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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 29 novembre 2005 - Vol. 38 N° 53

Consultations particulières sur le projet de loi n° 118 - Loi sur le développement durable


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Table des matières

Journal des débats

(Vingt heures huit minutes)

Le Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! MM., Mmes les députés. On vous souhaite la plus cordiale bienvenue à ces auditions particulières sur le projet de loi n° 118, Loi sur le développement durable. Alors, je vous donne la lecture de l'ordre du jour pour ce soir.

À 20 heures, nous recevons l'Association québécoise des industriels du compostage; à 20 h 45, l'Association professionnelle des écoconseillers du Québec; et, à 21 h 30, l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts.

Alors, est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Aucun remplacement. J'inviterais tous les gens ici présents de bien vouloir fermer vos téléphones cellulaires. Il n'y a rien de plus détestable que d'entendre ce bruit lors de notre travail, parce que tous les membres ici présents sont, bien entendu, pris.

Auditions (suite)

Alors, nous allons immédiatement inviter l'Association québécoise des industriels du compostage. Vous avez déjà pris place, alors je vous inviterais à vous présenter pour les fins d'enregistrement, et je vous informe immédiatement que vous avez un temps de 15 minutes pour préparer votre... pour présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura un échange de 15 minutes avec le gouvernement et un échange de 15 minutes également avec l'opposition officielle. Alors, messieurs.

Association québécoise des industriels
du compostage (AQIC)

M. Gourdeau (François): Merci. Alors, merci de nous donner l'opportunité ce soir de présenter notre mémoire. Avant de vous présenter rapidement l'Association québécoise des industriels du compostage, je vais situer un peu...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, vous êtes monsieur?

M. Gourdeau (François): François Gourdeau.

Le Président (M. Pinard): Ah! Vous êtes le président sortant et vice-président du Groupe GSI.

M. Gourdeau (François): GSI Environnement, oui.

n (20 h 10) n

Le Président (M. Pinard): O.K. Alors, à vous.

M. Gourdeau (François): Merci. Alors, nous avions présenté, le 18 avril, un mémoire, que, j'espère, vous avez tous pu avoir en main pour ce soir, sur ce qui était alors l'avant-projet de loi. On a, ce soir, évidemment le projet de loi. Malheureusement, on ne peut pas commenter le projet de loi comme tel, donc nos commentaires vont quand même porter sur l'avant-projet de loi, mais, comme nos commentaires sont relativement, je dirais, généraux, je pense que la pertinence demeure pour l'essentiel des commentaires qu'on va faire. Mais je ne prétends pas connaître... enfin être en mesure, au nom de l'association québécoise, de faire un commentaire sur ce qui est maintenant un projet de loi plutôt qu'un avant-projet, alors j'espère que ça n'indisposera personne, à ce niveau.

Alors, l'association québécoise, c'est une association d'entreprises qui oeuvrent dans le domaine du compostage au Québec. C'est une association qui regroupe peu de membres mais dont les membres produisent quand même la majorité du compost présentement au Québec. Il faut comprendre que l'industrie du compostage au Québec est relativement jeune et, bon, est en voie quand même de connaître une expansion assez rapide dans les prochaines années, mais, lorsqu'on a regroupé six ou sept des principales entreprises, on a là environ 70 % des capacités de traitement de matières et de production de compost au Québec. Et c'est le but de notre association de se donner un lieu pour pouvoir justement commenter des actions gouvernementales et puis s'entraider.

Alors, de façon générale, l'association québécoise appuie, et sans réserve, le fait que le gouvernement du Québec veuille se doter d'une stratégie au niveau du développement durable. On trouve que c'est une bonne idée et on n'est certainement pas contre la vertu. On a certains commentaires ou certaines réserves, mais il faut quand même conserver l'ensemble de nos commentaires, que dans l'ensemble on trouve que c'est une bonne chose d'aller vers cette direction.

Premièrement, au niveau du développement durable, ce qu'on en comprend ? sans prétendre être des spécialistes là-dedans, on est des spécialistes du compostage et non pas du développement durable, alors, le compostage peut en faire partie, mais seulement une partie; ce qu'on en comprend ? c'est qu'il y a trois volets qui s'articulent dans ce concept-là, qui sont le développement économique, social et environnemental. Dans cette optique-là, au niveau de l'application de la stratégie, nous sommes d'avis que l'application de la stratégie, ou de la loi, devrait relever plutôt du premier ministre que du ministre de l'Environnement, parce que nous avons certaines craintes que le ministre de l'Environnement se retrouve en apparence de conflit d'intérêts lorsqu'il aura à trancher dans certaines situations où, justement, est-ce qu'on doit donner une prépondérance à l'économique, au social ou à l'environnemental. Puis, bon, bien entendu qu'on peut dire: On verra à ce moment-là puis on fera la part des choses, mais ça peut devenir une position difficile pour le ministre de l'Environnement de devoir prendre peut-être des positions où à certains moments on va devoir, comment je dirais, non pas favoriser l'économique au détriment de l'environnement, peut-être du point de vue du ministre, du point de vue du gouvernement, mais peut-être du point de vue de certains groupes d'opposition qui vont voir dans telle ou telle initiative ou projet des dangers d'atteinte au côté social ou au côté environnemental.

Alors, il nous semble un peu étrange qu'un concept qui regroupe trois aspects soit mené par un ministre qui a la responsabilité principalement d'un de ces aspects-là, l'aspect environnemental. Ça nous semblerait aussi étrange que ce soit le ministre du Développement économique qui soit responsable de la stratégie de développement durable ou un ministre affecté aux questions sociales. Alors, il nous semble qu'étant donné qu'il s'agit là d'un projet de loi qui veut balancer, dans le fond, un ensemble de choses, ça devrait relever davantage du premier ministre ou d'un secrétariat qui relève du premier ministre.

Sur des aspects spécifiques de la loi, on a fait certains commentaires dans notre document, des articles qui sont devenus... J'ai constaté tantôt... On fait plus un, dans notre... Il y a comme un article qui s'est rajouté au début, j'imagine, alors, quand on fait des commentaires en référant à l'article 18, c'est devenu l'article 19, l'article 11 est devenu le 12, et etc. Alors, en particulier, sur ce qui était auparavant, je crois bien, l'article 18, qui est devenu l'article 19, qui a peut-être été abrogé, qui a peut-être été changé, mais... Donc, on propose dans la loi d'insérer un article à l'effet que toute personne a le droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. Sans être des juristes, sans prétendre détenir la vérité là-dedans, il nous semble que ça pourrait produire problème par un phénomène de chevauchement, un dédoublement avec l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement. L'article 19.1 qui se lit:

«Toute personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure ? c'est à la page 9 de notre mémoire; dans la mesure ? prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations délivrées en vertu de l'un ou l'autre des articles», donc, etc.

Alors, on voit que l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement prévoit déjà un peu ce qui nous semble que l'article 19 veut réitérer dans une autre loi. Donc, ça nous semble superflu, étant donné que c'est déjà dans une autre loi, puis aussi ouvrir la porte à différentes poursuites, différentes actions en justice, étant donné que l'article 19.1 a quand même été soumis au test de la cour et puis qu'il y a donc une jurisprudence qui a émané de ça. Donc, de réouvrir la porte à nouveau ne nous semble pas... Enfin, on ne comprend pas où il y a de la valeur rajoutée là-dedans, mais par contre on comprend qu'il y aurait peut-être des problèmes de poursuites juridiques qui pourraient être amenés avec ça.

Finalement, un point qui nous semble important également... Puis je vais essayer de rester bien centré sur le projet de loi. Je ne veux pas faire du lobbying qui est à côté du projet de loi, mais je vais quand même faire ce que vous appelez peut-être un préambule. Alors, au niveau de l'AQIC, on demande, puis ailleurs aussi dans l'industrie de l'environnement, que certaines lois, que certains règlements surtout soient adoptés. Je pense au Règlement sur les déchets solides, qui d'ailleurs a été adopté mais dont on attend, si je comprends bien, l'approbation de la loi n° 107 pour qu'il devienne effectif, laquelle est en deuxième lecture. Bon, le Règlement sur les déchets solides, il y a le Règlement sur la qualité de l'air. On attend aussi avec beaucoup, beaucoup d'impatience une tarification sur l'enfouissement.

Bref, il y a un paquet de choses que l'industrie de l'environnement attend. Il y a une politique qui existe déjà au niveau du gouvernement du Québec, qu'on appelle la 98-2008, pour, comme vous savez, détourner 60 % des matières résiduelles des sites d'enfouissement; les matières résiduelles, en fait celles qu'on appelle déchets solides en vertu de la présente Loi sur les déchets solides.

Alors, on a une crainte que de s'engager dans une nouvelle loi alors qu'on est déjà en attente de plusieurs dispositions juridiques diverses va avoir pour effet de noyer un peu le poisson puis de ne pas bien focaliser les énergies. On pense qu'il y a beaucoup d'outils qui peuvent être mis en oeuvre aujourd'hui puis qu'on n'a pas nécessairement besoin, tout de suite aujourd'hui, d'une autre loi pour faire avancer la cause. Ici, je vais vous dire la cause de l'environnement, parce que c'est l'industrie que je représente davantage. On me dira peut-être que ce n'est pas tout à fait la même chose, le développement durable, mais on... Donc, on a un peu peur, c'est ça, que ce projet de loi là devienne un peu un détournement de l'attention, du fait qu'il y a plusieurs choses qui peuvent être faites aujourd'hui. Évidemment, sur les déchets solides, ça a pris 10 ans avant de l'adopter. On a fait, je pense, trois ou quatre fois des consultations publiques.

n (20 h 20) n

Alors, je peux vous dire que, dans l'industrie de l'environnement en général, les gens... puis dans celle du compostage en particulier, on est vraiment très, très, très impatients que des mesures concrètes se mettent en place pour que l'industrie puisse vraiment remplir sa mission. Alors, on ne voudrait pas que ce soit retardé.

Dans le même esprit, la politique... encore une fois, on ne prétend pas être des spécialistes juridiques, mais, encore une fois, il nous semble qu'une politique serait peut-être mieux... un meilleur outil qu'une loi, à ce stade-ci des événements, pour justement ne pas s'empêtrer dans des aspects juridiques. C'est une loi qui nous semble à la fois très large, qui se veut le plus précise possible mais qui englobe des concepts tellement globaux qu'on risque, disons, de s'enfarger là-dedans. Alors, il nous semble qu'une politique est un outil qui permet davantage d'avancer un peu dans des concepts qui sont plus difficiles à définir.

On verrait donc d'un meilleur oeil que dans un premier temps il y ait une politique qui soit émise sur le développement durable, qu'on fasse un peu le test de cette politique-là puis que peut-être, par la suite, une loi sur le développement durable soit présentée.

Alors, c'est ça. On voudrait juste que les énergies soient bien conservées et bien focalisées, au risque de me répéter, que ce soit une politique plutôt qu'une loi, que ça relève du premier ministre plutôt que du ministre de l'Environnement, mais, quand même, globalement, toute attention du gouvernement vers des lois et des règlements, des politiques, des concepts visant le développement durable ou la présentation de la qualité de l'environnement, c'est quelque chose qu'on regarde tout de même, malgré ces réserves-là, de façon très positive. C'est l'essentiel de notre mémoire.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Gourdeau. Sans plus tarder, M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Ça fait deux fois que j'ai le plaisir d'entendre M. Gourdeau. Je tiens à le remercier beaucoup, parce que son mémoire est extrêmement fouillé, très bien recherché, amène énormément de points très positifs pour notre réflexion, permet de faire deux choses. Dans un premier temps... Je veux décliner un peu une liste de choses qui ont été faites au cours de cette année 2005, qui répondent en large partie à certaines de vos préoccupations, et faire un plogue pour l'adoption, demain, tel que prévu, du projet de loi n° 107, qui va régler le cas d'un des règlements les plus importants dont vous parlez, qui est le Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles. Puis, après, on va parler de cette question de qui devrait être en charge. Je pense que c'est un point très important que vous amenez, puis vous l'amenez carrément. J'espère que je ne suis pas en conflit putatif ou apparent juste du fait d'en parler.

La tarification de l'enfouissement, le règlement sur les redevances à l'élimination. Donc, cette redevance de 10 $ la tonne auprès... qui s'ajoute aux frais d'enfouissement, plus frais de cueillette, plus frais de transport, devrait entrer en vigueur au début de l'année prochaine. Donc, tout est en place pour ça.

Donc, le règlement dont je viens de parler, sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles, a été adopté par le Conseil des ministres dont je fais partie, et le premier ministre aussi, en mai de cette année, et son entrée en vigueur devrait se faire au début de l'année 2006, dès que le projet de loi n° 107 aura été adopté.

Ça vaut peut-être la peine, M. Gourdeau, de partager avec vous ce court énoncé du Barreau du Québec, quand ils sont venus nous voir, sur le nouveau règlement, puis vous avez vraiment le même point de vue là-dessus. Ils disent ceci, au Barreau: «Cette nouvelle réglementation a établi des normes de protection de l'environnement qui sont certainement parmi les plus sévères en Amérique du Nord. C'est une réglementation moderne, attendue de tous depuis de nombreuses années, dont le Québec peut être fier. La réglementation québécoise est maintenant à la fine pointe des réglementations gouvernementales en matière de gestion de déchets. Cette nouvelle réglementation introduit des normes qui s'appliquent à tous les intervenants qui exercent des activités dans un domaine donné, qu'il s'agisse de l'incinération ou de l'enfouissement des matières résiduelles. Tous les citoyens et toutes les entreprises sont traités sur le même pied. Cette réglementation, avec son calendrier d'application, assure un traitement égal et équitable de tous les intervenants, et nous sommes d'accord que ce nouveau règlement va assurer une meilleure protection de l'environnement et de la santé publique.» Je mets l'emphase, «avec son calendrier d'application», parce qu'évidemment l'entrée en vigueur, demain, va nous aider.

L'adoption donc... Un autre élément, qui est l'adoption de mesures visant à réduire les matières résiduelles acheminées dans les sites d'enfouissement, donc le règlement relatif à la compensation pour les services municipaux fournis en vue d'assurer la récupération et la valorisation, a été adopté l'automne dernier, mais c'est entré en vigueur au mois de mars. Et le règlement marque le début de la mise en oeuvre du régime de compensation des municipalités, qui permettrait de financer jusqu'à 50 % des coûts nets de la collecte sélective. Finalement, les mesures visant la responsabilité des producteurs de matières résiduelles, basées sur le principe, que vous voyez là-dedans, d'utilisateur-payeur et de pollueur-payeur. Deux règlements vont dans ce sens, soit le Règlement sur la récupération et la valorisation des huiles usagées, des contenants d'huile ou de fluide et des filtres usagés ? c'était entré en vigueur en mars 2004, mais on vient de marquer, avec la SOGHU, qui est la société responsable de ce règlement-là, une importante étape, on a fait le compte-rendu récemment à Montréal, ça va bon train ? et le Règlement sur la récupération et la valorisation des contenants de peinture. Ça, c'est toute cette question d'internaliser les coûts, que, lorsqu'on achète quelque chose, ce sera dedans. Donc, vous êtes sur la même longueur d'onde que nous autres.

Mais maintenant j'aimerais m'adresser directement à cette question de qui devrait être responsable. Bon, lorsque j'ai été nommé ministre responsable... mon dossier, mon titre, c'est Développement durable, Environnement et Parcs. «Parcs» est un peu conjoncturel, on s'entend, mais, «Développement durable», je suis le premier ministre à porter ce titre au Canada, puis ça démontre jusqu'à quel point on prend au sérieux nos obligations, et notre intention est réelle dans la matière. Aussi conjoncturel, en même temps le premier ministre m'a nommé ministre président du Comité de législation. Ça, c'est une vision donc horizontale de toute la nouvelle législation gouvernementale que ça me donne. Mais encore une fois ça, ce n'est pas dans la loi. Mais on a quand même, il me semble, rencontré un des objectifs établis par Brundtland, qui était un engagement an plus haut niveau de l'État.

