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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 17 octobre 2001 - Vol. 37 N° 28

Consultation générale sur le document intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Et je rappelle le mandat de la commission qui est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacements.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, aujourd'hui c'est la dernière journée de nos auditions sur ce sujet. Nous entendrons tour à tour le Collège québécois des médecins de famille, par la suite Mme Danielle Gauthier et la ville de Chicoutimi pour terminer nos travaux cet avant-midi. Et, en après-midi, dans une autre salle, à la salle du Conseil législatif, Me Marc Bellemare; et M. Daniel Gardner, de la Faculté de droit de l'Université Laval.

Je demanderais aux personnes qui sont présentes ici, dans la salle, de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire durant la séance.

Mémoires déposés

Et, avant d'entreprendre les auditions, je dépose les mémoires des personnes et des organismes suivants qui n'ont pas été entendus. Il y a l'Association des hôpitaux du Québec, la Fondation des accidentés de la route, Action justice pour les victimes de la route, Me Michel Cyr et M. Paul Bayer.

Auditions

Alors, je demande tout de suite aux représentants du Collège québécois des médecins de famille de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bienvenue, et je vous indique que vous avez une période maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires. Et, par la suite, les échanges vont se poursuivre avec les parlementaires des deux côtés. Et, d'abord, je vous demanderais de bien vouloir vous identifier.

Collège québécois des médecins
de famille (CQMF)

M. O'Driscoll (John): Bonjour. Je suis le Dr John O'Driscoll. Je suis urgentologue à l'hôpital Notre-Dame du CHUM, à Montréal, ainsi que membre du conseil d'administration du Collège québécois des médecins de famille.

Le Président (M. Lachance): Très bien, vous pouvez procéder.

M. O'Driscoll (John): Bon, merci. Le Collège québécois des médecins de famille est une association d'omnipraticiens voués à l'amélioration constante de la science et de la pratique de la médecine familiale. Ces membres, qui sont tenus à compléter au moins 25 heures de formation médicale continue par année, s'y engagent volontairement et à leurs propres frais. Il y a environ 2 000 médecins, c'est-à-dire à peu près le tiers de tous les omnipraticiens du Québec, qui en font partie, ainsi démontrant leur souci de servir leurs patients au mieux de leur pouvoir.

Le Collège est très actif dans la diffusion d'informations sur la santé au grand public, entre autres par le biais du magazine Vivre en santé et d'une chronique bimensuelle dans La Presse. Le Collège participe aussi à plusieurs comités ministériels tels que le Comité aviseur sur les MTS et le Comité sur la prise en charge des clientèles lourdes et des personnes vulnérables. Aussi, il prend position dans de nombreux dossiers se rapportant à la santé et au bien-être du public. Qu'il suffise de mentionner notre présentation l'an dernier devant la commission Clair et notre comparution en février dernier devant la commission parlementaire sur la loi n° 184 afin de défendre la qualité de l'environnement en milieu rural.

Le fléau des accidents criminels de la route résultant de la surconsommation d'alcool, entre autres, est d'une importance capitale pour nous. La mort tragique des victimes, souvent jeunes, de ces accidents qui sont hautement médiatisés nous touche profondément.

Cependant, il existe aussi une autre réalité qui est un peu moins connue, celle du sort des victimes survivant à ces accidents. Le Collège a appris au printemps, par l'entremise d'un entretien dans la magazine L'actualité, que le gouvernement a proposé de revoir les règlements concernant le traitement de ces victimes par la Société de l'assurance automobile du Québec. Nous tenons donc à faire une présentation dans le but de souligner les problèmes que le régime actuel d'assurance automobile pose à certaines de ces victimes qui sont nos patients.

Alors, soigner leurs blessures n'est qu'un aspect du rôle du médecin de famille auprès de ces personnes. Nous nous occupons aussi des effets psychologiques et sociaux qu'entraînent leurs blessures ou les blessures de leurs proches. Enfin, nous devons souvent nous occuper des relations de ces patients avec la SAAQ.

Rappelons que le mandat de la SAAQ est d'assurer le coût des soins médicaux non assurés par la RAMQ et de certains autres coûts inévitables pour l'accidenté de la route, ainsi que compenser ces personnes pour les pertes de revenus qu'elles subissent tant qu'elles sont incapables de retourner au travail. Ces pertes, si elles ne sont pas compensées, peuvent entraîner pour la victime et pour sa famille des séquelles psychologiques et sociales tout aussi importantes ou même pires que les séquelles physiques occasionnées par les blessures. C'est pour cette raison que le gouvernement a créé la SAAQ, et, pour un bon nombre d'accidentés, celle-ci représente leur seule planche de salut durant leur période d'incapacité. C'est néanmoins une planche trouée qui laisse carrément couler certaines personnes qui en dépendent, car, en dépit des campagnes publicitaires du gouvernement, elle est loin de tout couvrir. Nos membres sont régulièrement témoins de situations où les victimes n'apprennent qu'une fois accidentées les limites de remboursement du revenu perdu et des frais encourus. D'après notre expérience, plusieurs changements s'imposent pour améliorer le traitement de ces patients par la SAAQ.

Alors, à notre avis, le gouvernement doit pour le moins, premièrement, arrêter de priver les victimes de revenus pendant la première semaine de leur incapacité. La politique de la SAAQ actuellement envers une victime frappée d'incapacité par un accident, c'est de ne lui verser aucun revenu pendant cette première semaine de son incapacité puis, par la suite, de diminuer de 10 % ses revenus assurés, et cela jusqu'au plafond de 51 500 par année. La justice de ces deux mesures ne nous semble pas évidente, et, bien qu'elles puissent avoir un certain effet dissuasif sur les profiteurs, il nous semble que ce sont surtout des politiques conçues pour économiser de l'argent au détriment des blessés.

Pour une période d'incapacité de trois mois, par exemple, ces deux mesures de la SAAQ font subir au travailleur une perte de 18 % de son revenu. Bien des personnes gagnant moins que 51 500 par année trouvent que cette réduction est difficile à supporter. Plusieurs jeunes familles sont déjà fortement endettées pour payer leur maison, les meubles, leur véhicule et d'autres biens essentiels. Le paiement de leurs dettes ainsi que le coût de l'épicerie, de l'électricité, des assurances vie, domicile, auto, des taxes foncières et scolaires, des frais de scolarité, etc. sont incontournables et souvent incompressibles.

Certains employés de grosses sociétés ou du gouvernement évitent le pire en bénéficiant d'un régime d'assurance supplémentaire, mais ceci n'est pas souvent le cas pour un employé d'une PME ou un employé à temps partiel, un employé... un travailleur autonome. À cause du coût prohibitif, ces derniers ont rarement un régime d'assurance invalidité qui rembourse à moins de trois mois d'incapacité, et, pour éviter des abus, ces régimes peuvent refuser de garantir un revenu équivalent à la somme que le travailleur gagnait avant son incapacité. Finalement, le montant que la victime reçoit ne représente que la différence entre cette limite et le montant que tout autre assureur, par exemple la SAAQ, doit avoir déjà payé.

n (9 h 40) n

Certains de ces gens-là se retrouvent donc presque sans marge de manoeuvre. Ils sont obligés d'éliminer les moindres dépenses discrétionnaires: l'inscription des enfants à la piscine du quartier, les vêtements des enfants, les cadeaux de fête, l'abonnement du journal. Et, même, souvent cela ne suffit pas, car ces dépenses représentent rarement les 18 % de revenus perdus. Obtenir des nouveaux prêts lorsqu'on est invalide n'étant pas facile, les victimes risquent de faire défaut sur certains paiements puis de se faire possiblement couper l'électricité ou reprendre les meubles. Le stress que cela crée et les tensions qui se développent entre les parents et les enfants et entre les parents eux-mêmes ont des effets qui peuvent être très néfastes sur la vie familiale.

Deuxième point, c'est... La victime d'accident qui gagne plus de 51 500 par année ? et cela représente à peu près un travailleur sur sept au Québec ? est encore plus mal prise, car au-delà de ce revenu la loi l'oblige à subir une perte de 100 % de son revenu. Si elle gagne, par exemple, 65 000 par année, elle se verra obligée par la loi de subir l'amputation de 34 % de son revenu pendant les trois premiers mois de son invalidité et de 29 % durant tous les mois subséquents. Un travailleur qui gagne 105 000 annuellement fera face à une perte de 60 % de son revenu pendant ces trois mois, suivie de 55 % pour le reste de son invalidité. Pourtant, les obligations financières ? soit hypothèque, assurances, taxes foncières, scolaires, etc. ? que ces accidentés doivent respecter sont généralement encore plus importantes que celles des gens qui gagnent moins.

La législation, pourtant, ne reconnaît aucunement ces obligations. En vertu du régime actuel d'assurance automobile du Québec, un chef de famille avec plusieurs personnes à charge peut perdre 60 % ou plus de son revenu et se retrouver dans une situation qui devient vite intolérable. Ses économies s'épuiseront rapidement, et, s'il en a, il doit penser à encaisser ses REER. Sans autre régime de retraite, cependant, un travailleur autonome ne prendra cette décision vraiment que la mort dans l'âme, d'autant plus qu'il doit liquider le double de ses économies, des économies dont il a besoin pour s'acquitter des impôts qui deviennent payables sur-le-champ. Il peut enfin avoir à vendre ses biens, non seulement les bibelots, qui ne combleront jamais le manque à gagner de 60 % de son revenu, mais souvent jusqu'à l'auto, les meubles ou la maison.

