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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 18 février 2003 - Vol. 37 N° 69

Consultation générale sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-trois minutes)

Le Président (M. Pinard): Alors, je souhaite à vous tous... M. le ministre, membres de la commission, chers invités, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue, et je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à l'audition d'experts dans le cadre de la consultation générale à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec.

Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Lafrenière (Gatineau); M. Beaumier (Champlain) remplace M. Côté (La Peltrie); et M. Laprise (Roberval) remplace M. Deslières (Salaberry-Soulanges).

Le Président (M. Pinard): Également, on m'a prévenu de la présence probable de Mme Louise Beaudoin, ministre des Relations internationales. Également, nous avons la présence, ce matin, de M. François Corriveau, député de l'Action démocratique. Alors, dans les deux cas, ils ne peuvent être des remplaçants, il nous faut donc un consentement pour qu'ils participent aux discussions et aux travaux de la commission. Y a-t-il consentement? Consentement. Merci.

Une voix: Pour une fois qu'on voit un membre de l'ADQ en commission parlementaire.

Le Président (M. Pinard): Ça nous fait toujours plaisir de les accueillir.

Alors, je donne lecture de l'horaire de la journée. Ce matin, nous allons débuter nos travaux par le groupe Ouranos qui sera suivi de M. Paul Fauteux, d'Environnement Canada; également, Me Michel Yergeau suivra, et ainsi que M. Claude Villeneuve de l'Université du Québec à Chicoutimi. Par la suite, il y aura suspension. Et à 14 heures nous reprenons avec M. John Drexhage, de l'Institut international du développement durable, qui sera suivi de M. Erik Haites, de Margaree Consultants inc., à 15 h 30, du Dr Dian Phylipsen, du Climate Change Policy Research, à 16 h 15, de M. Elliot Diringer ? oh! excusez-moi, M. Diringer sera absent, avec le problème de la tempête de neige sur Washington; alors, nous avons reçu un avis qu'il sera malheureusement absent de nos travaux ? et nous compléterons cet après-midi avec M. Ralph Torrie, de Smith Associates. Ajournement à 17 h 45.

Alors, je tiens à vous rappeler la façon dont nous fonctionnons. Nos groupes auront 15 minutes de présentation. Par la suite, il y aura un échange de 15 minutes avec le gouvernement et 15 minutes avec l'opposition officielle.

Auditions

Alors, sans plus tarder, j'inviterais M. Beauchemin, président-directeur général du consortium Ouranos, qui regroupe plus de 250 chercheurs travaillant sur la modélisation du climat et l'adaptation aux changements climatiques, à nous faire sa présentation. Alors, M. Beauchemin, s'il vous plaît.

Ouranos  ?  consortium sur
la climatologie régionale et l'adaptation
aux changements climatiques

M. Beauchemin (Georges): Merci, M. le Président. La présentation que nous allons vous faire ce matin ? je suis avec M. Réal Décoste, directeur général et président du conseil d'administration d'Ouranos; on va se partager le temps, les 15 minutes que nous avons ? est une présentation scientifique et technique, de façon à un peu brosser le tableau général sur le phénomène des changements climatiques.

La première chose qu'on veut vous dire, c'est que la météo et le climat, c'est d'abord et avant tout la circulation de l'énergie dans l'atmosphère et les océans. Il est très important de se rappeler que les océans contiennent beaucoup plus d'énergie et ils stockent jusqu'à 1 200 fois de l'énergie qu'on retrouve dans l'atmosphère. Notre météo et notre climat marchent ? pour prendre un acronyme ? au chauffage solaire. Il y a un excédent d'énergie aux tropiques et il y a des déficits dans nos latitudes. Et cette énergie est également recyclée par ce qu'on appelle la grande boucle à l'intérieur des océans, avec des pas de temps qui sont très, très différents. Donc, toute l'énergie qui est stockée dans les océans un jour va nous être restituée dans l'atmosphère.

La deuxième notion qu'on veut que vous reteniez, c'est que l'effet de serre, c'est quelque chose qui est tout à fait naturel, qui fonctionne dans notre système solaire, sur plusieurs planètes. Vous avez dans la présentation une petite image qui montre les trois planètes Mars, Terre et Vénus, avec et sans effet de serre. L'effet de serre, c'est la grosse flèche rouge dans le graphique que vous voyez là. C'est de la photochimie et ça permet de conserver une partie de l'énergie près du sol.

La troisième notion, c'est qu'on a l'habitude de penser et de concevoir le climat comme quelque chose qui se déroule à un pas de temps très lent. Il y a un monsieur qui s'appelle Milankovitch qui a mis en évidence que ? ici on peut voir les quatre grandes glaciations depuis 450 000 ans, ça se lit de droite à gauche comme de l'arabe ? ces fonctions de l'astronomie, c'est la façon dont la planète circule autour du soleil et l'orbite planétaire change à peu près à tous les 120 000 ans.

Par contre, ce qu'on se rend compte ? et il y a un deuxième groupe qui s'appelle le GIEC ? le Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat ? qui nous montre que le climat peut également changer sur des pas de temps excessivement rapides. Ici, ce qu'on voit, c'est les derniers 1 000 ans, avec un signal de refroidissement, qui est la flèche bleue, jusqu'à peu près au début de la révolution industrielle, et le siècle que nous venons de vivre, les 100, 120, 140 ans où on voit qu'il y a un changement de tendance phénoménal.

Finalement, la quatrième notion qu'on veut que vous reteniez, c'est que, pour être capables d'étudier ces phénomènes, on travaille avec des modèles, des modèles de plus en plus complets, des modèles de plus en plus sophistiqués. Les deux premières tranches, l'atmosphère, les terres émergées, c'est avec ces modèles-là qu'on fait la météo à tous les jours. Quand on incorpore la glace de mer, l'océan, on incorpore la variabilité naturelle, les changements climatiques, on incorpore des notions de plus en plus complexes. Et ces modèles permettent ? ils sont très performants ? ils permettent maintenant, sur ordinateur, de reproduire, par exemple, les 140 ou 150 dernières années.

n (10 heures) n

La communauté internationale a fait un effort considérable depuis une dizaine d'années de modélisation, et l'ensemble de ces modèles, on peut voir la fourchette des incertitudes, avec une pente qui est plus ou moins prononcée selon les hypothèses. Ce que ça permet de voir également, c'est que ces modèles, lorsqu'on en fait la simulation au cours du prochain millénaire, les scientifiques considèrent qu'il faudrait baisser les concentrations de gaz d'effet de serre de l'ordre de 50 à 70 % sous le niveau de 1990 pour être capable de stabiliser à long terme le climat de cette planète. Avec le modèle canadien, dans une simulation dite «à deux fois l'effet de serre», deux fois CO2, vers 2060, voici à quoi nous sommes exposés en Amérique du Nord. Il va y avoir des augmentations de température phénoménales, avec l'Arctique qui se réchauffe de 15 à 20°. Ça change complètement la donne pour le Québec.

Alors, le consortium Ouranos, qui est unique au Canada, cherche à coordonner la recherche interdisciplinaire avec différentes universités, avec Hydro-Québec. Et nous sommes installés à Montréal, et c'est dans ce consortium que nous faisons la modélisation régionale du climat. Je vais maintenant passer la parole à M. Décoste.

M. Décoste (Réal): Comme vous venez de voir, c'est très sérieux, les changements climatiques. Comment est-ce qu'on aborde ça?

Comme vous le voyez, c'est le développement sociologique qui amène l'augmentation des émissions, qui elles-mêmes procèdent, créent des changements qui ont des impacts qui affectent lui-même notre développement socioéconomique. Évidemment, la première chose qu'on doit essayer de faire, c'est de diminuer le phénomène à sa source. Donc, on dit que ce sont des engagements internationaux parce que le Québec tout seul ne peut pas faire grand-chose là-dedans.

Il faudra en plus s'adapter. S'adapter, ça peut se faire dans les deux directions: on modifie notre développement pour modifier les impacts, mais on peut aussi prendre avantage des impacts pour améliorer notre développement. Donc, c'est bidirectionnel. Ça correspond à nos besoins domestiques. Comme vous allez le voir, au Québec, il est très important d'avoir une stratégie équilibrée, intégrée où il faut absolument faire les deux, atténuer et s'adapter.

Commençons par l'atténuation. L'atténuation, c'est le grand défi mondial que le Québec, en fait, relève déjà assez bien. Donc, on va voir que Kyoto, c'est seulement le premier pas. Il va falloir faire des efforts majeurs de la part de tous les pays. Le Québec fait déjà sa part, puis l'atténuation seule, même à très grand échelle, ne suffira pas, il faudra absolument s'adapter. Pourquoi? Comme vous voyez ici, vous avez l'évolution historique des émissions des différents pays. Si on va de l'avant ? assumons qu'on va de l'avant avec notre demi-Kyoto, on dit «demi» parce que, comme vous voyez, la moitié des pays industrialisés s'engagent, les Américains, non ? donc, sur un horizon 2020, ça donne ça.

Le problème, il est beaucoup plus au niveau des pays, disons, en voie de développement comme l'Asie-Pacifique. Avec le taux de croissance que vous voyez là, ça nous donne que, sur un horizon 2020, on aurait une augmentation des émissions de l'ordre de 60 % avec Kyoto et, sans Kyoto, bien, un petit peu plus. Donc, le problème, il est fondamental. Ce qu'on n'a pas réussi à faire, c'est de découpler la croissance économique avec la consommation énergétique et la production des gaz à effet de serre. Donc, quand vous regardez les populations, vous avez la population du Québec comparée à l'Asie-Pacifique. Comme vous voyez, les chiffres ne sont pas du tout du même ordre. Si on ajoute à ça les augmentations de population qui sont prévues et qu'on tient compte de la consommation énergétique, comme vous voyez en Amérique du Nord où il y a peu de population comparée à l'Asie-Pacifique où il y a une grande population mais une très faible consommation, évidemment, le but des gens là où il y a la population élevée, c'est d'être aussi brillants que les gens de l'Amérique du Nord. Donc, on comprend un petit peu la source du problème, et ce n'est pas demain qu'on va réussir à régler ça.

Qu'est-ce qui se passe, si on regarde d'un point de vue historique. En 1850, ce qu'on appelle l'époque pré-industrielle, une fois CO2 comme niveau de référence; en 2002, on est à 1,3 après avoir utilisé ou consommé les hydrocarbures que vous voyez à gauche. On se dirige allègrement vers un niveau de l'ordre de quatre, cinq ou six fois CO2. Il y en a qui appellent ça le scénario Bush, le quatre fois CO2. Un quatre fois CO2, ça fait mal. Comme vous voyez les pôles essentiellement sont en train de fondre. Si on veut ramener ça à un niveau deux fois CO2, qui est beaucoup plus... bon, avec lequel probablement on pourrait arriver à vivre, ça implique qu'il faudrait réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 35 %. Regardez ce qu'est Kyoto: 3 %. Donc, essentiellement, il va vous falloir une dizaine de Kyoto, les uns après les autres, à une cadence accélérée pour ramener nos niveaux à deux fois CO2. Donc, il faut s'adapter à deux fois CO2.

Qu'est-ce qui arrive au Canada, au Québec, surtout au Québec? Au Québec, on a un profil différent, ça implique une stratégie différente. Si vous regardez ça d'un peu plus près, en fait là, le pétrole a été déplacé au Québec dans les années soixante-dix, quatre-vingt. Le travail a été fait essentiellement avant le début de la période Kyoto. Ça positionne le Québec dans une position très avantageuse où nos émissions sont deux fois et demie moindres que celles des Américains. En fait, les émissions du Canada paraissent bien là-dedans parce que le Québec en fait partie. Donc, au Québec, ce qu'il nous reste à faire, c'est des gains importants en transport. Ça ne veut pas dire qu'il faudrait se précipiter puis électrifier le transport, parce qu'on serait à peu près les seuls à le faire. Donc, le Québec est dans une situation très spéciale vis-à-vis de l'atténuation, il ne faut pas l'oublier.

L'adaptation, maintenant. En fait, c'est le défi du Québec l'adaptation. On a une situation géographique qui est sensible au climat, je pense que les Québécois n'en doutent pas. Il y a des gains majeurs qui ont été réalisés sur l'atténuation, puis vous allez voir qu'il faut les protéger, il faut gérer les impacts, il faut aussi essayer de regarder les opportunités d'affaires. Un petit point, en passant, que j'espère que la majorité d'entre vous savez, le Protocole de Kyoto prévoit aussi des engagements vis-à-vis de l'adaptation aux changements climatiques. En signant Kyoto, les États s'engagent à investir dans la recherche en climatologie, la gestion intégrée des risques. Ayant assisté à une conférence internationale la semaine dernière où on voyait les problèmes d'eau dans les pays en développement, je vous assure que les connaissances qu'on développe seront très utiles pour ces gens-là.

Revenons à l'adaptation. Je pense qu'au Québec il n'y a pas de doute, on le sait que le climat, c'est une sensibilité et que les éléments, les sinistres reliés au climat, ce n'est pas... ça se quantifie, comme vous pouvez le voir ici, où le Québec reçoit une grande part des transferts fédéraux et, comme on voit, la majorité de ça, c'est pour le climat.

Est-ce que ça va continuer comme ça? Est-ce que ça va augmenter? Il y a de bonnes raisons de penser que oui. Essentiellement, on se dirige d'une atmosphère de faible énergie à gauche vers une atmosphère de forte énergie où on va avoir des régions où on a des sécheresses et d'autres régions où on s'attend à avoir des inondations. C'est un système qui est plus violent.

Comment est-ce qu'on aborde l'adaptation au Québec? On divise le Québec en quatre régions où on considère pour chacune des régions l'économie, la population, l'environnement et évidemment la dynamique ou l'interaction entre ces systèmes-là. Pour le Grand Nord, c'est le pergélisol; le Centre-du-Québec, la zone des ressources, l'hydroélectricité, la forêt; dans les Maritimes, c'est essentiellement l'érosion; dans la vallée du Saint-Laurent, je vais y revenir tout à l'heure, il y a toutes sortes de problématiques, milieux urbains et ruraux. Pour toutes ces régions-là, il nous faut des scénarios de références climatiques socioéconomiques. Évidemment, il faut tenir compte des échanges avec nos voisins.

Pour le Grand Nord, le pergélisol, ce n'est pas vraiment compliqué. Dans un environnement deux fois CO2, il n'y en aura plus de pergélisol. Déjà, c'est commencé, on observe des réchauffements de un à trois degrés en 10 ans seulement à 10 mètres de profondeur. Il y a déjà des problèmes qui sont évidents, des infrastructures qui sont menacées, des pistes d'atterrissage, des bâtiments, aux endroits que vous voyez sur la carte.

Au niveau de la production hydroélectrique qui est concentrée dans le Nord, comme vous le voyez ici, quand on prend le plan stratégique d'Hydro-Québec pour 2004, avec un profit... un revenu net anticipé de 1,2... 5 millions, comme vous voyez, les risques majeurs vis-à-vis de cette prévision-là, ce n'est pas la température, ce n'est pas la demande énergétique, ce n'est pas les risques financiers, c'est l'hydraulique, et ça, c'est basé sur un historique essentiellement. Ce que vous voyez à gauche, c'est les apports historiques vers les grands bassins d'Hydro-Québec, les apports en eau, et on fait juste transposer, comme vous le voyez, ce qui crée cette incertitude-là. Regardez ce qui se passe depuis une quinzaine d'années. Est-ce que ça va continuer? Je pense que je n'ai pas besoin d'insister sur comment ça se traduit en chiffres, mais c'est quelque chose qui doit être regardé de près.

n (10 h 10) n

Ça se gère, l'hydroélectricité, donc il faut regarder les conséquences: comment gérer le parc de production existant ? ça, c'est les grands enjeux en ce qui concerne Hydro-Québec; considérer l'évolution de la demande: plus de climatisation l'été, moins de chauffage l'hiver ? ça, c'est la demande interne; les nouveaux équipements, où est-ce qu'on devrait les installer; les zones climatiques que je vous montre ici ne sont pas équivalentes, du point de vue du climat, il faut les caractériser; et finalement, les opportunités de vente à l'externe.

Le paquet de petits points noirs que vous voyez, dans le sud, c'est ? ...

Une voix: ...

M. Décoste (Réal): ...j'achève, ce ne sera pas long ? c'est du charbon; il y a des opportunités d'affaires. Foresterie, je vais le passer. Ça continue: les Maritimes ? on les passe par région, normalement. Bon. Il y a tout le Sud du Québec, avec ses conséquences au niveau... on le divise en socio-environnemental économique. Et une de ces conséquences-là dans le bassin du Saint-Laurent, qui est très important, c'est la gestion de l'eau. On ne manquera pas d'eau, au Québec. De l'eau, on en a. Le problème, il est principalement au niveau des Grands Lacs. Ça nous amène à des conflits d'usage de l'eau et non pas un manque d'eau. Mais vous voyez toutes les problématiques que ça entraîne au niveau de la gestion de l'eau, que ce soit la navigation commerciale, etc.

Donc, au Québec, 14 grands projets, je n'ai pas le temps de vous... on ne les a pas passés en détail ici, mais ça vous donne quand même une bonne idée. Il y a des outils qu'il faut développer pour faire ça. On développe de l'information pour les décideurs dans le but d'en arriver à des stratégies d'adaptation. Bon. Ça, c'est principalement l'adaptation. Donc, j'espère vous avoir démontré dans cette très courte présentation qu'au Québec il nous faut une stratégie équilibrée, intégrée, adaptée aux besoins du Québec. Donc, il faut absolument faire les deux, au Québec. Merci de votre attention.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le directeur général, M. le président. Alors, sans plus tarder, je céderais la parole à M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, moi, je veux remercier nos invités. Je connais davantage M. Beauchemin, avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger à plusieurs reprises. Mmes et MM. les membres de la commission, ce que nous voyons ici, aujourd'hui, c'est du talent québécois à l'oeuvre. Ouranos, c'est plus de 250 chercheurs québécois qui oeuvrent dans ce grand consortium de recherche. Je pense, sans me tromper, que c'est le consortium de recherche dans le monde qui figure parmi les consortiums les plus importants sur la question de la modélisation.

Et il est intéressant que ce soit le Québec qui soit un peu à l'avant-garde de cette réflexion. La démonstration est faite, il est su par les experts du climat que, du fait de notre situation géographique sur le globe, nous sommes comme au-dessus d'un noeud climatique et les conséquences des changements climatiques risquent de se faire sentir davantage sur notre territoire qu'ailleurs sur le globe. Donc, c'est du talent et c'est une valeur ajoutée au monde scientifique, et je tiens à le souligner. C'est une collaboration aussi avec nos universités qui sont étroitement associées, le secteur privé, le gouvernement fédéral aussi contribue au financement d'Ouranos.

Je ne reviendrai pas sur votre présentation et la démonstration que vous nous faites. Je pense que cette démonstration, elle est limpide. Je souhaiterais que quelques politiciens au sud de notre frontière puissent entendre ce que nous avons entendu. Si jamais vous avez un peu de temps, je vous invite à faire savoir ce que vous savez.

Je voudrais attirer tout simplement votre attention sur deux choses. La première, c'est la question de l'adaptation. Vous parlez avec force des problématiques d'atténuation; c'est là l'objet du Protocole de Kyoto. Nous allons discuter de mesures pour parvenir à diminuer nos niveaux d'émissions, mais, compte tenu de l'ampleur des gestes qui devraient être posés si on voulait véritablement nous retrouver dans une situation d'équilibre, il est clair que nous aurons à nous adapter.

Est-ce que vous connaissez des stratégies d'adaptation ou des modèles qui ont servi à d'autres fins, particulièrement en matière de sécurité publique, en matière d'aménagement du territoire, en matière de grille d'analyse, de choix publics, de politiques fiscales et budgétaires? Existe-t-il des modèles qui devraient nous inspirer et nous assurer que nous fassions les bons choix? Parce que plusieurs grilles d'analyse, lorsque vient le temps pour nous de faire des choix soit des choix budgétaires, des choix législatifs ou réglementaires, bien des grilles d'analyse peuvent être utilisées.

On entend souvent parler des questions d'équité, d'équité entre les générations. On entend parler aussi de responsabilité sociale du fait d'une correcte répartition de la richesse que nous souhaitons dans nos sociétés, donc, des grandes idées qui guident les administrations publiques. Mais ce vecteur nouveau qu'il nous faut faire apparaître dans la gouvernance publique, comment le qualifier, comment l'analyser et comment rendre des comptes aussi sur les stratégies d'adaptation? Est-ce que nous devrions, comme société, rendre des comptes sur ces stratégies d'adaptation et, si oui ? je m'arrête là ? quels devraient être les secteurs prioritaires d'intervention en matière d'adaptation?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Beauchemin ou Décoste. M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Georges): Dans un premier temps, juste avant de répondre à votre question, j'aimerais souligner la présence des gens qui accompagnent Ouranos ici ce matin: M. Jacques Martel qui est directeur principal d'Hydro-Québec à l'IREQ; M. Michel Béland qui est directeur général de la recherche au Service météorologique du Canada; M. Sinh LeQuoc qui est le directeur scientifique à l'Institut national de la recherche scientifique; devait être avec nous ce matin ? il est à une autre réunion ? M. Daniel Coderre qui est vice-recteur à la recherche à l'UQAM; M. Bégin qui est directeur du Centre d'études nordiques à l'Université Laval; M. Claude Desjarlais, M. Alain Bourque et M. Daniel Caya du consortium Ouranos.

Des modèles, il en existe, des modèles de référence, de plus en plus, dans des enjeux complexes où c'est l'incertitude qui est la principale difficulté. On se tourne de plus en plus vers des modèles de gestion de risques qui permettent à des décideurs de camper cette incertitude, de la calibrer, de savoir avec quelle échelle de probabilité on travaille et avec quel niveau de conséquences, si la probabilité se réalise, on travaille. Pour être capable de faire ce travail-là et de le donner en main aux décideurs, peu importe le niveau que ce soit au niveau d'une région qui est aux prises avec une problématique d'érosion, que ce soit au niveau d'un secteur qui est aux prises avec des normes de conception parce que les investissements se font baser sur ces normes-là, que ce soit pour un producteur d'énergie, ce qu'il importe, c'est d'être capable de mesurer comment le changement climatique va influencer ces décisions année après année. Et pour être capable de mesurer ça, il faut investir dans la connaissance fondamentalement. Ce qu'on s'aperçoit, c'est que la science du climat a fait des progrès considérables depuis une dizaine d'années et qu'elle peut continuer à faire des progrès considérables en autant qu'elle soit soutenue par des décideurs qui ont besoin d'avoir des réponses.

En sécurité civile, c'est un domaine que je connais particulièrement bien, on s'est rendu compte que la meilleure façon de gérer les risques, c'est de divulguer les vulnérabilités, que les populations et les élus connaissent les vulnérabilités avec lesquelles ils vont devoir vivre. Et on est une société d'adultes, on se retrouve dans ces circonstances-là tout le temps avec la capacité de faire des choix et de décider avec quel niveau de risques on choisit de vivre. Et ces choix-là ne doivent pas être occultés. Particulièrement au niveau du changement climatique, la démonstration qu'on vous fait ce matin est à l'effet que, même l'atténuation au Québec va passer par des investissements en science. Pourquoi? Parce que notre pétrole, c'est d'abord de l'hydroélectricité et que, pour être capable de voir venir l'hydroélectricité ou le potentiel éolien, il faut investir en météorologie puis en climatologie. C'est de la neige et c'est de la pluie. Donc, tout investissement dans ce sens, le Québec ne se trompe pas; tout investissement en hydrologie, le Québec ne se trompe pas. La société est construite autour de l'axe du Saint-Laurent qui est fondamental comme corridor économique, social, politique. Les intérêts du Québec vont également vers une appréciation des risques sur les comportements que ses voisins peuvent avoir, avec la gestion des Grands Lacs particulièrement. Je ne sais pas si M. Décoste peut rajouter à ça.

n (10 h 20) n

M. Décoste (Réal): Je pense que c'est relativement clair. J'ai des pourparlers du milieu de l'énergie, que je connais bien, et je pense que Georges a fait un très bon sommaire. On a besoin de la connaissance. Si on a la connaissance de ce qui s'en vient, on peut agir. L'eau, ça se gère. Si on en a moins, on peut mieux la gérer. Il faut connaître nos marchés, à qui on doit vendre cette hydroélectricité-là. Il faut comprendre la demande, les grands ouvrages à venir. Il faut maintenant tenir compte du climat; le climat, c'est devenu un intrant. Ce n'est pas suffisant d'avoir l'histoire des 40 dernières années, il faut maintenant connaître l'histoire des 40 prochaines années. Donc, encore une fois, c'est la connaissance qui nous est essentielle.

M. Boisclair: Je comprends très bien ce plaidoyer sur la connaissance, je partage votre opinion, mais, si je reviens sur l'adaptation, est-ce que, par exemple, l'État québécois devrait légiférer pour identifier des usages prioritaires de l'eau? La Politique nationale de l'eau ouvre la voie sur le statut juridique de l'eau, cette question du statut juridique, et j'ai fait le choix, par exemple, de lever une partie du droit de propriété pour permettre à des gens qui font des recherches en eau d'aller sur le territoire d'un privé sonder le terrain sans que cette personne ait à donner son autorisation. Les choses doivent se faire correctement: un avis doit être donné, les gens doivent remettre le terrain dans l'état où il était. Mais, par exemple, sachant les conflits d'usage qui peuvent apparaître, est-ce que l'État québécois doit légiférer pour définir quels sont les usages prioritaires? Est-ce que, dans les grilles des schémas d'aménagement, dans l'analyse qu'on fait des schémas d'aménagement qui nous sont présentés par les MRC, est-ce qu'on doit, sur l'utilisation du territoire, déjà avoir une réflexion sur l'impact des changements climatiques? Nos périmètres urbains sont définis bien davantage en fonction de réalités économiques et de réalités agricoles qu'en fonction de critères plus larges comme ceux que vous nous suggérez.

En somme, l'adaptation, c'est beaucoup la connaissance, mais, sachant ce qui vient, est-ce qu'il ne nous faudrait pas aussi avoir cette stratégie d'adaptation, de la même façon, par exemple, que des municipalités, un gouvernement a des stratégies d'intervention en cas d'événements majeurs, d'événements de pluie, de déluge, des événements de sécurité publique sur lesquels et le gouvernement du Québec et les municipalités ont des plans? On peut comprendre que, dans ces circonstances, le risque est si grand que les autorités publiques se mettent au travail, mais est-ce que les risques moins visibles des changements climatiques, moins visibles à court terme, puisqu'ils se produisent sur une longue période de temps, ne devraient pas aussi amener l'État québécois à avoir sa stratégie et déjà poser, dans la loi et dans les règlements puis dans les discussions qu'il a avec le corps public, cette question de l'adaptation?

M. Beauchemin (Georges): Certainement que oui, mais avec prudence; prudence parce que la législation... La législation est toujours très sectorielle. Or, le problème de l'adaptation, c'est l'intersectoriel. Les problèmes de conflits d'usages au niveau de l'eau dans la vallée du Saint-Laurent... On a fait un atelier récemment en agriculture: l'impact des changements climatiques sur l'agriculture au Québec. Ça risque d'être un des grands gagnants des changements climatiques, l'agriculture au Québec. C'est donc une opportunité: parce qu'il va faire plus chaud, la saison de croissance va être plus longue. Et déjà on constate que les agriculteurs misent là-dessus.

Regardons notre comportement à nous tous, où on espère toujours qu'il va faire plus chaud... aussi chaud que l'hiver dernier. Et cette année, on est un petit peu revenu à une normale. C'est une bonne chose, je vous dirais. Mais ça veut dire de l'intersectoriel, parce que, à ce moment-là, le problème de l'agriculture n'est pas un problème de température, ça devient un problème de gestion de l'eau sur un bassin versant. Pour être capable de produire davantage, il va falloir gérer l'eau, il va falloir la retenir. De plus en plus, on commence à voir des agriculteurs qui, au lieu de...

Vous vous souvenez on a investi des sommes considérables dans du drainage agricole. On voulait se libérer de l'eau dans les terres argileuses le plus vite possible au printemps pour être capable d'aller labourer. Avec les sécheresses de l'été maintenant, les agriculteurs bouchent les tuyaux parce qu'ils veulent la garder, leur eau. Alors, ça amène donc des stratégie d'adaptation au niveau d'un bassin versant qui...

Si on doit légiférer, M. le ministre, je pense que c'est pour donner un cadre de discussion pour gérer ces conflits à l'intérieur d'un horizon régional où les gens sont capables de se parler et où des résultats doivent être atteints.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député d'Abitibi-Est, rapidement.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Monsieur, par votre exemple des agriculteurs bouchent des tuyaux, ça a déjà donné un élément de réponse aux questions que je vais vous poser. Ici, au Québec, on a, au cours des dernières décennies, investi des milliards dans l'hydroélectricité. Puis on l'a investi tout seul; on n'a pas eu d'aide pour investir ces milliards en hydroélectricité.

Par contre, on est entouré de voisins qui, eux, ont soit eu des subventions pour faire l'énergie électrique avec de l'uranium et autres produits, alors il y a d'autres voisins qui font de l'électricité principalement avec du charbon. Nous, on n'a ni charbon, on n'a pas de gaz naturel.

Une première question, j'en poserai une deuxième. La première question serait: Pour nous, au Québec, en tout cas, moi, ça me semble difficile par rapport à nos voisins ou je pense, entre autres, au reste du Canada, de diminuer. Ça va nous être difficile de diminuer d'une manière très importante nos émissions à effets de serre. Exemple, je ne sais pas si ça va se produire comme ça, mais, si on dit, au Canada, tout le monde descend de, un chiffre, 10 %, j'ai comme l'impression que, pour nous autres, 10 %, ça peut être toute une commande par rapport à d'autres voisins.

Le Président (M. Pinard): S'il vous plaît, M. le député.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Ma question, elle serait: Est-ce que, dans le futur, pour le Québec, ce ne sera pas davantage difficile à diminuer nos effets de serre que plusieurs voisins qui nous entourent?

Et j'ai une autre question rapide, c'est que vous avez parlé de la question de gérer de l'eau. Moi, je remarque que, depuis quelques décennies, l'eau diminue dans les barrages qui m'entourent. Elle diminue d'une manière très frappante visuellement. Mais comment gérer ça là? On ne peut pas faire de la pluie, on... Quand on était jeune, on se faisait dire qu'il y avait des machines à pluie mais aujourd'hui j'imagine qu'elles n'existent pas pour le vrai, les machines à pluie, parce que les barrages sont à moitié vides. Comment gérer ça?

Le Président (M. Pinard): Alors, messieurs, en escomptant que votre réponse sera au moins la moitié du temps de celui qui a posé la question.

M. Décoste (Réal): Il n'y a pas de réponse simple à votre première question. Il faut le regarder dans une vision un peu plus globale là. Il ne faut pas juste ? excusez le mot ? mais il ne faut pas juste paniquer avec Kyoto. Je vous ai montré tout à l'heure, il va en falloir une dizaine de Kyoto. Ça prend une vision un peu plus globale. Donc, ce n'est pas juste les petites mesures ? excusez le mot, je sais que ça peut être choquant ? ce n'est pas juste les petites mesures qu'on va prendre dans le cadre de Kyoto. Il faut le regarder d'un point de vue global.

Et, de ce côté-là, encore une fois, excusez-moi, mais le Québec est béni des dieux, de ce côté-là. Il a un avantage indéniable. Il a une richesse qui, dans un contexte de changements climatiques, si on réussit à la gérer correctement, devient un gros avantage. Notre pétrole à nous ne produit pas de gaz à effets de serre, donc il faut bien le gérer.

Ça peut sembler être un petit désavantage à court terme parce qu'on a déjà fait un bout de chemin, mais on a un grand bout de chemin comparé aux autres; donc, il faut le gérer.

Maintenant, cette richesse-là, comment on la gère? Il y a toutes sortes de moyens. Bon, bien on peut turbiner un peu moins parce qu'il y a moins d'eau, on détourne des rivières, on réaménage différemment, on installe des turbines aux bons endroits, on installe le bon type d'équipement, on est plus patient pour remplir, on ne déverse jamais de l'eau, c'est un péché. Donc, il faut s'assurer qu'on a les bonnes capacités de stockage. Auparavant, c'était moins critique. Donc, il faut gérer l'eau. Et, si on la gère correctement, il y a de très belles opportunités d'utiliser cette ressource-là.

n (10 h 30) n

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Décoste. Alors, je céderai maintenant la parole au porte-parole officiel de l'opposition, M. Benoit.

M. Benoit: Merci, M. le Président. Je veux d'abord saluer les gens qui m'accompagnent, M. le Président, la députée de La Pinière, la députée de l'Acadie ainsi que cette jeune nouvelle recherchiste, Mme Gisèle Lacasse-Benoit. Je veux aussi dire aux gens d'Ouranos qu'ils sont indéniablement des incontournables dans une commission parlementaire comme la nôtre, et on se remercie que vous soyez là, on vous remercie d'être là, et votre mémoire est particulièrement impressionnant. C'est la première fois en 15 ans que j'ai un mémoire avec autant de photos et de graphiques qui parlent par eux-mêmes, alors je vous en remercie.

Je voudrais citer... Dans une revue récemment, M. Décoste disait, et je finirai d'ailleurs ma présentation, une remarque préliminaire demain, avec cette remarque-là qu'il fait dans une revue. Il dit: «Oui, le climat change. Oui, il va continuer à changer et, oui, ces changements seront principalement causés par les activités humaines. La très complexe et très capricieuse machine à faire la pluie et le beau temps est en train de se détraquer: inondation ici, sécheresse ailleurs, banquises et glaciers mis à mal, température à la hausse un peu partout, records météo sans cesse battus: le changement climatique est un fait avéré.»

Pour des scientistes comme vous, c'est un fait avéré; pour des néophytes comme nous... Et vous savez que cette commission a une grande opération de pédagogie; on veut essayer de convaincre nos voisins, nos amis, nos confrères, finalement, qu'il y a un problème sur la planète. Quand on regarde votre page 23, je crois, où vous nous montrez ces photos absolument extraordinaires qu'on a vécues: feux de forêt, tours électriques, verglas, etc., êtes-vous effectivement capables de faire un lien direct entre les deux?

Le Président (M. Pinard): Alors...

M. Décoste (Réal): La réponse, c'est non. En tant que scientifiques, on ne peut pas dire que tout ce que vous voyez sur cette page-là est relié et la conséquence des changements climatiques. Ça ne peut pas être si simple que ça. Je pense que ce sont plutôt des illustrations de la sensibilité québécoise au climat. Les verglas qui frappent l'imagination des gens, les Saguenay, ça, ce sont ce qu'on appelle vraiment des événements extrêmes extrêmes.

Ce qu'on va voir avec les changements climatiques, c'est une augmentation des événements extrêmes. De là à dire que les extrêmes extrêmes... Oui, la probabilité des verglas augmente si vous restez autour du point de congélation; oui, les feux de forêt deviennent plus probables si vous avez plus de sécheresse; oui, vous risquez des inondations si on a une atmosphère de plus haute énergie. Mais on n'est pas en train de dire que c'est précisément ce type d'événement là que vous allez avoir. Mais, oui, du point de vue des extrêmes, si c'est seulement ce que vous adressez, la probabilité augmente d'avoir des événements extrêmes. Mais je n'irai pas jusqu'au point de prédire des grands verglas.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Il y a deux prémisses de base, je pense, dans Kyoto, à savoir que les peuples voudront augmenter leurs standards de vie et augmentation de consommation ? et vous me direz si j'ai raison ou pas ? et, le deuxième, vous dites aussi dans votre présentation qu'il y aura augmentation des populations. Je voudrais revenir sur l'augmentation des populations.