Donc, le premier ministre, en Conseil des ministres, établit la stratégie. Le premier ministre va être là à toutes les étapes cruciales du projet de loi. Puis évidemment cette loi même amenant ici, en commission parlementaire... reflète la volonté d'un gouvernement, présidé par un premier ministre.

La question que je vous pose donc, c'est: Avec ces faits-là, est-ce que ça change votre point de vue ou vous demeurez persuadés qu'un premier ministre, avec toutes ses autres obligations, demeure la meilleure personne à être responsable de l'application de la Loi sur le développement durable?

Le Président (M. Pinard): Monsieur.

M. Gourdeau (François): Oui. J'ai peine à imaginer un exemple qui pourrait arriver, mais j'imagine qu'il va y avoir des situations où, avec tous les concepts qui sont impliqués dans le développement durable, on va devoir faire des choix. Parce qu'évidemment, dans un monde idéal, on est capable de développer en préservant totalement la biodiversité, en assurant la totale santé des citoyens, bref il n'y a pas de choix à faire. On arrive à trouver une direction qui ne nous oblige pas à faire des choix, tout va bien partout.

Dans la réalité évidemment, comme les gens comme vous, au gouvernement, le savent, c'est rarement le cas, et puis il faut faire des compromis, il faut... bien il faut faire des compromis, parce que ce n'est pas des situations idéales. Alors, quand il va falloir peut-être faire un compromis peut-être un peu au détriment de l'environnement ? j'ai à l'esprit un peu les aventures qui sont arrivées dernièrement avec le harnachement des rivières, avec la centrale du Suroît, avec, bon, ce genre de choses là ? où il y a une question de développement économique, de court terme, de long terme, de jobs, de culture, de patrimoine écologique... Bon.

Alors, je conviens qu'on n'a pas encore, dans notre industrie, fait... on ne s'est pas encore habitués à votre nouveau titre. Alors, mes lapsus de tantôt l'ont bien illustré, j'ai dit: Pourquoi un ministre de... Non, mais ça existe quand même. Pourquoi, je disais, est-ce qu'un ministre de l'Environnement devrait... alors que ce n'est pas le ministre de l'Environnement, c'est le ministre du Développement durable, effectivement, de l'Environnement et des Parcs.

n (20 h 30) n

Je ne pense pas que personne... parce qu'ici ce n'est pas tellement à titre de citoyen mais plus au nom de l'AQIC que je suis ici, je ne pense pas que c'est une question qui est brûlante pour nous. C'est juste qu'après un débat entre nous on s'est dit que le ministre pouvait se placer dans une situation difficile. Le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs a quand même besoin d'avoir, je dirais, le soutien et l'approbation de l'industrie de l'environnement, des environnementalistes, des écologistes, etc., puis il va devoir peut-être des fois trancher en faveur un peu du développement économique au détriment peut-être de l'environnement, dans certains cas, ou en tout cas ça pourrait être perçu par certaines gens comme étant des choix de cette nature. Alors, il va s'exposer à se faire critiquer devant certaines situations et puis se faire dire peut-être que ce n'est pas un vrai ministre de l'Environnement, parce que c'est un ministre du Développement économique déguisé en ministre de l'Environnement, ou que sais-je? Ce n'est pas moi qui vais lancer ces accusations-là, mais c'est dans cet esprit-là qu'on faisait ces commentaires-là.

C'est sûr que vous faites partie d'un exécutif, puis que vous représentez le gouvernement, puis que, bon, au-delà de tout ça, il y a des décisions, qui sont gouvernementales, qui se prennent, mais ça risque de placer le ministre de l'Environnement, je pense, à certains moments, dans des situations délicates.

M. Mulcair: J'accueille très favorablement votre analyse. Je le comprends bien, mais je ne le partage pas, parce que je le vis de plus près. Mais parfois il faut être décollé de la fenêtre pour bien voir. Je vais penser à ce que vous venez de dire. Je vais l'amener dans notre réflexion à venir puis je suis sûr que mon collègue de Lac-Saint-Jean va nous en parler quand on viendra faire l'article par article.

Mais, moi, je demeure persuadé qu'on est en train d'opérer un changement de génération. L'aspect environnemental va demeurer primordial, on s'entend là-dessus. Mais c'est concilier les trois, l'environnement avec les aspects sociaux et économiques, je suis convaincu que, si on inculque ce nouveau sens de l'importance d'avoir cette vision d'ensemble, on va y arriver. Mais je suis sensible à ce que vous dites, mais je me permets de vous suggérer de prendre connaissance de la présentation qui a été faite ici, en commission parlementaire, par le Centre québécois de développement durable, qui vient d'Alma, du Lac-Saint-Jean, et c'était vraiment bon. Ils insistaient beaucoup sur l'importance de ne pas faire des pubs Familiprix avec ça. Ah! Ha! Est-ce que ça du développement ou... C'est une vision, c'est une manière de s'y prendre.

Et, moi, je suis convaincu que ça va être une affaire d'une génération. Nous, on est dans les balbutiements. Moi, je taquine toujours les extraordinaires hommes et femmes qui travaillent avec nous, d'être modestes, parce que la trouvaille d'aujourd'hui pour déceler les problèmes pour la prochaine fois... Je pense, par exemple, quand on a relié la production porcine à une superficie de terre, puis les producteurs disaient: Tu veux de la terre, j'en ai juste ici, en dessous de ma forêt privée, puis on a perdu, en Montérégie, entre 1998 et 2002, à peu près... on a perdu à peu près 8 000 hectares de forêts coupées. C'était tout à fait légal, mais ça a eu un drôle d'effet, parce qu'il y a eu un écoulement beaucoup plus rapide vers les cours d'eau de tout ce qui est pesticides et engrais parce qu'on n'a plus les feuilles puis les arbres puis les racines puis les systèmes pour les arrêter. Donc, une bonne idée environnementale n'avait pas anticipé le prochain «move», si je peux dire.

Mais, moi, je termine, je passe la parole à l'opposition, puis un de mes collègues, mon adjoint parlementaire, le député de Portneuf, avait une question. Mais je tiens vraiment à vous féliciter, parce que vous êtes vraiment représentatifs d'une industrie d'avenir qui, avec l'avènement généralisé de l'application de la politique 1998-2008, va avoir un rôle accru à jouer... donc, toute l'expertise que vous êtes en train d'acquérir, que vous mettez en commun, va profiter à beaucoup plus de monde après. Et je vous remercie pour tout ce que vous faites.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, M. Gourdeau. J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'échange que vous avez eu avec notre ministre, et puis je me disais, votre inquiétude, est-ce qu'elle est vraiment... elle a vraiment sa place, considérant qu'à l'intérieur des 16 principes qui sont énoncés dans le projet de loi il y en a au moins la moitié qui sont plus de nature environnementale. Est-ce que, ça, ce n'est pas quelque chose qui devrait vous rassurer, d'une part? Puis, d'autre part, vous-même étant en entreprise, dans une entreprise environnementale, quand vous vous installez, une entreprise comme la vôtre, dans un secteur, les aspects que vous devez considérer ne sont-ils pas aussi environnementaux, économiques et sociaux, par rapport à l'acceptabilité de votre entreprise dans un milieu? Il me semble que vous-même, comme entreprise, vous vivez au quotidien les enjeux de ces trois notions-là. Alors, je me disais, si, vous, vous êtes capable, probablement que notre ministre sera capable. Et l'idée d'amener ça au plus haut niveau de l'État, je pense bien que ce qu'on veut faire avec le projet de loi, M. le Président, si... On sait que depuis plusieurs années il y a une multitude groupes environnementaux qui se sont créés, à l'initiative, je dirais, de la population, puis dans le fond souvent ce qu'on reprochait au gouvernement, c'est de ne pas être cohérent, parce que le gouvernement n'adoptait pas de mesures qui étaient toujours en conformité avec les préoccupations des groupes environnementaux.

Mais, là, le projet de loi fait en sorte qu'on veut donner à l'ensemble des ministères du gouvernement et organismes cette, je vous dirais, cette préoccupation de la protection de l'environnement et du développement durable. Donc, il me semble que c'est un pas qu'on doit faire. Vous, vous dites que c'est une loi qui est de trop, mais il me semble que, si on veut avoir un petit peu de cohérence, c'est essentiel que l'ensemble des organismes et ministères aient cette préoccupation-là, aient un dénominateur commun qui fasse en sorte que les gestes qu'on pose soient réfléchis dans les trois dimensions.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Gourdeau.

M. Gourdeau (François): Donc, deux aspects. Sur le premier, vous me mentionnez: si, nous, on est capables de le faire, on imagine bien que le ministre va pouvoir le faire, à savoir concilier des aspects justement économiques et environnementaux puis... et sociaux.

L'exemple est bien choisi. Puis, ce que je peux vous répondre à ça, c'est qu'effectivement ça nous donne, à nous, des difficultés. Puis souvent, bon, si on parle, comme ça, dans un cocktail à quelqu'un: Ah! tu travailles dans quoi? Dans l'industrie de l'environnement. Ah! c'est l'fun, c'est merveilleux, tout ça. Bon. Mais, quand on est une entreprise de compostage qui opère dans un milieu, oups! là on devient une entreprise non pas de vertu mais de gestion de déchets. La mafia des déchets, n'est-ce pas, où il peut y avoir toutes sortes de noms d'associés à ça. Puis là, tout d'un coup, on se fait accuser... Je me souviens d'une fois où je me suis fait pointer un doigt très accusateur de quelqu'un qui m'a dit: On sait bien, vous, vous faites de l'argent avec ça, les déchets. Comme si, quand on est en entreprise, c'était un péché de faire de l'argent. Et encore plus dans le déchet.

Ça fait que, oui, les gens, on se retrouve dans cette situation-là, puis elle est difficile à vivre, justement. Parce qu'on nous reproche de vouloir faire de l'argent ou de vouloir faire une activité économique avec quelque chose qui encore, dans, un peu, l'inconscient collectif, je dirais, devrait relever de la vertu pure. En environnement, c'est de la conservation, c'est quelque chose de pur, c'est quelque chose de beau, ça ne devrait pas être une activité économique avec des camions, avec de l'argent, avec des contrats, tout ça. Alors, j'y réponds juste par cet exemple-là, je dirais: Bien, oui, c'est un bon exemple pour vous dire que peut-être ça peut être des situations difficiles à vivre. Pour la deuxième partie, excusez-moi, votre deuxième partie portait sur?

M. Soucy: C'était de vérifier auprès de vous si vous n'étiez pas rassuré du fait que, dans l'ensemble des principes, des 16 principes qui sont évoqués dans la loi, il y en a déjà huit qui touchent de façon assez directe les préoccupations environnementales.

M. Gourdeau (François): C'est sûr que, quand on parle de développement durable, on parle davantage, même si on lit des définitions de Brundtland, etc., mais on parle davantage environnement que de développement économique. Puis il faut balancer tout ça. Puis dans le fond ce que les gens pensent que développement durable veut dire, malgré les définitions qui sont là, c'est dans le fond qu'on veut faire... on veut mettre un peu un frein non pas au développement économique, mais on veut mettre un balancier dans ce qui est présentement... On n'est pas une société neutre, on est une société de consommation présentement, on est une société de développement économique qui développe de façon effrénée, qui consomme de façon effrénée, qui détruit son environnement de façon effrénée, puis qui n'est absolument pas durable du tout dans sa façon de se comporter.

Alors, il y a une certaine logique, je peux voir la logique de dire: Bien, on va donner ça non pas à un ministre... Si on a à choisir un des ministres puis que ce n'est pas le premier ministre à qui on va le donner, mais on le donnera probablement pas, le développement durable, au ministre du Développement économique, parce qu'on veut justement lui donner un contrepoids. Donc, il y a ce contre-argument-là à ce que je disais tantôt, de dire: Bien, écoutez, on part d'une situation qui n'est pas neutre puis on veut aller plus vers l'environnement, on va le donner au ministre de l'Environnement. C'est certain.

Mais il n'en demeure que les commentaires que j'ai faits, je crois, demeurent quand même valides. Puis, avec la manie des journalistes à faire des beaux titres dans les journaux puis à la télévision, bien, quand on se place dans des situations difficiles, bien des fois ça peut devenir difficile à vivre. C'est juste ça. Alors, on s'attend du ministre de l'Environnement qu'il soit totalement vertueux et qu'il ne pense même pas au développement économique. Et je pense que ça doit être des fois difficile à gérer.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député d'Alma... de Lac-Saint-Jean, excusez-moi.

n (20 h 40) n

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Gourdeau, de votre présence. Il est écrit, à la page 3 de votre mémoire: «De façon générale, [vous considérez] que l'avant-projet de loi ouvre toute grande la porte à l'arbitraire. L'enchâssement des principes et des concepts de développement durable dans la loi risque de produire des effets contraires et provoquer des multiples recours judiciaires.» Pouvez-vous expliquer davantage, ou donner des exemples, dans quelle mesure cela pourrait donner les conséquences que vous énumérez?

M. Gourdeau (François): D'abord, notre... je rappelle que le mémoire était sur l'avant-projet de loi. Donc, sans avoir comparé les deux, j'imagine qu'il y a certains concepts qui ont possiblement été précisés. J'ai donné un exemple tout à l'heure, qui était peut-être le principal exemple, qui était par rapport à... le droit du citoyen d'avoir un environnement sain puis, bon, maintenir la biodiversité, etc., où on voyait là une possibilité de conflit. Comme on n'est pas une grosse association avec un contentieux juridique, non, malheureusement, je ne peux pas vous préciser davantage notre pensée, puis je vous dirais qu'à ce niveau-là elle relevait et elle relève davantage d'une intuition que d'une analyse systématique. C'est l'impression qu'on a que, avec des concepts aussi globaux, il nous semble qu'il pourrait y avoir... ça pourrait venir en porte-à-faux avec certaines autres réglementations. Si on garantit au citoyen qu'il a droit à la biodiversité totale, bien, moi, la journée où j'implante un nouveau site de compostage, par exemple, puis on doit abattre quelques arbres, bien on vient de compromettre à biodiversité, alors... ou en tous cas une partie du biotope qui est là. Donc, c'était ça, on ne peut malheureusement pas le préciser davantage que ça.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Tremblay: À la page 5 de votre document, vous dites: «Notre industrie doit composer avec l'application inégale des réglementations d'une région à l'autre et l'absence de politiques d'achat gouvernementales favorisant la valorisation des matières putrescibles et l'écoulement des composts.» Qu'est-ce que vous voulez dire par «des réglementations différentes d'une région à l'autre» et «l'absence de politiques d'achat gouvernementales»?

M. Gourdeau (François): En fait, oui, en fait, ce n'est pas qu'il y a une différence de réglementation, mais il y a une application inégale des réglementations et en particulier des guides. On sait que le ministère de l'Environnement est divisé en directions régionales, et ? il n'y a jamais rien qui est parfait dans la vie ? alors on ne peut pas tout définir dans les lois et dans les réglementations, et il y a une certaine part d'arbitrage.

Par exemple, lorsqu'on requiert des certifications d'autorisation pour faire certaines activités, prenons l'exemple de l'ouverture d'un site de compostage, les réglementations ne sont pas parfaitement précises, ce qui fait que l'analyste du ministère de l'Environnement, de la direction régionale qui voit à l'application des réglementations en place, à l'aide également des guides qui sont en place à l'interne du gouvernement, un analyste de telle ou telle direction n'aura pas nécessairement la même lecture et la même interprétation. Il n'aura pas les mêmes exigences qu'un analyste d'une autre direction régionale. On sait que, et je n'en nommerai pas, mais il y a certaines directions régionales qui sont beaucoup plus, beaucoup, beaucoup plus dures avec, dans ce cas-ci, l'industrie du compostage que d'autres directions régionales. Il y a un facteur humain qui est là. Il y a des gens qui croient plus dans le compostage, qui y croient moins, il y a des facteurs démographiques, des directions générales qui sont dans des situations où la démographie, la pression démographique est plus intense, donc la tolérance à l'erreur est moins grande. Bon, il y a différentes choses.

