là. Mais, à l'échelle régionale, c'est extrêmement difficile parce qu'à la fois les organisations sont petites et dispersées, et c'est très, très difficile de mobiliser...
On le voit, par exemple, en efficacité énergétique, avec les petites et moyennes entreprises, dans une stratégie de mise en oeuvre d'un programme d'efficacité énergétique avec Hydro-Québec. Bien, il faut solliciter chaque petite entreprise qui est dans une dynamique économique particulière dans son milieu, qui n'est pas nécessairement préoccupée par les incidences majeures de la dégradation de l'environnement, du changement climatique. Dans une région comme le Saguenay?Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord, la Mauricie, les changements climatiques, c'est beaucoup plus difficile que dans une région comme Montréal, dans un milieu urbain, de mobiliser le milieu pour travailler sur cette démarche-là et sur les objectifs visés en termes de développement durable. Donc, on considère que notre canal privilégié d'intervention, c'est de continuer d'influencer les acteurs régionaux tout en travaillant avec les directions régionales des ministères dans la mise en oeuvre, dans un premier temps, des objectifs gouvernementaux dans les ministères et les institutions gouvernementales. Mais je vous avoue qu'à l'échelle régionale c'est vraiment difficile.
Je ne sais pas si Philippe veut rajouter quelque chose de plus concret à ça, mais c'est les deux canaux privilégiés qu'on voit: le travail avec les directions régionales et le travail avec les CRE, les MRC qui coordonnent et qui déterminent une approche qui a des incidences majeures à long terme sur la façon que le développement se fait.
Moi, je connais mieux la région des Laurentides, mais le gros dilemme de la région des Laurentides, c'est de concilier le développement économique et immobilier accéléré qui s'y fait avec la protection de ses ressources naturelles, ce qui est le moteur d'attraction des gens qui viennent s'implanter dans les Laurentides. Donc là, les élus locaux, les municipalités, les CLD, la CRE, les MRC sont aux prises avec ce dilemme-là, comment équilibrer ça...
Le Président (M. Bergman): En conclusion.
M. Ruelland (Jacques): ...et ils n'ont pas nécessairement les modèles.
Le Président (M. Bergman): En conclusion avec cette pensée. Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Parce qu'on a peu de temps, M. Ruelland ? et il nous reste environ deux minutes, hein, si je ne me trompe pas ? donc, moi, je vais essayer de faire ça rapidement. Vous nous dites que la notion de développement durable, vous dites qu'elle est trop galvaudée, puis en même temps vous nous interpellez, dans votre mémoire, sur le fait que l'information, l'éducation, c'est important. Je vous interpelle à mon tour. Je veux bien me faire comprendre, là. Je sais que vous êtes associés de près avec la Chaire de développement durable de l'UQAM, et tout ça, mais je veux revenir sur le fait: Est-ce qu'un jour on va pouvoir s'entendre sur la définition qu'ont choisie les parlementaires du développement durable? Parce que je suis là, là, puis, je me dis ? et là je résume donc ? les parlementaires ont choisi à l'unanimité, à l'Assemblée nationale, de définir ça en disant que les caractères environnemental, économique et social étaient indissociables ? moi, je vous présente ça comme trois piliers ? et vous revenez avec des propos qu'on a entendus, là...
On a reçu la chaire de l'UQAM. Avec tout respect, je sais que leur vision est plutôt de dire: il y a comme une forme de hiérarchisation, et la question de la protection de l'environnement doit être une condition sine qua non. Et vous le reprenez, ça, dans votre mémoire, puis là on est là, en train de se dire: Ah! c'est trop galvaudé et tout, mais, moi, je suis là, en train de vous dire: L'Assemblée nationale est une institution démocratique, a adopté une loi qui... On prévoit d'ailleurs qu'elle sera revue. Peut-être qu'un jour elle sera revue, puis les parlementaires décideront de changer la définition, mais on va-tu réussir, au cours des prochaines années, à pouvoir accepter qu'on travaille sur la base de la définition qu'on a prise?
M. Ruelland (Jacques): Ce n'est pas incompatible du tout. Je vais vous donner un exemple que vous connaissez bien, les lacs, hein? A priori, il faut que le lac soit en bonne santé si on veut stimuler le développement économique et social. On a vu que la dégradation a une incidence directe sur l'économie et sur le social. Donc, les trois sont en équilibre, mais il faut a priori que le lac soit en bon état si on veut stimuler l'économie et l'environnement. Voyez-vous? La pêche, la disparition de la morue en Gaspésie, bien, si on n'avait pas fait disparaître les stocks de poisson...
