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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 19 février 2002 - Vol. 37 N° 34

Consultations particulières sur le projet de loi n° 72 - Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 72, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace M. Lafrenière (Gatineau).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue à tous les participants à cette commission, tous les parlementaires, les personnes qui les accompagnent et aux groupes qui vont présenter des mémoires, et d'une façon toute particulière au nouveau ministre délégué à l'Environnement, le député de Montmorency.

Et je vous fais lecture des groupes que nous allons entendre cet avant-midi: d'abord l'Union des municipalités du Québec, par la suite la ville de Montréal, et finalement la Chambre des notaires. Après la suspension de nos travaux, cet après-midi, nous entendrons les représentants de l'Association des banquiers canadiens, par la suite le Centre patronal de l'environnement du Québec, l'Institut de développement urbain du Québec, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, pour terminer nos travaux avec le Barreau du Québec.

Avant d'amorcer nos travaux, je voudrais demander à toutes les personnes qui sont présentes dans la salle, ici, de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire durant la séance.

Remarques préliminaires

Nous allons amorcer nos travaux par les remarques préliminaires. Alors, M. le ministre délégué à l'Environnement, vous avez la parole et vous avez un maximum de 15 minutes pour ce faire. M. le ministre.

M. Jean-François Simard

M. Simard (Montmorency): Bien. Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Vous me permettrez tout d'abord de commencer sur une note très, très personnelle. Comme vous y faisiez vous-même référence à l'instant même, c'est avec enthousiasme que je me joins à vous ce matin pour vivre, pour une première fois à titre de ministre délégué, cette aventure de consultations particulières. Enthousiasme parce que, vous le savez, à la faveur d'un récent remaniement ministériel, le premier ministre du Québec et député de Verchères me faisait l'honneur d'être le plus jeune député, en fait, à se joindre au nouveau Conseil des ministres.

C'est donc avec enthousiasme, mais aussi avec plaisir que je retrouve dans de nouvelles fonctions des collègues, au premier chef vous-même, M. le Président, mais aussi des collègues de la majorité ministérielle, et tout particulièrement ma collègue de Matapédia, avec qui j'ai eu l'occasion de faire ma maîtrise en développement régional. Nous avions beaucoup, à l'époque, discuté de développement durable qui est un concept-clé en matière d'environnement. Ça fait également plaisir de retrouver des membres de l'opposition officielle, le député de D'Arcy-McGee, le député d'Orford, que j'ai connus il y a plusieurs années, avant même qu'ils ne soient députés en cette Chambre. Comme vous le savez, M. le Président ? on a souvent eu des discussions là-dessus ? moi, je suis issu d'une famille de rouges du côté maternel...

Une voix: Il est gâté.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Montmorency): ...qui était encore plus rouge que ne l'est la couleur du salon rouge. Mais toujours est-il que j'ai commencé à militer, puis c'est bien connu, je...

Le Président (M. Lachance): Ça se guérit, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Montmorency): Ha, ha, ha! C'est question de point de vue. Mais toujours est-il que j'ai connu, moi, le député d'Orford au moment où il était président du Parti libéral du Québec et où j'étais un militant actif au sein des jeunes libéraux, puis je me souviens de discussions que nous avions eues sur la couleur de la margarine ? ha, ha, ha! ? et dans d'autres dossiers. Mais je sais à quel point le député d'Orford est un homme qui se fait toujours un devoir de transmettre son expérience aux plus jeunes, qui sait faire la place à la relève, qui est un homme progressiste qui n'a pas peur des idées nouvelles. Et donc, c'est sur cette base que je suis très, très heureux d'amorcer ces consultations particulières en sa compagnie, bien sûr, et aussi avec celle de tous mes autres collègues.

Alors, sur une note maintenant un peu plus politique, M. le Président, permettez-moi de rappeler à cette étape, très rapidement, l'origine et les grands principes du projet de loi ainsi que les principaux éléments de solution aménagés.

Comme vous le savez, la problématique québécoise reliée aux terrains contaminés ne date pas d'hier, et notre gouvernement veut apporter des solutions concrètes à cette épineuse question héritée de notre passé industriel. En ce sens, à la suite d'une large consultation effectuée auprès des intervenants concernés, le député de Louis-Hébert avait rendu publique en juin 1998 la politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés. Je vous rappelle que le projet de loi n° 156, relatif à l'application de la politique, avait été déposé à l'Assemblée nationale en novembre 2000. Le 6 décembre de la même année, son principe avait été adopté, et la commission des transports et de l'environnement avait été mandatée pour son étude détaillée. Cette commission avait entendu cinq organismes particulièrement touchés par le projet de loi lors de consultations particulières qui s'étaient tenues, quant à elles, en janvier 2001. Le projet n'avait malheureusement pu être adopté avant la fin de la session.

Le projet de loi n° 72, déposé le 14 décembre 2001 à l'Assemblée nationale, prend donc la relève du projet de loi n° 156 sur les terrains contaminés et en maintient les grands principes. Ce nouveau projet de loi est proposé en réponse aux commentaires constructifs qui ont été apportés par les organismes qui ont été entendus, notamment lors de la consultation réalisée au cours du mois de juin auprès du Barreau du Québec, du Centre patronal de l'environnement du Québec, de la Chambre des notaires du Québec, de l'Institut de développement urbain, de l'Ordre des ingénieurs du Québec, du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, de l'Union des municipalités du Québec, de la ville de Montréal ainsi que de l'Association des banquiers canadiens. Ce projet de loi traduit ce qui avait été annoncé en 1998 dans le plan de mise en oeuvre de la politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés. Avec le programme Revi-Sols, il vient établir les bases nécessaires à la protection des sols et à la réhabilitation de nos terrains contaminés.

De nouveaux pouvoirs permettront au ministère de l'Environnement de mieux connaître les cas de contamination des sols et d'agir plus efficacement en ciblant les situations problématiques qui nécessiteront une réhabilitation de terrains. Concrètement, le projet de loi n° 72 vise essentiellement à nous donner les pouvoirs qui nous manquent pour assurer la protection des eaux de consommation et réhabiliter les sols contaminés. Les pouvoirs d'ordonnance permettront au ministère de l'Environnement d'obtenir une étude de caractérisation et un plan de réhabilitation dans les cas où la contamination excédera les valeurs réglementaires ou encore sera susceptible de porter atteinte à la santé publique ainsi qu'à l'environnement.

Les secteurs industriels susceptibles de contaminer un sol seront déterminés par voie de règlement. Ainsi, les entreprises existantes oeuvrant dans l'un des secteurs industriels visés par règlement et qui cessent leur activité devront caractériser leur terrain. Lorsqu'une contamination dépassera les seuils qui seront fixés par règlement l'entreprise devra soumettre pour approbation par le ministre un plan de réhabilitation de la partie contaminée du terrain dans le but de la rendre sécuritaire.

De plus, certaines entreprises, qui seront aussi désignées par règlement, auront l'obligation de caractériser les eaux souterraines à l'aval hydraulique de leur terrain. En fait, il s'agirait pour ces entreprises qui oeuvrent dans des secteurs à risque de creuser un ou plusieurs puits d'observation en périphérie de leur terrain. L'analyse périodique de l'eau permettrait de vérifier si une contamination est en train de migrer et surtout si elle menace les eaux souterraines servant à l'alimentation.

Par ailleurs, tout changement d'affectation ou d'utilisation d'un terrain contaminé au-delà des seuils réglementaires devra faire l'objet d'une approbation du ministre de l'Environnement, lequel s'assurera que les mesures de réhabilitation prévues permettent de rendre le terrain sécuritaire, que toute restriction d'usage liée à ce terrain soit inscrite sur un registre foncier et que les citoyens concernés en soient informés.

Le projet de loi prévoit aussi de dresser une liste d'experts habilités à fournir des attestations concernant les études de caractérisation et les travaux de réhabilitation. Le projet de loi habilitera également le gouvernement à établir par règlement les seuils d'intervention et à déterminer les secteurs d'activité industrielle ou commerciale à risque.

Un autre élément important du projet de loi concerne l'obligation pour les municipalités de constituer une liste publique des terrains contaminés situés sur leur territoire en se servant de l'information inscrite au Bureau de la publicité des droits, qu'on appelle couramment le bureau d'enregistrement. Pour les terrains qui apparaîtront sur cette liste, un permis de construction ou de lotissement sera délivré pour la municipalité seulement lorsque le projet ou l'opération sera compatible avec l'état du terrain. Cette obligation sera spécifiée dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et contribuera à assurer une réutilisation sécuritaire de ces terrains.

n (9 h 40) n

L'ensemble des nouvelles mesures contribuera à rendre les règles plus claires, à éviter les erreurs du passé, à assurer un plus grand nombre de réhabilitations des terrains contaminés et à faciliter la réutilisation sécuritaire des terrains ainsi réhabilités. Comme vous pouvez le constater, les mesures proposées par ce projet de loi seront susceptibles d'avoir un impact bénéfique réel sur la population et l'environnement. Le projet devrait notamment assurer une protection accrue des nappes d'eau souterraines servant à l'alimentation en eau potable. Il devrait assurer la réhabilitation et la réutilisation d'un plus grand nombre de terrains contaminés. Il devrait par ailleurs assurer une meilleure information du public.

Telle est donc, dressée, M. le Président, dans ses grands pans, l'orientation que nous entendons donner à nos travaux, et c'est avec ouverture d'esprit et en mode d'écoute que nous recevrons aujourd'hui et demain, en matinée, les représentants de 11 groupes et organismes provenant de différents champs d'activité, qu'ils soient du secteur municipal, professionnel, industriel, immobilier ou environnemental. Et j'espère sincèrement que nous saurons donc profiter de l'expertise et de l'expérience développées par chacun de ces groupes sur une question qui, plus que jamais, M. le Président, interpelle la collectivité québécoise, une collectivité qui est plus que jamais soucieuse de préserver son patrimoine écologique. Je vous remercie de votre attention, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre délégué à l'Environnement. Et c'est maintenant au tour du porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement et député d'Orford. M. le député, vous avez la parole.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer une jolie et sympathique étudiante au certificat de l'Université du Québec dans la salle, en nulle autre que Mme Gisèle Lacasse-Benoit, personne qui m'a contaminé à l'environnement il y a plusieurs années et qui voulait voir les performances de son mari ce matin. Alors, je la salue d'une façon particulière.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue, madame.

M. Benoit: Je veux saluer, bien sûr, le nouveau ministre délégué à l'Environnement, le député de Montmorency, que effectivement nous connaissons depuis longtemps, et lui souhaiter une très bonne chance et l'assurer de la collaboration de l'opposition quand ce gouvernement et le ministre voudront bien faire avancer la cause de l'environnement plus que leur option.

Et je lui rappelle qu'il y aura des chantiers importants dans les prochaines mois, qui sont là et qui perdurent. Les aires protégées, nous sommes à moins de 2 % d'aires protégées, l'Amérique est à 8. Les matières résiduelles, on n'avance pas avec la réglementation, toute la problématique des porcheries. Même s'il est nouveau à l'Environnement, j'imagine qu'il s'aperçoit de ce qui se passe à la grandeur du Québec, les rivières Yamaska, L'Assomption, la Chaudière qui sont des très grands problèmes, le problème de la foresterie, le rapport Boucher et combien d'autres sujets sur lesquels, je suis sûr, il pourra occuper beaucoup de son temps et essayer de trouver des solutions.

Je veux aussi lui souhaiter longue vie à cette commission et, bien sûr, longue vie au ministère comme délégué au ministre de l'Environnement. Je ne peux m'empêcher de lui rappeler que, à plus ou moins 80 mois passés, nous avons eu un ministre libéral et cinq ministres péquistes, pour une moyenne de 13 mois, et ce qui fera que probablement que nous aurons une élection dans les prochains mois et que le prochain ministre aura aussi plus ou moins un 13 mois au ministère, et la tradition va se perpétuer. Et, ceci dit, on peut comprendre que ce ministère, ce n'est pas évident de créer presque, à toutes fins pratiques, une instabilité semblable dans un ministère, six ministres en 80 mois.

Je veux bien sûr saluer l'adjoint parlementaire, le député de Saint-Jean. Malheureusement, j'étais sûr qu'il serait ici et qu'il prend, j'espère, encore son rôle très au sérieux dans le dossier des matières résiduelles.

Je veux rappeler au ministre que ce ministère a déjà été une priorité du gouvernement. Depuis sept ans, les budgets furent coupés de plus de 50 %, et le personnel de 43 %. En termes de budget, ce ministère est maintenant le 22e sur 24 ministères ? il y a deux semaines, avant qu'on ait 38 ministères ? et on a été capable de disséquer ce ministère à travers les temps, dans un premier temps en y enlevant les parcs et la faune et en envoyant ça au ministère de la gravelle, et de fermer des escouades spécialisées de grande expertise dont le Québec se réjouissait d'être propriétaire de cette connaissance.

Je me dois de saluer, d'autre part, la compétence du personnel, soit au BAPE ou soit au ministère, et je suis toujours fort impressionné, autant dans les régions qu'ici, à Québec, par l'expertise de ces gens-là.

Et, maintenant, deux mots sur le projet de loi n° 72 qui fait suite au projet de loi n° 156. D'abord, la petite histoire. Le 14 novembre de l'an 2000, le ministre Paul Bégin dépose la loi n° 156. Le ministre, à qui je demandais ? et le député de D'Arcy-McGee est témoin de ça ? des consultations publiques ou privées, m'a répondu: Tout le monde est d'accord avec le projet de loi, et on va déplacer des gens pour pas grand-chose. Alors, n'écoutant que le courage du député de D'Arcy-McGee et celui d'Orford, nous avons parlé à une vingtaine de groupes à l'époque: le Barreau, l'Ordre des ingénieurs, la ville de Montréal, la Chambre des notaires, l'Institut de développement urbain de Québec, etc., pour s'apercevoir qu'il y avait unanimité effectivement, mais contre le projet de loi. Et nous avons à ce moment-là été en... Il y a eu une levée de boucliers incroyable, nous avons tenu tête au ministre ? au ministre numéro trois ? et son nouveau premier ministre l'a rappelé à l'ordre en ne rappelant pas le projet de loi après les audiences publiques.

On a à se féliciter, comme opposition ? et je le dis, comme ils disent en anglais, «loud and clear» ? on a à se féliciter, comme opposition, d'avoir fait vivre la démocratie à son meilleur en faisant notre travail. Nous avons rappelé, M. le Président... Alors, nous avons empêché ce projet de loi, qui était mal attaché, de prendre place, et maintenant, à la lecture des mémoires, il y a presque unanimité à dire: Bravo! Le projet de loi n° 72 est nettement meilleur que le 156.

Je veux vous rappeler, M. le Président, que nous avons été la première province, en 1988, à légiférer sur les sites contaminés, et, bien sûr, ce fut le Parti libéral qui l'a fait à l'époque. Cette loi a vieilli, les connaissances sont de plus en plus grandes, les solutions, bien sûr, sont dispendieuses et pas toujours évidentes. Alors, j'essaierai, dans les prochaines minutes qu'il me reste, de résumer un peu ce que les mémoires nous disent et les points sur lesquels il nous faudrait peut-être essayer de travailler dans les prochains mois pour arriver avec un projet de loi qui urge. Il y a 4 000 sites de sols contaminés au Québec, plus ou moins, et la problématique, elle est là, il faut trouver des solutions.

D'abord, vous rappeler ce que le Barreau nous dit à la page 3, dans l'approbation de principe. Ils nous disent à la page 15, c'est-à-dire. Ils nous disent: «L'insuffisance du cadre de la consultation prévue au projet de loi...» On va parler aux CRE là-dessus, on va leur poser des questions. On sait que c'est une des missions des CRE, et, eux, ils nous disent, le Barreau, là: Cette consultation, elle est mal articulée, on va, nous, de notre côté, poser des questions.

L'Association des banquiers canadiens nous dit dans son sommaire: «Une nette amélioration par rapport au projet de loi n° 156.» Et ce n'est pas rien, hein, parce que, eux, ils s'étaient battus avec les ongles sortis lors du 156. «Il comporte toutefois certaines lacunes», et ils vont venir nous en faire part.

Le Centre patronal de l'environnement du Québec nous rappelle que l'article 31.43 du principe du pollueur-payeur, qui est pourtant un principe important et fondamental... Ils nous disent: On a dérogé à ce principe-là. Et les banquiers vont nous dire la même chose, et ça, le ministre va devoir nous expliquer un peu ça un peu plus tard.

Le Centre québécois du droit de l'environnement, M. Michel Bélanger... Je ne me suis jamais caché, dans toutes les commissions où je suis allé, pour rappeler l'expertise de M. Michel Bélanger en environnement et l'admiration que j'ai pour ce bonhomme-là, cet avocat-là, et, lui, il nous dit: L'objectif d'un projet de loi sur les sols contaminés en 2002 aurait dû principalement viser deux choses: Donner aux gouvernements, provincial comme municipal ? et on aura tantôt le maire de Saint-Basile, là, qui va venir nous parler ? donner aux gouvernements, provincial comme municipal, les moyens financiers d'assurer une facture qui leur reviendra tôt ou tard... Ce qu'il nous dit, là, on peut passer n'importe quelle loi, et, en quelque part, tôt ou tard, ça va quasiment revenir au gouvernement. Et il nous donne comme exemple le Superfund aux États-Unis, et Michel Bélanger... Je vous le dis, là, M. le Président, messieurs dames, quand Michel Bélanger parle en environnement au Québec, on a avantage à écouter ce bonhomme-là.

L'Union des municipalités du Québec ? on va les rencontrer tantôt ? réitère et renforce le principe que les terrains contaminés ne doivent pas devenir des zones interdites inutilisables, mais, bien au contraire, en favoriser la réutilisation, et c'est ce qui doit nous guider finalement.

L'UQCN ne sera pas entendue ici ? ils ont déposé un mémoire qu'on a eu l'occasion de lire hier ? tient à manifester son accord à l'appui à l'ensemble des propositions qui y sont énoncées. Je rappelle au ministre que l'UQCN a été créée dans son comté, sur la Côte-de-Beaupré, il y a une vingtaine d'années, et il a là un allié dans ce projet de loi là, et c'est tout à l'honneur du gouvernement.

n (9 h 50) n

Janis Warne, parce qu'on a reçu aussi des documents d'individus, parce qu'il n'y a pas juste une guerre de grandes compagnies là-dedans et de municipalités, il y a des individus qui sont kidnappés... Et je vais remettre au ministre d'ailleurs deux... Si je peux les retrouver dans mes papiers, je vais remettre au ministre ces deux dossiers-là. Je vais les retrouver tantôt, là, je vais lui remettre les deux dossiers. Ils sont ici. Ce sont deux individus qui nous écrivent, et, dans un cas, c'est Janis Warne, un individu qui se réveille un matin, son voisin l'appelle puis qui lui dit: Écoutez, je pense qu'en dessous de ma maison il y avait une tank de 150 000 gallons ou 150 gallons, ça n'a pas d'importance... 500 gallons, et ça a coulé, et je pense que vos sols sont maintenant contaminés en dessous de votre résidence. La ville va l'aviser que sa propriété à Notre-Dame-de-Grâce va passer de 174 500 $ à 40 000 $, que le coût de nettoyage approximatif est de 151 000 $ et que la maison n'est plus viable, qu'elle ne peut plus y vivre. Et elle finit sa lettre en disant: «Help! What can you do for me?» L'autre personne, c'est Robert Corns et Susann Camus, situation identique, toujours à Notre-Dame-de-Grâce, et là le ministre va leur répondre... Et, je vous le dis, le ministre lui dit: Les critères admissibles au programme de subvention ne sont pas rencontrés dans le cas d'individus, donc on ne peut pas vous aider.

Alors, il ne faudrait peut-être pas perdre de vue que dans ce genre de projet de loi là... On sait que le ministre vient d'accorder ? j'étais sûr qu'il en parlerait ? 16 millions à Montréal, là, et on sait que ça va aller en dessous de grandes corporations, en dessous de centres d'achats. C'est bien, on va réutiliser des sols, les municipalités vont recevoir des revenus, mais il y a aussi des individus, hein, des individus qui se font prendre dans ces situations-là, qui ne sont vraiment pas au courant avant que ça se produise, et il faudrait peut-être, dans notre projet de loi, apporter ça à l'attention du ministre.

Alors, j'aimerais déposer à la commission, M. le Président, bien sûr pour que le ministre en ait copie, ces deux cas-là. Je ne sais pas si je peux déposer, là, ces deux cas-là de gens qui sont entrés en communication avec nous.

Documents déposés

Le Président (M. Lachance): Oui, très bien, c'est fait. Déposé.

M. Benoit: Alors, j'arrêterai ici. Encore une fois, dire au nouveau ministre qu'il aura notre collaboration. Ce projet de loi là nous semble, avec quelques améliorations, un bon projet de loi. Et je ne sais pas si mes confrères de D'Arcy-McGee ou de LaFontaine voudraient ajouter quelque chose.

M. Gobé: Je pense que l'essentiel a été dit par...

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, merci, M. le député d'Orford et porte-parole de l'opposition officielle. Nous allons maintenant amorcer...

M. Deslières: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député.

M. Deslières: Est-ce qu'on peut intervenir?

Le Président (M. Lachance): Dans les remarques préliminaires, chaque parlementaire a droit à des remarques préliminaires. Alors, est-ce que c'est ce que vous voulez faire?

M. Deslières: Oui.

Le Président (M. Lachance): Très bien.

M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. Juste quelques commentaires suite aux propos du député d'Orford et critique officiel en environnement. Peut-être, pour le bénéfice du nouveau ministre, le prévenir, il est peut-être au courant que... Nous, on est habitués un peu, la diatribe et du phrasage du député d'Orford. D'ailleurs, sa chanson préférée, c'est Paroles, paroles, de Dalida. Parce qu'il fait souvent référence, M. le Président, aux efforts de faits par le gouvernement, en parlant des aires protégées, exemple, moi, je voudrais lui rappeler que nous sommes à 2,8, là. Il mentionne souvent 2, là, c'est 2,8, parce que c'est important. Et, je regarde le travail fait de ce côté-ci du gouvernement, non pas paroles et paroles, mais des faits et des gestes concrets, agir, alors nous sommes en évolution. Je vais lui demander son bilan, lorsque le Parti libéral a été au pouvoir, concernant uniquement ce dossier-là. Se comparer, on pourrait se consoler, nous, de ce côté-ci. Puis il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail qui a été fait dans ce dossier comme dans d'autres, puis on n'aura pas honte de notre bilan dans les prochains mois, de présenter notre bilan sur le plan environnemental, et il le sait parfaitement bien.

D'ailleurs, regardant la plateforme du Parti libéral en 1998, il n'a même pas réussi, au sein même de son parti, à faire inscrire quelque chose de substantiel pour proposer aux Québécois et aux Québécoises, aux citoyens lors de la campagne de 1998. Ça peut nous dire jusqu'à quel point le Parti libéral et le député d'Orford étaient partie prenante de cette plateforme-là et d'un enjeu électoral.

Alors, nous, on veut prévenir le ministre de s'attendre un petit peu... Nous, on est immunisés contre ça. Mais ce qui est positif, là, de l'autre côté, je dois comprendre qu'il offre la collaboration sur un projet de loi important, qui demande des bonifications et que le travail se fera en audiences publiques pour bonifier, pour qu'on puisse écouter les gens, ce qu'ils ont à nous dire. Ils ont des expertises, ils ont des propos fort cohérents à nous soumettre, et nous allons modifier et bonifier le projet de loi n° 72. Je vous remercie, M. le Président.

M. Gobé: M. le Président... ...de notre côté, une petite remarque.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Je vais faire un rappel de notre règlement concernant les consultations, c'est que c'est 15 minutes de chaque côté, alors... En tout, au total. Alors, on va s'en tenir à ça. Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui, très rapidement, M. le Président. Alors, je suis venu à cette commission dans le but d'écouter les gens et non pas de faire de la polémique ou de la confrontation, mais, vu que notre collègue a pris la peine de rappeler le bilan environnemental de son gouvernement, vous permettrez de vous mentionner qu'il a oublié les problèmes et le bulldozage qu'on a fait du BAPE dans la ligne de transmission de Hertel?des Cantons, celle aussi où on a passé par-dessus le BAPE, sur la ligne à haute tension entre Anjou et Laval et, dernièrement encore, les manoeuvres de... l'intimidation, à la limite, ou, du moins, de bulldozage qui ont été tentées par l'ancien ministre Chevrette, la ministre Louise Harel et la ministre Diane Lemieux vis-à-vis le BAPE dans le dossier du boulevard ou de l'autoroute Notre-Dame à Montréal.

Alors, je pense que, si on veut jouer cette petite game là, on peut la jouer toute la journée, mais on n'est pas là pour ça. Il y a des gens qui vont certainement vouloir nous expliquer qu'est-ce qu'ils pensent du projet de loi, puis, moi, je souhaiterais que, de bonne humeur et de bonne foi, tout le monde, pour montrer à ces gens qu'on est des gens sérieux et non pas des gens qui vont polémiquer et faire une campagne électorale peut-être trois mois ou six mois d'avance ici, eh bien, qu'on commence les travaux et qu'on passe aux auditions. Merci.

Auditions

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de LaFontaine. Alors, j'invite les représentants du premier groupe à bien vouloir prendre place à la table pour amorcer nos auditions. Ce sont les représentants de l'UMQ, de l'Union des municipalités du Québec.

Alors, je rappelle les règles du jeu. Au cours de cette séance de la commission des transports et de l'environnement, ce sera un total de 45 minutes, 15 minutes de présentation par le groupe concerné et ensuite 15-15 du côté ministériel et du côté de l'opposition. Alors, bienvenue, M. Gagnon, M. le président, et je vous demanderais nous identifier la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Gagnon (Bernard): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, MM., Mmes les députés, je me présente, Bernard Gagnon. Je suis président de l'Union des municipalités du Québec et je suis accompagné aujourd'hui par Mme Marieke Cloutier, qui est conseillère aux politiques à l'Union des municipalités du Québec sur les questions qui touchent principalement l'environnement.

Alors, je crois bien que les membres de la commission ont pu recevoir le mémoire que l'Union des municipalités a déposé. Comme telle, mon intention n'est pas de relire le mémoire déjà déposé, peut-être insister sur certains points en particulier. Alors, d'entrée de jeu, j'aimerais mentionner ? et vous n'êtes pas sans le savoir ? que l'Union des municipalités est le plus important regroupement municipal au Québec, représente plus de 80 % de la population et presque 90 % des budgets municipaux. L'Union des municipalités du Québec est à compléter maintenant une réflexion importante, majeure qui va trouver sa solution d'ici les prochaines assises sur toute la redéfinition et la place des municipalités dans la société québécoise. Alors, il y a beaucoup d'échanges qui sont faits actuellement, une réflexion de fond qui se fait à cet égard-là, qui va nous amener également à revoir l'ensemble des structures de la gouvernance de l'Union des municipalités du Québec pour être en mesure de bien servir l'ensemble des municipalités du Québec dans les rôles qu'ils ont maintenant et les nouveaux rôles qu'ils seront appelés à jouer dans la société ? on en est persuadés ? sur les grandes questions de l'heure.

Quant au projet de loi n° 72, la politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés de 1998 réitère et renforce le principe que les terrains contaminés ne doivent pas devenir des zones interdites inutilisables, mais qu'il faut, au contraire, en favoriser la réutilisation tout en protégeant les futurs usagers. L'implication de l'Union des municipalités du Québec dans les divers projets de loi ayant trait à la protection des sols et aussi à la réhabilitation des terrains contaminés remonte, comme vous le savez tous, à 1996.

n (10 heures) n

L'année dernière, dans le cadre de la préparation du projet de loi n° 156, nous étions heureux de constater que le gouvernement reconnaissait que le rôle des municipalités, plus précisément, se limitait à deux points: premièrement ? et je vais me permettre de le rappeler ? de constituer et tenir à jour une liste des terrains contaminés situés sur leur territoire sur la base des avis inscrits sur le registre foncier en vertu de la nouvelle loi; deuxièmement ? élément important et fondamental également du projet de loi ? de subordonner la délivrance des permis de construction et de lotissement pour un terrain inscrit sur cette liste des terrains contaminés d'une municipalité au dépôt, comme le ministre l'a mentionné, d'une attestation d'un expert établissant que le projet est compatible avec les dispositions d'un plan de réhabilitation.

De manière générale, l'Union des municipalités du Québec accueille favorablement la majorité des dispositions législatives comprises dans ce projet de loi n° 72. Il semble tendre vers une application des principes de développement durable et de responsabilisation des propriétaires de terrains. L'Union apprécie particulièrement l'ajout de précisions supplémentaires en ce qui a trait aux pouvoirs généraux du ministre par rapport au projet de loi n° 156, par exemple, lorsqu'on y indique que le ministre de l'Environnement ne pourra approuver un plan de réhabilitation qui prévoit des restrictions à l'usage d'un terrain que si le propriétaire du terrain en question y a consenti par écrit. L'Union considère une fois de plus que, si le plan de réhabilitation prévoit de telles restrictions, le projet de loi devrait également prévoir que l'approbation ministérielle ne pourra être donnée que si ces restrictions sont compatibles avec l'usage qui en est autorisé par la réglementation de zonage de la municipalité où est situé bien sûr le terrain. On précise aussi que le propriétaire du terrain devra transmettre au ministre, en plus de l'étude de caractérisation et du plan de réhabilitation, une évaluation des risques toxicologiques et écotoxicologiques, ainsi que sur les eaux souterraines.

Le projet de loi intègre ici des notions, à notre point de vue, capitales associées à la gestion des risques environnementaux. L'Union des municipalités du Québec adhère à cette vision globale de la problématique des terrains contaminés, qui reconnaît les impacts naissants des interactions entre les activités anthropiques et les activités des écosystèmes. Nous sommes aussi satisfaits de constater que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme a été modifiée de manière à prévoir les sanctions et recours dans le cas d'une contravention. Par contre, en ce qui concerne l'établissement d'une liste à jour d'experts désignés pouvant fournir les attestations exigées, on mentionne que la liste sera rendue accessible au public selon les modalités que fixe le ministre. Lesquelles sont ces modalités? Je ne sais pas si la réglementation va répondre à ça ou si ce sera la loi. De plus, nous estimons que l'État devra s'assurer du maintien à jour de ces listes de professionnels.

Un autre point que soulève notre mémoire est que le nouveau projet de loi n'impose pas la règle nord-américaine du pollueur-payeur. Le projet de loi n° 72 autorise le maintien dans le terrain de contaminants dont la concentration excède les valeurs limites réglementaires, à condition cependant d'être accompagné d'une évaluation des risques toxicologiques et écotoxicologiques, ainsi que des impacts sur les eaux souterraines. Pour l'Union, la règle économique du pollueur-payeur favoriserait l'implantation de mesures qui diminueraient ? on en est persuadé ? les impacts sur l'environnement et la santé publique à court, moyen et long terme. Notons cependant que le nouveau projet de loi impose des règles non seulement aux propriétaires des terrains contaminés, qui sont souvent disparus, mais également aux créanciers hypothécaires, locataires ou gestionnaires intérimaires. Je ne sais pas si les possesseurs en sont également avisés. Cette mesure donne un espoir de retracer le propriétaire d'un terrain contaminé. En effet, malheureusement, ce sont trop souvent les contribuables qui finissent par payer une grande portion de la facture de décontamination en finançant les programmes de subvention de l'État liés à la protection et à la réhabilitation des terrains contaminés.

Enfin, nous portons à votre attention que, depuis la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés, de 1998, et du fait qu'aucune loi n'a encore été adoptée les municipalités, jusqu'à maintenant bien sûr, n'ont pas constitué de liste officielle des terrains contaminés. Le projet de loi n° 72 n'impose pas aux municipalités de constituer par elles-mêmes cette liste à même leurs propres ressources. En effet, l'information qu'un avis de contamination a été émis au registre foncier va leur parvenir, notre compréhension étant directement du ministère. Les municipalités n'auront pas à faire l'étude de caractérisation, à moins bien sûr qu'elles soient propriétaires d'un terrain contaminé. Ce n'est que suite à la réception de cet avis du ministère de l'Environnement que les municipalités auront à constituer une liste officielle publique. Précisons donc qu'elle sera composée des terrains pour lesquels la municipalité aura reçu, on le comprend bien, les renseignements du ministère.

Il va de soi que les municipalités, en conclusion, sont toujours prêtes à assumer la gestion responsable des terrains compris sur leur territoire. Cependant, elles doivent composer avec le legs de plusieurs décennies d'exploitation parfois ? on doit le dire, on doit l'avouer ? non durable. Et, de plus, à cet égard-là, on doit vivre également avec l'ensemble d'autres problématiques qui ne sont pas nécessairement visées, je crois bien, par ce projet de loi, mais qui sont tout aussi importantes, celles, entre autres, de l'importation des déchets toxiques en provenance d'autres pays, qui n'a cessé de progresser d'une façon importante depuis les dernières années.

Donc, il faut quand même mettre ça sur la même ligne pour voir qu'on peut vouloir décontaminer des terrains ou, si, de la même façon, on accepte effectivement une importation encore plus grande de ces produits-là, on peut tenter d'ignorer ce que la main droite fait et, à ce moment-là, on ne fait pas nécessairement avancer l'état de l'ensemble des terrains ici, au Québec. Les coûts de décontamination et de réhabilitation des terrains sont souvent faramineux. Il est donc impératif que le projet de loi n° 72 s'accompagne d'un investissement gouvernemental substantiel en termes de ressources financières et humaines sur lesquelles les municipalités pourront bien sûr compter.

Le passé industriel a laissé un héritage de contamination dont il faut se défaire au nom du développement économique et de la qualité de la vie. Il y a lieu maintenant d'adapter ce programme à la réalité des nouvelles villes. De fait, l'implication gouvernementale devra se manifester tant dans le monde rural ? on en est persuadé ? que le monde urbain. Nous continuerons de sensibiliser nos membres pour les inciter à la prudence dont ils doivent faire preuve lors de leurs transactions immobilières, particulièrement ? vous en conviendrez avec nous ? lors de la reprise de terrains pour défaut de paiement de taxes municipales, en raison de ce risque de se retrouver ainsi propriétaires d'un terrain contaminé, avec tout ce que ça peut comporter comme conséquences.

L'Union réaffirme sa volonté de travailler donc en étroite collaboration et en partenariat avec le ministère de l'Environnement pour faire progresser la société québécoise dans la voie du développement durable. Je vous remercie beaucoup de votre attention, et, s'il y a des questions, on va tenter d'y apporter des réponses.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Gagnon. Merci, Mme Cloutier. Alors, nous allons maintenant aborder la période d'échange avec M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président. Je compte être assez bref pour laisser le temps à mes collègues également de la majorité ministérielle de pouvoir intervenir. Mme Cloutier et M. Gagnon, merci d'être là, merci de votre présence.

Lorsqu'on pense à l'UMQ, on pense à une organisation représentant plus de 5 millions de citoyens, près de 77 % des budgets municipaux. Ce n'est pas rien. Et, à vous voir aller depuis que je suis député, j'ai la certitude que les citoyens sont bien représentés par l'action et les représentations que vous menez, des représentations qui se font toujours dans une perspective d'ouverture, de dialogue. Moi, je n'ai jamais vraiment vu de confrontations, au sens péjoratif du terme. J'ai vu une organisation qui avait des idées claires, qui les exprimait toujours dans le respect du point de vue d'autrui. Et je constate qu'à la lumière de l'élaboration du projet de loi n° 72 vous avez également travaillé étroitement avec le ministère et, moi, je tiens à vous en remercier, parce que c'est souvent du travail qui se fait dans l'ombre, dont on entend peu parler, et je crois que c'est l'occasion privilégiée pour vous en remercier. C'est un travail qui fait et fera pour longtemps oeuvre utile.

Ceci étant dit, nous avions eu la chance, vous vous en souvenez, de travailler ensemble au niveau de la commission de l'aménagement du territoire et le projet de loi n° 170. Et vous me permettrez peut-être de revenir à un commentaire que vous émettiez en page 9, où vous disiez ceci: «Nous jugeons d'abord à propos de vous mentionner qu'avec l'entrée en vigueur de la loi n° 170 les trois communautés urbaines disparaissent et que deux communautés métropolitaines ont été créées. Il serait donc approprié...» et c'est là où j'attire tout particulièrement votre attention... Vous l'avez, M. Gagnon, la page 9?

Des voix: Oui.

M. Simard (Montmorency): «Il serait donc approprié de faire de la concordance avec la Loi sur la qualité de l'environnement. La loi n° 170 prévoit également la création d'arrondissements, lesquels ont des compétences notamment en matière d'urbanisme.»

Alors, moi, ce que j'aimerais entendre de vous aujourd'hui... Bien évidemment, on ne peut pas tout dire dans un mémoire puis j'en suis conscient, il faut s'arrêter quelque part sinon ce seraient des thèses de doctorat à chaque fois. Mais la loi n° 170 est très récente. Elle confère effectivement aux arrondissements certaines juridictions en matière d'urbanisme. Moi, j'aimerais vous entendre sur la compatibilité ou l'arrimage entre le projet de loi n° 72 et le projet de loi n° 170.

n(10 h 10)n

À votre avis, est-ce qu'on doit faire du mur-à-mur puis avoir une règle assez homogène partout à travers le Québec ou s'adapter aux réalités locales, etc.? Enfin, je vous mets sur des pistes, là, mais sans vouloir vous entraver avec ça.

M. Gagnon (Bernard): En fait, M. le ministre, d'abord, au niveau des remerciements que vous adressez à l'équipe technique dans votre commentaire d'entrée de jeu, je vais certainement me faire un plaisir de leur communiquer, à l'ensemble de l'équipe technique qui a travaillé depuis déjà quelques années sur ces notions-là.

Au niveau des commentaires que nous avions mentionnés relativement à la définition du mot «municipalité», ça semble viser des réalités qui ont évolué dans le sens... et c'est pour ça qu'on vous a fait des commentaires. On parle de communautés urbaines, lesquelles ont disparu et sont remplacées par des communautés métropolitaines. L'utilisation du terme «municipalité», auquel vous faites référence dans le projet de loi, peut jeter une certaine confusion, comme on le mentionne, dans l'interprétation de plusieurs de ses dispositions. Le paragraphe 10° de la Loi sur la qualité de l'environnement désigne une municipalité de la manière suivante: «toute municipalité, la Communauté urbaine de Montréal ? qui n'existe plus ? la Communauté urbaine de Québec ? non plus, à ma connaissance ? la Communauté urbaine de l'Outaouais ? non plus ? ainsi qu'une régie intermunicipale». Donc, il y a un travail de concordance à faire là comme tel, et c'est les éléments qu'on voulait vous soumettre comme tels.

Quant à savoir: Est-ce que la loi doit s'appliquer? En principe, globalement, toute loi qui vise notamment ces questions de décontamination de terrains, à notre point de vue, doit s'appliquer de la même façon sur l'ensemble du territoire québécois comme tel, cependant avec les bonnes définitions. Il n'y avait pas là de commentaires qui allaient dans le sens de vouloir soustraire une partie ou un type d'organisation comme tel, au contraire, mais c'était de voir comment on pouvait avoir un projet de loi ? c'est un commentaire technique, dans le fond ? qui verrait à arrimer les dispositions du projet de loi n° 72 avec les nouvelles réalités.

M. Simard (Montmorency): Peut-être, très rapidement, M. le Président, vous faisiez référence, M. Gagnon, au programme Revi-Sols, le député d'Orford également y faisait référence. C'est un programme qui dans l'ensemble fonctionne très bien, donne de bons résultats, et vous plaidiez en faveur, dans votre mémoire, d'une bonification en quelque sorte de Revi-Sols, d'une adaptation aux différentes réalités du Québec.

Auriez-vous, je ne sais pas, auriez-vous, en arrière-pensée, une forme de mécanique pour adapter ce programme?

M. Gagnon (Bernard): Non, pas nécessairement. Globalement, bien sûr la chose est importante pour nous. Mais je vais peut-être laisser Mme Cloutier compléter sur cet aspect-là. Mais l'élément important pour le monde municipal, et dans ce contexte de collaboration et de partenariat dans la gestion de l'ensemble de cette connaissance-là des terrains qui sont contaminés, c'est d'obtenir globalement l'aide nécessaire et requise, lorsqu'elle l'est, et de voir comment, et de quelle façon on peut procéder, et avec quelle surveillance, et qui va assumer le coût de ça, et d'une façon totale. Ce sont les éléments qui sont importants. On a cru déceler actuellement dans la présentation du projet de loi que si... certains éléments de contamination qui respecteraient par ailleurs une norme réglementaire ou législative pourraient satisfaire au maintien de la zone telle qu'elle est contaminée. Notre point de vue et notre commentaire à l'intérieur du mémoire est de dire: Par-delà cette règle-là, on devra constater qu'il y a un terrain contaminé et qui devrait être décontaminé, donc obtenir bien sûr l'ensemble des sommes d'argent nécessaires pour ce faire, pour redonner au terrain son usage, pas un usage bonifié, mais l'usage qu'il avait auparavant. Quant à la mécanique, pour cette question-là, je ne sais pas si Mme Cloutier a des choses à ajouter.

Mme Cloutier (Marieke): Bien, ce que je pourrais ajouter... C'est sûr qu'on pourrait se pencher longtemps sur la mécanique comme telle, mais c'est juste de s'assurer, si je peux dire, en quelques mots, de la bonne coordination, qui se fait déjà sur plusieurs thèmes, mais entre les municipalités, les arrondissements, et tout, et le ministère de l'Environnement avec les fonctionnaires qui y sont, parce qu'ils vont avoir quand même un gros contrôle à effectuer au niveau d'émettre les avis de contamination, et tout, pour que les municipalités puissent constituer des listes. Donc, c'est juste, à ce niveau-là, d'assurer qu'il y ait toutes les ressources pour la bonne coordination et dans les délais requis, des guides, tout ça. Mais je sais que c'est déjà en voie d'élaboration.

M. Simard (Montmorency): Merci.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, moi, je trouve que vous avez présenté un mémoire de grande qualité et qui démontre votre souci aussi d'améliorer toute la question de l'environnement et du développement durable dans nos municipalités. Dans un comté comme Matapédia, j'ai quelques villes qui font partie de l'UMQ aussi, et c'est sûr que la problématique n'est pas nécessairement la même que Montréal, et tout, mais on a quand même un grand souci de faire en sorte que souvent les investissements publics qu'on fait par rapport à la qualité de l'eau potable, par exemple, ou de l'assainissement des eaux ne soient pas perdus ou annulés par, je dirais, certaines contraintes ou certains aspects plus négatifs du développement.

Alors, moi, j'ai vu, à la page 13 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, que vous avez une grande préoccupation de ces choses-là. Quand vous dites que... Bon, vous dites: «Notre passé industriel et agricole nous a légué un héritage lourd de conséquences en terme de nombre de terrains contaminés.» Et, bon, vous dites qu'il est louable de vouloir décontaminer, investir dans la réhabilitation des terrains contaminés mais que vous avez une préoccupation par rapport à l'importation de déchets toxiques. Alors, moi, je... Comment vous voyez un règlement sur l'enfouissement des sols contaminés, qui a été adopté le 11 juillet 2001, comment vous voyez, dans la vraie vie, l'application de ces choses-là?

Puis j'ai aussi vu que vous vous préoccupez de la formation des inspecteurs ou de ceux qui vont être, dans chacune de vos villes, en lien avec les gens du ministère de l'Environnement pour vraiment aller chercher une application. Puis quelque chose qui m'apparaît intéressant aussi, c'est l'inventaire qui devrait être fait sur toute la liste potentielle des terrains contaminés. Et souvent, on sait que c'est difficile, à travers l'histoire d'une municipalité, et la vie industrielle, et quelque aspect que ce soit, d'aller chercher un inventaire le plus à jour possible et d'aller retracer dans le temps, je dirais, les pollueurs potentiels. Alors, j'aimerais que vous vous exprimiez là-dessus. Dans la vraie vie, comment vous voyez un arrimage pour aller chercher la meilleure gestion possible, là, dans la vie de tous les jours?

M. Gagnon (Bernard): Écoutez, globalement, vous faites référence à certains commentaires qui préoccupent l'Union des municipalités au plus haut point. Il y a un aspect fondamental dont on a voulu... toujours voulu doter soit l'Union des municipalités du Québec ou la Fédération québécoise des municipalités du Québec comme représentant plus le monde rural, plus le monde urbain. On le voit bien dans les dossiers qui touchent, par exemple, l'environnement que tout ça c'est interrelié comme tel. Interrelié. Interrelié. Et il y a donc une nécessité fondamentale de traiter ces questions-là de la même façon, autant avec le milieu rural qu'avec le milieu urbain, bien sûr avec l'aide technique et financière nécessaire et requise comme telle.