Mais il reste que la résultante de tout ça est qu'on a, par exemple, des certificats d'autorisation sur des sites de compostage, où on doit s'engager par écrit à n'émettre aucune nuisance d'odeur, et qu'à d'autres endroits, dans d'autres directions régionales... Il n'y a pas juste la région, il y a aussi le moment, parce que c'est des certificats d'autorisation qui ont pu être émis à différents moments également, donc c'est une variable, disons, spatiotemporelle, mais donc un autre site de compostage, lui, va n'avoir aucune contrainte, aucune, même, mention au niveau des odeurs. Alors, ça crée un environnement compétitif, dans l'industrie, qui est inégal. Alors, c'est ça un peu qu'on voulait dire par ça.

Je peux vous faire une petite parenthèse aussi, on fait... l'entreprise pour laquelle je travaille, on fait aussi énormément de valorisation agricole des matières résiduelles, plus de 500 000 tonnes par année, donc on est la plus grande entreprise de valorisation agricole au Québec, on requiert environ 600 certificats d'autorisation par année auprès du ministère, et on peut percevoir des styles, des façons différentes d'appliquer la réglementation en place par les analystes. Je ne dirais pas que c'est fait de façon non professionnelle, ou quelque chose comme ça, mais ça crée quand même un échiquier qui n'est pas égal partout. Et c'est ça qui est la difficulté, puis certaines des entreprises qui font partie de l'AQIC trouvent difficile de composer avec cette réalité-là.

Le Président (M. Pinard): M. le critique.

M. Gourdeau (François): Puis j'en profiterais aussi... Excusez... Non, c'est beau. Je voulais en profiter pour dire d'autre chose, mais on est à la période des questions, puis je vais en rester aux questions.

Le Président (M. Pinard): D'accord. M. le critique.

M. Tremblay: Bien, c'est le temps d'en passer, des messages, le ministre est là, je le fais souvent.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay: Votre entreprise se situe au niveau du compostage, mais quelle est la part du compost municipal, résidentiel, que vous traitez?

M. Gourdeau (François): J'apprécie beaucoup cette question-là, puis c'est intéressant, je pense, pour tout le monde d'apprendre ça. Il se composte, là... Je peux me tromper un peu, là, mais il se composte environ 1 million de tonnes, là, par année au Québec présentement. Je ne suis pas tout à fait à jour dans mes données, mais c'est un très bon ordre de grandeur. Là-dessus, la part des déchets solides au sens du Règlement sur les déchets solides, donc ce qui sert de base pour les statistiques 1998-2008, représente une très infime proportion. L'industrie du compostage s'est développée malgré l'absence de ces matières-là.

On parle de quelles matières? On parle des résidus de table, des résidus putrescibles ? résidus de table résidentiels ? et putrescibles du côté municipal, institutionnel et commercial, qui constituent un déchet solide au sens de la réglementation québécoise. Or, l'industrie du compost, au Québec, s'est développée en grande partie... d'abord, au départ, il y a 25 ans, sur des boues de pâtes et papiers, puis a beaucoup évolué sur les boues de pâtes et papiers. Par la suite, les biosolides municipaux, puis là les feuilles et gazons commencent. Et puis le résidu de troisième voie, qui est un peu notre Saint-Graal à nous, qu'on espère qui va arriver bientôt, commence mais est très, très peu présent, parce que les collectes sélectives pour le putrescible... de collecte de troisième voie, il y a simplement les projets à petite échelle, bon, à Laval, à Sherbrooke, à différents endroits, mais c'est à très, très petite échelle au Québec présentement.

Alors, la réponse courte, c'est que c'est une petite partie du volume, mais c'est une partie du volume qui va normalement être très, très croissante dans les cinq prochaines années.

M. Tremblay: Est-ce que... Parce qu'actuellement c'est vraiment les municipalités et les MRC qui décident de leur stratégie de cueillette sélective. Et j'en profite parce qu'actuellement on est en train d'étudier un projet, dans mon comté, pour faire en sorte qu'il y ait juste deux voies, ou presque trois, là, mais ça ne sera pas un trois bacs, et c'est le humide et le sec, et la division se fait d'une façon différente... Et donc est-ce que vous pensez que le gouvernement du Québec fait tout ce qu'il doit faire pour atteindre nos objectifs de revalorisation des matières résiduelles?

M. Gourdeau (François): Bon, Comme vous savez, les municipalités doivent déposer leur plan de gestion intégrée des déchets, lequel plan doit être jugé acceptable ou non par le ministre de l'Environnement, qui, s'il le juge acceptable, l'approuve et sinon retourne les municipalités ou les entités municipales à leurs devoirs.

Alors, il y a beaucoup qui a été fait dans les derniers deux ans parce qu'il y a beaucoup... la plupart des municipalités ont au moins déposé ? en fait, c'est plus les MRC; ont déposé ? leur plan de gestion des matières résiduelles. Puis, si je ne m'abuse, je pense qu'il y a un peu plus de la moitié, là, qui ont été approuvés le ministre de l'Environnement... du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs ? pardon, je vais y arriver!

Et est-ce que le gouvernement fait tout ce qu'il pourrait faire? Pour nous, l'enjeu, il faut regarder au niveau de la démographie du Québec. Le Québec, c'est grand, mais il y a pas mal de choses qui se passent, disons, entre Ottawa puis Québec, ou en tout cas dans la plaine du Saint-Laurent en général.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay: Ah! bien, il n'y a pas grand chose qui se passe!

Le Président (M. Pinard): Revenons à notre sujet, s'il vous plaît!

M. Tremblay: Excusez.

Le Président (M. Pinard): Revenons à notre sujet.

n (20 h 50) n

M. Gourdeau (François): Oui, c'est ça, j'ai dit un mot sensible. De Hull jusqu'à Québec. Mais, blague à part, évidemment, le gros contentieux, si on veut, présentement, c'est au niveau de la Communauté urbaine de Montréal, où il y a énormément de population, et puis le ministre juge inacceptable ce que la Communauté urbaine de la ville de Montréal ont déposé comme plan, où essentiellement ils disent: Bien, écoutez, financez. Si je comprends bien, ils disent: Financez le tout, puis on va y aller. Alors, bon, ça tire du poignet dans ce coin-là.

Nous, ce qu'on souhaite, au-delà de tout ça, c'est que ça aille de l'avant. Ce qu'on pense, dans l'industrie du compostage, c'est que les citoyens ? et il y a un sondage Léger & Léger, je crois, dernièrement qui a démontré ça ? les gens sont prêts. Je pense que les politiciens sont un petit peu en retard sur la population présentement. Oui, les gens ne veulent pas payer plus de taxes, etc., mais, s'il y a des montants supplémentaires qui sont dédiés à des actions précises en environnement, ce que le sondage Léger & Léger a démontré, un sondage qui a été commandé, je crois, par le... là, qui est un autre organisme de gestion des déchets, qui regroupe plusieurs entreprises privées, ce qu'il a démontré, c'est que les gens sont prêts à payer davantage dans la mesure où il y a des actions concrètes qui sont reliées à ça.

Alors, on souhaiterait évidemment que le gouvernement soit plus ? comment je dirais ça? ? non pas drastique, mais, disons, plus ferme dans son approche avec les MRC et avec les communautés urbaines et leur indique que, bon, la récréation est terminée, puis qu'il faut remettre les devoirs, et qu'il faut passer à l'action, parce que 2008, c'est dans 1 000 et quelques jours. Le 5 avril prochain, 2008, ça va être dans 1 000 jours, et puis il va rester énormément de choses à faire. Alors, pour nous, il est clair qu'on n'atteindra absolument pas les objectifs de 2008 en 2008, et on trouve ça dommage. On trouve ça déplorable. Alors, on aimerait, oui, que ça aille plus vite. Et pour le gouvernement en place et, sans aucune considération politique, même pour le gouvernement qui était là avant, ça n'a pas été vite, ça n'a pas été assez vite depuis 10 ans.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, moi, je ne suis pas... Je connais ça, le compost, j'avais une ferme laitière biologique, et puis vous avez amené tout à l'heure un point qui m'a rappelé des choses. Je ne sais pas de quelle manière vous disposez de votre compost, parce que, moi, quand j'étais en activité, je ne pouvais même pas acheter ? je l'avais fait quelques années ? des boues de papetières qui étaient compostées, vu que mon comté était en surplus de purin de porc. On était... dans la Beauce, on était en surplus. Vu que j'étais une ferme biologique, je ne pouvais même pas avoir des apports de compost ou de pâtes chez moi. Je les eus une année, après ça... Alors, je trouvais que ce règlement-là, quand même, était un peu spécial, parce que les gens qui veulent s'en aller dans le biologique, ils sont freinés là, là. Ils ne peuvent pas avoir d'apport pour leurs fermes.

La question que je me pose... j'en ai déjà fait, du compost, alors je sais comment ça se passe, là. Est-ce que vous avez, dans vos projets... Dans le développement, sûrement que vous devez avoir pensé à récupérer les gaz qui peuvent sortir quand le compost se fait, parce qu'on sait qu'il se produit toutes sortes de gaz et des senteurs un peu bizarres, mais est-ce que vous avez déjà regardé pour récupérer ça pour faire de l'énergie?

Le Président (M. Pinard): M. Gourdeau.

M. Gourdeau (François): Il y a deux grandes façons de composter: il y a un compostage dit aérobique, donc en présence d'oxygène, où on a un certain type de bactérie qui va dégrader la matière sans émettre... en émettant, disons, peu de gaz à effet de serre, puis pas de gaz qu'on pourrait récupérer à des fins énergétiques; puis il y a un compostage anaérobique, qui est en fait une digestion en aérobie qui, elle, va émettre des gaz qui peuvent être récupérés pour de la valorisation énergétique.

Le contexte au Québec au niveau de la valorisation énergétique, sans être spécialiste de la question, ce que j'en comprends, c'est qu'on n'a pas des tarifs énergétiques suffisamment élevés pour permettre l'éclosion d'une industrie de transformation de la biomasse en énergie, comme on voit par exemple en Californie ou dans certains pays en Europe, où la facture énergétique est beaucoup plus élevée, particulièrement au niveau de l'électricité.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. Gourdeau. Merci de votre présentation. Et je vais suspendre quelques instants afin de permettre à l'Association professionnelle des écoconseillers du Québec de bien vouloir se présenter.

(Suspension de la séance à 20 h 55)

 

(Reprise à 21 h 1)

Le Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons nos travaux. Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue, membres de l'Association professionnelle des écoconseillers du Québec. Je vous rappelle que vous allez nous présenter votre mémoire pendant... que vous avez un temps de 15 minutes; par la suite, il y aura un échange avec le gouvernement pendant 15 minutes; et enfin nous terminons avec l'opposition officielle pour un dernier 15 minutes.

Je vous inviterais, M. Belley, à vous présenter, à nous donner votre titre ainsi que présenter les gens qui vous accompagnent, pour fins d'enregistrement, s'il vous plaît.

Association professionnelle des
écoconseillers du Québec (APECQ)

M. Camus (Patrice): Merci, M. le Président. Tout d'abord, je me permets de vous saluer au nom de mes deux collègues ici présents, ainsi que l'ensemble des membres des écoconseillers du Québec. M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, MM. et Mmes les députés, les membres de la commission, bonsoir.

Donc, je me présente, Patrice Camus. Je suis écoconseiller depuis deux ans; à ma droite, Nicolas Bastien, écoconseiller, ainsi que, à ma gauche, M. Kelly McMahon, écoconseiller.

Donc, c'est avec un très grand plaisir que nous nous présentons ici ce soir, et nous tenons à vous remercier de cette invitation afin de nous permettre de vous présenter nos recommandations suite à la lecture du projet de loi n° 118 sur le développement durable.

M. le Président, mon allocution va s'articuler en trois parties distinctes. Tout d'abord, je tiens à préciser, à vous apporter quelques éléments d'information concernant le rôle de l'écoconseiller, et, dans un deuxième temps, je vais intervenir au niveau de trois propositions majeures que nous proposons à la commission ce soir, et, à la fin, vous me permettrez, s'il vous plaît, de conclure notre étude.

Donc, sans plus tarder, je tiens à vous présenter le rôle de l'écoconseiller, qui peut effectivement intervenir à plusieurs niveaux: il peut intervenir sur le plan stratégique, tout comme il peut intervenir sur le plan opérationnel. Vous comprendrez qu'au niveau stratégique il est un conseiller qui permet la prise... qui est en aide à la prise de décision. L'écoconseiller peut intervenir à plusieurs niveaux également, soit au niveau d'organisations privées, soit dans des institutions publiques. Ce n'est pas un expert du développement durable en tant que tel, mais c'est plutôt considéré comme un généraliste qui a comme cadre de référence le développement durable.

Le diplôme d'écoconseiller qui est présenté à l'Université du Québec à Chicoutimi ? et je tiens à mentionner que nous représentons, ce soir, des recommandations non seulement de l'APECQ, mais également de la Chaire en écoconseil de l'Université du Québec à Chicoutimi ? ce diplôme permet l'acquisition de compétences en sciences de l'environnement, en éthique, en communication, en gestion de projets et d'équipes multidisciplinaires.

Cette formation, basée sur la capacité à voir les problèmes différemment, propose également des solutions, des alternatives concertées. Donc, vous comprendrez que l'écoconseiller a une vision globale, intégrée, transversale et multicritères. Ce sont des notions fondamentales de notre formation. Il propose donc des solutions ou des alternatives concertées, il a un rôle de médiateur ? nous avons une formation en gestion de conflits ? pour résoudre par la communication certains conflits entre divers acteurs qui peuvent avoir des intérêts divergents, mais l'approche de l'écoconseiller est d'obtenir par la voie de la communication et la gestion participative des acteurs un consensus.

La force... Je reviendrai plus tard à la force, mais l'intervention de l'écoconseiller peut se situer sous différentes formes. Les écoconseillers peuvent avoir informé... peuvent former, sensibiliser et vulgariser le concept de développement durable. Il a également, en tant qu'acteur de changement, un rôle d'interface entre les spécialistes de plusieurs disciplines, un rôle d'interface entre le spécialiste et le décideur, un rôle d'interface ou de médiateur pour permettre l'émergence de solutions. Si vous me permettez de donner un exemple avec l'appareil gouvernemental, un écoconseiller peut être... jouer un rôle d'interface entre les ministères eux-mêmes, entre l'appareil gouvernemental et, par exemple, les MRC où se situent l'action, les projets de développement durable sur le terrain. Il peut également avoir une interface entre le citoyen et l'appareil gouvernemental.

La force de l'écoconseiller est de travailler en réseau. Et nous travaillons également donc sur un réseau international, puisque des écoconseillers sont formés depuis une vingtaine d'années en Europe. Et nous avons organisé un réseau de travail qui nous permet d'avoir une expertise élargie dans le domaine du développement durable. Donc, comme vous comprenez, nous avons l'habitude de travailler en équipe. L'intérêt de ces généralistes ou acteurs de changement se situe dans la lecture multidisciplinaire qu'ils peuvent apporter face à un problème de développement durable. Les écoconseillers sont donc des généralistes aux ancrages disciplinaires multiples et, de plus, ils sont centrés sur les relations humaines. L'APECQ manifeste au gouvernement du Québec son ouverture et celle de la chaire quand à des partenariats dans le domaine de leur compétence, soit la formation, l'intervention et la recherche de nouveaux savoirs.