Un bon nombre de démographes maintenant, à travers le monde, prédisent qu'on pourrait ne pas avoir augmentation des populations. On nous donne, par exemple, l'Asie qui serait à 3,2 enfants et en décroissance et, au fur et à mesure que les peuples atteignent des niveaux de vie plus élevés, oui, ils consomment plus, mais, d'autre part, ils ont possiblement moins d'enfants, et le Québec est peut-être un bel exemple de ça, finalement.

Quand vous dites qu'il y aura augmentation des populations, vous le voyez combien loin dans le temps et quelles sont ces augmentations de populations là? Parce que si les prémisses de base ne sont pas exactes, tout ce qu'on va faire comme travail ensuite ne le sera pas, bien entendu.

Le Président (M. Pinard): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Georges): Quand papa est né en 1914, on était 1,5 milliard sur cette planète. On est aujourd'hui 6 milliards. Dans les différents scénarios, avec les courbes qu'on vous a montrées et qui apparaissent ici, il est tout à fait possible effectivement qu'on se retrouve ? passez-moi l'expression ? avec un «rollover», c'est-à-dire qu'on trouve la stabilité de la population planétaire vers 2050 avec à peu près 3 milliards de plus d'individus qu'aujourd'hui. C'est quand même 50 % de plus. Ça, c'est le scénario optimiste.

Une voix: Et quatre fois CO2.

M. Beauchemin (Georges): Oui. Et ça donne quatre fois CO2.

M. Benoit: Peut-être... vous parlez de Kyoto, premier pas, le début d'un voyage qui est Kyoto 1. Vous nous parlez de Kyoto 10. J'aimerais ça que vous nous donniez rapidement, là, ce qu'auront l'air les autres Kyoto finalement. C'est la première fois que j'entends cet aspect-là. J'étais déjà nerveux avec Kyoto 1, j'imagine Kyoto 10, là.

Le Président (M. Pinard): M. Décoste.

M. Décoste (Réal): Les autres Kyoto, c'est un peu plus compliqué. On vous a dit: Il faudra que tous les pays fassent leur part. Puis, à un moment donné, on vous a montré que le gros du problème, à un moment donné, quand même qu'on réduirait nos émissions ? puis je ne parle pas juste du Québec, là, je parle du Canada ou de l'Amérique du Nord ? de 80 %, mettons que c'est ça qu'il faut faire, bien, à un moment donné, ça dépend beaucoup des Chinois puis ça dépend des Indiens. Bon. Il faut qu'eux autres fassent leur part aussi. Mais ils sont en plein développement économique. Qui sommes-nous pour aller leur dire: Vous n'avez plus droit au développement parce que vous devez faire votre part? Donc, pendant un bon bout de temps, ils vont nous regarder puis ils vont dire: Oui, est-ce qu'ils sont en train de bouger? S'ils bougent, on va commencer à bouger. Donc, essentiellement, notre premier Kyoto, c'est le premier pas. C'est celui où on donne le bon exemple, si vous permettez. Après ça, je préfère ne pas spéculer sur ce qu'il faut faire. Mais c'est bien évident qu'il faut que les autres embarquent. Mais, si on n'est pas capables de faire le premier pas, on n'est quand même pas en droit de penser ou d'imaginer que les autres vont aussi faire leurs petits pas.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Beauchemin, M. Décoste et les membres qui vous accompagnent, du groupe Ouranos, merci pour la présentation, et, effectivement, ça a été très pédagogique et instructif.

Moi, je suis pragmatique. Vous avez fait une présentation sous forme de balance, parce que vous visez l'équilibre entre l'atténuation et l'adaptation. Vous nous avez dit que, sur le chapitre de l'atténuation, le Québec a fait des grands pas, qu'on peut même servir de modèle mais qu'il y a beaucoup qui reste à faire au niveau de l'adaptation. En même temps, je crois avoir décodé dans votre message que l'environnement est un monde sans frontières et que le Québec, comme vous l'avez dit, M. Décoste, je vous cite: «Le Québec tout seul ne peut pas faire grand-chose.» Vous avez également parlé des pays du tiers-monde qui risquent d'augmenter de 60 % le niveau des effets de serre. Et, comme on ne vit pas dans une bulle mais qu'on vit dans la planète, vous nous interpellez pour baisser le niveau des effets de serre de 50 % à 70 %, le niveau de 1990. Mais, en même temps, il y a des effets qu'on ne contrôle pas. Il y a des facteurs qu'on ne contrôle pas. Ça, c'est la première dimension de mon questionnement. La deuxième dimension, c'est l'impact économique, c'est le coût, pour une société qui a déjà fait des efforts, pour les entreprises qu'on interpelle souvent dans un monde de compétition et de concurrence internationales assez poussées. Comment est-ce qu'on va leur demander de faire des efforts encore plus grands et en même temps être compétitifs au niveau économique sur le plan mondial?

Alors, je voudrais que vous nous donniez un peu une précision par rapport à ces éléments-là qui vont nous permettre de mieux cerner le niveau de responsabilités que nous avons au Québec, comme citoyens, comme pouvoirs publics.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Georges): Je comparerais ça un peu au libre-échange. La libération des échanges et du commerce ? une expression qui a été utilisée beaucoup, c'est celle de la mondialisation ? a changé les règles du jeu. Le Québec en a tiré parti, grandement. Je vous dirais que, au niveau du changement climatique, on se retrouve avec les mêmes types de paradoxes: les règles du jeu sont en train de changer. Elles vont changer. Et les sociétés qui vont s'adapter le plus rapidement à ce changement de contexte vont y trouver profit. Il est tout à fait exact de dire que le Québec, avec 7,4 millions d'habitants et quelques gigatonnes d'émissions, ne fera pas la différence. Mais il peut donner l'exemple et il peut exporter son savoir. Et là réside la clé du succès pour nous: de faire la preuve que les technologies que nous pouvons mettre au point, inventer, les connaissances, le savoir peut nous servir de tremplin vers des pays qui en ont grandement besoin.

n(10 h 40)n

Mme Houda-Pepin: C'est un élément de réponse que je comprends, parce que là vous parlez au niveau de l'expertise et du transfert technologique; mais moi, je vous parle plus largement des coûts que suscite ou qu'engendre, finalement, le plan que vous nous présentez là, le plan d'équilibre entre l'atténuation et l'adaptation. Ça ne se fera pas à coûts nuls. Comment est-ce qu'on va vendre ça à nos entreprises qui sont sur le marché mondial, qui sont en compétition à tous les jours pour vendre des biens et des services, pour créer des emplois au Québec, tout en respectant, évidemment... parce qu'on adhère à l'objectif du respect de l'environnement, tout ça, on est d'accord avec, sauf que, comment est-ce qu'on peut? Vous qui êtes des chercheurs, qui avez développé des stratégies, comment on peut les embarquer dans cette démarche?

M. Décoste (Réal): Si vous permettez: peut-être que vous avez eu un petit peu cette impression. Quand on fait ce genre de présentation-là, où on précipite, souvent les gens retiennent les aspects négatifs, et c'est un peu de notre faute aussi, mais on insiste moins sur les aspects positifs. Oui, il faut gérer les crises. Les gens sont toujours très... ils sont hypersensibles quand quelque chose les touche d'une façon négative, et il ne faut pas le passer sous silence. Mais il faut regarder aussi tous les aspects positifs. Il n'y a pas de raison que, pour l'agriculture, ce ne soit pas gagnant. Il est très possible que pour la forêt ce le soit; je l'ai dit, le juré n'est pas sorti. Il n'y a pas de raison qu'on ne soit pas gagnants sur l'hydroélectricité, sur tout ce qui s'appelle une production qui, bon... Et on reçoit des coups de fil à peu près tous les jours d'entreprises qui veulent de la connaissance, ils veulent des scénarios, ils ont des marchés étrangers avec lesquels ils ont besoin de cette connaissance-là, de savoir ce qui s'en vient. Dans l'ensemble, les changements climatiques pour le Québec, si on gère les petites crises négatives qui sont quand même des crises importantes, là, mais admettons qu'on réussisse à les gérer, il faut se positionner pour prendre avantage des effets positifs sur lesquels on a peut-être moins insisté ici mais qui sont très importants. Mais c'est plus difficile de discuter de cette liste d'avantages positifs là.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci. M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. D'abord, merci pour la documentation, en fonction de votre présentation multimédia, c'est très apprécié. Peut-être une question technique: À la page 30, je constate que les zones d'érosion où le réseau de transport est menacé sont identifiées avec des étoiles rouges. On retrouve également des étoiles jaunes. Il n'y a pas de légende pour nous dire qu'est-ce que ces étoiles signifient, et je constate qu'à peu près à la hauteur de mon comté, vis-à-vis de la péninsule Manicouagan, il y a une de ces étoiles jaunes qui est en plein milieu du fleuve. Alors, j'imagine quand même que le fleuve n'a pas trop de problèmes dans son centre, au niveau de l'érosion, à moins qu'on parle de fond marin, mais j'aimerais comprendre un peu mieux la présence de ces étoiles jaunes.

M. Beauchemin (Georges): On parle effectivement de fond marin parce qu'il y a énormément d'érosion au fond du fleuve et la bathymétrie même du fleuve est en train de se modifier, et à certains endroits on se retrouve avec des deltas qui sont des accumulations d'argile, de sable, depuis des milliers d'années, qui ne sont plus alimentés en sable, etc. On a construit des barrages, et donc, ces deltas ne sont plus en équilibre, techniquement parlant, et on se retrouve avec un rehaussement marin, des effets de vague qui nous amènent des préoccupations, même, de glissements sous-marins.

M. Corriveau: Dans ce cas-là, je pense que c'est toute la question de Pointe-aux-Outardes et Pointe-Lebel qui est reflétée aussi. Je vous remercie.

M. Beauchemin (Georges): Comme le delta de la Manicouagan.

Le Président (M. Pinard): Autres questions? Alors, merci, messieurs, de votre présentation et d'avoir si bien répondu aux questions des membres de la commission. Merci infiniment.

Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à M. Paul Fauteux de bien vouloir s'approcher.

(Suspension de la séance à 10 h 44)

 

(Reprise à 10 h 46)

Le Président (M. Pinard): Alors, nous avons le privilège d'accueillir M. Paul Fauteux, qui est directeur du Bureau des changements climatiques à Environnement Canada. Alors, M. Fauteux, vous êtes accompagné de M. Normand Tremblay, analyste principal des politiques d'Environnement Canada. Alors, je vous inviterais maintenant à déposer. Vous avez un temps de parole de 15 minutes qui sera suivi d'un échange avec les membres de la commission qui va durer une demi-heure. Alors, M. Fauteux.

M. Paul Fauteux

M. Fauteux (Paul): Merci beaucoup, M. le Président, et merci à l'Assemblée nationale d'avoir bien voulu me faire l'honneur de venir témoigner devant vous ce matin. Je vous précise d'entrée de jeu que mes responsabilités de directeur général du Bureau des changements climatiques à Environnement Canada concernent tant la négociation des conditions de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au niveau international que la mise en place des politiques et mesures pour atteindre la cible de réduction d'émissions du Canada en vertu du Protocole. Donc, mon intervention ce matin concernera le volet national de ces responsabilités, mais je serai évidemment heureux de répondre aux questions des membres de la commission sur les questions internationales également. Donc, ce matin, dans les limites du temps imparti, je vais tenter de vous présenter d'une façon succincte la problématique des changements climatiques et la réponse que propose le gouvernement du Canada par le biais du Plan du Canada sur les changements climatiques qui a été rendu public le 21 novembre dernier.

Je rappelle que le réchauffement planétaire est l'un des défis environnementaux les plus pressants auxquels nous sommes confrontés. La communauté scientifique internationale a conclu qu'il fallait s'attendre à ce que l'augmentation rapide des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère fasse grimper la température à la surface de la terre, modifie notre climat et notre environnement et compromette notre santé. Depuis le début de la Révolution industrielle il y a 150 ans, les concentrations atmosphériques de CO2 ont augmenté de 30 %. Il existe aujourd'hui un solide consensus chez les experts scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat voulant que les changements climatiques ont déjà débuté et que l'activité humaine y est reliée.

On peut s'attendre à ce que les changements climatiques aient diverses répercussions au Québec étant donné les circonstances et la géographie particulière de la province. D'ici le milieu du présent siècle, les augmentations annuelles des températures au Québec pourraient s'échelonner d'environ deux degrés dans le sud à près de quatre degrés dans le nord. Ces augmentations risquent d'être relativement plus marquées au cours de l'hiver. On pourrait également voir une légère augmentation globale des précipitations, particulièrement en été. Toutefois, étant donné l'évaporation accrue occasionnée par le réchauffement des températures, l'humidité du sol diminuera probablement en été. En plus d'affecter les rendements agricoles, ces changements pourraient avoir des répercussions considérables sur la disponibilité de l'eau, ce qui affectera les capacités de production hydroélectrique. Les augmentations prévues des températures pourraient causer des problèmes dans le cas des infrastructures construites sur le pergélisol. Dans le Nord du Québec, les températures du pergélisol se sont déjà refroidies de la fin des années quatre-vingt au milieu des années quatre-vingt-dix, et, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, le pergélisol se réchauffe.

Les projections relatives aux changements climatiques indiquent qu'en raison des réductions des niveaux d'eau dans les Grands Lacs la chute du débit moyen à Montréal pourrait atteindre 38 %, et les niveaux d'eau dans son port pourraient s'abaisser d'environ 1,25 m. Notons que le port de Montréal est particulièrement sensible aux niveaux d'eau. Au cours de la période 1988 à 1991, une réduction de 30 cm des niveaux d'eau y a engendré une diminution de 15 % du tonnage traité.

n(10 h 50)n

Aucun pays ne peut à lui seul régler le problème des changements climatiques, comme on l'a déjà précisé avant moi, mais, en poursuivant de concert un objectif commun, la communauté internationale peut relever avec succès ce défi. C'est pourquoi le Canada a donné son aval à la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 1992, a signé le Protocole de Kyoto en 1997 et l'a ratifié le 17 décembre dernier. Ce faisant, le Canada s'est engagé à réduire ses émissions annuelles de gaz à effet de serre à 6 % en dessous du niveau de 1990 en moyenne par année au cours de la première période d'engagement prévue par le Protocole de Kyoto, qui va de 2008 à 2012.

On mesure l'ampleur du défi à relever lorsqu'on considère que nos émissions de gaz à effet de serre sont présentement, pour le Canada, d'environ 20 % supérieures à ce qu'elles étaient en 1990 et que, si nous ne faisions rien pour infléchir leur tendance ascendante, elles le seraient d'environ 30 % en 2010, 2010 étant l'année de référence, puisque c'est la mi-chemin de cette période d'engagement de cinq ans, de 2008 à 2012. Exprimé autrement, passer d'un niveau projeté de plus de 30 % à la cible de moins 6 % exigera du Canada qu'il réduise ses émissions projetées d'environ 240 millions de tonnes ? on me dit aussi mégatonnes ? d'équivalents CO2, puisque le Protocole de Kyoto réglemente six différents gaz, et on les mesure en équivalents CO2, donc 240 mégatonnes d'équivalents CO2 en moyenne par année au cours de chacune de ces cinq années, de 2008 à 2012. Pour rendre cette tâche un peu plus concrète, notons qu'une tonne de CO2, le principal de ces gaz à effet de serre réglementés par le Protocole de Kyoto, remplirait complètement l'intérieur d'une maison ordinaire: une tonne. Alors, il faut réduire de 240 millions de tonnes par année.

Il était donc essentiel pour le Canada de mettre en place un plan qui lui permette d'atteindre avec succès un objectif aussi ambitieux. Après cinq ans d'intenses consultations, c'est ce que représente le Plan du Canada sur les changements climatiques. Les initiatives contenues dans le Plan intègrent les priorités qu'ont permis de dégager les consultations avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les municipalités et les collectivités, les peuples autochtones, le secteur privé, les organisations non gouvernementales, les jeunes, les syndicats, le monde universitaire et la population canadienne, au cours des dernières années.

Le gouvernement du Canada est résolu à poursuivre cette collaboration afin de cerner les moyens les plus efficaces de donner suite aux propositions présentées dans le Plan, de tirer profit des possibilités de mener des activités conjointes avec les provinces et les territoires et ainsi de maximiser les synergies. La participation à l'effort mondial de lutte contre les changements climatiques est un enjeu qui touche les Canadiens de toutes les régions et de tous les horizons. À vrai dire, elle exige un effort d'envergure nationale, un effort qui appelle les citoyens, les entrepreneurs, les scientifiques, les collectivités et les gouvernements à se surpasser.

Le Plan propose à la fois des interventions à court terme et une perspective à plus long terme. Nous pouvons en effet prendre un certain nombre de mesures dès maintenant, comme offrir aux Canadiens et aux entreprises canadiennes les outils et les incitatifs nécessaires pour prendre des décisions plus écoénergétiques. D'autres seront prises au fil des ans comme investir dans les technologies et des méthodes de production plus efficaces au niveau des émissions et adopter des sources d'énergie à moindre intensité de carbone. Le Plan, par sa nature même, sera périodiquement mis à jour. Il est essentiel en effet qu'il évolue avec le temps afin que l'on tienne compte des leçons de nos efforts et que l'on s'adapte aux nouvelles possibilités et aux nouvelles technologies. L'approche générale esquissée dans le Plan intègre les principes proposés par les gouvernements provinciaux et territoriaux, le 28 octobre dernier, dans leur déclaration sur la politique en matière de changements climatiques.

Le Plan est conforme aux principes formulés dans cette déclaration concernant le partage des bénéfices et des fardeaux à la grandeur du pays, l'importance d'une approche élaborée au Canada, le besoin de continuer à faire reconnaître les exportations d'énergie plus propres du Canada et la nécessité de reconnaître les mesures hâtives prises par l'industrie. Plus précisément, le Plan reconnaît l'importance d'appliquer des solutions élaborées au Canada, fondées sur la collaboration, les partenariats et le respect des champs de compétence, de ne faire porter un fardeau déraisonnable à aucune région, d'adopter une approche par étapes, transparente et constamment révisée, de minimiser les coûts d'atténuation tout en optimisant les avantages, de promouvoir l'innovation et de limiter les incertitudes et les risques. En procédant ainsi, le Canada prendra en douceur le virage vers une société plus écoénergétique et à moindre intensité d'émissions. C'est un défi que chaque pays au monde aura à relever dans les décisions à venir, comme l'ont précisé ceux qui m'ont précédé dans l'usage de la parole.

Il est important de souligner que le Plan repose sur une approche en trois étapes pour atteindre notre objectif de lutte contre les changements climatiques, cette réduction de 240 mégatonnes par année dont j'ai parlé précédemment. Le Plan est la deuxième de ces trois étapes. La première est fondée sur le Plan d'action 2000 du gouvernement du Canada sur les changements climatiques et les investissements déjà réalisés qui permettront d'atteindre le tiers de l'objectif, soit 80 mégatonnes de réduction d'émissions annuelles. Ces 80 mégatonnes incluent à la fois les 50 issues du Plan d'action 2000 et les 30 mégatonnes que le Canada prévoit obtenir grâce aux pratiques saines de gestion des sols agricoles et des forêts, qui agissent comme puits de carbone en absorbant et en stockant le CO2 de l'atmosphère.

Le Plan propose une stratégie qui vise des réductions supplémentaires de 100 mégatonnes et esquisse un certain nombre d'interventions, en cours et potentielles, qui devraient nous permettre d'effectuer les 60 mégatonnes de réduction qui subsistent, qui feront l'objet de décisions au cours des prochaines années.

Le Plan établit un but national, soit de permettre aux Canadiens de devenir les consommateurs et les producteurs d'énergie les plus avertis et les plus efficaces au monde et des chefs de file dans la mise au point de nouvelles technologies moins polluantes. Pour atteindre cet objectif, le Plan propose cinq instruments-clés: des cibles de réduction des émissions pour les gros émetteurs industriels, déterminées par l'entremise d'engagements contractuels assortis de renforts réglementaires ou financiers qui incitent ces derniers à adopter des technologies et des sources d'énergie à plus faible intensité d'émissions, tout en leur offrant une marge de manoeuvre grâce à l'échange de droits d'émissions et un accès à des compensations intérieures et aux permis internationaux; deuxième instrument, un fonds de partenariat qui partage le coût des meilleures propositions de réduction d'émissions en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi qu'avec les municipalités, les collectivités autochtones, les organisations non gouvernementales et le secteur privé, pour accroître l'efficacité énergétique et réduire les émissions de la façon la plus efficace possible; troisième instrument, des investissements stratégiques dans les infrastructures, portant sur des propositions innovatrices en matière de changements climatiques, tant au niveau du transport urbain que des technologies du transport intermodal de marchandises et de l'acheminement du CO2, via un pipeline, des lieux d'émission aux lieux où il peut être stocké et utilisé; quatrième instrument, une stratégie concertée de l'innovation qui permettra au Canada de profiter pleinement des possibilités d'innovation que présente la lutte aux changements climatiques et qui s'appuie sur des programmes tels que Partenariat technologique Canada, le Programme d'aide à la recherche industrielle, Technologies de développement durable Canada et les Mesures d'action précoce en matière de technologie; finalement, cinquième et dernier instrument, des mesures ciblées comprenant de l'information, des incitatifs et des règlements et des mesures fiscales qui nous permettront d'atteindre nos objectifs dans un certain nombre de secteurs des domaines de programmes spécifiques, à savoir: les transports, les secteurs résidentiels, commerciaux et institutionnels, la production d'énergie renouvelable et de combustibles moins polluants, le secteur des petites et moyennes entreprises et l'agriculture, la foresterie et les lieux d'enfouissement.

Conformément aux principes définis par les provinces et territoires dans leurs déclarations sur la politique en matière de changements climatiques, les instruments contenus dans le Plan permettent d'utiliser des approches tant bilatérales que multilatérales pour atteindre nos priorités. Par ailleurs, le premier ministre Chrétien a été sans équivoque quant à l'importance qu'il attache au rôle des provinces et territoires dans la mise en oeuvre du plan. C'est ainsi qu'il a déclaré, le 27 novembre, à la Chambre des communes, et je le cite: «Sur la question de Kyoto, nous sommes disposés à signer des accords bilatéraux avec chacune des provinces, si elles le veulent.»

Le gouvernement du Canada vient d'amorcer une série de consultations bilatérales avec les gouvernements de chaque province et territoire afin d'élaborer une approche précise à l'égard de chacune de ces diverses questions. La première de ces réunions bilatérales, au niveau des sous-ministres de l'Énergie et de l'Environnement, s'est déroulée ici même, à Québec, pas plus tard qu'hier. Ces réunions se poursuivront au cours des prochaines semaines et nous espérons avoir visité chacune des 13 capitales provinciales et territoriales d'ici la fin mars. Elles permettront de faire ressortir les priorités fédérales, provinciales et territoriales relativement à la mise en oeuvre du Plan et ainsi d'identifier des opportunités de partenariat. Nous serons donc en mesure de bâtir un effort concerté, de collaborer avec les provinces et les territoires pour déterminer les meilleures façons d'atteindre nos buts et mettre en commun les différentes possibilités qui s'offrent à chacun, tout en respectant nos champs de compétence.

n(11 heures)n

Par ailleurs, le gouvernement du Canada reconnaît le rôle que peut jouer chaque Canadien dans l'atteinte de nos objectifs, puisque chaque Canadien produit en moyenne un peu plus de 5 tonnes de gaz à effet de serre par année. La somme de ces émissions individuelles représente plus du quart de nos émissions nationales de gaz à effet de serre.

Chaque Canadien doit donc être sensibilisé à l'importance de sa contribution au problème des changements climatiques et, par conséquent, de sa capacité à contribuer à sa solution. Le Plan établit un objectif de réduction d'une tonne pour chaque Canadien, tout en reconnaissant que certains pourront faire plus et d'autres moins. Les mesures qui seront prises par les Canadiens porteront sur une multitude d'activités telles que l'achat d'un véhicule éconergétique, l'utilisation des mélanges éthanol-essence, la rénovation des maisons, l'achat des maisons R-2000, le remplacement des appareils électroménagers par les modèles Energy Star 2002, et l'achat d'équipements de bureau plus éconergétiques. La réalisation de l'objectif d'une tonne par Canadien permettrait une réduction de plus de 30 mégatonnes, soit un peu plus de 12 % des réductions nécessaires pour atteindre notre cible en vertu du Protocole.

Le Président (M. Pinard): En conclusion.

M. Fauteux (Paul): Il ne faut pas non plus négliger l'importance des interventions sur le plan communautaire. Je passerai donc ? dans l'intérêt du temps ? rapidement sur le projet Biobus à Montréal, sur les différentes initiatives au niveau des municipalités, et je conclurai en soulignant que le Plan du Canada sur les changements climatiques fait place aux priorités mises de l'avant par les gouvernements provinciaux et territoriaux qui, comme celui du Québec, ont élaboré leurs propres plans de lutte aux changements climatiques et s'appuient sur elles. Et, M. le Président, j'aimerais en profiter pour souligner ici que le gouvernement fédéral reconnaît l'importance de l'effort déjà fourni par le Québec en matière de lutte aux changements climatiques.

Le Plan affirme donc l'intention du gouvernement du Canada de bâtir un effort national concerté et de collaborer avec les provinces et les territoires pour déterminer les meilleures façons d'atteindre nos buts en veillant à respecter leurs champs de compétence. Il prône la mise en commun des possibilités qui s'offrent à chacun dans ses champs de compétence respectifs. Enfin, il ouvre la porte à la conclusion d'accords, tant bilatéraux que multilatéraux, pour atteindre nos priorités. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Fauteux. Alors, sans plus tarder, j'inviterais M. le ministre à poser la première question.

M. Boisclair: Bien, je voudrais d'abord remercier M. Fauteux et les gens qui l'accompagnent. Vous comprendrez, M. le Président, qu'il serait délicat pour moi d'engager une discussion sur le fond. J'ai beaucoup de respect pour M. Fauteux. Je connais aussi son talent, je l'ai vu négocier à Bonn, à Marrakech, et j'ai une haute estime de ses compétences.

Ceci étant dit, dans les discussions avec le gouvernement fédéral, des enjeux sont sur la table et se poursuivent, au moment où nous parlons, des discussions à haut niveau entre les autorités ministérielles, et je pense qu'il convient, dans le cadre de cette discussion, de mettre de côté les enjeux des négociations et peut-être s'en tenir directement au Plan. Je ne voudrais pas non plus mettre M. Fauteux dans une situation où il serait mal à l'aise. Je comprends qu'il s'exprime au nom du gouvernement canadien ici aujourd'hui, et l'idée n'est pas pour moi d'essayer de le coincer, là, et de le faire avouer l'inavouable, même si la tentation est là. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): On sent que vous vous retenez.

M. Boisclair: La tentation est là. Mais je vais essayer de m'en tenir au fait et à ce Plan. Ce Plan a été longuement discuté. Je me permettrais un commentaire, M. le Président. Lorsque le gouvernement fédéral a signé Kyoto en 1997, il avait bien fait état de son intention de le ratifier. Il est assez étrange que ce n'est uniquement que dans les derniers mois, alors que la date Johannesburg venait et qu'il y avait une pression très forte du gouvernement fédéral et du caucus du Parti libéral du Canada, de membres importants du caucus s'exprimant en faveur de la ratification, c'est uniquement à ce moment, qu'on a commencé à discuter d'un plan, alors que, dès 1997, le gouvernement fédéral avait annoncé son intention de ratifier.

Il y a un plan qui est sur la table. Il a ses forces et ses faiblesses. Mais je voudrais insister sur deux choses et des faits qui sont clairs. La première question, c'est l'année de référence: Est-ce qu'il est clair dans votre esprit que l'année de référence qui sera utilisée sera celle de 1990? Il y a là un enjeu important, puisque, si nous ne reconnaissons pas 1990 comme année de référence ? pourquoi 1990? parce que c'est l'année de signature du Protocole de Kyoto ? nous allons pénaliser celles et ceux qui, depuis 1990, ont enregistré des diminutions d'émissions. Alors, je vous ai entendu, M. Fauteux, dire tout à l'heure que le gouvernement fédéral reconnaissait les efforts qui avaient été faits au Québec. Est-ce à dire qu'il est clair dans votre esprit que le Plan canadien pose comme année de référence qui nous permettrait de certifier des réductions l'année 1990 comme année de base?

Le Président (M. Pinard): M. Fauteux.

M. Fauteux (Paul): Oui, merci, M. le Président. M. le ministre, vous connaissez bien le Plan et vous savez comme moi que cette question n'y trouve pas de réponse. En revanche, le Plan précise, dans la section relative aux grands émetteurs industriels, qu'il y a un certain nombre de démarches qui ont été entreprises pour répondre aux préoccupations des secteurs industriels qui seraient couverts par ce régime pour les gros émetteurs industriels, et un certain nombre de questions qui restent toujours en discussion. Vous faisiez allusion tout à l'heure aux questions, aux enjeux qui sont en négociation, qui sont sur la table, cette question en est une.

Le Plan note qu'un groupe mixte de l'industrie et du gouvernement... Dans le cadre de la vaste consultation qui s'est échelonnée sur les cinq ans entre la signature en 1997 et la ratification en 2002, il y a eu toute une série de tables nationales de concertation qui ont été mises sur pied. Une de ces tables de concertation portait justement sur la reconnaissance des mesures hâtives. Et donc, ce groupe mixte de l'industrie et du gouvernement a réalisé des travaux exhaustifs sur cette question en 1999 et a choisi de ne pas recommander la mise en place d'un système officiel de crédits en raison de la complexité de ce dossier. Le gouvernement a pris acte de ces difficultés et s'est donc engagé, dans le Plan, à continuer de travailler avec l'industrie pour concevoir un système qui ne portera pas préjudice aux entreprises qui ont pris des mesures hâtives.

Alors, la date de référence sera-t-elle 1990, sera-t-elle une autre année ou réussira-t-on à concevoir un système qui n'exige pas une date de référence mais qui réussisse quand même à rencontrer cet objectif que s'est fixé le gouvernement fédéral de ne pas porter préjudice aux entreprises qui ont pris des mesures hâtives? C'est la suite de la négociation qui le dira.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais corriger une petite erreur, pour les membres de la commission, que j'ai faite: 1997, c'est l'année de signature; 1990, c'est l'année de référence utilisée dans Kyoto. Je veux juste préciser ces choses.

J'entends votre réponse, et il me plaît de l'entendre à nouveau. Et je suis convaincu que, au fur et à mesure que nous allons l'entendre, des gestes concrets seront posés pour, dans les faits, concrétiser cet engagement, puisque les faits tardent à venir. Et ces discussions, je les ai régulièrement avec mon homologue fédéral.

L'autre question qui nous préoccupe, c'est la question du mécanisme d'allocation des permis. Il faut que les gens de cette commission comprennent que ce mécanisme de permis est important, puisque des quotas d'émissions vont constituer, pour des entreprises, un actif, un actif qui a une valeur. C'est donc dire qu'une façon de distribuer ces quotas constitue, d'une certaine façon, une façon de distribuer de la richesse. Il y a donc là un enjeu important. Et le plan fédéral compartimente la production d'énergie et, de cette façon, réduit de façon significative l'incitation à la conversion vers une source d'énergie qui pourrait être plus propre.

De façon claire... Et je fais référence, M. le Président, à une étude publiée dans Options politiques par deux économistes, dont une personne qui est effectivement du ministère de l'Environnement, par Jean Nolet et Myriam Blais, qui ont fait la démonstration ? ils ont été les premiers à le faire au Canada ? que le choix de ce Plan a pour effet d'octroyer des permis pour huit mégatonnes supplémentaires au secteur de la production thermique et de soustraire 10 mégatonnes au secteur manufacturier. C'est ce que nous appelons le traitement inéquitable du secteur manufacturier.

n(11 h 10)n

En d'autres mots, si ce Plan devait voir le jour, ce qu'il nous propose dans sa forme actuelle, c'est de nous priver de réductions de gaz à effet de serre qui seraient moins coûteuses à obtenir. Est-ce qu'il ne serait pas opportun que ce Plan retienne comme principe fondamental cette idée d'obtenir sur le territoire des réductions qui, pour notre économie, sont les moins coûteuses à obtenir. Nous pourrions, de cette façon, rétablir l'équilibre qui doit être atteint. Nous pourrions aussi, de façon non équivoque, affirmer par ce Plan notre volonté d'atteindre des objectifs de décarbonisation de l'économie, parce que c'est là l'objectif fondamental. Et nous pourrions ainsi dire à la population québécoise et à la population canadienne que ce Plan respectera les meilleurs préceptes environnementaux. Parce qu'en ce moment nous ne pouvons pas faire cette démonstration, du fait de la conversion énergétique qui n'est pas reconnue, qui est difficilement faisable, du fait de la décarbonisation de l'économie qui n'est pas nécessairement assurée.

En somme, est-ce que nous ne devrions pas dans ce Plan fixer comme principe fondamental le fait qu'il faut obtenir les réductions qui sont les moins coûteuses à obtenir?

Le Président (M. Pinard): M. Fauteux.

M. Fauteux (Paul): Merci. M. le ministre, merci de cette question. Et je tenterai d'y répondre en référence aux principes fondamentaux qui ont été convenus d'abord par les premiers ministres du Canada et des provinces avec les leaders territoriaux lors de leur première réunion qui a suivi la signature du Protocole de Kyoto en décembre 1997; c'était donc au début de 1998. Les premiers ministres se sont rencontrés pour se pencher sur le Protocole de Kyoto, sur ce qui avait été accepté par le Canada, en principe, par la signature et ont convenu d'un certain nombre de principes qui devaient présider à l'élaboration du plan de mise en oeuvre du Protocole au Canada. Et, parmi ces principes, le premier, et sans doute le plus important, était qu'aucune région du pays ne se verrait imposer un fardeau déraisonnable. Et évidemment, toute la difficulté consiste ensuite à traduire ce principe dans la réalité et déterminer qu'est-ce qui est un fardeau raisonnable et qu'est-ce qui n'est pas un fardeau raisonnable. C'est pourquoi le gouvernement du Canada, de concert avec les provinces et les territoires, par l'entremise du Groupe d'analyse et de modélisation économique, a examiné un certain nombre de scénarios. Parce que le Plan sur les changements climatiques du gouvernement du Canada, c'est effectivement une approche élaborée au Canada. Le Protocole de Kyoto nous fixe l'objectif, il nous laisse toute liberté de la façon dont nous l'atteignons. Donc, on a examiné un certain nombre de scénarios et on a privilégié des scénarios qui minimisaient les coûts de mise en oeuvre du Protocole et qui répartissaient équitablement ces coûts à la grandeur du pays. Et c'est dans ce contexte qu'un cadre de référence, un scénario de référence a été élaboré, dont les résultats d'analyse figurent en annexe du Plan. Et je crois que c'est vraisemblablement à ce scénario de référence que se réfèrent mes collègues Jean Nolet et Myriam Blais ? dont je n'ai malheureusement pas lu l'article mais que je lirai avec grand intérêt, merci de me le signaler. Et, comme le Plan lui-même ne fixe pas ce genre de détails, je présume donc que c'est au scénario de référence que ces analystes se réfèrent. Le Plan dit simplement que, pour l'ensemble du secteur dit des gros émetteurs industriels, le gouvernement du Canada attend une réduction d'émissions de 55 mégatonnes. Donc, c'est un peu plus de la moitié des 100 mégatonnes de réduction d'émissions dans l'ensemble du Plan, qui est la seconde étape de la réalisation vers notre objectif de Kyoto.