Les problèmes de l'un, qui sont ruraux, pourront devenir un jour les problèmes de l'autre, qui sont urbains comme tels, et nous avons cette obligation-là, à notre point de vue, de ne pas faire de distinction entre ces sources de contamination qui peuvent provenir d'un endroit plutôt que l'autre, rural plutôt qu'urbain comme tel. Ce sont des notions qu'il faut bien asseoir, mais dont il faut bien comprendre qu'elles ne devraient pas servir de base à l'élaboration de politiques très générales ou de distinctions. Je pense que, s'il y a des lois, elles vont s'appliquer de la même façon à tous, partout sur le territoire, avec les mêmes sources techniques et financières nécessaires et requises.

Un autre aspect fondamental que vous soulevez, c'est toute la question des inspecteurs. Ça ne sert à rien d'avoir une loi, fût-elle parfaite, si nous ne sommes pas en mesure d'avoir effectivement, sur le terrain, des hommes et des femmes qui sont capables de voir comment, de quelle façon, avec quels moyens et quelle formation surtout, quelle intensité, quelle présence ils pourront faire en sorte de dénoncer certains aspects et d'appliquer l'ensemble des lois et des réglementations. C'est un aspect et c'est un commentaire tout à fait pertinent. Il ne faut pas adopter une loi qui nous conduirait dans un système qui serait difficile sinon impossible de l'appliquer. Alors, encore là, bien sûr toute la question de la formation, du nombre aussi est importante, et des interventions qui pourront leur être permises également, c'est fondamental.

Mme Doyer: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Masson.

M. Labbé: Alors, merci, M. le Président. M. Gagnon, Mme Cloutier, bienvenue, merci pour la présentation. Je vais aller vite parce que je sais que le temps est assez limité. C'est à la page 6 de votre document, dans le fond, deuxième paragraphe, quand vous avez un petit doute, à moment donné... Je vais faire la lecture de quelques éléments. Alors: «...l'UMQ s'interroge sérieusement sur la capacité du ministère de l'Environnement de contrôler des changements d'usages...» Et: «...comment aussi peut-on s'assurer qu'une personne qui entend changer l'usage d'un terrain connaisse l'historique de l'utilisation de ce terrain...»

On sait que le premier intervenant au niveau des municipalités, c'est évidemment le conseil municipal, c'est la ville, c'est des inspecteurs qui sont sur le terrain, qui sont près des gens, qui connaissent très bien leur territoire comme tel. J'aimerais que vous m'expliquiez, dans un premier temps, les commentaires... Peut-être commenter un petit peu ce que je viens de lire ici. Quelles sont vos inquiétudes? Est-ce que les municipalités auraient été prêtes à aller plus loin à ce moment-là par rapport à l'application de cette loi-là, la loi n° 72 comme telle? Qu'est-ce que c'était votre opinion à ce stade-là? Parce que vous avez des inquiétudes, là.

M. Gagnon (Bernard): Oui. Écoutez, si je regarde le mémoire, à ce moment-ci, on s'interroge sérieusement sur la capacité du ministère de contrôler les changements d'usages de terrains où est exercée une activité industrielle ou commerciale appartenant à l'une des catégories désignées par règlement au gouvernement. «...nul ne peut ignorer la loi, comment s'assurer qu'une personne qui entend changer l'usage d'un terrain connaisse l'historique et l'utilisation...»

n(10 h 20)n

C'est de savoir d'où on va partir. Est-ce qu'on part à partir du règlement de zonage comme tel, auquel cas bien sûr le règlement est fait? Mais est-ce que l'usage a toujours été le même? Alors, ça, c'est souvent, des fois, c'est deux choses différentes, ça peut être deux choses différentes, dépendamment des historiques comme tels. Il peut y avoir eu toutes sortes d'usages qui sont conformes à la réglementation mais d'autres qui ne sont pas nécessairement conformes à la réglementation. Et ça, nécessairement, ce n'est pas toujours facile de connaître ces différents usages-là et donc pour savoir d'où on va partir pour procéder à faire de la décontamination. On pourra avoir toutes sortes de surprises à un moment donné à retrouver en terres agricoles toutes sortes de produits qui n'auraient pas, de toute façon, dû se retrouver là.

Alors, à quel usage devrons-nous être confrontés dans la restauration? L'usage agricole alors que l'usage a été industriel... qui n'était pas permis par le règlement de zonage? C'est une question qu'on pose.

M. Labbé: Peut-être, M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Très rapidement parce que...

M. Labbé: Très rapidement, oui. On sait qu'on parle évidemment de terrains qui sont déjà contaminés. Il s'agit maintenant d'évaluer quels types de contaminants qu'il y a eu à l'intérieur de ce terrain-là. Mais on parle aussi de terrains qui pourraient être en cours de route contaminés.

Donc, le rôle de la municipalité par rapport à ces inspecteurs, quand on reçoit une plainte de gens qui nous informent qu'il peut y avoir des contaminants ou des déversements qui se font actuellement, est-ce que vous auriez pensé qu'à ce moment-là on aurait pu aller plus loin au niveau du rôle des municipalités?

M. Gagnon (Bernard): À cet égard-là, sans nécessairement qu'on puisse avoir eu un texte écrit là-dessus, je vous dirais d'emblée oui. Oui, parce que ça composera des problèmes éventuels avec lesquels on aura à travailler par la suite. Si, effectivement, une telle situation se proposait ou se manifestait comme telle avant qu'on puisse recevoir du ministère une inscription sur une liste d'un terrain qui serait par ailleurs contaminé, on pourrait, dans une certaine mesure, avoir un rôle beaucoup plus proactif à cet égard-là, souligner possiblement cette contravention-là ou cette contamination-là pour qu'effectivement les autorités du ministère puissent voir immédiatement s'il n'y a pas lieu de vouloir faire inscrire en quelque sorte ce terrain-là sur une liste de terrains contaminés, après bien sûr avoir vu si, effectivement, il l'était.

Je pense que ça procède de l'ensemble des commentaires que l'on indique. Mais, effectivement, ce n'est probablement pas une chose qui se retrouve actuellement. Ça pourrait se retrouver à l'intérieur. Et, dans une certaine mesure, bien que ça puisse représenter une obligation additionnelle au niveau des municipalités, il faut bien le voir, avec l'ensemble des responsabilités que l'on a déjà, je pense que ça pourrait constituer un rôle proactif qui ne serait pas exorbitant en termes purement économiques aux municipalités pour aider l'ensemble de la société à prévenir peut-être davantage ce type de situation là et faire travailler plus proactivement le ministère.

M. Labbé: Merci, M. Gagnon.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. D'abord saluer bien sûr M. Gagnon et Mme Cloutier. Je n'ai que de bons souvenirs d'une rencontre que j'ai eue avec M. Gagnon et Raymond Cloutier, qui est ici avec nous, qui est un recherchiste maintenant sur la commission politique du Parti libéral, la commission politique en environnement. Nous avions été saluer M. Gagnon dans sa municipalité, c'était au moment des BPC, c'était au moment où vous vous demandiez si le fardier devait rentrer chez vous ou pas rentrer, et cette rencontre-là, pour moi, a été dans ce qu'il y a de mieux de relations d'un maire avec les gens qui essaient de s'informer sur les situations et que bien sûr, que nous soyons au gouvernement ou à l'opposition, nous voulons aider. Et j'ai encore la médaille que vous m'aviez donnée, de votre municipalité, dans ma collection de médailles, M. Gagnon. Alors, je n'ai que de bons souvenirs de cette rencontre et j'y avais appris énormément.

Ceci dit, quelle est votre compréhension de ce projet de loi en ce qui a trait aux responsabilités qu'une municipalité aura maintenant? Et, en deuxième, quels sont les coûts que vous voyez pour une municipalité si on le met par tête de pipe, ou 100 $ d'évaluation, ou je ne sais trop comment, là? C'est important pour vous, ce projet de loi là, en termes de coûts? Et quelles sont les responsabilités que vous comprenez que vous aurez dans les années à venir?

M. Gagnon (Bernard): Bien, écoutez, ces responsabilités-là, je pense qu'on les a, d'entrée, indiquées. On souscrit pleinement aux responsabilités qui nous sont données par le projet de loi, qui sont constituées de tenir à jour une liste ? bien sûr, ça, c'est la compréhension fondamentale que l'on en a ? et de subordonner bien sûr la délivrance des permis de construction et de lotissement pour un terrain inscrit en fonction de la décontamination et d'une attestation d'un expert établissant que le projet est compatible avec les dispositions du plan de réhabilitation. Ça, ce sont nos obligations fondamentales, avec lesquelles le monde municipal est parfaitement à l'aise comme tel. Ça représente une coopération, je pense, qui va impliquer une responsabilisation encore plus grande de l'ensemble des municipalités.

Comme je l'ai mentionné, nous sommes toujours restreints dans un cadre où nous n'avons que des sources de revenus qui proviennent de l'impôt foncier, donc qui nous amènent à avoir une action tant au niveau des personnes que des situations, appelons-les environnementales, limitées. Si bien sûr il y avait un partage différent de l'ensemble des responsabilités avec les transferts de fonds nécessaires et requis, possiblement que les municipalités seront probablement très bien placées, je dirais, sans vouloir être prétentieux, mieux placées à certains égards que d'autres paliers de gouvernement pour voir à appliquer et à être davantage actives dans le domaine, par exemple, de la protection et de la restauration de l'environnement. Dans le contexte actuel, il faut quand même voir que nous avons des limites financières, pécuniaires fondamentales.

Ceci dit, comme je le disais à M. le député Labbé, nous sommes quand même disposés à pousser encore un petit peu plus loin l'intervention municipale, bien sûr jusqu'à une certaine limite qui ne nous engagera pas, sur une base systématique, à des débours qui sont importants. Mais je vous dirais que ce qui serait probablement davantage souhaitable, mais là on ne parle pas des mêmes choses, mais dans une redistribution différente, c'est d'interpeller davantage le monde municipal dans un partage de responsabilités différent de ce que l'on a maintenant, qui touche entre autres ces questions-là. Et je pense que l'ensemble des intervenants, des fonctionnaires municipaux, qui sont bien présents dans leur milieu comme tel, qui connaissent très bien leur milieu, seraient à même d'apporter une contribution et une plus-value, j'ai l'impression, additionnelle par rapport à l'investissement, en termes de dollars, que ça nécessiterait.

Alors, c'est bien sûr une question hypothétique, mais je...

M. Benoit: Je suis toujours surpris, autant au moment de la loi n° 156 qu'en ce moment, de comprendre qu'une liste sera bâtie. Est-ce que je dois comprendre, M. Gagnon, que les villes de Saint-Hyacinthe, Saint-Jérôme, Cap-de-la-Madeleine, je ne sais trop quoi, là, Beauce-Nord, est-ce que je dois comprendre que ces municipalités-là, au moment où on se parle, n'ont pas une liste des terrains qui sont contaminés dans leur municipalité, ou ils en ont une, mais le bonhomme qui veut acheter ou la bonne femme qui veut acheter ne sait pas que le terrain est contaminé? Est-ce qu'on est encore à ce point loin de la réalité?

M. Gagnon (Bernard): Tout est une question de connaissances comme telles. Bien sûr, je pense qu'il y a une réalité qui est connue au niveau local. Est-ce qu'il y a des exigences d'existence de liste officielle, donc reconnue, attestée, avec l'ensemble des plans d'experts comme tels? La réponse, c'est non, maintenant, dans le contexte actuel. Est-ce qu'il y a absence de connaissances? Je pense qu'aussi la réponse, on doit le dire, c'est non aussi dans le contexte actuel. Il manque donc ce cadre-là nécessaire et requis, avec tous les plans de réhabilitation nécessaires, pour faire en sorte de viabiliser ces terrains-là.

M. Benoit: Deux courtes questions et après ça j'aimerais que mon confrère de D'Arcy-McGee puisse poser quelques questions. On va entendre, d'ici à demain soir, un certain nombre d'intervenants nous dire que, si les lois en ce qui a trait aux sols contaminés sont trop sévères, que les entreprises de tout acabit vont avoir une tendance à sortir des villes telles que vous représentez pour aller dans les zones zonées vert et qu'il y a vraiment là un danger. Les banques nous disent ça, il y en a un certain nombre qui vont nous le dire, là.

Est-ce que vous percevez ça, vous, comme maire d'une municipalité? Vous êtes déjà, de toute façon, quasiment dans les banlieues où les centres d'achats pourraient aller s'installer, là. Est-ce que vous percevez ce problème-là si on devait être trop sévère avec les grandes municipalités?

M. Gagnon (Bernard): Avec les grands propriétaires terriens?

M. Benoit: Avec les grandes municipalités, finalement, et que les gens iraient sur des terrains vierges, en périphérie des grandes villes?

n(10 h 30)n

M. Gagnon (Bernard): Je pense qu'à cet égard-là ? vous posez une question de principe ? bien sûr la réponse va dans le sens des sommes d'argent qui seront requises et nécessaires pour voir à décontaminer ces terrains-là comme tels et les obligations qui seront faites. Est-ce qu'on doit compromettre à cet égard-là? Personnellement, ma réponse serait de dire non. Est-ce qu'on doit aider? Également, ma réponse serait oui, à cet égard-là. Je pense qu'il ne faut pas diluer l'objectif comme tel. Bien sûr, il y aura des réticences, comme il y en a toujours eu. Des grands centres commerciaux ou industriels ont procédé, à la mesure du temps, à vouloir aller s'installer là où les terrains étaient les moins chers, un peu partout, faisant ainsi de l'étalement urbain comme tel. Aujourd'hui, l'ensemble des règles existantes, au niveau des schémas d'aménagement, du dézonage, des grandes orientations, ont fait en sorte de concentrer ça davantage. C'est un fait de société, et je pense que globalement l'ensemble du monde industriel, l'ensemble du monde commercial comprend ces règles-là et vont procéder, ils le font tous les jours, à l'achat de groupements de terrains à l'intérieur des zones qui sont par ailleurs, pour eux autres, les mieux situées, les plus rentables. Est-ce qu'elles seront un petit peu plus dispendieuses dans l'achat, dans la gestion, dans le nettoyage, la décontamination? C'est des questions d'administration qui vont devoir se poser, mais je ne croirais pas qu'on devrait diluer le principe parce qu'à ce moment-là, effectivement, on va vouloir utiliser de plus en plus des terrains vierges qui n'ont jamais eu d'utilisations autres qu'agricole éventuellement pour installer toutes sortes d'activités qui sont par ailleurs essentielles. Donc, je pense qu'en termes de société on se doit d'appuyer cette nécessité-là de procéder...

M. Benoit: Alors, juste un commentaire avant de terminer. D'ailleurs, on a un exemple de ce que vous dites, c'est le parc industriel privé de 150 millions qui voit le jour à Laval, où effectivement on s'aperçoit que ces gens-là poussent vers l'extérieur.

Vous, dans votre mémoire, à la page 13, vous parlez de l'importation des déchets. Je veux juste vous dire que, de notre côté, on est préoccupés par cette dynamique-là, on a posé des questions à l'Assemblée nationale à plus d'une occasion, et qu'on avait mis sur la liste, parce que c'était une liste très restreinte d'invités, on avait mis le nom de Pierre Morency, qui est un des experts en ce qui a trait à l'importation des déchets. Malheureusement, M. Morency ne pouvait être présent, il s'est cancellé.

Mais c'est une problématique, et vous allez tellement dans la bonne direction quand vous nous invitez à être préoccupés par ça. Je vous invite à regarder la revue Vice Versa, qui est dans tous les kiosques en ce moment, un peu partout, il y a un très bon article de cinq, six pages ? c'est dans tous les kiosques, c'est gratuit d'ailleurs, cette revue-là ? où on fait le point sur l'importation des déchets. Et je vous avoue que vous n'avez rien inventé quand vous dites ça, là, il y a sérieusement un problème, en tout cas, il pourrait y avoir potentiellement un problème, mettons-le comme ça, et je suis heureux que vous nous rappeliez à cette importance-là.

Le Président (M. Lachance): M. le député de D'Arcy-McGee, en rappelant qu'il reste sept minutes du côté de l'opposition.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Merci, M. Gagnon, Mme Cloutier. Dans votre mémoire, vous faites référence aux listes d'experts et vous semblez demander des questions et soulever des inquiétudes. Et j'aurais quelques questions pour vous demander sur cette fameuse liste d'experts: Quelles sont les conditions que, vous pensez, on doit satisfaire pour être inscrit sur cette liste? Qui sont ces experts? Et est-ce que les fonctions des experts ne pourraient pas être faites par des fonctionnaires du ministère? Alors, j'aimerais avoir vos pensées. Vous avez fait référence aux experts dans les dispositions générales sur la page 7 de votre mémoire qui est un bon mémoire. Merci beaucoup pour votre mémoire.

M. Gagnon (Bernard): Merci. Effectivement, ça fait partie de nos préoccupations. Je vais demander à Mme Cloutier, si vous le permettez, qu'elle puisse répondre à cette question.

Le Président (M. Lachance): Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Marieke): Oui, d'accord. Bien, c'est sûr que, pour les experts, il faudrait absolument que les critères de sélection, si on veut, ou d'acceptation d'un expert qui va apparaître sur cette liste-là soient mis ? comme ils étaient mis, je crois, dans le projet de loi ? dans la Gazette officielle pour qu'on sache à quoi s'en tenir. Au niveau des critères de sélection, c'est bien important pour que ce soit de chance égale pour tous. Je sais qu'en ce moment les experts à qui on a droit, c'est ceux du ministère de l'Environnement, parce que, actuellement, la liste d'experts n'est pas vraiment active, si on veut.

Donc, c'est ça, notre préoccupation, ce serait de s'assurer ? ça recoupe un peu les préoccupations de RÉSEAU environnement aussi, qui est un regroupement d'entreprises, et tout ça, qui oeuvre dans le domaine de l'environnement ? de s'assurer des critères de sélection qui soient mis publics et puis qu'on ait les meilleurs experts possible sur cette liste-là et que ça soit fait de façon transparente finalement. C'est surtout ça.

M. Bergman: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président. Bien, moi aussi, je trouve votre mémoire ? c'est le premier en plus ? très simple, très clair et très facile à comprendre, et je crois que vous campez un peu le projet de loi. Mais, vu qu'il ne reste pas beaucoup de temps, j'ai peut-être deux questions à vous poser. À la page 12 de votre mémoire, vous parlez des coûts de décontamination et de réhabilitation des terrains. Vous dites que «le gouvernement québécois devra fournir des ressources financières dans le but d'assurer le processus de réhabilitation». Vous mentionnez l'exemple d'une petite entente qu'il y a eu avec la ville de Montréal.

Ça m'amène à vous poser une question puis une sous-question: Est-ce que vous connaissez... est-ce qu'on connaît actuellement les superficies polluées au Québec, ou dans le Québec, et quel est le coût estimé, si vous le connaissez, pour dépolluer ces superficies-là? Je parle de celles qu'on connaît, d'accord?

M. Gagnon (Bernard): C'est une excellente question. Je ne sais pas si... Personnellement, je ne suis pas détenteur de la réponse comme telle. La superficie des terrains contaminés, les coûts globaux, je n'ai pas cette information-là. Je ne sais pas si les services à l'interne ont des estimés à cet égard-là. Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Marieke): Bien, honnêtement, là, je pourrais vous dire un chiffre. Je sais que c'est des... Je n'ai pas le chiffre avec moi, là, non. Je ne l'ai pas...

M. Gobé: D'accord. C'est parce que vous continuiez après. C'est un bon début, mais il reste beaucoup à faire. Alors, je me disais: Bon, c'est quoi qu'il reste à faire? Vous devriez au moins...

Mme Cloutier (Marieke): Bien, on sait qu'il y en a beaucoup, des terrains contaminés au Québec. C'est une problématique, là, c'est certain, mais je n'ai pas le nombre exact avec moi.

M. Gobé: Donc, il n'y a pas de banque de données centrale où tous les terrains contaminés sont répertoriés, où on centralise tout ça.

M. Gagnon (Bernard): Actuellement, je pense, il y a des estimés qui ont déjà été faits au niveau de l'Union, mais on n'est pas en possession maintenant des informations. Alors... Mais ça serait peut-être dans un addendum à être déposé, ce serait peut-être une information pertinente à donner à la commission.

M. Gobé: À moins que le ministère les ait et puisse nous les fournir. J'avais une autre question qui est sous forme d'interrogation d'ailleurs. Peut-être... Vous dites... Bon, lorsque l'on parle de l'importation des déchets toxiques, vous avez une recommandation: «C'est pourquoi nous croyons que les certificats d'autorisation attribués aux entrepreneurs d'importation de matières dangereuses et de sols contaminés auraient avantage à suivre le cheminement des audiences publiques.» Vous ne parlez pas du tout de destruction de ces déchets toxiques, de réhabilitation et de recyclage. Est-ce que c'est volontaire ou c'est un oubli dans votre mémoire?

M. Gagnon (Bernard): Bien, c'est parce que ce n'était pas le sujet, là, du projet de loi. Ce que l'on a voulu mettre en comparaison, c'est le fait qu'on veut traiter des terrains contaminés, puis, dans le même temps, on continue d'accepter beaucoup de produits toxiques qui viennent s'installer sur notre territoire, faisant en sorte, s'ils ne sont pas traités correctement, d'augmenter le nombre de terrains contaminés qu'on va éventuellement retrouver sur notre territoire. C'était l'objet du commentaire qu'on voulait placer.

M. Gobé: Ma question était dans le sens, parce que vous y allez, vous dites: «Cet état de choses risque d'annuler les efforts alloués à la réhabilitation des terrains contaminés. La capacité de stockage des sites d'enfouissement de déchets toxiques et de sols contaminés autorisés par le MENV arrivera à sa limite et nécessitera l'allocation de nouveaux sites.» Ce qui nous amène donc à revoir... Alors, à ce moment-là, est-ce que vous ne pensez pas, même si ce n'est pas dans votre mémoire, qu'il y aurait aussi intérêt pour le gouvernement, le ministère, à avoir une politique très articulée qui viserait à détruire, à réhabiliter ou à recycler ces produits au lieu de chercher des nouveaux sites d'enfouissement?

M. Gagnon (Bernard): Bien, c'est clair...

M. Gobé: Ce n'est pas dans votre mémoire, mais je vous pose la question.

M. Gagnon (Bernard): Non, non, non. Oui, oui, c'est clair, c'est liminaire, là, à l'ensemble des commentaires que l'on a mentionnés. Effectivement, on ne peut pas vouloir diminuer le nombre de sites contaminés tout en en créant d'autres qui ne seront pas correctement gérés comme tels, produisant ainsi des nouveaux sites contaminés. C'est clair.

M. Gobé: Est-ce que vous trouvez normal qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi des dispositions, des mesures qui visent justement à aller de l'avant avec ce genre de mesures là?

M. Gagnon (Bernard): Bien, c'est... Oui, si on est pour réhabiliter des sites contaminés, je pense que, comme question de base, il ne faudrait pas non plus se retrouver dans une situation où nous avons de plus en plus de sites contaminés. Alors, il faut traiter ceux qui sont contaminés et, à la limite, il faut travailler d'une même façon pour éviter que d'autres sites contaminés soient créés. C'est clair. L'importation est un exemple qu'on a voulu placer là. Si nous sommes pour avoir une politique globale concernant l'ensemble de la réhabilitation des sols contaminés, il faudrait avoir aussi une section qui traite du fait qu'on ne devrait pas créer de nouveaux sites contaminés par l'importation, par exemple, de produits toxiques.

M. Gobé: Peut-être une dernière petite sous-question. Est-ce que vous seriez prêt à suggérer à M. le ministre de voir, lorsqu'on étudiera le projet de loi article par article, à ajouter des dispositions dans le projet qui prévoiraient qu'on doive prioriser la destruction, la réhabilitation ou le recyclage de produits avant de trouver de nouveaux sites d'enfouissement?

M. Gagnon (Bernard): À cet égard-là, c'est une question globale, hein, nouveaux sites d'enfouissement...

M. Gobé: ...qui découle de votre positionnement.

M. Gagnon (Bernard): Oui, oui, oui, mais on parle de l'importation de produits toxiques qui aurait comme conséquence de créer des nouveaux sites de terrains contaminés. Là, si on parle de sites d'enfouissement, on peut penser que... On ne créera pas automatiquement un nouveau site contaminé, ce sera un site qui sera correctement géré, etc. Le commentaire était fait pour éviter de se retrouver dans une situation de création additionnelle de sites contaminés. Si on a un site qui est équipé pour faire et recevoir, à ce moment-là, sans problème de contamination, c'est une autre question.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci.

M. Gobé: Mon but n'était pas de vous embarrasser ni d'embarrasser le ministre...

M. Gagnon (Bernard): Non, non, non.

M. Gobé: ...c'est de faire avancer le débat et peut-être d'ouvrir des nouvelles avenues au projet de loi pour le bonifier pour l'intérêt de tout le monde.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Cloutier, M. Gagnon, pour votre présence à cette commission parlementaire. Et, là-dessus, je vais suspendre les travaux pendant trois minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 40)

 

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre. Nous allons reprendre les travaux avec l'audition de représentants de la ville de Montréal que j'invite à prendre place immédiatement à la table, s'il vous plaît, en rappelant les règles qui régissent nos travaux: une présentation de 15 minutes suivie d'une interrogation du côté ministériel de 15 minutes également et de l'opposition également 15 minutes.

Alors, j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent en vous souhaitant la bienvenue.

Ville de Montréal

M. DeSousa (Alan): Merci, M. le Président, et c'est un plaisir pour moi d'être ici et puis bonjour, M. le ministre et Mmes, MM. les députés. À ma droite, j'ai M. Serge Barbeau qui est ingénieur à la ville de Montréal et qui est notre conseiller technique; à ma gauche immédiate, M. Marvin Rotrand qui était conseiller à la ville de Montréal et conseiller associé pour le développement durable; et, à ma gauche extrême, M. Jean-René Marchand, mon attaché. Je suis Alan DeSousa. Je suis conseiller municipal à la ville et membre du comité exécutif responsable pour le développement durable.

Le Président (M. Lachance): Merci et bienvenue, messieurs.

M. DeSousa (Alan): Merci. On s'excuse si vous n'avez pas eu notre mémoire, on a eu une contrainte de temps. On l'avait envoyé hier, mais on avait aperçu ce matin que peut-être pas tout le monde l'a reçu. On avait apporté des copies et on vous offre nos excuses pour ne pas avoir été capable de vous le livrer avant. Mais ayant dit ça, je pense que tout le monde a eu des copies et puis on espère qu'on peut adresser certains des points. Donc, M. le Président, au nom du maire de Montréal, M. Gérald Tremblay, et des membres du comité exécutif, je vous remercie, les membres de la commission ainsi que le ministre, de nous donner l'occasion d'exprimer nos commentaires sur le projet de loi n° 72.

La ville de Montréal se présente, ici, aujourd'hui à titre de promoteur de son développement, de gestionnaire d'un parc immobilier important, d'acteur essentiel dans le processus d'aménagement du territoire et aussi de spécialiste réputé dans la question des sites urbains contaminés. En effet, la ville de Montréal est un intervenant majeur au Québec dans le domaine de la décontamination des sols et de la remise en valeur des sites urbains contaminés. Dès 1988, elle fut parmi les toutes premières municipalités à appliquer volontairement les règles de gestion de terres contaminées suggérées par le ministère de l'Environnement du Québec et cela lui a permis d'acquérir une connaissance hors du commun de la situation des terres contaminées dans une vieille ville industrielle comme Montréal. En outre, la division des laboratoires de la ville possède quelque 500 études de caractérisation des sols montréalais. Ces études lui permettent aujourd'hui de bien cerner la nature et l'ampleur du problème de la pollution des sols sur le territoire de la métropole.

La ville de Montréal se montre favorable à l'adoption du projet de loi n° 72 pour plusieurs raisons. Le projet de loi n° 72 propose de transformer en normes réglementaires ce qui a été utilisé jusqu'à maintenant comme des critères indicatifs seulement. Je fais allusion, ici, aux critères a, b, c utilisés dans la politique de réhabilitation des terrains contaminés qui servent de référence depuis 15 ans pour la restauration des terrains contaminés. Transformer ces critères indicatifs en normes réglementaires aura l'avantage d'asseoir sur des bases beaucoup plus solides les plans de réhabilitation des terrains, autant ceux qui ont été réalisés dans le passé que ceux qui seront réalisés dans le futur.

Les limites des responsabilités prévues par le projet de loi aux pouvoirs d'ordonnance attribués à un ministre à l'article 31.42 envers une personne ou une municipalité tenue à réhabiliter un terrain contaminé nous apparaissent raisonnables. Elles devraient permettre d'éviter que la ville de Montréal ne se voit adresser une série d'ordonnances en raison de la position de nombreux terrains contaminés. En reconnaissant comme mode de réhabilitation possible le maintien en place du contaminant présent dans un terrain pourvu que soient prises des mesures correctrices propres à protéger l'environnement et la santé humaine, le projet de loi consacre en quelque sorte une méthode que la ville de Montréal a été une des premières à promouvoir afin de réhabiliter, à moindres coûts possible, les terrains urbains contaminés. Cette méthode de réhabilitation a permis entre autres de mettre en valeur un certain nombre de terrains de la grande région de Montréal dont une partie importante du site des ateliers Angus à Montréal.

n(10 h 50)n

On peut prévoir que l'ouverture au recours de l'analyse de risque entraînera le dépôt d'un nombre accru de demandes d'examens et d'autorisations. Nous désirons donc souligner l'importance que le traitement de ces demandes soit fait dans des délais compatibles avec les impératifs de développement et que les ressources spécialisées aptes à faire une telle analyse soient disponibles en nombre suffisant au ministère.

La ville de Montréal considère équitables les obligations de caractérisation et de restauration des lieux que le projet de loi n° 72 impose aux entreprises appartenant à des secteurs industriels ou commerciaux fortement polluants lorsqu'elles cessent leurs activités. Ces obligations devraient empêcher que ces entreprises privées polluantes ne laissent à l'abandon, sur le territoire de Montréal, des terrains contaminés qui devraient par la suite être restaurés avec le soutien du corps public.

Le projet de loi n° 72 oblige une personne ou une municipalité qui a la garde d'un terrain contaminé à aviser le propriétaire d'un terrain voisin si celui-ci risque d'être touché par la migration de polluants. À titre de propriétaire du domaine public sur lequel sont implantées diverses infrastructures, la ville de Montréal est intéressée à connaître l'état environnemental de ces propriétés, à partir de ce que les propriétaires riverains pourront lui divulguer. Lorsque la ville recevra un avis de contamination de la part d'un voisin, elle pourra prendre des arrangements pour que soit menée une étude de caractérisation de sa propriété, que ce soit en demandant au voisin concerné de se livrer à l'exercice ou encore en effectuant elle-même cette étude auprès de celui-ci.

En subordonnant le changement de l'utilisation d'un terrain contaminé à la mise en oeuvre des mesures de réhabilitation pouvant aller jusqu'à une assemblée publique d'information, le projet de loi n° 72 rend obligatoire une procédure de réhabilitation des sites contaminés, qui est déjà en grande partie suivie sur une base volontaire par la ville de Montréal ainsi que par les promoteurs des projets actifs dans le domaine. Ce type de démarche volontaire, inspiré des politiques du ministère, deviendra ainsi une démarche d'application généralisée, puis on l'appuie.

L'enregistrement des terrains contaminés au Bureau de la publicité et des droits aura l'avantage de rendre plus transparent le marché immobilier à Montréal. La constitution de listes de terrains reconnus comme étant contaminés ou décontaminés serait un outil de gestion utile et éviterait des mauvaises surprises aux acheteurs de terrains. Je souligne aussi que la ville de Montréal est heureuse de constater que le projet de loi n° 72 reconnaît l'évaluation des risques comme mode de gestion des sols contaminés. La ville considère cependant que le gouvernement devrait éviter que le recours à l'analyse de risques soit considéré au chapitre de la gestion des sols contaminés comme un pis-aller, mais que, selon les circonstances, ce mode de gestion soit considéré comme une méthode parfaitement acceptable pour gérer des sols contaminés si toutes les conditions prévues par la loi sont respectées.

En ce sens, nous croyons utile que la loi prévoie la possibilité d'inscrire un avis de réhabilitation qui couvrirait des terrains sur lesquels de telles mesures ont été appliquées. À défaut d'inclusion dans le projet de loi d'un avis de réhabilitation, le processus de gestion des sols par analyse de risques se verra désavantagé puisque l'avis de contamination sera maintenu au registre et qu'il ne bénéficiera pas d'un avis de réhabilitation démontrant que le mode de gestion par analyse de risques est tout aussi acceptable que le mode de décontamination au critère.

Le projet de loi n° 72 attribue un rôle important aux municipalités en gestion des projets de réhabilitation de sites contaminés. Ainsi, les municipalités ne pourront délivrer aucun permis de construction ou de lotissement relativement à un terrain inscrit sur les listes de terrains contaminés sans obtenir une attestation signée par un expert désigné par le ministre confirmant la compatibilité du projet avec les exigences du ministre.

Contrairement à des propositions antérieures du ministre suivant lesquelles les municipalités devaient jouer un rôle pas mal conscrit sans détenir les outils satisfaisants pour le faire, le mécanisme proposé par le projet de loi n° 72 est bien structuré et le rôle que devrait assumer la ville de Montréal est beaucoup plus cerné. Ceci étant dit, il faudrait s'assurer que le système d'attestation par des experts désignés sera performant et capable de suffire à la demande des promoteurs.

Enfin, je voudrais dire un mot sur une autre catégorie importante de terrains, soit celle visée à l'article 65 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Cet article mentionne qu'un terrain utilisé comme lieu d'élimination des déchets ou des matières dangereuses et qui est désaffecté ne peut être utilisé pour fins de construction sans permission écrite du ministère. Ces terrains représentent une superficie importante sur l'île de Montréal et leur développement à des fins résidentielles ou autres fait actuellement l'objet d'un moratoire depuis décembre 1999. Un groupe de travail a été formé pour déterminer des nouveaux critères à respecter en vue d'obtenir la permission exigée par l'article 65. On ne connaît toujours pas les conclusions de ce groupe de travail, et la ville souhaite que les travaux soient accélérés afin qu'une solution satisfaisante soit trouvée à cette problématique en vue de permettre le redéveloppement de ces terrains tout en protégeant la santé du public et l'environnement.

En conclusion, le projet de loi n° 72 fixera des mécanismes de gestion uniformes qui, pour certains, sont déjà connus et en usage dans le milieu. L'éclaircissement des règles de gestion se révèle souhaitable, et rendre les règles obligatoires en vertu d'une loi et des règlements apparaît un geste équitable pour la ville de Montréal. Évidemment, l'implémentation des mécanismes de contrôle entraînera des contraintes pour les promoteurs et pour la ville. On peut cependant penser que ces contraintes, comme la réalisation des études, l'approbation de plans de réhabilitation, l'obtention d'attestations, etc., n'engendreront pas d'effets trop nuisibles pour le développement économique et sur le fonctionnement de la municipalité. Le projet de loi n° 72 ne viendra pas chambarder le secteur immobilier montréalais, il viendra plutôt mettre en ordre des façons de faire et rassurer les intervenants, notamment les institutions financières qui hésitent encore à s'engager dans la remise en valeur des sites contaminés.

Pour toutes ces raisons, la ville de Montréal encourage le gouvernement à aller de l'avant avec le projet de loi n° 72. Pour une métropole comme Montréal, la mise en place d'outils et de mécanismes efficaces de prévention et de réhabilitation des sites contaminés permettra de mettre en valeur progressivement des espaces urbains dégradés et d'améliorer la qualité de vie de tous les Montréalais. Nous insistons toutefois, en terminant, sur la nécessité d'adopter rapidement la réglementation d'application qui accompagnera cette nouvelle loi et qui permettra d'assurer un fonctionnement harmonieux des divers mécanismes de contrôle qui sont prévus.

Donc, je vous remercie, M. le Président et les membres, pour votre attention. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Très bien, merci beaucoup. Alors, M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, MM. DeSousa, Rotrand, Barbeau et Marchand, soyez les bienvenus parmi nous. M. DeSousa, c'est la première occasion que j'ai de vous féliciter pour votre élection. J'aimerais vous souhaiter un bon mandat et vous offrir toute ma collaboration dans l'exercice de vos nouvelles fonctions, vous remercier également pour la précieuse collaboration dont a bénéficié au cours des derniers mois le ministère de l'Environnement dans l'idéation et la conception, si vous voulez, de ce projet de loi n° 72. Vous avez été un artisan de cette collaboration, et je tiens à vous en remercier très sincèrement.

n(11 heures)n

J'aurais deux ordres de questions, très rapidement, parce que mes collègues poursuivront du côté de la majorité ministérielle. Vous êtes membre d'un conseil de ville très important au Québec d'un point de vue démographique, d'un point de vue économique. Vous êtes en compétition avec d'autres agglomérations urbaines non seulement dans l'espace canadien et dans l'espace nord-américain, mais partout à travers le monde. De nombreux économistes voient de plus en plus la compétition entre pôles urbains davantage qu'entre pays ou qu'entre nations.

Vous êtes, d'autre part, des ardents défenseurs du projet de loi n° 72, vous y donnez un appui ferme et sans ambiguïté. Vous jaugeriez, sur une échelle de un à 10, l'importance de faire et de procéder le plus rapidement possible à ce projet de loi là, pour convaincre des récalcitrants, parce que, dans toute société, il y a des gens qui sont plus ou moins pour, des gens qui sont plus ou moins contre, il y aura des gens qui viendront aussi nous manifester certaines réticences, certaines appréhensions, puis c'est normal, ça fait partie du processus normal, donc, des choses, mais qu'auriez-vous à leur dire si tant est que vous ne puissiez le faire, là, lorsqu'ils seront là?

M. DeSousa (Alan): Merci pour votre question. Et puis, je pense que ça soulève un point important, nous, nous sommes nouveaux, la nouvelle administration pour la ville de Montréal, puis je pense qu'on tient à coeur le développement pour la ville, pas juste pour la ville de Montréal, mais tous les bénéfices se récoltent à travers du Québec. Donc, nous avons un intérêt particulier pour s'assurer qu'à la ville de Montréal nous pouvons faire le développement. On est conscients de nos responsabilités et puis on avait pris connaissance de ce document qu'on avait proposé puis du projet de loi pour bien identifier que notre désir est de faciliter et d'accélérer le processus de développement à Montréal et même en complémentarité avec le respect pour l'environnement et la santé.

Donc, je suis certain que certaines personnes pourraient être craintives, mais, nous, on voit ça clairement comme un choix par le gouvernement d'aller le plus rapidement possible. Ça nous permettra d'avancer avec notre plan de match qui, vous savez, M. le ministre, s'en vient avec le Sommet de Montréal en juin de cette année. Et, en même temps, on vous encourage... Dans la conversation qu'on a eue avant cette présentation, vous demandez sur l'importance, mais je pense qu'on encourage le gouvernement de s'assurer que cette loi, ça se passe dans cette session parlementaire et que les règlements sont divulgués le plus rapidement possible. Ça nous permettra d'avancer avec notre plan, et il n'y aura pas des retards à cause de cette loi qui nous permet... notre plan soit pour le développement économique ou pour la réhabilitation à travers de l'île de Montréal.

M. Simard (Montmorency): Votre message est bien entendu...

M. DeSousa (Alan): Si je peux aussi demander à mon collègue, M. Rotrand, il va...

M. Simard (Montmorency): Oui, bien sûr.

M. Rotrand (Marvin): Merci, M. le ministre. J'aimerais ajouter le suivant, la ville a une longue association, et très fructueuse, avec les ministres de l'Environnement, et nous sommes participants dans beaucoup des programmes, incluant le programme Revi-Sols. Le ministre Boisclair était dernièrement à notre hôtel de ville, il a été chaleureusement accueilli, et nous avons annoncé ensemble ces programmes qui étaient beaucoup pour décontaminer des terrains à Montréal.

Mais, au même temps, la ville de Montréal, je dois souligner, a appliqué volontairement des critères du ministre depuis 1992, même que beaucoup de ces critères n'étaient pas obligatoires à l'échelle du Québec. Et, effectivement, nous sommes ici, aujourd'hui parce qu'on pense que cette loi n'est pas une entrave au développement économique. Il y a un grand consensus dans la pensée de notre population et au travers du Québec que c'est une loi qui permet une certaine flexibilité dans le développement économique, mais, en même temps, faire une responsabilisation des propriétaires et des usagers des terrains dans une façon qui ne nuit pas au développement économique.

M. Simard (Montmorency): Et Dieu sait que vous prêchez par l'exemple, puisque vous êtes des leaders au Québec et voire même dans l'est de l'Amérique en matière de caractérisation, et c'est tout à l'honneur des citoyens de Montréal. Alors, pour ma part, M. le Président, je serais prêt à céder la parole à ma collègue.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Oui, merci. M. DeSousa, messieurs, à la page 8 de votre mémoire, lorsque vous parlez d'attestations d'experts pour délivrer les permis, justement parce que vous avez une expérience terrain, c'est le cas de le dire, dans les dernières années, vous dites: «Ceci étant dit, il faudra s'assurer que le système d'attestation par des experts désignés sera performant et capable de suffire à la demande des promoteurs.» Alors, de quelle façon vous... Quelles seraient vos suggestions que vous feriez par rapport à toute cette problématique des experts? Parce que ce que je comprends, ça va être nommé par le ministre à partir d'une liste existante de divers experts, et comment vous voyez que ça va s'ajuster avec votre voeu que ça soit fait dans des délais corrects? Parce qu'on sait que souvent ce sont des terrains par rapport auxquels on a des projets de développement, les gens peuvent avoir des projets de développement et on veut être sûr que les choses...

M. DeSousa (Alan): Je pense que pour nous... Merci pour votre question, et puis je pense que ça nous... On a réfléchi sur ça, et je pense qu'on trouve intéressante la possibilité d'avoir ces experts-là qui peuvent se prononcer, mais je pense que, en même temps, dans notre mémoire, on avait identifié que, avec le passage d'une loi, il y a des chances fort probables qu'il y aura beaucoup plus de demandes faites au ministère. Donc, nous, on tient fort à la notion que le ministère doit consacrer les ressources financières et autres adéquates pour permettre la réalisation de ces demandes, d'avoir les études qui soient faites rapidement, et le délai de trois mois, pour moi, c'est une période de temps très raisonnable par laquelle un promoteur ou une autre personne qui demande ce genre d'approbation... C'est un délai raisonnable. Dans cette optique-là, on voudrait bien que le système d'experts fonctionne et fonctionne bien, avec une rapidité pour permettre les divers projets qui vont être en marche pour se réaliser. Des promoteurs ou des personnes qui ont des projets en tête ne peuvent pas attendre, ne peuvent pas s'éterniser, il faut qu'il y ait une réponse rapide. Donc, nous, à la ville, on va faire nos efforts pour accélérer ce processus, mais, en même temps, on présume que le ministère aussi va tenir ça à coeur et consacrer les ressources nécessaires.

Mme Doyer: D'accord... Oui?

M. Rotrand (Marvin): Mme la députée, j'aimerais ajouter juste quelques mots. Je pense que dans l'avenir on va voir que le développement durable va être accepté plus et plus par les promoteurs et des investisseurs. Ils vont comprendre que c'est rentable pour eux aussi. Et ? le mot en anglais est «cutting edge» ? Québec va être sur le «cutting edge» avec une loi comme ça, qui pourrait devenir un modèle. Donc, ce que M. DeSousa a dit peut être la réalité, vous aurez beaucoup plus de demandes qui est peut-être prévu. Donc, c'est raisonnable de demander qu'il y ait des ressources du ministère de l'Environnement pour gérer cette demande accrue.

Mme Doyer: J'aurais quelque chose aussi en complémentaire si on me le permet, c'est que, en 1998, là, suite à la politique de protection et de réhabilitation des terrains contaminés, il y a deux mesures qui ont été mises en place, que vous connaissez: programme Revi-Sols, projet de loi n° 72, et Montréal a quand même accès à plusieurs millions dans ces mesures-là. Est-ce que... Vous êtes sûrement d'accord avec le fait que ces deux mesures-là vont mettre un frein, si je peux dire, à l'étalement urbain parce que... Et c'est là qu'on voit aussi l'importance d'agir avec le plus de diligence possible parce que ça va permettre la remise en valeur et la mise en valeur de terrains à l'intérieur du périmètre urbain et empêcher, en quelque part, l'étalement urbain ou le fait que les industries et les entreprises vont aller s'installer ailleurs que là où elles peuvent le faire, en ville.

M. DeSousa (Alan): Mais ? Mme la députée, merci ? je pense qu'on connaît la valeur du programme Revi-Sols et puis je pense que, tout récemment, il y a quelques semaines, que le ministre Boisclair était présent à Montréal où on avait divulgué les divers projets qui nous ont permis, sur l'île de Montréal, d'avancer certains projets industriels. Je parle de l'ancienne ville de Saint-Laurent, que je représente, où on a eu le projet de Reitman's. C'est le projet du Provigo qui nous a permis de faire avancer ces projets et d'intéresser les compagnies en question en faisant un projet qui ajoutait valeur. Et puis je pense que pour nous ? on voit ça dans cette optique ? le projet Revi-Sols nous permet d'ajouter valeur pour le bénéfice de tous les contribuables.

