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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le lundi 24 février 2003 - Vol. 37 N° 72

Consultation générale sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Labbé): Sans plus tarder, alors bienvenue à toutes les personnes qui sont ici présentes cet après-midi. Je déclare donc la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Je profite de l'occasion pour rappeler le mandat de la commission, qui est le mandat suivant, à savoir de procéder à l'audition d'experts dans le cadre de la consultation générale à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaumier (Champlain) remplace M. Deslières (Salaberry-Soulanges); M. Labbé (Masson) remplace M. Pinard (Saint-Maurice).

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, Mme la secrétaire. Alors, sans plus tarder, je vais prendre quelques secondes pour lire l'ordre du jour de cet après-midi. Alors, nous aurons le plaisir ? d'ailleurs ils sont déjà en place actuellement ? de recevoir, à 14 h 15, l'Association de l'industrie électrique du Québec, représentée par M. Marquis et M. Dubeau; à 15 heures, les Manufacturiers exportateurs du Québec; à 15 h 45, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique; et 16 h 30, le Conseil régional de l'environnement de Montréal; et nous terminerons à 17 h 15 avec le Bourse de Montréal.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, nous sommes prêts à débuter. Alors, les gens de l'Association de l'industrie électrique du Québec, vous êtes maintenant prêts à débuter. Nous vous accordons 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. M. Marquis, et votre collègue, bienvenue. Je vous invite donc à nous présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes à partir de ce moment-ci.

Association de l'industrie
électrique du Québec (AIEQ)

M. Marquis (Jacques): Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, il me fait plaisir de me présenter. Je suis Jacques Marquis, président-directeur général de l'Association de l'industrie électrique du Québec, et je suis accompagné aujourd'hui par le président du conseil d'administration de la même Association, M. Michel Dubeau. J'aimerais d'abord remercier la commission de nous permettre aujourd'hui en tant qu'association de faire valoir notre point de vue.

Comme la majorité de la communauté scientifique, l'AIEQ croit que les activités humaines qui génèrent des gaz à effet de serre ont un impact sur les changements climatiques. Pour réduire cet impact, nous sommes convaincus que le Québec doit se donner des objectifs précis à rencontrer et un programme d'actions à réaliser. La ratification du Protocole de Kyoto par le Canada a constitué, selon nous, une bonne première étape dans la longue lutte vers la maîtrise et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Contrairement à bien des groupes, l'AIEQ a été parmi les premières associations à appuyer la signature du Protocole au pays, et nous allons continuer dans ce sens en contribuant à sa mise en application au Québec. Nous croyons même que la mise en place de contraintes à l'émission de gaz à effet de serre constitue à moyen terme une opportunité plutôt qu'un fardeau pour les entreprises québécoises. C'est une chose d'être en faveur du Protocole, mais encore faut-il maintenant développer une méthode pour atteindre ces objectifs, et ce, au moindre coût et au plus grand profit de la société québécoise.

D'entrée de jeu, et personne ne sera surpris, j'aimerais souligner que l'hydroélectricité est un atout majeur que possède le Québec pour rencontrer efficacement les objectifs du Protocole de Kyoto. En fait, nous sommes chanceux. Plusieurs pays nous envient la possibilité que nous avons de produire notre énergie de façon propre et à partir d'une source renouvelable. En 2000, la production d'électricité et de chaleur était la source d'environ 18 % des émissions de GES au Canada. Le recours à la filière thermique pour produire de l'électricité à partir du charbon ou de mazout est la principale source d'émissions de GES par unité de production dans ce secteur. Au Québec, grâce à l'énergie hydroélectrique, c'est moins de 1 % des émissions qui proviennent de ce secteur.

n (14 h 20) n

Pourtant, l'hydroélectricité est malheureusement victime de préjugés et de fausses croyances qui nuisent au débat sans contribuer à la recherche de solutions porteuses de développement pour la société québécoise.

Fausse croyance n° 1. La mise en place de mesures d'efficacité énergétique pourrait combler la croissance de la demande en électricité. La demande croit actuellement d'environ 1,2 % par année. Personne ne conteste que les mesures d'efficacité énergétique sont rentables pour la société, mais il est faux et même irresponsable de croire qu'à elles seules ces mesures pourront répondre à la croissance de la demande. En effet, à cause du prix avantageux de l'électricité, de l'incertitude liée au résultat des mesures, à cause de délais nécessaires pour générer des changements de comportement significatifs chez les consommateurs et du manque de financement des autorités spécialisées, l'efficacité énergétique ne peut pas remplacer la construction de moyens de production d'électricité fiables comme l'hydroélectricité.

Fausse croyance n° 2. L'énergie éolienne est la solution au problème. La filière éolienne s'avère de plus en plus intéressante et concurrentielle pour limiter l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et aussi au Québec. Cependant, le caractère variable et aléatoire de sa production limite son développement et force les distributeurs à la combiner à un moyen de production complémentaire qui garantit la satisfaction des besoins énergétiques en tout temps. Par exemple, si la population de la Gaspésie était alimentée exclusivement par de l'énergie de source éolienne provenant des projets déjà en place, elle ne pourrait se chauffer qu'à environ 20 % de l'année et, malheureusement, pas nécessairement en hiver. Il faut encourager cette filière comme toutes les filières renouvelables. L'éolien aura un impact économique et un impact environnemental important, et particulièrement dans la région de la Gaspésie. Mais, pour le Québec, cet impact est encore beaucoup trop marginal si on le compare à la valeur de l'approvisionnement fiable et sécuritaire de l'hydroélectricité.

L'objectif actuel est d'ailleurs de tirer de l'énergie éolienne environ 1 000 MW sur 10 ans, et cela, je vous le rappelle, ne représente qu'un peu moins de deux ans de croissance à 1,2 %. On est donc encore très loin du compte. Il est donc important que les mythes qui entourent l'énergie éolienne soient abordés et nous croyons que c'est notre rôle de le faire. Ce que nous affirmons, c'est que l'énergie éolienne est d'abord et avant tout une source énergétique d'appoint qui ne peut que compléter les sources d'énergie de base comme l'hydroélectricité ou, ailleurs, le thermique.

Fausse croyance n° 3. Les réservoirs hydroélectriques sont des sources importantes d'émissions de gaz à effet de serre. Certains laissent entendre que les réservoirs hydroélectriques émettent des gaz à effet de serre à un niveau comparable à des centrales thermiques alimentées au charbon. Rien n'est moins vrai. Sur une base nette, c'est-à-dire en comparant un réservoir à un lac du même type, les réservoirs hydroélectriques boréaux émettent 30 fois moins de gaz à effet de serre que ce type de centrales.

L'AIEQ est persuadée que la construction d'aménagements hydroélectriques est le meilleur moyen de répondre à la croissance de la demande en électricité dans le cadre de la diminution des émissions de gaz à effet de serre. En effet, l'hydroélectricité est actuellement l'une des sources d'énergie les plus «Kyoto friendly», si vous me permettez l'expression. Malheureusement, deux principaux obstacles freinent le développement hydroélectrique sans faire l'objet de mesures concrètes de la part des gouvernements. Les délais et la redondance des processus d'autorisation environnementale désavantagent injustement la filière hydroélectrique. Ce chevauchement et cette redondance ont des effets pervers sur les différentes filières énergétiques et peuvent fausser la prise de décision. Plus de cinq ans d'études environnementales auront été nécessaires pour obtenir les autorisations du projet SM3 sur la rivière Sainte-Marguerite, alors qu'à peine un an d'études ont suffi pour l'étude d'impact du projet de centrale au gaz à cycle combiné du Suroît. Comme le précisait la ministre déléguée, Mme Rita Dionne-Marsolais, lors d'une allocution à l'AIEQ le 30 octobre dernier, la réglementation fédérale et la redondance avec les procédures québécoises entraînent aussi des délais. En particulier la Loi sur les pêches fédérale, en plus de générer des obstacles, manque de clarté et mène à un processus d'autorisation coûteux dont les résultats sont imprévisibles.

Nous demandons donc au gouvernement du Québec de faire pression sur le gouvernement fédéral pour obtenir un engagement clair de ce dernier sur un calendrier de révision et d'harmonisation du processus d'autorisation environnementale en ce qui a trait à la construction et à la rénovation des aménagements hydroélectriques.

Je tiens aussi à vous rappeler que nous appuyons la récente demande du ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole et à l'Environnement et à l'Eau, M. André Boisclair, d'exiger du gouvernement du Canada la nomination d'un négociateur dans les délais les plus brefs afin de faciliter la conclusion d'une entente bilatérale entre les gouvernements sur la mise en oeuvre au Québec du Protocole de Kyoto.

Le deuxième obstacle est le prix des autres filières énergétiques. Dans un contexte de compétition entre les différentes filières, les impacts environnementaux de la filière hydroélectrique de nature essentiellement locale entraînent plus facilement la mise sur pied de mesures d'atténuation et de compensation. Ces mesures viennent désavantager l'hydroélectricité par rapport à la filière fossile. En effet, cette dernière a aussi des impacts sur l'environnement mais, parce qu'ils sont globaux et diffus, il est plus difficile de les quantifier et d'en évaluer le coût. À long terme, la filière thermique est autrement plus préjudiciable à l'environnement, mais cet aspect est négligé lors des études d'impact environnemental et dans les scénarios de développement énergétique sur de longues périodes.

Nous demandons donc au gouvernement du Québec de s'assurer que tout mécanisme de permis échangeables et de subvention directe au secteur électrique tel qu'évoqués reconnaît la contribution que la filière hydroélectrique apporte à l'objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Dans la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, il faut se poser une question importante: Dans quel contexte les mesures de réduction de gaz à effet de serre doivent-elles être évaluées? Le réchauffement climatique est un problème global. Il faut donc limiter les émissions non seulement au Québec, mais partout dans le monde. Dans le contexte d'une forte croissance de la demande nord-américaine en électricité, le développement des filières énergétiques émettant peu de gaz à effet de serre doit être privilégié dans la mesure où elles sont économiquement rentable.

Comme le mentionnait le ministre Boisclair dans une entrevue du Soleil le 15 février dernier, «la question qui va être très intéressante est celle qui suit: Hydro-Québec peut-elle être vue en Amérique du Nord comme un agent qui va éviter des émissions de gaz à effet de serre?» Et de poursuivre le ministre: «Mais sera-t-il pertinent de tenir compte des émissions évitées par la présence d'Hydro-Québec sur le marché de l'électricité nord-américain?»

Au Québec, c'est le développement et l'exportation d'hydroélectricité qui permet d'éviter la quantité d'émissions de gaz à effet de serre la plus importante par térawattheure. Un kilowattheure vendu égale un kilowattheure consommé en temps réel d'où substitution immédiate. Nous ajoutons même que la production et l'exportation d'électricité produite à partir de sources alimentées au gaz naturel, donc thermique, peuvent aussi contribuer positivement au bilan d'émissions à l'échelle continentale. Les exportations permettent d'éviter jusqu'à 950 kilotonnes de gaz par térawattheure émises par des centrales au mazout et au charbon. Mais, dans le cas d'exportation d'énergie produite à partir d'installations telles que celle du Suroît, c'est une diminution de plus de 440 kilotonnes par térawattheure qui peut être enregistrées, donc l'équivalent d'un parc automobile de 800 et quelques mille véhicules pendant une année.

Soyons clairs, nous ne voulons pas encourager la filière thermique. Toutefois, lorsque l'exportation d'électricité produite au Québec au moyen de centrales au gaz naturel remplace la production d'électricité à partir de mazout ou de charbon dans les provinces voisines et aux États-Unis, cela constitue un gain environnemental pour l'ensemble de l'Amérique du Nord. Cela favorise aussi le Québec, puisqu'une partie significative des émissions de polluants atmosphériques qui tombent au Québec proviennent justement de l'extérieur.

Nous croyons aussi que le Québec doit se donner ses propres objectifs en matière de réduction de gaz à effet de serre, mais sans être pénalisé financièrement par la mise en place de mesures très coûteuses pour ses industries par rapport à ses voisins. Par exemple, la consommation d'électricité annuelle au Québec pour la fonte et l'affinage des métaux s'élève à 40 TWh par an. Si la production d'aluminium et de magnésium était réalisée aux États-Unis ou dans d'autres pays charbonniers, les émissions mondiales de gaz à effet de serre seraient plus élevées d'environ 40 millions de tonnes par année. L'effort du Québec doit être reconnu sur ce plan.

Enfin, la réduction des gaz à effet de serre ne doit pas se faire au détriment du maintien de la sécurité des approvisionnements du Québec. À ce titre, nous avons été surpris de lire dans le document de préparation du ministère de l'Environnement de janvier 2003 que le gouvernement remettait en question le développement de la filière thermique au gaz naturel. À maintes reprises, et notamment dans le cadre des audiences publiques du projet du Suroît, l'AIEQ a réitéré ne pas être, par principe, en faveur de la filière thermique, car nous privilégions d'abord l'hydroélectricité. Cependant, le réalisme doit primer dans ce type d'analyse. Que fait-on pour assurer la sécurité énergétique si on ne construit pas le Suroît? Par quoi remplace-t-on cette centrale ou toute autre centrale de même nature?

n(14 h 30)n

Avant de prendre une décision de se priver de ce mode de production ou de tout autre, le gouvernement doit prendre en considération les faits suivants.

Même si la signature de la «Paix des Braves» et l'accord avec les Inuits sont des pas importants, ces ententes sont encore loin de se traduire par la production d'un seul kilowattheure. La demande de son côté continue de croître. Un épisode qui s'est produit, entre autres, le 22 janvier 2003 est révélateur. Alors que le Québec subissait une vague de froid sibérien depuis plusieurs jours ? sibérien, oui, mais loin d'être un record ? Hydro-Québec a enregistré une pointe de plus de 35 000 MW. Voilà une indication du niveau de l'activité économique du Québec, mais cette pointe excède déjà les 34 000 MW correspondant à la puissance classée d'électricité patrimoniale. J'ai d'ailleurs déposé un document supplémentaire à notre mémoire tout à l'heure. Il reste combien de temps?

Une voix: ...

M. Marquis (Jacques): ...minutes. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, la croissance des besoins énergétiques du Québec se poursuit à un rythme moyen de 1,2 % par année jusqu'en 2011. Il s'agit de prévisions conservatrices qui tiennent compte des gains réels en efficacité énergétiques et qui n'incluent pas de contingence de développement industriel majeur.

Seulement, 3,7 MWh de production sont présentement en chantier ? de production hydroélectrique ? soit environ deux années d'augmentation de demande. De nouvelles petites centrales, si elles sont construites, seront peu nombreuses et ne contribueront pratiquement pas à combler la croissance des besoins internes. Enfin, la biomasse ou l'éolien, lorsqu'ils seront disponibles, auront une contribution marginale correspondant à un peu plus d'une année.

Dans ce contexte, l'AIEQ demande au gouvernement du Québec de n'écarter aucun moyen de production existant ou futur avant que la sécurité des approvisionnements du Québec ne soient assurée. Nous demandons aussi que l'hydroélectricité soit officiellement reconnue comme une solution qui favorise le bilan énergétique et aide le Québec à réduire ses émissions des gaz à effet de serre. Cet reconnaissance formelle devrait inspirer le développement énergétique d'ici 2010, première date butoir du Protocole. L'AIEQ s'est prononcée en faveur de la ratification car elle croit que des actions concrètes et significatives doivent être prises le plus tôt possible pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement de la planète.

Nous croyons que les coûts de mise en place de mesures peuvent cependant être nettement diminués si la filière hydroélectrique est pleinement mise à contribution. Nos recommandations ont comme objectif de faciliter cette contribution dans un contexte de maintien de la sécurité des approvisionnements des Québécois. La bonne performance du Québec à ce niveau, au niveau nord-américain, est clairement due en grande partie à son secteur électrique. Il ne faudrait pas inciter des compagnies comme Hydro-Québec à acheter de l'électricité de l'extérieur dans des marchés qui produisent de l'électricité à partir de sources plus polluantes et fortement émettrices de gaz à effet de serre. Sur papier, le bilan pourrait être superbe mais l'environnement, qui doit demeurer notre préoccupation première, n'en sortirait pas gagnant.

L'AIEQ demande donc au gouvernement de faire preuve de responsabilité et de faire des choix environnementaux et sociaux responsables et à la mesure du défi que pose Kyoto, un défi planétaire. Merci de votre attention.

Le Président (M. Labbé): Merci beaucoup, M. Marquis, pour cette présentation. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au ministre délégué à l'Environnement et à l'Eau. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Je vous remercie beaucoup, M. le Président, heureux d'être parmi vous. Alors, M. Marquis, M. Dubeau, merci de votre présence, merci surtout pour la qualité du mémoire que vous nous avez présenté, ce mémoire que je qualifierais de rafraîchissant, qui nous permet de mettre une emphase sur des idées très claires, très précises. Et c'est tout au mérite de votre association, une association qui, d'ailleurs, depuis le départ, depuis nombre d'années, défend ardemment l'idée de soutenir le Protocole de Kyoto. Et vous êtes ? on le sait ? de grands défenseurs de la filière hydroélectrique. Puis, ma première question, je ne peux pas ne pas vous la poser. On sait qu'il y a des détracteurs de l'énergie éolienne, on sait qu'il y a de grands défenseurs de l'énergie éolienne, vous, vous positionnez un peu entre les deux, vous dites: Oui, comme appoint. On sait que ce n'est pas aussi fiable que l'hydroélectricité surtout lorsqu'il y a de grandes périodes de pointe en demande énergétique. Et puis vous dites, donc: Dans le fond, investissons mais de manière secondaire par rapport à l'hydroélectricité.

Pas cet été mais l'autre d'avant, avec ma conjointe, on a fait un petit séjour aux États-Unis en automobile et puis je ne sais plus combien de champs d'énergie éolienne on n'a pas traversés et rencontrés. Or, ma question est la suivante, et elle est très simple: Pourquoi les Américains investissent autant là-dedans si c'est si peu rentable que ça?

Le Président (M. Labbé): M. Marquis.

M. Marquis (Jacques): Merci, M. le Président. Si on parle strictement de rentabilité, il est évident que la filière éolienne, pour l'instant, ne peut pas concurrencer d'autres filières au-delà des raisons que je citais tout à l'heure.

Par contre, je pense qu'il faut réaliser que, lorsqu'on remplace de la production au charbon ou au mazout par de l'éolien, ça a beaucoup de sens. Au Québec, je ne dis pas, et notre Association ne dit pas qu'il ne faut pas en faire. Au contraire, on dit: Il faut favoriser le développement de l'éolienne, mais notre devoir est de rappeler qu'elle a aussi ses limites et que c'est uniquement en combinaison avec l'hydroélectricité, avec réservoirs, que l'éolienne prend tout son sens au Québec, puisqu'elle nous permettra d'emmagasiner de l'énergie qu'on pourra revendre plus tard sur les marchés, lorsque les prix sont intéressants.

Mais je pense qu'il faut éviter, et c'est... Malheureusement, on a souvent la tendance de mettre toutes les formes d'énergie en opposition, de dire: Il ne faut pas faire d'hydroélectricité, il faut faire de l'éolien; il ne faut pas faire d'hydroélectricité, il faut faire de l'efficacité énergétique. Mais au-delà de tout ça, je pense que, si on essaie de le rationaliser, chaque énergie ou chaque source d'énergie a sa place mais selon ses mérites, et c'est ce qu'on a essayé de vous faire part.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Marquis. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Vous me permettrez d'aborder un autre sujet avec vous, toujours en lien avec votre mémoire, sur l'efficacité énergétique. André Caillé nous disait la semaine dernière qu'il y avait quand même d'énormes potentiels dans ce qu'on appelle communément les mégawatts. Vous ne semblez pas trop y croire.

Le Président (M. Labbé): M. Marquis.

M. Marquis (Jacques): De ne pas y croire, je ne dirais pas que ce n'est pas y croire, mais il ne faut pas imaginer non plus que, même s'il y a un potentiel énorme ou il y a un potentiel intéressant à développer, il doit se faire aussi selon des conditions économiques; c'est le premier critère à rencontrer.

Il y a un autre critère qui est important, c'est le critère comportemental des consommateurs. Et lorsqu'on fait des prévisions de croissance, on ne peut pas se fier uniquement sur le comportement des consommateurs. D'ailleurs, la Californie, si on prend l'exemple de la Californie, la Californie a commencé par une planification qui ne tenait pas suffisamment compte de la croissance des besoins, et c'est pour ça que, pendant 12 à 15 ans, la Californie n'a pas construit ni d'infrastructure de production ni d'infrastructure de transport, en comptant qu'une partie de l'efficacité énergétique viendrait aussi combler ce manque de production là, mais ça ne peut pas se produire.

On ne dit pas, cependant, de ne pas en faire. Il y a des potentiels à réaliser. L'évaluation du potentiel, écoutez, nous, les chiffres qu'on a regardés avec la valeur de l'électricité, le prix que les consommateurs paient, que ce soit résidentiels, industriels ou commerciaux, le signal de prix fait que c'est une denrée, heureusement ou malheureusement, au Québec, qui ne coûte pas cher. Donc le raisonnement... Qui pense en entrant chez lui de fermer sa lumière ou de remplacer un moteur moins efficace par un moteur plus efficace, lorsqu'il fait le raisonnement que le prix de l'électricité n'est pas très élevé?

Le Président (M. Labbé): M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Bien, s'il me reste un peu de temps, M. le Président, j'aurais deux autres questions. Ce que j'aime beaucoup du message que vous nous livrez, c'est que, pour vous, Kyoto, ce n'est pas un fardeau, c'est une occasion d'affaires, hein, vous l'avez dit clairement. Et j'aurais aimé... Pardon?

M. Marquis (Jacques): Effectivement, il faut le voir comme ça.

M. Simard (Montmorency): Et c'est très intéressant comme approche, et j'aurais aimé vous voir nous... J'aurais aimé que vous puissiez nous décrire davantage ce que vous entendez par «occasion d'affaires».

n(14 h 40)n

M. Marquis (Jacques): Bon. Occasion d'affaires dans le monde de l'hydroélectricité, entre autres, veut dire qu'il y a des marchés autour de nous où des producteurs sont présents avec du charbon, avec du mazout et, de plus en plus, avec du gaz naturel. Le gaz naturel prend de plus en plus de place dans les nouvelles installations. Mais, comme industrie, pour nous, le respect du Protocole de Kyoto et des efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous pensons que nous avons entre les mains, les Québécois et notre industrie, que nous avons entre les mains une solution extraordinaire que beaucoup de gens aimeraient avoir. Les Américains aimeraient l'avoir mais ils n'en ont plus à développer. Alors, pour nous, ça devrait normalement nous apporter des occasions d'affaires.

Le Président (M. Labbé): M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Parlant d'occasion d'affaires, vous disiez tout à l'heure que vous étiez pour que le Québec ait ses propres objectifs, mais, en même temps, et pour autant que nous ne soyons pas pénalisés, notamment par rapport à l'atteinte des objectifs pancanadiens. Et, à cet égard, vous me permettrez de vous poser une question un peu délicate, mais qu'on doit ici ensemble se poser comme collectivité québécoise parce qu'on sait que, si on fait un portrait global au niveau énergétique, dans l'espace canadien, il y a une dominante de la filière nucléaire en Ontario, il y a une dominante de la filière pétrolière dans l'ouest ainsi que dans les Maritimes, puis il y a une dominante au Québec qui est l'hydroélectricité. Bon. Vous en avez abondamment parlé dans votre mémoire. Or, malheureusement ? et c'est donc à déplorer ? si ma mémoire est fidèle, c'est au mois d'octobre dernier, dans le dernier plan sur les changements, dernier plan canadien sur les changements climatiques, on exclut du système des permis échangeables l'hydroélectricité. Et, dans l'ensemble du mémoire d'ailleurs, on ferme les yeux comme si on ne savait pas qu'au Québec il y avait de l'hydroélectricité. C'est assez frappant à la lecture du document. Alors, ma question est très simple, c'est la suivante: Comment valoriser davantage, dans ce contexte, la filière hydroélectrique?

Le Président (M. Labbé): M. Marquis.

M. Marquis (Jacques): C'est une question, M. le ministre, qui est fort complexe. Et d'ailleurs, je trouve peut-être surprenant qu'on ne se rappelle pas qu'il y a de l'hydroélectricité au Québec parce qu'il y en a aussi ailleurs au Canada. D'ailleurs, plus de 60 % de la production canadienne vient de l'hydroélectricité, ce qui est quand même loin d'être négligeable.