En conclusion, les points qui ont été soulevés par le ministre Boisclair sont tout à fait légitimes, tout à fait importants et devront être traités, encore une fois, dans les négociations à venir entre le gouvernement du Canada et les grands émetteurs industriels. Certaines hypothèses ont été esquissées dans le scénario de référence qui a fait l'objet d'une modélisation, mais je rappelle, encore une fois, que ce scénario de référence n'est pas le Plan.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Boisclair: En conclusion. Là, M. Fauteux, cependant vous m'inquiétez, puisque vous me dites que je trouverai une réponse à ces questions dans les négociations que le gouvernement fédéral aura avec les émetteurs des grands secteurs industriels. Je croyais plutôt que ces discussions se feraient avec les représentants des provinces.

M. Fauteux (Paul): Il y aura des discussions avec les provinces, il y aura des discussions avec l'industrie. Il n'y a pas d'exclusive, il y aura les deux.

M. Boisclair: Oui, mais je comprends que, dans la volonté que vous avez de signer une entente bilatérale avec le gouvernement fédéral, entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, ces questions seront bien sûr discutées. C'est l'assurance que m'a donnée le ministre, et je suis convaincu que vous partagez...

M. Fauteux (Paul): Bien sûr. Ma réponse était partielle, merci de la compléter.

M. Boisclair: D'accord. J'espère une chose, M. Fauteux, que, dans l'évaluation du fardeau déraisonnable que pourrait subir une province plutôt qu'une autre, vous tiendrez compte du fait que des Québécois et des Québécoises ont subventionné l'exploitation de sables bitumineux dans l'Ouest; que des Québécois et des Québécoises ont aussi largement subventionné l'exploration gazière dans l'Ouest et que nous pourrions donc avoir une vision différente de ce que signifie le fardeau déraisonnable, nous n'avons pas eu ce même type d'appui financier lorsque est venu le temps de développer les forces hydroélectriques sur le territoire québécois; et que cet élément doit absolument être pris en compte dans l'impact de ce fardeau déraisonnable. Je le répète: Des Québécois et des Québécoises ont largement financé l'exploitation des sables bitumineux et l'exploration gazière dans l'Ouest canadien.

Le Président (M. Pinard): Commentaires, M. Fauteux? Non? Alors, nous cédons maintenant la parole au député d'Orford, critique officiel de l'opposition.

M. Benoit: Merci, M. le Président. M. Fauteux, merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Le ministre vous a parlé des relations du Québec avec les autres provinces. J'aimerais peut-être vous parler des relations du Québec avec nos voisins du Sud. J'ai été formé à l'école de Robert Bourassa, qui était, à l'époque, je pense, un peu en avant de son temps, en parlant de l'environnement en tout cas. Il a parlé d'hydroélectricité bien avant plein de monde et il nous disait régulièrement, quand on parlait d'environnement, qu'il ne fallait jamais que le Québec se mette dans une position pour être non pas dans une mauvaise compétition avec les États-Unis... En d'autres mots, il était bien que le Québec tienne le pas en environnement mais que, si nos normes étaient trop sévères, il y aurait là un coût économique auprès de nos entreprises. Et, quand je vois que nos voisins du Sud se targuent de vouloir construire ? je ne sais plus trop ? 230 centrales au charbon dans les prochaines années, etc., est-ce que, au-delà de cet engagement moral, comme dirait Me Yergeau tantôt, que le fédéral a pris... au-delà de cet engagement moral là, est-ce que, dans la vraie vie, on n'est pas après mettre nos industriels dans une position... Entre Canadiens, je comprends qu'on va se batailler relativement avec les mêmes armes, mais avec nos voisins du Sud, est-ce qu'on n'est pas après se mettre dans une position difficile? Et j'aimerais vous entendre sur ce point-là.

Le Président (M. Pinard): M. Fauteux.

M. Fauteux (Paul): Merci. M. le député, merci de cette question. Et je précise d'abord que je n'ai pas encore entendu la communication de Me Yergeau, mais, à titre de juriste, je vous dirai qu'il ne s'agit pas d'une obligation morale, il s'agit d'une obligation juridique. Le Canada, en ratifiant le Protocole de Kyoto, s'est engagé, en droit international, à rencontrer les obligations que prévoit le Protocole pour lui.

Sur la question des États-Unis, il faut bien comprendre qu'il y a des questions, des aspects politiques et il y a des aspects pratiques à cette question. Le président Bush a décidé de ne pas ratifier le Protocole de Kyoto. Le président Bush a réitéré l'engagement des États-Unis à titre d'État partie à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la Convention de Rio de 1992, de laquelle découle le Protocole de 1997. Et le président Bush a affirmé son intention de contribuer à la lutte aux changements climatiques.

Nous ne sommes pas satisfaits des efforts des États-Unis. Nous constatons néanmoins que ces efforts ont le mérite d'exister. Nous constatons également qu'au-delà de l'action du gouvernement fédéral américain il y a toute une série d'actions qui se déroulent ailleurs aux États-Unis, notamment au niveau des États. La Californie, un des États les plus populeux, vient d'adopter une loi par laquelle elle prévoit réglementer les émissions de gaz à effet de serre des automobiles. Des États comme l'Orégon, l'État de New York, le New Jersey, le New Hampshire réglementent les émissions de CO2 des usines au charbon, justement, des installations de production thermique d'électricité à partir du charbon. Donc, il y a un mouvement aux États-Unis, il y a une politique du gouvernement fédéral, qui est une construction politique qui ne pourra changer que suite à des développements politiques. Mais je ne crois pas que les États-Unis resteront, à terme, en dehors de la marche multilatérale, la marche mondiale vers la solution de ce problème mondial.

Donc, il y avait, effectivement, un grand débat au Canada l'année dernière, à savoir: Est-ce qu'on peut se permettre de prendre les devants par rapport aux États-Unis ou est-ce qu'il faut les suivre? Le choix qu'a fait le gouvernement du Canada, c'est qu'il fallait prendre les devants. Il fallait le faire, d'une part, parce que c'est la bonne chose à faire et aussi parce que ça présente des opportunités pour le Canada. Comme je le mentionnais, il y a toute une économie de la décarbonisation, pour reprendre l'expression de M. le ministre Boisclair, qui s'ouvre devant nous, et ce sont les compagnies qui seront les plus innovatrices et qui iront au-devant des défis technologiques qui réaliseront des gains, qui feront des profits et qui développeront nos exportations.

n(11 h 20)n

M. Benoit: Une multinationale américaine qui a une filiale ici, j'imagine que la filiale canadienne est liée par nos lois et règlements canadiens. Est-ce que vous avez l'impression que ces multinationales américaines qui sont impliquées ici, sur notre territoire, seront moins pressées que des compagnies canadiennes à poursuivre notre démarche en ce qui a trait à Kyoto?

M. Fauteux (Paul): Pas du tout, parce que ces multinationales basées aux États-Unis ne sont pas établies, à l'extérieur des États-Unis, qu'au Canada. Elles sont également établies au Japon. Elles sont établies dans la communauté.. dans l'Union européenne, dans des pays qui sont, comme le Canada, engagés, en vertu du Protocole, à réduire leurs émissions. Donc, ces compagnies américaines, ces multinationales devront réduire leurs opérations dans tous les États partie au Protocole, non seulement au Canada. Et, non, je ne crois pas qu'elles seront moins empressées de le faire que les compagnies qui ont concentré leurs opérations au Canada.

M. Benoit: Ces permis ou ces crédits d'émissions, dont nous avons passé, M. Boisclair et moi, il y a quelque temps ici, une loi, ici, à l'Assemblée nationale du Québec, est-ce que... au moment où on se parle, est-ce qu'il s'en transige sur la planète et est-ce que le Québec est partie prenante à ça? À quelle séquence tout ça va prendre place?

M. Fauteux (Paul): Il y a effectivement un marché international des permis de carbone qui émerge au moment où on se parle. Puisque le Protocole n'est pas encore entré en vigueur, on s'attend à ce que cela se produise dans le cours de la présente année, ce marché est très limité, il n'y a pas beaucoup de transactions. Les transactions portent sur des crédits qui, par définition, ne sont pas des crédits réglementés par le Protocole de Kyoto. Mais il y a effectivement une certaine activité au niveau des échanges de permis d'émissions. Et nous prévoyons bien sûr que ce marché va se développer très rapidement à partir de l'entrée en vigueur du Protocole.

M. Benoit: La multinationale américaine, avec son siège social aux États-Unis, qui fait des efforts en France, est-ce que son crédit, il est français ou il est américain quand elle négocie son permis, quand elle négocie son crédit?

M. Fauteux (Paul): Bien, dans votre hypothèse, une multinationale américaine qui a une filiale française, c'est la filiale française qui recevra un permis d'émissions, qui reflétera le montant d'émissions qu'elle est autorisée à émettre par le gouvernement français. Donc, ça n'implique pas le gouvernement américain. Ce sera un permis français, attribué par la République française à la compagnie française, qui s'adonne à être une filiale d'une multinationale américaine.

M. Benoit: Et non consolidable dans les états financiers de la multinationale aux États-Unis. C'est ce que je dois comprendre.

M. Fauteux (Paul): C'est une question de pratique comptable sur laquelle je ne me prononcerai pas.

M. Benoit: Je finirais en vous disant que Me Yergeau va être notre interlocuteur après vous, je vous invite à l'entendre, il sera sûrement très agréable, comme toujours.

M. Fauteux (Paul): Je n'en doute pas.

Le Président (M. Pinard): Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, M. Fauteux, M. Tremblay, je vous souhaite la bienvenue. Vous nous avez fait une présentation fort intéressante. On comprend que votre Plan du Canada sur les changements climatiques est issu d'une large et vaste consultation à laquelle ont contribué pratiquement tous les niveaux de gouvernements mais aussi les citoyens.

Vous dites également dans votre présentation que vous voulez minimiser les coûts d'atténuation tout en optimisant les avantages. Quels sont les avantages que vous voulez mettre de l'avant et comment est-ce que vous allez les faire connaître ou les rendre acceptables aux partenaires que vous voulez embarquer dans ce Plan-là?

M. Fauteux (Paul): Il y a toute une série de mesures ciblées, auxquelles j'ai fait allusion dans le Plan. Il y a également des investissements prévus en matière d'innovation et d'infrastructure. Laissez-moi vous en donner quelques exemples.

Le transport en commun, c'est un domaine d'action gouvernementale qui peut nous permettre d'atteindre des objectifs multiples. Si plus de gens prennent l'autobus et le métro, il y a moins de voitures, il y a moins de gaz à effet de serre, donc on contribue ainsi à lutter contre les changements climatiques. Mais, en réduisant le nombre de véhicules, on réduit également les émissions de polluants atmosphériques classiques, comme le dioxyde de souffre, les oxydes d'azote. Et donc, en atteignant nos objectifs de lutte aux changements climatiques, on peut en même temps atteindre nos objectifs d'amélioration de la qualité de l'air. Alors, c'est un des exemples des avantages multiples qui peut découler de la lutte aux changements climatiques.

De la même façon, en réduisant ces polluants atmosphériques conventionnels, on va augmenter la santé publique; on va réduire le nombre de jours où on a une mauvaise qualité de l'air; on va réduire le nombre de crises d'asthme provoquées par les polluants atmosphériques; on va réduire le nombre de jours d'hospitalisation dus à ces problèmes respiratoires.

En ce qui concerne le développement technologique, une des mesures auxquelles j'ai fait allusion, auxquelles peuvent contribuer chaque Québécois, chaque Québécoise, chaque Canadien et chaque Canadienne, c'est: au lieu de remplir son réservoir à essence avec de l'essence conventionnelle, on peut le remplir avec un mélange d'essence et d'éthanol. L'éthanol est produit à base de matières végétales, ça peut être le blé ou le maïs, ce sera bientôt la cellulose, et l'éthanol contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre en même temps que ça apporte une source de revenus additionnels à nos agriculteurs. Donc, encore une fois, il y a des avantages à maximiser en même temps qu'on minimise les coûts.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Je suis d'accord avec vous, en tout cas, pour ce qui est du transport en commun. Je plaide depuis longtemps pour un projet, en particulier sur la rive sud, du système léger sur rails qui va aller sur l'estacade, dans l'axe du pont Champlain...

Le Président (M. Pinard): Rapidement, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: ...et qui répond effectivement à tous ces critères.

En terminant, je voudrais savoir comment vous voulez associer les municipalités, puisque vous voulez les considérer comme des partenaires privilégiées dans la mise en place de votre Plan. Or, les municipalités, ce qu'elles nous disent, elles veulent bien entreprendre des responsabilités, mais elles veulent avoir des enveloppes qui vont venir avec.

M. Fauteux (Paul): Oui, il y a déjà des enveloppes qui ont été mises à la disposition des municipalités. Dans le Plan d'action 2000 du gouvernement du Canada, on a créé deux fonds verts municipaux qui sont gérés par la Fédération canadienne des municipalités et qui financent un certain nombre de projets environnementaux dans les municipalités, y compris des projets de lutte aux changements climatiques. Ces fonds verts ont été... ont vu augmenter la contribution financière du gouvernement fédéral dans le budget 2001.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Saguenay maintenant.

M. Corriveau: Oui, merci, M. le Président. Vous avez mentionné tantôt qu'il y aurait une... en fait, c'est un engagement qui n'est pas juste un engagement moral de la part du Canada de respecter les critères de Kyoto, mais que c'était un engagement au niveau du droit international, avec ses sanctions juridiques. Pouvez-vous aller un petit peu plus loin au niveau du détail de ces sanctions juridiques? Est-ce qu'il y a des clauses pénales auxquelles le Canada s'expose? Et quelles sont-elles?

M. Fauteux (Paul): Il n'y a pas de clauses pénales dans le sens qu'on ne met pas les États en prison. On n'impose pas non plus des amendes. Il y a eu un débat sur la question de savoir si le Protocole devait prévoir des sanctions financières en cas de non-respect, il n'y a pas eu de consensus là-dessus.

Donc, le Protocole met en place un système de conséquences qui découlent du non-respect des obligations, l'obligation principale étant bien sûr de ne pas dépasser le montant d'émissions auquel on a droit en vertu du Protocole. En cas de dépassement des émissions, les conséquences sont le report des émissions excessives d'une période d'engagement sur l'autre. Donc, si, pendant la première période d'engagement de 2008 à 2012, le Canada excède son plafond d'émissions, l'excédant des émissions devra être récupéré lors de la prochaine période d'engagement. Parce que, comme le disait M. Décoste ? qui me précédait dans l'usage de la parole ? il n'y aura pas un seul Kyoto, il y aura un Kyoto, deux Kyoto, trois Kyoto, quatre Kyoto. On a mis 150 ans à créer ce problème des changements climatiques, on mettra au moins 100 ans à le régler.

Donc, si on ne réduit pas nos émissions dans la première période d'engagement autant qu'on s'est engagé à le faire, on devra les réduire encore plus dans la deuxième période d'engagement. Et, pour éviter la tentation de simplement reporter les obligations en faisant plus tard... en remettant à demain ce qu'on n'aime pas faire aujourd'hui, il y a une pénalité, et cette pénalité, c'est un taux de restauration de 1,3. Autrement dit, si j'excède, si le Canada excède son plafond d'émissions de 100 mégatonnes, dans la prochaine période d'engagement, il devra soustraire 130 mégatonnes des crédits d'émissions auxquels il aurait autrement droit. C'est la principale conséquence, c'est-à-dire que, en retardant le respect des obligations, on rend ces obligations plus onéreuses.

n(11 h 30)n

Il y a également des conséquences plus techniques qui font que l'État qui dépasse sa limite de permis d'émissions n'a pas le droit de vendre des permis sur le marché, parce que je vous parlais de ce marché international du carbone que créera le Protocole. Il y a des opportunités d'affaires, il y a des profits à faire avec ces échanges de crédits d'émissions. Un État qui dépasse sa limite d'émissions est privé du droit de vendre sur le marché international du carbone. Il peut bien sûr acheter, puisqu'il doit justifier ses émissions avec des permis additionnels. Et finalement, l'État qui a été trouvé en violation de ses obligations a l'obligation de soumettre à un comité créé par le Protocole un plan de respect de ses obligations pour démontrer comment il entend retrouver la conformité avec ses obligations.

M. Corriveau: Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, du côté gouvernemental, il vous reste 1 min 10 s. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: M. Fauteux, si jamais vous avez le plaisir de croiser M. Manley avant qu'il prononce son budget cet après-midi, vous pourrez lui dire qu'il a une belle occasion de pratiquer la vertu que vous plaidez et de respecter les compétences des provinces en reconnaissant le fait que les municipalités au Québec ont comme partenaire privilégié le gouvernement du Québec et qu'il serait quelque peu odieux de demander au gouvernement du Québec de négocier le transfert de ces sommes d'argent en négociant une entente avec la Fédération canadienne des municipalités qui, somme toute, est un syndicat de municipalités. Les rapports que nous devons avoir sont des rapports entre gouvernements, et, si vous entendez soutenir les municipalités, il faut le faire par le biais d'une entente avec le gouvernement du Québec. Vous savez que, du fait du choix de la stratégie fédérale, les sommes annoncées ne sont pas encore investies sur le territoire québécois, puisque la Fédération canadienne des municipalités n'est pas autorisée à agir comme intermédiaire au nom du gouvernement fédéral sur notre territoire et financer directement des municipalités. Vous comprenez l'absurde de la situation qui a toujours été dénoncée par les partis politiques quels qu'ils soient formant le gouvernement à l'Assemblée nationale. J'espère donc que ce message sera entendu et que la volonté à plusieurs reprises exprimée du ministre fédéral de l'Environnement de respecter les compétences des provinces trouvera un écho favorable dans le budget de M. Manley qui, si j'ai bien compris, devrait prévoir certaines sommes pour soutenir des initiatives visant la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. Messieurs, je vous remercie de vous être présentés devant la commission. Alors, merci, MM. Fauteux et Tremblay. J'inviterais maintenant Me Michel Yergeau de bien vouloir se présenter.

Alors, la commission reçoit maintenant Me Michel Yergeau qui est associé au cabinet d'avocats Lavery, de Billy. Il y a créé en 1987 l'équipe de droit de l'environnement. Il est membre de l'Association des conseillers en environnement du Québec, du Centre patronal de l'environnement, de la Fondation québécoise en environnement à titre de membre fondateur, et de plusieurs autres associations professionnelles.

Alors, M. Yergeau, vous avez 15 minutes pour déposer votre mémoire, et, par la suite, les membres de la commission échangeront avec vous pendant 30 minutes. À vous la parole.

M. Michel Yergeau

M. Yergeau (Michel): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. membres de la commission, la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto ne se fera pas sans intervention législative et réglementaire et sans publication de politiques et autres documents d'implantation et de mise en oeuvre. Vous remarquerez que je n'ai pas une présentation particulièrement attrayante, puisqu'il s'agit essentiellement d'un texte de 30 pages citant de la jurisprudence, accompagné d'aucune photo et d'aucun diagramme. Et j'ai, en plus de ça, le lourd défi d'aborder le sujet le moins séducteur, qui est l'aspect constitutionnel. S'il y a un sujet qui a tendance à répugner l'interlocuteur, c'est bien celui-là et pourtant, je vais tenter, pendant les 14 minutes qui me restent, à vous intéresser, et de tenter de vous intéresser à ce sujet en suivant à la piste certains raisonnements de la Cour suprême du Canada qui, quant à moi, se lisent comme un vaste roman policier.

Je me tiendrai à l'abri de toute polémique et je me fonde essentiellement, dans mes propos, sur ce qui, à mon sens, est le texte de la Constitution, de la Loi constitutionnelle de 1867, et sans tenter de l'étirer dans toutes les directions pour donner raison soit au fédéral, soit au provincial. Mais il suffit de lire en parallèle les articles 91, 92 et 92A de la Constitution et certains articles du Protocole de Kyoto pour constater qu'il y a des ressemblances et que, à toutes fins pratiques, le Protocole de Kyoto, entre autres, en désignant certains champs d'action privilégiés dans lesquels les États signataires devraient intervenir avec le concours des régions ou des autorités régionales, selon le Protocole, recoupe directement plusieurs des éléments de ce qui constitue fondamentalement le partage des compétences au Canada. Qu'on parle, par exemple de la gestion forestière, de l'agriculture, de la gestion des matières résiduelles, des émissions à l'atmosphère, il s'agit autant de questions qui sont soit de compétence exclusive des provinces, soit de compétence partagée entre les provinces et le Canada.

Donc, je prends pour acquis que toute intervention de la part de l'État fédéral et de l'État provincial va s'accompagner aussi de mesures législatives par la force des choses. Les simples négociations, les simples accords sectoriaux ne suffiront pas. On aurait faire, par exemple, des ententes avec tous les grands secteurs d'activité manufacturière qu'on n'aurait réglé que 20 % du problème, de l'objectif de réduction de gaz à effet de serre, grosso modo. Donc, il va falloir intervenir. Et, au fur et à mesure que l'objectif d'atteinte de réduction va percoler dans la vie quotidienne, tous les secteur d'activité vont être affectés. On l'a déjà vu, je ne répéterai pas, mais tous les secteurs d'activité et tous, finalement, les membres de la société civile vont être interpellés par le problème.

Je me suis donc posé la question, compte tenu du fait que ce ne sera pas facile et que ça ne se fera pas sans heurts. Ce serait candide de croire que, pendant les 10 prochaines années, ce sera le bonheur entre toutes les législatures du Canada pour parvenir à l'atteinte de l'objectif. Je me suis posé la question: Si on veut y parvenir, est-ce qu'il existe un rouleau compresseur constitutionnel capable de remettre dans les mains de l'État fédéral tous les pouvoirs pour que le Canada puisse atteindre son objectif? Et je prendrai, dans les minutes qui suivent, la défense de la Cour suprême du Canada qui, dans cet édifice où nous sommes aujourd'hui, a été comparée, il y a plusieurs années, à la tour de Pise qui penchait toujours du même côté, pour dire que, quand on relit la jurisprudence la plus évidente de la Cour suprême depuis 1976, on se rend compte que, contrairement à la croyance populaire, la Cour suprême a probablement été plus réservée et plus soucieuse de ménager l'équilibre fédéral-provincial que ce qu'en veut la commune réputation.

n(11 h 40)n

Je vous donnerai quelques exemples, et je n'ai pas été plonger dans la jurisprudence la plus éclectique, je vous invite juste à partager avec moi une espèce de courant ou de périple qu'a fait la Cour suprême à partir de la Loi anti-inflation. Et, si je parle de la Loi anti-inflation, c'est parce que, quand vous voulez juguler l'inflation, il faut que vous interveniez dans beaucoup de domaines, et, si vous voulez juguler les gaz à effet de serre, vous devez intervenir dans beaucoup de domaines qui sont tantôt provinciaux, tantôt fédéraux. Bon.

Mais là la transposition ne peut pas aller, on ne peut pas tout simplement transposer purement et simplement parce qu'on se dirait: Oui, mais. On a fait de la lutte à l'inflation une question d'intérêt national fédéral. Donc, on va faire de la lutte aux gaz à effet de serre une matière d'intérêt national et le fédéral va décider de tout. Je pense que ce serait aller un peu trop vite en affaire que de conclure comme ça.

En réalité ? et c'est là la partie roman policier que je vous annonçais au départ ? en 1976, dans la décision de la Cour suprême, dans le renvoi sur la Loi anti-inflation, on a dit que la lutte à l'inflation est une affaire d'intérêt national, ce qui faisait finalement des mesures de lutte à l'inflation une compétence exclusivement fédérale. Mais, toutefois, il y avait une dissidence en la personne du juge Beetz qui a émis une sérieuse réserve en disant: Non, non, on ne peut pas considérer, à toutes fins pratiques, qu'un sujet aussi diffus que la lutte à l'inflation peut être mis entre les mains du fédéral parce que ça n'a pas le caractère spécifique suffisant. Le temps a passé et la Cour suprême a eu à se prononcer sur... et les trois décisions suivantes que je vais discuter avec vous sont des questions d'environnement comme telles, et c'est pour ça que je les ai choisies.

Alors, en 1988, la Cour suprême a eu à se prononcer dans l'affaire Crown Zellerbach sur la question de la validité d'une loi fédérale interdisant les rejets de matières nocives en mer. Et la Cour suprême s'est fondée sur la dissidence du juge Beetz pour dire: Voici une matière qui a le caractère spécifique, unique, précis qui permet de la prendre et de la remettre à la compétence fédérale avec pour conséquences que, lorsque c'est fait, la matière a sorti complètement des mains de la province. Et c'est en se fondant sur la dissidence du juge Beetz, dans la Loi anti-inflation, que la Cour suprême a décidé majoritairement que le rejet de matières nocives en mer était un sujet de compétence exclusive fédérale en invoquant la théorie des dimensions nationales. L'histoire ne s'arrête pas là.

Quelques années plus tard, nouvelle décision en matière d'environnement que tout le monde connaît, puisque c'est l'arrêt-clé en matière constitutionnelle en environnement qu'est l'affaire Oldman. Il y avait, il faut le dire, dans la décision Crown Zellerbach, un autre juge dissident qui était le juge La Forest qui a dit: Non, non, si on prend le texte du juge Beetz dans la Loi anti-inflation, les rejets de matières nocives en mer n'ont pas le caractère exclusif et unique qui permettrait de le remettre entre les mains du gouvernement du Canada. Et là donc, il crée une dissidence.

Les années passent, nous arrivons à l'affaire Oldman, où là, le juge La Forest est devenu juge majoritaire et il parle au nom de huit des neuf juges de la Cour suprême. Il dit: L'environnement est une matière diffuse qui touche à tous les secteurs d'activité et que nous ne pouvons confier ni au fédéral ni au provincial, puisque c'est à chacun d'intervenir dans le sujet de l'environnement, dans la lutte à la pollution, dans la protection de l'environnement en fonction de ses compétences qui sont attribuées soit par l'article 91, soit par l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Donc, le juge minoritaire dans Crown Zellerbach devient le juge majoritaire dans l'arrêt de Oldman. Et il dit: En passant, les juges minoritaires ? dont lui ? dans l'affaire Crown Zellerbach ont bien dit qu'on ne pouvait pas utiliser la théorie des dimensions nationales pour confier l'environnement au fédéral. Mais là il parle au nom de la majorité.

Les années passent encore et on arrive à la décision d'Hydro-Québec, un autre arrêt en matière d'environnement, qui touchait cette fois-là la validité constitutionnelle d'une disposition de l'article 6 de l'arrêté d'urgence sur les BPC, un arrêté d'urgence du fédéral, qui prévoyait qu'on ne pouvait pas rejeter plus qu'un gramme de BPC par jour dans l'environnement à partir d'un même équipement électrique. Hydro-Québec a été poursuivi et a invoqué la constitutionnalité de cette disposition qui, selon Hydro-Québec, relevait de la compétence provinciale. C'est encore le juge La Forest qui parle au nom de la majorité et qui décide que, d'une part, l'arrêté d'urgence était parfaitement constitutionnel parce qu'il relevait du pouvoir d'adopter des lois en matière criminelle en vertu de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais il dit, avec beaucoup de force, et il est clair, que la théorie des dimensions nationales ne s'applique pas à l'environnement. Bref, le fédéral ne peut pas se saisir de l'environnement pour se l'attribuer en exclusivité.

La chose est intéressante, surtout ? et je prends garde de ne pas vous citer de jurisprudence, ce qui est la chose la plus ennuyeuse du monde, mais de citer uniquement un passage qui est particulièrement important ? lorsque le juge La Forest dit: «Faire relever la pollution environnementale exclusivement de la compétence du Parlement fédéral, ce serait, me semble-t-il, sacrifier les principes du fédéralisme enchâssés dans la Constitution canadienne.» On ne peut pas parler en termes plus limpides. Et, si on dit que, effectivement, la protection de l'environnement et la lutte à la pollution ont un caractère trop diffus pour atteindre le caractère spécifique, unique et distinct, défini comme critère dans la Loi anti-inflation, il est évident qu'on peut transposer, changer les mots, finalement, «lutte à la pollution», par «lutte au réchauffement planétaire», et on arrive à la même conclusion. Je ne crois pas qu'il existe, dans la Constitution telle qu'interprétée présentement, surtout avec le petit corpus de décisions en matière constitutionnelles, de rouleau compresseur constitutionnel capable de retirer des mains des provinces ce qui leur appartient en vertu de l'article 92 et de l'article 92A de la Constitution.

D'autre part, même si on est en matière de traité international, en 1937, le Conseil privé, dans l'avis sur les relations du travail, le Conseil privé a décidé que le Canada n'avait pas le pouvoir constitutionnel d'implanter au Canada les traités internationaux et que les traités internationaux devaient être implantés par l'ordre de gouvernement qui a la compétence pour traiter du sujet. La Cour suprême a eu 10 fois l'occasion de revenir là-dessus et la Cour suprême n'est pas liée par les précédents du Conseil privé, pas plus que par ses propres précédents. La Cour suprême change parfois d'avis, mais elle n'a jamais changé encore d'avis.

Certains, évidemment, ronchonnent dans les coins. Certains juges de la Cour suprême, lors de conférences à l'extérieur, ont parfois dit que c'était déplorable que le Canada n'ait pas le moyen d'imposer et de garantir à la communauté internationale les traités qu'elle signe. Mais l'état du droit, actuellement, au Québec, est quand même, en matière de traité international, ce qui relève des provinces appartient aux provinces et ce qui relève d'Ottawa appartient à Ottawa. Et, à moins qu'on en change, ce qui est toujours possible, et on peut imaginer que la Cour suprême pourrait, dans un avenir qu'on ne peut pas mesurer, pourrait très bien élaborer une théorie de la dimension internationale du Canada pour faire en sorte que le Canada acquière une compétence en matière de mise en oeuvre des traités internationaux. À moins qu'on change la Constitution, mais je ne mettrais pas mes billes de ce côté-là.

n(11 h 50)n

Donc, j'arrive à la conclusion que le rouleau compresseur constitutionnel n'existe pas, et, en se fondant sur ce que la Cour suprême a écrit, qu'il faut être très prudent avant de dire que la cause a déjà été entendue à la fois dans le renvoi sur la Loi anti-inflation de 1978 ou dans l'arrêt Crown Zellerbach de 1988.

Et je termine en disant que toutefois il existe d'autres moyens qu'on peut imaginer, comme, par exemple, le pouvoir extrêmement large de légiférer en matière de droit criminel, que la Cour suprême a étendu un peu plus encore qu'il ne l'était dans la décision d'Hydro-Québec dont j'ai parlé tantôt où on donne une amplitude au droit criminel, une portée à la notion de droit criminel qui pourrait servir de fourre-tout et permettre de transférer un certain nombre de choses vers le fédéral. Mais il va falloir intervenir dans tellement de matières pour parvenir à atteindre l'objectif que je suis d'avis que le Canada et le Québec n'ont d'autre choix que de parvenir à une entente et à un protocole d'application, en espérant évidemment que les crédits viennent avec, parce que je ne vous ai pas parlé du pouvoir de dépenser du fédéral, qui est évidemment le grand outil qui demeure toujours à la disposition de l'État fédéral dans le genre de problème que nous vivons... que nous étudions aujourd'hui.

Donc, ça m'a fait plaisir de résumer ainsi mon texte et, pour plus de détails, je vous y renvoie, même si c'est un peu laborieux, je suis le premier à le confesser.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, Me Yergeau. Ce fut très intéressant. Alors, Je céderais maintenant la parole au ministre de l'Environnement. M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, Me Yergeau s'intéressait de l'attention qu'il aurait des membres de cette commission. Je pense que nous serons unanimes pour dire que l'intelligence et la verve qu'il a déployées l'ont assuré de cet intérêt, et je voudrais le remercier pour cette présentation.

Je comprends que, à moins d'une loi inique qui serait adoptée par le Parlement fédéral, le gouvernement fédéral ne peut pas prétendre avoir les moyens et les outils nécessaires pour forcer la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Donc, cet engin diabolique qui pourrait être entre les mains du gouvernement fédéral n'existe pas. Votre conclusion, c'est qu'il faut donc en arriver à une entente. Comment, dans cette entente, le gouvernement fédéral, qui, lui, a signé, ratifié le Protocole de Kyoto, Protocole qui prévoit aussi des sanctions... il y a un mécanisme de reddition de comptes qui est prévu au Protocole de Kyoto et des sanctions pour des pays qui ne respectent pas les dispositions du Protocole. Alors, comment, dans ce contexte d'obligation internationale du gouvernement fédéral, ce gouvernement pourra-t-il, avec les provinces, bien sûr avec le Québec, en arriver à une entente sur un mécanisme de reddition de comptes? Et est-ce que le mécanisme de reddition de comptes d'une province devrait offrir les mêmes garanties que la convention internationale qui lie le gouvernement fédéral?

En somme, puisque cet engin diabolique n'existe pas, est-ce que le gouvernement du Québec devra adopter une loi pour faire en sorte que le mécanisme de reddition de comptes québécois soit clair, transparent, qu'il puisse aussi être certifié par une administration indépendante, permettant ainsi au gouvernement fédéral de rendre des comptes à la communauté des nations sur l'atteinte de l'objectif?

Le Président (M. Pinard): Me Yergeau.

M. Yergeau (Michel): Évidemment, le gouvernement canadien a tout le pouvoir, et c'est incontestable, de signer les conventions internationales ? je l'ai écrit dans mon texte, mais je n'en ai pas parlé tantôt ? et, ce faisant, il lie, dans une certaine mesure, les provinces sans pouvoir pour autant les forcer à adopter des lois que l'Assemblée nationale, par exemple, ne voudrait pas adopter. C'est pour ça que je disais tantôt que le fédéral ne peut pas garantir à la communauté internationale des engagements internationaux que le Canada prend, puisque... certains engagements, je devrais dire, internationaux que le Canada prend parce que certains de ces engagements demandent le concours de la participation des législatures provinciales et des territoires. Donc, il y a un cadre qui est très spécifique au Canada, parce qu'il y a bien d'autres pays où on prévoit la mise en oeuvre des traités internationaux. J'en parle dans mon texte puis je renvoie à un texte d'auteur très bien fait sur le sujet. Mais nous n'avons pas ça au Canada présentement.

Donc, dans le mécanisme de reddition de comptes, le Canada est lié face à la communauté internationale sur des mécanismes qui ne sont pas encore bien définis. Est-ce que le provincial va devoir, est-ce que le Québec va devoir, comme chaque province, adopter son propre mécanisme de reddition de comptes pour faire sa comptabilité? C'est une des avenues, mais ce n'est pas la seule avenue possible. On peut très bien imaginer un mécanisme qui est convenu entre le fédéral et le Québec, qui comprend aussi la reddition de comptes.

Je ne pense pas que l'Assemblée nationale soit obligée d'intervenir. Je crois toutefois, et mon texte repose sur la prémisse, que nous ne parviendrons pas à faire tout ce que tout le monde annonce sans passer des lois. C'est le minimum des minimums.

