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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le jeudi 14 mars 2002 - Vol. 37 N° 37

Consultations particulières sur l'indemnisation des personnes accidentées reconnues coupables d'actes criminels


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Pinard): Alors, je souhaite la plus cordiale bienvenue à vous tous ce matin. Je déclare donc la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Je tiens à vous rappeler le mandat de la commission qui est d'élaborer des pistes de solution à l'égard de l'indemnisation des personnes accidentées reconnues coupables d'actes criminels.

Alors, immédiatement, je vais demander à Mme la secrétaire d'annoncer les remplacements, s'il y a lieu.

La Secrétaire: M. le Président, M. Lachance (Bellechasse) remplace Mme Doyer (Matapédia).

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, je vais vous donner immédiatement lecture de l'ordre du jour: nous allons débuter par des remarques préliminaires du gouvernement ainsi que de l'opposition officielle; par la suite, nous allons rencontrer la Société de l'assurance automobile du Québec, qui est représentée aujourd'hui par M. Jacques Brind'Amour, président-directeur général, M. Martin Breton, vice-président, Service aux accidentés, le Dr Marc Giroux, directeur de l'indemnisation, ainsi que Me Claude Gélinas, directeur au secrétariat ainsi qu'aux affaires juridiques; par la suite, nous allons rencontrer les membres de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, représentée par Me Pierre Bosset, directeur, Direction de la recherche et de la planification de la Commission, Me Michel Coutu, conseiller juridique, Direction de la recherche et de la planification; également, par la suite, nous allons procéder aux remarques finales de l'opposition ainsi que du gouvernement, et l'ajournement des travaux est prévu pour midi trente.

Alors, sans plus tarder... Pardon?

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Oui, nous allons débuter. Je vais vous demander, s'il y en a parmi vous qui avez un téléphone cellulaire, de bien vouloir le mettre à «off», s'il vous plaît, pour la durée des travaux de la commission.

Document déposé

Également, nous allons procéder immédiatement par le dépôt du document produit par la Société de l'assurance automobile du Québec. Est-ce que vous avez le document, madame? Je vous remets ce document pour dépôt.

Remarques préliminaires

Alors, nous procédons aux remarques préliminaires. Alors, j'inviterais M. le ministre des Transports, M. Ménard, à bien vouloir débuter, s'il vous plaît. Vous avez un temps de parole de 15 minutes.

M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, merci, M. le Président. Voici une commission parlementaire qui semble vouloir se tenir d'une façon inhabituelle par rapport à ce avec quoi j'étais familier. Mais, par contre, je trouve que c'est une bonne façon, si ça va avec le... si ça convient à l'opposition également.

Moi, quand j'étais jeune député, pour la première fois à la suite d'une élection partielle, nous étions dans l'opposition, j'ai trouvé que c'est probablement en commission parlementaire que le travail le plus sérieux se faisait la plupart du temps, sauf quand, pour une raison ou pour une autre, quelqu'un veut les bloquer. Mais, de façon générale, je trouve que l'on donne une meilleure image publique en commission parlementaire que parfois dans la belle Assemblée nationale que nous avons, où l'esprit combatif ? ha, ha, ha! ? a plus d'importance que la réflexion sur les sujets particuliers.

Dans ce cas-ci, on m'a proposé ? je trouve, je suis un peu d'accord avec ça ? qu'on procède de façon un peu plus informelle, après avoir entendu des témoins qui peuvent nous éclairer sur un problème particulier qui s'est soulevé au cours des audiences de cette commission sur l'ensemble de notre régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Je pense que, de façon générale, ce régime, qui a traversé plusieurs gouvernements de différents partis, est généralement reconnu comme adéquat. Sans doute, il y a des améliorations qui peuvent être apportées, mais, de façon générale, l'on estime qu'il est à la hauteur des meilleurs régimes au monde d'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Mais un problème s'est soulevé, paraît-il, au cours de ces audiences où je n'étais pas, c'est celui... Faut-il indemniser des personnes qui ont causé les accidents dont elles sont elles-mêmes victimes alors qu'elles commettaient un acte criminel? L'acte criminel auquel on pensait, c'était la conduite avec facultés affaiblies par l'usage de l'alcool. C'est principalement celui auquel on pensait, mais l'on constatera rapidement que le Code criminel prévoit non seulement l'usage de l'alcool, mais l'usage d'une drogue. Et puis la jurisprudence a établi que, quand les facultés sont affaiblies par l'usage de l'alcool ou d'une drogue et la fatigue, même si la personne n'avait pas dans son sang plus que le maximum que permet la loi, elle avait ses facultés affaiblies par l'alcool et donc elle était coupable.

Je trouve que c'est... Il faut bien situer les limites de notre juridiction, autant que les limites du débat qui se pose devant nous. J'ai cru remarquer, peut-être à tort, dans les remarques qu'a faites mon critique de l'opposition, le député de Shefford, lors de notre dernière rencontre où ça a été remis, qu'il accordait beaucoup d'importance à l'élément dissuasif, aux peines qui, selon lui, n'étaient pas assez sévères pour les conducteurs qui étaient coupables de ces crimes, et ainsi de suite. Nous n'avons pas de juridiction en matière criminelle, n'est-ce pas? C'est le Parlement d'Ottawa qui a cette juridiction. Nous ne sommes donc pas ici pour discuter des punitions qui doivent être données pour punir ceux qui se rendent coupables de ces crimes et dissuader d'autres personnes donc de commettre ces mêmes crimes par la peur de la punition qu'ils auraient.

D'autant plus qu'il faut quand même constater que, contrairement à certaines affirmations qui ont été faites, ce n'est pas un crime qui est en augmentation. Au contraire, des campagnes de sensibilisation, une meilleure éducation, une meilleure sensibilisation du public et certainement aussi le fait de certaines sentences qui, sans être augmentées, étaient plus certaines, l'introduction de l'ivressomètre ? je vous dis ça parce que, moi, j'ai commencé ma pratique de droit criminel alors qu'il n'y avait pas d'ivressomètre ? la légalisation aussi des barrages routiers ont fait que l'on observe moins de conduite avec facultés affaiblies qu'auparavant.

Quand j'étais au ministère de la Sécurité publique, on avait constaté que les premiers barrages routiers nous donnaient... Je n'ai pas de chiffres précis là-dessus, mais je me souviens qu'il y avait nettement une différence. Les premiers barrages routiers qui ont été faits par les policiers, on avait un taux, si je me souviens bien, d'autour de 10 % de personnes que l'on attrapait avec les facultés affaiblies. Les derniers qui sont faits, dans le temps des fêtes, c'est en bas de... c'est autour de 1 %, je crois. Donc, c'est vraiment un bon sondage, les...

Donc, c'est un crime qui, Dieu merci, est en diminution. J'ai remarqué aussi, dans la jeune génération, que nos jeunes ont généralement une attitude plus responsable que l'on avait à leur âge. Mes enfants, et pourtant je ne crois pas que ce soit moi qui leur ai enseigné, mais j'ai remarqué que leurs groupes d'amis, ils ont systématiquement des chauffeurs désignés lorsqu'ils sortent, ce qui était une pratique absolument inconnue lorsque j'avais leur âge. Alors donc, je vois qu'il y a des choses qui s'améliorent. Et puis c'est bon de réaliser des fois que, contrairement à ce qu'on pense, nos enfants sont un peu... sont mieux que nous, n'est-ce pas?

Donc, le problème qu'il s'agit de... que nous avons présentement, c'est de savoir: Devons-nous indemniser ou non ceux qui se rendent coupables d'actes criminels et qui sont victimes, à ce moment-là, d'accident? Je ne crois pas que l'on doit prendre ça comme une punition, le fait d'être indemnisé ou de ne pas être indemnisé, parce que, si c'était le cas, cela irait vraiment contre tout les principes de pénologie ou de criminologie que l'on doit appliquer, c'est-à-dire que la punition doit être conforme, doit être mesurée par rapport au délinquant et à la gravité de la conduite, non pas uniquement aux conséquences.

n (9 h 50) n

C'est vrai que, dans le Code criminel, les conséquences d'un acte criminel sont prises en considération, par exemple: blesser quelqu'un alors que... si on avait conduit avec facultés affaiblies, est plus grave que simplement conduire; causer la mort est plus grave que blesser. Mais, sauf des cas comme ceux-là où, de toute façon, le Code criminel prévoit des peines différentes et plus sévères, je crois que le fait qu'une personne, elle, a eu la malchance d'être blessée alors qu'elle commettait une infraction ne devrait pas entraîner une punition beaucoup plus sévère qu'une autre personne dont la conduite aurait été beaucoup plus dangereuse, beaucoup plus malicieuse, mais qui aurait eu la chance de ne pas être blessée. Et ce qu'il y a de dramatique dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies, c'est que les personnes qui sont parfois ivres sont les moins blessées, parce que, justement, si c'est défendu de conduire avec ses facultés affaiblies, c'est parce que nos réflexes sont ralentis; alors, dans un accident, la personne qui est ivre, ses réflexes ne la font pas raidir comme une personne qui ne l'est pas, et c'est la personne qui est raidie qui se retrouve avec le plus de fractures. Alors, ce serait une profonde injustice, il me semble, que cette personne-là soit moins punie qu'une autre qui était moins ivre et dont la conduite parfois peut être sinon excusable du moins compréhensible.

Je pense aussi qu'il faut utiliser avec modération le terme «criminel», réalisant que ? on verra tout à l'heure dans les chiffres qui sont donnés par la SAAQ ? certains sondages établissent que 44 % des gens, n'est-ce pas, reconnaissent qu'ils auraient pu ou qu'ils pourraient conduire avec plus de 0,08 d'alcool dans leur sang. Qualifier 44 % de la population de criminels en puissance m'apparaît un peu exagéré.

Alors donc, cette question relève essentiellement... soulève plutôt un problème juridique qui n'est pas ésotérique, c'est-à-dire que c'est quand même un problème juridique fondamental que tout le monde peut comprendre, c'est de savoir... C'est de faire la distinction entre ce qu'on appelle le droit civil et le droit criminel. Le droit criminel vise justement à punir les contrevenants et à dissuader les gens honnêtes de les imiter par la peur de la punition. Mais un principe important du droit criminel, c'est que la punition doit être graduée, si je puis dire, par un certain nombre de facteurs. Le droit civil, lui, vise à indemniser les gens. Enfin, c'est des rapports entre les personnes eux-mêmes.

Dans ce cas-ci, notre régime fait que ? et tout le monde est d'accord avec ça... notre régime veut que, plutôt que de rechercher la réparation du préjudice subi lors d'un accident chez celui qui est responsable de l'accident, vu que ce régime était malheureux pour la majorité des gens parce que les gens qui étaient responsables des accidents n'étaient pas toujours solvables et avaient des moyens limités, eh bien, tout le monde est indemnisé par l'État. Mais, aussi, tout le monde paie une prime.

Alors, est-ce qu'il est bon d'introduire, dans un régime de droit civil, des éléments de droit criminel ou de droit pénal? C'est ça, au fond, la question qui est soulevée ici. Et on pourra voir, par le document que la SAAQ va nous présenter et nous exposer... je crois que dans les six blocs qu'ils ont déterminés ils nous feront bien voir les conséquences qu'il y a à prendre cette mesure que certains nous suggèrent.

Je signale enfin, avant de terminer, un dernier piège dans lequel on ne doit pas tomber. Généralement... En fait, ce qui nous amène ce problème ici, c'est les cas très médiatisés de personnes ivres, récidivistes, qui ont causé des dommages à d'autres personnes et qui se sont blessées. Et on trouvait scandaleux, dans ces cas particuliers bien médiatisés, que ces personnes soient indemnisées. On trouvait qu'au fond un vieil ivrogne qui, à la suite d'un accident, s'est blessé puis en a blessé d'autres, eh bien, c'est un petit peu odieux de l'indemniser, parfois de l'indemniser plus que ses victimes parce qu'il aurait été plus blessé que ses victimes. Bien, il faut bien comprendre que la nature des médias modernes et de ceux... qu'on voudrait, c'est de rapporter l'exceptionnel, n'est-ce pas? Et ce vieil ivrogne fait les manchettes, mais, hélas, les accidents plus communs, on n'en entend jamais parler, à moins de lire dans un... J'ai toujours remarqué ça, moi, que les quotidiens, c'est l'exceptionnel, les périodiques donnent une vision plus en profondeur des choses.

Bien, ici, je pense qu'il faut regarder non pas uniquement ce vieux soûlon qui nous scandalise, mais, si on modifie la loi pour lui, quelles conséquences ça a pour d'autres. Et est-ce qu'on ne risque pas, voulant corriger cet élément scandaleux, de créer des situations pénibles et injustes pour d'autres personnes qui sont beaucoup plus nombreuses et dont l'histoire n'est pas assez intéressante pour justifier qu'on la publie dans les médias?

Donc, je pense qu'on pourrait étudier de façon... puisqu'on est... On pourrait discuter de façon informelle entre nous sur chaque bloc pendant un temps dont on pourrait convenir mutuellement ? certains, je pense, peuvent aller plus rapidement que d'autres ? on pourrait garder les experts qui sont ici à notre disposition après les avoir entendus, de façon à demander les informations ? moi-même, je trouve qu'il y a certaines informations que je voudrais avoir, que je ne trouve pas dans les blocs ici ? et je pense que nous ferions vraiment notre travail de législateurs, cherchant à étudier par avance tous les paramètres que devrait respecter une nouvelle loi, si nous décidions, à la suite de cet examen, qu'une nouvelle loi est nécessaire.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre et député de Laval-des-Rapides. Alors, je cède maintenant la parole au critique officiel de l'opposition en matière de transports, M. le député de Shefford, Me Brodeur.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Premièrement, bienvenue à cette commission. Félicitations pour votre élection à la présidence de la commission.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Brodeur: J'aimerais également souhaiter la bienvenue au ministre. On sait qu'on s'est rencontré une fois de façon très courte, et nous n'avons pas eu la chance d'échanger beaucoup, peut-être plus par l'intermédiaire des médias, mais moins en personne. Il signalait tantôt, lorsqu'il était jeune député, lorsqu'il est arrivé ici, à l'Assemblée nationale, que les commissions parlementaires lui permettaient de s'exprimer; je suis d'accord avec lui. D'ailleurs, je suis aussi jeune député que lui: nous sommes rentrés ensemble le 8 mars 1994, tous les deux élus dans une partielle.

M. Ménard: Journée internationale des femmes.

M. Brodeur: Donc, j'ai toujours eu le plaisir de siéger avec l'actuel ministre des Transports.

J'aimerais, dans un premier temps, récapituler un peu ce qui s'est passé pour en venir à la discussion que nous aurons aujourd'hui. Je rappelle au ministre, qui était malheureusement dans un autre ministère à l'époque ? c'était son prédécesseur, Guy Chevrette, qui était ici à l'époque ? que nous avons tenu des consultations en septembre et octobre 2001 concernant tous les problèmes reliés à l'alcool au volant et, entre autres, il fut abondamment discuté de l'indemnisation des personnes accidentées reconnues coupables d'actes criminels. Il a été convenu avec le ministre de l'époque de se rencontrer au printemps afin de discuter de cette indemnisation-là, puisqu'il en avait été abondamment question.

Donc, il y a eu un ordre de la Chambre qui a été donné en décembre, nous nous sommes rencontrés en février, et cette rencontre-là a été remise sous le prétexte qu'il y avait un nouveau ministre des Transports, qu'il y avait un nouveau président à la Société de l'assurance automobile du Québec. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a souligné qu'ils n'avaient pas reçu en temps opportun le rapport de la Société de l'assurance automobile du Québec. Je rappelle également à la commission que la Commission des droits de la personne nous a réécrit il y a une semaine, 10 jours, pour nous souligner qu'elle n'avait toujours pas reçu le rapport de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Donc, aujourd'hui, nous sommes en possession des blocs d'information qu'on nous a envoyés. Je dois vous dire, à prime abord, M. le Président, et je le souligne au ministre, que je suis déçu des documents qu'on a reçus. Je me serais attendu à beaucoup mieux que cela, puisque la commission, qui a duré près d'un mois, a élaboré beaucoup plus, beaucoup plus que les documents qui nous sont servis. M. le Président, sans vouloir être méchant, ça a l'air un peu du copier-coller, là, du site Internet ou de documents qui existaient déjà, même avant les consultations que nous avons eues.

n (10 heures) n

Donc, M. le Président, il ressort de ces consultations-là qui se sont tenues à partir... On se souvient de la date, M. le Président, nous avons commencé le 11 septembre 2001, date facile à retenir pour le début des consultations, qui avaient été remises, la première journée. Donc, il a été abondamment question principalement des alcooliques d'habitude, des récidivistes notoires. Donc, une panoplie de gens sont venus s'exprimer là-dedans, y compris des témoignages très pathétiques de parents de victimes. Il y a eu des témoignages aussi de juristes, de juristes qui ont fait des nuances entre les degrés de fautes qui pouvaient être commises à cet égard-là.