Maintenant, comment la mettre en valeur? Je pense qu'il faut s'assurer que, dans les objectifs de tous les gouvernements, qu'on le reconnaisse, qu'on ne fasse pas qu'écrire que l'hydroélectricité est une filière renouvelable, etc., mais que l'on reconnaisse vraiment dans les faits et qu'on... Écoutez, on va permettre le développement d'autres filières en leur permettant d'être plus concurrentielles, en leur donnant des subventions, d'une certaine façon, alors que l'hydroélectricité finalement n'en a jamais eu. Mais, on a la chance d'avoir cette performance-là au Québec par rapport au reste du Canada parce qu'on a eu la possibilité de le faire et on l'a développée. Mais il faudrait quand même qu'on puisse en retirer des bénéfices, entre autres, au niveau des objectifs. Nous, comme Association, on ne croit pas que le Québec devrait avoir des objectifs égaux à tout le monde étant donné la performance qu'on a déjà faite. On ne croit pas que le Québec devrait, entre autres, s'avancer et dire: Nous aussi, on va rencontrer notre 6 %, parce que l'objectif global, lui, ne changera pas, il va demeurer le même pour le Canada. Ce qui voudrait dire qu'on se pénalise au départ. Donc, il faut trouver la façon de faire reconnaître cette performance-là, performance présente, et aussi performante future.

Le Président (M. Labbé): Merci. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): M. le Président, avec votre permission, je laisserais la parole à mes collègues de la majorité ministérielle.

Le Président (M. Labbé): Alors, excellent, M. le ministre. Merci. Alors, je cède la parole maintenant au député de Champlain. M. le député.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Dans une de vos recommandations, vous demandez de faire pression sur le gouvernement fédéral pour obtenir un engagement clair de ce dernier sur un calendrier de révision et d'harmonisation du processus d'autorisation environnementale. Qu'est-ce que vous voulez dire par... Quelle est la situation actuelle puis quelle serait la situation que vous préféreriez?

Le Président (M. Labbé): M. Marquis.

M. Marquis (Jacques): Merci, M. le Président. Écoutez, dans les évaluations environnementales, il y a malheureusement une tendance à faire les choses en série plutôt qu'à les faire en parallèle et à ne pas bénéficier de ce qui a été fait, par exemple, par les experts québécois en la matière, ce qui fait qu'on continue.... lorsque le Québec s'est prononcé, par exemple, en faveur d'un projet, avec différentes mesures de mitigation et on recommence pratiquement tout le processus, ce qui vient rajouter du temps sur l'ensemble de tout le processus, ce qui fait que les délais, avant même d'obtenir des permis, sont excessivement longs. Écoutez, on parle... Je donnais l'exemple de SM3, qui a été cinq ans, les meilleurs exemples les plus récents, ça se fait en dedans de trois ans. C'est quand même énorme. On a presque le temps de construire une centrale au gaz naturel pendant ce temps-là.

Le Président (M. Labbé): M. le député.

M. Beaumier: Un autre point aussi que je voudrais clarifier, vous signalez qu'il ne faut écarter aucun moyen de production, existant ou futur, avant que la sécurité des approvisionnements du Québec soit assurée. Je croyais que c'était une erreur, je pensais que ça voulait dire «afin que la sécurité des approvisionnements du Québec soit assurée», mais vous dites «avant». Je présuppose que ça présume que la sécurité... vous avez une bonne idée de la sécurité des approvisionnements, un jour où ils vont être assurés. Est-ce que, dans votre esprit, c'est en attendant le développement complet de l'hydroélectricité ou bien non si c'est parce que nous aurons quand même besoin de moyens de production qui sont alternatifs?

Le Président (M. Labbé): M. Marquis.

M. Marquis (Jacques): Merci, M. le Président. Écoutez, au niveau de moyens de production alternatifs, on parlait tout à l'heure des autres filières renouvelables, je pense que ça, ce n'est pas dans votre question, à moins que je me trompe, mais c'est beaucoup plus peut-être au niveau d'autres filières comme l'utilisation du gaz naturel. Pour nous, il est clair que, avec les événements des dernières années, malheureusement, pour utiliser une expression, le mur s'en vient de plus en plus vite où on va frapper le mur, et on aura de la difficulté à suffire à nos propres approvisionnements, et c'est ce qui s'est passé en période de pointe en janvier: on a dû s'approvisionner à l'extérieur. On peut toujours trouver de l'énergie à l'extérieur, mais elle ne vient pas de sources nécessairement moins polluantes, au contraire. C'est souvent l'inverse.

Deuxièmement, au niveau de revenus pour le Québec, bien, on se pénalise en n'étant pas en mesure, dans le futur, de pouvoir répondre aux besoins de marchés extérieurs. Mais ce qu'on veut exprimer dans cette phrase-là, c'est que: faisons attention avant de faire des choix, par exemple, que la filière au gaz naturel soit complètement abandonnée, ce ne serait pas la solution à envisager à ce stade-ci. Des chiffres que nous avons devant nous, les prévisions... Écoutez, la pointe qui était prévue... 35 MW, c'était prévu pour 2008 ? c'est ce que j'ai indiqué dans le document que j'ai déposé tout à l'heure ? et ça s'est produit en 2003. On parle évidemment de puissance, mais, en énergie, tout ça va suivre à un moment donné. En même temps, c'est une indication de la bonne performance économique du Québec, mais il va falloir continuer, si on veut avoir ce développement, à pouvoir répondre aux besoins.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. le député, merci, M. Marquis. Alors, maintenant, le temps est malheureusement écoulé. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière d'environnement, le député d'Orford. M. le député.

M. Benoit: M. Marquis, M. Dubeau, merci d'être avec nous aujourd'hui. D'abord vous dire que je pense que les Québécois dans leur ensemble sont fiers de l'industrie électrique au Québec, sont fiers de l'hydroélectricité. On sait comment le Parti libéral, dans les années soixante, a décidé d'aller de l'avant dans ce projet-là, et on a tous à se réjouir de ce qui se passe maintenant.

Une fois ça dit, on a peut-être quand même des petites questions à vous poser. Et ce qu'on lit un peu partout... Puis je comprends que vous êtes des lobbyistes, vous êtes ici au nom d'une association qui prône l'hydroélectricité, on comprend bien ça, puis c'est tout à fait correct. Et d'autre part, on lit dans la littérature que, dans les pays nordiques comme le nôtre, les bassins, les réservoirs d'eau s'assèchent, se vident tranquillement. Il y a moins de précipitations. D'ailleurs, des experts, M. Villeneuve nous a expliqué pourquoi ces bassins-là se vidaient en ce moment un peu partout à travers les pays nordiques.

Alors, au moment où vous me dites: il faut aller vers l'hydroélectricité... Moi et mon épouse, on demeure sur le bord d'une petite rivière et quand on a déménagé là, cette rivière-là... je ne me souviens pas que mes enfants n'aient pas pu se baigner dans cette rivière-là. Trente ans après, cette rivière-là, elle est complètement sèche l'été, petit, petit ruisseau tout simplement dans les Cantons-de-l'Est, et j'étais chez des amis sur le long du fleuve Saint-Laurent qui me disaient: Tu vois la roche dans le fleuve en avant, là, bien, nous, on a été élevés ici, petits gars, puis il n'y en avait pas de roche puis, soudainement, depuis deux, trois ans, on voit cette roche-là dans le milieu du fleuve. Alors, il y a évidemment... ça vient des Grands Lacs ou ça vient d'un petit ruisseau des Cantons-de-l'Est, il semble y avoir un assèchement sur une quarantaine d'années. Alors, vous nous parlez de l'hydroélectricité, donc de bassins de rétention d'eau. Et ces bassins-là sont après... à preuve du contraire, à moins que vous nous démontriez le contraire, sont après s'assécher. Et j'essaie de voir, là, j'aimerais comprendre un peu la logique.

Le Président (M. Labbé): M. Marquis.

n(14 h 50)n

M. Marquis (Jacques): Oui, merci, M. le Président. Écoutez, je ne prétends pas qu'il n'y a pas... Et d'ailleurs, l'effet des changements climatiques est justement un de ceux qu'on constate depuis quelques années, c'est qu'il y a des périodes de plus grande sécheresse, des températures plus élevées, plus d'évaporation. Selon les scientifiques, les climats extrêmes, c'est ce qui va nous affecter de plus en plus. Par contre, nous avons encore la possibilité, au Québec, de développer d'autres ressources hydroélectriques, sinon les autres solutions à court terme ne permettront pas de répondre à nos besoins à moins qu'on se dise que dorénavant on fera du gaz naturel. D'ailleurs, faire une centrale ou deux au gaz naturel va nous permettre en même temps d'avoir une certaine assurance vis-à-vis l'assèchement de certains de nos réservoirs.

Par contre, si on n'applique pas de solution à la grandeur de la planète pour la diminution de production de gaz à effet de serre, bien, les phénomènes qui ont été décrits tout à l'heure, vont continuer à s'amplifier. Donc, notre devoir, en tant que société, comme nous avons encore de l'hydroélectricité, c'est de la développer et de la développer de la façon dont on a été capable de le faire dans les 30 dernières années. Je pense qu'on a appris à le faire comme il faut.

M. Benoit: Effectivement, je dois reconnaître dans vos propos que vous reconnaissez qu'effectivement il y a un problème d'accumulation d'eau dans les barrages. C'est exact?

M. Marquis (Jacques): Écoutez, je ne dis pas qu'il y a des problèmes mais, si la tendance se maintient, un jour, il y aura des problèmes. Ça, je pense que c'est indéniable. Par contre, quelle sera l'ampleur de tous les phénomènes? Combien de temps ça va nous prendre à réagir, etc.? C'est là que... Mais je ne suis pas un devin.

Le Président (M. Labbé): M. le député.

M. Benoit: Plusieurs industries et la vôtre en particulier nous parlent toujours des heures de pointe et on voit comment d'autres industries se sont organisées pour faire face à l'heure de pointe. L'Ontario nous a déposé un document cette semaine ou des gens nous ont déposé un document de l'Ontario; on peut voir que l'heure de pointe commence vers 3 heures de l'après-midi et va jusqu'à à peu près 7 heures. Moi, je suis encore surpris de voir comment Bell Canada, depuis 20 ans, va me charger moins cher si je fais mes téléphones après 7 heures le soir ou 8 heures, je ne sais trop, et elle va me charger plus cher à certaines heures de pointe. Eux, ils ont compris ça depuis bien longtemps. Il y a des restaurants qui ont compris ça. Il y a des hôtels qui ont compris ça. Il y a bien du monde qui ont compris ça.

Alors qu'on est à une époque de haute technologie, je ne comprends pas que les compagnies d'électricité ? et peut-être que c'est aujourd'hui que je vais le comprendre grâce à votre présence ? comment se fait-il que, avec toute l'électronique ? et on me dit que techniquement, il n'y a rien qui l'empêche, il y a même des compagnies qui vendent déjà ces bidules-là ? comment se fait-il... Ou bien toute ma maison, je pourrais limiter ma consommation à certaines heures, ou bien certains instruments dans la maison: tank à eau chaude, lave-vaisselle, etc. Maintenant, le président de l'Hydro nous a dit que, sans que je m'en sois aperçu, ma sécheuse prend moins d'électricité ? bon, ça je le sais ? mon frigidaire aussi. Mais qu'est-ce qui m'empêcherait finalement d'être capable... ou que vous me vendiez... Finalement, c'est ça, le point. Si mon électricité m'était vendue plus cher à mes heures de pointe et moins cher à mes heures qui ne sont pas de pointe, est-ce que le consommateur dans sa grande sagesse ne réorienterait pas son activité? Il partirait sa laveuse à vaisselle avant d'aller se coucher plutôt que immédiatement après le souper, etc. J'aimerais ça vous entendre parce que je n'ai pas l'impression que l'industrie de l'électricité ? puis ce n'est pas votre rôle de nous aider à consommer moins, je comprends ça aussi ? n'ayez pas fait des efforts dans ce sens-là.

Le Président (M. Labbé): M. Marquis.

M. Marquis (Jacques): Merci, M. le Président. Écoutez, de dire que ce n'est pas dans notre vision de promouvoir des formes d'amélioration de l'utilisation de l'électricité, de l'utiliser de façon plus rationnelle. Au contraire, je dirais que nous sommes en faveur de l'utilisation la plus rationnelle possible de l'électricité. Par contre, au niveau de tarification, il y a des choses qui se sont faites ailleurs et, évidemment, le changement du comportement des clients dépend énormément du signal de prix. Par contre, ce n'est pas nous qui faisons et qui établissons quelle doit être la tarification des prix d'électricité au Québec. Je pense que c'est du ressort de la Régie de l'énergie, mais je ne vous dis pas que c'est impossible de le faire, c'est possible.

M. Labbé: M. le député.

M. Benoit: Parce que, quand on parle avec votre industrie, que ce soit avec M. Caillé ou vous ici, aujourd'hui, vous me dites toujours: Il faut produire, il faut bâtir plus de barrages parce qu'on a des heures de pointe. Vous nous indiquez l'heure de pointe de moins 40 il y a deux semaines, j'étais bien heureux que vous puissiez en acheter ailleurs. Mais, est-ce qu'on doit baser toute notre stratégie hydroélectrique sur quelques heures de pointe dans un hiver ou est-ce qu'on ne doit pas essayer de regarder plus un corridor? Parce que ça, il n'y a pas de fin à ça là, et... Alors, moi, je vous dis: les heures de pointe, d'une façon régulière, à tous les jours, on sait à quel moment elles sont, et on ne fait rien pour que le consommateur, il puisse aider à cette heure de pointe là. Il n'a pas moyen, le consommateur, il n'a pas moyen vraiment là, je veux dire... et on ne lui donne aucun incitatif pour qu'il aide à cette heure de pointe là. Je veux dire, il embarque dans le mouvement et... Puis on n'a pas entendu grandes études ou de grande publicité d'efficacité énergétique qui disait aux gens: Bien, partez donc votre laveuse à 11 heures le soir, avant de vous coucher, je veux dire. Je ne sais pas, moi. Il y a, quelque part, quelque chose qui... Vous êtes là, vous me parlez des heures de pointe. Je veux bien vous acheter ça, moi, les heures de pointe, mais on peut-u les baisser, ces heures de pointe là?

Le Président (M. Labbé): M. Marquis.

M. Marquis (Jacques): Oui, merci, M. le Président. Écoutez, c'est sûr qu'il y a des façons de réduire les heures de pointe. Par contre, il y a une réalité, à un moment donné, qui devient incontournable. Vous mentionniez la possibilité, par exemple, de faire marcher la laveuse à linge à 11 heures le soir. Moi, je sais que, à 11 heures le soir, si la laveuse part ? j'ai le sommeil assez léger ? que ça va me déranger. Je préfère qu'elle fonctionne à un autre moment. Mais ça, c'est une question de comportement de consommateur, encore une fois.

Mais si on revient à l'exemple de l'Ontario: l'Ontario, au point de vue électricité, depuis un an et demi, ils sont de plus en plus dans une situation critique au point de vue production d'électricité. Les consommateurs ont subi de fortes hausses, l'année dernière, sur leur facturation, et ils payaient déjà beaucoup plus cher que nous. Par contre, lorsque nous-mêmes on décide de produire, de construire des installations pour répondre d'abord à nos besoins, donc, au moment où les pointes arrivent, c'est sûr qu'il y a des moyens de diminuer l'écart entre la pointe et l'utilisation minimale. Par contre, lorsqu'on a construit ces installations-là et qu'on peut, comme je le disais tout à l'heure, en vendre sur les marchés extérieurs, au point de vue environnemental, lorsqu'on produit avec de l'hydroélectricité, on va aider tout le monde, et, en plus, on va se donner des revenus.

Si on ne construit pas d'installations, si, par exemple, même dans le cas d'installations au gaz naturel pour répondre à des besoins spécifiques à court terme ou à moyen terme, si on ne le fait pas, ces installations-là vont se faire ailleurs. Et, à ce moment-là, lorsqu'on achètera de l'électricité, bien, on la paiera plus cher.

Le Président (M. Labbé): M. le député.

M. Benoit: Vous nous dites, à la dernière page de votre mémoire: «Il serait inconcevable et environnementalement irresponsable, sous prétexte d'avoir un bon bilan d'émissions pour le Québec seulement, de contraindre des compagnies comme Hydro-Québec dans son développement, l'incitant ainsi à acheter de l'électricité de l'extérieur du Québec, dans un marché, rappelons-le, qui produit de l'électricité.» L'environnement... Bon.

Ce que vous êtes après nous dire, c'est: Si on est capable de produire puis si on est capable de la vendre, cette électricité-là, environnementalement, tout le monde va être mieux. C'est ça, votre logique.

M. Marquis (Jacques): Oui.

M. Benoit: Est-ce que c'est une bonne logique? Les États-Unis, en ce moment, plus on va leur en vendre, plus ils vont en acheter et plus on va consommer. On est 4 % de la population mondiale en Amérique du Nord puis on consomme 25 % de l'énergie. Moi, je n'ai pas de démonstration qu'à chaque fois qu'on vend à un Américain qui a une centrale au charbon qui produit un peu moins... C'est le contraire. Quand on regarde, la consommation augmente, puis elle augmente, puis elle augmente. Et si vous étiez capable de me dire, à chaque fois que, moi, je leur en vends, il y en a en quelque part qui s'en produit un peu moins, mais cette démonstration-là, elle est loin de m'être faite.

Vous allez me dire: On la vend en continu, vous avez raison. Ils ne peuvent pas l'acheter de deux places en même temps, il faut qu'ils l'achètent rien que d'une place, je suis d'accord avec vous. Mais y a-t-il rien que nous autres qui faisons des efforts d'économie d'énergie? Est-ce que, eux, font leurs efforts? Je veux dire... J'essaie de voir si, effectivement, cet argument-là... puis c'est ce que j'ai fait pendant toute la commission parlementaire puis c'est notre rôle de voir si vos arguments tiennent un peu. Et, dans ce cas-là, si j'étais un homme d'affaires, moi aussi, j'aimerais ça en exporter, puis c'est ça que vous nous dites qu'il faut faire. Mais, l'autre bord, est-ce qu'ils font les efforts qu'ils devraient faire ou on va continuer à consommer 25 % de l'énergie du monde alors qu'on est 4 % de la population? Puis là, on est là-dedans, hein, on est Nord-américain. On est quasiment pire que les Américains à certains égards, là, en tout cas, on reviendra là-dessus.

Le Président (M. Labbé): M. Marquis.

n(15 heures)n

M. Marquis (Jacques): Merci, M. le Président. Écoutez, il est certain que les Américains sont de grands consommateurs d'énergie. Les Nord-américains sont de grands consommateurs d'énergie. Il faut tous faire un effort. Mais, moi, ce que je vous dirais, c'est que, malgré tout ce qu'on vient de dire, si le besoin est là, ils ne se gêneront pas, ils vont en construire des installations pour répondre à leurs besoins et ce n'est pas des installations qui seront nécessairement meilleures au point de vue environnemental que ce qu'on vous a présenté comme solution. Exemple, j'entends de plus en plus des gens utiliser l'expression «green coal». Moi, je pense, que, en tout cas... personnellement, ça devient un peu une déformation du langage lorsqu'on dit ça. Mais il est clair qu'en tant qu'homme d'affaires mais aussi avec une conscience environnementale que, si on peut déplacer de la production au charbon ou au mazout par de l'hydroélectricité voire même avec du gaz naturel à certains moments pour répondre aussi à nos besoins, bien, je pense, qu'on devrait le faire.

M. Benoit: Et vous êtes convaincu qu'à chaque fois qu'on vend aux États-Unis de l'électricité, aux Américains, c'est autant qu'ils ne produisent pas?

M. Marquis (Jacques): Écoutez, en électricité ? et c'est physique ? lorsqu'il y a un appel d'un kilowattheure et que je vends un kilowattheure, bien, il est consommé, ce qui veut dire qu'il n'y a personne d'autre qui le produit. Il faut que la balance du kilowattheure consommé, du kilowattheure produit où que ce soit, il faut que ça arrive à zéro.

M. Benoit: C'est-à-dire que, si on exportait moins, le prix chez le consommateur américain serait possiblement beaucoup plus haut et il consommerait moins. Mais, dans la mesure où on est capable de lui en fournir à un prix très abordable, ce consommateur-là va continuer à consommer abondamment, non? On a vu en Californie, d'ailleurs, où le prix est devenu inabordable, le consommateur a trouvé des façons ? je ne vous dis pas qu'il faut arriver à la situation de la Californie, on s'entend là-dessus ? mais l'équation est assez évidente. Un moment donné, le consommateur, il est allé vers l'hydrogène, il a essayé de trouver d'autres solutions moins polluantes et plus économiques.

Alors, si, effectivement, il y avait moins d'électricité aux États-Unis, le prix remonterait aux États-Unis, il y aurait moins de consommation. Est-ce qu'il n'y a pas là une certaine logique?

M. Marquis (Jacques): Écoutez, les prix aux États-Unis dépendent... Aujourd'hui, c'est un prix de marché, ça dépend du prix que les gens vont offrir sur le marché, par exemple, avec la production au gaz naturel. 90 % des nouvelles installations aux États-Unis se font avec de la production au gaz naturel et c'est ça qui dicte le prix. Que le prix augmente, c'est sûr que, s'il y a pénurie, les prix vont augmenter de façon drastique. Mais ce qui s'est passé dans l'exemple de la Californie, je pense qu'un moment donné on ne parlait même plus d'efficacité énergétique. Moi, j'appelle ça un sacrifice énergétique, parce qu'on demandait aux gens et on coupait les lumières dans les stationnements, dans les McDonald. On a fermé les entreprises parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'énergie à leur offrir. Je ne pense pas que ce soit ça qu'on veuille, personne ici.

Le Président (M. Labbé): Alors merci beaucoup, M. Marquis, M. Dubeau. Merci beaucoup pour votre présentation.

Alors, sans plus tarder, j'inviterais maintenant les Manufacturiers exportateurs du Québec en la personne de M. Huot de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Labbé): Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, sans plus tarder, nous avons le plaisir de recevoir maintenant, comme il se doit, les Manufacturiers et exportateurs du Québec en la personne de M. Paul-Arthur Huot, qui est le président. Alors, M. Huot, vous avez 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Je vous cède donc la parole.

Manufacturiers et exportateurs du Québec

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, M. le Président de la commission, chers membres de la commission, merci beaucoup. Merci de nous donner le temps, aux Manufacturiers et exportateurs, de venir présenter notre point de vue sur une question qui nous interpelle profondément comme manufacturiers. Je dois vous dire que ça n'a pas été facile d'ailleurs de pouvoir venir devant votre commission, il y a eu des petits changements d'horaire qui ont fait que j'arrive à l'instant de Montréal.

Alors, on est ici réunis bien sûr pour discuter de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Ce n'est évidemment pas facile de concilier croissance économique et développement durable, et ça vaut la peine qu'on s'y arrête. En fait, il faut se poser la question: Comment on peut assurer à la fois notre qualité de vie et un environnement sain? Tous, on reconnaît qu'au cours de l'histoire la qualité de vie s'est accrue pour l'humanité à chaque fois qu'on a maîtrisé de nouvelles sources d'énergie toujours plus puissantes. Manger, s'habiller, se vêtir, se déplacer, le loisir également, tout ça demande de l'énergie. Mais, pour la première fois de notre histoire, de l'histoire, et à l'aube de ce troisième millénaire, on réalise que toutes ces activités-là ont un impact profond sur notre environnement et on s'interroge comment on peut concilier croissance économique et développement durable.

Les manufacturiers, on est un acteur incontournable du développement économique. On est plus de 10 000 au Québec. On fabrique des biens nécessaires à notre qualité de vie. On gagne des revenus d'exportation également, sans lesquels la prospérité du Québec serait utopique. Plus de 650 000 Québécois et Québécoises vivent directement de notre industrie manufacturière. Nous sommes de grands utilisateurs d'énergie et, pour certains, également des émetteurs de gaz à effet de serre. Et nous, les manufacturiers, on contribue pour à peu près 30 quelque pour cent de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre et, par nos efforts, on va continuer de contribuer à la réduction de ces gaz à effet de serre. Au cours des 10 dernières années, malgré l'augmentation importante de notre production ? on y reviendra tout à l'heure ? on a quand même réussi, dans notre secteur, à diminuer de 4 % les émissions totales de gaz à effet de serre provenant de notre secteur.

