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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 3 décembre 2002 - Vol. 37 N° 62

Consultations particulières sur le projet de loi n° 115 - Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le ministère du Revenu


Consultations particulières sur le projet de loi n° 129 - Loi sur la conservation du patrimoine naturel


Étude détaillée du projet de loi n° 115 - Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le ministère du Revenu


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Onze heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Pinard): Alors, je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Je rappelle que le mandat, ce matin, de la commission est de procéder à des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 115, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le ministère du Revenu.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements, ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Leblanc (Beauce-Sud) remplace M. Benoît (Orford)...

Le Président (M. Pinard): Bonjour.

La Secrétaire: ...M. Brodeur (Shefford) remplace M. Gobé (LaFontaine) et Mme Gauthier (Jonquière) remplace M. Lafrenière (Gatineau).

Le Président (M. Pinard): Bonjour à vous tous. Du côté gouvernemental, aucun remplacement? Alors, je vais vous donner l'horaire de l'ordre du jour de ce matin. À 11 heures, nous recevons la Commission d'accès à l'information qui sera représentée par Mme Jennifer Stoddart, présidente; Me André Ouimet, secrétaire général, directeur des affaires juridiques, ainsi que Me Denis Morency, directeur général. Et, à midi, nous allons ajourner nos consultations particulières. À midi, pour les consultations particulières, nous n'avons pas d'autres groupes à recevoir.

La Secrétaire: ...

Le Président (M. Pinard): Ah, d'accord. Excusez-moi. Alors, la demi-heure que nous avons... parce qu'on devait commencer à 11 heures, donc nous allons terminer à 12 h 30.

Alors, j'inviterais les membres de la Commission à bien vouloir s'approcher. Alors, je vous rappelle que le temps alloué pour la période de présentation et la période d'échanges est la suivante: 20 minutes pour la présentation par la Commission d'accès à l'information et 40 minutes d'échanges avec les membres de la commission partagées également entre le groupe formant le gouvernement et le groupe formant l'opposition officielle.

Alors, Mme la présidente, nous vous écoutons.

Consultations particulières
sur le projet de loi n° 115

Auditions

Commission d'accès
à l'information du Québec (CAI)

Mme Stoddart (Jennifer): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci beaucoup de cette invitation à venir échanger avec vous sur ce projet de loi qui comporte un volet touchant la protection des renseignements personnels dans un contexte international. Il nous fait toujours plaisir de venir et essayer de vous éclairer de notre expérience dans l'interprétation de la Loi sur l'accès.

J'aimerais présenter mes collègues. À ma gauche, il y a Me André Ouimet, le secrétaire de la Commission, qui a une connaissance reconnue dans l'application de la Loi sur l'accès, et, à ma droite, Me Denis Morency qui est directeur général de la Commission, qui a également une longue expérience dans les questions pratiques de protection des renseignements personnels dans les domaines à haute technologie.

Vous avez, j'imagine, devant vous ? ou vous avez reçu ? notre avis sous la plume du secrétaire de la Commission, en date du 3 octobre, et qui fait état de la décision de la Commission à la demande d'avis sur le projet de loi à ce stade-là. Vous allez remarquer que notre avis est, somme toute, un avis positif. Nous ne demandons pas de surseoir à l'adoption de cette loi. Cependant, nous soulignons plusieurs choses et nous soulevons des questions que j'aimerais repasser avec vous, ce matin.

Je pense que vous nous avez fait venir parce que vous vous posez des questions par rapport à la protection des renseignements personnels et l'économie de l'arrangement qui est abordé dans ce projet de loi. Bien, je pense que vous avez raison de vous poser des questions, particulièrement dans le contexte de ce projet de loi qui implique le flux transfrontalier de renseignements personnels des Québécois et des Québécoises.

Comme vous le savez, c'est une question à l'heure, c'est une question qui préoccupe, qui a toujours préoccupé la Commission d'accès à l'information, qui nous préoccupe énormément par les temps qui courent, pour deux raisons: à cause de la réaction souvent excessive des autorités par rapport à la menace sécuritaire qui pèse sur notre société depuis le 11 septembre. On voit le projet de loi sur lequel le gouvernement fédéral consulte, nommé Accès légal; enfin, c'est un avant-projet de loi. On va sortir nos commentaires dans quelques jours sur ce projet de loi qui, déjà, on peut voir, pose des menaces à la vie privée, à la protection des renseignements des Québécois et des Québécoises par l'ampleur de la surveillance électronique qu'il compte instaurer. Mais ça, c'est un sujet pour un autre jour.

Je vais mettre simplement nos débats de ce matin en contexte. Nous avons aussi vu ? initiative du fédéral ? la création d'une banque de données sur tous les voyageurs qui prendront l'avion, banque de données qui serait accessible aux forces de l'ordre.

Encore, vous avez des développements dans le contexte technologique du flux international transfrontalier des données. Vous avez les données qui sont envoyées régulièrement à travers les frontières pour des raisons commerciales; on pense à tout l'échange de données entre les pays et les discussions entre la Communauté européenne et les États-Unis par rapport aux normes de sécurité et aux normes d'exploitation pour ces données-là.

On pense aussi, dans notre contexte canadien, au récent rapport Romanow qui évoque ce qui est discuté déjà depuis quelques années: l'autoroute de la santé, la possibilité de dossiers-patients électroniques. Et on se rappelle ici les débats du printemps dernier sur l'avant-projet de loi sur la création d'une carte-santé, et la position de la Commission qui est évidemment très favorable au développement technologique qui peut assurer de meilleurs soins de santé mais qui posait des questions par rapport à l'architecture et la confidentialité et l'accès dans lesquels seraient gardées les données de santé.

Donc, les questions qui sont abordées dans ce projet de loi sont des questions qu'on voit quasiment quotidiennement aujourd'hui, à cause de l'importance du flux électronique de l'information.

Et, dans ce contexte international, je pense qu'on peut prendre quelques secondes pour se rappeler que le législateur québécois nous a donné des lois qui sont parmi les plus avant-gardistes en Occident. Ça fait deux ans maintenant que j'ai l'honneur d'être la présidente de la Commission d'accès à l'information et que je vois, à travers mes rencontres, à travers les dossiers qu'on aborde avec des collègues, soit dans d'autres provinces soit à l'extérieur du Canada, que le Québec est renommé pour la qualité de sa législation, particulièrement dans les questions de la protection des renseignements personnels et dans le secteur public et dans le secteur privé.

n (11 h 30) n

Ce qu'on voulait attirer à l'attention du législateur ou enfin, en l'occurrence, le comité ministériel, par notre avis, c'est trois choses. Premièrement, on fait référence aux principes fondamentaux qu'on ne cesse de souligner chaque fois qu'il est question de les aborder: le principe fondamental du cloisonnement de l'information qui est confiée à l'État. Ceci veut dire que, somme toute, l'information que je donne à la SAAQ n'est pas donnée au ministère du Revenu, à moins d'une autorisation expresse, en vertu de la loi. L'information que je donne à un ministère ne se trouve pas au gré des besoins des fonctionnaires ailleurs, à moins de conditions très spécifiques nécessaires pour l'application de la loi. Ceci est un principe fondamental dans toutes les législations pour éviter la circulation non contrôlée de renseignements et notamment de renseignements personnels.

Et, ici, on va aborder dans le projet de loi une autre brèche dans le principe du cloisonnement par rapport aux informations extrêmement importantes que détient le ministère du Revenu. On se rappelle que le ministère du Revenu a un rôle particulièrement important dans la sécurité des renseignements fiscaux donnés par les contribuables à ce ministère. Vous avez eu l'occasion, l'an dernier, de regarder très longuement le projet de loi n° 14 qui modifiait la Loi sur le ministère du Revenu afin, on pourrait dire, de le moderniser par rapport aux pratiques véritables, par rapport au mandat législatif donné au ministère du Revenu et par rapport à la loi qui n'avait pas techniquement les changements nécessaires. Vous avez accepté ces changements parce qu'ils faisaient suite aux décisions prises par l'Assemblée nationale quelques années avant, notamment dans la lutte contre l'économie souterraine, le travail au noir.

Et je me permets, pour mettre nos commentaires en contexte, de rappeler ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale, au mois d'août, quand vous avez considéré, quand la commission des finances publiques a considéré la réforme de la Loi sur le ministère du Revenu.

On doit le constater, le principe du secret fiscal a subi une profonde métamorphose, au cours des dernières années. Le nombre d'exceptions à ce principe, souvent introduites à la faveur du rôle accru de l'État et des nouvelles possibilités offertes par les technologies de l'information, explique cette transformation radicale. Si le projet de loi n° 14 a l'avantage de mettre à jour les règles du secret fiscal, il n'en demeure pas moins qu'il démontre sans équivoque que la portée de ce secret se compare plus à celle qui lui était reconnue au moment de son introduction dans la législation fiscale. À nouveau, la Commission rappelle l'importance, pour le législateur, de manifester une grande prudence chaque fois qu'une exception au secret fiscal est proposée.

Et ça m'amène au deuxième point qui est le fait que la Commission constate qu'il y ait de nouveau une proposition pour ajouter des exceptions au principe fiscal. Et il s'agit de l'article, je pense, 69.0.0.7, où, après les trois exceptions que vous avez, dont l'utilisation a été clarifiée, si je peux dire, dans le projet de loi n° 14 ? disons, les exceptions pour le paiement des pensions alimentaires pour l'application de la Loi sur le soutien du revenu et pour le Programme allocation-logement ? on voit, dans ce projet de loi, un quatrième qui est pour l'application du Code de la sécurité routière dans le contexte que nous examinons aujourd'hui. Donc, il s'agit d'un principe important, une quatrième brèche dans le principe du secret fiscal, et on tenait à le souligner.

Et le troisième point qu'on soulevait dans cet avis était l'importance de la confidentialité et, il va de soi, la sécurité. Au moment de regarder l'avis, la Commission n'a pas pu bénéficier d'informations détaillées sur l'administration du IRP, l'International Registration Plan inc. De quoi était constituée cette créature? Qui étaient ses mandataires? Qu'est-ce qui arrive aux données une fois qu'on les envoie au IRP? Et, donc, à la fin de notre avis, on rappelle, on répète l'importance que la SAAQ, qui serait l'organisme québécois autorisé à envoyer ces renseignements, les renseignements personnels, d'autres renseignements, j'imagine, aux États-Unis, au sein de cette agence et ses mandataires, d'être vigilante par rapport aux conditions dans lesquelles ce récipiendaire des renseignements allait les exploiter. Donc, on termine notre avis par rapport à ce projet de loi en disant l'importance du suivi des renseignements, une fois qu'ils sont exportés en dehors du Québec, et on s'attend à recevoir donc, pour un autre avis, le projet d'entente concernant l'échange de renseignements qui serait éventuellement négocié par la SAAQ, le ministère du Revenu et, j'imagine, le IRP.

Alors, une mise en garde donc contre toutes sortes d'utilisations. Par exemple: est-ce que ces données-là seront commercialisées aux États-Unis? Ici, au Québec, on n'a pas le droit de commercialiser les données recueillies par l'État actuellement; qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qui arrive avec ces données une fois exportées et en quoi ça se conforme aux normes relativement élevées que nous nous sommes données au Québec?

Alors, voilà, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, le sens de l'avis que nous avons produit au mois d'octobre. Voilà nos préoccupations, toujours nos préoccupations d'aujourd'hui. Mais je répète: Nous n'avons pas donné un avis défavorable. Le sens de notre avis, c'est plutôt un rappel des implications et des principes en jeu.

Alors, avec ça, il me fera plaisir de répondre à vos questions et mes collègues pourraient peut-être aussi répondre à vos questions.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, Mme la présidente. Alors, sans plus tarder, M. le ministre.

M. Ménard: Alors, merci, Mme la présidente, puis je vous remercie de votre avis, quoique j'aurais quand même quelques questions à poser pour orienter nos décisions futures.

Vous êtes consciente que l'objet de la présente législation ? enfin, pour la partie que vous avez étudiée ? c'est de communiquer à un organisme gouvernemental les informations qu'il devrait lui-même compiler, n'est-ce pas?

Mme Stoddart (Jennifer): De communiquer, pardon?

M. Ménard: De communiquer à un organisme gouvernemental, à savoir la SAAQ, les informations qu'il devrait...

Mme Stoddart (Jennifer): Qu'il pourrait lui-même compiler, vous voulez dire.

M. Ménard: Mais qu'il devrait lui-même compiler pour l'application de l'entente internationale par laquelle le produit de l'immatriculation des véhicules est partagé entre les juridictions que parcourt ce véhicule dans le courant d'une année.

Mme Stoddart (Jennifer): D'accord.

M. Ménard: Vous êtes consciente de cela?

Mme Stoddart (Jennifer): Oui.

M. Ménard: L'objet, donc, c'est d'éviter que deux organismes gouvernementaux ne compilent les mêmes données à partir des mêmes documents et pour des objets semblables.

Mme Stoddart (Jennifer): Le sens de notre avis, M. le ministre, n'est pas de dire qu'on ne devrait pas nécessairement faire ceci. On comprend que dans le contexte international la SAAQ, pour une meilleure réglementation du transport international, doit faire partie de groupes qui exigent la cueillette de certains renseignements.

Donc, notre avis tout simplement rappelle les implications de cet arrangement sur le secret fiscal traditionnel, tel que consacré dans la Loi sur le ministère du Revenu, premièrement, et, deuxièmement, incite la SAAQ à prendre soin de vérifier, dans la mesure que cela lui est possible, les conditions dans lesquelles ces informations sont reçues à l'étranger et traitées à l'étranger.

M. Ménard: Oui. En somme, ce que vous déplorez, ce n'est pas tellement que le ministère du Revenu communique à la SAAQ les informations que celle-ci devrait de toute façon obtenir, c'est ce que la SAAQ peut en faire avec ses partenaires internationaux.

Mme Stoddart (Jennifer): Je ne sais pas si, M. le ministre, on a utilisé le mot «déplorer»...

M. Ménard: Oui. «La Commission tient à déplorer une nouvelle exception à la règle du secret fiscal.»

Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Bon, bien, on déplore les exceptions, mais on exprime, oui, plutôt, comme vous avez dit, notre préoccupation par rapport au destin final, donc la finalité, en somme, de ces renseignements, une fois sortis en dehors du Québec.

Mais je répète: Notre avis est, somme toute, favorable, parce que nous sommes conscients que dans ces arrangements internationaux la marge de manoeuvre n'est peut-être pas la même que celle quand on contrôle tous les aspects de la situation.

n(11 h 40)n

M. Ménard: En somme, c'est ça: vous êtes consciente que, si on administre en commun un système de taxation, on doit partager entre d'autres organismes ailleurs, dans d'autres pays, ces informations.

Mme Stoddart (Jennifer): Absolument. Mais ce qu'on encourage, par exemple, que la SAAQ, comme partenaire, peut apporter ses préoccupations par rapport à la protection des renseignements personnels dans un monde qui, nous, certainement, à la Commission, nous est inconnu, là ? on ne connaît pas cet organisme IRP ? et, en apportant les préoccupations et la tradition des Québécois dans la protection des renseignements personnels, peut aider à l'intérieur de cette entente IRP à renforcer le côté protection.

M. Ménard: Bon. Vous êtes consciente aussi que les renseignements en question concernent le déplacement de véhicules et non pas de personnes.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui, mais il y a aussi des personnes, semble-t-il, qui doivent signer des formulaires, puisqu'elles ont été au volant de ces véhicules. Donc, il y a beaucoup de renseignements, d'après ce qu'on a compris, mais quelques renseignements personnels là-dedans. La majorité des renseignements ne seraient pas nécessairement de type personnel mais il pourrait y en avoir lorsqu'un véhicule est immatriculé au nom d'une personne, ce qui arrive dans quelques cas, semble-t-il. Et, deuxièmement, il y aurait des formulaires qui devaient être signés par le chauffeur du camion, camion qui s'est déplacé à travers les différentes frontières. Donc, il y aurait ceci pour les renseignements personnels.

M. Ménard: Bon. Enfin. C'est pour ça que je viens... C'est comme je dis, c'est surtout pour nous orienter dans le futur, pour voir à un moment donné de quoi on doit se méfier dans la rédaction future des lois. Mais là, vous êtes en présence clairement d'un cas où, pour des raisons d'éviter des dédoublements et d'avoir deux organismes gouvernementaux qui compilent les mêmes informations pour le même type de partage de recettes fiscales différentes mais qui sont perçues par deux organismes gouvernementaux, bien, pour éviter le dédoublement... Celui qui est poursuivi ici, c'est pour éviter le dédoublement de compilation.

Mais, par contre, là, les inquiétudes que vous semblez avoir, c'est avec l'usage que l'on va faire... que l'on pourrait faire, pardon, de ces informations avec des partenaires internationaux.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Je pense à des choses pour l'avenir, là. Techniquement, la dérogation à la Loi sur le ministère du Revenu était sans doute nécessaire pour permettre au ministère de faire ça. Sauf que la partie peut-être dynamique de la question, c'est: Comment on participe à ce IRP, à l'avenir? Quelle assurance avons-nous lorsque ces renseignements sont envoyés à l'étranger? Quelle est notre voix dans cette entente? Et est-ce que la SAAQ donc peut jouer un rôle de vigilance en confiant ces renseignements-là à l'étranger?

M. Ménard: Bon. Je comprends que vous reconnaissez avec moi que le déplacement des véhicules en soi n'est pas un renseignement personnel.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui, effectivement. Si c'est le véhicule sans...

M. Ménard: Si c'est le véhicule. Ce qui est un renseignement personnel, c'est le fait que telle personne conduise tel véhicule, à un moment donné.

Mme Stoddart (Jennifer): C'est ça.

M. Ménard: Enfin, pour vous rassurer, je pense que, de toute façon, il s'agit d'une évaluation dans le courant de l'année. Je pense que ce n'est pas... Ha, ha, ha! Bon. Ça va. Je vous remercie.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue à la Commission d'accès à l'information. Vous vous souviendrez qu'on s'était rencontrés d'ailleurs dans le cadre... sur la Loi sur le partenariat public-privé. Je suis convaincu que vous vous en souvenez; le contexte et le ministre n'étaient pas le même, mais ça, c'est autre chose.

Je suis accompagné de la députée de Jonquière qui est porte-parole de notre formation politique en ce qui concerne justement les renseignements personnels, entre autres, et la députée de Beauce-Sud qui est porte-parole en matière de revenu. Et, dans les circonstances que l'on connaît, on sait que le projet de loi traite du virage à droite mais traite aussi, d'un autre côté, de renseignements personnels. Et c'est pour cette raison, M. le Président, que je vais laisser le soin à mes collègues de questionner la Commission d'accès à l'information. Donc, je vais laisser la parole à la députée de Jonquière.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, merci d'être venus. Effectivement, j'ai lu avec beaucoup d'attention votre avis qui a été émis concernant le projet de loi n° 115, et, d'abord, j'aimerais parler de la page première, là, de votre avis, lorsque vous faites référence à la modification de l'article 69.0.0.7 qui a pour but d'ajouter une disposition à l'article 13.1 du Code de la sécurité routière.

Vous déplorez le fait que le ministère du Revenu va se transformer encore non pas pour faire de... s'éloigne de l'objet de sa loi. Et j'aimerais vous entendre davantage sur cette inquiétude que vous manifestez.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Cette inquiétude a été dans le passé extrêmement bien documentée par la Commission d'accès à l'information, depuis cinq ou six ans, où il y a eu une modification en profondeur du rôle du ministère du Revenu dans l'organisation de certains programmes de l'État. Et, au lieu d'être simplement un bras percepteur d'impôt, lequel il était depuis qu'il a été créé dans les années cinquante, je pense, le ministère du Revenu du Québec, on lui a confié, dans un souci d'équité et un souci, je pense, de bonne administration, la gestion de programmes d'équilibrage fiscal, d'une part, d'où les trois premiers alinéas qui précèdent celui d'aujourd'hui ? pardon, les paragraphes ? et, d'autre part, une évaluation, je pourrais dire, réaliste des effets de l'économie souterraine et le travail au noir sur l'assiette fiscale du gouvernement.

On a entamé une lutte contre le travail au noir, et les modifications qui ont permis au ministère du Revenu de recevoir des informations d'une foule de fichiers gouvernementaux ont été approuvées par l'Assemblée nationale, je pense, en 1997 à peu près, et qui permettent maintenant au ministère du Revenu d'être le détenteur d'énormément de renseignements, allant justement de l'immatriculation de voitures, à l'enregistrement de différents véhicules, aux recettes dans différents genres de commerce, et ainsi de suite. Il y a, je pense, une quarantaine de fichiers au rôle immobilier des municipalités, ainsi de suite.

Et la Commission a vivement, comme d'autres organismes, critiqué à ce moment-là le projet de loi, cette initiative par rapport à son atteinte quant à la vie privée et la protection des renseignements des citoyens. Parce que ça voulait dire de plus en plus que tous les aspects de notre vie ? que j'ai une voiture, que j'ai un immeuble, etc. ? sont dévoilés par le fait même au Revenu, d'accord? et, donc, un rétrécissement de notre vie privée, une protection amoindrie pour la protection des renseignements personnels.

Et, à la suite de ça, la Commission, dans le même projet de loi, pour contre-balancer cette initiative, la Commission a un rôle de commenter le travail particulier de lutte sur le travail au noir, sur l'évasion fiscale proprement dite. Et, à chaque année, on fait un rapport qui est devant l'Assemblée nationale.

Nous avons aussi soulevé la question que la Loi sur le ministère du Revenu n'avait pas été modifiée pour tenir compte de tous les nouveaux mandats ? en plus d'aller sur le travail au noir ? que l'État, voulant bien administrer des programmes sociaux, avait donnés au ministère du Revenu. Et, donc, l'an dernier, quand on avait parlé du projet de loi n° 14, l'Assemblée nationale a donc régularisé la situation en entérinant la situation par le ministère de ces trois programmes-là.

n(11 h 50)n

Donc, c'est finalement: on doit-u rajouter quelque chose sur un iceberg dont le reste est profond et a une profonde histoire législative? Parce qu'il s'agit, depuis cinq ou six ans, de changements majeurs dans le rôle du fisc et dans la centralisation de l'information. Les débats ont été faits lors de l'adoption du projet de loi contre l'évasion fiscale; encore, l'an dernier, sur le projet de loi n° 14, où nous sommes venus à deux reprises, à votre demande, vous éclairer sur certains aspects de la situation.

La deuxième fois, c'était par rapport à l'échange de renseignements entre le ministère du Revenu et la Sécurité publique, si je me rappelle bien. Et, à la suite, le projet de loi n° 14 avait été modifié pour que les administrateurs du ministère du Revenu doivent aller devant un magistrat ou un juge de la Cour du Québec afin de dévoiler des informations dont ils ont eu connaissance dans le cours de l'administration de la loi.

Donc, on voit ici comme un dernier chapitre ou un glaçage sur un vaste édifice dont il a été question maintes et maintes fois dans l'histoire législative récente du Québec. L'édifice est construit. On a pris le choix que de faire cette centralisation, cet échange de données. Le secret fiscal est donc proportionnellement amoindri par le législateur dans le sens d'une plus grande équité dans l'administration des finances publiques, si on comprend bien.

Donc, sur la première page en rappel aussi, notre rôle étant la protection des renseignements personnels, on ne peut que noter que, malheureusement, la seule façon qu'on a trouvée pour l'administration de cette nouvelle initiative est d'ajouter encore une exception au secret fiscal. Donc, c'est une longue réponse mais la question a une longue histoire.

Mme Gauthier: Dois-je comprendre de vos propos que ce qu'on est en train de créer en modifiant comme ça la Loi sur le ministère du Revenu, c'est qu'on est en train de créer un mégafichier, quelque chose qui ressemble à ce qu'on avait prévu dans le projet de loi n° 122?

Mme Stoddart (Jennifer): Le ministère du Revenu a de vastes mégafichiers, de par son fonctionnement. Ce qu'on fait ici, c'est qu'on rajoute un autre rôle d'administration qui n'est pas son rôle central d'administration de la Loi sur le ministère du Revenu et qui est un rôle auxiliaire au rôle d'un autre organisme, lequel a un rôle par rapport aux ententes internationales. D'accord? Donc, c'est peut-être... Encore une fois, c'est la diversité... le renforcement et la diversité des fonctions confiées au ministère du Revenu.

Mme Gauthier: Dites-moi, madame...

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci. Les projets d'accord d'immatriculation international, est-ce que vous avez si, effectivement, on peut avoir entre les mains... on peut consulter des projets types de ce genre d'accord là? Est-ce qu'il y a un moyen pour nous d'en avoir des copies, de pouvoir...

Mme Stoddart (Jennifer): Bien, on avait dit qu'on allait nous soumettre l'entente qui sera signée, le projet de...

Mme Gauthier: Pardon?

Mme Stoddart (Jennifer): On rappelle, à la fin de l'avis, qu'on va nous soumettre l'entente concernant l'échange de renseignements. J'imagine, à ce moment-là, habituellement, on nous soumet l'accord sur lequel l'entente est basée pour faire valoir le principe de nécessité. Donc, j'imagine, à ce moment-là, nous, on va la voir. Mais, actuellement, non, on ne l'a pas vue, à ce que je me rappelle.

Mme Gauthier: Est-ce que pareille entente... Ça doit exister déjà entre d'autres provinces et les États-Unis, pareille entente? Est-ce que vous avez eu accès à des modèles qui existent déjà?

Mme Stoddart (Jennifer): D'entente de renseignements?

Mme Gauthier: Oui.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui, on en a vu quelques-uns. Je ne sais pas si on a un modèle exact qui serait suivi.

(Consultation)

Mme Stoddart (Jennifer): Non, on n'a pas... Si votre question, c'est l'entente que l'autre province, par exemple l'Ontario, a signée avec le IRP, non, on ne l'a pas vue.

Mme Gauthier: O.K. Puis même pas d'autres provinces du Canada, autres que l'Ontario? Non, il n'y a rien? O.K.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui, oui, ou d'autres. Je prenais l'Ontario, c'est à côté; mais, non, on n'avait pas cette information-là. Je pense qu'on n'a pas eu connaissance... Non, je pense, par ailleurs, on dit qu'on est la dernière province à signer.

Mme Gauthier: Oui.

Mme Stoddart (Jennifer): Mais la Commission n'a pas vu d'autres modèles d'entente au moment de donner cet avis-là.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Oui. Alors, Mme Stoddart, M. Ouimet, M. Morency, bonjour, rebonjour. Ça fait plus de quelques fois qu'on a à se rencontrer. On s'est vus à deux reprises à l'occasion du projet de loi n° 14 pour convaincre le ministre du Revenu de la pertinence de faire appel à un juge lorsqu'il veut transmettre des informations à des corps policiers.