Donc, si nous sommes ici aujourd'hui, ce serait peut-être pour établir des paramètres concernant les fautes. Le ministre nous disait tantôt que ce n'est pas de la juridiction du Québec, de légiférer concernant le Code criminel, et ça, M. le Président, je pense que tout le monde est d'accord alentour de cette table. En même temps, aussi, les gens qui sont venus témoigner lors des consultations étaient d'accord avec ce point-là. Ce qui nous occupe, M. le Président, c'est de savoir s'il y a lieu ou pas de moins indemniser ou de ne pas indemniser, particulièrement les récidivistes notoires ? notoires. Si j'ai bien compris, d'ailleurs, de certains juristes qu'on a reçus ici, en commission, et le ministre sachant que...sa carrière auparavant était criminaliste, il y a une certaine discrétion de la part des procureurs de la couronne tant qu'au degré de sévérité de la plainte qui sera déposée auprès du tribunal compétent, donc il y a un certain jeu, si j'ai bien compris de la part d'un professeur d'université qui est venu s'exprimer ici.

Donc, M. le Président, la principale chose qui est de compétence provinciale, c'est de savoir s'il y a concordance entre toutes les lois du Québec et faire en sorte que l'acte criminel qui est décrit au Code criminel est-il un acte criminel moins criminel qu'un autre acte criminel. Et dans ce sens-là, M. le Président, je peux vous donner quelques exemples. Par exemple, si un voleur de banque se tire dans le pied en commettant son acte, il ne peut pas, selon la loi, réclamer une indemnisation étant victime d'un acte criminel. Dans le cas qui nous occupe, une personne qui a un accident d'automobile, qui est reconnue criminellement responsable, s'il est blessé, est quand même dédommagé.

Si on prend un autre cas, M. le Président, par exemple un cas de CSST, si un employé se blesse en volant des choses ou en commettant un acte criminel, il est établi à la loi que la CSST ne le paie pas pour les dommages qu'il a eus. M. le Président, la loi qui nous occupe présentement ne tient pas compte, ne tient pas compte de ce délit criminel là. Donc, y aurait-il, y aurait-il lieu d'uniformiser les lois du Québec? Et, si nous sommes ici, notre pouvoir, c'est de faire en sorte que la justice soit rendue pour tout le monde, qu'il y ait au moins apparence de justice et faire en sorte qu'on puisse bien délimiter où est l'acte criminel, ce qui est correct, ce qui est moins correct. De toute façon, M. le Président, je ne crois pas que le législateur fédéral non plus ait décidé, en installant au Code criminel la conduite en état d'ébriété, qu'il faisait d'un acte un criminel à un degré, ou à un autre degré, ou à plusieurs degrés. Il y a seulement ici, au Québec, qu'on donne plusieurs degrés concernant... On ne peut pas dire, M. le Président, par exemple, qu'un criminel qui vole une banque est moins criminel de celui qui tue quelqu'un en auto, à partir des articles du Code criminel. Donc, c'est tout simplement pour établir une certaine uniformité, premièrement, entre les lois du Québec, les lois qui indemnisent les gens, on parle de l'IVAC, de la CSST et de la SAAQ.

Également, M. le Président, j'aurais aimé voir, de la part de la Société de l'assurance automobile, un tableau de chacun des systèmes, des systèmes d'indemnisation de victimes, y compris celui de la Société de l'assurance automobile, en rapport avec la CSST, en rapport, par exemple, avec l'IVAC. Ça aurait été très intéressant à regarder. Ensuite de ça, j'aurais aimé voir s'il y a des corrélations qu'on pourrait faire sur... ou des comparaisons qu'on pourrait faire, suivant le taux d'alcoolémie ou suivant le total des récidives qui ont été faites de la part de ces gens-là qui ont conduit en état d'ébriété et qui se sont blessés, et qui ont blessé d'autres gens, et qui ont été reconnus criminellement responsables.

Donc, M. le Président, je pense que, sans plus tarder, on va passer à l'écoute des gens qui sont ici pour témoigner suivant ce rapport, soit la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission des droits de la personne. Et j'approuve la suggestion du ministre qui veut qu'on fasse ça à bâtons rompus et que l'on puisse, suite... Par exemple, c'est la Société de l'assurance automobile du Québec qui seront les premiers ici à exprimer leur opinion. S'ils peuvent rester ici à la suite de ça, suite aux consultations qui se tiendront avec la Commission des droits de la personne, on pourra échanger, là, sur l'ensemble de la discussion qu'on a eue avec un groupe et l'autre groupe. Donc, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Shefford. Alors, j'inviterais immédiatement la Société de l'assurance automobile du Québec à bien vouloir prendre place et, également, j'inviterais le président à bien identifier ses collègues pour les fins de l'enregistrement et également pour la télévision. Alors, M. Brind'Amour.

M. Brind'Amour (Jacques): Oui, M. le Président. Mon nom est Jacques Brind'Amour, je suis président-directeur général à la Société de l'assurance automobile du Québec; M. Martin Breton, ici, à ma gauche, qui est le vice-président au Service aux accidentés; M. Marc Giroux, qui est le directeur... excusez-moi.

Une voix: Politique et programmes pour les accidentés.

M. Brind'Amour (Jacques): Politique et programmes pour les accidentés; et Claude Gélinas, qui est le secrétaire... qui est directeur des affaires juridiques de la Société.

Ça nous fera plaisir évidemment de répondre à toutes les questions par la suite. Nous avions prévu de nous inspirer pour notre présentation du document que nous avons déposé à la commission, et nous n'avions pas prévu d'aller au-delà de ce qui est le contenu de ce document, mais, évidemment, si par la suite les députés le souhaitent, nous pourrons répondre à toutes les questions.

Alors, si vous êtes d'accord, M. le Président, comme il s'agit d'un document un peu technique, je demanderais à M. Breton, qui est vice-président au Service aux accidentés et qui a coordonné un peu la préparation de ce document, de vous faire une présentation et quelques commentaires.

Le Président (M. Pinard): M. Breton.

Exposé de la Société de l'assurance
automobile du Québec (SAAQ)

M. Martin Breton

M. Breton (Martin): Bonjour. Merci. O.K. Vous avez déjà reçu six blocs d'information qui, selon les orientations que vous allez donner, les discussions que vous allez avoir, vont orienter un peu nos travaux pour la suite.

Le bloc 1, sans aller dans... je n'irai pas dans le détail, vous avez déjà les documents, mais je vais faire ressortir les éléments qui sont importants. Dans le bloc 1, on parle: Est-ce qu'on veut viser tous ceux qui sont reconnus coupables d'actes criminels ou seulement les récidivistes? Les informations qu'on a là-dessus qu'on doit faire ressortir, c'est que, selon un sondage qu'on a fait, il y a à peu près près de 2 millions de conducteurs québécois qui avouent que ça pourrait peut-être leur arriver de conduire en état d'ébriété, pas tous les jours, mais à l'occasion, un des problèmes étant que, quand on s'assoit derrière le volant, c'est difficile de savoir si on est à 0,06 ou à 0,10. Quand on a eu un souper avec du vin, etc., ce n'est pas évident. Mais il y a près de 2 millions de conducteurs québécois qui avouent que ça pourrait leur arriver. Sur les 2 millions, il y en a 313 qui, pour leur malheur, ça arrive, qui ont un accident cette journée-là puis qui dépassent la limite légale de 0,08. Il y en a 313. Sur les 313, il y en a 260 qui avaient un dossier vierge, qui avaient... en termes de culpabilité criminelle. Ça veut dire que les gens qui n'avaient jamais pété de balloune, qui n'avaient jamais rien, qui avaient un dossier vierge, il y en a 260. Puis il y en a 53 que c'étaient des récidivistes.

Une information qui n'est pas dans le document mais qui peut être intéressante pour vous, c'est qu'il y en a à peu près... il y en a huit sur 10 que ce sont les seuls blessés dans l'accident, ce qui veut dire que, quand on prend, par exemple, nos 53 récidivistes, bien, il y a 42 cas où est-ce que le conducteur qui a dépassé la limite est le seul blessé qui demande des indemnités à la Société de l'assurance auto. Ça en laisse 11, ça nous en laisse 11 qui blessent d'autres personnes, soit qu'ils blessent le passager, leur conjoint ou, etc., ou qu'ils blessent quelqu'un qui est un piéton ou dans un autre véhicule.

Le reste du bloc 1 nous montre qu'il y a déjà des sanctions qui existent, qui vont de la suspension du permis jusqu'à l'emprisonnement à vie, pour ceux qui sont déclarés coupables de conduite avec facultés affaiblies.

Ça fait que la question qui se pose pour le bloc 1: Est-ce que vous voulez que ce soit tous ceux qui sont reconnus coupables d'actes criminels qui soient visés ou seulement les récidivistes?

M. Ménard: Peut-être, avec votre consentement ? je suis certain que vous allez être d'accord ? il y a une information qui manque. C'est combien de... quel est le montant des indemnités que vous payez par année? Autrement dit, c'est 14 millions sur combien, hein, sur quel montant?

M. Breton (Martin): O.K. Les indemnités versées par la SAAQ, le coût des indemnités, là, pour une année comme 1999, c'est de l'ordre de 700 millions. Ça fait que c'est 700 millions. Ceux qui sont reconnus coupables, on verse à ceux qui sont reconnus coupables 14 millions. Puis, quand on parle de récidivistes, c'est à peu près 2,4 millions par année, 2,4 millions.

n (10 h 10) n

Une voix: ...

M. Breton (Martin): Oui. Puis on pourrait rajouter ceux qu'ils blessent, ceux qui sont blessés par ces gens-là, c'est 18 millions, pas les conducteurs, mais ceux qui sont autres que le conducteur, qu'ils soient passagers ou dans un autre véhicule.

Le bloc 2 a été soulevé un peu par M. le ministre dans son introduction, c'est: Est-ce qu'on vise seulement ceux qui conduisent avec les capacités affaiblies ou tous les types de crimes qui sont commis sur la route? Il y en a toute une panoplie. Vous avez vu un peu dans le document, ça va de la conduite avec facultés affaiblies, qui, soit dit en passant, ce n'est pas juste 0,08, hein? Quelqu'un qui est à 0,03 et qui est fatigué pourrait être accusé et reconnu coupable de conduite avec capacités affaiblies. Ça fait qu'il y a «capacités affaiblies».

Il peut y avoir aussi les questions de négligence criminelle. Un exemple qui est donné, c'est qu'il y a une dame qui a été condamnée il y a quelques mois pour négligence criminelle parce qu'elle était épileptique, elle ne prenait pas ses médicaments, puis l'inévitable est... bien, l'inévitable, ce qui ne devait pas arriver est arrivé, elle a fait une crise d'épilepsie puis elle a tué quelqu'un en étant au volant. Ça fait qu'elle a été reconnue coupable de négligence criminelle.

Il y a aussi les questions de conduite dangereuse puis d'autres types d'infractions, là. Un exemple qui est donné, c'est un camionneur qui avait un... qui se promenait en surcharge puis que ses freins étaient défectueux, puis il le savait, puis qui a eu un accident, puis, bon, qui a blessé des gens. Ça fait que ça, c'est un autre genre d'infraction criminelle. Ça fait que le bloc 2, la question qui se pose: Est-ce que vous voulez viser seulement les personnes qui sont reconnues coupables de conduite avec capacités affaiblies ou tous les types de crimes commis sur la route?

Dans le 3, c'est parce que, quand on décide de... si jamais vous décidez de limiter les indemnités dans certains cas, est-ce que vous voulez que seulement le contrevenant soit visé ou la famille aussi? Actuellement, par exemple, je vous dirai que, quelqu'un qui est emprisonné, hein, suite à un crime sur la route, en vertu de la Loi de l'assurance auto actuelle, les indemnités sont diminuées pendant la période d'incarcération, mais la diminution des indemnités va en fonction du nombre de personnes à charge. Ce qui veut dire que, s'il n'y a pas de personnes à charge, on va couper les indemnités totalement; s'il y a des personnes à charge, on va verser une indemnité réduite à ces personnes-là, pas à la personne en prison, au conjoint et aux enfants, on va leur verser ça en parts égales à eux. Ça fait que la question qui se pose: Est-ce que vous voulez pénaliser les personnes à charge ou seulement le contrevenant?

Le bloc 4, c'est la punition en fonction de la gravité de la faute. Là-dessus, c'est que, quand quelqu'un commet un acte criminel puis qu'il se retrouve en cour pour une cause criminelle, le juge doit évaluer les circonstances qui entourent l'acte pour déterminer la gravité de l'acte. Par exemple, M. le député tantôt soulignait, bon, quelqu'un qui tue, mais un tueur à gages ou quelqu'un qui tue en cas de légitime défense, bien, le juge va apprécier ça différemment et il va donner des sentences qui sont différentes. Dans le cas d'un accidenté de la route, on peut arriver, par exemple... On a vu le cas, qui a été très choquant, du monsieur de Thetford qui a tué deux enfants sur le trottoir, pas de permis, pas d'auto à lui. Mais ce monsieur-là, il ne s'est pas blessé, ce qui veut dire que, si on modifiait notre loi pour ne pas verser d'indemnité, lui, il ne serait pénalisé, alors qu'un autre qui conduit à 0,10, qui a un dossier vierge et puis qui se blesse puis qui blesse son conjoint dans un accident alors qu'il est en état d'ébriété, si cette personne-là devient paraplégique, aurait une sentence ou aurait une punition qui serait beaucoup plus grande que celui qui était bien chaud puis qui n'a pas blessé personne... et qui ne s'est pas blessé lui-même ? pardon. Ça fait que, le bloc 4, la question qui se pose: Est-ce qu'on est prêt a accepter que la punition soit non pas en fonction de la gravité de la faute commise mais en fonction de la gravité de la blessure que la personne subit?

Le bloc 5, c'est sur la question des sanctions, la démesure des sanctions reliées aux actes criminels. Quelqu'un qui a un accident en état d'ébriété peut recevoir de la... en état d'ébriété ou non, là, mais quelqu'un qui devient quadriplégique, par exemple, peut recevoir des indemnités de la SAAQ qui peuvent aller au-delà de... facilement au-delà de 1 million de dollars. Si on décide que, compte tenu qu'il y a un acte criminel qui est commis, on ne verse plus certaines indemnités ou la totalité des indemnités, c'est un peu comme si on donnait une amende de 1 million de dollars à quelqu'un. Quand on regarde l'ensemble des crimes qu'on peut voir, des crimes de nature sexuelle, ou etc., sur l'ensemble du Code criminel ou même du Code de la sécurité routière, il y a très peu de sanctions qui sont de cet ordre-là. Ça fait que la question qui est posée, c'est d'évaluer les sanctions possibles, les conséquences possibles en termes de sanction pour un acte criminel versus d'autres actes criminels qui existent dans d'autres sphères d'activité.

Et le bloc 6. Le bloc 6, la détermination de la responsabilité, je vais vous l'amener en vous donnant un exemple. Admettons que vous avez un conducteur qui est en état d'ébriété au volant de sa voiture, arrêté à une lumière rouge. Pendant qu'il attend à la lumière rouge, il y a un individu, un conducteur sobre qui, distrait, ou peu importe, qui passe sur une lumière rouge puis qui vient le blesser. Quand on prend le Code civil, qu'est-ce que le Code civil dit? Les bases du Code civil, ça dit: Quand quelqu'un nous cause un dommage, on peut exiger de cette personne-là une réparation, sauf... à moins qu'il y ait des exceptions. Ça fait que ce qui veut dire que, si la loi de l'assurance automobile n'existait pas, le gars ivre pourrait poursuivre celui qui l'a blessé parce que c'est de sa faute. Le gars, il est ivre, c'est une infraction. Mais, la blessure, ce n'est pas à cause de lui, c'est à cause du gars qui est sobre qui l'a blessé.

Au Québec, on a une loi d'assurance auto qui dit: Écoutez, courez-vous pas l'un après l'autre, nous, on paie les indemnités. Si, un jour, on décidait que, nous autres, on ne paie pas les indemnités par le seul fait que la personne est coupable d'avoir conduit en état d'ébriété, ça veut dire que la personne n'est plus couverte par la loi d'assurance auto, elle retombe sur le Code civil. Ce qui veut dire que, si vous êtes à jeun, vous êtes sobre, mais que vous blessez un gars chaud, il pourrait vous poursuivre en vertu du Code civil.

Comme on voit que ce n'est peut-être pas ce qui est recherché, il faudrait évaluer, pour bien faire les choses, la responsabilité. Ce qui veut dire qu'un gars qui est reconnu coupable de conduite en état d'ébriété, il faudrait aussi vérifier est-ce qu'il est responsable de l'accident, totalement, partiellement, etc., avant de voir quel genre de... de quelle façon ça doit affecter ses indemnités. Ça fait que ce qui veut dire: Est-ce qu'on accepte de réintroduire une forme de responsabilité dans le système pour les gens qui sont reconnus coupables d'acte criminel au volant? Ça fait que c'est un peu ça, les six questions sur lesquelles on aimerait vous entendre pour nous permettre de dégager des orientations.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Breton. M. le député de Salaberry.