Alors, voici ce qui va suivre, selon nous quelques considérations parmi les plus importantes dont, je pense, vous devrez tenir compte pour atteindre les objectifs de Kyoto. Pour concilier la croissance économique et le développement durable, une responsabilité collective d'abord nous échoit et vous échoit, à vous, gouvernement, c'est l'équité, l'équité dans les mesures qui devront être apportées. C'est également une responsabilité d'investissement en technologies, des technologies qui nous font défaut actuellement pour accélérer la réduction des émissions. Et c'est également un investissement en infrastructures de transport. Alors, je ne vous relirai pas l'ensemble de notre mémoire, je pense que vous en avez pris connaissance. Je vais toutefois m'arrêter sur chacun de ces trois points-là qui nous apparaissent importants.

Alors, au niveau de l'équité, il y a quelques mois déjà, nous avons, comme manufacturiers, jeté un cri d'alarme. Avec ce qui se passait ailleurs au Canada, certaines régions qui sont les régions productrices d'hydrocarbures, il y avait risque fort que des bonbons leurs soient accordés et que nous en faisions les frais, nous, ici, dans l'Est du Canada, et en particulier le secteur manufacturier. Alors, on demande qu'il y ait équité, que le Québec soit traité équitablement dans l'ensemble canadien.

On a l'exemple de la France qui, dans l'Union européenne, a obtenu un effort global de réduction de 0 %; c'est quand même un effort colossal si on tient compte de la croissance économique que connaîtra ce pays. Et ils ont obtenu ce 0 % là parce qu'ils avaient comme source d'énergie principale le nucléaire. Bien, nous, ici, le Québec, on a l'hydroélectricité, et c'est très important, à notre avis, que cet avantage nous soit reconnu. On ne refera pas les lois de la physique: l'hydroélectricité n'émet pas de gaz à effet de serre.

On voudrait également une équité par rapport aux entreprises qui ont, très rapidement, au début des années quatre-vingt-dix, entrepris des actions précoces pour réduire leurs émissions, et ça a donné lieu à la signature d'ententes également, des ententes de gré à gré, des ententes volontaires entre certains de ces grands émetteurs du Québec et le gouvernement du Québec.

Il y aura besoin également... dans l'appareil qui suivra éventuellement, il y aura un certain nombre de réglementations qui, probablement, vont originer de vos travaux, et l'équité devra également se faire sentir là. Il faudra qu'il y ait synchronisation des calendriers de mise en oeuvre du plan, synchronisation des calendriers avec les provinces voisines et avec l'industrie, qui, en fait, sont nos compétiteurs sur nos marchés, dont celui des États-Unis, mais notre marché ici également. Alors, synchronisation des calendriers, ça veut dire: On est bon, le Québec, on aime ça être les meilleurs, dans ce cas-ci, il faudrait quand même porter attention aux fins de ne pas être trop bons, trop long, trop longtemps avant les autres. Et c'est important pour garder nos conditions de compétition. Il faudra éviter également l'injustice qui pourrait venir d'une réglementation qui serait trop lourde ou trop coercitive par rapport, encore une fois, aux juridictions qui nous entourent.

Au Québec maintenant, il faudra de l'équité entre les secteurs. Et, je viens de le dire, l'avantage hydroélectrique en transformation, c'est-à-dire l'énergie utilisée par nos transformateurs, nos usines, qui est de source hydroélectrique, bien, regardez, on pourra bien se faire couper le cou, là, mais on ne pourra pas faire mieux: ces énergies-là ne donnent pas de gaz à effet de serre.

n(15 h 10)n

Il faudra également que l'effort soit établi selon évidemment la contribution aux émissions et, également, le potentiel de réduction. Et, à notre avis, actuellement, le secteur manufacturier est un émetteur important mais pas le plus important au Québec. Il y a un autre secteur, qui est le transport, le transport urbain en particulier, qui a recours à une source d'énergie basée sur les hydrocarbures et qui est de loin le plus gros émetteur au Québec. Alors, une équité entre secteurs, ça veut également dire qu'un secteur comme le transport urbain devra supporter un effort important pour atteindre les objectifs du Québec. Comme manufacturiers, on propose fortement de poursuivre avec les grands émetteurs les ententes de gré à gré, c'est celles qui sont le plus porteur pour le futur, c'est celles qui mobilisent également ces entreprises-là et qui le font dans un esprit de maintenir, de façon durable, la diminution des émissions.

Également, on aura besoin, toujours sur le principe d'équité, d'avoir accès au système le plus large possible d'échange de crédits d'émissions afin que ceux qui disposent des crédits puissent les vendre au meilleur prix disponible sur le marché, mais ceux qui en ont besoin afin qu'ils puissent les obtenir également au meilleur prix. Et, dans le marché, les grands systèmes, généralement, sont meilleurs et fournissent les meilleurs prix, comparés à des systèmes trop petits qui seraient en vase clos.

Finalement, la propriété des crédits d'émissions. Une entreprise, par exemple, qui cesserait ses activités et qui aurait été préalablement reconnue comme un émetteur, bien, la propriété des crédits, s'ils cessaient leurs activités, on pense qu'ils devraient être considérés comme un capital pour cette entreprise-là, qui pourrait en disposer à sa guise, c'est-à-dire les mettre en circulation pour d'autres entreprises dans le cadre d'un système organisé. Dans tous les cas, simplicité, légèreté et coordination devraient guider l'action du gouvernement.

Et votre responsabilité, la responsabilité du Québec là-dedans, bien, c'est bien sûr de surveiller, un, les intérêts du Québec pour qu'on fasse notre juste part, mais pas plus. Ce sera également d'éviter... Dans toutes ces discussions-là sur l'environnement, il y a une tendance actuelle à démoniser certains secteurs, hein? On pense... il y a 15 ans, les agriculteurs étaient des gens... c'était une profession qui était très attirante, hein, la pastorale, etc. Aujourd'hui, un agriculteur, c'est quelqu'un qui pollue. L'industrie de transformation également, elle jouit de ce préjugé défavorable. Vous avez comme responsabilité de vous assurer d'une équité là-dedans, également d'éviter que des groupes mettent... démonisent d'autres secteurs de l'économie. On est tous nécessaires pour un tout qui fonctionne. Finalement, bien, il faudra tenir compte des juridictions voisines, et ce sera votre responsabilité de législateurs pour que des réglementations, éventuellement, se mettent en place à la même vitesse que les juridictions qui nous entourent.

Deuxième point important. Pour atteindre nos objectifs, le Québec, de réduction, nous, on est certains, il faudra investir massivement dans le développement et la commercialisation de technologies environnementales. Vous savez que, dans l'industrie, nos réductions de gaz à effet de serre, c'est venu avec la modernisation de l'équipement. Un équipement plus moderne, c'est un équipement qui consomme moins d'énergie et qui émet moins de rejets également dans son environnement. Et on a été assez bons au cours des 10 dernières années: 34 % d'augmentation de la production manufacturière au Québec avec seulement 9 % d'augmentation de la consommation d'énergie et, en même temps, une diminution réelle de 4 % des émissions. On va continuer sur cette tendance-là, mais on ne peut pas l'accélérer, à moins d'avoir une accélération du développement de technologies.

La réalité québécoise, c'est que notre parc d'équipements manufacturiers, notre parc d'équipements productifs, au Québec, est plus âgé, il vieillit. Il est plus vieux que le parc équivalent en Ontario, par exemple, une année plus vieille, en moyenne. Bien, sachez qu'une année de vieillissement du parc ça veut dire, ça, qu'il faudrait, juste pour rattraper l'écart, investir 1 milliard de plus par année. Au-delà des 4 milliards que le secteur manufacturier investit actuellement, annuellement, en modernisation d'équipements, il faudrait rajouter 1 milliard par année pendant quatre ans pour rattraper cet écart de modernisation avec le parc ontarien.

Les solutions pour nous. Il faut accélérer la modernisation de nos équipements productifs, entre autres, par l'abolition de la taxe sur le capital, qui est un frein à l'investissement, qui est un frein à cette modernisation. Il faudrait également bien regarder, et c'est ce qu'on fait avec Investissement Québec, afin d'offrir un meilleur financement de la modernisation des équipements: garanties de prêts et peut-être une bonification au niveau de la formation des employés qui ont à utiliser ces équipements plus modernes. Il faudrait aussi, selon nous, refuser tout assujettissement de la machinerie de production, et je pense que vous avez un petit rôle là-dedans. Et il faudrait, finalement, du côté du développement des technologies, développer un catalyseur, développer un catalyseur qui permettrait d'accélérer le développement de ces technologies.

Et, depuis déjà quelques mois, notre association, on propose la mise sur pied d'un centre d'excellence sur les changements climatiques; un centre d'excellence qui permettrait de rassembler ensemble, de catalyser ensemble des capitaux qui permettraient à des petites entreprises technologiques, comme CO2 Solutions et autres, de développer plus rapidement leurs technologies; un centre qui, également, rapidement au début, pourrait informer et sensibiliser les manufacturiers à l'usage, à l'existence de ces technologies-là; puis un centre qui, très rapidement, au début également, ferait la promotion de ces technologies non seulement auprès des manufacturiers d'ici, mais de l'étranger. Parce que notre marché manufacturier local, il est très petit et ne permettrait pas, ne permettra jamais d'amortir les frais de développement technologique que suggère ce genre de solution pour l'environnement. Alors, un centre d'excellence en changements climatiques. Et je peux vous dire que ce n'est pas si facile que ça: l'action est très dispersée dans le domaine de l'environnement. Il y a beaucoup de programmes d'aide, beaucoup de programmes d'aide mais très dispersés et pour de très petits montants, rien de disponible pour des actions structurantes. Un centre sur les changements climatiques qui, également, aurait, un jour, un rôle à jouer important dans l'administration des fameux crédits d'émissions, dans leur achat et dans leur administration, O.K., à la fois sur des marchés étrangers et à la fois localement.

Le dernier point, bien, écoutez, c'est les investissements en infrastructures de transport. Il n'est pas normal que nos camions qui transportent nos exportations, pour à peu près 40 % du volume, doivent passer par le Métropolitain, à Montréal, avant de se rendre jusqu'en Ontario pour traverser la frontière aux États-Unis. Chacun de ces camions-là, pour chaque litre de fuel qu'il brûle sur le Métropolitain ou encore sur les ponts, comme le pont Jacques-Cartier ou le pont Champlain, dégage 2,5 kilos de gaz à effet de serre. Alors, il n'est pas normal qu'on n'ait pas encore, comme ville nord-américaine moderne, une voie de contournement qui permette à ce trafic-là de passer plus rapidement autour et de ne pas brûler du carburant inutilement à Montréal.

Deuxième élément aussi important: des investissements en transport en commun. Actuellement, pour un grand nombre de citoyens et citoyennes, il n'y a pas d'alternatives à la voiture pour aller dans nos grands centres urbains. Que ce soit à Montréal ou même ici, à Québec, les alternatives ne sont vraiment pas ni flexibles ni pratiques. Moi-même, je fais mon effort pour Kyoto: je prends le train de Beloeil à Montréal. Bien, la semaine dernière, sur cinq jours, j'ai dû prendre quatre jours ma voiture parce que j'avais des rencontres après 6 heures le soir. Aucune alternative.

Alors, voilà ce que j'avais à dire. Il y a une grande responsabilité que nous avons tous. Il y a des joueurs, dans l'industrie en particulier, et nous en sommes, qui s'investissent considérablement depuis des années, peut-être à l'encontre de certains préjugés qui disent que l'industrie, ce sont les grands pollueurs. On est définitivement un groupe et définitivement une industrie qui est très engagée dans cette question. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Huot, pour la qualité de votre présentation. Sans plus tarder, je cède maintenant la parole au ministre délégué à l'Environnement et à l'Eau. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Bien, merci à vous, M. le Président. Alors, M. Huot, bienvenue parmi nous. Merci d'avoir répondu à notre invitation. Merci également pour la qualité du document que vous nous avez préparé et la synthèse avec laquelle vous nous les avez fait partager.

Je pense qu'un mot résume l'ensemble de votre présentation, c'est le mot «équité». Vous avez beaucoup insisté là-dessus. Et vous vous dites favorable à la mise en place d'un cadre commun d'application du Protocole de Kyoto dans l'espace canadien, position à laquelle nous souscrivons d'emblée. Et j'aimerais vous entendre, vous qui êtes dans le domaine manufacturier industriel et dans le domaine de l'exportation, vous avez des gens d'affaires avec vous. Vous savez qu'on entendait dernièrement qu'Ottawa allait, je ne sais pas si j'ai la bonne expression, ignorer en quelque sorte l'industrie automobile de l'Ontario dans l'atteinte des objectifs globaux pour Kyoto. Assez unilatéralement, ils ont décidé que c'était comme ça: l'industrie automobile ontarienne, on vous oublie, vous n'existez pas. Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous qui êtes un homme d'affaires du Québec?

n(15 h 20)n

Le Président (M. Labbé): M. Huot.

M. Huot (Paul-Arthur): Moi, je pense que nos autorités québécoises, dès le départ, ont donné un appui inconditionnel à la ratification de Kyoto. Dans d'autres provinces ? je n'ai pas besoin de les nommer ? il y a eu des cris, hein, ça a crié haut et fort que ça mettrait leur économie à terre, celles en particulier qui sont fortement axées vers la production d'hydrocarbures, celles également, comme ce que vous venez de mentionner, qui sont axées vers les véhicules. Je pense que, dans ces phases préliminaires, ces provinces-là ont gagné beaucoup ? ont gagné beaucoup. Je pense que leur effort... par rapport au potentiel réel de réduction, leur effort va être relativement moins élevé, mais, puisque c'est une entente qui est internationale, donc qui lie un Canada dans son résultat final, bien, il y a quelqu'un au Canada qui va devoir payer pour ces efforts qui ne seront pas faits sur certaines parties de son territoire. Et, nous, quand on s'est levés il y a quelques mois, on a dit: Attention, toutes les choses se mettent en place là pour que, vu que Québec a appuyé l'accord, ce soit nous justement qui allons le plus en faire les frais en nous demandant, en exigeant du Québec, et de son industrie manufacturière en particulier, un effort plus important.

Parce qu'il faut que vous compreniez que, au niveau canadien, on parle du secteur industriel. Puis, dans le secteur industriel, on fixe une cible. Et, dans le secteur industriel, il y a toute la pollution pétrolière, les sables bitumineux, le charbon, etc., hein, la pollution d'énergie également. Oui, mais, au Québec, ici la pollution d'énergie, ce n'est pas à base d'hydrocarbures, on ne produit pas d'hydrocarbures. On ne produit pas de gaz à effet de serre, c'est l'hydroélectricité. Alors, qu'est-ce qui ici va supporter l'objectif fixé pour l'ensemble du secteur industriel? Ah! ça va être les manufacturiers ici, ça va être le seul secteur manufacturier. Bien, si une telle chose devait se produire, bien, inquiétez-vous pas qu'on va prendre un petit peu de retard dans la croissance de nos exportations. Et actuellement, l'exportation, c'est la seule locomotive de notre développement.

Le Président (M. Labbé): M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Si je comprends bien ce que vous me dites, vous me dites: Nous du secteur manufacturier québécois, on est des citoyens corporatifs écologiques responsables, on veut faire notre part, toute notre part; on veut véritablement faire notre juste part, mais, non, on ne veut pas par ailleurs être les dindons de la farce et payer pour les efforts que d'autres partenaires canadiens ne feraient pas dans l'atteinte des objectifs.

M. Huot (Paul-Arthur): Que ces autres partenaires là ne sont pas justifiés dans leurs représentations. Je pense que, si on était aujourd'hui en Alberta, on ne serait pas très heureux non plus de voir risquer notre industrie pétrolière, en particulier, de les voir risquer des pertes de croissance, voire même de diminuer, de voir des investissements ne pas se réaliser, etc. C'est important pour les gens de cette province-là. Alors, il faut trouver de véritables solutions. Encore ici, également, ce n'est pas une question de monter une province contre l'autre, elles ont des justifications, mais jamais ça ne justifiera de nous faire porter sur nos épaules cet effort additionnel.

M. Simard (Montmorency): Effectivement, vous avez bien raison, M. Huot, de rappeler qu'il ne s'agit pas de monter une province contre l'autre, mais il s'agit quand même de défendre les intérêts du Québec à ce stade-ci et de se dire que, si nous ne prenons pas la défense des intérêts québécois, il se peut que, pour notre commerce, il y ait distorsion entre l'effort demandé, par exemple, à l'industrie et au commerce québécois et l'effort qu'on pourrait demander à d'autres partenaires.

M. Huot (Paul-Arthur): Bien, cet effort-là peut se chiffrer aussi important que 8 mégatonnes supplémentaires pour le Québec dans un effort supplémentaire, si on ne considère pas notre hydroélectricité, par exemple.

Le Président (M. Labbé): M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Me permettriez-vous, M. Huot, de reprendre par là où vous avez presque terminé, lorsque vous avez parlé du centre d'expertise sur les changements climatiques? On sait que, l'an passé, vous avez produit une importante étude là-dessus, vous avez abordé le sujet. Il est très important, et, comme il est très important et que vous nous savez très sensibles à cette considération, j'aimerais que vous puissiez élaborer davantage que vous ne l'avez fait.

M. Huot (Paul-Arthur): Bien, je dois vous dire que notre initiative, je pense que, à ce moment-ci, elle prend tout son sens. Lorsqu'on a commencé à la proposer, ce centre-là avait comme mission, oui, l'information, oui, la formation puis, oui, la promotion. Il avait également la gestion des crédits d'émissions. Je dois vous dire que, dès les premiers cycles de présentation à l'intérieur des ministères ici, l'initiative s'est fait amputer, si je peux dire, des parties qui sont les plus intéressantes pour le secteur privé. Actuellement, ce centre-là se mettra sur pied si on peut assembler un financement mixte, privé et gouvernemental, pour sa mise sur pied. Ce n'est pas des sommes extraordinaires, on parle... au cours des cinq prochaines années, pour se rendre à l'horizon de cinq ans ou à ce que le centre soit autosuffisant, on a besoin d'un financement à compte perdu d'à peu près 1,5 million de dollars. Alors, c'est 750 000 $ pour le gouvernement et 750 000 pour le privé.

Le gouvernement nous a déjà dit: Oui, on va être prêt à vous supporter, mais, regarde, d'abord, dépensez la piastre, puis après ça, on va vous rembourser 0,50 $. Oui, mais, tu sais, comme association à but non lucratif, on ne dispose pas d'un trésor de guerre qui nous permette d'avancer des sommes comme ça avant de commencer à être remboursé. Pour le financement privé, bien, quand on va les voir maintenant avec une initiative qui a été amputée de sa partie la plus intéressante, c'est difficile de faire lever un financement à compte perdu, parce qu'ils ne le retrouveront pas, là. Ce n'est pas des actions, ça, là, c'est un organisme à but non lucratif qui serait mené. S'il n'y a plus cette possibilité de s'assurer, dans un marché plus large, des crédits nécessaires ou de s'assurer de pouvoir écouler des crédits si on en produit... Si on réussit à diminuer nos émissions, ça génère des crédits, on veut pouvoir les vendre. S'il n'y a pas cet élément-là, bien, écoutez, de faire cracher par une entreprise, même si elle est très grande, un 100 000 $ ? ça nous en prend 7,5, 8 ? ce n'est pas évident. Jusqu'à maintenant, on n'a pas été capables. Alors, on est en train, là, actuellement, de nous avoir à l'usure. Puis le projet, ça se peut qu'on le mette sur la tablette tant qu'on n'aura pas un investissement «up front», du «seed money» plus clair que ça.

Le Président (M. Labbé): M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): M. Huot, moi, je saisis la balle au bond pour vous dire que je vois ce projet d'un très bon oeil. Et, dans la mesure de nos capacités financières, donc dans la mesure du respect de cet équilibre financier, qui est une responsabilité plus que comptable, qui est une responsabilité morale pour le gouvernement du Québec, on veut balancer, on veut faire un équilibre entre nos dépenses et nos revenus. Donc, dans ce contexte, nous, on est prêts à voir qu'est-ce qu'on peut faire de mieux et de plus avec vous pour réaliser ce beau projet.

J'aimerais qu'on reste sur la dimension de la fiscalité. En page 17, vous nous dites qu'il faut éliminer la taxe sur le capital. D'abord, vous savez, tout court, il y en a qui trouvent qu'on est trop taxés. Il y en a qui oublient que, derrière la taxe, il y a un gage et un geste de solidarité sociale. Refermons la parenthèse sur ce débat. Il y en a qui trouvent par ailleurs que, si tant est que les individus soient trop taxés, l'entreprise, elle, ne l'est pas assez et devrait l'être davantage, comparativement à l'effort que fait le citoyen par rapport à ses impôts. Alors, vous, vous nous dites: Bien, il faudrait penser d'éliminer la taxe sur le capital. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Labbé): M. Huot.

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, voilà, juste en termes de compétitivité fiscale, je vais le mettre sur ce plan-là, nos entreprises sont toutes internationalisées, et nous exportons à l'extérieur du Québec, nous livrons ailleurs dans le Canada puis nous exportons à l'extérieur du Canada. Donc, on est en compétition continuellement. Il est important que le régime fiscal du Québec soit globalement compétitif avec nos voisins. Or, actuellement... et les fonctionnaires, les spécialistes du ministère des Finances vont vous démontrer qu'actuellement la fiscalité des entreprises au Québec, déjà, est du côté négatif. Et, plus on va s'approcher vers 2007, ce sera près de 2 milliards de dollars de fardeau supplémentaire que les entreprises du Québec vont devoir endurer: fardeau impôts sur le revenu, fardeau taxes sur le capital.

n(15 h 30)n

Maintenant, pourquoi la taxe sur le capital? Parce que c'est presque une nécessité d'établir, de rétablir la compétitivité du système, sinon, bien, même les citoyens, ils ne pourront plus payer d'impôts: ils n'auront plus de job, tu sais. Je caricature, là, ce n'est pas aussi tragique que ça, mais quand même. Alors, la taxe sur le capital parce que la taxe sur le capital, c'est l'équivalent d'une taxe de bienvenue permanente qu'on donne à une entreprise à chaque année, que ça aille bien, que ça aille mal. C'est comme si le percepteur d'impôts rentrait dans chacune de nos maisons puis commençait à compter la valeur des meubles, puis la valeur de l'édifice, puis il nous sortait une belle taxe de 0,5 %, un petit peu plus que 0,5 %, sur cette valeur-là à chaque année. Que tu sois en chômage ou que tu sois à l'emploi. Alors, évidemment, quand tu as un cycle économique comme celui qu'on traverse actuellement dans le secteur manufacturier nous frappe, une taxe, quand tu n'as pas beaucoup de revenus qui rentrent, je peux vous dire qu'elle fait très mal. En plus, plus tu te modernises, plus tu améliores ta capitalisation puis tes équipements, plus tu es pénalisé ici, au Québec, actuellement. Alors, pour ces deux raisons là, pas seulement notre association, on a convaincu également l'Association, le Conseil du patronat du Québec ainsi que la Fédération des chambres de commerce d'appuyer, puisque le gouvernement devra faire un ajustement pour le secteur des affaires, bien d'appuyer plutôt la réduction de notre taxe sur le capital plutôt qu'une baisse généralisée d'impôts sur le revenu.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Huot.

M. Simard (Montmorency): M. Huot, je vous remercie beaucoup pour vos réponses plus que précieuses, et, comme j'ai un collègue de la majorité ministérielle qui voulait aussi vous adresser une question, je lui laisserai mon temps de parole.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole, pour une courte question, au député de La Peltrie. M. le député.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Huot, et félicitations pour votre présentation.

Dans votre mémoire, lorsque vous parlez du côté un peu négatif, là, de la ratification du Protocole de Kyoto en ce qui a trait à l'économie particulièrement, vous parlez d'un risque de détérioration de l'économie de manière assez marquée d'ici au moins, je pense, 2007 particulièrement. Vous parlez même d'une réduction... Il y aurait 450 000 emplois au Canada qui seraient en danger ou qui seraient affectés. Donc, si on parle, pour le Québec, si on parle du quart au Québec, donc c'est environ plus ou moins 100 000 emplois, puis ça, c'est suite à une étude que vous avez fait faire.

Mais est-ce que... J'imagine qu'il doit y avoir aussi des côtés positifs par rapport à tout ce qui va se faire en termes de protection de l'environnement puis la réduction des effets de serre. Je regarde, en termes, si on regarde au niveau de l'innovation, au niveau de la recherche, donc il y a des nouvelles technologies qui vont apparaître, donc il y a de l'emploi qui va se créer, lorsque vous parlez au niveau du transport en commun puis ainsi de suite. Mais ça, est-ce que vous avez des côtés positifs que votre étude, peut-être, a démontrés? Il n'y a pas seulement des côtés négatifs, j'imagine, dans tout ça, là. J'aimerais vous entendre un peu plus sur cet aspect-là.