Cette déchéance est le sort inévitable de certaines victimes d'accidents d'autos dites protégées par la SAAQ. En se voyant couper arbitrairement et parfois brutalement leurs revenus tout en leur interdisant tout recours en civil, la loi précipite ces personnes dans l'appauvrissement et souvent le désespoir. Pendant ce temps-là, la SAAQ fait des gros surplus: 238 millions en 1999, selon les articles de la presse. Nous croyons donc qu'il n'y a pas d'argument moral ni financier pour justifier les politiques de la SAAQ.

Le troisième point, c'est que nous croyons qu'on devrait donner à la SAAQ le droit de poursuivre les chauffards pour les pertes qu'ils leur occasionnent. Le gouvernement prétend que, malgré les nombreuses difficultés que rencontrent les indemnisés, le système actuel est quand même mieux qu'avant. Et, pour quelqu'un de blessé par sa propre faute ou bien par malchance, c'est probablement vrai, mais il nous paraît incompréhensible et indéfendable que le gouvernement traite ainsi les victimes d'accidents criminels. Nous croyons que la SAAQ pourrait et devrait rembourser intégralement les pertes que subissent ces victimes-là. Une étude récente a indiqué qu'avec un droit de poursuite la SAAQ pourrait récupérer des chauffards une partie importante ? peut-être le tiers ? des indemnités versées aux victimes d'accidents criminels. Nous ne voyons pas l'intérêt du gouvernement d'en protéger les conducteurs criminels. Vu la détresse de nombreux indemnisés de la SAAQ, observée par nous et aussi amplement étalée par les médias et sur des sites Internet, nous nous étonnons que la SAAQ ne puisse se servir ni ne semble vouloir se servir d'un droit de subrogation qui lui permettrait d'aller chercher ces fonds nécessaires pour améliorer le sort des victimes sous sa charge. Si elle le faisait, nous croyons que les besoins de la plupart des personnes seraient satisfaits et qu'elles ne chercheraient pas à intenter des poursuites individuelles.

Cela dit, si malgré l'adoption de ces trois points mentionnés ci-dessus il se trouvait encore des gens lésés, il semblerait que la simple justice permettrait à ces gens-là d'intenter des poursuites contre les chauffards responsables de leur état. Un hockeyeur prometteur qui se ferait rompre la colonne vertébrale ou une chanteuse populaire qui se ferait casser le larynx sont des exemples de gens susceptibles de subir des pertes bien plus importantes que ce que la SAAQ n'indemnise à l'heure actuelle. Il serait donc extrêmement injuste que ces personnes se trouvent désormais obligées de vivre avec 600 quelque chose piastres par semaine, tandis que le chauffard continue à rouler en Mercedes noire ? pour citer un exemple célèbre ? libre de toute responsabilité civile et même de toute responsabilité criminelle si on se fie au cas de ce chauffard, ayant commis un délit de fuite mortel, condamné en juillet à deux ans moins un jour à servir dans la collectivité. Le droit de poursuivre ne serait utilisé sans doute qu'en dernier recours, mais cette possibilité consacrerait le droit de la victime et de sa famille à une vie aussi proche que possible à celle qu'elles connaissaient ? et auraient connue ? avant leur accident.

Finalement, on propose aussi d'établir une entente entre la SAAQ et la RAMQ pour ne pas impliquer le patient dans le paiement direct des médecins qui remplissent les formules de la SAAQ parce que l'accidenté qui se voit déjà privé d'au moins 18 % de son revenu trouve parfois difficile de trouver les 25 ou 35 $ nécessaires chaque fois qu'il doit faire remplir les formules de la SAAQ. En fait, la FMOQ recommande la facturation d'au moins 35 $ par formule, quoique bien des médecins n'exigent que 25, que la SAAQ va rembourser. Il faut tout de même que le patient ait cet argent à chaque visite pour obtenir ses formules, son reçu et son remboursement éventuel. Ceci pose un problème pour plusieurs qui deviennent ainsi des persona non grata chez certains médecins et cliniques et, pour d'autres, des cas de bonne action. Dans les deux cas, c'est la SAAQ qui en profite aux dépens du patient ou du médecin. Les patients indemnisés par la CSST pour des accidents n'ont pas à se soucier de ces tracasseries, et nous croyons que la SAAQ pourrait facilement arranger quelque chose de similaire avec la RAMQ.

Voilà le sommaire, donc, de nos recommandations qui sont: premièrement, de cesser de priver les victimes d'un revenu pendant leur première semaine d'incapacité; d'augmenter le plafond des revenus assurés par la SAAQ; de donner à la SAAQ le droit de poursuivre les chauffard criminels pour les coûts qu'ils lui occasionnent; de donner aux victimes le droit de poursuivre ces chauffards pour les coûts qu'ils leur occasionnent; et d'établir une entente entre la SAAQ et la RAMQ pour ne pas impliquer les patients dans le paiement des médecins qui remplissent les formules de la SAAQ. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, Dr O'Driscoll. Je vais laisser maintenant la parole au ministre pour une période de 20 minutes.

M. Chevrette: Moi aussi, je voudrais vous remercier. J'ai beaucoup de questions en vrac, ce sera pas nécessairement l'ordre de votre mémoire. Mais, je voudrais vous demander, quand vous dites que les médecins devraient... qu'il devrait y avoir une entente entre la SAAQ et la RAMQ pour la facturation des médecins, comment vous expliquez... Vous êtes urgentologue, vous faites partie de la FMOQ, comment vous expliquez que la FMOQ n'ait pas demandé de négocier cela quand on s'est assis avec eux autres pour le paiement des... pour les quantums de paiement pour chaque certificat ou avis, là?

M. O'Driscoll (John): Moi, je n'ai pas d'explication, je ne suis pas sur le conseil d'administration de la FMOQ ou sur les équipes de négociations. C'est une proposition qu'on soulève et...

M. Chevrette: Vous venez réclamer pour l'ensemble des médecins, alors que vous avez une entité...

M. O'Driscoll (John): Non. Non. Non, je...

M. Chevrette: Docteur, alors que vous avez une entité qui a un pouvoir même de négocier, qui est la FMOQ. C'est eux qui négocient pour et au nom des médecins omnipraticiens. Ils n'ont même pas demandé de négocier cet aspect-là, et vous venez, au nom de la médecine familiale, réclamer quelque chose que votre association professionnelle, avec pouvoir de la négociation, n'ont pas fait. Comment vous expliquez ça?

M. O'Driscoll (John): Moi, je n'ai pas d'explication, je ne sais pas pourquoi la FMOQ ne l'a pas fait.

M. Chevrette: Parce que savez-vous qu'il y a des médecins qui préfèrent ne pas l'écrire, le 25 ou le 30 $, parce qu'ils veulent charger ce qu'ils pensent que ça coûte, ce que ça vaut. Je suis surpris que... Je suis surpris, très sincèrement, de voir que votre association professionnelle nous a même pas soumis une demande à cet effet et que, faisant partie de cette association professionnelle-là, vous le réclamez pour l'ensemble. S'il y a quelque chose qui accroche, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. O'Driscoll (John): Mais, je ne peux pas parler pour la FMOQ, je ne représente pas la FMOQ.

M. Chevrette: Non, je comprends que vous...

M. O'Driscoll (John): Le Collège québécois des médecins de famille n'est pas un organisme qui a un pouvoir de négocier.

M. Chevrette: Non, mais vous demandez, par exemple, qu'on paie pour l'ensemble de la FMOQ.

M. O'Driscoll (John): Qu'on paie pour l'ensemble de la FMOQ?

M. Chevrette: Pour l'ensemble des médecins qui émettent ces certificats.

n (9 h 50) n

M. O'Driscoll (John): Bien, l'ensemble des membres du Collège québécois des médecins de famille sont des membres aussi de la FMOQ par obligation.

M. Chevrette: Oui, je sais, mais vous pensez pas que vous devriez plutôt acheminer vos demandes vers votre association professionnelle, puis qu'eux s'assoient, puis qu'ils négocient?

M. O'Driscoll (John): La question a été soulevée, mais où est-ce que c'est rendu, je ne le sais pas. On propose ça au gouvernement aussi, à la SAAQ, là, ça prend les deux côtés pour arriver à une entente.

M. Chevrette: Non, ça, j'en disconviens pas. Mais, publiquement, vous arrivez ici puis vous dites: Bon, bien, la SAAQ, c'est pas bon, là, vous devriez faire ça, alors que vous avez une association. Il me semble, objectivement, que vous devriez passer par votre association professionnelle.

O'Driscoll (John): Effectivement.

M. Chevrette: Parce que le public en général qui nous écoute, là, qu'est-ce qu'il dit: Comment ça se fait que la SAAQ fait pas ça? Bien, la SAAQ fait pas ça parce qu'il y a pas eu de demande en ce sens lors d'une négociation d'une entente bien précise sur un ensemble de sujets et... Alors que je pense que la procédure ou le processus normal dans votre cas, c'est de vous adresser à votre association professionnelle qui fait une demande de négociation. On s'assoit avec votre association professionnelle, on négocie correctement, on signe une entente. Il me semble que c'est la procédure minimale, là. Puis c'est pas un reproche que je vous fais, mais c'est parce que de plus en plus de gens viennent ici, blâment la SAAQ sur tout puis à peu près tout, alors qu'on n'a même pas eu une demande de négo dans le présent cas que vous nous soumettez. Moi, je trouve ça injuste par rapport à des hommes et des femmes qui travaillent de bonne foi, qui négocient de bonne foi avec vos associations professionnelles puis qui se voient, à toutes fins pratiques, blâmés inutilement devant le public.

O'Driscoll (John): Je crois pas que notre mémoire propose un blâme envers la SAAQ pour cet état de fait, et il y a pas non plus... Il y a rien dans ce mémoire-là qui dit que la SAAQ n'est pas bonne. Il y a rien... Il y a aucune intention comme ça dans la recommandation. C'est une recommandation, puis c'est tout.