Ayant dit ça, il faut comprendre que, oui, cette loi peut avoir un impact jusque... pour que les gens s'habituent, mais notre espoir est que les deux programmes... la loi et le programme Revi-Sols vont être des éléments complémentaires qui permettront de freiner l'étalement urbain.

M. Rotrand (Marvin): Ça, je pense, c'est très, très important, c'est au coeur de notre programme politique, c'est le retour en ville. On incite les gens à revenir sur l'île de Montréal. Les gens sont surpris quand on explique que, depuis les derniers 30 ans, la population de la région du Grand Montréal ne s'est pas vraiment accrue. Ce qui est différent est la distribution spatiale de ces gens. Les villes-dortoirs, qui n'ont pas existé il y a 30 ans, sont partout dans la région, et l'île de Montréal a perdu 250 000 personnes. Avec le vieillissement de la population, notre administration entreprend une politique de développement résidentiel, et aussi ça touche les terrains sur l'île. Donc, les terrains contaminés, on veut les cibler pour d'autres fins que des fins industrielles, pour inciter ce retour en ville.

n(11 h 10)n

M. DeSousa (Alan): Juste, avoir un autre... Depuis notre entrée à l'hôtel de ville, un des éléments qu'on avait... que le maire de Montréal a soulignés à l'attention du ministre Boisclair est qu'on est en train de préparer un inventaire sur toute l'île de Montréal. Il y avait cet inventaire sur l'ancienne ville de Montréal, et, d'autre part, on va essayer de combiner ça avec notre connaissance dans toutes les anciennes villes de banlieue. Donc, je pense qu'en préparant cet inventaire ça nous permettra d'identifier, de cibler les divers sites, en sachant la superficie des sites, avoir une idée sur le degré de contamination. Donc, on avait déjà déclenché ce processus-là. Donc, je pense que, pour nous, on voit ça plutôt avec l'aide au développement durable, mais aussi le développement économique ou d'habitations.

Comme vous le savez, Mme la députée, Mme Harel avait annoncé, débloqué un certain nombre de fonds pour habitations, et, en même temps, je pense que ça nous permettra d'identifier des sites pour habitations ou pour le développement économique. Donc, ce processus a déjà été déclenché, puis on espère que, dans les semaines et les mois qui s'en viennent, on va avoir une possibilité d'avoir le portrait global pour nous permettre d'avancer notre plan, pour accélérer ce processus.

Mme Doyer: Je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Salaberry-Soulanges, en vous signalant qu'il reste moins de deux minutes.

M. Deslières: Oui, merci, M. le Président. À mon tour, messieurs, de vous souhaiter bienvenue à cette commission et de vous souhaiter bonne chance dans le défi que vous avez devant vous, un magnifique défi. Je suis sûr que vous allez le relever avec brio, vous particulièrement et toute votre équipe, parce que, lorsqu'on parle de création de cette nouvelle ville, on parle de développement, et il faut accoler l'autre qualificatif qui est le développement durable, alors je suis sûr, en vous écoutant et en regardant la présentation de votre mémoire qui est signe avant-coureur très positif...

Ma question, M. DeSousa. Vous semblez excessivement satisfait, satisfait de la législation qui est devant vous, des bonifications qui sont apportées de 156 à 72. Vous semblez satisfait, vous l'avez dit, vous le répétez, vous accueillez favorablement l'ensemble des éléments de la législature. Juste une question, dans votre mémoire, à la page 5, vous parlez des obligations de nettoyage, est-ce que pour vous, comme représentants de Montréal... Est-ce que vous êtes satisfaits de la manière que sont cernés les secteurs les plus polluants? Est-ce que ça vous va? Est-ce que ça... Dans la façon que ces secteurs ont été définis ou les paramètres sont définis pour les secteurs, ça vous va? C'est-à-dire, bon, écoutez, ça, c'est très polluant, tel, et tel, et tel secteur, nous, on peut conduire nos affaires correctement en termes de développement durable.

M. DeSousa (Alan): Je pense que, pour nous, on est nouveaux sur la scène, et puis, dans ce sens-là, on a commencé à identifier ces secteurs. Donc, je ne pense pas qu'on peut dire qu'on est satisfaits encore, on est en train de faire l'analyse du dossier pour être capables de discerner comment on veut procéder. Partout sur l'île de Montréal... Moi, je viens d'une ville industrielle, Saint-Laurent, et puis même chez nous nous en avons, ces sites polluants, sur notre territoire. Donc, je pense que, pour nous, c'est une question de bien discerner ces territoires et puis d'arriver avec un plan d'action. Donc...

M. Deslières: Qui s'en vient au mois de juin.

M. DeSousa (Alan): Pardon?

M. Deslières: Qui va venir au mois de juin?

M. DeSousa (Alan): Dans le mois de juin? Non, je vous dis, un des éléments qu'on avait en répondant à la question tantôt... On a le Sommet de Montréal dans le mois de juin, et puis je pense que, comme partie de notre plan d'action qu'on va présenter au Sommet et puis en consultation avec tous les autres partenaires, on espère d'avoir ça, dont la question du développement durable et les sites contaminés. C'est très important pour nous. Donc, pour nous, je ne pense pas qu'on va avoir toute cette information à ce temps-là, mais l'idée était d'accélérer ce processus. Puis, pour vous dire que je suis satisfait après six semaines de... Je pense...

M. Deslières: ...plus satisfait dans six mois.

M. DeSousa (Alan): ...on a encore beaucoup plus de travail à faire, M. le député.

M. Deslières: Dernière question, monsieur...

Le Président (M. Lachance): C'est déjà écoulé. Je m'excuse, mais c'est déjà écoulé. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Bien, on concéderait. C'est tellement un chic bonhomme, s'il veut..

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: Moi, je concéderais, je n'ai aucun problème...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Très bien. Merci, M. le Président. N'ayant pas reçu votre mémoire ? MM. DeSousa, Rotrand, Barbeau et Marchand, bienvenue parmi nous ? n'ayant pas reçu votre mémoire, j'ai dû lire celui que vous nous aviez envoyé sur le projet de loi n° 156. Vous disiez quelque chose là-dessus, et je vais commencer, comme première question... Vous nous disiez, dans l'article 31.43, quand on essaie de désigner la personne qui a pollué... Vous disiez: «Il nous semble cependant suffisant pour le ministre de s'en tenir au propriétaire actuel d'un terrain, ce dernier ayant présumément acquis son bien en toute connaissance de cause et selon les comportements du marché qui prévalaient au moment de l'achat.»

En d'autres mots, la personne qui a acheté un terrain, elle le savait que c'était pollué, c'était sa responsabilité de faire faire les évaluations, et elle a payé en l'occurrence le prix de ce marché-là. Donc: n'essayez pas de remonter jusqu'à Adam et Ève pour savoir qui l'a pollué, comment il l'a pollué, quelle année il l'a pollué, ce que font les Américains en ce moment, puis on s'aperçoit que ça ne fonctionne pas très, très bien, sauf que c'est une assurance salaire pour les avocats, et qu'ils se chicanent pendant des générations à savoir si c'est du BPC, ou de l'huile, ou du plastique qui a été mis dans le sol.

Est-ce que vous maintenez toujours cette position-là, ce nouveau conseil municipal, de dire: N'essayez pas de remonter dans le temps, là, allez voir le dernier qui a acheté puis entendez-vous avec lui? Est-ce que c'est toujours la position?

M. DeSousa (Alan): Je dois vous souligner, M. le député, que ce mémoire que vous avez sur la loi n° 156, ce n'était pas le mémoire de notre administration. Mais, ayant dit ça, je pense qu'on est tout ouverts pour voir... Dans la mesure du possible, où l'individu ou la compagnie a été clairement identifié et en était responsable, ça, c'est notre désir, qu'il soit tenu responsable. Donc, je pense qu'il y a une responsabilité dans notre société, et puis je pense qu'il y a une responsabilité individuelle et corporative, et puis je pense qu'on adhère à ça.

M. Benoit: Il y a les notaires, qu'on va entendre tout de suite après vous, là, qui vont sûrement nous commenter sur cet aspect-là de la loi bien sûr. Une question un peu moins technique, vous nous dites dans votre mémoire: «Ces terrains représentent une superficie importante de l'île de Montréal.» Dans la vieille île de Montréal, quel était ce pourcentage de terrains... On appelle ça les terrains en friche, je pense, à Montréal. Finalement, on dit que les terrains en friche, souvent, sont les terrains contaminés. D'abord, est-ce qu'on a raison de dire ça, que les terrains en friche sont les terrains contaminés à Montréal? On va commencer comme ça.

M. Rotrand (Marvin): J'aimerais, premièrement dire, que le député avant qui a mentionné l'article 31.51, a mis son... sur les choses les plus puissantes dans la loi. C'est l'article qui fait la loi, selon nous, et on est bien d'accord que ce pouvoir existe. Le député qui parle actuellement, qui a fait référence à l'article 31.43...

M. Benoit: Du projet de loi n° 156.

M. Rotrand (Marvin): O.K. Ce n'était pas notre mémoire, la loi n° 156. C'est l'ancienne ville de Montréal, pas la nouvelle ville de Montréal. Est-ce que vous nous demandez si on est à l'aise avec l'approche dans la loi n° 72? On est à l'aise avec. Si on n'était pas à l'aise avec, on ne présenterait pas un mémoire qui dit que cette approche nous convient.

M. DeSousa (Alan): Juste pour continuer sur la réponse à votre question, les terrains en friche que vous avez identifiés tantôt, je n'ai pas un chiffre précis à vous donner, mais une grande partie de ces terrains, oui, risquent d'être contaminés et pour lesquels on doit faire face à trouver des solutions.

M. Benoit: Mais, dans le cas de l'ex-ville de Montréal, quel est le pourcentage de ces terrains qui sont contaminés? On parle de 4 000 terrains à Montréal. Je pense que les hauts fonctionnaires peuvent nous confirmer ça, dans le mémoire au Conseil des ministres, on parlait de 4 000 terrains. Ça représente combien... Quel pourcentage du problème est à Montréal?

M. DeSousa (Alan): On n'a pas le nombre actuellement. Comme je vous avais dit tantôt, on est en train de faire l'inventaire de tous ces terrains-là, et, dans les prochains mois qui s'en viennent, il y aura cet inventaire disponible. Mais on sait déjà d'avance que, dans certains secteurs, il y a un grand nombre qui sont contaminés et puis on est en train de réfléchir sur un plan d'action sur cette question.

M. Benoit: Dernière question avant de laisser la parole à mon confrère de... Dans les remarques préliminaires, j'ai déposé ici deux cas de citoyens de Notre-Dame-de-Grâce qui se réveillent un bon matin avec un voisin qui les appelle et qui leur dit: Écoutez, il y a une tank, chez nous, de 500 gallons...

Le Président (M. Lachance): Un réservoir.

n(11 h 20)n

M. Benoit: ... ? réservoir, oui, un réservoir, merci, M. le Président; parlons peu et parlons mieux ? un réservoir de 500 gallons, et le sol sous votre maison est contaminé. Alors, ces gens-là s'adressent à l'hôtel de ville ? ils sont de Notre-Dame-de-Grâce, on a l'adresse, on a tout ici ? et on se fait dire: Bien, écoutez, votre maison, qui valait 174 500 $, vaut maintenant 40 000 $, et on pense qu'il y a des experts... Il y a toujours des experts, hein? Il faut être à Québec pour les voir, il y a toujours des experts, il y a des lobbyistes, il y a toutes sortes de monde, mais enfin il y a des experts qui sont allés les voir, qui leur ont dit: Pour 151 000 $, on va vous dépolluer ça, nous autres. Alors, en d'autres mots, la maison ne vaut plus grand-chose, et ces gens-là se retournent vers le ministère, et on leur dit: On ne peut rien faire. Qu'est-ce que vous faites, vous, les gens de la ville, quand ces gens-là vont vous voir? Et, j'ai deux cas précis, dans les deux cas, c'est Notre-Dame-de-Grâce. Qu'est-ce que vous faites avec ce genre de situation là?

M. DeSousa (Alan): Bien, je vais demander à M. Barbeau de répondre, mais, à une première vue, c'était une... Je ne pense pas que ces individus peuvent être admissibles pour le programme Revi-Sols, je pense que c'était un événement qui était passé sur un terrain privé. Je présume que les deux individus que vous avez cités tantôt sont couverts par l'assurance, et, en conséquence, ils doivent faire une demande à la compagnie d'assurances pour la décontamination de leur sol. Donc...

M. Benoit: ...les assurances ne couvrent pas, et ils étaient avec Hypothèques du Canada où il y a une cause de renonciation de leur part à l'époque. Il semblerait que c'est la façon de procéder. Alors, ils sont devant rien, absolument devant rien. Et je ne suis pas sûr que c'est la responsabilité de l'État. Moi, je pose la question, je n'ai pas la réponse.

M. DeSousa (Alan): Mais, dans la ville, on est sympathiques, on peut leur donner le conseil, mais c'est sûrement... On ne peut pas intervenir sur une situation où vous avez un accident sur un terrain privé, que normalement ça doit être couvert par l'assurance. Mais, M. Barbeau, est-ce qu'on a été contactés par ces individus?

M. Barbeau (Serge): J'ai pris connaissance de ce cas-là quand vous en avez parlé tantôt, M. le député, et bien sûr que des cas comme ça sont tristes, puis les gens qui font face à ça ont des dommages sérieux puis des problèmes sérieux qui découlent de ça. Par contre, ce que je me permettrais de souligner quand arrive un cas comme ça, c'est peut-être que graduellement les gens vont devoir prendre conscience de l'importance de faire de la prévention dans le domaine et de faire l'entretien de leur réservoir pour éviter que la catastrophe ne se produise puis que des fuites entraînent des pertes financières importantes comme ça.

Maintenant, dans un cas comme ça, la personne étant propriétaire de son réservoir, elle a la responsabilité qui va avec. Est-ce que l'État doit ou la ville va intervenir pour financer cette opération-là? Ça n'est pas prévu pour l'instant.

Le Président (M. Lachance): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, messieurs, il me fait plaisir de vous voir ici, surtout que, ayant participé à votre campagne, ça fait toujours plaisir de voir le résultat de ce qu'on a aidé, en espérant que ce soit pour le mieux pour l'ensemble des Montréalais.

Dans votre mémoire, première question, première constatation aussi, vous dites ? bon, et on le savait déjà, mais, peut-être, j'aimerais avoir quelques précisions: «La ville, en 1995, a reçu du ministère des Affaires municipales une subvention de 3 millions de dollars pour mener un important projet-pilote ayant pour but de trouver des approches d'évaluation des sites pollués et de technologies de traitement à des sols contaminés.» Est-ce que vous pourriez me dire ? peut-être M. Rotrand est peut-être plus au courant que vous, M. DeSousa; non pas parce que je veux passer par-dessus le comité exécutif, mais je sais qu'il était à la ville de Montréal avant ? me dire rapidement quels sont les besoins financiers qui ont été évalués à l'époque pour dépolluer ou réhabiliter, pardon, les terrains contaminés de la ville de Montréal et plus particulièrement dans l'est de Montréal?

M. Rotrand (Marvin): Je n'ai aucun chiffre. Je peux vous dire que la ville a fait quelques projets-pilotes dans différents types de nouvelles technologies, et il y a un centre maintenant d'excellence, dans le sud-ouest de la ville, pour la décontamination, les nouvelles technologies. M. Gobé, si vous voulez, on peut vous chercher un chapitre... faire parvenir plus tard, aujourd'hui ou demain.

M. Gobé: Oui. C'est parce que j'ai...

M. DeSousa (Alan): Juste, si je peux ajouter... M. Barbeau.

M. Barbeau (Serge): Il est évident, M. Gobé que, si on regarde le coût de décontaminer demain matin toute l'île de Montréal, c'est faramineux...

M. Gobé: ...savoir.

M. Barbeau (Serge): On parle sûrement de plusieurs centaines de millions de dollars. Mais, jusqu'à aujourd'hui, on a toujours refusé de regarder le problème sous cet angle-là, on regarde plutôt les besoins qui se présentent annuellement à la faveur du nouveau développement qui se fait sur les terrains, puisqu'on ne va pas démolir tout ce qui est construit sur l'île pour enlever les sols contaminés en dessous. On veut plutôt assurer que, quand il y a un besoin de terrain, qu'on puisse avoir les ressources financières pour le décontaminer. Les estimés qui avaient été faits à l'époque, on parlait d'un besoin de 10 à 15 millions de dollars par an pour la décontamination des terrains, et ça, bon an, mal an, là, pour soutenir le développement. Bon, évidemment, les cycles économiques, l'inflation jouent, mais c'est, grosso modo, ce chiffre-là qu'on avait évalué à l'époque.

M. Gobé: Parce que, je me souviens avoir déjà lu, je pense que c'est dans le temps de... Ce n'est pas dans l'ancienne administration, celle d'avant, on m'avait soumis un dossier où on parlait, là, aux environs de 450 millions de dollars. Ça, c'est un chiffre qui est probable. D'accord. On pourrait en parler plus longtemps, mais on n'a pas beaucoup de temps, j'ai une autre petite question.

M. Rotrand (Marvin): M. Gobé, je m'excuse de vous interrompre. Est-ce que je peux répondre à une question que peut-être vous n'avez pas exactement posée?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Allez-y, M. Rotrand.

M. Rotrand (Marvin): Et la question me semble philosophique. Ce que j'ai compris que vous avez demandé: Est-ce qu'il y a un niveau de contamination acceptable, lequel, la société doit vivre avec? Je pense que le consensus dans notre population est qu'effectivement on peut faire beaucoup plus et il y a un rôle accru pour l'État à jouer dedans. Ça, c'est la base de ces lois. Oui, est-ce qu'on peut vivre avec des impacts, sur la santé, de pollution? Est-ce qu'on peut vivre avec des terrains qui ne seront pas réutilisables? Oui, effectivement, c'est une décision philosophique et politique, et je pense que la nouvelle ville veut effectivement donner une garantie pour une utilisation future pour beaucoup de terrains qui ne sont pas utilisables actuellement dans notre territoire. Et, on veut démontrer à la population un leadership sur la décontamination, c'est pourquoi nous appuyons la démarche du gouvernement sur la loi n° 72.

M. Gobé: D'accord. Dernière petite question, vous parlez aussi... Bien, vous dites dans votre projet: «L'adoption du projet de loi n° 72 aura en quelque sorte pour effet de mettre en vigueur plusieurs volets de la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains.» On parle de politique de protection des sols, on sait qu'à Montréal, dans quelques années, si ce n'est pas déjà fait ou à la veille d'être fait, le site d'enfouissement de la carrière Miron ne sera plus utilisable et on sait qu'il y a eu un certain nombre de projets par le passé qui avaient été mis de l'avant, comme un projet d'incinérateur dans l'est, un projet de transbordement à ville Saint-Laurent. M. DeSousa, vous devez connaître ça, hein, il y avait une voie ferrée, les wagons arrivaient puis ils partaient dans l'est de Montréal après où il y avait transbordement. On sait qu'il n'y aura plus de place.

Avez-vous eu le temps d'y penser? Je ne sais pas, mais je présume que, dans votre programme, ça a dû être étudié. Je me souviens d'un colloque où j'étais allé, où ça avait été un peu abordé. Est-ce que vous prévoyez ouvrir de nouveaux sites d'enfouissement à Montréal, ou prévoyez-vous d'autres mesures d'élimination des... d'autres méthodes, pardon, hein, de disposition ? je fais attention à ce que je vous dis, là ? de disposition des déchets, ou prévoyez-vous l'exportation à l'extérieur de l'île de ces mêmes déchets qu'on ne peut pas nier qu'ils vont exister? On ne peut pas non plus se boucher les yeux et se dire que la situation n'existera pas un jour parce que c'est mathématique ou c'est physique, surtout, le remplissage a ses capacités, le temps avance à chaque fois.

M. DeSousa (Alan): Merci. Merci, pour votre question, et puis je pense qu'en tant que responsable du développement durable ça, c'est une de mes priorités dans les mois qui s'en viennent. Demain, je siège pour la première fois sur la CMM, qui est l'entité qui gouverne toute la région métropolitaine, puis un de mes mandats, pas juste sur le CMM, mais aussi pour la ville de Montréal, est d'arriver avec un plan de gestion intégré pour ces questions de sites d'enfouissement. Comme vous le savez, M. Gobé, dans trois, quatre ans, les sites d'enfouissement qui sont autour de Montréal prévoient d'être remplis. Donc, qu'est-ce que, nous, nous allons faire comme société? Je sais qu'actuellement le taux de récupération, c'est à peu près 37 %, puis c'est le désir du gouvernement pour augmenter ça jusqu'à 65 % d'ici à l'an 2008. Donc, pour vraiment trouver des solutions, il faut arriver avec un plan intégré. Le projet pour lequel vous avez fait référence, c'était le projet de l'ancienne Régie intermunicipale de l'île de Montréal qui, finalement, n'a jamais réalisé. Donc, je pense que nos intentions étaient, dans les jours qui s'en viennent, d'arriver avec ce projet intégré dans les prochains deux ans pour couvrir pas juste notre territoire, mais les territoires de la région métropolitaine.

M. Gobé: C'est un sujet qui va être abordé...

M. Rotrand (Marvin): M. le député, votre...

M. Gobé: Excusez, M. Rotrand... C'est un sujet qui va être abordé au Sommet de Montréal cet été?

M. DeSousa (Alan): Mais oui, c'est un dossier très important, et puis je pense qu'on invitera tous les acteurs pour donner leur point de vue pour nous aider dans ces démarches-là.

n(11 h 30)n

M. Rotrand (Marvin): M. le député, j'aimerais dire que votre question était excellente. J'ai bien apprécié, et vous avez touché un problème majeur, et la ville a une obligation de mettre quelque chose devant la population bientôt. Depuis le 1er janvier 2000, on a cessé d'enfouir des déchets humides dans notre dépotoir municipal, complexe environnemental Saint-Michel, anciennement la carrière Miron et, depuis sept ans, c'est de l'exportation aussi d'enfouissement à l'extérieur de l'île de Montréal. Et la ville est liée avec des contrats pour faire cette exportation pour quelques années, mais quelques années est presque aujourd'hui, et il faut avoir quelque chose à mettre sur la table. Comme M. DeSousa vient de le dire, on veut atteindre les objectifs du gouvernement du Québec de réduire le volume des déchets par 65 % pour l'année de l'objectif 2008, mais il y a toujours des matières à éliminer et il faut trouver soit une nouvelle technologie ou une proposition de mettre d'avance.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre participation aux travaux de cette commission et de votre présence à l'Assemblée nationale aujourd'hui.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): ...la Chambre des notaires du Québec. J'invite le président à s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent en vous indiquant que vous avez une présentation aussi de 15 minutes et des échanges, comme vous avez pu constater comment ça se déroule.

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Marsolais (Denis): Alors, merci, M. le Président. Mon nom est Denis Marsolais. Je suis le président de la Chambre des notaires du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de Me Jean-Claude Simard, notaire de Québec et spécialiste en droit immobilier, à ma gauche, Me Roger Plante, notaire dans la région de Beauce, expert en droit de l'environnement, et Me Kent Lachance, notaire de Québec, expert en droit immobilier.

Alors, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, cher confrère, Me Bergman, cher confrère...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Alors, c'est avec un intérêt renouvelé que la Chambre des notaires du Québec a pris connaissance du présent projet de loi n° 72. D'entrée de jeu, il y a lieu de corriger notre approbation de principe sur l'ensemble de cette initiative législative qui est attendue depuis fort longtemps. Nous soulignons notamment la mise en place des mesures favorisant la réhabilitation des terrains à l'initiative des propriétaires ou, du moins, des gardiens de ces propriétés de même que des mesures de publicité foncière qui assureront davantage, selon nous, la sécurité juridique des transactions.

Nous constatons d'emblée que le présent projet de loi a retenu nombre de nos propositions et nous vous en remercions. Cependant, nous devons déplorer que l'une de nos principales propositions, qui pourtant avait été retenue dans une des versions antérieures dudit projet de loi, ait cette fois-ci été complètement écartée. Estimant la question essentielle, nous reprenons donc, dans un premier temps, les commentaires déjà formulés concernant la règle d'attestation par un notaire ou un avocat des avis. Dans un second temps, nous commenterons certains autres dispositions.

Déjà dans le mémoire que nous vous avions présenté en janvier 2001 à l'occasion de la présentation de la première version du projet de loi n° 156, nous vous faisions part de notre inquiétude à l'égard de la publicité par avis que le ministère avait retenue pour les fins prévues par le projet de loi. Nous vous signalions alors que cet avis ne serait pas soumis à l'analyse de l'officier de la publicité et qu'il pourrait subséquemment être modifié en vue de frauder des tiers.

À la suite de ces recommandations, nous constations dans une version du projet de loi n° 156, souvenez-vous, présentée en juin 2001 que l'exactitude du contenu des avis devait être attestée par un avocat ou par un notaire. Il s'agissait là, selon nous, d'une amélioration notable audit projet de loi. En effet, compte tenu que l'obligation de publier l'avis allait incomber à la personne visée par la loi pour chacune des situations visées, il était fondamental, selon nous, qu'un notaire ou un avocat puisse y joindre son attestation pour en assurer l'uniformité et la conformité. Nous expliquions alors que, sans se prononcer sur l'exactitude de tout le contenu de l'avis ? je vous conviendrai que ça demande une expertise en matière environnementale ? le notaire ou l'avocat pourrait attester que l'expert visé est bel et bien l'auteur du résumé de l'avis et un expert dont le nom apparaît dans la liste prévue à l'actuel article 31.65, de même que de l'identité, de la qualité et de la capacité de la partie qui requiert l'inscription.

Il aurait donc été possible, tel que nous le suggérions, d'adapter au cas en l'espèce la règle prévue à l'article 2999.1 du Code civil du Québec. Il faut comprendre que, dans le cas d'un bail commercial autre que résidentiel, il est possible pour un notaire ou un avocat de s'assurer de l'exactitude du contenu de l'avis, puisqu'il peut, en comparant le bail lui-même et l'avis, attester que le contenu de l'avis est conforme aux dispositions du bail qu'il résume. Cependant, dans le cas de l'avis prévu au projet de loi, nous vous avions démontré l'impossibilité pour l'avocat ou le notaire d'attester de cette exactitude. On parle du contenu de l'expertise. En effet, comme nous l'avions exprimé, le notaire ou l'avocat ne peuvent se prononcer sur l'exactitude du contenu de l'avis qui résume, par exemple, une étude de caractérisation, puisqu'ils ne possèdent pas l'expertise nécessaire pour attester que la situation décrite est bien celle de l'immeuble concerné. L'attestation n'en demeure pas moins nécessaire selon nous. Aussi, c'est avec déception que nous avons constaté que le nouvel article 31.47 écarte maintenant toute référence à cette obligation d'attestation.

Nous vous recommandons d'ajouter aux articles pertinents... Dans le fond, c'est tous les articles où on retrouve un avis, et je me permets de faire la nomenclature parce qu'il y en a plusieurs. Je pense que c'est important que, aux termes du projet de loi, dû au nombre d'avis qui seront à publier au Bureau de la publicité foncière, cette attestation du notaire ou de l'avocat soit conforme pour s'assurer que le document qui va être produit est bien le document exact et respecte les normes et les exigences du projet de loi. Alors, voici la nomenclature des avis: 31.44, c'est l'avis de contamination suite à une ordonnance; 31.47, l'avis d'un plan de réhabilitation avec restrictions d'usage; 31.51, cessation d'usage avec plan de réhabilitation, avec restrictions toujours; 31.56, changement d'usage au plan de réhabilitation, avec restrictions; 31.57, réhabilitation volontaire avec restrictions; 31.58, avis de contamination suite à 31.49; 31.59, avis de décontamination; et, finalement, 31.60, modifications au plan de réhabilitation afin de modifier les restrictions d'usage.

Alors, vous voyez qu'il y a plusieurs avis qui vont faire l'objet d'une publication au Bureau de la publicité. Alors, nous vous suggérons de rajouter à ces articles-là la disposition suivante: Est jointe à cet avis l'attestation par un notaire ou un avocat qu'il a vérifié l'identité, la qualité et la capacité des parties pour bien s'assurer que ce soit la bonne personne qui procède à la publication de l'avis, de procéder aussi à la validité de l'acte quant à sa forme et que le document contient tous les éléments prévus par la loi. Ainsi, en ce qui a trait, par exemple, à l'avis de contamination prévu à 31.58, le notaire ou l'avocat devra alors, par son attestation, confirmer que le résumé contenu à l'avis est bien attesté par un expert, que cet expert est autorisé aux termes de l'article 31.65 de la loi, que le requérant de l'inscription est autorisé à publier l'avis et que l'avis contient les éléments prévus par la loi.

n(11 h 40)n

En somme, l'attestation par un notaire ou un avocat, telle que nous l'avions maintes fois proposée, nous semble une mesure de contrôle efficace. Cette mesure permettra sans doute à toute personne qui consultera le registre foncier d'avoir l'assurance, premièrement, que les avis inscrits en matière de protection et de réhabilitation des terrains ont été rédigés par une personne habilitée à le faire plutôt que par une personne qui aurait un intérêt à ne pas divulguer l'ensemble des informations pertinentes et, deuxièmement, que les informations qui y sont contenues sont celles exigées par la loi.

Nous sommes d'avis que permettre à quiconque de requérir l'inscription d'un avis de contamination sans que le contenu de l'avis ou de l'identité de son auteur n'ait été contrôlé équivaudrait à mettre en péril la fiabilité du registre foncier. Les avis prévus au projet de loi ne visent pas à protéger leurs auteurs ? c'est important ? mais les tiers, c'est-à-dire toute personne éventuellement intéressée à acquérir un droit sur un terrain. Qu'arrivera-t-il si l'avis de contamination, non attesté par un notaire ou un avocat, contient des erreurs ou ne révèle pas tous les faits pertinents? Les utilisateurs des registres publics doivent non seulement bénéficier d'une information fiable, ils doivent avoir la certitude, avant même de le consulter, qu'elle l'est. L'attestation par un notaire ou un avocat offre cette garantie de fiabilité.

Maintenant, nous souhaitons aborder quelques points qui ont tout spécialement retenu notre attention.

Le premier point concerne l'inscription au registre foncier des ordonnances, des avis de contamination et de décontamination. Nous souscrivons à la mesure visant à l'inscription au registre foncier de l'ordonnance ministérielle prévue à l'article 31.43. Nous devons toutefois déplorer que la mesure de publicité, pour l'ensemble des avis ou ordonnances prévus au projet de loi, soit liée à la personne ou à la municipalité visée par l'une ou l'autre des mesures de réhabilitation.

Nous comprenons que nous devons être prudents avant d'obliger des propriétaires de terrains contaminés ? ou plutôt des gardiens ? à procéder à la décontamination. Cette prudence n'est cependant pas de mise en matière d'inscription d'un avis de contamination au registre foncier. L'avis de l'inscription n'est que de publiciser un état de fait au bénéfice de toutes les parties concernées par une transaction concernant une propriété affectée d'un vice. Il ne faut jamais oublier l'objectif de l'avis, et l'objectif de l'avis, c'est de faire en sorte que les tiers puissent avoir une mesure pour être mis au fait d'une situation d'un terrain donné.

À titre d'exemple, en vertu de l'article 31.44, seule l'ordonnance est visée par cette mesure de publicité foncière. Ainsi, ce n'est que dans la mesure où le ministre a pu délivrer une telle ordonnance qu'une mention apparaîtra au registre, tout le monde le convient. Dans le cas où cette ordonnance visera le gardien d'un terrain qui pourrait faire valoir l'un des motifs d'exclusion prévus à 31.43, par exemple l'ignorance de l'état de contamination, il n'y aura donc aucune ordonnance qui sera délivrée pour ce terrain pourtant contaminé et, en conséquence, il n'y aura aucune inscription au registre foncier. Le terrain n'en demeurera pas moins contaminé, mais, dans ce cas-là précis, donc la non-connaissance ou la prétention de la non-connaissance du gardien... Alors, dans ce cas-là précis, aucune publicité foncière ne l'indiquera faute d'avoir prévu l'obligation d'inscrire un avis à cet effet, tout ça par le biais du deuxième tiret de l'article 31.43, donc des causes d'exclusion.

Par ailleurs, on ne manquera pas de nous référer aux dispositions des articles 31.49 et 31.58 du projet de loi, lesquelles prévoient la possibilité pour le ministre d'ordonner l'exécution d'une étude de caractérisation de terrain et son inscription éventuelle au registre foncier. Toutefois, cette ordonnance ne concernera, encore une fois, que les mêmes personnes visées par l'article 31.43. Il est donc à craindre que son application soit fort difficile dans les cas où, encore une fois, un gardien de terrain contaminé déclarera ignorer cet état de fait. Dans cette hypothèse, nous devons donc en conclure que cet avis ne pourra jamais être inscrit, et cela, dans tous les cas où on ne peut ordonner à un gardien de terrain de s'exécuter.

Comme notre préoccupation vise particulièrement l'identification du terrain contaminé au registre foncier, c'est surtout à ce chapitre qu'il faudra dissocier, selon nous, l'inscription des autres obligations de réhabilitation. En somme, il faudra s'assurer que, même lorsqu'il sera impossible de forcer un pollueur ou un gardien de terrain contaminé à le réhabiliter quel qu'en soit le motif, un avis de contamination devrait apparaître au registre foncier. Nous vous recommandons d'introduire une disposition habilitant le ministre à procéder à l'inscription au registre foncier de tout avis de contamination d'un terrain remplissant les conditions prévues à l'article 31.58 en y apportant évidemment les adaptations nécessaires.

Le deuxième point, concernant la notification de l'ordonnance au créancier hypothécaire inscrit au registre foncier, prévue à l'article 31.44. Cette disposition appelle un commentaire. Le créancier hypothécaire... Oui, deux minutes. Le créancier hypothécaire bénéficie de cet avantage en raison du fait que la valeur de sa créance peut être affectée par l'état de contamination du bien hypothéqué. Ainsi, nous pourrions imaginer que le créancier hypothécaire, maintenant averti, pourra refuser de renouveler un prêt hypothécaire jusqu'à ce qu'il obtienne les garanties suffisantes de la qualité ou de l'avis de décontamination.

Il est permis de s'interroger sur la pertinence d'étendre cet avantage conféré au créancier hypothécaire à d'autres détenteurs de droits réels. L'usufruitier, par exemple, d'un bien ou d'un terrain n'aurait-il pas, tout autant que le créancier hypothécaire, intérêt à être notifié? En conséquence, nous recommandons d'élargir la portée de l'obligation de notification énoncée à l'article 31.44 à l'ensemble des détenteurs de droits réels sur la propriété visée.

Un autre aspect de cette notification doit également être abordé. Seul l'article 31.44 prévoit la notification de l'ordonnance au bénéfice du propriétaire du terrain ou du créancier hypothécaire. Nous ne mettons sûrement pas en doute l'intérêt du créancier hypothécaire à être informé de la délivrance d'une telle ordonnance. Cependant, ne sera-t-il pas également utile de prévoir cette obligation de notification dans tous les cas où d'autres avis sont susceptibles d'être publiés? Par exemple, n'est-il pas tout aussi important pour le créancier hypothécaire de connaître l'existence d'un avis de contamination inscrit au registre foncier aux termes de l'article 31.58?

Cette remarque vaut également à l'égard de tous les documents, plans de réhabilitation ou autres dont la notification au propriétaire du terrain est obligatoire, notamment dans le cas où ce dernier doit en approuver les termes, tel qu'énoncé à l'article 31.46. En conséquence, nous recommandons que soit élargie à l'ensemble des documents avis, plans ou autres susceptibles de faire l'objet d'une inscription au registre foncier ou d'une notification au propriétaire l'obligation d'une notification au créancier hypothécaire, tel que formulé à l'article 31.44.

Et, finalement, enfin quelques mots sur la question des experts habilités en vertu du projet de loi. En juin 2001, nous vous avions fait part de notre approbation à l'égard des modifications apportées à l'article 31.63 du projet de loi n° 56. Nous étions satisfaits des termes de ce nouvel article, lequel correspond à l'entente ? à tout le moins, je vais commencer ? l'entente conclue avec les différents intervenants concernés. L'article 31.65 du projet de loi n° 72 est, à toutes fins pratiques, identique. La prestation des avis par des experts habilités par le ministre, selon nous, est essentielle compte tenu qu'il s'agit d'un champ de pratique évolutif nécessitant des connaissances pointues. Le rôle que joueront ces experts permettra en effet de sécuriser les différents intervenants au dossier. Je vous remercie, M. le Président. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, Me Marsolais. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. le député. Alors, Me Marsolais, Me Plante, Me Simard, Me Lachance, bienvenue parmi nous. Merci d'avoir répondu à notre invitation. Et permettez-moi d'abord, très brièvement, de saluer la qualité de votre mémoire et la pertinence de vos réflexions, vous remercier également pour votre précieuse collaboration au cours des mois qui ont précédé cette rencontre. Vous ne recevez que des louanges, et je tiens à vous les retransmettre ainsi qu'à l'ensemble de votre belle équipe.

n(11 h 50)n

Maître, vous me permettrez d'aller un peu dans la candeur et de faire étalage de mon ignorance du vaste monde de la culture juridique et plus particulièrement notariale. J'ai écouté avec attention et intérêt vos recommandations, cela a sonné quelques cloches qui me permettront d'avancer dans ma réflexion.

Vous me permettrez évidemment de porter mon attention sur un des points centraux, sinon le point central de votre recommandation. Vous déplorez que la règle d'attestation des avis par un notaire ou un avocat n'ait pas été retenue, donc maintenue comme obligatoire dans le projet de loi n° 72. Vous avez longuement abordé ce thème, vous l'avez beaucoup développé, vous me permettrez, là, de poursuivre dans cette veine, histoire de pouvoir en apprendre davantage et échanger là-dessus.

J'ai devant moi l'article 2995 du Code civil du Québec, que je vous lis rapidement histoire de se mettre à niveau. Vous le connaissez sans doute, vous pourriez peut-être sans doute me le dire par coeur, mais quand même: «Pour l'inscription sur le registre foncier des déclarations de résidence familiale, des baux immobiliers ou des avis prévus par la loi, à l'exception des avis requis pour l'inscription d'une hypothèque légale ou mobilière, ou de l'avis cadastral d'inscription d'un droit ? et j'attire votre attention sur le bout qui reste ? les documents présentés n'ont pas à être attestés par un notaire ou un avocat, mais par deux témoins, dont l'un sous serment.»

Je suis sûr que le député de D'Arcy-McGee pourra m'en apprendre davantage dans les semaines qui viennent là-dessus, mais comment placez-vous vos propos en perspective de cet article? Et en quoi l'intervention d'un notaire ou d'un avocat apporterait-elle une plus-value qui nous assurerait de la validité complète des informations recueillies? Donc, n'y a-t-il pas là, autrement dit, une formalité? Ne demandez-vous pas une formalité dont on pourrait se passer? Je me fais l'avocat du diable en vous posant la question. Et, si tant est qu'on ne puisse pas s'en passer et qu'on décide de le faire, à votre avis, les coûts de ça, très concrètement, ce serait quoi? Voilà.

M. Marsolais (Denis): Alors, écoutez, vous avez plusieurs questions, on va commencer par la première. Votre référence à l'article 2195, si on le met en parallèle avec l'article 2199 dans le cas... 2999 dans le cas d'un bail commercial, évidemment, il y a certaines formes d'avis où le législateur n'a pas vu une nécessité que cet avis-là soit attesté ou que l'identification était d'une importance telle qu'elle soit attestée par un notaire ou un avocat, sauf que, dans le projet de loi qui nous concerne ce matin, l'incidence de l'information a un caractère, vous en conviendrez, tout à fait exceptionnel et important pour l'ensemble de la population. Première partie de réponse.

Deuxième partie de réponse...

M. Plante (Roger): Est-ce que vous me permettez de compléter?

M. Marsolais (Denis): Oui.

M. Plante (Roger): Ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que le mode de publicité par avis prévu au Code civil, entre autres par l'article 2995, en matière de publicité foncière est un mode de publicité exceptionnel. On privilégie, au niveau du registre foncier, l'inscription par l'acte lui-même, par extraits de l'acte ou encore par attestation, effectivement, par un notaire ou un avocat. L'inscription de l'avis par 2995 est donc une mesure exceptionnelle de publicité des droits qui est prévue au Code civil. Ce qu'il faut aussi comprendre, dans l'article 2995, l'avis qui est donné est toujours au bénéfice de la personne qui le requiert, c'est-à-dire que, exemple, la déclaration de résidence familiale vise essentiellement à protéger l'époux ou l'épouse propriétaire de la résidence familiale contre la possibilité par le conjoint d'en disposer par la suite sans son consentement.

L'inscription de l'avis qui est recherché ici, dans notre cas, est à l'effet tout à fait inverse, c'est-à-dire qu'à ce moment-là le but, le pourquoi de l'inscription de l'avis, c'est la divulgation de l'information aux tiers, ce qui est tout à fait l'effet inverse de l'inscription de l'avis prévue à 2995. Donc, ce qu'il faut s'interroger lorsqu'on y va par l'avis et par l'attestation, c'est de dire que le mode de publicité qui est emprunté est celui de divulgation, donc c'est l'obligation de divulguer, alors que l'attestation vient définir l'intensité de l'obligation, parce que, lorsqu'on publie par le biais de l'attestation, c'est la fiabilité de l'information contenue dans l'avis qui est mise en doute. Est-ce que je suis suffisamment clair pour répondre à votre question?

M. Simard (Montmorency): En partie, cher maître. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Plante (Roger): En fait, l'avis qui est prévu à 2995 est au bénéfice de la personne qui le requiert, alors que l'avis prévu par le projet de loi n° 72 est au bénéfice des tiers. Vous comprendrez la différence, la fiabilité de l'information qui doit y être contenue et la nécessité de requérir à l'expert pour établir cette obligation d'information là.

M. Marsolais (Denis): Et il faut s'assurer que l'information qui va être publiée au Bureau de la publicité des droits, donc qui va être consultée par l'ensemble de la population, que ces informations-là soient fiables et que ces informations-là et que l'avis aient été déposés par la bonne personne. Et la seule façon de s'assurer de la fiabilité et que l'avis soit déposé par la bonne personne, c'est que l'intermédiaire est un notaire ou un avocat.

M. Simard (Montmorency): Quant aux coûts potentiels?

M. Marsolais (Denis): Quant aux coûts, écoutez, ils seront sûrement très raisonnables, comme d'habitude.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Ils seront sûrement très raisonnables et ils seront très marginaux eu égard à l'ensemble des coûts qu'on peut retrouver dans ce type de dossier là. Alors, écoutez, c'est un avis qui sera rédigé et appuyé par un notaire, qui fera en sorte... C'est plus une vérification qu'un avis, alors ce n'est pas des coûts... Ce n'est vraiment pas des coûts importants.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup pour la qualité de vos réponses.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia.

M. Marsolais (Denis): Comprenez que notre intervention au niveau de l'importance de l'avis est... Ce n'est surtout pas pour les notaires et les avocats, là.

M. Simard (Montmorency): On se comprend très bien.

M. Marsolais (Denis): C'est vraiment dans l'objectif que les informations soient fiables au niveau de la publicité des droits. Merci.

M. Simard (Montmorency): Merci, maître.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. Aux pages 11 et 12, vous revenez sur toute la question des recours civils. Vous vous réjouissez de l'article 31.50 où on place bien que ça n'éteint pas la possibilité d'avoir des recours civils pour une tierce personne. Et, moi, je vais utiliser un terme qui n'est pas souvent utilisé, mais que vous connaissez sûrement comme notaire, «superfétatoire», alors qui n'ajoute rien, qui est rajouté inutilement. Et vous amenez encore l'idée d'élargir la réserve des recours civils à toute personne qui a pu ou pourrait souffrir d'un dommage découlant directement de la contamination d'un terrain. Alors, moi, il y a quelque chose que je voudrais que vous éclaircissiez par rapport à tout ça, parce que, compte tenu que l'ordonnance du ministre n'influe pas sur les recours civils à un tiers, bon, on est d'avis que la formulation actuelle ne brime pas une tierce partie. À mon idée, ça n'éteint pas ça. Pourquoi voudriez-vous que le projet de loi n° 72 contienne une telle mention? Il me semble que ça m'apparaît superfétatoire. Alors, dites-moi que ça ne l'est pas. Pourquoi y tenez-vous?

M. Plante (Roger): La préoccupation qui a été exprimée par le commentaire que vous retrouvez au mémoire est celle qu'en écrivant un texte qui réserve le recours, qu'on vienne effectivement faire l'inverse, c'est qu'on vienne limiter la possibilité de recours aux cas prévus par l'article 31.50. Et la façon dont l'article est libellé, on dit: «Toute ordonnance rendue en vertu de 31.43 ou 31.49 est sans préjudice des recours civils dont peut disposer la personne ou la municipalité visée par l'ordonnance.» Ce qu'il faut retenir, c'est «la personne ou la municipalité visée par l'ordonnance». Est-ce que, ainsi rédigé, la loi ne viendrait pas réserver la possibilité de recours uniquement à la personne ou la municipalité visée par l'ordonnance? Or, qu'en est-il d'un voisin qui, lui, serait contaminé, dont la propriété serait contaminée, dont le sol serait contaminé et qui voudrait effectivement, à ce moment-là, se faire rembourser des frais si par la suite il devait lui-même procéder à des réhabilitations contre la personne qui est tenue à pareilles réhabilitations?