Le Président (M. Labbé): Alors, M. Huot.

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, pour ce qui est de l'étude dont vous faites référence, c'est une étude qui a été faite basée sur l'ensemble de l'économie canadienne et, évidemment, qui tient compte de l'importance du secteur pétrolier, de l'importance également du recours à d'autres sources de carbone pour notre énergie, qui est le charbon, qui est également l'huile lourde puis tous ces produits qui sont générateurs de gaz à effet de serre. Et si on les enlève ou si on les diminue d'une façon importante, bien là, il faut remplacer ça par d'autres sources d'énergie, et, évidemment, il y a un impact important sur des industries dont celles que vous avez mentionnées tout à l'heure comme l'industrie automobile et plusieurs autres industries à travers le Canada. Il y a juste le Manitoba puis le Québec, là, disons, qui sont privilégiés, qui ont de l'hydroélectricité. Alors ça, c'est pour les aspects négatifs.

À cela s'ajoute le fait que si nous, le Canada, on ratifie puis que nos collègues américains ne ratifient pas, bien, regardez, c'est notre principal compétiteur qui sont les États-Unis. Alors, leurs entreprises jouissent d'un environnement fiscal et réglementaire plus léger que le nôtre, bien, ça nous ralentit graduellement. C'est comme un âne, là, qu'on charge trop. Alors ça, c'est pour les aspects négatifs.

L'aspect positif, clairement, il y a une opportunité dans le développement de technologies, mais il faut que cette opportunité-là se traduise pas seulement par de la recherche, il faut que ça se traduise dans de véritables équipements. Vous savez, la recherche au Québec, dans le pharmaceutique, c'est bon en maudit, mais ce serait encore bien meilleur si on faisait les pilules ici. C'est là où il y a la véritable valeur commerciale. Faire la recherche pour que ça serve à produire ailleurs, c'est ordinaire. C'est bon: évidemment, il y a les chercheurs qui sont là, ils ont des gros salaires puis ils dépensent dans notre économie. Mais la véritable valeur pour une économie, c'est quand tu produis le bien final manufacturé, physique, chez vous. À notre avis, c'est meilleur.

Alors, ces opportunités-là actuellement, au Québec, si on ne développe pas, si on ne met pas en place un catalyseur pour que non seulement le développement s'accélère, mais qu'il se traduise en véritables technologies physiques qu'on pourra vendre contre espèces sonnantes, bien, je vous dis que les opportunités, la vraie valeur de l'opportunité, le vrai impact positif, on n'en bénéficiera pas ici. Ça va se faire ailleurs.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Huot. Malheureusement, le temps est écoulé de ce côté-ci. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au député de l'opposition, porte-parole en environnement, le député d'Orford. M. le député.

M. Benoit: Oui. Merci d'être ici, M. Huot. Je sais que ça a été compliqué d'ajuster vos agendas avec celui du Parlement et je pense que vous avez fait tous les efforts nécessaires pour être ici aujourd'hui. On a aussi fait tous nos efforts. Normalement, nous ne siégeons pas le lundi, alors, je pense que, de part et d'autre, il y a eu des ajustements d'apportés, et tant mieux. C'est toujours intéressant. Vous n'êtes pas des inconnus dans cette boutique-ci; on vous rencontre à l'occasion. Votre message est toujours bien reçu.

Taxe sur le capital. Juste un mot là-dessus. De notre côté de la table, ça fait plusieurs mois, plusieurs années que M. Charest a clairement indiqué que la taxe sur le capital était une taxe qui n'avait pas sa place dans l'industrie, qu'elle était une taxe négative et qu'à quelque part elle empêchait des investissements. Ce n'est pas d'aujourd'hui que M. Charest dit ? c'est dans notre programme ? qu'on veut faire éliminer cette taxe-là sur une période de temps, à notre arrivée au pouvoir.

Alors, oui à un juste équilibre entre les taxes, entre les citoyens et les industries, tel que l'a indiqué le ministre. De notre côté, on trouvera d'autres moyens d'arriver à ce juste équilibre-là. On pense que la taxe sur le capital n'est pas une taxe qui favorise la création d'emplois ou la modernisation de l'industrie et nous, là-dessus, sommes tout à fait d'accord avec vous.

Quelques petites questions. D'abord, à la lecture de votre mémoire, je ne suis plus trop sûr. Il y a beaucoup de gens qui sont venus nous dire: Oui, mais il ne faut pas que le fédéral négocie avec les industries. Il y en a d'autres qui sont venus nous dire: Bien, ce ne serait pas si tant pire s'il négociait avec les industries plutôt qu'avec les provinces. Dans votre cas, à la lecture du mémoire, je ne suis plus sûr que vous préférez l'un ou l'autre ou les deux et j'aimerais ça que vous m'éclairiez. Est-ce que finalement... parce que vous dites à quelque part que des règles administratives qui différeraient d'une province à l'autre dans un même type d'industrie pourrait pénaliser une industrie, et le moins illuminé des étudiants d'un cégep comprendrait ça, finalement. Alors, j'aimerais ça comprendre: qu'est-ce que vous désirez?

Le Président (M. Labbé): M. Huot

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, d'abord dans le champ réglementaire, le Protocole de Kyoto, sa mise en oeuvre ne fait pas appel uniquement à des réglementations. Il va faire appel à des mesures actives pour favoriser l'efficacité énergétique, par exemple, va faire appel à des mesures actives et également favoriser le développement de technologies. On n'appelle pas ça de la réglementation, c'est d'utiliser les leviers actuels du gouvernement, certains de ses budgets pour cofinancer et accélérer ces développements-là.

Dans la question de l'échange de permis d'émission, là, il y a un bout qui va devoir être réglementé. Je dois vous avouer que, pour nous, que ce soient des règles qui soient nationales, canadiennes ou que ce soient des règles que le Québec se donne, dans les deux cas, il va falloir que ce soient des règles qui soient passablement uniformes à travers tout le Canada. Nos membres, nos entreprises et particulièrement les grands émetteurs ont des établissements ailleurs au Canada. Alors, ce ne serait pas évident et pas facile qu'on marche dans un système à deux vitesses.

Alors, si vous me demandez: Est-ce qu'il faut un cadre uniquement québécois ou bien non, à la rigueur, peut-on avoir un cadre juste national, canadien? Bien, pourvu qu'il soit équitable, pourvu qu'il marche à la même vitesse, c'est ce qui nous préoccupe le plus. À mon avis, ça va être bien difficile pour le Québec ou plutôt pour le Canada de ne pas pouvoir compter sur les provinces pour la mise en oeuvre. Je ne pense pas que le pays, le Canada, va pouvoir avoir une approche uniquement sectorielle, uniquement industrie. Ça ne m'apparaît pas possible. Il faut non seulement mobiliser l'industrie dans son ensemble, mais également d'autres secteurs économiques comme le transport, puis il faut que ça se fasse, je pense, sur une base régionale, une base de provinces.

M. Benoit: Me Yergeau, qui a été ici au tout début, qui nous a un peu expliqué comment tout ça prendrait place théoriquement, semblait dire que, à partir d'un concept fédéral au niveau de l'application, ce serait effectivement beaucoup plus au niveau des provinces. Finalement, est-ce que c'est un peu ce que vous nous dites?

M. Huot (Paul-Arthur): Tout à fait.

M. Benoit: Je veux revenir sur la sage question de mon confrère de l'autre côté de la table ou l'emploi. J'ai lu avec stupéfaction il y a quelques mois effectivement cette perte d'emplois, au Canada, possible de 450 000 emplois, et on voit l'économie qui chambranle en ce moment, le dollar canadien qui remonte ? le dollar canadien, oui remonte, c'est ça ? alors il faut se préoccuper de cette dynamique-là, bien sûr.

n(15 h 40)n

D'autre part, il y a eu pas mal de gens depuis une semaine qui sont venus, tous aussi informés que vous, et c'est la question qu'on leur a posée, et vous êtes les premiers depuis le début de la commission parlementaire qui continuez à prétendre qu'il y aura perte d'emplois, même certains nous disent qu'il y a, au net, création d'emplois, et j'aimerais ça vous entendre.

Et là, vous nous parlez des États-Unis. Bon. Là-dessus, ce qu'on s'est fait dire, et ce qu'on s'est fait dire tout au long de la commission, c'est: Attention! Effectivement, en ce moment, les États-Unis n'ont pas signé parce que le président s'appelle M. Bush, mais ce n'est pas évident qu'il n'y aura pas un jour d'autres politiciens qui seront là. Il y a déjà une vingtaine d'États qui ont signé ou qui sont en voie de le faire. Il y a même des États qui vont au-delà de Kyoto, tels que la Californie. Et ce qu'on nous dit, c'est qu'il y a déjà plein de compagnies, même si la loi n'est pas passée au États-Unis, sur Kyoto, qui vont aller dans les échanges de crédits qui sont déjà sur le marché, des crédits d'échange sur le carbone. Or, l'argument: Attention! les États-Unis ne sont pas dans Kyoto... J'aimerais ça vous entendre. Et comment vous arrivez à ce 450 000 emplois de perte alors que, encore une fois, vous serez les seuls ? on verra plus tard, et on nous dit qu'il y a encore 20 mémoires que nous allons entendre dans les prochaines journées ? bien, au moment où on se parle, à ce que je sache, vous êtes les seuls qui tenez encore ce discours-là.

Le Président (M. Labbé): M. Huot.

M. Huot (Paul-Arthur): D'abord, si on est les seuls? Non. Au niveau canadien, notre association des Manufacturiers exportateurs du Canada et la Fédération des chambres de commerce du Canada ont exactement le même langage et utilisent les mêmes chiffres.

Cette étude-là a été réalisée à partir de données macroéconomiques, à partir du simple fait que le Canada, dans son ensemble, d'ici 2010, devra réduire de 6 % ses émissions, et ça, ça fait tant de mégatonnes de CO2 puis ces mégatonnes-là, quand on regarde les mesures actives, quand on regarde ce qui devra être fait par les grands émetteurs puis qu'est-ce qui va être fait par les différents ordres de gouvernement au niveau des transports, bien, il y a encore un manque à gagner de quelque 60 quelques mégatonnes. Il va falloir les acheter ailleurs.

Pour que les grands émetteurs et pour que l'industrie dans son ensemble réussissent à atteindre leur objectif, il faut des investissements majeurs. C'est beau si tu as l'argent. Comme nous, on investit chaque année 4 milliards en modernisation, mais, là, il faudrait mettre un autre milliard. On ne l'a pas. On fait quoi? Si on trouve des prêteurs, on l'emprunte; si on ne l'a pas, on ferme nos portes. Puis au point de vue macroéconomique, c'est ces considérations-là, hein.

Si ça prend tant de milliards de dollars: vous savez ce que ça prend pour construire un nouveau pont sur la Rive-Sud de Montréal, vous savez ce que ça prend pour rajouter un kilomètre de métro. Bien, si notre société n'arrive pas à aligner ces investissements-là, là, il y a quelque part que ça ferme, hein. Il y a des usines qui vont fermer, point à la ligne. Et c'est l'ensemble de ça que nos grands économistes ? puis, je vous le dis, moi, je ne suis pas économiste ? c'est avec ces considérations-là qu'ils sont arrivés à un chiffre aussi important.

À votre deuxième question, les Américains: oui, on reconnaît que les Américains sont très pragmatiques, ils passent vite des discours à l'action, hein. Puis les entreprises américaines, effectivement, sont sur le marché pour acheter des crédits. Puis, si on ne se grouille pas, quand, nous, on va arriver pour répondre à nos exigences du Protocole de Kyoto, le marché va avoir été écrémé. Puis le marché, il n'y en a pas bien, bien dans le monde, là. Ceux qui ne seront pas obligés de rencontrer les normes de Kyoto, la Russie, la Chine et quelques autres, les crédits disponibles vont vite s'écrémer, puis le coût risque d'augmenter assez rapidement. De là l'urgence, encore une fois, pour nous, de mettre sur pied un centre d'excellence en changements climatiques qui pourra accélérer le tempo là-dessus.

M. Benoit: Ce que vous nous dites, c'est: On pourrait perdre 450 000 emplois au Canada dont 100 000 possiblement au Québec dans la mesure où nous ne serions pas capables de nous trouver de financement pour améliorer nos entreprises. C'est un peu ce que je crois comprendre, entre autres.

M. Huot (Paul-Arthur): En partie, oui.

M. Benoit: En partie. À la page 17, vous nous dites que... Vous revenez d'ailleurs sur la province qui devrait essayer d'aider l'entreprise qui veut se moderniser et, à cet égard-là, je vous rappelle qu'Investissement Québec a déjà un programme à cet égard-là, et j'aimerais ça vous entendre sur ce programme d'Investissement Québec là, si vous le connaissez.

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, depuis déjà quelques mois, on travaille beaucoup avec Investissement Québec pour améliorer ce programme. C'est vrai qu'il y a un programme. Il y a un outil de garantie de prêt qui peut servir aux manufacturiers. Mais savez-vous qu'au cours des six dernières années il y a seulement 240 manufacturiers qui se sont prévalus de cet outil? Il est lourd. Il n'est pas très connu puis quand une institution financière qui est le premier prêteur ? il faut s'en rappeler ? veut actionner l'outil garantie de prêt, bien, là, il y a tout un paquet de lourdeurs administratives qui font que, au cas où il y a un problème, ça prend pas mal de temps pour la banque de se faire payer et vice-versa. C'est lourd.

Alors, on essaie actuellement de travailler avec le comité technique composé d'Investissement Québec et de sept institutions financières pour ajuster le langage du programme, lui donner un langage qui interpelle ou qui est approprié pour des manufacturiers en particulier puis d'alléger et de standardiser le système. Savez-vous que, pour avoir un prêt pour la modernisation d'équipement, actuellement, le manufacturier, quand il cogne à sa banque, bien, on le considère comme un «greenfield investment»? On pense qu'il sort de nulle part, puis que, tout d'un coup, il a un projet, il va construire une usine à partir d'un champ vierge. Ce n'est pas ça, la modernisation. Tu as ton usine à l'âge... Depuis 20 ans, tu as un marché spécialisé, tu as des revenus. C'est comme... Ça fait partie des opérations normales, ça devrait être aussi simple d'aller chercher un prêt de modernisation que ça l'est pour un citoyen d'aller chercher son prêt pour sa maison.

M. Benoit: Merci, parce que je veux vous poser une dernière question, puis je sais qu'il me reste peu de temps. Le Dr Michael Walsh du Chicago Climate Exchange était ici la semaine dernière, et il nous a dit: Écoutez... Bon. Il nous a expliqué comment tout ça va marcher. Ça va être assez complexe, merci. Et vous le dites, d'ailleurs, dans votre mémoire: Essayez de nous simplifier ça. Lui, il dit: Écoutez, il y a deux options qui s'offrent à nous autres, les gens du Québec. La première, c'est que vous partiez votre propre Bourse. D'ailleurs, la Bourse de Montréal va être ici tantôt, on va leur poser les mêmes questions. Ils peuvent se préparer déjà. Ce qu'il nous dit: Écoutez, votre marché ne sera pas très grand, et vous pourriez avoir votre propre Bourse et puis... ou bien vous pourriez vous en venir avec nous autres parce que, nous, déjà on fait ça. Ça va être complexe, il va y avoir des auditions environnementales, etc. D'ailleurs, c'est probablement la seule commodité qu'on ne voit pas, qu'on ne touchera pas, qu'on ne sentira pas, à quelque part. Alors, vous, si vous aviez le choix, au nom de vos industriels, est-ce que vous préféreriez une Bourse ici, au Québec, ou si vous dites: Bien, écoutez, organisez-nous donc ça avec les gens qui, déjà, font ce métier-là puis on embarque avec eux?

M. Huot (Paul-Arthur): Bien, premièrement, on n'aime pas réinventer les roues. Donc, s'il y en a une qui fonctionne, on peut l'utiliser. Deuxièmement, c'est sûr qu'il y aura nécessité absolue de «pooler» ensemble à la fois l'offre de crédit et à la fois la demande pour les crédits. Puis ce pool-là, il aura intérêt à être le plus large possible. Vous savez tous que, dans les grands aquariums, on met des plus grands poissons. Voilà.

M. Benoit: Il faut avoir du volume dans un marché ici.

M. Huot (Paul-Arthur): Il faut avoir du volume dans un marché. Maintenant, que la Bourse de Montréal soit partie prenante là-dedans, vu sa spécialisation pour les produits dérivés, bien, ça a du sens. C'est bien certain que, de toute façon, elle va devoir aller s'approvisionner en crédits neufs soit à Londres, ou soit ailleurs dans le monde, ou même ici ou aux États-Unis.

M. Benoit: Merci, M. Huot.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci à M. Huot, M. Veilleux. Merci de votre présence. Alors, au nom de l'association des manufacturiers et exportateurs du Québec, merci de votre prestation. Alors, sans plus tarder, j'inviterais, comme il se doit, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique à bien vouloir prendre place. Et je suspends quelques minutes pour permettre aux gens de s'installer.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

 

(Reprise à 15 h 49)

Le Président (M. Labbé): Merci. Nous reprenons maintenant nos travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir, comme il se doit, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Je pense que c'est M. André Bélisle, comme président, qui va avoir le plaisir de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Alors, M. Bélisle, vous avez 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. On vous souhaite la bienvenue, et on vous donne la parole.

Association québécoise de lutte contre
la pollution atmosphérique (AQLPA)

M. Bélisle (André): M. le Président, merci. Merci et on vous sait gré d'avoir voulu nous accueillir ici. On avait bien peur, malheureusement, de ne pas pouvoir venir présenter notre opinion. Et il semble que nos prières ont été entendues. Alors, si vous le permettez...

Le Président (M. Labbé): Compte tenu que vous avez un président qui s'appelle Labbé, ça a sûrement aidé pour vos prières. Alors, vous avez maintenant la parole.

M. Benoit: L'opposition...

Le Président (M. Labbé): Ah! Sûrement.

n(15 h 50)n

M. Bélisle (André): Merci beaucoup. Alors, on va, si vous le voulez bien, présenter notre mémoire. Mais, quand même, puisque les gens ont eu l'occasion d'en prendre connaissance avant, passer rapidement sur différentes sections et aller à ce qui nous apparaît essentiel d'être discuté, puisque plusieurs sujets ont déjà été discutés abondamment par plusieurs autres organisations environnementales.

Tout d'abord, si vous me permettez de présenter l'AQLPA. L'AQLPA, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, est un organisme environnemental qui a été fondé en juillet 1982 au Québec, qui est un organisme d'éducation populaire aux questions de pollution de l'air et qui, au fil des années, a travaillé pour faire la promotion de différentes solutions par rapport à différents problèmes. Je vais en citer deux, et un troisième fera l'objet de notre discussion.

Donc, dans les années quatre-vingt, l'AQLPA était très impliquée dans le dossier des pluies acides, et je trace un parallèle avec la situation d'aujourd'hui: on vit exactement la même situation sauf que les dossiers ont changé, exactement dans le sens qu'on était à la fin du deuxième mandat du Parti québécois à l'époque, et on est maintenant à la fin du deuxième mandat du Parti québécois maintenant.

Il y avait un dossier à régler qui était très «hot», dans lequel on n'osait pas trop avancer, qui était le dossier de la compagnie Noranda, sur le dossier des pluies acides, Noranda étant le plus gros pollueur qui causait les pluies acides au Québec et un des plus gros dans le monde, et, à ce moment-là ? je trace un autre parallèle avec ça ? à ce moment-là, l'argument qu'on nous amenait pour ne pas vouloir réglementer Noranda ? et c'était surtout la compagnie Noranda qui l'amenait ? c'est que, si on voulait réduire la pollution de la Noranda, si on réduisait de 50 %, on réduisait par le fait même l'emploi de 50 %. Et, nous, à ce moment-là, on disait: Bien non, faire le ménage en environnement, c'est comme faire le ménage dans la maison: on voit rarement le balai se promener tout seul dans la maison, il y a toujours quelqu'un d'accroché après. Et, pendant plusieurs années, on a travaillé à faire comprendre que, pour réduire les émissions de la compagnie Noranda, il fallait au contraire créer de l'emploi et il fallait bâtir une usine de récupération des gaz acides, ce qui a donné de l'emploi à 200 travailleurs pendant deux ans pour bâtir l'usine et qui, par après, a créé 80 emplois permanents.

Donc, le parallèle que je trace, c'est: quand on nous parle de Kyoto qui nous ferait perdre de l'emploi, bien, c'est une vieille rengaine qui s'est avérée à toutes les fois fausse. Si on veut améliorer, si on veut progresser, il faut créer de l'emploi. Il faut, bien sûr, changer certains secteurs mais, globalement, on créera de l'emploi. Donc, l'AQLPA, dans les années quatre-vingt, s'occupait du dossier des pluies acides, qui n'est toujours pas réglé. Il reste encore des choses à faire, notamment dans le transport.

Ensuite, dans les années quatre-vingt-dix, on a eu à prendre le secrétariat de la Coalition pour un débat public sur l'énergie parce que, à un moment donné, le gouvernement et Hydro-Québec avaient eu l'idée qu'il nous fallait bâtir des centrales thermiques, parce que si on ne les bâtissait pas, avec tout le retard qu'on avait pris dans l'implantation ou la construction de toutes sortes de projets, les Québécois, en 1998, étaient menacés d'avoir froid dans le noir. Eh bien, on a eu froid dans le noir mais parce qu'il y a eu le verglas et non parce qu'on a manqué d'électricité. Notre capacité de production était vraiment à la hauteur des besoins.

Curieusement, aujourd'hui, on revient encore à nous dire que, si on ne bâtit pas les centrales thermiques, on aura un gros problème dans l'avenir. Il faut croire qu'on est des gens probablement très insécures face à l'avenir, puisque tous les 10 ans on nous dit qu'on va avoir toutes sortes de problèmes si on ne se lance pas dans la production à tout crin.

Là-dessus, si vous me permettez, je rappellerai peut-être, pour ceux qui ne le savent pas, que j'ai travaillé pendant 10 ans à la Baie-James, j'ai été sur les chantiers de construction du genre et je peux vous dire ? et même, ça a été repris par un président d'Hydro-Québec, à l'époque, M. Claude Boivin ? que, malheureusement, on est très forts pour produire mais on manque au niveau du transport et au niveau de l'utilisation de l'énergie. M. Boivin avait même reconnu à l'époque qu'on perdait trois grandes baleines par les portes et les fenêtres des bâtisses au Québec. Donc, quand on nous parle de bâtir des centrales thermiques encore aujourd'hui, quant à nous, ça n'a pas sa place et on devrait, au contraire, favoriser le progrès.

Donc, au fil des années, l'AQLPA a défendu les dossiers en proposant toujours des solutions tout à fait pratiques et applicables immédiatement. Alors, rapidement, quand on se fie à ce que les experts qui ont été engagés un peu partout à travers le monde... pour analyser le dossier du réchauffement de l'atmosphère, bien, plusieurs constatations sont faites et, vous savez, il y a eu des gens ici, beaucoup plus compétents que moi, pour vous expliquer les enjeux. Mais je rappellerai juste que, finalement, au Québec, on est dans les premières loges: il a été clairement reconnu que l'hémisphère nord serait là où ça se réchaufferait le plus rapidement et que le Québec, possiblement, se retrouverait au centre de la tourmente. Eh bien, on nous a dit clairement que, étant donné cette situation, on devait donner l'exemple, et c'est pour ça que, nous, on pense que le Québec doit absolument respecter ses engagements. Il faut tenir compte que le Québec sera confronté à un défi extrême et qui va demander un engagement qui est à la hauteur du défi.

Il faut aussi se rappeler que, avec tous les scénarios qui ont été présentés, la communauté internationale devra, d'ici les 100 prochaines années, réduire quelque part entre 50 à 80 % de ses émissions de gaz à effet de serre. Et, nous, bien, on pense que le Québec non seulement doit respecter son engagement de moins 6 % par rapport à 1990, mais viser une réduction de ses émissions de moins 30 % pour 2030.

Donc, sans plus tarder, je vais entrer, si vous voulez, directement dans les sujets. Je vais passer par-dessus l'ensemble du dossier pour m'attarder seulement qu'aux recommandations, pour débuter.

Donc on demande au gouvernement du Québec de rejeter les projets de centrales thermiques.

On demande au gouvernement du Québec d'adopter une politique en matière de production d'énergie qui établirait une quote-part d'énergie verte, forçant Hydro-Québec à répondre à la croissance de ses besoins par des sources d'énergie verte.