Il a fallu s'y prendre par deux fois, deux consultations plutôt qu'une, et je me souviens qu'à l'époque de l'étude détaillée du projet de loi n° 14, en consultation, au mois de janvier 2002, vous avez dit, vous étiez même outrée du fait que justement le ministère du Revenu continue d'élargir la portée ou, si vous voulez, diminuer la portée du secret fiscal et vous vous étiez dit: J'aimerais que le ministère du Revenu puisse nous faire la démonstration qu'il ne peut agir autrement.

Alors, dans le cas qu'on étudie aujourd'hui, vous savez qu'à l'époque avant qu'on étudie le projet de loi n° 14, nous étions à 15 exceptions qui avaient été adoptées au fil du temps, des exceptions au secret fiscal; avec l'adoption du projet de loi n° 115, nous en serons à 19, exceptions.

Donc, il s'en est rajouté avec le projet de loi n° 14, et, moi, ça me chicote toujours un peu. Parce que, dans ce cas-ci surtout, il n'est pas exactement prouvé que le ministère du Revenu ne pourrait faire autrement. Et je m'explique, dans le sens que, avant aujourd'hui, ces échanges de renseignements là, probablement, avaient lieu entre la SAAQ, dans le cadre des ententes internationales, puisqu'un véhicule pouvait être immatriculé au Québec et circuler ailleurs, aux États-Unis ou dans d'autres provinces canadiennes.

Et le ministre a beau nous dire: Ce qu'on veut éviter, c'est des dédoublements. Mais, moi, je ne le vois pas ici, dans le projet de loi. Parce que je vois, d'une part, qu'à l'article 6 la SAAQ pourra communiquer à une juridiction qui a adhéré au Régime d'immatriculation international, au mandataire ou préposé désigné d'une telle juridiction, en tout cas, il pourra, si vous voulez, donner des renseignements, et on voit le même article, finalement, l'article 8, la même chose, dit que le ministère du Revenu pourra faire exactement la même chose.

Alors, moi, je ne peux pas comprendre qu'il y a vraiment une élimination du dédoublement, puisque les deux vont continuer à s'échanger des renseignements, et, donc, on fait seulement ajouter une vocation, encore une fois, au ministère du Revenu qui n'a rien à voir avec sa mission d'administrer des lois fiscales.

Vous avez dit: Oui, on a rajouté beaucoup de choses qui se sont faites au fil du temps, que le ministère du Revenu fait de la gestion de programmes. Il fait de la gestion de programmes principalement pour les organismes du Québec. Alors, il y a aussi du couplage de fichiers, on le sait, avec la loi n° 32. Mais, dans ce cas-ci, on parle d'ententes internationales, donc la possibilité d'exporter des renseignements.

On le faisait déjà mais seulement en vertu de la Loi sur la taxe sur les carburants, ce qui est la mission directe du ministère du Revenu, alors que, dans ce cas-ci, il n'est absolument pas question d'administrer une loi fiscale pour le ministère du Revenu. Il s'agit tout simplement d'échanger des informations, et, moi, je suis à me demander: Quel genre de renseignements le ministère du Revenu a-t-il besoin d'échanger en ce qui regarde les droits d'immatriculation qui n'ont rien à voir avec des taxes ou des impôts? Et j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui. On a compris que le ministère du Revenu avait des informations justement sur les immatriculations des camions et ce serait des renseignements personnels sur l'immatriculation des camions, peut-être sur les taxes payées sur les immatriculations aussi, déclarées sur les immatriculations, dans le contexte des rapports d'impôts qui seraient dans ses fichiers. Il y a aussi le rôle du ministère du Revenu qui perçoit les taxes, comme vous avez dit, sur les carburants.

Mme Leblanc: L'entente existe déjà, là.

n(12 heures)n

Mme Stoddart (Jennifer): Le ministère donc pourrait avoir une concentration d'information sur un véhicule, l'exploitation d'un véhicule. C'est ce que nous avons compris.

Dans le projet de loi ? je regarde ? on a compris que les informations... on a donné notre approbation dans une mesure où l'échange de renseignements serait nécessaire, vraiment nécessaire. Alors, on a donné l'approbation dans une mesure, où, à chaque fois, le test nécessité pourrait être rencontré.

Est-ce que ça veut dire qu'à chaque fois où les conditions exactes d'échange de renseignements... Je n'ai pas assez d'information sur le fond du dossier. ...exactement combien de fois, comment ces informations seront échangées. Mais on a compris que ce serait nécessaire, la condition que ce soit nécessaire. À ce moment-là, on a donné notre avis qui est un accord à la procédure en partant de ces principes.

Mme Leblanc: Et, quand vous dites que ça doit être nécessaire, est-ce que vous signifiez que ça devrait être nécessaire à l'administration d'une loi fiscale ou nécessaire au Régime d'immatriculation international?

Mme Stoddart (Jennifer): Ce serait nécessaire à l'administration du régime fiscal, nécessaire pour rencontrer les exigences de ce régime-là. Et, dans la mesure où la loi du ministère du Revenu évidemment a été modifiée dans le sens que c'est proposé, évidemment le principe de nécessité s'appliquerait à cette modification aussi.

Mme Leblanc: D'après vous, quels renseignements la Société de l'assurance auto a besoin d'obtenir du ministère du Revenu pour être capable de gérer le système d'immatriculation international?

Mme Stoddart (Jennifer): Nous, on avait compris que le but de cette agence, c'est de mettre en place un système de perception automatique des redevances produites, les immatriculations de camions qui procèdent d'une juridiction à l'autre, du Canada aux États-Unis, à travers les États-Unis, de différents secteurs. Et, au lieu d'avoir des plaques... Autrefois, on voyait des plaques, bon, puis on s'amusait à regarder où le camion se promenait, que maintenant il y aurait une entente pour l'échange international de ces informations-là, ce qui présume que dans chaque juridiction on prélève donc la distance parcourue par le véhicule et que donc l'information serait calculée globalement au prorata des juridictions dans lesquelles ce véhicule se promène. Et le rôle du ministère du Revenu, ce qu'on a compris, c'est... il relève la consommation par rapport à son rôle de perception d'impôts sur le carburant, il relève le kilométrage et la consommation de carburant de chaque véhicule dans une juridiction, enfin, ici. Et, donc, ce serait une partie d'un calcul qui serait fait pour éventuellement établir le niveau de redevances proportionnel pour chaque véhicule dépendant d'où il a roulé.

Mme Leblanc: Et, selon vous, en quoi ça va être différent de la situation actuelle qui fait en sorte que la SAAQ avec les «logbooks», et tout ça, administre déjà le Régime d'immatriculation international? Qu'est-ce que ça va ajouter au fait que le ministère du Revenu pourra dorénavant communiquer des renseignements à d'autres juridictions ainsi qu'à la SAAQ?

Mme Stoddart (Jennifer): Oui. On a compris que l'information détenue par le ministère du Revenu était une partie essentielle de ce calcul quant aux redevances que devait donner, enfin, le propriétaire du véhicule immatriculé au Québec. Et, donc, c'est les informations relevées par le ministère du Revenu dans le cadre de l'application des dispositions sur la perception des taxes sur les carburants.

Mme Leblanc: La taxe sur les carburants, elle existe déjà. Il y a déjà une entente et c'est déjà prévu à la Loi sur le ministère du Revenu. Alors ça, pour ça, ça existe déjà. On n'a pas, je pense, à revenir sur cet élément-là.

Par contre, à l'heure actuelle, c'est la SAAQ. La SAAQ sait exactement le montant des taxes qui sont payées sur les droits d'immatriculation, puisque, quand vous allez à la SAAQ, vous les payez, ces droits-là, vous payez ces taxes-là.

Quel type de renseignements croyez-vous que la SAAQ a besoin du ministère du Revenu pour ajouter à ce qui lui manque? Parce qu'on essaie ici de corriger quelque chose. Qu'est-ce que, selon vous, on veut corriger en permettant au ministère du Revenu d'échanger de l'information avec la SAAQ?

Mme Stoddart (Jennifer): D'accord. On a compris que ce sont les informations sur l'utilisation du carburant, qui est peut-être d'autre chose que le kilométrage, l'utilisation du carburant. On peut penser que l'utilisation du carburant ? je ne sais pas, je ne connais pas ce domaine personnellement ? est peut-être intéressante parce qu'il y a peut-être un calcul par rapport aux impacts environnementaux de la consommation de carburant dans un domaine où les camions roulent plus ou moins vite, le type de carburants aussi, diesel ou autres, et que, pour que le rôle du ministère soit clair et soit sans reproche par rapport à la protection des renseignements personnels, on voulait préciser son droit de prendre des informations cueillies dans le cadre de la Loi sur les carburants et les utiliser non pas pour les fins de la Loi sur les carburants, non pas pour les fins de la loi du ministère, mais bel et bien pour les fins de l'article 13.1 du Code de la sécurité routière. Ça, c'était notre compréhension du dossier.

Donc, si vous voulez, c'est un arrimage technique pour éviter que, à l'avenir, on puisse dire au ministère du Revenu: Mais, finalement, ce n'est pas prévu expressément dans votre loi, et, étant donné l'importance du secret fiscal, chaque exception doit être énumérée pour une plus grande sécurité; vous-même, vous en avez déjà relevé 19. Voici, on en a relevé trois dans l'application et l'exécution de programmes générales, et nous avons pensé que c'est une approche prudente, une approche qui était respectueuse du principe de protection des renseignements personnels, respectueuse du principe que chaque exception à la sauvegarde du secret fiscal doit être énumérée. Et, donc, pour cette raison-là, ça a rencontré notre assentiment.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la présidente. Mme la députée de Jonquière, peut-être?

Mme Gauthier: Oui, merci.

Mme Leblanc: J'aurais juste une dernière, dernière question. C'était concernant l'exportation des fameux renseignements.

Vous dites: Bon, ici, on a des règles internes, on se régit par nous-mêmes. On est prudents, on ne vend pas nos listes comme ça, ça appartient au gouvernement et on en fait un strict usage.

Maintenant, une fois qu'ils sont rendus de l'autre côté, est-ce que vous allez vous assurer que, dans l'entente qu'il y aura ? parce que vous aurez à vous prononcer sur cette entente ? on va respecter ce principe-là de secret des renseignements personnels confidentiels?

Mme Stoddart (Jennifer): C'est certainement une chose qu'on va regarder. Est-ce que dans l'entente il y a finalement un miroir des normes québécoises? On va certainement regarder ça de très près. On l'a déjà fait dans d'autres occasions, lorsque des renseignements personnels doivent être exportés, notamment aux États-Unis, pour différentes raisons techniques, parce qu'il y a beaucoup d'expertises aux États-Unis.

Est-ce que, nous, on va s'assurer, dans le sens on va vérifier la question, mais est-ce que, nous, on peut changer le sort de ces renseignements-là? C'est peut-être d'autres questions. Mais c'est sûr qu'on va vérifier, et, si ça ne rencontre pas les normes québécoises, on va le dire dans nos commentaires sur l'entente, très clairement.

Mme Leblanc: Et je suppose que cet avis-là est déposé à l'Assemblée nationale?

Mme Stoddart (Jennifer): Oui.

Mme Leblanc: O.K.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: M. le Président, c'était à peu près ma question, parce que, moi, je voulais savoir comment on va pouvoir s'assurer effectivement que les informations transmises à l'extérieur vont être protégées. Comment on va faire ça, nous, du Québec?

Le Président (M. Pinard): Mme la présidente.

n(12 h 10)n

Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Mais, comme je le dis, là, vous entrez à mon avis dans des grandes questions internationales. Ce que je peux dire: Du point de vue de la Commission d'accès à l'information, M. le Président, on examine ce genre d'ententes avec un très grand soin, et, lorsqu'elles ne rencontrent pas les normes, d'abord, on essaie de voir s'il n'y a pas moyen de rencontrer ces normes québécoises, même si les données se trouvent à l'étranger. Si, après de longues discussions, on nous dit, avec les partenaires: Voici les normes déjà établies, il n'y a pas moyen de les modifier, on souligne néanmoins de façon très explicite dans notre avis sur l'entente qu'on se préoccupe du fait qu'ils ne rencontrent pas les normes, et l'avis est déposé ainsi. Donc, c'est très clair où la commission a des inquiétudes parce que la norme québécoise n'est pas respectée. Ensuite, avec cet avis, c'est à ceux qui reçoivent l'avis d'essayer de voir que les normes québécoises soient respectées dans les forums internationaux.

Le Président (M. Pinard): Autres questions? Du côté gouvernemental non plus? Alors, merci beaucoup, Mme la présidente. Merci à vos collaborateurs.

Donc, ceci termine... Ceci termine...

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Oui, c'est ça. C'est ça que je m'aperçois. Alors, nous allons, si vous permettez, suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

 

(Reprise à 12 h 14)

Le Président (M. Pinard): Nous reprenons nos travaux. Nous avons terminé les auditions particulières avec la Commission d'accès à l'information.

Étude détaillée du projet de loi n° 115

Remarques préliminaires

Alors, nous allons débuter notre travail de membres de la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 115, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le ministère du Revenu.

Alors, nous sommes exactement les mêmes membres de la commission que lors de nos auditions particulières; les mêmes remplacements s'appliquent. Et nous allons immédiatement demander à M. le ministre et au critique officiel de l'opposition, M. le député de Shefford, de procéder à leurs remarques préliminaires. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, rapidement, M. le Président, je vous remercie. Le 27 novembre dernier, l'Assemblée nationale adoptait le principe du projet de loi n° 115, intitulé Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le ministère du Revenu.

Ce projet de loi modifie le Code de la sécurité routière et la Loi sur le ministère du Revenu afin, notamment, d'assurer la mise en oeuvre du Régime d'immatriculation international, connu comme IRP. Le Québec a adhéré à ce Régime, le 1er avril 2001. En vertu de ce Régime, les droits d'immatriculation exigés des transporteurs pour leurs véhicules routiers doivent être payés aux différentes administrations au prorata du kilométrage parcouru sur leur territoire.

La Société de l'assurance automobile du Québec, responsable de l'application du Régime IRP au Québec, doit, entre autres, s'assurer que les déclarations de kilométrage des transporteurs seront vérifiées périodiquement. De son côté, le ministère du Revenu du Québec, responsable de l'application de l'entente internationale de la taxe sur les carburants, connue comme IFTA, possède la même obligation de vérification des déclarations de kilométrage effectué par les transporteurs.

Les deux organismes mentionnés ci-dessus ont adopté le principe d'une collaboration d'affaires en vertu de laquelle les vérificateurs du ministère du Revenu auraient le mandat de procéder en même temps à la vérification des déclarations de distance pour les deux régimes en vigueur. Alors, comme ça, on évite qu'il y ait des fonctionnaires qui fassent exactement la même vérification de deux organismes différents. Le projet de loi propose donc d'autoriser le ministre du Revenu à effectuer la vérification des dossiers d'exploitation des parcs de véhicules routiers et de permettre les échanges d'informations nécessaires entre les deux organismes concernés.

Par ailleurs, ce projet de loi modifie le Code de la sécurité routière afin de permettre au conducteur d'un véhicule routier ou d'une bicyclette d'effectuer un virage à droite à un feu rouge aux endroits où un tel virage n'est pas interdit par une signalisation et après que le conducteur ait immobilisé son véhicule et cédé le passage aux piétons engagés dans l'intersection de même qu'aux véhicules et aux cyclistes engagés ou si près de s'engager dans l'intersection qu'il s'avérerait dangereux d'effectuer ce virage.

Ce projet de loi permet aussi au ministre des Transports de désigner le territoire d'une municipalité ou toute partie de son territoire où le virage à droite à un feu rouge est interdit.

Il permet également à la personne responsable de l'entretien d'un chemin public de déterminer, par une signalisation appropriée, les intersections où le virage à droite à un feu rouge est interdit. Dans le cas d'une municipalité, ce pouvoir s'exerce par règlement ou, si la loi lui permet d'en édicter, par ordonnance.

Enfin, ce projet de loi introduit comme motif de saisie d'un véhicule la conduite durant une sanction de 30 à 90 jours fondée sur le refus de fournir un échantillon d'haleine à la demande d'un agent de la paix.

Comme vous pouvez le constater, le projet de loi n° 115 présente diverses mesures destinées à améliorer la sécurité routière et à renforcer la règle d'application du Code. Je vous invite donc à procéder à l'adoption de ce projet de loi dans le cadre de son étude article par article.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Shefford et critique officiel de l'opposition en matière de transports, vos remarques préliminaires?

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Oui, brièvement, M. le Président. Premièrement, nous sommes sur un projet de loi, nous allons étudier un projet de loi qui fait couler beaucoup d'encre depuis déjà un bout de temps, soit le virage à droite.

D'entrée de jeu, M. le Président, et je pense que notre position est bien connue concernant le virage à droite, nous sommes en faveur. Nous l'étions depuis longtemps. On sait qu'il y a eu de la part du gouvernement, on peut dire, d'autres virages dans ce dossier-là. On se souviendra qu'il y a eu des projets-pilotes qui ont été menés un peu partout à travers le Québec. D'ailleurs, près de moi, j'ai la députée de Jonquière où, dans la ville de Saguenay, il y avait un projet-pilote qui a été mis sur pied il y a environ un an et qui fonctionne très bien, comme ailleurs au Québec. Donc, de ce côté-là, M. le Président, je pense qu'il n'y a aucun problème du côté de l'opposition.

On a vu également dans le même projet de loi... et c'est pour cette raison-là, M. le Président, que nous avons entendu la Commission d'accès à l'information ce matin: un autre principe qui a été abordé dans le projet de loi concernant la transmission de renseignements personnels. Je l'ai dit au salon bleu et je le réitère encore une autre fois qu'il n'est pas vraiment apprécié qu'on propose ou on y aille de deux principes qui sont fort différents dans le même projet de loi, ce qui ne permet pas habituellement, habituellement, de poser des questions adéquates et non plus de faire un débat qui est axé sur les deux sujets de façon complète.

n(12 h 20)n

Le débat sur le virage à droite a été fait. L'autre débat, heureusement, tourne du bon côté, sauf que, à prime abord, on avait beaucoup de questions, et je pense que la législation devrait être faite de telle sorte que chacun des sujets puisse être abordé de façon distincte et de façon à répondre aux questions, autant du public que de l'opposition officielle.

Donc, M. le Président, là, compte tenu de l'heure et ayant déjà convenu avec le ministre que nous voulions étudier l'article 1, d'autant plus qu'il y a des gens qui nous accompagnent ici, qui sont en mesure d'apporter des réponses à nos questions, particulièrement des questions d'ordre... de fonctionnement de ces transmissions de renseignements là, particulièrement lorsque est présente à la Commission notre porte-parole en matière... un tas de matières, entre autres, de renseignements personnels et...

Une voix: ...

M. Brodeur: Oui. ...et notre porte-parole concernant le Revenu, la députée de Beauce-Sud. Dans ces conditions-là, M. le Président, je pense qu'il serait souhaitable de procéder à l'étude du projet de loi en commençant par l'article 1.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Shefford. Est-ce qu'un autre membre désire se prévaloir de remarques préliminaires? Merci.

Alors, nous débutons, projet de loi n° 115, Loi modifiant le Code de la sécurité routière... Excusez-moi. Est-ce qu'il y a des motions préliminaires? Non.

M. Brodeur: Si vous en voulez absolument.

Étude détaillée

Code de la sécurité routière

Immatriculation des véhicules

Le Président (M. Pinard): Alors, de ce fait, nous allons débuter.

Le projet de loi n° 115, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le ministère du Revenu.

Le Parlement du Québec décrète ce qui suit:

Article 1. Le Code de la sécurité routière (L.R.Q., chapitre C-24.2) est modifié par l'insertion, après l'article 13 du suivant:

«13.1. Le ministre du Revenu peut effectuer, à la demande de la Société, la vérification des dossiers d'exploitation des parcs de véhicules routiers qui sont immatriculés proportionnellement en application d'un règlement pris en vertu de l'article 631.

«Les article 37.7, 38 et 42 de la Loi sur le ministère du Revenu (chapitre M-31) s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires à cette vérification.»

Alors, M. le ministre, s'il vous plaît, vos commentaires.

M. Ménard: Bon. Alors, ce nouvel article prévoit que le ministre du Revenu effectue la vérification des dossiers d'exploitation des transporteurs dont les véhicules sont immatriculés proportionnellement, conformément au Règlement sur l'immatriculation des véhicules routiers.

Pour ce faire, la personne autorisée par le ministre peut pénétrer dans tout lieu de conservation du dossier d'exploitation afin d'effectuer la vérification des pièces justificatives attestant la distance parcourue dans chaque province et chaque État et le kilométrage total parcouru. La personne ainsi autorisée peut notamment vérifier ou examiner les documents constituant le dossier d'exploitation du transporteur tels les rapports sur la consommation de carburants, les feuilles de route, les fiches journalières des conducteurs et les documents concernant le voyage comme le reçu d'essence, le connaissement et le reçu de livraison. Cette personne peut tirer copie de ces documents et toute copie certifiée conforme par le ministre ou par une personne autorisée par lui à le faire. Enfin, toute copie est admissible en preuve. Si nécessaire, la personne autorisée à effectuer la vérification peut aussi obliger le propriétaire ou une personne présente sur les lieux de la vérification à lui prêter une aide raisonnable.

On constatera que ces choses-là sont faites pour l'application du partage de la taxe sur l'essence, mais qu'elles sont aussi nécessaires pour partager le produit de l'immatriculation qui est partagé par les différentes juridictions sur la même base, c'est-à-dire sur la base du kilométrage parcouru.

Alors, en principe, on se fie aux déclarations des gens, mais ces déclarations ont plus de chances d'être exactes si les gens savent qu'elles peuvent être vérifiées, et elles sont vérifiées, me dit-on, dans 3 % des cas.

Et j'ai ici avec moi des fonctionnaires qui administrent ce Régime et qui pourraient, je pense, répondre à vos questions. Il me semble que ce n'est pas les noms qu'on m'a dits.

Une voix: ...

M. Ménard: Est-ce qu'ils sont ici? Alors, nous avons... C'est M. Bernard Drolet, ce n'est pas un avocat. Alors, il y a M. Bernard Drolet, qui administre le système pour la Société d'assurance automobile du Québec, c'est-à-dire le IRP, dont on parlait tout à l'heure. Mais il y a aussi M. Brisebois, qui est un des commissaires de l'IFTA; c'est celui où on partage les produits de l'essence, et qui est accompagné de Me Pierre Robitaille. Alors, peut-être que M. Drolet peut commencer à donner les...

M. Drolet (Bernard): ...une première question parce que, d'une façon pratique...

M. Ménard: Peut-être... Il pourrait se placer où sont les gens que nous recevons.

M. Drolet (Bernard): Peut-être, oui...

Le Président (M. Pinard): Alors, je suspends quelques instants, là, vous permettant d'aller vous asseoir.

M. Ménard: Puis je comprends que Me Robitaille et M. Brisebois seraient disponibles pour répondre aux questions des députés.

Le Président (M. Pinard): Avancez-vous, s'il vous plaît.

M. Ménard: Bon. Est-ce que vous pourriez nous expliquer, M. Drolet, succinctement mais en gros, comment fonctionne le système connu sous le nom de IRP, immatriculation international?

M. Drolet (Bernard): Bonjour, mesdames et messieurs. L'origine de l'immatriculation IRP, c'est une entente de réciprocité qui regroupe toutes les provinces canadiennes ainsi que 49 États américains. Le Québec a adhéré à l'IRP en 2001.

Le fonctionnement maintenant, c'est que c'est basé sur la déclaration du client, c'est-à-dire que le client nous donne une déclaration des distances qu'il a parcourues dans les administrations où il désire que ses véhicules continuent à circuler.

Cette déclaration-là est basée sur une période précise, c'est-à-dire le 1er juillet et le 30 de juin pour la période qui précède la date où il va immatriculer ses véhicules. À titre d'exemple, nous sommes en 2001, le client désire renouveler l'immatriculation de ses véhicules en 2002. Donc, on va prendre la déclaration de la distance de ses véhicules du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001.

Comme je le disais, c'est une déclaration qui est basée sur le principe... c'est une déclaration comme telle. Il n'y a eu aucune vérification. Donc, le client nous fait cette déclaration-là, la Société perçoit des droits en fonction des distances déclarées, et puis il y a un pourcentage qui est rattaché à chacune des administrations, c'est-à-dire que, pour quelqu'un qui s'en va, mettons, Québec, Ontario, le Maine, il déclare 100 000 kilomètres dans chacune des administrations. Donc, nous allons percevoir 33 % des droits d'immatriculation du Québec, 33 % des droits d'immatriculation de l'Ontario et 33 % des droits du Maine.

À la fin du mois, nous devons faire une déclaration à chacune des administrations concernées, c'est-à-dire identifier le transporteur comme tel, ensuite identifier les véhicules impliqués. On doit aussi donner la déclaration comme telle de distance du transporteur et les montants perçus pour chacune des administrations. Un rapport est envoyé à chaque administration concernée.

En vertu de l'IRP, on doit vérifier 3 % des déclarations de distance à chaque année, 3 % des transporteurs, excusez, doivent effectuer la déclaration ? 3 % des transporteurs qui sont inscrits à l'IRP. Donc, on doit s'assurer que la déclaration que le transporteur nous a fournie est conforme à la réalité. Le but de ça donc, on doit envoyer un vérificateur, que ce soit n'importe quel employé. Là, je parle de n'importe quel employé de l'État. L'employé de l'État doit s'assurer que la vérification que le transporteur nous a faite est conforme, c'est-à-dire il doit vérifier soit par des coupons d'essence ou des feuilles de connaissement ou tout document qui sert à faire cette vérification-là.

Lorsque cette vérification-là est terminée, nous, nous devons la comparer avec celle qu'on a actuellement et puis apporter les modifications, s'il y a lieu, parce que, si la déclaration n'est pas conforme, nous devons apporter les modifications aux droits d'immatriculation.

Donc, chaque individu, ou chaque transporteur plutôt, qui est inscrit au Régime IRP doit faire face à la même vérification, que ce soit au Québec, en Ontario ou dans les autres provinces ou États américains.

n(12 h 30)n

Au niveau de l'intérêt pour le transporteur, c'est évident que l'IRP, ça apporte des intérêts particuliers, c'est-à-dire que le transporteur, il est sûr de payer le même coût pour ses droits d'immatriculation que le transporteur étranger qui aurait exactement la même route de circulation, c'est-à-dire que, pour l'exemple que je donnais tantôt, si, mettons, un transporteur d'Ontario fait 33 % au Québec, 33 % en Ontario puis 33 % au Maine, bien, il va payer exactement les mêmes tarifs que le transporteur du Québec.