Le Président (M. Bergman): ...s'il vous plaît.
n(17 h 40)nM. Ruelland (Jacques): ...on n'aurait pas eu les problèmes économiques et sociaux qu'on a depuis 20 ans en Gaspésie. Voyez-vous?
Le Président (M. Bergman): M. le...
Mme Beauchamp: ...est-ce qu'il n'y a plus de temps du tout? Non? Ah! Je suis désolée.
Le Président (M. Bergman): M. le député de Marguerite-D'Youville.
M. Diamond: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Ruelland. Bonjour, M. Bourke. Écoutez, mon intervention, je vais l'utiliser avec deux styles complètement différents. Le premier volet, ça va être des questions assez précises que souvent j'ai posées à d'autres groupes que j'ai reçus ? il fallait éclaircir des questionnements que j'ai vis-à-vis la stratégie ? et puis j'ai une question finale sur l'aspect du modèle économique, où j'aurais une discussion à engager à ce niveau-là. Et puis je vais aller rapidement sur le premier volet pour nous laisser plus de temps sur le deuxième volet, si vous me le permettez.
La première des questions, évidemment c'est souvent qu'il y a deux axes, deux inquiétudes que j'ai, moi, par rapport à cette stratégie-là. C'est en premier lieu le fait qu'il manque d'actions concrètes. Et puis je comprends que, là, il va y avoir des indicateurs à adopter plus tard. Et puis d'ailleurs le groupe juste avant vous, avec raison, avait mentionné le fait que, tout dépendant des régions, les indicateurs peuvent être différents. Puis c'est bien de décentraliser, mais je pense que c'est important d'avoir certaines balises concrètes. Est-ce que vous auriez, vous, des suggestions de balises concrètes qu'on pourrait ajouter à cette stratégie-là?
M. Ruelland (Jacques): Bien, je pense qu'on a abordé la question dans les minutes précédentes, sur la définition de cibles spécifiques dans des échéanciers précis. On a donné l'exemple de l'énergie, mais on peut le refaire dans différents secteurs, dans différents domaines. Mais ce que je comprends de la ministre, c'est que ces cibles-là vont être reprises dans des étapes ultérieures qui vont être rattachées à la stratégie.
M. Bourke (Philippe): Oui. Je pense qu'en fait c'est clair que, si on aurait eu les indicateurs... ou quand on les aura, ça va permettre justement de donner des choses plus claires. Moi, je pense que ça aurait été intéressant de les avoir en même temps que la stratégie. Malheureusement, ce n'est pas le cas puis c'est peut-être pour cette raison-là qu'on est obligés d'être aussi critiques que ça, parce qu'on ne les voit pas, donc on ne peut pas mesurer vraiment les choses plus concrètes. Les indicateurs devraient être assez clairs, c'est-à-dire quel est le taux d'émission de gaz à effet de serre, quelle est la consommation énergétique, la consommation d'eau, etc. Donc, en ayant ces indicateurs-là, on va pouvoir dire: Bien, pour atteindre ça, qu'est-ce que je fais? Ça va rentrer dans un canal beaucoup plus précis. Malheureusement, c'est ça, comme je vous dis, on ne les a pas. Ça pourrait permettre de clarifier...
M. Diamond: Vous n'êtes pas d'avis que... Là, vous venez de me donner une série d'exemples en disant, mettons, les émissions de gaz à effet de serre. On pourrait rajouter, exemple, le papier, on pourrait rajouter, bon, toutes sortes de véhicules. Bon, ça, c'est des moyens d'action concrets qui auraient pu se retrouver dans cette stratégie-là, mais, sur les indicateurs, comme tout le monde n'est pas au même niveau, à ce moment-là, c'est sûr et certain que ça prend d'autres consultations, puis chacun va avoir ses propres indicateurs à adopter. Mais vous n'avez pas l'impression qu'on aurait pu quand même avoir ces pistes de solution là à travers cette stratégie là et revenir plus tard sur les indicateurs afin de respecter l'autonomie de chacune des organisations?