M. Deslières: Merci, M. le Président... plaisir de travailler avec vous, j'en suis sûr, au cours des prochaines semaines, des prochains mois. Bienvenue, messieurs de la SAAQ. Moi aussi, je partage les propos de... collègue de Shefford. En termes d'information, là, on aurait souhaité que votre présentation et vos informations soient un peu plus élargies. Peu importe, on va partir avec ça puis, si ce n'est pas satisfaisant, bien, on verra au fur et à mesure des discussions de la journée. Est-ce que j'ai compris, M. le Président, qu'on y allait bloc par bloc?

Le Président (M. Pinard): Allez.

M. Deslières: Est-ce qu'on fonctionne comme ça?

M. Ménard: Je pense que ce serait peut-être préférable d'entendre la Commission des droits et libertés avant d'attaquer bloc par bloc.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre ? pour fins d'enregistrement.

M. Ménard: Oui.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que vous préférez, les membres de la commission...

M. Deslières: Juste une question d'information, M. le Président. Moi, j'ai quelques questions rapides, ça ne me fait rien.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Un instant. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Si vous me permettez, si je peux faire une suggestion, on pourrait poser peut-être quatre, cinq questions pour immédiatement, je veux dire, j'ai quelques questions en tête, là, et peut-être laisser la place, dans peut-être 10, 15 minutes, à la Commission des droits de la personne pour le même système, puis, après ça, on pourrait juger à qui on pose des questions ou pas, là.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Brodeur: Une petite période informelle de questions peut-être...

Le Président (M. Pinard): Ou si on y va par bloc.

M. Ménard: Moi, je n'ai qu'une question, alors ce ne sera pas long. Et puis...

Le Président (M. Pinard): O.K. Alors, on va procéder...

M. Ménard: On ira par bloc après avoir entendu la Commission des droits et libertés de la personne.

Discussion générale

Le Président (M. Pinard): Ça va. Alors, on déblaie et, ensuite de ça, on reviendra au niveau des blocs. Alors, M. le député.

M. Deslières: M. le président, est-ce que la Société dispose des informations... Vous nous présentez, à la page 2 de votre cahier d'information, les statistiques pour 1999, est-ce que la Société dispose des statistiques pour 2000 et, je pense, dispose de 1998?

M. Brind'Amour (Jacques): Non. Pas pour 2000.

M. Deslières: Vous possédez 1998?

M. Brind'Amour (Jacques): Sûrement, oui.

Une voix: Oui, oui.

M. Deslières: Est-ce que nous pourrions avoir ces informations?

n (10 h 20) n

M. Brind'Amour (Jacques): Oui.

Statistiques concernant l'alcool au volant

M. Deslières: Ma première question: Est-ce qu'il y a une tendance à la hausse ou à la baisse concernant les deux derniers éléments de votre tableau?

Le Président (M. Pinard): M. Breton.

M. Breton (Martin): O.K. On va vérifier pour le nombre de gens qui demandent des indemnités en étant reconnus coupables. Ce qui est clair, par contre, c'est que le phénomène de l'alcool au volant est en nette régression depuis plusieurs années. À titre d'exemple, on sait qu'il y a une dizaine d'années on avait à peu près 1 000 morts sur les routes dont le tiers était imputable à l'alcool, alors qu'aujourd'hui on est rendu autour de 600 ou 700, puis il y en a seulement 25 % qui sont imputables à l'alcool. Ça fait qu'on est passé de ? un calcul rapide ? à plus de 300 morts par année dues à l'alcool, alors qu'aujourd'hui on parle plus de 175 décès, par année, dus à l'alcool.

M. Deslières: Les campagnes ont fait effet. L'information puis...

M. Breton (Martin): Oui, oui. Il y a une réduction générale partout, mais l'alcool, c'est très significatif, oui.

M. Brind'Amour (Jacques): Si vous permettez, je peux vous donner un complément. M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. Brind'Amour.

M. Brind'Amour (Jacques): Oui, j'ai un tableau, M. Breton n'avait pas le tableau en main. On a les données effectivement sur un tableau ici, qu'on pourrait vous remettre, qui donne de 1994 à 1999. Effectivement, il y a eu une légère réduction en 1999. En 1998, c'était 321. Les années précédentes: 308, 300, 301. Ça se tient pas mal là-dedans.

M. Deslières: ...nous déposer ce rapport?

M. Brind'Amour (Jacques): Oui.

M. Deslières: Deuxième question: Dans les 53 qui étaient des récidivistes, est-ce que vous avez la répartition de ces 53 récidivistes pour 1999? Est-ce que ça fait deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois, six fois qu'ils sont récidivistes?

M. Breton (Martin): Écoutez, pour ce qui est des récidivistes, on a fait une étude sur plusieurs années pour voir, puis c'est un pourcentage qui est à peu près constant de ceux qui sont déclarés... De ceux qu'on indemnise, parmi ceux qui sont déclarés coupables, c'est une proportion qui est à peu près constante dans le temps. Ça ne bouge pas beaucoup. Quant à savoir le nombre d'infractions que ces récidivistes-là avaient, je vais vérifier, je n'ai pas l'information ici.

M. Deslières: Je comprends que, aussitôt que vous allez avoir l'information, vous allez la transférer à la commission?

M. Breton (Martin): Oui.

M. Deslières: Dernière question. Vous parlez d'un sondage, parce que vos éléments... dans votre tableau, les éléments sont des éléments de fait, sont des éléments factuels, et le deuxième élément d'information que vous transmettez à cette commission, vous parlez de conducteurs qui disent être susceptibles de conduire, selon un sondage: 44 % des répondants. Combien y a-t-il eu de répondants?

M. Breton (Martin): Je vérifie l'information puis je vous la donne dans quelques instants.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député. Alors, M. le député de Shefford? M. le ministre? M. le ministre.

M. Ménard: Une question. J'aimerais savoir, si quelqu'un peut me répondre avec certitude, et la raison pour laquelle je la pose même si elle relève de la CSST, c'est parce que je comprends que le député de Shefford a déjà signalé ce problème avant: Est-ce que quelqu'un peut me dire avec certitude si les gens qui sont blessés au travail alors qu'ils étaient en état d'ébriété sont indemnisés par la CSST ou s'ils ne le sont pas?

Le Président (M. Pinard): M. le président.

M. Brind'Amour (Jacques): On n'a pas de réponse, on va la vérifier et on va essayer de vous la donner ce matin avant la fin de travaux.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Shefford.

Position de la SAAQ quant
aux dispositions du régime actuel

M. Brodeur: Merci. Juste avant de vous rappeler tantôt, tout simplement, c'est parce que j'avais une impression, une impression qui est dégagée, là. On vous a demandé, je crois, l'ordre de la Chambre était du 11 décembre, ou à peu près... Je me demandais s'il y avait d'autres documents qui avaient été rédigés, à part le petit document qui nous a été donné. Et puis, l'impression que j'ai de la consultation qu'on a aujourd'hui, c'est que vous êtes les défenseurs du régime. C'est une simple impression que je vous donne à prime abord avant de... L'essentiel de la présentation est à la défense du régime. Je tiens à souligner que l'objectif de la commission, ce n'est pas seulement la défense du régime. Je pense qu'il y a unanimité sur le «no fault» au Québec, sauf: Y a-t-il lieu de l'améliorer? Y a-t-il lieu de changer des choses? Et j'ai cette impression-là, que vous voulez à tout prix défendre le régime et de ne rien changer, d'autant plus que, depuis une semaine, par exemple, il y a des accusations, par exemple, de l'ex-ministre Guy Chevrette disant que la SAAQ, eux autres, ils avaient décidé telle chose, et puis on n'avait pas notre mot à dire. Robert Perreault disait hier et encore ce matin qu'il se sentait... en fin de compte que l'opinion qu'il avait à émettre n'avait aucune valeur, il se sentait niaisé, si j'ai bien lu dans le journal.

Donc, c'est juste pour vous souligner que j'ai l'impression que vous venez défendre le régime, et je tiens juste à souligner que nous sommes ici pour améliorer le régime et non pas faire une défense à tout vent du régime. C'est juste ça que je voulais souligner, puis j'ai comme l'impression que vous ne voulez absolument rien changer. C'est le message que je sens que vous nous donnez, là. Donc, je n'aimerais pas qu'on continue dans ce domaine-là. J'aimerais voir, suite aux consultations que nous avons eues l'automne dernier, voir s'il y a possibilité, un angle pour améliorer les choses, et j'aurais aimé voir... et la question du ministre juste auparavant est à point, parce que j'aurais aimé voir dans un document la comparaison entre tous les régimes d'indemnisation que nous avons au Québec. Et c'est un point très important. Donc, c'est une impression que je voulais tout simplement vous donner.

Le Président (M. Pinard): M. le directeur général, commentaires suite au commentaire?

M. Brind'Amour (Jacques): Simplement un commentaire. Évidemment, je ne commenterai pas l'actualité, M. le Président. Simplement vous dire que, si on a donné cette impression-là, elle n'est pas juste. C'est certain que nous avons une opinion évidemment comme Société, et c'est certain que nous regardons les trois formes de sanctions, hein, le Code de sécurité routière en étant un, le Code criminel en étant un autre, et ce qu'on pourrait avoir comme sanction possible au titre du régime pour amenuiser la portée de son universalité pour certains contrevenants. C'est certain que nous avons une opinion, et vous avez bien compris, à travers les propos qui ont été tenus, notre opinion, c'est qu'on voudrait conserver l'universalité de ce régime-là, c'est certain.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de l'Acadie.

Variations annuelles
des indemnités totales versées

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, si j'ai bien compris la façon de fonctionner qu'on a adoptée, on va avoir un deuxième temps où on pourra peut-être aller dans des éléments plus qualitatifs, et on se limite actuellement plus à des éléments factuels, et j'aurai peut-être l'occasion de revenir tout à l'heure sur certains des éléments du bloc qui me semblent en tout cas discutables, et on pourra en discuter. Mais une donnée tout simplement factuelle, les chiffres que vous nous donnez à la page 2 concernant les coûts des indemnités, de 746 millions pour 1999, d'abord, je suis surpris que vous nous dites que vous n'avez pas ces données-là pour 2000. On est rendu en 2002, et, si j'ai bien compris, les données ne sont pas disponibles pour 2000, à savoir combien vous avez donné d'indemnités pour l'année 2002. Alors, le premier point.

Et j'aimerais aussi peut-être vérifier une autre chose en même temps, en quelle année les... de mémoire, il me semble, c'est en 2000, autour de 2000, qu'on a augmenté les indemnisations dans une modification à la loi. Et est-ce que, si on regarde, par exemple, l'année 2000, ou si on avait des données de 2001, est-ce qu'il y aurait une augmentation des indemnisations due à ce changement-là qui est arrivé dans la loi?

Le Président (M. Pinard): M. Breton.

M. Breton (Martin): Oui. D'abord, pourquoi on n'a pas des données? On a des données sur les titulaires de permis, etc., sur les gens condamnés pour infractions criminelles, mais, quand il y a des gens qui sont blessés, et tout ça, il y a des procédures pénales qui prennent un certain temps. C'est pour ça que, compte tenu des délais, on a des données qui ne sont que partielles à ce moment-ci, là, concernant les années 2000 et 2001. Ça fait que je ne sais pas...

Puis je voulais aussi revenir, il y a une question qui a été posée sur le sondage qu'on a fait. Il y avait 1451 répondants, représentatifs du Québec, qui ont répondu au sondage qui... où est-ce qu'on a déterminé que 44 % des conducteurs québécois disaient que ça pourrait... qu'ils étaient susceptibles de conduire avec un taux d'alcool de 0,09, ce qui veut dire que c'est statistiquement significatif, là. Ça nous permet d'être assez... de déterminer avec suffisamment de certitude que 1,9 million, là, de conducteurs seront susceptibles de conduire avec un taux d'alcool de 0,09.

M. Brind'Amour (Jacques): M. le Président, on peut, si vous le souhaitez, déposer une copie, là, des résultats du sondage.

Document déposé

Le Président (M. Pinard): Oui. Alors, les résultats du sondage sont déposés, et vous allez en faire des photocopies. Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Est-ce qu'on doit comprendre que les données pour l'année 1999, vous dites qu'on n'a pas celles de 2000-2001 parce qu'il peut y avoir des procédures judiciaires qui sont en cours, est-ce qu'on doit comprendre que pour 1999 ça n'existe pas, ça, il n'y a pas de procédures judiciaires, disons, qui seraient attachées aux indemnités versées en 1999?

n (10 h 30) n

M. Breton (Martin): Bon. On pense que ceux de 1999 qui avaient à être déclarés coupables aujourd'hui l'ont été, là, dans la plupart des cas. Il ne doit plus rester beaucoup de cas qui traînent encore, là. Ça fait qu'on est capables d'identifier les 313. Les 313 reconnus coupables, qu'on a ici, pour l'année 1999, on les connaît par leur petit nom, puis alors que pour ceux...

M. Bordeleau: Je voudrais être clair, là. Vous me parlez des 313. Moi, je ne vous parle pas des 313, je vous parle du montant total versé en indemnités, qui était de 746 millions en 1999. Combien ont été versées en totalité en 2000? Même s'il y a des procédures judiciaires qui sont en cours, vous en avez versé combien? Et l'autre question que je vous avais posée, c'est: Étant donné les modifications qui ont été apportées à la loi sur le maximum d'indemnisation possible, quel effet que ça a en 2000, et idéalement en 2001, avec les données que vous avez actuellement en main? C'est parce que j'ai l'impression que les coûts ont augmenté au cours des dernières années étant donné qu'on donne des indemnités qui sont plus importantes.

M. Breton (Martin): O.K. Je n'ai pas les chiffres, mais je peux vous dire que les bonifications qui ont été apportées, c'est surtout pour les préjudices corporels, les séquelles permanentes. Puis, même si c'est des montants qui semblent importants individuellement, par rapport à la globalité des indemnités qu'on verse, ce n'est pas une grosse augmentation, c'est une légère augmentation, qui devrait être peu significative, là. Par rapport aux montants qu'on donne, ce n'est pas des millions de plus. Pour le peu de personnes qu'on a ici, ce ne sera pas significativement plus élevé.

M. Bordeleau: Puis, vous n'avez pas de données, disons, entre parenthèses, même avec les cas qui sont en suspens pour 2000, le total des indemnités qui sont versées?

M. Breton (Martin): On a peut être des choses, mais on va vérifier et vous informer.

Le Président (M. Pinard): D'autres questions, messieurs? Alors, je vous remercie. Je vous prierais de céder maintenant votre place, et nous allons inviter les membres de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à bien vouloir s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Pinard): Alors, messieurs, bienvenue. Je vous prierais d'abord, dans un premier temps, de vous identifier pour fins d'enregistrement, et par la suite la commission aimerait vous entendre, notamment sur le dépôt qui a été effectué tout à l'heure par la Société de l'assurance automobile. Alors, messieurs.

Exposé de la Commission
des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Pierre Bosset

M. Bosset (Pierre): Merci. Alors, je suis Pierre Bosset, directeur de la recherche et de la planification. À mes côtés, Me Michel Coutu, conseiller juridique à la Direction de la recherche et de la planification.

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue, messieurs.

M. Bosset (Pierre): Merci. Merci aux membres de la commission des transports et de l'environnement de cette invitation à vous présenter nos observations sur cette problématique. J'aimerais d'abord vous expliquer un petit peu la perspective dans laquelle nous nous présentons devant vous ce matin. Il ne s'agit évidemment pas pour nous de défendre une position ou un système quelconque. Le cas échéant, si un projet de loi devait découler de vos travaux, bien, ce sera dans le mandat de la Commission de l'examiner et de faire des observations en bonne et due forme. Et là, à ce moment-là, on pourra vraiment parler d'une position de la Commission sur cette question. Mais, pour le moment, ce que nous voulons davantage, c'est contribuer à votre réflexion que vous amorcez, ou que vous avez déjà amorcée, en fait, l'automne dernier sur cette problématique. Nous voulons le faire en attirant votre attention sur les principes de droits et libertés de la personne que vous auriez éventuellement à prendre en compte si jamais vous décidiez de resserrer, d'une certaine façon, le régime d'indemnisation en ce qui concerne les accidentés qui ont commis un acte criminel.

Donc, pour nous, ce n'est pas des remarques sur l'opportunité sociale de maintenir ou de changer le régime. Nous ne prétendons pas non plus être des experts en sécurité routière, nous l'avons dit l'été dernier lorsque cette commission étudiait le projet de loi sur les photoradars. Nous ne sommes pas devenus des experts en sécurité routière depuis et nous ne le serons probablement jamais, ce n'est pas notre mandat. Donc, ce que nous allons présenter devant vous, c'est surtout un éclairage juridique préliminaire sur cette question.