Ensuite, au niveau comme tel du rapport, comme je disais, à la fin du mois, on donne le rapport à chaque administration concernée. Le but de la vérification est de s'assurer que la distance déclarée par le transporteur est conforme. Ensuite, à la fin de l'année, nous faisons un rapport par écrit à IRP inc. pour faire un état des activités de vérification. Mais ça, ce rapport-là, il n'y a pas de données comme telles sur chaque transporteur, c'est simplement un rapport annuel d'activité.

Le rapport de vérification qu'on remet à chaque administration est conforme au niveau comme tel des informations. C'est les mêmes informations qui sont transmises à chaque administration par rapport à la vérification mensuelle. Donc, il n'y a pas plus d'informations. La seule chose qui peut être différente, c'est qu'il y ait eu une vérification comme telle de la déclaration du temps, et puis c'est les ajustements de droit qui sont amendés. C'est le fonctionnement général.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Drolet. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui, avant de céder la parole à mes collègues. De façon pratique, parce qu'on sait que, pour la vérification, vous allez vérifier 3 % des conducteurs, j'imagine facilement que, pour un camionneur ou une compagnie de camionnage, peut-être que les frais sont différents. Vous parlez de l'exemple de 100 000 km au Québec, 100 000 km en Ontario et 100 000 km dans le Maine, par exemple. J'imagine que les frais exigés sont différents tout dépendant des provinces ou des États.

M. Drolet (Bernard): C'est exactement ça.

M. Brodeur: Est-ce que vous allez instaurer dans une première année un processus pour vérifier et voir quel est le revenu cette année par rapport aux revenus qui vont suivre? Parce que j'imagine que plusieurs vont être tentés d'augmenter la proportion du kilométrage dans les endroits où est-ce que ça coûte moins cher. Est-ce qu'il y a un processus vraiment... À part les 3 % de personnes que vous allez vérifier, j'imagine qu'il y a un suivi attentif qui va être fait. J'imagine aussi qu'il y a un calcul monétaire qui est fait aujourd'hui pour prendre, j'imagine, les comparaisons avec les prochaines années. Est-ce que votre processus va se concentrer seulement à vérifier 3 % des gens? Puis quelle est la crédibilité de cette vérification-là? Est-ce qu'on peut imaginer que les gens vont tenir un livre double concernant vos vérifications? Est-ce qu'il y a des mesures beaucoup plus, je dirais, énergiques qui vont être prises contre les gens qui vont essayer de détourner les façons qu'il serait normalement possible de faire dans ces circonstances-là?

Le Président (M. Pinard): M. Drolet ou vos collègues.

M. Drolet (Bernard): Le principe de vérification en IRP, c'est un principe qui... Les principes de vérification sont des principes qui ont été édictés par IRP inc. Donc, la façon de suivre la vérification, il faut s'en tenir uniquement aux principes d'IRP. On doit vérifier 3 % par année et puis se limiter à ce 3 % là. C'est évident que, si, durant l'année, on peut se rendre compte, mettons, qu'un transporteur donne des déclarations qui sont loufoques ou suite à une demande d'une administration de vérifier un tel transporteur, nous devons y donner suite. Lorsqu'un transporteur, mettons, il nous arrive, une année, il déclare x, x, mettons 1 000 km puis, l'année suivante, il en déclare 100 000 ou l'inverse, on peut se poser des questions. Mais, de façon générale, la vérification va s'en tenir à une limite de 3 %.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Oui. Alors, vous avez parlé, M. Drolet, que vous devez vérifier 3 % du parc de véhicules. En fait, dans les notes, ici, au projet de loi, on voit que c'est 235 parcs par année. Ça représente combien de véhicules?

M. Drolet (Bernard): Voyez-vous, il y a environ 23 à 24 000 véhicules, c'est-à-dire tout dépendant de la période durant l'année, qui sont inscrits à IRP, dont les propriétaires inscrivent leurs véhicules à IRP. Ça représente environ de 6 800 à 7 000 transporteurs par année. Donc, 3 % des 7 000 transporteurs, ça donne environ 210 à 225 vérifications annuelles.

Mme Leblanc: 225 vérifications annuelles environ, 221, là...

M. Drolet (Bernard): C'est ça, environ, là.

Mme Leblanc: Entre 7 à 8 000 transporteurs.

M. Drolet (Bernard): Tout dépendant de la conjoncture économique, là, le nombre de transporteurs, ça peut varier d'une année à l'autre.

Mme Leblanc: O.K. Maintenant, par rapport à l'IFTA, parce qu'on dit que l'IFTA... les vérifications se font pour la taxe sur les carburants. Vous avez un nombre de transporteurs à vérifier concernant la taxe sur les carburants? Et je ne sais pas si M. Brisebois pourra répondre à cette question-là.

Le Président (M. Pinard): Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît, pour les fins d'enregistrement?

M. Brisebois (André): Oui. André Brisebois. Je suis directeur des activités spécialisées et commissaire IFTA à la Direction régionale de Québec?Chaudière-Appalaches, à la Direction générale de la capitale et des régions. Pour répondre à votre question, Mme la députée, c'est que, oui, c'est le même principe qui s'applique dans le cadre de l'IFTA. Nous vérifions annuellement les quotas établis par IFTA inc., c'est 3 % de la population. La population varie entre 7 000 et 8 000 dans notre cas.

Mme Leblanc: O.K. Ça voudrait dire que maintenant vous auriez la charge de vérifier pas seulement la taxe sur les carburants, mais également tout ce que la société IRP fait actuellement. C'est une charge qui serait importante pour les vérificateurs du ministère du Revenu?

M. Brisebois (André): C'est qu'actuellement nous vérifions... Quand on vérifie la taxe sur le carburant, nous devons nous assurer du kilométrage parcouru par les transporteurs dans chaque État ou juridiction concernée. Donc, c'est le même principe qui s'applique pour IRP, l'immatriculation internationale. Donc, en faisant cette vérification-là, nous estimons que la vérification, dans la majorité des cas, c'est à peu près la même chose. Il y a seulement... Il y a une partie de la population IRP qui est différente, mais c'est minime par rapport à IFTA. Donc, lorsque nous vérifions... nous allons vérifier le kilométrage, parce que c'est le kilométrage qui est concerné ici uniquement, pour IRP, nous le faisons déjà pour la taxe sur le carburant.

Mme Leblanc: D'accord. À ce moment-là, la société IRP, elle, aurait moins de charge de travail. Le ministère du Revenu, on nous dit que ce serait quand même assez minime comme charge de travail supplémentaire, si je vous ai bien compris. Comme il y aura une diminution des coûts pour la société IRP, est-ce qu'il y aura des frais chargés par le ministère du Revenu pour être capable... pour assumer cette nouvelle tâche là?

M. Brisebois (André): Effectivement, il y a une entente administrative qui va être signée entre le ministère du Revenu et la Société de l'assurance automobile du Québec à l'effet que la charge de vérification en fait du ministère sera partagée avec la Société.

Mme Leblanc: O.K. À ce moment-là, est-ce qu'on peut avoir une idée du coût administratif? Est-ce que c'est chargé par vérification? Est-ce que c'est chargé par... Comment vous appliquez ça?

M. Brisebois (André): En fait, c'est que nous savons actuellement qu'une vérification IRP prend un certain nombre d'heures... c'est-à-dire que la vérification IFTA, pardon, prend un certain nombre d'heures pour la vérification du carburant comme telle, parce que nous devons vérifier l'ensemble des factures de carburant. Donc, c'est cette vérification-là qui demande quand même un certain temps. Nous savons également que la vérification du kilométrage prend également un certain temps. Donc, c'est la vérification du kilométrage qui sera partagée avec... Le temps de vérification du kilométrage sera partagé avec la Société.

Mme Leblanc: Est-ce que, selon vous, vous allez avoir besoin d'agents vérificateurs additionnels au ministère du Revenu pour être capables d'accomplir cette mission-là?

M. Brisebois (André): Pour l'instant, ce n'est pas envisagé.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. J'ai compris aussi, l'entente, qu'on pouvait aller de façon plus large que simplement l'article 1 du projet de loi dans le questionnement?

Des voix: Oui.

Mme Gauthier: Oui. Alors, moi, ma question, c'est: pour l'application de l'article 13.1 du projet de loi, 13.1 de l'article 1, je comprends aussi qu'il va y avoir des renseignements à titre nominatif, là, qui pourront être transmis à l'extérieur. Je veux savoir comment vous allez faire. Comment on peut s'assurer que des renseignements personnels ne soient pas vendus aux États-Unis?

Le Président (M. Pinard): M. Drolet.

n(12 h 40)n

M. Drolet (Bernard): Les renseignements... Comme je vous expliquais tantôt, à chaque mois, on doit produire des renseignements sur le transporteur qui est inscrit au programme IRP. Dans ces renseignements-là, il y a l'identification comme telle du transporteur et de ses véhicules. De ses véhicules, bien, ça peut être des choses comme le type de carburant, la déclaration de distance, et tous ces éléments-là permettant d'identifier le transporteur. À la suite de la vérification, le seul renseignement additionnel qu'on a, c'est une confirmation comme telle de la déclaration de distance. Il n'y a aucun autre renseignement supplémentaire qui est fourni aux administrations concernées.

Mme Gauthier: Bien, à ce moment-là, peut-être, M. le Président, que ma question va s'adresser au ministre parce que je regarde... je vois dans les notes explicatives, effectivement, au projet de loi, 6 et 7, on a les notes explicatives où on dit effectivement que les articles 610.1 et 610.2 sont nécessaires afin de permettre à la Société et au ministère du Revenu de transmettre des renseignements nominatifs qu'ils possèdent et qui ne sont pas des renseignements fiscaux. C'est plus que ce que monsieur vient de dire. Vous faites référence à quoi?

M. Drolet (Bernard): Bien, les renseignements fiscaux, c'est les renseignements...

Mme Gauthier: Je parle des renseignements nominatifs, monsieur.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, là.

Mme Gauthier: Et je m'adresse au ministre.

M. Drolet (Bernard): Je m'excuse.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Ménard: C'est dans l'explication préliminaire, ça?

Mme Gauthier: Dans les notes explicatives, à la page 12.

M. Ménard: Ah! celles-là. O.K. Je pensais que vous parliez des notes explicatives de la... Remarquez que j'imagine, sans l'avoir vu encore, qu'il s'agit des notes d'hôtel ou des... À la page 12, là.

(Consultation)

M. Ménard: Je ne vois pas ce que... Je suis à la page 12, je l'ai lue au complet, je ne vois pas. Les renseignements non fiscaux?

Mme Gauthier: Les renseignements nominatifs qu'ils possèdent. Les articles 610.1... «Et qui sont nécessaires afin de permettre à la Société et au ministre du Revenu de transmettre des renseignements nominatifs qu'ils possèdent».

M. Ménard: Pourtant, je suis à la page 12, je ne vois pas ça.

Mme Gauthier: Bien, moi...

Mme Leblanc: Dernière ligne.

Mme Gauthier: Dernière ligne.

M. Ménard: Ah bon! Comment ça se fait que je n'ai pas ça?

Le Président (M. Pinard): Notes explicatives. L'opposition en a plus que le ministre.

M. Ménard: Ah oui! Toujours.

Mme Gauthier: C'est toujours comme ça?

Le Président (M. Pinard): Dernier paragraphe.

M. Brodeur: Si vous avez des questions ici à poser, en période de questions, donnez-moi-les.

(Consultation)

M. Ménard: Oui. Je pense qu'ils peuvent les expliquer.

Mme Gauthier: Non. Je veux savoir comment vous allez faire pour protéger des renseignements quand on parle du nom et de l'adresse du transporteur, c'est des renseignements nominatifs. Comment vous allez faire pour protéger ces renseignements-là dans le cadre d'une entente internationale?

M. Ménard: L'entente prévoit que tous ces renseignements sont gardés confidentiellement par les diverses juridictions, lesquelles sont d'ailleurs toutes soumises à des lois sur la protection des renseignements personnels.

Mme Gauthier: Parce qu'on a entendu la présidente de la Commission tantôt, qui nous dit qu'on n'a pas la même qualité, entre guillemets, de lois sur la protection des renseignements personnels dans chacun des États américains, même des provinces canadiennes, que ce qu'on retrouve au Québec. Alors, je veux dire, quel est le critère le plus élevé qu'on retrouve pour effectivement protéger, comme au Québec on est protégé, malgré les écarts qu'on connaît...

M. Ménard: Oui, mais je ne crois pas que... Je crois que cette protection de base concernée ici se retrouve dans toutes les juridictions nord-américaines. Mais, que je sache, je pense que tous ces renseignements-là sont confidentiels, et il y a une entente de confidentialité; c'est-à-dire que, dans les deux ententes, il y a une entente de confidentialité entre les diverses juridictions. Ces informations ne doivent servir qu'aux fins pour lesquelles elles sont communiquées.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que vous désirez que M. Drolet intervienne?

Mme Gauthier: Si ça peut éclairer davantage, ça ne me dérange pas.

Le Président (M. Pinard): M. Drolet.

M. Drolet (Bernard): Ces renseignements, c'est sûr qu'au Québec ils sont confidentiels. Comme disait M. Ménard, c'est que les renseignements fournis aux autres administrations, on s'attend à ce que les autres administrations, comme elles doivent garder ces renseignements-là confidentiels, n'ont pas à donner ces renseignements-là à d'autres organismes.

Toutefois, je voudrais simplement vous rappeler que, lorsque ces renseignements-là nous sont donnés par le transporteur, le transporteur sait pertinemment que ces renseignements-là vont être transmis aux autres administrations. Donc, que ce soit au niveau du nom, de l'adresse ou des informations sur ses véhicules, ces renseignements-là sont transmis aux autres administrations.

Ce qui est fait ensuite, suite à la vérification, ce ne sont que des renseignements qui viennent confirmer la déclaration de distance. Donc, il n'y a aucun autre élément additionnel d'information nominative qui est fourni en plus aux autres administrations suite à cette vérification-là.

Mme Gauthier: Mais, quand on voit, dans le projet de loi, «ou à ses mandataires», les mandataires d'un organisme d'un État américain, on n'a pas de contrôle sur ces mandataires-là?

M. Robitaille (Pierre): Si vous me permettez.

Mme Gauthier: Oui.

Le Président (M. Pinard): Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M. Robitaille (Pierre): Pierre Robitaille, du ministère du Revenu, Direction des affaires juridiques. C'est parce que 610 et... les articles, donc, que vous citez viennent régir deux réalités. L'échange de renseignements entre la Société de l'assurance automobile et le ministère du Revenu, aux fins d'effectuer les vérifications, vise autant les renseignements non fiscaux, dans ce cas-là, et permet aussi, dans certains cas, à la Société de transmettre ce qu'ils ont l'obligation de transmettre à IRP inc. et aux autres juridictions. Parce qu'il faut comprendre que chacun des transporteurs, avant de participer à IRP inc., devait s'inscrire et enregistrer son véhicule dans chacun des États différents, ce qu'il n'a plus l'obligation de faire. Il le fait uniquement à la Société de l'assurance automobile, qui, elle, se charge de véhiculer l'information. Donc, dans le fond, c'est un transfert.

Quand on parle, à 610, de mandataires, on vise des réalités comme la SAAQ qui est, dans le fond, un organisme qui n'est pas un ministère comme tel, réalités qui peuvent se retrouver dans d'autres États américains ou provinces canadiennes. Donc, on voulait viser d'être capables de transmettre les renseignements que la Société est obligée de transmettre à IRP mais en visant l'ensemble des organismes qui gèrent ce programme-là au Canada et aux États-Unis.

Le Président (M. Pinard): Merci, monsieur.

M. Ménard: Je comprends qu'il y a des renseignements là-dedans, comme le nom, etc., qui ne sont pas des renseignements de nature fiscale mais qui sont essentiels à l'immatriculation. C'est le principe de l'immatriculation, qu'on immatricule un véhicule à un nom.

Mme Gauthier: Je veux bien qu'on comprenne mon propos. Je ne conteste pas ça, c'est simplement que je veux m'assurer de garder la confidentialité de cette information-là.

M. Ménard: Mais remarquez que... Bon, je ne sais pas si... mais il me semble que le processus d'immatriculation, c'est justement un processus pour rendre publiques certaines choses. C'est le fait que, quand...

Mme Gauthier: Bien, je veux dire... Excusez-moi, M. le ministre, mais, si je veux savoir qui est détenteur d'un véhicule qui est immatriculé tel numéro, j'appelle à la SAAQ, ils ne me le donnent pas. Puis, quand ils le donnent, ça a les conséquences qu'on connaît.

M. Ménard: Le principe, c'est que, justement, s'il vous frappe puis il se sauve, vous avez le nom du propriétaire quand vous avez son numéro de licence.

Mme Gauthier: Je n'aurai pas le nom. C'est le policier qui va faire son enquête, M. le ministre. Excusez-moi, là, mais...

M. Ménard: C'est ça. Donc, ça va devenir public.

Mme Gauthier: La SAAQ n'a pas l'autorisation de transmettre à Jos Bleau les informations concernant les détenteurs d'immatriculation. Voyons donc!

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Oui. Alors, on parle ici de renseignements nominatifs. Maintenant, à l'article 7, on parle vraiment de la notion de dossier fiscal. Alors, on va permettre une modification à la Loi sur le ministère du Revenu pour qu'un renseignement contenu dans un dossier fiscal puisse être utilisé pour l'application de l'article 13.1 du Code de la sécurité routière. J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce qu'on vise à faire? Pourquoi on a besoin de transmettre et quelles sont ces informations qu'on veut transmettre?

Le Président (M. Pinard): Alors, Me Robitaille.

M. Robitaille (Pierre): Justement, la Loi sur le ministère du Revenu prévoit un régime de confidentialité qui est hermétique. Ce régime-là, même pour... On parle de 69.0.0.7 de la Loi sur le ministère du Revenu qui est modifié. On devait, pour permettre au ministère du Revenu d'utiliser un renseignement qui provient du dossier fiscal... dans ce cas-là, on parle des renseignements qui sont produits dans le cadre de l'IFTA, l'entente sur la taxe sur le carburant. Donc, on devait être autorisé à utiliser un renseignement IFTA, qui est, en l'occurrence, le kilométrage, pour permettre de valider la déclaration qui est faite dans IRP. Donc, l'article 7 du projet de loi nous permet d'utiliser le renseignement qui est le kilométrage aux fins de valider la déclaration faite dans le cadre du programme IRP, faite par le même vérificateur qui va se rendre sur place.

n(12 h 50)n

Mme Leblanc: Alors, le kilométrage qui est utilisé pour la taxe sur le carburant, c'est ce kilométrage-là qui sera utilisé pour l'application de l'article 13.1 du Code la sécurité routière?

M. Robitaille (Pierre): Ça va être un des éléments qui va servir à valider la déclaration faite par le transporteur en matière d'immatriculation mais aussi en matière d'IFTA, de carburant.

Mme Leblanc: O.K. Vous avez bien pris la peine de mentionner «un des renseignements» dont on a besoin.

M. Robitaille (Pierre): Oui, mais ça, c'est le renseignement principal. C'est sûr que le vérificateur va regarder aussi les factures. Il va le faire de toute façon pour IFTA, les factures de carburant, les choses comme ça, pour valider le kilométrage qui a été déclaré, et c'est principalement ce renseignement-là qui fait l'objet de la validation, c'est-à-dire... c'est pour aboutir à un kilométrage parcouru dans chacune des juridictions différentes.

Mme Leblanc: D'accord.

Le Président (M. Pinard): Merci, Me Robitaille. Autre question?

Donc, est-ce que l'article 1 du projet de loi est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Adopté.

Alors, puisque nous avions convenu de ne s'attarder qu'à l'article 1, j'ajourne donc les travaux de la commission.

M. Ménard: ...on pourrait procéder.

M. Brodeur: On pourrait peut-être continuer puis profiter peut-être de la présence... Ces gens-là, est-ce qu'ils vont être présents? Parce que, si j'ai bien compris, c'est demain soir que nous allons revenir ici pour continuer l'étude du projet de loi. On vient de m'avertir que ce sera demain soir.

Le Président (M. Pinard): Mercredi.

M. Brodeur: Est-ce que ces gens-là seront présents encore si... parce que, à la lumière de l'étude du projet de loi article par article, possiblement que nous aurons sûrement d'autres questions et peut-être aurons-nous besoin de l'éclairage...

M. Ménard: Je ne savais pas qu'on revenait demain soir parce que, moi, demain soir, j'ai le souper annuel de la Tribune de la presse.

M. Brodeur: Ah! Bien, là...

Le Président (M. Pinard): Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

 

(Reprise à 12 h 53)

Le Président (M. Pinard): Alors, j'ajourne donc les travaux de la commission jusqu'à ce soir, 20 heures, alors que nous procéderons à des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 129, Loi sur la conservation du patrimoine naturel.

Alors, merci à vous tous et bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 54)

 

(Reprise à 20 h 34)

Le Président (M. Pinard): À l'ordre! Constatant le quorum, je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte.

Consultations particulières
sur le projet de loi n° 129

Je rappelle le mandat de la commission qui est de tenir des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 129, Loi sur la conservation du patrimoine naturel.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Whissell (Argenteuil) remplace M. Lafrenière (Gatineau).

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue, M. Whissell. Alors, je vais vous donner l'horaire... faire lecture de l'horaire de la soirée. Alors, nous allons débuter nos travaux par recevoir le groupe Canards Illimités, qui sera suivi de Conservation de la nature ? Québec, par la suite, le Fonds mondial pour la nature et la Fédération québécoise de la faune.

Alors, tel que je vous l'ai mentionné, nous allons vous donner un temps de parole qui est de 20 minutes... 15 minutes pour la présentation par délégation, et, par la suite, il y aura 30 minutes d'échange entre le côté ministériel, le côté gouvernemental et votre organisme. Donc, nous allons nous en tenir à ce 45 minutes par groupe. Alors, sans plus tarder... Est-ce qu'on y va avec des remarques préliminaires ou si on commence tout de suite, André?

Remarques préliminaires

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, dans mon cas, compte tenu du retard dont je tiens à m'excuser auprès des membres de la commission et de nos invités, je ne ferai pas de remarques préliminaires pour qu'on puisse le plus rapidement possible entendre nos invités.

Le Président (M. Pinard): Mais les gens étaient déjà au courant du fait que vous aviez des responsabilités au niveau du COMART, donc je pense que c'est tout à fait normal. M. le député d'Orford, est-ce que vous y allez avec des remarques préliminaires?

M. Benoit: Non. Le porte-parole dans ce dossier-là est notre...

Le Président (M. Pinard): Le député d'Argenteuil?

M. Benoit: Le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député, est-ce que vous avez des remarques préliminaires?

M. David Whissell

M. Whissell: Oui, bien sûr, je vais les faire de façon très concise. Je tiens à saluer les gens qui se joignent à nos travaux à la commission ce soir.

M. le Président, lors des remarques préliminaires, j'ai soulevé l'absence du ministre de la Faune et des Parcs dans le présent débat. Vous savez que présentement, au Québec, le ministre qui est responsable de ce portefeuille, c'est lui qui applique différentes lois qui viennent justement permettre la création, ou la supervision, ou le contrôle à l'intérieur de certains territoires que le gouvernement a protégés au fil des ans. Alors, il aurait été souhaitable que ce ministre puisse participer à nos travaux. D'ailleurs, nous l'avons soulevé aux remarques préliminaires.

D'autre part, on a beaucoup de questions qui s'adresseront aux gens qui nous rencontreront. On en a posé certaines au ministre lors des remarques préliminaires, entre autres, au niveau des raisons qui motivent l'apparition de ce projet de loi à ce moment-ci alors qu'au cours des dernières années on a vu peu de gestes gouvernementaux en faveur de l'augmentation des aires protégées au Québec. Et je tiens à souligner que le ministre de l'époque, l'ancien député de Joliette avec qui nous avons eu des bonnes soirées, et parfois épicées... mais je pense que tout le monde savait clairement que l'ancien député de Joliette avait à coeur la faune et les parcs, et je n'ai jamais osé le réfuter parce que, fondamentalement, je pense qu'il avait cette notion d'étampée sur le coeur. Mais je dois vous avouer, depuis son départ, on se pose de sérieuses questions. Il est quand même alarmant de voir que le ministre responsable de la Faune et des Parcs est totalement absent de ce débat. J'ignore si, dans les consultations à l'intérieur du Conseil des ministres, le ministre de la Faune et des Parcs a émis ses opinions. Peut-être qu'on pourrait l'entendre ici, en commission parlementaire, parce que ses employés, ses fonctionnaires sont en grande partie responsables de l'application. C'est beau de dire: On va augmenter les aires protégées, mais, une fois qu'on a posé un geste, qu'on a décrété un territoire protégé, il faut s'assurer de lui donner les moyens, il faut s'assurer également d'y préserver la faune et les parcs, il faut également donner les ressources pour superviser les agents de protection de la faune, les agents de conservation. Alors, M. le ministre, on va entendre les groupes et on espère qu'on pourra comprendre le bien-fondé du projet de loi qui nous est arrivé.

Je tiens à rappeler que le gouvernement avait, il y a à peine un an, adopté un projet de loi, que le député d'Orford avait chapeauté à ce moment-là, qui était toute la question des territoires privés et, un an plus tard, on abroge la loi, on en inclut des parties à l'intérieur de la nouvelle loi. Alors, il est clair pour nous que le gouvernement fait des choix à la semaine et qu'il y a un échéancier probablement électoral qui se cache derrière le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui. Je ne suis pas en train de vous dire, M. le Président, que le projet de loi n'amène rien de bonifiant pour les aires protégées au Québec, mais il est quand même malheureux que, après quelques années passées au gouvernement, on arrive à la veille d'une élection et, tout d'un coup, il y a une importance accrue en ce sens.

Alors, on va entendre les groupes et on va espérer qu'en bout de ligne ils vont nous convaincre du bien-fondé de ce projet de loi.

n(20 h 40)n

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Donc, nous allons immédiatement procéder, et je vous inviterais à vous présenter pour les fins d'enregistrement et débuter... nous présenter votre rapport, s'il vous plaît, votre mémoire. Et vous avez un temps de parole de 15 minutes et, par la suite, 20 minutes d'échange. Alors, messieurs.