M. Chevrette: O.K. Quand vous faites vos calculs à la page... C'est pas numéroté... Un, deux, trois... À la page 4... Aux pages 3 et 4, en fait, vous faites des calculs de dépassement du plafond d'indemnisation salariale. On sait que la SAAQ paie jusqu'à 90 % du salaire net avec un plafond de 51 000. Bon. Vous affirmez qu'une personne qui gagne 105 000 se voit couper annuellement 60 %. Je suis pas vite, vite, là, mais je suppose que c'est avant impôts, ce que vous avez fait?

O'Driscoll (John): Bien, c'est le montant qu'il va recevoir. C'est le montant... Il va recevoir 660 $, maximum, par semaine. J'ai pas les calculs ici.

M. Chevrette: Je me demande si vous avez fait vos pourcentages à partir... après impôts ou avant impôts, parce que 60 % quand... 51 000 par rapport à 105, sur le brut, ça pourrait avoir de l'allure, mais, sur le net, quand on sait que la table d'impôt change plus ton salaire baisse, je suis pas certain que votre... c'est pas boosté, il y a pas d'inflation verbale ou bien avec votre crayon...

O'Driscoll (John): Absolument pas. Le 60 % qui est perdu, c'est déjà la moitié, c'est 50 % du coût parce qu'il gagne plus que 50 %... Le 51 500 qui est assurable, c'est déjà moins que 50 % de son revenu. Il n'a rien du reste, donc là il a perdu déjà 50 %. Après ça, il y a 90 % de ce qui reste qu'il va recevoir, moins encore une autre semaine, c'est-à-dire une semaine sur 13 pour ces trois premiers mois. Ça, ça équivaut à un autre 8 % de son revenu. C'est donc 20 % de la tranche qui est assurée qui est enlevé, plus 50 %.

M. Chevrette: Mais connaissez-vous des régimes collectifs... Pour ma culture à moi, là, connaissez-vous des régimes collectifs qu'il y a pas de délai de carence? Puis connaissez-vous des régimes collectifs qui n'ont pas un plafond salarial... de remplacement salarial?

O'Driscoll (John): Non, je pense... Je ne suis pas un expert dans les assurances. La plupart, même, des régimes privés vont limiter le revenu à quelque chose en bas du montant... le vrai montant que la personne reçoit. Mais le régime qui fournit moins que 40 % des revenus...

M. Chevrette: Mais vous avez le régime de la CSST, le régime de la SAAQ. Même dans l'assurance collective qu'on se donne, des enseignants, par exemple, il y a toujours un délai de carence. Qu'est-ce qui vous amène à proposer le fait qu'il ne devrait pas y avoir de délai de carence?

M. O'Driscoll (John): Un délai de carence, c'est-à-dire qui...

M. Chevrette: Bien, sept jours, là.

M. O'Driscoll (John): Que la première semaine ne serait pas couverte?

M. Chevrette: Oui.

M. O'Driscoll (John): Bien, parce que, avec la CSST, les patients sont payés immédiatement, et avec l'IVAC.

M. Chevrette: Avec?

M. O'Driscoll (John): L'IVAC, là, les...

M. Chevrette: Oui, mais il faut qu'il y ait une reconnaissance de responsabilité.

M. O'Driscoll (John): En effet, oui. Mais, même si les patients... S'il y a une reconnaissance de responsabilité, les patients sont compensés pour la première semaine qu'ils sont en incapacité.

(Consultation)

M. Chevrette: À la Régie des rentes, il y a des régimes... des délais de carence de trois mois à la Régie des rentes. Vous êtes-vous imaginé, si on payait tout la première journée, d'abord, qu'est-ce que ça coûterait?

M. O'Driscoll (John): On voit beaucoup de patients qui sont compensés par la CSST, et ces patients-là reçoivent leur compensation, là, quand ça commence, leur incapacité.

M. Chevrette: Oui, mais vous imaginez-vous quel incitatif qu'il y a aussi, dans certains régimes qui paient la première journée, à installer des gens pour très longtemps? Est-ce que vous êtes conscient, comme médecin, de cet incitatif à ne plus sortir des régimes?

M. O'Driscoll (John): Oui, oui. Je comprends l'argument dissuasif aussi, mais une semaine semble long. Plusieurs régimes vont ne pas payer pour les deux premiers jours, là. Beaucoup de travailleurs qui ont des assurances supplémentaires au travail, là, ils sont pas payés pour les deux premiers jours d'incapacité, il faut que ça s'étende plus que ça avant qu'ils soient payés. Une semaine, ça semble être long.

M. Chevrette: À la CSST, vous savez que le régime lui-même ne paie même pas les 14 premiers jours? C'est l'employeur qui paie directement son employé et non pas le régime, parce que le régime serait déficitaire, ça serait pas long, ça. On se donne un régime collectif puis on essaie qu'il fasse ses frais. Puis, le régime de la CSST, les primes ont augmenté aussi au cours des ans. Ça fait 18 ans qu'on a 142 $ à l'assurance automobile, est-ce que vous préconisez qu'on augmente les primes?

M. O'Driscoll (John): Qu'on augmente les primes?

M. Chevrette: Pour rencontrer les obligations que vous nous demandez de faire.

M. O'Driscoll (John): Bien, je veux pas proposer quelque chose qui n'a pas fait le consensus de notre mémoire, et ça, ça n'a pas été une question discutée. Un des points, qu'on croyait, fournirait des revenus supplémentaires au régime était la possibilité que la SAAQ ait le droit de poursuivre les chauffards. Ça, ça a fait un consensus, donc ça se retrouve dans notre mémoire. La question d'augmenter les primes, il y a pas eu de consensus sur ça.

M. Chevrette: C'est la même chose pour le 51 000 $, le plafond, là.

M. O'Driscoll (John): Mais on n'est pas arrivés à un consensus sur le montant qui devrait être assuré.

M. Chevrette: Sauf que vous voulez qu'on l'assure.

M. O'Driscoll (John): Qu'on l'augmente.

M. Chevrette: Il y a 2 % des chauffeurs... des chauffards qui sont en haut de 50 000 piastres... 50 000 $. Le médecin qui gagne 100 000 ou 90 000, peu importe, là, je... Qu'est-ce que vous faites quand vous vous assurez? Vous vous assurez en haut...

M. O'Driscoll (John): Bien, nous, on est justement des bons exemples, là, parce que, nous, on est... Nous sommes des travailleurs autonomes, on n'a pas de régime collectif, là, ou un employeur, ou qui que ce soit qui nous assure, il faut qu'on s'en occupe nous-mêmes. Et, pour la plupart des médecins, il y en a très peu qui prennent des assurances qui vont s'activer avant trois mois d'incapacité parce que les primes sont très élevées, et le montant qui est assuré... Je peux donner mon propre exemple si vous voulez...

M. Chevrette: C'est un bon exemple, ça, que vous donnez, vous vous assurez après trois mois. Quelqu'un, actuellement, qui... Il y a 85 % de nos assurés qui gagnent 51 000 et moins, 85 %. Est-ce que vous croyez pas que les catégories de salaires supérieurs peuvent prendre une prime complémentaire à ce 51 là, et ça devient pas mal moins cher comme police d'assurance de prendre la différence entre 51 000 et plus... C'est les premiers 50 000 qui coûtent cher en assurance.

M. O'Driscoll (John): Mais nous le prenons. Nous prenons nos assurances, mais nous voyons pas pourquoi, si on est victime d'un chauffard criminel... pourquoi c'est nous qui doit faire ça plutôt que...

n (10 heures) n

M. Chevrette: O.K. Seriez-vous d'accord, d'abord, qu'on base les primes sur les salaires? Si je suis votre logique et votre raisonnement, est-ce qu'on devrait charger une prime à partir des tranches? Tu gagnes rien, ça te coûte tant, tu gagnes entre 20 et 40, ça te coûte tant, entre 40 et 60, ça te coûte tant, puis entre 60 et plus, ça te coûte tant.

M. O'Driscoll (John): Bien, vous me posez une question qui n'a pas été discutée par le Collège.

M. Chevrette: Non, je comprends, mais vous avez droit à des opinions personnelles, je suppose. Si vous avancez qu'il faut déplafonner, je suppose que vous êtes en faveur du principe du déplafonnement du 51 actuel, du 51 000 actuel. Vous êtes donc pour que ce soit...

M. O'Driscoll (John): Selon les statistiques, les renseignements que nous avions au moment de ces documents-là, la SAAQ avait un surplus important. Là, les nouvelles plus récentes suggèrent que ce surplus va en diminuant; peut-être que ça va disparaître. D'un côté, au moment qu'on... que la situation semblait être qu'il y avait un surplus important, c'était... il y avait pas question d'augmenter les primes des conducteurs...

M. Chevrette: Non, mais les...

M. O'Driscoll (John): ...c'était simplement question d'utiliser les excès d'argent disponibles.

M. Chevrette: ...mais les surplus sont pour pallier, la caisse de stabilisation, c'est pour pallier aux mauvaises années. Il y avait 600 millions d'accumulés dans la caisse de stabilisation; on prévoit, à la fin de l'année, qu'il va nous en rester 300 maximum, parce que les rendements, au lieu d'être plus cinq, plus 10, ils sont à moins quatre, moins cinq, moins 10. Je sais pas. Donc, c'est pour un équilibre, il faut que ça fasse ses frais, ça, cette histoire-là.

M. O'Driscoll (John): Oui, je comprends ça, mais, au moment de discuter ça, là, il y avait jamais question de faire augmenter les primes pour augmenter les compensations des victimes. Maintenant qu'il semblerait peut-être qu'il y aurait moins d'argent disponible qu'il semblait antérieurement, bon, ça rend encore plus pertinent, nous croyons, l'option de poursuivre ou de limiter les compensations des chauffards.