Nous demandons aussi au gouvernement du Québec de renoncer à l'exploration et l'exploitation de gisements de gaz et de pétrole dans l'estuaire du Saint-Laurent.

Nous demandons au gouvernement du Québec d'encadrer strictement le développement de la filière de la valorisation énergétique et de renforcer vigoureusement la réduction à la source, la réutilisation et le recyclage des matières résiduelles.

Nous demandons au gouvernement du Québec de procéder à la mise en place d'une Bourse des matières résiduelles, ce qui pourrait permettre, justement, probablement, de réutiliser beaucoup plus de matières qui sont, aujourd'hui encore, vouées à l'incinération.

Nous demandons aussi au gouvernement du Québec de mettre en place un système de crédit d'impôt lié à la réduction des émissions de GES. Pourquoi est-ce qu'on demande ça? C'est que, pour ce qui est des émissions de permis et pour l'établissement des crédits, il y aura encore beaucoup de négociations, et on pense que, entre-temps, si on émettait des crédits d'impôt, on pourrait accélérer et favoriser l'implication de compagnies et d'entreprises de tout genre dans la réduction de leurs propres émissions. Maintenant, si vous me permettez, je vais juste ? pardon, j'ai un vilain mal de gorge ? prendre juste un peu d'eau.

Le Président (M. Labbé): J'en profite, M. Bélisle, pendant que vous prenez votre verre d'eau pour avoir le plaisir de présenter les personnes qui vous accompagnent. Je présume que c'est Mme Lachapelle, qui est directrice ? c'est ça? ? et M. Robert Miron, conseiller technique. C'est bien ça? Merci beaucoup.

M. Bélisle (André): M. le Président, merci beaucoup. Vous êtes bien aimable. J'avais oublié, et c'est un manque important face à mes collègues. Je vous en remercie.

Donc, pour continuer, je vais maintenant m'attarder un peu plus au programme d'inspection et d'entretien des véhicules automobiles, auquel on a travaillé. Comme je disais tantôt, l'AQLPA a toujours travaillé en proposant des solutions pratiques à des problèmes connus. Maintenant, ça fait depuis 1996 que le gouvernement du Québec nous a demandé de travailler à planifier avec lui un programme qu'il a lui-même retenu et, malheureusement, pas encore mis en place. Et on va revenir là-dessus un peu.

En passant, bien, puisque vous m'avez demandé de saluer mes collègues ici, j'aimerais saluer les fonctionnaires du ministère de l'Environnement, que je reconnais. Toute l'équipe du programme d'inspection est là, et c'est très gentil de leur part de venir pour qu'on puisse en discuter ensemble.

Alors, l'AQLPA et une quarantaine de partenaires dont le gouvernement du Québec et le milieu de l'automobile ont planifié, à la demande du gouvernement du Québec, en 1999 ? parce qu'on a déposé le premier rapport en 1999 ? un programme d'inspection et d'entretien des véhicules automobiles. Ce programme fut par la suite revu, analysé et recommandé par le Comité interministériel sur les changements climatiques. Ce programme fut également intégré dans le plan d'action québécois 2002 sur les changements climatiques, qui devait en principe débuter en mai dernier. Il est à noter que ce programme a été appliqué intégralement entre-temps au New Jersey. Au moment où on a déposé notre rapport, le New Jersey a implanté immédiatement le programme.

Le programme d'inspection et d'entretien des véhicules automobiles que nous avons déposé est divisé en cinq volets, soit: l'inspection, l'entretien obligatoire des véhicules légers de trois ans et plus, avec une inspection aux deux ans; un programme d'aide à la réparation; un programme de mise à la ferraille; un programme d'inspection et d'entretien obligatoire des véhicules lourds de trois ans et plus, avec une inspection annuelle; et une inspection annuelle aussi pour les taxis et véhicules commerciaux.n(16 heures)n

J'aimerais, si vous le voulez, juste au passage rappeler que, lorsque le programme a été conçu, on l'a conçu en fonction de trois principes fondamentaux auxquels l'AQLPA tenait absolument qui étaient d'abord l'efficacité environnementale. C'est un programme qui devait livrer la marchandise en termes de réduction d'émissions. C'est un programme qui devait être basé sur une équité envers les différentes couches de la société avec un respect du consommateur et aussi un programme intègre, transparent où il y aurait imputabilité que quelqu'un quelque part pourrait prendre un téléphone et appeler, parler à quelqu'un plutôt qu'à une machine.

Donc, ces trois critères-là ont été appliqués intégralement dans tout ce qu'on a planifié. Le PIEVA, quant à nous, permettrait sur la base du programme que nous avons présenté et qui avait été retenu par le ministre Bégin, le PIEVA permettrait, en comptant strictement sur l'inspection et l'entretien des véhicules dès le début de sa troisième année, l'élimination d'environ 1 120 000 tonnes métriques de gaz à effet de serre, soit 1 035 000 tonnes métriques de CO2 et 85 000 tonnes métriques d'équivalents CO2 N2O ? on a transformé le N2O en équivalent CO2 ? ou 2,5 % de l'objectif recherché par le Québec dans le cadre du Protocole de Kyoto. L'ajout des trois autres mesures ferait passer la réduction à environ 330 000 tonnes métriques ou 8 % de l'effort du Québec.

Pour établir nos projections sur les réductions d'émissions des divers gaz polluants, nous avons procédé à l'analyse d'une trentaine de programmes d'inspection et d'entretien obligatoire des véhicules en Amérique du Nord. Je rappelle qu'il y en a à peu près une quarantaine, donc on n'innove pas, là, on a 40 et quelques exemples pour pouvoir se baser afin de définir un programme pour ici. On a aussi procédé à l'inspection des émissions de près de 9 000 véhicules, 7 500 véhicules légers avec un taux d'échec de 16 %. Ça, c'est une notion qui est très importante parce qu'on nous revient souvent que, bon, à l'inspection, il y a un taux d'échec de 10 %, mais, dans la réalité, il y a un taux d'échec 16 % des véhicules du parc automobile. Ça, c'est reconnu partout, et ça, c'est avant l'inspection. Et il y avait aussi 1 400 véhicules lourds avec un taux d'échec de 20 %.

On a consulté et croisé les données d'Environnement Canada, de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis, l'EPA, le Conseil national de recherches des États-Unis, le programme Drive Clean de l'Ontario, le ministère de l'Environnement de l'Ontario, le programme AirCare de la Colombie-Britannique et le ministère de l'Environnement de la Colombie-Britannique. On a réalisé qu'il serait même possible d'augmenter le rendement de ces programmes-là avec notre programme d'aide à la réparation en encourageant le remplacement du catalyseur catalytique habituel par des convertisseurs nouvelle génération développés par la NASA.

Il est important de réaliser qu'un programme d'inspection obligatoire des véhicules automobiles, c'est un peu comme un iceberg, c'est la partie qu'on ne voit pas qui est la plus déterminante ? une minute, O.K. La grande majorité des gens procèdent à la mise à l'ordre de leur véhicule avant de passer à l'inspection.

Donc, pour terminer rapidement, on demande au gouvernement du Québec de procéder immédiatement à la mise en place d'un programme d'inspection et d'entretien des véhicules automobiles. Et je céderais la parole, rapidement, si vous le permettez, à ma collègue, ici, pour rappeler qu'on ne parle pas que d'argent, mais on parle aussi de santé et c'est tout à fait important. Et quant aux recommandations qu'on vous a faites, bien elles sont toutes listées.

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Lachapelle, vous avez 30 secondes pour résumer votre pensée.

Mme Lachapelle (Jocelyne): Bien, résumer ma pensée, j'avais quelques minutes. Bonjour, merci, à tous de nous recevoir, M. le ministre. J'aimerais vous exposer une dimension humaine aux problèmes de mauvaise qualité de l'air. Moi, je suis active en environnement depuis 15 ans. Je suis mère d'un enfant de 17 ans et d'un autre qui aurait 28 ans cet été. En 1975, un été chaud, mon enfant naissant fut très, très malade et hospitalisé pendant 52 jours. Les étés qui ont suivi jusqu'en 1987 ont connu aussi leur épisode de smog et, à chaque fois, il a été malade. Il souffrait de fibrose kystique, maladie mortelle touchant principalement les poumons. À cette époque, je ne connaissais même pas le smog, je ne savais même pas que ça existait, mais maintenant je connais les sources de la pollution de l'air et les causes aujourd'hui.

Ce que je voudrais aussi faire ressortir ? parce que je vais, hein ? c'est qu'on parle d'environ 1 500 personnes qui décèdent prématurément à toutes les années à cause de la pollution de l'air, et je me mets dans la peau de ces gens-là. Si on mettrait 200 enfants sur les 1 500 personnes, bien 200 enfants, ça ferait ? si j'inclus juste la famille immédiate, grands-parents, père, mère ? environ 2 400 personnes, êtres humains qui vivent le deuil, donc qui sont déchirés, qui perdent tout. C'est tellement important, cet aspect-là, parce que réellement ça déchire une vie. Bon, hein, je vais presque terminer là-dessus.

Je voudrais dire en terminant: Comme le smog augmente de plus en plus avec le réchauffement de l'atmosphère, il faut réduire la pollution automobile le plus possible et le plus vite possible. Et c'est en mon nom personnel et au nom de toutes les familles victimes de la pollution automobile que je demande au gouvernement du Québec de ne plus attendre et d'implanter le programme d'inspection des véhicules automobiles ainsi que les autres mesures pour réduire la pollution de l'air. Et, si on avait instauré un programme d'inspection en 2001, comme on le souhaitait et comme on était bien déçu, bien on aurait déjà sauvé de nombreuses familles et de morts de cette pollution-là.

Le Président (M. Labbé): Merci beaucoup, Mme Lachapelle. Merci à M. Bélisle. Alors, sans plus tarder, nous allons maintenant céder la parole, comme il se doit, au ministre délégué à l'Environnement et à l'Eau. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Alors, merci à vous, M. le Président. M. Bélisle, Mme Lachapelle, M. Miron, bienvenue parmi nous. Merci de votre présence.

Ceux qui nous connaissent savent que nous sommes parfois en accord, parfois en désaccord, mais force nous est de reconnaître à quel point l'AQLPA a contribué depuis sa création, au début des années quatre-vingt, de manière significative à l'avancement de l'écologie au Québec, et je me fais un devoir de vous en dire merci pour ce que vous avez fait, pour ce que vous faites et ce que vous ferez encore pour la collectivité québécoise.

On a eu, au cours de la dernière année, l'occasion de dialoguer ensemble essentiellement sur le programme d'inspection des véhicules automobiles. Votre mémoire a le mérite de traiter du PIEVA mais sans se limiter à cela, puis d'aborder différentes facettes relatives au Protocole de Kyoto, et vous me permettrez peut-être de vous adresser d'abord des questions en ce sens, puisqu'on a eu moins le temps d'échanger là-dessus dans un passé récent.

Vous me permettrez de vous parler d'abord de matières résiduelles puis, pour les gens qui nous écoutent qui pourraient se dire: Voyons donc, qu'est-ce qu'il fait là de nous parler de matières résiduelles alors qu'on est en train de réfléchir sur les gaz à effet de serre, mais vous savez très bien, vous êtes un spécialiste de la question, que les 60 et quelques sites que nous avons au Québec produisent des gaz à effet de serre, surtout les lieux d'enfouissement sanitaire, mais aussi quelque peu les dépôts de matériaux secs. Donc, il y a un lien assez étroit que l'on peut faire, et que l'on doit faire, entre cette capacité que nous avons de réduire collectivement l'émission de nos déchets, cette capacité que nous avons de recycler davantage et la production de gaz à effet de serre. Et vous nous proposez une idée qui est, ma foi, emballante, innovatrice, je ne le sais pas, parce que je crois comprendre que RECYC-QUÉBEC avait déjà ? permettez-moi l'expression latine ? flirté peut-être avec l'idée dans le passé, mais vous émettez l'idée d'avoir une bourse de matières résiduelles. Et comme le temps passe rapidement dans ce genre de commission et que vous avez à peine abordé le sujet, j'aimerais que vous puissiez le développer davantage.

Le Président (M. Labbé): M. Bélisle.

M. Bélisle (André): Bien, en fait, M. le ministre, c'est une vieille idée qu'on ramène. Dans les années quatre-vingt, on en fait largement la promotion en disant que, dans bien des cas, on a pu voir ? et ça existe ailleurs dans le monde ? que le déchet d'une entreprise devient la matière première d'une autre, et que le simple fait de savoir qu'est-ce qu'il y a comme déchets sur le marché ou matières résiduelles et qu'on le laisse savoir à l'ensemble des entreprises, bien, souvent, ces matières-là trouvent preneurs. Mais comme ça n'existe pas, alors là on se retrouve avec un produit que personne ne sait quoi faire avec et, au bout de la ligne, bien on doit s'en départir malheureusement. Et là, bien, soit qu'on le brûle ou qu'on l'enfouisse. Et, si on avait savoir aux gens qu'il existait différentes matières, ces gens-là, ces entreprises-là auraient peut-être trouvé à utiliser ces matières-là.

M. Simard (Montmorency): Et concrètement, on pourrait mettre cette bourse virtuelle en marche de quelle manière? Je sais qu'on aura des gens de la Bourse de Montréal ? si ça se trouve, ils sont déjà parmi nous ? mais vous verriez ça comment?

M. Bélisle (André): À l'époque, on pensait, on disait qu'il fallait créer une espèce de structure dans laquelle ça aurait pu s'intégrer; bien, maintenant, la structure existe. On pense que RECYC-QUÉBEC devrait pouvoir gérer cette bourse-là et faire la promotion des produits, les faire connaître, bon, bien sûr, en ayant un site Internet qui serait accessible à tout le monde, mais aussi en créant des rencontres ou des occasions d'échange pour les différentes entreprises. Mais maintenant, je n'ai pas vraiment élaboré là-dessus. Si vous me permettez, M. le ministre, dans une prochaine rencontre, il me fera un plaisir d'amener, de ressortir de la poussière ce vieux dossier.

n(16 h 10)n

M. Simard (Montmorency): Oui. Parce que vous le savez, j'ai la responsabilité de RECYC-QUÉBEC, puis je vais me faire un devoir dès demain matin de leur demander de vous passer un petit coup de fil.

Autre point, le transport en commun. Vous savez que je suis un petit gars originaire de Québec, donc la capitale nationale. Je vous sais pas tellement loi de là non plus. Quelles seraient vos idées pour améliorer le transport en commun? Parce que, on a parlé d'un PIEVA, d'un programme d'inspection des véhicules automobiles, mais on sait qu'en parallèle au PIEVA il nous faudra, de manière intensive, encourager le covoiturage. Il nous faudra de manière intensive également encourager le transport en commun, mais encore faut-il proposer aux Québécois et aux Québécoises des modalités intéressantes. On voit actuellement un plafonnement depuis les 10 dernières années en termes de nombre d'usagers. Que feriez-vous si vous étiez, bien je ne sais pas, maire de la ville de Québec ou ministre de l'Environnement?

M. Bélisle (André): Bon, premièrement, il faut voir que, pour inverser cette tendance-là, c'est un peu comme faire virer un paquebot, ça ne se fait pas en criant lapin. Il faut se donner un horizon d'au moins 10, 15 ans, d'où l'importance du programme d'inspection qui, lui, va amener des réductions d'émissions immédiatement à très court terme.

Maintenant, quand on parle de transport en commun, bien il y a cinq mesures qui avaient été retenues et étudiées de façon très exhaustives par le groupe de travail sur les transports du comité interministériel qui, d'une part, parlait d'augmenter le soutien ou de soutenir les usagers du transport de toutes sortes de façons: crédit d'impôt; à la limite, on avait même abordé la question qu'on pourrait créer une société nationale des transports dans laquelle le transport serait gratuit et on trouverait le moyen, le transport en commun bien sûr, serait gratuit pour les usagers. Bon. Donc, il faut soutenir les usagers d'une façon les encourager financièrement parce qu'on est dans un monde matériel, c'est une façon.

Il faut aussi investir dans les infrastructures de transport en commun. Déjà, le gouvernement a montré une volonté intéressante de développer. Bien il va falloir faire plus et il faut se fixer un objectif quantitatif important de dire: On veut doubler ou tripler le nombre d'autobus en fonction au Québec.

Il faut aussi augmenter le financement du transport en commun. On sait à toutes les années que ce soit à Montréal, que ce soit dans la région de Québec, les organismes de transport en commun se plaignent de sous- financement. Maintenant, je ne suis pas un expert de ces questions-là mais, chose certaine, s'il y avait plus de sous de disponibles, et là on ne parle pas de quelques dollars, mais vraiment de changer de niveau, bien probablement qu'on pourrait voir plus de véhicules donc plus d'usagers.

Il faut aussi développer les nouvelles technologies. Le système de SLR, le véhicule léger sur rail. Bien ça, on en parle beaucoup. Bien sûr qu'on nous dit: Ça va coûter cher, mais, d'un autre côté, quand on regarde combien ça coûte la congestion, combien les problèmes de pollution de l'air coûtent, et j'avais un exemple: Si on regarde juste à Toronto, on nous dit que la pollution automobile cause pour à peu près 1 milliard de dollars en soins de santé par année, bien ça nous donne un peu une idée. Bien sûr, qu'on n'est pas à Toronto, mais ce n'est quand même pas deux piastres et quart que ça coûte dans la région de Montréal, c'est pas mal plus que ça les soins de santé. Donc, si on se dit que l'argent qui est dépensé, veux veux pas, en problèmes causés par la pollution automobile, par les véhicules automobiles et qu'on essaie d'investir pour favoriser le transport en commun, certainement qu'on va être gagnant.

Il faut aussi voir à développer ou à ramener le système de train interurbain. Vous parliez que vous êtes dans une région, bien chez nous dans le coin de la Beauce, il y avait des trains qui fonctionnaient, on a enlevé les rails. Il y a un monsieur qui a décidé de revenir là-dessus et M. Giguère a réussi à sauver les rails dans la région de la Beauce. Mais il faudrait que le Québec se donne une mission là-dessus et peut-être un petit message au président d'Hydro-Québec, si jamais vous le croisez encore, peut-être qu'Hydro-Québec et le gouvernement du Québec pourraient encourager le développement des trains électriques. Au pays de l'hydroélectricité, c'est encore drôle qu'on n'ait pas de train électrique. Maintenant, je ne suis pas un expert des transport en commun.

Le Président (M. Labbé): Une chance. Merci, monsieur. Alors, M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Bien, je sais que le temps file et qu'il me reste très, très peu de temps, mais on a des gens dans la salle qui, encore parmi nous, sont de l'Association de l'industrie électrique du Québec, je leur posais la question d'entrée de jeu tout à l'heure sur les mégawatts, sur les économies que l'on peut faire en termes d'énergie. Ils ne semblaient pas très, très partisans de ça, ils étaient pour mais on ne peut pas être contre la vertu, mais, bon enfin. Vous, vous avez fait une charge à fond de train en disant: Oui, il y a des économies d'énergie, d'efficience énergétique fantastiques qu'on peut aller chercher là-dedans. Vous disiez: On pourrait sauver plusieurs fois, plusieurs fois Grande-Baleine, alors.

M. Bélisle (André): Bien, en fait, je rapportais les propos du président Claude Boivin à l'époque qui ? il y avait deux présidents à Hydro-Québec, il y avait Claude Boivin et Richard Drouin ? et qui avait sorti publiquement, et ça a été dans les journaux à l'époque en 1991, si je ne me trompe pas ou 1992 peut-être, qui disait que, si on se lançait à fond de train dans les économies d'énergie, on pouvait aller chercher deux, trois Grande-Baleine. O.K.

Maintenant, Hydro-Québec a reconnu qu'en conservation d'énergie il y avait 27 TWh qu'elle reconnaissait possible, qu'elle s'engageait à en faire neuf et, finalement, elle s'est arrêtée à 2,5. Bon. Comment on explique tout ça? Ce n'est pas de mon ressort. Je pense que M. Boivin, lorsqu'il a sorti publiquement comme président qui avait passé 30 ans dans Hydro-Québec, il devait quand même savoir de quoi il parle et je pense que ce serait une bonne personne à inviter pour avoir des idées plus pratiques. Maintenant, chose qui est certaine, le Québec a un potentiel hydroélectrique, et on en convient, qui est encore important, mais qui l'est moins qui l'était dans les années soixante-dix. Mais le Québec possède le plus grand potentiel éolien en Amérique du Nord et on ne veut pas l'exploiter. On n'aurait qu'à regarder ce qui s'est passé en Allemagne. Dans les trois dernières années, l'Allemagne a augmenté de plusieurs milliers de mégawatts sa production éolienne et, nous, on nous dit que, d'ici 10 ans, on devrait, quand on aura travaillé très fort, avoir mis en place 1 000 MW; donc, c'est un peu risible. La volonté d'action là-dessus, au Québec, bien, devrait être encouragée et de façon vraiment sérieuse.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. Bélisle, merci, M. le ministre. Alors, sans plus tarder, je passe maintenant la parole, comme il se doit, au député qui représente l'opposition au niveau de l'environnement, le député d'Orford. M. le député.

M. Benoit: M. Bélisle, Mme Lachapelle, M. Miron, merci d'être ici aujourd'hui. D'abord, vous indiquer que, quand nous avons reçu la liste des groupes que nous entendrions en commission de mardi dernier jusqu'à demain soir, ma première réaction à la lecture de la liste... parce que vous savez que ce n'est pas l'opposition qui décide de la liste, c'est le gouvernement, c'est le ministre avec son personnel, ma première réaction en lisant cette liste-là, ça a été de dire: Où est-ce qu'ils sont l'AQLPA? Ça n'a pas d'allure, c'est le groupe qui s'est le plus battu au Québec. On parle de Kyoto, on parle d'émissions, comment ça se fait qu'ils ne sont pas là? Et dans les remarques préliminaires, quand j'ai dit tantôt: Nous avons veillé au grain, je vous l'assure sincèrement que nous avons veillé au grain même si le ministre a eu le culot... puis il faut le faire, M. le Président, il faut le faire puis je veux le dire publiquement, le ministre a eu le culot d'aller dire dans les journaux: Le problème explique-t-on au cabinet, c'est que le critique libéral en environnement Robert Benoit ? ça s'adonne à être moi ? ne peut pas siéger en soirée. Imaginez-vous donc! nos règles nous défendent de siéger en soirée, M. le Président. Alors, ça a été la réponse du ministre, qui n'est pas ici aujourd'hui pour vous entendre et je le déplore, je le déplore profondément et, si ça n'avait été de l'opposition, vous n'auriez probablement même pas été entendus. Alors, l'excuse du mercredi soir, il faut lui répondre, des fois, à ce ministre-là parce que c'est gros, ça devient très, très gros.

Vous avez, via Louis-Gilles Francoeur, il vous a cité dans les journaux disant, et je le cite lui aussi: «Québec évalue à 711 000 le nombre de voitures et à 36 000 le nombre de camions actuellement sur les routes qui ne sont pas conformes aux normes antipollution du constructeur.» Il parle de vos chiffres. Le ministre a fait déchirer une couple de chemises cette journée-là disant que vous étiez erronés. Ça n'avait pas d'allure. Vous n'aviez pas les bonnes statistiques. Moi, je suis néophyte ici, là, je vous le dis tout de suite, entre vous puis Louis-Gilles et puis le ministre, je ne suis pas capable de trancher. Pourriez-vous me dire qui est-ce qui a raison entre ces trois-là?

Le Président (M. Labbé): M. Bélisle.

M. Bélisle (André): Ah bien, pour comprendre l'écart, là, c'est relativement simple, on parle de deux choses tout à fait différentes. Le ministre, dans ce qu'il dit, a raison d'une manière, mais il parle d'un autre programme que le programme que nous avons présenté.

Donc, je m'explique rapidement. Le programme qui a été planifié par l'AQLPA, je l'ai décrit plus tôt, parlait de l'inspection des véhicules de trois ans et plus; pour les véhicules lourds, tous les véhicules lourds de trois ans et plus, O.K.; les véhicules légers de trois ans et plus. Maintenant, ce que le ministre Boisclair a présenté, à ce que j'ai compris en regardant les débats, on parlait des véhicules légers de cinq ou sept ans et plus et on ne parlait pas de véhicules lourds. Donc, la différence est là, c'est relativement simple. À l'AQLPA, on a parlé d'un programme qui visait les véhicules de trois ans et plus et, entre les véhicules de trois et les véhicules de cinq ans et les véhicules de sept ans dans les véhicules légers, bien il y a un écart de 15 à 25 %, en partant.