Avant de passer à ma deuxième partie qui consiste à vous proposer trois propositions majeures, je tiens en préambule à vous préciser ceci: De multiples mémoires concernant l'avant-projet de loi recommandaient d'élever la responsabilité du développement durable sous la responsabilité du premier ministre ou toute autre instance située au plus haut niveau de l'État, plutôt qu'au niveau du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. Le présent projet de loi ne reprend pas cette recommandation. Nous prenons acte de cet état de fait sans pour autant l'approuver, malgré que nous pressentions des difficultés importantes pour un ministère sectoriel de porter un changement aussi radical dans l'ensemble de l'Administration, et ce, en absence d'emprise sur les autres constituantes du gouvernement. Sans ce positionnement, M. le Président, il est fort probable que le ministère du Développement durable ne soit pas en mesure de procéder à des arbitrages entre les ministères à vocation sectorielle et les acteurs économiques, politiques et sociaux afin que les impératifs du développement durable soient pleinement respectés.

Ceci dit, nous tenons à reconnaître tout de même, après l'étude du projet de loi, du présent projet de loi, à reconnaître l'évolution entre le projet de loi et l'avant-projet. Nous notons trois améliorations notables. La première amélioration est la participation accrue de la société civile à la stratégie de développement durable. La deuxième amélioration consiste à la reconnaissance des spécificités régionales en vue d'une équité entre le milieu rural et urbain permettant une mise en oeuvre élargie des changements induits par la loi. La troisième amélioration notable est l'intégration spécifique des communautés autochtones, qui revêt une priorité absolue lorsque le sujet à l'ordre du jour constitue le développement durable, incluant la gestion intégrée des ressources naturelles et la construction de grands projets d'infrastructures.

n (21 h 10) n

Toutefois, le projet de loi demeure perfectible à plusieurs niveaux. Donc, je vais vous présenter les trois propositions majeures. La première proposition vise à rendre le projet de loi plus cohérent et accessible pour faciliter la mise en oeuvre de la stratégie sur le développement durable. Et, pour ce faire, nous apportons plusieurs recommandations. Nous pensons qu'il est nécessaire de rééquilibrer l'importance des trois pôles de développement durable. Il va de soi qu'en confiant la responsabilité du développement durable à un ministère dont la mission principale constituait jusqu'à récemment la protection de l'environnement... contribue à renforcer la prépondérance de cette dimension dans la notion du développement durable. Nous recommandons également de distinguer les principes et les objectifs, de hiérarchiser les principes entre eux en priorisant ceux situés en amont de l'action ou de la prise de décision.

Si vous me permettez d'ouvrir une parenthèse à ce sujet, il est important que cet exercice ait lieu afin de mettre en place des indicateurs de performance pour justement mesurer la performance de la stratégie de développement durable. Donc, nous mentionnons que nous désapprouvons le retrait des indicateurs de performance dans l'actuel projet de loi.

Nous désapprouvons également... Nous tenons à manifester notre désaccord en ce qui concerne, en ce qui a trait ? pardon ? au retrait du principe d'utilisateur-payeur, surtout que vous avez conservé le principe de pollueur-payeur. La gratuité complète mène souvent à des consommations excessives, et de ce fait nous considérons que le gouvernement doit maintenir une porte ouverte vers la tarification de certains biens publics dont l'utilisation abusive entraîne des coûts importants.

Et finalement nous pensons qu'il est important d'inclure la notion d'éthique dans le projet de loi et dans la formation des employés de l'État. Si vous me permettez de faire une brève parenthèse au niveau de la notion d'éthique, M. le Président, mentionnons les notions de gouvernance, qui sont sous-jacentes à cette notion. Je veux bien sûr parler de la transparence, qui est un élément fondamental dans la démarche participative et dans la stratégie de développement durable afin d'éviter notamment les conflits d'intérêts.

La deuxième proposition majeure concerne l'approbation et l'imputabilité du développement durable par chaque constituante de l'Administration.

Le Président (M. Pinard): Je vais vous demander d'accélérer quelque peu. Il vous reste seulement trois minutes.

M. Camus (Patrice): Oui. Donc, la deuxième proposition concerne l'appropriation et l'imputabilité du développement durable pour chaque agence de l'Administration. Il faut réaliser que le développement durable, c'est l'affaire de tous et pas seulement celle du ministère du Développement durable. L'arrimage avec les autres niveaux de gouvernement dont les responsabilités s'exercent sur le territoire, les ressources et les citoyens revêt un caractère primordial.

Dans cette deuxième proposition majeure, nous recommandons certains éléments, notamment de prévoir la formation des employés et des gestionnaires au niveau du développement durable, d'attribuer aux composantes de l'État des budgets additionnels et significatifs dédiés au développement durable, de créer un comité interministériel avec une présidence tournante entre les ministères, de réviser le mandat du Commissaire du développement durable.

En parlant de présidence tournante, celle-ci a l'avantage de mettre en évidence la responsabilité conjointe de réfléchir sur l'application du développement durable dans plusieurs cas de figure en fonction de missions ministérielles diversifiées mais complémentaires. Elle permet également l'émergence d'une compréhension commune des principes et des objectifs issus du rôle de leadership induit par ce mécanisme.

Je vais tout de suite passer, si vous voulez bien, à la troisième proposition majeure, qui consiste à assurer la reconnaissance ainsi que la pérennité de la loi et de la stratégie sur le développement durable. Donc, la troisième proposition, qui consiste à assurer la reconnaissance et la pérennité de la loi et de la stratégie. Le développement durable est un projet d'envergure générationnelle qui ne doit pas engager un gouvernement élu mais l'ensemble des gouvernements qui se succéderont dans le futur. Nous visons qu'il traverse les générations, qu'il représente notre héritage et qu'il soit un point de bifurcation par rapport à la trajectoire non viable et non équitable qui semble justifier l'actuel projet de loi. Le développement durable est donc une démarche inclusive qui cherche à réunir les gens plutôt qu'à les diviser et qui s'inscrit dans la durée.

En conséquence, M. le Président, il ne serait être le projet d'un parti ou d'un gouvernement. Nous croyons fermement que, pour y parvenir, le gouvernement du Québec devrait exiger un vote unanime pour l'adoption du projet de loi à l'Assemblée nationale. L'objectif est d'en faire une loi non partisane, un projet collectif, un engagement moral réunissant tous les partis et garantissant la pérennité des engagements.

Également, en vue d'assurer la continuité de cette entreprise, un comité consultatif indépendant, non partisan, devrait être institué pour suivre de près l'évolution et l'application de cette nouvelle loi.

En conclusion, M. le Président, nous souhaiterions préciser que le gouvernement du Québec, en affirmant sa volonté d'accélérer son virage vers le développement durable, tente, par le projet de loi n° 118, de se donner un cadre pour réformer en partie l'administration publique. Cet effort est salué par la société civile, comme le démontre le grand intérêt porté à la consultation publique sur l'avant-projet de loi. Dans ses orientations, l'actuel projet de loi est perfectible, de l'avis de l'APECQ et de la chaire, s'il veut atteindre son objectif. Pour aller au-delà d'une simple opération d'écologie du gouvernement, le projet de loi doit faire place à des modifications qui lui permettront d'être plus efficace, plus inclusif et plus crédible dans son ensemble. Les écoconseillers sont là pour aider à innover et à briller parmi les meilleurs.

Permettez-moi, M. le ministre... M. le Président, pardon... de citer Antonio Machado, qui a écrit: «Marcheur, il n'y a pas de chemin... le chemin se construit en marchant.» Les écoconseillers occupent l'espace qui s'est créé avec la venue du concept de développement durable et repoussent ses limites. De par leurs compétences diversifiées et leur souci de conjuguer court terme et long terme, global et local, les écoconseillers sont bien placés pour initier et faciliter la mise en oeuvre d'un nouveau modèle de développement donnant naissance à une société plus viable, plus humaine et plus épanouie.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, monsieur...

M. Camus (Patrice): En terminant... S'il vous plaît! Le développement durable appelle un nouvel état d'esprit, un nouveau mode de gouvernance d'inspiration humaniste qui doit intégrer la participation du citoyen aux décisions. Il ne doit pas se contenter de son rôle de consommateur, il doit devenir acteur de la chose publique. Le changement de mentalité essentiel à l'acceptation des principes de développement durable chez nos concitoyens doit être accompagné par des passeurs d'idées nouvelles, de créativité, pour mettre en place des comportements, des modes de vie moins égoïstes, plus altruistes, soucieux de réduire notre empreinte écologique.

Le Président (M. Pinard): En conclusion.

M. Camus (Patrice): Les écoconseillers ont été formés pour cette perspective, ils sont à construire le chemin en marchant...

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. Camus. Et, sans plus tarder, M. le ministre, nous allons débuter.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous avoue que c'était fort intéressant, et beaucoup de suggestions très concrètes. Donc, je tiens à remercier M. Camus, M. Bastien et M. McMahon.

Je vais commencer avec un des points très précis puis qui reflète le niveau d'analyse de votre présentation, pour laquelle je vous félicite. C'est évident que vous y avez travaillé beaucoup.

En bas de la page 13, donc, de votre mémoire ? et vous en avez fait état ? vous dites ceci: «Par ailleurs, nous désapprouvons fortement le retrait des indicateurs de développement durable de la stratégie qui figuraient dans l'avant-projet de loi... Nous préconisons leur restitution...» Si vous voulez bien prendre le projet de loi avec moi et regarder à l'article 14. Est-ce que vous l'avez avec vous? Sinon, je vous donnerais une copie.

Une voix: Oui.

M. Mulcair: M. McMahon, vous êtes avec moi?

M. McMahon (Kelly): Oui, tout à fait.

M. Mulcair: Les ministères, organismes, et ainsi de suite... Nouvelle phrase. «Notamment, ils lui communiquent les renseignements nécessaires à l'élaboration, à la révision ou au bilan de la mise en oeuvre de la stratégie[...], y compris quant aux indicateurs ou aux autres mécanismes de suivi et de reddition de comptes.»

Donc, on a glissé, en quelque sorte, de la stratégie, mais on a maintenu cette notion des indicateurs au niveau du plan de chaque ministère ou organisme. Est-ce que ça vous suffit, ou vous maintenez que ça devrait être là pour la stratégie?

M. Camus (Patrice): Merci, M. le ministre, de cette question. Pour répondre à ce sujet très précisément, nous pensons, comme nous l'avons mentionné, qu'il est important de distinguer les principes et les objectifs du présent projet de loi. Cela va permettre non seulement d'inclure des indicateurs de performance pour non seulement mesurer l'atteinte de ces objectifs, mais de permettre une cohérence entre les principes et les objectifs. Donc, nous pensons qu'il est nécessaire que cet exercice soit fait et que les indicateurs de performance soient en relation directe avec les objectifs de la stratégie.

M. McMahon (Kelly): Puis...

M. Mulcair: Oui, allez-y, M. McMahon.

M. McMahon (Kelly): Merci. Par le fait même... Puis en fait, oui, effectivement ça satisfait à notre commentaire. Cependant, j'aimerais apporter une recommandation supplémentaire, c'est-à-dire que, par rapport... Dans le fond, le grand défi, c'est d'équilibrer entre les trois dimensions, entre les différents principes. Donc, ce qu'il serait intéressant d'introduire comme notion, c'est un équilibrage des indicateurs par rapport aux différents dimensions et principes présents dans le projet de loi.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

n(21 h 20)n

M. Mulcair: Donc, si je comprends bien... Je vais tenter de conclure cette partie de notre discussion en résumant que vous maintenez ce que vous dites en bas de la page 13: vous aimeriez voir ça réapparaître, pour ce qui est de la stratégie. Je vous interprète bien?

M. Camus (Patrice): Nous pensons qu'effectivement il est nécessaire d'inclure cette notion d'indicateurs de performance, tel que vous le mentionnez dans le projet de loi, mais il faut qu'ils soient associés à un exercice d'équilibrage entre les trois pôles du développement durable, en dissociant les principes et les objectifs également, d'autre part.

M. McMahon (Kelly): Mais effectivement que, pour la première phase, on...

Le Président (M. Pinard): ...fins de l'enregistrement. Merci, M. Camus. M. McMahon.

M. McMahon (Kelly): Pardon. Merci. Donc, effectivement que, par rapport à notre première position sur le retrait, on reçoit que ça a été introduit à un autre endroit.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Maintenant, j'aimerais qu'on passe un peu de temps, parce que vous soulevez une autre suggestion, en ce qui concerne la création... puis la terminologie importe peu: vous l'appelez «comité aviseur», peu importe comment on va l'appeler. Mais, si je ne me trompe pas, on a ça en Angleterre, pour le développement durable, on a un comité à l'externe qui a été créé pour guider un petit peu. Avez-vous des modèles à nous proposer? Avez-vous vu quelque chose dans d'autres voies qui pourrait servir de guide là-dedans?

M. Camus (Patrice): M. le ministre, le modèle de référence, sur le plan international, est la Suisse. La Suisse a inclus cette composante dans leur stratégie de développement durable, et cette stratégie, leur stratégie est reconnue sur le plan international.

M. Mulcair: Bien. Parce que je vous avoue que je ne suis pas du tout contre la notion. J'ai beaucoup d'expérience en administration publique, je suis contre la multiplication des structures ou des lieux où les choses peuvent dérailler. Si on a une vision déjà bien arrêtée, c'est bien d'être conseillé par les gens un peu externes, c'est bien d'avoir un peu de distance par rapport à la démarche, pourvu que les règles soient bien établies. Mais, je m'engage à regarder ça de près avec mes proches collaborateurs. On est à un stade de sédimentation, hein, ici maintenant. On est parti de presque 600 mémoires, près de 400 présentations lors de la tournée du printemps, on arrive dans le dernier droit. Vous êtes parmi les groupes importants qu'on essaie de rencontrer, puis avoir votre indication, vous êtes le deuxième groupe ce soir à nous parler.

Par exemple, même si je peux vous répondre, sur le plan constitutionnel, que, si c'est un projet de loi, le PM est là-dedans, si c'est le Conseil des ministres, le PM est là-dedans, vous êtes des groupes expérimentés, ferrés dans l'administration publique et le développement durable, et vous revenez néanmoins avec une suggestion forte, vous mettez le visage du PM là-dedans d'une manière un peu plus explicite. Je veux voir ce qu'on est capable de travailler avec les gens qui vous entourent, voir si on est capable de faire... peut-être de rendre explicite ce qui est déjà implicite pour des gens qui connaissent le droit constitutionnel et la manière de fonctionner, peut-être de voir cette autre personne, peut-être joindre l'utile à l'agréable, avoir un rôle et une présence puis peut-être voir si cette partie conseil externe ne peut pas être jointe. Je ne m'engage pas du résultat, mais je m'engage fermement de l'analyser et de l'étudier, de voir ce qu'on peut faire en ce sens-là.

Je passerais peut-être à mon collègue le député de Berthier, qui aura sans doute des questions, puis on pourra revenir de notre côté après.

M. Camus (Patrice): Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Pinard): M. Camus, oui.

M. Camus (Patrice): ...juste un petit commentaire suite aux propos de M. le ministre. Nous relevons votre intérêt et nous sommes reconnaissants. Cette précision ou cette recommandation que nous vous faisons précise justement les fondements mêmes du développement durable, qui repose sur la gestion participative de multiples acteurs. Donc, c'est pour ça que nous vous mentionnons cet élément.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Non, on va passer.

Le Président (M. Pinard): Oui? Alors, M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci, M. le Président. Bonsoir, ça fait plaisir de vous voir ici, en commission parlementaire. Ma première question touchera la participation civile, parce que, vous savez, lorsqu'on parle de développement durable ? puis je pense que vous l'aviez bien souligné ? il est important d'avoir cette participation des citoyens et des citoyennes pour mieux intégrer ces principes de développement durable à l'intérieur même de la société, là. Parce que c'est beau de se dire qu'on va se doter d'un état qui prônera le développement durable, mais, si on ne peut pas faire en sorte que ces principes transcendent la population puis la société, on n'arrivera peut-être pas aux buts qu'on s'est donnés, aux buts visés par ce projet de loi.