M. Bourke (Philippe): Il y a deux choses en fait là-dedans. Il y a des indicateurs de performance. C'est-à-dire, mon ministère a des objectifs qu'il se fixe, et les indicateurs permettent de vérifier: Est-ce que j'ai atteint ces objectifs-là? Donc, ils sont liés aux objectifs spécifiques. Et, moi, j'y faisais référence tantôt dans la présentation, à mon avis ce serait assez simple d'avoir des objectifs précis au niveau des opérations. Un ministère a des opérations, il achète du papier, il consomme de l'eau, il dépense de l'énergie. Donc, dans ça, on se fixe des objectifs à moyen terme, on se donne des indicateurs de performance: Est-ce que j'ai réussi ou non?
Il y a la mission des ministères. Donc, les ministères, ils ont des opérations, mais ils ont aussi une mission: de développer le territoire, d'aider les personnes qui manquent de ressources, de soigner les gens. Ça, c'est la mission. Et, à ce moment-là, ça interpelle plus l'ensemble de la société, et là il faut se donner des indicateurs globaux pour tout le Québec, c'est-à-dire: Bon, les rivières se dégradent-u? Est-ce que j'ai atteint un niveau de préservation des milieux naturels? Ça, c'est des indicateurs plus globaux et qui concernent, à ce moment-là, l'ensemble de l'activité de la société, qui, elle, est canalisée par une opération ministérielle ou gouvernementale. Donc, je distingue un peu les deux aspects.
M. Diamond: O.K. Non, je pense que la distinction est très pertinente. Merci pour cet élément-là.
L'autre élément qui est revenu assez régulièrement, c'est la question de dire qu'il y a beaucoup d'objectifs. C'est une stratégie qui est exhaustive, qui à mon sens est là pour une vocation à très long terme, et puis c'est évident que c'est revenu à plusieurs reprises, le fait qu'il fallait prioriser les objectifs, parce que la crainte, avec raison, serait qu'on ait 150 environ organismes ou ministères qui vont s'en aller dans des directions qui ne sont pas toujours cohérentes. Et puis, à ce moment-là, la question est venue à quelques reprises: Est-ce qu'on devrait éliminer des objectifs ou on devrait plutôt les classer en fonction de l'urgence d'agir? Bien, écoutez, j'aimerais savoir, vous, ce que vous en pensez. Est-ce qu'il faudrait en éliminer ou les prioriser?
M. Bourke (Philippe): En fait, nous, on est plutôt d'avis qu'il faudrait les prioriser. Il y a certains objectifs, là, je ne veux pas me rentrer dans une grande catégorisation, mais vous l'avez retenu dans nos propos depuis le début. Nous, on pense que la protection de l'environnement devrait être une condition au développement durable. Donc, forcément, les objectifs qui sont liés à protéger l'environnement, ou les orientations, devraient en soi être prioritaires si on veut atteindre le développement durable. C'est sûr qu'il y en a d'autres, comme produire, consommer responsable, l'aménagement du territoire. C'est des grandes priorités aussi. Il y a des orientations et des objectifs qui sont plus, au niveau de la mécanique, je dirais, en accompagnement, comme l'information et la sensibilisation, c'est fondamental, on l'a dit, mais ce n'est pas en soi nécessairement un objectif, c'est ça qui doit conditionner la réussite. Donc, nous, on pense plutôt qu'il faudrait effectivement prioriser certains objectifs.
M. Diamond: Et puis il y a un volet qui est important également, le Commissaire à l'environnement, qui est passé lors de la première journée, a jeté des balises qui étaient du moins inquiétantes sur la situation du suivi après l'adoption de la stratégie et après l'adoption des indicateurs. Lui nous avait soumis l'idée que c'était beaucoup de travail, là, de faire un suivi adéquat. Il avait levé le spectre que peut-être le ministère de l'Environnement s'en était mis beaucoup sur les épaules, de faire un suivi adéquat, et qu'en bout de ligne un suivi, tu sais, dans les règles de l'art serait peut-être peu probable. Et puis, à ce moment-là, il faudrait peut-être considérer le fait de lui donner un coup de main. Est-ce que les CRE seraient en mesure de donner un coup de main?