En plus, nous, on a toujours... et ça, ça a été reconnu par le Conseil national de recherches des États-Unis, par Environnement Canada, par un paquet de gens qui ont fait des inspections de véhicules, bien ça a toujours été reconnu que le parc automobiles dans l'état qu'il est présentement avant un programme d'inspection a au moins de 16 à 20 % des véhicules légers qui ne rencontrent pas les normes. O.K. Et on nous rétorque par contre que... on a regardé dans les programmes existants, les véhicules ont un taux d'échec de 10 %. Mais je vous reviens avec ce que je disais tantôt: C'est sûr, c'est clair, c'est normal. Quand on impose l'inspection, les gens se préparent d'abord, ils font mettre leur voiture en ordre avant, se présentent à l'inspection et arrivent à démontrer qu'on a peut-être 10 à 12 %.

n(16 h 20)n

Et là je pourrais vous donner l'exemple de l'Ontario qui, au départ, s'attendait à 16 % de taux d'échec; ils se sont rendus compte qu'il y en avait moins. Mais ils se sont même fait jouer un tour qui était encore pire que ça. Vu qu'ils ont procédé par étape, il y a des gens qui ont sorti les véhicules de la première zone, et là on a dit: Tabarouette! comment ça se fait qu'on arrive juste avec un 12 %? On pensait en avoir bien plus que ça. Dans la deuxième étape, ils se sont rendus compte qu'il y avait 20 et quelques pour cent de taux d'échec. Bon. Donc, la différence est là. On nous a présenté des chiffres d'un programme réduit dans le nombre de véhicules, dans le taux d'échec et qui ne tient pas compte des véhicules lourds.

Maintenant, il faut aussi savoir que les chiffres qu'on a présentés, c'était des chiffres sur le parc automobile de 1997. Cinq ans plus tard, il y a beaucoup plus de véhicules. En fait, il y a à peu près 300 000 véhicules légers de plus dans le parc automobile et il y a 12 000 camions lourds de plus. Et ça, ça veut dire que les émissions sont plus importantes, donc le gain, le potentiel de réduction est aussi plus important. Donc, le ministre Boisclair parlait d'une chose tout à fait différente et ça ne se compare pas.

Le Président (M. Labbé): M. le député.

M. Benoit: Oui. Une autre question. Ça, c'est le document que vous avez déposé ici, il y a un an et demi, deux ans, si je ne trompe. Moi, ça fait sept ans que je suis porte-parole en matière d'environnement, ça fait cinq ministres différents que j'ai et ça fait au moins trois conférences de presse minimum, là, minimum où je suis convié, où on me dit que ça y est, on va le faire. Le ministre Boisclair l'a dit encore la semaine dernière: Ça y est, on va le faire. Je me souviens de Paul Bégin. Pourquoi que c'est si long, M. Bélisle?

Le Président (M. Labbé): M. Bélisle.

M. Bélisle (André): Bien, en fait, je vais, en tout respect pour la commission et en tout respect pour tous ceux qui vont entendre ça... La raison, je pense que le ministre Boisclair nous l'a dit clairement. On était trois personnes. Il avait fait le calcul de la sympathie populaire à l'égard de son gouvernement et il n'avait pas l'intention d'aller de l'avant avec le programme d'inspection.

Maintenant, nous... Bon. Moi, je suis un gars de la construction au départ, et quand mon boss me disait d'aller faire une job, si je ne la faisais pas, bien il n'était pas content. Et, moi, je dit: Bien, je pense que, comme ministre de l'Environnement, votre devoir premier est de voir implanté ce programme-là.

Après ça, il n'y a rien qui s'est passé. On nous a demandé de revoir, analyser et revérifier, soupeser, faire plein de choses, mais je pense que la volonté d'implanter le programme, après le départ du ministre Bégin, est tombée à l'eau, et ça a pris le ministre Jean-François Simard, qui a relancé la machine pour qu'on puisse reparler du programme.

Malheureusement, je dois le dire très honnêtement et avec tout le respect que je dois à l'institution, c'est le manque de volonté d'un ministre de l'Environnement qui a fait que ça ne s'est pas fait.

Le Président (M. Labbé): M. le député.

M. Benoit: Je vous annonce, aujourd'hui, que le Parti libéral, on a déposé un programme en environnement vendredi. On peut le voir sur le site Internet. Nous, on prend un engagement très clair. On dit qu'il n'est pas question, il n'est pas question que les lois du Québec soient moins sévères que tous nos voisins. On sait que tous les voisins du Québec, en ce moment, ont ces inspections-là, alors on dit: «De disposer de lois environnementales et règlements au minimum aussi sévères que ceux en application chez nos voisins». Je pourrais continuer mais je ne veux pas prendre de votre temps. Mais j'invite les gens à aller sur le site Internet, ils vont voir que le Parti libéral, là-dessus, a pris un engagement. Et je veux vous rendre un hommage. C'est à cause de vous si on a pris cet engagement-là. Vous nous avez sensibilisés mois après mois après mois, et autant M. Miron que Mme Lachapelle, vous n'avez jamais lâché dans ce débat-là et, chez nous en tout cas, l'engagement, il est là puis on va le tenir, cet engagement-là.

Vous nous parlez souvent des voitures qui ont beaucoup d'âge. Je ne sais pas si vous lisez le Time Magazine, je vous invite à lire le Time Magazine de cette semaine, il y a un article absolument extraordinaire sur les grosses SUV ? je ne sais pas comment on dit ça en français ? sur les Jeep extraordinaires... les voitures utilitaires. Je vais vous annoncer en primeur, dans cet article-là, je n'en revenais pas, il s'est vendu, en Amérique du Nord en 1991, 4 millions de ces grosses voitures-là et 8 millions de petites voitures. En l'an 2002, on est rendu à 8 millions de ces grosses voitures-là et les petites voitures baissent, on est rendu à un peu moins de 8 millions. Au total, on vend toujours 16 millions de voitures, c'est ce que je crois comprendre dans l'article du Time, mais c'est que ces grosses-là sont en accélérés constamment.

Moi, je suis bien prêt à parler des minounes puis des vieux bazous puis tout ça, je n'ai pas de problème avec ça. Puis je veux bien prendre toutes les considérations des gens qui sont moins fortunés, qui ont ces voitures-là, puis les ajustements puis, bon, pas de problème avec ça. Mais, ici, c'est un sérieux problème et tout le monde nous a parlé de ça. Et la plus grosse, celle qui prend le plus de consommation, «most emissions», c'est la Cadillac Escapade. On ne doit pas aller souvent en forêt avec ça. Ça vaut à peu près, si je comprends bien, 75 000 $. Qu'est-ce que vous pensez de cet univers-là? On est après demander aux gens avec des bazous de faire attention puis, au même moment, on est après s'acheter des maisons roulantes finalement, là.

Le Président (M. Labbé): M. Bélisle.

M. Bélisle (André): Bien, en fait, ce que j'aurais à dire là-dessus, c'est que, comme on est un des plus vieux organisme en environnement qui s'est... Bon. Ça fait 20 ans qu'on est là, bien on a été les premiers à soulever cette question-là premièrement en proposant différentes mesures pour encourager l'achat de véhicules moins énergivores et, quand je vous dis ça là, on était dans les années quatre-vingt. Donc, pour nous, on revient encore dans les années 2000 en disant: Oui, il faut un programme de redevances-remises dans lequel on va encourager fortement les gens à acheter des véhicules moins énergivores.

Mais il faut se rappeler qu'au moment où on se parle il y a 4,4 millions de véhicules qui se promènent au autour de nous autres au Québec et il n'y a aucune mesure, à part le programme d'inspection et d'entretient, qui va permettre à court terme de réduire de façon importante les émissions non seulement de gaz à effet de serre, mais les émissions qui causent le smog, qui causent les pluies acides et même qui causent l'émission de gaz qui détruisent la couche d'ozone. Donc, il faut penser à un cocktail de mesures.

Pour nous, le programme d'inspection c'est la première étape.; deuxièmement, encourager fortement le transport en commun; deuxièmement, encourager l'acquisition de véhicules hybrides, décourager justement l'acquisition de SUV mais il faut comprendre que dans certains endroits ces véhicules-là sont absolument nécessaires. Je donne, par exemple, quelqu'un qui vit sur le Plateau Mont-Royal à Montréal n'a pas besoin d'un gros Cherokee Chief avec le gros 8 pour traîner une corde de bois parce qu'il n'y en a pas de bois et puis les quelques arbres qui restent sur le Mont-Royal, il faudrait bien qu'ils restent-là. Mais il y a des gens sur la Côte-Nord, des gens en campagne, qui ont besoin de ces véhicules-là, donc il faut aussi être réalistes avec cette mesure-là. Et, même si on était très drastique, on ne pourrait pas empêcher l'acquisition des certains de ces véhicules-là tout simplement parce que les gens ont le droit ou le besoin d'avoir ces véhicules-là. Donc, il ne faut pas prendre une mesure, il faut penser en termes de cocktail de mesures.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Bélisle.

M. Benoit: Peut-être une toute, toute dernière petite question. J'avais dit au président que j'avais mais ce n'est pas la première fois que j'ai fini que je n'ai pas fini là.

Vous avez parlé dans votre mémoire des véhicules récréatifs. On apprend aujourd'hui ? d'ailleurs j'avais le communiqué de presse tantôt dans mon bureau en arrivant ? Bombardier qui nous dit: Écoutez, on a fait des efforts ? puis ils viennent de gagner le prix le plus élevé ? on pensait même qu'on ne pourrait jamais atteindre ce genre de performance-là avec un moteur à bateau, si j'ai bien compris là.

Finalement, est-ce qu'on ne s'en va pas dans la bonne direction là-dedans? Est-ce qu'on n'est pas après voir le début d'un temps nouveau en ce qui a trait aux émissions?

M. Bélisle (André): Bien, heureusement, on avance quand même, on progresse tranquillement. Parfois, il faut encourager et pousser un peu sur le progrès. Mais je me souviens encore il y a quelques années, je parlais à un vice-président de Bombardier, je lui disais: Comment ça se fait que vous n'avez pas mis les moteurs quatre-temps sur le marché? Ça fait longtemps qu'on le sait que ça existe. Puis, il nous disait: Bien, si nous autres on est les premiers à y aller, on va perdre des parts de marché. Donc, c'était juste ça.

Et, en terminant, peut-être que j'aimerais, si vous me permettez, M. le Président, rappeler rapidement, dans le mémoire, il y avait deux points à la fin sur lesquels j'aimerais insister: qu'on revoie les transports qui n'ont pas de sens, entre autres, une pinte de lait qui doit faire 500 km entre la vache et la table chez nous; une livre de steak haché qui fait 1 000 km entre l'abattoir ou la grange puis la table chez nous; et aussi la nouvelle mode des véhicules publicitaires à Montréal, il y en avait trois véhicules comme ça il y a trois ans, on est rendu à 30 et on prévoit qu'il y en aura une centaine l'année prochaine. Alors...

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. Bélisle. J'ai compris que votre pinte de lait voyageait en camion. Alors, je vous remercie pour votre présentation, Mme Lachapelle, M. Miron alors au nom de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique.

Alors, sans plus tarder, j'inviterais maintenant le Conseil régional de l'environnement de Montréal de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Labbé): Alors, nous sommes maintenant prêts à poursuivre nos travaux. Alors, au nom du Conseil régional de l'environnement de Montréal, j'inviterais M. Robert Perreault qui est directeur général ? je pense que c'est vous qui allez débuter ? à nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Alors, vous avez 15 minutes, M. Perreault, pour faire la présentation. À vous la parole.

Conseil régional de l'environnement de Montréal

M. Perreault (Robert): Merci, M. le Président, M. le ministre, M. le responsable pour l'opposition de la commission. Je suis accompagné d'André Porlier qui travaille avec moi au Conseil régional de l'environnement. Alors, vous avez devant vous au moins la moitié de tout le staff du Conseil régional de l'environnement de Montréal.

n(16 h 30)n

Merci de nous fournir l'occasion un peu d'exprimer notre point de vue sur cette question. Nous allons essayer de prendre le moins de temps possible des 15 minutes. Je pense que vous avez reçu notre rapport.

Essentiellement, ce dont nous voulons saisir la commission, c'est de la question suivante: Nous ne pourrons atteindre, comme collectivité, les objectifs que nous nous fixons, qui sont ambitieux et qui sont tout à l'honneur du ministre de les avoir annoncés, à moins 6 %, nous ne pourrons atteindre ces objectifs sans revoir en bonne partie nos pratiques en matière de transport urbain. Vous savez que 38 % des gaz à effet de serre sont dus au secteur du transport; c'est là-dessus que le Conseil régional de l'environnement s'est surtout concentré dans son mémoire. Et, si on parle de la région de Montréal ? parce qu'on va vous parler davantage de la région de Montréal ? la question des gaz à effet de serre émis, provoqués par le secteur du transport atteint presque 50 %, c'est tout près de 50 %. Donc, c'est de loin l'enjeu primordial.

Alors, on est dans la situation suivante: année après année, le parc automobile augmente; la part relative des transports publics diminue; les véhicules, on l'a vu tantôt ? l'intervenant précédent ? sont de plus en plus énergivores; et il ne sera pas possible, à notre avis, d'atteindre les objectifs que le gouvernement du Québec et que la société québécoise doivent se fixer si, justement, on ne s'attaque pas à cette question.

Successivement, les divers gouvernements au Québec ont fait la promotion et se sont dit en faveur des transports publics. Notre conviction, c'est qu'on est rendus à une autre étape et que nous devons maintenant carrément passer à l'étape de contraindre l'usage de l'automobile, à défaut de quoi la tendance lourde observée va se maintenir. La part relative des transports publics est à peine à un peu plus de 20 % pour la région métropolitaine de Montréal et ne cesse de décroître année après année, va continuer de décroître, et on va se retrouver rapidement avec une situation en décrochage, qu'on ne sera pas capable de corriger.

Je ne veux pas rentrer dans trop de chiffres, mais on sait globalement que le parc automobile, dans la région de Montréal, subit une croissance de 2 % annuellement, pendant que la part relative des transports publics diminue, même si depuis les toutes dernières années on a assisté à une légère augmentation du nombre de déplacements par les transports publics, mais c'est dû à l'augmentation générale de la mobilité, mais la part relative des transports publics diminue. Quand on sait que 85 % de tout le secteur du transport public se situe sur l'île de Montréal, on doit donc constater le fait que globalement, au Québec, nous avons là-dessus un sérieux problème. Alors, le mémoire que nous vous avons présenté met de l'avant plusieurs éléments autour de ça. Mais ce que nous voulons souligner, c'est cette diminution, là, de l'ordre de 7 à 8 %, au cours des dernières années, de la part des transports publics.

On sait que, d'autre part, il est important de savoir ceci: il va falloir donc investir massivement dans la relance du transport public si on veut corriger la situation. Le rapport Bernard, récemment, nous annonce un certain nombre de pistes. Malheureusement, à notre avis, il crée plus de problèmes qu'il n'en règle ? on pourrait y revenir. Essentiellement, les ressources supplémentaires nécessaires au développement du transport public ne sont pas là. Nous évaluons à plus de 500, tout près de 600 millions de dollars les sommes nécessaires par année, au terme de 10 ans, si on veut que dans le secteur du transport on puisse atteindre l'objectif de réduction de 6 % des gaz à effet de serre pour la région de Montréal. Donc, des investissements majeurs puisqu'il faut augmenter de 5 % par année la part relative des transports publics et diminuer de 2 % par année la part de l'automobile.

Donc, c'est de renverser complètement les tendances et passer d'une situation où actuellement les transports publics représentent 20 %, dans la région de Montréal, à une situation où ils représenteraient 40 % des déplacements, matin et soir. C'est donc dire un renversement de tendance important. D'autres villes l'ont fait dans le monde; Montréal, il n'y a pas si longtemps, plus de 40 % des gens prenaient les transports en commun; des grandes villes du monde atteignent et dépassent ces objectifs-là. C'est donc quelque chose de possible mais qui demande une volonté politique réelle, puisque ce sont les investissements publics qui permettent de déterminer les choix.

Alors, c'est évident que, si le gouvernement, d'un côté, investit dans le prolongement des autoroutes, augmente l'offre de transport, parce qu'il y a des problèmes et des besoins de mobilité, sans en parallèle investir dans les transports publics, bien, c'est évident que le consommateur est amené à faire le choix que les pouvoirs publics en quelque sorte lui présentent. Et on a, à ce niveau, nous semble-t-il, une politique du gouvernement du Québec, au moment où on se parle, qui est discutable.

S'il y a une chose que cette commission pourrait faire et être utile dans ses recommandations, c'est une chose très simple, c'est tout simplement de souhaiter que le gouvernement du Québec fasse de la main droite ce qu'il dit vouloir faire de la main gauche. Le plan de gestion des déplacements dans la région de Montréal ne contient au moment où on se parle, ne comprend au moment où on se parle aucun objectif de réduction des gaz à effet de serre, aucun objectif de réduction du nombre d'automobiles. Aucun. Au contraire, c'est une augmentation globale du nombre de voitures, dans la région de Montréal, qui est appelée par le projet du plan de gestion de la mobilité. C'est un plan qui a été fait avant ces débats auxquels on assiste, avant le cadre d'aménagement de la Communauté métropolitaine de Montréal. Mais, à notre avis, il faut mettre un holà au plan de gestion des déplacements tel qu'il a été conçu et il faut carrément inscrire au coeur de ce plan la priorité à l'usage de l'automobile et consacrer les sommes nécessaires.

Puis il va falloir jouer un peu de la carotte et du bâton, parce qu'il faut à la fois favoriser l'offre de transport, il faut investir ? j'ai dit 600 millions par année à peine ? et il faut effectivement envoyer un message clair aux gens que la grande majorité des gens, matin et soir, pour fins de mouvements pendulaires travail-études peuvent très bien prendre les transports en commun, pour peu que l'offre existe. Il faut donc à ce moment-là, du point de vue des ressources financières qui sont manquantes, il faut aller les chercher effectivement du côté des automobiles.

Je termine, avant de céder la place à André Porlier, pour les propositions que nous faisons, tout simplement en me référant au tableau de la page 27 du document ministériel, pour indiquer à quel point j'ai des doutes sur la capacité d'atteindre les objectifs, tels qu'on est partis. Parce que, quand on regarde les objectifs à moins 6 %, on constate que pour limiter à 3,8 mégatonnes la part des transports dans l'atteinte de l'objectif, on spécule littéralement sur notre capacité d'atteindre 9 mégatonnes sur les marchés internationaux, 6 mégatonnes dans des ententes avec les municipalités. Et, dans le fond, ce que ça cache tout simplement, c'est notre incapacité collective à prendre conscience d'une chose simple, c'est qu'avec 38 % des causes de la pollution liées aux GES du secteur du transport, on se fixe encore un modeste objectif de 12 % ? parce que le 3,8 mégatonnes, là, c'est à peine 12 % ? au secteur du transport. Il y a donc une espèce de difficulté collective qu'on a à nous rendre compte que ça va prendre un peu de courage politique, qu'il y a des changements d'habitudes, de culture, qu'il va falloir investir.

Et, je termine là-dessus, en termes d'investissement, on dit: Mais où prendre l'argent? On va vous en donner, des exemples. Mais il faut savoir que les Québécois... les Montréalais ? pas les Québécois, les Montréalais ? vont investir, au cours des 10 prochaines années, dans leurs bagnoles, 232 milliards de dollars et que là-dessus 0,42 $ sur chaque dollar s'en va directement à l'étranger. Nous ne produisons pas de voitures, nous ne produisons pas d'essence. Il me semble que, d'un point de vue même pas environnemental, d'un simple point de vue économique, il y aurait lieu de revoir nos pratiques. Je laisse M. Porlier résumer un peu nos propositions.

Le Président (M. Labbé): Alors, M. Porlier, s'il vous plaît.

M. Porlier (André): Alors, le mémoire du CRE-Montréal repose essentiellement sur sept recommandations, que vous avez dans le mémoire. La première, et de loin la plus importante, je pense, pour nous, c'est de revoir le plan de gestion des déplacements. Lorsqu'on regarde le document, qui date déjà de 2000, on voit qu'il n'y a pas loin de sept projets soit d'élargissement ou de prolongation d'autoroutes. Évidemment, lorsqu'on augmente la capacité autoroutière, ce que ça fait, ça amène des gens finalement qui habitaient plus loin à utiliser l'autoroute, des gens qui utilisaient le transport en commun ou qui faisaient du covoiturage à finalement prendre ce nouveau pont ou cette nouvelle autoroute. Et donc, on force des habitudes vers l'automobile, alors que notre objectif est de réduire l'utilisation de l'automobile et évidemment de favoriser l'utilisation des transports collectifs. C'est ce qu'on appelle finalement le phénomène de la demande induite, qui est très bien documenté et qui est très reconnu, entre autres, dans le reste du Canada et aux États-Unis.

Donc, à l'égard du plan de gestion des déplacements, notre recommandation essentielle est évidemment un moratoire sur les projets qui sont déjà en place afin de revoir ce plan-là à la lumière des objectifs de Kyoto. De cette façon, on va être capables d'identifier des objectifs de réduction de l'utilisation mais aussi du nombre de véhicules, également des objectifs au niveau de l'augmentation de la part modale du transport en commun.

n(16 h 40)n

M. Perreault a souligné évidemment la nécessité d'investir massivement dans le transport en commun, ce qui fait l'objet de notre deuxième recommandation. Évidemment, on est en perte de vitesse importante, dans la région de Montréal, la part modale est en baisse importante. Et, si on veut un retour du transport en commun, comme on le souhaite, pour atteindre les objectifs de Kyoto et tous les aspects positifs du transport en commun, évidemment, on doit y investir massivement. Et on sait que, présentement, seulement avec le scénario du maintien du matériel roulant, on a déjà besoin de 100 millions seulement en rénovation du métro et pour maintenir le service. Et, même avec ces montants-là, ce qui se passe, c'est qu'on a une baisse de vitesse au niveau du transport en commun. Donc, si vraiment on veut investir dans le transport en commun et qu'on croit que c'est une solution pour les gaz à effet de serre, on doit investir pas loin, comme M. Perreault disait, de 600 millions. Donc augmenter massivement l'utilisation des transports en commun mais réduire aussi l'utilisation de l'automobile. Réduire de 2 % annuellement l'augmentation de l'utilisation de l'automobile et, le transport en commun, une augmentation annuelle de 5 %.

Évidemment, d'où vont venir les 600 millions? C'est très important. 600 millions qui proviennent d'un fonds consolidé ou qui viennent de la poche des automobilistes, ça n'a pas les mêmes effets. Et donc, notre troisième recommandation vient du fait qu'il doit y avoir une contribution augmentée de la part surtout des automobilistes. Évidemment, taxe sur l'essence, péage, taxe sur le stationnement, c'est toutes des possibilités. On vous démontre les revenus potentiels, les avantages liés à ces modes de financement là. Je vous en fais grâce. Et donc, évidemment, nous, on croit à ces trois méthodes-là. Évidemment, ça peut être une combinaison des trois, donc: une augmentation de la contribution des automobilistes par le biais soit d'une augmentation de la taxe sur l'essence, la taxe sur le stationnement ou le péage. Comme on le soulignait tout à l'heure, le rapport Bernard a fermé la porte sur certaines de ces options ou l'a entrouverte très minimalement avec un deux-tiers des votes, entre autres, au niveau de la CMM, pour la mise en place d'un péage ou d'une taxe sur le stationnement. C'est pratiquement dire qu'il n'y aura pas, finalement, la possibilité de mettre ces options-là en place.

Le reste de nos recommandations évidemment s'adressent au niveau du stationnement. Lorsqu'on s'adresse aux questions de transport dans la région de Montréal, on touche la question du stationnement. On ne peut pas continuer à construire des stationnements dans la région de Montréal et croire qu'on va augmenter l'utilisation des transports publics. Évidemment, il faut réduire massivement le nombre de stationnements au centre-ville pour les relocaliser soit en périphérie ou tout simplement les abolir par la mise en place de réseaux de transport plus efficaces ou de mesures, comme vous avez finalement à la page 19, au niveau des modes de transport durable. Ce qu'on parle dans cette section-là, finalement, c'est vraiment de soutenir les initiatives soit de partage de véhicule, ce que Communauto fait déjà dans la région de Montréal; évidemment, on doit y mettre non seulement des appuis financiers mais aussi mettre des infrastructures qui favorisent ces systèmes-là; on a des ponts qu'on pourrait mettre en place, évidemment, des systèmes de covoiturage. Donc, toutes des mesures qui favoriseraient ces modes de transport durable.