Donc, il faudrait que le texte dise «dont peut disposer notamment la personne», donc ne pas venir inclure uniquement la personne ou la municipalité visée par l'ordonnance, mais généralement toute autre personne qui pourrait avoir subi un préjudice suite à la contamination par migration provenant d'un sol voisin. C'était ça, le but, c'était... Mais, effectivement, sur le principe très simple de la responsabilité qui est prévu dans les lois statutaires, qui est prévu dans le Code civil, on aurait pu comprendre que cet article-là, entre guillemets, était inutile. On a voulu venir conserver et enchâsser la possibilité, la réserve de recours, mais, ce faisant, il ne faut pas non plus la limiter aux personnes visées par le projet de loi.

Mme Doyer: Mais, au-delà de ce projet de loi, il me semble que ça n'éteint pas tous les recours civils que les individus, les personnes, les voisins peuvent encourir par rapport à une poursuite due à la contamination. Puis, dans le projet de loi, il me semble qu'on en parle, je ne me souviens plus à quel endroit, mais que, par exemple, les eaux qui pourraient éventuellement aller chez les voisins dans un ruisseau ou, je ne sais pas quoi, par une activité industrielle ou quelle qu'elle soit... Il me semble que ça n'était pas ces possibles recours.

n(12 heures)n

M. Plante (Roger): Effectivement, je ne crois pas et on ne croit pas, lorsque le mémoire a été rédigé, que ça soit le cas, mais le but du commentaire était de mettre en garde que, en précisant expressément la réserve de recours, que cette réserve de recours ne se fasse qu'en faveur des personnes qui sont visées par l'article. C'est uniquement ça. C'est pour ça que nous croyons que «dont peut disposer notamment» serait à ce moment-là une réserve pour indiquer que ce n'est pas uniquement les personnes visées par l'article qui pourraient à ce moment-là avoir des recours.

Mme Doyer: D'accord. D'accord. Donc, ça... Puis là vous ne l'avez pas précisé, mais là vous nous le dites...

M. Plante (Roger): Bien là je vous le dis parce que le...

Mme Doyer: ...l'ajout de «notamment» à côté du mot... «peut disposer notamment».

M. Plante (Roger): Effectivement, parce que le texte ne nous semblait pas suffisamment clair pour pouvoir arriver à une interprétation aussi étendue.

Mme Doyer: On le reçoit. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Alors, MM. Marsolais, Plante, Simard et Lachance, merci infiniment d'être avec nous aujourd'hui. Peut-être vous rappeler qu'entre le 156 et le 72 ? je regarde le nombre de pages ? c'est évident que le législateur a compris votre message en grande partie, et vous avez aidé à changer le cours de l'histoire, j'en suis convaincu, dans ce projet de loi là. Vous nous avez permis, vous avez permis au gouvernement de retirer le projet de loi, de le réécrire en grande partie et de nous revenir avec un projet de loi qui semble être beaucoup plus acceptable à beaucoup plus de monde.

Une fois ça dit, nous avons le très grand plaisir chez nous et le très grand honneur d'avoir un notaire parmi nous, et très bon notaire et très bon député. Et il a aidé effectivement, au moment de 156, à poser des questions très, très, très précises, très pointues au ministre. Et je dis au nouveau ministre: Attention, quand Lawrence Bergman pose des questions, ne pensez pas que c'est la dernière. Il a cette capacité de revenir avec une deuxième et une troisième et une vingt-huitième et de finir par savoir ce qu'il veut bien savoir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: Alors, une fois ça dit, je vais le laisser poser les questions, M. le Président, si vous me le permettez, à nos invités aujourd'hui.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, j'espère que votre torture ne sera pas trop difficile entre collègues. Allez-y.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Premièrement, je remercie le député d'Orford pour ses bonnes paroles envers moi. Je le remercie beaucoup. J'apprécie beaucoup. Me Marsolais, Me Plante, Me Simard, Me Lachance, c'est un honneur que vous soyez devant nous aujourd'hui et, pour moi, c'est un grand honneur d'être confrère et d'être notaire. Et je tiens à cet honneur, et le fait que je sois notaire, c'est d'une grande importance pour moi, et j'y tiens avec beaucoup d'honneur.

Vous avez dit que la question d'attestation, c'est pour être certain de la fiabilité de l'information contenue dans l'avis. Mais j'aimerais retourner à cette question. À la page 7 de votre mémoire, vous dites: «Les utilisateurs des registres publics doivent non seulement bénéficier d'une information fiable, ils doivent [...] avoir la certitude, avant même de la consulter, qu'elle l'est.» Mais, à la page 5, vous dites que «le notaire ou l'avocat ne peuvent se prononcer sur l'exactitude du contenu de l'avis qui résume une étude de caractérisation, puisqu'ils ne possèdent pas l'expertise nécessaire pour attester que la situation décrite est bien celle de l'immeuble concerné.»

Alors, vous avez commencé votre présentation en disant que la fiabilité de l'information contenue, c'est la raison pour l'attestation. Mais, dans votre présentation, vous dites que le notaire et, vous avez raison, l'avocat ne peuvent se prononcer sur l'exactitude du contenu. Et, à un moment... et vous expliquez l'attestation en disant qu'on atteste que l'expert est vraiment l'auteur, que l'expert est sur la liste, vous donnez une identification d'une personne qui a fait une inscription. Alors, ça, c'est des formalités pour éviter, disons, une situation de fraude.

Mais, pour cette commission parlementaire, je pense que c'est important d'expliquer pourquoi parce que, si le notaire ou l'avocat ne peuvent pas se prononcer sur l'exactitude du contenu, sur quoi est-ce que la société est protégée si on a seulement une protection contre une situation de fraude, l'attestation de l'expert qui est l'auteur, le fait qu'il est sur la liste, le fait qu'on identifie la personne qui a fait l'avis. Je pense que c'est important que cette nuance soit expliquée à cette commission parlementaire.

M. Plante (Roger): Écoutez, ce qu'il faut comprendre dans la question de l'attestation et du mode de publication au registre foncier, c'est qu'il faut comprendre peut-être l'avis qui, en soi, est l'avertissement et le résumé de l'expert qui est le contenu ou le résumé de l'avertissement. Et ce qu'on indique, nous, et ce qu'on prône, c'est qu'il y ait une mesure de publicité foncière relativement à l'état de contamination d'un sol; c'est une chose qui est importante que l'information soit divulguée aux tiers.

Quand il arrivera maintenant l'appréciation du risque, des impacts, de la toxicologie, de l'écotoxicologie, des impacts sur la nappe souterraine, là ça devient une question de l'expert de rédiger le contenu, le résumé, parce que 31.58 vous dit, au paragraphe 3°, que l'avis de contamination doit contenir, outre la désignation du terrain, un résumé de l'étude de caractérisation, attesté par un expert visé à l'article 31.65, énonçant entre autres ? entre autres ? la nature des contaminants présents dans le terrain.

Il faut donc comprendre que l'avis, le résumé qui pourra être donné par l'expert peut contenir, bien évidemment, la nature des contaminants mais différentes opinions qui nous permettent d'apprécier et, aux experts, de juger du risque. Exemple, vous pouvez avoir une mention quant à la hauteur de la nappe phréatique. Vous pouvez avoir des mentions quant à la percolation du sol. Vous pouvez avoir des mentions quant aux types de polluants que l'on retrouve dans le sol. Donc, tout ça devient une question d'expert, devient une question de science, devient une question de biologie que, dans le domaine juridique... Je pense que le simple citoyen n'est pas nécessairement concerné. Ce que le simple citoyen doit savoir, s'il veut s'approprier des sols, s'il veut s'en porter acquéreur, s'il veut les utiliser, c'est si le sol en question est, oui ou non, contaminé.

Donc, la mesure... La fiabilité de la publicité foncière, c'est la connaissance de l'existence d'un état de situation relativement à un sol. Quel est le type de contamination, quel est le problème qu'on puisse y rencontrer, quels sont les risques et les impacts environnementaux qui peuvent se rattacher à la présence de contaminations qui sont dans ce sol-là, c'est une chose tout à fait distincte. Mais, nous, ce qu'on a prôné, ce qu'on a défendu dans le mémoire qu'on vous présente, c'est le fait que la mesure de publicité, lorsqu'elle est faite, doit être conforme à la loi et qu'elle doit contenir les éléments qui sont prévus au mode de publication. C'est le but recherché par notre intervention.

M. Bergman: Quels seraient les éléments minimaux qu'on doit trouver dans cet avis, pour le bénéfice de la commission parlementaire?

M. Plante (Roger): Bien, écoutez, c'est celui qu'on vous mentionne, dont notre président vous a fait lecture tout à l'heure. En fait, c'est dans l'attestation par le notaire et l'avocat; c'est qu'il a vérifié l'identité, la qualité et la capacité des parties. Donc, s'assurer que la personne qui publie l'avis est la bonne personne, s'assurer que la personne qui a fait l'expertise est un expert visé par l'article 31.65, donc la validité de l'acte quant à sa forme, et que le document contient les éléments prévus par la loi. Donc, c'est le genre d'attestation qu'on retrouve dans le mode actuel de publicité foncière mais qui est un peu adapté compte tenu des difficultés relativement au volet scientifique que peut contenir l'avis à ce moment-là et que le notaire ou l'avocat ne peut pas attester.

M. Bergman: Et, juste pour notre information, sans cette attestation, quelles sont les négatives... Comment est-ce que vous voyez la situation? Est-ce que les avis peuvent être présentés par n'importe quelle personne? Quels seront les effets négatifs?

M. Simard (Jean-Claude): Est-ce qu'on peut penser éventuellement, lors du dépôt d'un avis ou d'une ordonnance prévu en vertu du projet de loi n° 72, que l'avis soit mal déposé éventuellement contre un mauvais terrain ou pour plus que le terrain n'est contaminé? Ça peut être une façon pour le notaire ou l'avocat, lors du contrôle à l'attestation, de venir s'assurer éventuellement que l'avis de l'expert sera porté contre la bonne propriété, celle qui peut être contaminée, et qu'il ne touchera pas éventuellement d'autres terrains en causant ainsi un préjudice à autrui. Il y a une question de sécurité dans le dépôt de l'avis en tant que tel.

M. Plante (Roger): Il y a toute la question aussi du détenteur des droits réels. Si jamais on allait au détenteur des droits réels, il faut retrouver les créanciers hypothécaires, il faut retrouver les personnes qui ont des droits réels contre l'immeuble. Ce qu'il faut aussi comprendre, dans le contexte où il y a une ordonnance, par exemple, qui est rendue contre la personne visée par l'ordonnance, c'est que cette personne devra accomplir fidèlement les obligations que prévoit la loi. Or, on comprend que, dans ce contexte-là, la personne qui s'inscrit est un peu en situation d'autoflagellation, elle se punit en publiant contre elle-même un avis. Vous comprendrez que son empressement à avoir le réflexe d'en mettre plus que le client en demande risque d'être drôlement amputé. La volonté va être ramenée au minimum prévu par la loi. Donc, cette attestation-là va s'assurer de la conformité.

n(12 h 10)n

M. Marsolais (Denis): Et on risque, sans cette attestation-là, de se retrouver avec des avis qui sont totalement différents, tout en respectant indirectement ou directement le libellé de la loi, mais il n'y aura pas d'uniformité dans ce titre d'enregistrement de cet avis-là, de telle sorte que le citoyen ne s'en sortira pas, là. Alors que, si on effectue une attestation systématique dans tous les cas, il se créera par la force des choses une uniformité de publication de ces types d'avis là pour faire en sorte que toutes les personnes qui vont être en mesure de consulter ces avis-là puissent s'y retrouver.

M. Bergman: Si je peux retourner à un autre domaine, la question de pollueur-payeur. Il y a ceux qui prétendent que, par ce projet de loi, on déroge de ce principe important, que le détenteur d'un terrain sera dorénavant responsable des faits qu'il n'a pas causés et qu'on déroge à un principe important du Code civil. Est-ce que vous avez des commentaires?

M. Plante (Roger): Écoutez, c'est clair que maintenant le principe du pollueur-payeur est maintenu, mais qu'on s'oriente aussi vers une notion que, moi, je qualifierais du gardien diligent qui devient un peu le moyen de défense pour la personne qui est propriétaire d'un terrain, ou est utilisateur, ou gardien; un contrôle du terrain contaminé. Nous croyons toujours, pour être de ceux qui ont discuté de la présentation de ce mémoire-là, que le principe du pollueur-payeur est un principe en soi fort louable et qui, à travers le projet de loi, est jusqu'à un certain point conservé. Sauf que la difficulté du pollueur-payeur, c'est que souvent cette politique-là ne donne pas de résultat et ne règle pas les problèmes de sols contaminés, c'est-à-dire que vous constatez au cours d'une transaction immobilière qu'il y a eu un propriétaire antérieur qui a eu des activités industrielles ou commerciales qui ont entraîné la pollution, mais ce citoyen-là propriétaire est décédé, est en faillite, est disparu, n'existe plus. C'est beau pour trouver la source de la pollution, c'est bien pour trouver le propriétaire du polluant, mais ça ne remédie en rien à la situation où le sol est contaminé. Et il faut absolument trouver des solutions à ces problèmes-là.

J'écoutais, juste avant, attentivement les représentants de Montréal. On comprend que, dans des milieux industriels, on se retrouve avec une multitude de terrains pollués. S'il y en a 4 000 à Montréal, il y a à présumer qu'il y a eu au moins 4 000 propriétaires, mais je vous dirais: Essayons donc ensemble de les retrouver et d'appliquer ces... C'est un principe en soi qui est très valable, mais qui ne donnera pas les solutions recherchées parce qu'il faut comprendre qu'en matière d'environnement, c'est une loi d'intérêt public. C'est une loi de protection du public et c'est un projet de collectivité qu'on doit tous à notre manière un peu porter et supporter.

M. Bergman: Vous avez mentionné que ? une autre question ?«créancier hypothécaire» doit être étendu à tous ceux qui ont des droits réels sur le terrain. Est-ce que vous pouvez expliquer comment... qui va déterminer qui ont ces droits? Comment ça sera fait? Et est-ce que... Si on restreint cette notification de «créancier hypothécaire», quelles seraient les négatives de la situation courante?

M. Marsolais (Denis): Bien, évidemment, on vous a énoncé auparavant la pertinence d'informer non seulement le créancier hypothécaire, mais les autres détenteurs de droits réels. Qui maintenant pourrait dresser la liste des personnes détenant un droit réel sur une propriété? Bien, évidemment, dans le cas où il y aura une attestation, soit par un notaire ou par un avocat, la personne habilitée à faire l'inventaire des personnes détenant un droit réel, ce sera fait par l'avocat ou par le notaire, ce qui pourrait être annexé à l'avis en soi pour faire en sorte que soit le directeur du Bureau de la publicité des droits avise pour les gens qui ont publié un avis d'adresse, parce que des gens qui détiennent un droit sur un immeuble habituellement publient un avis d'adresse pour que, si jamais leur droit est en péril, le directeur du Bureau de la publicité les avise. Alors, cette liste-là, effectivement, pourrait être dressée par le professionnel juriste au dossier.

M. Bergman: Une petite question. Vous avez dit: Imaginez la situation où le créancier hypothécaire, averti de la situation par un avis, peut maintenant refuser de renouveler une hypothèque. Et on pense à une situation où l'hypothèque vient presque à échéance, l'avis est enregistré, il n'y a aucun renouvellement, subséquemment il y a une action en recouvrement du créancier hypothécaire. Le propriétaire ne peut faire aucune chose, son terrain a un avis. Alors, il est pris, il peut subir un grand préjudice. Il y a ceux qui disent que l'avis d'ordonnance prévu à l'article 31.43 doit faire l'objet d'un préavis spécifique au propriétaire pour lui donner la chance de se défendre avant l'enregistrement de l'avis. Est-ce que vous avez des pensées sur ce sujet?

M. Marsolais (Denis): C'est un délai qui peut être accordé au propriétaire pour établir... en tout cas, soit... j'essaie de voir en pratique, là, un plan de réhabilitation avec les coûts estimés et tout ça, mais l'état de fait ne changera pas, là, face au créancier hypothécaire. Mais je vous avoue qu'en pratique ça risque de moins en moins d'arriver, puisque la... ? en tout cas, s'ils ne le font pas, ils vont le faire davantage, là ? la majorité des créanciers hypothécaires, de façon presque systématique, vont obliger l'emprunteur à procéder à une étude de caractérisation pour s'assurer que l'immeuble, sur lequel va être grevée une hypothèque, ne contient pas de polluants qui pourraient affecter sa créance éventuellement. Alors, évidemment, je vous dirais, dans quelques années, cette problématique-là risque de ne pas arriver parce que les créanciers hypothécaires, d'autant plus que s'ils deviennent gardiens ou s'ils reprennent l'immeuble, aux termes de la loi, si on comprend bien, pourraient être tenus responsables. Alors, rassurez-vous, je suis convaincu que les créanciers hypothécaires vont prendre toutes les mesures nécessaires pour ne pas se retrouver dans cette situation problématique.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs de la Chambre des notaires du Québec, pour votre présence ici aujourd'hui et votre participation aux travaux de la commission. Et là-dessus, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

 

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux, et je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de loi n° 72, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains. Alors, nous allons poursuivre nos travaux amorcés cet avant-midi, et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire durant la séance.

Nous allons, tour à tour, entendre les représentants de l'Association des banquiers canadiens, par la suite le Centre patronal de l'environnement du Québec, ensuite l'Institut de développement urbain du Québec, vers 16 h 15 le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec et, enfin, le Barreau du Québec vers 17 heures.

Alors, je vois que les représentants de l'Association des banquiers canadiens sont déjà très ponctuels. Bienvenue, messieurs, et je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez une présentation de 15 minutes.

Association des banquiers canadiens (ABC)

M. Desroches (Pierre): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Pierre Desroches. Je suis ici en ma qualité de premier vice-président du Comité du Québec de l'Association des banquiers canadiens qui regroupe toutes les banques à charte faisant affaire au Québec, mais j'occupe aussi la fonction de vice-président exécutif à la Banque Nationale du Canada. Permettez-moi d'abord de vous présenter les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Carol Charbonneau, analyste principal au Service du crédit aux entreprises à la Banque Nationale du Canada; et, à ma droite, M. Jacques Hébert, directeur pour le Québec de l'Association des banquiers canadiens et Mme Daniel Ferron, conseiller juridique à l'Association des banquiers pour le Québec.

Le temps nous étant compté, j'entrerai immédiatement dans le vif du sujet.

La direction du Québec de l'Association des banquiers canadiens, connue sous l'acronyme ABC, est heureuse de l'occasion qui lui est offerte de présenter aux membres de la commission des transports et de l'environnement de l'Assemblée nationale le fruit de ses réflexions sur certains aspects de la loi faisant l'objet de la présente consultation.

Comme l'a fait valoir l'ABC à plusieurs reprises dans le passé, les banques ont à coeur, et ça depuis longtemps, la protection de l'environnement. Elles se sont donné à travers les années des règles détaillées à suivre afin de tenir compte notamment des considérations environnementales dans le processus d'examen des demandes de prêt. Depuis un certain nombre d'années, nos membres sont particulièrement préoccupés par la question de la responsabilité potentielle des prêteurs en matière d'assainissement des sites contaminés par les emprunteurs. Dans le cadre de nombreux débats et de la révision des législations sur la responsabilité à l'égard des sites contaminés à travers le Canada, l'industrie bancaire a accordé son appui à une série de principes directeurs qui, croit-elle, assurent un équilibre entre les préoccupations de tous les intervenants. À notre avis, ces principes favorisent le développement durable. C'est pourquoi ils sont de plus en plus reconnus par les gouvernements à travers le pays et intégrés dans les lois environnementales.

Les principes que nous appuyons sont au nombre de neuf et se résument comme suit.

Le premier principe, bien connu, du pollueur-payeur est à l'effet que ceux qui causent une contamination à l'environnement ou des dommages environnementaux de même que ceux qui y contribuent devraient être tenus responsables des coûts liés à ce problème qu'ils ont créé. Les parties qui ne sont pas responsables de cette pollution, notamment les prêteurs, ne devraient pas être tenues responsables des coûts du nettoyage.

Le deuxième principe concerne la responsabilité limitée du prêteur. Ce principe suppose que la loi devrait clairement permettre au prêteur de détenir une garantie sur la propriété d'un emprunteur et de prendre des mesures pour protéger la valeur de cette garantie et même pour la réaliser, y compris détenir un titre à cette fin, sans crainte d'hériter de la responsabilité liée à une contamination existante.

Le troisième principe favorise la responsabilité du nettoyage proportionnelle à la responsabilité de la contamination. Ainsi, nous croyons que la responsabilité du nettoyage d'un terrain contaminé devrait être individuelle et non solidaire. Une personne dont la responsabilité à l'égard d'un problème environnemental est mineure ne devrait être tenue de payer que les coûts liés à cette portion et non la totalité des coûts du nettoyage.

Le devoir de déclarer l'information liée à la contamination constitue le quatrième principe. À notre avis, la loi doit imposer aux propriétaires et aux exploitants l'obligation de déclarer aux acheteurs, aux prêteurs et aux autres intervenants toute l'information dont ils disposent sur la contamination des sites qu'ils possèdent ou qu'ils occupent.

n(14 h 10)n

Nous croyons par ailleurs que la responsabilité environnementale ne devrait pas être imposée rétroactivement. Tel est le cinquième principe que nous favorisons.

La nécessité de normes environnementales claires et d'évaluateurs qualifiés est le sixième principe que nous appuyons. Son but est d'assurer l'accréditation de professionnels qualifiés en environnement et l'établissement de normes en matière d'enquêtes environnementales.

Nous sommes par ailleurs d'avis ? et c'est le septième principe ? qu'il devrait exister des niveaux variables de nettoyage en fonction de l'usage. Ainsi, le niveau de nettoyage d'un terrain contaminé devrait dépendre de la nature et de l'étendue de contamination ainsi que de l'utilisation que l'on entend faire de la propriété.

Le huitième principe favorise l'application restreinte des superpriorités gouvernementales. Ainsi, les privilèges des superpriorités de l'État, s'il en est, devraient toujours s'appliquer qu'au seul site contaminé.

Enfin, le neuvième et dernier principe concerne plus particulièrement les fiduciaires. Nous croyons, en effet, que les fiduciaires devraient jouir d'une protection similaire à celle dont devraient bénéficier les prêteurs contre la responsabilité injustifiée. La loi devrait reconnaître le caractère unique de leur position en vertu de dispositions distinctes de celles qui s'appliquent aux questions touchant les prêteurs.

D'entrée de jeu et à la lumière de ces principes directeurs, nous sommes d'avis que le projet de loi n° 72 représente un effort louable pour mettre en place de nouvelles mesures législatives visant à promouvoir la protection des terrains ainsi que leur réhabilitation en cas de contamination. Du point de vue de l'industrie bancaire, il constitue une nette amélioration par rapport au projet de loi n° 156 qui avait été présenté en novembre 2000. Il comporte toutefois encore certaines lacunes et mériterait d'être peaufiné à quelques égards, notamment pour mieux tenir compte de la problématique de la responsabilité environnementale des prêteurs et des fiduciaires ainsi que des principes directeurs exposés précédemment.

De façon plus particulière, les mesures proposées devraient, à notre avis, tenir compte davantage des droits des prêteurs et éviter de mettre en péril le financement des entreprises en remettant en cause la valeur des sûretés détenues par les institutions prêteuses et en leur faisant porter le fardeau d'une responsabilité environnementale injuste et parfois même hors de proportion.

Il ne fait nul doute que l'article 31.43, touchant la responsabilité environnementale, a subi d'importantes transformations depuis le dépôt initial du projet de loi n° 156. Cette évolution a été le fruit de nombreuses discussions entre les groupes d'intérêts et les autorités du ministère de l'Environnement. Nous sommes heureux de constater que, dans une certaine mesure, les modifications qui ont été apportées permettaient au prêteur qui a eu, ou qui a présentement la garde d'un terrain contaminé, ou qui est devenu propriétaire, suite à un défaut du débiteur, de se dégager de toute responsabilité environnementale dans certaines circonstances. Malheureusement, les dernières modifications ne vont pas aussi loin que nous l'aurions espéré à la lumière des principes directeurs précédemment énoncés.

En effet, force nous est de constater que les modifications proposées à l'article 31.43 ne correspondent pas à la situation souhaitée des prêteurs. Bien que les banques considèrent tout à fait normal et légitime d'avoir à faire preuve de prudence et de diligence dans la garde d'un terrain contaminé dont elles pourraient éventuellement avoir la possession ou la propriété dans le cadre d'une réalisation de leurs droits, le fait de devoir faire, et je cite, «en conformité avec la loi» ? fin de la citation ? tel que prévu à l'article 31.43, est nettement trop large et général. Cette obligation pourrait aisément être interprétée comme imposant à la personne en cause la responsabilité de se conformer à toutes les obligations pouvant découler de la loi à l'égard de ce terrain, ce que nos membres considèrent inapproprié, inéquitable étant donné leur strict rôle de prêteur.

D'autre part, dans chacun des cas énoncés à l'article 31.43, il reviendrait entièrement à la personne en cause de faire la preuve pouvant amener à conclure à un dégagement de responsabilité. De façon plus particulière, les prêteurs devraient démontrer qu'ils ont rempli adéquatement un devoir de prudence et de diligence. Malheureusement, le projet de loi ne définit pas ce qu'est le «devoir de prudence et de diligence» et ne donne aucune précision quant au sens à donner à ces termes, ce qui fait que nos membres devraient s'en remettre entièrement à la jurisprudence sur cette question.

Nous nous demandons aussi à juste titre qui sera habilité à juger de la responsabilité ou de l'absence de responsabilité du prêteur, puisque le projet de loi est muet sur cette question. En tant qu'entreprises, les banques sont non seulement tenues de se conformer aux exigences législatives réglementaires, mais elles doivent aussi s'assurer d'intégrer la responsabilité environnementale à leurs politiques et à leurs pratiques. Une entreprise bien régie suppose qu'elle respecte les lois, les règlements ainsi que les codes applicables, et qu'elle prenne aussi les mesures pour remédier à la contamination de l'environnement. Des initiatives telles que la prévention de la pollution, la conservation des ressources et le recyclage des opérations sont bénéfiques pour l'environnement et offrent une plus-value aux actionnaires, car elles sont rentables.

Mais, à ce stade-ci, une question se pose, à savoir: Les pratiques actuelles des banques seront-elles suffisantes pour leur permettre de se dégager de toute responsabilité? Or, une lecture attentive du projet de loi n° 72 ne nous a été d'aucun secours sur cette question, et nous ignorons toujours si ces pratiques protègent nos membres à l'égard des risques en matière de responsabilité environnementale. Nous croyons par ailleurs qu'il n'est pas du ressort ni de la compétence des banques de préparer des plans de réhabilitation de sites contaminés par des pollueurs. Nous continuons donc à maintenir qu'il appartient d'abord et avant tout aux pollueurs de défrayer eux-mêmes le coût de leurs erreurs. Les banques ne devraient pas se voir imposer une aussi lourde responsabilité du seul fait qu'elles ont eu ou ont présentement la garde d'un terrain visé par la loi.

Compte tenu de ces commentaires, il nous apparaît que le problème de la responsabilité environnementale des prêteurs n'est malheureusement pas entièrement réglé malgré un progrès dans la rédaction de l'article 31.43. Sur cette question, l'industrie bancaire recommande donc, comme elle l'a fait lors du dépôt du projet de loi n° 156, que le projet de loi n° 72 soit modifié afin que les institutions prêteuses soient clairement dégagées de la responsabilité de décontaminer un terrain dans la mesure, bien sûr, où elles n'ont pas pris part à cette contamination.

À défaut de dispositions dégageant les institutions prêteuses de la responsabilité de décontaminer un terrain, nous demandons à tout le moins que l'article 31.43 soit modifié pour permettre au prêteur qui a la garde d'un terrain de se dégager de la responsabilité environnementale si, connaissant la présence de contaminants dans le terrain, il a agi avec prudence et diligence dans la garde de ce terrain, en éliminant toutefois la notion trop générale de conformité à la loi tel que prévu à la loi.

De plus, nous recommandons que ce même article soit modifié pour établir clairement les éléments de preuve que devra apporter le prêteur pour se dégager de toute responsabilité environnementale.

Nos préoccupations en matière de responsabilité environnementale ne s'arrêtent pas aux seules institutions prêteuses. Le sort des personnes agissant comme fiduciaires ou exécuteurs testamentaires nous intéresse également, puisque le projet de loi n° 72 leur impose une lourde responsabilité du seul fait qu'elles aient la garde ou la propriété d'un terrain dans l'exercice de leurs fonctions. Nous recommandons donc que le projet de loi soit modifié pour prévoir que le seul fait d'être légalement propriétaire ou gardien d'un terrain à titre de fiduciaire ou d'exécuteur testamentaire n'impose pas de responsabilité potentielle et que la responsabilité personnelle du fiduciaire ou de l'exécuteur testamentaire, tout comme celle d'ailleurs du prêteur, ne leur soit imposée que s'ils ont activement exercé un contrôle et ont causé ou exacerbé la contamination par négligence grossière ou par mauvaise conduite volontaire.

Le régime d'agrément d'experts en environnement constitue une autre question ayant retenu notre attention dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 72. De façon générale, nous accordons notre appui aux mesures proposées aux articles 31.65 et 31.67. Toutefois, nous demeurons convaincus que notre recommandation initiale, faite dans le cadre de notre mémoire du projet de loi n° 156, de créer un ordre professionnel habilité à assurer le contrôle et la surveillance des experts en environnement ou intégrer ces professionnels à un ordre professionnel déjà existant serait préférable.

n(14 h 20)n

Par ailleurs, quelle que soit l'approche privilégiée, nous croyons que le régime d'agrément d'experts en environnement à être mis en place devrait mieux définir les mesures visant à assurer un contrôle de la qualité du travail des experts accrédités et prévoir des sanctions pour toute erreur ou négligence ainsi que tout acte fautif ou frauduleux pouvant être commis dans l'exercice de leurs fonctions, assurant ainsi une protection adéquate à ceux qui auront recours à leurs services en vertu des dispositions proposées. À cet effet, nous recommandons l'introduction de dispositions précises visant à mieux responsabiliser les experts agréés et à créer un fonds d'indemnisation financé à même les cotisations obligatoires des experts, ce qui contribuerait, à notre avis, à accroître la confiance des prêteurs, des investisseurs et de tous les intervenants.

Est-ce que je m'arrête ici, M. le Président, ou...

Le Président (M. Lachance): À moins qu'il vous reste quelques secondes, le temps serait...

M. Simard (Montmorency): Vous pouvez poursuivre, M. Desroches.

M. Desroches (Pierre): Oui, il me reste une page, environ.

Le Président (M. Lachance): Sur consentement. Très bien, allez-y.

M. Desroches (Pierre): Outre les éléments fondamentaux qui précèdent, nous aimerions attirer votre attention sur quelques autres points ayant fait l'objet de commentaires dans notre mémoire. Tout d'abord, en ce qui concerne l'hypothèque légale que le projet de loi prévoit accorder à l'État sur les biens de la personne en défaut, nous recommandons, par équité pour les prêteurs ayant déjà une garantie sur les biens de cette même personne, que le dernier alinéa de l'article 31.62 soit modifié afin de restreindre cette hypothèque aux seuls biens immeubles situés sur le site visé, à l'exclusion des biens immeubles situés ailleurs ainsi que sur les biens meubles quel que soit leur site.

Par ailleurs, nous croyons que le gouvernement aurait intérêt à examiner sérieusement l'opportunité de développer un régime d'assurance responsabilité en matière d'environnement pour les entreprises et entreprendre à cet égard, si ce n'est déjà fait, les consultations nécessaires auprès des intervenants du milieu et des parties intéressées.

Dans un autre ordre d'idées, nous suggérons que le projet de loi soit revu afin de mieux baliser les larges pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre et assurer ainsi un meilleur équilibre des forces en présence.

Enfin, nous recommandons que le projet de loi soit revu afin d'inclure les dispositions nécessaires permettant la mise en oeuvre de quatre des principes directeurs énoncés précédemment: d'abord, le principe de pollueur-payeur; l'introduction de règles claires établissant le principe de responsabilité du nettoyage proportionnelle à la responsabilité d'avoir causé la contamination; l'introduction d'une disposition éliminant toute possibilité d'une responsabilité environnementale rétroactive; l'ajout de dispositions permettant d'établir un degré variable de responsabilité pour le nettoyage d'un site contaminé tenant compte de la nature, de l'étendue de la contamination ainsi que de l'utilisation projetée du terrain.

Nous espérons vivement que votre commission et représentants du ministère de l'Environnement tiendront compte des observations de l'industrie bancaire sur le projet de loi n° 72 et nous vous remercions de nous avons donné l'occasion d'exposer nos préoccupations de vive voix. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre délégué à l'Environnement.

M. Simard (Montmorency): Merci à vous, M. le Président. Alors, MM. Desroches, Charbonneau, Hébert et Ferron, soyez les bienvenus parmi nous, et merci également à vous d'avoir répondu à notre invitation. Merci aussi du travail exemplaire que vous avez fait au cours des mois passés, un travail de longue haleine qui s'est avéré d'ailleurs très fructueux, avec le ministère de l'Environnement. Nous vous en sommes tous gré.

J'aimerais saluer la présence, M. le Président, de représentants de l'industrie bancaire qui est reconnue comme l'une des plus solides institutions bancaires de par le monde. C'est grâce, bien sûr, à un appareillage législatif que l'on connaît, mais aussi grâce aux artisans que vous êtes dans le quotidien, et on tient à vous saluer. Et, si je le dis, c'est parce que, M. le Président, on vit trop souvent dans une idée reçue selon laquelle les gens d'affaires, les businessmen, les businesswomen se foutent un peu de l'écologie, hein, se déresponsabilisent de ça comme un extrant secondaire, périphérique, non important, et vous témoignez tout à fait de l'inverse, vous témoignez de citoyens responsables, de gens d'affaires engagés qui ont à coeur la protection et la promotion de l'environnement et de l'écologie. Vous rapprochez les mots «économie» et «écologie» qui ont connu trop longtemps une lente distanciation à travers le temps, et là-dessus également j'aimerais vous lever mon chapeau.

Je suis heureux de constater que vous reconnaissez l'évolution et le bon travail accompli, l'évolution, donc, que vous avez pu lire dans le projet de loi n° 72 par rapport au projet de loi n° 156 et toutes les améliorations que vous avez citées tout le long de votre intervention, et je vous sens toujours avoir un souci d'être très concrets et d'arrimer vos réflexions, là, à des propositions empiriquement observables, là, pour parler en termes scientifiques.

Vous proposez notamment en page 12 ? et c'est en caractère gras ? la création d'un fonds par cotisation obligatoire des experts pour réparer, bien sûr, les conséquences du manquement ou de l'erreur de l'un de ces experts, une proposition qui m'apparaît très constructive et que je reçois de manière très positive. De même qu'en page 13, vous nous parlez... vous nous encouragez à développer un régime d'assurance responsabilité en matière environnementale pour les entreprises. Alors, évidemment on ne peut tout dire et tout écrire dans un mémoire, mais j'aimerais vous entendre développer cette idée... ces deux idées, en fait, de fonds et d'assurance responsabilité.

M. Desroches (Pierre): Bien, la première... En fait, notre proposition comporte deux volets. La première, c'est de vraiment créer un environnement pour que ce qu'on appelle un expert en environnement ou les gens qui ont cette expertise-là ou qui exercent cette expertise-là, on connaisse vraiment... qu'on puisse s'assurer que leurs expertises seront reconnues. Et, dans ce sens-là, pour nous autres, ça donne des règles, ça définit qu'il y aurait des règles... qu'il pourrait y avoir des règles définies sur leur niveau de compétence, comment établir leur compétence et que, effectivement, quand ces gens-là vont sanctionner soit un projet ou soit un rapport qu'on va leur demander sur l'état d'un terrain comme tel, on n'aura pas de mauvaise surprise. Et, accroché à ça, bien je pense que ça devient tout à fait naturel... Dans le cas où il y aurait une erreur, je pense que l'erreur ne devrait pas retourner à ceux qui, de bonne foi, se sont servis de cette expertise-là pour faire un projet et par la suite seraient tenus responsables... d'être obligés d'accomplir certains travaux de nettoyage et de décontamination.

Ce qu'on dit, c'est qu'en fait, si on a une expertise qui se prononce... Puis je pense que tous les experts... Que ce soit dans le domaine comptable, dans le domaine médical, peu importe l'expertise qui est mise de l'avant, lorsque vous avez un expert qui est reconnu dans une science qui est reconnue, effectivement les gens vont agir de bonne foi à partir de cette expertise-là, puis on dit: Bien, s'il existe une situation dans laquelle il y a eu soit une faute professionnelle ou soit un acte frauduleux quelconque, la personne qui a utilisé cette expertise-là ne devrait pas être tenue responsable de cette situation-là. Et dans ce sens-là... C'est au même que les comptables agréés, que les médecins ont des assurances responsabilité. Dans ce sens-là, je pense que maintenant, avec l'importance qu'on accorde et que l'on doit accorder à l'environnement... Je pense qu'il faut encadrer ça par une expertise, un, d'abord qui est reconnue et qui ne peut être copiée ou imitée puis, deuxièmement, qui est secondée par, ce que je pense, une assurance qui viendrait corroborer cette expertise-là.

M. Simard (Montmorency): Et en ce qui a trait au régime responsabilité plus particulièrement?

M. Desroches (Pierre): Bien, on pense que l'Association, ce qu'on tente... Et j'invite mes confrères à aller plus loin s'ils le souhaitent, mais je pense qu'on est rendus à cette étape dans laquelle cette préoccupation... On le sait que c'est une préoccupation qui est large, on sait qu'elle comporte énormément de facettes, et je pense qu'on est rendus à cette étape où on pourrait créer un régime, ce qu'on appelle un régime d'assurance responsabilité ou un régime d'assurance dans lequel on pourrait créer un fonds à l'intérieur de ça qui pourrait servir, pour certaines causes, à corriger l'environnement. Puis je pense qu'autant l'entreprise que l'État, que les prêteurs souhaiteraient l'avènement de ce régime-là qui permettrait, je pense, un meilleur équilibre.

M. Hébert (Jacques): En somme, si vous me permettez, M. le ministre, ce qu'on propose, en deux mots, c'est à peu près ceci. C'est qu'on vous demande, on vous suggère humblement de mettre en place des mesures qui seraient utiles à favoriser l'économie, mais dans une démarche environnementale, mettre en place, donc, des balises qui feraient en sorte que le prêteur, l'investisseur soit à l'aise dans la situation et que l'État, la société soit également protégée parce qu'il y aurait en place une forme de garantie que toutes les parties impliquées non seulement y ont mis du leur, elles sont sérieuses, elles sont respectueuses de l'environnement, mais également, en cas de défaut de l'une des parties, qu'il y ait des choses en place pour corriger rapidement la situation.

n(14 h 30)n

M. Desroches (Pierre): Lorsqu'il existe une situation, la facture n'est pas obligée de revenir à l'État sur une base constante parce que la personne qui a causé ça est insolvable ou les gens qui ont causé cette situation étaient insolvables. Je pense qu'avec un fonds d'indemnisation, ce genre de fonds d'indemnisation là, on pourrait créer un fonds à travers qui pourrait prendre ces situations-là en cause plutôt que de les laisser totalement comme elles le sont actuellement.

Le Président (M. Lachance): Ça va?

M. Simard (Montmorency): Oui, très bien. On aurait pu également parler des «superfunds» américains, mais, en fait, mes collègues voulaient également poser des questions, alors je leur laisserai le temps de parole.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs, à cette commission. Je vais vous amener sur un point de votre mémoire. On a compris, je pense, l'essentiel de votre présentation de mémoire, là, qui est bien centrée. Je pense que tous les gens de la commission l'ont bien saisie, mais je vais vous amener sur un point secondaire, mais quand même très important à la page... Vous parlez, là, des pouvoirs discrétionnaires du ministre. J'essaie de chercher la page...

M. Desroches (Pierre): ...parle de l'hypothèque légale. C'est à partir de la page d'hypothèque légale.

M. Deslières: Oui. Bon, voilà. Et, dans le débat qui fait cours présentement entre les pouvoirs délégués au législateur et à l'exécutif, on voit apparaître dans votre document et de votre Association... Puis, ce n'est pas péjoratif ce que je vais dire, vous dites: Non, un instant, là, nous, on pense que le ministre a trop de pouvoirs ? puis je reprends votre expression, votre mot ? discrétionnaires. Mais, par rapport au projet de loi n° 156, mettant en parallèle le projet n° 72, il y a quand même eu une balisation de ce pouvoir-là. Vous en convenez?

Une voix: Absolument.

M. Deslières: Bon. Est-ce que maintenant l'Association voit le cheminement du gouvernement, voit l'équilibre qui s'établit dans le cadre du projet de loi n° 72 et que, pour votre Association, par rapport à 156, il y a une nette amélioration et que vous soyez satisfaits ou sinon, même la modification et la balisation du pouvoir... Parce que là vous parlez du pouvoir d'ordonnance ? on se comprend bien? ? d'ordonnance du ministre, est-ce que ? je répète ma question ? l'évolution qu'il y a eu par rapport à 156 à 72, ça ne satisfait pas l'Association? C'est ce que je comprends. Même par les efforts d'arriver à un consensus avec vous et d'autres groupes, là, après avoir analysé ça, est-ce que ça ne vous satisfait point?

M. Desroches (Pierre): Il y a effectivement une évolution entre 156 et 72, mais je voudrais juste vous mettre en lumière... Je voudrais vous mettre peut-être en lumière une notion dans une... Je vais vous les mettre en lumière, mais dans une notion d'affaires. Le danger, à l'intérieur d'une superpriorité comme ça, c'est qu'en fait toutes les garanties qu'un prêteur pourrait avoir, peu importe sa source... Ce que ça donne, le pouvoir, au gouvernement, c'est de dire: Je ne me limite pas au site qui a été contaminé, je vais prendre un lien sur toutes les autres propriétés que la personne peut avoir et tous les autres actifs qu'elle peut avoir.

Ce que ça met en lumière dans une situation comme ça, surtout en matière d'affaires, c'est le danger que tous les prêteurs ou les investisseurs mettent sur certains types d'usines ou d'entreprises quelconques. Ce qu'on dit, c'est: Si à un certain moment vous prenez de bonne foi... On va faire un petit scénario, là, puis je pense que je vais peut-être mieux me faire comprendre. Vous avez une entreprise qui fait un «machine shop». En français, je ne sais pas comment le dire, là, mais je pense que tout le monde connaît le terme comme tel.

Une voix: ...

M. Desroches (Pierre): Bien, en fait, ils font de la machinerie. Ils font de la machinerie, et puis ces gens-là utilisent beaucoup d'huile pour travailler. Ça fait que les gens vont venir nous voir, ils vont dire: Pourriez-vous nous prêter sur la bâtisse? Pourriez-vous nous prêter sur l'équipement? Et, puis après ça, ils vont dire: Pourriez-vous financer les comptes recevables? On sait que cette entreprise-là, même si au moment où on est, là, cette entreprise-là est peut-être extrêmement valable, c'est une extrêmement bonne entreprise... Mais le danger potentiel, parce que c'est une sorte de société à risque plus grand que d'autres, ces gens manipulent de l'huile, manipulent des acides continuellement, c'est des gens qui peuvent causer de la pollution volontairement ou involontairement à l'intérieur... Et ça, pour nous autres, ça devient une industrie plus à risque. Même si au départ on a pris toutes les prudences possibles, on a fait inspecter, en fait, on a tous les certificats, il peut arriver un incident dans lequel la personne peut être tenue responsable.

Mais là ce n'est plus juste la partie de l'usine, c'est-à-dire que le gouvernement a le droit d'aller saisir les recevables, a le droit de saisir les autres propriétés, les équipements mobiles. Dans ce sens-là, mettez-vous dans la peau d'un prêteur dont sa garantie repose sur les actifs qu'il a financés et plus à risque. Ce qu'il risque, c'est de financer beaucoup moins ce type... ou être beaucoup plus réticent à financer ce type de société qu'il le ferait. C'est pour ça qu'on dit: Oui, on y croit à ce que le gouvernement puisse prendre des superpriorités, mais effectivement il faudrait, à l'intérieur de ça, que ça soit mieux balisé que ça l'est là encore pour éviter que toutes les entreprises dites à risque, entre guillemets, aient beaucoup plus de difficultés à trouver du financement ou même des investisseurs. Parce que, si vous êtes investisseur puis vous mettez 250 000 $ dans une compagnie, et puis, le lendemain matin, pour une raison quelconque, il y a un incident qui se produit, la responsabilité de l'entrepreneur est en cause, et cet investissement-là va disparaître. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Oui, il y a un avantage entre la 156 et la 72, mais on dit: Il faut encore trouver une façon.