Est-ce que ce sera nécessaire de le faire pour le mécanisme de reddition de comptes? Je serais enclin à croire que ce ne sera pas nécessaire de le faire par voie législative.

Mais, est-ce que la seule façon d'asseoir la compétence du Québec pour faire la reddition de comptes sur des domaines qui sont de sa compétence sera nécessaire? Peut-être que oui. Mais je ne peux pas... je ne connais pas l'avenir, là.

M. Boisclair: Oui. Tout en vous indiquant, Me Yergeau, qu'il est de l'intention du gouvernement de déposer une loi pour que notre Assemblée nationale se prononce, après discussion, sur la ratification du Protocole de Kyoto. Nous allons exercer cette compétence que nous confère la Constitution.

M. Fauteux, tout à l'heure, nous a fait état des différents moyens qui sont à la disposition des administrations publiques pour atteindre des réductions, des mesures ciblées, des subventions, des lois, des règlements. Parmi ces moyens, il y a le mécanisme de permis échangeables qui est un moyen auquel on accorde une grande importance dans le plan fédéral.

Est-ce que j'ai raison de dire qu'en fonction de ce que vous nous exprimez le Québec a raison de réclamer sa place dans l'administration de ce système de permis échangeables, puisque, à lui seul, le gouvernement fédéral n'aurait donc pas les moyens et les outils juridiques pour mettre seul en oeuvre ce mécanisme de permis échangeables?

M. Yergeau (Michel): On ne peut pas imaginer comment on pourrait avoir un mécanisme complet de permis échangeables sans nécessairement passer aussi par les législatures provinciales pour les aspects qui relèvent de leur compétence. Et j'ai de la difficulté à imaginer. J'ai essayé de...

On spécule, n'est-ce pas, hein? On spécule juridiquement parce que, comme je disais, on a fait un grand saut dans l'inconnu. Et puis il y a des hypothèses multiples; j'en ai soulevé quelques-unes dans l'avertissement de mon texte. Il y a des hypothèses multiples. On est dans la pure spéculation.

Mais, si on veut un système étanche de permis échangeables, qui touche toutes les sphères d'activité, il va falloir mettre les provinces à contribution, et il va falloir, à mon sens, avoir un cadre provincial pour les questions qui relèvent des compétences provinciales.

Écoutez, la gestion de la forêt, ça peut être un outil, mais c'est clairement de compétence provinciale, ou bien je ne sais pas lire l'article 92A de la Constitution. Mais c'est quand même écrit noir sur blanc.

n(12 heures)n

Je sais qu'on pourrait et que certains sont peut-être tentés d'utiliser l'article 64 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement pour faire des gaz à effet de serre des matières toxiques et, par là, réglementer les émissions de matières toxiques à travers le Canada, mais, à mon sens, voilà un genre d'exercice qui est constitutionnellement voué à l'échec.

M. Boisclair: Je présume que vous avez étudié aussi les dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. À son article 166-2, la...

M. Yergeau (Michel): Je ne le connais pas par coeur, je vous arrête immédiatement.

M. Boisclair: D'accord. Mais c'est une disposition où on indique très clairement que le gouvernement fédéral doit consulter les provinces sur les sources non fédérales de pollution afin de déterminer si elles peuvent agir dans le cadre de leurs droits afin de lutter contre la pollution, de la réduire et de la prévenir le cas échéant. Cette disposition de la loi canadienne, à mon avis, renforce même la prétention que vous nous présentez ici aujourd'hui.

M. Yergeau (Michel): Parce qu'elle est dans le droit fil des arrêts de la Cour suprême dont j'ai parlé précédemment.

M. Boisclair: C'est sur cette disposition que s'appuient les arrêts auxquels vous avez fait référence.

M. Yergeau (Michel): Mettons que la disposition découle directement de ces arrêts, parce que les arrêts ont pour la plupart été rendus avant l'adoption de la disposition.

M. Boisclair: Bien. Je conclus, M. le Président, en disant aux membres de cette commission que le saut dans le vide que décrit Me Yergeau est bien réel. Ceci étant dit, il ne doit pas nous écarter de notre objectif et il ne doit pas non plus nous conduire à un sentiment d'impuissance. Le Protocole de Kyoto est une grande chose. Il peut renforcer notre confiance dans un processus de négociation multilatéral et, si plus d'une centaine de pays ont réussi à s'entendre sur ce texte, j'ai bon espoir que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral en arrivent eux aussi à une entente. Lorsqu'on comprend les enjeux et les négociations qui se sont faites sur la scène internationale, des pays qui ont des intérêts divergents, complètement différents les uns des autres, qui arrivent à s'entendre sur un texte ? après plusieurs années de négociations, j'en conviens ? mais si la communauté des nations est capable d'agir de façon responsable et de s'entendre, je ne vois pas pourquoi, au Québec et au Canada, nous ne serions pas capables d'en arriver à cette même qualité d'entente. Donc, le saut dans le vide? Très certainement, mais ce saut dans le vide ne doit pas nous laisser avec un sentiment d'impuissance, il doit au contraire nous motiver à continuer de bien faire et d'avoir espoir dans la qualité des dialogues et en misant aussi sur la bonne foi des personnes avec qui nous négocions. C'est l'attitude que j'entends suivre dans les discussions que j'aurai avec mes collègues des provinces et avec les autorités fédérales.

M. Yergeau (Michel): Si je peux me permettre, M. le ministre, le Protocole de Kyoto est, comme je le dis dans mon texte, un instrument international à géométrie variable selon qu'on est un pays industrialisé ou un pays qui est en voie de développement. Et c'est dans l'économie même de la structure adoptée par la communauté internationale qu'il y ait de la géométrie variable. Dans un pays aussi vaste que le Canada, je pense que c'est dans l'ordre des choses et que notre Constitution nous y invite à avoir, là encore, une géométrie variable, selon l'état d'avancement, selon l'état de progrès ou l'état de collaboration de chacune des provinces et des territoires.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, je céderais la parole au député d'Orford. Oui, M. le député.

M. Benoit: Me Yergeau, merci d'être avec nous. Ce n'est pas la première fois qu'on vous entend dans différentes commissions parlementaires en environnement et c'est toujours avec un grand plaisir. Vous savez que la boîte, ici, est pleine d'avocats, de notaires, de constitutionnalistes que je trouve toujours un peu compliqués à entendre. Je me suis même surpris à lire votre document hier soir avant de me coucher, j'ai trouvé ça intéressant. Ça m'inquiète, d'ailleurs, venant d'un avocat. Mais on reconnaît là votre profondeur de compréhension de ce type de dossiers là, et vos 25 ou 30 ans dans le métier, vous les assumez très bien quand vous venez en commission parlementaire.

Vous nous dites que, finalement ? et c'est ma consoeur qui me fait... Au moment où vous nous disiez que la compétence était partagée, notre réaction, ça a été aussi de comprendre qu'elle était un peu éparpillée, cette compétence-là, et vous prenez l'anti-inflation qui, je pense, est un exemple tout à fait extraordinaire, et c'est un très bon point que vous apportez ici. En tout cas, nous, on ne l'avait pas réalisé, de notre côté, comment ce gouvernement a dû, à un moment donné, pour arriver à des fins d'éparpillement, un peu essayer de focusser sur le but à atteindre. C'est quelque chose, peut-être, de noble. J'arrête là.

Une fois ça dit, dans votre Avertissement, vous nous dites, dans votre document au titre Avertissement: «Bien d'autres questions pourraient être discutées. Parmi celles-ci: Le CO2 devrait-il être considéré comme un polluant au sens de la Loi sur la qualité de l'environnement?» Et vous avez éveillé mon intérêt là-dessus, et j'aimerais ça vous entendre un peu.

M. Yergeau (Michel): C'est parce qu'on a juridiquement, dans les gaz à effet de serre, un objet de droit qui est un peu différent des polluants habituels. Règle générale, on a un polluant, on a une source d'émission et, de la source d'émission retombent ensuite, quelque part sur le territoire, à plus ou moins longue distance, des matières. Dans le cas du CO2 par exemple, qui contribue pour 75 % des gaz a effet de serre même si ce n'est pas le plus lourd en conséquences, il n'en demeure pas moins que ce n'est pas un contaminant qui retombe à un endroit: c'est une matière qui s'élève et qui menace le réchauffement planétaire. Donc, c'est difficile à saisir, finalement. Ce n'est pas exactement la même chose comme le plomb dans l'air, comme le SO2 ou comme d'autres matières qui ont un effet irritant, un effet qui menace directement la santé. On rejette des gaz qui se dispersent autour de la planète et qui contribuent au réchauffement planétaire.

On a une bête juridique qui est quand même un peu différente. Là, on a un instrument international qui le régit mais, encore une fois, lorsqu'on va faire percoler les gaz à effet de serre dans notre cadre, dans notre cadre juridique, il va falloir normer. Est-ce qu'on va normer? Comment va-t-on distinguer le mauvais CO2 du bon CO2, comme le mauvais et le bon cholestérol? Mais ce sont des questions en cascade qui se posent, mais je les posais essentiellement pour indiquer que nous sommes au début des questions juridiques. On est vraiment dans les questions en amont et, comme je dis, les 10 prochaines années vont se charger du reste, et je devrais ajouter: Les 100 prochaines années, parce qu'il faut bien être conscients que Kyoto 1, ça va être la mise en place des outils, mais la vraie affaire va venir plus tard, même si on trouve que celle qu'on a devant nous est assez monumentale, pour ne pas dire monstrueuse.

M. Benoit: Vous réalisez ? et ce n'est pas à vous qu'on va enseigner ça, Me Yergeau ? que la notion de polluant évolue dans le temps. Ce qui n'était pas un polluant... les BPC... On me raconte que les employés de la Dominion Textile à Magog se faisaient griller en se mettant du BPC sur le corps. On ne le fait plus, bien sûr, aujourd'hui. Alors, la notion de polluant a grandement évolué dans le temps, et vous avez raison de dire qu'on est après faire nos premiers pas. Mais ça repose effectivement la question que vous posez dans votre document: Est-ce que le CO2 ne devrait pas être considéré comme un polluant? Et on verra. Le temps va nous démontrer qui a raison.

M. Yergeau (Michel): Mais je donnais cet exemple juste pour illustrer le fait que, de toute façon, il va bien falloir que les législatures et que le Parlement disposent d'un certain nombre de questions. On ne va pas tout faire ça par des ententes à l'amiable à gauche et à droite, avec tout un chacun. Il va falloir à un moment donné aussi avoir des dispositions normatives contraignantes. Il va y avoir des récalcitrants, il va falloir pouvoir les impliquer de force, à défaut de pouvoir les impliquer de leur plein gré. Il va y avoir des mesures de coercition à prendre. C'est un grand chantier. Ça peut être un merveilleux laboratoire, mais si on se barre les pieds dans les questions constitutionnelles et qu'il y a une ingérence mutuelle dans les champs de compétence, on va aussi avoir un merveilleux chantier devant les tribunaux pour les 10 prochaines années. Ce qui devrait faire le bonheur des plaideurs, mais je ne suis pas certain que c'est dans le meilleur intérêt de la planète.

M. Benoit: À la page 10 de votre mémoire, vous dites, Me Yergeau: «À partir de ce qui précède et prenant en considération la nature des interventions requises pour assurer la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Canada et le respect des engagements pris, il semble évident que c'est aux provinces qu'il appartiendra, peut-être d'ailleurs au premier chef, d'édicter les dispositions législatives et réglementaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et donner corps aux mécanismes de souplesse dans le cadre de la spécificité de leurs priorités nationales et régionales de développement.» Et ça, c'est le Protocole, si je comprends bien, qui dit ça.

M. Yergeau (Michel): Oui, spécificité des priorités nationales et régionales de développement, ce sont des mots du Protocole.

n(12 h 10)n

M. Benoit: Quand le ministre nous dit ce matin ou nous annonce, probablement en primeur, qu'il a l'intention d'aller avec une loi, est-ce que c'est ça que vous lui dites finalement? Est-ce que c'est ça que l'entente dit finalement?

M. Yergeau (Michel): Non, ce n'est pas ce que je dis.

M. Benoit: Non, c'est ce que le Protocole dit.

M. Yergeau (Michel): Ce que je dis, c'est... Si vous prenez l'ensemble du texte, je passe en revue les compétences constitutionnelles et je les redistribue en tenant compte des champs d'intervention qui sont suggérés par le Protocole. Et si on avait, par exemple, un transparent à mettre sur le Protocole qui contienne le texte des articles 91 et 92 et 92A de la Constitution, on verrait que se fait une répartition naturelle entre les questions qui relèvent de Kyoto et qui dépendent des provinces et celles qui relèvent de Kyoto et qui dépendent d'Ottawa.

Parce qu'on a un grand objectif commun et qu'on a une grande préoccupation qui dépasse nos frontières, on ne peut pas non plus faire voler en éclats la Constitution. Et je serais très étonné, compte tenu de l'évolution de la jurisprudence de la Cour suprême, que la Cour suprême suive un gouvernement du Canada qui voudrait prendre cette direction-là. Les signaux, parce que, quand on lit la jurisprudence, finalement, on essaie de voir les signaux qui nous permettent de voir où s'en vont les tribunaux, où va la Cour, et les signaux en matière d'environnement et, entre autres, de la notion et de l'application de la dimension nationale, de la théorie des dimensions nationales, à mon sens, telle qu'appliquée par la Cour suprême, ne nous permettent pas de prévoir que nous allons dans le sens d'une centralisation, même pour l'application des traités internationaux. Donc, il va falloir que les deux partent des lois. Il y a comme intérêt à avoir un protocole d'entente entre le fédéral et les provinces, et je dirais, comme Québécois, mais là ce n'est plus le juriste qui parle. Si le Québec est un des alliés les plus sonores de la mise en oeuvre de Kyoto, il faut aussi tenir compte... et le fédéral devrait ? mais là, je suis en train de m'étirer dans le terrain politique ? tenir compte de l'intérêt de son meilleur allié sur la question. Et je ferme là cette parenthèse politique qui ne relève pas de moi.

M. Benoit: Merci, Me Yergeau.

Le Président (M. Pinard): Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Me Yergeau, pour votre mémoire et votre présentation éloquente. Ça fait longtemps que j'ai fini mes études en sciences politiques mais, moi, j'ai tendance à faire confiance aux constitutionnalistes. Ça apporte un point de vue fort intéressant.

Me Yergeau, je voudrais savoir de vous qu'est-ce qui vous inquiète par rapport aux relations fédérales-provinciales, en termes de compétence en matière de traités internationaux, lorsqu'on parle du Protocole de Kyoto? Dans notre système, vous l'avez bien dit, en fonction de l'arrêt du Conseil privé, en matière de traités internationaux, le fédéral ratifie et les provinces mettent en oeuvre les traités en fonction de leurs compétences respectives. C'est le cas dans le domaine de l'éducation. C'est le cas dans le domaine de la culture. C'est le cas dans le domaine de la sécurité sociale, de la justice, etc.

Qu'est-ce qu'il y a dans le Protocole de Kyoto qui est si différent et qui ferait que la mécanique qu'on s'est donnée et qui fonctionne dans les autres dossiers ne fonctionnerait pas dans ce cas précis?

Le Président (M. Pinard): M. Yergeau.

M. Yergeau (Michel): Écoutez, je précise, dans un premier temps, que le gouvernement du Canada, en vertu de la prérogative royale, signe et ratifie les traités internationaux et que le Parlement et les législatures adoptent les lois selon leurs compétences. Ce ne sont pas que les provinces, c'est... Le fait de signer un traité ne remet pas entre les mains de l'Exécutif le pouvoir législatif, qui appartient au Parlement. Chacun dans sa sphère, lorsque des lois sont nécessaires pour mettre en oeuvre un traité international, c'est chacun dans sa sphère qui doit légiférer, le Parlement comme les législatures.

Ce que je dis, c'est que mon inquiétude et ma recherche, finalement, pour les fins de cette commission, étaient de dire: Dans l'arrêt Crown Zellerbach, la Loi canadienne sur les rejets en mer est quand même la réponse du Parlement à la convention internationale des rejets en mer, qui a été signée sur les rejets en mer ? j'oublie le titre exact ? et le Parlement du Canada a adopté une loi pour donner effet à son engagement international. Mais on est quand même dans un domaine relativement ciblé, qui est celui du rejet de matières nocives dans l'eau salée. Et là, on a décidé que c'est toute l'eau salée, y compris l'eau salée territoriale de la Colombie-Britannique, et ça pourrait valoir pour d'autres provinces qui sont situées aux extrémités du pays. La tentation pourrait être forte de dire: Pour aplanir la difficulté, vu le nombre d'intervenants, vu le nombre de sujets sur lesquels il faut intervenir, vu le côté très englobant d'une question comme le réchauffement planétaire et la participation du Canada et la contribution du Canada au réchauffement planétaire et à sa lutte, est-ce que la tentation ne pourrait pas apparaître de vouloir aplanir les difficultés et de se servir d'un outil législatif central pour passer par-dessus les difficultés de nature constitutionnelle? Et c'est ça que j'ai exploré.

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Je regrette. Vous n'avez pas de question? Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci. Donc, c'est davantage une spéculation intellectuelle qu'un risque réel là. Vous extrapolez à partir d'un précédent, puis vous dites: On est face à une situation complexe qui pourrait amener le gouvernement fédéral à agir de façon, je dirais, universelle, en passant par-dessus les compétences des provinces. Je voudrais, puisque le temps court...

M. Yergeau (Michel): C'est plus que ça, mais enfin.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Je vais vous donner la parole pour pouvoir élaborer. Je voudrais quand même vous poser une question, toujours dans cet ordre-là: Quels sont, à votre avis, les aspects qui relèveraient des compétences des provinces dans le cadre du système des permis échangeables?

Le Président (M. Pinard): M. Yergeau.

M. Yergeau (Michel): Écoutez, c'est toute la question des émissions à l'atmosphère, parce que, après tout, les lois provinciales, les lois des provinces en matière d'environnement qui contrôlent entre autres la pollution en provenance des usines, sont des lois qui sont fondées sur l'article 92.13 de la Constitution, c'est-à-dire une compétence exclusivement provinciale. Il ne faut jamais perdre de vue que la Loi sur la qualité de l'environnement, elle a comme support constitutionnel le treizième paragraphe de l'article 92, c'est-à-dire des compétences provinciales. Donc, il est évident que, dans cette matière, après tout, le Règlement sur la qualité de l'atmosphère qui a été adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, le Règlement sur la qualité de l'air qui avait été adopté par la Communauté urbaine de Montréal qui, finalement, dépend du pouvoir provincial, sont des questions qui touchent directement toutes les entreprises qui régissent les émissions d'à peu près tous les contaminants et qui visent directement les usines, les entreprises, la production manufacturière, et ça, c'est provincial.

Mme Houda-Pepin: Une dernière petite question: Me Yergeau, l'expert que vous êtes, est-ce que vous êtes confiant que, dans ce domaine, connaissant le contexte, il y a lieu que le fédéral et les provinces vont collaborer pour la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto?

M. Yergeau (Michel): Je suis très confiant. Ma seule réserve, qui ne demande d'ailleurs qu'à s'estomper, c'est le pouvoir de dépenser. Merci beaucoup.

n(12 h 20)n

Le Président (M. Pinard): On remercie Me Yergeau. Merci. Alors, j'inviterais maintenant M. Claude Villeneuve de bien vouloir s'approcher.

Alors, avant de poursuivre avec M. Claude Villeneuve, j'aurais besoin de votre consentement pour étendre nos travaux jusqu'à 13 h 5 et, ensuite, votre consentement pour redébuter nos travaux à deux heures trente. Consentement?

M. Benoit: Très bien.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, il me fait plaisir d'accueillir M. Claude Villeneuve, professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi. M. Villeneuve est un biologiste. Depuis plus de 25 ans, il partage sa carrière entre l'enseignement supérieur, la recherche et les travaux de terrain en sciences de l'environnement.

Auteur de neuf livres, il a aussi publié des cédéroms et écrit 14 films de vulgarisation scientifique, en plus de nombreuses communications scientifiques et conférences. Son dernier livre, cosigné par François Richard, a été publié en octobre 2001 aux Éditions MultiMondes et s'intitule Vivre les changements climatiques - L'effet de serre expliqué. Ce livre a remporté le prix Odyssée pour le meilleur ouvrage scientifique et technique en 2001 et a valu à M. Villeneuve d'être l'invité d'honneur au Salon du livre de Montréal à l'automne 2002. Alors, c'est un privilège que de vous recevoir ce matin. M. Villeneuve.

M. Claude Villeneuve

M. Villeneuve (Claude): M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les représentants de l'Assemblée nationale, j'essaierai de ne pas vous présenter dans le littéraire le mémoire que j'ai fait, mais plutôt, étant donné que l'heure à laquelle je devais me présenter est déjà largement dépassée, je vais essayer de vous amener la dimension des enjeux qui sont liés à la séquestration du carbone dans une perspective de développement durable et dans une perspective à long terme.

Plusieurs des intervenants qui m'ont précédé ont mentionné que Kyoto n'était qu'un premier pas et qu'il n'était qu'une période de référence à 2008-2012. C'est demain, et le problème auquel nous voulons nous attaquer aujourd'hui est un problème qui est clairement transgénérationnel et qui nous demandera de faire des efforts à long terme. Alors, si on veut parler d'une solution qui respecte le développement durable, idéalement, on devrait être capables d'avoir une solution qui se fasse à des coûts abordables, reflétant ainsi une efficacité économique, mais qui n'ait pas d'impact négatif sur l'environnement, qui favorise l'emploi dans les zones économiquement défavorisées et qui respecte le droit des générations futures au développement et au maintien de leur qualité de vie.

Donc, en principe, nous avons vu qu'il y a une tendance inéluctable vers un doublement de la quantité de CO2 dans l'atmosphère, en fait, caractérisé par l'addition de l'ensemble des gaz à effet de serre qui caractérisent les émissions anthropiques. En passant, il serait difficile de faire du CO2 un polluant comme les autres, à moins de vouloir vous arrêter de respirer ou de vouloir empêcher la photosynthèse. Le CO2 est une molécule absolument indispensable à la vie. Toutes les molécules carbonées qui composent la biosphère et qui sont en circulation dans les êtres vivants sont des molécules qui sont passées par ce stade atmosphérique du carbone.

Pour réduire l'augmentation des gaz à effets de serre, plusieurs stratégies nous sont offertes. Permettez-moi de rappeler que la production d'énergie renouvelable, par exemple, est probablement la principale de ces stratégies. Malheureusement, la production d'énergie renouvelable est limitée par à la fois l'efficacité des technologies, la répartition des ressources nécessaires à produire ces énergies-là, et l'intensité des investissements qu'il faut faire pour produire de l'électricité à partir de ces énergies. L'efficacité énergétique est aussi une des façons privilégiées pour réduire les émissions de gaz à effets de serre parce qu'elle nous permet, pour un service optimal, d'utiliser une quantité minimale d'énergie, même si cette énergie-là provient de carburants fossiles. On parle aussi de remplacer les combustibles par des combustibles plus légers. Donc, l'intensité en carbone des molécules qu'on utilise comme combustibles est fort importante et peut faire passer les émissions du simple au double pour une même fourniture d'énergie.

On peut aussi faire de meilleures gestions des émissions de procédés: on pense aux alumineries, par exemple, où les effets d'anodes émettent des perfluorocarbones. Et, en améliorant cette gestion des procédés, on peut réduire de façon importante ces gaz qui contribuent plusieurs milliers de fois plus que le CO2 par tonne à un changement climatique.

Les transports peuvent être mieux planifiés, c'est-à-dire que personne n'a besoin d'une automobile mais tout le monde a besoin de se déplacer. À partir du moment où on a compris que le besoin est un besoin de mobilité des personnes et des biens, on peut envisager le problème du transport autrement.

On peut aussi penser gestion agricole des forestières parce que l'agriculture et la foresterie sont deux façons par lesquelles, nous, les êtres humains, on favorise, chez les plantes, la captation du CO2 atmosphérique. Et, par la suite, ce qu'on fait avec les produits de cette captation va déterminer si les produits vont retourner ou pas dans l'atmosphère. Il y a aussi de nouveaux comportements de consommation qui sont souhaités et qui vous seront certainement exposés par les groupes écologistes.

Et, finalement, dans cette brochette, la séquestration du carbone. Pour parler de séquestration du carbone, il faut d'abord s'interroger sur comment circule le carbone dans l'écosphère. L'écosphère est constituée de quatre compartiments qui sont l'atmosphère, que vous connaissez, qui est gazeuse, la lithosphère qui est solide, l'hydrosphère qui est liquide, et la biosphère qui est vivante. Et, entre ces quatre compartiments, circule le carbone par différents moyens. Ces différents moyens naturels là, au fond, lorsqu'on parle de séquestration du carbone, c'est qu'on parle de faire passer le carbone de l'atmosphère vers un des trois autres compartiments de l'écosphère, le faire passer soit dans la phase solide, soit dans la phase liquide ou soit dans la phase vivante et de le maintenir dans ces phases-là pour une période de temps qui soit suffisante pour qu'on puisse considérer qu'il rentre dans un cycle à moyen terme du carbone ou dans un cycle à long terme du carbone.

Nous vivons dans un cycle à court terme où, en quelques semaines ou quelques années, ce que nous avons produit par la respiration est capté par les plantes et détruit par les incendies de forêt ou par la respiration ou par la digestion que les animaux font de la matière organique qu'ils ont consommée.

Lorsqu'on parle de séquestration du carbone, on parle de plusieurs siècles et, de préférence, de millénaires, de façon telle que l'atmosphère ne s'enrichisse pas à chaque année d'une quantité toujours un peu plus importante, liée à nos activités.

n(12 h 30)n

Il y a quatre mécanismes naturels qui permettent de faire transférer le carbone. Le premier, et le plus important, c'est la dissolution dans les océans.

Il ne faut pas oublier que, dans les océans, il y a plus de 50 fois la quantité de carbone qui est présente dans l'atmosphère. Cette quantité-là, en fait, elle est contenue dans des carbonates qui proviennent de dissolutions, elle est intégrée dans les coquilles des mollusques, elle est intégrée dans les eaux, elle est intégrée un peu partout et elle finit par se ramasser dans les sédiments. Et, dans les sédiments, elle va se transformer, sous la pression de l'eau, en roche carbonée qu'on va retrouver, quelques dizaines de millions ou centaines de millions ou milliards d'années plus tard, à la faveur des mouvements des continents, de l'exondation, etc., sous forme de chaux, de roche qu'on exploite, les roches calcaires qu'on exploite.

La photosynthèse, sur laquelle je n'insiste pas beaucoup, sinon pour dire que toutes les plantes doivent capter le CO2 comme molécule de base pour fabriquer leur squelette, des molécules carbonées qui les composent, et que nous nous procurons ensuite ces molécules-là par notre alimentation.

Et la transformation catalysée par des enzymes. C'est-à-dire que tous les êtres vivants possèdent des enzymes, qui s'appellent les anhydrases carboniques. Ces anhydrases carboniques permettent de faire passer le CO2 alternativement sous une forme soit de gaz carbonique ou d'ions bicarbonates, d'ions carbonates et bicarbonates, qui seront par la suite utilisés selon les besoins de l'organisme, ou rejetés.

Et finalement, la minéralisation. La minéralisation, c'est un procédé qui se produit dans des processus où vous avez des eaux salines, où vous avez des fortes pressions, des hautes températures. Vous pouvez retrouver donc une certaine quantité de minéraux qui sont formés à partir de la combinaison de carbonates avec les cations.

Sans aller beaucoup plus loin là-dedans, on peut simplement dire que, lorsqu'on parle de séquestration du carbone, on parle de la capacité d'aider la nature à augmenter l'efficacité de ces mécanismes-là pour être capable d'accélérer la vitesse à laquelle le CO2 va quitter l'atmosphère. Ça peut se faire par la fertilisation des océans; ça peut se faire par l'injection, dans des formations géologiques propices, d'une certaine quantité de CO2; ça peut se faire par des pratiques, par exemple, qui visent à fabriquer des plantes beaucoup plus performantes pour la fixation de carbones, qui vont croître plus rapidement, fixer plus vite du CO2. Ensuite, ces plantes-là, on peut les utiliser pour les séquestrer sous forme de bois d'oeuvre ou sous forme de bien durable, ou encore les enterrer tout simplement dans les sols où, dans la couche inférieure, elles auront la possibilité d'être, pendant de très longues périodes, sans être décomposées par les décomposeurs, et à ce moment-là ça va représenter un enrichissement des sols.

Au Québec, on est dans une situation un peu particulière. On a une excellente performance, comme on l'a dit ce matin, en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre et on n'a, pour la première phase de Kyoto, probablement pas trop de difficulté à atteindre nos objectifs, tant soit qu'on essaie d'atteindre moins 6 % par rapport à nos émissions de 1990. S'il y a d'autres objectifs qui nous sont posés, il faudra voir si on est capables aussi facilement de les atteindre. Pourquoi on est capables d'atteindre assez facilement ces objectifs-là? Parce que ce n'est pas démesuré et que beaucoup de nos industries ont déjà commencé à faire des efforts. Cependant, pour la deuxième phase et la troisième phase de Kyoto, éventuellement, il faut qu'on trouve des moyens autres pour être capables d'améliorer ou de se donner des marges de manoeuvre.

Parce qu'il ne faut pas oublier que, si, par exemple, une nouvelle aluminerie voulait venir s'installer au Québec et qu'elle émettait du CO2, il faudrait trouver à quelque part ce CO2 là. Et les autres endroits où on peut réduire ne sont pas si nombreux qu'on puisse les réduire totalement, en particulier si on regarde la question du transport. Dans le transport, on n'arrêtera pas de se transporter, on ne sera pas tous véhiculés avec des véhicules électriques, et j'ai beau négocier très fort avec mon vendeur d'automobiles pour acheter une Honda hybride cette semaine, ça coûte encore très cher.

Mais une fois qu'on a dit ces éléments-là, la quantité de CO2 qu'on peut séquestrer va, théoriquement, en vertu des lois, des rendements décroissants, va nous coûter probablement de plus en plus cher si on ne prend pas d'autres moyens. La séquestration du carbone est un de ces moyens...

Une voix: ...

M. Villeneuve (Claude): Oui? Deux minutes? Parfait. Alors, j'en viendrai simplement à dire que la séquestration du carbone est un de ces moyens. Et, si vous me permettez, au Québec, nous avons deux secteurs dans lesquels nous pouvons de façon particulièrement efficace travailler à améliorer la séquestration du carbone. Et à cet effet, je vous soumets deux propositions qui sont étayées dans mon mémoire.

La première proposition, elle vise à entreprendre un vaste programme de reboisement des zones forestières mal régénérées. Nous avons facilement, dans les zones accessibles, 1,5 millions d'hectares de forêts mal régénérées qui pourraient être mises en production avec des arbres indigènes; attention, il ne s'agit pas de faire une transformation de la forêt québécois, mais bien de planter des arbres indigènes, épinette noire et pin gris, dans la forêt boréale. Ces 1,5 millions d'hectares pourraient nous permettre de séquestrer annuellement, pendant la durée de vie de ces forêts-là, de l'ordre de 5 à 10 millions de tonnes de carbone. Actuellement, le plan québécois imagine aller chercher l'équivalent de 500 000 tonnes par année de puits de carbone. Dans ce cas-là, on pourrait multiplier par 10.

La deuxième proposition, elle vise à développer des outils pour favoriser la recherche sur la séquestration enzymatique. Nous avons au Québec une avance internationale sur la séquestration enzymatique ainsi qu'un portefeuille de brevets qui peuvent nous permettre d'appliquer cette séquestration-là dans plusieurs secteurs industriels. En conséquence, il serait sage que le gouvernement du Québec trouve des moyens, en équilibrant naturellement les moyens techniques, les moyens financiers et les moyens fiscaux, pour faciliter la recherche dans ce domaine-là de telle façon que nous puissions, comme l'ont soulevé les gens d'Ouranos, prendre une place très positive à l'échelle mondiale. Si ces technologies-là peuvent être mises en application, elles vont générer une toute nouvelle donne par rapport à l'atteinte possible du Protocole de Kyoto et elles nous permettront de transférer, vers des pays en voie de développement ou vers d'autres pays industrialisés, des technologies «made in Québec». Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Villeneuve. Nous allons immédiatement procéder, peut-être, M. le ministre?

M. Boisclair: Oui. C'est toujours agréable d'entendre M. Villeneuve. On a eu le plaisir de le lire, d'entendre parler aussi de ses publications. On a eu l'occasion aussi d'entendre parler, tout récemment, de lui, puisque M. Villeneuve a été aussi choisi personnalité de la semaine par La Presse. C'est donc une figure bien connue et appréciée. Je voudrais aborder avec vous deux questions, M. Villeneuve.

D'abord, la question des puits de carbone, puisque c'est là l'essentiel de votre propos. Vos recommandations portent sur différentes possibilités qui s'offrent au Québec, et je voudrais valider avec vous ma perception de la réalité. D'abord, nous n'avons pas encore au Québec, pas plus d'ailleurs au Canada, un inventaire clair des puits de carbone. On me dit même qu'il est difficile de savoir si notre forêt émet plus qu'elle ne capte. C'est donc dire que le chemin qu'on pourrait faire sur les puits de carbone ne doit pas, à mon avis, être une occasion pour certains de nous détourner du travail que nous devons faire de réduction des émissions dans le secteur industriel, dans le secteur manufacturier et particulièrement dans le domaine des transports.

n(12 h 40)n

Je tiens à vous dire que je suis de ceux qui étaient un peu sceptiques devant l'approche canadienne. M. Fauteux est là, il s'en rappelle, j'ai été moi-même très critique de l'attitude du gouvernement fédéral sur la question des puits de carbone, et il m'apparaissait là qu'il y avait un blocage avec la communauté européenne et que ce que demandait le Canada et ce qu'ils ont finalement obtenu ? je leur en suis gré ? ils l'ont finalement obtenu mais ils ne s'appuyaient pas sur une connaissance qui était scientifiquement démontrée. Il y avait là, à mon avis, une grande zone de risques qui minait la crédibilité du gouvernement fédéral dans ses discussions, particulièrement avec la communauté européenne.

Ce commentaire éditorial étant fait, moi, je dis simplement: Attention aux puits de carbone, ne détournons pas notre attention du travail qui doit être fait dans le secteur industriel puis dans le secteur des transports. Et je ne voudrais pas, tout simplement, que les membres de cette commission et que la population en général aient l'impression qu'on peut, par magie, avec des puits de carbone, régler la question de Kyoto. Attention! D'autant plus aussi que, et c'est là la question que je vous pose, de façon plus globale, les environnementalistes sont sceptiques sur les puits de carbone. Non seulement est-ce que la science n'est pas claire, les règles méthodologiques pour comptabiliser aussi les puits de carbone ne sont pas encore validées dans chacun des domaines d'activités, et aussi le carbone ainsi capté sera un jour relâché dans l'environnement.

Alors, vous qui êtes sensible à la problématique globale, comment, dans une stratégie québécoise que nous voulons adopter, comment pouvons-nous, oui, faire une place au puits de carbone, mais quelles sont les conditions que nous devrions adopter pour que justement nous puissions, dans notre comptabilité, tenir compte des puits de carbone? Est-ce que la science est à ce jour suffisamment claire pour que nous puissions mettre un objectif de puits de carbone dans un plan québécois? Et, si oui, quelles sont les conditions que nous devrions respecter pour que nous puissions être crédibles non seulement auprès des groupes environnementaux, mais auprès du gouvernement fédéral, qui exigera de nous une reddition de comptes, et auprès aussi de la communauté des nations, qui exigera du gouvernement fédéral une reddition de comptes?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Villeneuve.