Je vais laisser Me Coutu vous exposer nos observations actuelles sur un premier aspect qui est celui de l'exclusion des criminels, entre guillemets, de la route des indemnités prévues par le régime actuel, pour ensuite aborder un deuxième aspect qui est celui du droit que pourraient avoir les victimes dites innocentes, dans ce système, de poursuivre les criminels, entre guillemets toujours, de la route pour l'excédent de leurs dommages. Alors, je cède la parole à Me Coutu pour le premier aspect.

Le Président (M. Pinard): Me Coutu.

M. Michel Coutu

M. Coutu (Michel): Bonjour. Alors, évidemment, on a tenu compte du document du bloc... des blocs d'information qui ont été présentés pour voir un peu quels genres de situations et quels principes juridiques, quelle réflexion juridique on pourrait formuler par rapport à ces diverses hypothèses, disons, de modification à la loi telle qu'elle existe actuellement.

Au bloc 1, on nous demande, la question est posée: Toutes les personnes reconnues coupables de conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool ou les récidivistes seulement? Et, nous, on s'est posé la question d'abord le plus largement possible: Est-ce que ça pose problème par rapport aux chartes des droits, aux droits et libertés de la personne, si toutes les personnes reconnues coupables de conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool étaient privées de toute possibilité d'indemnisation? Allons-y avec l'hypothèse la plus large.

Alors, bon, il y a deux documents qui sont pertinents pour ce qui est de leur application au Québec: il y a la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et il y a, bien sûr, aussi la Charte canadienne des droits et libertés qui chapeaute le tout. Si on regarde la Charte québécoise, la première question que nous nous posons, c'est: Est-ce qu'on peut considérer qu'une distinction qui serait faite dans la loi de l'indemnisation entre les personnes reconnues coupables et, donc, les autres victimes, suivant la loi, qui ont droit à des indemnisations, est-ce qu'on pourrait considérer que c'est de la discrimination? Disons, en première analyse.

Dans la Charte des droits et libertés de la personne, vous savez que, puisqu'on parle de personnes reconnues coupables, il y a le motif des antécédents judiciaires, qui figure à l'article 18.2 de la Charte québécoise, mais ce motif ne vise que le domaine de l'emploi. Donc, on peut dire que les antécédents judiciaires, au titre de l'article 18.2 dans la Charte québécoise, ça n'a pas de pertinence pour le problème qui est posé. Par contre, une question qui pourrait éventuellement, possiblement, être soulevée, c'est la pertinence du motif de la condition sociale, qui se trouve à l'article 10 de la Charte québécoise. Alors, vous savez que la Charte interdit la discrimination, et suivant tel et tel motif. C'est des motifs qui sont énumérés, c'est une liste de motifs qui est fermée, et l'un de ces motifs ? c'est une notion floue a priori, mais qui a de la jurisprudence ? c'est la question de la condition sociale.

Actuellement, la jurisprudence... Il y a eu une évolution jurisprudentielle par rapport à l'interprétation de la condition sociale, qui était très restrictive au départ. C'est devenu plus large suite à des décisions du Tribunal des droits de la personne du Québec, de la Cour d'appel du Québec également, mais je dirais que, dans son état actuel, la jurisprudence entend «condition sociale» surtout sinon quasi exclusivement comme un statut... la situation socioéconomique de la personne et non pas d'autres situations qui peut-être effectivement, si on élargissait le sens du concept, sont attributives d'une certaine condition au niveau de la société. Donc, actuellement, c'est strictement le champ socioéconomique qui a été abordé, discuté. Et, dans l'état actuel de la jurisprudence relative à la condition sociale, mais sans exclure totalement cette possibilité, il ne nous apparaît pas que, les situations de distinction entre les personnes reconnues coupables et les autres victimes aux fins d'indemnisation, que ça puisse rentrer dans la condition sociale au sens de la Charte québécoise. Toujours en première analyse.

n (10 h 40) n

Par contre, j'ai parlé tout à l'heure de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne et qui est partie prenante de la Constitution canadienne. Or, la Charte canadienne, c'est un peu différent, parce qu'à l'article 15(1) de la Charte canadienne la liste des motifs de discrimination qui sont interdits n'est pas une liste limitative. L'article 15(1) interdit les distinctions fondées notamment sur la race, le sexe, etc., donc, par l'effet de ce «notamment», ce n'est pas une liste fermée, et la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, depuis plusieurs années, ajoute des motifs qu'elle considère comme des motifs analogues aux motifs qui figurent déjà de manière explicite dans l'article 15(1). Alors, la question: Est-ce que les antécédents judiciaires pourraient être considérés comme un motif analogue de discrimination protégé par l'article 15(1) de la Charte canadienne? la Cour suprême ne s'est jamais prononcée, c'est-à-dire qu'elle n'a jamais reconnu que les antécédents judiciaires constituent un motif analogue au sens de l'article 15(1).

Vous vous rappellerez de l'arrêt Therrien qui a été rendu par la Cour suprême en 2001. On trouve le petit extrait suivant, que je vous livre, de l'arrêt Therrien. Alors, c'est mentionné par la Cour suprême: «Nous prenons également pour acquis pour les fins de la décision, mais sans toutefois en décider, que les antécédents judiciaires constituent un motif de discrimination analogue au sens du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne.» Bon, ce n'est pas une mention qui est très affirmative, mais ça ne ferme pas non plus la porte.

Un des éléments, si vous me permettez de préciser brièvement ma pensée, un des éléments dont la Cour suprême du Canada tient compte pour reconnaître un motif analogue, c'est, notamment: Est-ce un motif qui se retrouve déjà dans les lois sur les droits de la personne au Canada, la Charte québécoise, les lois des provinces du reste du Canada, la Loi canadienne sur les droits de la personne? Or, les antécédents judiciaires, «criminal records», et d'autres formules du genre, ça se retrouve non pas, je dirais, dans tous les documents, mais dans une bonne partie des textes en matière de droits et libertés de la personne, et ça, c'est un critère qui est très important pour la Cour suprême pour décider qu'un motif qui ne figure pas nommément dans 15(1) de la Charte doit être reconnu comme un motif analogue.

Alors, nous croyons qu'il existe une probabilité ? on n'ira pas plus loin que ça ? qu'il existe une probabilité que le motif des antécédents judiciaires soit reconnu comme un motif analogue de discrimination au sens de 15(1) de la Charte canadienne. Alors, présumons que c'est le cas, j'allais dire, je pense qu'il serait étonnant, compte tenu que ça se retrouve déjà dans plusieurs lois sur les droits de la personne, il serait étonnant, compte tenu de la jurisprudence antérieure de la cour sur cette question, qu'«antécédents judiciaires», sous une forme ou sous une autre, là, ne soit pas reconnu également comme motif analogue.

Alors, dans cette situation-là où il y aurait une distinction, bien sûr, entre les personnes qui ont des antécédents judiciaires... parce que la décision de ne pas indemniser, bien sûr, il y a un antécédent à cette décision, qui est la décision des tribunaux de condamner la personne en vertu du Code criminel... Alors, antécédents judiciaires, a priori, discrimination ? avec tous les bémols que j'ai mis ? discrimination au sens de 15(1) de la Charte canadienne. Ça ne termine pas l'analyse pour autant. Je m'excuse, c'est compliqué, ces questions-là, mais je pense qu'il faut bien établir les balises.

Alors, une fois qu'il y a une preuve, qu'il y a une distinction qui est fondée sur un motif qu'on retrouve à 15(1) de la Charte canadienne, y compris les motifs analogues, donc, a priori, il y a une discrimination. Maintenant, est-ce que l'État est en mesure, en invoquant l'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés, est-ce que l'État est en mesure de démontrer qu'il s'agit là d'une mesure raisonnable et qui se justifie dans le cadre d'une société libre et démocratique? Ça, c'est le texte de l'article premier de la Charte canadienne. Il y a une abondante jurisprudence de la Cour suprême en particulier qui décrit les possibilités et l'examen qui doit être conduit au titre de l'article premier de la Charte canadienne. Disons, en gros, il y a une première étape qui consiste à démontrer que l'objectif poursuivi par le législateur est un objectif réel, urgent, important dans la société. Je pense qu'il n'y aurait pas de difficulté à ce niveau-là pour l'État de justifier que la prévention, la répression de la conduite en état d'ivresse, c'est un objectif important et urgent dans la société canadienne.

Mais l'analyse ne se termine pas là, puisqu'il faut regarder du côté de la proportionnalité des moyens qui sont utilisés pour atteindre cet objectif. Notamment ? je vous passe certains détails ? la Cour a élaboré le critère de l'atteinte minimale aux droits en cause, en l'occurrence, c'est le droit à l'égalité, et l'exigence, c'est que l'État finalement ait fait l'inventaire des mesures qu'il pouvait prendre pour atteindre son objectif. Et il doit choisir des mesures qui sont susceptibles de porter le moins atteinte possible au droit à l'égalité, c'est-à-dire à créer le moins possible de discrimination fondée en l'occurrence sur les antécédents judiciaires. Bon. Il y a d'autres critères, mais je pense que ce critère d'atteinte minimal est vraiment celui qui est le plus important.

Alors, que pourrait-on dire à partir de tout ça, de tous ces éléments, par rapport à une exclusion générale de toutes les personnes conduisant en état d'ivresse qui réclameraient des indemnités? Il nous apparaît douteux qu'une exclusion ? bien sûr si on accepte les prémisses précédentes ? il nous apparaît douteux qu'une exclusion qui serait aussi générale, hein, qui viserait non pas seulement les récidivistes, mais tous les conducteurs fautifs, il nous apparaît douteux que cette façon de faire ne soit pas considérée comme tout à fait démesurée compte tenu qu'on vise une... enfin, quelques milliers de conducteurs qui ne sont pas des récidivistes, le résultat étant une sanction qui est quand même considérable, là, c'est de perdre toutes les possibilités d'indemnisation. Bon. À notre avis, c'est très douteux que ça puisse être validé.

Si on regarde maintenant ? parce que c'est la question du bloc 1 ? si seulement les récidivistes sont visés. Bon, ça restreint évidemment beaucoup l'application de cette limitation au droit à l'égalité, mais ? et je pense que le ministre Serge Ménard a bien insisté sur cette question ? c'est qu'il faut quand même reconnaître qu'en droit le mécanisme normal approprié de sanctionner des infractions, c'est de passer par le droit criminel et le droit pénal et non pas, a priori en tout cas, par des lois compensatrices.

Est-ce qu'on peut... Et là je pense qu'il y aurait une preuve à faire de la part de l'État, que, si, par exemple ? et ça, c'est de juridiction québécoise ? les lois pénales au niveau du Code... enfin, les aspects pénaux au niveau du Code de la sécurité routière étaient davantage renforcés, est-ce que ce ne serait pas un moyen plus respectueux des principes de notre droit d'atteindre ce résultat? Bon, on en parlera aussi. Évidemment, si on coupe toutes les prestations aux chauffards, qu'arrive-t-il de sa famille? Alors là je pense qu'il va y avoir des distinctions à faire.

n (10 h 50) n

À notre avis, les tribunaux qui se trouveraient face à une restriction comme ça qui viserait seulement les récidivistes demanderaient une preuve satisfaisante de l'inefficacité, de l'inutilité du renforcement des sanctions pénales et criminelles pour atteindre l'objectif d'une répression, d'une prévention de ce type de conduite, et aussi une preuve de l'efficacité comme mesure dissuasive en lieu et place du droit pénal et criminel et d'autres mesures qui peuvent être utilisées, barrage routier, etc., comme moyen de répression de la conduite criminelle.

Alors, là-dessus, nous dirions... et sans rien affirmer ici de manière catégorique, parce que vous avez vu qu'il y a plusieurs points d'interrogation dans notre analyse, nous n'excluons pas qu'un refus d'indemnisation des conducteurs sous l'effet de l'alcool, y compris quant aux récidivistes, puisse être une mesure disproportionnée et contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. Bien entendu, il appartiendra aux tribunaux d'en décider. Mais là j'ai regardé seulement deux hypothèses, c'est-à-dire l'exclusion générale, l'exclusion des récidivistes, mais de toutes formes d'indemnités. On pourrait penser à d'autres mesures qui pourraient être plus ciblées. Bon, là, ce serait peut-être une analyse différente.

Je reviens maintenant rapidement à la question de... justement des familles, les répercussions qui peuvent exister sur les familles. L'article 10 de la Charte québécoise interdit la discrimination fondée sur l'état civil. Et, l'état civil, vous vous rappellerez sans doute de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire ville de Brossard c. Commission des droits de la personne du Québec. Alors, dans ville de Brossard, c'était une candidate à un emploi pour la municipalité qui était exclue de cet emploi parce que la ville de Brossard avait une règle disant que tous les candidats à un emploi qui ont des liens de parenté avec des salariés déjà à l'emploi de la ville sont exclus, ne peuvent pas être embauchés.

Ça s'est rendu jusqu'en Cour suprême et, en Cour suprême, on a décidé que la notion, le concept d'état civil, ce n'était pas seulement le fait pour une personne d'avoir tel ou tel état civil, d'être mariée, d'être divorcée, etc., mais c'était aussi ce que le juge Beetz a appelé l'état civil au sens relatif, c'est-à-dire les relations entre personnes qui sont liées par des liens du mariage, la filiation, etc. Donc, en clair, ça inclut les liens de parenté.

Donc, si on regarde maintenant la situation qui nous est soumise quant aux familles, maintenant, des chauffards qui ne seraient pas indemnisées, nous croyons que... Enfin, on peut dire que les personnes, si on se place du point de vue de la famille, les proches des criminels victimes, là, ces personnes-là normalement auraient droit à l'indemnisation, mais elles n'ont pas droit à l'indemnisation à cause du lien de parenté avec une personne qui a commis... a eu un accident d'automobile, mais a commis un acte criminel ce faisant, et ces gens sont considérés comme des criminels de la route. Et je pense qu'il y a là... du point de vue des familles des victimes, il s'agit d'une distinction fondée sur l'état civil au sens de liens de parenté.

En première analyse, il s'agit ici d'une distinction discriminatoire. Il faudrait toutefois vérifier, parce que c'est le critère qu'on doit appliquer au niveau de l'article 10 de la Charte québécoise, et ça ressemble un peu à l'analyse que je viens de vous mentionner quant à l'article premier de la Charte canadienne, alors est-ce que cette atteinte peut être considérée comme rationnelle et comme proportionnée à l'objectif? À mon avis, une mesure de ce genre, c'est-à-dire qui n'indemniserait pas les chauffards, et, par conséquent, les familles perdraient aussi des indemnités, je ne pense pas que ça puisse être considéré comme rationnel, une limitation rationnelle ou proportionnelle au droit à la non-discrimination fondée sur l'état civil. Je pense même, en première analyse ou à première vue, il n'apparaît pas très rationnel qu'une norme de droit qui vise à réprimer la conduite pénale ou criminelle vise directement les coupables mais aussi ait... c'est une espèce d'effet de culpabilité par association ou par imputation, en visant les familles des coupables. Et là je pense que, vraiment, ça ne passerait pas le test. Alors, voilà, en gros, ce que j'avais à dire pour ces éléments-là.

M. Pierre Bosset

M. Bosset (Pierre): J'aurais un point aussi. Toujours sur cette question des familles des chauffards, on vient de vous parler de discrimination fondée sur l'état civil à leur égard, il faut également envisager cette question-là sur un autre angle, sous l'angle d'un article malheureusement méconnu de la Charte québécoise, l'article 45 dont je vais vous faire la lecture, il est très court. L'article 45 se lit ainsi: «Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent.»

Ce que nous vous disons ce matin, c'est qu'il y aurait lieu de tenir compte également de cet article dans vos choix éventuels. Le document de la SAAQ qui nous a été transmis précise que, si on décide de ne plus ou de moins indemniser les chauffards, ça pourrait avoir un impact sur leur famille dans la mesure où on pourrait supprimer l'indemnité pour préjudice pécuniaire et l'indemnité de remplacement du revenu. Et la SAAQ nous dit, et je cite: «Si la totalité des indemnités est supprimée, la conjointe ? innocente ? devra assumer les frais médicaux non couverts par la Régie de l'assurance maladie, comme la physiothérapie ou l'aide psychologique, par exemple, et n'aura droit à aucune aide personnelle.»

Cette situation, selon nous, elle doit être étudiée sous l'angle de l'article 45 dont je vous ai fait la lecture tout à l'heure. Cet article 45 fait partie d'un chapitre de la Charte québécoise consacré aux droits économiques et sociaux. C'est un chapitre de la Charte unique, on ne retrouve pas l'équivalent nulle part au Canada ni en Amérique du Nord, à ma connaissance, mais c'est un chapitre qui donne suite aux engagements internationaux du Québec. Il est important de voir que l'article 45 a un statut un peu particulier au sein de la Charte québécoise, comme tous les articles de ce chapitre-là, d'ailleurs. Ce n'est pas un article qui prime sur les autres lois, contrairement à d'autres dispositions de la Charte. C'est aussi un article qui contient sa propre limite interne, parce que, si vous le lisez bien, on dit bien que toute personne dans le besoin a droit à des mesures prévues par la loi susceptibles d'assurer un niveau de vie décent. Donc, c'est la loi qui définit, dans une certaine mesure, ce que sont ces mesures.