Auditions

Canards Illimités (CI) Canada

M. Filion (Bernard): Bernard Filion, directeur de Canards Illimités au Québec.

M. Duchesne (Christian): Christian Duchesne, notaire et conseiller juridique externe pour Canards Illimités.

Le Président (M. Pinard): Bienvenue, messieurs. Alors, à vous la parole.

M. Filion (Bernard): Merci beaucoup. On apprécie l'opportunité, ce soir, de faire part de notre compréhension de ce projet de loi n° 129. Donc, pour Canards Illimités, c'est un exercice que nous avons dû réaliser en un court laps de temps, mais nous apprécions avoir été invités et nous allons vous transmettre notre rapport verbalement.

Canards Illimités est un organisme de conservation à but non lucratif créé au Canada en 1938, dont le siège social est situé à Winnipeg, au Manitoba. Nous possédons une place d'affaires au Québec depuis 1976. La mission de Canards Illimités: la conservation et la restauration des milieux humides et des habitats terrestres adjacents qui leur sont associés pour la sauvagine nord-américaine. Ces habitats bénéficient également au reste de la faune et de la flore ainsi qu'à la société grâce à leurs multiples attributs et fonctions écologiques. Dans une société moderne comme la nôtre, la conservation du patrimoine naturel, en vertu des nombreuses activités socioculturelles et récréatives qu'elle génère, est en soi une activité économique souvent sous-estimée.

Canards Illimités se réjouit de la volonté du gouvernement du Québec, par la voie de son ministre de l'Environnement, de veiller à la conservation du patrimoine naturel par ce projet de loi n° 129. Ce projet de loi représente une nécessité si on veut assurer le déploiement d'un véritable réseau d'aires protégées représentatives de la diversité biologique du Québec. Nous désirons faire part au ministre de l'Environnement que ce projet de loi va dans le sens de notre planification stratégique qui vise tout particulièrement la conservation des milieux humides: les marais, les marécages, les tourbières, les «fens», les milieux riverains et littoraux, ainsi que des habitats terrestres adjacents, qui permettent d'assurer l'ensemble des fonctions vitales des espèces utilisant ces milieux, de même que la conservation d'une part importante de la diversité biologique.

Par exemple, on sous-estime souvent l'importance des milieux humides en termes de conservation des espèces. C'est ainsi que 15 % des espèces de poissons en péril dépendent des milieux humides à un stade quelconque de leur cycle vital. Plus de 70 % des amphibiens et des reptiles à statut précaire y sont inféodés contre 16 % chez les mammifères et 50 % chez les oiseaux. Chez les plantes désignées menacées ou vulnérables, c'est au-delà de 35 % qui sont associées aux milieux humides. Or, toutes ces espèces font partie du patrimoine naturel mondial dont le Québec est fiduciaire.

L'ajout d'habitats terrestres adjacents ou corridor vert en surplus de l'écotone riverain, c'est-à-dire le milieu de transition entre le milieu aquatique et la strate arborescente, assure les conditions d'existence d'un grand nombre d'espèces et permet de conserver les propriétés édaphiques des sols des milieux humides et riverains, assurant leur intégrité floristique. Enfin, les fonctions conjuguées d'un corridor vert associé aux milieux humides et riverains garantissent l'intégrité écologique des milieux aquatiques.

Ainsi, Canards Illimités souhaiterait que soient systématiquement incorporés dans les réserves aquatiques les milieux humides et l'écotone riverain de même que la plaine inondable et/ou un corridor vert terrestre écologiquement viable pour les espèces de la flore et de la faune de ces habitats. On constate que, dans le projet de loi, la réserve aquatique est essentiellement orientée vers le plan d'eau. Cependant, pour conserver l'intégrité, on souhaite voir élargir la définition de «réserve aquatique» pour inclure les plaines inondables et les terres hautes adjacentes.

Également, Canards Illimités souhaite que le gouvernement du Québec facilite la mise en oeuvre de ce projet de loi en garantissant les fonds nécessaires à son application via les éventuels programmes mentionnés à l'article 8, à l'image des sommes consenties pour la protection des milieux sensibles en terres privées. Il sera difficile d'établir un véritable réseau d'aires protégées au Québec si l'on n'octroie pas les moyens nécessaires tant aux communautés qui recevront ces réserves qu'au ministère responsable de son implantation et de sa gestion.

Canards Illimités offre d'ailleurs de devenir un partenaire majeur du gouvernement du Québec dans la conservation des milieux humides, riverains et littoraux ainsi que des habitats terrestres adjacents. Grâce à notre équipe multidisciplinaire appuyée par une solide expertise en géomatique, nous pouvons intégrer les multiples couches de données de territoires et faciliter la prise de décision en matière de conservation d'aires protégées à l'intérieur de vastes territoires comme ceux du domaine de l'État. Canards Illimités procédera également à la confection de plans de conservation régionaux des milieux humides prioritaires conjointement avec le ministère de l'Environnement et la Société de la faune et des parcs du Québec. C'est une entente que nous venons de conclure tout récemment. En terres privées, nous possédons la souplesse nécessaire pour traiter avec les propriétaires et apporter également notre support technique et professionnel ainsi qu'un apport financier à la réalisation de réserves naturelles reliées à notre mission.

Il y a des éléments assez innovateurs dans le projet de loi, entre autres la notion de «paysage humanisé». En ce qui concerne cette notion de conservation que nous trouvons fort intéressante, nous croyons que cette notion pourrait être renforcée en faisant référence à la valeur patrimoniale, esthétique et écologique de paysages qui ont été forgés par l'homme sur de longues périodes de temps et qui témoignent encore aujourd'hui de l'histoire de la colonisation du territoire québécois. Dans ce type d'aires protégées, les activités permises seraient subordonnées à la conservation des paysages par le maintien des activités humaines qui les ont façonnés, de la qualité de vie des communautés et, évidemment, à la conservation de la diversité biologique de ces écosystèmes humanisés. On peut prendre en exemples les grandes superficies comme les terres du domaine de l'Île aux Oies dans la région de Montmagny, ou le Parc national de Plaisance, deux territoires qui ont été façonnés par des activités agricoles traditionnelles. Et, si ces activités-là de l'homme étaient arrêtées, bien, on aurait un changement de paysage complet, d'où le grand intérêt que cette notion de «paysage humanisé» soit bien campée dans le projet de loi.

L'article 22, la section III du chapitre I du titre II, traitant de mesures particulières de protection de certains milieux humides nous fait craindre, en plus des dépenses supplémentaires générées, une lourdeur certaine qui pourrait éventuellement nuire ou carrément bloquer la conservation de milieux naturels particulièrement visés par le projet de loi ou du moins retarder significativement l'application des mesures de protection nécessaires.

Ainsi, à l'article 22, l'item 4, comme l'article 66.1 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, pourrait être libellé comme suit: «Lorsqu'une demande porte sur une autorisation d'intervention dans un milieu naturel, le demandeur doit d'abord démontrer qu'il n'y a pas, ailleurs dans la municipalité locale et hors de la zone du milieu naturel, un espace approprié disponible aux fins visées par la demande.» Ainsi, le ministre peut rejeter la demande pour le seul motif qu'il y a des espaces appropriés disponibles hors de la zone naturelle.

De plus, les items 7 et 8, qui spécifient la nécessité pour le ministre de prendre en compte «les conséquences d'un refus pour le demandeur» et «la présence d'une disproportion marquée entre les bénéfices escomptés par la préservation du milieu naturel par rapport aux préjudices pouvant résulter d'une limitation ou d'une interdiction de réaliser l'intervention visée», nous font craindre que les impératifs économiques n'aient encore une fois préséance absolue sur la nécessaire conservation du patrimoine naturel du Québec, allant à l'encontre du développement durable. Ces articles du projet de loi n° 129, jumelés aux autres de même nature, les articles 2, 5 et 6, semblent mettre la table pour une contestation systématique par les opposants à l'établissement de mesures de protection de milieux naturels particuliers. En effet, ils laissent au ministre de l'Environnement le fardeau de démontrer la nécessité de protéger un territoire à partir d'éléments difficilement mesurables, comparables et ainsi facilement contestables comme, par exemple, «les effets néfastes de l'intervention...», item 1, et «les conséquences d'une autorisation sur le maintien de la biodiversité au Québec».

Canards Illimités réalise parfaitement que le développement durable vise un équilibre entre les domaines environnementaux, sociaux et économiques. Mais nous croyons que les aires protégées seront si peu nombreuses et si peu importantes en matière de superficie que la conservation du patrimoine naturel du Québec ne doit pas être subordonnée aux seuls impératifs économiques habituels, particulièrement ceux basés sur le court terme. Notre société a fait différents choix qui la guident dans les décisions qui affectent l'aménagement de son territoire. Certes, ces choix ont eu et ont encore des conséquences économiques. Ainsi, la société québécoise a opté pour la protection de son patrimoine agricole, son patrimoine culturel, et, aujourd'hui, la société est prête et demande que soit protégé son patrimoine naturel.

Les neuf éléments à prendre en compte à l'article 22 devraient donc être revus de façon à mieux équilibrer la prise en compte d'éléments de conservation difficilement mesurables et les impératifs économiques à l'opposé facilement quantifiables. En conséquence, nous croyons que les items 7 et 8 devraient être retirés du projet de loi n° 129.

n(20 h 50)n

Ces mêmes commentaires pourraient d'ailleurs s'appliquer aux articles 27 et 28 qui visent à permettre au ministre de l'Environnement la mise en réserve du territoire en vue d'en créer une aire protégée. Nous comprenons que le processus d'établissement d'une aire protégée doit se réaliser en collaboration entre les différents ministères et organismes gouvernementaux, mais nous nous interrogeons sur la façon d'arbitrer une situation conflictuelle face à un ministère à vocation économique. Nous croyons encore une fois que la conservation du patrimoine naturel sur une superficie très restreinte du territoire québécois ne devrait pas pouvoir être systématiquement bloquée par des considérations économiques, surtout de court terme.

C'est pourquoi nous soutenons le ministre dans sa volonté d'étendre le concept de réserve écologique projetée aux nouveaux statuts proposés. Cette disposition permettra au ministre de développer plus harmonieusement le réseau d'aires protégées en évitant un veto trop hâtif sur des projets difficiles qui demandent patience, tact, imagination et ouverture d'esprit pour voir le jour. Le développement récent du réseau de réserves écologiques est là pour témoigner que ces qualités ont été déployées par le ministre et le ministère de l'Environnement.

Les articles 37 et 38 nous apparaissent intéressants également pour ouvrir sur une réflexion visant à prévoir un fonds qui indemniserait des propriétaires ou organismes pour appliquer des mesures particulières de conservation ou d'entretien de certains paysages ou milieux, incluant les milieux humides et leurs habitats adjacents particulièrement en terres privées.

À l'article 52, nous soulevons la préoccupation quant à la nécessité de prendre en compte les effets d'amont à aval dans un bassin versant si l'on veut conserver l'intégrité des milieux désignés «réserves aquatiques», parce qu'on sait très bien que ce qui se passe en amont dans un bassin versant peut affecter fortement l'aval et une réserve aquatique pourrait être très intéressante au point de vue désignation territoriale, mais n'aurait aucune fonction ou une intégrité.

En résumé, M. le ministre, Canards Illimités souhaite que les milieux humides, riverains et terrestres adjacents de la plaine inondable et/ou d'un corridor vert soient intégrés aux réserves aquatiques; le gouvernement du Québec facilite la mise en oeuvre de ce projet de loi en garantissant les fonds nécessaires à son application; la notion de «paysage humanisé» fasse référence aux valeurs patrimoniales, esthétiques et écologiques; l'article 22 soit revu afin de faciliter la mise en oeuvre d'aires protégées à partir de considérations écologiques plutôt qu'économiques à court terme; le fardeau de la preuve de toute demande d'autorisation d'activités prohibées soit la responsabilité du demandeur et à ses frais; puis un fonds d'indemnisation ou autre mesure fiscale à l'endroit des propriétaires et organismes de conservation soit constitué. C'est tout.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Filion. Alors, nous allons maintenant débuter notre période d'échange, et je céderai la parole au ministre d'État à l'Environnement. M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. D'abord, M. le Président, un mot pour souhaiter la bienvenue aux représentants de Canards Illimités, leur souhaiter la bienvenue dans ce contexte particulier qui est le mandat que nous avons d'étudier le projet de loi n° 129.

Vos commentaires sont bien reçus. Vos commentaires sont une occasion pour nous cependant aussi de préciser un certain nombre de choses, entre autres l'article 22. Je n'ai pas à justifier ma décision. Je n'ai pas à rendre une justification, à exposer une... à motiver la décision que je prendrai. C'est un pouvoir discrétionnaire, mais un pouvoir discrétionnaire qui, par définition... ici, votre collègue, et je comprends qu'il est avocat...

Des voix: Notaire.

M. Boisclair: Notaire, il comprendra que, dans un pouvoir, dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, le ministre ne peut pas se comporter de façon arbitraire. La Cour a identifié de nombreux précédents. La discrétion doit s'exercer dans un contexte où des droits des uns et des autres sont entendus et il y a un certain concept de justice naturelle qui s'applique dans l'exercice de la discrétion. Un ministre ne peut pas, au nom de son pouvoir discrétionnaire, poser des gestes qui seraient farfelus et ne peut pas non plus agir sans tenir compte de l'impact de sa décision pour l'ensemble des gens qui sont intéressés par la décision.

Donc, on est venu fixer un certain nombre de paramètres. C'est clair que, sur le plan administratif, des travaux devront être faits au moment de prendre une décision sur chacun de ces éléments et que toute décision du ministre est appelable devant le Tribunal administratif du Québec si le ministre a erré en droit. Il m'apparaît que le type de pouvoir discrétionnaire que j'aurai à exercer en ces matières ne devra pas ouvrir la porte à grand litige et qu'à cet égard la peur que vous manifestez m'apparaît à ce moment-ci davantage le fruit d'une lecture pointue du texte que de l'interprétation du contexte de la loi et de la réalité qui est celle d'un ministre qui exerce au meilleur de sa compétence un pouvoir discrétionnaire.

Je veux vous dire aussi que, au sujet de certaines recommandations que vous nous faites, je prends bonne note de cette idée, là, d'ouvrir le concept de «milieu humide protégé» à celui du «corridor vert», soit intégrer aux réserves aquatiques ou d'ouvrir le concept de «réserve aquatique».

Quant au fonds, nous ne sommes pas ici pour discuter d'argent, nous sommes ici pour discuter d'outils juridiques. Déjà, au dernier budget, le gouvernement a pris des engagements; vous en êtes parmi les premiers bénéficiaires. Donc, ne confondons pas la loi et le budget, ce sont deux choses. Et c'est justement parce qu'on a des droits qu'on va chercher des budgets. Il faut d'abord s'entendre sur une mission et c'est au nom de cette mission que, par la suite, on va chercher des sous. Et aujourd'hui, notre défi, c'est de nous entendre sur la mission.

Sur le fonds d'indemnisation et autre mesure fiscale à l'endroit des propriétaires et organismes de conservation qui soit constitué, nous allons vous poser une question: Est-ce que vous avez des exemples où de tels fonds existent? Parce que Canards Illimités est présent dans plusieurs juridictions. Est-ce que vous pouvez nous donner un exemple où un fonds comme celui-là est en existence et permet d'indemniser des propriétaires? Déjà, vous savez qu'on a introduit une mesure fiscale pour éviter que vous ayez à payer des impôts fonciers. C'est une nouveauté que le ministre des Affaires municipales a introduite.

M. Filion (Bernard): Et on vous en remercie.

M. Boisclair: Et je pense que c'est une bonne chose. Mais, au-delà de ça, est-ce que... je n'ai jamais entendu parler, moi, d'un fonds d'indemnisation.

M. Filion (Bernard): Bien, c'est relié à la création d'un paysage humanisé. Si on veut maintenir... Parce que, souvent, ces paysages-là ont été façonnés par des activités qui s'abandonnent progressivement, que ce soit la réserve de Plaisance... le Parc national de Plaisance, le domaine de l'Île aux Oies, commune Yamaska, tous des territoires qui jadis ont eu des grands pâturages communautaires et qui se sont progressivement abandonnés, et le changement des pratiques agricoles a fait que ces activités-là ne sont plus rentables. Donc, si on veut maintenir ce paysage-là humanisé, ce paysage qui a été façonné par l'activité souvent agricole anthropique, on pense que, pour atteindre l'objectif, il va falloir supporter les communautés ou les groupes qui opèrent dans ce type de paysage là.

Des exemples du côté... En Europe, on sait qu'il y a un certain nombre de communautés, de pays qui supportent l'activité traditionnelle de paissance en montagne en Suisse, pour maintenir l'activité de paissance ou de... quand les gens vont visiter la Suisse, de voir du bétail en montagne. Et, étant de Charlevoix, je vous ramène tout de suite au Québec, étant de Charlevoix, bien, les montagnes des Éboulements, un jour, vont s'être transformées parce que les pratiques agricoles vont être abandonnées, parce que ce ne sera pas rentable de maintenir les paissances ou la culture du foin, donc on voit venir les grandes zones forestières. Ça va créer certaines attentes; certains groupes vont être satisfaits, mais, au point de vue paysage humanisé, c'est des paysages qui sont appelés à disparaître inévitablement.

Et le domaine de l'île aux Oies, ça fait 20 ans qu'on soutient le groupe propriétaire du domaine de l'île aux Oies pour maintenir une activité agricole qui n'est pas rentable, mais qui permet de garder un grand paysage ouvert qui est utilisé en migration par les oies blanches. Le même phénomène dans l'Outaouais où est-ce que les... la vallée de l'Outaouais qui possède des grandes prairies, puis qu'on a eu la chance de survoler ensemble, bien, beaucoup de ces territoires-là sont appelés à changer de façon importante parce que l'activité agricole s'abandonne.

Donc, c'est un fonds qui permettrait de maintenir un minimum d'activités. Ça pourrait être intéressant. Donc, c'était un appui ou un ajout monétaire qui aurait été au concept de «paysage humanisé», qui pourra peut-être permettre d'en essayer quelques-uns ou d'en soutenir quelques-uns. Donc, c'était le...

n(21 heures)n

M. Boisclair: ...commentaires, M. le Président, pour vous dire: La priorité va d'abord aller au soutien à l'acquisition. On veut aussi, particulièrement pour les aires protégées, avoir des ententes de conservation avec des groupes locaux. Est-ce que ces ententes pourront, un jour, ouvrir la porte à du financement pour le maintien d'activités que je pourrais qualifier de traditionnelles? Ce n'est pas prévu à ce moment-ci, je ne pense pas que ce soit le cas non plus à court ou à moyen terme, mais je prends note de votre demande.

Je vous remercie pour cette présentation. Puis, à nouveau, très publiquement, je voudrais vous laisser savoir toute la considération que j'ai pour le travail que vous faites, toute la considération aussi que les membres du gouvernement ont pour votre travail. C'est votre crédibilité qui a fait en sorte que nous ayons pu convaincre Mme Marois d'investir les sommes qu'elle a investies au dernier budget dans le soutien à l'acquisition. Nous travaillons en étroite synergie, M. le Président, avec Canards Illimités. Je suis heureux d'en rendre compte aux membres de cette commission.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Salaberry.

M. Deslières: Oui, merci, M. le Président. M. Filion, M. Duchesne, bienvenue à cette commission. Je voudrais revenir sur la notion de paysage humanisé. Et, je sais que ce n'est pas une notion nouvelle, là, c'est nouveau en termes de... lorsqu'on les applique dans nos textes législatifs ou dans nos textes réglementaires, quoique dans l'élaboration des schémas d'aménagement par les MRC, c'est quand même une notion qui est très variable et très variante. Je pense que pour plusieurs... Il n'y a pas beaucoup de MRC qui ont ça dans les textes de schémas d'aménagement, mais on voit que ça vient.

Mais je m'en voudrais de ne pas profiter de votre passage à cette commission pour vous demander de définir votre pensée, d'articuler votre pensée, puisque vous nous dites, à la page 3 de votre mémoire, en ce qui concerne la notion de paysage humanisé ? bon, je saute ? il faudrait que tout ça fasse référence à la valeur patrimoniale, esthétique et écologique. Est-ce que ce n'est pas intrinsèque pour définir cette notion de paysage humanisé? Alors, je vous laisse la parole puis j'aimerais ça profiter de votre passage pour que vous définissiez vraiment votre pensée sur cette notion-là, là. Puis on voit beaucoup d'avenir en passant.

M. Filion (Bernard): Donc, effectivement, les trois attributs, trois valeurs: patrimoniale, esthétique et écologique, c'est ça, un paysage humanisé, avec l'activité humaine qui le maintient. Et on voulait que... Vraiment, j'en fais référence pour qu'il y ait une notion écologique. Parce qu'il y a toujours un objectif poursuivi par une démarche, on a... Tout à l'heure, M. Boisclair mentionnait la protection, l'acquisition. On a des exemples d'acquisitions, il y a 30 ans au Québec, commune de Yamaska, qui ont été acquises parce que c'est un immense pâturage communautaire. Et, entre autres, cette terre est tout près de la baie Lavallière, donc très importante pour la halte migratoire pour la bernache du Canada. Il n'y a plus de migration pour la bernache du Canada dans ce territoire-là parce que l'activité humaine, le pâturage a été arrêté. Donc, les notions écologiques ont totalement été changées. Ça fait que c'est pour ça qu'on essaie d'amener ce concept-là à trois têtes en même temps: le patrimoine, l'esthétique, qu'est-ce qu'on veut conserver, et l'aspect écologique. Donc, autrement dit, pour la pensée qu'on avançait tout à l'heure, dans un paysage humanisé comme la Yamaska, on aurait dû s'assurer qu'on... On l'a acquis pour une valeur écologique, puis s'assurer qu'on le maintient à long terme et non que cette valeur-là évolue. Je ne vous dis pas qu'aujourd'hui la Yamaska, la commune, a une valeur écologique inférieure à ce qu'il y avait il y a 30 ans, mais très différente.

M. Deslières: Ça va pour moi.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Oui. Merci, M. le Président. MM. Filion et Duchesne, les remarques que vous faites... Vous faites des commentaires, des suggestions, des recommandations. C'est tout à fait normal et logique, c'est pour ça que la commission existe, et l'objectif de ces commissions-là, des auditions est d'écouter les recommandations dans le but de bonifier autant que possible les lois qu'on fait. En même temps, je suis très heureux de voir que Canards Illimités, vous êtes favorables à l'initiative du gouvernement du Parti québécois de mettre en place cette Loi de conservation du patrimoine naturel.

Ce n'est pas la première initiative du gouvernement. Tout récemment encore, il y a eu la politique de l'eau du même ministre. Cette politique de l'eau est arrivée la semaine dernière, mais elle est en préparation... Une politique aussi importante, ça prend des mois, des années de préparation, et je pense que ça fait une suite logique à toute une démarche. Les aires protégées qu'on parle, là, dans cette loi-là qui concernent spécialement la faune, les aires protégées, entre autres, au niveau des milieux humides, ça fait aussi partie... Avec toute la démarche des aires protégées qu'on parle depuis déjà plusieurs années, entre autres avec la politique nationale sur les forêts, tout ça fait que c'est des démarches qui n'arrivent pas aujourd'hui, c'est un processus qui a plusieurs années de travail, et de réflexion, d'aboutissement. Et, dans ce sens-là, vos réflexions vont aider le gouvernement à mettre en place, à faire adopter cette Loi de conservation du patrimoine, la loi n° 129, avec un ministre qui a d'autres responsabilités ? tantôt je parlais de l'eau, mais il y a aussi au niveau municipal ? qui fait qu'il y a là toute une démarche pour nous aider à voir l'avenir, à y poser des jalons importants. Et, là-dessus, les organismes qu'on va entendre aujourd'hui et demain, principalement le vôtre que vous représentez, font en sorte que ça nous incite à aller encore le plus loin possible.

Maintenant, dans ma région, il y a certaines activités de votre organisme, et je dois avouer que je ne suis pas le plus grand... Je connais Canards Illimités surtout par la littérature, parce que vous faites à travers tout le pays... Et puis je trouve ça toujours fantastique. J'aimerais vous connaître un petit peu plus, davantage. Lorsque vous dites que vous êtes propriétaires de terrains privés au Québec, j'aimerais un petit peu connaître l'ampleur, mais aussi connaître davantage qu'est-ce que vous avez comme projets, nous dirons, sur une base quinquennale pour un petit peu voir l'importance du partenariat qui existe, mais qui va s'accélérer entre le gouvernement et votre organisme.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Filion, je vous demanderais de répondre inversement proportionnel à la longueur de la question qui vous a été posée, puisque le temps imparti au gouvernement est déjà écoulé. M. Filion.

M. Filion (Bernard): Donc, Canards Illimités, 25 ans d'activité au Québec. On a sous-ententes avec des propriétaires privés, le gouvernement, la province, le gouvernement fédéral, 25 000 hectares qu'on a... Sous-ententes à long terme, de durée de 20 à 40 ans, ça varie.

Également, nous, depuis quelques années, on acquiert des terres des milieux humides où est-ce qu'on considère que la conservation des milieux humides, c'est un coffre à outils, et la protection, c'est une façon de faire qui... Une fois qu'il est acquis, on le sort de la spéculation, on le sort de la menace de disparition. On a aussi un important programme de restauration des milieux humides qui ont été dégradés, qui ont été drainés, qui ont eu une altération, et on met en place progressivement une démarche de sensibilisation au point de vue des clientèles agricoles et forestières. Puis on a un volet éducation avec les jeunes aussi.

Donc, au Québec, Canards Illimités, c'est tout près de 25 employés, 22 employés permanents avec des disciplines, la géomatique, génie civil, agronomie, biologie. Et, tout récemment, on vient d'adjoindre à l'équipe aménager du territoire... des techniciens. Donc, c'est une équipe qui est très multidisciplinaire, et on travaille en partenariat avec beaucoup de ministères et beaucoup de groupes, le groupe du patrimoine écologique, la Société de la faune et des parcs du Québec, on a Environnement Canada. Il y a un atlas des milieux humides qu'on a développé. Donc, on investit sur le territoire, mais on investit aussi en développement et en planification stratégique.

Vous me demandez pour les cinq prochaines années. En 30 secondes, on a un plan quinquennal qui va être relâché prochainement, 2003-2008, où est-ce qu'on va préciser nos zones prioritaires d'intervention et les stratégies qu'on veut mettre en place avec chacune des régions administratives du Québec.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Filion. Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Oui. Bonjour, messieurs. Je voudrais vous poser une question très rapide. J'imagine, vos interventions sont principalement en terrains privés?