M. Deslières: Mais vous convenez avec moi aujourd'hui qu'il est balisé, ce pouvoir d'ordonnance là, parce qu'on fait référence aux règlements, on fait référence à des contaminations et concentrations excédant ce qui est prévu dans les règlements.

M. Hébert (Jacques): Si vous me permettez, si on colle au texte...

M. Deslières: M. Hébert, un Campivallensien, je vous salue.

M. Hébert (Jacques): En effet, oui. Merci.

M. Deslières: Je vous salue.

M. Hébert (Jacques): Alors, si on lit bien le texte, on a écrit: «Sans vouloir élaborer davantage sur ce point, il nous a semblé...» On n'a pas écrit: Nous avons l'absolue certitude, on dit: «Il nous a semblé, à la lecture du projet de loi n° 72, que les pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre sont passablement étendus, ce qui pourrait mettre en péril ? c'est le conditionnel, ce qui pourrait mettre en péril éventuellement, donc entre parenthèses ? les droits des personnes», etc. «Nous recommandons donc que le projet de loi soit revu afin de mieux baliser les pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre et assurer ainsi un meilleur équilibre des forces en présence.» En somme, on s'est un peu basés sur Saint-Thomas qui prétendait: In medio stat virtus.

M. Deslières: Trente secondes. Même avec votre conditionnel dans vos affirmations, vous demandez quand même qu'il y ait, parce que vous le prenez... C'était une condition, une affirmation parce que là vous dites: Malgré ces conditions-là... Parce que vous utilisez effectivement le conditionnel, vous dites: Nous autres, on ne prend pas de chance, on demande des modifications même s'il y a eu d'importantes modifications entre 156 et 72. C'est ce que je comprends?

M. Hébert (Jacques): Sachant qu'on ne peut pas l'imposer, on se contente de le demander.

M. Deslières: Merci, M. Hébert. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Benoit: Merci, M. le Président. MM. Desroches, Charbonneau, Hébert et Ferron, merci d'être ici parmi nous. M. Desroches, vous avez été assez clair dans votre mémoire, vous nous dites: Les banques ne devraient pas être tenues responsables, les fiduciaires ne devraient pas être tenus responsables et les gardiens du terrain, dans la mesure où ils ont bien agi comme pères de famille, ne devraient pas être tenus responsables. Qui va être responsable, M. Desroches?

M. Desroches (Pierre): Le pollueur. Le pollueur.

M. Benoit: Le pollueur. On aura des avocats qui vont venir nous dire cet après-midi et demain que les pollueurs, ils sont aussi futés que nous et vous, ils disparaissent dans le portrait à partir du moment où ils ont pollué. Michel Bélanger, qui est l'expert des experts dans les avocats en droit d'environnement ? en tout cas, pour moi, c'est un des grands experts qui a toujours réfléchi à ces aspects-là ? nous dit: Écoutez, ça finit toujours à peu près pareil, le terrain se fait ramasser par la ville parce qu'ils n'ont pas payé les taxes, et puis c'est le payeur de taxes qui va finir par payer en quelque part, et on va se faire dire la même chose par d'autres avocats ici, aujourd'hui. Est-ce que c'est ça qu'il faut que je comprenne de votre mémoire? En bout de ligne, le pollueur, on en est qu'il doit payer, mais le pollueur, il se dissout en quelque part, il disparaît, il n'est plus là, là, en quelque part, là.

Et, d'ailleurs, le Barreau ? je ne sais pas si c'est aujourd'hui ou demain que nous allons les rencontrer ? on a reçu leur mémoire aujourd'hui, ils nous donnent un cas spécifique: a, b, c, d, e, x, là, puis chaque compagnie, là, puis tu arrives en bout de ligne, tu t'aperçois que finalement c'est le payeur de taxes de Saint-Hyacinthe qui va payer pour le terrain contaminé.

M. Desroches (Pierre): Oui, mais, en fait, ce qu'il faut comprendre, c'est que le principe de la loi, surtout celle qu'on a actuellement, on fait un grand pas en avant sur le contrôle... sur les contrôles de contamination puis sur les contrôles. Ce que l'on va imposer, on va imposer aux prêteurs une certaine démarche obligatoire qui va faire que certains types d'industries vont devoir faire des changements fondamentaux ou sinon cet argent-là ne sera pas prêté.

On le voit encore de plus en plus souvent ? et Carol, M. Charbonneau, ici, peut le certifier ? on a des visites, on a des certificats qu'on demande aux exploitants, et, si ces gens-là ne répondent pas en totalité aux standards qu'on explique au moment... C'est pour cette raison qu'on dit, dans la loi... Plus la loi va être claire pour nous, plus notre pratique de prêteur va devenir claire par rapport à l'ensemble de ces sociétés-là où on va être de plus en plus exigeant. Je pense que le prêteur a un rôle à jouer dans l'assainissement de ce champ d'activité là qu'est la contamination, et puis les investisseurs pareil et le gouvernement. Et je pense que, en prenant des lois de cette nature-là, on rétrécit de plus en plus la capacité de ces gens-là à... Oui, il y a des gens qui vont s'en soustraire, mais je pense qu'il faut se consoler d'une chose, ceux qui se soustrayaient il y a 10 ans ne sont plus capables de le faire aujourd'hui, et, dans 10 ans, on va avoir encore moins de gens qui vont se soustraire de ça, parce que chaque morceau de la chaîne... Que ce soit l'investisseur, il ne voudra plus investir dans des compagnies à risque sans connaître si son investissement va être protégé.

n(14 h 40)n

Les analystes financiers qui vont prendre des grandes entreprises, qui vont analyser les grandes entreprises commencent à avoir ce... On est obligé de qualifier ce risque-là à l'intérieur des états financiers, des risques d'affaires, des risques de pollution. Et, de plus en plus, que ce soient des comptables, que ce soient des investisseurs, des analystes financiers, des prêteurs, des financiers, ces gens-là sont de plus en plus conscients de cette responsabilité-là, vont de plus en... Même les actionnaires et les administrateurs de sociétés sont maintenant responsables de cette dimension-là. Les gens qui ne voudront pas se plier à une règle de la loi et à un principe qui est reconnu à travers le pays, autant... peu importe par qui de la société, je pense que le temps va faire que ça joue en leur défaveur, et ils vont devenir avec des moyens très restreints de se soustraire de ça. Et, de plus en plus, on va réussir à fermer les fenêtres sur chacun ? à mon avis ? de ces moyens-là de se soustraire à leurs responsabilités d'entreprise.

M. Benoit: Très bien. Vous nous dites à la page 13 de votre mémoire, M. Desroches, que «les privilèges de superpriorités, s'il en est, ne devraient s'appliquer qu'aux biens situés sur le site contaminé et non à l'ensemble des biens de la personne en défaut, sinon les droits des créanciers de cette dernière risquent d'être injustement mis en péril».

Prenons un exemple précis. Bell Canada, dans mon village, a un terrain sur lequel ils mettent depuis 20 ans des poteaux, des poteaux de téléphone qui, probablement, ont de la créosote après. Se pourrait-il que ce terrain-là soit contaminé ou pas? Je ne le sais pas, et probablement qu'il ne l'est pas, Bell Canada étant un très bon citoyen corporatif. Supposons pour un instant que, oui, ce terrain-là, il est contaminé, ce que vous dites avec ça, c'est que la province pourrait saisir les poteaux sur le terrain, mais elle n'aurait aucun recours contre l'entreprise. C'est ce que vous nous dites ici? Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?

M. Desroches (Pierre): En fait, nous autres, ce qu'on dit... Oui, effectivement, dans l'exemple que vous donnez, ce qu'on dit, c'est que la superpriorité devrait être limitée au site qui est contaminé comme tel. Ce qu'on présuppose à travers cette démarche-là, c'est qu'il y a une démarche préliminaire. Bell ou qui que ce soit n'a pas pu mettre des poteaux là sans que quelqu'un ait regardé et ait donné un permis pour qu'ils puissent mettre des poteaux. Je pense que, à l'intérieur des gestes... Je pense qu'il faut responsabiliser les gens qui autorisent le geste, les gens qui font le geste, les gens qui financent le geste et les gens qui investissent dans le geste. Et je pense que ce sont des personnes qui sont... Elles ont chacune, chacun un niveau de responsabilité.

Mais on ne peut pas tout simplement... Moi, je pense que c'est contraire à la bonne marche d'affaires de dire qu'on oublie la responsabilité de tous ceux qui ont autorisé à faire des choses avant pour donner les... pour que le gouvernement puisse exercer son pouvoir, parce que ce qui va arriver, c'est qu'il y a certains types d'entreprises qui vont représenter pour les investisseurs autant que pour les prêteurs un risque énorme que les gens ne voudront pas prendre, parce que, en fait, ils se disent: Peu importe si j'ai un lien sur... Ou j'investis dans telle partie de l'entreprise qui ne se situe pas dans cette dimension-là, le gouvernement peut venir chercher ça pour compenser son coût de décontamination. Et, dans ce sens-là, il y a un risque, ce que j'appelle un risque de dynamique d'affaires qui est exposé dans ce genre de superpriorité là.

M. Benoit: Pour peut-être finir, M. Desroches ? à moins que mon confrère de D'Arcy-McGee ait des questions ? vous nous parlez de cette assurance, vous nous dites que vous avez rencontré effectivement... Et je suis heureux de voir que ça fait longtemps que vous réfléchissez à ça, hein? Vous nous dites que c'est depuis 1986, je pense, que vous réfléchissez au problème. Alors, vous n'êtes pas les derniers arrivés dans le débat, puis c'est un débat qui perdure au Québec, là, puis on est heureux de vous entendre. Vous nous dites: Ça prend une forme d'assurance. On a rencontré à un moment donné le ministère, ils nous ont dit: Oui, on est après regarder ça. On sait qu'aux États-Unis... Le ministre, malheureusement, n'a pas eu le temps de poser la question, je sais qu'il voulait la poser, il dit: J'aurais aimé vous entendre sur les «superfunds» américains. Si je comprends bien, aux États-Unis il y a de ces fonds, et est-ce que vous êtes un peu au fait de ces fonds-là, comment ils sont gérés, qui cotise à ces fonds-là, etc.?

M. Charbonneau (Carol): Je n'ai aucune idée là-dessus. Je sais une chose, le fonds sert à couvrir les dépenses de dépollution sur des sites orphelins. Donc, c'est des sites qui ont été abandonnés. Les propriétaires ont fait faillite, des choses comme ça. Mais c'est administré par un ensemble d'entreprises, d'individus qui ont investi là-dedans, puis le gouvernement, il est partie intégrante. C'est à peu près à ça que se limite ma connaissance du Superfund américain.

M. Benoit: Mais, quand vous nous parlez d'une assurance, à la page 13 de votre mémoire, est-ce que c'est ce à quoi vous faisiez allusion ou si c'était vraiment une assurance avec Bélair, et Groupe Commerce, et RBC ou...

M. Desroches (Pierre): En fait, ce qu'on reconnaît à l'intérieur de ça, c'est qu'il y aura toujours une série de... Voulais-tu... Est-ce que tu veux... Daniel, tu veux...

M. Ferron (Daniel): ...

M. Desroches (Pierre): O.K. Ce qu'on reconnaît à l'intérieur de cette démarche-là, c'est qu'effectivement il va toujours y avoir des sites qui vont être orphelins pour une raison ou pour autre, historique ou ailleurs. Ce qu'on dit, c'est qu'il devrait se constituer un fonds, ce qui pourrait se faire. En fait, c'est juste une idée. Avant qu'une idée devienne un bon projet, je pense qu'il faut l'étudier, la décortiquer, mais je pense qu'il pourrait y avoir une contribution de l'ensemble des entreprises au Québec et de tous les types d'entreprises au Québec, constituer un fonds et qui, additionné à la loi, actuellement, qui restreint la capacité de contaminer... Je pense qu'on pourrait trouver une solution plus globale à l'ensemble des terrains qui sont orphelins et qui sont contaminés au Québec plutôt que de passer la facture totalement rien qu'à l'État.

M. Benoit: ...il me semble, dans la marine marchande, je pense, pour les fonds de bateaux polluants, là, on...

M. Desroches (Pierre): Je sais qu'il existe une forme, mais je ne pourrais pas vous dire effectivement ce qu'il en est.

M. Benoit: Il y a une forme de fonds, effectivement, qui a servi à Grande-Baleine. M. le Président, je pense que le député de D'Arcy-McGee...

Le Président (M. Lachance): Oui, quelques minutes, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Vous avez mentionné que le prêteur doit donner son prêt avec un devoir de diligence et vous dites que malheureusement le projet ne définit pas c'est quoi, la diligence, c'est quoi, la prudence. Est-ce que vous êtes d'opinion que chaque prêteur doit demander un rapport sur l'environnement, avant de donner un prêt? Dans le domaine commercial, en tout cas.

M. Desroches (Pierre): M. Charbonneau pourrait vous en parler de plus en plus, mais ce que je sais, c'est qu'il y a des types d'entreprises dans lesquelles c'est obligatoire. Si vous voulez demander un prêt, vous devez avoir un certificat du ministère de l'Environnement.

M. Charbonneau (Carol): De conformité, de régularité.

M. Bergman: ...dire qu'une banque qui consent un prêt dans le domaine commercial qui ne demande pas un rapport environnemental n'agit pas avec prudence?

M. Desroches (Pierre): En fait, si on éclaircit clairement la loi, ce qu'est le devoir de diligence, dans ce sens-là, ça va permettre à la banque d'inscrire dans sa démarche administrative certains niveaux de vérification qui vont satisfaire ce niveau de diligence là. Et, dans ce sens-là, pour nous, en définissant clairement ce que c'est, ça nous permet par la même occasion de nous retourner et d'exécuter ce que j'appelais tout à l'heure notre responsabilité collective. Comme prêteurs, on a autant de responsabilité que d'autres d'agir dans le cadre de nos responsabilités puis dans le cadre de notre démarche à s'assurer que l'environnement est protégé et qu'on est suffisamment satisfaits pour savoir que soit les gestes qui vont être posés, la façon que le commerce va être opéré à l'intérieur de ça, tout ce qui concerne l'infrastructure répond en tous points aux standards.

Et, chez nous, ça devient de plus en plus une question que l'on pose et des exigences que l'on pose aux emprunteurs de dire: Vous allez répondre à des standards. Pourquoi? Parce que, un, on ne veut pas vous créer de problèmes et on ne veut pas se créer de problèmes dans l'avenir. Sauf que la loi actuelle, la loi n° 72, n'est pas tout à fait claire. Elle parle plutôt de conformité à la loi, et, dans ce sens-là, on trouve que c'est très large parce qu'il y a des responsabilités à l'intérieur de ce qu'on appelle la conformité de la loi qu'on ne pourrait même pas exercer parce qu'on n'a pas les pouvoirs sur cette situation-là comme telle. Ce qu'on dit, c'est: Donnez-nous ce que vous parlez comme de... la notion de diligence, et on va trouver une façon, nous, de se conformer à cette partie de la loi là.

M. Bergman: Alors, vous prétendez que c'est le devoir du projet de loi pour vous dire c'est quoi, la prudence.

M. Desroches (Pierre): Bien, ce qu'il entend par ça en fait, clairement ce qu'il entend et quelles sont ses intentions. Quand il parle de devoir de diligence, de nous dire c'est quoi que vous entendez par ça. Est-ce que c'est de connaître, c'est de gérer, c'est de demander des certificats, c'est de demander une série de documents, c'est de faire faire une expertise? Dans ce sens-là, pour nous, on ne veut pas se soustraire, ne pas le faire, ce qu'on veut, c'est savoir clairement comment on établit notre position de prêteur et que cette position de prêteur là ne soit pas modifiée dans le temps à cause des événements.

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Hébert (Jacques): Vous permettez d'ajouter une petite réflexion, c'est que dans un monde hyper idéal, ce qui serait souhaitable, c'est ceci, c'est que la loi soit à ce point claire qu'un emprunteur éventuel sache d'avance que, même s'il se présente chez son banquier, le banquier va dire non parce que le banquier pourra dire: Voici, la loi est très claire, je ne peux pas vous prêter pour telle et telle raison. Ça, évidemment, c'est un monde super idéal, mais on souhaite que la loi vise justement à mettre en place des mesures qui soient à ce point claires que le banquier participe donc au développement de l'économie dans le respect, bien sûr, de l'environnement. Et ce qu'on vous dit, c'est: Aidez-nous à mieux définir envers nos emprunteurs éventuels ce qu'est exactement le respect de cette loi qui est très importante pour la société.

n(14 h 50)n

Le Président (M. Lachance): Alors, très bien, messieurs. Merci pour votre participation aux travaux de cette commission parlementaire. Merci.

Alors, j'invite immédiatement les représentants du Centre patronal de l'environnement du Québec pour prendre place à la table, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, mesdames, messieurs, bienvenue à cette commission parlementaire. Et j'invite immédiatement le porte-parole à bien vouloir se présenter ainsi que les personnes qui l'accompagnent.

Centre patronal de l'environnement
du Québec
(CPEQ)

M. Piette (Jean): Alors, au nom du Centre patronal de l'environnement du Québec, je remercie la commission des transports et de l'environnement de nous avoir invités à intervenir devant vous cet après-midi au sujet du projet de loi n° 72 modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains.

Je m'appelle Jean Piette. Je suis président du conseil d'administration du Centre patronal de l'environnement. Je dirige la délégation du CPEQ cet après-midi en l'absence du président-directeur général de l'organisation, M. Michael Cloghesy, qui est retenu à l'extérieur du pays. Je suis accompagné cet après-midi par, à ma droite, Me Monique Lussier, du cabinet d'avocats Stikeman, Elliott; à ma droite, encore plus à droite, Me Odette Nadon, qui est du cabinet Desjardins, Ducharme, Stein, Monast; à ma gauche, M. Henri Orban, de la pétrolière Impériale; et, derrière, à ma gauche également, Me Marie-Hélène Léveillée, qui est permanente au CPEQ.

Je pense que vous connaissez assez bien le CPEQ, que vous savez, entre autres, que nous représentons environ 150 entreprises et associations sectorielles d'entreprises du Québec et que nous cherchons à exprimer le point de vue patronal sur les grands dossiers d'environnement et sur les initiatives des pouvoirs publics en matière d'environnement. Et je voudrais vous dire, entre autres, que, dans le cadre de nos activités régulières, le CPEQ milite en faveur de l'instauration d'une culture environnementale au sein des entreprises québécoises et de la responsabilisation des entreprises à l'égard de l'environnement dans l'esprit du développement durable.

Le CPEQ accueille avec intérêt la nouvelle initiative législative que constitue le projet de loi n° 72, qui vise à doter le Québec d'un régime nouveau qui a pour but de mieux encadrer et de favoriser les activités de caractérisation et de réhabilitation des terrains contaminés. Le CPEQ, entre autres, salue les améliorations qui ont été apportées dans le projet de loi n° 72 comparativement à son prédécesseur, le projet de loi n° 156, qui avait suscité beaucoup d'inquiétudes et de controverses auprès des différents intervenants socioéconomiques. Nous devons également souligner l'ouverture d'esprit du ministre et de ses fonctionnaires qui ont participé à plusieurs rencontres avec des représentants de différents groupes socioéconomiques et qui n'ont pas hésité à dialoguer avec ces intervenants, dont le CPEQ, afin de trouver des solutions qui permettraient de prendre en compte les préoccupations des intervenants socioéconomiques.

C'est ainsi que des améliorations ont été apportées sur plusieurs points. J'en mentionne quelques-unes: la notion de terrain, donc définition améliorée; la coexistence des normes réglementaires et du critère des effets environnementaux qu'on trouve, entre autres, à l'article 31.43, premier alinéa; la normalisation des concepts, de certains concepts véhiculés dans le projet de loi, dont celui de l'évaluation de risques; la disparition de la notion de soupçon qui était présente dans le projet de loi n° 156; la clarification de la notion de changement d'usage d'un terrain, par exemple.

Il reste cependant des irritants et il y a encore des améliorations à y apporter pour rationaliser l'application de ce projet de loi, pour y insérer davantage d'équité, pour sécuriser les intervenants, pour diminuer les zones d'incertitude. Je vais attirer votre attention sur un certain nombre de points qu'on retrouve, entre autres, dans le mémoire du CPEQ avec plus de détails.

Il y a d'abord l'article 31.43, le pouvoir d'ordonnance du ministre, certainement l'article le plus problématique de ce projet de loi. La loi actuelle, la Loi de la qualité de l'environnement, à l'article 31.42, comporte déjà un pouvoir d'ordonnance qui est fondé sur le principe du pollueur-payeur. Ce pouvoir d'ordonnance est reconduit avec un nouveau libellé dans le nouveau projet de loi n° 72. Alors, le principe pollueur-payeur ne fait pas problème dans la société québécoise, il ne fait pas problème pour le Centre patronal de l'environnement. C'est en effet un principe universellement reconnu par le droit international de l'environnement. En fait, c'est un des trois grands principes du droit international de l'environnement, les deux autres étant le principe de prévention et le principe de précaution, et c'est également un principe qui est reconnu par le droit québécois de l'environnement, notamment depuis les amendements de 1990 qui ont introduit l'article 31.42. Mais, même, on peut remonter à 1972, dans la mouture originale de la Loi sur la qualité de l'environnement, où le principe du pollueur-payeur, le principe de responsabilité de celui qui a déposé des contaminants dans l'environnement, était enchâssé.

Cependant, dans le 31.43, on trouve autre chose. On trouve autre chose qui va plus loin que le principe du pollueur-payeur, qui déroge à ce principe et qui ne repose pas sur des grands principes de droit international de l'environnement. C'est un nouveau principe, le principe du gardien-payeur. Le projet de loi propose une sorte de présomption de responsabilité qui incombe à toute personne qui a ou a eu la garde d'un terrain en quelque qualité que ce soit, qu'il ait été locataire, sous-locataire, propriétaire, fiduciaire, administrateur de biens d'autrui. Toutes ces qualités en vertu desquelles il a assumé la garde d'un terrain pourront déclencher une responsabilité automatique.

Autre caractéristique, c'est une responsabilité qui est imprescriptible, contrairement à notre droit civil où il y a des règles de prescription qui existent. Donc, un gardien passé pourra être tenu responsable, et on pourra exiger de lui qu'il décontamine un terrain, quel que soit le nombre d'années ou la durée de son occupation des lieux ou la durée de temps où il a été gardien d'un terrain, que ces faits soient survenus il y a 20, 30, 40, 50 ou 75 ans.

n(15 heures)n

Le projet de loi n° 72 ? et c'est différent du 156 ? propose cependant trois cas d'exception, sans doute dans un souci légitime de minimiser les cas d'iniquité, les cas d'injustice qui pourraient survenir quand on exige de quelqu'un qui n'a jamais contaminé un terrain qu'il procède à des travaux de décontamination qui pourraient coûter des millions et des millions de dollars. Parce qu'il faut bien savoir que le gardien qui est prévu ici, qui est visé dans 31.43, ce n'est pas quelqu'un qui a contaminé le terrain, c'est quelqu'un qui n'en a eu que la garde. Et ce simple fait qu'il en a eu la garde peut déclencher, aux termes de l'article 31.43, une nouvelle mouture, une responsabilité à l'égard de sa décontamination.

J'ai mentionné les trois cas d'exception qui ont été introduits dans le projet de loi n° 72. Il y a, comme je le dis, comme je le disais il y a une minute, un effort de minimiser les cas d'inéquité, mais il faut se rendre compte: comment ces trois cas d'exception sont-ils conçus?

D'abord, le fardeau de la preuve. C'est au citoyen à prouver les faits qui donnent ouverture à l'un ou l'autre de ces trois cas d'exception. C'est lui, le citoyen, qui doit établir les faits, et c'est un fardeau qui peut s'avérer extrêmement lourd. C'est un fardeau qui risque d'être impossible à relever, notamment dans les cas anciens parce que la preuve documentaire ou la preuve testimoniale sera, dans bien des cas ou dans la majorité des cas, disparue ou non disponible. Si, moi, j'ai été gardien d'un terrain à titre de locataire d'un terrain entre 1938 et 1941 et que, aujourd'hui, je dois faire la preuve de certains faits qui se sont produits entre 1938 et 1941, comment vais-je faire cette preuve aujourd'hui? Quels sont les témoins vivants qui vont pouvoir me renseigner, qui vont pouvoir établir devant le ministre, de façon convaincante, que je savais que le terrain était contaminé ou je savais que le terrain n'était pas contaminé, et que j'ai été diligent, et que j'ai été prudent, et que j'ai respecté la loi? Comment faire cette preuve dans les cas passés? On se pose la question, et on estime que ça sera impossible. Donc, il y a un fardeau de la preuve qui risque de s'avérer impossible à relever, et ce, à cause de cet aspect rétroactif de la loi. Et il y a une chose qu'on enseigne toujours: quand on fait des lois de nature rétroactive, c'est qu'il faut être extrêmement prudent parce que le risque de créer des injustices est énorme. Pourquoi? Parce qu'on établit aujourd'hui des règles qui vont rétroagir à des situations anciennes où ces règles-là n'étaient pas présentes.

Ensuite, quand on regarde les trois cas d'exception, on peut les regarder attentivement, mot à mot ? je ne ferai pas ça cet après-midi ? mais n'empêche qu'on y véhicule des notions dont le contenu est pour le moins vague. On parle, par exemple, dans un cas d'un devoir de diligence; dans l'autre cas, d'un devoir de prudence et de diligence. Les intervenants qui nous ont précédés se sont posé des questions: C'est quoi, ce devoir de prudence et de diligence? Où est-il, le devoir de prudence et de diligence, notamment dans le passé? On sait que, dans notre droit civil, en matière de responsabilité civile, il y a un devoir de prudence et de diligence. Prudence et diligence à l'égard de quoi? Pour ne pas créer des dommages à autrui. Alors, il y a un contexte bien précis où cette notion, ce devoir de prudence et de diligence, est reconnue par notre droit, c'est dans la gestion de biens ou d'activités, de sorte à ne pas causer de dommages à autrui. Mais ici, la notion de causer des dommages à autrui, pour ce qui est de la réhabilitation d'un terrain, n'est d'aucune pertinence.

Alors, on a de la misère à définir les contours de ces notions de prudence et de diligence dans le contexte de la gestion d'un terrain contaminé et, notamment quand on retourne dans le passé, savoir quel était le devoir de diligence du fiduciaire qui était gardien d'un terrain en 1938, ou d'un locataire, ou d'un sous-locataire, ou de l'administrateur du bien d'autrui en 1943, je vous avoue qu'il y a là une grosse zone d'incertitude qui nous préoccupe énormément parce qu'on dit que cet article-là risque d'être inapplicable.

Pour pallier à ces difficultés, nous proposons deux solutions. D'abord, la première solution: que le ministre s'assure de l'existence, que lui-même s'assure... Et on propose un libellé là-dessus. Au lieu de mettre le fardeau de la preuve sur les épaules du citoyens, on dit: Que le ministre qui veut rendre une ordonnance fasse ses devoirs avant de rendre son ordonnance et vérifie lui-même si les trois conditions sont présentes, et ce, avec la collaboration du gardien qui sera plus qu'heureux de lui donner l'information dans la mesure où elle existe. Mais il nous semble que c'est plus normal que le ministre ait ce fardeau-là plutôt que le citoyen qui ait le fardeau.

L'autre possibilité, c'était d'introduire un recours récursoire qu'on a également proposé pour que le gardien qui serait dans l'impossibilité de faire cette preuve, qui serait donc tenu de décontaminer et de dépenser 5 millions de dollars pour décontaminer un terrain dont il a été le locataire ou le sous-locataire il y a 53 ans... Aujourd'hui, on va le chercher ? ça a été le CN, ça a été Canadian Tire ou c'est n'importe quelle entreprise ? on va le chercher aujourd'hui, on lui dit: Investis cet argent-là. Il a dépensé l'argent. Il peut faire quoi? Comment peut-il récupérer cet argent? Et on propose de lui donner un recours récursoire parce que nous sommes d'avis que le droit, à l'heure actuelle, ne donne pas un recours récursoire contre le pollueur dans ces cas-là. Alors, voilà des propositions que nous faisons.

Autre chose que nous proposons dans notre mémoire, c'est d'introduire un nouvel article ou deux nouveaux articles pour sécuriser les personnes qui procéderaient à des travaux de réhabilitation ou qui financeraient de tels travaux. Si la décontamination est faite suite à une ordonnance ou volontairement, on voudrait que cette personne-là ne soit pas sujette à des modifications réglementaires ou à des ordonnances fondées sur des modifications réglementaires subséquentes. En d'autres mots, si j'ai décontaminé un terrain aujourd'hui, j'ai obtenu mon certificat de l'expert du ministre, etc., j'ai respecté la loi, les normes, les règlements et les guides du ministère, je voudrais pouvoir dire: L'investissement que j'ai fait va me sécuriser contre les nouvelles ordonnances dans deux ans, dans trois ans ou dans cinq ans simplement parce que, dans le règlement, la norme du zinc ou la norme du cuivre dans le sol a été diminuée de 10 à 5, par exemple. Alors, on voudrait donner une sécurité aux investisseurs, aux gens qui investiront de l'argent, aux gens qui prêteront de l'argent pour les fins de travaux de réhabilitation contre ces changements réglementaires inopinés qui pourraient survenir dans le temps.

Autre suggestion de modification, le devoir de notifier le voisin quant à la contamination, article 31.52. On veut vous dire, nous, qu'on pense que c'est un article qui sera beaucoup utilisé dans nombre de cas où les gens vont consulter les avocats, les gens vont consulter effectivement des conseillers juridiques pour leur dire: Suis-je dans une situation où je dois aviser mon voisin? Il y a une modification qu'on propose, c'est que l'obligation de notifier le voisin s'applique quand la contamination dépasse les normes réglementaires et quand le risque de migration... que ça soient bien les contaminants qui dépassent les normes réglementaires et non pas n'importe quel contaminant qui ne dépasserait pas les normes réglementaires, comme le texte actuel le permet. Alors, nous, on demande de préciser ça, et ce serait seulement un mot à changer, remplacer le mot «de» par le mot «ces».

Article 31.57 ? et je termine, M. le Président ? la réhabilitation volontaire, on demande à la commission de préciser que ça s'applique dans les cas d'analyse de risques, et, enfin, je vais terminer mon intervention avec une note sur la notion des experts du ministre. Nous avons déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises au ministère que nous n'étions pas convaincus de la nécessité de ces experts du ministre. Donc, nous affichons un scepticisme quant à la nécessité de ces experts. Nous considérons que les règles de responsabilité contractuelles, qui existent à l'heure actuelle, et de responsabilité professionnelle, donc la responsabilité déontologique qui s'applique à tous les membres d'ordre professionnel, plus les normes et les guides édictés par le ministère sont suffisants pour assurer la qualité des travaux de caractérisation et de réhabilitation.

Alors, voilà, M. le Président, le message que nous voulions vous transmettre cet après-midi. Nous sommes à votre disposition pour vos questions, moi et également mes collègues ici présents. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci. Pour amorcer cette période d'échange, M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Me Piette, Me Nadon, Me Lussier, M. Orban et Me Léveillée, bienvenus parmi nous. Les fonctionnaires me disaient à quel point ils avaient apprécié votre collaboration, soumettant et resoumettant plusieurs réflexions qui ont permis de faire avancer le ministère dans ses travaux. Et je tiens donc, au nom de toute cette belle équipe, à vous remercier de votre présence.

n(15 h 10)n

Je prends faits et actes que le CPEQ, dans son mémoire, reconnaît l'importance d'instaurer un régime juridique pour la protection et la réhabilitation des terrains contaminés, primo. Secondo, je prends également faits et actes que votre organisation témoigne des améliorations considérables qui ont été apportées au projet de loi n° 72 par rapport au projet de loi n° 156, secondo. Et vous émettez par la suite une série de préoccupations que je considère tout à fait légitime ? et nous n'avons qu'une demi-heure d'échanges et nous sommes nombreux à vouloir vous adresser la parole ? je n'en relèverai qu'une au passage, celle qui se retrouve en page 4 où vous nous dites ceci, dans le premier paragraphe de la page du haut, parlant du principe de pollueur-payeur, vous dites: «Il déroge au principe fondamental du pollueur-payeur en permettant au ministre d'engager la responsabilité d'une personne qui pourrait être tout à fait étrangère à la contamination.»

Alors, j'aimerais mieux comprendre votre position à l'égard du concept de pollueur-payeur en vous adressant un peu cette question: Est-ce que le fait de ne pas avoir pollué un terrain devrait nous dégager de toute responsabilité? Je vous donne un exemple: j'achète un terrain que je contamine sévèrement, je le décontamine suffisamment pour rencontrer les critères de décontamination de sites industriels. Je vends par la suite ce terrain. Cet acheteur décide d'y construire, envisageons le cas, du résidentiel. Ça tourne un peu mal. Quelques mois plus tard, ça se met à sentir le gaz dans le sous-sol et ça peut entraver éventuellement la maladie des enfants qui sont dans la maison. Qu'est-ce que l'on fait dans ce cas-là? C'est la personne qui a fait la construction du résidentiel qui ne s'est pas acquittée, avant de faire la construction, de faire la deuxième phase, si vous voulez, de décontamination pour décontaminer suffisamment pour y établir du résidentiel. Alors, qu'est-ce que l'on fait donc de ce concept de pollueur-payeur par rapport à un système de garde négligente en quelque sorte?

M. Piette (Jean): Je dois vous dire qu'on va se retrouver prochainement dans un régime qui sera encadré par la nouvelle loi n° 72. La nouvelle loi n° 72 va établir des normes, des mécanismes qui vont, je pense, prévenir le genre de situation que vous avez décrit. Par exemple, un terrain utilisé à des fins industrielles, si on veut l'utiliser désormais à des fins résidentielles, on veut construire du résidentiel, il y a un mécanisme de contrôle qui est prévu et qui verra à s'assurer, tant au niveau municipal qu'au niveau des obligations du promoteur, que le terrain effectivement est approprié, dans un état approprié pour accueillir ce nouvel usage. Alors, il y a un mécanisme de prévu qui, je pense, va prévenir le genre de situation que vous avez décrit.

M. Simard (Montmorency): Plus particulièrement, de manière rétroactive. Vous me parlez de manière prospective...

M. Piette (Jean): Ce sera le nouveau contexte de la loi.

M. Simard (Montmorency): ...je veux bien, mais de manière rétroactive, pour cette personne qui a eu une garde négligente d'un terrain, n'est-elle pas aussi coupable sinon davantage que le pollueur initial?

M. Piette (Jean): Bon. Il y a, je pense... On peut répondre qu'il y aura des mécanismes de responsabilité civile qui pourront s'appliquer dans un cas comme celui-là, l'acquéreur du terrain, ou encore la responsabilité extracontractuelle. Alors donc, il y aura, je pense, des recours à ce niveau-là qui pourront être exercés à l'endroit du responsable, le cas échéant, mais je pense que, pour l'avenir, la préoccupation que vous évoquez normalement ne devrait pas surgir à cause des mécanismes de contrôle qui sont prévus dans la loi.

M. Simard (Montmorency): Je vous remercie, vous êtes bien gentil.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, vous avez mentionné, lors de votre présentation, vous avez fait encore référence en disant: Le pouvoir d'ordonnance du ministre fait problème. Je vous cite correctement. Vous étiez en arrière lorsque j'ai posé la question à ceux qui vous ont précédés. Est-ce que... Je voudrais savoir de vous, de votre organisme: Est-ce que l'ensemble des modifications apportées... Il y a eu une évolution, on vient de dire que vous avez travaillé avec les gens du ministère depuis des semaines et des semaines, il y a eu évolution, on le voit dans la législation. Est-ce que vous ne reconnaissez point qu'il y a eu une grande modification, une importante modification pour baliser ce pouvoir? Ce qui fait en sorte que... C'est parce que je trouve étrange aussi qu'on revienne sur cet élément-là. Par rapport aux deux projets de loi, on dit: Écoutez, là, je pense qu'on a fait chacun notre part, là, on a... Le législateur, le ministère de l'Environnement, se dote de cette législation, inclut cette poignée-là, mais quand même après consultation. C'est ma première question.

M. Piette (Jean): Bon. Alors, pour ce qui est des améliorations apportées, je pense que tant notre mémoire que mes commentaires, effectivement, confirment qu'il y a eu des améliorations. Ça, c'est tout à fait le cas, et je pense qu'il faut reconnaître le travail qui a été fait, et le travail qui a été fait par les fonctionnaires. Puis je pense qu'il y a eu un dialogue, il y a eu des échanges, effectivement, on a vu un cheminement. Mais ça ne veut pas dire pour autant que tous les problèmes sont réglés et ça ne veut pas dire pour autant qu'on n'a pas des préoccupations à l'égard de certains aspects plus délicats du projet de loi.

M. Deslières: C'est sur ça que je veux vous entendre.

M. Piette (Jean): Et le pouvoir d'ordonnance est là. Et si on revient là-dessus aujourd'hui, c'est parce que la solution qui a été proposée ne nous apparaît pas, quant à nous, apporter une réponse satisfaisante. On constate qu'il y a eu un progrès, oui, mais la façon dont c'est articulé, on ne trouve pas que c'est satisfaisant. On ne trouve pas qu'imposer le fardeau sur les épaules du justiciable que c'est correct. On ne pense pas que c'est possible dans certains cas, même. On pense qu'il y a des notions qui sont véhiculées là-dedans dont les contours ne sont pas assez précis pour que ce soit vraiment utile aux gens et que ça puisse vraiment éviter les cas d'inéquité ou d'injustice qu'on veut éviter. Alors, c'est pour cette raison qu'on revient à la charge et qu'on propose des mécanismes, qu'on propose même un libellé des trois cas d'exception qui, il nous semblerait, serait plus approprié, plus équitable pour les citoyens et les entreprises.

M. Deslières: M. le Président, pour compléter notre conversation. C'est parce qu'il me semble y avoir... ça semble vous faire peur, là, ce pouvoir-là accordé à un ministre responsable d'un ministère, d'un élément important de notre activité de communauté. Juste vous rappeler ? je ne sais pas si ça va vous rassurer ? que depuis 1990 ce pouvoir d'ordonner du ministre a été utilisé... Je vous le donne en mille, combien de fois il a été utilisé?

M. Piette (Jean): À ma connaissance, trois fois.

M. Deslières: Trois fois. Est-ce que... Vous semblez nous dire: Écoutez, il y a des possibilités d'abus, il y a des possibilités de... mais le passé nous indique trois fois en 10 ans, en 12 ans.

M. Piette (Jean): Vous ouvrez une perche justement, puis je vais en profiter.

M. Deslières: Allez. Allez. On a encore du temps pour d'autres questions, j'espère, là. Ha, ha, ha!

M. Piette (Jean): Alors, écoutez, dans ce domaine-là, le passé n'est pas nécessairement garant de l'avenir. C'est un fait que les ministres, jusqu'à maintenant, ont fait preuve de prudence avec l'utilisation du pouvoir d'ordonnance. Il y a beaucoup de raisons à ça. Il y a peut-être des raisons propres à la formulation, à la façon dont le pouvoir d'ordonnance est conçu dans la loi actuelle, à l'article 31.42. Mais on sait que des ministres, ça peut changer, les gouvernements peuvent changer, et on ne peut pas... Quand le pouvoir est là, on ne peut pas dire que les gens ne s'en serviront pas. Et si on peut faire la loi de sorte même à éviter un cas d'injustice, je pense qu'on rend service à la population.

Autre argument que je voudrais soulever, c'est la question des risques qui s'appliquent ou des risques auxquels sont exposés les entreprises et les individus. Quand les gens font des transactions d'affaires, quand les gens achètent des terrains, achètent des entreprises, il y a toujours un risque inhérent. Et la personne qui finance ces transactions-là, la personne qui s'engage dans une telle transaction, un acquéreur par exemple, va vouloir mesurer le niveau de risque qu'elle prend en acquérant une entreprise, en acquérant des actifs, en acquérant des actions. Et il est évident que plus cette personne-là a été gardien d'immeubles par le passé, plus cette personne-là est sujette... ou est un risque potentiel pour un financier, un prêteur ou un investisseur.

Alors, ça, c'est une chose que les gens vont mesurer, et on pense que ça peut avoir pour effet, effectivement, là, de diminuer ou de freiner un certain nombre de transactions ou de financements, en disant: Lui, il est trop chaud, il est trop à risque, si je m'embarque avec lui, je risque de perdre mes billes. Et, à ce moment-là, on voit un frein dans des activités ou des transactions économiques qui nous préoccupe comme Centre patronal de l'environnement.

n(15 h 20)n

M. Deslières: Mais vous conviendrez, pour terminer, M. le Président, vous conviendrez que... Je comprends quand vous me dites que le passé n'est pas garant de l'avenir, mais sauf qu'il y a une culture, il y a une culture de faire les choses au Québec sur le plan législatif, sur le plan de poser des gestes exécutifs, et que l'utiliser trois fois en 10 ans... L'Exécutif, peu importe les partis politiques, on le fait avec parcimonie, on ne le fait pas brutalement, c'est après une multitude de rencontres. On était avec un échec, un constat d'échec, et il y avait une obligation morale de l'État d'agir, non pas juste morale, mais d'agir dans les cas, ces trois cas patents, là, ça n'a pas été fait d'une semaine à l'autre ou d'un mois à l'autre, là. En plus, il y a eu des années et des années avant qu'on en arrive avec cette dernière intervention-là. Alors, tout ça pour dire que... Est-ce que ce n'est pas une tentative d'enlever un plus à la loi?

M. Piette (Jean): Moi, je ne le crois pas. Les trois cas, en passant, c'est des cas assez anciens. Récemment, le pouvoir n'a pas été beaucoup utilisé et peut-être justement à cause de certains problèmes inhérents à la formulation de la loi ou de l'article 31.42, le 31.43 actuel. Il y a maintenant le nouveau pouvoir qui est accordé, il va être beaucoup plus large, il devrait rejoindre beaucoup plus de monde. Donc, le potentiel d'une plus grande utilisation est là ? et je pense d'ailleurs que la rédaction du nouvel article est beaucoup meilleure que la rédaction de l'ancien ? donc va être un outil beaucoup plus largement utilisable, je pense, par le ministre, sous réserve du fait qu'il y a quand même, je le reconnais, une certaine prudence. Je ne m'attends pas à ce qu'il y ait des centaines d'ordonnances émises dans les prochains mois, il faut quand même être raisonnable là-dedans.

M. Deslières: Il y a quand même des lois et des règlements.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia. Rapidement.

Mme Doyer: Oui, bien, c'est un peu dans la même foulée que mon collègue, messieurs, mesdames, c'est que, bon... On est tous d'accord avec le principe du pollueur-payeur, qu'il est fondamental et internationalement reconnu. Toutefois, quand on compare, on fait une analyse comparative telle que l'a fait le ministère de l'Environnement en regard d'autres réglementations étrangères, ça nous indique également que ce principe semble bonifier dans bien des cas la responsabilité du gardien. C'est le cas en Australie, dans certains pays européens, en Ontario, en Colombie-Britannique. Puis est-ce que ce n'est pas là un indice de l'évolution du principe du pollueur-payeur... puis vous vous placez un peu en porte-à-faux avec ce principe-là. Et pourquoi le Québec, dans sa législation, devrait-il être à contre-courant en allant dans cette voie? Puis je me réfère à la page 3 de votre document où là vous dites: «Cet article, parce qu'il déroge au principe du pollueur-payeur, principe pourtant fondamental en droit de l'environnement, permet d'engager la responsabilité environnementale de toute personne qui a ou a eu la garde d'un terrain par le passé ou qui l'exerce présentement en qualité de propriétaire, de locataire, d'administrateur du bien d'autrui, de fiduciaire, d'occupant de bonne foi ou à tout autre titre que ce soit, que cette personne ait ou non contribué à la contamination du terrain.»

Alors, moi, c'est un peu dans la même foulée... Qui va être responsable dans le fond? Je pense que ce qu'on essaie de faire avec ce projet de loi là, c'est de donner une poignée à quelque part et de changer une culture où on va se responsabiliser aussi par rapport à l'achat d'un terrain, la garde d'un terrain, le passage d'un terrain à quelqu'un, et on le sait, on l'a vu à bien des reprises que souvent les personnes ou les entreprises qui vont polluer le plus s'en sauvent à quelque part et que c'est collectivement que la problématique se retrouve, par le non-paiement de taxes, et que c'est les municipalités qui finissent par être responsables de ces terrains contaminés là.

Alors, moi, je ne sais pas, là. Vous vous placez un petit peu en porte-à-faux par rapport à ce qui se fait un peu partout.