M. Villeneuve (Claude): Merci beaucoup, M. le ministre. C'est une question qui me permet d'exprimer un peu plus précisément mon idée. D'abord, il faut voir que, moi, je ne crois pas à ce que les forêts, telles qu'elles sont à l'heure actuelle ou telles qu'elles sont gérées à l'heure actuelle, soient des puits de carbone sur lesquels on puisse demander d'avoir des crédits pour les choses habituelles. Il est très clair que ce que je propose, ce sont de nouvelles forêts qui sont basées sur des territoires mal régénérés qui, à l'heure actuelle, ne fixent pas, de façon importante, de CO2. Autrement dit, nous allons, avec ces interventions, créer de nouvelles forêts dont on peut très facilement comptabiliser la contribution à la séquestration de carbone. Parce qu'une forêt boréale capte une certaine quantité et, si on calcule qu'on va chercher, pour le bois d'oeuvre, des grumes de bois où on a environ 30 % de la biomasse de l'arbre qui est constituée de la grume du bois qui va servir au bois d'oeuvre, à ce moment-là, c'est sur ces bases-là que j'ai calculé qu'on pouvait obtenir, avec 1,5 million d'hectares qui sont actuellement disponibles et accessibles au Québec, dans le Québec, disons, du Moyen Nord qui est desservi par de chemins forestiers, déjà... on peut séquestrer dans ces zones-là, en plantant 3 milliards de plants d'arbre, ce qui n'est pas extravagant par rapport à notre capacité de le faire, sur un plan qui ne se fera pas dans une année. Mais on peut, avec ces arbres-là, avoir une addition nette de notre capacité de captation et donc on peut le faire reconnaître auprès du gouvernement du Canada comme auprès de la communauté internationale, puisque ce sont là de nouvelles forêts.

Et cette reconnaissance, elle est basée sur le fait qu'on va la protéger aussi, cette forêt-là, contre les feux et la récolter pour du bois d'oeuvre. Ce ne sont pas des forêts qu'on laisse en place, ce ne sont pas des forêts de conservation mais bien des forêts de production de bois d'oeuvre. Et, comme elles seront sur des territoires qui sont déjà attribués dans les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, ces forêts-là peuvent contribuer éventuellement à donner des marges de sécurité par rapport à la gestion ou à l'attribution de la forêt boréale, qui est critiquée actuellement.

Donc, pour se résumer, l'inventaire des puits, c'est quelque chose qui doit être fait, effectivement, à l'échelle canadienne. À ma compréhension, la réclamation canadienne des puits de carbone va surtout se concentrer sur des nouvelles pratiques agricoles dans l'Ouest et non pas nécessairement sur les pratiques forestières. Et, comme au Québec on n'a à peu près pas de territoire agricole eu égard à la quantité de CO2 qu'on pourrait réclamer pour des puits de carbone, ce n'est pas une portion qui nous est accessible, là, du gâteau de réduction fédéral. Donc, il faudrait qu'on puisse le réclamer pour des interventions forestières ciblées dans ce cadre-là.

Par ailleurs, le carbone n'est pas relâché par une forêt tant qu'elle est en croissance, ce qui fait que, si on a une forêt qui s'agrandit à toutes les années, on peut réclamer de façon récurrente la quantité de CO2 qui correspond à la superficie qui a été utilisée, et, si, par la suite de la coupe, on remet en production la forêt, encore une fois avec une intention de protection et de production de bois d'oeuvre, on obtient encore une fois les crédits renouvelés, puisque c'est un territoire forestier qui est remis en production.

M. Boisclair: Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. M. Villeneuve, salutations; un gars de chez nous. Vous avez fait votre marque, d'ailleurs, au cégep justement dans l'optique du développement durable. Et pour aller vers le développement durable, quand vous parlez de l'agriculture, qui peut capter justement ces pluies acides là, quels changements il faudrait apporter à nos productions pour être capables de répondre aux exigences que vous avez?

M. Villeneuve (Claude): La modification des pratiques agricoles, elle peut amener des bénéfices à quelques niveaux. Les niveaux sont liés aux trois principaux gaz à effet de serre que représentent le CO2, le méthane et le protoxyde d'azote ou N2O. Une agriculture qui enrichit son sol en matières organiques va contribuer à réduire les émissions de CO2. Donc, toutes les pratiques agricoles qui augmentent la matière organique, que ce soient les labours superficiels, que ce soient des enfouissements d'engrais verts, etc., sont susceptibles de constituer une accumulation de carbone dans les sols qui va prendre beaucoup plus de temps à retourner. Une agriculture qui utilise moins de fertilisants chimiques va aussi améliorer les émissions en ce qui concerne les protoxydes d'azote. Et une agriculture dans laquelle on réduit les émissions de méthane... et ça, des fois, c'est difficile, parce qu'on ne peut pas poser un catalyseur à une vache, là, mais les réductions des émissions de méthane par la décomposition anaérobie contribuent elles aussi à réduire la contribution de cette partie-là de notre activité au réchauffement planétaire.

M. Laprise: Maintenant, dans ce cadre-là, est-ce que vous prévoyez également... Au même moment où on veut capter davantage les CO2, est-ce qu'à ce moment-là il faut en diminuer la production aussi, au niveau des entreprises?

M. Villeneuve (Claude): C'est tout à fait clair.

M. Laprise: Il ne faudrait pas produire pour capter, mais il faudrait produire aussi des effets... d'en produire le moins possible.

M. Villeneuve (Claude): Bon. Je dois dire que j'ai été invité à cette commission à titre d'expert avec un mandat particulier, qui était de parler de la séquestration du carbone. Ce n'est pas là pour moi la première voie et la panacée. Au contraire, il y a des centaines d'interventions, dont plusieurs ont été bien décrites dans le livre que vous avez évoqué tout à l'heure, et, dans tout mon enseignement depuis des années, j'incite les gens à réduire de façon importante et je montre l'exemple moi-même de comment on peut réduire les gaz à effet de serre. Mais la séquestration, comme on m'a demandé d'en parler comme étant un outil de plus pour le Québec, c'est en ce sens-là que j'ai préparé mon mémoire, sans enlever en aucune façon l'importance de réduire à la fois en utilisant mieux les transports, à la fois en réduisant les émissions de procédés, à la fois en étant plus efficaces au point de vue énergétique.

n(12 h 50)n

Et une chose qui est extrêmement importante à voir ? on a parlé à quelques reprises de la différence entre le Canada et le Québec là-dessus ? c'est que, au Québec, à cause de notre hydroélectricité, tout ce qui s'appelle intervention d'efficacité énergétique pour le citoyen à la maison se trouve à être 60 fois moins efficace qu'ailleurs au Canada. Par exemple, une maison unifamiliale qui est chauffée à l'électricité va générer au mieux 60 kg par année de gaz à effet de serre, alors que la même maison qui est chauffée au gaz va en générer quatre tonnes; à l'huile, six tonnes; et puis si on parlait de l'électricité réduite avec du charbon, bien là, on serait dans les 10 tonnes.

Et ça, c'est important de voir que, même si je gagne la moitié de l'efficacité de mon chauffage, par toutes sortes d'interventions ? meilleure isolation, fenestration, comportement, etc. ? j'aurai gagné un gros 30 kilos de gaz à effet de serre. Ce qui fait qu'une intervention dans ce sens-là qui serait financée par le gouvernement central ne serait pas appropriée au Québec pour atteindre l'objectif de réduire les gaz à effet de serre. Ça pourrait être approprié pour tout un paquet d'autres raisons, mais pas dans le cadre des gaz à effet de serre. Et ces différences-là sont très importantes, et c'est pour ça que nous faisons aussi bonne figure; c'est la composante hydroélectrique qui nous favorise par rapport à d'autres provinces du Canada.

Le Président (M. Pinard): Alors, je céderai maintenant la parole au député d'Orford.

M. Benoit: Merci, M. le Président. M. Villeneuve, merci d'être avec nous. J'ai votre livre depuis déjà... je ne sais pas, depuis que vous l'avez fait imprimé finalement, et c'est un livre de référence absolument extraordinaire. D'ailleurs, j'invite le ministre... On me dit qu'il n'est plus disponible en ce moment. Si les citoyens du Québec veulent se le procurer, ce livre-là, je ne suis pas responsable de la promotion du livre, mais c'est tellement un livre extraordinaire pour les gens qui voudraient s'informer sur Kyoto, c'est un bon vulgarisateur et c'est un livre aussi qui touche les aspects d'une façon particulière au Québec. Ce livre-là n'est plus disponible, M. le ministre. Je sais qu'à l'époque, on a aidé le Fonds d'action québécois pour le développement durable à écrire ce volume-là, et je ne sais pas jusqu'où on doit de nouveau voir avec M. Villeneuve à réimprimer ce volume-là. C'est vraiment la référence en ce moment, quand on parle de changements climatiques. Et, l'éditorial étant fini, je laisse le ministre réfléchir là-dessus. Lui, il a l'argent; moi, j'ai la parole pour défendre différents points de vue.

Le Président (M. Pinard): Si vous le permettez, M. le député d'Orford.

M. Boisclair: Je note bien simplement que vous souhaitez que l'État prenne des responsabilités d'éditeur. J'en prends note.

M. Benoit: Peut-être pas d'éditeur. On a déjà aidé M. Villeneuve à produire ce document-là, et l'heure est probablement arrivée de le reproduire.

M. Boisclair: C'est une question nouvelle sur la responsabilité de l'État...

M. Benoit: Une fois ça dit, M. Villeneuve, la citation que vous faites à votre fille dans ce préambule du livre, vous dites à votre fille, Gabriella, née au Québec en 2000: «Qu'elle sache que, si ceux-ci ne produisent pas d'effets désastreux ? vous parlez des gaz à effet de serre ? c'est que nous aurons su prendre nos responsabilités», est-ce qu'effectivement on peut penser qu'il n'y aura pas d'effets désastreux? En écoutant le premier groupe, ce matin, je suis arrivé presque à la conclusion que, peu importe ce qu'on fera, il y aura des effets désastreux.

Le Président (M. Pinard): M. Villeneuve.

M. Villeneuve (Claude): Alors, merci beaucoup. Je répondrai simplement à votre interrogation qui a été posée au ministre en commençant, parce que... je vous donne lecture, de mémoire, de la réponse qui m'a été faite par le Fonds canadien d'actions sur les changements climatiques: «So many Canadians have written excellent books on climate changes that we're not willing to give you any money on that.»

Mais, ceci dit... Je vous ferai copie de la lettre, si vous voulez. L'idée des catastrophes est une idée qui est très bonne pour les médias mais qui, au fond, est très mauvaise conseillère pour les gens qui veulent prendre leurs responsabilités. Prendre nos responsabilités, ça veut dire d'abord connaître le phénomène le mieux possible, ça veut dire se prémunir contre les possibles désastres qui peuvent nous arriver.

Ce matin, Ouranos, les gens vous ont expliqué que les événements critiques... la courbe moyenne est composée d'événements qui sont très probables, très peu probables, très, très peu probables. En déplaçant la moyenne, on fait que des événements très, très peu probables deviennent peu probables. Mais donc, on a augmenté leur probabilité, on a changé ça. Ce qui fait que, effectivement, on ne peut jamais relier un événement particulier, catastrophique, avec les changements climatiques; ce n'est que la fréquence de l'incidence de tels événements qui peut y être reliée.

De la même façon, on est très, très mal outillés à l'heure actuelle pour prévoir quels seront les impacts à des échelles plus locales. Les modèles nous permettent d'avoir des prévisions à long terme sur des grandes superficies. Et ce qu'Ouranos fait en travail de modélisation à petite échelle ? petite échelle étant entendue 100 km par 100 km ? c'est un travail absolument nécessaire, et très innovateur, et effectivement qui va nous valoir à l'échelle internationale des reconnaissances scientifiques importantes.

Donc, ne surtout pas se réfugier dans son chez-soi, se prémunir contre tout ce qui va tomber, non, au contraire, mais bien comprendre, agir, agir chacun avec les outils qui sont à sa disposition et puis démontrer qu'au fond la qualité de vie, ce n'est pas uniquement lié à la grosseur de la bagnole ou au nombre de bagnoles qu'il y a dans l'entrée. Et ça, je ne dérougis pas de cette philosophie-là. Je me souviens d'une comparution devant Mme Lise Bacon, dans cette même salle, où on avait eu à peu près la même discussion, mais c'était à l'époque où j'écrivais mon premier livre sur les changements climatiques, il y a déjà une douzaine d'années. Alors, effectivement, la peur est très mauvaise conseillère.

Nous devons voir que les choses se passent; nous en sommes en petite partie responsables. Mais nous avons surtout le devoir de montrer l'exemple et de ne pas reporter sur les générations à venir le fardeau de régler le problème que, nous, on ne veut pas voir.

M. Benoit: J'ai deux courtes questions, avant les autres confrères. Si j'étais assis dans votre classe, la dernière rangée en avant, puis je vous disais: Écoutez, dans votre livre, vous dites que les mers vont probablement monter parce que les glaciers vont fondre; mais comment se fait-il que, les rivières, l'eau baisse? Moi, ce que j'ai toujours compris, c'est que, d'un côté, rien ne se crée, rien se perd; et où elle va, cette eau, dans les Grands Lacs? Si elle s'évapore, il faut qu'elle retombe ailleurs. Et est-ce qu'elle tombe automatiquement dans les mers? Et mon épouse qui était avec moi aujourd'hui, on parle souvent d'environnement et on n'a jamais eu la réponse à cette question-là: Où va l'eau qui s'évapore sur les continents? Est-ce qu'elle va automatiquement dans les mers? Comment se fait-il que les rivières baissent, elles? Je comprends la montée des mers, mais je ne comprends pas la baisse des rivières.

M. Villeneuve (Claude): Ha, ha, ha! Alors, c'est une excellente question, et puis si vous étiez dans ma classe, ça m'ouvrirait une belle porte pour donner quelques explications sur le cycle de l'eau et qui nous permettent aussi de comprendre pourquoi l'eau, qui est le principal gaz à effet de serre, n'est pas traitée dans le Protocole de Kyoto.

Alors, l'eau, effectivement, elle a un temps de séjour dans l'atmosphère d'environ neuf jours. Alors, il y a 400 milliards de tonnes d'eau qui sont évaporées à chaque jour à partir majoritairement de l'océan. Il y en a une petite partie qui vient tomber sur les continents, puis une partie de l'eau qui est évaporée sur les continents s'en va tomber dans l'océan aussi. Mais les continents sont, disons, à cause du relief, gagnants net dans le cycle de l'eau. Et heureusement, parce que, sinon, on ne pourrait pas vivre. Parce que l'eau de la pluie, c'est elle qui alimente les nappes phréatiques, c'est elle qui alimente les rivières, les lacs. Donc, le phénomène de la précipitation, c'est un phénomène qui est lié au relief, aux conditions climatiques.

Et, quand vous parlez des précipitations et des changements climatiques, on parle d'une atmosphère à haut niveau d'énergie ? M. Décoste en parlait ce matin ? donc une atmosphère dans laquelle les précipitations peuvent être plus violentes. Vous savez, s'il vous tombe 100 mm de pluie au mois de juillet sur votre territoire ? je vais m'adresser à M. Laprise plus particulièrement, qui a une expérience d'agriculteur ? si les 100 mm de pluie tombent le 3 juillet puis qu'ensuite, jusqu'au 31, vous n'avez plus d'eau, c'est un désastre. Si les 100 mm de pluie vous tombent à tous les quatre jours avec du beau soleil entre deux, c'est merveilleux.

n(13 heures)n

Alors, effectivement, le fait que vous ayez une température plus élevée, ça crée une augmentation de l'évaporation, en particulier dans le cas des Grands Lacs en hiver, parce que les Grands Lacs ne gèlent plus, donc il y a une partie de l'eau qui s'en va dans l'atmosphère, et qui va voyager au gré des vents, et peut-être tomber au Nouveau-Brunswick, peut-être tomber un petit peu plus loin que le Nouveau-Brunswick. Et, de la même façon, donc, les précipitations ne se produiront pas nécessairement aux endroits où on veut.

Puis, dernier phénomène, c'est que vous avez des redoux en hiver et les redoux en hiver, eh bien, il causent des crues hivernales parce que l'eau ne s'infiltre pas dans le sol l'hiver: le sol est gelé. Donc, à ce moment-là, c'est de l'eau qui est perdue et, quand arrive le printemps, l'eau qui pénètre dans le sol, il y en a moins, donc vous rechargez moins les nappes phréatiques puis une partie importante du cours des rivières provient des nappes phréatiques qui fournissent tout le temps une quantité d'eau.

M. Benoit: Une dernière question. Dans votre livre, à la page 110, vous parlez de la migration des arbres. Je pensais que je rêvais quand j'ai lu ça, mais, finalement, ce que je crois comprendre, c'est que les semences d'arbres vont évoluer. Pouvez-vous nous dire à quelle rapidité tout ça peut se produire?

M. Villeneuve (Claude): O.K. C'est, encore une fois, une excellente question. Dans la revue Nature du 2 janvier, Mme Parmesan et M. Yohe avaient ? c'est des noms qui ne sont pas inventés là ? ont publié un article qui a été repris à plusieurs endroits. Cet article-là démontrait, à partir de l'étude de 1 700 espèces partout dans le monde, qu'il y avait effectivement une migration de ces espèces vers les pôles et en altitude.

Les êtres vivants vivent dehors 24 heures sur 24 à l'année longue; donc, ils doivent s'adapter aux conditions climatiques. Si vous réchauffez la moyenne dans un lieu, vous allez avoir plus ou moins de facilité pour certaines espèces à s'implanter. La migration des espèces est un phénomène qui est bien connu. Lorsque, il y a 8 000 ans, le retrait glaciaire a été complété, la forêt boréale, c'était une bande de 200 km d'épinettes au nord du Minnesota. Aujourd'hui, il y a, 2 000 km plus haut, des épinettes. Donc, on calcule que la moyenne de vitesse d'expansion de l'épinette noire, après la déglaciation, a été de 2 km par décade ou 20 km par siècle. L'article auquel je faisais référence parle aujourd'hui d'une vitesse d'expansion de l'ordre de 6,1 km par décade, donc trois fois plus grande que l'expansion postglaciaire.

Et le fait que les plantes évoluent assez lentement, finalement ? parce que ça fait 200 m par année ? ça ne veut pas dire que ça n'évolue pas très rapidement pour les animaux et cette extension-là, il ne faut pas oublier non plus que ce n'est pas une forêt mature qui avance, c'est quelques petits arbres qui poussent et, dans 100 ans, eh bien, ça va être rendu plus loin mais avec des petits arbres. Donc, à quelque part, on ne peut pas penser qu'on va récupérer les forêts perdues au sud par des forêts gagnées au nord.

M. Benoit: Très bien. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. M. Villeneuve, merci. Merci de nous avoir instruits. C'est fort intéressant. Votre mémoire de 15 pages, s'il était allégé, je souhaiterais qu'il circule dans les écoles parce qu'il y a tellement d'informations et c'est fort intéressant.

Vous avez très bien souligné que l'augmentation de la quantité de gaz à effet de serre est tributaire de la croissance de la population, donc des activités humaines, et vous nous avez parlé de la situation de la séquestration du carbone, perspectives pour le Québec. Mais on sait que le monde dans lequel on évolue, la pollution atmosphérique, elle est à l'échelle internationale. Pour les pays du tiers-monde, là où la croissance de la population est la plus grande, là où les activités polluantes des pays comme la Chine, comme l'Inde, comme le Brésil, l'Égypte, etc., qui sont des producteurs de pollution assez importants, qu'est-ce qu'on fait avec ces pays-là qui n'ont pas les technologies, qui n'ont pas les ressources, qui n'ont pas les moyens dont on dispose dans les pays du Nord mais qui sont une source de pollution extrêmement importante?

M. Villeneuve (Claude): Alors, Mme la députée, je dois vous dire qu'une tonne de gaz à effet de serre, une fois qu'elle est dans l'atmosphère, c'est une tonne de gaz à effet de serre qui appartient à tout le monde, peu importe la personne qui l'a émise et peu importe le moment où elle a été émise. L'augmentation qu'on voit à l'heure actuelle, de l'ordre de 30 % par rapport à la quantité préindustrielle, est essentiellement attribuable aux pays qui sont aujourd'hui industrialisés, qui ont utilisé les combustibles fossiles pour se développer.

En ce qui concerne les pays en voie de développement à l'heure actuelle, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Il y a là aussi des facteurs qui sont d'ordre de modification des pratiques, mais on ne peut pas modifier des pratiques qui ne sont pas encore répandues. On pourrait toujours dire aux gens de Saigon d'acheter moins de gros 4x4, mais ce n'est pas le mode de transport privilégié là-bas. Ce qu'il est important de voir cependant, c'est que tout le monde a la télévision et que tout le monde peut écouter les mêmes annonces et avoir le même goût d'un niveau de vie nord-américain. Ce qui, si c'était possible de le faire, serait malheureusement très difficile à prendre pour les équilibres planétaires.

Donc, l'augmentation des gaz à effet de serre provenant des pays en voie de développement, le Protocole de Kyoto et la Convention-cadre des Nations unies qui lui ont donné naissance reconnaissent que, dans une optique de développement durable, on doit avoir la noblesse de donner la chance aux gens d'atteindre un niveau de développement qui soit considérable, qui soit acceptable, avant de leur demander de faire des sacrifices, et, par ailleurs, comme on ne sait pas si on a des si grands sacrifices que ça à faire, puisque personne n'a essayé de les faire, c'est à nous qui possédons 30 % d'avance dans les émissions historiques de commencer à réduire et à démontrer comment on peut réduire pour ensuite les aider à le faire. Il existe un mécanisme qui a été accepté à Buenos Aires qui est le mécanisme de développement propre. Ce mécanisme permet à des pays développés comme le Canada d'obtenir des crédits pour des actions qui sont entreprises dans les pays en voie de développement et qui permettent de réduire là-bas les émissions qui se seraient produites. En ce cas-là, un mécanisme de développement propre peut être un moyen pour nous de contribuer non seulement à aider à réduire nos émissions, mais aussi à aider des gens qui auraient par ailleurs fait des émissions plus importantes, les aider à en faire moins et à prendre de l'avance dans le développement du futur.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Villeneuve. Merci de votre intervention de ce matin. Merci à vous tous.

Et je suspends nos travaux jusqu'à 2 h 30, et je vous invite à venir de nouveau écouter et entendre les experts que nous aurons le privilège de rencontrer cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 8)

 

(Reprise à 14 h 40)

Le Président (M. Pinard): Alors, je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à l'audition d'experts dans le cadre de la consultation générale à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec.

Nous avions suspendu nos travaux alors que M. Claude Villeneuve était notre dernier expert entendu. Et nous reprenons cet après-midi en recevant M. John Drexhage, de l'Institut international de développement durable. Il est le directeur du Département des changements climatiques à l'Institut international de développement durable. Il était auparavant codirecteur de la direction des relations internationales, Environnement Canada, et assurait la coordination des positions de principe du gouvernement lors des négociations officielles sur les changements climatiques.

Avant d'acquérir le titre de directeur du Département des changements climatiques de l'Institut international de développement durable à Ottawa, en 1998, ses fonctions relativement aux changements climatiques étaient notamment les suivantes: gestionnaire du Département de la gestion des questions atmosphériques mondiales au Bureau des changements climatiques; conseiller de direction principale dans le cadre du programme intérieur sur les changements climatiques; et représentant d'Environnement Canada lors des négociations fédérales-provinciales sur les actions intérieures en matière de changements climatiques.

Notre invité est titulaire d'une Maîtrise ès arts en affaires internationales de la Norman Paterson School of International Affairs, à la Carleton University; d'un baccalauréat en enseignement de l'Université de Toronto; et d'un baccalauréat ès arts du Calvin College, à Grand Rapids au Michigan.

Alors, monsieur, les règles sont: nous vous écoutons durant 15 minutes; ensuite, il y aura un échange avec le gouvernement et l'opposition officielle durant 30 minutes. S'il vous plaît, on vous écoute.

M. John Drexhage

M. Drexhage (John): Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président, et je veux remercier vous et tous les membres du comité du transport et de l'environnement pour l'invitation à l'Institut international du développement durable. Il faut que je continue en anglais, malheureusement, mais je veux faire des expressions clairement, et il faut que je continue en anglais, si ce n'est pas un problème. Merci beaucoup.

I would, first of all, Mr. Chairman, like to think you and the members of the Transportation and Environment Committee for providing the International Institute for Sustainable Development and myself with the opportunity to comment on the implementation of the Kyoto Protocol in Québec. While there was much attention paid to the issue of ratification over the fall, we must now focus on the much more challenging and complex issue of implementation.

You are to be congratulated, Mr. Chairman, as well as your members, as well as the Minister for the Environment, to ask the Committee to begin addressing this critical issue. As far as I'm aware, you're the first committee of any legislature or of the federal Government that's actually beginning to address this issue. The time before us is short. If Canada is to have any chance of success in meeting its Kyoto commitments, the Implementation Plan must be fully designed and in place by the end of the year.

Let's not kid ourselves, it will take considerable effort to shift our development patterns in more sustainable directions and it will also take some time. To give but one example, it is one thing to have legislation in place that will mandate a 25 % improvement in fuel efficiency standards in our automobiles ? that's one of the measures identified in Canada's Implementation Plan; it is quite another to actually see measurable reductions in greenhouse gas emissions as a result of that legislation by the Kyoto period of 2008 to 2012.

Mr. Chairman, ratifying Kyoto only makes sense if we meet our commitments in an intelligent manner that focuses on opportunities to establish Québec and Canada as global leaders in establishing a hydrogen-based economy. Provinces and Territories like Québec, Manitoba, Prince Edward Island and Nunavut have recognized this and have rightfully assumed that ratifying the Kyoto Protocol represents an important signal in Canada making just a transition. And the vast majority of Quebeckers and Canadians are on-side with such a proactive agenda. They see Kyoto as an exciting opportunity to have Canada become a leader in the area of technological innovation, in the energy, electricity and transportation sectors. Doing so will ensure that Canada is able to maintain its strong economic growth while reducing its greenhouse gas emissions.

And yet lets face it, Canada is far from there. Compared to countries like Germany, Denmark, the United Kingdom, the Netherlands, and yes even the United States of America, we have a lot of ground to make up. For example, Canada lags far behind virtually all other developed nations in renewable industries such as wind energy. To give you but one example, while Canada has produced some 150 MW of wind energy, 100 MW of which are coming from Québec, the U.S. has created over 2 800 MW, Spain over 3 500 and Germany over 6 500.

If Canada is to make the kind of transition we are talking about, then Québec and others need to continue to take the challenge to the federal Government to begin taking real leadership. What do I mean by real leadership? First of all, the Government of Québec should continue to support the work of groups like the Smart Implementation Coalition, who have proposed that the implementation plan should: ensure that actions taken to meet Canada's Kyoto commitment maximize reduction opportunities at home looking to provide environmental, technological and health benefits for all Canadians; promote Canada's transition into the emerging new economy through the advancement in canadian innovation, measures that support the competitiveness of canadian industry, and the provision of incentives for low emission technologies; third of all, the Smart Implementation Coalition proposes that the Implementation Plan should achieve recognition of early action for emission reductions or at the very least do not put those industries who have taken on early actions at the disadvantage; and, finally, ensure fairness in the implementation of Canada's Climate Change Plan, so that there is a sharing of responsibility and economic opportunity equitably among all regions, workers, communities and economic sectors.

Is such a plan actually being put in place by the federal Government? To be fair, at this point, it is probably too early to draw any conclusions. But Ottawa is in a bind that also strongly complicated his decisions to ratify the Protocol. I am speaking, M. le Président, of the decision of the Bush Administration to not ratify the Kyoto Protocol. Given the increasingly integrated nature of the North American economy and Canada's dependence of its export market to the United States for its economic health, including energy based and energy intensive exports, concerns were justifiably raised by many in industry that a decision by Canada to go ahead with the Kyoto Protocol, without the U.S. on-side, would jeopardize their businesses and Canada's economy as a whole. On the other hand, polls consistently showed that the majority of Canadians support Kyoto precisely because it will work as an incentive to develop Canada's economy in directions that are more sustainable, less carbon intensive and more environmentally benign. In addition, the increasing activity at the state level ? measures by California, for example, to capt transportation related emissions and bi-partisan support in Washington for limitations on multi-pollutents such as the McCain-Lieberman Bill ? means that the U.S. is far from doing nothing.

n(14 h 50)n

I would like now to briefly address the issue of emissions trading. One of the unique and more significant features being proposed through the implementation plan is the development of covenants and a domestic emissions trading system with Large Industrial Emitters. It is quite clear that currently the government's priority in designing such a system is to protect the perceived vulnerability of carbon intensive industries to a Kyoto regime that excludes the United States. In addition to the Plan itself, which promotes, in aggregate, 85 % free allocation of permits to greenhouse gas emitting industries based on their projected 2 010 carbon intensity rate, the Minister of Natural Resources Canada, Minister Dhaliwal, announced that the Government of Canada will ensure that: Canadian companies will be able to meet their emission reduction responsibilities at a price no greater than C$15 of carbon a ton; and, with respect to the volume of emissions, the government will set the emissions intensity targets for the oil and gas sector at a level not more than 15 % below projected business-as-usual levels for 2010.

It is becoming evident that the plan's expectation that large emitters would be expected to reduce their projected emissions by 55 megatons is not a hard cap. If industry meets the 15 % intensity mark, but this does not result in 55 megatons in reductions, the Canadian Government seems willing to take on the liability of filling the rest of that gap.

The choice made in Ottawa is clearly political. Alberta was and is extremely vocal in its opposition to the Kyoto Protocol, and the thinking is that, by developing covenants and a domestic emissions trading system that diminishes the potential economic impact on its industries, the opposition from out West to the Kyoto Protocol will also be muted.

The problem is that, by making such a choice, the Federal Government must credibly address two other serious issues. First of all, how will the environmental target of minus 6 %, the Kyoto target of minus 6 % be met, when the priority appears to be protecting those very industries which play such a large role in contributing to Canada's greenhouse gas emissions? That question is far from being answered and must continuously be posed for Canada's implementation to be credible. Is it fair to transfer the burden to the Canadian taxpayer, as seems to be the plan?

The second issue relates to the impacts of these policies on those provinces, such as Québec and Manitoba, who have been supportive of Kyoto and the growing list of industries in Canada who are positioning themselves to become leaders in the global hydrogen economy and who have already made significant reductions in their greenhouse gas emissions. They are clearly being put at a disadvantage under the current scheme. It is imperative that Québec continue to press for an implementation plan that does address all of Canada's regions in an equitable manner, and there are still opportunities to do so. But time is of the essence, and the messages must be communicated to Ottawa soon and clearly.

By no means does the Institute for which I work propose that we shut down the fossil fuel industry, far from it. But we are concerned that the Government's current approach is out of balance and is too focused on protecting current practices at the expense of moving the Canadian economy sustainably into the 21st century. For example, there are exciting opportunities to harness coal as a clean energy alternative, either through geological sequestration or using it as a source for hydrogen-based energy technologies. But without the appropriate price signals in place, it is difficult to imagine that such a transition for the coal industry will actually take place.

Therefore, the Government of Québec should work to ensure that the implementation plan provides strong incentives for fuel switching or for pursuing technologies that work to significantly cut emissions in traditional fossil fuel practices. For example, when new installations are being established by industry, incentives, whether in the form of price signals or other policy measures should be provided for making transitions to cleaner, less carbon intensive energy sources.

In addition, it is important that industries who have taken early actions to reduce their emissions not be penalized for having done so. Clearly we can't ask the Federal Government to recognize all reductions since 1990, since doing so would make it extremely difficult for the Government to meet its Kyoto commitments. But that should not mean there is no protection for industries who have made early reductions in their greenhouse gas emissions. Creative solutions can be found.

There are many other policies and measures identified in the Plan that the Government claims will help to close the emissions gap by a further 25 megatons. The problem with these measures, as currently developed, is that the delivery instruments have yet to be defined. For example, there are exemplary targets identified in the transportation sector: 25 % improvement in auto fuel efficiency standards and a strong increase in ethanol mixed gasoline by 2010. But without identifying specifically how those targets will be met, the targets are not at all meaningful.

Specific instruments of action and policies of the Government of Québec should promote, include: supporting the establishment of renewable trading certificates programs; continuing to play a leadership role in the New England Governor's and Eastern Canadian Premier's Coalition in, for example, working to meet their own greenhouse gas emissions reduction targets; providing financial support from the federal Government to increase overall building energy use efficiencies; pressing the federal Government to elaborate on its partnerships program, with specific numbers on how much the Government is committed to provide in such a program. And, I would add, in a couple of hours we will get the budget from the Government and it will be very indicative to see exactly how much money will be coming from the federal Government in addressing Kyoto and in meeting this Kyoto commitment.

I know I have one or two more minutes, M. le Président, let me just finish by saying that it is also important that we help in engaging the Canadian public. The consumer has a lot of responsibility. And again we have to be clear about this: we are up to four to five times more energy intensive in how we use our greenhouse gas emissions in North America than we are in Europe. We are 10 times more intensive than the people in China and close to 20 times more intensive than the people who live in India. The leadership has to come from North America.

And I would say that, last but not least, it is clear that the federal Government must work with its Kyoto allies, particularly provinces like Québec, more effectively. Without the support of Québec and Manitoba, for example, for Kyoto, there is good reason to doubt whether Prime Minister Chrétien would have been able to withstand the opposition to ratification. Implementation will bring about a whole new set of federal-provincial issues. It is critical that the opportunity agenda, not the protection agenda, being promoted by the Government of Québec, not be overlooked, and indeed, should be the focus of the federal strategy in engaging provinces. In that vein, Québec should continue to work hard at developing strategic approaches with its allies ? Manitoba, Nunavit, Prince Edward Island at the provincial level ? but also the growing members of industry groups, non-governements stakeholders and ordinary Canadians who are keen to take this country and province into exciting directions over the 21st century. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, M. le député de Vachon. M. le député.

M. Payne: Je trouve la présentation remarquable, M. le Président, dans la mesure qu'on évalue plusieurs problèmes qui sous-entendent le débat entourant Kyoto. Et quand vous dites, parmi d'autres vérités, que sans l'appui du Québec le gouvernement du premier ministre Chrétien n'aurait jamais été capable de prendre la position qu'il a faite, je pense que ça mérite d'être répété à haute voix.

Je voudrais concentrer sur un aspect particulier de votre exposé, et je vous le cite. I'll say it in English, if you prefer: «We are concerned that the Government ? and you're talking about Ottawa, on parle d'Ottawa dans votre présentation, là ? we are concerned that the Government's current approach is out of balance and is too focused on protecting current practices at the expense of moving the Canadian economy sustainably into the 21st century.» And you go on. You say that it's very difficult, «without the appropriate price signals in place it's very difficult to imagine that such a transition for the coal industry will actually take place». Then, you indicate that there was a strong influence in Canada's position, in developing Canada's position with respect to its sensitivity to the Bush Administration's policy and programs. And you make specific reference to California.

n(15 heures)n

My question is as follows: Are you aware of any macroeconomic disadvantage felt by California following its aggressive, progressive, and I would say, very impressive Environment Emissions Regulations Policy? And, obviously, my second question would be referring to Québec and its possible disadvantage following a positive and progressive implementation.