M. Filion (Bernard): Essentiellement, on travaille en terres privées, mais aussi en terres publiques.

n(21 h 10)n

M. Whissell: O.K. Il y a un an, le gouvernement a adopté une loi justement pour permettre la création de réserves naturelles en terres privées où on inclut, on introduit d'ailleurs la notion de paysager dans le préambule de la loi, à l'article 1. Pouvez-vous nous dire, depuis un an, ce que le gouvernement a fait avec cette loi?

M. Filion (Bernard): En termes sur les réserves naturelles en milieu privé?

M. Whissell: Oui.

M. Filion (Bernard): On a signé une entente avec le gouvernement, une entente d'une valeur de 2,4 millions. Donc, nous, on a apparié les fonds. Il y avait 1,2 million qui nous a été rendu disponible par le groupe du patrimoine écologique, et on a signé une entente, laquelle on livre avec des cibles prioritaires, en collaboration avec l'équipe du patrimoine écologique et la société Faune et Parcs du Québec, des sites prioritaires de conservation. Donc, on travaille actuellement sur des territoires du côté de l'Outaouais. On en a beaucoup dans la région de l'Outaouais, mais également région de Québec, région de Sept-Îles. Donc, on a une approche... Ça nous a permis... Cette entente-là nous a permis de pratiquement doubler notre capacité d'intervention. Parce que nous, on a quand même un budget d'investissement autour de 2 à 2,5 millions directs, mais, grâce à ces fonds-là disponibles, ça nous a permis d'accroître notre capacité de conservation au Québec.

M. Whissell: Et, avec la nouvelle loi, est-ce que vous pensez que ça va vous donner un dynamisme additionnel?

M. Filion (Bernard): Cette loi-là englobe les activités. C'est plus élargi. Donc, nous, ce qui nous intéressait beaucoup, c'est la réserve naturelle privée qui... C'est un outil de conservation qu'on n'avait pas dans le passé, qui nous permettait vraiment de signer des ententes à long terme, pas juste la protection, mais également les réserves naturelles en milieu privé. Donc, c'est un outil de conservation qui nous a été apporté.

M. Whissell: Le ministère de l'Environnement avait entamé, il y a un an, un an et demi, une révision de toute la limitation, là, des milieux humides en bordure des cours d'eau. Vous avez dû un peu suivre ce débat, est-ce que vous pouvez nous dire, aujourd'hui, c'est rendu où?

M. Filion (Bernard): Il y a encore beaucoup de travail à faire.

M. Whissell: Parce qu'on n'en entend plus parler depuis un an, les fonctionnaires ont comme disparu des régions. On avait des propositions de cartes pour augmenter justement les milieux humides en bordure des cours d'eau, des lacs. Est-ce qu'il y a des travaux qui se continuent?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Filion.

Une voix: ...

M. Whissell: Alors là je pose une question.

M. Filion (Bernard): Il y a un besoin urgent et criant de conservation des milieux humides au Québec. Nous, ça fait 25 ans qu'on travaille pour la conservation, et on a besoin d'outils légaux, administratifs pour nous permettre d'accroître et d'accélérer la conservation des milieux humides, d'où notre critique ou commentaire sur l'article 22 qui était de dire: Oui, l'aspect discrétionnaire, mais ce qu'on veut, là... C'est qu'un milieu humide, là, pris à l'hectare près, quand on le met en opposition à un building, quand on le met en opposition à une exploitation minière ou forestière, ça ne fait pas le poids, donc des outils qui nous permettent vraiment d'aller de l'avant et de conserver ou de protéger de façon légale le littoral. Parce qu'on n'a aucune prétention d'acheter tout ce qu'il y a de milieux humides au Québec, mais, à des limites, des fois, là, on regarde les zones littorales, puis ça serait peut-être la solution, parce que la pression est tellement grande, les besoins économiques sont énormes, mais les ressources monétaires ne sont pas là.

Donc, ça prend des outils pour progresser, et, dans la loi qui est en place, on a un certain nombre d'outils légaux qui vont être mis en place qui vont nous permettre de protéger... Mais les milieux humides, là, là, il ne faut pas se le cacher, c'est ce qu'il y a de plus menacé comme habitat présentement pour le développement parce que ça ne fait pas le poids, d'où notre commentaire sur l'article 22 qui était que, quand on met en opposition une activité de développement, un golf par exemple, versus un hectare de milieux humides... C'est sûr que même moi, personnellement, si j'arbitrais ça, je vais dire: Oui, 10 millions, un hectare, on va essayer de trouver une place ailleurs. Mais c'est un hectare de perdu, un hectare de perdu. Et, c'est dur de les compenser, ça ne se compense pas. Donc, c'est pour ça que c'est un tout, cette approche-là. Mais il y a encore beaucoup à faire, puis on est content que, dans la dernière année, effectivement, le ministère de l'Environnement a donné une erre d'aller dans la conservation des milieux naturels, particulièrement les milieux humides.

M. Whissell: J'ai l'impression, en vous écoutant, que, dans le fond, ce que vous dites, c'est que dans les milieux privés, si on veut augmenter les aires protégées, ça prend des moyens. Parce que les gens, justement, ils ont un bien qui leur appartient, c'est un bien, souvent, qui est en terres privées. Donc, les gens peuvent vouloir en bénéficier. Sans moyens, on s'en va où au niveau de la protection des milieux humides en terres privées?

Le Président (M. Pinard): M. Duchesne.

M. Duchesne (Christian): En terres privées, évidemment, ça a été fait par l'annonce de la Loi sur les réserves naturelles en milieu privé qui était une demande expresse des organismes de conservation, hein, qui était une réponse à la demande des organismes de conservation, hein, qui était une réponse à la demande des organismes de conservation. D'autant plus qu'il y avait un problème juridique, à savoir la question des servitudes que le gouvernement a réglée par cette question-là, par les réserves naturelles en milieu privé et à laquelle, récemment, le ministre a fait des annonces pour donner en plus un incitatif fiscal par un congé de taxes. Alors, évidemment, c'est vraiment une réponse, là, importante et, je crois, un incitatif important en milieu privé.

D'autant plus qu'il y avait une problématique, c'est que lorsqu'on signe des ententes entre un propriétaire et un organisme, bon, et si, à un moment donné, il y a un non-respect de l'entente, l'organisme est obligé de prendre le chapeau du policier ou de la police pour faire respecter l'entente, et ça, ce n'est pas facile pour un organisme de conservation. Ça prend des moyens pour faire respecter, aller devant les tribunaux, au pire, là, pour aller faire respecter cette entente-là, alors que la Loi sur les réserves naturelles en milieu privé, bien le ministère de l'Environnement nous propose que cette responsabilité-là relève maintenant du ministère de l'Environnement, ce qui fait que l'organisme de conservation peut concentrer toutes ses énergies sur la protection, qui est sa mission. Alors, je crois qu'effectivement la Loi sur les réserves naturelles, qui est tout simplement intégrée à une autre loi, là, mais qui va servir aux mêmes fins, est un outil qui est considérable pour le milieu de la conservation.

M. Whissell: Vous dites que ça va vous donner le moyen, justement, de contrôler puis de poursuivre s'il y a lieu?

M. Duchesne (Christian): Tout à fait.

M. Whissell: O.K. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Non, ça va. Très bien.

Le Président (M. Pinard): Ça va? Autres questions? M. le député de Saguenay, ça va? Alors, merci infiniment de vous être joints à nous, et je vous remercie de l'échange que nous avons eu. Je suspends quelques instants et j'inviterais les gens de Conservation de la nature ? Québec à bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 21 h 17)

 

(Reprise à 21 h 18)

Le Président (M. Pinard): Alors, nous allons maintenant recevoir les gens de Conservation de la nature ? Québec qui sont représentés par M. Pierre Renaud, directeur régional, et Mme Louise Gratton. Alors, je vous inviterais, madame, monsieur, à bien vouloir nous rendre compte de votre mémoire. Et, pendant 15 minutes, on vous donne le temps de parole, et ensuite il y aura échange avec les membres de la commission. Alors, monsieur, madame.

Conservation de la nature ? Québec (CNQ)

M. Renaud (Pierre): Alors, bonsoir. Mon nom est Pierre Renaud, directeur régional de Conservation de la nature.

Mme Gratton (Louise): Louise Gratton. Je suis coordinatrice des... régionaux pour Conservation de la nature.

M. Renaud (Pierre): Alors, M. le Président, M. le ministre, distingués députés et membres de cette commission, bonsoir. J'avais apporté quelques brochures. Enfin, j'espère que ça a été distribué de façon parcimonieuse afin que tous et chacun puissent avoir une copie. Ce n'est pas le mémoire que vous avez entre les mains, mais une brochure qui situe un peu notre organisme. Le mémoire, vous le recevrez un petit peu plus tard par la poste ou par... On m'a mentionné tantôt par voie électronique. Du fait du délai qu'on a eu, donc, on a préféré préparer quelque chose sans nécessairement avoir un document écrit à vous remettre ce soir, ce qui va me permettre de pouvoir vous regarder dans les yeux, puisque vous n'aurez pas le choix que de m'écouter effectivement, n'ayant pas de document écrit.

Une voix: ...

n(21 h 20)n

M. Renaud (Pierre): Ha, ha, ha! Au nom de tous les membres du conseil d'administration, les membres du personnel et les partenaires de Conservation de la nature, nous vous remercions de votre invitation.

Tout d'abord, j'aimerais présenter aux membres de cette commission la mission de notre organisation et l'expertise que nous avons su développer grâce à nos 40 années d'expérience dans le domaine de la conservation. Alors, Conservation de la nature est un organisme philanthropique, sans but lucratif, qui a été fondé en 1962 pour répondre à un seul et unique mandat, à savoir assurer la survie de notre faune et de notre flore en voie de disparition. Nous garantissons ainsi aux générations futures un exemple vivant de notre biodiversité et une excellente qualité de vie. D'ailleurs, selon les exigences de la classification internationale de l'Union mondiale de la nature sur les aires protégées, notre organisme travaille à la protection d'importants espaces naturels soit en faisant l'acquisition de terres, en recevant des donations ou des servitudes de conservation. Dans tous ces cas, l'objectif recherché n'est nul autre que la sauvegarde du patrimoine naturel québécois à perpétuité.

Ces acquisitions ou l'établissement de servitudes en faveur de Conservation de la nature sont effectués grâce au soutien et à la participation financière de partenaires très importants ayant un grand intérêt pour la conservation, à savoir des donateurs privés, des donateurs corporatifs, des organismes et des fondations privées ainsi que les gouvernements.

Depuis 1973, Conservation de la nature a acquis plus de 85 propriétés au Québec au sein d'une quarantaine de sites naturels représentant près de 7 900 hectares préservés, soit 20 000 acres. Pour l'ensemble du Canada, Conservation de la nature est propriétaire de 1,8 million d'acres, ce qui fait de Conservation de la nature le plus grand organisme de conservation privé au Québec et au Canada. Une fois protégés, il nous arrive même d'en transférer soit la gestion ou la propriété en faveur d'organismes locaux ou au gouvernement afin de favoriser la création de réserves écologiques ou de refuges nationaux de faune, et cela, à des conditions strictes garantissant la protection de ces sites pour le bénéfice des générations présentes et futures. À titre d'exemple, voilà un an, M. le ministre vous vous en souviendrez, nous avions transféré quatre kilomètres de territoire à Thetford Mines au ministère de l'Environnement pour la création d'une réserve écologique, celle des Trois Monts de Coleraine.

Outre l'acquisition de terres privées permettant le développement du réseau d'aires protégées au Québec, Conservation de la nature participe activement à des ententes de partenariat, tant professionnelles que financières, pour l'élaboration d'outils essentiels à l'avancement des sciences de la conservation, par exemple la participation de Conservation de la nature en partenariat visant la réalisation de plans de conservation écorégionaux avec le ministère de l'Environnement du Québec, et ce, depuis 1990. Le produit de ces plans consiste à identifier les sites prioritaires pour la conservation de la biodiversité dans les régions les plus menacées au Québec.

Vous comprendrez, M. le Président, qu'en raison de la mission de notre organisme c'est donc avec beaucoup d'enthousiasme et dans un esprit de collaboration et d'échange d'expertise que nous avons accepté l'invitation de cette commission. Toutefois, je dois mentionner que le délai était très court afin de se préparer comme on aurait dû... enfin, comme on aurait voulu le faire. Mais nous comprenons les échéanciers du ministre et nous comprenons aussi l'échéancier de la fin de l'adoption des lois prochainement.

Par le dépôt du projet de loi n° 129, le ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole, à l'Environnement et à l'Eau, M. André Boisclair, nous donne une occasion unique, ce soir, de placer au coeur de la préoccupation des Québécois la conservation du patrimoine naturel québécois dans une perspective de développement durable. D'ailleurs, M. le Président, j'aimerais féliciter M. le ministre pour sa contribution en ce sens.

Notre vision, c'est également le partenariat, raison pour laquelle nous sommes très heureux d'ajouter notre voix à celle du ministre, aux membres de cette commission et des organismes invités pour très humblement partager notre appréciation du projet de loi.

Pour nous, ce projet de loi s'inscrit dans l'esprit des obligations internationales du Québec à l'égard, notamment, de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique. Il se veut un nouveau cadre juridique tenant compte de consultations diverses menées par le ministère de l'Environnement soit pour la mise en oeuvre de la Stratégie québécoise sur les aires protégées ou pour la mise en oeuvre de la Stratégie québécoise sur la biodiversité. Dans ce contexte, notre organisme ne peut que souscrire positivement à l'objectif général du projet de loi de sauvegarder le caractère, la diversité et l'intégrité du patrimoine naturel du Québec par des mesures de protection concrètes. C'est d'ailleurs la raison d'être de notre organisation.

Nous pensons, M. le Président, que de regrouper dans un même projet de loi les actuelles mesures législatives relatives aux réserves écologiques et aux réserves naturelles en milieu privé avec de nouvelles mesures reconnaissant de nouveaux statuts contribue à clarifier la vision du législateur de créer un cadre juridique unique qui correspond aux exigences de la classification internationale sur les aires protégées. De plus, le dépôt de ce projet de loi correspond, selon nous, à une volonté d'évoluer en matière de conservation en proposant de nouvelles façons de faire dans le domaine des aires protégées, tout en conservant les actuelles dispositions sur les réserves écologiques et sur les réserves naturelles en milieu privé. Ainsi, de regrouper dans un seul texte législatif toutes les responsabilités du ministre de l'Environnement contribuera très certainement, selon nous, à favoriser une plus grande cohérence des interventions gouvernementales et une meilleure compréhension des moyens mis à la disposition. Pour renforcer encore plus cet objectif, nous vous proposons, M. le Président, quelques modifications à certains articles du projet de loi ainsi que quelques suggestions de réflexion. En ce qui a trait notamment à l'obligation du ministre, prévue à l'article 5 du projet de loi, de tenir un registre des différentes aires protégées, Conservation de la nature aimerait avoir l'assurance que seront répertoriées tant les terres privées que municipales ? et j'insiste sur les terres municipales ? que publiques afin de dénoncer leur statut et ainsi leur assurer une protection maximale.

Quant à l'idée de solliciter, à l'article 7, la collaboration des différents ministères et organismes gouvernementaux en matière de protection de la biodiversité dans le domaine qui relève de leur compétence, celle-ci nous apparaît excellente. Notre propre expérience nous a démontré que nous sommes souvent plusieurs organismes tant publics que privés à détenir des connaissances sur des sites. Nous avons donc toujours privilégié une mise en commun des ressources et des intérêts de chacun afin de favoriser une garantie de succès pour la protection des milieux naturels, et c'est pourquoi les organisations en matière de conservation travaillent pratiquement chaque jour en partenariat. C'est le cas notamment avec Conservation de la nature, Canards Illimités et d'autres groupes de conservation locaux.

À l'article 14, M. le Président, nous soumettons à cette commission la proposition de remplacer le mot «concertation» par le mot «collaboration» afin que le ministre de l'Environnement conserve son leadership en matière de conservation. Cet article devrait se lire comme suit, et je cite: «Le ministre dresse le plan d'un milieu naturel qu'il entend désigner en vertu de l'article 13 en collaboration avec la Société de la faune et des parcs du Québec», etc. D'ailleurs, pour bien illustrer notre proposition, nous pouvons prendre l'exemple de l'article 27, deuxième alinéa, qui prévoit déjà l'utilisation avec la collaboration du ministre des Ressources naturelles. Nous proposons donc également à la commission de s'assurer que toutes les dispositions de ce projet de loi adoptent ce principe de collaboration.

n(21 h 30)n

En ce qui a trait au régime d'ordonnance prévu à l'article 25 ? il s'agit ici d'un élément fort important ? nous croyons qu'il est essentiel d'octroyer le pouvoir au ministre d'intervenir non seulement lorsqu'il existe une menace réelle que soit dégradé de manière irréversible un milieu naturel qui se distingue par la rareté ou l'intérêt exceptionnel, mais également lorsqu'il existe une menace appréhendée qu'il soit dégradé. Nous nous devons d'inclure dans cet article un principe de précaution afin d'éviter tout dommage. Nous proposons donc l'ajout, à cet article, après le mot «menace», des mots «appréhendée et/ou». Pourquoi? C'est que souvent, dans l'expérience de conservation, lorsque les groupes s'intéressent à protéger un site, l'intervention de la municipalité ou l'intervention de l'État se fait tardivement et souvent les pelles mécaniques... ou les permis ont déjà été donnés par la municipalité pour un site. Alors, je crois que, lorsque cette menace, elle est appréhendée, le ministre devrait intervenir beaucoup plus rapidement afin de préserver ce site que s'il fallait attendre une menace réelle.

Quant à l'article 29, nous questionnons la pertinence de prévoir de si longs délais et nous ne croyons pas que ce soit à l'avantage de la conservation. Toutefois, notre organisme ne connaît pas les motifs qui ont amené l'instauration de ces délais, mais nous croyons très sincèrement qu'il y aurait lieu de les écourter, tout en conservant la possibilité pour le gouvernement de les prolonger, s'il y a lieu.

Nous proposons, à l'article 34, que le plan de conservation élaboré pour une réserve aquatique, une réserve de biodiversité ou un paysage humanisé projeté fasse l'objet de révision qui pourrait être à tous les sept ou 10 ans. Notre expérience de gestion de nos propres sites nous a permis de constater que, dans l'intérêt de la conservation et afin d'assurer une protection maximale de nos terres, il y a lieu de procéder à une révision afin de s'assurer de l'application et de la pertinence de ce plan.

À l'article 51, alinéa g, iii, nous proposons de retrancher le mot «industrielles». Cette activité nous apparaît totalement incompatible avec le statut d'une réserve aquatique et de réserve de biodiversité.

Alors, on m'a fait signe qu'il me restait seulement quelques minutes. Je vais essayer d'accélérer le tempo, mais je voudrais quand même, M. le Président, avec votre permission, terminer mon allocution. Merci.

Pour Conservation de la nature, dont le principal mandat est d'assurer la protection de terres au sud du Québec, en territoires souvent urbanisés et privés, l'ajout de nouveaux statuts juridiques proposé permettra, pour l'État, d'élargir un éventail d'interventions afin de protéger l'intégrité des cours d'eau, des milieux estuariens et marins et pour reconnaître et protéger les paysages naturels à des fins de conservation. Nous souhaitons que la mise en place de ces nouveaux statuts se fasse dans le cadre d'un processus diversifié et souple sans toutefois sacrifier d'aucune manière, par quelque pouvoir que ce soit, le caractère perpétuel de la protection.

Nous reconnaissons également qu'un encadrement scientifique rigoureux devra soutenir cette loi afin de s'assurer que personne ne puisse interpréter ou dévier les principes de conservation et de biodiversité. Elle doit également répondre à la conservation des milieux naturels les plus menacés du territoire québécois, et qui se trouvent en milieux urbain et périurbain, et donner les outils nécessaires aux intervenants municipaux pour collaborer concrètement à la volonté exprimée par la mise en oeuvre de cette loi.

Soulignons, M. le ministre, M. le Président ? toutes mes excuses ? que plus de la moitié des espèces menacées au Québec se trouvent sur des terres privées. Par exemple, la vallée du Saint-Laurent, constituée majoritairement de terres privées, abrite plus de 83 % des espèces de plantes et d'arbres au Québec, 60 % des oiseaux aquatiques, 58 % de ses héronnières et près de 80 % de la population humaine vivant au Québec. Raison pour laquelle, M. le Président, nous croyons que ce projet de loi doit clairement, et j'insiste sur ce point, attribuer au ministre de l'Environnement des pouvoirs spécifiques pour intervenir en milieu urbain.

Ainsi, par exemple, et tel que libellé, est-ce que les articles 13 et 19 permettent la protection adéquate des milieux naturels en milieux urbain et périurbain? N'aurions-nous pas intérêt à être un peu plus spécifiques à cet égard? Ce projet de loi doit être le véhicule par excellence pour intervenir en milieu urbain. Et je soumets donc notre réflexion à la commission pour davantage lier les municipalités à la protection des milieux naturels, tout particulièrement en ce qui concerne la protection des boisés, des milieux humides et des cours d'eau en milieux urbain et périurbain.

À cet égard, l'article 22 pourrait notamment permettre au ministre de tenir, avec la participation active de la municipalité, des audiences publiques sur le territoire où il y aurait une demande d'autorisation sur un milieu désigné par le ministre. Cela permettrait ainsi aux municipalités de participer concrètement à l'action gouvernementale de conservation, ce qu'ils ne font pas à l'heure actuelle; cela leur donnerait également l'opportunité de découvrir ? parce qu'ils ne le savent pas encore ? de découvrir ce qu'est véritablement le développement durable. Il ne faut pas oublier qu'en matière de conservation, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, les permis de construction se donnent tout d'abord par les municipalités. Alors, lorsque l'État veut intervenir, il y a toujours cette problématique-là, et je crois que les articles 13 et 19 ainsi que le pouvoir à l'article 22 vont pouvoir permettre une intervention efficace en milieux urbain et périurbain.

Enfin, je ne peux demeurer silencieux devant une autre initiative du ministre allant en ce sens. J'aimerais le féliciter pour l'initiative extrêmement importante pour garantir le développement des réserves naturelles en milieu privé par l'exemption fiscale prévue à l'article 135 de l'actuel projet de loi n° 137, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. Nous croyons, M. le ministre, qu'il s'agit là d'un geste qui vous honore. Cela va permettre aux organisations comme les nôtres de pouvoir travailler et de faire enregistrer nos sites que nous avons et ainsi permettre une protection perpétuelle.

Comme on dit souvent, c'est toujours grâce à des rêves que nous réalisons de grandes choses. Alors, nous sommes bien conscients, M. le Président, que l'actuel ministre de l'Environnement s'est fait un devoir de placer haut à l'agenda gouvernemental le développement durable, la biodiversité, les aires protégées. Nous voulons le féliciter et encourager tous les membres de cette commission à poursuivre leur effort.

Et en terminant, j'aimerais vous laisser sur une pensée de Mark Twain qui disait, à l'époque: «Achetez de la terre, on n'en fabrique plus», en ceci voulant mentionner qu'effectivement, si on ne prend pas soin de la terre aujourd'hui avant qu'elle soit développée, il sera trop tard. Merci bien.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Renaud. Alors, sans plus tarder, M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, le décorum de cette assemblée, de cette commission nous impose une certaine façon de faire, mais je voudrais saluer nos invités et dire bonjour à mes amis, dire bonjour aux représentants de Conservation de la nature, leur dire que non seulement savons-nous travailler en collaboration, nous savons aussi travailler en concertation, et je suis content de la qualité du dialogue que nous avons su établir, et, je tiens à le dire, ce dialogue qu'on a su établir beaucoup aussi à cause de la compétence des gens qui m'entourent. Je pense particulièrement aux officiers brillants et compétents du ministère de l'Environnement.

Je tiens à dire aux membres de cette commission que le ministre a eu la tâche facile de faire entendre la voix des groupes, la voix des professionnels du ministère, des gens engagés qui travaillent près de moi. J'ai eu la tâche facile parce que, après tous les efforts investis, le temps investi par les gens du ministère, le dossier était mûr, et j'ai su, à ma façon, contribuer à l'avancement de ce projet, mais cela n'a pas été une tâche fort complexe, sachant la qualité du travail qui avait été fait par les groupes et par les gens du ministère. Je pense que lorsque vient le temps de discuter du mérite d'un projet de loi, il faut dire ces choses.

Je voudrais réagir en vrac à quelques-uns de vos commentaires pour vous donner quelques indications et donner aux membres de la commission des indications. D'abord, 51 g, «les activités industrielles et commerciales», ça ne devrait pas être là. Alors, ce sera retiré du projet de loi. Ça ne devait pas être là.

Sur la question du pouvoir du ministre, une «menace réelle ou appréhendée», l'article 25, je retiens le concept de «réelle ou appréhendée». Nous allons amender le projet de loi.

Sur l'article 29, le renouvellement ne peut avoir pour effet de porter la durée d'une mise en réserve à plus de huit ans... Je suis prêt à considérer une plus courte période de temps. Il y a un cycle qu'il faut respecter dans le secteur des mines, me dit-on, ce qui avait justifié le délai, mais je veux aussi vous dire que je dois aussi considérer certaines dépenses de capital qui ont été faites par des sociétés d'État sur des projets de construction de centrales hydroélectriques sur certaines rivières, des dépenses qui ont été capitalisées, et, si j'avais à donner un statut de protection définitif, les montants ainsi capitalisés devraient immédiatement passer au compte de dépenses.

n(21 h 40)n

Je veux donc me donner un délai de temps suffisamment long pour permettre de maintenir une réserve temporaire qui permettrait à ceux qui ont investi ces argents en capital qu'ils puissent les passer à un certain rythme au compte de dépenses ? je pense que vous comprenez l'importance de ces délais ? parce qu'on se retrouve dans certains cas ? c'est le cas en particulier de l'Ashuapmushuan ? où il n'y a pas véritablement de projet hydroélectrique. Le statu quo n'est pas dommageable. Si on voulait le mettre en réserve comme ça, demain, et dire: À jamais, si on bloquait tout développement, ça a des impacts financiers dans la gestion de la trésorerie d'Hydro. Je veux donc m'assurer d'avoir la souplesse nécessaire pour atteindre l'objectif environnemental et aussi pour permettre à Hydro de lisser correctement sa dépense dans le temps. Je vous dis cette chose parce qu'elle est importante puis elle n'est pas insignifiante dans la discussion. Je veux aussi m'assurer que les discussions se fassent correctement sur le statut de protection qui sera accordé sur un territoire, statut qui peut varier sur des sous-territoires. Mais huit ans? Peut-être sera-t-il ramené à six. Je prends note de votre commentaire.