Mme Lussier (Monique): Mme la députée... Monique Lussier. Je pense, d'une part, que l'intervention du CPEQ est par rapport à une règle fondamentale de notre système juridique: la sécurité des lois. Quand on parle en premier d'une rétroactivité de ce pouvoir, je pense qu'il faut décortiquer 31.43, il y a certains éléments qu'on a soulignés qui étaient très positifs, de 31.43, d'autres qui soulèvent encore des problématiques présentement.

Premièrement, la rétroactivité face aux gardiens, voilà 50 ans, 60 ans ou 10 ans, ça peut causer une problématique concernant les moyens de défense qu'on a donnés dans trois catégories. Ce que le CPEQ, d'une part, soulève et suggère en commission parlementaire, c'est que ces moyens ? un, deux, trois ? soient des conditions préalables à l'émission de l'ordonnance.

Nous sommes tout à fait conscients que le droit de l'environnement dans différents pays, dans différentes provinces a évolué avec le temps et s'adapte aux situations en même temps. Je dois quand même faire rappel que, en Ontario, quand on vient d'adopter le projet de loi n° 56, il y a un tas de mesures, qu'on ne trouve pas dans le projet de loi n° 72 au Québec, qui sécurisent d'une part à qui sont émises les ordonnances; d'autre part, une façon d'obtenir des certificats, comme on le suggère, le CPEQ, dans notre mémoire, qui garantit pendant un certain temps une immunité pour ne pas avoir d'ordonnance.

Et, troisièmement, vous avez eu l'occasion d'entendre comme nous les institutions financières qui garantissent aux institutions financières des mécanismes que, s'ils ont à prendre possession de ces terrains à risque, les banques vont être protégées. Donc, si les banques savent qu'elles sont protégées avant d'octroyer un prêt, il va être beaucoup plus facile pour un investisseur potentiel au Québec de faire affaire avec une banque. Et c'est des préoccupations qu'on vous soulève. On ne dit pas... Le principe évidemment du pollueur-payeur a évolué avec le temps, sauf qu'il y a une problématique ici ou un renversement du fardeau de preuve qui va généralement à l'encontre des principes fondamentaux de notre droit. On ignore, dans la loi, où vont se débattre ces moyens de défense et on n'a pas, avec toute déférence, des mesures de sécurité juridique et financière, pour le futur et pour le passé, comme on retrouve soit en Australie ou en Ontario. À tout le moins, je peux vous informer à ce sujet-là.

Mme Doyer: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, merci, M. le Président. Je veux d'abord saluer les gens qui sont ici aujourd'hui, Me Piette, Me Nadon, Me Lussier, M. Orban et Me Léveillée. Peut-être, sous le signe de l'humour, d'abord mentionner à Me Odette Nadon que nous l'avons lue dans les journaux et, comme la recherche est pauvre du côté de l'opposition, vous faisiez partie sans le savoir de la recherche libérale à une époque où vous avez écrit dans plusieurs journaux. Je dois aussi vous aviser que je suis déçu qu'on vous ait... on est déçu de vous avoir déçue parce que vous disiez dans un article que le projet de loi serait déposé au printemps, il serait voté au printemps de 2001, mais, vous savez, l'opposition a fait tellement un bon ouvrage, on a obligé le ministère à retourner dans ses terres, à le réétudier et à nous revenir aujourd'hui. Et on veut en prendre tout le mérite, nous de l'opposition, parce que si ça avait été juste du ministre Paul Bégin, le projet de loi n° 156, il passait. Il m'avait même dit qu'il avait parlé à tout le monde, que c'était bien beau. Et nous, Lawrence Bergman et moi, on a décidé que ça ne passait pas, ça n'avait pas d'allure, ce projet de loi là. Et, aujourd'hui, je veux vous dire qu'on vous a déçue dans votre article, Mme Nadon, mais, là, cette fois-ci, je pense que c'est vrai. Je pense que, si le ministre veut, là, ça va passer cette fois-ci, et on va l'aider pour que ça passe puis on va apporter les améliorations que vous voulez bien y apporter.

Une fois ça dit, à la page... Alors, Me Piette, à la page 3 de votre mémoire, vous nous parlez... vous dites: «...au projet de loi un concept similaire à celui des "friches urbaines" qui a cours dans certaines provinces canadiennes de même qu'aux États-Unis». Dans la famille, chez nous, il y a juste un avocat, je m'excuse, eux autres, ils ont fait un député avec, mais j'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu ce que ça veut dire, ça, cette histoire-là.

M. Piette (Jean): Bon, essentiellement, c'est un concept qui est véhiculé... ? on en a fait part dans notre intervention ? qui est véhiculé dans d'autres provinces. Remarquez bien que là-dessus on n'a fait que cette allusion-là. On pense que c'est important de trouver des solutions qui s'inscrivent dans l'économie et l'esprit du droit québécois et c'est pour ça que les importations extérieures... On regarde toujours ce qui se fait dans d'autres lois, mais on dit: Les solutions miracle ne sont pas nécessairement ailleurs. Sauf qu'il y a quand même quelque chose d'intéressant qu'on a trouvé dans la législation des friches urbaines, législation de l'Ontario entre autres, la 56. C'est un mécanisme qui sert d'encouragement à la décontamination des sols. Et c'est justement cette protection qui serait assurée à quelqu'un qui volontairement réhabiliterait un terrain ou quelqu'un qui le ferait même suite à une ordonnance ministérielle de décontaminer... éviter que, si, trois ans plus tard, il y a, je vous dis, une norme qui change dans un règlement quelconque, que tout de suite il doive réinvestir d'autre argent pour atteindre la nouvelle norme. Alors, on voudrait le protéger, sécuriser, en d'autres mots, l'investissement qui a été fait en décontamination. Et c'est un mécanisme, ça, qui effectivement est prévu dans la loi des friches urbaines de l'Ontario, entre autres, mais je pense qu'ils ont ça aussi en Colombie-Britannique. Alors, c'est le mécanisme qui est proposé ici.

Mme Nadon (Odette): Si vous me permettez. Dans le même sens, les friches urbaines, c'est évidemment...

M. Benoit: Depuis le temps que je vous lis, maintenant je peux vous entendre, c'est extraordinaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Nadon (Odette): Vous êtes comblé.

M. Benoit: Je suis comblé.

n(15 h 30)n

Mme Nadon (Odette): En fait, toute législation de Brownfield... ? et c'est ça qu'on propose ici; on parlait tantôt, Mme la députée, de se donner des poignées. Je pense que, quand on veut une législation de Brownfield, c'est d'encourager, de donner des poignées aux développeurs immobiliers, aux sites industriels, à tous les gens qui sont concernés parce qu'ils sont propriétaires ou occupants d'un site contaminé, et il faut, dans le fond, regarder tout le projet de loi comme tel et non pas simplement le pouvoir d'ordonnance qui est prévu, mais l'ensemble. Le cadre législatif qui est ici, il lui manque certaines choses ? il y a eu beaucoup de progrès qui a été fait ? pour justement inciter les gens. Pourquoi quelqu'un irait choisir de s'établir sur un site contaminé plutôt que sur un site en banlieue qui est vert? Comment on peut encourager le développement des terrains contaminés? C'est justement en... Il y a trois obstacles qu'une législation Brownfield doit adresser.

Et c'est la sécurité juridique, donc l'immunité de la personne qui veut s'embarquer dans un site contaminé, être sûr que, par la suite, les interventions que cette personne-là aura faites ne la mettront pas les deux pieds dans les plats. C'est ce qu'on propose dans le mémoire ici, une certaine immunité pour encourager les gens à défricher ça. Donc, c'est ce qu'on propose dans le 31.48 qu'on vous soumet.

Ensuite, des incitatifs économiques comme, par exemple, un allégement de taxes municipales pour aider le promoteur qui dépense des millions en décontamination, d'alléger son fardeau de taxes pour un certain temps, et, par la suite, la municipalité récupère l'investissement qui a été fait et va chercher des taxes. Ça, malheureusement, on n'a pas cette poignée-là dans la loi n° 72, ce qui n'empêche pas de la créer dans une autre loi connexe.

Troisième obstacle qu'il serait intéressant d'adresser dans une législation Brownfield, c'est de regarder les différentes approches de décontamination, d'être flexible. On voit qu'ici il y a eu une flexibilité parce qu'on a donné ouverture à l'analyse de risques. D'une façon timide, c'est vrai, mais, quand on regarde les pouvoirs réglementaires, ça nous laisse perplexes de voir qu'il n'y a pas de pouvoir réglementaire pour fixer des critères de décontamination. Simplement de décrire ce qui déclenche les mécanismes, mais on n'a pas de critères de décontamination, et nulle part on ne décrit non plus quelle sera l'approche d'analyse de risques. On en parle, on ouvre la porte, mais on ne sait pas ce que ça va être, et c'est très important que celui qui s'embarque dans des travaux de décontamination sache quelle est la flexibilité qu'il y a autour de ça pour comment on va pallier à toute situation pendant la décontamination.

Ça, c'est le genre de poignées qu'on on a besoin dans une législation Brownfield et que le projet de loi n° 72 a commencé à ouvrir les portes. C'est fort intéressant, c'est ça qu'il faut regarder, beaucoup plus que de s'attacher au pouvoir d'ordonnance. C'est sûr que le pouvoir d'ordonnance, de la façon qu'il a été fait, est beaucoup plus équitable, mais il faut regarder l'ensemble.

M. Benoit: Dernière question. Je ne sais pas si mon confrère Lawrence Bergman aura une question, mais, Me Piette, vous nous dites d'un côté: Il faut aller vers le pollueur-payeur, et, dans mon livre à moi, ça, c'est rétroactif. Mais, dans la même phrase, vous nous dites: Il ne faut pas passer une législation rétroactive. Encore une fois, il y a eu rien qu'un avocat dans la famille chez nous, puis ce n'était pas moi, mais j'essaie d'allier les deux. Le pollueur-payeur, en tout cas, rendu en l'an 2000, il faut qu'il soit rétroactif. De nos jours, là, c'est peu probable, et souhaitons-le franchement, les banquiers nous l'ont dit, tout le monde nous le dit. Alors donc, il faut que ce soit rétroactif, et vous nous dites: Bien, une législation rétroactive, on n'aime pas ça. Il n'y a personne qui aime ça, remarquez bien. Essayez donc de me conjuguer ça pour que je comprenne un peu mieux.

M. Piette (Jean): D'accord. Il est évident que c'est un peu inhérent à la notion de pollueur-payeur que d'être capable... devoir être capable de remonter au pollueur, quel que soit le moment où il a effectivement contaminé un terrain. C'est un fait qu'on va plus loin que le Code civil là-dedans. Par exemple, le principe du pollueur-payeur, tel qu'appliqué en droit de l'environnement, n'est pas fondé sur la faute. En droit civil, pour être responsable de quelque chose, il faut avoir commis une faute. Ici, le pollueur qui a pollué légalement, en d'autres mots, l'entreprise exploitée en 1923 qui a déposé des polluants sur son terrain ? tout le monde faisait ça à l'époque ? alors, on va le chercher quand même avec ça.

Mais pourquoi est-ce que c'est correct pour le pollueur puis ce n'est pas correct pour le gardien-payeur? Parce que le pollueur, lui, il a fait quelque chose qui a causé le problème, et ça, ça nous semble suffisant pour que, lui, on aille le chercher. Mais le gardien, il n'a, normalement, rien fait. S'il n'a eu que la qualité de gardien et qu'il n'a pas contaminé, lui, il n'a rien fait, il a joué un rôle innocent. Pendant quelques années, il a loué un terrain qui avait déjà été contaminé huit ans avant, mais il l'a loué pour exploiter une quincaillerie, ce terrain-là. Il n'a rien fait sur le terrain, sauf que d'exploiter une quincaillerie pendant cinq ou six ans. Pourquoi est-ce qu'on irait le chercher, cette personne-là? Quelle est sa responsabilité? Il a fermé sa quincaillerie, il a quitté les lieux puis il exploite ailleurs aujourd'hui. Pourquoi est-ce qu'on irait le chercher? En vertu de quoi est-ce qu'on irait le chercher puis lui dire: Toi, décontamine?

Il est évident qu'on a prévu des cas d'exception, mais, là encore, pourquoi est-ce que c'est lui qui a le fardeau de la preuve de ça? Et comment va-t-il s'acquitter de son fardeau si les faits se sont passés il y a 40, 50 ou 70 ans? Nous, on pense que c'est le ministre qui devrait faire cette vérification-là avant de rendre son ordonnance. On pense que l'équité devrait être établie de cette façon-là, parce que je pense que, même s'il y a certains... comme je vous dis, il y a certains caractères qu'on n'aime pas d'une loi rétroactive, pour le pollueur, je pense que ça se comprend, ça se défend. Pourquoi? Parce que, lui, il a fait quelque chose, il a créé la pollution, mais pas le gardien.

M. Benoit: Lawrence, est-ce que tu as une question? Peut-être une courte dernière question, Me Piette. Est-ce que j'ai raison de penser que finalement, sauf quelques grandes entreprises type CP, Bell, qui sont éternelles comme l'abbaye de Saint-Benoît-du-Lac... Est-ce que finalement le pollueur, là, il ne sera jamais le payeur parce qu'il va se dissolver, il va disparaître, il va mourir, il va s'en aller en compagnie à numéro, il va s'en aller aux Bermudes, «name it», il y a toutes sortes d'avenues et, finalement, il ne sera jamais le payeur, il va avoir été le pollueur, et qu'on erre un peu quand on parle de ça? Est-ce que... Et, à votre expérience, est-ce que c'est... J'aimerais vous entendre un peu sur cet aspect-là.

M. Piette (Jean): Oui, oui, d'accord. Puis ça me fait plaisir que vous posiez la question, parce que, effectivement, dans la vraie vie on trouve toutes sortes de situations, on trouve des pollueurs qui sont encore là aujourd'hui puis on trouve des pollueurs disparus. C'est évident que, si le Grand Tronc a pollué un terrain à la Pointe Saint-Charles, à Montréal, en 1898, aujourd'hui, il est encore-là, il a des successeurs, des compagnies qui l'ont repris. Une pétrolière qui était là, la compagnie BA qui était là avant, qui n'existe plus aujourd'hui, il y a d'autres compagnies qui lui succèdent aujourd'hui et qui sont aux droits et aux devoirs des anciennes qui ont été fusionnées à elles. Alors, il y en a un paquet, en effet, d'entreprises qui sont encore là aujourd'hui, qu'on peut aller chercher.

Il y en a d'autres, vous avez raison, qui sont disparues dissoutes, etc. Alors, dans ces cas-là, c'est une limite d'un principe pollueur-payeur qu'il y a certains pollueurs qu'on ne trouvera pas aujourd'hui. Dans ces cas-là, qu'est-ce qu'il faut avoir? Il faut avoir une loi avec des incitatifs pour que les propriétaires actuels soient incités soit par les mécanismes du marché, soit par les mécanismes de protection, soit par des programmes comme Revi-Sols. Puis ça, il faut rendre hommage à Revi-Sols, le gouvernement du Québec a eu le courage de mettre en place un programme qui vise justement à encourager avec des fonds publics ? et il y a des fonds privés aussi qui embarquent là-dedans ? la décontamination des terrains. Alors, moi, je pense que des mécanismes comme ceux-là peuvent donner effectivement des résultats de décontamination même si un pollueur original est aujourd'hui disparu.

M. Benoit: Bien.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, mesdames, messieurs du Centre patronal de l'environnement du Québec pour votre participation aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, j'invite...

n(15 h 40)n

Alors, j'invite les représentants de l'Institut de développement urbain du Québec...

(Consultation)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs de l'Institut de développement urbain du Québec. Je vous rappelle les règles du jeu, vous avez 15 minutes de présentation et, par la suite, les échanges avec les parlementaires de chaque côté. Alors, je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Institut de développement urbain
du Québec (IDU Québec)

M. Charlebois (Cameron): D'accord, merci. M. le Président, M. le ministre, messieurs dames de la commission, je me présente, je suis Cameron Charlebois, président-directeur général de l'Institut de développement urbain du Québec. Je suis accompagné de membres et collègues qui participent à notre comité sur l'environnement, notamment: à ma droite, Me Pierre Meunier, du bureau de Fasken, Martineau, DuMoulin; à sa droite, M. Daniel Tousignant, qui est géologue à la firme Technisol; et, à ma gauche, mon collègue Guillaume Neveu, qui travaille dans la rédaction des mémoires et aussi dans le bureau de Québec.

Alors, merci de nous recevoir, puis ça nous fait plaisir de vous faire part de notre pensée, nos pensées sur le projet de loi n° 72. Tout d'abord, l'IDU Québec, très brièvement ? il y a plus d'information dans vos pochettes ? est une association de propriétaires et promoteurs immobiliers du domaine de l'immobilier commercial, industriel et bureaux. On n'a très peu de membres dans notre association qui travaillent dans le domaine du résidentiel.

Le mémoire que vous avez devant vous, je vais le lire assez rapidement. Et je vous fais grâce des deux premières pages qui présentent l'IDU, comme je viens de faire, et je vais débuter mon intervention à la page 2, parlant de l'article 31.43, ce qui est devenu... devient assez fameux de nos jours. Mais, juste avant de commencer, je tiens, comme les autres intervenants ont pu dire avant nous, à remarquer, reconnaître la grande collaboration que nous avons eue du ministère de l'Environnement depuis la rédaction du projet de loi n° 156 vers le projet de loi n° 72 que vous avez devant vous aujourd'hui. Puis, en effet, nous trouvons qu'il y a eu une nette amélioration, un cheminement intéressant entre les deux projets, et ça nous fait plaisir aujourd'hui de vous faire part de nos pensées sur la version courante.

Alors, en ce qui concerne la responsabilité découlant de la garde et du contrôle, à l'article 31.43, le projet de loi n° 72 précise des conditions pour qu'une personne ou une municipalité soit tenue de décontaminer un terrain. Le ministre se voit attribuer en ce sens un pouvoir d'ordonnance pour obliger la caractérisation ou la réhabilitation d'un terrain par la personne ou la municipalité visée. L'IDU Québec accepte d'emblée que le ministre a un pouvoir d'ordonnance visant le pollueur d'un terrain contaminé dans la mesure où ce pollueur peut être dûment identifié. Par contre, dans le cas d'un gardien qui n'est pas le pollueur, l'IDU Québec croit que le pouvoir ministériel d'ordonnance devrait être fortement balisé.

De prime abord, l'IDU Québec aurait privilégié l'une ou l'autre de deux approches pour baliser l'émission d'une ordonnance visant le gardien d'un terrain, soit de ne pas permettre l'émission d'une ordonnance à l'endroit d'un gardien tant et aussi longtemps que la preuve n'a pas été faite que le pollueur ne peut être dûment identifié, soit de fixer des critères différents de sorte qu'un gardien ne pourrait faire l'objet d'une ordonnance que si le terrain contaminé visé a un impact manifeste, c'est-à-dire qui présente des impacts perçus ou mesurés comme des problèmes de santé chez les humains, la contamination mesurée de sources d'eau potable, ainsi de suite.

Ceci étant dit, nous comprenons que législateur ait opté pour une approche différente. Dans le projet de loi n° 72, l'article 31.43 stipule que les personnes pouvant être visées par l'émission d'une ordonnance sont le pollueur ou le gardien du terrain. Toutefois, pour le gardien, trois dispositions spécifiques lui permettent de s'exempter de toute responsabilité. Ces exemptions de responsabilité incluses dans le libellé de l'article sont intéressantes parce qu'elles permettent de ne pas tenir pour responsable de la contamination le gardien du terrain qui a agi avec diligence et dans les règles de l'art lors de l'acquisition et de la gestion du terrain ultérieurement à sa contamination.

Toutefois, l'IDU Québec est d'avis que plusieurs prérequis devraient conditionner l'émission de toute ordonnance par le ministre sous l'autorité de cet article afin d'éviter certains préjudices à l'endroit d'un gardien non responsable de la contamination.

Ces prérequis, qui ont déjà fait l'objet de discussion avec divers intervenants, seraient: le fait qu'il doit s'agir d'un terrain contaminé qui a un impact manifeste sur la santé humaine, l'eau, la faune et la flore. Le deuxième «bullet», je m'en excuse, ça a été laissé là par coquille, biffez-le dans vos copies, s'il vous plaît, ça ne doit pas... Le «bullet» qui commence avec «fortement», là, juste biffez ça, ça a été laissé là par erreur. Troisième point, qui devient le deuxième: le fait que la personne visée ait exercé un réel pouvoir de surveillance, de contrôle et de direction sur le terrain contaminé; le fait qu'elle a eu connaissance ou a eu une raison de savoir que le terrain était contaminé; et le fait qu'elle ait manqué à son devoir de diligence et de prudence en n'empêchant pas que des décontaminants continuent de porter atteinte à l'environnement, dont l'être humain.

Aussi, l'IDU comprend que, bien que le fardeau de la preuve revient au gardien visé par une telle ordonnance, ce dernier pourra néanmoins porter le dossier en appel devant le Tribunal administratif du Québec s'il juge qu'il ne devrait pas être tenu responsable de la contamination pour laquelle l'ordonnance a été émise.

Malgré les exemptions du projet de loi et le respect de ces prérequis, le fardeau de la preuve demeure toujours sur les épaules du gardien visé par l'ordonnance. Afin de ne pas indûment pénaliser un gardien non responsable de la contamination, l'IDU Québec formule deux recommandations, l'une portant sur la possibilité d'un appel en garantie envers le pollueur et l'autre concernant la formulation d'un préavis.

D'abord, l'appel en garantie. L'IDU Québec juge qu'il serait important de permettre au gardien d'un terrain visé par l'ordonnance d'appeler en garantie le pollueur du terrain dans le cadre de son recours en appel devant le Tribunal administratif du Québec. Dans la mesure où il y a un pollueur solvable qui peut entreprendre les travaux de restauration, le gardien du terrain pourrait être dégagé. Ceci éviterait la multiplicité des recours.

Ainsi, il y aurait lieu d'ajouter un quatrième cas d'exemption à l'article 31.43 proposé par le projet de loi n° 72. Et je vous réfère immédiatement au n° 4 de l'article modifié dans votre document où ils nous disent qu'«elle établit qu'il existe une personne ou une municipalité qui a émis, déposé, dégagé ou rejeté, en tout ou en partie, les contaminants, ou on a permis l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet et que celle-ci a des actifs suffisants pour entreprendre et mettre en place un plan de réhabilitation du terrain visé par l'ordonnance».

Dans le cas de préavis, le principe des mesures préalables à l'ordonnance est déjà prévu à l'article 5 de la Loi sur la justice administrative qui prévoit que «l'autorité administrative ne peut prendre une ordonnance de faire ou de ne pas faire ou une décision défavorable portant sur un permis ou une autre autorisation de même nature sans [...]:

«1° avoir ? au préalable ? informé l'administré de son intention ainsi que des motifs sur lesquels celle-ci est fondée;

«2° avoir informé celui-ci, le cas échéant, de la teneur des plaintes et oppositions qui le concernent;

«3° lui avoir donné l'occasion de présenter ses observations et, s'il y a lieu, de produire des documents pour compléter son dossier.»

Ce principe de préavis fait déjà partie de la Loi sur la qualité de l'environnement dans le cas d'une ordonnance délivrée en vertu de l'article 25 de la loi relativement à l'émission d'un contaminant dans l'environnement. Cet article prévoit qu'avant de rendre une ordonnance le ministre doit notifier la personne visée au moins 15 jours à l'avance, mentionnant les motifs qui paraissent justifier une ordonnance, la date projetée pour sa prise d'effet et la possibilité pour la personne de présenter ses observations.

Donc, à cause des conséquences potentiellement importantes pour la personne qui est visée par une ordonnance, l'IDU Québec considère qu'il est essentiel qu'un processus de préavis soit instauré dans la loi du Québec sur l'environnement avant la délivrance d'une telle ordonnance.

Notre deuxième recommandation serait donc, à la suite de l'article 31.49, d'ajouter un article 31.49.1. Le libellé de cet article serait le suivant... Puis je vous fais grâce de la lecture, mais nous vous proposons un libellé qui est tiré presque intégralement de l'article 25 de la loi déjà présente, donc, mais qui s'appliquerait à ce chapitre, ici, concernant la contamination des terrains.

L'article concernant l'information du public, ce que nous avons écrit ici, ça rappelle les principes derrière le raisonnement pour l'information du public, pour conclure que c'est tout à fait acceptable et suffisant, ce qui est dans la loi. Alors, je vous fais grâce de la lecture de cette partie-là.

Maintenant, à la page 5, l'avis de réhabilitation, les articles 31.58 et 31.59, le projet de loi prévoit l'émission d'un avis de décontamination pour un terrain ayant fait l'objet d'une décontamination aux critères, mais aucun avis similaire n'est prévu pour un terrain ayant fait l'objet d'une réhabilitation par analyse de risques. L'IDU Québec déplore cette situation et recommande, conformément à l'énoncé de la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés à ce sujet, qu'un avis de réhabilitation puisse être émis pour un terrain ayant fait l'objet d'une réhabilitation par analyse de risques.

Par ailleurs, en passant, j'aimerais souligner notre satisfaction quand même qu'on reconnaît, dans le projet de loi, l'analyse de risques comme une méthode valable et acceptable pour la réhabilitation des sols. Pour ça, nous nous en réjouissons, mais nous aimerions proposer certaines modifications quand même. Si la méthode de réhabilitation par analyse de risques est reconnue dans le projet de loi, l'IDU Québec constate néanmoins qu'elle est placée dans une situation de parent pauvre par rapport à la méthode de décontamination aux critères.

n(15 h 50)n

L'article 31.58 prévoit que, lorsqu'une étude de caractérisation effectuée en vertu de la loi révèle la présence de contaminants au-delà des valeurs limites réglementaires, un avis de contamination doit être inscrit au registre foncier. L'article 31.59 prévoit qu'un avis de décontamination peut être requis par une personne lorsque le terrain a fait l'objet de travaux de décontamination et qu'une étude de caractérisation réalisée subséquemment a révélé l'absence de contaminants ou la présence de contaminants à une concentration n'excédant pas les valeurs réglementaires.

Par contre, une personne qui procède à une réhabilitation par analyse de risques qui permet le maintien sur le terrain des contaminants au-delà des valeurs limites ne bénéficiera pas d'un avis. Bien que cette personne bénéficierait des approbations et des documents par le ministère de l'Environnement, l'IDU Québec juge que cela n'est pas adéquat, car l'avis de contamination continuera d'apparaître sur le registre foncier. La propriété continuera d'être désignée comme un site contaminé au Bureau de la publicité foncière.

Par conséquent, en l'absence d'un avis de réhabilitation, la méthode de réhabilitation par analyse de risques ne jouit pas d'une reconnaissance législative équivalente à la méthode de décontamination aux critères qui, elle, s'avère beaucoup plus dispendieuse. Or, le développement urbain a tendance à se manifester là où c'est plus facile, plus certain et moins dispendieux. Dans un tel contexte, tout porte à croire que les centres des agglomérations, où l'on retrouve généralement beaucoup de terrains contaminés, se trouveraient désavantagés en matière de développement urbain, notamment par rapport à la périphérie. Pour cette raison, la méthode de réhabilitation par analyse de risques doit être placée sur un pied d'égalité par rapport à la méthode de décontamination aux critères.

L'IDU Québec invite le ministère de l'Environnement à considérer l'émergence possible de ce phénomène de développement urbain qui, il faut le souligner, irait à l'encontre des objectifs et des orientations que le gouvernement s'est lui-même donnés, par exemple dans le Cadre d'aménagement et d'orientations gouvernementales de la région métropolitaine de Montréal, où on fait souligner par ailleurs tout le phénomène de l'étalement urbain et que le désavantager. La seule méthode abordable pour la décontamination des terrains au centre des agglomérations ne peut qu'encourager l'étalement urbain.

L'IDU Québec comprend que, pour le gouvernement, une distinction doit exister entre une décontamination aux critères et une réhabilitation selon la méthode de l'analyse de risques et que cette distinction doit être signalée lors de la publication d'un avis. À cet effet, le projet de loi n° 72 pourrait être modifié en introduisant la distinction qui est créée dans la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés où il existe deux types d'avis, un avis de décontamination suite à la décontamination aux critères génériques, un avis de réhabilitation suite à la réhabilitation par analyse de risques.

Sur la base de ce qui précède, l'IDU Québec recommande que l'article 31.59 prévoie... Puis on introduit à peu près dans la septième ligne, commençant par «n'excède pas les valeurs limites réglementaires»... On propose l'ajout d'un avis de réhabilitation qui se lit comme suit: «Ou d'un avis de réhabilitation, énonçant des restrictions à l'utilisation lorsque ce terrain, suite à une évaluation des risques toxicologiques et écotoxicologiques et des impacts sur les eaux souterraines, a fait l'objet d'un plan de réhabilitation approuvé par le ministre afin de maintenir des contaminants dont la concentration excède les valeurs limites réglementaires dans le terrain.

«Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 31.58 sont applicables à l'avis de décontamination et à l'avis de réhabilitation.»

Alors, on vous propose ces modifications pour tenir compte de cette méthode-là.

Libre accès, concernant l'article 31.63. Le projet de loi n° 72 stipule que celui qui, à titre de propriétaire, de locataire ou à quelque autre titre que ce soit, a la garde d'un terrain doit en permettre le libre accès afin de réaliser une étude de caractérisation et des études telles que demandées par la loi, à toute heure raisonnable au tiers tenu en vertu des dispositions de la présente section. L'IDU Québec considère que la notion de «tiers tenu» n'est pas suffisamment précise et porte à confusion. Nous recommandons donc le remplacement, dans l'article 31.63, des mots «au tiers tenu en vertu» par les mots «à toute personne ou municipalité visée par une ordonnance rendue». Et le texte de l'article a été modifié, et vous l'avez devant vous. D'accord, je termine.

Recours civil. Très simplement, parce que nous prônons l'appel en garantie du pollueur, nous proposons que cet article-là ? par ailleurs, c'est un peu redondant, on l'a au Code civil déjà ? que ça soit tout simplement biffé, là. Le 31.50, ça reprend ce qui est déjà dans le Code civil et d'autres dispositions des procédures juridiques, donc ce n'est pas nécessaire de le maintenir.

Les ressources gouvernementales, nous insistons beaucoup que le projet de loi va encourager davantage le recours à la méthode d'analyse de risques, qui interpelle davantage les ressources du ministère. Nous prônons beaucoup cette méthode-là, surtout pour le centre des agglomérations, de sorte que nous pensons que le ministère devrait se doter des ressources nécessaires pour répondre à l'appel. Et, en ce sens-là, nous serons d'accord à implanter un système de tarification pour financer l'implantation de ces ressources-là au ministère.

Et, finalement, il y aura un règlement qui va accompagner ce projet de loi, et nous aimerions beaucoup être interpellés dans la rédaction ou la préparation de ce règlement-là et porter notre aide et notre connaissance pour cette tâche. Alors, merci pour votre attention, puis à vous les questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Charlebois. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Bien. Je vous remercie beaucoup, M. le Président. D'abord, vous me permettrez de saluer nos invités, MM. Charlebois, Meunier, Tousignant et Neveu, que j'ai eu souvent l'occasion de côtoyer au cours des trois dernières années dans les vastes réflexions sur les domaines de la réforme municipale, de la création des communautés métropolitaines. L'IDU a été un acteur essentiel qui était constamment au feu pour alimenter la réflexion, et nous vous en sommes très redevables, redevables également de votre présence dans le présent dossier.

L'une des bonifications majeures, je crois, que nous avons connues dans le projet de loi n° 72 par rapport au projet de loi n° 156, c'est très certainement sur l'article 31.45 sur le concept d'analyse de risques, très intéressant, et on a dit que vous avez été ? comment dire? ? des promoteurs très vigoureux de cette idée novatrice qui a, en arrière-scène, un souci très fort de santé publique en parlant d'écotoxicologie, de toxicologie.

Donc, je pense qu'il faut... Je le dis parce qu'il faut quand même... Quod scriptum scriptum, ce qui est écrit reste écrit, M. le Président, puis il faut quand même, pour ceux qui pousseraient la curiosité jusqu'à lire nos galées un jour, qu'ils puissent...

Le Président (M. Lachance): Vous êtes bien jeune pour avoir fait du latin, mon cher.

M. Simard (Montmorency): Ah oui, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charlebois (Cameron): Et pas assez vieux pour l'avoir perdu. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Montmorency): Bien, quoi qu'il en soit, c'est justement là-dessus que je voulais vous entendre davantage, sur l'analyse de risques. Est-ce que ce qui se retrouve dans le libellé de 72 vous convient? Est-ce que, en termes d'impact économique et en termes de développement, on peut parler d'un plus lorsqu'on fait référence à l'analyse de risques? Si oui, au niveau de l'Institut, l'avez-vous envisagé, qu'est-ce que ça représente financièrement? Donc, vous voyez un peu, j'aimerais vous entendre sur... développer cette idée.

M. Charlebois (Cameron): D'accord, merci. Je vais commencer puis je passerai après à mes deux collègues, qui pataugent là-dedans quotidiennement. C'est sûr que pour un promoteur immobilier saisi d'un problème de contamination de terrain, pour encourager le développement, le recours à l'analyse de risques est absolument essentiel. On peut nommer des projets à Montréal. Malheureusement, le promoteur de projet, la cour Angus, le projet Angus à Montréal, n'a pas pu être présent aujourd'hui, mais ils auraient pu vous parler de comment ce projet-là a été rendu possible par le recours à l'analyse de risques versus la décontamination. Ça aurait été absolument impossible. Donc, nous sommes des forts prôneurs de cette méthode-là pour des situations difficiles et, en ce sens-là, nous sommes partenaires, je crois bien, avec les municipalités, notamment Montréal et Québec qui sont aux prises avec beaucoup de terrains contaminés.

Sûrement ? et je rappelle ce qui est dans le mémoire ? on a du chemin à faire quand même à le mettre sur un pied d'égalité avec la décontamination aux critères. Ça, c'est sûr que le financier, les successeurs en titre d'une propriété vont préférer tout le temps que ce soit décontaminé, et c'est malheureux parce que ça met au désavantage le centre de l'agglomération en ce qui concerne le développement urbain. Donc, c'est pour ça que nous demandons que ça soit encore davantage avancé comme méthode égale en qualité et que le titre de la propriété ne soit pas taché par le manque d'un avis de réhabilitation.

n(16 heures)n

Mais, avec ces quelques mots, je passerais à Me Meunier et M. Tousignant pour vous répondre avec un peu plus de concret.

M. Meunier (Pierre B.): Bien, écoutez. À défaut d'entendre le promoteur responsable du redéveloppement des ateliers Angus, j'ai moi-même été impliqué, pour le compte des chemins de fer du Canadien Pacifique, dans ce projet des ateliers Angus qui est un des plus importants sites redéveloppés sur l'île de Montréal au cours des dernières années et certainement au Québec, et, si le recours à... Comme le promoteur aime le dire, et je le cite en son absence: Si le recours à l'analyse de risques n'avait pas été possible pour ce site-là, il est fort probable qu'on aurait encore un site... un très grand trou dans le tissu urbain de Montréal, on aurait encore un site gigantesque qui ne serait pas redéveloppé. Et, à cause de cette ouverture et à cause de la possibilité de recourir à cet outil, ce site a été redéveloppé et il comporte des volets résidentiels. Il y a une forte composante résidentielle, une forte composante commerciale et une composante industrielle. Et, on en parle régulièrement ? je pense qu'on en parlait dans La Presse de samedi encore, il y a quelques jours ? c'est un succès sur toute la ligne. C'est un exemple, je pense, qui est cité évidemment non seulement par le promoteur, mais que le ministère a cité à l'occasion et dont il s'est servi pour illustrer des exemples dans la documentation disponible sur Revi-Sols.

Donc, c'est important. C'est important que ce soit mentionné dans le projet de loi, mais c'est important qu'on puisse en permettre l'accès lorsque c'est préférable d'utiliser cette méthode. C'est important qu'on puisse en permettre l'accès sur ce que M. Charlebois... sur un plan d'égalité, si on veut, avec la méthode de décontamination aux critères. Et, c'est un peu le sens de la suggestion qui est faite au mémoire de l'IDU, quand on décontamine aux critères, on peut bénéficier d'un avis de décontamination ? c'est le sens des articles 31.58 et 31.59 ? et l'IDU propose qu'il y ait un pendant à l'avis de décontamination suite à une décontamination aux critères, que l'on puisse également... Parce que c'est ça qui se passe, en fait, qu'on puisse également enregistrer ou inscrire un avis de réhabilitation suite à une gestion des sols découlant d'une analyse de risques.

Autre chose qui est également importante, c'est que si on parle de mettre les deux méthodes sur un pied d'égalité ? peut-être que le terme est mal choisi, mais de permettre l'accès, un accès égal aux deux méthodes ? il faudrait ? et M. Charlebois en parlait dans son allocution principale ? il faudrait que le ministère dispose des ressources adéquates et des ressources financières et humaines nécessaires pour traiter de ces demandes ou de ces dossiers en temps utile. Il va arriver, si le ministère n'a pas les ressources nécessaires, que, compte tenu des délais beaucoup trop grands qui sont requis lorsque l'on choisit cette voie, que des promoteurs abandonnent et n'aient recours à aucune des deux méthodes de développement alors que l'analyse de risques pourrait utile possiblement ou être retenue si on voulait aller de l'avant et qu'on savait que le dossier pouvait être traité en temps utile.

M. Tousignant (Daniel): Je voudrais compléter là-dessus, sur l'importance de l'application de la méthode d'analyse de risques. C'est qu'avec la nouvelle réglementation sur les matières résiduelles ça a un impact très marqué sur les coûts d'élimination. Déjà, en étant consultants, on voit que les coûts ont presque doublé depuis quelques mois, ce qui veut dire que, par exemple, quelqu'un qui voudrait aller par l'approche Revi-Sols qui prévoit mettre de sa poche un montant équivalent à 500 000 $, où il va se retrouver à être obligé de mettre peut-être 1 million de dollars, peut-être que là, à ce moment-là, bien, là, pour lui, le projet ne serait pas viable. C'est à ce moment-là que l'approche par analyse de risques va devenir beaucoup plus intéressante pour un promoteur d'un terrain qui était déjà contaminé.

M. Simard (Montmorency): Merci. Bien, très rapidement, M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Simard (Montmorency): ...avant de céder la parole à l'un de mes collègues, simplement pour vous dire que je prends bien faits et actes de votre souhait d'être consultés dans la réglementation qui suivra l'adoption du projet de loi n° 72. Vous comprendrez bien que cette réglementation ne peut pas se faire avant l'adoption de ladite loi et que, pour ce faire, nous aurons besoin, bien sûr, de la collaboration de tous nos partenaires, incluant celle des membres de l'opposition. Et on prend également faits et actes de votre recommandation concernant l'article 31.50.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Masson.

M. Labbé: Alors, merci, M. le Président. Alors, M. Charlebois et votre équipe, merci de votre présence. Merci de la qualité de votre mémoire. Je veux revenir peut-être à la page 3, sur le fameux article 31.43 dans lequel, évidemment, vous faites appel à ce qu'on appelle... permettre justement au gardien d'un terrain de faire appel en garantie au... ce qu'on peut appeler en fait, là, le vrai pollueur, le pollueur, puis, évidemment, en autant qu'il est solvable, on se comprend là-dessus.

Mon commentaire est le suivant, c'est que j'entendais vos prédécesseurs qui mentionnaient que... Écoutez, si on a un effet rétroactif, essayez de retrouver le pollueur, on parle de 40 ans, 50 ans. C'est des choses que j'ai entendues un petit peu tout à l'heure, préalablement, 40, 50, 60 ans, on s'embarque dans quelque chose qui n'est pas évident. Et, à partir de ça, je me demandais... Vous, ce que vous dites, vous dites: Écoutez, on va les prendre, les procédures, nous autres, puis on va les retracer, puis on va trouver le vrai pollueur, parce que toute la notion... Il faut s'assurer à un moment donné qu'effectivement... Non, ce n'est pas moi, c'est l'autre, c'est l'autre avant, etc. Alors, le risque, pour nous autres, c'est toujours de s'embarquer dans une procédure qui peut être excessivement longue. Il n'y aurait pas un intérêt à un moment donné à étirer ça le plus possible, et, pendant ce temps-là, il pourrait toujours soit avoir des transactions ou, en tout cas, des choses qui sont plus ou moins claires? Mon idée, mon intervention, c'est plutôt d'avoir un éclaircissement, vos commentaires par rapport à ça, comment vous verriez ça, parce qu'on ajoute cet élément-là. Le quatrième point en amendement dans l'article 31.43, c'est la réalisation de ça, la faisabilité. Comment vous voyez ça?

M. Charlebois (Cameron): D'accord. Bien, j'inviterais Me Meunier, conseiller juridique...

M. Meunier (Pierre B.): Oui, oui, j'y avais pensé. Écoutez, je pense qu'il y a une nuance, là. Je comprends très bien les propos qui ont été évoqués par les intervenants précédents, et, bon, ce qui est suggéré ici est quelque chose de différent. Les intervenants précédents souhaitaient que le fardeau repose à celui qui émet l'ordonnance, ici, la personne qui est visée par une ordonnance, la personne qui a agi à titre de gardien peut être exemptée de l'ordonnance si elle établit. C'est à elle à établir.

M. Labbé: Elle a le fardeau?

M. Meunier (Pierre B.): C'est vrai que ça peut être difficile de trouver un pollueur. Plus on remonte loin dans le temps, plus, normalement, ça va être difficile, mais, si elle l'établit... Bien, ce que l'IDU dit, c'est qu'elle devrait au moins avoir la chance de pouvoir l'établir.

M. Labbé: Et, dans le même ordre d'idées, si vous permettez, parce qu'on veut aller plus loin dans le cheminement...

Le Président (M. Lachance): ...M. le député.

M. Labbé: Pardon?

Le Président (M. Lachance): Il vous reste deux minutes, maximum, y compris la réponse.

M. Labbé: Excellent. Oui, monsieur. Alors, ce qui veut dire que le gardien comme tel, c'est lui qui a le fardeau d'aller chercher l'individu ou la corporation, l'organisation, et il doit prouver hors de tout doute que c'est cette personne-là qui est responsable, dans le fond, qui est le pollueur solvable à ce niveau-là. Il faut qu'il prouve ces deux éléments-là. Comment... Est-ce qu'on ne devrait pas mettre des incitatifs à ce moment-là pour s'assurer que ça va se faire, parce que c'est ce qu'on essaie de... dans des temps quand même intéressants, là, pour pas qu'on perde du temps, que ça s'étire puis... Y a-tu quelque chose que vous avez prévu à ce niveau-là?

M. Meunier (Pierre B.): Bien, il n'y a rien qui est prévu de façon spécifique au niveau du temps, sauf que vous avez vu quand même qu'il y a le préavis qui est prévu. Alors, le préavis ne donnera peut-être pas dans tous les cas le temps nécessaire, sauf que ça donne quand même une certaine période de temps. Et, plus on va devoir remonter loin dans le temps, plus ça va être difficile. Puis, si on s'aperçoit, après 60 ou 90 jours, qu'on ne trouve rien alors qu'on est propriétaire et qu'on connaît... pas propriétaire, mais qu'on est gardien depuis un certain temps puis qu'on connaît déjà l'historique, bien les chances sont qu'on ne pourra pas toujours aller chercher un responsable solvable. Mais, au moins, si le ministère ne l'a pas identifié ou qu'il l'a identifié et qu'il ne veut pas que ce soit lui qui soit l'objet de l'ordonnance, bien permettons au gardien de pouvoir le faire à sa place.

M. Labbé: ...c'est clair, merci.

n(16 h 10)n

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford et porte-parole de l'opposition.

M. Benoit: Oui. Alors, M. Charlebois, Me Meunier, c'est un honneur de vous avoir avec nous. Me Meunier, ex-sous-ministre au ministère, hein? Alors, imaginez-vous qu'on va les entendre, on va les écouter avec grande attention. MM. Tousignant et Neveu, merci d'être avec nous aujourd'hui.

Trois petites questions, et, après ça, le député de D'Arcy-McGee aura aussi quelques questions. Au moment du projet de loi n° 156, vous étiez... Je vais prendre un mot assez fort, vous étiez véhéments contre le projet de loi n° 156, comme bien d'autres d'ailleurs, les banquiers, Desjardins. Enfin, je pourrais en nommer une série qui sont venus nous dire: Ça n'a pas d'allure, il y a un coût économique... Le chiffre qui revenait constamment, c'était de 700 millions où demain vous allez... Passez-moi l'expression, mais staller des projets de l'ordre de 700 millions. Vous avez à l'époque essayé et, je pense, réussi à rencontrer le nouveau premier ministre du Québec. C'est de l'histoire, c'était la 156, maintenant nous en sommes aujourd'hui... Le projet de loi n° 72, pour vos gens que vous représentez, il est acceptable maintenant? Avec certaines améliorations, vous êtes capables de vivre avec? Est-ce qu'il y a un coût économique encore très élevé à ce projet de loi là?