Mais, selon nous ? et c'est une position de la Commission là-dessus ? l'article 45 ne doit pas être considéré comme le parent pauvre de la Charte. Selon nous, l'article 45 comprend un noyau dur de droits qui sont opposables au législateur. C'est actuellement un des arguments que nous défendons devant la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gosselin, une affaire qui parle de l'ancien régime d'aide sociale où il y avait des distinctions fondées sur l'âge dans le montant des prestations. Peu importe. Dans Gosselin, nous prétendons que l'article 45 comporte un niveau minimum de droit en bas duquel on ne peut pas descendre. Et, selon nous, le régime actuel de l'assurance automobile est justement une mesure d'assistance financière susceptible d'assurer un niveau de vie décent aux personnes dans le besoin, conformément à l'article 45.

n(11 heures)n

Par conséquent, si on décide de resserrer le régime actuel d'assurance maladie et que ça a un impact sur non seulement les chauffards, mais aussi leur famille, ce resserrement serait susceptible d'être contesté sur la base de l'article 45 de la Charte québécoise, et, dans ce cas-là, bien, il faudrait se demander si les conséquences d'une non-indemnisation des victimes, telles qu'on les décrit, pourraient s'analyser comme étant une atteinte au noyau dur du droit prévu à l'article 45, compte tenu, bien sûr, que ces personnes-là pourraient avoir recours au régime de sécurité du revenu. Il y a quand même un filet minimal qui existe. Mais est-ce que ce filet minimal de sécurité du revenu suffirait à leur assurer un niveau de vie décent compte tenu des besoins nouveaux de cette famille, besoins de réadaptation, d'aide psychologique, et ainsi de suite? La question se pose et, le cas échéant, vous devriez en tenir compte.

Il y a un deuxième aspect, que nous souhaiterions aborder de façon plus brève. Je ne crois pas qu'on en ait parlé ce matin encore, mais il est abordé brièvement dans le document de la SAAQ, c'est l'interdiction pour les victimes de poursuivre les chauffards pour l'excédent de leurs dommages, l'excédent par rapport à ce qui leur est versé en vertu du régime, l'article 83.57 actuel de la Loi sur l'assurance automobile. Est-ce que ce régime, qui interdit à toutes fins utiles les poursuites civiles contre les chauffards, est un régime qui porte atteinte au principe des chartes des droits et libertés de la personne? La jurisprudence canadienne là-dessus semble unanime à dire que le fait de prévoir un régime de responsabilité sans faute, excluant les poursuites civiles, ne constitue pas une atteinte à l'article 15 de la Charte canadienne. Et, là-dessus, je vais citer brièvement une décision de la Cour suprême sur The Workers' Compensation Act de Terre-Neuve, une décision de 1989 où il est dit clairement ? je cite ? que «nous sommes d'avis que la loi en question, qui prévoit que le droit à une indemnisation accordée par la loi tient lieu et place de tout droit et action auxquels un travailleur ou les personnes à charge pourraient autrement avoir droit, ne constitue pas, dans les circonstances, de la discrimination au sens du paragraphe 15.1 de la Charte canadienne des droits et libertés.» Donc, le régime actuel, sur ce plan-là, ne porte pas atteinte, ne porte vraisemblablement pas atteinte au principe des chartes, ce qui n'exclut pas qu'on puisse dans l'avenir accorder un tel droit de recours civil aux victimes, mais ce n'est pas une exigence des chartes. Merci.

Discussion générale

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup.

M. Ménard: Est-ce qu'on peut poser une question?

Le Président (M. Pinard): Oui, M. le ministre.

Interprétation des chartes quant
aux motifs de discrimination

M. Ménard: Si je comprends bien votre raisonnement, vous estimez que, au fond... D'abord, je pense qu'au départ vous considérez que les mesures qui seraient envisagées, soit celle de ne pas indemniser la victime d'un accident d'automobile qui aurait causé cet accident alors que ses facultés étaient affaiblies par l'usage de l'alcool, vous considérez ça d'abord comme une punition et, ensuite, vous vous demandez s'il s'agit, en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés, ce que l'article 1 décrit, que c'est... Je l'ai devant moi, parce que j'ai l'avantage, avec ça, d'avoir toute ma bibliothèque avec moi; alors, évidemment, comme avocat, j'ai mes chartes. Donc, je lis l'article premier, là, pour que l'on comprenne bien: «La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.» Et puis vous parlez du critère de la Cour suprême, je pense que c'était dans... je ne me souviens plus du nom de l'arrêt, mais en tout cas, où ils ont bien établi que... Comment applique-t-on ceci? Il faut un problème urgent et important auquel on apporte une solution, qui enfreint un droit, et il faut que cette solution soit soigneusement «designed», je pense, en anglais, là...

M. Coutu (Michel): Soigneusement conçue, oui.

M. Ménard: ...soigneusement conçue pour enfreindre le moins possible le droit fondamental par rapport au besoin urgent et important que cette mesure veut corriger. C'est exact... c'est votre opinion, que cette mesure ne rencontrerait pas ce critère d'enfreindre le moins possible le droit important... le problème... c'est-à-dire d'enfreindre le moins possible le droit par rapport au problème urgent et important que nous voudrions résoudre, soit celui d'indemniser des gens qui, au fond, dans l'opinion publique, ne le méritent pas.

M. Coutu (Michel): À condition de mettre tous les bémols qui ont été placés au début. Donc, est-ce qu'«antécédent judiciaire» constitue un motif analogue? Il n'y a pas encore de décision là-dessus. À notre avis, c'est probable, mais il n'y a pas encore de décision.

Deuxièmement, nous sommes partis de l'hypothèse d'une... vraiment, qu'on pourrait qualifier de la mesure la plus radicale, celle qui consisterait à enlever toute forme d'indemnisation, d'abord à tous les conducteurs, et même strictement à tous les conducteurs coupables de conduite avec facultés affaiblies et, dans un deuxième temps, aux récidivistes. Et, à ce moment-là, il nous apparaît, mais on ne l'affirme pas péremptoirement... si jamais il y a une loi évidemment ou un projet de loi qui est mis de l'avant, bien là la Commission développera une position. Mais elle n'a pas développé de position à ce stade-ci, donc c'est vraiment strictement une analyse juridique, suivant nos connaissances des chartes. Il nous apparaît en effet que, à partir du moment où c'est discriminatoire dans le premier temps d'analyse, il est peu probable que des restrictions de ce genre, de l'exclusion d'indemnisation, y compris si ça ne vise que les récidivistes, réussissent à passer le test; en tout cas, il faudrait une preuve très solide de l'État montrant en particulier que les mesures, telles les mesures pénales, ne sont pas suffisamment efficaces et que c'est cette voie-là qui seule permettrait de résoudre le problème, d'être dissuasive, etc.

M. Ménard: En somme, je comprends que je vous ai bien compris, n'est-ce pas? Vous êtes d'accord?

M. Coutu (Michel): Je pense qu'on se comprend.

M. Ménard: Quant au bémol, c'était l'objet de ma deuxième question. Évidemment, vous dites: En supposant au départ que, s'il s'agit d'un droit fondamental ou de... et vous référez à l'article 15.1 de la Charte, c'est exact?

M. Coutu (Michel): Absolument.

M. Ménard: Je l'ai justement avec moi, et c'est: «La loi ne fait acception ? c'est bien l'expression que je lis ? la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.» Je pense que vous reconnaîtrez avec moi que, dans aucune de ces... si aucune de ces catégories ne semble s'appliquer à la personne qui conduit sa voiture avec ses facultés affaiblies...

M. Coutu (Michel): Oui, le problème, c'est celui...

M. Ménard: Le problème, c'est «indépendamment de toute discrimination, notamment», c'est donc... On dit: Il y en a d'autres, discriminations, et on en donne, c'est là qu'on applique la règle sui generis, n'est-ce pas, c'est-à-dire que, quand le législateur dit «notamment», c'est qu'il indique le type, le genre de motif qui amènerait une discrimination. Mais donc il faut une relation avec l'un des genres qui sont explicitement exposés. Avec lequel voyez-vous une parenté?

M. Coutu (Michel): Ah non! La Cour suprême ne fonctionne pas, disons... elle a ajouté ? petite parenthèse ? elle a ajouté plusieurs motifs analogues dans sa jurisprudence; par exemple, l'orientation sexuelle, récemment, a été...

M. Ménard: ...ça s'apparente au sexe.

M. Coutu (Michel): Non.

M. Ménard: Non.

M. Coutu (Michel): Non, ce n'est pas la façon de... je ne veux pas vous...

M. Ménard: O.K. Il y en a d'autres? C'est correct. Donnez-m'en une qui ressemble à ça.

M. Coutu (Michel): Mais ma compréhension n'est pas celle-là, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas pour la cour, lorsqu'elle recherche... Si elle détermine, s'il y a un motif qu'on lui apporte qui est un motif analogue ou pas un motif analogue, elle ne va pas chercher si c'est un motif qu'on peut assimiler à l'âge, ou à la race, ou aux déficiences, par exemple. Ce n'est pas sa façon de procéder. Elle va regarder plutôt... Il y a une certaine forme d'ejusdem generis qui est différente. Elle va regarder plutôt si les motifs qu'on lui apporte, en disant qu'ils sont analogues, touchent à des caractéristiques individuelles plus ou moins permanentes de la personne, et l'un des éléments très importants pour elle, c'est de voir si les lois sur les droits de la personne... Par exemple, quand la Cour suprême a reconnu que l'orientation sexuelle était un motif analogue, elle n'a pas dit que ça avait une proximité avec le sexe, elle a dit: Bon nombre de lois sur les droits de la personne ? pendant un bout de temps, il n'y avait que le Québec, mais ça s'est étendu ? bon nombre de lois sur les droits de la personne au Québec et dans le reste du Canada reconnaissent que l'orientation sexuelle, c'est un motif de discrimination. Alors, ça a été un des éléments. On ne dit pas que c'est le seul, mais c'est un élément important dont la cour a tenu compte pour reconnaître ce motif d'orientation sexuelle comme motif analogue au sens de 15.1.

n(11 h 10)n

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de l'Acadie.

Comparaison avec d'autres
régimes d'indemnisation

M. Bordeleau: Je voudrais revenir peut-être sur un point particulier. J'ai bien suivi votre raisonnement, disons, où vous nous dites qu'il y aurait des risques advenant qu'on limite, mettons, l'indemnisation à certaines catégories, qu'il pourrait y avoir dans les cas, ici, de l'assurance automobile du Québec, qu'il pourrait y avoir des motifs qui seraient perçus... qui pourraient être interprétés comme de la discrimination. Je ne sais pas, mais, quand on met ça en parallèle avec des régimes qui existent au Québec, et je pense à des régimes d'indemnisation des victimes d'actes criminels ou de la CSST, dont on a parlé rapidement tout à l'heure... dans ces cas-là, les gens qui posent des gestes criminels ne sont pas indemnisés, au travail, par exemple, par le régime de la CSST ou, dans le cas d'actes criminels, tout simplement par l'IVAC. Comment vous reliez les deux éléments? C'est-à-dire, est-ce que les réserves que vous avez faites... à savoir, si on limite l'indemnisation de certaines catégories de personnes, ça pourrait être interprété comme de la discrimination et rejeté éventuellement au niveau de contestations judiciaires, versus d'autres régimes qui existent actuellement et qui font ces discriminations-là?

Le Président (M. Pinard): Messieurs?

M. Bosset (Pierre): Bien, je pense que chaque régime a son économie, a son génie propre. Les deux autres régimes, celui de l'indemnisation des victimes d'actes criminels et celui de la santé et sécurité, ont des objectifs qui leur sont propres. Particulièrement dans le cas de l'IVAC, c'est un régime qui est vraiment «self-contained», alors que le régime de l'assurance automobile a aussi ses propres objectifs, qui ne sont pas nécessairement des objectifs de punition, ce sont davantage des objectifs de prévention. Et il me semble que c'est un facteur important, ça. Quand on s'interroge sur la compatibilité d'une distinction faite, par exemple, sur la base de l'état civil à l'intérieur de ce régime, on doit se demander si, par rapport aux objectifs du régime, objectifs de prévention, si c'est une mesure qui est de nature à atteindre cet objectif. L'objectif n'est pas nécessairement le même dans le cas d'autres régimes, je pense en particulier à l'IVAC. Pour ce qui est de la santé et sécurité, c'est vrai qu'il y a également un objectif de prévention. Mais, cela dit, on n'a pas cherché à transposer notre analyse de ce matin à d'autres régimes d'indemnisation. C'est une question qui peut être intéressante, en effet.

M. Bordeleau: ...une personne, par exemple, qui se fait refuser une indemnisation parce qu'elle a eu un accident au travail, en posant un geste qui était un geste criminel, pourrait contester le fait que la CSST ne veut pas l'indemniser personnellement, que le régime de la CSST ne veut pas... Est-ce que ça pourrait être contestable?

M. Bosset (Pierre): Tout est bien sûr contestable. On peut toujours...

M. Bordeleau: À partir de l'argumentation que vous nous avez présentée.

M. Bosset (Pierre): J'imagine qu'une telle personne pourrait essayer de prétendre qu'elle est victime, elle aussi, d'une discrimination fondée sur l'existence d'un antécédent judiciaire, par exemple, mais, encore là, ce serait aux tribunaux, et ça, c'est un élément important dans notre analyse. On ne dit pas que ces distinctions, si elles sont discriminatoires, sont automatiquement illégales. Je voudrais bien que ce soit clair, là. On ne dit pas que ce qui est discriminatoire est nécessairement illégal. Il y a toujours une possibilité pour le législateur, pour l'État de justifier ces distinctions. Il serait fort possible pour le législateur de démontrer, j'imagine, que, dans le cas du régime de santé et sécurité, c'est acceptable dans une société démocratique de ne pas indemniser une personne qui commet un acte criminel au travail.

M. Bordeleau: Mais l'interprétation que vous avez faite, au fond... ou les réserves, parce que ce n'est pas une interprétation qui est définitive, les réserves que vous aviez pourraient s'appliquer dans ces régimes-là aussi, si je comprends bien?

M. Bosset (Pierre): Ce que nous présentons ce matin, ce sont des principes, et, par définition, les principes, ils peuvent être applicables, appliqués. On peut essayer de les appliquer dans toutes sortes de contextes, bien entendu.

M. Bordeleau: Maintenant, l'autre question que je voulais vous poser concerne, disons, la question des familles. Vous mentionniez tout à l'heure, au fond, bon, qu'il pourrait y avoir... les motifs de discrimination, si on pénalisait les familles comme telles. Mais, dans les autres régimes, je pense encore aux deux mêmes régimes, pour faire des comparaisons, à l'IVAC et à la CSST, bon, évidemment, ça peut avoir... une personne qui pose toujours des gestes criminels, dans ces cadres-là, les familles ne sont pas indemnisées par ces régimes-là. Alors, les familles, au fond, évidemment, sont affectées, puis sont des tiers, elles n'ont rien à voir avec le geste qu'a pu poser un membre de la famille, en l'occurrence, supposons, le père, qui a pu poser un geste criminel, et n'ont pas à être pénalisés. Mais ces gens-là ont des programmes gouvernementaux qui sont à leur disposition. On parlait de la sécurité du revenu, alors ils peuvent aller là puis avoir les revenus nécessaires. Et vous disiez: Oui, mais il peut y avoir, par exemple, des traitements médicaux nécessaires parce que, dans le cas de la SAAQ, par exemple, le conducteur est devenu paraplégique, etc. Mais il se peut très bien qu'un voleur, en faisant un vol de banque, devienne paraplégique aussi, et il n'y a pas d'indemnité, sa famille n'est pas indemnisée, et les revenus qu'ils vont avoir à leur disposition sont un régime de sécurité du revenu qu'on veut raisonnable et qui répond aux critères auxquels vous avez fait référence, dans la Charte canadienne. Et c'est ça qui existe dans tous les autres régimes, à l'exception du régime de l'assurance automobile du Québec.

Et il me semble qu'on considère deux choses en même temps et qu'on veut régler deux problèmes en même temps avec le régime d'assurance automobile. C'est-à-dire qu'on veut régler un problème de sécurité du revenu pour la famille, alors que ce n'est pas ça, l'objectif de l'assurance automobile du Québec. Et il y a un régime qui existe pour ça, comme il existe pour les deux autres cas et, à la limite, pour les... Je pense, par exemple, à une personne qui est au travail qui perd son emploi, il n'y a rien de criminel là-dedans, la personne n'a rien fait de criminel, n'a rien fait de mal, mais, à 45, 50 ans, elle perd son emploi, et elle peut tomber malade, parce que évidemment elle est plus âgée, alors, à 55, elle peut avoir toutes sortes... il va y avoir des conséquences. Elle peut avoir des frais médicaux, pour toutes sortes de raisons médicales à défrayer par la suite, qui vont probablement aller en augmentant avec le temps. Et les possibilités que ces gens-là ont, c'est d'aller à la sécurité du revenu pour la famille, si éventuellement ils sont rendus à cette extrémité-là. Et, encore une fois, la sécurité du revenu, si le régime de sécurité du revenu n'est pas raisonnable, bien, c'est un autre problème. Faisons en sorte que ce régime-là réponde raisonnablement aux besoins des gens pour qu'il y ait un niveau de vie décent, l'expression que vous avez utilisée tout à l'heure.