Le Président (M. Pinard): Sir.

M. Drexhage (John): Thank you very much. To be absolutely fair, the emission caps that the California Governor signed off last fall have yet to be implemented. And the Big Three auto makers are actually threatening to bring the State of California to court, to actually bring that whole cap legislation to court, and they're looking to sue the Government of California for it.

But the larger point that you raise, sir, I think is a very appropriate one. I think there have been OECD studies ? the Organization for Economic Cooperation and Development, an organization of all developed countries based in Paris ? and there have been studies done on the economic impacts of environmental legislation over the last 15 to 20 years, and it's been consistently shown that the supposed economic impacts of taking on such actions have always been exaggerated.

I can give you anecdotal quotes. Lee Iacocca, the former Chair or Chairman of Chrysler, predicted that the entire auto industry would crash as a result of catalytic converters. A fellow by the name of Frederic Singer estimated the costs to the North American economy of agreeing to the Montréal Protocol on ozone depletion... he predicted to be in the billions and billions of dollars, wrecking whole towns and cities, etc. All these, of course, predictions of gloom and desperation have come to naught. So I think that there is actually a lot of advantages to be gained.

And the other thing to keep in mind is, when we're dealing with the United States, in all fairness to them, when they ratify something ? and they eventually will get there ? they have everything in place and ready for ratification, unlike virtually every other country in the world, including Canada which seems to like to ratify first and then figure out later how it is that they are going to get there. In all fairness to the United States, there is an awful lot of initiatives going, and they're preparing themselves for this new economy. One has only to look at the announcement in the State of the Union Address by President Bush, to provide the billion and a half dollars for the development of fuel cell technology.

So, in regard to Québec's position, I think that where the only place that it would be vulnerable is if in fact it wasn't given the full opportunities that could be afforded through Kyoto, to be absolutely frank, in the development of fuel-cell-based industries.

And, already, Québec does have a strong niche in the wind energy field, and, also, lets be frank about it, in the opportunities upward for Hydro-Québec and for Manitoba Hydro and for B.C. Hydro for cleaner alternatives, whether in the United States or in other provinces such as Ontario and other places. So, I think that there's, only in the case of Québec, an awful lot of opportunities to be gained and they should be maximized.

M. Payne: Je vais juste conclure là-dessus, avant de vous remercier. Donc, on constate que souvent les désavantages économiques sont exagérés. On constate également, et c'est vos propres propos, que, sans l'appui de Québec pour Kyoto, on n'aurait pas pu voir une situation évoluer tel qu'on a vu à Ottawa.

Et, troisièmement, les désavantages spécifiques en ce qui concerne Québec, tout en restant une question de l'avenir, ils ne sont pas nécessairement néfastes, au long terme. Merci.

M. Drexhage (John): Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Boisclair: John, I'd like to greet you to this Commission, I'm happy to see you again. I'd like to thank you for your contribution.

J'aurai d'abord quelques mots pour les membres de la commission, et je vais très candidement vous expliquer le dilemme dans lequel je me trouve à ce moment-ci.

Le gouvernement du Québec a été un précieux allié du gouvernement fédéral sur la ratification du Protocole de Kyoto. Avec force et conviction, nous l'avons appuyé. Nous l'avons appuyé non pas au nom d'une politique de relations fédérales-provinciales, nous l'avons appuyé au nom de nos convictions, et c'est cette conviction partagée qui nous a fait monter ensemble sur une même tribune. Et tant mieux si nous avons donné cette impression de consensus dans l'opinion auprès des Québécois et des Québécoises. Nous ne gagnons pas des luttes stériles entre les administrations publiques.

Mais plusieurs m'ont reproché cet appui. Plusieurs ont même qualifié cet appui d'un peu naïf. Je souhaitais avant toute chose une diminution des émissions, au Québec. Je souhaitais que, comme nation, nous puissions correctement nous inscrire dans le concert de celles qui souhaitaient une réduction des émissions de gaz à effet de serre alors que j'aurais très bien pu prendre une position davantage stratégique, m'opposer à la ratification, mettre de côté mes préoccupations environnementales et plutôt plaider simplement le dossier de Kyoto sous l'angle des relations fédérales-provinciales.

Le choix que le gouvernement du Québec a fait, ça a été de plaider, avant toute chose, nos convictions. Ma foi! si on n'est pas en politique pour dire ce qu'on pense, que faisons-nous ici, alentour de cette table? Mais je suis bien conscient de la situation politique un peu difficile dans laquelle je me suis placé, puisque mon opposition qui n'est pas venue, ou mon appui généreux ne m'a pas donné, aux yeux de certains, le rapport de force auprès de l'autorité fédérale qu'a eu entre autres l'Alberta et ne m'a pas donné l'attention que l'Alberta a pu avoir.

Le résultat, quel est-il? Un plan, déposé par le gouvernement fédéral qui, de l'avis de tous, désavantage le Québec. Je suis conscient de cette chose et j'espère que cette commission parlementaire, au-delà de la joute politique, nous permettra, comme nous l'avons bien fait, de demander, de façon claire, au gouvernement fédéral d'amender son plan.

Ce n'est pas un argument sur le mérite du plan, mais ce serait quand même bien bête que ce soit celles et ceux qui ont le plus appuyé l'administration fédérale qui soient pénalisés par un plan fédéral qui accorde plus d'attention à celles et ceux qui se sont opposés, à moins que l'administration fédérale, par un biais que certains pourraient prétendre qu'elle entretient depuis longtemps, préfère avantager les gens de l'Ouest, comme sur les sables bitumineux, comme sur l'exploration gazière, que d'appuyer le Québec; je laisse le soin aux gens de tirer leurs conclusions.

Mais, sur ces questions, la formation politique à laquelle j'appartiens a un projet, aussi, politique qui s'appelle la souveraineté, et je me dis parfois que nous serions donc mieux si nous pouvions, chez nous, décider de la façon dont on procède, sans avoir à faire ces arbitrages difficiles pour nous, qui nous mettent parfois en contradiction entre nos valeurs environnementales, qu'il nous faut plaider et que je plaide avec conviction, mais aussi toujours ce débat auquel nous ne pouvons pas échapper, qui est celui de la défense des intérêts du Québec, des compétences de notre Assemblée nationale.

Vous comprenez bien que je n'ai pas l'intention, lorsque je ferai le bilan de l'action que j'aurai menée comme ministre de l'Environnement, de dire que l'Assemblée nationale aura, au moment de mon départ, moins de pouvoirs qu'elle n'en avait au moment où j'ai commencé à occuper ces fonctions. Les Québécois doivent savoir ces choses.

So, I'd like to tell you how I do appreciate your contribution. It's an important one because it confirms our position on the federal plan; it confirms all the studies we have.

And we live in a funny country. I don't know how to say it. I've said it in French, I'll say in English: But how come the National Post isn't here today? How come the Globe and Mail isn't here today? They've written pages and pages about what is going on about the ratification of Kyoto. They've asked so many questions about the opportunity of the ratification, but where are they on the question of the implementation? And we need to have this debate in Québec but we also need to have this debate in Canada, and I press my colleagues: if we want to do our job well and protect the responsibilities and jurisdictions, we have the responsibility to act. I press my colleagues and I hope that they will take a close look at the plan, because if we don't act, if, as a province, we don't act, the federal Government will be justified to go its own way and even to adopt a national legislation that would infirm the responsibility of the provinces. So, it's not a question about how we feel only about the Kyoto Protocol and its ratification, it's also the question of how do we, as Members of a Legislature, how do we act responsibly.

n(15 h 10)n

So, I hope that we will get the attention we need. I hope that we will put the focus on the real issue. And this is what your contribution to this commission is all about.

And I know very well my colleagues of Environment and I know that they are sensible to these arguments. This is how we managed the other day to get to a common position on the federal plan, but we need to reaffirm this position, we need to be more present on the national scene, and I hope that, in doing so, not only will we act responsibly in front of the population we have to represent, but we will act good for the environment.

The federal plan doesn't provide... In my understanding right now, the federal plan doesn't provide the lowering of emissions that would be the less costly for our economy. The federal plan doesn't provide yet... is not a plan yet that does answer to the best environmental principles, because we are moving away from the decarbonization of the economy.

That being said, not only for you, sir, to thank you, but also, I hope for the press and for my friends from the federal Government...

M. Drexhage (John): Thank you.

M. Boisclair: ...and I'd like to ask you this question: How and what would be good to have in a plan to promote fuel switching? You've talked about... Do you have any examples and do you have proposals that should be included in the federal plan? M. Drexhage (John): Thank you. I'll answer the question first. Then, if I might, Mr. Chairman, I'd like to just comment on, also, the Minister's introductory remarks.

One of the ideas for fuel switching that could be entertained, for example... There's a couple of ideas that have been out there. One is called «performance standards», and, under that sort of scenario, we already in fact have in Alberta a situation where there have been applications by two Utilities to construct two new thermal plants or two new coal plants, and the Alberta Government has laid down the expectation that they can do so, but they have to offset some of those emissions, and what they would... the standard that they use is a combined-cycle natural gas plant.

And so, one of the ways to address that issue is by saying: Well, if we want to take it out that far, why not, for cleaner alternatives such as hydro, why can't you get a full credit for being that much less than combined-cycle? So, that's one of the areas. That one is, frankly, a difficult position for the federal Government, because, by providing such credits, it's making its own commitments to meeting Kyoto targets that are much more expensive, and I just want to explain why the federal Government, in my view, has difficulty with it.

The second one may be, in fact, even a bit more interesting. In the federal plan and in the current design ? and, again, you know, the degree to which the federal Government says that it's still open to changes, so, we'll have to see that ? but, certainly, as it's currently being designed, you're seeing a proposal where basically 85% in aggregate... roughly, 85% of the large industrial emitters of greenhouse gas emissions will be allocated to them, free of charge; they will be given 85% of their emissions as free permits.

The notion is that, for new installations, for example, for Utilities, in order to provide an appropriate incentive that they make investments that are less carbon-intensive, you would bring down that free allocation, for example, from 85 to 50%. So that would provide an incentive then for those new power facilities to make investments in less carbon-intensive technologies. Those are two examples of exactly how we could go forward.

If I might? I agree with you wholly in terms of getting the nation's attention on implementation. I guess there was so much media attention being paid to this whole ratification debate that everybody, I think, in a way, got a bit burnt out ? ha, ha, ha! ? by Kyoto and all it represented. And so, they needed a bit of a brake.

But when I say that, if we're serious about meeting our Kyoto commitments, we really only have this year to get everything in order; I'm not exaggerating.

The effect of taking measures in place takes years before you can actually see the reductions in greenhouse gas emissions. So, while 2008 to 2012 sounds a long ways off, in reality, it's not. We've got about a year, a year and half at the most to get things in place and get them all in order. Remember, all these measures that have been listed in the plan, none of the instruments by which they're going to be delivered have been defined. And so, you're going to need all sorts of legislation in those areas as well. Thank you.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Yes. Mr. Drexhage, thank you very much for being here today. You seem to be an expert on... I'm sorry, I don't know... I never met you before.

Will the Kyoto Agreement... one of the questions being asked to us all the time: Will it create jobs or will we lose jobs at the end in Québec? It seems, to be looking at these angles, will the Kyoto Accord, overall, in the next 10 years, for Québec province, create jobs with all the requirements being asked or will Québec be losing jobs there?

M. Drexhage (John): I think over... assuming that we get the design of an implementation plan that actually takes advantage of strong Québec opportunities, we would see, overall, definite job gains. Energy traditional... and I believe I have the stats right, but, for example, renewable energy investments are twice as employment-intensive as traditional fossil fuel investments.

So you would see many of these measures... For example, the federal Government suggests that there would be a very active retrofit program for energy, improving the efficiency of energies in buildings. That would be a very employment-intensive kind of investment. So I would say, overall, particularly for Québec, this would be a gain in employment.

M. Benoit: You seem to say in your «mémoire» that, because Québec was for the Kyoto Accord... And I want to remind you that both parties here, in the National Assembly, voted in favor of the Kyoto Accord, at least twice. It's not the first time that Québec stands up in other... stands up in Ottawa or we are part of... or alone in that debate. I remind you of Free Trade, where Ontario was against free trade with the United States and Québec was for, and we were convinced.

As the minister said, we had to go with our convictions. And that's obviously what Quebeckers decide to do here again. We have convictions in the «environnement» and we decided to go with these convictions. And the last time we did it was Free Trade, and it served us very, very well. Part of the economy of Québec now is largely due to free trade and perhaps a little bit on the cheap price of the Canadian dollar, but that's another issue.

That being said, on page 2 of your «mémoire», you mention that we are far behind other countries: Germany, Denmark, the UK, the Netherlands and even the United States. Explain to me: you know, people in Germany or Denmark, they drive cars, they need their car like we do. How can we be so far behind these people and the United States? I'd like you to explain to us, United States, at the end, obviously.

M. Drexhage (John): To give you but one example, one of the striking examples of the difference between North America and Europe is the urban planning, how cities have been planned. We often hear government officials and others talk about why Canada is so energy intensive, because of the distances between provinces and between cities.

I would say the biggest reason lies in the distances in the cities. Calgary is the size of Paris but one tenth the population. And that's not only Calgary. Toronto, I mean, not Toronto itself but the whole 905 area around Toronto is totally spread apart. It's not a sustainable way of going forward. And so, we really have to make those kind of changes.

n(15 h 20)n

The biggest reason that you see the differences between regions like Europe and North America frankly has to do with the cities and how they have been planned out, and so, you don't have near the kind of distances that are now covered and people's access to road transportation that you have in North America. Again, gasoline prices compared to the UK, I think they're, in the UK, close to between three and four times the amount that they are in Canada.

In the case of the United States, I'm simply referring to the fact that there's a lot of serious money being put in by Washington and at the State level for technology development, very serious money. And we lag far behind in terms, even on a per capita basis, even if you were to take us down, you know, because we're one tenth the population of the United States, even if you were to use that kind of comparative basis, our relative funding for those kinds of initiatives are much lower than the United States, and so, we're in danger of being behind.

M. Benoit: I expected the answer you were going to give me on Germany and Denmark and the UK had something to do with the municipality and its transport, obviously. But are we dreaming here to think that, tomorrow, we can reorganize the travelling in the city of Montréal or Winnipeg? They did it in Salt Lake City because there were the Olympics and it cost them I don't know how many millions and billions of dollars.

But are we dreaming here? If we want to meet the challenge of various levels that we have to meet in coming years, by the time we get these things done, you'll have white hair and I will have no hair at all.

Are you suggesting, yes, that we reorganize urban life, but, obviously, that's not the proper way in the immediate, is it?

M. Drexhage (John): No, and that's an extremely relevant point. Because part of the problem with what's happening is that everybody, including the media, is so transfixed on the Kyoto number that they forget the long-term picture. And, in order for us to even begin to address some of this, you're entirely right, we have to make the slow transitions that have to be made, but we have to start now in that respect.

There is also the Kyoto target. But if we're going to effectively address... and, as I'm sure you heard this morning in the testimony from the experts on the science and the impact side, we are going to have to make huge reductions in the area of 60 to 70 %, and it's in that area where we are going to have to, over the long term, make the necessary transitions that we will have to make for our cities, and that's looking at between 2020 and 2030.

But, over the short term, I think that there are very real opportunities to make the kind of commensurate reductions that we're talking about. And, again, I think it has to do with looking at this... I guess the reason this got so much media attention is that people are always more engaged when they are threatened rather than when they see an opportunity, and so, where all the debate ran around was: Who was threatened? Alberta is threatened, Saskatchewan is threatened. And the opportunities agenda was much slower to pick up.

But now, in point of fact, we run the danger, if we let this go too far, that the opportunities agenda will now be under a very real threat in the implementation, and we, again, have to bring the point to the Government: This is much more than just meeting this sort of little Kyoto mark, this is getting us on that path for reaching the kind of sustainability that we want to reach if we want to be true environmental citizens globally.

M. Benoit: Thank you very much.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière, rapidement.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Mr. Drexhage, thank you for your comments.

Dans votre présentation, vous nous avez dit que le Canada était en retard par rapport aux pays membres de l'OCDE, et vous avez aussi dit qu'il était nécessaire de mettre les consommateurs dans le coup.

Souvent, lorsqu'on parle du Protocole de Kyoto, on parle de la réduction des gaz à effet de serre, on lance des chiffres de 30 %, 60 %; on est dans des mesures, je dirais, curatives.

Or, pour pouvoir peut-être avoir l'adhésion du public à ce genre d'objectif, il faut quasiment changer la culture de la consommation; donc il faut travailler sur le comportement des individus.

Est-ce que, à votre connaissance, il y a des expériences qui ont été menées dans les pays que vous considérez comme un exemple à suivre, notamment les pays de l'OCDE, où on a mis de l'avant des projets ou des pratiques qui ont fait que les consommateurs ont changé leur comportement et que ça a eu un effet bénéfique au niveau de l'environnement?

Le Président (M. Pinard): Sir.

M. Drexhage (John): Thank you. A very interesting question, and I may leave some of it to answer to a colleague from the Netherlands who will be giving... Dian, who will be testifying before you shortly.

And so, I would simply note that, while I'm not sure, on strict environmental legislation, how behaviors have changed, one has only to look back at... and I'm by no means at all recommending this, but you have only to look at what happened over the late seventies and early eighties as far as the price of oil was concerned and how the Japanese, for example, have responded to that.

And so, for example, in the case of Japan, you have a much more energy-efficient, a much more energy-wise kind of population because, frankly, the price was reflected in it.

I think one of the more interesting initiatives that has come out of the federal plan is the challenge of one tonne per citizen. And it calls for each citizen to reduce their greenhouse gas emissions at the consumption level by one tonne and looking to them to provide the creativity and look at the opportunities, at a community level, to try and meet that mark. And I think that particular initiative actually holds an awful lot of potential.

In order for something to work, I think what you really do need to make, though, is a strong case for why the transition is necessary, but also a strong case for why it doesn't necessarily have to represent, quote, unquote, a «sacrifice». Too many people think ? and I would not be amongst those for example ? that, in order for us to meet our requirements under for example transportation, we're going to have to do away with the automobile or that we're going to have to do away with the fossil fuel industry.

Clearly that's not going to happen. There's going to be a huge transition involved, and we're going to have to develop the kind of technologies to move that along. And so, I think one of the more responsible things that consumers can do for example is to support the development of the ethanol industry in gasoline as one way of making an indication that these are the kind of choices that you want to go.

There are choices that consumers can make at the product level, at the corporate level. And the degree to which they can demonstrate that they prefer production processes that work to respect sustainability and environmental integrity more, the more those kind of practices will be pursued.

But, right now, too much of the attention is still on how big is the vehicule and how much horsepower it has. It's a very intensive investment by governments and by the public in order to convince the population to make the kind of changes that will be necessary, no question about it, and there are no magic buttons.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Saguenay, très court, s'il vous plaît.

M. Corriveau: Oui. You told us about the lot of money that the United States were putting in developing new technologies. Do you have any examples? Because, for ordinary people, maybe there's not... there's not many ways you can invent... So, what are the opportunities that are being developed in the States that we, maybe, are missing right now in Québec?

M. Drexhage (John): I think the biggest area for the future as far as energy development, both for transportation ? and it's my personal view ? and for servicing energy needs it's going to be the fuel cell, the hydrogen-based economy. I really do think that that's where the future will lie. And we do have some... at least in Canada, there are some opportunities with organizations like Ballard Fuel Cell. But I would strongly recommend that there be some serious attention paid in Québec to seeing what it can do to try and attract the appropriate industries, particularly in the hydrogen-based area, into Québec for investments, because that's the area of the economy that is going to have the biggest future, no question about it. And that's where the specific area where the Bush administration has been doing a lot of investments.

The Economist, for one reason or another, continues to regularly report on these kind of transitions and really does think that that's the way of the future for energy.

M. Corriveau: Thank you.

n(15 h 30)n

Le Président (M. Pinard): Merci. Merci, M. Drexhage. Et j'inviterais immédiatement M. Erik Haites à s'approcher, s'il vous plaît.

Alors, la commission accueille maintenant M. Erik Haites. Ce dernier est un expert dans le domaine de l'échange des droits d'émissions et de ses applications possibles relativement aux gaz à effet de serre.

Il a participé à l'analyse de systèmes intérieurs d'échange de droits d'émissions de GES pour le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis, et a secondé le Secrétariat de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques sur des questions liées au mécanisme du Protocole de Kyoto.

Il a également participé au programme-pilote PERT ? Pilot Emissions Reduction Trading Program ? et a dirigé l'Unité de soutien technique pour le groupe de travail Trois du GIEC pendant la production du deuxième rapport d'évaluation.

Alors, monsieur, vous avez un temps de parole de 15 minutes, et, ensuite, il y aurait un échange avec les membres de la commission, échange qui durera environ 30 minutes. Alors, à vous la parole.

M. Erik F. Haites

M. Haites (Erik F.): Merci, M. le Président, députés. C'est un honneur d'être ici, aujourd'hui, pour discuter ce sujet. C'est un sujet très important. À regret, c'est plus facile pour moi de continuer en anglais et j'espère que ce sera acceptable. Merci.

I have been asked to speak about the market, the global market for carbon, and it's interesting that such a market already exists when the Kyoto Protocol does not take effect for another five years and the market has already existed for about six years. So, we have a long history with a market where there are not very good numbers, but the estimates are that we have already traded about four hundred million tonnes of carbon dioxide equivalents, so quite a large amount of trading over a period of six years.

Now, what does that market mean when we don't have the commitments started yet? There are three kinds of products that are being traded and I will talk about each of those. And there are also trades where you are actually trading the product, like we go and buy a bottle of water and we can drink it. There are also forward contracts or options where I agree with someone that they will give me a bottle of water in 2008 so that I can drink it in 2008, or that I will have the option to buy a bottle of water in 2008 at a specific price so that I can drink it. So, we have what is called the «spot market» where I can get it today and then forward contracts and options for delivery in the future, and the prices and characteristics are somewhat different. But all of those are currently grouped into what is called the «Carbon Market».

Now, for the past six years, most of what has been traded are called Verified Emission Reductions, so a company agrees or decides to implement some actions that reduce such emissions or sequester carbon plants, trees; they hire an independent verifier to verify that the reductions have happened and somebody else decides voluntarily to buy these reductions. Most of those transactions actually occurred in North America and many Canadian companies were among the buyers. We had two pilot-projects in Canada, the PERT Project and the GERT Project, of which Québec was a party, that learned about emissions trading for greenhouse gases through these exercises.

The reasons for buying were entirely voluntary. Companies wanted to... for example, Ontario Power Generation had adopted a voluntary commitment on its greenhouse gases when its nuclear units were shut down temporarily; the coal-fired units were operated more, the emissions went up and they decided to buy reductions from other sources to meet their limit.

Many of these reductions were also purchased from the United States ? and that's a different issue and we can have discussions on that ? and, also, those kinds of reductions are being used. For example, the emissions associated with the G8 meeting in Alberta were offset with emission reductions, voluntary reductions of this sort. And there are Web sites where you can offset the emissions associated with flying or driving; so you or I can buy a few kilograms to offset a flight that we are making, and there are companies that have products that do that and offset the entire emissions or part of the emissions of the product to make that a green product. So those are the sorts of markets for a Verified Emission Reduction, and they have prices between $0,50 US and $3,50 US per tonne, depending on the characteristics.

The next stage in the market is what I call National Compliance Units. In the beginning of 2001, Denmark implemented a mandatory CO2 trading program for the eight large electric Utilities in Denmark, and the price has been determined by the demand on the part of those Utilities and the cost of making reductions that they face. That's a small market, and there hasn't been much trading because there are only eight companies and two of them account for over 90 % of the emissions; so it's a small market with a couple of large players.

The United Kingdom, at the beginning of 2002, implemented a large and very complicated trading program. There are 34 companies with what are called Absolute Targets Fixed Limits on their emissions that decline over time, and about somewhere between six and 10 000 companies that have targets that vary with output and who do not have... who can decide to trade but don't have to trade to meet their targets. There are different requirements if they decide they want to trade.

So, the prices in those markets reflect the conditions in the market. And, in the United Kingdom, there is also a limit on sales: there can only be sales out of the absolute market into the other sector but not vice-versa, and so, there are different prices in the two segments of the U.K. market.

At the end of last year, the European Parliament and Council agreed essentially on the main features of an Emissions Trading Directive, and the expectation is that that will be adopted some time this year. And, if it is adopted, it would require all member States within the European Union to set up an Emissions Trading Program beginning in 2005. So there would be at least 25 countries that would have an Emissions Trading Program, and those trading programs would have to meet a whole series of conditions that are established by the Directive. They do leave a variety of areas open to the national government of each country in terms of how allowances are allocated and a few other conditions, but there will be a lot of similarity across the programs.

So, by 2005, I expect the next big expansion of the market because we will have 25 of these national programs. In addition, Norway has announced that it will start a program that year. Japan has announced that it is experimenting and hopes to start early before the Kyoto period, so it may start. So, I think probably a big expansion of the market around 2005, and estimates I've seen suggest that the market, at that point, might be as big as 7 billion dollars per year in total trading or even bigger.

n(15 h 40)n

The third category of units that are in the market are the units that can be used for compliance with the Kyoto obligations. Under the EU Directive, there are EU allowances that are used by the companies for compliance but not the countries for compliance.

The Kyoto Protocol defines three kinds of units: the Certified Emission Reductions from the Clean Development mechanism which was mentioned earlier today; Emission Reduction Units from emission reduction or sink enhancement projects in countries with limits and Assigned Amount Units which are just the allocations to countries that have emissions limits.

And, interestingly, already all three of those types of units have been traded but as forward contracts. The Netherlands had bidding processes to buy ERUs from Eastern European countries and they have signed contracts for delivery of those units. They also have a tender outstanding for delivery of Certified Emission Reductions from developing countries but they haven't announced the final contracts yet, and Slovakia has agreed to sell some of its Assigned Amount Units to a Japanese company.

So, all three of those have already been traded in forward contracts. The prices tend to be between $3 and $5 per tonne of CO2 ? American dollars ? at the current price. So, those are the characteristics of the market, and, over time, we will see a shift... well, a very large expansion of the market as more of the national programs come in, first with the EU and then another big expansion in 2008 as other countries, probably including Canada, have domestic trading programs to meet their Kyoto commitments.

One of the other developments that is interesting ? we've had some talk about the United States ? there are two States ? New Hampshire and Massachussetts ? that have already passed legislation or regulations that would establish some CO2 trading programs for electric Utilities in those States beginning before 2008. So, they will have very small trading programs, but, nevertheless, it's starting there.

The other interesting development very recently was the McCain-Lieberman Bill, in the US Senate, which would cover about 85 % of American emissions starting in 2010. But a very interesting provision of that Bill was that it would allow American companies to buy units from other countries, provided that the other country had a national limit on its greenhouse gas emissions, that it had a trading program and that it had a registry for the allowances so that the units could not be double-counted.

Well, that is a perfect description of the requirements of every Annex B country that is a Kyoto party. So, the effect of that provision would be to allow the American companies to buy from the Kyoto countries for compliance in the United States, and that is perfectly consistent with the rules as they currently stand for the Kyoto units, and it would mean that the world market price would then apply in the United States market as well, as long as their targets were enough that they would be net buyers. And the first analyses that I've seen of those targets that they propose in the Bill is that that would be the case, that there would be purchases into the United States, and so, the American market, even though it's not a party ? the US is not a party ? would be linked to the rest of the world for emissions trading.

Let me close and offer a little bit more time for questions. The first questions probably: what is the price going to be during the Kyoto period? And, obviously, since we're dealing with the future, no one knows what the price will be, but there are a number of hints. If we take the current price of about $3 to $5 a tonne and you inflate that at 10 % per year, because that's the opportunity cost of money, you get somewhere of the order of $10 a tonne. If you model the market and assume that it's a perfectly competitive market and allow some demand in the United States, $10 is a little bit on the high side. But, if you assume that Russia, because it has such a large supply, is able to affect the price, then $10 is a little on the low side. So, maybe, $10 a tonne U.S. in the Kyoto period is a reasonable estimate but with a larger uncertainty. Thank you very much, and I look forward to the questions.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, nous allons procéder avec le côté gouvernemental. M. le ministre.

M. Boisclair: I'd like first to thank you very much for your presentation, for your expertise, that you've shared with the Members of the commission.

Je vais commencer par un commentaire en disant que la présentation de l'expert invité ouvre tout un nouveau chantier de réflexion pour les membres de la commission.

La démonstration est faite qu'il est possible d'atteindre des réductions d'émissions par un système de permis échangeables. Déjà, même si nous n'avons pas un marché organisé, il y a un marché qui s'organise par lui-même. Des expériences-pilotes ont donné certains résultats, mais, déjà, dans des contrats entre entreprises, on prévoit l'attribution de crédits à venir.

La difficulté qui se pose pour nous, c'est qu'on ne sait même pas en ce moment de quelle façon ces permis seront distribués. Est-ce que ce sera, par exemple, un mécanisme qu'on appelle «Cap and Trade» où on va limiter les émissions permises, et celles et ceux qui voudront augmenter leur production, donc émettre davantage, devront soit investir dans des technologies pour réduire leurs émissions ou acheter des permis? C'est la bonne vieille logique économique qui va jouer. Est-ce que les permis seront émis en fonction des niveaux d'émissions passés des entreprises? Voilà, par exemple, deux façons de créer ce marché.

Une autre façon aussi pourrait être de vendre des permis aux enchères et celles et ceux qui en ont les moyens achètent des permis. De mémoire, la cible identifiée par le gouvernement fédéral pour les permis, c'est 55 mégatonnes, ce qui donne, pour le Québec, deux ou trois mégatonnes. Je n'ai pas le chiffre... 2.2 mégatonnes pour le Québec.

La première question que je voudrais vous poser, c'est: Pour partir ce marché, est-ce que vous avez une opinion sur la façon dont ces permis devraient être alloués? Est-ce que le marché aurait une préférence sur la façon dont ces permis devraient être alloués? Et, si oui, s'il y a une solution, quels en sont les avantages? S'il y a, pas tant une solution mais une préférence, quels en sont les avantages?

Le Président (M. Pinard): Sir.

M. Haites (Erik F.): Thank you. You've come right to the heart of the issue on the allocation. First of all, let me just mention that, late last week, the United Nations Environment Program published a report, that I wrote, which is called A Guide to Emissions Trading, and it deals with issues on allocation and trading program designs. I can leave a few copies here but I don't have enough for everybody, but it is available on the Website WWW.UNEPTIE.ORG. So, UNEPTIE.ORG.

n(15 h 50)n

Now, to answer your questions, I think there's no right way to allocate. With emissions trading, the incentive is to find the lowest cost reductions that, together, meet the target, and, almost inevitably, that will mean that some sources make larger reductions than others, and, what the allocation does is allow that total cost to be distributed among all of the participants. So the allocation, the role of the allocation is to make a fair sharing of the cost. And, obviously, what is fair to me may not be fair to you, or if it is fair to both of us, it may not be fair to someone else. So, because there's not a rule that everybody agrees is the one rule that's fair, there is no one best way to allocate. There are some economic factors that come into place, so...

M. Boisclair: But fair is one thing, good for the environment is another thing also.

M. Haites (Erik F.): Well, good for the environment is determined by the targets, not so much by the allocation.

M. Boisclair: Efficiency is one thing also.

M. Haites (Erik F.): Efficiency also, yes. But, in most cases, the allocation also does not effect the efficiency. But, if we have an allocation based on intensity per unit of output, then it does reduce efficiency. So an allocation with fixed quantities to the participants or an auction is more efficient than one where the allocation is free, based on units of output.

I think the other factor that comes into it is that the sources that are the participants do not necessarily bear the full cost, that, in some cases, they are able to raise their prices a bit so that the consumers ultimately bear the cost. So the question then is: if you allocate them free, you are mostly rewarding shareholders and less consumers. And what is the appropriate balance between addressing the impacts on consumers as opposed to the impacts on shareholders? And I think there's a case to be made that the impact on shareholders will be larger, initially, but that, over time, as the companies adjust, more of the allocation should go to consumers, which is essentially a shift to an auction, because, then, the governments can decide how to use the auction revenue to reduce taxes on consumers or other ways of using that revenue.

So, a long way of saying that there's no best way to allocate, but I think there are some principles and that it becomes a very complicated matter of negotiation, usually.

M. Boisclair: Votre commentaire m'amène à ce second commentaire. La première période d'engagements est à nos portes; nous avons donc peu de temps.

Ma thèse, c'est que l'incertitude dans laquelle le gouvernement fédéral nous plonge en ce moment, avec un plan dont les mesures ne sont pas clairement définies et des mécanismes qui ne sont pas en place, nuit à notre économie, du fait que nous assistons en ce moment à un déplacement de capitaux du Canada vers les États-Unis, puisque le marché a une meilleure perception des actions posées par certains États américains que par le gouvernement fédéral canadien qui, encore, sur la question des réductions obtenues, disons, depuis 1990, demeure flou sur ses intentions de les reconnaître, alors que, aux États-Unis, certains États ont adopté des règles très claires où on certifie des réductions d'émissions, permettant donc à des regroupements d'entreprises, comme GEMCo, dont vous faites référence dans votre mémoire, qui achètent ces réductions sur le marché américain plutôt que de les acheter chez nous.

Les membres de cette commission doivent savoir qu'il y a des entreprises canadiennes qui viennent me voir et qui me pressent, au Québec, d'avoir un inventaire crédible, certifié par une loi, qui me permettrait donc de certifier des réductions obtenues, ce qui permettrait donc au marché d'agir chez nous de façon plus efficace.

Le paradoxe, c'est que, malgré le pied de nez de l'administration fédérale américaine au Protocole de Kyoto, la perception des acteurs économiques, c'est que certains États américains seront plus efficaces pour atteindre des réductions que ne l'est actuellement le gouvernement canadien. Il y a tout un paradoxe qui me fait dire que le discours politique, c'est une chose mais que la réalité des agents économiques en est une autre.

Est-ce que j'ai raison de penser que l'incertitude dans laquelle nous sommes en ce moment sur les mécanismes de permis échangeables et leur fonctionnement nuit à notre économie et que nous aurions avantage le plus rapidement possible à convenir d'une entente avec le gouvernement fédéral ? nous, étant les provinces ? pour que ce marché voie le jour de façon organisée le plus rapidement possible?

Le Président (M. Pinard): Monsieur.

M. Haites (Erik F.): The short answer is yes.

M. Boisclair: That's fine, we can stop here.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Haites (Erik F.): It's quite clear that, now that Canada has ratified, that people who are making investments that have consequences ? emissions consequences ? need to take that into account, but they will have difficulty doing that as long as they don't know what the structure will be for or the rules will be that will govern their emissions. And so, the sooner that that can be clarified, the better. And so, I would tend to support your position and also say and support what John said in his presentation, that we have very little time to get the rules in place and start seriously dealing with this.

M. Boisclair: But we've been served so often with the uncertainty argument in Québec that I'm happy to turn it back to the federal Government.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur. Toute cette question de permis, d'échange de permis, de vente entre pays et de grosses compagnies... Je sais que, ici, aujourd'hui, c'est un échange avec des experts, comme vous êtes, mais je vais vous faire quelques petites réflexions d'une personne, comme la mienne, qui n'est absolument pas experte, et, au besoin, vous me corrigerez.