M. Charlebois (Cameron): Bien, d'abord la réponse à votre première question, c'est: Oui, on est capables de vivre avec. Je pense qu'il y a des améliorations dans le 31.43 qui étaient quand même remarquables, et ça cernait davantage ce qui pouvait être servi, ça bonifiait les cas d'exemption. Donc, c'était... C'est toujours difficile, remarquez bien, c'est toujours inquiétant, et on partage les préoccupations du CPQ en ce sens-là. Mais de dire qu'il y a un impact économique parce que ça va freiner des projets comme tels, on ne pense pas, tu sais, on ne pense pas que c'est rendu à ça, tandis que le 156 avait cette menace-là inhérente dans le projet de loi. Donc, on voit que c'est une nette amélioration. On espère quand même que, si on commence à voir des contre-indications dans le marché, que ça rend le développement des terrains... la friche urbaine difficile ou que ça met des freins, puis le feedback du milieu est de sorte que ça ne marche vraiment pas parce que les banquiers ne veulent pas financer ou on ne peut pas garantir, bien, à ce moment-là, il va falloir réouvrir la loi, puis on va revenir à la charge, c'est clair.

Mais, pour le moment, ça semble être le mieux qu'on peut accomplir, ça semble être praticable sur la face du libellé, puis on va voir qu'est-ce que ça donne. Mais, certainement des inquiétudes persistent, on ne peut pas nier ça.

M. Benoit: Une des inquiétudes que vous aviez à l'occasion... Et, comme environnementaliste, je vois que les CRE sont ici et vont nous adresser la parole tantôt, une des préoccupations que vous aviez et, encore une fois, comme environnementalistes, qu'on devait partager avec vous, c'était de nous dire: Si la loi est trop sévère, comme elle était, à votre point de vue, dans 156, il y aura une migration des grands projets vers les régions périurbaines finalement, zones vertes plus souvent qu'autrement. Est-ce qu'avec le 172 ça demeure une préoccupation majeure pour vous?

M. Charlebois (Cameron): Dépendamment de l'emploi et la praticabilité de la méthode de l'analyse de risques, ça peut être un problème. Je pense que c'est pour ça qu'on insiste sur la question des ressources, des délais utiles pour la production d'un plan de réhabilitation, pour ne pas freiner, parce que c'est sûr que, quand le centre de l'agglomération... Puis là, c'est la pure business d'immobilier que je vous dis là, le centre de l'agglomération est en compétition féroce avec la banlieue, c'est clair, ça a toujours été de même, et, si on empile les difficultés, des obstacles, des entraves, la gymnastique nécessaire pour développer le centre de l'agglomération, ça va juste fuir, puis c'est ça qui s'est produit pour différentes raisons.

Alors, je pense que l'inquiétude demeure là, puis c'est pour ça que nous demandons puis nous allons continuer de demander que la méthode de l'analyse de risques soit mise sur un pied d'égalité, pour le dire de cette façon-là, avec la décontamination aux critères. Là encore, ça dépend de l'intensité de l'économie ou comment rapide doivent être les projets, mais c'est sûr que... Puis on se l'est dit à mi-blague que le ministre est devenu le ministre... est passé du ministre des «green fields» au ministre des «brown fields» en assumant le ministère de la Métropole. Donc, c'est dans l'intérêt de ce ministère-là d'encourager le développement du centre de l'agglomération et donc de travailler fortement, cohéremment, là, tu sais, pour aider l'analyse de risques d'être la méthode viable.

M. Benoit: Me Meunier, dans le mémoire, à la page 8, vous nous dites: «...se réaliser dans un délai maximum de trois mois afin de ne pas ralentir davantage les processus de développement immobilier.» Vous qui avez été un sous-ministre, qui êtes maintenant dans l'entreprise privée, est-ce que c'est réaliste d'écrire des choses comme ça dans un mémoire quand on sait que le ministère a des budgets coupés de 50 %, le personnel de 43 %? Est-ce que... À Memphrémagog, à Massawippi, on a fait des analyses de poissons il y a deux ans, on attend encore les résultats. Apparemment, il y a du BPC et du mercure dans les poissons, ça fait deux ans qu'on attend les résultats, puis le député de d'Orford ne lâche pas beaucoup, là. Imaginez-vous si je n'avais pas lâché, on n'aurait jamais vu les résultats de cette affaire-là. C'est-u réaliste de penser que trois mois, on peut demander une affaire comme ça?

M. Meunier (Pierre B.): Bien, écoutez, quand je relisais le mémoire, je me disais que c'était quelque chose que des gens comme l'IDU se devaient de dire à la commission parlementaire. J'ai été dans la position de celui qui travaillait puis qui rédigeait des projets de loi, puis qui déposait des projets de loi, puis je sais comme c'est stimulant d'avoir le sens de faire une oeuvre utile pour le public et, dans ce cas-ci également, pour l'environnement, et que, quand on fait ça, souvent on pousse à plus tard la question des ressources, des ressources financières et puis des ressources humaines, puis on dit: Ah, on va être créatifs, on va être inventifs puis on va couper.

Mais, M. le député d'Orford, vous le signalez, là, très justement, à cette époque-ci où on vit des coupures budgétaires ou la réduction de la dette et où l'environnement n'a pas toutes les ressources qui lui reviennent, je pense qu'il faut être très attentif à ça parce qu'on peut avoir un projet de loi qui a des très bonnes intentions, dont les objectifs sont louables et se retrouver avec quelque chose qui est difficile d'application sur le terrain parce qu'on n'a pas les ressources, malgré toute la bonne volonté des fonctionnaires. Et, j'ai remarqué, dans les pouvoirs réglementaires, comme M. Charlebois y faisait allusion, qu'il y a la faculté d'adopter des règlements pour tarifer les actes qui vont être posés en vertu de ce présent projet de loi, bon, je pense que ce serait une bonne chose, l'IDU est favorable à ça, et, pour aller au bout de la réflexion, il faudrait que les sommes perçues suite à cette tarification soient dédiées à l'application de cette loi. C'est bon à rien si ça s'en va au fonds consolidé.

Le Président (M. Lachance): M. le député D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Vous faites référence à un préavis avant l'ordonnance et vous faites référence à la Loi sur la justice administrative. Quelles seraient les conséquences de ce préavis et qu'arrive-t-il pendant les 15 jours? Et quelles seraient les conséquences d'une transaction qui va se produire pendant les 15 jours, pour un acheteur de bonne foi ou un créancier de bonne foi qui renouvelle son hypothèque sur le papier en question pendant cette période de 15 journées? Ou est-ce que vous proposez un gel sur le foncier immobilier... Mais vous parlez d'un préavis, alors il ne peut pas y avoir ce gel. Alors, décrivez-moi cette période de 15 jours. Qu'est-ce qu'on va accomplir? Moi, j'ai pensé que c'est logique pour avoir ce délai de 15 jours, mais, quand on pense à la réalité et les conséquences, ce n'est pas exactement clair et évident.

M. Meunier (Pierre B.): Écoutez, en toute franchise là, on a proposé ce préavis, là, pour laisser un temps de recul, et on s'est inspirés... Parce que, si vous allez à l'article 25 de la Loi sur la qualité de l'environnement où existe déjà ce préavis, là, vous allez voir, là, qu'on a repris textuellement ce qui est là. On n'a rien inventé, ça existe déjà dans la Loi sur la qualité de l'environnement, et c'est un préavis qui est beaucoup plus détaillé que ce qui est prévu par la Loi sur la justice administrative. Et il nous semblait que, compte tenu du caractère très important de ce pouvoir d'ordonnance, il devait y avoir également ce même type de préavis qui existe pour l'article 25.

Maintenant, l'effet sur les transactions, sur les créanciers hypothécaires, je vous avoue, là, qu'on n'a pas fait de commentaires ou on n'a pas réfléchi longuement là-dessus. On peut, si ça vous intéresse, là, poursuivre la réflexion là-dessus.

n(16 h 20)n

M. Bergman: Justement, il pourrait y avoir des conséquences s'il y a des transactions pendant cette période de 15 journées.

M. Meunier (Pierre B.): Vous avez raison, sauf que quand on... J'entendais les intervenants précédents, les ordonnances, les dernières ordonnances, les trois ordonnances qui ont été prises au cours, je pense, des 20 dernières années, je ne pense pas qu'il y ait eu de transactions pendant la période d'ordonnance.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs de l'Institut de développement urbain du Québec pour votre présence en commission parlementaire, ici, aujourd'hui. Merci, et je suspends les travaux pour une période de cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

 

(Reprise à 16 h 33)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Alors, nous reprenons nos travaux. Je vois que les représentants du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement sont déjà à la table.

Alors, bienvenue, messieurs, madame. Et j'invite le porte-parole à bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Alors, M. Lessard.

Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Lessard (Guy): Merci bien, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission. Alors, le Regroupement national des conseils régionaux est très heureux de pouvoir vous présenter son opinion relativement au projet de loi n° 72.

Alors, à ma gauche, on a notre jeune directeur général, M. Philippe Bourke, et à ma droite, la dynamique directrice générale du Conseil régional du Saguenay?Lac-Saint-Jean, qui est aussi...

Une voix: ...

M. Lessard (Guy): ...oui, oui, qui est membre du comité exécutif du Regroupement national et qui est aussi responsable du dossier. Pour ma part, mon nom, c'est Guy Lessard, je suis président du Conseil régional de l'environnement, ici, en face, de Chaudière-Appalaches. Je suis content de rencontrer... M. le Président, vous êtes un des bons représentants de Chaudière-Appalaches, et il faut se positionner, hein!

Le Président (M. Lachance): Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lessard (Guy): Alors, juste un petit mot pour vous dire que le Regroupement national des conseils régionaux, bien, c'est formé de 16 conseils régionaux. Donc, on a l'avantage d'occuper, mur à mur, la grandeur du territoire du Québec. Ça fait que certains conseils régionaux sont là depuis 25 ans. Donc, on est beaucoup intégré sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan environnemental dans nos milieux respectifs et nous avons à promouvoir le développement durable et la protection de l'environnement dans chacune des régions du Québec.

Aujourd'hui, on est présent, comme je vous disais tout à l'heure, dans les 16 régions administratives. Nous regroupons près de 1 500 membres, soit 278 organismes environnementaux, 269 gouvernements locaux, 259 organismes parapublics. Il y a 144 corporations privées qui sont membres chez nous, 422 membres individuels et 92 autres organismes.

Quant au Regroupement national, il a pour mission de contribuer au développement et à la promotion d'une vision nationale du développement durable au Québec, de représenter l'ensemble des conseils régionaux et d'émettre ? ce que nous allons faire cet après-midi ? des opinions publiques en leur nom. En regroupant et en représentant ainsi l'ensemble des régions du Québec, nous constatons que ça facilite beaucoup les échanges d'expertise entre les régions, ça assure la diffusion de la vision particulière des conseils régionaux, ça encadre les relations avec les intervenants politiques, socioéconomiques et environnementaux au niveau national.

Dans la plupart des grands dossiers environnementaux, nous avons l'occasion de développer notre expertise et de faire connaître nos opinions que ce soit dans le domaine des changements climatiques, des matières résiduelles, de la gestion de l'eau, de l'énergie, des forêts, de l'agriculture. Souvent, on insiste pour dire que, nous, on est dans le domaine de l'environnement, on n'est pas un groupe environnemental, on est un conseil régional comme il en existe dans d'autres secteurs d'activité.

De façon plus spécifique, le Regroupement national a pour objectif de créer un lieu d'échange et de concertation des conseils régionaux de l'environnement sur tout sujet relié à la sauvegarde et à la protection de l'environnement, de contribuer au développement et à la promotion d'une vision globale du développement durable au Québec et de contribuer à ce que les conseils régionaux de l'environnement se dotent d'outils de concertation et d'éducation populaire relativement à l'environnement.

La présentation de notre mémoire, je vais laisser le soin à Mme Larouche de le faire... Juste pour vous dire, en ouvrant une petite parenthèse puis en souhaitant que ça reste entre nous, que j'ai eu quelques occasions de venir rencontrer les parlementaires sur des projets de loi et d'échanger avec vous autres, et, pour la première fois, je viens pour apprendre, alors non seulement suite à la présentation de Mme Larouche, mais de ceux qui nous ont précédés tout à l'heure, et je suis surtout à la recherche de comprendre pourquoi on appelle le projet de loi n° 72 un projet de loi modifiant... sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains. Je vous avoue que j'ai beaucoup entendu parler de réhabilitation de terrains, j'ai pas beaucoup entendu parler de protection. Il me semble que, si le premier a du caractère, le deuxième devrait être plus facile à envisager. Alors, je laisse la parole à Mme Larouche.

Mme Larouche (Ursula): Merci, M. Lessard. Bonjour, M. le Président, M. Simard, M. Benoit, et à vous tous. Je vais lire en partie le mémoire, il n'est pas très long, et je pense que ça va être plus facile pour les questions par la suite, si vous en avez.

L'intérêt des conseils régionaux de l'environnement pour le dossier a été en particulier soulevé au cours des deux dernières années. De façon générale, les terrains contaminés ont toujours constitué pour les organismes de protection de l'environnement d'excellents exemples pour illustrer les liens étroits qui existent entre l'environnement et l'économie. Le lourd fardeau laissé par certaines activités commerciales et industrielles du passé démontre à quel point il est essentiel d'intégrer au départ les considérations d'ordre environnemental et social dans nos choix de nature économique. Le développement durable commande d'évaluer la rentabilité collective et à long terme de tout projet. Si on est ici aujourd'hui, c'est particulièrement pour étudier un projet de loi qui va obliger les entreprises à prendre leurs responsabilités. Jusqu'à maintenant, on se retrouve actuellement avec des terrains contaminés qu'on cherche à décontaminer, à réutiliser, mais, si on avait eu des entreprises qui avaient été responsabilisées, peut-être qu'on n'en serait pas actuellement au projet de loi n° 72.

Donc, au cours des deux dernières années, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement a porté une attention particulière à la problématique des sols contaminés au Québec. L'intérêt pour ce dossier a été suscité par l'envergure qu'a récemment prise ? mais là ça commence à faire long pour dire récemment, hein ? la problématique associée au transport, à l'enfouissement et au traitement de sols contaminés qui proviennent d'autres pays, en particulier des États-Unis, et d'autres parties du Canada et dans quelques régions du Québec.

Nous avons donc créé un comité de travail dans le but d'édifier des recommandations à l'intention du gouvernement du Québec, un comité de travail dont j'assume la présidence. Les travaux de ce comité visent en outre à proposer des alternatives pour éviter que le Québec ne devienne le site de traitement et d'enfouissement de sols contaminés et de matières dangereuses pour l'Amérique du Nord. Et nous sommes heureux d'avoir l'opportunité de partager avec vous cette expertise dans le cadre des auditions sur le projet de loi n° 72.

n(16 h 40)n

J'attire votre attention, concernant les quelques phrases que je viens de vous lire, sur la revue Recto Verso que je déposerai, M. le Président, en commission parlementaire. Il y a un article qui s'appelle Déchets toxiques: Québec, la poubelle du Nord, où on parle particulièrement des sols contaminés et des matières dangereuses, de toute l'augmentation qui a trait et des raisons pour lesquelles les entreprises se retrouvent souvent dans nos régions pour traiter ces déchets. Et donc, je vous le remettrai tout à l'heure. Ah! vous l'avez! Donc, j'espère qu'il pourra circuler à travers tous les membres de la commission. Merci.

Donc, conformément à leur mission, les conseils régionaux de l'environnement veulent ainsi s'assurer que le gouvernement du Québec mettra en place les outils appropriés pour que la gestion des terrains contaminés au Québec respecte les principes de développement durable. Rappelons que le Regroupement national des CRE est déjà intervenu dans ce sens lors des auditions publiques l'année passée, lors du projet de loi n° 156. Nous avions clairement manifesté notre appui aux orientations qui avaient été prises par le ministère de l'Environnement dans le dossier des sols contaminés et on était d'avis que le projet de loi n° 156 permettrait non seulement de réduire la contamination de nos terrains actuels, mais qu'il permettrait aussi d'envisager que les activités industrielles et commerciales en cours et futures pourraient se dérouler davantage dans une perspective de développement durable qui garantirait aux populations actuelles environnantes, ainsi qu'aux générations futures, un environnement plus sain. On avait appuyé à l'époque le projet de loi n° 156 avec un minimum de réserves.

Dans le projet de loi n° 72, de façon générale, le Regroupement national des CRE est satisfait que ce projet de loi sur la protection et la réhabilitation des terrains ait été remis à l'agenda réglementaire du gouvernement. Nous sommes toujours convaincus de l'importance de mettre en place des mesures afin d'assurer la protection de nos sols contre la contamination et surtout la responsabilisation des pollueurs à cet égard. Toutefois, considérant les modifications qui ont été apportées depuis le printemps dernier, le Regroupement national des CRE est d'avis qu'il manque désormais certaines dispositions au projet de loi si l'on veut en faire un réel outil de développement durable.

En fait, bien qu'il assure de remettre dans les mains de ceux qui la provoquent, ou qui en ont la charge, la responsabilité technique et financière de la réhabilitation des terrains contaminés, le projet de loi n° 72 n'offre pas suffisamment de mesures pour assurer une responsabilisation adéquate des pollueurs afin de prévenir la contamination future des terrains. On rappelle que Le Devoir a récemment fait la démonstration que l'argent public sert encore aujourd'hui à couvrir jusqu'à 95 % des frais de décontamination de terrains privés. Et nous devons à tout prix utiliser l'opportunité que nous donne le projet de loi n° 72 pour enfin mettre en place des mesures assurant que plus jamais les citoyens n'auront à débourser pour la réhabilitation de terrains privés suite à une contamination par des entreprises privées.

Ainsi, ce projet de loi devrait encadrer le démarrage des futures activités industrielles afin de nous permettre d'envisager un avenir sans nouveaux sols contaminés dans nos localités. Ce volet est complètement disparu du projet de loi n° 72. Comment le ministre entend-il responsabiliser les nouvelles entreprises? À notre avis, l'article 22 de la loi québécoise sur la qualité de l'environnement ne peut, à lui seul, le permettre de façon satisfaisante. Si c'était possible, est-ce qu'on en serait là actuellement?

Cela dit, nous sommes confiants qu'en y apportant des modifications mineures, que nous exposerons ci-après, le projet de loi n° 72 pourra adéquatement assurer la protection des sols québécois tout en veillant à la réhabilitation des terrains qui ont déjà subi une contamination par le passé. Un projet de loi qui encadrera étroitement l'un des principes fondamentaux de la gestion environnementale, le principe du pollueur-payeur.

Pour l'article 31.43, on comprend la logique qui a conduit au retrait du pouvoir du ministre d'intervenir même lorsque les contaminants n'excédaient pas les valeurs fixées par règlement. C'était très audacieux et, nous, on avait grandement apprécié. Les intéressés ? c'est-à-dire les entreprises ? veulent pouvoir se sentir en sécurité juridique s'ils se conforment au règlement, et c'est normal. Toutefois, il est tout aussi normal pour nous que les citoyens qui vivent à proximité des terrains contaminés puissent aussi être en sécurité à l'égard des risques pour leur santé, même s'ils savent que les niveaux de contamination sont conformes au règlement. Le défi est donc de concilier les deux intérêts.

À notre avis, la sécurité des populations doit toujours primer sur la sécurité juridique des intéressés. Pour favoriser la plus grande sécurité juridique des intéressés, il faudrait que le règlement prévu à l'article 31.67 suive l'application du principe de précaution en étant le plus englobant possible:

1° par des valeurs de concentration minimales et très prudentes;

2° par un éventail de contaminants le plus large possible;

3° en facilitant l'ajout de nouveaux contaminants dès que leur potentiel de contamination est reconnu.

Malgré tout, comme il serait utopique de penser réussir à tout prévoir, compte tenu de la multitude de contaminants possibles, de la grande diversité d'activités susceptibles d'entraîner la contamination de terrains et la variabilité spatiale au niveau de la fragilité des milieux, nous croyons que le ministre doit absolument pouvoir intervenir pour exiger la caractérisation et la réhabilitation d'un terrain même lorsque les contaminants n'excèdent pas les valeurs fixées par le règlement.

Oui à une plus grande sécurité juridique des intéressés, mais pas à une sécurité absolue. Le ministre doit conserver le pouvoir d'intervenir pour assurer la sécurité de la population, et ce, dans l'intérêt public.

Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, Mme Larouche, mais au rythme où vous faites la lecture de votre mémoire, je...

Mme Larouche (Ursula): On va accélérer.

Le Président (M. Lachance): Il reste environ deux minutes, alors je vous prierais, s'il vous plaît, de vouloir accélérer ou, en tout cas, d'aller à l'essentiel...

Mme Larouche (Ursula): Absolument.

Le Président (M. Lachance): ...quitte à ce qu'il y ait par la suite un questionnement.

Mme Larouche (Ursula): O.K. Donc, je vais passer aux articles 31.45 à 31.47. Ces articles prévoient qu'on pourra conserver dans le terrain des concentrations supérieures aux normes réglementaires au niveau des contaminants. Donc, nous, on n'est pas d'accord avec le maintien sur place de contaminants comme méthode de réhabilitation. Et notre désaccord est soulevé, en particulier, parce qu'on se demande qui va être responsable au bout de quelques années s'il arrive une complication. Qui va payer pour la décontamination si, avec les années, 20, 30 ou 40 ans, on se retrouve avec des... en tout cas, des problématiques?

Évidemment, le retrait de 31.49, pour nous, est... en tout cas, nous, on regrette de le voir disparaître, il présentait un éventail de dispositions. La particularité de 31.49 qu'on aimait, c'était la garantie financière qu'on exigeait des entreprises, qu'on ne retrouve plus maintenant. Et pour nous, d'exiger les garanties financières, c'est l'élément qui va nous permettre d'éviter, dans 10, 15 ou 20 ans, de se retrouver encore avec un... en tout cas, avec un projet de loi, à discuter de ce qu'on va faire des terrains contaminés puis les financer, au niveau de la décontamination, par des programmes du gouvernement actuellement, comme l'exemple du programme Revi-Sols.

Donc, nous... il est important que la loi n° 72 réintègre... que soient réintégrées au projet de loi n° 72 les exigences, que le ministre se donne les pouvoirs d'exiger des garanties financières aux entreprises. Ça se fait actuellement aux États-Unis, je ne sais pas si ça se fait ailleurs, ce n'est peut-être pas parfait mais, à tout le moins, quand il y a un problème, il existe à ce moment-là un pouvoir pour le ministre de pouvoir dire: Bon, bien, si l'entreprise fait faillite, bien, on a des montants d'argent disponibles pour faire la réhabilitation, puis ce n'est pas le citoyen qui paie.

Un des éléments qu'on avait beaucoup aimé dans 72, une modification d'article, c'est 31.55. Le 31.55 modifie... C'est bien celui-là? C'est celui-là qui modifie la consultation pour la soirée d'information mais où on rend les documents, de façon intégrale, accessibles à la population. Et c'est dans cet article-là, quand il y a un plan de réhabilitation qui va être présenté, que le citoyen peut aller prendre connaissance des documents; s'il n'est pas content ou il n'est pas d'accord avec ce qu'il y a dans le plan de réhabilitation qui est proposé, il peut s'adresser directement au ministre. La seule chose qu'on voudrait, c'est qu'il y ait des délais qui soient inscrits là-dedans. Comme ça, bien, le ministre, avant d'accepter le plan de réhabilitation, a le temps de recevoir les avis des citoyens, des gens qui consultent, et de voir si le temps de réhabilitation est compatible avec les attentes du milieu.

Le Président (M. Lachance): Je vais devoir vous demander de conclure, Mme Larouche.

Mme Larouche (Ursula): Oui, je conclus avec... De façon générale, le dernier élément, là, au niveau de la conclusion. Nous, on réitère notre appui en vue de l'adoption du projet de loi n° 72. Cependant, on réitère les exigences, les garanties financières, et on souhaiterait qu'au niveau des contaminants comme méthode de réhabilitation... En tout cas, pour nous, ce n'est pas une méthode de réhabilitation, donc on espère que les garanties financières pourraient pallier à cet élément de pouvoir décontaminer les terrains.

n(16 h 50)n

Et je terminerai en disant qu'on souhaiterait que ce projet de loi là prenne en considération, en tout cas, ou que le règlement qui suivra donne au ministre tous les pouvoirs pour pouvoir réglementer le transport parce que, actuellement, on a un problème. Il y a des sols contaminés qui rentrent de partout et on dirait qu'il n'y a personne qui est capable de faire quoi que ce soit. On souhaiterait que le règlement qui va suivre lui donne aussi des pouvoirs et on souhaiterait participer à l'élaboration du règlement.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. le Président. Mme Larouche, M. Lessard, M. Bourke, soyez les bienvenus parmi nous. M. Lessard, vous disiez dans votre présentation que vous étiez ici pour apprendre; ça adonne bien, figurez-vous, parce que moi aussi. Et, à cet égard, il y a un vieux sage qui disait qu'apprendre, c'est apprendre à apprendre. Donc, heureux d'accueillir avec nous cet après-midi des représentants du CRE.

Le CRE, c'est 25 ans d'histoire, c'est des gens qui ont participé donc depuis plus d'un quart de siècle à une réflexion très active et très intense en matière environnementale. Vous avez vécu l'époque pré-Brundtland avec le club de Rome et puis son rapport sur la croissance zéro, vous avez vécu de facto Brundtland. Et puis maintenant on pourrait dire qu'on vit l'époque post-Brundtland, encore qu'il faudrait définir ce que c'est, mais bon je pense qu'on pourrait y arriver.

Et moi, je tiens à vous remercier du travail que vous faites, un travail qui s'est notamment concrétisé à travers une collaboration avec le ministère de l'Environnement dans l'élaboration du projet de loi n° 72, et on tient à vous en remercier.

J'étais heureux de lire dans votre document, en page 9, que vous... et vous dites ceci: «Nous constatons que le gouvernement du Québec a, depuis l'an passé, harmonisé l'ensemble de ses normes concernant les sols contaminés à celles des États-Unis et nous désirons féliciter ce changement qui était nécessaire et très attendu.» Alors, je crois que, si mes informations sont exactes, vous aviez fait cette demande en février et que nous passions à l'action dès le mois de juin suivant. Alors, heureux que vous ayez donc souligné cette avancée au passage.

Je sais que vous avez créé un comité de travail sur l'importation des sols contaminés. Est-ce exact? Et vous savez que nous faisons référence à cela à l'article 31.69 du présent projet de loi. Qu'en pensez-vous? Est-ce que ça répond à vos attentes? Est-ce que nous aurions pu aller plus loin? Est-ce que, selon votre expertise, on fait fausse route? Est-ce qu'encore, au contraire, plutôt on serait dedans?

Mme Larouche (Ursula): C'est dans ce qu'on demande. Actuellement, dans l'article 31.69, on souhaiterait que le ministre se donne les pouvoirs pour le faire. Il y a un article où on dit qu'on pourrait réglementer. Je pense que c'est le c ou le d où on parle du transport. Mais, à la lecture du projet de loi, je ne sais pas si c'est suffisant pour pouvoir intégrer dans le règlement cette préoccupation. Si ça l'est, bien tant mieux, sinon, bien, on voulait le signifier.

M. Simard (Montmorency): Peut-être une question très, très rapide parce que je sais que plusieurs de mes collègues veulent intervenir également. Avec l'Association des banquiers canadiens, on a fait référence, notamment aussi avec une intervention de mon collègue, le député d'Orford, aux «superfunds», bon, et puis on adressait la question aux banquiers qui connaissaient l'existence de tels fonds mais sans pouvoir, comment dire, élaborer sur ce qu'ils en connaissaient, en connaissant peu de choses. Alors, qu'est-ce que ça vous dit, vous, ces «superfunds»? Parce que finalement, dans votre mémoire, vous y faites référence.

Mme Larouche (Ursula): Ce qu'on appelle le «superfund» américain, c'est un fonds qui est cotisé par l'ensemble des entreprises et qui permet justement... Quand une entreprise fait faillite ou qu'elle ferme ses portes, si elle n'assure pas la décontamination de ses terrains, le gouvernement va puiser dans ce fonds-là pour faire de la réhabilitation de terrains.

Évidemment, il y a beaucoup de gens qui disent que ce n'est pas l'idéal. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que la loi n° 72 donne au ministre les pouvoirs de créer une mécanique. Est-ce que la mécanique du superfonds est la meilleure? Bien là on laissera le soin au gouvernement de faire les recherches, l'analyse nécessaire, puis de trouver la bonne mécanique ou de l'inventer, si elle n'existe pas.

M. Simard (Montmorency): Bien, je vous remercie, madame.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Bonjour, madame, messieurs. Ce serait plus pour avoir votre vision et élaborer un peu sur l'article 31.65. Vous faites des remarques qui sont... Bon, vous dites: «Bien que le gouvernement accrédite des personnes, nous jugeons que, dans le cas de la contamination de certains produits reconnus pour leur toxicité élevée, l'échantillonnage doit se faire dans un cadre très restrictif. C'est le cas, en particulier, de la contamination par les organochlorés.» Alors, vous nous amenez sur un terrain, c'est le cas de le dire, très technique et très descriptif de tout ce qui pourrait contaminer, et aussi sur le terrain des experts, parce que le ministre, par son ordonnance, bon, on parle d'une liste d'experts, et là on est au niveau de la connaissance, hein.

Et de quoi... Je ne comprends pas trop quand vous parlez... «dans un cadre très restrictif». Puis, en même temps, c'est quoi, votre vision de la meilleure façon de faire les choses, par rapport, par exemple, à une liste d'experts qu'on pourrait avoir? Parce que la contamination, même par rapport à chacune de nos régions du Québec, ce n'est pas nécessairement la même chose partout. Alors, j'aimerais mieux comprendre.

Mme Larouche (Ursula): Je suis très heureuse que vous me posiez la question parce que je n'ai pas eu le temps d'en parler, alors ça va me permettre de pouvoir expliquer. Quand on parle d'une analyse de risque toxicologique et écotoxicologique, moi, j'ai vu à quelques reprises de ces analyses-là faites par les entreprises, hein, payées par des spécialistes qu'ils avaient engagés, et la méthodologie, c'est drôle, au moment zéro puis au moment de deux ans, trois ans, quatre ans après, elle ne correspondait pas tout le temps, tu n'étais pas capable de tirer des conclusions claires sur: Est-ce que c'est plus contaminé, c'est moins contaminé, le risque est-il le même?

Un des éléments, je pense, qui pourrait pallier, sans du tout mettre en doute les experts qui travaillent là-dessus... Je pense qu'on a au Québec un comité de santé environnementale et je pense que les mettre à contribution dans la définition des méthodologies pour les analyses de risque toxicologique et écotoxicologique, et aussi dans l'analyse au niveau de la réhabilitation, des plans de réhabilitation... En tout cas, je pense que c'est des gens... c'est un comité qui pourrait être très intéressant.

Ils sont très actifs, entre autres, dans notre région, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, puis malheureusement ils n'ont pas tous les pouvoirs, ils ne peuvent pas intervenir comme ils veulent, mais ils gagneraient à l'être.

Mme Doyer: Puis, par rapport aux experts, à une liste d'experts, ce serait quoi, là, qui pourrait être mis à contribution?

Ça me fait penser un petit peu, quand je lis les mémoires et tout, un peu comme à la liste d'experts en santé au travail de la CSST. Souvent, les députés, on a des gens dans nos bureaux qui sont pris avec des problématiques de santé et de sécurité au travail ? hein, c'est vrai ? puis des fois on nage dans le flou un peu, alors moi je ne voudrais pas qu'on nage dans le flou non plus par rapport à toute cette question-là... être sur un terrain plus sûr.

Mme Larouche (Ursula): Je pense que les médecins ? les médecins ? sont des gens qui sont sur les lignes de front pour l'impact, l'incidence des contaminants sur la santé humaine. Au niveau de l'environnement, il y a des gens au ministère de l'Environnement, je pense qu'ils sont dotés d'experts, je pense que c'est important de conserver aussi ces experts-là au ministère de l'Environnement, extrêmement important. Mais des médecins, je pense que c'est les premiers à être visés par ces études toxicologiques et écotoxicologiques.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Bienvenue à cette commission, merci d'avoir pris quelques minutes pour venir rencontrer les gens de la commission. On connaît l'expertise, votre connaissance et votre engagement, les conseils régionaux de l'environnement, pour tout ce qui touche les questions de l'environnement. On vous a vus plusieurs fois à ces commissions venir déposer... bonifier les différents projets de loi qui étaient sur la table. Merci, au nom de tous les Québécois et Québécoises, de votre expertise. Tous le reconnaîtront et l'ont reconnu, vous êtes un partenaire dont on ne peut plus se passer au Québec, et nous sommes très heureux que vous soyez sur tout le territoire du Québec.

n(17 heures)n

Ceci dit, est-ce que je peux traduire votre pensée, suite à votre mémoire, puis on a compris que vous n'avez pas pu tout élaborer, là, mais que vous trouvez dans ce projet de loi un équilibre qui va atteindre véritablement l'objectif qui est visé par ce projet de loi, c'est-à-dire la décontamination des terrains? Est-ce que les conseils régionaux, de façon globale, disent: Écoutez, c'est un plus, c'est une législation qui était attendue depuis longtemps, on retrouve, dans ses différentes facettes, un équilibre, c'est un pas en avant?

Et, j'ai une sous-question, là, j'ai compris que vous aviez des nuances à apporter, vous auriez voulu bonifier certains aspects, mais globalement...

Mme Larouche (Ursula): Globalement? Globalement, oui, mais j'ajouterai que, si les exigences financières ne viennent pas, on se retrouve au même point dans 10, 15 ans.

M. Deslières: Vous parlez des garanties financières?

Mme Larouche (Ursula): Oui.

M. Deslières: Vous parlez des garanties financières que vous vouliez, bon. Alors, ma question que je pose... Vous vouliez compléter, M. Lessard?

M. Lessard (Guy): ...garanties financières, M. le ministre a posé la question tout à l'heure, il m'est venu à l'idée... On sait que dans le secteur minier, par exemple, il existe, avec les nouveaux amendements qui ont été apportés il y a une couple d'années, là, tout au plus... Il existe une provision à cet effet-là que, si le promoteur veut partir une nouvelle mine, il se doit de prévoir les fonds nécessaires, puis, en quelque part, le ministre a le pouvoir d'intervenir. J'imagine que les gens intelligents qui vont rédiger les règlements à venir au niveau des matières résiduelles pour la postfermeture des sites d'enfouissement vont sûrement penser également à des formules de cet ordre-là. Alors, par question d'équité pour l'ensemble des gens qui oeuvrent dans plusieurs secteurs d'activité, les différents secteurs d'activité, il me semble qu'on devrait trouver une formule à cet égard-là.

M. Deslières: Bon. M. le Président, si vous permettez, c'est justement ma question de façon précise. Vous vous êtes penchés, là, sur plusieurs éléments du projet de loi, sur ce point bien précis qui vous tient à coeur, vous dites: Écoutez, là, il faut se donner des moyens, il faut se donner des dents. Est-ce que vous avez réfléchi? Est-ce que vous avez des propositions concrètes à soumettre au ministre pour dire: Voici comment est-ce que, nous, on entreverrait des moyens, des mesures qui viendraient atteindre cet objectif des garanties financières pour rendre responsables les pollueurs? Est-ce que vous avez des exemples, des mécanismes que vous retrouvez dans d'autres secteurs ou dans d'autres pays? Est-ce que vous avez fait des recherches? C'est ça, le sens de ma question. M. Lessard, Mme Larouche.

M. Lessard (Guy): C'est un peu compliqué d'arriver avec une proposition mur à mur. C'est quand même un domaine qui est complexe, on a vu les gens qui sont intervenus avant nous. Sauf qu'on a trouvé des solutions dans d'autres secteurs d'activité qui étaient appropriées à ces secteurs d'activité là, alors il y a sûrement moyen de le faire également dans ce domaine-là.

Tout à l'heure, je disais un peu avec humour que je trouvais qu'on n'investissait pas suffisamment dans le domaine de la protection. Bon. Mais, en retour, je pense qu'on devrait ? il me semble que c'est incontournable ? prévoir une formule. Moi, je connais un petit peu celle qui existe dans le secteur minier, parce que j'ai déjà eu l'occasion de participer à des discussions là-dessus, et les représentants du secteur minier se sont mis d'accord avec cette formule-là, ils ont trouvé que c'était une garantie pour leur industrie également. Donc, j'imagine que, dans ce secteur d'activité là, ça devrait être possible aussi d'amender, de moduler les formules déjà existantes pour obtenir l'assentiment de tout le monde.

Vous savez, quand il arrive une catastrophe, on doit vivre avec, hein? Puis, quand on évalue les coûts de l'implantation d'un système, ici comme ailleurs, on n'évalue pas les coûts de ce qui arrive par après. Mme Larouche pourrait vous parler du Saguenay?Lac-Saint-Jean, du déluge. Elle nous en parle à chaque fin de semaine quand on a des rencontres, ça fait que je ne lui demanderai pas de le faire aujourd'hui, mais...

Mme Larouche (Ursula): On a juste trois... Ha, ha, ha!

M. Lessard (Guy): ...je pense que l'intelligence collective fait qu'on devrait être capables de trouver une solution.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Lessard (Guy): Mais on pourrait investir là-dedans puis vous revenir un petit peu plus tard, par exemple.

M. Deslières: Dernier point, M. le député d'Orford. Justement, si vous avez la chose, si vous pouviez nous fournir votre expertise à la commission, on serait très heureux.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. Lessard... Excusez, Mme Larouche, M. Lessard et M. Bourke, bienvenue parmi nous. M. Bourke, faites attention, vous voyez un ex-D.G. de CRE qui est maintenant attaché politique. Je vois que madame aussi...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: Je ne sais pas si on rend service aux CRE de les amener au ministère ou si c'est parce qu'ils sont très bons, on a besoin d'eux au ministère. Enfin, je pose la question. Je pose la question, je n'ai pas la réponse. «Time will tell», comme ils disent en anglais.

Une fois ça dit, vous êtes le seul groupe qui avez écrit votre mémoire verso recto ou recto verso. Alors, je vous en félicite. En plus de... l'article va nous inviter à lire. De tous les mémoires qu'on a reçus, vous êtes le seul qui avez cette délicatesse environnementale, et c'est tout à votre honneur.

D'autre part, vous êtes aussi le seul où le nombre de pages a augmenté. Alors, tous les autres mémoires, ils sont comme assez satisfaits du nouveau projet de loi, alors le nombre de pages a diminué, dans certains cas considérablement. Dans votre cas, vous êtes passés de huit pages à 10 pages, est-ce que je dois comprendre que vous êtes moins en faveur du projet de loi que vous l'étiez la dernière fois?

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...répondre d'autres choses, mais...

M. Benoit: Ou si c'est votre enthousiasme qui vous invite à écrire plus longuement?

Mme Larouche (Ursula): J'ai d'autres choses à faire, quand même.

Le Président (M. Lachance): Vous n'êtes pas devant un tribunal. Je vous rappelle que vous n'êtes pas devant un tribunal, vous n'êtes pas obligés de répondre à toutes les questions.

M. Benoit: Vous avez le droit de ne pas répondre sans la présence de votre avocat, hein?

Mme Larouche (Ursula): Je vais vous avouer que j'aurais préféré ne pas revenir au bout d'un an. J'aurais préféré que celui de l'année passée soit adopté et qu'on n'en parle plus. Mais, ceci dit... Et, maintenant, vous avez bien expliqué tantôt pourquoi on revient, vous avez vous-même dit que vous aviez tout fait pour empêcher son adoption ? Ha, ha, ha! ? et vous m'en voyez désolée. Mais, dans ce sens-là, le projet de loi n° 72, même si... s'il avait des exigences financières, nous conviendrait.

M. Benoit: Effectivement, il faut comprendre que nous qui avons essayé de ralentir le projet de loi, il y avait des considérants environnementaux, mais aussi économiques très importants, et, comme législateurs, on se doit de garder un juste équilibre dans tout ça. On peut passer n'importe quelle loi ici dans une nuit, hein? Il faut bien comprendre, je peux légiférer sur le bonheur, là, ce n'est pas évident que les gens seront heureux le lendemain matin. Alors, il y avait un équilibre des choses qu'il nous fallait apporter, et tout le monde reconnaît ici depuis ce matin que le projet de loi n° 156 n'avait pas cet équilibre et que, de facto, il n'aurait probablement jamais bien fonctionné, alors que le nouveau a probablement plus de chances de fonctionner.

Pendant qu'on vous a avec nous et... Une courte question, et ensuite je veux parler d'importation. Je sais que ce n'est pas le but du projet de loi, vous en aviez parlé dans l'autre mémoire, sur le 156. Dans 156, vous disiez, à la page 5... Vous disiez: «De plus, il nous apparaît important que la loi prévoie de rendre accessibles à la population les éléments prévus au paragraphe 1° à 3°. Actuellement, les citoyens doivent s'en remettre à la Commission d'accès à l'information si le gouvernement n'obtient pas le consentement de l'entreprise pour fournir les réponses aux questions demandées. Le délai de réponse est généralement très long. Il ne faut pas oublier que les citoyens qui habitent autour des entreprises susceptibles de contaminer l'environnement voisin par leurs activités ont le droit de connaître l'état de l'environnement dans lequel ils vivent. La transparence est un enjeu important quand on parle de contaminants en regard à la santé humaine et des écosystèmes.»

Vous aviez tellement raison quand vous avez écrit ça. Je vous avais posé des questions à l'époque, je vous les repose aujourd'hui: Est-ce que le nouveau projet de loi va vous donner satisfaction à cet égard-là? Allez-vous avoir plus d'information ou allez-vous devoir aller finalement presque en cour pour obtenir... Vous êtes voisins de Fer et Titane à Sorel, vous avez des jeunes enfants, peut-être moins aujourd'hui, mais, il y a 15 ans, vous aviez drôlement raison de poser des questions, et vous n'auriez jamais eu les réponses, hein? En passant, vous n'auriez jamais obtenu les réponses. Est-ce qu'aujourd'hui vous avez l'impression que si vous... Dans une situation identique, est-ce que vous obtiendriez maintenant les réponses et la collaboration d'entreprises de ce type? C'est ce que vous dites ici.

Mme Larouche (Ursula): Oui. Dans le... On revient aussi avec ça à la page 9. O.K.? Bon, dans le projet de loi actuel, l'article 31.55, quand l'entreprise ferme, il est bien indiqué que les documents doivent être disponibles de façon intégrale aux citoyens, et ça, c'est une marque importante. En tout cas, le 72 a cet avantage-là que le 156 n'avait pas, et, dans ce sens-là, bien, les citoyens vont avoir tout le loisir de pouvoir regarder et analyser par eux-mêmes. Cependant, entre le moment où l'usine va fermer et le moment où elle est en fonction et les gens se préoccupent de savoir s'il y a de la contamination, effectivement on souhaiterait que la transparence soit facilitée. On l'a mis dans le 72 parce que, au niveau de... dans le mémoire au niveau de la loi n° 72 afin de sensibiliser. Et, si c'était possible, de faciliter l'accès à l'information avant la fermeture de l'usine, nous, on apprécierait beaucoup.

M. Benoit: Pendant qu'on a le plaisir de vous avoir avec nous, je sais qu'il y a quelques autorités sur l'importation des déchets toxiques au Québec, il y a, bien sûr, vous et il y a la région de l'Estrie avec Pierre Morency. Vous avez effectivement écrit en recto verso, on vous en félicite. La question que je me pose en lisant cet article-là, je le soulignais ce matin... L'importance dans l'histoire environnementale du Québec, je le disais ce matin qu'il nous fallait lire cet article-là. La question que je me pose ? et je vous la pose franchement ? quand on est en affaires, on essaie de trouver des opportunités, et là voilà-tu pas que certaines législations du Québec font qu'il y a une opportunité d'affaires, et cette opportunité-là fait qu'on crée des emplois et qu'on crée théoriquement toute une retombée économique. Jusque-là, vous et moi, on devrait être d'accord avec ça, dire: Bon, on crée une économie, puis c'est parfait. Et là vous dites: Bien, attention, parce que c'est des déchets contaminés. Et, la question que je me pose, on a dit ça des vieux pneus il y a 15 ans, et maintenant il y a tout un... Finalement, on devra, dans quelques années ? c'est le ministre Boisclair qui nous le disait ? importer des pneus avec toute l'industrie qu'on a créée. Ici, on n'aura pas assez de pneus, on devra en importer. Donc, il y a eu quelque chose de positif en quelque part là-dedans.

n(17 h 10)n

Est-ce que c'est si négatif que ça de créer des emplois dans un secteur de pointe dans la mesure où tout ça est bien encadré, régi, etc., où est-ce qu'on a vraiment... Quand vous dites qu'il y a eu une augmentation, c'est quoi? 300 % depuis 1999. D'un côté, je peux être très préoccupé. D'un autre côté, je pourrais peut-être me réjouir. Je me dis: On est après créer quelque chose d'extraordinaire au Québec, parce que là on ne met pas dans le sol, les règlements sur les déchets, eux, vont empêcher l'importation, hein? Je pense que la réglementation va être bien claire, mais ici on traite ces déchets-là. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Puis, je n'ai pas d'opinion, là, franchement, je n'ai pas d'opinion là-dessus.