Mais là j'ai l'impression qu'on essaie de régler, à l'intérieur du problème de l'assurance automobile du Québec, une autre problématique qui n'est pas réglée de la même façon dans la CSST, dans l'IVAC ou pour n'importe quel citoyen qui se retrouverait dans la situation que je vous ai décrite, de perte d'emploi.

M. Coutu (Michel): Les éléments que vous apportez sont intéressants, mais je pense que, nous, on ne viendra pas... on n'est pas venus ici dans la perspective de se prononcer sur les deux autres régimes que vous avez mentionnés. On est vraiment venus ici en étudiant le régime d'indemnisation au niveau de l'assurance automobile et notre analyse juridique vaut strictement, je dirais, pour ce régime. Il faudrait faire le même exercice et regarder les deux autres régimes pour les évaluer en vertu de la Charte, et ce n'est pas quelque chose que, je crois, on devrait faire comme ça, à brûle-pourpoint et sans avoir étudié ça attentivement. Donc, on pourrait le faire si vous croyez que c'est utile, et les arguments que vous apportez sont intéressants, mais il s'agit pour nous d'une autre commande, je dirais, et je ne pense pas qu'on voudrait ce matin ramener de la confusion en se prononçant sur autre chose.

Le Président (M. Pinard): Donc, messieurs, je vous remercie.

M. Bordeleau: Juste une question, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Oui, une complémentaire.

M. Bordeleau: Le représentant, Me Coutu, nous dit qu'il serait éventuellement disposé à faire une étude comme ça. Est-ce que la commission ne pourrait pas justement exprimer le souhait d'avoir ce genre de comparaison des différents régimes, étant donné qu'il y a une certaine volonté de la Commission des droits de la personne éventuellement de faire une analyse un peu comparative des éléments qu'on vient de soulever?

Le Président (M. Pinard): M. le ministre, messieurs...

M. Ménard: Avant de commander des enquêtes, là...

Une voix: Pas des enquêtes, une analyse.

Le Président (M. Pinard): Une analyse.

M. Ménard: Bien, je n'ai malheureusement pas suivi...

Le Président (M. Pinard): C'est sur l'article 45.

M. Ménard: On peut en discuter à la fin.

Le Président (M. Pinard): On pourra revenir. Alors, merci...

n(11 h 20)n

M. Brodeur: ...de la Commission, s'ils peuvent nous fournir... s'ils sont intéressés à nous la fournir, cette analyse-là, et s'ils veulent se prononcer, oui.

Le Président (M. Pinard): Me Bosset.

M. Ménard: Enfin, c'est parce que j'ai... J'ai très bien suivi votre raisonnement quand vous posiez la question, puis j'avoue que je l'ai trouvé très bon par rapport à l'article 45 qui avait été soulevé, n'est-ce pas? Parce qu'à l'article 45, effectivement, la Charte canadienne des droits dit: «Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent.» Bon. Alors, vous dites: Nous remplissons cette obligation par les lois sur le bien-être social, ce qu'on appelle le bien-être social, alors que ce qui serait donné serait fonction du revenu que gagnait la personne qui a commis l'infraction, n'est-ce pas? Alors, je comprends, je vous suis, mais est-ce que ça nous éclaire beaucoup de demander une étude? Vous avez marqué votre point.

M. Bordeleau: ...comparer des régimes de la CSST, de l'IVAC et de la SAAQ sur les éléments qu'on a soulevés.

M. Ménard: Oui, mais on pourrait en discuter, mais très sommairement. Dans le cas de l'IVAC, les gens ne sont pas assurés. Dans le cas de l'automobile, les gens le sont, ils ont payé une prime. Et, quant à la CSST, nous avons la réponse. Alors, peut-être pas besoin de... Me Gélinas a la réponse, peut-être que, quand vous aurez la réponse, vous serez satisfait, et on verra si on a besoin d'aller plus loin.

Le Président (M. Pinard): Alors, messieurs, Me Bosset, Me Coutu, merci, on va vous demander, s'il vous plaît, de vous retirer mais de demeurer dans cette enceinte. Et je prierais maintenant M. Brind'Amour et toute son équipe de bien vouloir réintégrer, et nous allons poursuivre au niveau de l'étude des blocs.

M. Brodeur: Si vous me le permettez...

Le Président (M. Pinard): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: ...la Société de l'assurance automobile du Québec a la réponse à la question du ministre, de tantôt, et je pense que c'est une réponse qui va donner le ton peut-être au reste de la commission.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Alors, M. Brind'Amour.

M. Brind'Amour (Jacques): M. le Président, il y a ce genre de questions qui ont été soulevées tout à l'heure, donc, entre-temps, nous avons les réponses, je pense, à l'ensemble des questions qui ont été soulevées. Me Gélinas d'abord.

M. Gélinas (Claude): La question que le ministre posait: Est-ce que les personnes blessées au travail en état d'ébriété sont indemnisées par la CSST? J'ai fait des vérifications rapides, et il y a un article 27 dans la loi pour les lésions professionnelles qui prévoit que, lorsqu'«une blessure ou une maladie qui survient uniquement à cause de la négligence grossière et volontaire du travailleur qui en est victime», à ce moment-là, cette blessure-là ou cette maladie-là n'est pas considérée «une lésion professionnelle, à moins qu'elle entraîne le décès du travailleur ou qu'elle lui cause une atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique». Mais ce qu'il est important de noter, c'est que dans ce cas-là, qui est un cas exceptionnel, la cause doit être uniquement à cause de la négligence grossière et volontaire du travailleur. Donc, l'exemple qu'on m'a donné, c'est: si la personne est sur le chantier de travail et qu'elle est en état d'ébriété mais que le madrier lui tombe sur la tête, lui cause une blessure, la CSST va l'indemniser parce que la cause de sa blessure, ce n'est pas uniquement à cause de la négligence grossière et volontaire du travailleur. Mais, hormis ces cas-là, quand c'est une négligence qui est vraiment grossière et volontaire du travailleur et que c'est la cause unique de la blessure ou de la maladie, là ce n'est pas une lésion professionnelle et ce n'est pas indemnisé. C'est la réponse à la question.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Brodeur: Est-ce qu'il y a des... J'imagine que vous n'avez pas eu le temps de répertorier s'il y a eu des décisions là-dessus qui pourraient nous éclairer?

M. Gélinas (Claude): On me dit qu'il y a une bonne jurisprudence sur les notions de négligence grossière et volontaire, également sur le fait que c'est une atteinte permanente grave à l'intégrité physique ou psychique, et qu'il y a une jurisprudence qui existe, et il y a énormément de nuances à faire dans ces cas-là, et c'est un fardeau de preuve qui est quand même considérable.

M. Brodeur: Donc, tout ça, pour la suite, va faire une corrélation entre la négligence grossière, par exemple, entre guillemets, d'un criminel au volant et cette même personne-là qui a une négligence grossière... ça semble, par analogie, sensiblement la même chose, là. Mais on ne peut pas comme ça, là, sans étude ou sans expert particulier, établir une corrélation parfaite là-dessus. Peut-être reviendrons-nous dans un autre temps pour établir ces corrélations-là. Je ne sais pas quel dispositif on pourrait avoir pour peut-être penser à l'harmonisation, comme je le disais au début, de toutes ces lois-là, pour faire en sorte que le régime se ressemble d'un endroit à l'autre, soit qu'on modifie le régime d'indemnisation concernant les criminels au volant ou soit qu'on modifie les autres lois pour toutes les... Sûrement que des gens de la Commission des droits de la personne seraient peut-être d'accord avec ça, pour qu'on uniformise toutes les sanctions et les conditions de chacune des lois. De toute façon, je ne sais pas à quoi... On pourrait peut-être déjà prévoir une autre rencontre à ce sujet-là ou prévoir peut-être de nous envoyer peut-être les décisions qui ont été prises, pour qu'on puisse prendre connaissance de ça, par la CSST, afin de peut-être se faire une tête, là, sur ce qui pourrait être apporté.

M. Gélinas (Claude): Oui. Je peux m'informer au niveau du contentieux de la CSST pour voir si ce genre d'étude existe et si c'est disponible.

M. Brodeur: D'accord. Merci beaucoup. Est-ce qu'on pourrait suspendre deux minutes?

M. Ménard: C'est une très bonne idée, après deux heures de travail.

M. Brodeur: Oui.

Le Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons quelques instants, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 26)

(Reprise à 11 h 39)

Le Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons nos travaux. Excusez-nous, la nature ayant un besoin que même l'homme ne peut retenir, vous savez.

Alors, M. Brind'Amour, je vais vous entendre et, ensuite de ça, je vais céder la parole au député de La Peltrie.

Statistiques sur les indemnisations versées

M. Brind'Amour (Jacques): Merci, M. le Président. Il y avait un certain nombre d'autres informations qui avaient été sollicitées tout à l'heure concernant les indemnisations. Je vais vous donner les chiffres. Par ailleurs, j'aimerais peut-être que M. Breton également commente une partie du tableau qu'on vous a transmis pour concilier les chiffres qui s'y retrouvent avec les chiffres dans notre document, où on parle de 14 à 18 millions. Parce qu'on regarde ce document-là puis, ici, ils sont un peu différents, mais on va vous expliquer pourquoi.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Breton (Martin): O.K. Ce qu'on a dans le document qui vous a été distribué aujourd'hui, il y a différents chiffres, des montants qui ont été versés... dans les tableaux. Les montants qui sont là-dessus, ce sont les montants qui ont été versés à date. Ça fait que, par exemple, je vais vous donner seulement un exemple, quand on dit que les 313 personnes reconnues coupables ont un coût de 14 millions, dans le tableau que vous allez avoir, dans le tableau 5.1, vous allez voir que ces personnes-là, on leur a versé, au 31 décembre 2001, 4 724 000 $. Ça fait qu'on a versé 4,7 millions à date, mais il en reste 9,3 à venir. Parce que ces gens-là qui ont eu un accident, on les a payés, mais il y en a qui sont invalides pour encore quelques années ou il y a certaines indemnités qui nous restent à leur verser. Ça fait qu'on estime ça, avec le travail de nos actuaires, à un 9,3 millions additionnel qui est à venir. C'est pour ça que, quand on vous dit que ces 313 accidentés là nous coûtent 14 millions, c'est 4,7 millions déjà versés puis un 9,3 qui est à venir.

n(11 h 40)n

Dans le tableau que vous avez, là, qui vous a été remis, c'est seulement les montants qui ont été versés à date. C'est pour ça que les montants sont plus petits que ce que je vous ai donné. Si vous regardez, par exemple, pour vous replacer, là, si vous regardez le tableau 5.1 qui vient de vous être distribué, quand on regarde la colonne 1999, l'avant-dernier chiffre de la colonne, 4 724 004 $, ça, c'est le Versées aux conducteurs coupables, c'est versé à nos 313 personnes reconnues coupables. C'est ce qu'on aura versé à date au 31 décembre 2001, qui se concilie avec le... Dans le bloc 1 qui vous a été remis à l'avance, à la page 2, on parlait que les 313 nous coûtaient 14 millions, bien, c'est ça. Le 14 millions, c'est qu'il y a 4 millions déjà versés ? 4,7 millions ? puis il y en a... il en reste 9,3 à venir.

Pour les récidivistes, si on fait la règle, on dit qu'ils nous coûtent 2,4 millions. À date, on aurait approximativement 800 000 $ de versés pour ces 53 cas là. Puis il reste 1,6 million à venir. Ce qui fait, ce qui reconstitue notre 2,4 millions, ce qu'ils vont nous coûter globalement, pour aujourd'hui puis les années à venir incluses.

Une question qui était posée: le coût de 1999, le coût global. En bas de la page 2 de la fiche, on vous disait que c'était 746 millions pour 1999. Pour l'an 2000, on parle de 823 millions. Pour 2001, le chiffre n'est pas encore disponible, les états financiers n'étant pas encore publiés ? ils sont dus pour le mois d'avril. Ça fait qu'on voit qu'il y a une légère augmentation. Mais je peux vous dire déjà que 2001, c'est sensiblement du même ordre de grandeur que l'an 2000 en termes de coûts.

Le Président (M. Pinard): Merci. Michel.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, M. Breton, je pense, vient de répondre à une partie de mon interrogation. J'avais regardé le tableau, j'avais comparé les deux tableaux, puis je voulais avoir des informations dans ce fait-là, puis je pense que ça éclaircit en partie. Mais, lorsqu'on regarde toujours le tableau 5.1 et puis qu'on voit que, de 1994 à 1999, il y a une diminution des accidents avec infraction au Code criminel, il y a une diminution aussi au niveau de, bon, décès, puis les victimes, comme tel, au total également, les réclamations aussi, il y a une diminution... Bon. Là vous venez de... Faites par des conducteurs coupables, on voit que c'est 313, ça, ça correspond avec les deux tableaux que nous avons en main, les réclamations faites par les autres victimes aussi, il y a une diminution assez importante, alors que les coûts qu'on nous donne, comme tel, il y aurait une augmentation en termes de coûts. Si vous...

Avec la correction que vous venez d'apporter, là, concernant 1999, puis j'imagine qu'il va rentrer encore des frais pour 1998, moi, là, j'ai une misère à concilier les deux. On nous dit que, bon, il y a moins d'accidents, il y a moins de blessures, il y a moins de réclamations par des conducteurs qui ont été tenus criminellement responsables, alors, est-ce que vous pourriez nous expliquer un petit peu, là, le... Je trouve, là, qu'il y a deux voies, là: il y a une baisse, mais il y a une augmentation aussi des coûts. Alors, moi, j'ai une misère à concilier ça, là.

Le Président (M. Pinard): M. Breton.

M. Breton (Martin): O.K. Oui. Quand vous parlez d'augmentation de coûts, vous parlez... quand je parle de l'année globalement 1999 versus 2000 ou vous parlez du tableau 5.1?

M. Côté (La Peltrie): Les deux, je pense, se confirment dans une certaine mesure, là.

M. Breton (Martin): O.K. Parce que, dans le tableau, ce qu'on voit, c'est 1994. On avait, pour les victimes de 1994... On a versé 22 millions, puis ça diminue: 18, 22, 20, 13, 12. Ça fait que les chiffres vont en diminuant, de la gauche vers la droite. Ce qu'il faut dire là-dessus, c'est que c'est des chiffres qui sont difficilement comparables, parce que c'est les indemnités versées à date, ce qui veut dire que l'accidenté de 1994, ça fait sept ans qu'on le paie. Ça fait qu'on a eu le temps d'en payer longtemps, alors que, celui de 1999, ça fait seulement deux ans. Ça fait que c'est difficile un petit peu de comparer.

M. Côté (La Peltrie): Oui, oui, mais, par contre, les coûts de 1999, vous dites, tout à l'heure, qu'il y avait 9 millions, là, qui étaient à venir.

M. Breton (Martin): Oui.

M. Côté (La Peltrie): Pour les conducteurs coupables. Donc, si on met 9 plus 4, ça fait 13. Vous avez 14 millions, là, qu'on peut prévoir, c'est sûr.

M. Breton (Martin): Oui, c'est ça.

M. Côté (La Peltrie): Après ça, les Versées aux autres victimes, alors, ça aussi, il va s'en ajouter aux coûts, alors qu'il y a beaucoup moins d'autres victimes qui ont placé des réclamations en 1999: 404 par rapport à 634 en 1994. Moi, là, il y a des choses que j'ai de la misère à concilier, entre les coûts et le nombre de réclamations.

M. Breton (Martin): O.K. Deux choses. La première, Versées aux autres victimes, on a versé 7,4 millions à date. On s'attend à ce que, quand on va avoir fini de verser, ça va totaliser 18 millions. Ça fait qu'on... Bon. Par contre, il y a une autre chose qui se passe parallèlement à ça, à ce qu'on voit là: le nombre de victimes, d'accidentés, ça va en diminuant. Parallèlement à ça, il y a les coûts de nos indemnisations qui ont augmenté au cours des dernières années parce qu'on a fait des bonifications. Il y a toutes sortes de raisons qui contribuent à ça. Mais le coût des indemnités: un indemnisé nous coûte plus cher aujourd'hui qu'il nous coûtait il y a quatre, cinq ans. Ça, c'est un fait. Puis ça fait que ça vient un peu influencer le coût total, là, de... C'est pour ça, par exemple, qu'on dit qu'en 1999 le coût de tous les accidentés, pas seulement les criminels, mais tout le monde, c'est 746 millions, puis pour 2000 c'est 823 millions. On voit qu'il y a une hausse qui est due à toutes sortes de facteurs, mais qu'on a amélioré le régime. Puis il y a d'autres facteurs aussi qui font que les gens sont invalides un peu plus longtemps qu'au cours des dernières années. Toutes sortes de facteurs qui ne sont pas faciles à décortiquer ici aujourd'hui mais qui font que le coût descend peut-être moins vite que le nombre d'accidents. J'en conviens, oui.