M. Ruelland (Jacques): Ah, mon Dieu! Je pense que ce n'est pas le mandat des CRE. Je pense qu'on a l'éclairage du gouvernement fédéral, là, puis on a le rapport du Commissaire à l'environnement. Nous, on veut que ça marche et conséquemment on pense que le système de monitoring et de contrôle est aussi important que la mise en oeuvre des objectifs puis des réalisations. Parce que, là, ce que le Commissaire à l'environnement dit, à Ottawa: Il ne s'est rien fait depuis 10 ans, hein? Il y avait des objectifs, il y avait des intentions qui étaient certainement sérieuses, mais les résultats ne sont pas probants, les résultats ne sont pas là, à Ottawa. Donc, il faut s'assurer qu'on se donne les moyens. Est-ce que c'est par le ministère de l'Environnement? Est-ce que c'est par le Conseil du trésor? Est-ce que c'est par le Commissaire à l'environnement? Ça prend un mécanisme de monitoring et de contrôle qui va faire un suivi adéquat et régulier de la mise en oeuvre des objectifs et des cibles qui sont retenues. Mais ce n'est certainement pas notre mandat de... On a toutes les misères du monde à convaincre les gens en région de s'engager dans une démarche de développement durable, à moins que la ministre ait des budgets supplémentaires à nous accorder pour jouer ce rôle-là, mais...
Une voix: Même encore.
M. Diamond: C'est ça que je m'en allais dire: Même pas avec un 50 millions de plus, là? Ha, ha, ha!
M. Ruelland (Jacques): Bien, si elle a 50 millions, on pourrait envisager la possibilité de prendre le contrat, mais...
M. Diamond: Et puis là, si vous me le permettez, je vais aller avec la dernière partie de mon intervention. Dans le fond, c'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase, là. Bon, j'ai entendu ça à plusieurs reprises, au courant des interventions, et puis je n'ai jamais, bon, posé de question à cet effet-là parce que j'avais d'autres questions qui m'apparaissaient plus à propos. Mais là, maintenant que vous êtes là, je vais en profiter, puis c'est autour du modèle économique. Bon, on entend souvent ça, il faut revoir le modèle économique, et puis là-dessus j'aimerais ça vous entendre parce que, moi, à mon sens, le développement économique, aujourd'hui, vit avec des réalités qu'il n'y avait pas dans le passé parce que la société elle-même évolue, vous l'avez mentionné, et il y a des choses qui ont été faites dans le passé, qui vraisemblablement ne se feraient pas aujourd'hui. Et puis là, lorsqu'on parle de modèle économique, moi, aujourd'hui, je regarde ça puis je vois le modèle économique comme étant une marche à suivre, mais on peut s'en servir pour des fins environnementales. Par exemple, la bourse du carbone pourrait nous aider, puis c'est un outil économique. Par exemple, de se servir de leviers financiers comme la Caisse de dépôt et la SGF pour supporter des entreprises qui ont une vocation environnementale, ça, c'est toujours des outils économiques qui peuvent nous aider à développer adéquatement notre société tout en respectant l'environnement.
Puis même au contraire... a priori, je veux dire, on pourrait créer une niche économique autour du thème de l'environnement, ce qui, là... Écoute, on est morts de rire à cet effet-là parce qu'on a un développement économique. Mais, en plus de ça, on a de l'innovation, des technologies en matière environnementale pour le mieux-être de la société. Et puis, le modèle économique, hein, il faut le revoir. Tu sais, moi, je vois ça comme étant des outils qu'on peut se servir pour l'environnement, mais est-ce qu'il faut... Puis là c'est là que je veux savoir ça veut dire quoi, ça, revoir le modèle économique.
n(17 h 50)nM. Ruelland (Jacques): Bien, c'est de revoir... Puis là on l'a mentionné dans notre rapport, ce n'est évidemment pas évident, là, de revoir le modèle économique traditionnel. Vous avez donné un excellent exemple avec la bourse du carbone. Les modèles économiques vont s'adapter et vont intégrer graduellement les nouvelles valeurs de la société et les problématiques environnementales majeures comme les changements climatiques. Mais on est confrontés à deux paradigmes: le développement durable s'inscrit dans une perspective de long terme, et le modèle économique fonctionne dans une perspective de court terme. Et c'est normal, tu sais, on doit travailler, on doit manger.
Prenez la crise forestière actuelle. Bien là, on est dans une situation où il y a des taux de chômage majeurs, dans certaines régions, qui obligent à trouver les solutions et continuer la production forestière, alors qu'on devrait peut-être ralentir la production forestière dans une perspective de long terme. Donc, on doit toujours tenter de concilier les deux et là on développe des modèles peut-être d'intensification de la sylviculture, de l'aménagement forestier qui vont faire en sorte qu'on va produire plus de forêt pour continuer de créer des emplois en forêt sans dégrader la forêt, de manière à maintenir l'activité économique, la prospérité tout en rehaussant la qualité de la forêt à long terme. Tu sais, on est confrontés avec ça, là.