Finalement, deux derniers commentaires, sans vouloir ajouter sur ce qui a été dit par l'AQLPA: réduire les émissions des véhicules, donc le système obligatoire d'inspection des véhicules; les redevances-remises à l'achat de véhicules neufs et les nouvelles normes d'efficacité énergétique telles que proposées par l'État de la Californie. Et, en terminant, notre dernière recommandation, qui est plus sur le long terme et au niveau de l'aménagement du territoire. Évidemment, la façon dont on développe la région de Montréal a des impacts sur nos choix de transport. On ne peut pas continuer à développer un réseau autoroutier et continuer à laisser la banlieue s'épandre sans avoir d'impact sur l'utilisation des transports et évidemment sur les changements climatiques.

M. Perreault (Robert): Peut-être un dernier mot. Donc, avec 38 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur transport, tout près de 50 % de la région de Montréal, l'essentiel de ça, notre conviction, c'est qu'on aura beau travailler dans bien des domaines, tout ça n'est pas inutile, au contraire, est utile, mais si on ne réussit pas à renverser les tendances lourdes dans le secteur de l'organisation des transports des personnes dans la région de Montréal, nous ne croyons pas que le Québec atteindra ses objectifs.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, M. Perreault. M. Porlier, merci beaucoup pour votre présentation. Sans plus tarder, je cède donc la parole au ministre délégué à l'Environnement et à l'Eau. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Merci à vous, M. le Président. Alors, mes premiers mots seront d'abord pour saluer bien sûr M. Porlier, mais d'abord M. Perreault, que j'ai grand plaisir à retrouver ici dans de nouvelles fonctions. Comme vous le savez, M. le Président, M. Perreault est un ancien membre de l'Assemblée nationale du Québec qui a exercé plusieurs fonctions, notamment ministérielles, et c'est toujours avec un très, très grand plaisir que nous avons à retravailler avec cet éminent personnage.

Alors, les personnes qui nous écoutent pourraient dire que vous n'y allez pas de main morte, que vous nous proposez une taxe, une nouvelle taxe sur l'essence ? puis Dieu sait que, par les temps qui courent, une taxe sur l'essence, ce ne sera peut-être pas l'idée la plus populaire qu'il y ait ? une taxe sur le stationnement, introduction de droit de péage pour générer des revenus ? d'appoint, Ha, ha, ha! ? de 600 millions.

Première question: Vous ne trouvez pas que vous y allez un peu fort?

Le Président (M. Labbé): M. Perreault

M. Perreault (Robert): Oui. Bien, on ne vous demande pas de faire ça avant l'élection.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Perreault (Robert): Écoutez, regardez, plaçons-nous il y a quelques mois; le gouvernement du Québec aurait augmenté de 0,02 $ la taxe sur l'essence, nous serions encore bien moins chers que maintenant. Avez-vous entendu les hurlements, pendant que les compagnies s'en mettaient plein les poches? Non. Alors, je sais que c'est un secteur sensible, mais à un moment donné il va quand même falloir aller là où sont les vraies réalités. On n'est pas tout seuls à faire ça, je veux dire... D'ailleurs, il y a un gouvernement, précédemment ? j'imagine, M. Benoit pourra vous en parler ? qui l'a fait, une taxe sur l'essence, à l'époque.

Actuellement, qu'on regarde ce qui se passe ailleurs... Vous parlez des péages; qu'on regarde ce qui se passe à Londres, actuellement. Ce n'est pas sans débat. Mais dans le fond, la question est la suivante: C'est vrai qu'il y a un problème ou ce n'est pas vrai? Si ce n'est pas vrai, on peut discuter autour des mesures plus ou moins politiquement intéressantes, faciles, pas faciles; mais si c'est vrai que c'est un problème qui concerne l'avenir de l'humanité et la capacité de cette planète à survivre à ce que nous lui causons, il va falloir qu'on soit sérieux. Ça ne se passera pas tout seul. Et donc, ça va prendre des mesures importantes. Je ne dis pas qu'il faut, à travers tout le Québec, modifier la situation de l'utilisation d'automobiles. À l'évidence, dans une grande région métropolitaine comme Montréal, c'est possible et nécessaire.

Alors donc, vous dites qu'on n'y va pas de main morte, mais des objectifs, 50 % et plus d'utilisation des transports publics pour aller vers les centres-villes, dans les régions métropolitaines, il y a d'autres villes dans le monde qui ont atteint ça. Ce n'est pas, donc, un objectif inatteignable. Et, encore une fois, tant mieux si vous trouvez d'autres sources de financement. Nous, on est conscients qu'il y a dans ce dossier un élément qu'on pourrait dire de bâton et carotte, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait des alternatives pour que les gens puissent prendre les transports publics. Donc, il faut investir, mais en même temps il faut envoyer des signaux clairs. Alors, vous ne pouvez pas envoyer le signal que vous ne taxez pas l'essence, que vous faites des autoroutes gratuites, etc., et dire que les gens vont prendre le transport en commun. Écoutez, ça demande un effort, prendre le transport en commun, il faut être réaliste, ça demande un effort.

Le Président (M. Labbé): M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Je suis content qu'on ait cette discussion-là ensemble, M. Perreault, parce que dans une perspective de développement durable, on a toujours des choix très déchirants à faire, parce que, pour citer mon bon ami Normand Maurice, bien connu dans le domaine du monde de l'écologie, dans le fond, il y a seulement deux grandes catégories de personnes qu'on peut demander de payer le 600 millions dont vous parlez: soit aux citoyens ou soit encore aux consommateurs, par l'entremise de droits environnementaux. Mais, pour autant, il n'y a pas 14 millions de Québécois au Québec, il y en a seulement sept. Alors, il y a toujours des choix déchirants quant à la capacité de payer des individus et des familles qu'ils composent, par rapport aux enjeux écologiques que nous avons à rencontrer, à relever.

À cet égard-là, moi, je vous demanderais ceci. Le 600 millions, admettons qu'on pourrait, d'un coup de baguette magique, le faire apparaître. Vous avez parlé de mesures ciblées, comme, entre autres, celle très prometteuse du covoiturage. On sait qu'il faut relancer... Moi, je suis surpris à chaque matin de voir à quel point ça commence, là, il y a un éveil, il y en a plus maintenant qu'il y en avait il y a un certain temps. Mais je suis encore surpris de voir le nombre de personnes seules à bord d'un même véhicule. Outre cette mesure ciblée du covoiturage et du transport en commun, vous verriez ce 600 millions là mis comment? Verriez-vous de grands projets structurants, par exemple, de TGV Québec-Montréal?

Le Président (M. Labbé): M. Perreault.

M. Perreault (Robert): D'abord, sur la capacité de payer, j'ai mentionné un chiffre, tantôt, nous sommes capables de payer, nous allons mettre ensemble 240 milliards, au cours des 10 prochaines années, dans la voiture. Ce n'est pas l'argent qui manque, c'est une question de choix et d'allocation de ressources. Quand vous décidez de vous établir à 35 km de Montréal et que vous devez acheter une troisième voiture pour votre fils ou votre fille qui va à l'université, vous ne manquez pas de ressources, c'est un choix d'organisation de vie. Si le gouvernement vous construit un pont puis une autoroute pour vous y rendre plus facilement, avec les fonds publics, ce n'est pas une question de manque de ressources, c'est une question de choix politique.

Il est évident qu'il y a un exercice collectif difficile de réallouer les ressources dont nous disposons, de réallouer la façon dont on dépense notre argent. Je ne prétends pas que les gens ne doivent pas avoir de voiture, j'en ai une personnellement, mais il reste quand même qu'on n'est pas obligé d'en avoir trois puis quatre par ménage, surtout quand on vit en zone urbaine. Il n'y a donc pas nécessairement absence de ressources. C'est qu'actuellement, ce sont tous des choix individuels les uns à côté des autres, et l'État n'a pas suffisamment encadré ces choix individuels par toute une série de politiques convergentes. C'est ce que nous prétendons.

n(16 h 50)n

Maintenant, quant aux solutions sur la façon de dépenser le 600 millions, il n'y a pas de problème, ce n'est pas les projets qui manqueraient. Le montant de 600 millions, c'est ce qui a été identifié par les sociétés de transport si elles voulaient pouvoir atteindre, dans le secteur des transports, le transfert modal de telle sorte que le transport en commun voie augmenter son achalandage de 5 % par année pendant les 10 prochaines années, portant la part relative des transports en commun à 40 %, amenant une diminution de la part de l'automobile et, ce faisant, permettant d'atteindre une réduction des gaz à effet de serre proportionnelle, dans le secteur du transport, à sa part relative, 38 %, de l'effort global, alors qu'actuellement dans le projet ministériel il n'est qu'à 12 %, alors que c'est le secteur le plus important. Alors, les projets, ils sont nombreux.

Évidemment, vous avez mentionné des projets qui concernent l'extérieur de l'île. Nous nous sommes concentrés, dans notre mémoire, sur les projets de l'île. Vous parlez du TGV; je sais qu'il y a des projets... Écoutez, on est arrivés par le train ? on ne sait pas d'ailleurs si on va pouvoir repartir à temps par le train. Il avait une demi-heure de retard. Ça n'a pas de bon sens. C'est en-dessous de tout, t'est en-dessous de tout, les transports publics, au Québec. Alors, sûrement qu'il y aura des choses à faire entre des villes comme Montréal et Québec, et ce n'est pas nécessairement nécessaire d'investir dans le TGV. Je sais que Bombardier a un projet qui coûte beaucoup moins cher sur des voies traditionnelles. On pourrait au moins doubler la voie Montréal-Québec, là. Mais au-delà de ça, à Montréal même, les projets sont très nombreux.

Il y a eu ne diminution de la contribution du gouvernement, en 1992, si ma mémoire est bonne ? M. Benoit va s'en rappeler ? j'étais là, elle a été remplacée par les villes, et les syndicats, et les usagers. Et les administrations suivantes, au niveau municipal, se sont à nouveau retirées pour un autre 70 millions, après le 160 millions de Québec. Au total, à Montréal, actuellement, où se reconcentrent 85 % des déplacements par les transports publics, il y a une diminution de l'offre de services. Si vous prenez l'autobus, vous attendez plus longtemps. Vous pouvez attendre 15, 20 minutes, une demi-heure à l'heure de pointe, à Montréal, pour prendre un autobus, selon l'endroit où vous allez. Alors, ne fusse que de réinjecter de l'offre de services.

Je ne parle même pas, là, des instruments lourds comme les trains légers sur rail sur l'avenue du Parc ou des choses semblables, où il y a 15 000 personnes, à l'heure de pointe, qui prennent cet axe-là, actuellement, dans le banc de neige, là. Je veux dire, on ne parle pas de peu de gens. Alors, 15 000 voitures, là, avec les frais de stationnements et tout, les garages, tout ce qui est nécessaire pour ça, c'est probablement à long terme beaucoup plus d'argent qu'un métro dans la voie de l'avenue du Parc. C'est juste que la décision ne se prend pas au même endroit, au départ, et c'est là l'exercice difficile. Mais, si on ne le fait pas... D'abord, d'éviter d'empirer la situation, et là il faut que le gouvernement revoie son plan de gestion des transports dans la région de Montréal; c'est un plan qui empire la situation.

Le Président (M. Labbé): M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Permettez-moi rapidement d'aborder ce point très important avec vous, en lien avec la stratégie de transport et toute la problématique de l'étalement urbain, des banlieues, de l'expérience londonienne, qu'on vit présentement et qui suscite beaucoup de réactions, de débats. D'où vous êtes placés, je suis sûr que vous suivez beaucoup mieux cela que moi, mais lorsqu'on parle de péage, lorsqu'on parle d'une nouvelle taxe sur l'essence, lorsqu'on parle de taxe de stationnement, vous n'avez pas peur que finalement on provoque sans le vouloir une forme d'étalement urbain, un retour aux banlieues, qu'à terme il soit tellement difficile ou tellement onéreux d'avoir une entreprise dans la ville que bon, bien, en termes de rationalité, les PME décident de se mettre en périphérie de Montréal, plutôt que dans Montréal? Sachant que cette question est très importante puisque vous savez que plus de 50 % de la population du Québec vit dans une de nos neuf grandes agglomérations.

Le Président (M. Labbé): M. Perreault.

M. Perreault (Robert): C'est clair que chacune des mesures devront être dosées, devraient être dosées. Mais, je veux dire, il y a des villes comme New York, il y a des péages sur les ponts pour entrer dans Manhattan et puis, ma foi, New York ne se porte pas mal. On verra, l'exemple de Londres, qu'est-ce que ça donne. Il y a déjà eu dans le passé des péages sur les autoroutes pour entrer à Montréal et, je veux dire, Montréal n'était pas en perdition. C'est clair qu'il y a un certain impact à la marge. Mais, je vous relancerais la question autrement: Si on est sérieux dans l'atteinte des objectifs de moins 6 %, si le secteur des transports représente 38 %, s'il est en augmentation de plusieurs pourcentages de points par année, qu'est-ce qu'on fait? Où prend-on les sommes d'argent nécessaires pour revoir l'organisation des services?

Nous, on dit: Il faut les prendre là où le bât blesse, c'est-à-dire dans le coût relativement bas, je sais que je ne suis pas populaire en disant ça, relativement bas de l'usage de l'automobile au Québec et à Montréal, par rapport à d'autres pays dans le monde. Alors, les Américains, c'est moins cher, mais ils ont décidé qu'ils ne l'appliqueraient pas, Kyoto. Et, même là, les mesures en transport public du gouvernement fédéral américain sont beaucoup plus développées que les mesures qu'on développe ici, au niveau de l'État québécois ou de l'État fédéral.

Le Président (M. Labbé): M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Bien, M. le Président, avec votre permission, mon collègue député de La Peltrie aurait une question à adresser à M. Perreault.

Le Président (M. Labbé): Effectivement, M. le ministre. Alors, sans plus tarder, je cède la parole au député de La Peltrie, pour une question.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, j'aimerais souhaiter la bienvenue à un ancien collègue qui se présente ici aujourd'hui avec d'autres responsabilités, d'autres fonctions. On est toujours très heureux de l'accueillir.

Bon. Moi, je vous félicite, d'abord, de votre mémoire, qui, je pense, touche à des points qui sont très importants. Puis, entre autres, moi, ce que je veux relever ici, c'est en termes de recommandations concernant les nouveaux stationnements dans le centre-ville de Montréal. Mais dans les grandes agglomérations, je pense, c'est un problème qui survient, ça, assez régulièrement. Parce que, à chaque fois qu'il y a un nouvel édifice qui se construit, que ce soit pour des espaces à bureaux ou pour le logement, bon, dans les plans d'aménagement, pour tant d'étages, tant d'espace, alors ça prend tant de stationnements. Alors, moi, j'apprécie le fait que vous preniez en considération cet aspect-là, puis d'en faire des recommandations de réduire.

Et puis, la ville de Montréal avait déjà pris des mesures dans ce sens-là en 1994, à ce que je vois, pour réduire de 3 000. Bon. Est-ce que la ville de Montréal a toujours cette ouverture-là à l'effet de continuer à réduire ses espaces de stationnement, là? Est-ce que ça s'est réalisé, ça, depuis 1994, les objectifs qu'ils s'étaient fixés? Et est-ce qu'on veut continuer dans ce sens-là? On dit, bon: Oui, c'est des politiques gouvernementales, mais aussi je pense qu'au niveau de la ville il y a aussi... je pense, c'est nécessaire que... l'ouverture qu'elle peut démontrer face à certaines de ces recommandations-là.

Le Président (M. Labbé): Alors, M. Porlier, pour une courte réponse, s'il vous plaît.

M. Porlier (André): Simplement au niveau du stationnement, ce qui a été fait depuis 1994, il n'y a pas vraiment d'application à la ville de Montréal. Le problème est peut-être à la source, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de politique de transport qui a été développée. C'est un peu comme on en parlait tout à l'heure, le 600 millions, si on met des péages, évidemment, si on propose seulement un péage mais on ne dit pas qu'est-ce qu'on peut offrir pour ce péage, c'est-à-dire des transports en commun efficaces, les gens vont le refuser. C'est un peu la même chose au niveau du stationnement, je pense, il faut avoir une vision d'ensemble. La ville de Montréal, je pense, par le biais de son plan d'urbanisme, est en train d'étudier la question.

Évidemment, il faut avoir une vision un peu systémique du problème, pas seulement dire: On ferme les stationnements. On ferme les stationnements, oui, mais pour d'autres mesures. Ça peut être des stationnements incitatifs, à l'extrémité des réseaux de transport en commun. C'est un peu de la même façon qu'au niveau du péage: on doit offrir finalement des services supplémentaires. Donc, l'argent récolté du péage doit servir finalement à améliorer le transport en commun, et, comme ça, on ne fait pas seulement frapper sur la tête des automobilistes, on offre une alternative viable.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Porlier. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au député de l'opposition, le député d'Orford.

n(17 heures)n

M. Benoit: Oui. M. Perreault, merci d'être ici, ainsi que M. Porlier. Je l'ai dit publiquement, lors de votre congrès au CRE, comment certains CRE en ce moment sont après faire la différence dans le débat environnemental. Ce sont des institutions qui sont tout à fait récentes, et c'est inégal, la qualité des CRE en ce moment, ou la performance. Bien sûr, je pense que celui des Cantons-de-l'Est est le meilleur, au moment où on se parle, mais ça, c'est... Pécher par indifférence, ce serait difficile. Mais je pense qu'effectivement votre arrivée, M. Perreault, au CRE de Montréal a fait toute la différence. Et, je vous l'ai dit et je vous le redis publiquement, le débat que vous avez mené sur l'autoroute Notre-Dame, j'étais heureux de vous voir le mener, et en quelque part vous avez fait la différence. Et, moi, j'aime bien ça, les gens environnementalistes qui font la différence dans les débats. Et, dans votre cas, et votre groupe, je pense que vous êtes arrivés à faire pencher la balance. Ce n'est pas parfait, loin de là, mais vous avez fait une différence et je veux vous en féliciter.

Je veux revenir sur la question de notre confrère qui vous parle des stationnements. D'ailleurs, ça doit vous faire drôle de vous retrouver de l'autre bord de la banquette, là, vous qui avez été ici, de bord-ci, vous faire questionner plutôt que de questionner. Au même moment où la ville de Montréal nous dit qu'elle devrait baisser de 3 000 le nombre de places de stationnement, nous apprenons que la Grande Bibliothèque de Montréal, elle, aura un stationnement de 300 places. Il y avait là une belle occasion de baisser de 10 %, je pense. Et, quand vous dites finalement: On parle des deux côtés de la bouche, est-ce que ce n'est pas le plus beau cas qu'on peut avoir en ce moment?

Le Président (M. Labbé): M. Perreault.

M. Perreault (Robert): On pourrait les multiplier. Effectivement, la ville de Montréal avait comme politique en 1994 de réduire le nombre de places de stationnement au centre-ville, à la fois pour des raisons d'esthétisme, des stationnements extérieurs, mais aussi pour des raisons d'objectif de transport public. Le contraire s'est produit. De fait, il y a eu une augmentation au cours de ces années-là. Il y avait eu un changement à l'administration.

Le gouvernement du Québec participe de la même logique que, un peu, la ville, là-dessus, je dois dire. Chaque projet ? d'ailleurs la ville l'exige en partie ? chaque projet du gouvernement du Québec appelle des nouvelles places de stationnement. Je vous donne un exemple, le projet du CHUM prévoit, à côté de la station de métro, 4 000 places de stationnement supplémentaires. 4 000 places, c'est quelque 30 millions de dollars, et même un peu plus, pour du stationnement. Je comprends que ça prend du stationnement pour les médecins, le personnel la nuit, quelques visiteurs, mais c'est beaucoup. C'est beaucoup. On a soulevé cette question. Vous parlez de la Grande Bibliothèque, on pourrait les multiplier.

Puis, là-dedans, dans le fond, moi, je ne dis pas nécessairement que c'est le problème, que c'est la faute du gouvernement, je dis juste que, collectivement, on n'a comme pas encore vraiment décidé que, si on voulait atteindre l'objectif de Kyoto, il va falloir revoir nos façons de faire en matière de transport des personnes, et ça va passer notamment par des politiques de stationnement.

Alors, maintenant, plutôt que de forcer à ce qu'il y ait du stationnement, il faudrait peut-être, au contraire, forcer à ce que les employeurs ? et c'est peut-être une des mesures du rapport Bernard, intéressantes ? par exemple, s'ils fournissent des types de transport, que ce soit déductible fiscalement. Ce sont des mesures qui, cette fois-là, sont positives, incitatives à l'usage du transport public.

M. Benoit: Et je pensais que vous le diriez, mais, étant donné que vous l'avez oublié, moi, je vais le dire, je vous rappelle que la Grande Bibliothèque, pour les gens qui nous écoutent, est parquée à côté de la station de métro la plus importante de la ville de Montréal, Berri-Demontigny, où, si je comprends bien, tous les métros se rencontrent là. Alors, on pourrait aller lire à la bibliothèque en métro, et là, on va y aller en auto finalement.

Je voudrais revenir... Je ne l'ai pas dit tantôt, mais, votre mémoire ? on en a reçu un bon nombre, là ? votre mémoire est très, très bien fait; il y a des statistiques là-dedans que personne ne nous a montrées encore; je ne sais pas si on les verra dans d'autres mémoires. C'est un mémoire qui est bien monté, des bons arguments. Effectivement, je suis un peu comme le ministre, vous n'y allez pas avec le dos de la cuiller sur la taxation, mais c'est correct, vous avez droit à vos opinions.

On a appris tantôt, de notre confrère, qu'il y avait 4,4 millions de voitures au Québec ? c'est la statistique ? et, si je comprends bien votre statistique à la page 14, il y a 1 134 000 voitures qui entrent sur les ponts, de moyenne, par jour, et j'imagine qu'il y a quoi, dans la ville de Montréal? il y a un autre 1 million d'autos ou quelque chose comme ça?

M. Perreault (Robert): Oui. Ah, sûrement!

M. Benoit: Alors, on peut s'entendre facilement de dire que la moitié du parc automobile du Québec est sur l'île de Montréal à un moment ou à un autre dans la journée.

M. Perreault (Robert): Oui. Dans la région de Montréal et peut-être pas toujours sur l'île de Montréal, mais il y a sûrement... il y en a un bon paquet. Combien?

Une voix: Près de 2 millions.

M. Perreault (Robert): Près de 2 millions de voitures, quelque 2 millions de voitures qui sont sur l'île de Montréal.

M. Benoit: Donc, la moitié du parc automobile du Québec est sur la belle île de Montréal. J'étais petit gars, on parlait du transport en commun. Je suis pas mal plus vieux que je l'ai déjà été puis on parle encore du transport en commun puis, comme certains d'entre nous, on a eu l'occasion d'aller à Salt Lake City, on a eu l'occasion d'aller dans des villes européennes ? vous en faites plein d'exemples dans votre mémoire ? et il me semble que, là-bas, on a décidé de bouger, même dans des villes américaines.

Je veux dire, trop souvent, on a eu l'impression que c'était un concept de l'esprit qui venait de l'Europe puis que, les nord-américains, on n'était pas rendus là. Mais, Salt Lake City, par exemple, pour les Olympiques, ont fait un choix d'aller vers le transport en commun et c'est extraordinaire, ce qu'ils ont fait. Moi, j'aimerais ça vous entendre. Trop longtemps, on a pensé que c'était un concept européen, ça, le transport en commun.

Le Président (M. Labbé): M. Perreault.

M. Perreault (Robert): Historiquement à Montréal, la part des transports publics est importante. Elle est dans les moyennes supérieures des villes, en tout cas sûrement nord-américaines. Il suffit de penser à ce que serait le centre-ville de Montréal et, donc, tout le dynamisme économique de Montréal si, par exemple, le métro n'avait pas été construit dans les années 1967, bien, ce serait un autre Montréal parce que probablement qu'il ressemblerait peut-être plus à Détroit, avec un centre-ville qui se vide le soir ou les weekends, beaucoup moins dynamique; les gens iraient déserter la ville. C'est clair que l'investissement massif dans un élément aussi structurant a aidé à préserver le dynamisme de Montréal et du centre-ville à tous points de vue.