M. Côté (La Peltrie): Une autre question, M. le Président, s'il vous plaît. Vous avez mentionné dans votre intervention, votre présentation du début, qu'il y avait 25 %, si j'ai bien compris, là, des 53 conducteurs récidivistes, 25 % étaient imputables à l'alcool. Est-ce que c'est bien compris, ça, ou si c'est 25 % des 313?

M. Breton (Martin): Non, non.

M. Côté (La Peltrie): Vous disiez qu'il y avait 25 % qui sont imputables à l'alcool.

M. Breton (Martin): Pas exactement.

M. Côté (La Peltrie): Non?

M. Breton (Martin): Les 313 qui ont été reconnus coupables, la très, très grande majorité, c'est pour capacités affaiblies. La plupart, c'est en haut de 0,08.

M. Côté (La Peltrie): O.K.

M. Breton (Martin): La très, très grande majorité. Par contre, l'élément que j'ai rajouté, c'est que, sur les 313, il y en a 260 qui avaient un dossier vierge. Ça veut dire qu'ils n'avaient jamais eu d'infraction avant, c'était la première fois. Puis il y a 53 que c'étaient des récidivistes.

M. Côté (La Peltrie): O.K.

M. Breton (Martin): Puis l'autre chose que j'ai amenée, c'est que, huit sur 10, c'est les gens qui sont les seuls blessés dans l'accident. Ça veut dire qu'ils n'en blessent pas d'autres. Ils se blessent eux-mêmes, puis, dans le 20 % qui reste, ou le 21 % qui reste, ils blessent soit des gens qui sont passagers avec eux ou soit des gens qui sont dans un autre véhicule ou sur le trottoir, mais c'est à peu près moitié-moitié. Quand on applique ça aux récidivistes, il y a 11 conducteurs qui étaient récidivistes, qui ont eu un accident puis qui ont blessé d'autres personnes qu'eux-mêmes qui ont eu droit à des indemnités, soit leur conjoint assis avec eux ou quelqu'un dans un autre véhicule.

Consommation d'alcool et de drogue

M. Côté (La Peltrie): O.K. Dans les cas de facultés affaiblies, est-ce que ça, c'est... Vous tenez compte uniquement en ce qui a trait à l'alcool, j'imagine. Lorsqu'on parle ici, là... On dit, dans votre document: «En vue de détecter de façon précoce les conducteurs ayant des problèmes de consommation d'alcool et/ou de drogue.» Alors, est-ce que vous êtes en mesure de faire un peu la différence maintenant entre quelqu'un qui est affaibli par l'alcool, les facultés affaiblies par l'alcool, ou encore quelqu'un qui a les facultés affaiblies par la drogue? Est-ce qu'il y a des études qui se font dans ce sens-là ou est-ce qu'il y a des statistiques qui commencent à se monter?

n(11 h 50)n

M. Breton (Martin): O.K. Actuellement, la plupart des condamnations pour capacités affaiblies se font sur la base du 0,08. C'est la très, très grande majorité. Il peut y en avoir d'autres, comme j'ai dit tantôt, on peut être en bas de 0,08 et être fatigué, ça peut être de la drogue, tout ça, mais il y en a moins, de condamnations, parce que, à ce moment-là, ce n'est pas un appareil de détection, c'est sur des observations. Les gens ont un comportement qui visiblement n'est pas normal puis qui est dû à soit des médicaments, des drogues, de la fatigue, etc. Ça fait que c'est peut-être un petit peu plus difficile à démontrer qu'un test d'ivressomètre.

Par contre, pour compléter, on a fait, à la Société de l'assurance auto, une étude, au cours des deux dernières années, sur les drogues. C'est l'étude la plus vaste qui s'est faite au niveau mondial, là, sur les drogues, pour justement détecter: est-ce que les drogues sont impliquées beaucoup dans les accidents au Québec. Pour dire, au cours des deux dernières années, là, tous les décès, quand le coroner les vérifie, il vérifie, il prend un test d'urine puis un test de sang pour voir toute la liste des drogues, qui sont légales ou illégales, qui étaient dans le sang. Puis on a testé, sur la route, des milliers de conducteurs et camionneurs pour vérifier la prédominance des différentes drogues. Puis, après ça, on va être en mesure de faire le lien: est-ce qu'il y a certaines drogues qui causent plus d'accidents que d'autres, ou des mélanges? Parce que des fois ça peut être de l'alcool avec du cannabis, de la cocaïne avec d'autre chose, bon, etc. Ça fait qu'on est en train de regarder c'est quoi, les facteurs de risque liés à l'alcool. Puis on est en contact avec des gens, comme en Colombie-Britannique. Ils ont une expertise là-dessus pour détecter des comportements, de quelle façon on peut détecter les comportements puis monter une preuve pour amener les condamnations criminelles basées sur les capacités affaiblies autres que l'alcool ou l'alcool avec d'autre chose. Ça fait qu'on fait des travaux en ce sens-là, puis on est parmi les pionniers, je dirais, au niveau mondial pour l'étude des drogues et leurs effets sur la conduite automobile.

Suite à ça, évidemment, dans les prochains mois, les prochaines années, ça nous amènera à faire des propositions, à proposer au ministre peut-être certaines actions pour aller contre ça, parce qu'on craint qu'avec l'alcool ? il y a beaucoup de répression qui se fait sur l'alcool... et qu'il y a un déplacement, là, de l'alcool vers certaines autres drogues.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

Diminution du nombre d'accidents
et augmentation des coûts

M. Bordeleau: Oui. Je vais revenir sur le coût total des indemnités. En 1999, vous nous dites que c'est 746 millions; en 2000, 823 millions. Une augmentation de 10 %, quand même, qui est assez surprenante. Vous dites qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer ça. Mais comment cette augmentation-là sur une année, là, de 10 % des indemnités versées se compare aux années antérieures? Est-ce qu'il y a une ligne de progression, et c'est quoi, vos prévisions pour l'avenir? Je suppose qu'on n'augmente pas, là, au rythme de 10 % par année régulièrement, parce que... Mais comment on explique que, entre 1999 et 2000, là, sans entrer dans tous les détails, qu'on passe de 746 millions à 823, c'est-à-dire une augmentation de 10 %? Et comment cette année-là est exceptionnelle par rapport aux années antérieures? On doit avoir des données, là.

Le Président (M. Pinard): M. le président.

M. Brind'Amour (Jacques): Oui, je vais laisser M. Breton...

M. Breton (Martin): O.K. Il y a différents facteurs liés à l'augmentation. Pour ce qui est...

(Consultation)

M. Breton (Martin): O.K. Il y a différentes causes liées aux programmes d'indemnisation eux-mêmes, parce qu'on développe des nouveaux programmes, on fait des choses qui demandent plus d'argent. Il y a eu des bonifications dans la loi, comme vous le savez, pour les séquelles permanentes, entre autres. On a aussi observé une augmentation dans les durées d'invalidité. Ça, c'est un facteur qui est important là-dedans aussi.

Là, je ne pourrais pas vous donner le détail des autres éléments, mais, de mémoire, là, ce sont les principaux. Les durées d'invalidité... quelqu'un qui a un accident est invalide un peu plus longtemps aujourd'hui. Il y a eu une détérioration, là. Ça fait qu'on...

M. Bordeleau: Ça ne doit pas être arrivé subitement, comme ça, en 1999-2000, que tout d'un coup, là, les durées d'invalidité... Ça doit être progressif. Ça doit exister depuis un certain nombre d'années.

M. Breton (Martin): Oui. Il y a... Oui.

M. Bordeleau: Puis l'autre élément, vous mentionniez les modifications aux indemnisations. Tout à l'heure, j'ai posé la question. Vous avez dit que ce serait assez marginal, les augmentations que ça pourrait apporter. Mais là on parle d'une augmentation de 10 %.

M. Breton (Martin): Oui. Je préférerais... Je pourrais vous revenir pour vous donner des éléments plus précis, là, sur les augmentations, les causes puis les pourcentages qui sont imputables à chacune des causes. Ça va être plus... plutôt que de dire n'importe quoi, là, pour être certain.

M. Bordeleau: Puis, comment ça se compare aux années antérieures en termes d'augmentation annuelle? Est-ce que vous avez des données qui sont disponibles là-dessus?

M. Breton (Martin): Ah, je vais les obtenir.

M. Bordeleau: O.K.

Le Président (M. Pinard): Autres questions, messieurs? M. le député de Shefford?

Remarques finales

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Non. Pour terminer, j'ai des observations puis des suggestions, peut-être, à faire à la Société de l'assurance automobile et à la Commission. Je dois vous dire que, ce matin, je m'attendais, moi, depuis quelques semaines, à avoir des documents beaucoup plus élaborés pour prendre des décisions. Il faut savoir que le gouvernement, et le législateur, a deux choix, en définitive, dans cette affaire-là, si on parle, entre guillemets, de criminels au volant: soit de ne pas agir et considérer que les droits de la personne seraient affectés si on décide de modifier quelque chose, ou le deuxième choix qui s'offre au législateur, c'est, s'il décide que, oui, il veut changer des choses, il faut une base de données sur lesquelles nous pouvons discuter. Donc, il n'y a rien d'établi encore, si nous allons de l'avant avec une modification ou non. Sauf que nous devons avoir entre les mains tout le jeu pour nous permettre de prendre une décision.

J'aurais aimé ce matin avoir, par exemple, le minimum d'une étude comparative avec d'autres États, d'autres pays qui ont le même régime d'assurance que nous: qu'est-ce qui... de quelle façon réagissent-ils dans le cas de criminels au volant? Donc, on ne peut pas, ce matin, faire de comparaisons, on ne peut pas voir ce qui se fait ailleurs. On sait qu'il y en a un, régime. Par exemple, durant les consultations, on a parlé abondamment du régime du Manitoba, je crois. Certains intervenants sont venus nous parler de ce régime-là puis de systèmes d'autres États également. Donc, il aurait été intéressant de baser nos discussions sur une étude comparative avec d'autres États.

Deuxièmement, ce matin aussi, j'aurais aimé voir le processus d'indemnisation, par exemple ? la question du ministre de tantôt concernant la CSST était très à propos. Donc, on aurait pu faire une comparaison entre les divers régimes d'indemnisation qui existent présentement au Québec afin de se faire une tête sur le fait que, si l'on décide de faire une modification, il faut absolument être cohérent et faire en sorte de tenir compte des autres processus d'indemnisation, y compris l'IVAC, y compris la CSST.

Donc, pour moi, c'est difficile aujourd'hui de réaliser l'objectif qu'on s'était donné, c'est-à-dire de prévoir s'il y avait lieu ou pas de diminuer l'indemnisation des criminels au volant. S'il y avait lieu, à ce moment-là, ça prend des bases sur lesquelles on peut se prononcer, ce qui n'est pas le cas présentement. Donc, je crois qu'il serait à propos de demander un rapport plus complet sur lequel la commission pourrait travailler de façon beaucoup plus sérieuse.

Donc, ce matin, pour moi, ça a été un exercice préliminaire, parce qu'on n'a pas pu, on n'a pas pu discuter avec des données qui nous permettent, là, d'établir une opinion claire. Donc, j'en fais la suggestion à la commission: que nous demandions à la Société de l'assurance automobile du Québec de nous refaire un rapport sur la base des données que j'ai proposée et que nous puissions, d'un commun accord avec la commission et le ministre des Transports, nous rencontrer à nouveau, dans les plus brefs délais, pour rediscuter de ce qui aurait peut-être dû être discuté ce matin, avec des données qui sont précises et une base de discussion qui nous permettraient de faire avancer le dossier. Je vous fais cette suggestion-là.

n(12 heures)n

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Shefford. M. le ministre des Transports, vos remarques finales.

M. Serge Ménard

M. Ménard: Bon.

(Consultation)

M. Ménard: Bon, oui, je pense que c'est une bonne suggestion que vous faites, si on veut aller au fond du problème. Par contre, moi, je suis convaincu que, si le grand public savait ce que nous savons déjà par ce que la SAAQ nous a communiqué ce matin et par ce que nous apprenons des divers intervenants, je ne crois pas qu'il verrait un problème urgent comme certains l'ont vu dans le passé, et que probablement, pour un tas de raisons, il voudrait le maintien du régime actuel.

C'est certain que ce qui scandalise les gens, c'est de voir, comme je le disais au début, là, ce soûlon récidiviste qui tue deux enfants et qui est blessé de blessures qui vont nous coûter une fortune pendant des années, alors que les pauvres parents ne recevront que ce que l'on donne pour la perte, la douleur, n'est-ce pas? Parce que c'est quelque chose qui est... Ce genre de douleur ne peut pas être remplacé par aucune somme, compensé, pardon, par aucune somme d'argent. Et, finalement, elles sont nécessairement minimes par rapport à certains traitements qui durent des années et que nous fournissons à tous les assurés, pour tous les gens qui ont payé... tous les assurés du système d'indemnisation des victimes d'accident d'automobile.

Mais, par contre, les gens, s'ils pensaient à leur entourage, n'est-ce pas, je ne sais pas, moi, à l'oncle ou au beau-père, n'est-ce pas, qui, après avoir bu du vin au cours d'un repas, s'en va chez lui, tombe endormi, roule dans un fossé. Il a 0,10, n'est-ce pas, donc un peu plus que 0,08, et puis il est estropié pour le restant de ses jours. Et, il n'aurait aucune indemnité, les gens trouveraient ça aussi scandaleux.

Et on voit bien, avec les chiffres que la SAAQ nous a démontrés, qu'il y a plus de monde, franchement, qui se rapprochent de cet oncle ou de ce beau-père que de monde qui se rapprochent de ce soûlon récidiviste qui à la fois tue et se blesse lui-même, et donc nous coûte de l'argent. On voit aussi qu'il y aurait nécessairement des problèmes importants soulevés par la Charte, parce que, voilà, ce genre de perte d'indemnités, naturellement, tout de même s'il s'agit d'une mesure civile et non pas d'une mesure pénale, tout le monde le considère comme une mesure pénale extrêmement sévère, selon la gravité des blessures. Mais voilà que cette pénalité s'appliquerait de façon totalement incohérente: elle ne dépendrait pas de la gravité de l'acte posé, elle dépendrait des conséquences de l'acte, et ces conséquences sont nécessairement dues au hasard.

Donc, il est vraisemblable que les tribunaux, s'ils en étaient saisis, estimeraient que ce n'est pas une limite raisonnable, qu'elle ne rencontre pas les critères qu'ils ont établis, pour estimer ce qui est une limite raisonnable à l'infraction des droits qui est permise par la Charte, c'est-à-dire qu'on veut régler un problème urgent et important et que la mesure a été conçue soigneusement pour enfreindre le droit le moins possible, tout en poursuivant cet objectif, l'objectif étant de diminuer l'usage de l'alcool au volant ou enfin le fait que des personnes conduisent leur voiture avec des facultés affaiblies, et la mesure étant la perte d'indemnités qui peuvent être très importantes, et qui va s'appliquer de façon incohérente, comme je l'ai expliqué tout à l'heure.

On voit aussi que nous interviendrons vraisemblablement. Il est très difficile de faire un texte qui punirait ceux qui portent atteinte mais qui ne causeraient pas accessoirement de nombreuses injustices quant aux familles des gens qui sont là, notamment quant aux familles. On voit aussi que, dans d'autres domaines où on a eu à traiter de problèmes semblables, pas exactement les mêmes, mais que quelqu'un, par exemple, qui rentre au travail trop ivre, il paraît même très ivre, mais qui rentrerait, disons, au travail donc avec ses facultés affaiblies, opère une machinerie et se blesse justement à cause de son état, cette personne, vraisemblablement, sera indemnisée parce que ce n'est pas une négligence volontaire, n'est-ce pas?

Et puis, même si c'était une négligence volontaire, devant certaines conséquences très graves comme le décès, donc les indemnités qui reviendraient à la famille, et le fait aussi qu'une blessure entraînerait un handicap permanent, bien, dans ces circonstances-là on accepte quand même d'indemniser cette personne qui est assurée.

J'ai l'impression que quand le public... Si le public examinait cet ensemble de facteurs, il ne verrait pas l'urgence d'intervenir, comme certains l'ont vue, qui sont venus témoigner devant nous. Et des cas, que je reconnais, peuvent être pathétiques mais demeurent ? et on le voit bien ? exceptionnels.