Vous avez, dans votre mémoire, vous avez parlé qu'il y a trois améliorations qui retenaient votre attention. Entre autres, vous teniez à souligner la participation accrue de la société civile. Je voudrais vous amener là-dessus. Pour vous, actuellement, le projet de loi tel que libellé, on a une participation suffisante de la société civile? Parce que, lorsque je compare avec d'autres pays, dont, par exemple, la France, où on a mis en place d'autres types de consultation, avec 90, quelque chose comme ça, 90 membres représentants de la société civile qui se réunissent, je pense que c'est quatre fois par année, lorsqu'on regarde la Belgique, où on a encore un autre type de conseil où on a des représentants de partout... vous les connaissez comme moi, et, au Canada, vous connaissez aussi le fonctionnement... Est-ce que vous pensez que le projet de loi actuel va vraiment chercher ce principe de participation civile, ou il n'y aurait pas encore des améliorations qui pourraient être faites pour justement mieux intégrer cette société civile à la participation, la mise en place des principes du développement durable?

Le Président (M. Pinard): M. Camus.

M. Camus (Patrice): M. le Président, merci. M. le député, merci pour cette question. Nous avons effectivement... Nous pensons qu'il est nécessaire de renforcer cet élément-là de la gestion participative de la société civile. C'est pour ça que nous mentionnons l'importance de créer ce comité de consultation indépendant. Vous savez tout comme moi que l'appareil gouvernemental est peut-être difficile, assez lourd à gérer au niveau de sa structure. Il est important et intéressant de faire intervenir d'autres idées, d'autres innovations, d'autres projets issus justement de la société civile et de créer une concertation entre les deux parties. Si vous me permettez, M. le Président, je vais céder la parole à mon collègue Kelly McMahon.

M. McMahon (Kelly): Effectivement, puis tantôt vous parliez d'élargir et de transcender les principes au niveau des municipalités et tout, mais enfin, moi, je pense que ça prend une certaine congruence. On voit une personne qui vient nous porter des verres de café en polystyrène dans des petits contenants individuels, je crois qu'il y a une certaine congruence. Puis effectivement, dans cette optique, le projet de loi, la portée du projet de loi actuel est l'Administration, puis j'ose espérer qu'on saura étendre ce projet de loi à d'autres types d'organisations, d'entreprises.

Puis sinon, pour répondre à votre question, M. le député, nous en sommes actuellement au moment d'un projet de loi et donc... et d'ailleurs, à l'intérieur de celui-ci, on demande que des mécanismes d'interaction avec la population soient dressés à l'intérieur de la stratégie. Donc, je crois que c'est une intéressante ouverture puis je crois que la stratégie à venir saura satisfaire la participation publique. Puis, nous, nous notions dans un premier temps la grande amélioration par rapport à la quasi-absence de participation publique à l'intérieur de l'avant-projet de loi.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci. Merci, M. le Président. Vous avez tout à fait raison qu'on a beaucoup de changements à faire ici même, à l'Assemblée nationale, sur nos pratiques environnementales. Depuis que je suis arrivé, depuis deux ans et demi, c'est quelque chose que j'ai remarqué assez rapidement, comme vous dites, des verres en styromousse, etc., toutes les petites choses comme ça qui se passent ici même, à l'Assemblée nationale. Même s'il y a des choses qui ont été faites beaucoup au cours des dernières années par la présidence de l'Assemblée nationale, là, tous partis confondus, il y a encore beaucoup de travail à faire et de conscientisation, entre autres, à faire sur nos pratiques ici même, à l'Assemblée nationale.

Je vais vous amener sur votre comité consultatif indépendant. Vous parlez, bon, que ce serait une bonne idée, mais vous ne définissez pas plus précisément quels types de personnes qui feraient partie de ce comité-là, quel serait son mandat plus précis, les objectifs visés, etc. Selon vous, là, est-ce que vous pouvez nous donner une idée à quoi pourrait ressembler ce comité?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. McMahon.

n(21 h 30)n

M. McMahon (Kelly): Merci. Donc, ce comité consultatif indépendant est dans notre troisième proposition majeure, dont l'objectif est de pérenniser le projet de loi. Et donc, nous voudrions que ce comité soit constitué de hauts-fonctionnaires, de un, dont... qui ne sont pas appelés à changer de chaise lors des changements de gouvernement, de un. Nous apprécierions que ce comité soit constitué de groupes dont les intérêts sont divergents, des organismes non gouvernementaux, des gens qui pourraient appartenir au parti également, mais que des partis d'opposition soient également représentés, donc qu'on ait débat d'idées et un suivi concret de l'application de la loi, mais qui permette une certaine continuité lors des passages de pouvoir entre gouvernements, pour tenter d'atténuer la problématique d'alternance démocratique.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, peut-être une question, M. le député de Beauce-Nord?

M. Grondin: ...question. Merci, M. le Président. Moi, je vous écoute, puis on parle beaucoup d'essayer, même le projet de loi n° 118, c'est un très bon projet de loi, mais je pense, moi, qu'on essaie toujours de partir d'en haut puis d'amener ça aux citoyens, mais je pense que ce tout ce que les gouvernements ont fait dans le passé, on a essayé de rentrer dans la tête des citoyens une façon de procéder, ça n'a jamais marché. Il faut partir de la base, et puis, vous l'amenez dans une de vos propositions... essayer d'amener des projets d'éducation. Moi, je pense que, si on ne passe pas par l'éducation dans les écoles, par nos jeunes, on va faire une fausse balle. Qu'est-ce que vous en pensez, vous autres?

M. Camus (Patrice): Vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Pinard): M. Camus.

M. Camus (Patrice): ...j'aimerais répondre à la question de M. le député. C'est un élément fort intéressant que vous avancez. Concernant tout particulièrement le projet de loi, nous pensons essentiel qu'il y ait une formation, au niveau du développement durable, à tous niveaux dans l'appareil gouvernemental, au niveau des gestionnaires, des employés de l'État. Nous pensons que c'est important. Tu veux réagir également, Kelly?

M. McMahon (Kelly): Oui. Tout à fait, M. le Président. Donc, effectivement que la sensibilisation de la population est un élément important. Du moins, il faut, pour... Il faut commencer par prêcher par l'exemple. La portée de ce projet de loi s'en tient à l'Administration, et puis nous reconnaissons que c'est un premier pas, et puis qu'effectivement ce serait à intégrer dans les stratégies.

Toutefois, c'est vrai que ça peut être également... ça peut être traité également dans les politiques de gestion des matières résiduelles, au niveau des MRC. Il ne faut pas que toute cette responsabilité de sensibilisation de masse passe par les hautes sphères de l'État, mais ça peut également passer par d'autres types d'organisations. Puis d'ailleurs le Fonds vert vise à encourager ce style d'intervention sur le terrain.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. McMahon. M. Camus.

M. Camus (Patrice): Oui, M. le Président. J'aimerais renchérir en vous donnant un exemple concret au niveau de mes interventions en tant qu'écoconseiller. Je travaille depuis deux ans dans une importante organisation québécoise, et toute notre stratégie de déploiement des principes de développement durable repose sur la sensibilisation et sur la communication.

Nous pensons que, pour atteindre l'objectif des projets de développement durable que nous mettons en oeuvre au sein de l'organisation, tout repose sur la sensibilisation, sur la formation, et donc la communication. Donc, nous sommes formés, en tant qu'écoconseillers, à vulgariser le concept, à former, informer, et c'est l'élément que je voulais rajouter. Est-ce que mon collègue voudrait...

M. Bastien (Nicolas): M. le Président, je voudrais réagir aux commentaires de M. le ministre puis M. le député avant. Je voulais faire un lien entre l'aspect éducation de la population, qui est très important, et la participation civile, puis faire une recommandation ou une suggestion, donner des idées.

Je crois que la participation civile au travers des comités de gestion, que ce soit n'importe quel comité de gestion intégrée des ressources, des zones du littoral ou de bassins versants, c'est des excellents vecteurs d'éducation pour la population. Puis je pense qu'il faut vraiment dédier les ressources humaines à l'intérieur, par exemple, des directions régionales des ministères pour accompagner ces comités-là, et leur transmettre les véritables... les fondements de la notion de développement durable, puis investir dans ces ressources humaines là, parce que c'est eux à quelque part qui vont transmettre le concept à la population.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Bastien. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue à mon tour, messieurs. On a eu la chance, la semaine dernière, d'entendre la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'UQAM, qui est venue nous présenter une vision des différents principes inclus dans la Loi sur le développement durable. Ils ont hiérarchisé, eux autres, les principes en fonction, je vous dirais, de... La base évidemment, ce sont les principes environnementaux, et on se sert des principes économiques pour se donner une meilleure qualité de vie ou du moins pour l'aspect social.

Et, quand je regarde ce que vous nous présentez, vous vous présentez plutôt comme quelqu'un qui veut faire des arbitrages, comme si vous-mêmes, comme écoconseillers, vous vous situiez un petit peu on ne sait pas où. Alors ça, ça me pose une question, d'autant plus que vous revenez par la suite et vous parlez d'éthique. Alors, moi, j'aimerais vous entendre sur comment le rôle que vous avez comme écoconseillers peut faire en sorte que les principes seront ceux qui vous donneront les mandats. Alors, au niveau de l'éthique, moi, je vous relance la balle: Comment vous allez travailler pour faire en sorte de respecter les différents principes d'éthique, dans des rôles d'arbitrage, en fonction des différents principes qui sont inclus à la loi? Première question.

Puis une deuxième question: Pourquoi, pourquoi regretter le retrait de... du moins la modification du principe relatif à l'utilisateur-payeur, qu'on a modifié pour pollueur-payeur?

Le Président (M. Pinard): M. Camus.

M. Camus (Patrice): Merci. Pour votre première question, M. le député, si je ne me trompe pas, qui concerne la notion d'éthique. Effectivement, nous rejoignons... Non seulement nous approuvons la définition que donne la Chaire de responsabilité sociale concernant le développement durable, nous comprenons très bien leur approche et leur démarche. Nous avons cependant une vision complémentaire de la leur, dans le sens où nous intégrons, dans notre concept, quatre pôles. Non seulement le pôle social, environnemental et économique, mais nous intégrons également celui de l'éthique, à travers un outil que la Chaire en écoconseil a mis en place, qui concerne la grille de développement durable.

Si vous me permettez, je vais céder la parole à un expert, mon collègue à ma droite, qui va vous expliquer en quoi consiste la grille de développement durable.

Le Président (M. Pinard): M. Bastien.

M. Bastien (Nicolas): La grille de développement durable, qui a été développée par la Chaire en écoconseil, est un outil qui nous aide à maintenir le cap vers le développement durable puis qui sert aussi comme cadre de référence. L'éthique est présente tout au long de la grille. Ça dépend, il y a des versions de la grille à trois pôles où on a intégré le pôle éthique à l'intérieur de chaque objectif de chaque pôle, et il y a une version de la grille où le pôle éthique constitue un pôle en soi. Donc, il faut passer à travers une série d'objectifs qui prennent en compte tous les aspects éthiques de l'application du développement durable.

Donc, c'est un peu le fonctionnement de la grille. C'est une grille aussi qui a l'avantage d'être dynamique, c'est-à-dire qu'on peut la pondérer selon les objectifs, selon l'importance des objectifs par rapport à un projet, un programme politique, et puis l'importance de certains objectifs aussi par rapport au terrain, à la réalité socioéconomique des lieux, des conditions.

Le Président (M. Pinard): M. Camus.

M. Camus (Patrice): Si vous me permettez, M. le Président, de rajouter donc que cette grille de développement durable est un outil qui permet non seulement d'analyser un projet dès sa conception, mais également de l'analyser au niveau de... Cette grille permet l'évaluation et le suivi de projets de développement durable. Donc ça, c'est un élément que je voulais apporter.

Concernant la deuxième question que vous nous avez posée, je vais céder la parole à mon collègue à ma gauche.

n(21 h 40)n

M. McMahon (Kelly): Je vous rappelle à tous la question, qui était à savoir pourquoi nous avions remplacé le principe de pollueur-payeur par utilisateur-payeur. En fait, une petite précision, c'est le principe de pollueur et utilisateur-payeur qui a été remplacé par le principe de pollueur-payeur. C'est donc le principe d'utilisateur-payeur qui a été retiré. Et donc, nous, nous questionnons en fait... Si on prend simplement le réseau de la SEPAQ, le réseau de la SEPAQ, le droit d'accès aux parcs et aux réserves fauniques est appuyé par le principe d'utilisateur-payeur, alors est-ce qu'on doit en comprendre que l'accès au réseau de la SEPAQ devient gratuit?

Le Président (M. Pinard): M. le député de Portneuf.

M. Soucy: C'est beau, je vais passer la parole au ministre.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Mulcair: Je veux juste embarquer sur ce dernier point, pour m'assurer qu'on est tous sur la même page, parce que maintenant on parle d'internalisation des coûts. Selon vous, ce n'est pas assez pour englober la notion d'utilisateur-payeur?

Le Président (M. Pinard): M. McMahon. Voulez-vous répéter, M. le ministre?

M. Mulcair: Oui. Est-ce que, selon vous, la notion... Selon nous, la notion d'internalisation des coûts est une notion plus large qu'utilisateur-payeur. Elle l'englobe. Est-ce que vous êtes en train de dire que vous n'êtes pas d'accord avec nous?

M. McMahon (Kelly): Oui. Effectivement, je crois que la notion d'internalisation des coûts peut être intéressante à des niveaux corporatifs, au niveau du Protocole de Kyoto qui vient internaliser l'émission des gaz à effet de serre, mais cependant, quand, par exemple, pour reprendre l'exemple du réseau des parcs du Québec, si on tente de quantifier la détérioration des sites par les marcheurs, je crois qu'on risque de jaser un bon moment. Et puis donc je crois que je principe d'utilisateur-payeur permet mieux de justifier l'utilisation de notre réseau.

M. Mulcair: Donc, il suffit pour nous, en logique, de déterminer lequel des deux englobe l'autre. Selon vous, ça vaut la peine de préciser. Donc, si je trouvais une rédaction, avec les conseillers, qui dirait: Appliquer le principe d'internalisation des coûts, notamment l'utilisateur-payeur, peut-être que le tour serait joué. J'aurais explicité qu'est-ce que je veux dire, ce qui n'est pas moins implicite, mais je l'aurais dit explicitement.

Le Président (M. Pinard): M. McMahon.

M. McMahon (Kelly): Effectivement, c'est une façon de le voir. Mais, si on prend, par exemple, l'exemple de l'eau, l'internalisation des coûts, actuellement l'eau est gratuite. Le principe d'utilisateur-payeur voudrait que l'on tarife l'utilisation de l'eau par l'utilisateur, qui est le citoyen et l'entreprise. Est-ce que le principe d'internalisation des coûts permet cet ajustement qui permettra le non-abus des biens publics?

Le Président (M. Pinard): Deux minutes encore, M. le ministre.

M. Mulcair: Comme on dit en anglais, «food for thought», je vais partir avec ça, parce que je suis d'accord avec tout ce que vous venez dire, sauf une chose, que l'eau est gratuite, parce que les gens la paient, sauf qu'ils ne paient pas selon ce qu'ils utilisent; ils la paient dans leurs taxes généralisées, dans la plupart des municipalités, et les entreprises aussi.

Et ça fait partie de notre plus grand défi, au Québec. Si on donnait l'électricité comme on donne l'eau, le monde la paierait d'une manière ou d'une autre, mais, si on la donnait, il y aurait un système de distribution d'électricité qui ressemble à notre distribution d'eau, ce serait plein de trous, parce qu'on ne donne pas une valeur.