Sur la question du registre, nous allons, oui, tenir compte des parcs municipaux dans l'établissement du registre. C'était le commentaire que vous aviez fait sur l'article 5.

J'ai fait 25, j'ai fait 29. Vous aviez un commentaire sur... Oui. Sur 33, est-ce qu'il y avait un commentaire particulier? J'ai pris une note, mais je ne pense pas.

M. Renaud (Pierre): Non.

M. Boisclair: Il y avait un dernier commentaire sur 16 et 19.

M. Renaud (Pierre): 22.

M. Boisclair: Ah oui, la révision, oui. Je m'excuse. La révision des plans de conservation, on dit oui, il y aura une révision des plans de conservation. Donc, on fera le nécessaire pour que ce soit plus clair au texte de loi. On pense à une révision à tous les sept ans. Mais on pourra poursuivre cette discussion.

Et votre dernier commentaire sur ce que vous avez appelé «13, 15 et 22»...

Mme Gratton (Louise): C'est sur les milieux urbains.

M. Boisclair: C'est ça, sur le milieu urbain. Ma compréhension ? puis je vais la fouiller plus à fond, je ne me sens pas à l'aise pour vous donner comme ça une réponse sur-le-champ, je voudrais en discuter avec mes collaborateurs ? c'est qu'il n'y a aucune difficulté pour l'application de ces outils en milieu urbain. Si jamais il y en avait, je verrais à les régler. Mais je ne saisis pas correctement en quoi il y aurait une difficulté en milieu urbain. Peut-être souhaiterez-vous préciser votre pensée. Mais il n'y a pas de difficulté sur l'application en milieu urbain. Je peux vous rendre la parole puis revenir aussi.

M. Renaud (Pierre): Écoutez, M. le ministre, c'est tout simplement que la loi, en soi, lorsqu'on la lit, on voit que dans son ensemble elle a une application qui tend plus vers les terres de l'État que vers le territoire privé, d'une part. La seule opportunité qu'on voit au niveau de l'application en terres privées, c'est la question, bon, du paysage humanisé, au niveau des définitions, et les articles 13 et 19 où, là, il semble y avoir une possibilité d'intervention. Nous, ce qu'on veut, c'est tout simplement s'assurer que cette possibilité d'intervention existe réellement et que, par exemple, vous pourriez ? ce que je mentionnais tantôt ? peut-être modifier l'article 22 pour y inclure une possibilité de demander à une municipalité une audience publique afin que les municipalités, elles également, participent à ce travail de conservation, afin qu'elles puissent connaître, aussi, les intérêts des citoyens qui demeurent dans le contexte d'une municipalité très urbanisée.

Je vous donne des exemples, sans vouloir donner des noms, de villes qui... On se rappellera bien, lorsqu'il y a eu la politique de protection des rives littorales et des plaines inondables, et à l'époque où...

M. Boisclair: ...en banlieue de Montréal?

M. Renaud (Pierre): Bien, on se rapproche un peu, mais il y a plusieurs îles en banlieue de Montréal, sans vouloir la nommer non plus. Donc, il y a plusieurs MRC ou villes qui ont eu certaines difficultés à appliquer cette politique-là et qui, encore aujourd'hui, tergiversent quant à la protection des plaines inondables, qui sont pour nous des territoires fort importants. Alors, je pense qu'on ne doit... les municipalités doivent comprendre la notion de développement durable. Et je pense que cette loi-là peut être un élément qui va permettre... si on modifie ou si on trouve une autre façon de faire intervenir les municipalités sous l'égide du gouvernement, lorsqu'il y a un territoire qui est désigné ou il y a un milieu qui est désigné, alors je pense qu'à partir de ce moment-là les municipalités et la population vont pouvoir répondre favorablement à des activités comme celle-là.

M. Boisclair: Bien. Juste un commentaire. Je ne vois pas, spontanément, comment je pourrais imposer aux municipalités une consultation dans le cadre de l'article 22. Puis, je dois vous dire, si jamais je faisais une consultation, je voudrais qu'elle soit faite par un organisme indépendant pour s'assurer de la crédibilité de la consultation. Plusieurs groupes environnementaux remettent en question les consultations qui sont faites par le monde municipal. Souvenez-vous des discussions qui se sont faites sur la question des petites centrales. Comment je pourrais dire? Dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, je dois m'assurer d'une certaine indépendance des gens qui mènent la consultation. Je comprends l'idée.

Je veux aussi vous rassurer en vous disant que, sur la question de la politique de protection des rives et des plaines inondables, non seulement le ministre de l'Environnement, mais maintenant le ministère de l'Environnement et les directions régionales du ministère peuvent imposer aux municipalités des changements à leur schéma d'aménagement pour qu'ils intègrent les zones inondables. C'est un pouvoir nouveau que nous avons. Nos directions régionales... C'est un pouvoir que j'ai donné au ministre de l'Environnement, comme ministre des Affaires municipales. Et nous sommes à monter un plan d'action, avec notre direction régionale des opérations, avec Mme Carter, qui est notre sous-ministre, et nos directions régionales, pour que, s'il y a lieu, qu'elle puisse être, en lieu et place du ministre, habilitée à demander aux municipalités des modifications à leur schéma d'aménagement. C'est un pouvoir nouveau que le ministère de l'Environnement n'hésitera pas à utiliser.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Une question d'ordre général. Vous avez parlé beaucoup de la plaine du Saint-Laurent, bon, des régions qui sont fortement habitées. On assiste, depuis un an, principalement, là, en milieu agricole, à cause de la pression environnementale, à la déforestation, c'est-à-dire des petits boisés qui disparaissent. Puis, si vous vous promenez le long de la 20 puis de la 40, là, on en voit amplement. Ces forêts-là ont quand même une valeur faunique et, à la limite, écologique très importante, c'est l'endroit que les animaux habitent, où ils se nourrissent en partie. Bon, ils peuvent aller dans les champs manger des céréales puis du maïs, mais ils habitent quand même dans ces forêts. La journée qu'on les fait disparaître, il ne reste pas beaucoup de chevreuils, là, dans un champ de blé d'inde, en hiver, là. Alors, vous êtes-vous penchés sur ces questions? Parce que, bon, je comprends que ça déborde l'approche du projet de loi, mais c'est quand même une notion importante, là, parce que, quand les petits boisés vont avoir disparu dans la région de Saint-Hyacinthe puis de Saint-Bruno, ils vont aller où, les animaux? Puis je vous demande votre avis général, là.

n(21 h 50)n

M. Renaud (Pierre): Écoutez, Conservation de la nature s'implique depuis 1973 au Québec et, depuis ce temps, parcourt le sud du Québec à la recherche d'opportunités et d'évaluations; une fois qu'on a trouvé cette opportunité-là, on fait une évaluation scientifique, écologique, pour nous démontrer la valeur de ces sites-là, et, par la suite, nous procédons à l'acquisition ou, lorsqu'on fait bien notre travail, dans 50 % des cas, on reçoit cette terre-là en donation.

Oui, je pense que ces boisés-là sont importants. Maintenant, je ne pense pas que Conservation de la nature à lui seul peut préserver tous ces boisés. Je pense qu'on doit concentrer un effort... qui sont sur les grands espaces, mais à partir de là, effectivement, l'État va pouvoir peut-être intervenir en vertu de ce projet de loi, aux articles 13 et 19, si, effectivement, on démontre un certain potentiel. Louise.

Mme Gratton (Louise): Je voudrais compléter. Vous avez raison de vous inquiéter, en particulier dans le secteur de la Montérégie où il reste à peu près 11 % de milieux forestiers puis qui disparaissent au taux de 7 % par année. Alors, si vous faites le calcul vite, ça veut dire qu'entre 15 et 20 ans il n'y aura plus de boisés. Puis, si vous prenez la 10, actuellement, en ce moment, il y a des feux qui brûlent le soir parce qu'on est en train d'éliminer les forêts. C'est vrai qu'ils ne sont pas très jolis après le verglas, mais c'est quand même des habitats, effectivement, comme vous le mentionnez, qui sont très utilisés puis qui sont indispensables pour la faune dans ces secteurs-là.

Je pense que, aussi, pour continuer un peu le commentaire de M. Renaud auparavant, M. le Président, qui parlait du sens de l'intervention dans le milieu urbain, on s'est un peu cassé la tête dans le court délai qu'on a eu pour présenter le mémoire sur... Bon. Quand on parle de désigner, à l'article 13, est-ce qu'on ne pourrait pas désigner aussi ? désigner dans le sens d'identifier, pour ne pas nécessairement donner un statut ? ces endroits-là, ces boisés-là? Parce que ce serait la façon de le faire pour qu'au moins les MRC et les municipalités soient conscientes qu'elles ont des territoires qui ont une valeur sur... qu'elles ont des milieux ou des sites naturels qui ont une valeur sur leur propriété.

Parce qu'on se rend compte... Je pense à une MRC que je ne nommerai pas, mais c'est dans le bout de Shefford, là. Je ne sais pas si vous pouvez m'aider à donner le nom de la MRC dans le coin de Shefford. Mais, moi, j'ai déjà eu un urbaniste... En tout cas, le plan, le schéma d'aménagement de la MRC commence presque en disant: On est-u chanceux, nous autres, on n'a pas de terrain d'intérêt écologique chez nous. Parce que c'est un empêchement de tourner en rond.

Alors, si on avait une désignation dans le sens... une identification un peu comme on désigne actuellement les espèces végétales menacées sans nécessairement désigner l'habitat, mais au moins désigner l'espace pour donner le temps aux municipalités, quand il y a une menace réelle ou une menace appréhendée, d'aller devant la population puis de trouver une solution pour protéger ces habitats-là, même si ce n'est pas l'État lui-même qui intervient. Il y a des organismes qui sont intéressés à protéger, puis c'est vraiment des milieux exceptionnels ou des milieux résiduels.

Il va falloir penser, dans les basses terres du Saint-Laurent, puis c'est une partie de mon travail comme coordonnatrice des plans écorégionaux, éventuellement, il va falloir penser, même s'il y a des boisés qui ne sont plus exceptionnels parce qu'ils ont été utilisés énormément, qu'il va falloir restaurer; puis restaurer un sol agricole pour en refaire une forêt, quand ça sera le temps dans 50 ans, ça va coûter une fortune. J'aime mieux préparer le terrain en gardant des espaces forestiers qui ont encore une certaine qualité dans le sol forestier pour être capables de restaurer un écosystème à plus court terme que d'être obligés de tout faire de toutes pièces lorsqu'on se sera rendu compte, dans 50 ans, qu'on a fait une grave erreur en les laissant disparaître au début des années 2000.

M. Whissell: C'est parce que, moi, ce que j'ai retenu de vos propos quand vous parliez de menace appréhendée des petits boisés, je veux dire, la menace, elle est plus qu'appréhendée, là.

Mme Gratton (Louise): C'est exactement ça. Oui, oui.

M. Renaud (Pierre): Vous avez tout à fait raison.

M. Whissell: Mais les solutions, je veux dire, bon, puis je ne veux rien enlever à la qualité nécessaire du projet de loi. Je pense que les gens semblent satisfaits, je suis capable de l'admettre. Mais c'est une question, je pense, sur laquelle il faut se pencher rapidement, parce qu'il s'en coupe, du bois. Puis, d'un autre côté, il faut être conscients que ces forêts-là, c'est des forêts privées qui ont été exploitées à des fins... parfois pour la fabrication de sirop d'érable, des fois pour fournir du bois sur la ferme. Je pense qu'il y a moyen de les protéger sans nécessairement ? avec le monde agricole ? sans nécessairement en empêcher l'utilisation. Je pense que la faune peut y trouver son compte même si on y fait des prélèvements sélectifs intelligents, du nettoyage. Je pense que les chevreuils, les perdrix, nommez-les tous, là, peuvent habiter ces forêts même si, sans en faire une réserve écologique au sens de la loi, où on ne fait plus rien... Il faut quand même les préserver. Puis je dois vous avouer que je ne sens pas présentement qu'il y a une volonté ou à tout le moins qu'il y a des dispositions législatives qui vont faire en sorte qu'on va les protéger collectivement.

Le Président (M. Pinard): Madame, monsieur?

M. Renaud (Pierre): Bien, il semble que, avec ce projet de loi, nous aurons certaines dispositions législatives. Il s'agit de voir maintenant si elles vont être appliquées dans le futur; ça, c'est une chose. Mais, à tout le moins, le pouvoir sera en place. Il s'agira, au ministre, de l'appliquer à certains endroits.

Vous avez soulevé une belle problématique, quand on parle de la Montérégie, parce que, effectivement, les coupes de boisés, je pense, sont plus dues au fait qu'on cherche des unités animales pour l'épandage de purin de porc que pour le bois de foyer de sa propre maison. Alors, je pense... Je ne veux pas soulever ici la problématique, mais je pense que ça, c'est une problématique avec laquelle on vit à l'heure actuelle.

Mme Gratton (Louise): Je voudrais aussi vous rassurer en ce qui concerne le fait qu'on ne veut pas soustraire à l'usage des propriétaires nécessairement. Bon. Le rôle de Conservation de la nature, c'est l'acquisition de terrains, mais on peut très bien avoir une servitude avec un propriétaire privé qui, lui, permet d'aller chercher son bois de chauffage, de faire quelques petits aménagements, même d'aller chercher... de l'exploiter à des fins d'acériculture. Ça n'empêche pas de conserver un habitat qui est tout à fait viable et acceptable pour plusieurs espèces animales.

M. Whissell: Peut-être juste un dernier mot, M. le Président. Vous aviez parlé sur les délais tantôt. Je tiens à vous dire que le député d'Orford avait demandé, lors du dépôt du projet de loi en Chambre, il y a à peu près trois semaines, s'il y aurait lieu d'avoir des consultations particulières. Alors, il y a trois semaines, on a lancé le signal que c'était probablement à propos d'entendre des groupes. Je tiens à vous dire que, si les délais ont été serrés, ce n'est pas l'opposition qui a retardé les travaux dans ce sens-là. Également, je prends quand même acte de vos propos. Il aurait été intéressant peut-être d'entendre le monde municipal dans ce projet de loi. Ça aurait peut-être permis de les conscientiser également en même temps.

Le Président (M. Pinard): Autre question? Alors, je vous remercie infiniment de vous être présentés à cette commission. Les échanges ont été très fructueux. Merci beaucoup.

M. Renaud (Pierre): Merci bien.

Le Président (M. Pinard): Et j'inviterais de ce pas le Fonds mondial pour la nature, représenté par Mme Nathalie Zinger, directrice régionale, à bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue, madame, à cette commission. Vous représentez le Fonds mondial pour la nature, et les règles sont les suivantes: vous avez une présentation à nous faire, vous avez un temps de parole de 15 minutes, et, par la suite, nous allons procéder à un échange, par l'opposition officielle et par le gouvernement, d'une durée approximative de 30 minutes. Alors, je vous cède la parole, madame.

Fonds mondial pour la nature ? World
Wildlife Fund (WWF)

Mme Zinger (Nathalie): Merci, M. le Président. Donc, Nathalie Zinger, du Fonds mondial pour la nature. Je veux brièvement présenter l'organisme à titre de référence, simplement, et je passerai directement au projet de loi lui-même.

Le Fonds mondial pour la nature est le plus grand organisme de conservation au monde. On a été établis en 1961. On représente un réseau d'une trentaine de fonds mondiaux à travers la planète qui ont des projets dans plus de 100 pays et qui ont un budget annuel de 750 millions de dollars US. Donc, on représente quand même un intérêt important. Évidemment, ce n'est pas le budget qu'on a ici, ni au Québec ni au Canada, mais, tout au moins collectivement, c'est ce qu'on représente.

La mission du Fonds mondial pour la nature, c'est d'assurer la diversité de la vie sur terre, et donc, ça inclut à la fois les espèces animales, végétales, les habitats, mais aussi la présence de l'homme. Donc, on veille à ce qu'on utilise bien nos ressources et à promouvoir le fait qu'on n'a pas à gaspiller nos ressources non plus et à prévenir la pollution.

n(22 heures)n

Dans le contexte qui nous tient à coeur aujourd'hui, j'aimerais juste mentionner que, quand il est question de conservation de la nature, de développement durable, de maintien de la biodiversité, il y a trois éléments qui sont très essentiels à nos yeux: la planification du territoire qui se doit d'être cohérente, une gestion intégrée des ressources et un réseau d'aires protégées. Alors, l'image que j'utilise souvent, c'est un tabouret à trois pattes. C'est très inconfortable quand une des pattes est plus courte, surtout quand il y en a juste trois. Donc, on essaie de rejoindre un équilibre entre ces trois facteurs-là.

Au Québec, on s'implique beaucoup plus activement dans le dossier des aires protégées depuis 1990. Donc, on a joué un rôle, je pense, important à faire valoir l'importance de ces milieux-là, et c'est pour ça qu'on est vraiment très heureux de pouvoir venir se prononcer aujourd'hui sur le projet de loi n° 129 qui, à notre avis, est un outil qui va être essentiel pour consolider la position d'avoir des aires protégées au Québec.

J'aimerais aussi peut-être mentionner que le Fonds mondial travaille, comme je vous dis, à travers un réseau international, mais on a aussi des organismes soeurs avec lesquels on travaille. Et, pour n'en nommer qu'une, j'aimerais mentionner l'UICN ou l'Union mondiale pour la nature. Donc, on a aussi contribué, à travers des partenariats très précis, dont celui sur les aires protégées, à la définition, entre autres, de ces fameuses catégories. Donc, on arrive avec un certain bagage, une expertise à cet effet-là.

Sans plus tarder, je voudrais passer directement au projet de loi. C'est sûr que pour nous il y a des éléments qui sont particulièrement forts dans ce projet de loi, et je vais les mentionner au fur et à mesure. Il y a peut-être quelques éléments qui nous semblent je ne dirais pas problématiques, mais auxquels on aimerait amener des suggestions ou des questions qu'on a pour pouvoir vraiment rendre cet outil d'autant plus pertinent et efficace, comme il se devrait.

Tout d'abord, je pense que l'idée d'avoir enchâssé dans un projet de loi et, on l'espère, bientôt dans une loi le fait que l'on doit protéger l'intégrité du patrimoine naturel, c'est, à nos yeux, quelque chose d'important et qui serait vraiment une première au Québec. Le fait aussi de dire qu'on a besoin d'avoir une complémentarité dans les statuts qui protègent ou qui donnent cette vision d'ensemble des aires protégées et qu'on doit chercher à représenter la diversité biologique des différentes régions naturelles du Québec, c'est également un élément qui est très important. Je fais référence ici, évidemment, à l'article 1 et à une partie de l'article 2 dans la définition, entre autres, de la réserve de la biodiversité.

Pour ce qui est du registre des aires protégées ? je prends ici l'article 5 ? je pense qu'il serait important que, dans ce registre-là, on retrouve également les territoires qui sont mis sous réserve dans le cadre du projet de loi et en tenant compte du fait qu'il faut soustraire de la comptabilité les territoires qui pourraient faire l'objet d'exploration minière le cas échéant et durant la partie à laquelle ça aura lieu.

Pour ce qui est de l'article 13 et de l'article 19 ? on fait ici référence aux milieux naturels qui vont être désignés par le plan ? on voit d'un bon oeil d'avoir une liste de ces territoires-là et on l'a compris sous l'idée, un petit peu, là, de la loi sur les espèces susceptibles d'être menacées et vulnérables. Il y a une liste d'espèces qui sont identifiées, à partir de laquelle la loi, après ça, les nomme, mais d'avoir en main cette liste-là, les MRC, ou les différentes compagnies forestières ou minières, ou tout autre exploitant sur le territoire sont à même de vérifier la présence ou non de ces éléments-là. Et, à ce moment-là, il y a des autorisations, des décisions, des conditions à prendre, et on voit d'un bon oeil d'avoir une liste un peu similaire pour ce qui est des habitats ou des milieux naturels. Je ne reprendrai pas en détail les discussions qui ont eu lieu, mais c'est dans le même esprit, là, de ce qu'on vient d'entendre avec Conservation de la nature ? Québec.

Pour ce qui est de l'article 22, toujours dans le contexte de ces milieux naturels qui sont désignés par plans, je pense que cet article-là est important parce qu'il nous permet d'avoir un outil qui nous permet d'évaluer le niveau d'irremplaçabilité de certains de ces milieux naturels là. Et ça aussi, on trouve que c'est un ajout intéressant, dans un projet de loi comme celui-ci, d'être capable de dire: Bien, il y a des choses qui sont irremplaçables ou qui ont une valeur qui doit être mise dans la balance, et évaluée en fonction de ce qui se passe, et relativiser les choses les unes par rapport aux autres. On considère que c'est vraiment un très bon élément.

Par rapport au statut de protection provisoire, ce qui nous, nous semble vraiment intéressant, c'est que ce projet de loi là nous permette, oui, éventuellement de créer des réserves de la biodiversité, des réserves aquatiques et des paysages humanisés, mais également nous permet de créer d'autres aires protégées, particulièrement les parcs, qui sont souvent des grands territoires et qui, eux aussi, ont un rôle très important à jouer dans le contexte. Donc, cet outil-ci va nous permettre de mettre en réserve des territoires afin de créer des parcs. Il y a peut-être plusieurs endroits dans le texte, ici, où est-ce que le lien avec la possibilité ou l'exemple de donner aux parcs n'est pas toujours clair, mais il est, à mon avis, important dans les articles 28, 33, 39 et 45. Je donne ça parce que je sais que c'est enregistré. Donc, il devrait y avoir l'information qui est là.

Dans le cas de l'article 28, où est-ce qu'il est dit que le ministre peut demander, avec l'approbation du gouvernement, de dresser un plan, d'établir un plan de conservation, de conférer un statut provisoire, ma lecture de ça a été un petit peu... Ici, on dit qu'il peut puis plus tard, à l'article 30, à la fin de l'article 30, on dit qu'il doit déposer le plan de conservation. Alors là c'est comme si il peut, mais il doit. Ça fait que je me demandais si, au niveau du libellé, il n'y aurait pas lieu d'arrimer les deux, là. À moins que je ne le comprends pas bien non plus, l'article 28, mais, à mon avis, ça devrait être «doit».

L'article 29, qui a déjà fait l'objet de discussions, il s'agit ici évidemment, là, de la période de mise en réserve. J'ai bien entendu les commentaires de M. le ministre à l'effet qu'il y a, dans certains cas, des enjeux de gestion de trésorerie avec une de nos sociétés d'État. Je pense que, quand même, l'option d'aller pour un six ans respecterait des engagements qui ont déjà été pris dans le cas, par exemple, de la réserve de Matamec ou des projets de parcs dans le Nord-du-Québec. C'est une période de six ans. La prolongation de celle-ci peut avoir lieu. Alors, si on a un cas particulier de trésorerie, bien on peut le mettre dans les cas d'exception. Mais je pense que, pour respecter les échéanciers au niveau de l'exploration minière, dont il faut prendre compte... Je pense qu'un délai de six ans, ce serait ce qui est déjà sur la table, de toute manière, à plusieurs égards au Québec.

Le plan de conservation, je voulais simplement réitérer le fait que ce serait bon qu'effectivement il y ait un mécanisme de révision. Donc, ça a été confirmé par M. le ministre, mais on pense que c'est effectivement important que ce soit inclus.

Je continue. Ce serait l'article 36 où est-ce qu'on parle des activités permises ou non permises dans une réserve... je dirais dans les réserves projetées, là, puis j'inclus aquatiques et biodiversité, et tout. Je ferais référence à l'article 36f)i, où est-ce qu'on parle des activités d'exploration minière. À cet effet-là, je reviens un petit peu à l'idée du six ans qui serait, à notre avis, un délai raisonnable. Je pense que même, dans le cas du Nord-du-Québec, c'était quatre ans avec une possibilité de prolongation de deux ans. Je réitère le fait que, tant et aussi longtemps que ces territoires-là feront l'objet, quand il y en aura, d'exploration, ils ne devraient pas être comptabilisés dans le registre des aires protégées, mais mis en banque à côté.

J'aimerais peut-être porter l'attention plus particulièrement à la situation qui n'est pas ici inscrite dans la loi: Que va-t-on faire si, effectivement, on trouve quelque chose dans ces territoires-là, qui est une possibilité? Je comprends que, dans les territoires du Nord, dans les projets de parcs, il y a une stipulation qui dit: Ce n'est pas parce que vous faites de l'exploration qu'on vous garantit de l'exploitation, mais il y a quand même la possibilité que ça arrive, parce que, dans le fond, les minières n'explorent pas pour le plaisir nécessairement. Ici, j'aimerais peut-être mentionner qu'il faudrait peut-être enchâsser, là, qu'est-ce qu'on fait avec. Il y a plusieurs exemples de situations qui peuvent être... bon, enfin, qui ont été plus ou moins conflictuelles ou qui ont porté des préjudices importants. Je pense, par exemple, au Labrador, avec les Torngat, où est-ce que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a été obligé de racheter les claims miniers parce que ça n'avait pas été prévu à cet effet-là, ce qui n'est pas le cas dans les projets dans le Nord. Je pense que, aussi, l'UICN a des directives très claires quant à que fait-on dans ce cas-là. En d'autres termes, si on décide de soustraire, il faut qu'il y ait un processus tout aussi rigoureux qui justifie la soustraction que le processus qui a demandé pourquoi cette aire protégée là devait être protégée. Donc, cet élément-là est important.

Je pense aussi que ? puis ça, c'est l'UICN qui mentionne ça également dans certains cas, et c'est une provision qui existe dans le Nord pour les projets de parcs ? advenant qu'on soustraie un territoire qui a été exploré pour faire de l'exploitation, il faudrait qu'on ait un autre territoire ailleurs qui soit rajouté au territoire. Si on veut avoir un territoire représentatif, il faut s'assurer que, en enlevant une partie, on ne se retrouve pas perdant à l'autre bout. Alors, c'est des idées, des pistes, là, qui nous semblent importantes à mentionner.

n(22 h 10)n

L'autre élément qui est important, c'est toujours 36, le point 2°, où est-ce que là on a un petit différend au niveau de la lecture, particulièrement la dernière partie de la phrase qui dit: Les activités d'aménagement forestier effectuées pour répondre à des besoins domestiques ou à celles réalisées à des fins de la biodiversité. D'abord, je voudrais peut-être présenter le fait que dans l'esprit de l'UICN et des catégories, on devrait plutôt parler d'activités de gestion et rester ça générique. Donc, on devrait lire des «activités de gestion effectuées pour des besoins domestiques». Et la fin de la phrase ? c'est un libellé que j'ai fondu à partir des directives, encore une fois, de l'UICN ? devrait se lire comme suit: «...dont des activités de gestion effectuées pour répondre à des besoins domestiques ou à celles réalisées aux fins de garantir le maintien des habitats et/ou à satisfaire aux exigences d'espèces particulières sans porter préjudice à long terme à la qualité naturelle de l'aire protégée ou de l'aire mise en réserve.» Donc, c'est un libellé qui est dérivé des directives de l'UICN par rapport à ça.