M. Chevrette: C'est parce que ça fait 25 ans que, moi, je suis assis ici et je fais de la politique, puis je remarque une chose qui me déconcerte toujours, c'est qu'on veut tout avoir, on veut tout augmenter, puis en même temps, on voudrait que ça baisse, les coûts des primes. Tu sais, il faudrait mettre plus d'argent en santé, plus en éducation, plus sur nos routes, plus en loisir, plus en culture, plus sur la sécurité du revenu, il faudrait en même temps baisser les impôts, rembourser la dette. Avez-vous une baguette magique pour faire de l'argent? Qu'est-ce que vous pensez de ce jugement-là? On s'en va où avec ce type de jugement? On sait très bien qu'un budget... tu vas chercher de l'argent à quelque part puis tu paies des services en retour, puis quand ça fait pas ses frais, ou bien tu coupes des services pour arriver... Tu n'es pas obligé d'aller à 6 milliards de déficit annuellement à chaque année, là, on endette les jeunes avec ça. Est-ce que vous pensez pas qu'on se doit un petit peu d'avoir une dose de réalisme dans la gestion des biens publics?

M. O'Driscoll (John): Absolument. Et si la SAAQ n'a pas les fonds pour rencontrer les demandes qu'on fait dans les deux premiers points, alors, ça serait approprié que la SAAQ aille chercher cet argent-là auprès des personnes responsables de l'état des victimes, et si ça ne suffit pas, que les individus aient le droit de régler ça entre eux. Et, à ce moment-là, ça ne serait plus le gouvernement qui va être responsable de tout. C'est ça, le fond de notre document.

M. Chevrette: Merci, docteur.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais revenir un petit peu, pour faire suite aux propos du ministre, à votre... à la page 4 de votre mémoire: Augmenter le plafond des revenus assurés. Dans cette page, vous nous faites un petit peu la démonstration, bon, que des gens subissent des pertes de salaires et de revenus, et, bien sensibles à cette situation, on reçoit cette situation, puis vous avez informé les membres de la commission, puis on vous en remercie sur ça, sauf que je voudrais attirer votre attention.

Dans votre dernier paragraphe ? peut-être que ça a dépassé ? vous nous dites toute la démonstration: «Cette déchéance est le sort inéluctable de certaines victimes d'accidents d'automobile, etc. En coupant arbitrairement...» Est-ce que vous croyez sincèrement, docteur, que les gens de la SAAQ font ça arbitrairement? Vous savez parfaitement bien que les normes à la SAAQ, les politiques, les règles, les règlements sont connus, c'est sous une entité publique, les règles, les règlements sont connus, sont refaits, sont connus, il y a tout un processus dans la Gazette officielle, etc. Et vous nous dites dans votre mémoire que, en coupant arbitrairement... Pourquoi ce... Je m'excuse, là, je vous le dis en toute...

M. O'Driscoll (John): ...oui, le mot a été utilisé dans le sens que les personnes qui... les indemnités que les gens reçoivent ne tiennent pas compte des obligations qu'ils ont. Quelqu'un qui a un revenu de 105 000 $, qui a sa maison payée, qui est presque à la retraite puis qui n'a pratiquement plus aucun besoin de toute façon de son revenu, va recevoir le même plafond, le même montant que la personne qui gagne 150 000 $ mais qui a cinq enfants à la maison, qui a toute son hypothèque à payer, qui a, à un moment, d'autres dépenses à couvrir. C'est dans ce sens-là qu'il y a un montant décidé sans trop de considération pour les circonstances des individus.

M. Deslières: Nous établirions dans le futur d'autres critères, d'autres normes, forcément il va y avoir des conséquences positives ou négatives. Il y a des gens qui vont se voir peut-être coupés sur d'autres choses ou qui auront pas la totalité d'autres choses. Je veux dire... Forcément, dans le fond, quand on établit des normes, des règles, c'est pour toucher l'ensemble. Mais, au total et au cours des années, vous savez parfaitement bien que... On peut bien dire qu'à un moment donné, malgré tout cet effort de rationalisation, de consultation, on a mis 25 normes... points pour définir un peu une politique, un règlement, forcément, il va en manquer un 26e, un 27e, un 28e. C'est dans l'évolution des choses.

M. O'Driscoll (John): En effet, et on comprend ça. On ne peut pas comprendre exactement tous les détails des finances de chaque individu qui est blessé, mais les personnes blessées savent les circonstances et, si la SAAQ n'est pas en mesure de s'occuper de ça elle-même, ça devrait revenir aux victimes d'avoir le pouvoir de faire valoir leurs droits.

M. Deslières: Juste une dernière question.

Le Président (M. Bordeleau): Rapidement parce que le temps est écoulé pour...

M. Deslières: Oui, d'accord. Juste pour faire suite, là. Vous nous dites: «Pendant ce temps, la SAAQ ? toujours dans votre démonstration ? continue de faire des gros surplus (238 millions en 1999-2000).» Je reprends votre logique. Si, par malheur, la SAAQ subissait une perte, un déficit de 200 millions, est-ce qu'on abaisse les choses?

M. O'Driscoll (John): Si l'argent n'est pas là, il me semble que ce serait inévitable que les revenus... les indemnisations vont baisser. Donc, c'est encore plus important que les victimes aient le droit de s'arranger autrement.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Salaberry-Soulanges. Je donne la parole maintenant au porte-parole de l'opposition officielle en matière de transport, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission, docteur. J'ai bien écouté votre mémoire et il croise en de nombreux points les mémoires que nous avons entendus depuis des semaines, ici, en commission parlementaire.

J'ai retenu une phrase que vous avez dite dans le début de votre mémoire que c'est une politique... que la SAAQ a une politique pour économiser de l'argent sur le dos des blessés. Donc, c'est une phrase qui a le même sens que plusieurs qu'on a entendues. Il y a plusieurs groupes de parents qui sont venus nous dire la même chose, des groupes de médecins, des groupes de personnes qui défendent les intérêts des accidentés de la route.

Vous qui avez une certaine expertise dans ce domaine-là, est-ce que vous avez des cas précis à nous donner où il semble que la SAAQ ait eu l'apparence d'économiser des sous sur le dos des blessés? Est-ce que vous avez des cas précis de ça qui vous ont été rapportés?

M. O'Driscoll (John): Ce serait difficile d'identifier des cas précis. Beaucoup de gens trouvent que leurs blessures sont minimisées ou ne sont pas considérées aussi importantes qu'ils les considèrent eux-mêmes par la SAAQ et qu'ils n'ont pas une compensation adéquate. Mais, nous, on n'a pas affaire directement avec les personnes qui prennent ces décisions-là et même plusieurs de nos médecins se plaignent de pratiquement l'impossibilité d'avoir un rapport du médecin contrôleur de la SAAQ, des patients qu'eux autres soignent, et qui soumet une impression des blessures, une description des blessures, leurs propres impressions. Mais souvent... pas souvent, là, mais quand ces patients-là vont à un médecin contrôleur de la SAAQ, c'est pratiquement impossible, pour ces médecins traitants, de savoir qu'est-ce qui a été dit, comment l'évaluation a été faite, comment les décisions ont été prises. Ça crée une situation où une méfiance évidemment va s'installer. Mais à quel point ça peut être fondé dans chaque cas? On ne peut pas parler vraiment des cas spécifiques.

n (10 h 10) n

M. Brodeur: Plusieurs intervenants au préalable nous ont mentionné que les victimes par ricochet, c'est-à-dire les parents des gens qui ont eu des accidents, des gens qui sont décédés, leurs parents ne sont pas indemnisés par la SAAQ. Et j'imagine que ces gens-là... Puis on a vu aussi en commission qu'ils ont très peu de suivi psychologique après un accident. Est-ce que vous croyez que ces gens-là aussi devraient être une victime au sens de la loi et devraient être indemnisés aussi par la Société de l'assurance automobile du Québec?

M. O'Driscoll (John): C'est pas une question qui a été discutée lors de la préparation de notre mémoire, mais je pense qu'il y a certains médecins qui croiraient que oui. Mais, avant d'avoir une position, une opinion officielle sur ça, ça prendrait, je pense, vraiment beaucoup plus de discussions.

M. Brodeur: Soyez bien à l'aise, hein. S'il y a des points qui n'ont pas été discutés à votre conseil d'administration, juste le mentionner et peut-être avoir votre opinion personnelle, parce que non seulement votre association est un groupe d'experts, mais vous aussi, je crois, par votre...

M. O'Driscoll (John): Je peux dire que je suis très bien placé pour avoir des opinions là-dessus. Moi, j'ai été moi-même une victime d'un chauffard. L'année passée, je me suis fait frapper par une femme soûle qui était à sa quatrième accusation de conduite en facultés affaiblies. Ça fait plus qu'un an, elle a pas encore eu sa sentence, elle se promène toujours encore, elle a jamais fait une journée en prison à part la fin de semaine après l'accident.