Alors, je vous concède le point, il va falloir qu'on le retravaille. Il y a peut-être un élément là-dedans qui a été élagué, sans aller jusqu'au fond de la pensée.

Le Président (M. Pinard): Un bref commentaire, MM. McMahon et Camus.

M. Camus (Patrice): Oui, juste un bref commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. Camus.

M. Camus (Patrice): Le règlement sur la consigne des bouteilles d'eau est sans doute un exemple de cette notion d'utiliseur-payeur. Je voulais juste vous le signaler.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. McMahon.

M. McMahon (Kelly): Moi, pour compléter, M. le ministre, c'est qu'en fait l'internalisation des coûts effectivement fait que la société supporte le coût, mais ce qu'on veut, c'est moduler les comportements selon une modulation de la tarification. Et donc, effectivement que le coût de la gestion de l'eau est supporté par l'ensemble de la société, mais est-ce que, si l'on ne met pas plus en application le principe d'utilisateur-payeur, qui est directement lié au consommateur, au comportement au robinet, ne va-t-on pas là alors vraiment changer les comportements et également le coût global lié à la gestion de l'eau?

M. Mulcair: Le point est amené avec beaucoup d'expertise, est très persuasif, et je m'engage de le regarder avec beaucoup d'attention. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci, messieurs. M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci. Je commencerais peut-être juste par faire un léger commentaire, pour poser une question par la suite, parce que, bon, vous avez amené le sujet de la tarification de l'eau, tant au niveau citoyens qu'au niveau des entreprises. La question que je me pose toujours dans ce cas-là, c'est: Est-ce qu'on ne va pas trop vite dans le processus, quand on sait que nos réseaux d'aqueduc... partout au Québec, on perd 40 % d'eau potable directement dans le sous-sol québécois parce qu'on n'est même en réseau adéquat, et on va se dire qu'on va tarifer nos familles, entre autres, parce que ceux qui utilisent plus d'eau potable, ce sont nos familles, entre autres, les jeunes enfants, on est dans un contexte de choc démographique...

Je comprends l'idée de dire qu'on veut essayer, d'une certaine façon, qu'on arrête de laver nos stationnements avec de l'eau, là, ça, je peux comprendre le principe d'essayer d'amener une certaine responsabilité citoyenne, mais est-ce que d'y aller avec la tarification va vraiment faire... va amener une solution?

Puis l'autre chose que je voulais vous amener, c'est au niveau de votre problématique, vos craintes par rapport à la coordination du développement durable. Il existe déjà, au Québec, deux exemples que je peux vous donner, au niveau du Conseil du statut... du Secrétariat, plutôt, excusez-moi, à la condition féminine, où on retrouve, à l'intérieur de chaque ministère, des agentes de coordination pour voir à la mise en place des différentes politiques. Puis aussi, un sujet que je connais un peu plus, c'est la Commission d'accès à l'information, où on est supposé avoir des agents de Commission d'accès à l'information dans tous les ministères pour pouvoir répondre justement à ces demandes d'accès à l'information. Et justement, voilà deux ans déjà, on a fait... on a étudié le rapport quinquennal de la CAI, et une des principales recommandations qu'ils nous faisaient, c'est que justement ces gens-là étaient mal formés et pouvaient mal répondre aux demandes.

Est-ce que vous en pensez pas que, pour avoir une meilleure coordination, on ne devrait pas avoir des gens réellement formés, à l'intérieur de ces différents ministères là, qui verraient à cette application de cette... des lois et des objectifs?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Camus.

M. Camus (Patrice): M. le Président, si vous me laissez bien... si je peux rebondir sur le dernier élément du député, je pense que vous m'ouvrez la porte à vous préciser que vous avez une force vive devant vous, une force vive d'écoconseillers qui sont formés en tant que professionnels de développement durable et qui peuvent intervenir à plusieurs niveaux au sein des ministères, tel que j'ai essayé de le mentionner, de le préciser dans allocution.

Pour répondre à votre première argumentation, je vais céder la parole à mon collègue à ma droite.

Le Président (M. Pinard): M. Bastien.

M. Bastien (Nicolas): M. le Président, je suis d'accord avec vous qu'il faut absolument déterminer des priorités au niveau de l'action. C'est évident qu'il faut aller, il faut toujours réagir, réparer le problème à la source, au départ, donc aller en amont de l'action. Donc, c'est évident que d'investir dans les infrastructures puis de solidifier puis de consolider les infrastructures au niveau, là, de la distribution de l'eau, du traitement de l'eau, c'est une priorité, sauf que je pense que, dans toute société, il va toujours y avoir des abuseurs, des gens qui vont abuser de la ressource. Et puis, bien, à ce moment-là, laisser le principe d'utilisateur-payeur ouvre la porte à une action, en bout de ligne, qui serait... Déterminer un seuil d'utilisation, je ne sais pas qu'est-ce que ça peut être. À ce moment-là, il faudrait voir, mais, bon, c'est dans cette optique-là qu'il faut voir ça.

Donc, si les priorités sont mises aux actions à faire en amont, peut-être qu'on n'aura jamais besoin d'utiliser ces... ou très peu ces principes-là.

Le Président (M. Pinard): M. McMahon.

M. McMahon (Kelly): Je vais renchérir sur ce point. En fait, oui, tarification utilisateur-payeur, mais ça n'implique pas qu'on paie pour notre premier litre. Il y a moyen de déterminer des seuils de consommation respectables, acceptables, satisfaisants, et puis ensuite tarifer plus l'abus que l'utilisation primaire pour supporter, pour satisfaire les besoins essentiels.

n(21 h 50)n

Le Président (M. Pinard): Alors, MM. Camus, Bastien et McMahon, merci infiniment. Vos propos ont enrichi les membres de la commission. Merci de vous être présentés.

Alors, j'inviterais l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts de bien vouloir se présenter, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Pinard): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts. Alors, sans plus tarder, monsieur, madame, j'aimerais que vous vous présentiez pour les fins d'enregistrement. Et, par la suite, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et il y aura, de part et d'autre, 15 minutes de discussion avec vous. Alors...

Association québécoise pour
l'évaluation d'impacts (AQEI)

Mme Lajoie (Ginette): Bonsoir. Je me présente: Ginette Lajoie, présidente de l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts. Et il y a mon collègue qui m'accompagne, M. Pierre Lundahl, qui est aussi membre de notre conseil d'administration. Alors, les membres de notre association sont reconnaissants de l'invitation que vous leur avez lancée. Et, comme nous l'avons fait lors des consultations publiques en février dernier, nous tenons à féliciter le gouvernement de bien vouloir relever le défi du développement durable et surtout de prendre les moyens pour placer le Québec parmi les chefs de file mondiaux à cet égard. Mais il se doit, comme bon gouvernement, de s'assurer que ses politiques, plans et programmes soient examinés et évalués de manière systématique et transparente afin de démontrer que ces derniers rencontrent les objectifs du développement durable. Notre intervention ce soir sera centrée principalement sur la nécessité d'inclure une clause dans la loi prévoyant l'application de l'évaluation environnementale stratégique.

L'essentiel, aussi, de nos propos reprendront les commentaires que nous avons faits lors des consultations publiques, puisque ce que nous avions à l'époque fait comme commentaires, je pense, demeure pertinent dans l'étude du projet de loi. Mais, avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi brièvement de vous décrire qui nous sommes. L'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts regroupe bon an, mal an, maintenant depuis 15 ans, environ 200 professionnels du domaine de l'évaluation d'impacts. Ceux-ci oeuvrent au sein des agences et des ministères gouvernementaux, des entreprises de consultation, des ONG, des grandes et petites entreprises industrielles, du milieu municipal, du monde universitaire ? chercheurs, professeurs et étudiants ? et des organismes autochtones. Nous couvrons donc un large spectre de professionnels.

L'AQEI poursuit les objectifs suivants: échanger sur des expériences et des problématiques reliées à l'évaluation d'impacts; améliorer la qualité professionnelle de l'évaluation d'impacts; généraliser et améliorer l'utilisation de l'évaluation d'impacts. L'AQEI est également fort active à l'échelle canadienne et internationale, en particulier grâce à son affiliation avec l'association... l'International Association for Impact Assessment, ainsi qu'avec le SIFEE, le Secrétariat international francophone pour l'évaluation environnementale. Nous avons d'ailleurs, à deux reprises au cours des années, eu la chance d'avoir été les partenaires dans le financement et l'organisation du congrès international de l'International Association for Impact Assessment, notamment en Vancouver, en 2004.

Alors, mais vous avez sans doute déjà posé la question: Qu'est-ce que l'évaluation d'impacts? Quel est son rôle? Alors, l'évaluation d'impacts ou l'évaluation des impacts sur l'environnement est largement reconnue à l'échelle mondiale comme un outil essentiel dans le processus de planification et de prise de décision. Cette procédure permet d'examiner les conséquences, tant bénéfiques que néfastes, qu'un projet de développement aura sur l'environnement et de s'assurer que ces conséquences sont dûment prises en compte dans la conception du projet. La prise en compte de l'environnement dans les décisions d'investissement est donc une des conditions de base pour atteindre le développement durable. L'évaluation d'impacts a d'ailleurs fait ses preuves chez nous depuis plus de 30 ans... près de 30 ans, et a également grandement contribué à donner plus de transparence aux décisions, particulièrement en assurant la participation citoyenne. Je tiens d'ailleurs à souligner que notre congrès annuel, qui vient tout juste de se terminer, avait comme thème la participation citoyenne au développement durable, et, selon nous, a été un beau témoignage que notre association est engagée à promouvoir non seulement l'évaluation d'impacts, mais aussi le développement durable. D'ailleurs, M. le ministre nous a fait le plaisir de nous adresser la parole lors de ce congrès.

Je vais maintenant laisser la parole à mon collègue, M. Lundahl, pour élaborer plus à fond sur le sujet.

Le Président (M. Pinard): Monsieur.

M. Lundahl (Pierre): Alors, je pense que l'exposé de Mme Lajoie montre que nos membres sont très familiers avec le concept du développement durable. Dans chaque évaluation environnementale de projet, les directives du ministère demandent de regarder dans quelle mesure le projet est compatible avec les objectifs de développement durable, ce qui fait que les études d'impact en parlent, les analyses du Bureau d'audiences publiques en parlent, les analyses environnementales du ministère de l'Environnement également. Et donc c'est avec un grand intérêt que nous nous sommes penchés d'abord, au début de l'année, sur le document de consultation et sur le projet de loi que nous étudions aujourd'hui.

Nous appuyons ce projet. Nous pensons qu'il fait effectivement du Québec un chef de file, que son économie générale, ses principes, ses concepts sont conformes aux recommandations des grandes organisations internationales en matière de développement durable. Nous avons fait un petit peu de «benchmarking» dans notre travail d'évaluation du projet et nous sommes arrivés à cette conclusion-là clairement. Nous croyons que c'est raisonnable de commencer par un projet de loi qui s'adresse d'abord à l'Administration publique et non pas à l'ensemble de la société, même si ultimement ce que l'on veut, c'est orienter l'ensemble de la société vers le développement durable. Nous pensons que l'effet d'entraînement des changements dans l'Administration publique, que ce soient les dépenses publiques, que ce soient les politiques, les programmes, etc., va être important et entraîne une évolution forte de la société québécoise vers le développement durable, si le projet réussit.

La définition du développement durable qui est dans la loi est effectivement conforme au rapport Brundtland et, en fait, dans le projet de loi actuel en particulier, à notre avis, probablement la meilleure que l'on puisse trouver. On pourrait en discuter très longtemps.

Nous avons revu les principes qui sont dans le projet de loi. Ils nous semblent un bon choix, nous n'avons pas de problème à ce point de vue là. Nous sommes heureux de voir qu'ils sont dans la loi elle-même et non pas dans la stratégie. Je pense que ça donne plus de solidité au projet. Nous pensons qu'il est raisonnable de demander au ministre de l'Environnement de coordonner l'ensemble de l'opération et qu'avec une stratégie qui sera finalement approuvée, adoptée par le gouvernement dans son ensemble on a tout de même une certaine garantie d'adhésion gouvernementale, mais il est sûr que la participation de tous les ministres dans leur secteur, leur participation active va être critique pour le succès du projet.

Nous sommes heureux de voir qu'il y a une série de mécanismes d'imputabilité, en fait, pour vérifier que les résultats sont là. Qu'on parle des rapports annuels qui se font au niveau de chaque ministère, qu'on parle des rapports que le ministre du Développement durable fera périodiquement ou que l'on regarde le travail du futur Commissaire au développement durable, nous pensons que ça donne une bonne assurance que le projet fonctionne.

Donc, en résumé, pas de problème avec le projet dans son ensemble. Nous sommes également d'avis que c'est une bonne idée d'introduire dans la charte un droit à l'environnement, ça devient une constituante importante des droits fondamentaux.

À notre avis, finalement ce qui manque dans ce projet de loi, c'est une chose, là: c'est qu'on prévoie un outil pour permettre d'évaluer à l'avance, de manière rationnelle, systématique, la conformité des actions gouvernementales avec les objectifs du développement durable. La loi, telle qu'elle est là aujourd'hui, comporte une série d'outils, avec ses indicateurs, avec ses rapports périodiques, etc., pour voir après coup si on s'aligne bien sur la stratégie. On pourra corriger plus tard. Il vaudrait encore mieux améliorer la conception des plans et des programmes gouvernementaux dès le départ en utilisant l'évaluation stratégique pour ça.

L'évaluation environnementale stratégique, c'est un outil qui est parti... Puis on peut l'appeler de différentes façons. On l'appelle parfois «évaluation environnementale des plans, des programmes, des politiques gouvernementales». Il y a certaines formes de cette évaluation qu'on appelle «évaluation de durabilité», «sustainable assessment», parce qu'en fait c'est vraiment axé avant tout vers les performances de ces plans, politiques et programmes par rapport au développement durable.

n(22 heures)n

Au fond, ce que nos membres constatent au fil de leur travail et ce que les professionnels du domaine constatent, c'est que l'évaluation environnementale de projets n'est pas vraiment un bon outil pour nous orienter vers le développement durable. Bien sûr, elle joue un rôle utile, et je ne devrais surtout pas laisser entendre le contraire, mais c'est un rôle insuffisant, parce qu'il faut aller au-delà. Et on le constate quand on voit les débats autour des grands projets, où finalement très souvent, en matière de transport, en matière d'énergie, les débats ont tendance à déborder du projet lui-même et à porter sur des politiques, qui existent ou qui n'existent pas, des politiques gouvernementales dans le cadre desquelles ces projets devraient se faire, et ces débats se font devant des instances qui n'ont pas vraiment pour mandat de se pencher sur ces politiques et ces programmes. Alors, ça crée de la frustration, ça crée des discussions conflictuelles, ça entraîne des délais et des difficultés. Donc, ça va au-delà des difficultés professionnelles de l'évaluation, c'est une difficulté pour notre société pour progresser.

Et nous croyons qu'en utilisant davantage l'évaluation stratégique on pourrait beaucoup améliorer cette situation-là. Nous croyons qu'on pourrait l'améliorer au niveau des projets, c'est-à-dire qu'en matière de développement économique on aurait des gains de temps, des décisions plus claires et plus faciles, et nous croyons aussi que ça jouerait un rôle important pour accélérer l'évolution de notre société vers le développement durable en permettant d'améliorer au départ, au moment où on les conçoit, un certain nombre de plans, de programmes et de politiques gouvernementales.