Mme Larouche (Ursula): Bâtir une économie sur les déchets des autres, c'est, je pense, une décision collective, et il n'y a pas eu actuellement au Québec de débat sur: Est-ce qu'on devrait construire une économie localement, provincialement autour des déchets? Quand Pierre Morency s'est battu contre l'importation des déchets domestiques dans votre région, je pense que ça a été clair que la région a dit: On n'en veut pas de déchets qui viennent d'ailleurs. Ça a été une décision collective. Si on doit bâtir une économie au Québec qui tourne autour des déchets toxiques, moi, je veux être consultée puis j'en connais d'autres qui veulent l'être. À partir du moment où il y aura des consultations puis que ce sera une décision collective, bien là on saura si bâtir une économie autour de ça, autour de nos déchets, c'est possible, mais pas avant.

M. Benoit: Plus on avance dans la journée, plus on a les arguments des autres. Et, quand vous nous dites plus tard aujourd'hui, autant M. Lessard que vous, Mme Larouche... Quand vous nous dites: Exigez des nouvelles entreprises des fonds quelconques de garantie, d'assurance, on a posé la question aux banquiers aujourd'hui, et eux, ce qu'ils nous disent: Il y a eu des problèmes dans le temps, on le reconnaît, et il n'y avait pas de lois, puis on ne connaissait pas mieux que ça, puis etc. Mais ce qu'ils nous disent, c'est qu'il n'y a pas une entreprise aujourd'hui qui peut se créer, peu importe dans quel secteur, si elle n'est pas absolument ? passez l'expression anglaise ? «full proof» environnementalement, ils n'auront pas une cenne de crédit d'un banquier. C'est ce qu'on a entendu ce matin ou cet après-midi, et est-ce que pour vous ce n'est pas déjà là une certaine forme de sécurité de savoir que: Oubliez-ça, ils ne pourront pas partir en affaires? Quand vous me dites: Les mines, c'est un secteur bien particulier, puis la loi l'a prévu, et probablement que les forestiers, on devrait et on va le faire avec les déchets aussi, hein, les sites de déchets auront des fonds... Mais est-ce que toute entreprise qui, au Québec, part, devrait automatiquement avoir à collaborer à un fonds ou etc.? Je pose la question quand le banquier me dit: Oubliez-ça, il ne pourra pas partir parce qu'on l'aidera pas s'il n'est pas environnementalement absolument très sécure dans ce qu'il fait.

M. Lessard (Guy): C'est là qu'on pourrait peut-être trouver des façons de moduler notre approche. Écoutez, on peut avoir différents niveaux de risque. Si, moi, je veux implanter une entreprise qui n'est presque pas à risque... Bon, il y a un jugement à porter, il y a une façon d'aborder ça. Par contre, si vous vous implantez dans une région à proximité d'une population importante, une usine ou une industrie qui est...

M. Benoit: Comme les porcheries en ce moment, quoi?

M. Lessard (Guy): N'embarquons pas là-dedans, parce que je suis en Chaudière-Appalaches, moi. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lessard (Guy): Mais, avant de passer la parole à Mme Larouche, écoutez, il y a vraiment une question de jugement importante pour nous autres, là. Puis, ne restons pas au niveau des principes, là, allons-y de façon bien concrète, on a la responsabilité aujourd'hui de dire: On va permettre à une entreprise qui est à haut risque de s'implanter à proximité d'une population importante et on ne prévoit pas de parachute. Je veux dire, là, c'est une décision importante à prendre et je n'abandonnerai jamais l'idée qu'on est capables de trouver des solutions à ce niveau-là. C'est sûr que s'il fallait qu'on apprenne à vivre uniquement à partir du jugement des banquiers, monsieur, on aurait été malheureux longtemps. Je pense qu'il faut peser qu'en dehors de ces considérations-là il y a la santé, il y a l'équilibre des écosystèmes, puis il n'y a personne qui a mis des prix là-dessus encore.

Mme Larouche (Ursula): Je voudrais compléter aussi. Moi, cette réflexion-là, je vais vous dire, j'ai une amie qui travaille dans la haute finance et qui travaille pour les banques, et, à un moment donné, elle m'a confié qu'effectivement il y a un problème parce que, comme ce n'est pas encadré légalement par une législation, comme ils ne sont pas obligés... Les banques ne sont pas tenues d'exiger des analyses de risques, des analyses de contamination parce que ce n'est pas confiné dans un règlement ni dans une loi. Donc, ils ne veulent pas. Ils peuvent faire faire quelques analyses, mais, si eux autres décident de ne pas prêter, il y a un compétiteur qui, lui, va prêter. Donc, actuellement, ça fonctionne avec la loi du marché, et moi, ma réflexion là-dessus, elle s'est faite entre autres à partir des révélations qu'elle m'avait faites, et c'est pour ça que ce serait important que les exigences financières soient encadrées par un projet de loi.

M. Benoit: Merci infiniment d'avoir été ici.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Larouche, M. Lessard et M. Bourke, pour votre participation aux travaux de cette commission parlementaire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite immédiatement les représentants du Barreau du Québec à bien vouloir prendre place à la table.

Alors, bienvenue, messieurs. Vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires concernant le projet de loi n° 72, et j'invite le porte-parole à bien vouloir se présenter ainsi que les personnes qui l'accompagnent.

Une voix: Merci, M. le Président.

M. Benoit: Moi, là, je n'ai même pas reçu...

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous avez un mémoire?

M. Benoit: C'est quelqu'un qui m'a donné ça quasiment illégalement, là. Est-ce qu'il y a un mémoire? Est-ce qu'il y a quelque chose?

M. Sauvé (Marc): Oui, il y a une lettre qui a été acheminée au ministre André Boisclair le 14 février, qui a été remise au secrétaire de la commission. Alors, je ne sais pas si ça a été circulé, mais ça avait été... Alors, on m'indique ici qu'on l'a reçue.

Le Président (M. Lachance): Bon, très bien.

Une voix: Il y en a qui ont des bons contacts.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sauvé (Marc): Est-ce que vous l'avez bien reçue? Oui?

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Juste qu'on se mette au niveau, là, pour qu'on se comprenne tous ensuite, là. Bon, c'est bien qu'il ait écrit au ministre, mais c'est à la commission qu'il fallait qu'il écrive.

Mais, une fois ça dit, ici, à la fin de la première page, on nous dit qu'il y a une lettre du bâtonnier du Québec à M. Paul Bégin, ministre de l'Environnement, 13 décembre 2001; le 26 janvier 2001, lettre du bâtonnier à M. André Boisclair, ministre de l'Environnement; 30 mars... Est-ce qu'on a ces lettres-là ou... Vous mettez en octobre...

M. Sauvé (Marc): Non, ça n'a pas été... Ce qui a été acheminé aux membres de la commission, c'est la lettre du 14 février 2002.

M. Benoit: Est-ce que vous les avez ici? Parce qu'on peut en prendre des photocopies.

M. Sauvé (Marc): Oui, je les ai ici, là, je peux regarder.

M. Benoit: D'accord. On va prendre des photocopies. Excusez-moi, M. le Président, mais ça me semble important, ça, là, cet aspect-là, parce que je sais à quoi ils vont y venir, c'est toute l'histoire de la liste, là.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, vous pouvez y aller.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Oui, certainement. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de cette auguste commission, mon nom est Marc Sauvé. Je suis avocat au service de législation, au Barreau du Québec, et je suis accompagné de spécialistes reconnus, très connus dans le domaine de l'environnement, du droit de l'environnement. Alors, à ma gauche, Me Giroux, Lorne Giroux, qui est professeur à l'Université Laval. Vous avez ici, à côté de moi, à ma droite, Me André Prévost, qui est praticien à Montréal en droit de l'environnement, et Me Michel Yergeau, qui est aussi très bien connu et reconnu dans le domaine du droit de l'environnement.

Alors, écoutez, je n'ai pas l'intention de relire, là, de faire le mot à mot de la lettre qui vous avait été acheminée. Cependant, peut-être attirer votre attention sur quatre ou cinq grands thèmes qui méritent certainement qu'on s'y attarde.

n(17 h 20)n

La première question, évidemment question de base à laquelle nous sommes tous confrontés lorsqu'on analyse un projet de loi: Quel est l'objectif de la loi? Qu'est-ce que le législateur poursuit exactement? Alors, s'il s'agit de réhabilitation des sols, la question première qu'on doit se poser, c'est: Est-ce que les mécanismes qui sont établis dans le projet de loi sont de nature à favoriser la réhabilitation des sols? Quant à nous, on s'interroge sur cette question préliminaire parce que ce n'est certainement pas en ciblant les gardiens de terrains, qu'ils soient responsables ou non, qu'on va favoriser la transaction sur les sols contaminés.

D'ailleurs, on vous mentionne à la page 2 de notre lettre que le Barreau du Québec est d'avis que, s'il est adopté tel quel, le projet de loi ne manquera pas de créer de graves injustices à l'égard de nombreuses personnes qui n'ont participé ni directement ni indirectement à la contamination des terrains ou qui n'en ont tiré aucun bénéfice. Il impose à ces personnes un fardeau de preuve dont elles pourront difficilement se décharger, principalement en raison du temps écoulé. Alors, il me semble que c'est quand même un point central. On ne se fait pas trop d'illusions, il semble y avoir une volonté politique d'adopter ce projet de loi là, mais je pense que c'était important pour nous de vous signaler cela.

Un deuxième élément concerne le principe de pollueur-payeur. On prend ça pour acquis de nos jours, le principe pollueur-payeur, ça semble aller de soi. On semble oublier que l'introduction, l'incorporation de ce principe-là dans la législation découle d'un débat public qui a eu lieu et, de chaude lutte, on a pu assister à l'introduction de ce principe-là dans la législation. Plusieurs organismes étaient contre ce principe-là, et finalement on a fini... le législateur a fini par l'introduire, et je pense que c'est absolument important de voir ce principe-là réintégré pleinement dans la législation. Or, à notre point de vue, l'approche qui est prise ici de responsabiliser les gardiens de terrains, qu'ils soient responsables ou non de la contamination, compromettrait ce principe fondamental de la législation environnementale.

Un deuxième point sur lequel on veut attirer votre attention concerne les conséquences procédurales reliées au fardeau de preuve. Alors, à 31.49 du projet de loi, on utilise un petit mot qui a l'air anodin, le mot «établit», hein? On dit qu'«une ordonnance ne peut toutefois être prise contre une personne ou municipalité visée au second tiret du premier alinéa» dans certains cas. Et on dit... Alors, 31.43, excusez-moi. Alors, on dit «établit».

Alors, c'est sûr que l'utilisation d'une telle expression, ça a des conséquences au point de vue procédural. D'une part, il y a certains faits, donc, qui devront être démontrés, prouvés au ministre. Celui-ci devra évidemment évaluer la force probante de la preuve. Alors, la question qu'on peut se poser comme avocat, c'est: Est-ce que le ministre devient un tribunal? Est-ce que ça devient une espèce de tribunal des sols contaminés? Qu'en est-il des garanties d'indépendance et d'impartialité de la Charte? Est-ce que c'est ça qu'on voulait? Est-ce qu'on voulait que le ministre devienne un tribunal? Enfin, on peut certainement se poser la question à ce sujet-là.

Un autre point qui est important, c'est la question du préavis d'ordonnance. Alors, on souligne ça, là, à la page 5 de notre lettre, on dit ceci ? et ce n'est pas un détail; ça a l'air tout à fait anodin et procédural, mais c'est extrêmement important, ce préavis-là: Le Barreau du Québec, à la page 5, est d'avis que l'ordonnance prévue à 31.43 doit impérativement faire l'objet d'un préavis spécifique et détaillé conformément à l'article 25 ou à l'actuel 31.44 de la LQE. Ce préavis prévoit un délai minimum de 15 jours avec, en annexe, les documents qui ont été considérés par le ministre. Ce préavis est aussi publié dans le journal.

Alors, bien sûr, l'article 5 de la Loi sur la justice administrative reconnaît ce principe du préavis, mais en termes beaucoup plus généraux et imprécis. Alors, compte tenu de l'importance de cette ordonnance-là, on ne voit pas pourquoi le préavis de l'article 25 ne serait pas retenu.

Et, évidemment, le point central sur lequel on a insisté depuis le départ, que ce soit dans la version du projet de loi n° 156 ou maintenant, c'est les moyens de défense, et on dit ceci: «Vu l'importance ? c'est à la page 5 ? du principe du pollueur-payeur, auquel adhèrent l'ensemble des intervenants socioéconomiques québécois, dont le Barreau du Québec, nous sommes d'avis que le législateur doit prévoir un recours qui permettra aux gardiens présents ou passés d'un terrain visé par une ordonnance de décontamination d'appeler en garantie l'auteur de la contamination du terrain afin qu'il réponde à sa place ou avec lui à l'ordonnance du ministre et, le cas échéant, qu'il assume les coûts de la décontamination.» Ceci pourrait se voir... pouvoir s'effectuer à la faveur d'un recours devant le Tribunal administratif du Québec. «Et, à défaut ? et ça, on insiste sur ce point-là ? de prévoir un mécanisme adéquat visant à faire prévaloir le principe du pollueur-payeur, le projet de loi demeurera inacceptable aux yeux du Barreau.»

Alors, j'aimerais, si vous me le permettez, céder la parole maintenant à Me Michel Yergeau.

M. Yergeau (Michel): Merci. Si vous permettez, étant donné que le temps court et que vous avez entendu tant et tant de représentations depuis ce matin, je vais me permettre d'ajouter trois ou quatre petites choses, et ensuite on se lancera dans les questions et on tentera d'apporter surtout des réponses.

J'ai participé au débat sur le projet de loi n° 156 l'an passé. J'avais à ce moment-là, tant au nom du Barreau du Québec qu'en mon nom personnel, soulevé les plus grandes objections. Je pense qu'on est devant un projet amélioré, qui ne veut pas dire qu'il est sans faille, puisqu'une de nos objections les plus fondamentales au Barreau l'an passé demeure entière, c'est-à-dire les recours contre les auteurs véritables de la pollution. Mais il y a deux ou trois petites choses supplémentaires qui peuvent inquiéter, et je résumerai ça en disant: C'est l'apparition de l'article 31.45 et la disparition de l'article 31.49 du projet de loi n° 156.

31.45 a le mérite d'introduire la notion d'étude de risques, mais la notion d'étude de risques, c'est un concept qui, pour être intéressant, est très mal compris, répond à une foule de paramètres, il y a des méthodologies diverses, il y a des méthodologies contradictoires. Et je pense que poser le problème de l'étude de risques, c'est bien de l'inscrire dans la loi, mais c'est encore mieux de prévoir qui va assumer les coûts de contre-expertise et qui va assumer la contre-expertise, parce qu'il n'y a pas d'étude de risques sans contre-expertise. Et, actuellement, il y a trois ou quatre choses qui me frappent, il n'y a pas de pouvoir réglementaire pour encadrer l'étude de risques d'aucune façon. Donc, qu'est-ce qu'on va faire avec ça?

D'autre part, à partir du moment où on accepte qu'il y ait cette étude de risques, on accepte aussi qu'il y ait des gens qui prennent en charge la contre-expertise. Or, l'étude de risques coûte extrêmement cher. Et, j'aurais tendance à faire une boutade, ça coûte tellement cher que, moi, je n'ai jamais vu un expert concluant qu'il y avait un risque, ce qui fait qu'il faut peut-être se poser des questions. Mais ça coûte extrêmement cher à faire et ça coûte extrêmement cher et encore plus cher à contre-expertiser. Qui va le faire, qui va l'assumer, le ministère de l'Environnement? Le ministère de l'Environnement qui va même créer une liste d'experts pour s'assurer que le petit guide de rédaction des études de caractérisation va être rempli convenablement, mais qui va prendre à sa charge la contre-expertise des études de risques? Il y a là, à mon avis, une naïveté qui devrait être corrigée. À mon humble avis.

Par ailleurs, il y avait l'article 31.49, dans l'ancien projet de loi, qui prévoyait: Toute demande faite en vertu de la présente loi pour obtenir l'autorisation d'implanter une entreprise appartenant à l'une des catégories d'activité industrielle prévues par règlement... Cette notion prospective, cette notion d'avenir a été évincée, ce qui est, à mon avis, dommage. Ou bien il y a quelque chose que je n'ai pas compris, mais ça apparaît manquant.

n(17 h 30)n

Par ailleurs, il faudrait aussi... Il y a beaucoup de travail de décontamination qui a été fait et il faudrait trouver un moyen de mettre à l'abri du pouvoir d'ordonnance ceux qui ont déjà fait décontamination. Mais là c'est complexe parce que je me souviens d'avoir été impliqué dans les tout premiers dossiers de décontamination de terrains, à la belle époque où le ministère délivrait des certificats de décontamination, une honorable pratique qui a été rapidement éliminée après deux ans parce que le ministère ne voulait pas ou le ministère ne voulait pas assumer le risque d'avoir avalisé une décontamination de terrain. Mais il y a du travail qui s'est fait quand même par la suite.

Comment s'y prend-on pour mettre à l'abri ceux qui ont fait le travail? C'est aussi une question qui est préoccupante, parce qu'il y a du travail qui a été fait et évidemment... Mais on revient quand même à la chose fondamentale, c'est: Quels sont les recours? Et est-ce qu'on n'est pas en train, avec un projet de loi comme celui-là, d'avoir des effets pervers malgré la nette amélioration du projet? Est-ce qu'il n'y a pas des effets pervers? Est-ce qu'on n'est pas en train de larguer, purement et simplement, le principe du pollueur-payeur? Et là-dessus, j'insiste sur le fait que ce n'était pas évident, le principe du pollueur-payeur. Et, pendant le week-end, histoire d'occuper seulement mes loisirs, j'ai relu les transcriptions de la commission parlementaire de 1990, et, à cette époque-là, le principe du pollueur-payeur, ce n'était pas évident. Richard Le Hir était contre au nom du Conseil du patronat. L'Association minière québécoise était contre et ce n'est pas... La CSN trouvait que ça n'allait pas assez loin. Le principe est devenu évident et a percolé, est entré dans la culture et dans le bagage génétique de tout le monde, et tout le monde prend ça pour acquis maintenant. Mais il y a 10 ans, quand on lit la transcription, ce n'était pas du tout évident. Et là on s'apprête probablement, bien involontairement sans doute, mais à larguer le principe du pollueur-payeur pour faire payer celui qui a du cash, passez-moi l'expression.

Est-ce que c'est le signe de victoire ou qu'il me reste deux minutes?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance):«Peace and love.»

M. Yergeau (Michel): Donc, le principe du pollueur-payeur, le Barreau revient à ce principe qui demeure un principe capital. Et tantôt peut-être qu'il y aura une question qui me permettra de faire une petite citation, mais j'ai trouvé un passage du critique officiel de l'opposition en matière d'environnement en 1990, qui s'est prononcé sur la question du principe du pollueur-payeur et aussi de la responsabilité du propriétaire sans fautes, du propriétaire qui n'était pas le pollueur, pour condamner vertement un projet du parti alors au pouvoir qui avait concocté un projet qui aurait pour conséquences de faire porter sur les propriétaires et les gardiens la responsabilité d'une pollution qu'ils n'avaient pas commise. Ces critiques ont été faites il y a 10 ans, et on se retrouve maintenant 10 ans plus tard que le parti qui dénonçait le projet est celui qui repropose sensiblement la même chose, et de ça nous sommes un tout petit peu déçus, pas tragiquement déçus, mais on aimerait que ça puisse être corrigé.

Le Président (M. Lachance): Le député d'Orford me soufflait à l'oreille que c'était l'histoire de l'humanité. Alors, merci. Je crois que vous avez tendu une perche pour des questions qui vont pouvoir vous permettre d'élaborer davantage, Me Yergeau. Alors, M. le ministre.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Me Sauvé, Me Yergeau, Me Giroux et Me Prévost, bienvenue parmi nous. Merci d'avoir accepté l'invitation. Merci également d'avoir collaboré activement avec le ministère de l'Environnement et d'avoir accepté toutes les requêtes qu'ils vous ont formulées. Votre présence a été... elle est toujours fort appréciée. Et je ne peux m'empêcher encore une fois de reconnaître la rigueur intellectuelle du mémoire que vous nous avez soumis. Vous savez que je ne suis pas du tout un spécialiste en droit. Je n'ai aucune formation juridique quelle qu'elle soit et je suis donc en période d'apprentissage mais très interpellé, très sensible aux commentaires que vous me formulez.

Vous me permettrez d'aborder la question que j'ai le goût de vous poser en vous relisant le deuxième paragraphe de la lettre que vous adressiez, en février 2002, à M. André Boisclair. Et vous disiez ceci: «Le principe du pollueur-payeur ? dont vous avez tant parlé dans votre présentation ? procède par ailleurs de la même philosophie qui a été à l'origine du Code civil au Québec, à savoir la responsabilisation des citoyens pour leurs gestes et comportements.» Jusque-là, moi, je pense que je vous suis très facilement, malgré mon absence de formation juridique.

Deuxième phrase dudit paragraphe: «Il est regrettable que le projet de loi n° 72 s'éloigne de ce principe fondamental en imposant un fardeau potentiel de responsabilités sur les épaules de ceux qui ont ou qui ont eu la garde physique d'un terrain.» Alors, évidemment vous ciblez, focalisez sur la responsabilité des gardiens de terrains et vous nous dites: Ça va à l'encontre du Code civil du Québec. Or, lorsque je lis l'article 1465 dudit Code civil du Québec, celui-ci nous indique: «Le gardien d'un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu'il prouve n'avoir commis aucune faute.»

Or, ça me semble relever de la même logique. Et, si vous êtes contre ladite logique, est-ce à dire que vous voudriez qu'on reforme le Code civil?

M. Giroux (Lorne): Oui. M. le ministre... Lorne Giroux.

L'analogie qui est faite avec l'article 476, l'article 476 a été utilisé par la jurisprudence dans des cas où, par exemple, quelqu'un avait sous sa garde un bien ? on a même appliqué ça à de l'électricité ? qui pouvait présenter un danger et que souvent il exploitait lui-même en pleine connaissance. Ce que nous disons à l'égard du projet de loi, c'est que c'est difficile de faire cette analogie-là avec quelqu'un qui ne sait même pas souvent que son terrain est contaminé, ou qui ne sait pas à quel point il l'est, ou qui a pu l'acquérir dans des circonstances où il n'avait pas le choix de l'acquérir, même s'il le savait.

Ce que nous reprochons au projet de loi, c'est de ne pas permettre à cette personne-là, contre qui l'ordonnance peut être prise, de pouvoir au moins se défendre en appelant à son aide ou à sa place celui, celle qui a contribué, ou qui est seul responsable, ou qui même a participé à la contamination. Et n'oubliez pas que le projet de loi s'applique aux municipalités. Il y a beaucoup de municipalités au Québec qui se sont trouvées propriétaires d'un terrain tout simplement parce que les propriétaires avaient cessé de payer leurs taxes, et elles les ont acquises dans des ventes pour taxes. L'effet net du projet de loi, ça va être de faire supporter par les municipalités des coûts de décontamination qui jusqu'ici auraient pu être supportés par l'État québécois. Il va y avoir un transfert fiscal qui va se faire et ici c'est la municipalité qui va avoir l'odieux de taxer ses citoyens pour décontaminer des terrains qu'elle a souvent acquis tout simplement parce que les taxes étaient impayées.

Et ce qu'on dit, c'est que le ministre, quand il se prépare à signifier son ordonnance, ne connaît pas nécessairement l'historique du terrain. Pour lui, il va frapper sur celui qui est gardien ou qui a été gardien, celui, comme disait mon collègue, si vous passez l'expression, que le ministre connaît comme possédant le cash. Aux États-Unis, on appelle ça la théorie du «deep pocket», hein: on poursuit celui qui a les poches les plus profondes parce qu'on estime qu'il est capable de décontaminer. Ce qu'on dit, c'est que, si vous estimez que c'est nécessaire dans l'intérêt public de faire ça, donnez-lui au moins l'occasion d'appeler celui contre qui, lui, il prétend... puis celui à l'égard de qui il ne s'estime pas responsable.

Et, dans ce contexte-là, oui, nous avons raison de prétendre que le projet ne respecte pas le principe du pollueur-payeur parce qu'il ne permet pas à celui dont le seul lien juridique avec le terrain c'est la garde ou la propriété d'appeler celui qui est le véritable pollueur. Et, dans ce cas-là, nous ne pouvons être d'accord avec la position qui est véhiculée dans le projet de loi dans sa version actuelle.

M. Simard (Montmorency): La section fort intéressante que vous avez et elle m'ouvre la voie à vous reposer une question que j'adressais cet après-midi au CPEQ, qui finalement, en toile de fond, rejoint plusieurs des commentaires que vous avez eu la gentillesse de nous formuler tout à l'heure...

n(17 h 40)n

En fait, l'objet de ma réflexion, c'était de savoir si le fait de ne pas avoir pollué un terrain devrait me dégager de toute responsabilité. Et je donnais l'exemple suivant, de cet industriel qui aurait pu un jour contaminer, voire même sévèrement, un terrain et qui, avant de revendre son terrain, le décontamine selon les critères propres à un secteur industriel dans une perspective éventuellement de l'analyse de risque. Il vend ce terrain à quelqu'un qui, lui, décide par la suite de faire du développement résidentiel; il fait des maisons. Quelques années plus tard, on se met à sentir de l'essence dans le sous-sol. Ça peut même à terme avoir un effet nocif sur la santé des enfants qui habitent ladite maison. Et on sait très bien que celui qui aura procédé au développement résidentiel n'aura pas fait, avant sa construction, la décontamination requise pour atteindre les niveaux plus sévères et plus élevés pour de la construction sur des terrains donc résidentiels.

Alors, à qui incombe la faute? Devant qui ces propriétaires de maison devraient-il donc aller en Cour: contre le premier pollueur ou le deuxième, selon vous?

M. Prévost (André): Bien, écoutez, d'après moi... Vous parlez d'un changement d'usage du terrain. Donc, vous partez d'un usage industriel pour lequel on applique les critères qui sont connus comme étant des critères C pour tomber aux critères A ou AB. Alors, à ce moment-là, il est évident que celui qui décide de changer la vocation d'un terrain doit s'assurer ? et je pense que c'est son devoir de base ? que les sols dans lesquels ou sur lesquels il va faire ses activités sont capables d'accueillir un tel type de développement. Donc, si le premier, qui était un industriel, l'a décontaminé jusqu'aux critères qui sont en deçà de C, mais que, pour pouvoir développer du point de vue résidentiel, je dois avoir un critère qui se situe à A, bien, c'est mon devoir à moi, de promoteur, de faire les travaux nécessaires pour mettre le sol dans l'état de recevoir un tel développement.

Et ce que j'aimerais vous dire... Et je pense que le but ou ce qui dérange le plus, si vous me permettez de rajouter un peu sur les commentaires qui ont été dits avant, dans la Politique de réhabilitation des terrains contaminés, de 1988, comme dans la nouvelle politique de 1998, la prémisse fondamentale, c'est dire: Faisons en sorte qu'on puisse utiliser les terrains qui ont été contaminés dans le passé, parce qu'on se retrouve avec un héritage pour lequel on ne sait plus quoi faire avec ces terrains-là qui sont généralement bien situés maintenant avec l'étalement urbain.

Ce que je vous dis d'un point de vue juridique, comme pour intéresser des gens à acheter ces terrains-là, si je leur dis: Messieurs, si vous achetez ce terrain-là, vous en prenez possession à quelque titre que ce soit, vous pouvez être appelé, à un moment ou à un autre, à devoir vous justifier devant le ministre de l'Environnement pour potentiellement porter la responsabilité de la décontamination du terrain. Si vous faites ça, moi, à mon avis, vous êtes en train, par ce projet de loi là, de la manière dont il est rédigé, vous êtes en train d'aller exactement à l'encontre de l'objectif de base qui est un objectif tout à fait sain: on veut redévelopper ces terrains-là.

Si vous mettez dans le projet de loi des dispositions qui permettent aux gens qui pourraient recevoir une ordonnance, soit d'appeler dans le décor celui qui l'a effectivement pollué, le terrain, ou de pouvoir exercer un recours par après contre cette personne-là, à tout le moins, vous enlevez la circonstance aggravante qui va faire en sorte que quelqu'un n'achètera pas ou ne voudra pas s'approprier un terrain semblable à cause du risque qu'il comporte. Et n'oubliez pas que, dans les développements qui se passent actuellement, le propriétaire doit aller voir son futur créancier, son banquier, son institution financière. Il va aller voir son avocat. Le banquier va aller voir son avocat.

Quand, moi, on me demande de donner une opinion à savoir s'il y a un risque d'acquérir le terrain, bien, quand je regarde 31.43, les trois cas d'exclusion, je vais dire: Messieurs, tout ce que je peux vous dire, c'est que, même avec la meilleure foi du monde, vous allez peut-être devoir répondre au ministre de l'Environnement face à une ordonnance. Est-ce que ça vous intéresse de vous mettre dans cette situation-là? Et, avec le fardeau de preuve qui est finalement renversé et mis sur les épaules de celui qui acquiert ou qui est possesseur du terrain, ce n'est pas très intéressant, on va peut-être plutôt aller voir le terrain qui n'est pas contaminé puis qui est à côté. Alors, je pense que cet élément-là, je trouve que c'est quelque chose qui va nettement à l'encontre d'une politique avec laquelle je suis parfaitement d'accord.

M. Yergeau (Michel): Peut-être qu'il faut que vous soyez avertis que le phénomène qu'énonce ou que prévoit Me Prévost est déjà commencé dans l'industrie immobilière. J'ai eu, au cours des dernières semaines, des exemples très concrets de transactions qui ont été suspendues et qui ne se sont pas faites justement par crainte de se trouver à un moment donné dans une position de gardien du terrain. Encore, encore, à la fin de la semaine dernière, le procureur d'une maison d'enseignement importante de Montréal m'a téléphoné pour me dire que la maison d'enseignement convoitait un terrain qui était contaminé et qui voulait me demander conseil. Mon conseil, ça a été de dire: La première chose, ne faites rien tant et aussi longtemps que la loi ne sera pas adoptée et qu'on sache exactement quelles sont les balises qui seront apportées à ce qui est présentement sur la table.

Et c'est le seul conseil comme avocat qu'on peut donner présentement parce qu'il y a un risque démesuré par rapport à l'avantage qu'il peut y avoir d'acquérir un terrain qui est contaminé présentement. Et l'effet pervers risque de se faire sentir finalement assez rapidement et il pourrait y avoir des conséquences graves si on ne prévoit pas. Il ne s'agit pas de tout déboîter la loi actuelle et de la récrire. Je pense qu'il est possible assez facilement de prévoir un recours autre que le recours un petit peu illusoire, à notre sens, comme on l'a écrit dans notre mémoire, qui est déjà prévu à l'article 31.50 de la loi. Il faut plus que ça pour y parvenir. Mais le phénomène est commencé, l'inquiétude existe.

M. Simard (Montmorency): M. le Président, le temps, je présume, est révolu?

Le Président (M. Lachance): Hélas! Alors...

M. Prévost (André): C'est tellement intéressant.

M. Simard (Montmorency): C'est vrai. En vous remerciant, messieurs.

Le Président (M. Lachance): Ce sera au tour du porte-parole de l'opposition officielle, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Merci, M. le Président. Messieurs, merci d'être avec nous ce soir, c'est fort intéressant de vous entendre, particulièrement les derniers commentaires de Me Yergeau, qui est une autorité en environnement. Et des cas précis et concrets, là, ça nous ramène à la réalité.

Une courte question avant de laisser à notre confrère de D'Arcy-McGee, qui est notaire ? on aime ça les notaires chez les libéraux, c'est du bon monde, hein ? alors on va lui permettre de vous poser des questions, mais une courte question... Dans le dernier paragraphe de votre mémoire, vous nous parlez du régime de sanctions pénales et vous nous dites effectivement qu'un an d'emprisonnement et une amende de 1 million de dollars c'est beaucoup, et, d'autre part, vous suggérez d'ajuster ça avec la faute qui a été commise. J'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus parce que je pense que vous êtes les premiers, autant sur 156 qu'en ce moment, qui nous parlez de cet aspect-là.

M. Prévost (André): En fait, je pourrais peut-être vous dire: La mode, depuis quelques années, c'est de mettre des peines qui sont absolument faramineuses pour toutes sortes d'infractions en matière d'environnement, puis le législateur québécois n'est pas le seul; au Canada, ils font la même chose. Sauf qu'à un moment donné il faut essayer de mettre des peines qui soient à la mesure des infractions qui sont commises.

Si donc je rejette volontairement une matière dangereuse dans l'environnement et que je jette définitivement dans une rivière des contenus d'acide, je peux être condamné à un maximum de 1 million de dollars ? je m'en viens dans le projet de loi dont on parle ? puis j'ai omis de notifier au registre foncier la contamination de mon terrain, puis je peux être condamné à 1 million. Il n'y a pas de commune mesure, et je trouve que ça met souvent les procureurs de la poursuite dans des drôles de situations, et je peux vous dire, pour en avoir vécu avant... où les procureurs de la poursuite disent: On recommande une sanction de 25 000 $, puis le juge regarde, puis il dit: Oui, mais le maximum, c'est 1 million, pourquoi est-ce que vous demandez juste 25 000 piastres? Et, dans le fond, je pense que c'est un peu démesuré. Qu'on remette un peu les sanctions à un niveau qui corresponde à vraiment l'infraction dont on parle.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de D'Arcy-McGee.

n(17 h 50)n

M. Bergman: Merci, M. le Président. Me Sauvé, Me Yergeau, Me Giroux, Me Prévost, merci pour votre présentation, et je dois vous dire, comme d'habitude, je remercie le Barreau pour être toujours disponible sur les questions qu'on vous adresse au Barreau, Me Sauvé, puis votre département aussi.

Trois questions. Sur la question de la responsabilité du pollueur-payeur, je suis d'accord avec vous que c'est lui qui a causé le problème, c'est lui qui doit assumer le fardeau des responsabilités. Et vous parlez de la même philosophie à l'origine du Code civil du Québec. Mais je pense, et peut-être que je comprends mal la situation, je pense à la situation où le pollueur-payeur qui a vendu ce terrain il y a 10 ans... dans la vente, il a fait une vente sans garantie légale mais qui était très, très explicite. On voit qu'il a déchargé de la responsabilité d'aucune manière... où l'acquéreur, 10 fois dans le même acte de vente, a pris connaissance de la responsabilité qu'il va avoir pour la qualité du terrain, la qualité du sol, que l'acquéreur a dit qu'il a pris tous les tests possibles et c'était vraiment une vente sans garantie légale.

Alors, comment est-ce que nous, comme législateurs, pouvons faire une législation qui est, premièrement, rétroactive? Et, deuxièmement, à l'encontre d'une convention qui était faite entre deux parties et qui était déposée au bureau d'enregistrement, qui est public, comment est-ce que nous pouvons aller à l'encontre de cette base encore de notre Code civil?

M. Giroux (Lorne): Bien, la réponse à ça, c'est que... Si vous me permettez, M. le député, la réponse à ça, c'est que la convention dont vous parlez, elle vaut entre parties. Mais, à l'égard de la société, la société ne peut pas nécessairement accepter que quelqu'un puisse, dans un contrat privé... On ne connaît pas quelles étaient les relations des parties, on ne connaît pas si l'acheteur était dans une situation où il ne pouvait pas faire autrement que d'accepter des clauses exorbitantes du droit commun comme ça. On ne peut pas accepter que, vis-à-vis la société ou la communauté dans laquelle on évolue, on puisse se décharger indéfiniment dans le futur de responsabilités qu'on a assumées par des gestes qui ont été posés à l'époque. Et je pense que c'est la base du droit québécois de l'environnement et c'est également la base de tous les régimes qui vont forcer la décontamination chez le pollueur, peu importe que celui-ci ait tenté de se disculper dans des actes privés auxquels le reste de la société n'a pas participé.

M. Bergman: J'apprécie votre réponse. Mais, comme vous le savez, vous avez mentionné que le conseil qu'on donne à un client, que vous avez donné à des clients dans les derniers quelques mois, ça veut dire que le conseil qu'on doit donner à ce vendeur pour le futur, on doit dire: Oui, vous avez vendu sans garantie légale, mais, vous savez, une journée, l'Assemblée nationale peut passer un projet de loi où vous serez responsable de telle et telle affaire. Alors, c'est un peu...

M. Giroux (Lorne): D'ailleurs, la situation actuelle ? et mes collègues me corrigeront ? si le ministre est capable de rejoindre le pollueur, peu importent les transactions que le pollueur a faites, peu importent les clauses disculpatoires de responsabilité qu'il a pu mettre à l'égard d'un acheteur, qui est une partie privée, il va assumer la responsabilité vis-à-vis l'État. Et c'est un peu la situation qui était survenue au Canada anglais dans les histoires de faillite où les tribunaux ont dit: Dans le cas d'une faillite, celui qui fait face à une obligation de décontamination... On a dit, et ça a même été plaidé au Québec, on a dit: Lorsque quelqu'un fait faillite, l'État a le même statut qu'un autre créancier, et donc la créance de l'État, qui pourrait être liquide dans le cas d'une obligation de décontamination, devrait passer dans la faillite. Et les tribunaux ont dit: Le problème, c'est que cette créance-là n'est pas la créance du ministre, c'est une obligation qui est imposée parce que le ministre agit au nom de la société. Et c'est la même philosophie à la base de l'argument qui prévaut ici. Et on me corrigera...

M. Prévost (André): M. le député, si je peux ajouter... puis je vais aller directement à votre point. Ce qu'on est en train de vous suggérer aujourd'hui, ça va dans la ligne de ce que vous êtes en train de dire. Si le ministre rend une ordonnance ? puis, lui, il peut la rendre contre n'importe qui ? contre quelqu'un qui a vendu en dénonçant tous les vices puis en faisant abstraction de toute garantie, on veut que cette personne-là puisse par après recouvrer des sommes de la personne qui devrait en porter la responsabilité. Donc, si contractuellement je dis: La responsabilité sur ce terrain-là, je vous la transfère, il y a une présomption que vous n'avez pas payé le même prix pour le terrain parce que vous avez assumé une responsabilité. Mais je voudrais au moins que, si le ministre me donne une ordonnance à moi, je puisse exercer un recours contre mon cocontractant à qui j'avais dénoncé tous les vices.

Et, dans les cas où vous avez déjà des clauses dans un contrat dans lequel on se dégage de la garantie des défauts cachés en faisant une dénonciation des défauts, c'est évident qu'on veut exercer ce recours-là. Et, nous, on vous dit: Étendez aussi pour permettre à quelqu'un qui a acheté en toute bonne foi, ne sachant pas qu'il y avait un défaut caché, de pouvoir exercer un recours, si jamais il reçoit une ordonnance, contre celui qui est en fait responsable.

M. Giroux (Lorne): Et il n'y a pas de différence entre ça et les dispositions du Code civil qui interdisent, par exemple, à un fabricant de se disculper dans des contrats de nature privée à l'égard de certaines de ses obligations.

M. Bergman: Avant d'aller aux derniers deux points, mon seul point est qu'il y avait une vente où il y avait... qui a été faite sans garantie légale, et maintenant vous suggérez que, nous, comme législateurs, on mette cette clause de côté pour permettre qu'on entre et qu'on puisse actionner ceux qui ont fait cette vente et ceux qui ont pris la peine pour dire à son acheteur: Moi, je vous vends ce terrain, mais je n'assume aucune garantie, je ne vous donne aucune garantie du tout. Et maintenant, nous, comme législateurs, on va faire une législation qui est rétroactive, où on va mettre de côté une convention qui a été faite entre les parties il y a 10 ans et devant leur aviseur légal qui a dit: Oui, M. le vendeur, maintenant que vous avez vendu, vous avez signé, vous avez reçu votre argent, vous n'avez aucune responsabilité. Et maintenant, 10 ans plus tard, cet avocat n'avait pas raison, car l'Assemblée nationale a mis de côté toutes les provisions de cet acte.

M. Giroux (Lorne): On répond deux choses à ça: la première réponse, c'est que c'est la situation actuelle; deuxièmement, ce qu'on dit, c'est que celui qui a la garde du terrain ? et, dans l'exemple que l'on donne, ce n'est pas nécessairement le premier acheteur, ça peut être celui qui en a la garde même temporaire, ça peut être la municipalité qui l'a acheté parce que quelqu'un a cessé de payer les taxes ? celui-là peut appeler celui qui a pollué, en garantie. Si le TAQ... Il n'y a rien qui empêche le TAQ, à l'égard de l'un vis-à-vis l'autre, de tenir compte des conventions qu'ils auront pu passer entre eux. Ce n'est pas ça qu'on dit. Nous, on dit: C'est que, dans un régime de responsabilité à l'égard de la société pour la décontamination des terrains, ce n'est pas équitable de faire supporter la responsabilité au seul titre du gardien sans lui permettre d'appeler à sa place ou avec lui celui qui a contaminé. C'est tout ce qu'on dit.

M. Prévost (André): Tout en appliquant res inter alios acta, tout en appliquant entre les parties qui ont des conventions spéciales la responsabilité qu'ils auront voulu se partager.

M. Giroux (Lorne): C'est ça. Et le TAQ départagera les responsabilités de chacun.

M. Prévost (André): J'avais noté que M. le ministre aimait le latin, c'est pour ça que j'ai sorti mon latin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Prévost (André): Juste pour lui montrer que, même à mon âge, on s'en souvient encore. Ha, ha, ha!

M. Bergman: ...deux autres domaines. Vous avez émis des inquiétudes en ce qui concerne le mécanisme de liste des experts, et, vous savez, on a vu un problème avec la question d'experts dans le premier projet de loi devant nous. Même j'ai reçu des commentaires d'un ordre professionnel qui a demandé pourquoi est-ce que les experts ne sont pas ceux qui émanent des ordres professionnels, en disant que, avec cette formule, on n'a aucune garantie contre la qualité des expertises produites, que, avec ce projet de loi, on crée une organisme supplémentaire faisant double emploi avec les organismes professionnels qui existent maintenant, et cette liste permettra à des personnes non régies par le Code des professions de poser des gestes de nature professionnelle. C'est un peu l'argument qu'on a eu avec le 156.

Mais vous avez émis des inquiétudes en relation avec cette partie de ce projet de loi, et je voulais vous entendre peut-être si vous avez des conseils à donner au ministre sur cette question. Et j'avais juste une autre question, je vois que ce sujet...

n(18 heures)n

M. Yergeau (Michel): Ce n'est pas très sorcier, cette question des experts. Ce qu'on prévoit, ce que la loi prévoit, c'est qu'il va y avoir un guide d'études de caractérisation publié par le ministre et qu'il va y avoir des experts qui vont venir dire: Le guide a été respecté. On se demande finalement, en bout de piste, quel est véritablement le rôle, parce que, en matière d'environnement, il y a beaucoup de guides et puis les professionnels, ou les gens qui travaillent dans les dossiers, s'emploient à les respecter, et c'est le ministère de l'Environnement qui assure la vigilance, qui n'est pas tellement, tellement compliquée dans un cas comme ça, qui assure la vigilance et le respect des guides.

Pourquoi est-ce qu'il est nécessaire maintenant d'avoir un expert qui va venir s'assurer que le guide a été respecté par celui qui a rédigé l'étude de caractérisation? On se demande, en bout de piste, quelle est vraiment l'utilité alors qu'une question qui est beaucoup plus complexe, que sont les études de risque, nous semble être laissée à elle-même. Et voilà un domaine où il faut mettre de l'énergie et où il y aurait peut-être besoin d'avoir une liste d'experts que le public pourra consulter ou que le ministère pourra consulter, parce que nous doutons infiniment que le ministère ait à l'interne les ressources pour contre-expertiser les études de risque, les fameuses études de risque qui sont déjà une pratique. Après tout, ce n'est pas nouveau, on sait que c'est une affaire compliquée. C'est juste qu'il y a une question de mesure. Pourquoi un expert dans un cas et pourquoi laisser à elle-même sans encadrement l'étude de risque? Je pense qu'on pourrait, si on tient absolument à garder ce rôle d'expert, qui, quant à moi, bien personnellement, ne sert à rien, mais, si on tient absolument à le garder, qu'on le garde, mais qu'on essaie aussi d'élargir ou d'approfondir par quelques articles de loi supplémentaires et par un pouvoir réglementaire précis toute la question de l'encadrement des études de risque.

Moi, j'ai bien plus peur des études de risque que des études de caractérisation qui ne respecteront pas le guide publié par le ministre, si vous voulez mon sentiment bien personnel. Je ne parle pas au nom du Barreau, je parle en mon nom personnel.

Le Président (M. Lachance): Alors, ceci met fin à nos travaux pour la journée avec les représentants du Barreau du Québec. Merci pour votre présence ici, en commission parlementaire. Et là-dessus, j'ajourne les travaux au mercredi, 20 février 2002, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 2)


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