Quand j'entends parler de toute cette question de vente et d'échange de permis, c'est comme si on échangeait des permis pour polluer. J'ai l'impression qu'on s'échange des permis pour polluer. On s'achète des permis pour des émissions futures, dans cinq ans, dans 10 ans. Est-ce que toute cette question d'échanger ou de marché entre compagnies et pays, ce n'est pas une démarche qui vise à retarder d'une dizaine d'années toute cette question de réduire les émissions polluantes dans l'atmosphère?

Le Président (M. Pinard): Sir.

M. Haites (Erik F.): You're quite right that they are, I think, in legal terms, a right to pollute a limited amount, and, by creating a market, we give that a value.

At the moment, we have no regulations, and so, we give those away free. And so, at the moment, investors do not take into account the pollution they are creating, the greenhouse gas emissions they are releasing because it doesn't cost them anything. By, in effect, requiring them to have permits for their emissions, it costs them something and they have to take it into account, and, beside, to limit their emissions.

The broader question of whether we get reductions depends on what the cap is, what the limit is on the number of permits. And, obviously, to get reductions, the number of permits available has to be lower than what the emissions would be with no limit. And we have a good test for that: if the limit is higher than what companies would emit otherwise, the price would be zero because they will have enough permits and they won't need to buy any extras.

n(16 heures)n

But the reduction achieved is determined by the cap, and, for Canada as a whole, we've negotiated that under the Kyoto Protocol, and all of the other countries that ratify the Protocol will have caps, and, when we create a system within Canada, the participants will have an allocation, and the allocations in total for those participants, that's the cap for those participants. And, as long as that is lower than what the emissions would be otherwise, we will get a reduction and, in particular... well, assuming that we enforce compliance. And the requirements of a trading program are that you have very good monitoring of what the emissions actually are and effective enforcement to make sure that the participants have permits for all of their actual emissions. And, if you have those conditions, then the actual emissions should not be higher than the cap and you should be able to see the reduction you wanted.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Une petite précision. Tous ces marchés, là, qui sont après se mettre en place, est-ce que ça va produire des réductions d'effet de serre avant 2010?

M. Haites (Erik F.): It will reduce the... it will achieve the reductions that are set by the limits. In the United Kingdom, they have, in one part of their program, 34 companies who have limits that are declining over time. Each year, they get lower so their total emissions will be going down over time.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Within 10 years?

M. Haites (Erik F.): Oh, yes! Now. This year or next year. And the same in Denmark; their emissions are going down.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Mr. Haites, thank you very much for being here. Explain to me: the United States are not part of the Protocol of Kyoto, we all agreed with that. But, at the same time, some of the States will now be issuing «réglementation» about the issue of CO2 and will be issuing permits. That's what you said.

To me, it's a little bit confusing. How can the federal Government not be part of the Kyoto Agreement and then some of the States obviously? Are they being part of Kyoto, then?

M. Haites (Erik F.): No. The States also cannot be part of Kyoto. The States will issue Massachusetts permits that can only be used in Massachusetts, or, if Massachusetts and New Hampshire agree, maybe they can be used both in Massachusetts and New Hampshire but they cannot be used by Canada or any party to the Protocol to meet its commitments under the Protocol.

M. Benoit: Now, if you're not in these few States where the States implement part of Kyoto, whatever you call it, will any other company in the United States have any advantages to buy these permits?

M. Haites (Erik F.): There are two answers, I guess. First, as long as they don't have a requirement to reduce their emissions imposed by a State or the federal Government, then they don't need the Kyoto permits or State permits for any... to comply with any regulations; so they don't need them for environmental compliance. But many companies in the United States expect that, sooner or later, the United States will take on international targets and that it may be more costly for them, in the future, to comply. And so, they could now buy contracts for Kyoto units, so that, if the United States in 2010 decides to join, they already have contracts to help them comply and that may be less costly than waiting till 2010 and finding that the price is three times or four times higher. So, that is really a risk management strategy as opposed to an environmental compliance strategy. So, the answer to your question for environmental compliances: No, but they may want to do it for managing risks.

M. Benoit: There will be, at the end, something like 200 countries in the world who will be signing the Kyoto Agreement. Which one... Where will there be the real leader? Will it be the Chicago Climate Exchange or the World Bank? Or where will, physically, the real exchange take place?

M. Haites (Erik F.): That's also very interesting. It's... I don't think it's necessarily the case that there will be an Exchange as we know, an Exchange where these will be traded. The Americans have had now for seven years a trading program for SOx, from electric Utilities, where the quantities traded are about 20 million tonnes a year at a price of over $150... well, over $130 a tonne, so, a rather large market. But they are not traded on any Exchange; they are simply traded between buyers and sellers, directly or through brokers.

And some of the Exchanges have looked at having a contract but they have decided that the volume is still too small to do that and to the extent that there are exchanges. And Enron was one of the big players in this as in everything, but they had essentially an electronic platform where you could offer to sell and offer to buy and they would be matched electronically, but not as part of an Exchange with the facilities for exchanging the units and providing the security, and so forth, for the transaction.

M. Benoit: Can you see in the near future a place in the world where the market will be?

M. Haites (Erik F.): Well, I would say, one of the main reasons why the United Kingdom chose to implement a program was because they wanted to be the financial center for emissions trading. And they deliberately implemented a large program for that reason, and that was one of their objectives.

M. Benoit: I don't know if it's in your «mémoire» or somebody else's «mémoire» today, where they say ? I think it's in yours actually ? where you say it's a complicated organization. It is a complicated organization to put that all together?

M. Haites (Erik F.): Well, it's complicated to design an emissions trading program. I think the most complicated part is the part the minister raised ? the allocation; but there are other complications.

And I certainly said in my «mémoire» that the system in the United Kingdom is complicated; I think, unnecessarily so, very cumbersome, and it will not, as it currently exists, be compatible with the European Directive, assuming that that is passed. And so, they will have to make, I think, very substantial changes to the UK system, starting in 2005, to make it compatible with European law.

M. Benoit: Thank you very much, Mr Haites.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: More down to a question: This morning, somebody came in here and said he was shopping for a new car, an Echo from Honda. Those CO2-friendly cars are much more expensive than the ordinary ones. Do you think the car companies will get into this market so they can exchange these units to put down their prices and maybe ordinary people will be able to acquire more easily those friendly cars?

n(16 h 10)n

M. Haites (Erik F.): First of all, I'm not sure that the car companies will get in the market of buying the permits for that purpose. I think it's more likely that the price will come down if there are regulations such as those proposed in California that say you have to sell a mix of vehicles where the average emissions are lower, and then, it becomes very attractive for them in that context to have lower prices on the lower emissions and higher prices on the higher emitting vehicles. So, I think that incentive is probably... that regulation is likely to be more effective in shifting the mix of vehicles that are sold on the market and the relative prices. And so, if the reduction, the 25 % reduction in the average emissions of new vehicles that is proposed in the federal plan is regulated and enforced, then I think it could do that job.

There is another interesting part of the McCain-Lieberman Bill that would make over compliance with the CAFE standard, the fuel efficiency standard for new vehicles tradable, convertible into permits that could then be sold to other companies, but it would come out of the total allowable emissions. So, what that would do is... If the automobile companies were successful in lowering their emissions, they would get allowances that they didn't need for compliance. They would sell them, but what it would mean is that other industries would have to buy them because their total allocation would be lower. But that, in turn, would mean that those industries would pressure Congress to lower the CAFE standard even more. So, I think it creates an interesting dynamic to keep forcing the CAFE standard lower.

M. Corriveau: Thank you.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Boisclair: S'il y a consentement... Est-ce que je pourrais avoir... Pour le fond des choses, est-ce que je pourrais avoir le consentement pour poser une question?

Le Président (M. Pinard): Accordé, M. le ministre.

M. Boisclair: I'm happy to ask you this, and I think I'm asking for advise, here. I'm considering the possibility of Québec with a public and private cooperation. I'm asking myself if it would be a good thing for the Québec Government, with the private sector, to take a position in the market. I'm considering this possibility, knowing that Hydro-Québec or DuPont Corporation could be involved. Would it be an advantage for Québec to take a position in this market that is not yet organized? And should we even consider in Québec, even though we are a small market ? we only have 35 large emitters ? and, obviously, the market wouldn't be efficient because we don't have enough economic players so the price wouldn't really reflect the value of the permit, but should we even consider emitting ourselves because of the competence we have in this National Assembly to issue our own permits and to see even start trading them at par with permits that would be traded elsewhere, maybe in Chicago or elsewhere? Would that be a strategic thinking that would be fit economically?

M. Haites (Erik F.): I'm not sure I completely understand your proposal. But are you suggesting that Québec set up an emissions trading program within Québec with its own...

M. Boisclair: The thing here is: should Québec, the Québec Government with the private sector, take a position in the market and buy some permits so that it would help us reach some objective and reach it with a lower cost than what it could be later on? So, would it be fit strategic thinking to ask ourselves, if, with a private-public cooperation or partnership, we should buy some permits to take an advantage in the market, in this over-the-counter market in a sense, not yet organized?

And would it be a good idea for Québec to even think to issue its own permits and start trading them? We have agreements, for example, with the North Eastern States. We could very easily, without even bothering with the federal Government, have our own system, have agreements with the governors of New England and have our own permit system and our own trading system. Would that be a reasonable thing to do?

M. Haites (Erik F.): Well, I haven't had a chance to think about this much, so let me try to answer a few things. First of all, in terms of your... I think there are two questions you have. First, a public-private group taking a position in the market, and, by that, I would advise you only to invest in Kyoto compliance units because I think that will be the larger long-term market. So, don't buy Danish units and don't buy U.K. units and don't buy VERs. So, the first thing is: stick to Kyoto compliance units.

Then, the question is: What is your objective? The Dutch Government has decided that, to meet its national commitment, the national Government is buying 50 % allowances or units equal to 50 % of the reduction it requires, and is doing so through tenders and through investment in a prototype carbon fund and some other arrangements. So, they are doing it; they're buying now for compliance with their Kyoto obligations.

If Québec does it, if Québec believes that it will be independent and party to the Protocol, it may be a good strategy. But, Québec, as part of Canada, would not have a compliance obligation. So, in effect, you would be doing it for...

M. Boisclair: ...agreed to a compliance regime.

M. Haites (Erik F.): Well, perhaps, if... Then, it would be for compliance purposes. But, if you were not part of a compliance regime, then you are just speculating and you might make money and you might lose money, and I think you have to decide: Is that a good way to use public funds? So, that is also the trade-off there.

Now, in terms of Québec issuing permits that could be used with New England States, I think it's possible that that could be done but you would have to cover the 35 companies or emitters here and they might also be covered by covenants negotiated with the federal Government or federal-provincial. And then, if they have two levels... if they have to hold federal permits and Québec permits or Massachusetts permits, then it may become... then, they get two price signals which are different because it's unlikely that the price would be the same. So, I think that would become inefficient, although there's one scenario that, I think ? purely hypothetical ? would be interesting: if Canada and the United States agreed to a separate trading program where Canada also... as part of NAFTA, where we had a target comparable to Bush's target, then we would be allocated a large surplus of permits and we could sell them to the United States and they would help pay for our reductions. So, if we could convince them to enter into such an agreement, it would be an interesting way to help them for Kyoto. But I don't think we'll get that far.

n(16 h 20)n

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Haites, merci de vous être présenté devant cette commission. Et j'inviterais, de ce pas, M. Dian Phylipsen, Dr Dian Phylipsen.

La commission est heureuse d'accueillir le Dre Dian Phylipsen. Mme Phylipsen est présentement chef du Bureau international sur les changements climatiques d'Ecofys, une firme de consultants des Pays-Bas, responsable des activités relatives au mécanisme de Kyoto, à l'évaluation des politiques et au partage du fardeau. De plus, elle a fait partie d'une délégation néerlandaise, notamment au sein du Groupe d'experts sur l'évolution du climat, de l'Union européenne, lors des réunions du GIEC sur les scénarios d'émissions et dans le Groupe de travail du ECCP, Programme européen sur les changements climatiques, sur les ACMDP.

Alors, madame, nous sommes très heureux de vous accueillir et nous allons maintenant vous entendre sur une période de 15 minutes, et, ensuite, il y aura un échange, entre les parlementaires et vous, d'une durée de 30 minutes. Alors, docteure.

Mme Dian Phylipsen

Mme Phylipsen (Dian): Merci bien, mesdames et messieurs. I will definitely not try to go on with only French. As my predecessors have, if you don't mind, I'll continue in English.

I would like to thank you for the opportunity to share with you some of our work, the work that we have done in Europe on the burden sharing in the 1997 Climate change negotiations.

I would like to briefly outline the status of the negotiations at that point in time and the way this was organized in the European decision-making process; I'm not sure whether all of you are familiar with the details of that.

I'll explain briefly the role of the Netherlands Government in this and how we came up with the idea of burden differentiation as a necessary element in the climate change; briefly discuss the methodology that was developed to burden sharing in Europe; very briefly, some quantitative results, and then, talk a little bit about the role this has played in the Climate change negotiations.

As you may recall, in 1996-1997, international negotiations on climate change were ongoing in the so-called AGBM ? the Ad Hoc Group on the Berlin Mandate ? and the topic was post-2000 commitments to reduce or limit greenhouse gas emissions. And this topic was to be agreed upon in 1997 in Kyoto.

Within the European Union, a separate track of negotiations was going on in the EU Ad Hoc Group on Climate, and there was the answer that the EU could present a common position on climate change within the AGBM. In this respect, it's important to realize that the European Union works with a rotating presidency in which each of the member States holds the presidency for about six months, and they work with a troika in which the current president works together with its predecessor and its successor to guarantee more continuity.

And, in the period that we're talking about here ? 1996-1997 ? the countries involved were Ireland, the Netherlands, Luxembourg, and, just after Kyoto, the U.K. And it's important to realize that a presidency has the potential to be very influential in Europe. Of course, it's still all the member States that have to agree on what has been decided, but it's considered to be politically not done to simply ignore a proposal by a presidency or to reject it without proper argumentation.

Well, it turned out that, in order to have an agreement in time for Kyoto, the decision on the European Union position would be made during the Netherlands' presidency in the first half of 1997. But, at this point, there was no agreement on what a target should be, the number, and whether there should be a differentiation between member States or whether all member States should have the same target as the European Union as a whole, and it was also not clear what the role of policies and measures at the European level should be.

Of course, the Netherlands Government wanted to make a success of its presidency, and so, it started preparations in 1996 on topics such as differences in national circumstances between countries and various approaches to burden sharing.

There was a workshop organized during the Irish presidency, in the second half of 1996, in which the EU negotiators talked about topics such as the national circumstances, policies and measures, targets, differentiation, and so on. And this was an informal workshop. At first, it took some getting used to by the negotiators, because, of course, they were very used to talking about nuts and bolts, very detailed texts, discussions and informal settings they really had to get used to. But, once they were accustomed to it, it turned out to be very successful, and, after a two-day period, they more or less suddenly realized that they had agreed upon that the EU negotiating position for Kyoto should be around -15 % target, and also, that there should be differentiation between member States, while, before, there were a number of countries, such as France and Germany, who were very opposed to such a differentiation.

Of course, the topics of burden differentiation have been discussed quite extensively before, especially looking at the role of developing countries. And, usually, approaches would be either very simple, such as equal CO2 emissions per capita or equal CO2 emissions per unit of GDP. But these types of approaches tend to lead to very extreme results, and, therefore, unacceptable to a majority of parties.

Earlier today, it was discussed what is fair or what is equity, and I think it is an illusion to think that you would be ever able to reach a consensus of what is fair or what is equitable. So, I think that the most that you can reach on this topic is that a certain outcome is acceptable to as many parties as possible.

The other types of approaches tend to be very elaborate, and then, you can think of, for instance, approaches that tend to define targets in equal marginal costs ? dollars per tonne of CO2 ? or equal... for losses, such as a reduction in the percentage of GDP. The problem with these kinds of approaches is that they are rather not transparent, considered to be black-boxed, and that's also a reason why it's not acceptable to many countries.

While the approach of burden differentiation we took in Europe was based on the main three negotiating barriers ? and I think you see them also in the discussions here, in Canada ? one issue is the competitiveness of the industry and especially those that are operating internationally, basically implying that it would be unacceptable to have a cap on the emissions of that industry.

The second one is the large differences in the electricity sector and the fuel mix between different countries, suggesting that a uniform approach would not be possible. And, just for illustration, here you see an overview of the differences in the fuel mix in different countries in Europe, where you see the black bar represents the coal share, the green bar represents the share of renewal, and you can see the very large differences between different countries here.

n(16 h 30)n

The third big issue in the negotiations was the differences in the standard of living, and, especially in Europe, you have the so-called Cohesion Fund Countries: Greece, Ireland, Portugal and Spain. The Cohesion Fund in Europe is a fund for which countries are eligible if their GDP per capita on average is lower than 75 % of the European Union average. It was decided that these countries should have more room to grow and to develop up to a level that the other member States have.

So, based on these three categories, it was decided to divide the emissions into three categories, and, at this time, we weren't talking about CO2 emissions: one category for the international operating energy efficiency, one category for the electricity generation and one for the remaining sector or the so-called domestic sectors, and, in this respect, it is important to understand that, for each of these sectors, we developed uniform criteria that were applied to calculate a sort of allowable emissions per sector. But these were not intended to be sectoral caps, they were only intended to be a calculation to... The sectoral caps would be added up to the present national target.

So, for the international-oriented industry, an efficiency approach was applied in which all industries had, for instance, to improve the energy efficiency by 1,5 or 2 % per year, and, in all cases, there were a number of different scenarios developed.

For electricity generation, a so-called tailor-made approach was used, and I'll come back to that in a second; and, for the nationally-oriented sector, which, basically, the driving force behind emissions is the population size, a per capita convergence approach was used, and it was assumed that, on the long term, the year 2030, emissions per capita would converge in this sector, assuming a convergence of welfare levels between the different countries, and the convergence level was set at 10 to 15 % lower in 2010 compared to 1990 levels.

The tailor-made approach I just mentioned for the electricity sector basically meant that, for each country, we would require them to implement an additional 8 % of new energy compared to 1990 levels to limit their coal and oil use to a level of 70 % of 1990 levels.

Nuclear energy, we've opted according to national preferences, because, well, it's a very contentious subject in Europe, so we didn't think it appropriate for us to prescribe anything on that issue: a minimum level of GHB of 15 % additional to what was already in place, and the remainder would be natural gas.

Here, you can see the per capita convergence approach we used. Large differences between countries... On the bottom, you can see, hopefully, Portugal; the one flying off the chart on the top is Luxembourg, and that has to do with the very high share of transport emissions in that country due to the so-called «tank tourism».

Also, we made a number of scenarios that were presented to the negotiators. I won't go into the details, here. One thing that you might want to note here is that the results of this approach varied from about a plus 20 to minus 20 % in 2010, compared to 1990 levels.

This graph shows the allowances calculated by the methodology I just described compared to what countries had offered to do themselves before, scenarios without Policies and Measures and with additional Policies and Measures, and, there, you could see that, if you look at the maximum effect of the national offers including all the additional Policies and Measures, the red bar in this graph for the EU as a whole only adds up to about minus 3 % target, and that's in quite a sharp contrast to the minus 15 % target that was agreed that would be the position for Europe.

So, how was this used in the negotiations? There was a second workshop organized in early 1997 with the negotiators from the EU member States, and the results that I just showed and the methodology were presented to them.

Of course, we realize that this approach does not provide you with the ultimate answer, but it did result in a lot of increased insight between... with the negotiators on differences between countries and how those differences affected the greenhouse gas emissions and the potential to reduce those emissions.

At the workshop, the presidency game was played in which all the member States were asked to write down a table stating which they thought that all the other member States should have as a target for greenhouse gas emissions reductions. And, in politics, it's also basically not done, but, after some convincing, they did. And that also showed that there were big differences in perception on what a country was doing, what the emissions were and what the options to reduce it would be.

Ultimately, the conclusion of the workshop was that the member States requested the presidency to come up with a proposal for burden sharing. And this was done largely based on the Triptyc approach, the approach I just showed to you, and, after that, there were a round of bi-level consultations between the presidency and the member States. And all of this led to an agreement in the Council conclusions of March 1997 about the minus 15 % reduction target as a negotiating position on the condition that all Annex 1 countries would accept a similar target, and the differentiation between EU member States varying between minus 30 % and plus 40 %. And this Agreement was based on three gases: CO2, methane and N2O.

Of course, after Kyoto, a number of adjustments had to be made. Basically, the EU target did not end up to be minus 15 % but minus 8 %. There were six gases instead of the three that were included in the Council Agreement and sinks were included as well. These adjustments were made during the UK presidency and this happened in a somewhat less systematic approach as before. Basically, the top negotiators in the first round were sort of punished, meaning that they didn't get as much extra room for emissions as the other ones that were thought to have gone through a larger effort in the first round.

That's basically what I wanted to present.

Le Président (M. Pinard): Merci, madame. Thank you. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. Je voudrais d'abord remercier Dre Phylipsen pour sa présentation. Je suis heureux de vous avoir entendu expliquer les modèles triptyques. J'étais passablement familier avec le fonctionnement du modèle triptyque, mais les membres de cette commission doivent comprendre que la question de l'allocation de l'objectif canadien entre les provinces ou les secteurs d'activité est une vraie question de fond que nous commençons à peine à aborder dans nos discussions.

Vous remarquerez que le modèle triptyque utilisé par les membres de la Communauté européenne qui, conjointement et solidairement, ont accepté un objectif de réduction, permet une grande variété dans les cibles à atteindre. De plus 22 à moins 20, les écarts sont immenses.

La question s'est donc posée du modèle qu'on devrait prendre au Canada pour répartir les objectifs, et ce qui, fondamentalement, distingue l'approche canadienne de l'approche européenne, c'est que les Européens, membres de la Communauté, ont fait le choix de discuter entre gouvernements alors que, chez nous, le gouvernement fédéral, malgré le propos, a fait le choix de négocier avec les secteurs d'activité industrielle, jugeant qu'il était peut-être trop complexe de négocier directement avec les provinces.

n(16 h 40)n

Le modèle triptyque, s'il avait été retenu par le gouvernement fédéral, nous donnerait, chez nous, un objectif de stabilisation par rapport à notre niveau d'émissions de 1990. Certains calculs faits par le ministère de l'Environnement nous amènent même à croire que ce modèle pourrait nous permettre une augmentation de 1 % de nos émissions par rapport à 1990. Vous voyez combien les choix de répartition de l'objectif canadien ne sont pas des choix sans conséquences pour nous qui avons à prendre des décisions sur notre attitude à convenir avec le gouvernement fédéral.

C'est pour cette raison d'ailleurs que le document que nous avons publié fait état des deux modèles et des deux possibilités, à la fois de la stabilisation par rapport à 1990 ou d'un modèle de moins 6 % que nous avons fixé un peu de façon ? arbitraire n'est pas le mot juste ? mais que nous avons fixé volontairement parce qu'il nous semblait intéressant de mettre cette proposition au jeu. Mais on n'est pas là contraints par quoi que ce soit.

Je voulais donc vous dire ces choses, parce que les conséquences ne sont pas naïves... les conséquences ne sont pas sans effet, et les choix faits par ceux qui président à ces discussions et à ces décisions ne sont, eux, pas naïfs.

La question qui se pose à ce moment-ci pour nous, c'est de voir encore, sur le plan de l'intérêt national du Québec et de nos préoccupations environnementales, qu'il ne faut jamais négliger, quel genre de scénario privilégier. Et je pense que, malgré ce que nous venons d'entendre sur les conséquences d'un modèle triptyque appliqué au Canada, il nous apparaît quand même intéressant de mettre au jeu au Québec une proposition de moins 6, et, je le rappelle, une proposition de moins 6, pas tant parce que j'estime que ce sera là le résultat de la négociation avec le gouvernement fédéral.

Le gouvernement fédéral en ce moment prévoit une approche sectorielle. Il ne retiendra pas une approche territoriale, mais, au net, même avec l'approche sectorielle, il y aura un résultat sur le territoire québécois qui sera, je ne sais pas, moi, moins 2, moins 4, moins 6. Je ne peux pas prédire quel sera le résultat de la négociation. On va négocier correctement, on va négocier fermement, mais le pari stratégique qu'il faut peut-être relever au Québec, c'est de se dire: Du fait de notre avantage, est-ce qu'on ne devrait pas continuer à profiter de cet avantage pour être à la fine pointe de ce qui se fait en matière de recherche, pour être à la fine pointe des connaissances, à la fine pointe des technologies et peut-être même pour faire du Québec un lieu qui joue à plein les transferts technologiques et donc qui tire une nouvelle recherche et de nouveaux profits du fait de ce positionnement? Est-ce qu'une proposition de moins 6 apparaît acceptable?

Alors, je lance ce pari stratégique. Non seulement nous permettrait-il de bien faire pour l'environnement, mais il nous mettrait aussi dans une fichue de bonne position dans nos discussions avec le gouvernement fédéral. Ce pari stratégique a aussi l'avantage de nous mettre dans un rapport de force intéressant avec le gouvernement fédéral, puisqu'on prend le terrain puis on l'occupe. C'est là la conséquence du pari stratégique. Ce n'est pas le point de départ, c'est la conséquence.

La question que je suis tenté, sur le plan plus spécifique, de vous poser, ce commentaire étant fait: Pouvez-vous m'expliquer davantage comment vous avez... dans le modèle triptyque, comment vous pondérez les différentes sources de production énergétique?

Vous nous avez montré un graphique tout à l'heure où vous comparez les fardeaux imposés à chacun des secteurs énergétiques, donc du charbon jusqu'à l'énergie éolienne. Comment vous avez tenu... Comment vous avez pondéré chacune des sources de production d'énergie pour en arriver à un output de réduction pour chacun des États membres de la Communauté? Parce que c'est là la question qui se pose chez nous. On produit ici avec de l'hydroélectricité; en Alberta, avec d'autres moyens beaucoup plus polluants.

Le Président (M. Pinard): Madame?

Mme Phylipsen (Dian): Thank you for your question. One thing I did not touch in my presentation is the amount of work that had been done preceding this work on burden sharing. I briefly mentioned the Policies and Measures. Of course, Europe, also in international negotiations, has always been a very strong proponent of Policies and Measures as an element of climate change regime, and so, in Europe, there has been quite a substantial amount of work.

The Expert Group on Climate, for instance, has, for a couple of years, worked on Policies and Measures, trying to quantify the emission reduction potentials of different Policies and Measures and what the associated cost would be. And many of the elements that were included in the scenarios and in the Triptych approach were taken from that work on Policies and Measures.

For instance, the per capita convergence approach: the average reduction in per capita emissions in that sector, for the EU as a whole, was based on the emission reduction potential that was established within the Expert Group on Climate. The same thing for the energy efficiency improvement potential, the energy efficiency improvement rates that we assumed in the scenarios, the 1,5 to 2 % per year, also borrowed from the Expert Group on Climate, giving the emission reduction potentials at reasonable cost for industry.

And the same is also true for the electricity sector. There was a target for a new energy implementation for the European Union as a whole, and that was basically used as the... The 8 % that I showed here was basically lower than the 10 % target that was in the EU Directive on renewable electricity.

The reduction potentials for solids and liquids basically derived over efforts that, for instance, the UK and Denmark and Germany were already undertaking in switching fuels in their sectors. So, basically, a lot of those elements have been taken from the Policies and Measures work done within Europe.

M. Boisclair: ...pourquoi tout l'intérêt à l'affirmation suivante: Si nous pouvions être Canadiens comme les Français sont Européens, nous nous porterions peut-être bien mieux que nous nous portons en ce moment. Je vous remercie pour cette réponse.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. Thank you very much, Dr Phylipsen.

In your «mémoire», you mentioned the Cohesion Fund. Can you explain to me how that fund works, briefly?

Mme Phylipsen (Dian): Yes. One of the essential elements of the European Union policy is to get the poor countries to assume a level of development as the wealthier countries. So they have established the Cohesion Fund in which part of the member States contributions to the European Union are put in, and, basically, all countries but also regions that have a GDP per capita that's lower than 75 % of the European Union average are eligible to receive funds from that Cohesion Fund.

So, for instance, maybe if you have ever driven through Ireland, you would see... on a lot of the roads that are being constructed, there are signs saying: «Paid for by the European Community».

M. Benoit: It's what a federation will do here, in Canada, to try to help other provinces. Obviously, that's what you're trying to do in the European countries.

Now, you are extending the European countries from 15 to 25 countries, if I'm right. In these new countries which will be joining you in the coming months and years, will they all be tied with the Kyoto Accord or some will not be part of the Kyoto Accord?

Mme Phylipsen (Dian): I think all of them are, and, basically, almost all of them have in Kyoto already... how should I say in English? ? sorry! ? anticipated on this because most of them... also the minus 8 % reduction target that the European Union has as well. Poland with less, minus 6, but all of the others have basically also minus 8 % reduction target.

M. Benoit: ...one condition to join the Union now, to be part of the Kyoto... We know your debt must be at a certain level, so on and so forth, is it also part of the agreement, when you join the European countries, you must join the Kyoto Accord?

Mme Phylipsen (Dian): The «Acquis communautaire» has a huge amount of chapters that should be harmonized, legislation should be harmonized, including environment legislation, and Kyoto is also part of that.

n(16 h 50)n

M. Benoit: I just want to come back. How much influence the European countries have on each and everyone country at the decision level? Here, the minister just said: Well, it had all been decided by Ottawa, more or less, and then, you know, we will have to implement it.

How tough are the European countries in regard of each of the States? How much communication between the two and how much influence the European countries have on each of these States? ...reach the target, obviously.

Mme Phylipsen (Dian): While I know that the... administrative circus in Brussels has sometimes led to a giggle here and there, I think that, in the climate change, it has really worked.

But you're talking about the influence of member States on the other member States or the influence of the European Union level on the other member States?

M. Benoit: The European Union on each and everyone of the States to reach a target.

Mme Phylipsen (Dian): O.K. Basically, it depends on the policy area that you're working on. There are some policy areas where the European Union has the most important mandate, some policy areas where the member States have the most important mandate and there are some areas where they both have, as party, a mandate and have to work with them, and environment is one where there is joint authority. That's why also the current emissions trading directors have to go through such a complicated process before it's openly adopted with Ministerial Council agreements, Parliament readings and back and forth a few times.

M. Benoit: We seem to find it complicated here with 10 States, 10 provinces. There, with 25 countries, will you ever be able to do it?

Mme Phylipsen (Dian): That's a good question. It is quite at the heart of all of the discussions about the reform of the European Union at the moment, which was not just environment, but all the other subjects.

In 1997, it worked even with 15 countries, and I think it had a very important role just having this extra platform of negotiations. I think that may be the reason why, to this extent, Europe could play a very big role, whether it's possible with 25 countries.

I mean: It will always be a matter of give-and-take. If we will help some of the Eastern countries a little bit more on the agricultural policy, maybe they'll be willing to do a little bit more on the environment policy.

M. Benoit: Thank you very much.

Le Président (M. Pinard): Autres questions? Alors, merci beaucoup, madame. La commission vous remercie de vous être déplacée et nous avons été très heureux de vous entendre. Merci.

Alors, comme nous l'avons mentionné ce matin, M. Elliot Diringer est absent, considérant la tempête de neige à Washington. Alors, possiblement que nous aurons peut-être l'occasion de l'entendre jeudi matin, M. Diringer. Non? O.K. Alors, j'inviterais maintenant M. Ralph Torrie à se présenter.

Nous souhaitons la bienvenue à M. Ralph Torrie, président de Torrie Smith Associates. M. Torrie est un expert de renom en matière d'énergie et de développement durable. Il s'implique dans le domaine des changements climatiques depuis 1988, année au cours de laquelle il a organisé l'Atelier sur l'énergie, à la Toronto Conference on the Changing Atmosphere, et élaboré ce que l'on nomme aujourd'hui la «cible de Toronto» qui vise à une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2005 et une réduction à long terme d'au moins 50 %.

Alors, M. Torrie, nous vous accordons 15 minutes pour nous entretenir, et, ensuite de ça, il y aura échange avec les membres de la commission. M. Torrie.

M. Ralph Torrie

M. Torrie (Ralph): Merci beaucoup, M. le Président. These, for everyone's sake, will be my last English words... or my last French words. Ha, ha, ha!

I thank you very much for the opportunity and the invitation to come here today and share with you some of the work and analysis that we have been doing on this issue.

Also, I am very appreciative of the facilities that you have here and the opportunity to present in my native language. I must say it is one of the most formal rooms that I have ever been in in an informal consultation, but it's very beautiful here. Ha, ha, ha!

I wanted to, in my brief opening remarks, touch on five points: I want to say a little bit about what I mean by «low emission futures», since that's what I will be speaking about.

I want to make the case for why we need much larger targets than the ones represented in Kyoto. Then, I want to present some of the results of the work that we have been doing on ways of reducing greenhouse gas emissions that have led me to form a minority opinion, as I call it, about the prospects for greenhouse gas emission reductions and the extent to which this is an opportunity, if you like, rather than a threat.

If I have time, I want to say a little bit about some of the trends in the last 20 years, which are actually pointing us in the direction that we need to go in if we are going to mount an effective response to the threat of climate change.

And, then... And I only just coined this phrase while I was rearranging my slides, listening to the previous speakers: I want to say a little bit about what I'm going to call the «dogma of pragmatism».

First of all ? and I won't spend any time on this at all ? but low emission futures, what it means, when I use that term, I'm talking about futures in which we bring down the greenhouse gas emissions by enough to get out of the trouble that we're in with the climate; in other words, by enough to meet the terms of the framework convention itself, to which we are signatories, that says that we will work as an international community to prevent these emissions from reaching dangerous levels.

To bring emissions down by 50 % on a global basis is probably the minimum challenge that mankind faces as a result of applying that condition of avoiding dangerous concentrations. We may have 100 years to do this, perhaps less, not very likely a whole lot more before the concentrations will have risen to the point where we will be into a truly dangerous climate change scenario.

n(17 heures)n

So, it seems to me that, in a rich country like Canada, the implication is that emissions will need to come down by much more than 6 % or 20 %, and, probably, in the very long term, even by more than 50 % in a world which manages to bring emissions of these gases back into balance with what the ecosystem can handle.

It sounds like an outrageous starting point. I should tell you right now I'm not an academic. I don't have the luxury of studying questions that nobody will pay me to study. So, this is not just purely curiosity. What I'm raising is the possibility that, by setting our sights too low on the greenhouse gas issue, we're actually missing many, many very large opportunities that you only see when you look up and you don't see when you look down.

Briefly, the arguments for looking at these deeper reductions. First of all, the ecological imperative itself, which I've just mentioned; secondly, we find, when we start to look at the possibilities of very much lower emissions of greenhouse gases, that the things that we do to achieve that and the other benefits that result from doing that, yield many economic, environmental... public health benefits should be that third phrase, which come along with a vigorous attempt to reduce greenhouse gas emissions.

Thirdly, if you don't have a long-term direction, if you don't have any sort of an ultimate goal guiding your strategy, you will very likely get the short-term strategy wrong. In other words, you will very likely get the Kyoto strategy which is the short-term strategy. You'll get it wrong, because the 6 % that you will achieve, if that is your end objective, is a different 6 % from the one that you will pass through if you plan on getting to 6 % as part of a journey towards much deeper reductions on the order of 50 %. So, even if you don't believe in the feasibility or the immediate urgency of the 50 % target, without it, any plan for 6 % is without direction and without an anchor.