C'était un outil qui était révolutionnaire il y a 20 ans mais qui est aujourd'hui entré dans la pratique dans un certain nombre de pays. En Europe, en Afrique, c'est utilisé, ça donne des résultats qui sont très encourageants. Et je crois que, si nous voulons, au Québec, être des leaders, nous devrions regarder ce qui se passe, et adapter ce qui a été fait ailleurs dans ce domaine-là à notre contexte particulier, et spécifiquement bien sûr, dans ce cas-là, faire en sorte que ça puisse devenir un article dans le projet de loi sur le développement durable.

Nous croyons que, pour ne pas alourdir le processus, pour que ça ne devienne pas une contrainte, on pourrait faire appel au principe de l'autoévaluation. Autrement dit, les ministères qui ont des plans, des programmes ou des politiques à évaluer pourraient les évaluer eux-mêmes et en particulier utiliser comme étalon pour faire les évaluations leurs stratégies ou plans en matière de développement durable, qui leur fourniraient finalement des mesures en quelque sorte par rapport auxquelles ils pourraient se référer dans l'évaluation de leur plans et de leurs programmes.

Alors, au fond, je vous ai dit là l'essentiel. Je pense qu'on pourrait faire un pas de plus avec cet outil-là, améliorer ce projet de loi, nos politiques et accélérer l'évolution vers le développement durable. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup. Effectivement, comme vous le savez sans doute, il y a une réflexion sur l'évaluation environnementale stratégique qui est menée au sein du ministère depuis plusieurs années, bien avant le projet de loi sur le développement durable, et c'est effectivement quelque chose qui doit cheminer. Mais je suis persuadé que ce n'est pas mûr pour être dans cette loi à ce stade-ci, mais ça n'empêche que ça continue de faire partie d'une réflexion au sein du gouvernement.

Mais j'aimerais vous amener à la page 5 de votre mémoire, où vous dites que vous estimez que «la mise du plan, si elle est réussie, est susceptible de contribuer non seulement à orienter le Québec vers le développement durable, mais aussi de contribuer à sa compétitivité économique, et cela non seulement à long terme, mais dès les années qui viennent», et vous appuyez donc cette démarche. Vous dites dans votre mémoire donc que «cette expérience montre aussi que l'orientation d'un État vers le développement durable favorise ce développement rapide d'industries en émergence et contribue ainsi à moderniser l'économie». Est-ce que vous pouvez nous expliquer plus en détail cette affirmation en nous donnant quelques exemples?

M. Lundahl (Pierre): M. le ministre, je pense que les exemples que j'ai en tête, je prendrais le domaine de l'électricité, le domaine des industries forestières, des activités qui sont importantes au Québec. Ce que l'on voit naître, c'est en fait des groupes de consommateurs ou de clients qui veulent avoir des produits qui sont conformes aux principes du développement durable. Et on a vu, comme ça, de nombreuses juridictions, en Amérique, en Europe, ailleurs dans le monde, se doter de règles qui disent, par exemple, qu'un certain pourcentage des approvisionnements en électricité doit être obtenu à l'aide de sources renouvelables, avec des définitions variables de ce qu'on appelle «renouvelable», selon le cas.

Dans le domaine du bois, on voit des systèmes de certification qui se développent. Pour pouvoir vendre un meuble à un certain nombre de consommateurs qui sont sensibles à ça, il faut avoir une certification que l'on ne peut obtenir que si la forêt est exploitée d'une manière conforme aux principes du développement durable. Ces mouvements-là n'existaient pas il y a 25 ans. Ils sont en croissance, ils reflètent la conscientisation globale de notre société vis-à-vis des questions environnementales et ils vont devenir déterminants pour les marchés de l'avenir, donc pour le succès des entreprises de l'avenir, dans de multiples domaines. Et nous croyons que, si le Québec a une stratégie de développement durable bien pensée, qui est mise en place et qui est appliquée, ça va aider nos industries à se positionner pour répondre à ces nouveaux marchés et se développer, parce que, entre autres, ça va donner certaines garanties que les ressources naturelles sont exploitées dans des conditions qui seront reconnues comme conformes aux principes du développement durable.

Je pense qu'on pourrait trouver des exemples dans d'autres domaines, mais... Est-ce que je répond à votre question, M. le ministre?

M. Mulcair: Oui, puis je pense que les exemples sont particulièrement bien choisis. Le premier ministre a eu l'occasion aujourd'hui de parler de la forêt et de la commission scientifique et technique que, nous, on a mise en place pour voir si nos pratiques forestières étaient durables. Et c'est important de donner suite à ces choses-là. Puis je me souviens que, quand on en a eu le courage de donner suite, là les critiques étaient faciles, parce que, si on plaide pour les jobs, c'est comme si, en plaidant pour les jobs, en continuant de couper les forêts plus vite qu'elles pouvaient repousser, on ne se rendait pas compte que tôt ou tard il n'y aurait plus aucune job dans la forêt. C'est ça, la notion-même de durabilité, de ce qui est viable.

L'électricité, je suis d'accord avec vous aussi. Personnellement, je situe une occasion extraordinaire avec l'avènement de l'éolien ici, au Québec. Nous, avec notre plus récent appel d'offres, on va se rendre à 3 500 MW, c'est-à-dire 3 500 un million de watts. Ça, ça vaut la peine de le rappeler. Mais mettre l'énergie éolienne,.. Parce qu'il n'y a pas de puissance, c'est de l'énergie, la puissance vient, par exemple, dans une infrastructure comme un barrage, avec ses réservoirs, mettre ça en tandem, s'assurer que, lorsque l'on peut, on utilise l'éolienne, puis le mettre en tandem parce que ce n'est pas nécessairement la même constance d'énergie. Il faut développer des techniques, et Hydro est en train de faire ça en ce moment. Moi, j'ai l'impression... en fait, je suis persuadé qu'on va avoir des techniques et des technologies que l'on va pouvoir exporter à notre avantage dans de nombreux pays. Et c'est l'exemple modèle de développement durable.

Comme quoi ça, c'est jamais trop facile: Aujourd'hui, j'étais à l'Institut économique de Montréal en marge de la conférence de Kyoto, à Montréal, puis le sujet du débat avec un prof de l'Université d'Ottawa, c'était: Est-ce que Kyoto est nécessaire? Puis, lui, il met en doute même la science de base qui a convaincu les pays du monde d'agir sur les changements climatiques.

Alors, ça s'appelle, comme ministre, des fois, être en l'arbre et l'écorce, entre ceux qui voudraient qu'on arrête tout développement parce que c'est trop grave et d'autres qui disent: Où est le problème?

C'est l'expérience de la semaine pour moi, ce débat, à midi. Ça a bien été, mais c'était fascinant.

Alors, je vous remercie pour ça. Je laisserais du temps à l'opposition, puis on reviendrait; je sais que mon collègue de Portneuf avait d'autres questions aussi, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci, M. le Président. Je suis content de voir que l'expérience du ministre, de cette semaine, le console pour son expérience d'en fin de semaine.

n(22 h 10)n

J'aimerais vous amener sur ce que vous avez discuté, là, par rapport à la certification, du fait qu'ici, bon, on pourrait se créer des créneaux, devenir en fin de compte l'endroit où le développement durable, bien, n'est pas simplement une priorité, mais est une réalité, où on pourrait développer une économie alentour du développement durable. Question que je me pose par rapport à ça, c'est: Comment peut-on faire face aux autres pays où... par rapport... les importations qu'on amène ici, au Québec, qui, eux, ne respectent pas ces certifications-là, comment voyez-vous ça? Comment voyez-vous qu'on pourrait développer ce type d'économie là en mettant une certification au Québec? Parce qu'on l'a déjà fait dans d'autres produits, dans d'autres... En agriculture, entre autres, un peu plus... on l'a fait un peu plus au niveau de la certification en agriculture, mais ça n'a pas donné les impacts voulus, réels. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Lajoie (Ginette): ...

Le Président (M. Pinard): Mme la présidente.

Mme Lajoie (Ginette): Oui. Merci. Dans les processus de certification, je suis d'accord avec vous, il y a un aspect qui est très important pour le succès de ces programmes-là, notamment en foresterie: ces programmes-là sont des programmes qui sont reconnus internationalement.

Donc, comme il y a beaucoup d'échanges commerciaux internationaux, c'est évident que les gens, en termes d'équité commerciale, veulent jouer sur les règles qui sont communes à toutes. Mais rien n'empêche, pour le Québec, d'être un leader aussi à développer ces programmes de certification. Et je pense qu'il y a des cas flagrants, dans le domaine de la foresterie, où c'est le Québec qui a été le premier promoteur de certains programmes de certification.

Mais c'est certain que ces programmes-là doivent être étendus à plusieurs pays. Alors, notre argument est davantage à ce que nous... non seulement on fait la promotion de programmes de certification à l'échelle planétaire, mais qu'on soit parmi les premiers aussi à les appliquer. C'était surtout l'argument qu'on voulait faire venir. Tu veux peut-être ajouter?

Le Président (M. Pinard): Certainement. M. Lundahl.

M. Lundahl (Pierre): Peut-être ajouter très brièvement un point. C'est que le revers de la médaille, c'est que, si on n'agit pas et qu'on est à la traîne dans certains domaines, on peut au contraire se trouver face à des barrières érigées dans les marchés par des gens qui ne voudront plus acheter nos produits et perdre des parts de marché. Alors, il y a le côté positif et il y a le côté négatif de la chose.

Et, en étant en avance sur les tendances, on a toujours de la chance d'ouvrir des portes à nos industries et de leur permettre de conquérir des nouveaux marchés.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Lundahl. M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'était même le thème d'un de mes derniers discours, à la chambre de commerce, chez nous, à Berthier, que... plus sur le principe de foresterie, parce que, chez nous aussi, ça nous touche.

Je vais vous amener plus sur le droit, le droit d'environnement. Dans votre mémoire que vous aviez déposé pour l'avant-projet de loi, vous parliez que vous étiez d'accord avec l'instauration d'un nouveau droit. Alors, on a eu, la semaine passée... Bien, en tout cas, on croit... le ministre nous a dit qu'il y avait un avis juridique qui avait été fait pour ce droit-là. Malheureusement, le ministre ne veut pas le déposer. Pourtant, je pense ce serait une bonne idée pour que tout le monde puisse le regarder, que ce soient les parlementaires ou même les groupes qui viennent nous visiter, pour mieux comprendre l'impact réel de ce droit à l'environnement.

Vous, vous êtes positifs par rapport à ça. Quel impact réel vous pensez que ça va avoir, à l'intérieur de la législation, et l'impact lorsqu'on pourra appliquer un tel droit?

M. Lundahl (Pierre): D'abord, je ne suis pas juriste. Donc, je ne vous répondrai pas vraiment sur le plan du droit et je vous répondrai plus comme citoyen et comme professionnel.

D'abord, je pense que le fait d'introduire un droit comme ça dans la charte a une valeur symbolique importante pour la société. Au-delà de tout ce que ça peut entraîner comme conséquences juridiques, techniques, spécifiques dans des cas particuliers, je pense que bien sûr il est important que le droit soit bien balisé pour que des personnes mal intentionnées... ou pas nécessairement mal intentionnées, mais, disons, qui ne soient pas amenées par les circonstances à essayer d'abuser de ce droit-là et à faire de ce droit des choses qui peuvent nuire à la société.

Mais je pense qu'il y a, dans le texte du projet de loi que nous avons vu, certaines limites à ce droit-là. Elles m'ont paru raisonnables à première vue... sous réserve d'analyse par des gens beaucoup plus spécialisés. Mais, pour nous, je pense que la valeur symbolique d'introduire un droit dans la charte, c'est quelque chose qui passe un message à l'ensemble de tous les acteurs de la société, que protéger notre milieu, s'assurer de la pérennité de nos ressources, ce sont des choses importantes, et que chacun se doit d'y regarder. Je pense que, pour moi, c'est ça, le point le plus important.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Bourdeau: Je comprends que, tout comme vous, vous aimeriez voir cet avis juridique pour mieux comprendre et mieux cerner la réelle portée de ce droit à l'environnement. Et j'invite toujours le ministre, lorsqu'il voudra bien le faire, à ne pas... à déposer cet avis juridique.

Je vais vous apporter sur un autre sujet qui est, pour moi, primordial lorsqu'on parle de développement durable. J'ai posé la même question tout à l'heure aux gens qui vous précédaient, par rapport à la participation citoyenne. Parce que je pense que la base même, lorsqu'on veut réellement implanter le principe de développement durable à l'intérieur même d'une collectivité, il faut la participation de ces citoyens.

Vous avez sûrement entendu les exemples que j'ai donnés tout à l'heure, que ce soit la France, le Canada, la Belgique, des exemples concrets où on a vraiment une réelle participation citoyenne. Est-ce que vous pensez que, dans le projet de loi actuel, actuellement déposé, c'est suffisant, la petite participation citoyenne? Est-ce que vous pensez réellement qu'on va pouvoir faire en sorte que les citoyens et citoyennes s'accaparent ces principes de développement durable?

Le Président (M. Pinard): Mme la présidente.

Mme Lajoie (Ginette): Peut-être dresser un parallèle. Nous opérons surtout, notre association, dans le domaine de l'évaluation d'impacts. Et, dans le domaine d'évaluation d'impacts, c'est reconnu depuis très longtemps qu'il y a une place prépondérante pour la participation citoyenne. C'est un processus qui est clair, transparent, prévisible. Et je pense que c'est un peu dans ce sens-là qu'on... En voulant insister sur l'importance aussi de transposer dans le projet de loi actuel un rôle pour l'évaluation environnementale stratégique... se voulait aussi de transposer des moyens similaires à ce que nous appliquons déjà en évaluation d'impacts, mais au niveau de l'évaluation stratégique, et donc forcément reconnaître une participation citoyenne via ce mode d'analyse.

M. Bourdeau: ...projet de loi, si je comprends bien?

Mme Lajoie: Oui. Nous sommes convaincus que de ne pas profiter de l'opportunité d'inclure une clause particulière dans ce projet de loi pour signifier l'adoption de l'évaluation environnementale stratégique au niveau de l'évaluation des politiques, plans et programmes serait une erreur, selon nous.

Le Président (M. Pinard): Merci, madame. Alors, M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, je trouve que c'est... je pense que c'est primordial qu'on inclue dans la charte que le développement durable doit faire partie du développement du Québec, pour pas arriver avec des industries, comme on a vécu dans les dernières années, des industries qui viennent s'implanter ici par des moyens des fois un petit peu... quand ils connaissent bien la politique, qu'ils réussissent à passer leurs projets, mais on s'aperçoit, 10 ans plus tard, que l'argent qu'on a fait avec cette industrie-là va nous coûter 100 fois plus cher pour dépolluer après qu'ils sont partis. Alors, c'est important qu'on ait des règles strictes, que ce soit... peu importe le gouvernement. Aujourd'hui, on est un gouvernement libéral, mais, dans 10 ans, dans 20 ans, moi, je pense que, pour pas hypothéquer les générations futures, il faut se mettre les deux pieds sur la terre puis dire: On va vivre selon nos moyens puis on n'hypothéquera pas nos jeunes.

Dans le domaine de l'énergie, là on est partis sur une go avec les éoliennes. Mais il y a beaucoup d'industries, qu'on a présentement, qu'on pourrait très bien organiser des systèmes de cogénération, qui produiraient leur propre électricité. Mais on va être obligés, je crois, de modifier certaines lois, soit avec Hydro-Québec, pour permettre à ces usines-là... Il y a beaucoup de manufactures qui marchent... qui chauffent avec du bois, puis ils produisent de l'eau chaude. Puis, toute cette même eau qu'on produit, on pourrait avoir une espèce de... je ne sais pas comment ils appellent ça, là... une turbine qui produirait l'électricité, puis ça ne dérange rien, ça chauffe en même temps. Tu produirais ton électricité. C'est de la cogénération. Si on faisait ça avec... Il y a plusieurs usines qui font ça. On sauverait... On aurait un autre barrage, M. le ministre, qu'on pourrait sauver, puis ça ne coûterait pas une cenne de plus. La seule chose que ça prend, je crois, ça va prendre une modification peut-être dans nos lois pour permettre... Parce que, quand il y a un surplus d'électricité, il faut, je pense, qu'ils envoient ça à Hydro-Québec, mais il faut qu'il y ait une modification dans les lois, je crois.