Moi, je me suis fait casser les deux jambes puis le visage. J'ai été presque trois mois en arrêt de travail. Pendant ce temps-là, j'ai eu 27 % de mon revenu. J'ai eu beaucoup de misère à payer même le... juste l'épicerie et l'hypothèque avec le montant que je recevais. Et ma femme, qui travaille comme travailleur autonome, qui fait mes facturations et tout ça, qui était dans l'auto avec moi ? son revenu, c'est une partie de ce que je lui paie pour faire ces travaux-là ? était pas éligible à aucun revenu. Parce que, moi, je recevais pas de revenu, j'étais pas capable de lui donner quoi que ce soit. Elle a été blessée, mais moins gravement que moi, elle était pas en mesure d'avoir un revenu de son employeur ? que j'étais ? ça fait qu'elle a été coupée complètement. Ça fait que ça a fait que, chez nous... Et, moi, j'ai six enfants, et j'ai une hypothèque, et j'ai beaucoup de choses à payer. Et j'ai trouvé que la situation dans laquelle on s'est retrouvés était quelque chose que beaucoup d'autres patients... On entend souvent les patients se plaindre de difficultés qu'ils ont avec la SAAQ, mais avant qu'on les vive des fois c'est difficile de vraiment apprécier à quel point ça peut être valide, à quel point ils peuvent avoir raison. Mais quand on vit ces expériences soi-même, on les voit d'un autre oeil.

M. Brodeur: Si on prend votre exemple que vous venez de nous donner, tantôt on a discuté abondamment... c'est-à-dire que les députés ministériels ont posé de nombreuses questions, y compris le ministre, sur les compensations données aux gens qui font 100 000 $ ou 150 000 $. Je pense qu'il faut comprendre que ces gens-là, les hauts salariés, souvent ? puis je prends votre exemple ? ont des hypothèques en conséquence de leur salaire et des obligations souvent qui se sont créées en conséquence de leur salaire. Et, si l'indemnisation n'est pas suffisante, à ce moment-là, ce qu'on peut faire, c'est créer un autre pauvre, puis à partir d'un riche, là.

Est-ce qu'on peut comprendre, à partir de votre témoignage, qu'il serait souhaitable que la SAAQ ait des primes, ait la possibilité d'avoir des primes excédentaires en ces cas-là ? libre à la personne d'y adhérer ou pas ? afin, en fin de compte, de vous sécuriser pour les gens, par exemple, qui ont des revenus plus élevés? Est-ce qu'on pourrait peut-être penser à modifier le système et à donner une prime... non pas une prime obligatoire, mais une prime complémentaire qui serait accessible à ces gens-là par la Société de l'assurance automobile du Québec?

M. O'Driscoll (John): Bien, c'est la première seconde que je pense à une telle idée. Je crois que les assurances privées que les gens prennent, ça revient un peu à quelque chose de similaire. L'idée est peut-être pas mauvaise, mais ce serait...

M. Brodeur: Dans votre cas... Si ça avait été possible dans votre cas, j'imagine qu'aujourd'hui vous seriez peut-être un consommateur d'une prime supplémentaire pour éviter justement le genre de désagrément qui vous est arrivé, là.

M. O'Driscoll (John): Je serais certainement prêt à considérer ça, oui. Mais encore, est-ce que ça vaut la peine de créer un régime comme ça? Je pense que la plupart des gens ne s'attendent pas à être frappés par un conducteur ivre. Ils pensent que les assurances qu'ils ont vont probablement suffire. Et je pense que, pour les situations où les gens sont frappés par des personnes criminellement coupables, la possibilité qu'ils ont d'aller poursuivre ces gens-là, si ça existait, ça pourrait, dans un certain point, les empêcher de profiter d'un régime comme ça. Mais, bon, je pense que l'idée est intéressante.

M. Brodeur: ...d'un service supplémentaire.

M. O'Driscoll (John): L'idée est intéressante, oui. Il faudrait voir les modalités, les détails, les coûts et tout ça, mais, oui, l'idée est intéressante.

M. Brodeur: Dans un autre ordre d'idées, vous avez soulevé le cas des coûts pour remplir des formules. Lorsque le médecin remplit des formules, on sait que ça va faire 25 ou 35 $. On sait également que, lorsque l'accidenté demande un rendez-vous chez le médecin, c'est pas toujours rapide à l'avoir, probablement parce qu'il n'est pas intéressant pour un médecin de remplir toutes ces formules-là; premièrement, ça prend du temps puis c'est pas payant. Est-ce que vous... Puis, avant de vous poser la question, le ministre a soulevé qu'il n'y a pas eu aucune négociation, je crois, à l'effet d'en venir à une harmonisation entre ce que les médecins souhaitent et ce que la SAAQ souhaite. Est-ce que vous avez, vous, une recommandation à faire à la Société de l'assurance automobile du Québec? Est-ce que vous suggérez que ces coûts-là soient payés par la Société de l'assurance automobile du Québec dans le contexte qu'on prévoit déjà un déficit de 200 millions? Est-ce que vous souhaitez qu'on change le système?

M. O'Driscoll (John): ...paie déjà 25 $ pour rembourser... pour remplir ces formules. Ça, c'est déjà compris. C'est juste que, comment ça fonctionne actuellement, c'est le patient qui doit donner les 25 $ puis, après ça, le médecin lui donne un reçu puis, après ça, il envoie le reçu à la SAAQ et la SAAQ envoie l'argent à la personne, tandis que, quand c'est avec la CSST... Ce point-là a été comme en ajout vraiment parce qu'il y a plusieurs médecins qui ont soulevé ça. C'était pas, au début, le fond de notre mémoire. Mais disons que c'est un irritant, c'est quelque chose qui pose une difficulté additionnelle pour ces personnes-là. La situation qui existe actuellement, c'est qu'avec la CSST le médecin facture directement à la RAMQ tous ses actes, y compris ce qu'il fait pour la CSST, et la RAMQ va rembourser le médecin pour ça puis elle va le chercher auprès de la CSST après. C'est que le patient...

M. Brodeur: Donc, vous suggérez que ce soit pareil pour la SAAQ.

M. O'Driscoll (John): Ça ne coûterait, je crois, rien de plus à la SAAQ de fonctionner de la même façon.

M. Brodeur: Ça améliorerait le système.

M. O'Driscoll (John): Je crois que oui.

M. Chevrette: Là-dessus, me permettez-vous 30 secondes?

M. Brodeur: Oui.

M. Chevrette: Oui, mais si un médecin veut charger 35 à son client puis qu'il se fait rembourser... que son client se fait rembourser 25, est-ce que vous ne croyez pas que c'est ça qui est en dessous du problème? Juste ça. Parce qu'ils ne l'ont pas demandé.

M. O'Driscoll (John): Honnêtement, je ne sais pas si, ça, ça représente une difficulté du tout, mais le montant qu'on reçoit pour remplir les formules de la SAAQ, là, c'est beaucoup moins que ça et il faut vivre avec ça. Alors...

M. Brodeur: Ma dernière question va porter sur les criminels au volant. Vous avez été vous-même victime. Vous avez parlé de poursuite possible. Est-ce que vous suggérez... Parce que, là, j'y vais sur la base de mémoires qui nous ont été déposés auparavant, de nombreux convergent vers la même solution, soit de pénaliser celui qui a été criminellement... reconnu criminellement responsable, le pénaliser, premièrement, sur les remboursements de la SAAQ; deuxièmement, permettre que la victime ou les victimes puissent poursuivre le criminel. Est-ce que, clairement, vous abondez dans le même sens que ces gens-là qui préconisent ces mesures-là contre les criminels au volant?

M. O'Driscoll (John): Je ne suis pas sûr que j'ai compris la question. Est-ce que...

M. Brodeur: Est-ce que, lorsque quelqu'un est criminellement responsable d'un accident, c'est-à-dire qu'il est pris en état d'ébriété au volant et a causé des blessures ou un décès, est-ce qu'une personne qui a conduit de façon, comment on dit, de façon dangereuse, qui est reconnue criminellement responsable, est-ce que ces personnes-là doivent être... est-ce qu'on doit avoir la possibilité de les poursuivre au civil? Est-ce qu'on doit...

M. O'Driscoll (John): Bien, je crois que c'est la même...

M. Brodeur: ...retenir ou annuler les compensations de la SAAQ?

n (10 h 20) n

M. O'Driscoll (John): ...oui, criminellement responsable, ça comprend ceux qui sont saouls, ça comprend les délits de fuite, ça comprend toutes les façons de conduire qui sont criminelles. Quelqu'un qui s'endort au volant, ce n'est pas un acte criminel, ce n'est pas reconnu criminel. Ce sera pas probablement quelqu'un qui sera assujetti aux mêmes critères que quelqu'un qui est reconnu coupable d'un acte criminel.

M. Brodeur: Est-ce que le criminel, lui, vous préconisez en fin de compte qu'on puisse le poursuivre? En fin de compte, c'est vous qui avez été victime, par exemple, d'une personne qui était en état d'ébriété. Si elle a été reconnue criminellement responsable, est-ce que vous prônez le cas où, vous, vous auriez pu la poursuivre pour les dommages que vous avez eus et qui n'ont pas été compensés par la Société de l'assurance automobile?

O'Driscoll (John): C'est ça, l'essence de notre mémoire, oui.

M. Brodeur: Parfait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. le député de Shefford. Alors, je vous remercie, Dr O'Driscoll, pour la présentation du mémoire du Collège québécois des médecins de famille. Merci.

J'inviterais maintenant, pour la présentation du prochain mémoire, Mme Danielle Gauthier à s'approcher de la table, s'il vous plaît. Alors, vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et ensuite ça sera suivi de 20 minutes de questions de la part du ministre et des députés ministériels, et ensuite 20 minutes de la part des députés de l'opposition officielle. Alors, si vous voulez vous présenter et nous présenter votre mémoire, Mme Gauthier.

Mme Danielle Gauthier

Mme Gauthier (Danielle): Oui. Bonjour, mon nom est Danielle Gauthier. Je vous avertis, je suis pas habituée de parler en public, là, je vais faire de mon mieux. Bon. Je vais commencer... je vais lire, hein? Je vais essayer de lire, ça va être plus simple. Moi, je suis la mère d'Iris Gauthier, qui est décédée le 6 juin 1998 sur le circuit routier de Sanair. Bon. Je vais vous lire le mémoire comme je l'ai rédigé, ça va être plus simple.