A fourth point, and this is a subject of observation on my point, I call it «empowerment», and I've noticed that in many different ways, including in the political sense of the word, when you look at these lower emissions features, you begin to find opportunities and you begin to find positive possible features that are very motivating.

Professionals get excited about these options, architects get excited about these options, engineers get excited about these opportunities, but, interestingly, at least in my observation, also the public gets more interested when you start talking to them about serious reductions of emissions.

I think that, at some level of the public consciousness, there is an understanding that a 6 % reduction is not going to make much difference, and it won't. But, if you start talking about a 50 % reduction, I think it resonates with a feeling that people have that we need to start talking about more serious change not only on this issue, but on a number of other economic and environmental issues that we're facing, than continuing to take what is tended to be a rather incremental and overly ad hoc approach to these issues.

Finally, it should be said, specially at this moment in history, that, when you are successful in reducing greenhouse gas emissions, it will be because that you have improved the energy productivity of your economy, and, that, in turn, releases pressure in the international geopolitics of energy.

Some of you may not realize, but if you look back at what happened ? and I'm going to show a picture of this in a moment if I have time ? if you look back at what happened between 1970 and the year 2002, the improvements in the energy efficiency of all of the OECD economies have contributed more to our energy security than all of the new nuclear, hydro, oil, gas and coal resources developed over that entire period and added together. So the demand-side resource... and it's a complex resource, that's not only about technology, but it's a huge resource and when we tap into it, we get security, and it's far and away the single largest contributor to what energy security we have enjoyed since the first round of price shocks.

And, finally, even if you don't buy or accept any of the previous arguments, if we are going to have a strategy for dealing with climate change, surely there should be a contingency plan. Surely we should have at least, tucked away in a drawer somewhere, some idea of what we would do if we had to really start getting serious about this issue, which we have not yet done. We have not yet gotten really serious about this issue. I know it may seem that way with all of the smoking mirrors around the ratification of the Kyoto Protocol, but it is only a shadow of what is going to be necessary if we're going to adequately make the transition that awaits us to the lower carbon futures.

So, where is the contingency plan? What would happen if the Prime Minister came in tomorrow morning or if anyone of you were to call up your departments in the Civil Service and say: Where is our contingency plan in the event that this has to move much quicker? It won't be there.

So, for all of these reasons, I think that the 50 % scenario is one that must be taken much more seriously, and, when you do that, many benefits flow from it. Let me just illustrate a little bit about what I mean by that.

Probably the reason that I was invited here, today, is because, over the last year or two, working with the David Suzuki Foundation out of Vancouver, as well as the Canadian Climate Action Network which includes a number of Québec-based NGOs, we have been working on a scenario of how Canada could cut its emissions by 50 % by the year 2030 ? so it's a long-term scenario ? and then, we worked backwards, after having developed that picture, to see what the Kyoto year ? the year 2012 ? would look like if you were passing through the Kyoto targets on your way to the much deeper reductions.

We start with this type of a profile of greenhouse gas emissions. There is not time to go into it, except to point out that you'll notice there is no power sector in this pie chart. That's because, in this kind of analysis, we take the emissions that happen at power plants and we allocate them to the various end users of electricity so that the power sectors emissions show up in the residential sector and in the commercial building sector and in the industrial sector, on a national basis, at about a ratio of one third each, more or less.

We then developed a future economic and demographic profile of Canada in the year 2030, with population and economic activity maintained by province at its current levels, but we used fairly aggressive growth rates for population, gross domestic product, commercial floor space, industrial output, personal and freight travel, because we wanted to examine the possibility that you could actually maintain fairly vigorous growth in these types of output, while, at the same time, through investments, primarily, in efficiency and renewables in bringing down the amount of energy and greenhouse gas emissions associated with that activity.

And we went through sector by sector in great detail, identified what could be done with new homes, like this one in Saskatchewan that uses only a fraction of the fuel and electricity of even our 2000 standard housing; or like this building in Vancouver which uses 60 % less fuel and electricity than if it had been built with conventional construction standards, and it really didn't cost any more to build it; or like the electric-hybrid vehicles that are now starting to come into the marketplace; and the vast array of improved electrical efficiency devices that we all know about; and, in addition, the increase in the use of combined heat and power plants, like this... if I'm not mistaken, this is a Danish example.

And we added this all up and we were able to develop a scenario that would bring Canadian greenhouse gas emissions down to about half their current levels by the year 2030 and more than surpass the Kyoto target in 2012. And you can go and look at the assumptions and the methods or have your staff do that ? there's no time today ? but the only thought that I would leave you with is that we didn't find it all that difficult to find the technologies and even to find the technologies that are fundamentally economic, in order to achieve fairly significant reductions in energy and greenhouse gas emissions in Canada; in other words, to continue the trend which is already under way, but to accelerate it, in which economic activity continues to grow while energy commodity use and associated greenhouse gas emissions slow down.

n(17 h 10)n

One of the interesting things about this scenario that bears special mention here is what happens in the electricity sector. And I have to emphasize that the study was done on a national scale. We did do a province-by-province analysis of electricity supply and demand, but it had to be very limited because of resources. But, on a national scale, the demand for central power plant electricity would actually decline in a scenario that'd maximize the use of electricity efficiency in which there was some shifting, not so much in Québec, but in some of the other provinces, away from the use of electricity for heat.

There would be a very strong growth in new green electricity with wind power leading the way in that. This is double digit exponential compounded growth rates in all of these sectors. But, still, by the end of the period, the supply of electricity in a Canada like this would be dominated by hydroelectricity from existing stations. We didn't assume any new megahydro project.

We also were able to show that, over the long term, both the central coal and the central nuclear stations could be phased out, and you can see the small green bar on the top of the third bar. The green portion on top of the third bar in the year 2030, that would be the contribution from new green electricity after 25 years of the type of vigorous exponential growth that I just mentioned.

So, yes, the industry is growing quickly, but, even in 20 or 30 years, its total contribution to the supply of electricity in a country like Canada is likely still to be fairly modest in percentage terms.

I mentioned earlier that we did take a... we looked at a number of possible scenarios, specifically with respect to the supply and demand of electricity in Québec. In this particular scenario, what you see on the left-hand side are two bars representing, first, the supply and then the demand for electricity in Québec in the year 2001, and, on the right-hand side, the supply and the demand in the year 2020 in our scenario.

And what you'll see is that... what we did here is we assumed that electricity actually holds its market share for space heating and water heating, but that there is significant advancement here, as there will be everywhere in the world, in the continuing penetration of energy efficiency and electricity-using devices, as well as thermal upgrading of the residential and commercial buildings that are heated electrically. And, essentially, we are able to show a surplus of electricity greater than the current Churchill Falls output by the year 2020, all of which could be generated through investments on the demand side in the Province of Québec.

My fourth point is that, if all of this seems a little bit audacious and radical... I confess, compared to conventional wisdom on what the possibilities are for bringing emissions down, this is radical. It departs in very significant ways from the conventional thinking which is that bringing down greenhouse gas emissions is going to be very painful, and it's going to be very expensive, and it's going to hurt, and we're going to have to tax and we're going to have to do this and that. I see quite a different possible future, a much more positive possible future in which the investments in bringing down greenhouse gas emissions are actually part of a transformation in the western world and industrial economies that sees them move towards much, much greater use of... much, much greater productivity of energy use and other resource use.

The historical trend is already there. This particular chart shows you what happened to growth in Canada in gross domestic product, energy and emissions between 1971 and 1991, and, as you can see, for the first time since World War II really, we had a situation where the economy began to grow faster than the consumption of fuels and electricity, and this trend has continued. It has had its ups and downs in this particular part of the world, but, even in Québec, the energy and electricity productivity of the economy have been improving, have been increasing for the last several years.

If you look at that phenomenon of energy productivity starting to take the place of the need for new energy supply, then this is the point that I was making earlier: the contribution that we have got from the fact that that gap has opened up between economic growth and fuel and electricity growth is the large green bar on the right-hand side of this chart. I call it energy productivity. It's like any other resource, yet some of it is so cheap that it just happens to us much, much more than can be got if we mine it systematically with the same ingenuity and innovation that we bring to resources like hydroelectricity, nuclear power, and tar sands. And, even without that kind of an effort, over this period ? 1970 to 1998 ? improvements in energy productivity in this country, including efficiency improvements but also including hot moves towards higher value-added goods and services and all of that have contributed more to the new supply, if you like, of energy services than all of the Commodity increases over that same period added together. And this chart here simply shows, the top line, the ratio of electricity use to GDP... That, actually, might be mislabeled. This is dollars of GDP per unit of energy. The access is labelled correctly, the legend is not.

And what you see is a steady increase in the bottom line in the overall improvement of the energy productivity in Québec and a recent return to improvements in the electricity productivity of the provincial economy. And the improvement in the energy productivity had already been going on for 10 years before this chart begins.

Finally, when one goes in and looks at the actual mechanics of how you could reduce emissions... and I'll tell you really what got me started on this, just by way of a personal anecdote. It struck me as very strange ? and I don't know what you think ? but it struck me as very strange that, when I would turn on the television news and hear what the economists were saying about reducing greenhouse gas emissions, they would say: It's going to eliminate jobs and it's going to cost more money than... it's going to be very expensive, it's going to make the price of everything go up.

And, then, I walk around my house and I say: You know, if I put some work, i.e. employment, into this house, I could improve the energy efficiency, and the savings would add up to much more than the cost of making those improvements over the long term, and, in some cases, over the very short term. So, my personal experience was telling me that, if you go around and try and improve the efficiency of the economy, you'll create work and you'll save money. And, yet, the theoretical models of the economy are telling us: If you do something to reduce greenhouse gas emissions, it's going to be expensive and it's going to eliminate jobs.

What you really have there is the dichotomy which has characterized the energy policy debate in the Western world, if you like, to a certain extent, for the last quarter century, between an old school that still tends to work with tools that indicate that the economic growth must be accompanied by ever increasing levels of fuel and electricity consumption and a new school which recognizes that the demand for fuel and electricity actually comes from the need for heat and the need for light, and that there are many other ways of getting these things besides increasing the use of fuel or electricity.

To make these kinds of changes, there is a variety of different tools that will be necessary. Performance standards work very well in some cases, they've worked in home appliances. They used to work in vehicles. They could work in trucks. I think, when it comes to both residential and commercial buildings, much stronger and better enforced building codes are another example where performance standards are not only effective, but far cheaper than other options, including emissions trading, in getting the job done. The transaction costs on these can be very, very small if they're well designed.

Penalties and rewards? Absolutely, but they have to be very carefully targeted. Because, in vast areas of the energy economy, the price of energy really isn't that important. We all like to scream and complain when the price goes up, but, even at ? what is it here? ? 89 cents per liter for gasoline, it's still only about 20 % of the cost of owning and operating a car. It's a relatively small contribution to the overall cost of doing things, and trying to make it move through financial penalties and rewards is, I think, a very tricky business. It will work in some cases, but, in many cases, it's not nearly as effective as performance standards.

There is clearly a role for public investment. We can elaborate on that if people are interested. But there's a big difference in what you can achieve with the patience and a rate of return that's acceptable to a public investor than is what is likely to occur if this is left to private investment. At least, that's my opinion. I can show you some examples of why I think we've been able to prove that.

n(17 h 20)n

Government also needs to create an investment climate that works for industry so that they're making the right long-term decisions. Most of these really interesting and long-term responses to this problem are about investment decisions, not about fuel and electricity expenditures per se. There's a lot of education that needs to be done, including manpower training. There's clearly a need for innovative ways of financing some of these lower-cost measures which are not moving forward because of a various non-market barriers to getting the money they need.

Institutional innovation, market-based mechanisms definitely have a role, but, here again, they have to be carefully targeted, and I think the discussion that has preceded me here, today, indicates the extent to which emissions trading, for example, is being developed primarily with the buyers being large emitters, if you like, or the sellers... with the trading regime being focused on the very large emitters. It's very, very expensive to implement emissions trading down at the end user level, in the individual household or business level.

And, finally, leadership by example is very important. You know, you spend, I think, around $50 billion in your provincial budget. I think half of that is for schools and hospitals, while these buildings, many of which were built after War World II, are in need of reinvestment. Many of the schools and hospitals ? and this is a phenomenon one sees across the country ? are reaching the 40 and 50 year-old point in their life. This is the opportunity to take these public buildings and renovate them for environmental performance and energy efficiency for the next 50 years, and there's much more the Government and especially the provincial Government can be doing there.

And, finally, there is a very important role for local government in all of this. I'm going to be giving a talk to some of the ministry staff, tomorrow morning, specifically about the work we've been doing with local governments around the world on this issue over the past 10 years.

I think I've used my time up. I had one final slide that simply makes a few comments on some of the issues and implications to Québec of the low emission future. And one of the things I noticed when I finished writing this down was that most of them are about electricity, and you might think that, in a province with some much hydroelectricity, there would not be a need to really worry about it so much in a climate change strategy.

But the electricity industry is going to be changing all around you, and literally all around you; both Ontario and the Maritimes will be looking for clean electricity sooner or later. The role of the hydroelectric resource and the hydrogen economy has already been mentioned.

Cogeneration, I've already touched on. It's almost completely missing from the federal plan, and, yet, every low emission scenario analysis that I've seen from Europe, Australia or the United States where this work has been going on, all conclude that cogeneration can make a larger contribution to emissions reductions than all of the new and renewable sources of electricity added together, much larger. And it already is the fastest growing source of electricity in North America and it's going to stay that way.

And, as I mentioned earlier, green electricity grows fast, but the contribution is fairly modest in 20 years, and I realized that there needed to be more about transportation options on this list. There are both vehicle technology and fuel technology opportunities emerging here. In these futures, the kind of company that will be able to make a car is probably going to change in much the way that the kind of company that it takes to make a computer has changed. It will no longer be necessary to be a multibillion-dollar multinational to participate in the vehicle market of the future, which will be much more modular and much more susceptible to smaller- and medium-sized companies.

The hydrogen fuel cell technology is definitely going to be a player in the medium term on this, and the possible value of hydroelectricity as a primary source for hydrogen, at least in some parts of Canada, is one that needs to be considered very closely in terms of the opportunities for Québec in a low emission future.

And the hydrogen storage research that has been going on here, I think, is also very strategic, because if the storage problem can be effectively solved ? and it looks like it can be and maybe has been ? then, all that remains really is to improve the efficiency, the cost efficiency of the production of fuel cells, and we will begin to see the vehicles.

We are already seeing Toyota advertising them. I don't know if you noticed, but, this past week or so, big glossy magazine advertisements from Toyota advertising the world's first fuel cell minivan. I don't know if you can actually get it, but they're advertising it.

So, that's the direction that the transportation sector is going in, as well as biofuel, biodiesel, what is already a good program here, that's a very smart move. Biodiesel, I think, has got a very strong future, especially in heavy vehicles and transit vehicles, and I would encourage you to continue the support that you've been giving to the development of that source, I think, in the Montréal area at least.

So, I hope you've had an opportunity to look at some of the materials that I had sent in advance, including a copy of our report, and a 16-page summary in French, and I'm available for your questions. Thank you for your attention.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, nous allons procéder immédiatement, puisque nous avons déjà franchi de loin le temps. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. Je voudrais vous remercier pour votre présentation. J'ai eu le plaisir de vous lire la première fois, effectivement, pour les travaux que vous avez réalisés avec la fondation de M. Suzuki.

Vous nous proposez une vision audacieuse. Sans pouvoir l'argumenter avec vous avec la même profondeur, je retiens un élément fort de votre présentation. Vous nous indiquez avec force que, si nous voulons nous doter d'une stratégie efficace dans une première phase d'engagement, pour que cette stratégie soit efficace, il faut l'inscrire dans une vision plus large et dans des vues à plus long terme, sans quoi les choix que nous feront à court terme risquent de ne pas être efficaces.

C'est un argument logique, fort, je pense, que personne ici ne peut contester. Je pense qu'il y a une belle utopie dans ce que vous nous proposez. Une utopie non pas qui nous paralyse mais qui doit nous amener à agir de façon responsable avec cette vision à long terme.

C'est ce qui, moi, m'a fait prendre le pari stratégique que je propose: une réduction de moins 6 au Québec alors que d'autres modèles nous donneraient d'autres choses, alors que nous ne connaissons pas encore l'issue d'une négociation avec le gouvernement fédéral.

Je comprends que nous pourrions faire davantage mais je comprends aussi que le contexte dans lequel nous oeuvrons est particulier. Nous sommes bien loin du leadership canadien qui avait été exprimé au moment de Rio. Nous sommes bien loin de l'enthousiasme qui avait été manifesté en 1997, au moment de la signature, par le gouvernement canadien, du Protocole de Kyoto.

Faut-il simplement nous rappeler entre nous, ici, que nous n'avons toujours pas un plan canadien détaillé?

Donc, il y a un rappel à l'ordre dans votre propos et je l'accepte. Mais je témoigne aussi, comme parlementaire québécois, d'une certaine impuissance dans l'action. Mais je sais aussi la force de la vision et le poids des mots et c'est à ceux-ci que je devrai me fier pour les mois à venir.

Je retiens aussi de votre proposition que la démonstration est maintenant faite que nous pouvons réduire notre niveau d'émissions et d'en tirer un gain net pour notre économie. Il y a des exemples nombreux, BP est un bel exemple. Ils ont réussi, de mémoire, à diminuer de 10 % leurs émissions par rapport au niveau de 1990, un ordre de grandeur semblable à celui-là, et, à leur propre aveu, sans coût économique.

Certains disent même qu'il y a des gains économiques à avoir agi ainsi. Donc, le mythe du cataclysme qui suivrait la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto est maintenant... doit être rayé et évacué de nos esprits.

n(17 h 30)n

La question que je voudrais vous poser est la suivante: Dans la mesure où nous nous donnons un objectif qui serait très audacieux ? vous proposez 50 % ? Kyoto nous contraint à un autre type d'objectif. Pour atteindre un objectif comme celui-là, est-ce que les États nationaux et les gouvernements de provinces devraient avoir une stratégie qui miserait davantage sur des mesures ciblées que sur des mécanismes de réglementation indirecte, du genre des permis échangeables?

En somme, la marche que vous nous proposez est importante. Mais, pour y parvenir, est-ce que les gouvernements possèdent suffisamment d'information et sont suffisamment informés des percées technologiques pour proposer davantage de mesures ciblées ou est-ce que nous devrions davantage faire confiance au marché et laisser aux acteurs économiques le soin de définir leur méthode de réduction en faisant jouer le marché avec un système de permis échangeable?

En somme, si on avait à faire davantage, devrions-nous faire davantage du côté des mesures ciblées ou devrions-nous faire davantage du côté des réductions qui pourraient être souhaitées en utilisant un mécanisme de réglementation indirecte, semblable à celui des permis échangeables?

Parce que mon point de vue, c'est que les États, équipés comme ils le sont, ne sont pas à ce moment-ci les mieux équipés pour proposer les stratégies les plus fines qui nous permettraient des rendements semblables à ceux que vous espérez.

M. Torrie (Ralph): Well, I think that one of my last slides, which I call the «dogma of pragmatism», was trying to make the point that there are different types of policies that will work better in different segments of the energy and emissions economy, if you like.

In our study, we... You have to remember that industrial emissions in this country are, if you exclude the oil and gas industry itself, somewhere in the nature of... I don't have the number right in my head, but probably somewhere in the nature of 30 % of the country's total greenhouse gas emissions. So, you can have lots of trading going on in there, but there's still residential energy use in emissions, commercial building energy use in emissions, the transportation sector, both personal and private, where, it seems to me, trading will not be present anytime soon and perhaps wouldn't be effective, fundamentally.

And, in those cases then, targeted measures and performance standards are one of a number of other alternatives that are available. And they should only be used when we do know very well what will work, they shouldn't be shots in the dark. But, in many of these areas, the technologies now are in fact fairly well known, and the standards should be expressed in the form of performance standards, not in terms of specific technologies, so that the pressure for innovation is still there.

All we assume, for example, with respect to electricity, efficiency and appliances ? just to give you one example ? was that the energy star standard, which has already been defined, should become the minimum efficiency that you're allowed to have in a product that uses electricity if you're selling it. So you make that a standard instead of just a voluntary benchmark.

Similarly, when it came to buildings, we looked at the buildings that were already being built in Canada. Some have been operating for many years; looked at their performance, and then, we set a target quite a bit below what those buildings were achieving. As well, we felt the commercial buildings code should be specifying for energy efficiency. So, I think that we do know what needs to be done in some of these areas and would be able to make good performance regulations.

I think, in other areas, there's a need for a more creative use of government as a referee, government as an investor. Getting energy retrofits happening in buildings is really a problem of institutional and financial and manpower planning than it is regulations or standards.

So, unfortunately, I don't think there is any silver bullet. It's true, we have put the emphasis in our study on particular technologies, but, in the end, emissions trading will only achieve results with these same technologies. It's just a question of how one makes them come about.

Two closing points, if I may, on this in general: a specific one and, then, a more general one. The specific one is that, if you take what you spend on fuel and electricity in this country, pretty well anywhere in the country, and convert it into dollars per tonne of carbon dioxide, then, the amount that we spend in Canada, just by buying fuel and electricity, is already in the range of 75 to $150 a tonne for CO2.

So, if somebody is willing to give me $10 or $15 to save that, that's O.K., if it doesn't cost me too much trouble. But the big reason that I should be trying to save that energy is because I'm going to save $150, not because I'm going to get an extra $10. So, I think that the trading incentive is going to be fairly...

Une voix: ...

M. Torrie (Ralph): No, it will work in industries that are sensitive at the edge to changes in energy prices but that is not all industry, and it certainly isn't all activity.

On the question that you started with, just on the more general point, about how audacious this is: When I was younger, I was part of a small group, in the late 1970s and early 1980s, of analysts who took a look at what the electric Utilities in Canada and all of the government Energy Departments in Canada were saying about the energy future that lay before us, and we said: We think you're wrong, we think it would be a mistake to invest as heavily in nuclear power in Ontario as you're planning to do. We think that a number of the megaprojects that were being committed to in that period are going to end up not being economical, because, before you can finish building them, the demand side will have taken away the demand for them. And we were politely listened to, but, in the end, many of those megaprojects were committed, and we're still digging our way out of the debts that were created because of the misunderstanding of the energy problem we were facing at the time.

And so, it's happened before that the energy establishment in this country, which is really, when you think about it, the energy commodity industry establishment in this country, they've gotten it totally wrong in the past, and so, it's with that awareness that, when I sat down to look at the attitudes and approaches towards Kyoto, I no longer assume that everything that I read with an EnerCan cover on it is necessarily the truth, because they've been so wrong in the past ? or with an Ontario Hydro cover, or Hydro-Québec cover.

So, I think that the type of future that we're talking about here is not such a great departure from what is possible than might seem so at first glance.

M. Boisclair: To a certain extent, the minus 50 scenario that you're proposing would also be a great opportunity for Québec to export more electricity, and, if it sells electricity to Ontario and maybe have more electricity sold to the U.S., if we take into account the North American context, so, some could argue that it would be a fantastic thing for the economy of Québec and that Québec would be, in the next 25 or 30 years, the Alberta of the East, since we have access to all this hydroelectricity potential.

That's an interesting question, and I don't know how environmentalists will react to that possibility. Will we be ready to take into account the emissions that we will save outside of Québec if we do produce more hydroelectricity in Québec? That would be an interesting question to put to the members of the commission.

M. Torrie (Ralph): I would only add: You should also ask yourself the question whether new hydro megaprojects are the cheapest source of new kilowatt-hours in Québec. It may be that there are cheaper opportunities, even for Québec, on the demand side, and that you could free up a supply of electricity for export or for hydrogen production through investments in these so- called distributed energy resources cheaper and without the environmental resistance that you will probably encounter if you propose additional mega hydro developments.

n(17 h 40)n

M. Boisclair: I agree on that, and I'm happy to report that, when we look at the investment that Hydro-Québec is doing through CapiTech, which is «une filiale d'Hydro-Québec», I think that Quebeckers will be up to the challenge.

When I'm looking to what we are doing with the battery, with technology to burn «des déchets»? garbage ? and with the electrical car that could be a utility car, I think that Quebeckers will be recognized in Canada again as a distinct society. That's our challenge.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Mr. Torrie, thank you very much for being here today.

Two quick questions, the first one is: In the conclusion of your «mémoire», you say that, finally, Québec is way ahead of the game if you compare Québec to the other provinces or other States in North America for the coming years. Should Québec find advantages in being over what is being requested by the Canadian Government or Kyoto at this point? Will it be to our advantage to say: Well, let's go over the target that we established, or will it play against us if we ever tried to do that? You understand what I'm asking you as a question?

M. Torrie (Ralph): You mean if you go beyond the 6 %?

M. Benoit: Yes.

M. Torrie (Ralph): Well, we found... I mean, the important thing is not actually that we do it by a particular year, but that we get ourselves on a path to very deep reductions.

We found in our scenario that, if you develop a 50 % reduction in the year 2030 like we did, and then, work backwards to try and see what it would take to have 6 % by 2012 and still be on the path to 50 %, I thought it would be easy. I thought: Oh! if you've got 50 % by 2030, no problem, already being at 6 % by 2012. And we did do it, but it wasn't as easy as I thought it would be.

So, it's not so much that a 6 % reduction in the year 2012 is too small a target, it's that it's been developed without any context. The federal plan doesn't even come close to getting there. It's that the measures that are in the federal plan are so poorly and vaguely described that you can't even tell what's in there: they appear to be underestimating efficiency resources by a factor of 2; there's hardly a mention of cogeneration.

One of the biggest things that we saw is not so much obviously in Québec but in many provinces in Canada: the improvement of energy efficiency is what allows you to shut down coal-fired power plants, and so, you get huge emissions benefits not only from the more efficient use of the electricity, but also from what it allows the Utility to do in terms of moving towards the cleaner mix. None of this is in the federal plan.

So, I don't think the issue is so much that the 6 % is not challenging; it's challenging. And, as John Drexhage was saying earlier, it will be... it will take a lot of effort to achieve that anywhere in Canada, and I don't think you're necessarily going to find it any easier than other provinces simply because of the hydro resource.

It does give you an advantage, but I wouldn't assume that it means that getting 6 % here would be particularly easier. Specially if you keep in mind that, if in the low emission future, there is going to develop a higher value added... a demand for clean renewable electricity such as the hydroelectricity base already being developed here, never mind new projects, do you want to have that electricity demand locked up providing low grade applications like space heating and water heating? Well, the answer is: Yeah! probably you do, given that you've already done it, but that the efficiency with which it's doing those tasks should be absolutely optimized so that you can free up power for higher value added applications.

M. Benoit: Last question. I see that you wrote for the David Suzuki Foundation, and it's a great pleasure to read these documents that I get from the Foundation every so often.

There is all these gadgets that we recommend or improved products such as a light bulb in a smaller car, so on and so forth. I get all enthusiastic every time I read that, and I get to Home Depot, and I look at the light bulb: it's $19, and the other one, which is a regular light bulb, is $1. Where will the consumer decide... I'm sorry?

M. Torrie (Ralph): I think you should go to IKEA. Ha, ha, ha! That's what my wife tells me.

M. Benoit: I have my wife here. So, she will...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Torrie (Ralph): Apparently, they're compact... prices are quite reasonable.

M. Benoit: I think the point, Mr Torrie, is that these things seem... Sure, there is an advantage, but, economically, you know, I don't see... The regular guy who goes in these stores doesn't see the end of it buying... these products are so expensive. Where will the line... Where will the consumer find his advantages in buying these things? And that's the only way he's going to do it.

At this point, if you buy one of these light bulbs, even if they tell you it's good for 10 000 hours, you're not going to buy it. It's just out of reach if you compare it to a regular bulb. And that's an example, obviously. It goes for the car, it goes for the installation of your house, so on and so forth.

Where will the consumer decide that it's worth doing it?

M. Torrie (Ralph): Well, this is where... In a way, the point that you are raising is similar and maybe even the same one that I was raising about how the price of energy is not necessarily going to be a very effective way to change the decisions that are being made.

Because, even in situations where... if the consumer sat down and analyzed... even at $20 ? and probably not at $20, but let's say at $10 which is even still high ? if you put one of those bulbs in a particular place in your house where the light is being used a lot of the time and you did the calculations over the life of a bulb, times the price of electricity, it might turn out that you should have bought it. But you still won't buy it.

And we see this over and over again throughout the energy economy. We see it with new buildings where there will be an attempt to cut corners and save in ways that result in a poor building that is wasting energy. Even though that building costs much more over the long term, the first cost gets eliminated. So, we have to find other ways, other than trying to get the person to actually make that choice.

I mentioned earlier that, already, in this country, you can't buy a refrigerator for your house, now, that uses more than about half of the amount of electricity that would have been the case 10 or 15 years ago. When you go to the store now to buy a refrigerator, you may not even be aware of the fact that it's probably only going to use about 700 kWhr a year. And I'm just talking about Sears, I'm not talking about the specialty stores that have even much, much more efficient appliances. Whereas, if you'd have gone to buy that refrigerator 10 years ago, it would have used 12 or 1 400 kWhr.

So, there's an example where performance standards have worked with industry cooperation ? and even industry enthusiasm ? have worked very well to get the job done in a way that avoids the problem that you're raising of... And they don't cost anymore, these fridges, either. And you can do this in many other areas. So that's one way.

Another important way is in situations where the problem is... for example, let's take retrofitting a house for better windows, very expensive! Even when it makes sense in economic terms, many home owners simply can't afford to do that.

So, here's a place where innovative financing can play a huge role, so, as if the cost of upgrading those windows is integrated into the mortgage, for example, at the time that the house is sold or remortgaged, in a way that spreads it out over 10 or 15 years instead of over two years, if you have to go and borrow it at the bank at the corner.

These are the kinds of creative approaches that governments can take to help move the market in the direction that it needs to go in order to, you know, really get the long-term emission reductions that we're going to need.

M. Benoit: Thank you, Mr. Torrie.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Torrie, merci beaucoup pour votre présentation.

Tantôt, dans votre commentaire, vous avez soulevé la question des équipements immobiliers, les hôpitaux, les écoles, qui ont été construits il y a une quarantaine d'années et qui, maintenant, sont désuets: il faut les rénover ou il faut les reconstruire, et vous avez plaidé pour qu'on puisse introduire les nouvelles technologies pour réduire la consommation d'énergie, etc.

n(17 h 50)n

Moi, j'irais un peu plus loin que ça. Je dirais que le gouvernement... Et le débat qu'on fait aujourd'hui, on interpelle beaucoup l'industrie, l'entreprise. On la responsabilise beaucoup, mais le gouvernement lui-même et les gouvernements, les secteurs publics, en règle générale, représentent un marché très important. Le gouvernement achète des produits, des services, et, dans sa politique d'achat et dans sa politique d'attribution des contrats et dans sa politique de détermination des appels d'offres, on pourrait introduire des valeurs comme celles dont on discute aujourd'hui et qui sont reliées notamment à la diminution des effets de serre et du respect de l'environnement, en règle générale.

Est-ce que je rêve en couleur ou est-ce que c'est quelque chose qui peut s'envisager pour que le gouvernement qui donne des leçons au privé puisse commencer lui-même par donner l'exemple?

Le Président (M. Pinard): Monsieur.

M. Torrie (Ralph): I agree... I mean, I couldn't agree with you more. There are huge opportunities in the public sector to lead by example and to save money and make a significant difference in emissions all at the same time.

And the difficulty ? and we all, anyone who is managing public budgets is quite familiar with it ? is that the capital that's necessary to reinvest in that infrastructure has just not been made available. In the interest of balancing budgets and cutting deficits, we have allowed our public infrastructure to decline past the point where we should have started reinvesting in it.

So now, we are facing in many of our schools, for example... And I am working with one very large school board in Ontario that spends $80 million dollars a year on fuel and electricity. They spend about $40 million dollars a year on capital reinvestment in their facilities, what they call «renewal investment». Their list of things that need to be done, just to bring the schools up to what would be considered fair standards, adds up to about $300 billion dollars ? one school board, one very big school board. But, nevertheless, there's a 10 times greater backlog of renewal investments needed in these buildings, ranging from new roofs to new... to renovations of various sorts than the annual money that's available for it. And so, government needs... Even if there weren't a motivation that had to do with energy and emissions and all of that, governments everywhere, and specially provincial and local governments, are faced with a 50-year old stock of buildings that is badly in need of reinvestment.

And there's probably good ways and bad ways that we can get on with the job, and one would hope that we would have the foresight to go in and really reinvest in this infrastructure, not for another 10 years but for another 50 years, and make this the green round of investment.

Mme Houda-Pepin: Oui. Mais il faut quand même commencer en quelque part, et, dans ce qu'on discute aujourd'hui, il y a beaucoup de pédagogie qui doit être faite par rapport aux entreprises, par rapport au grand public aussi, pour l'amener à s'approprier la culture du développement durable. Et, si le gouvernement qui donne des leçons aux autres, lui-même ne donne pas l'exemple, lui-même, dans toutes les actions qu'il doit poser, il n'intègre pas cette valeur-là, qui est le respect de l'environnement, qui est la diminution des gaz à effet de serre...

Je vous donne un exemple. Le gouvernement finance, à même des budgets qui sont alloués dans les crédits, du logement social. Pourquoi, connaissant l'évolution de la technologie, connaissant les nouvelles normes de la construction, on ne puisse pas introduire dans les programmes qui sont financés par le gouvernement, par l'argent des contribuables, la pratique de l'efficacité énergétique dans les bâtiments qui vont être dédiés au logement social? C'est une façon qui peut être faite de façon, je dirais, généralisée.

Le gouvernement achète du papier à la tonne, à longueur d'année...

Le Président (M. Pinard): ...

Mme Houda-Pepin: Je termine là-dessus, M. le Président. Pourquoi est-ce qu'on ne ferait pas affaire avec des entreprises, forestières ou autres qui traitent le papier, qui ont un bilan social positif au niveau de l'environnement? Voici des façons de faire qui ne coûtent pas cher et qui... Si on dit à l'entreprise privée que l'environnement, c'est rentable, le gouvernement aussi doit donner l'exemple.

Le Président (M. Pinard): Alors, rapidement, s'il vous plaît, monsieur.

M. Torrie (Ralph): Would you mind if I let the question stand as a rhetorical question? I think that... I agree with you, obviously, that there's no fundamental reason why we can't do this. It's been a very difficult period, the last 10 or 15 years, in government financing, and, one of the ways that... The other pressure not to do what you're suggesting has come from the target of trying to reduce deficits and balance budgets, and that's resulted in fairly drastic reductions in funding for hospitals and schools and other publicly owned facilities. And when those cutbacks come, one of the first things that the managers do is they start cutting the amount of money they spend taking care of the facilities because they need it for salaries. So, yeah, there's no fundamental reason, but you've got to be able to put your money on the table to do it and wait for a long- term return.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci. Merci, M. Torrie, d'avoir accepté cette invitation et d'être venu partager avec les membres de la commission.

Alors, j'ajourne donc les travaux à mercredi, 19 février, 9 h 30, alors que la commission poursuivra ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec. Alors, merci, bonne soirée à vous tous.

(Fin de la séance à 17 h 57)


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