Historiquement, il faut savoir que, parmi les grands avantages économiques des Montréalais ? ce n'est quand même pas toute la population du Québec, mais on parle pour eux parce qu'on est le CREM ? il faut savoir que le faible coût du logement et la facilité d'utilisation des transports publics constituent deux des éléments importants de la qualité et du niveau de vie des Montréalais par rapport à d'autres grandes agglomérations. On assiste de plus en plus à un décrochage. Il faut se rappeler que d'avoir une deuxième voiture puis une troisième voiture par ménage, c'est très pénalisant au terme des ressources par ménage. Ça l'est pour l'État québécois: j'ai indiqué tantôt 240 milliards au cours des 10 prochaines années; donc presque la moitié s'en va à l'étranger sans presque aucun bénéfice pour l'économie du Québec. C'est pénalisant et c'est pénalisant pour les ménages d'avoir à assumer un tel fardeau par rapport aux coûts normalement des transports publics.

Le problème, c'est que, pour pouvoir permettre à un citoyen de faire le choix, il faut qu'il y ait en amont une décision des pouvoirs publics. Faire le choix d'acheter une voiture, c'est un choix individuel; faire le choix de prendre le transport en commun, ça suppose qu'il y en ait et c'est les pouvoirs publics qui peuvent faire d'abord en amont les investissements nécessaires. On dit: 5, 600 millions, c'est beaucoup. Encore une fois, je pense que les ressources sont là. C'est un problème de façon, pour l'État, de trouver le moyen de prévoir une réallocation de ces ressources.

Alors, donc, écoutez, ça a été important, le transport en commun, à Montréal, ça l'est encore, mais on a atteint un point qui pourrait friser ce qu'on appelle le décrochage. Quand on arrive à moins de 20 % de la part relative des transports publics dans une région ? c'est le cas de la région métropolitaine de Montréal actuellement ? le rapport de force va finir par tomber au point où, à un moment donné ? vous êtes des politiciens, vous le savez ? le rapport de force n'est plus là. Mais c'est notre société qui va y perdre. En tout cas, de façon certaine, c'est notre capacité d'atteindre l'objectif de Kyoto qui va y perdre.

Le Président (M. Labbé): M. le député.

M. Benoit: Beaucoup de gens nous ont parlé, puis vous en parlez dans... c'est la recommandation 17, là, M. Perreault, vous nous dites: «Adopter au Québec ou faire adopter au Canada, les nouvelles normes d'efficacité énergétique proposées par l'État de la Californie».

Est-ce que ça a trait d'une façon spécifique ces normes-là ? je ne les connais pas, je vais vous le dire franchement ? est-ce que ça a trait spécifiquement au monde urbain?

Le Président (M. Labbé): M. Porlier.

M. Porlier (André): Non, ça s'adresse à tout le parc automobile finalement, c'est pour l'acquisition de véhicules neufs, l'idée étant que, évidemment, on doit jouer sur le parc automobile existant et à venir. Donc, les achats qui vont se faire, les véhicules doivent être plus efficaces. On doit intégrer aussi des véhicules électriques, ce qui est un peu le programme de la Californie, donc intégrer davantage le véhicule électrique.

Mais évidemment, il doit y avoir aussi l'aspect infrastructure, là. Comme on disait tout à l'heure, même des villes américaines comme Milwaukee, qui ne sont pas nécessairement exemplaires au niveau du transport en commun, ont fait un virage en détruisant une autoroute pour laisser place à des boulevards urbains et une nouvelle place au niveau du transport en commun. Donc, il n'est pas trop tard pour bien faire.

M. Benoit: Très bien. Merci, M. le Président, merci, messieurs.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, M. Porlier et M. Perreault. On est toujours content de vous voir ici. Alors, au nom du Conseil régional de l'environnement de Montréal, on vous remercie pour votre présentation.

Sans plus tarder, on invite les gens de la Bourse de Montréal à bien vouloir prendre place, et je suspends quatre minutes pour permettre une petite pause santé à tout le monde. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 9)

 

(Reprise à 17 h 13)

Le Président (M. Labbé): On va reprendre nos travaux. Alors, sans plus tarder, c'est avec plaisir que nous recevons la Bourse de Montréal, le représentant. Alors, sans plus tarder, je présume que c'est M. Bitton, je pense, qui va prendre la parole, qui va avoir le plaisir de nous présenter son collègue. Alors, messieurs, vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Alors, M. Bitton, vous avez la parole.

Bourse de Montréal

M. Bitton (Léon): Merci. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Jean-Charles Robillard, directeur des communications à la Bourse de Montréal.

M. le Président, M. le ministre délégué, Mmes et MM. membres de la commission, je voudrais tout d'abord vous remercier au nom de la Bourse de Montréal pour votre invitation et louanger les promoteurs de cette commission qui a le mérite de provoquer un faisceau de réflexions convergentes sur la nécessité d'une démarche visant à créer un marché organisé de permis échangeables et de produits dérivés qui s'y rattachent.

Nous croyons que l'établissement d'un tel marché facilitera l'atteinte des objectifs de réduction du niveau des émissions de gaz à effet de serre à moindre coût. L'objectif de réduction est ambitieux. Il est donc essentiel de mettre en place un plan qui permettra au Québec et au reste du Canada de relever avec succès ce défi environnemental d'importance auquel nous sommes tous et toutes confrontés. Avec comme toile de fond l'expérience de la Bourse de Montréal dans la gestion des marchés organisés, je vais tenter, dans les limites du temps imparti, de faire ressortir les principes de fonctionnement et les bienfaits d'un marché organisé ainsi que les conditions que nous jugeons préalables à la réalisation d'un marché de gaz à effet de serre.

Une bourse est un marché organisé qui facilite l'échange, car elle permet de mettre en présence un grand nombre d'agents économiques qui sont tous placés sur un pied d'égalité, indépendamment de leur taille ou de leur statut. Une bourse facilite aussi la circulation de l'information et elle permet de réduire les coûts des intervenants du marché. Il est important de souligner, dans cette définition, le rôle de facilitateur d'une bourse. En effet, une bourse ne crée pas de transaction, elle est plutôt le reflet de l'activité de ses usagers.

Il y a deux catégories de marchés: le marché physique ou comptant qui est le bien réel ou financier négocié et le marché des contrats à terme et des options qui, lui, est basé sur ce même sous-jacent. Une particularité d'une bourse de produits dérivés ou d'options et de contrats à terme est qu'elle conçoit et développe elle-même, en collaboration avec le marché, les caractéristiques des produits qui s'y transigeront, contrairement évidemment à l'activité dans le marché au comptant.

En ce qui a trait au marché des permis échangeables, permettez-moi d'introduire à ce stade-ci une condition que nous jugeons essentielle à l'existence d'un marché organisé, que ce soit au comptant ou à terme: il s'agit évidemment de la nécessité d'adopter des normes et des modalités de certification gouvernementale qui faciliteront la standardisation ou la fongibilité des permis, à l'échelle pancanadienne et internationale. Cela évidemment permettra de réduire la fragmentation du marché qui est d'ailleurs déjà de taille relativement réduite pour l'ensemble du Canada. En effet, l'enjeu premier d'une bourse est d'atteindre une masse critique d'activités afin d'assurer l'efficacité et la pérennité de son marché. C'est en fait dans cette optique que la Bourse de Montréal a entamé et a aussi réussi le virage de spécialisation dans les produits dérivés.

La Bourse de Montréal est aujourd'hui la seule Bourse de produits dérivés financiers au Canada. Elle offre aux investisseurs particuliers et institutionnels québécois, canadiens et internationaux un environnement de négociation entièrement électronique. Auparavant une société mutuelle, la Bourse de Montréal s'est également transformée en société commerciale dirigée vers les besoins du marché. L'essor du marché de la Bourse de Montréal, est remarquable: le volume quotidien se situe en moyenne à 20 milliards de dollars exprimés en valeurs notionnelles du sous-jacent. Par comparaison, le marché canadien des permis de réduction de gaz à effets de serre est évalué à 240 mégatonnes d'équivalents CO2 en moyenne par année, au cours de chacune des cinq années de 2008 à 2012, ce qui équivaut à un marché de 2,4 milliards de dollars, basé sur un cours de 10 $ la tonne.

Ainsi, l'enseignement à tirer, pour le marché des gaz à effets de serre, à partir de notre expérience, est qu'il faut éviter la fragmentation du marché en centralisant la liquidité sur une seule bourse, préférablement une bourse à caractère pancanadien avec des accès et des liens internationaux, de façon à favoriser l'atteinte d'une masse critique d'activités nécessaires à la réalisation de ces activités et, ainsi, aussi, éviter les dédoublements des coûts et des services pour les intervenants du marché.

Voyons maintenant quelques bienfaits d'un marché organisé. Un marché organisé assure un mécanisme efficace de découverte de prix. La transparence des prix repose essentiellement sur l'existence d'une plateforme de négociation électronique accessible, de façon instantanée, à tous les participants intéressés au marché. À ce titre, nous avons, à la Bourse de Montréal, en 2002, pu étendre l'accès direct à notre marché à des usagers situés aux États-Unis et en Grande-Bretagne, avec l'assentiment des autorités réglementaires de ces deux pays.

Un marché organisé doit aussi conférer aux clients la certitude de voir leur ordre exécuté au meilleur prix sans discrimination quant à leur statut ou à leur taille, d'où la notion d'universalité des prix d'un marché organisé. En outre, la dynamique d'un marché organisé élimine les coûts transactionnels reliés à l'asymétrie de l'information. Les coûts de transaction sont alors réduits aux coûts minimaux d'opération. En fait, l'accès facile au marché et les coûts réduits sont les deux facteurs essentiels à la liquidité d'un marché organisé.

Le marché organisé offre également une sécurité incomparable qui repose essentiellement sur le rôle de la société de compensation et sur son mécanisme très élaboré de gestion de risques. Dans un contexte hors bourse que nous appelons également de gré à gré, les transactions se nouent entre acheteurs et vendeurs sur une base bilatérale. Chaque parti doit tenir compte de la qualité du crédit de la contrepartie et du volume des opérations déjà réalisées avec cette contrepartie.

La société de compensation joue un rôle de premier plan dans les activités de la bourse, puisqu'elle se porte garante de tous les engagements contractuels entre les parties d'une transaction boursière. À cet égard, permettez-moi de souligner la solidité financière de notre société de compensation à la Bourse de Montréal qui s'est d'ailleurs fait octroyer en 2002 la cote de crédit AA par la firme Standard & Poor's.

Un autre volet de la sécurité des marchés, et non le moindre, doit être assuré par la présence d'une autorité réglementaire indépendante qui doit assurer la surveillance permanente des participants du marché et le bon fonctionnement du marché. Une bourse doit évoluer dans un cadre réglementaire qui minimise des ambiguïtés. Si les participants perdent confiance dans l'intégrité et dans le caractère équitable du marché, ils délaissent le marché. La Bourse de Montréal dispose d'ailleurs d'une division de réglementation qui est une entité distincte et indépendante reconnue par la Commission des valeurs mobilières du Québec. La Bourse reconnaît ainsi l'importante d'un bon encadrement réglementaire pour assurer la sécurité et la confiance du marché, une bourse, donc, un marché organisé et bien structuré dont les grands attributs sont la transparence, l'universalité des prix, la liquidité, les coûts réduits et la sécurité.

n(17 h 20)n

La mutation de la Bourse de Montréal en société commerciale entièrement automatisée ainsi que l'accès pancanadien et international à sa plateforme de négociation et la sécurité que procure sa société de compensation lui permet d'assurer le développement de son marché, mais aussi lui offre la possibilité et la flexibilité de desservir des nouveaux marchés. C'est ainsi que nous avons annoncé dernièrement notre participation à la création d'une bourse électronique d'options aux États-Unis, ce qui illustre bien la marque de reconnaissance internationale de l'expertise que la Bourse de Montréal a acquise dans la mise en place et l'exploitation de marchés organisés électroniques.

Je vais maintenant passer rapidement en revue ce que nous préconisons comme étant les conditions préalables à la création d'un marché organisé de permis échangeables. Pour qu'un marché efficient de permis échangeables émerge, il est nécessaire de se doter d'une bourse organisée et d'une société de compensation bien capitalisée qui desserviront ce marché sur la base des critères de transparence, de liquidité et de sécurité énoncés lors de ma présentation.

En deuxième lieu, le marché de permis échangeables doit mobiliser un maximum de participants. En effet, plus la clientèle est diversifiée et nombreuse, plus vite la masse critique d'activités est atteinte. Dans ce sens, nous pensons qu'il sera important d'établir un système d'échanges à caractère pancanadien avec des accès et des liens internationaux. Il faut se rappeler que l'existence d'un prix d'équilibre sur un marché organisé repose sur l'hétérogénéité des anticipations des opérateurs et sur la divergence des modes de rationalité des agents qui y oeuvrent. Par exemple, en situation d'anticipation homogène, les arbitragistes jouent un rôle-clé dans l'établissement du prix d'équilibre.

En troisième lieu, tel que déjà évoqué, une autre condition préalable à la création d'un marché organisé de permis échangeables est l'adoption de normes de fonctionnement par les gouvernements ainsi que les règles d'encadrement du marché, principalement au niveau de la fonction de registraire et d'application de ces règles.

En quatrième lieu, pour favoriser le développement du marché des permis échangeables, il sera nécessaire de doter le marché d'instruments dérivés tels que les contrats à terme et les options. Quand un opérateur dispose d'un marché comptant, d'un marché de contrats à terme et d'un marché d'options, les possibilités d'intervention qui lui sont offertes sont en fait illimitées, ce qui accroît l'efficacité économique du marché.

En guise de conclusion, je voudrais vous remercier de cette opportunité de vous présenter notre avis d'experts dans la gestion de marchés organisés, qui est notre champ de compétence. Nous sommes prêts à accompagner les instances gouvernementales et les intervenants du marché dans la réflexion en cours visant à déterminer les paramètres d'un marché organisé efficace de permis échangeables et de produits dérivés qui s'y rattachent. Je vous remercie de votre attention. Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions, s'il y a.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. Bitton, pour votre présentation. Sans plus tarder, je vais céder la parole, comme il se doit, au ministre délégué à l'Environnement et à l'Eau. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Bien, merci beaucoup à vous, M. le Président. Alors, M. Bitton, M. Robillard, merci beaucoup de votre présence et pour la qualité de votre mémoire.

Je n'aurai qu'une toute petite question, mais d'abord, vous me permettrez de vous dire que, en vous écoutant, je ne pouvais m'empêcher de me remémorer cette phrase qu'il y a sur le fronton de l'entrée de la Chambre de commerce de Paris qui dit que de la liberté du commerce naît la prospérité. C'est un peu la réflexion qui me revenait à l'esprit en vous écoutant.

Vous nous avez parlé de l'importance de la création d'un marché organisé des émissions de gaz à effet de serre. Je ne suis pas un spécialiste dans le domaine, mais je crois comprendre qu'on a des amis dans le reste du Canada qui ont déjà proposé, à Winnipeg, une idée équivalente, la Canadian Climate Exchange, qui se propose de faire essentiellement ce que vous voulez faire, et je crois comprendre qu'à Chicago aussi on ferait déjà ou on serait sur le point de faire ce que vous voulez faire.

Alors, ma question est très simple: Est-ce que vous n'arrivez pas... N'arrivez-vous pas un peu trop tard?

Le Président (M. Labbé): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): En fait, je voudrais juste préciser mes propos. Aucune décision n'a été prise de la part de la Bourse. Nous explorons, à l'heure actuelle. Évidemment, nous accompagnons le marché dans sa réflexion.

Je devrais vous dire qu'il est évident que la création d'une bourse nécessite une infrastructure assez importante: une plateforme de négociation électronique, une chambre de compensation, etc., qui sont évidemment des atouts dont dispose la Bourse de Montréal. Donc, il est évident que le marché n'est pas encore à un stade de maturité. Ce à quoi on fait face aujourd'hui, c'est davantage à des déclarations d'intention, pour ce qui est de la Bourse canadienne, à laquelle vous avez fait allusion. Par contre, en ce qui a trait à la Bourse américaine, encore une fois, rien n'empêcherait éventuellement que la Bourse de Montréal ne puisse pas desservir les besoins du marché canadien, dans l'éventualité d'une telle décision, et ainsi de tisser des liens avec ces autres organismes, dans le but d'atteindre l'objectif que j'ai évoqué dans ma présentation, qui est un objectif de concentration de liquidités.

Alors, encore une fois, je tiens à insister sur le fait que nous sommes là pour vous présenter un avis d'experts. Nous avons un savoir-faire et une infrastructure nécessaires pour accompagner le développement de ce marché. Et nous venons ici pour témoigner notre expertise par rapport à ce savoir-faire et à cette infrastructure.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Bitton. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): On connaît évidemment, pour la Bourse de Montréal, toute l'importance qu'occupe la dimension des produits dérivés. Vous connaissez beaucoup mieux que moi les mutations qu'a connues la Bourse de Montréal au cours des dernières années. Par rapport, donc, à cette idée de développer un marché organisé des émissions de gaz à effet de serre, en quoi le gouvernement du Québec, qui a toujours été historiquement un partenaire de la Bourse de Montréal, en quoi notre gouvernement pourrait-il être partenaire de la Bourse de Montréal?

Le Président (M. Labbé): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Je pense que, à ce stade-ci, comme je l'ai évoqué dans ma présentation, ce qui est le plus important, c'est de clarifier ce qu'on appelle les règles du jeu, donc de clarifier les règles de fonctionnement du marché lui-même et d'en assurer son intégrité en matière de certification de ce marché. Nous sommes encore loin de cette réalité. Dans ce sens, il est certain qu'une collaboration gouvernementale, public et privé, pourrait être utile dans la création d'un marché. Nous avons pu voir ce genre de collaboration en Grande-Bretagne où nous avons vu, donc, les instances gouvernementales plus ou moins parrainer un projet-pilote au sein d'une bourse établie. Donc, il est certain qu'il va y avoir un intérêt du privé, et peut-être avec un appui gouvernemental afin de desservir ce marché. Encore une fois, à ce stade-ci de la réflexion, ce qui serait le plus utile et important pour que le privé puisse s'impliquer davantage, c'est de définir, donc, les modalités et les normes de conduite de ce marché.

M. Simard (Montmorency): M. Bitton, vous savez que derrière le premier ministre du Québec se cache également un éminent économiste. Or, si le gouvernement du Québec peut vous être d'une quelconque utilité, nous serons à l'écoute.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté ministériel? Non? Ça va? Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au député de l'opposition, le député d'Orford.

M. Benoit: Bienvenue parmi nous, messieurs. Plus tôt, aujourd'hui, nous avons eu ? attendez, là que je me... oui, c'est ça ? l'Association des manufacturiers exportateurs du Québec, et je leur ai posé un peu la même question que le ministre. Il y a effectivement Chicago; on a reçu ici le Dr Walsh, la semaine dernière, qui nous a fait une très belle présentation. Je ne savais pas, j'ai appris tantôt qu'il y avait aussi Winnipeg qui était après s'organiser. Quand on a posé la question aux manufacturiers exportateurs du Québec, eux, ils ont dit: Bien, on ne voudrait pas réinventer la roue, mais Montréal a déjà... Vous étiez peut-être là au moment où ils l'ont dit: Montréal a déjà quelque chose, mais on ne voudrait pas réinventer la roue.

Finalement, la question que je vous pose: Est-ce que les volumes sont suffisants, au Québec, pour arriver? Parce que, si je comprends bien comment fonctionnent les marchés boursiers, il y a un attrait à aller vers un marché où il y a des volumes, et où il y a une plus grande liquidité, et probablement où les prix quelque part sont peut-être un peu plus stables s'il y a des volumes, et il est probablement plus facile de passer votre vente ou votre achat si le volume est plus grand. Alors, à partir de ce que nous ont répondu les manufacturiers, qu'est-ce que vous pouvez offrir aux gens du Québec? Vous nous dites que vous êtes à une phase exploratoire seulement. Ces marchés-là sont déjà... Chicago est déjà en place et, dans le cas de Winnipeg, je crois comprendre qu'ils sont aussi déjà en place.

Le Président (M. Labbé): M. Bitton.

n(17 h 30)n

M. Bitton (Léon): Une précision. Le communiqué de Winnipeg était davantage dans le sens de l'exploration également, donc de l'examen et de l'exploration du marché. Pour répondre à votre question spécifiquement, je vous dirai candidement que le marché, au Québec, n'a pas la masse critique nécessaire pour l'établissement d'un marché équilibré.

Encore une fois, dans mes propos, si vous vous souvenez, j'avais parlé d'homogénéité, d'anticipation du marché versus l'hétérogénéité. Alors, on s'aperçoit qu'au Québec on ne pourra pas justifier la création uniquement sur cette base d'un marché liquide. Et puis c'est dans ce sens que, dans mes propos, j'envisageais davantage donc un marché qui pourrait démarrer ici, au Québec, mais à caractère pancanadien, et puis je l'étendais également au caractère international.

Donc, c'est certain que, dans le marché, vous avez deux types de marchés. Vous avez des marchés à caractère bilatéral où des ententes peuvent être contractées entre des participants directement, et ça, ça peut se faire sur une base strictement du Québec, par exemple. Mais, si nous voulons donc créer un marché liquide qui correspond aux critères que j'ai énoncés dans la présentation, il serait improbable, à notre avis, que le marché du Québec justifie la création d'une telle place de marché.

Le Président (M. Labbé): M. le député.

M. Benoit: Petite dernière question. Vous savez, vous êtes mieux placés que nous pour le savoir, les gens qui ont vu les marchés s'effondrer dans les dernières années, ont vu ces grandes fraudes aux États-Unis ? remercions le bon Dieu, je pense que le Québec, on est passé avec grand honneur dans toutes ces crises-là, en tout cas certainement mieux que pas mal d'autres parties de la planète ? les investisseurs questionnent énormément tout l'aspect fraude. Pour le peu que j'en connais, c'est probablement une des premières «commodities» où on ne peut lui toucher, elle ne sent rien, on ne la voit pas. Ce n'est pas des cacahuètes où ultimement on peut jusqu'à se les faire livrer dans notre cour, à l'ultime. Comment on va s'assurer que l'acheteur ou le vendeur... Comment on va s'assurer de la sécurité de toute cette opération-là?

Le Président (M. Labbé): M. Bitton.

M. Bitton (Léon): Évidemment, dans un premier temps, il faudrait que les normes et les standards soient bien connus. Dans un deuxième temps, il faudrait qu'il y ait une certification de ces normes et de ces standards. Il est évident que, une fois que les normes et standards sont connus, cela prend également un organisme indépendant qui puisse assurer le contrôle et l'application du cadre réglementaire qui va être établi pour ce marché. Et c'est un petit peu la façon que fonctionne Bourse de Montréal. Nous opérons un marché, mais nous avons également une division d'autoréglementation, distincte et indépendante de Bourse de Montréal, qui a comme fonction principalement, justement, d'assurer l'intégrité du marché au niveau de la surveillance des participants et au niveau de la surveillance du bon fonctionnement du marché en termes de position détenue, etc. Donc, il est certain que ça a deux facettes: la facette normalisation ou cadre réglementaire à établir et la facette d'application des règles.

Pour ce qui est de la réflexion à savoir qu'il n'existe pas d'autres produits qui ne soient pas réels, bien, je vous dirais que, dans les marchés, principalement dans les marchés financiers, les marchés financiers sont souvent basés sur des produits, exemple, taux d'intérêt, qui ne sont pas nécessairement un produit concret, ou les produits indiciels, etc. Donc, il y a des indicateurs finalement de performance sur lesquels des marchés financiers peuvent être établis. Donc, la difficulté n'est pas accrue de par le fait que le produit ne soit pas tangible.

Et je vous dirais ensuite, pour ajouter à mes propos, c'est qu'il y a un troisième organisme... un autre organisme qui, lui, est essentiel et critique à l'intégrité du marché, à l'intégrité financière du marché, c'est donc la société de compensation à laquelle j'ai fait allusion. Et c'est dans ce sens qu'évidemment Bourse de Montréal, qui détient une Chambre de compensation bien capitalisée, a, si on veut, un avantage, si elle le décide, à desservir ce marché. Pour votre information, à titre d'exemple, Bourse de Montréal, par le biais de cette Chambre de compensation, dessert la Bourse de Winnipeg pour ses activités de compensation. Donc, la Bourse de Winnipeg négocie ses produits et les compense par le biais de la Chambre de compensation de Bourse de Montréal.

M. Benoit: Très bien. Merci, M. le Président. Merci, messieurs.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. le député. Alors, M. Bitton, M. Robillard, merci beaucoup pour la qualité de votre présentation au nom de la Bourse de Montréal.

Alors, compte tenu que nous avons épuisé notre ordre du jour, j'ajourne donc les travaux à mardi 25 février, à 9 h 30, alors que la commission poursuivra ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec. Merci et bonne fin de soirée à tous.

(Fin de la séance à 17 h 35)


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