Bon. Ce mémoire fait suite aux accidents d'Iris, le 6 juin 1998, de Martin Filion, le 28 août 1999, et de Dominique Richard, le 12 août 2000. Ils sont tous survenus sur le circuit routier de Sanair, et Me Andrée Kronstrom a fait une enquête publique à la suite de ces trois accidents et puis elle les a qualifiés d'accidents évitables dans son rapport de juillet 2001. Ce que je trouve le plus déplorable là-dedans, c'est qu'au départ, à la suite du décès de ma fille, le coroner Bernard Doyon a fait lui aussi son enquête et a suggéré... recommandé que ce circuit de course soit fermé. Bien, fermé, si monsieur... si les responsables n'enlevaient pas le muret dans la cour n° 7. L'été suivant, Martin Filion a heurté ce même muret n° 7. Naturellement, les responsables n'ont pas ni enlevé le muret, ni cessé d'accepter des motocyclistes à cet endroit-là, et puis ils n'avaient rien changé à leurs façons de faire au niveau d'avis, de conseils ou de quoi que ce soit pour un sport relativement à haut risque. Il faut dire que ces responsables-là, depuis plus de 35 ans, ou 30 ans, travaillent au milieu des courses, donc ils devaient être très au fait des risques et des qualifications, des comportements... mon doux, de la structure d'un terrain pour faire des courses, ou de la sécurité qui devrait être établie avant de faire une activité à haut risque, de la même façon qu'on saute pas en parachute avec un parachute troué.

Bon. Je vais lire, finalement. Concernant les essais libres sur un circuit routier. Nos trois jeunes croyaient qu'il était moins dangereux de faire de la vitesse sur une piste que sur une route. Des manufacturiers de motocyclettes font d'ailleurs leur publicité en ces termes qu'elles sont aussi performantes sur pistes que sur routes. Donc, c'est un incitatif à ouvrir la machine. Bon, bien, c'est plus sage de le faire sur un circuit conçu à cette fin que sur une route publique où les hasards routiers sont incontrôlables. On est fiers, en tant que Québécois, des exploits de Michael Duhamel, mettons, en moto, Jacques Villeneuve, etc., Pascal Picotte. Mais, au départ, il y a des amateurs qui veulent apprendre, acquérir des habiletés particulières et qui sont des passionnés de moto et de sensations fortes, comme beaucoup de jeunes. Il faut pas s'en cacher, on a peut-être même été comme ça, nous autres aussi.

Il faudrait pas que les amateurs novices soient victimes de gens intéressés seulement par l'argent et non par le sport en lui-même et qui manquent totalement de sérieux relativement au danger omniprésent, surtout quand il s'agit d'amateurs roulant là où les installations et l'infrastructure sont particulièrement dangereuses. J'espère que la piste de Sanair est une exception et non une règle.

Les trois motocyclistes décédés en 1998, 1999 et 2000 participaient à des essais libres sur un circuit fermé où l'accès journalier était permis en échange de 40 $ et de la signature d'un dégagement de responsabilité qui, à l'époque de ma fille, était rédigé en anglais seulement, en tous petits caractères d'environ huit paragraphes en termes juridiques. Sans autres restrictions. Finalement, la dame à la porte leur disait: Donne-moi mon 40, signe ça, fais attention, il y a deux stops, point. Et on les envoie sur une piste de course, ils vont sur une piste de course.

Sanair, cette route-là qui est asphaltée, clôturée et fermée à la circulation publique, n'est pas sous la juridiction du ministère des Transports ou des Ressources naturelles. Au niveau de la paroisse de Saint-Pie de Bagot, il m'a été impossible ? jusqu'à maintenant, c'est encore le cas ? même en invoquant la Loi sur l'accès à l'information, de connaître le zonage de cet endroit, les permis exigés ou requis par la paroisse ? qui a quand même une autorité, je crois, vis-à-vis ce qui se passe chez elle ? et puis le droit d'accès qui est perçu par un employé ou par le gérant pour le compte soit d'une ou de deux compagnies, ou de personnes, on le sait pas, et la renonciation signée par les usagers ne précise pas quel assureur, quelle entreprise, quel organisme que nous dégageons ainsi de toute responsabilité. C'est pas écrit nulle part, ça. Je rappelle ici qu'il s'agit d'entreprises à but lucratif.

Il y a plusieurs pistes de course au Québec qui acceptent et qui font des événements pour les motocyclettes, et je ne sais pas si elles fonctionnent toutes de la même manière puis dans un tel flou. Lors d'accidents mineurs sur ces pistes, un promoteur m'a confié qu'on suggérait tout simplement aux clients de s'arranger avec leurs copains puis de prétendre qu'il s'agissait d'accidents routiers ordinaires pour être indemnisés par la SAAQ puis pour pas avoir de troubles. Ça, c'est pour des accidents mineurs: jambes cassées, vous savez, des accidents mineurs.

Dans les exclusions de la SAAQ, il y est clairement exclu un accident survenu lors d'une compétition, d'une course ou d'un spectacle d'automobile sur un parcours ou un terrain fermé à la circulation, que la personne soit conducteur, passager ou spectateur. C'était ni une course, ni un spectacle, ni une compétition, c'est simplement... c'est comme si, moi, je décide de prendre mon char puis d'aller faire un tour sur le circuit Gilles-Villeneuve, mais je paie quelqu'un 50 $ pour essayer avec mon char. O.K.?

La SAAQ, après étude par un comité, a indemnisé pour les décès d'Iris et de Martin, puisqu'il s'agissait d'essais libres non encadrés et protégés. O.K.? Puis, aussi, je pense que Mme Claraz avait qualifié le circuit, je ne sais pas si je me trompe, là, de public, parce qu'il était comme ouvert au public mais en échange de 50, 40 $. En tout cas, là-dessus, je suis pas...

Bon. Naturellement, quand arrive un événement comme ça, on sait pas trop comment réagir, c'est nos enfants, c'est difficile. Bon, enfin, je ne savais pas qu'on avait même trois ans pour réclamer à la SAAQ. En tout cas, c'est... De toute façon, je ne sais pas si le fait de ne pas avoir indemnisé m'aurait favorisée pour avoir des recours, puis, bon, bien, poursuivre ces gens-là, ils ont tellement l'habitude que de toute façon, dans ma tête, il faudrait que je me préparerais d'abord à faire faillite et puis à me rendre totalement ? comment est-ce qu'on dit ça? ? insaisissable, de connaître leurs trucs, en tout cas, pour connaître les trucs que certains connaissent.

n (10 h 30) n

Bon. Je tiens à préciser à Sanair que le circuit est ouvert à tous, amateurs, intermédiaires et professionnels, que les habiletés de conduite comme les permis ne sont pas vérifiées, et encore moins les habiletés de pilotage aux courses, on leur demande pas ça; les motocyclettes ou autres véhicules, autos, camions ou carts ne sont pas vérifiés et peuvent même circuler en même temps sur le circuit; aucune information concernant l'utilisation de la piste n'est transmise verbalement ou de façon écrite; les endroits critiques ne sont pas habillés de matériel de protection, que ce soit des pneus, des balles de foin, des clôtures d'air, qui sont quand même un minimum standard de la Fédération internationale motocycliste qui, elle, sanctionne toutes les courses au niveau international, qui est vraiment la Fédération qui sanctionne au niveau de la motocyclette pour les compétitions. Par contre, concernant des courses, comme on peut voir ? même les carts ou la F1, on en a vu des beaux exemples dans la série CART ? il y a des courbes, bon, il y a du sable et puis il y a une barrière de pneus, peut-être, à quasiment 100 pieds, puis trois rangées de pneus. Bon. Puis il faut se dire, comme, disons, le coroner Doyon disait dans le rapport concernant ma fille, que la motocyclette est quand même un véhicule qui n'a aucune capacité d'absorption, c'est-à-dire, si tu rentres à quelque part, tu fly. O.K.?

Donc, finalement, les gars de la série CART ils sont très chanceux d'avoir tout ça pour amortir leurs chutes, même s'ils ont quand même plusieurs pieds de matériel qui peut se comprimer pour absorber l'énergie cinétique, ce qu'un motocycliste n'a pas. O.K.? Et puis, bon, dans l'enquête du coroner, on le sait très bien, le mur de ciment, il est collé sur la piste, mais collé sans aucune mesure de protection. À ce moment-là... puis pour Martin aussi, pour l'accident de Martin. En tout cas, la représentante, lors de cette enquête que Me Kronstrom a tenue, la représentante de la SAAQ, Me Christine... qui est ici, Christine Claraz, qui est là, nous a dit que la loi sera modifiée afin de préciser l'exclusion et éviter qu'une indemnité puisse être versée. Il s'agit pas seulement de préciser l'exclusion, je pense qu'il faut aussi responsabiliser les gens qui font leur argent de cette façon.

Concernant les associations et les normes, O.K., du fait qu'aucun organisme gouvernemental, comme le Secrétariat de la santé et sécurité dans les sports, n'encadre ou n'exige un minimum au niveau de la sécurité pour la pratique de la moto de course sur les circuits privés, n'importe qui peut s'improviser en association, et faire ses propres règles, et s'en tirer sans aucune conséquence en invoquant la renonciation signée à l'entrée. Si je me fie à un contrat type de K & K... K & K, c'est une compagnie d'assurances des États-Unis qui a un bureau à Toronto, qui supposément assure Sanair, entre autres. Selon le témoignage du représentant de la compagnie, il nous a dit que les normes de la FIM sont un minimum requis, mais ils ne l'exigent pas de leurs assureurs... leurs assurés, à moins que des normes gouvernementales n'encadrent l'activité, O.K. À ce moment-là, l'assureur devra s'y soumettre, et probablement que, s'il est exigé des inspections d'installations et puis de déroulements d'activités, alors là il pourrait l'exiger seulement si le gouvernement le fait.