Alors, est-ce que vous pensez que d'aller un peu... Là, on se lance dans les éoliennes, mais la cogénération pourrait-u être aussi une manière de développer de l'énergie?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Lundahl.

M. Lundahl (Pierre): Je ne suis pas un spécialiste de la cogénération, mais je ne crois pas qu'on pourrait trouver au Québec un potentiel comparable à ce qu'on a en éolien, à ce qu'on peut trouver en hydroélectricité, avec de la cogénération. Il y a sans doute des possibilités d'en faire un peu plus que ce qu'on a fait, mais je crois comprendre que, quand Hydro-Québec est allée en appel d'offres pour essayer d'avoir des propositions, ça n'a pas été comme ils le voulaient, en fait, parce qu'au fond les coûts devaient être trop élevés, le potentiel... Il y avait peut-être des difficultés techniques plus grandes que prévu. Je ne sais pas exactement.

n(22 h 20)n

Je ne crois pas qu'on puisse y voir une solution pour faire de l'énergie renouvelable en masse au Québec. On peut voir quelque chose... des interventions intéressantes ponctuellement, dans un certain nombre de cas. Je pense que la cogénération à grande échelle qu'on voit dans certains pays d'Europe, c'est souvent une forme de cogénération où on fait de la chaleur pour le chauffage urbain et on fait l'électricité en même temps. Mais ça, c'est très difficile à implanter dans le type d'habitat que nous avons en Amérique du Nord, parce que les distances entre les maisons sont grandes, les densités ne sont pas assez élevées, ou alors on est dans les quartiers très anciens où la construction des réseaux représente des dépenses exorbitantes. Donc, ce n'est pas impossible, mais, disons, c'est limité, c'est difficile et c'est très coûteux.

Le Président (M. Pinard): Mme la présidente.

Mme Lajoie (Ginette): Un complément, si vous me permettez. Sans contredire mon collègue, je voudrais seulement rappeler une chose: c'est qu'en milieu nordique cependant, dans les régions éloignées, sur la Côte-Nord, à la Baie-James, en territoire inuit, la cogénération serait peut-être par ailleurs, là, des choses à promouvoir. Et il y a déjà un cas bien connu qui existe, à Oujé-Bougoumou, par exemple, où le chauffage des résidences se fait par un système central d'eau chaude à partir d'une bouilloire justement qui brûle les résidus de sciures de bois des usines environnantes. Alors, il y a sûrement, à des échelles peut-être plus modestes et peut-être pas aussi grandes qu'en milieu urbain, mais il y a sûrement, surtout dans le contexte géographique du Québec, beaucoup de raisons d'exploiter cet aspect.

Et, en complément, encore une fois, je dirais, bien, peut-être, en frappant sur le même clou, ce genre de débat sur les filières et leur valeur comparative est un débat qu'on ne peut pas tenir actuellement, à l'intérieur de l'évaluation environnementale, quand on la fait sur la base de projet par projet. D'où, pour nous, l'importance d'amener ces débats, et ces discussions, et ces analyses à un niveau stratégique, donc à un niveau plus élevé, qui est... en ce moment, nous n'avons pas cette opportunité-là.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Portneuf. M. le député de Berthier.

M. Soucy: Oui, mais M. le ministre avait quelque chose à rajouter.

M. Mulcair: Brièvement, M. le Président, avec votre permission.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Mulcair: Pour répondre à mon collègue de Berthier. Vérification faite, et j'ai un exemple devant les yeux, de Paul Bégin, en commission parlementaire sur le sujet de la loi sur le lobbying: Même chose, on ne dépose jamais les avis juridiques. Alors, avec toutes les vastes ressources du Parti québécois, je suis persuadé qu'il pourrait prévaloir sur...

Le Président (M. Pinard): Vous permettez que je vous interrompe. C'est que, cette question-là, on devait y revenir, et je pense que le moment n'est pas propice actuellement.

M. Mulcair: O.K. Bien.

Le Président (M. Pinard): Nous allons conclure ce soir avec ça. Alors, je vous cède la parole, il vous reste encore neuf minutes.

M. Mulcair: Bon, en tout cas, c'est mon temps. Alors, si mon collègue vient de soulever ça, c'est pertinent. Donc, je réponds que j'ai un exemple devant les yeux, de Paul Bégin qui répondait que ça ne se fait pas, pour l'avis juridique. Mais ça me fait plaisir de faire exactement comme M. Bégin faisait à l'époque, de donner le sens de ce qui était dans l'avis juridique, c'est ce que j'ai fait l'autre jour, c'est ce que j'aurai sans doute l'occasion de refaire à nouveau, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, madame et monsieur. J'ai trouvé intéressant de vous entendre, suite à l'évaluation que vous avez faite du projet de loi. Vous avez dit dans votre présentation que vous aviez utilisé du «benchmarking» pour vérifier comment le projet de loi satisfaisait à vos besoins ou à vos perspectives. Mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus: Comment vous avez fait cette évaluation-là? Quels sont les critères que vous... Comment vous en avez fait l'évaluation comme telle?

M. Lundahl (Pierre): En fait, nous avons fonctionné avec le principe qu'on peut appeler le groupe de spécialistes. Autrement dit, lorsque nous avons travaillé sur notre mémoire, nous avons réuni un certain nombre de membres actifs de l'association et de son conseil, parmi lesquels il y avait des universitaires, il y avait des... en fait des gens de toutes provenances, et il y avait des gens en particulier qui étaient... un de nos membres au conseil, qui est actif dans des projets internationaux assez nombreux et qui travaille donc avec les définitions utilisées par le Programme des Nations unies pour le développement, le programme des Nations unies pour l'environnement, l'Organisation mondiale du commerce, et plusieurs autres. Moi-même, j'ai eu l'occasion, dans ma carrière, de faire de l'évaluation environnementale dans toute une série de pays d'Afrique, d'Asie et d'Europe, et donc d'avoir des contacts avec ce qui se passe ailleurs, et donc on a utilisé ce pool de connaissances que nous avions à notre disposition, mais nous n'avons pas préparé un rapport technique d'évaluation comme on pourrait le faire si on faisait une étude systématique. En fait, nous avions besoin de matière pour donner un avis documenté dans notre mémoire, et nous avons fait appel à la large expertise que nous avions à notre disposition, qui avait des contacts directs avec ces sources d'information, et la bibliographie qui allait avec.

M. Soucy: Alors, merci. Alors, si je comprends bien, avec l'ensemble des experts que vous avez consultés, vous venez nous donner presque la bénédiction, là, sur... je comprends qu'on a des petits ajouts à faire pour satisfaire votre présidente, mais je suis quand même content de vous entendre là-dessus.

Maintenant, autre question. Tantôt, vous avez évoqué le fait que ça devient de plus en plus intéressant d'avoir une espèce de... une nouvelle certification qui serait le développement durable, parce qu'il y a un appel pour ces différents produits, vous le sentez. Nous autres, notre principal partenaire commercial se situe au Sud, il n'adhère pas actuellement au Protocole de Kyoto. Puis j'imagine que, si on avait, avec une nouvelle certification en développement durable, il y aurait une augmentation des coûts, alors comment vous pensez qu'on va être capable de passer au travers? Parce que c'est bien beau d'être des leaders, d'être les premiers à l'avant, mais, quand on regarde en arrière puis on est tout seul, on se demande si on est dans la bonne direction.

M. Lundahl (Pierre): En fait, je pense que nous avons souvent une vue faussée de ce qui se passe aux États-Unis, quand nous parlons de notre principal partenaire commercial, parce que nous jugeons les États-Unis d'après le comportement de l'administration fédérale américaine d'aujourd'hui. Les États-Unis, c'est beaucoup plus que ça, c'est un grand nombre d'États qui ont chacun leurs mécanismes et leur système. N'oublions pas qu'il y a une série d'États américains qui se sont donné des règles plus contraignantes que les nôtres en matière de gaz à effet de serre, qu'il y a une série de grandes villes américaines qui font un lobbying intense auprès du gouvernement pour qu'il finisse par adhérer au Protocole de Kyoto ou à ses suites. Et, quand je parlais, tout à l'heure, par exemple, de clients qui veulent un certain pourcentage d'énergie renouvelable dans leur électricité, de gens qui veulent des produits du bois certifiés, ces gens-là sont en particulier aux États-Unis, qui ont été un précurseur là-dedans.

Alors, ces marchés-là existent chez notre principal partenaire commercial. Il s'agit de se faire l'image qu'il faut pour que nos entreprises ensuite puissent s'engouffrer dans les niches qui sont disponibles à ce point de vue là et qui vont s'élargir avec le temps.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Portneuf...

M. Soucy: M. le Président, combien, il reste de temps?

Le Président (M. Pinard): Allez-y.

M. Soucy: M. le Président, ne me jouez pas de tour.

Le Président (M. Pinard): Allez-y, allez-y.

M. Soucy: J'ai besoin de conserver un petit peu de temps pour M. le ministre. Alors, je ne voudrais pas me faire jouer de tour, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Vous savez que je ne suis pas de même, M. le député!

M. Soucy: Alors, tantôt ? autre sujet ? vous évoquiez le fait qu'il manque un élément dans le projet de loi, vous voulez qu'on y inclue un outil pour évaluer. Ne pensez-vous pas que les éléments qui sont contenus dans le projet de loi peuvent nous servir à le faire?

M. Lundahl (Pierre): Je vais vous donner un premier élément de réponse, peut-être que Mme Lajoie voudra ajouter quelque chose. Mais je pense que j'ai voulu exprimer tout à l'heure qu'il y avait aujourd'hui, dans le projet de loi, de nombreux outils pour évaluer les résultats qui seraient obtenus une fois les choses faites. Ce qu'il nous semble qu'il manque, c'est un outil pour évaluer à l'avance. Pour nous, l'évaluation stratégique de plans, de programmes ou de politiques gouvernementales, c'est un peu l'équivalent de la préparation d'un budget. On n'a pas seulement besoin d'avoir un objectif, le développement durable ou un objectif économique, qu'il y ait tant de profit à la fin de l'année, et, pour y arriver, il faut se doter d'un outil qui permet au jour le jour de réajuster nos actions. En matière financière, on fait des budgets pour ça, bien, nous, nous pensons que l'évaluation stratégique a sa place à ce niveau-là.

M. Soucy: Mais, quand on fait des budgets, aussi, quand on fait des budgets, M. le Président, on a toujours une enveloppe de contingences, parce qu'à partir du moment... c'est toujours avant le fait. S'il y a une évolution de la science qui permet d'améliorer, comment on va pouvoir s'assurer qu'on est toujours dans la bonne direction?

n(22 h 30)n

M. Lundahl (Pierre): Mais je pense que la parallèle avec l'évaluation environnementale est très clair. L'évaluation, quand on commence dans un domaine relativement nouveau, elle fait évidemment certaines erreurs, elle ne donne pas la vérité. Et les indicateurs qui sont prévus dans le projet de loi, les outils de suivi qui sont là ont un rôle essentiel à jouer, nous ne voulons surtout pas les remplacer, nous voulons y ajouter. L'évaluation faite au départ pour un plan, un programme gouvernemental, doit fournir un certain nombre d'informations permettant d'améliorer le plan ou le programme en question. Il va se réaliser. Ensuite, on va voir, après coup, dans quelle mesure les objectifs de développement durable ont été atteints, et, la fois d'après, on aura cette information-là pour améliorer l'évaluation stratégique initiale du prochain plan ou programme comparable qui sera mis en oeuvre.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci. Merci, M. le Président. Lorsqu'on fait du développement durable, il faut réussir à se placer au-dessus de la mêlée, et le ministre joue encore au jeu du chat et de la souris en disant que notre service de recherche trouvera les réponses, et je trouve ça, je trouve ça très dommage, parce que ce n'est pas simplement pour l'opposition officielle ou pour les députés de l'ADQ, mais c'est pour les citoyens et citoyennes. Partout, les groupes qui viennent nous visiter, d'avoir la décence de déposer cet avis juridique là, ça aurait fait de vous, M. le ministre, gagnant... et nous laisse croire, comme plusieurs groupes, que votre réelle volonté de faire du développement durable, elle n'est pas là. Comme votre mutisme, en pleine conférence internationale, votre mutisme sur le fait que vous n'êtes même pas capable de déposer un plan sur les changements climatiques.

Ma question pour vous, c'est par rapport... où, à l'intérieur de la structure gouvernementale, on pourrait trouver des personnes qui justement pourraient faire ces évaluations-là? Est-ce que vous pensez que ça devrait juste être sous l'égide du ministère du Développement durable ou à l'intérieur même des différents ministères, où on pourrait retrouver des comités plus spécifiques à cette mission?

Le Président (M. Pinard): Mme la présidente.

Mme Lajoie (Ginette): Je vais répondre de la façon suivante, si vous permettez. Prenons exemple ? et là on ne fera pas de partisanerie; prenons exemple ? sur le gouvernement fédéral actuellement, qui, lui, déjà, depuis 1990, a une directive sur l'évaluation environnementale stratégique qui exige que tous les ministères et agences fédérales pratiquent l'évaluation environnementale stratégique pour chacun de leurs politiques, plans et programmes. Il y a eu des ratés au cours des années. La Commissaire à l'environnement, aussi un outil qui apparaît dans le projet de loi ici, a aussi aidé à rectifier le tir.

Ce qu'il est important à retenir, si on suit cet exemple-là, c'est qu'on veut responsabiliser chacun des ministères et non pas que ce soit juste le ministère du Développement durable et de l'Environnement qui soit le policier. On s'attend à ce que chaque ministère développe, à l'intérieur de son administration, les capacités de ses professionnels pour pouvoir mener à bien l'évaluation environnementale stratégique. Enfin, dans l'esprit du développement durable, ce n'est pas l'affaire d'un individu ou d'un ministère, c'est l'affaire de tous.

Le Président (M. Pinard): En terminant, M. le ministre.

M. Mulcair: Il ne me reste, M. le Président, qu'à remercier beaucoup Mme Lajoie, M. Lundahl pour cette excellente présentation. On a été choyés ce soir. On a eu trois groupes: l'Association québécois des industriels du compostage, l'Association professionnelle des écoconseillers du Québec et maintenant l'Association québécois pour l'évaluation d'impacts. Ils nous ont donné beaucoup de pistes de réflexion et qui vont enrichir sans doute nos débats à venir sur le projet de loi n° 118.

Et effectivement c'était un plaisir pour moi de venir vous rencontrer et vous adresser la parole dernièrement. C'est une chose qui, pour moi, est essentielle dans mon rôle de ministre. J'étais avec ma sous-ministre à une rencontre, début d'octobre, et elle me dit: Est-ce que vous vous rendez compte que vous avez donné 31 conférences au mois de septembre?, ce à quoi un de mes sous-ministres a dit: Mais il y a juste 30 jours. Elle a dit: Oui, vous avez tout compris! Je multiplie les rencontres avec les groupes, dans les universités, dans les cégeps, parce que je pense que c'est la meilleure manière de prévoir une information complète, parce qu'en environnement et en développement durable il y a tellement de demandes pour le public, c'est facile de faire des annonces qui ne sont pas financées. Le gouvernement antérieur se spécialisait là-dedans. Mais, nous, quand on annonce des choses, c'est que le financement va être là, et ça va être du réel et pas juste pour l'image. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. Alors, merci infiniment de vous être présentés ce soir. Ça a été très enrichissant pour tous les membres de la commission parlementaire. Merci beaucoup. Et j'ajourne nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 34)


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