Ce commentaire de proposition de libellé s'appliquerait également à l'article 51, le deuxième point, et l'article 96, en deuxième point, pour être cohérent et consistant avec le projet de loi lui-même.

Je continue. Par rapport à l'article 39 sur les consultations du public, il nous semble important de peut-être identifier sur quoi porteront les consultations publiques. Des suggestions: la limite de la réserve permanente, de l'aire protégée permanente, le choix du statut. Dans le plan de conservation, ça peut être les activités permises ou non, le zonage, les mécanismes de gestion qui devraient être mis en place pendant la protection provisoire ou après et, éventuellement, peut-être quelque chose au niveau des modifications des limites si ça deviendrait utile à ce moment-là aussi.

Dans l'article 41, c'est un exemple où est-ce qu'au deuxième paragraphe... où est-ce qu'on pourrait peut-être faire... On fait référence ici à la Loi sur la qualité de l'environnement, je ne sais pas si on pourrait faire également référence, par exemple, à la Loi sur les parcs nationaux du Québec ou bien aux études socioéconomiques, aux études d'impact socioéconomique qui sont requises par la Convention sur la Baie James et le Nord québécois qui sont d'autres exemples de mécanismes où est-ce qu'il y a effectivement, soit, dans le cas des parcs, une consultation qui est obligatoire. Dans le cas de la Convention sur la Baie James, ces études-là sont nécessaires et demandent des études socioéconomiques, donc de rencontrer les gens des communautés. Il me semble que c'est deux exemples qui se rapprocheraient aussi de l'esprit de la loi qui est de dire: On va protéger en vue de plusieurs différents statuts.

L'article 44, on dit que, une fois que la mise en réserve est en place, on se donne un an, autant qu'il est possible, pour pouvoir faire ces consultations publiques. Il y aurait peut-être lieu de s'assurer que ces consultations aient effectivement lieu avant que le processus de mise en réserve soit terminé, l'idée étant... C'est: on devrait le faire dans la première année, mais, si la mise en réserve a lieu pour trois ans ou quatre ans, bien il faudrait s'assurer que ce soit complété, donc peut-être de mettre une date limite ou une date butoir également.

Je continue. À l'article 51, le point g)iii, le fait qu'on retire les activités industrielles est également quelque chose qu'on souhaiterait voir effectuer, et peut-être également de quantifier qu'est-ce que devraient être des activités commerciales. L'UICN est très claire à cet effet-là, ça ne peut pas être des activités commerciales de grande envergure qui peuvent avoir un impact sur le milieu naturel. Donc, c'est sûr que si on parle de trappe, ou de camping, ou d'activités de villégiature, ça va, mais, si ça devient une activité qui est quand même d'envergure importante puis que ça peut avoir un impact sur le milieu naturel, il faudrait peut-être quantifier ou qualifier qu'est-ce qu'on veut par rapport à ça.

Je continue au niveau des infractions et des peines à l'article 73. En fait, dans toute cette section-là, on définit qu'est-ce qui va se passer si on n'agit pas. Par contre, dans le cas des articles 13 et 19, c'est-à-dire les milieux naturels qui sont nommés par plans, nulle part on ne nous dit qu'est-ce qui arrive s'il y a un non-respect de l'autorisation qui est donnée ou des conditions qui sont prescrites quant à cet élément-là. Ce qui fait que là on dit: On va vous dire comment faire et quoi faire, mais il n'y a pas, de l'autre côté, bien, si vous ne le faites pas, qu'est-ce qui va vous arriver. Donc, on souhaiterait peut-être voir dans la partie Infractions et peines quelque chose qui viendrait préciser que ferait-on en cas de non-respect de cet élément-là. Évidemment, encore ici, je présente ça, c'est ma compréhension du texte de loi. Bref, je ne suis pas avocate, là, mais c'est ma lecture pour l'instant.

Pour terminer, je pense, ce qui est intéressant dans l'esprit de la loi, ici, c'est de dire qu'on va mettre en réserve des territoires afin, entre autres, de faire ces fameux statuts, mais également des parcs. Donc, à l'article 94, où est-ce qu'on est en train d'essayer de voir les dispositions transitoires et finales, on trouve en annexe la liste des 11 territoires qui ont été identifiés lors de l'annonce en juillet dernier pour faire des réserves ou des aires protégées. Moi, je verrais d'un très bon oeil qu'on considère d'ajouter les six projets de parcs qui ont été également annoncés dans le Nord-du-Québec. Ce serait une bonne manière de pouvoir mettre en application qu'est-ce que ce projet-là pourrait faire en vue d'un autre statut que celui d'une réserve de la biodiversité, de réserve aquatique ou de paysage humanisé. À première lecture, ce n'est pas incompatible avec la possibilité qui est là. Il y a déjà un processus d'étude d'impact, donc l'équivalent des consultations qui sont en place. Il y a une entente qui a été signée au niveau de l'exploration minière puis qui est également prévue par ce projet de loi là. Quant à l'annonce de la création, ici, il y a une disposition qui dit que ça prendrait quatre ans et demi pour que ces territoires-là soient complétés. L'annonce qui avait été confirmée au mois de juillet également donnait une fenêtre de cinq ans. Donc, de juillet à décembre, ça fait six mois. Cinq ans moins six mois, ça fait quatre et demi. Donc, ce serait encore respectueux, là, de l'entente, de ce qui est ici.

Donc, en conclusion, j'aimerais simplement dire qu'il y a ici, dans ce projet de loi, des éléments importants pour pouvoir se doter d'un meilleur réseau d'aires protégées. Que ce soit l'intégration de la notion d'intégrité écologique, de représentation de la diversité biologique des régions naturelles, que ce soit la notion de protection provisoire, ce sont tous des éléments qui nous manquaient dans notre boîte à outils et que nous souhaitons voir mis en place pour pouvoir nous permettre de compléter le travail qui nous attend.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, Mme Zinger. Sans plus tarder, j'invite le ministre.

M. Boisclair: Oui. Merci, M. le Président. Merci, Mme Zinger, pour cette présentation. Je vous écoutais parler tout à l'heure, je me disais: Autant il y a de la compétence dans le ministère de l'Environnement, autant il y a aussi beaucoup de compétence dans les groupes environnementaux. C'est incroyable. Je veux le dire aux membres de la commission, depuis le début de la soirée, on a assisté à des présentations de qualité, et surtout compte tenu des délais. Et, je m'excuse pour la façon dont les choses se sont faites, elles se sont faites précipitamment. J'en prends la responsabilité, d'autant plus que j'assume la tâche de la conduite des travaux dans notre Assemblée. J'en assume la responsabilité et je vous offre mes excuses, on aurait dû mieux faire que ce que nous avons fait.

Mais, je veux vous dire et le dire aux membres de la commission, la compétence dans les groupes environnementaux est incroyable, et ce n'est pas le... Souvent, lorsque des gens n'ont pas l'habitude d'être en contact avec les groupes environnementaux, on imagine un autre niveau d'expertise que celui auquel nous assistons ce soir, et autant l'esprit militant continue de s'exprimer avec même force, mais à l'esprit militant est venu s'ajouter beaucoup de connaissances, beaucoup de compétence, beaucoup d'expertise, une expertise aussi qui s'est beaucoup développée dans de nombreuses universités québécoises. Je pense, entre autres, à l'incroyable contribution de l'Université de Sherbrooke au développement des connaissances et des compétences environnementales au Québec. Alors, il m'apparaît important de vous dire ces choses, M. le Président.

Je voudrais remercier Mme Zinger pour sa présentation, lui dire que nous prenons bonne note de ses commentaires. On n'a pas tout à fait, sur certaines choses, la même compréhension des textes de loi. Et là nos juristes pourront me corriger, mais l'article 73 et les sanctions s'appliquent à toute personne qui contreviendrait à un article du projet de loi. C'est une disposition générale, et donc quelqu'un qui ne respecterait pas un plan de conservation serait soumis au régime d'infraction, aux dispositions pénales qui sont présentes à l'article 73. On me confirme que je vous donne là la bonne interprétation. Si jamais nous pouvions mieux vous instruire de ces questions et répondre à des questions plus pointues, les gens du ministère sont à votre disposition. Au sujet des parcs du Nord, c'est une question qui n'est pas abordée directement dans le projet de loi. Vous l'abordez de façon incidente et profitez de l'occasion parmi nous pour nous faire connaître votre opinion. Ma compréhension des choses, c'est que le gouvernement a toujours dit clairement que la Convention de la Baie James serait respectée et que la Convention de la Baie James prévoit de façon explicite un mécanisme de consultation. Bon, est-ce que nous allons revoir les choses et les ajouter aux territoires qui sont mis en réserve dans l'annexe? Bon, ce n'est pas le choix qui a été retenu à ce moment-ci, et je pense qu'il est peut-être plus sage de s'en tenir au texte de la Convention de la Baie James qui prévoit de façon claire, là, que tout projet de parc est assujetti au processus d'évaluation d'impacts environnementaux.

Peut-être pourriez-vous... Ce serait là ma première question: La plus-value de l'inclure là plutôt que de jouer le mécanisme de la Convention de la Baie James?

Mme Zinger (Nathalie): Bien, l'un n'exclut pas l'autre. Je pense que la Convention de la Baie James est clairement identique à ce qui est là. Il y a des amendements qui ont été d'ailleurs portés à la loi sur les parcs nationaux du Québec, là, à cet effet-là pour pouvoir harmoniser ces éléments-là. C'est simplement une occasion de démontrer la flexibilité de ce projet de loi quant à la notion de mettre en réserve des territoires à des fins de statuts autres que ceux qui sont directement régis ici. C'était simplement pour illustrer qu'on pouvait avoir une réserve de la biodiversité projetée, par exemple, qui devient un parc. C'était cet élément-là qui me semblait intéressant à soulever.

n(22 h 20)n

M. Boisclair: Bien, je prends note de votre commentaire. Pour les autres propositions que vous avez faites, je dois vous dire que je regarde ça d'un oeil très attentif et je pense être capable de donner suite à la très grande majorité de vos recommandations. Donc, à nouveau, merci pour cette contribution.

Et je pourrais vous déposer, M. le Président... Puisque la question des parcs dans le Nord a été abordée, je pourrais vous déposer un document qui s'appelle Une entente avec les Inuits et qui fait état des... Ça a été préparé par le gouvernement du Québec, par la Société de la faune et des parcs. C'est une brochure sur chacun des six parcs qui décrit chacun d'entre eux. Ça pourrait intéresser les membres de la commission. J'en ai des copies.

Document déposé

Le Président (M. Pinard): Les documents sont déposés.

Mme Zinger (Nathalie): Si vous permettez, M. le Président, en fait, ce document-là fait état de cinq des six parcs qui ont été...

M. Boisclair: Oui, cinq des six.

Mme Zinger (Nathalie): ...proposés, le sixième ayant été rajouté, à l'annonce du mois de juillet, au Centre-du-Québec. Je m'excuse, M. le ministre, je ne voulais vous prendre à défaut...

M. Boisclair: Vous avez raison. Vous avez raison.

Mme Zinger (Nathalie): ...je voulais juste préciser le bien-fondé du fait qu'il y en a un sixième qui est tout aussi important que les cinq qui sont déposés là.

Le Président (M. Pinard): Madame, la commission adore la précision. Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Vous voyez, quand je vous disais qu'il y avait de la compétence. Mais Mme Zinger a encore une fois raison. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Boisclair: Merci pour cette précision.

Le Président (M. Pinard): Autre intervention du côté ministériel? Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Oui, bonsoir. Quand le projet de loi est arrivé, nous, on a regardé, dans le fond, les retombées, son impact sur ce qu'on avait déjà comme lois puis on n'a pas... Dans l'opposition, vous savez, on n'a pas les moyens que le ministre peut avoir à sa disposition, c'est-à-dire on n'a pas de juristes, on n'a pas de contentieux, on essaie de comprendre. Mais, quand on regarde, il y a la Loi des parcs, il y a la Loi de la conservation et de la mise en valeur de la faune qui permet de créer des zecs, des réserves fauniques, des refuges fauniques, des habitats fauniques.

La première question je me suis posé, moi, c'est: Pourquoi les réserves, les refuges, les habitats ne s'en vont pas tous dans la même loi avec les aires protégées? Parce que, quand on prend les dispositions préliminaires de la loi puis on prend les objectifs, je vais vous dire, les objectifs sont très similaires un et l'autre. Et un parc, à mon sens, à moins que je me trompe, c'est une aire protégée. Peut-être qu'on y fait certaines activités, mais je pense qu'on la protège collectivement. Les réserves fauniques, la même chose; une zec aussi. Je me suis posé la question pourquoi on n'a pas justement tout mis dans la même loi. Tant qu'à vouloir faire une loi qu'on a appelée la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, pourquoi on n'y a pas inclus justement les autres qui sont dans la loi de la conservation de la nature puis dans la Loi des parcs pour peut-être aussi, je vous dirais, leur donner une connotation de préservation qu'on ne sent pas toujours actuellement avec la SEPAQ? On a vu, des fois, la SEPAQ qui voulait empiéter sur la conservation justement pour en faire l'utilisation. Vous êtes-vous posé la question? Parce que vous l'avez abordé indirectement, vous avez souligné la Loi des parcs, vous avez dit: Ce serait intéressant de mettre la liste des parcs à la fin du document. Mais c'est difficile de les mettre quand c'est régi par une autre loi, à moins que je me trompe. Je ne pourrai pas mettre le blâme sur nos juristes parce qu'on n'en a pas, mais...

Le Président (M. Pinard): Alors, madame, ça va nous faire plaisir de vous entendre.

Mme Zinger (Nathalie): D'accord. Bon, je vais d'abord peut-être rectifier un élément. Je pense que tout d'abord je vais clarifier un élément qui est là, même si on appelle la réserve faunique des Laurentides le parc des Laurentides, ce n'est pas une aire protégée. Il y a de l'exploitation forestière commerciale qui a lieu autant dans les réserves... dans toutes les réserves fauniques du Québec que dans les zecs ou les pourvoiries. C'est des activités qui sont là. Donc, ce ne sont pas des aires protégées de facto. C'est des territoires qui ont une valeur de conservation parce qu'on leur donne, dans certains cas, une prescription quant à la gestion de la ressource faunique, mais ce ne sont pas des aires protégées dans le contexte de la définition qui est donnée par l'UICN ou celle qui est donnée au niveau international. Ça n'enlève pas qu'ils ont un rôle à jouer, loin de là. Donc, de ce côté-là, ça devrait clarifier le fait que, à partir du moment où est-ce qu'il y a une exploitation commerciale de type forestier, minier ou énergétique, ça ne se qualifie plus comme une aire protégée, ces trois éléments-là étant, à notre avis, des activités qui sont à interdire dans une aire protégée. Elles doivent avoir lieu à l'extérieur des aires protégées, elles doivent avoir lieu d'une manière consciencieuse, avec des bonnes pratiques, des belles méthodes, mais ça ne se qualifie pas.

Pour ce qui est des refuges fauniques, ou des habitats fauniques, ou de la Loi sur les parcs, bien, là, pour l'instant, c'est deux lois qui sont régies par un autre ministre qui est responsable. Et là je pense que c'est au gouvernement du Québec de voir comment est-ce qu'ils veulent organiser leurs flûtes, mais il y a déjà une Loi sur les parcs qui est régie par le ministre responsable à travers, maintenant, la Société de la faune et des parcs, ce qui est également le cas, là, pour l'élément qui est là.

M. Whissell: Mais je pose ma question sans méchanceté, là, il y avait déjà une loi sur le patrimoine naturel...

Mme Zinger (Nathalie): Il y avait une loi sur les réserves naturelles.

M. Whissell: Pardon, sur les réserves écologiques.

Mme Zinger (Nathalie): C'était sur les réserves écologiques. Donc, là notre interprétation, c'est que tout ce qui relève directement du ministre de l'Environnement est confié...

M. Whissell: Mais vous ne pensez pas qu'on aurait peut-être dû élargir le débat puis...

Mme Zinger (Nathalie): Il y a depuis des...

M. Whissell: Puis je le dis sans connotation, là. Je comprends que c'est un autre ministre, mais on parle d'aires protégées, puis l'autre ministre n'est pas ici, là.

Mme Zinger (Nathalie): Oui, mais je pense qu'il y a plusieurs possibilités de faire la même chose. Je pense qu'on a souvent entendu, dans les 15 dernières années, à l'effet qu'il devrait y avoir un ministère des terres ou un ministère de la planification territoriale et que tout devrait relever d'un seul ministère. Je pense qu'il y a plusieurs manières de faire, puis, pour l'instant, nous, on considère que ça, c'est un outil qui est important. La Loi sur les parcs ne permettait pas une protection provisoire, celle-ci nous permet de l'avoir. En attendant qu'il est nommé, on considérait que c'était correct. Là, c'est sûr que si on veut faire autrement, il y a toujours moyen de bonifier des éléments qui sont là, mais, dans ce contexte-là, on ne voyait pas nécessairement la remise en question du projet de loi à cet effet-là à ce moment-ci.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, M. le Président. Merci, Mme Zinger. Il y a effectivement des gens au Québec qui sont des incontournables quand on parle d'aires protégées. Et, indéniablement, votre groupe et vous font partie de ceux-là, et votre réputation est arrivée bien avant vous au Parlement, ici. Et, je fais miens les propos du ministre à l'égard des gens qui ont passé ici ce soir, effectivement, il y a un niveau de compétence et de flamme chez ces gens-là. Il n'y a pas juste la compétence.

À une époque où le ministre essayait de trouver une formule pour nous passer de 1,7 en aires protégées à 8 % ? la norme nord-américaine ? et ultimement aller un peu plus loin que ça, nous l'espérons, il y a eu cette nouvelle qui nous est arrivée ? et nous en étions très heureux ? de voir que vous aviez, le Fonds mondial pour la nature... Vous étiez arrivés à une entente avec les forestiers du Québec. Je crois que c'était l'Association des manufacturiers de bois, de mémoire, où vous étiez arrivés à une entente, et il semblait que c'était comme facile de s'entendre pour passer relativement vite de 1,7 à 8 %.

Au moment où on se parle, dépendant si je parle à Harvey Mead ou au ministre, on est 4 ou à 1,7, et pourquoi la proposition que vous avez faite n'a pas fonctionné, ou ne fonctionne pas, ou n'avance pas plus vite que ça?

Mme Zinger (Nathalie): La proposition qu'on avait faite dans le contexte... Vous permettez, M. le Président, je vais expliquer ça. L'idée de l'entente qui était là, c'est qu'il y a eu une période, dans un passé récent, où est-ce que les choses semblaient stagner d'une manière importante dans le dossier des aires protégées, et on avait donc... On s'était inspiré de ce qui se passait ailleurs et on a travaillé avec les représentants de l'industrie forestière pour voir s'il n'y avait pas lieu d'identifier des territoires qui ont un potentiel de conservation ou une forte valeur de conservation et également de mettre sur pied une boîte d'outils pour proposer des mesures d'atténuation qui faciliteraient ? parce qu'il va y avoir des impacts, on est conscient de ça ? faciliteraient la création d'aires protégées en milieu forestier, principalement en forêt boréale commerciale.

L'intention de l'exercice, c'était de contribuer à la démarche du gouvernement du Québec. Et, en septembre 2001, nous avons déposé aux trois ministres responsables l'ensemble de ces produits-là, de ces outils-là, le contexte étant de contribuer à la démarche. Ces outils-là ont été utilisés, à notre connaissance, dans l'évaluation des propositions qui ont été, entre autres, déposées au mois de juillet.

n(22 h 30)n

Une des couches d'information qui a été utilisée a été cette analyse que nous avons faite avec l'industrie forestière. Donc, ça a été utilisé dans l'analyse qui était là, et, à ma compréhension, dans le cas des deux annonces, sur les 11 sites qui ont été proposés, il y a deux annonces qui ont été faites où est-ce qu'il y avait eu un impact sur l'industrie forestière. Et, dans le cas des monts Groulx, les représentants de Bowater nous ont confirmé que la raison pour laquelle ils ont été capables de rétrocéder ce territoire-là était due à l'utilisation de cette boîte d'outils des mesures d'atténuation qui ont été appliquées pour pouvoir alléger la tâche.

Donc, nos travaux n'ont pas été mis dans une tablette. Et là, c'est sûr qu'on souhaite que ces outils-là continuent d'être utilisés. Le gros ? puis là, je déborde un petit peu du projet de loi ici ? le gros défi qui nous attend dans la prochaine année ou d'ici 2005, c'est de créer des aires protégées en forêt boréale commerciale, là où est-ce que le territoire est déjà alloué à des fins d'exploitation forestière. Et c'est là où est-ce que ça va être... le défi de taille est là. Et on a donc travaillé à développer des outils et on continue à travailler à d'autres outils.

Le projet de loi, c'en est un qui est également important dans cette vision d'ensemble pour pouvoir se doter de mécanismes pour mettre entre autres en réserve des territoires, enfin, en vue de les créer. Donc, je ne sais pas si ceci vous renseigne en partie.

M. Benoit: Oui, absolument.

Mme Zinger (Nathalie): Peut-être que quelqu'un d'autre veut rajouter par rapport à l'utilisation, là.

M. Boisclair: Ce qu'il faut rajouter, c'est que... M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Boisclair: Vous aviez une entente avec l'AMBSQ. Il n'y a pas eu de reconduction de l'entente et il n'y a pas d'entente avec l'AMBSQ pour la mise en oeuvre. Cette question-là a été soulevée, mais, à l'époque, je comprends que les parties qui étaient dans l'entente ont fait le choix de s'en tenir au mandat original et qu'il n'y a pas eu de poursuite des discussions entre le Fonds mondial pour la nature et l'AMBSQ pour la mise en oeuvre. Mais les outils, effectivement, servent, sont très utiles, ils sont de grand niveau et ils nous ont inspirés dans les choix que nous avons à faire. C'est assez... c'est même d'ailleurs très intéressant de voir quels sont ces outils, couche par couche, en fonction des caractéristiques des territoires, en superposant des grilles d'analyse, de faire ressortir sur la carte du Québec les secteurs qui sont les plus appropriés à protéger. Quand on recoupe l'ensemble des variables, on en vient à définir une matrice qui est utile dans l'identification des territoires.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Benoit: Merci madame. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Autres questions? M. le député de Saguenay? Non?

Alors, madame, un gros merci pour votre prestation, ce soir, vraiment très utile aux membres de la commission. Merci beaucoup.

Alors, j'inviterais la Fédération québécoise de la faune qui sera représentée ce soir par M. Alain Cossette, le directeur général, et Mme Annie Guertin à bien vouloir se présenter, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Pinard): Alors, bonsoir, madame, monsieur. Alors, vous connaissez les règles du jeu: vous nous présentez votre mémoire. Vous avez 15 minutes, et, par la suite, il y aura un échange de 30 minutes avec les membres de la commission.

Fédération québécoise de la faune (FQF)

M. Roy (Gaétan): Juste pour le bénéfice des transcriptions, je voudrais signaler que je ne suis pas Alain Cossette. M. Cossette est malheureusement absent, pour diverses raisons. Mon nom est Gaétan Roy, je suis le biologiste en chef à la Fédération québécoise de la faune.

Le Président (M. Pinard): Gaétan Roy.

M. Roy (Gaétan): ...Roy.

Le Président (M. Pinard): Biologiste.

M. Roy (Gaétan): Oui.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Et Mme Annie Guertin?

Mme Guertin (Annie): C'est bien ça.

Le Président (M. Pinard): Bonsoir, madame. Alors, allons-y.

M. Roy (Gaétan): Eh bien, avant tout, messieurs, M. le ministre, merci infiniment pour cette convocation à se faire entendre à cette commission. Après tout le travail qu'on met sur des dossiers comme ça, c'est vraiment agréable de pouvoir venir s'adresser à vous comme ça.

La Fédération québécoise de la faune, que nous personnifions ici, c'est un des plus anciens organismes à but non lucratif entièrement voués à la faune, au Québec. Fondée en 1946, on représente actuellement près de 220 associations de chasseurs et de pêcheurs entièrement dédiées à la préservation de la chasse et de la pêche en tant qu'activités sportives, dans le respect et le maintien de la biodiversité.

Donc, la biodiversité, la faune, c'est notre raison d'être. Les chasseurs et les pêcheurs cherchent à protéger la biodiversité pour évidemment en faire bénéficier à plus de gens possible, et c'est la raison pourquoi il est si important pour nous de participer aux travaux et aux discussions sur ce projet de loi sur le patrimoine naturel.

À titre d'exemple, nous avons été le premier organisme à s'impliquer il y a plusieurs années dans la stratégie sur le maintien de la biodiversité par des projets. Par exemple, un qui est toujours en cours et qui est de grande importance, qui est la réintroduction du bar rayé dans le fleuve Saint-Laurent, on essaie de redonner au Québec et aux Québécois soit des parties de biodiversité qui sont disparues ou de leur garantir à tout le moins la pérennité de ces richesses naturelles.

Notre travail se situe aussi au niveau de l'éducation et de la sensibilisation, et on passe vraiment beaucoup de temps à émettre des programmes éducatifs, des programmes de sensibilisation qui s'adressent autant aux jeunes qu'aux adultes pour valoriser la biodiversité. Et, évidemment, on travaille aussi à sensibiliser les chasseurs et les pêcheurs, par le biais de l'information, à l'importance des richesses naturelles et à la biodiversité.

Ceci était la présentation de notre Fédération. Évidemment, notre Fédération est très heureuse de voir ce projet de loi arriver. On avait participé à la stratégie québécoise sur les aires protégées depuis ses tout débuts, depuis les tout premiers balbutiements de discussion sur le sujet et on n'a pas raté une seule assemblée, à ce niveau-là. Ça répond à un besoin réel de protection qu'on reconnaît depuis longtemps à la Fédération.

Vous devez cependant comprendre que, quand on reçoit un texte de loi comme celui-ci ? on l'a reçu jeudi, je crois ? un texte de juristes comme ça dans une Fédération comme la nôtre, bien, ça demande souvent des éclaircissements et ça peut faire naître chez les gens des craintes. Et c'est pour ça qu'on est contents de vous parler, ce soir.

On a quelques recommandations sur le projet de loi qui visent à soit rassurer ou à mieux éclairer les gens qu'on représente sur les objectifs réels de ce projet de loi.