Ceci étant dit, s'il fallait continuer, je pense que c'est extrêmement difficile de soumettre des experts au traitement ? je réalise par la suite, là ? auquel nous les avons soumis, c'est-à-dire de leur demander d'évaluer la loi que nous n'avons pas encore été capables d'écrire, n'est-ce pas, et de porter une opinion sur une mesure que nous voudrions prendre pour faire face à un problème, mais alors que nous n'avons pas encore été capables de... Généralement, les experts, on leur soumet un texte. On leur soumet, on dit: Voici la modification que nous voulons apporter. Est-ce que les membres de la Commission des droits de la personne peuvent nous donner leur opinion sur cette modification? Mais, à date, le grand problème, c'est de l'écrire, cette modification, pour rejoindre l'équité nécessaire qu'elle doit avoir, à partir des problèmes avec lesquels nous avons été confrontés et qui sont quand même...

Je veux dire, c'est vrai que j'aurais aimé, disons, une meilleure facture, n'est-ce pas, du rapport que... Mais je pense que tout le monde ici va reconnaître que la SAAQ a soulevé là des problèmes très sérieux. Alors, moi, je n'ai pas d'objection à votre suggestion, au fond, que la SAAQ nous soumette quand même un rapport plus étoffé, mais dans lequel il faudrait quand même faire notre effort à nous, n'est-ce pas, de demander à la SAAQ précisément ce que nous voulons. Je pense que nous pouvons reconnaître certains éléments qui rencontreraient votre demande, et qui est, je pense, la demande, là, de mes collègues ici. Nous aimerions avoir, au fond... connaître, devant ce problème de personnes qui ont causé un accident... Et, je pense, non seulement à cause de leur conduite avec facultés affaiblies. Parce que, je pense que, là-dessus, on n'a pas besoin de discuter bien, bien longtemps, on est d'accord que, si on le fait pour conduite avec facultés affaiblies, on devrait le faire aussi pour conduite dangereuse puis négligence criminelle, n'est-ce pas, autrement dit pour...

Alors, quelqu'un qui a causé un accident en commettant un acte criminel et qui est victime de cet accident devrait-il être indemnisé de la même façon qu'une personne qui n'a pas causé d'accident par la commission d'un acte criminel? Et je pense bien qu'on serait à peu près d'accord pour dire que... On ne pense pas, pas plus qu'à la CSST, il ne devrait pas y avoir des limites à cette absence d'indemnisation, et de dire que, si oui, si elles doivent être, à quel niveau? Ça, c'est le problème qui nous préoccupe. Comment a-t-on réagi dans d'autres juridictions à ce problème? On aimerait avoir une comparaison avec d'autres provinces canadiennes, avec des États américains ou avec des pays comparables. Ce n'est pas nécessaire de faire un relevé complet, mais je pense que c'est ça qui...

Deuxièmement, on voudrait avoir, si on fournit des données statistiques, que nous apprécions, on voudrait les avoir les plus complètes possible. Je pense que c'est facilement possible d'ailleurs pour la SAAQ, c'est-à-dire, on voudrait les voir évoluer dans le temps, n'est-ce pas, et puis... Ensuite, je ne sais pas, est-ce qu'il y a d'autres... Parce qu'on a quand même 20 minutes encore pour faire... Est-ce que vous avez d'autres suggestions que l'on pourrait faire avec précision?

M. Serge Deslières

M. Deslières: Non, mais juste pour, si vous me le permettez... Je pense que M. le ministre et le critique officiel viennent de poser les balises, hein. La commission est dans un état de réflexion, de discussion. Nous avons entendu des groupes, nous avons demandé à rencontrer la SAAQ et d'autres groupes pour nous éclairer. On est dans un état de réflexion. Ça nous interpelle, cette question-là, mais je pense que ça serait une erreur de penser... Je crois que l'ensemble des citoyens qui se questionnent sur le régime ne nous demandent pas dans l'immédiat, là, de trouver une solution. Et, le ministre vient de le dire, une solution législative venant modifier, ce n'est pas facile. Je pense qu'il faut encore prendre un nombre de semaines, de mois, pour avoir des informations factuelles, pour se faire encore une tête, parce que je pense que les collègues des deux côtés de la commission, des deux côtés de la table, ont exprimé un tas de questionnements, un tas de questions. Mais le critique officiel a dit clairement qu'il ne veut pas remettre en cause le régime fondamentalement du «no fault», donc on cherche à le modifier.

n(12 h 10)n

On sait qu'il y a des accidents, des crimes qui font les manchettes, qui interpellent tout le régime. M. le ministre vient de le dire: Les informations sont-elles bien connues du grand public? Je pense qu'il ne faut pas faire en sorte d'envoyer le bébé avec l'eau du bain, là. Ça, c'est notre responsabilité. Et, ce qu'on nous demande, c'est une réflexion. Et, en ce moment, moi, je vous le dis très clairement, je n'ai pas une tête de faite sur ça. Mais, avec mes collègues, je cherche, on cherche des modifications, mais très sensées, pour améliorer et non pas pour détruire ou faire en sorte... parce qu'on a quand même un constat, un régime qui est admiré par beaucoup de provinces, beaucoup d'États, beaucoup de pays. Alors, il faut baliser ça, et c'est notre travail de parlementaires.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie. Ensuite, M. le député de Shefford.

M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui. Je pense que je vais enchaîner sur ce que dit mon collègue. Effectivement, je pense que ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut... On est en période de réflexion, je pense, tout le monde, là-dessus, et il faut terminer cette réflexion-là avec le maximum de données et en tirer des conclusions. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il y a un rapport, tel que ça a été suggéré, pour nous permettre d'avoir plus d'informations, et tout à fait appropriées. Et je veux juste rappeler qu'on a une obligation, on a une responsabilité comme parlementaires de le faire, parce que...

Je veux juste rappeler que, indépendamment des détails, de toutes ces choses-là, il y a eu des pétitions qui ont été déposées à l'Assemblée nationale, signées par au-delà de 150 000 personnes. Alors, je pense que, si 150 000 personnes s'inquiètent puis ont toutes sortes de perceptions plus ou moins extrêmes... Je ne veux pas rentrer dans le détail là-dessus, mais il y a des interrogations dans la population, et c'est important. Je pense que c'est notre responsabilité de pousser la réflexion jusqu'à la limite et d'en tirer des conclusions. Peu importent les conclusions qu'on tirera, on ne pourra, ces 150 000 personnes là ? et ce n'est pas un petit nombre ? ne pourront pas dire que les parlementaires n'ont pas fait leur travail qu'ils devaient faire ou qu'on en a tiré des conclusions hâtives, sans avoir fait l'analyse complète des problématiques. Alors, je pense que ça, c'est important.

L'autre élément que je veux faire ressortir, c'est peut-être un peu simple, mais c'est quand même dramatique. Il faut voir aussi dans quelle mesure on peut améliorer le régime et dans quelle mesure on peut régler des cas, par exemple, qu'on a vus. Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire concrètement, comme parlementaires, pour éviter que des gens se retrouvent avec des automobiles, qui sont récidivistes et qui tuent des personnes, des enfants sur la rue? Quand même ce seraient cinq, 10 personnes, là, on a quand même une responsabilité là-dessus de se dire: Qu'est-ce que ça veut dire que des gens qui se retrouvent sur la rue... Est-ce qu'on a quelque chose, comme parlementaires, à faire pour éviter que ça arrive une fois, cinq fois, 10 fois? Parce que c'est inadmissible.

Il faut se mettre dans la peau des familles qui l'ont vécu, ça. On en a eu, des gens qui sont venus. À chaque fois qu'on a tenu des commissions parlementaires sur ce sujet-là, il y a eu des témoignages dramatiques qui ont été faits par des gens qui l'ont vécu et qui comprendraient difficilement qu'on n'aille pas au bout de notre réflexion là-dessus et qu'on n'essaie pas de voir s'il y a possibilité, à l'intérieur de toute la complexité qui s'impose, de trouver des solutions, d'améliorer le système. Et c'est dans ce sens-là, je pense, qu'on a une responsabilité, comme parlementaires, d'aller le plus loin possible là-dessus.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député. M. le député de Shefford.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. Ce sera ma dernière intervention, tout simplement pour nous rappeler à la cohérence. Souvenez-vous, à chaque fois qu'il se passe un événement malheureux, nous sommes les premiers, à l'Assemblée nationale, à nous lever, la main sur le coeur, et dénoncer ces situations, dire que le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour empêcher que telle situation se reproduise. L'ex-ministre Guy Chevrette, je le revois encore se lever puis dire qu'il y avait urgence, urgence de légiférer à ce sujet-là. On se souvient... On tient des minutes de silence. Mais là il ne faut pas s'arrêter seulement à ces moments-là où il y a eu des événements malheureux, où tout le monde à l'Assemblée nationale et tout le monde dans la société dit: Bien oui, il faut absolument agir, il ne faut pas laisser ça aller.

Donc, je m'inscris en faux aux propos du ministre qui dit qu'il n'y a pas urgence. Il y a urgence de prendre une décision pour le gouvernement. Oui ou non, est-ce qu'on va de l'avant? Est-ce qu'il y a des modifications à faire, oui ou non? S'il y a des modifications à faire, pourquoi? S'il n'y en a pas à faire, pourquoi? La population attend impatiemment le résultat de nos études, de nos délibérations et de tout ce qu'on fait ici, en commission parlementaire. Donc, la population a droit au minimum, au moins, d'apparence de justice. Le ministre, qui est un juriste, connaît ses notions d'«apparence de justice». Et les gens qui sont venus ici lors des consultations nous lançaient le message qu'il y avait une injustice, qu'il y avait injustice. Y a-t-il injustice ou pas? C'est le gouvernement qui a à prendre une décision, mais je crois qu'il y a urgence de prendre une décision, et c'est la responsabilité du ministre.

Le gouvernement doit rester cohérent. On sait qu'il y a eu un changement de ministre. L'ex-ministre Guy Chevrette avait déclaré ? puis, je pense bien, à l'Assemblée nationale ? que, oui, à une de mes questions et une des questions du chef de l'opposition, il y avait urgence. D'ailleurs, il y a un projet de loi dit préliminaire qui avait été déposé l'an dernier, que nous avons adopté en toute vapeur, et le ministre de l'époque avait insisté pour dire qu'il y aurait un autre projet de loi qui serait déposé pour éventuellement régler des problèmes justement de récidivistes ou de gens qui étaient considérés comme criminels au volant, selon le Code criminel.

Donc, je dois souligner que, pour moi, la décision presse; quelle que soit la décision, elle presse. C'est pourquoi je crois, moi, que, si tout le monde est d'accord, on doit se rencontrer le plus rapidement possible, pas attendre qu'il y ait encore un événement malheureux qui se produise, qu'on se laisse tous la main sur le coeur, puis dénoncer cet événement-là, puis continuer à piétiner. Je pense que c'est impératif qu'une décision soit prise, la décision revient au gouvernement: Oui ou non, et pourquoi? Et, en ce sens-là, M. le Président, je pense qu'il est urgent que ces rapports-là soient remis à la commission, que nous nous rencontrions le plus rapidement possible pour se faire au moins une idée sur la décision qui doit être prise. Ça, c'est le gouvernement qui doit choisir entre oui ou non. Et, s'ils choisissent de modifier des choses, les documents qui seront déposés seront une base pour prendre ces décisions-là.

Donc, c'est ce que j'ai à dire, M. le Président, que, oui, il faut prendre position rapidement, et c'est la responsabilité du gouvernement et entre autres du ministre des Transports.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre des Transports.

M. Serge Ménard

M. Ménard: On peut agir avec une certaine célérité. Je pense que, à la comparaison des autres juridictions quant au problème qui s'est soulevé, on voudrait ajouter aussi une comparaison des solutions québécoises dans des problèmes... dans d'autres champs, mais qui sont voisins ? et je le dis, ça, à la suggestion de l'opposition ? la CSST et l'IVAC, n'est-ce pas, qui...

Mais, bon, la question, c'est de savoir: À la suite de ce rapport, est-ce qu'on va se rencontrer sans avoir de texte de modifications à proposer? Et, auquel cas, est-ce qu'on va attendre que... Parce que c'est une chose que de faire l'étude, c'en est une autre que de décider si, oui ou non, nous allons limiter d'une façon ou d'une autre et jusqu'à quel point nous devrions limiter. Parce que je pense qu'on est tous d'accord que l'élimination systématique, bête, de l'indemnisation de toute personne qui serait condamnée pour conduite avec facultés affaiblies risquerait d'être une injustice dans bien des cas. Alors, on veut, pour corriger ce que le public perçoit comme une injustice, ne pas prendre une mesure qui en causerait d'autres, n'est-ce pas, plus nombreuses. Alors donc, c'est une question de choisir la mesure, n'est-ce pas?

n(12 h 20)n

Maintenant, je vous rappellerais tout de suite quand même que, pour empêcher ce phénomène, il y a bien d'autres mesures qui peuvent être prises, et qui sont prises et qui obtiennent des résultats. Il y a beaucoup moins de conducteurs avec leurs facultés affaiblies sur les routes aujourd'hui, ils causent beaucoup moins de morts qu'ils l'ont déjà fait auparavant. Mon prédécesseur a mis beaucoup l'action, d'attention sur la prévention ou d'efforts sur la prévention. Et d'ailleurs, moi, personnellement, je reste convaincu que c'est cet ensemble de mesures qui nous permet d'atténuer ce qui a déjà été un fléau social bien plus important, celui... Je me souviens, quand j'étais jeune, les morts sur les routes causées par des conducteurs ivres étaient beaucoup plus nombreuses. Et l'attitude du public en général à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies en était une de tolérance très grande. Il y a un changement complet dans la société aujourd'hui. Alors, je pense que le public doit être informé aussi qu'il y a progrès et que ce progrès, je crois, ne dépend pas beaucoup, est très indépendant des indemnités qui sont versées aux conducteurs qui contreviennent à ces dispositions.

Maintenant, c'est plutôt pour corriger une impression scandaleuse de la part du public que nous devrions intervenir, si nous devons intervenir, mais je ne crois pas ce cela aurait une grande influence, étant donné le nombre peu nombreux de gens... et je me demande si... Ces gens-là sont assez irresponsables que, quand même on leur mettrait la loi coranique, n'est-ce pas, pour les punir, ils prendraient encore les mêmes chances.

Mais, de toute façon, nous allons demander à la SAAQ ? parce que je pense que c'est l'organisme le plus approprié ? de nous faire un relevé statistique des juridictions semblables en Amérique du Nord, peut-être et peut-être quelques législations européennes, des mesures prises dans d'autres situations voisines, dans les lois québécoises. Et souhaitez-vous, du côté de l'opposition, recevoir ici ce mémoire, poser des questions avant de proposer un texte?

M. Brodeur: On aimerait peut-être avoir au moins une proposition préliminaire.

M. Ménard: De modifications.

M. Brodeur: Bien, de suggestions et le rapport statistique également, qui pourraient faire l'objet d'une discussion ici par la suite, là.

M. Ménard: Non, mais je me demandais si vous ne vous contenteriez pas de connaître les dispositions des autres juridictions vis-à-vis des problèmes semblables.

M. Brodeur: Non, les problèmes... On aimerait savoir les dispositions des autres juridictions, puis aussi faire une analyse complète comparative entre les régimes d'indemnisation québécois, là.

M. Ménard: Oui. Ça, je suis parfaitement d'accord, puis on verra après.

M. Brodeur: On verra après, là.

M. Ménard: On se sondera les uns les autres pour voir s'il y a lieu d'intervenir comme d'autres l'auraient fait, dans quelles limites.

M. Brodeur: Exactement. Puis je suggère que ces rapports-là soient faits le plus tôt possible.

M. Ménard: Oui. Maintenant, vous ne croyez pas que ce serait utile aussi que, quand ils seront disponibles, nous vous les envoyions d'avance pour que nous puissions arriver à cette commission préparés à faire une discussion?

M. Brodeur: Exactement.

M. Ménard: Alors, on pourrait se donner peut-être deux semaines entre le moment où c'est prêt et le moment où on se rencontrerait.

M. Brodeur: Parfait.

M. Ménard: Bon. Bien, je vois que... Alors, une dernière chose.

Le Président (M. Pinard): Et le rapport va être transmis à la commission?

M. Ménard: Oui, ce rapport sera transmis à la commission. Et, une dernière chose, j'exprimais... D'abord, je remercie beaucoup ceux qui sont venus, et j'ai déjà dit combien j'ai trouvé que la mission que nous vous avions donnée était difficile à remplir. Et ne jugez pas par le ton de certaines questions, peut-être, qui ont été posées qu'il y a là un blâme, mais véritablement je trouve que, dans les circonstances difficiles qui vous ont été posées, vous nous avez éclairés et nous avons véritablement avancé, je crois, dans notre réflexion, même si nous n'y avons pas mis un terme.

Et je reconnaîtrais une autre chose aussi, je reconnais que c'est un sujet sur lequel on peut faire beaucoup de démagogie, et personne ici n'en a fait. Je pense que ça vaut la peine d'en discuter et je crois que c'est ainsi que nous pourrons améliorer les lois, chacun jouant le rôle que l'électorat lui a confié. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci infiniment de vous être présentés ce matin. Alors, la commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 25)


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