Lors d'accidents graves, les propriétaires de piste se disent, naturellement, totalement innocents et laissent entendre trop facilement que la faute se situe entre le siège et le guidon. Et si par chance la SAAQ nous a indemnisés, alors les indemnités prévues à la loi tiennent lieu de tous les droits et recours résultant d'un accident d'automobile, aucune action ne peut être reçue en justice. Vous connaissez ça par coeur? Moi aussi. J'ai le goût d'être hors la loi, bon, ha, ha, ha!, complètement, quitte à faire faillite.

Alors, les responsabilités. De ne pas faire de nuances et de considérer tout accident comme hasard de la route fait bien l'affaire des propriétaires et assureurs de pistes de courses imbus d'un sentiment d'invincibilité par leur argent ou leur avocat. On a affaire à une business d'asphalte et de béton qui empoche sans se soucier de ses propres clients, ces clients de fins de semaine qui sont naturellement une partie négligeable, à ce qu'il paraît. Naturellement, ni le propriétaire ou le gérant ne s'est servi de la moto comme d'une arme dans le but de mettre en danger la vie d'autrui. La réalité par omission de sécurité, c'est la même. Ce sont trois décès évitables dans le sens qu'on va peut-être criminaliser les chauffards, disant que, bon, on s'est servi d'une auto comme d'une arme de négligence, notion de danger, etc. Par contre, au niveau criminel, concernant ça, c'est plus difficile. Je pense qu'il y a peut-être pas beaucoup de procureurs qui voudraient se pencher là-dessus, si on...

En tout cas, là, il y a un flou relativement aussi aux sanctions et aux organismes qui sont reconnus pour sanctionner au Québec les sports motorisés de moto. La Fédération motocycliste du Québec est venue nous dire qu'elle elle sanctionnait, mais... elle sanctionnait plein d'activités à Sanair, mais c'était comme ça: Je te connais, O.K., je vais sanctionner, mais... C'était seulement pour donner, comment je pourrais dire, un peu de «glamour», un peu de sérieux à l'entreprise. Comme le recommande Me Kronstrom, il serait souhaitable que le Secrétariat aux loisirs et aux sports, de concert avec la FIM et le CMA, et les adeptes et professionnels de moto s'entendent sur des normes ou règlements pour la tenue d'essais libres partout au Québec. Elle, elle n'a pas ajouté les adeptes et professionnels, elle a dit: Bon, finalement, ce serait peut-être ? comment est-ce qu'elle avait écrit ça dans son rapport? ? plus une action gouvernementale si les gens concernés ne se disciplinent pas, entre autres.

Concernant les assurances et les normes, un coup que cette étape-là serait faite, qu'il y aurait vraiment une réglementation au niveau de la Régie, est-ce que ce serait possible qu'il y ait un programme d'assurance spécial de la SAAQ dans la mesure où les normes, lors des séances d'essais libres, seraient respectées par les dirigeants? Ou serait-il possible de s'associer avec les propriétaires ou promoteurs pour leur vendre un produit d'assurance du moment que les normes soient respectées, ce qui écarterait la difficulté de la langue? Puis une approche concrète aussi sur le terrain au Québec puis une véritable compagnie d'assurances sérieuse, là, non une américaine... en tout cas, qui ont pas du tout les mêmes... Bon, enfin, je vais continuer.

Étant donné que certains accidents survenus lors d'essais libres sont déclarés comme des accidents routiers et indemnisés par la SAAQ, comme me l'a confié un promoteur, et que malheureusement les statistiques de la Société ne sont pas en mesure de nous fournir une information éclairée sur la fréquence et la gravité des accidents de moto aux abords des circuits de courses, ou alentour, est-ce que ce serait possible d'étudier, peut-être à partir des statistiques d'hôpitaux, cliniques médicales aux environs, pour savoir c'est quoi, la fréquence exactement? Ça, on a même essayé de le faire, mais on était deux particuliers. Ça fait qu'ils se sont pas mis à fouiller dans leurs archives pour nous autres, naturellement. Mais c'est pas notre travail non plus, hein, c'est seulement... En tout cas, je suis d'avis qu'avec des normes claires, puis des sanctions, puis des accréditations claires par la CMA ou la FIM et le Secrétariat aux loisirs et aux sports, avec des propriétaires, des dirigeants qui seraient amoureux du sport motorisé pour lui-même et qui se soucieraient de la sécurité des adeptes de sport à moteur, d'autres jeunes pourraient avoir, avec un bon encadrement et un bon apprentissage, de bonnes poussées d'adrénaline avec moins de risques et améliorer leurs habiletés de conduite.

Quant à l'encadrement du sport motorisé professionnel, il serait aussi souhaitable qu'on y réfléchisse, puisque le sort réservé à nos amateurs démontre le peu de souci que l'on a fait, entre autres à Sanair, de la sécurité des coureurs et apprentis coureurs. Probablement que la Régie des alcools, des courses et des jeux pourrait aussi s'intéresser aux sports motorisés professionnels, puisque ceux-ci offrent des bourses aux gagnants, et que celles-ci sont, selon l'avis que j'ai eu de quelqu'un du CMA, sont réellement insuffisantes et que ce sont les promoteurs qui empochent plus qu'ils ne redistribuent aux pilotes. Que la Régie ou le Secrétariat encadre les activités du genre en exigeant qu'elles soient sanctionnées par des associations comme la FIM ou le CMA ne serait pas une mauvaise idée. De toute façon, il y a un autre phénomène que vous connaissez bien, je crois ? bien, peut-être pas bien, mais le «street racing», qu'on appelle ? les courses illégales, hein, on se ramasse dans le coin de Laval puis... une gang de monde... Là aussi, il y a des gageures, toutes illégales, mais encore, il y a une forme de «gambling» là-dedans quand même, c'est une forme de «gambling», puis il y a aussi des jeunes qui veulent peut-être gambler avec leurs capacités, un peu comme tout le monde. Si tu commences à faire du patinage de vitesse, bien, tu vas vouloir toujours aller plus vite, sauf que ça, c'est un sport réel.

Quant à la pratique de motocyclette de course, quand même, la FIM est reconnue par l'Association olympique canadienne, ce qui fait qu'il y a nos jeunes qui font du motocross, et tout ça, qui sont exceptionnellement habiles et que ça demande quand même une forme physique appréciable. C'est un sport très physique. En tout cas, pour ramener... Parce que présentement, le Secrétariat aux loisirs et aux sports se pose encore la question: Est-ce un sport, oui ou non?

Concernant les poursuites, l'ouverture du droit de poursuite dans certains cas serait souhaitable, mais la crainte de possibilités de glissement, à mon avis, sont très justifiées. Là-dessus, je suis d'accord avec le document qui a été soumis... de réflexion au départ. Mais pouvoir poursuivre dans de tels cas, c'est le seul acte que l'on peut faire dans une société de droit civilisée pour se soulager. Quand moralement nous avons raison, mais que cette même justice nous paralyse, on se sent vraiment vulnérable et impuissant et... Il y a une forme de rage aussi.

n (10 h 40) n

Comme il est mentionné dans votre document de référence, l'insolvabilité des criminels de la route puis, dans le cas présent, des business d'asphalte à haut risque financier et autres ? naturellement, ils s'arrangent pour être insolvables aussi là ? rend toute poursuite difficile, aléatoire et probablement vaine. La possibilité de poursuivre le gouvernement concernant les infrastructures m'apparaît exagérée, parce qu'on peut quand même pas mettre un col bleu à chaque kilomètre, là, pour tout vérifier l'ensemble du réseau routier. Puis aussi parce qu'il faut faire vraiment distinction entre ce que c'est qu'une route privée et une route publique. Une route publique, c'est pour l'ensemble, c'est pas pour un type d'activité, c'est pas... c'est pour l'ensemble de ce qui se fait sur le réseau routier.

Il y a certainement des améliorations à faire sur ce réseau-là, mais il y a bien des contraintes, que ce soit le gel, le dégel, le passage des poids lourds, les tempêtes, etc., et l'étendue. Concernant les infrastructures, eh bien, un mur de béton peut être mortel pour un motocycliste, comme il l'a été à Sanair, mais une bénédiction pour arrêter un poids lourd, tu sais, qui s'en vient en sens inverse, mettons. Enfin...

Concernant la SAAQ, elle nous informe des dangers de l'alcool, de la vitesse et elle contrôle le réseau et l'accès au réseau routier. Le ministère des Transports nous prévient des vitesses recommandées et du dessin de la route, des pentes et de tout autre changement sur le réseau routier québécois. Le Code de la sécurité routière, lui, voit au comportement des conducteurs. Enfin, je crois que ces trois organismes font de leur mieux pour s'acquitter de leurs tâches, et, puisque nous vivons en démocratie, on peut toujours faire des plaintes ou des représentations pour faire faire des améliorations via notre ville, notre comté, etc. Tu sais, s'il y a un croche qui est vraiment dangereux, tu peux toujours te plaindre, tu peux toujours appeler, là, tu sais, ce qui est... On a quand même... quand même un droit de parole en démocratie, ce qu'on n'a peut-être pas sur un terrain privé. Il y a toujours ça en parallèle.

Le Président (M. Lachance): Alors, Mme Gauthier, je vous prierais de conclure votre exposé, s'il vous plaît.