M. Diamond: Mais ça, M. Ruelland, je n'ai pas l'impression que ça s'appelle revoir le modèle économique, c'est tout simplement, tu sais, être dans son application de l'économie. Je veux dire, la forêt qui a été exploitée à tort et à travers, puis, aujourd'hui, ils vivent avec des conséquences qui sont terribles pour l'industrie, ce n'est pas des bons économistes. C'est là où je ne comprends pas ça veut dire quoi, ça, revoir le modèle économique. Je comprends qu'aujourd'hui il y a une série de réalités et puis, moi, je suis de la génération qui a toujours vécu dans ces réalités-là, je n'étais pas là dans le temps de mon grand-père, où ils saccageaient les forêts, là, mais...
M. Ruelland (Jacques): Je pense que ce qu'on veut dire par...
M. Diamond: ...je comprends qu'il y a une évolution. Mais est-ce que ça veut dire qu'il faut... Est-ce qu'il faut mieux appliquer notre économie, comprendre les réalités, revoir le modèle économique? C'est là où je ne vous suis plus, là.
M. Ruelland (Jacques): Les prémisses qu'on fait dans notre document, et à partir du rapport qui a été fait de l'ONU, qui fait la démonstration qu'on est en train d'épuiser les ressources, ce qui est une première dans l'histoire de l'humanité... Les changements climatiques, c'est une première, avec des conséquences majeures qu'on n'a jamais connues auparavant, et ces conséquences-là découlent d'une façon de gérer la nature, de gérer l'économie. Donc, il y a une obligation de revoir comment on va procéder. Comment est-ce qu'on va le faire? On ne le sait pas trop encore. On sait qu'on ne peut pas continuer dans le type d'exploitation et les mécanismes de l'économie qui font en sorte qu'on produit de plus en plus de biens et de services au détriment de la pérennité à long terme non seulement de la nature, mais de l'humanité, et ça, c'est les spécialistes qui le disent. Donc, on n'a pas nécessairement la façon et, on le dit, on ne réglera pas ça au Québec. Mais il reste que les grands spécialistes, le disent, là on doit trouver une façon de concilier tout ça.
M. Bourke (Philippe): Ce que je voulais dire, moi, c'est que notre indicateur en ce moment... Qu'est-ce qui fait qu'en général les gens sont contents? C'est quand ils entendent à la télévision: La croissance est bonne, elle est à 3 %, c'est bien. Et, si ce n'est pas le cas, ce n'est pas bien, ça va mal. C'est cette prémisse-là qui est contradictoire avec l'idée que la planète est finie. Parce qu'on ne peut pas être tout le temps en croissance, c'est impossible. C'est physiquement impossible. Et là déjà on nous montre qu'on l'a dépassé, et, cette logique-là, il va falloir la changer. Comme on vous dit, ce n'est pas simple parce qu'on est conditionnés comme ça. Pour être bien, pour performer, donc même on se compare aux autres: Moi, je suis meilleur parce que j'ai une meilleure croissance. Et donc on est dans une course à la croissance, de dire: Toute cette logique... Et ce n'est pas l'économie qui n'est pas bonne, c'est les principes à la base du modèle actuel.
Le Président (M. Bergman): Il y a seulement une minute. M. le député de Bellechasse.
M. Domingue: Écoutez, je vous écoute. Pour avoir vu et entendu plusieurs intervenants, si on fait de la projection, d'après vous qui serait le meilleur porteur? Parce qu'on a un phénomène au niveau de la démographie, ce ne sera pas évident, là. Est-ce qu'on est dans la fiction? Est-ce qu'on est dans le réalisme? Il faut faire un virage. Alors, d'après vous, là, si on faisait un peu projection, qui serait le meilleur porteur? Est-ce que ce sont les régions?
M. Ruelland (Jacques): Pour la mise en oeuvre du développement durable?
M. Domingue: Oui.
M. Ruelland (Jacques): On l'a dit un peu plus tôt, je crois que c'est au gouvernement du Québec de donner l'exemple, de déclencher un mouvement, d'obtenir des résultats, d'adopter les bonnes stratégies, qui vont être reprises ensuite de ça dans les différents paliers de juridiction. On doit avoir un exemple concret qu'aux Travaux publics, aux Transports, à la Santé...
Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Ruelland (Jacques): ...ça fonctionne, et par la suite, bien, ça va s'étendre ailleurs.
Le Président (M. Bergman): Merci beaucoup. M. Ruelland, M. Bourke, merci pour votre présentation. J'ajourne les travaux au mardi 6 novembre, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 17 h 55)