À la Fédération, on prône toujours l'utilisation rationnelle de la ressource faunique et on croit très fermement que les activités que nous représentons ? la chasse et la pêche ? ne sont pas des activités qui mettent en péril la biodiversité pour maintes raisons.

Par exemple, la chasse et la pêche sont toujours axées, basées et orientées vers l'utilisation rationnelle du surplus des espèces animales. En ce sens, on considère même que la chasse et la pêche sont un outil par lequel la stabilité des cycles biologiques peut être, dans une société comme la nôtre ? à moitié urbanisée ou à moitié toujours forestière ? ça peut être un outil à peu près incontournable pour s'assurer que les espèces animales considérées comme gibier ou comme espèces halieutiques sont en sécurité.

À ce sujet, lorsque, au mois de juillet, une annonce a été faite d'une réserve de sites pour des aires protégées, je voudrais juste vous lire une phrase qui était dans cette annonce qui disait: «Seules y seront maintenues les activités actuelles liées à la chasse, à la pêche, etc.» On a presque fait un party. Ça répondait en toutes lettres à la position qu'on avait. Parce que notre but, pour faire un résumé, ce n'est pas de créer... Oui, notre but, c'est de créer des aires protégées pour le bénéfice des Québécois et non pas des aires retirées du bénéfice des Québécois.

Quand on va en forêt pour pêcher ou qu'on va en forêt pour chasser, ce qu'on veut, c'est une biodiversité saine, un site en santé. Donc, cette position-là, c'était la prémisse par laquelle la FQF a appuyé dès le départ la stratégie.

Il y avait une autre prémisse aussi qui était très importante pour nos membres. C'était que cette stratégie-là devait... les efforts de conservation en fait devaient être orientés à partir d'un certain niveau nordique de la province. Nous, on visait surtout la protection d'éléments de la forêt boréale... du nord-est de la forêt boréale, d'habitats de caribous, et tout ça. La partie méridionale du Québec, on voulait moins qu'elle soit touchée. Et ça, c'étaient les deux prémisses qui, à notre sens, sont respectées par le projet de loi actuel.

Maintenant, je vous avais parlé de certaines craintes chez nos membres. Je voudrais en passer quelques-unes avec vous, rapidement. J'attire donc votre attention sur les recommandations de notre mémoire qui est arrivé entre vos mains à la toute fin de cet après-midi. Je lis donc la première.

La Fédération québécoise de la faune recommande qu'il soit explicitement écrit dans le préambule du projet de loi que les activités de chasse et de pêche sont compatibles avec la notion d'aires protégées. Avec ce que je viens de vous exprimer de notre mission et de nos besoins, vous allez comprendre pourquoi.

Maintenant, pourquoi dans le préambule? Le préambule d'un projet de loi, c'est souvent la partie que nous lisons. Ça explique pourquoi il y a un projet de loi, ça explique comment il y a un projet de loi et ça explique que fait un projet de loi. Donc, il serait important pour nous, dans le préambule, vers le deuxième ou avant-dernier paragraphe ici, que les termes «activité de chasse» et «activité de pêche» soient clairement identifiés comme des activités qui vont demeurer parce qu'elles font partie du processus de protection.

n(22 h 40)n

Maintenant, recommandation 2 ? et ça, c'est surtout une recommandation de clarification: la Fédération québécoise de la faune recommande que des éclaircissements soient faits en regard des catégories «réserve aquatique», «réserve de biodiversité», «paysage humanisé», «réserve naturelle» et «réserve écologique».

Vous allez comprendre. Depuis qu'on travaille sur la stratégie des aires protégées avec vous, on a été habitués à la classification de l'UICN en six catégories avec des termes très clairement définis ou avec les termes généralement utilisés. Vous le mentionniez tantôt, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune a des termes utilisés, et «paysage humanisé», on n'avait jamais vu ça. Donc, on a eu un peu de mal à démêler tout ça, et on pense que, pour une meilleure clarté et une meilleure interprétation de la loi, dans la partie des définitions du projet de loi, là où on définit en termes quand même assez clairs tous ces termes-là, il y ait une équivalence de faite, une correspondance avec les termes qui sont connus dans la classification de l'UICN. Ainsi, on verrait à quel échelon on se trouve exactement.

La 3, qui est une recommandation plus générale, d'ordre général: la Fédération québécoise de la faune désire que les activités traditionnelles de chasse et de pêche soient maintenues à l'intérieur des aires protégées, en excluant, bien sûr, les réserves écologiques. On comprend qu'il y a déjà certains niveaux de protection qui excluent les activités de chasse et de pêche, on le comprend très bien, et, de la façon qu'elles sont implantées et utilisées maintenant, ce n'est pas vraiment une entrave à nos activités, mais ça doit rester, d'après nos membres, comme ça, «virgule» ? excusez-moi ? tel qu'il était mentionné dans le communiqué conjoint du 5 juillet, tel que je vous l'ai dit tantôt.

Pourquoi on demande ça avec tellement d'insistance? Je voudrais revenir là-dessus et je voudrais vous lire la première phrase qu'on écrit ici: «Lorsque pratiquées de façon rationnelle, la chasse et la pêche sportives ne se font pas au détriment des espèces et de la biodiversité, bien au contraire. Le fait est que la plupart des populations d'espèces considérées comme gibier se situent de nos jours à des niveaux beaucoup plus élevés qu'ils étaient il y a à peine quelques décennies.»

Je vais apporter deux exemples: le cerf de Virginie et la grande oie des neiges, qui sont aujourd'hui, dans certaines régions du Québec, en surnombre avec un grand S, et qui, bien, malheureusement, ça apporte une certaine série d'impacts. Et je m'en voudrais de ne pas souligner l'exemple de la création de deux parcs dernièrement où on a retiré le droit de chasser sur ces parcs pour protéger une partie de la biodiversité qui était végétale. On s'est vite rendu compte que cette biodiversité végétale est devenue un bar à salade pour chevreuils et que ce qu'on voulait protéger en enlevant les chasseurs, eh bien, maintenant, c'est brouté par des chevreuils, et c'est pour ça que c'est vraiment important... Oui.

M. Boisclair: Où ça?

M. Roy (Gaétan): C'est un exemple comme ça. C'est à Vauréal, sur l'Île d'Anticosti. C'est un exemple extrême, vous allez me dire, parce que l'Île d'Anticosti, bien, on connaît son extrémité, là, dans... mais il y a des zones comme ça dans le Québec méridional où les populations de cerfs sont très près des mêmes densités.

L'autre exemple, c'était le parc de Plaisance, sur la Rivière Outaouais, où c'est un tout petit parc, ce n'est vraiment pas gros, mais on a dû déplacer les chasseurs de ce parc et compenser par les aménagements de chaque côté comme ça, ce qui a fait qu'il y a eu un déplacement de population de chasseurs qui a été vraiment très dur à faire, et c'est pour ça que tout ça est important pour nous.

Et, selon nous, la présence de chasseurs et de pêcheurs sur un territoire n'a que très peu d'impact sur la biodiversité. Les chasseurs ne se tiennent pas en bande de 50, les pêcheurs non plus, et les espaces qu'ils utilisent sont très restreints, et un chasseur n'ira pas cueillir une pâquerette en voie de disparition; il n'est pas là pour ça. En fait, le chasseur fait partie de cette dynamique-là qui, souvent, depuis 50, 60 ans, se fait sur un site. Alors, selon nous, la présence des chasseurs et des pêcheurs n'est pas un obstacle à la préservation de la biodiversité.

Je vous emmène à la recommandation 4: la Fédération québécoise de la faune recommande que le délai de 30 jours, tel que mentionné au deuxième paragraphe de l'article 15 du présent projet de loi, soit modifié pour un délai de 45 jours. Ça, c'est simple, c'est qu'on a été un peu surpris de voir un délai de 30 jours. Je voudrais vous lire le libellé exact de ce qu'il y a ici. Ça concerne l'avis de désignation.

«L'avis doit indiquer[...] ? l'endroit, et ta, ta, ta ? qu'une désignation par le ministre ne pourra survenir avant qu'un délai de 30 jours ne se soit écoulé depuis la publication de l'avis à la Gazette officielle du Québec.»

Peut-être que je me trompe, mais, à chaque fois qu'on fait référence à la Gazette officielle du Québec avec une prépub, c'est 45 jours, le délai pour réagir à une publication là-dedans. Pour un organisme comme le nôtre et surtout au niveau régional, où les organismes sont basés sur un travail bénévole, bien, déjà, 45 jours pour rejoindre tout notre monde, c'est assez rapide, parfois. Alors, on a été un peu surpris de voir le délai de 30 jours arriver là. Peut-être que, pendant la période de questions tantôt, là, un juriste pourrait m'expliquer si je me trompe en disant que, d'habitude, c'est 45 jours, mais j'aimerais que ce soit clarifié.

5. La Fédération québécoise de la faune recommande qu'une... Ah oui! Ça, je vais plutôt vous amener directement au libellé. Celui-là en a fait frémir plus d'un chez nous.

Le Président (M. Pinard): C'est quel article?

M. Roy (Gaétan): Allons... article 22, paragraphe 8, s'il vous plaît.

Le Président (M. Pinard): 22, paragraphe 8.

M. Roy (Gaétan): Je suis à la 5. Il s'agit en fait des considérations qui doivent être prises lorsque le ministre prend sa décision sur une demande d'autorisation.

Paragraphe 8°: «La présence d'une disproportion marquée entre les bénéfices escomptés par la préservation du milieu naturel par rapport aux préjudices pouvant résulter d'une limitation ou d'une interdiction de réaliser l'intervention visée».

Bon. En lisant ça, on s'est tout de suite demandé: C'est quoi, la limite? C'est quoi, les balises? À quel moment allons-nous juger que les retombées économiques de la création d'un nombre x d'emplois ou de la production d'un nombre x de mètres cubes de bois vont être plus préjudiciables à l'entrepreneur que la perte du site qu'on veut protéger?

Je ne sais pas si vous voyez où je veux en venir, là. On veut protéger un site pour le bénéfice de 7 millions de Québécois. Quel poids ça a dans la balance quand on veut mesurer le préjudice à un entrepreneur minier ou forestier? Elle est où, la balise?

Nous, au bureau et à la Fédération, on a frémi parce qu'il n'y a aucun signe de balises, justement. Ça a presque l'air d'un choix entièrement discrétionnaire. Et ça, ça fait peur un peu. Et on voudrait qu'il y ait des balises claires mises dans le libellé de ce paragraphe-là.

Au 6: la Fédération québécoise de la faune recommande que toute mise sous protection d'un territoire fasse l'objet d'une consultation et obligatoirement d'une consultation régionale dans la région concernée par le projet. On est conscients qu'il y a plusieurs niveaux qui permettent un processus de consultation du public: l'évaluation d'impact environnemental, par exemple. Mais, au niveau d'une région, d'après nous, une consultation régionale, à tout le moins, serait obligatoire parce que les gens du milieu n'auront pas toujours le réflexe d'aller consulter une évaluation d'impact environnemental. On croit que c'est assez important de consulter, malgré tout, les groupes en place sur le terrain.

7. La Fédération québécoise de la faune recommande qu'il soit notamment mentionné à l'article 11 du projet de loi que la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune n'est pas incompatible avec la présente loi. Je crois qu'avec l'intervenant qui m'a précédé on a commencé à faire des liens assez clairs là-dessus. La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune est souvent très proche du projet de loi qu'il y a ici parce qu'il y a des objectifs qui sont très semblables. Et, dans notre but de vouloir protéger les activités de chasse et de pêche dans les aires protégées, je pense qu'il devrait y avoir... À peu près partout dans le projet de loi, quand on dit qu'il n'y a pas d'incompatibilité avec les autres lois, on aimerait voir: «, notamment la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune», parce qu'elle est si proche qu'elle ne devrait pas être exclue avec toutes les autres lois. Voyez-vous?

Au 8, donc: la Fédération québécoise de la faune recommande que, sur les terres du domaine de l'État comprises dans le plan d'une réserve aquatique ou d'une réserve de biodiversité, toute activité d'exploration minière, gazière ou pétrolière, de recherche de saumure ou etc., soit interdite. Et je vais vous expliquer pourquoi on a mis ça là; peut-être que vous pourriez éclairer notre lanterne là-dessus.

Article 36: «1° sont interdites les activités suivantes:

«a) l'exploitation minière, gazière ou pétrolière.»

Mais, si on va plus bas:

«f) sous réserve des mesures les autorisant[...]: les activités d'exploration minière, gazière ou pétrolière».

La question qui surgit chez nous à ce moment-là, c'est si, de toute façon, l'exploitation minière, gazière ou pétrolière est interdite dans un tel site, à quoi servirait bien, selon certaines dispositions, de permettre l'exploitation en vue de trouver des gisements? On se demandait pourquoi un était permis alors que l'autre ne l'était pas. Peut-être que, tantôt, on pourrait m'éclairer là-dessus.

Enfin, on recommande qu'il soit mentionné, à l'article 36, paragraphe 2, que les activités pratiquées en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune soient permises sur ces territoires. À l'article 36, paragraphe 2, on mentionne que sont permises toutes les autres activités. C'est encore un endroit où on aimerait voir «, notamment celles prévues à la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune» pour une raison évidente de protection.

Je vais, si vous le permettez, conclure. La chasse et la pêche sont des activités qui, pour les Québécois, sont non seulement importantes pour le plaisir, mais qui sont importantes parce qu'elles sont là; elles existent. Ce n'est pas quelque chose qui a été inventé dernièrement. Ça a toujours été là.

n(22 h 50)n

On a aussi un discours qui fait état de retombées socioéconomiques de la chasse et de la pêche au Québec. Il y a des régions du Québec qui ont besoin de la chasse et de la pêche; il y a des régions où c'est vraiment un moteur économique. C'est donc majeur à nos yeux et pour beaucoup de gens au Québec, et c'est pour ça qu'on est assis avec vous ici, aujourd'hui. C'est pour assurer le maintien de ces activités-là qui, soit dit en passant, subissent de plus en plus de pressions d'endroits dont vous n'imaginez pas la provenance.

Et, finalement, nous n'aimerions pas... On s'inquiète de la possibilité que la stratégie québécoise sur les aires protégées serve de monnaie d'échange à des pratiques sylvicoles intensives dans la partie méridionale de la province. En d'autres termes, on ne voudrait pas qu'il y ait compensation de perte de territoires potentiellement exploitables par de la sylviculture intensive dans d'autres parties du territoire. Pour nous, la sylviculture intensive, c'est l'antithèse de la biodiversité, c'est de la monoculture, et c'est aussi une antithèse d'habitats fauniques en bonne santé.

Ça conclut. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Roy. Nous allons maintenant procéder à l'échange. M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais, M. le Président, d'abord remercier M. Roy, souhaiter la bienvenue à Mme Guertin. C'est la première fois qu'on a l'occasion d'avoir un échange en direct. On voudrait vous remercier de vous être déplacés. Merci d'avoir contribué à notre réflexion.

Peut-être, pour que vous puissiez ressortir avec davantage d'information sur le sens de l'action gouvernementale, vous dire d'abord un certain nombre de choses.

Le projet de loi ne contient pas de préambule et il ne contiendra pas non plus, dans sa version finale, de préambule. Il contient des notes explicatives qui résument ce que contient le projet de loi. Les projets de loi qui contiennent un préambule sont plutôt rares, à l'Assemblée nationale. C'est une exception technique de rédaction qui est habituellement retenue par les légistes. Les préambules sont là pour contexter un projet de loi ou pour enrichir, par des clauses interprétatives ? je me risquerais de me rendre jusque-là ? par des clauses interprétatives, certains articles de loi.

Par exemple, la Loi instituant le Fonds national de l'eau contient un préambule qui affirme un certain nombre de principes qui sont chers au législateur et que l'Exécutif veut faire valider par le pouvoir législatif. Dans ce cas-ci, il ne faut pas confondre les notes explicatives avec un préambule. Donc, la recommandation que vous nous faites, je l'entends, mais il serait difficile d'y donner suite.

Quant à la publication dans la Gazette officielle, c'est en vertu de façons de faire que nous publions en préavis, pour une période de 45 jours, des règlements. C'est en vertu de la Loi sur les règlements, cette loi qui prévoit les mécanismes par lesquels un règlement est adopté par le Conseil exécutif et ensuite soumis à la consultation. Pour qu'un règlement entre en vigueur, par définition et par loi, ce règlement doit être publié à la Gazette officielle et doit être publié pendant une certaine période de temps définie à la loi, pour que des gens intéressés puissent faire connaître leur opinion. L'avis publié à la Gazette officielle doit d'ailleurs fournir le nom de la personne à qui s'adresser pour faire connaître son opinion. Donc, c'est en vertu de la Loi sur les règlements.

Les plans dont il est fait mention à l'article 15, donc le projet de désigner un milieu naturel, ce plan n'est pas un règlement. Et, pour ce type de consultation ou pour ce type de délai de carence pendant lequel la proposition est soumise à la consultation, donc pendant lequel il n'y a pas de décision, nous proposons un délai de 30 jours qui est conforme aux pratiques gouvernementales établies en pareilles matières. Ici, il faut faire attention dans l'association qu'on fait entre le 45 jours du règlement et celui de l'annonce d'une décision qui est essentiellement une décision ministérielle.

Quant à l'article 22, au huitième élément, vous nous indiquez une inquiétude. Ma compréhension ? et je reverrai, peut-être que l'article est mal libellé ? mais ma compréhension, c'est que c'est une balise à la discrétion du ministre et que nous venons, par les neuf éléments qui sont là indiqués, nous, on vient encadrer la discrétion qui est celle du ministre.

Je disais, d'entrée de jeu, plus tôt en soirée: Le ministre a un pouvoir discrétionnaire qui n'est pas un pouvoir arbitraire, et il convient de le limiter et de l'encadrer. Et je pense que le huitième élément fait état de la réalité à la fois des bénéfices qui sont escomptés par la préservation d'un milieu et des conséquences qui sont liées à l'interdiction de faire une activité. Donc, l'un dans l'autre, le ministre, avant de prendre une décision, considère les choses.

Il m'apparaît normal de le faire, et je ne saisis pas le fond de votre pensée. C'est peut-être moi qui, à cette heure tardive, réfléchit moins vite, mais j'aimerais bien comprendre, et mieux comprendre, votre inquiétude sur cet article 22.

M. Roy (Gaétan): Je peux avec plaisir essayer de préciser notre pensée, si vous le permettez.

M. Boisclair: Oui. Bien, c'est ce que je souhaiterais pour être bien sûr que, avant qu'on se quitte, moi, j'aie bien compris.

M. Roy (Gaétan): Vous devez comprendre évidemment que la lecture qu'on a faite du projet de loi, ça a été intense, depuis trois jours.

M. Boisclair: Oui...

M. Roy (Gaétan): Donc, il se peut qu'on ait mal interprété des choses. Mais ce que j'essaie de faire comprendre, c'est qu'on va mettre dans une balance...

M. Boisclair: Oui.

M. Roy (Gaétan): Si on prend seulement ce huitième paragraphe, on met dans une balance, d'un côté, le bénéfice escompté de la préservation du milieu naturel.

M. Boisclair: Oui.

M. Roy (Gaétan): De l'autre côté, le préjudice pouvant résulter d'une limitation ou d'une interdiction. Vu de notre côté...

M. Boisclair: Mais 8 qui doit être lié aussi avec 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7. Le tout doit être... Tout le... La balance est plus grande que ça, là.

M. Roy (Gaétan): D'accord. C'est donc tout ça en même temps?

M. Boisclair: Oui.

M. Roy (Gaétan): D'accord.

M. Boisclair: Et les uns par rapport aux autres. En somme, ce que vous voyez dans cet article, c'est un peu la grille d'analyse qui sera la mienne. Mais cette grille d'analyse ne m'amène pas à pondérer par exemple chacun des éléments.

J'exerce une discrétion mais qui est balisée par les éléments qui sont là, et je dois tenir compte de ces éléments avant de prendre une décision. Mais il n'y a pas un élément qui est plus important que l'autre. Vous comprenez?

M. Roy (Gaétan): Oui.

M. Boisclair: Je ne sais pas, peut-être ça lève votre objection ou votre...

M. Roy (Gaétan): Vous allez quand même, en exerçant ce pouvoir, avoir une série de balises. Vous n'aurez pas une série de pondérations à faire: 2 sur 10, 8 sur 10. Mais vous allez avoir une série de balises, quand même.

M. Boisclair: Oui, mais on est dans la gestion de... on gère un pouvoir discrétionnaire, là. Ce n'est pas mon intention de pondérer et d'expliquer avant de prendre, de rendre une décision.

M. Roy (Gaétan): D'accord.

M. Boisclair: On est dans le cadre d'une demande d'autorisation, là. Le législateur me donne des pouvoirs. Ce sont des pouvoirs importants, là, hein? Je vais vous dire, il n'y a pas grand ministres de l'Environnement qui vont avoir les pouvoirs que la loi me donne.

Une voix: Effectivement.

M. Boisclair: Et les parlementaires de notre Assemblée, de tout temps, lorsqu'on donne un pouvoir discrétionnaire à un ministre qui n'est pas une décision du gouvernement, d'un décret du gouvernement, le réflexe du législateur, ça a toujours été de dire: Bien, on va baliser.

Moi, je dois vous dire, entre vous et moi, il n'y a rien que je déteste plus qu'un pouvoir arbitraire, un pouvoir discrétionnaire. Parce que ça peut donner ouverture à toutes sortes de requêtes qu'il faut juger, et là, faire plaisir aux gens, ça serait peut-être se comporter en matamores puis d'utiliser le pouvoir discrétionnaire à la demande de l'opinion, sachant que la discrétion que j'exercerais en cas de pression tiendrait davantage de l'arbitraire que de la bonne gestion du pouvoir qui m'est donné par l'Assemblée.

M. Roy (Gaétan): Notez que je n'ai pas voulu mettre en doute l'intégrité de personne, mais...

M. Boisclair: Non, mais je vous dis ça. Les pouvoirs discrétionnaires d'un ministre, c'est toujours... c'est toujours très délicat et autant parce que le législateur, les parlementaires sont attentifs lorsque vient le temps de donner un pouvoir discrétionnaire à un ministre. Autant, moi, je vous dis, comme ministre: J'ai toujours préféré le baliser, ce pouvoir-là, pour dire d'avance aux gens: Oui, l'Assemblée me donne de nouveaux pouvoirs. Parce que c'est ça que l'Assemblée va faire par cette loi: à moi, membre de l'Exécutif, mes collègues députés me donnent de nouveaux pouvoirs.

n(23 heures)n

Et je veux dire aussi que ces pouvoirs-là, je ne les exercerai pas n'importe comment. Puis, avant que l'Assemblée me délègue cette responsabilité, il y a une grille d'analyse que je leur propose et que je leur soumets. Et la grille d'analyse, bien, c'est tous les éléments qui sont là, qui, l'un dans l'autre, devront m'inspirer dans la décision que j'aurai à prendre. Est-ce que ça vous rassure?

M. Roy (Gaétan): Très bien. Tout à fait.

M. Boisclair: Bien. Je pourrais continuer, mais je laisse le soin à mes collègues, là, de...

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député...

M. Boisclair: Mais merci pour votre présentation. Je sais que mon collègue Richard Legendre ? je termine là-dessus ? travaille fort aussi. Il a un dossier qui vous intéresse beaucoup, celui de ce droit pour les chasseurs, là... cette question est discutée. En tout cas, Richard m'en parle régulièrement.

M. Roy (Gaétan): ...aussi. Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Je crois comprendre que vous avez su faire entendre votre voix.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Oui. Bonsoir, Mme Guertin, M. Roy. Vous saluerez M. Cossette de ma part. Écoutez, je n'aurai pas une longue intervention. Si ce n'est que dans le projet de loi on ne voit pas le mot «chasse», «pêche», à aucun endroit. Dans le fond, votre appréhension, c'est que, lorsqu'il y aura les plans de conservation, dans le fond, le ministre qui endossera le plan ne reconnaisse pas, dans le fond, le pouvoir aux chasseurs, aux pêcheurs, d'utiliser ces aires de protection, dans le fond, qui auront été créées? Je pense que ça résume votre...

M. Roy (Gaétan): Le terme «pouvoir» n'est pas celui que j'utiliserais, là. Moi, c'est le terme tout simplement de «pouvoir rester là», tout simplement.

M. Whissell: Vous avez bien compris le lien, tantôt, que je faisais avec les autres lois. Dans les autres lois, c'est beaucoup plus clair, on le reconnaît plus facilement. Et j'ai posé au groupe qui vous a précédés la question, à savoir, bon, pourquoi on n'incluait pas... Disons que je suis resté un peu sur mon appétit par la réponse, parce que...

M. Boisclair: Ce n'est pas interdit.

M. Whissell: Pardon?

M. Boisclair: Ce n'est pas interdit.

M. Whissell: Ce n'est pas interdit mais ce n'est pas reconnu. Ce n'est pas reconnu.

M. Boisclair: Ce n'est pas une loi de reconnaissance sur les droits de la chasse, ça.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Boisclair: Bon, je m'excuse.

M. Whissell: Non, non. C'est intéressant. Mais je pense que vous soulignez un point important, et, dans les autres lois, on le reconnaît. Il y aurait peut-être lieu de se pencher sur cette alternative.

Le Président (M. Pinard): Vos commentaires, M. Roy.

M. Roy (Gaétan): Enfin, moi, pour faire un résumé de trois phrases, c'est exactement ce que je voulais dire. C'est que j'ai tenté d'exprimer notre philosophie qui dit que la chasse et la pêche ne sont pas des activités d'exploitation mais sont des activités naturelles qui font partie des cycles naturels, et qu'on aimerait voir un petit peu mieux exprimé le fait que la chasse et la pêche ne seront pas considérées comme des activités d'exploitation qui seront exclues des aires protégées, voyez-vous?

M. Whissell: Soyez certains qu'on accueille favorablement votre requête, de ce côté-ci du moins.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Saguenay? Autres membres de la commission?

M. Boisclair: Est-ce qu'on pourrait...

Le Président (M. Pinard): Alors, permettez-moi, au nom des membres de la commission, de vous remercier infiniment de vous être déplacés et votre groupes, ainsi que les autres groupes. Vraiment, l'expertise est, hors de tout doute, raisonnable. Alors, merci infiniment.

Et, moi, en ce qui me concerne, permettez-moi d'ajourner les travaux de la commission à mercredi, le 4 décembre, à 15 heures. Et nous poursuivrons à ce moment-là les consultations particulières sur le projet de loi n° 129. Merci.

(Fin de la séance à 23 h 4)


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