Mme Gauthier (Danielle): Oui, O.K., j'arrive. Bon. Les circuits de courses et des entreprises à but lucratif qui font leur argent avec les conducteurs qui veulent circuler sur une route, libérés de la contrainte d'une limite de vitesse... mais ces circuits peuvent être adaptés selon l'utilisation prévue, les infrastructures modifiées selon le type de véhicules. Les véhicules et les habiletés de conduite peuvent être vérifiées et les comportements, contrôlés. Des informations claires peuvent être données sur la circulation et la façon d'aborder le tracé de la route. Il n'en tient qu'aux responsables de prendre leurs responsabilités.

Concernant les manufacturiers dans le document de référence de M. Chevrette, qui doivent, eux, s'assurer de la sécurité du bien, là aussi, ça peut être... Sous le régime actuel, les fabricants comme les propriétaires de pistes font leurs profits avec les véhicules sans se soucier de leurs responsabilités, sans avoir de souci relié vraiment à leurs responsabilités. Par contre, leurs clients contribuent pour la plupart directement au régime d'assurance public. Contre ce type d'entreprises qui visent directement des conducteurs, je crois que la SAAQ devrait pouvoir avoir un recours subrogatoire. Je sais pas, moi, Ford fait un type de char pas de frein pendant je sais pas combien de temps, là, ça fait... est-ce que ça va être la SAAQ qui va avoir à payer contre Ford, mettons, pour ce qui est des trucs plus difficiles, là? En tout cas, elle devrait avoir ce recours-là, c'est-à-dire nous payer puis ensuite probablement au moins poursuivre pour le peu d'indemnité qu'on nous donne en tant que... qu'on donne même. Si t'as un forfaitaire, on peut même pas parler d'une indemnité. Pourquoi tout ça? Pour éviter qu'il y vraiment du laxisme et une recherche du profit à tout prix sans aucune responsabilisation.

Puis les poursuites privées, bien, il me semble qu'il pourrait... bon, il pourrait aussi y avoir des dérapages. Mais, disons, concernant entre autres justement les négligences criminelles par omission que... en tout cas, dans le sens que ça pourrait être, là, trop difficile, dans le sens qu'un livreur avec un malaise, on pourrait dire: Bon, bien, il a pas fait son feu rouge, mais, bon, il a été malade à ce moment-là, c'est peut-être pas nécessairement... Faudrait pas perdre l'esprit de la loi de vue quand même, parce que c'est quand même une bonne loi, je dirais. Puis, bon, nécessairement, concernant les frais d'avocat, d'expertise, etc., ça coûte un bras puis, quand, dans la classe moyenne, 30 000 à peu près, disons qu'il faut vraiment... c'est à peu près, c'est pas envisageable dans le sens qu'on dirait qu'il faut tout le temps que tu aies un 20 ou 30 000 que tu peux gambler avec, pour ce qui est des avocats, puis quand tu l'as pas, tu l'as pas.

Le Président (M. Lachance): Mme Gauthier, je vais devoir vous interrompre.

Mme Gauthier (Danielle): Bien, j'ai fini!

Le Président (M. Lachance): Oui? Bon. Alors, quelques secondes de plus. Vous avez largement dépassé le temps qui vous était accordé.

Mme Gauthier (Danielle): Oh! Excusez-moi.

M. Chevrette: Mais comment il vous en reste, de temps, madame? Je vous donne mon... deux minutes...

Mme Gauthier (Danielle): Bon, bien, juste la chute peut-être. On ne peut pas toujours prévoir l'imprévisible, mais certaines modifications pourraient être apportées sans changer l'esprit de la loi, en responsabilisant les entreprises qui profitent du «no fault» ? je m'adresse pas nécessairement aux chauffards, là, mais c'est plutôt au niveau des entreprises. C'est un autre aspect, je crois, qui a pas été abordé encore ou peut-être je suis pas au courant ? en tout cas, qui profitent largement du «no fault». Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Gauthier. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie, madame. Je sais que c'est pas facile pour vous de témoigner, mais vous avez si bien fait ça. Je vous remercie de votre témoignage. Je serais porté spontanément à vous dire que je suis surpris même que le Secrétariat à la sécurité et aux sports n'ait pas présenté un décret pour exiger des normes minimales, parce que...

Mme Gauthier (Danielle): S'ils suivent les recommandations de Mme Kronstrom, et puis je le souhaite, j'espère qu'ils vont le faire.

M. Chevrette: Oui. Bien, moi, je vais suggérer à la commission qu'on en fasse une recommandation au Secrétariat de la sécurité dans les sports, parce que, effectivement, c'est pas sur une route publique, donc... on est mal foutu que le diable! C'est pas clair si on doit indemniser ou pas indemniser, vous le savez, malgré qu'il y en a eu. Mais à cause de la non-clarté de la loi ou de la non-précision de la loi, ça crée un problème. Si on veut prévenir, c'est d'abord la première... je vous félicite là-dessus, parce que c'est d'abord de la prévention, vous cherchez à éviter des choses. Il me semble qu'il devrait y avoir des accréditations pour ce genre de pistes privées. Ces accréditations seraient données en fonction du respect de normes minimales de sécurité. C'est ce qu'on fait, par exemple...

Moi, j'ai... parce que j'ai été ministre du Loisir en 1983, 1984 et je me souviens qu'on avait la Régie des sports, qui était... qui avait son siège social à Trois-Rivières, puis on est arrivé avec des règlements dans les sports. Parce que, si tu t'en vas sur une piste privée pour faire de la pratique, ça ressemble à quelque chose de sport, tu t'en vas pas travailler, tu t'en vas pas visiter quelqu'un, tu t'en vas rouler à une vitesse assez accélérée, puis on sait qu'est-ce que c'est ce genre de piste là.

Mme Gauthier (Danielle): Oui. Mais... oui, peut-être, oui. Mais je dirais «peut-être» parce que, si je regarde le rapport du coroner concernant l'impact qu'a eu ma fille sur le muret... a été évalué seulement à 84 km/h.

M. Chevrette: 84 km sur un mur de béton, imaginez-vous que...

Mme Gauthier (Danielle): En motocyclette, oui, ça ne pardonne pas. Ça ne pardonne pas.

M. Chevrette: Il y en a qui sautent de 20 pieds puis qui se tuent... à 84 km...

Mme Gauthier (Danielle): On peut pas parler de vitesse à ce moment-là.

M. Chevrette: Non... Bien, moi, je trouve qu'à... même à 84 km sur un mur de béton...

Mme Gauthier (Danielle): Oui, c'est beaucoup, oui.

M. Chevrette: Ils font des expériences de collision frontale, par exemple à 20, à 30, à 40, à 50 km, puis il faut regarder avec des mannequins quel est l'impact sur le mannequin, c'est terrible.

Mme Gauthier (Danielle): Est-ce que vous trouvez ça normal que des dirigeants de pistes de courses ne sachent pas ça, ne soient pas...

M. Chevrette: Je le sais si je... Si je trouve ça normal? Non.

Mme Gauthier (Danielle): C'est vrai, c'est une opinion... je peux pas...

M. Chevrette: Non. Je vous la donne, mon opinion, je suis même surpris qu'on n'accrédite pas. Sauf que c'est des situations comme celles qui vous arrivent, qui est arrivée à votre fille puis qui arrive à votre famille, qui nous font intervenir. Il y aurait dû... il devrait y avoir au départ une discipline naturelle... On va juste dans les petites pistes de go-karts, puis il y a des paquets de pneus qui encerclent ça.

Mme Gauthier (Danielle): Même à ça, est-ce que la SAAQ a affaire dans les go-karts ou...

M. Chevrette: Non.

Mme Gauthier (Danielle): Pas du tout?

M. Chevrette: Non, parce que c'est encore sur des terrains privés. Donc, la SAAQ intervient sur les routes à caractère public. Mais, pour pratiquer un sport, il me semble qu'on devra aller... en tout cas, moi, j'en formule le voeu, là, que la commission incite le Secrétariat à la sécurité dans les sports de trouver des formules d'accréditation pour ces... Il y a une tendance de ce qu'on appelle les sports extrêmes, là, il y a une tendance à ça qui se répand, là, de plus en plus. Vous donnez des exemples de petits concours d'autos dans des coins de rue à Laval. Il y en a eu à Sainte-Foy aussi, dernièrement, là, un soir à minuit, sur la rue du Vallon, qui est une route extrêmement dangereuse, parce que même les policiers peuvent pas la patrouiller, au risque de leur vie, il y a pas d'accotement pour intercepter, etc.

n (10 h 50) n

Donc, moi, je pense que les gens... le Secrétariat... et je vais vraiment faire une démarche officielle, comme ministre, pour bien démontrer qu'on n'est plus sur des routes à caractère public. On commencera pas à définir si c'est un sport extrême ou un sport ordinaire. C'est au moins une piste de pratique d'un sport. Ça, au moins, on peut au moins identifier que c'est ça. Et, si c'est une piste de pratique, on devrait exiger en termes d'accréditation, parce qu'il fait de l'argent avec ça. À 40 $ par jour, ou 50, je le sais pas, il devrait avoir une accréditation, puis être responsable, puis répondre minimalement à des normes. Ça, vous avez entièrement raison.

Et je formule le voeu... J'ai pas l'intention de vous questionner. Vous avez déjà assez de difficultés à vous sortir de cette affaire. Je vous trouve courageuse d'ailleurs d'avoir eu le courage de faire toute cette recherche dans tous les secteurs. Je vous en félicite d'ailleurs puis je vous en remercie. Et j'ose espérer que les gens de la commission... On prend votre message et on va essayer au moins d'intervenir à l'origine pour essayer de donner au moins des normes minimales de sécurité pour que... puis obliger quelqu'un qui va chercher des sous à répondre...

Mme Gauthier (Danielle): À répondre de ses actes ou de ses non-actes.

M. Chevrette: ...à répondre minimalement, dès le départ, à des chances minimales de survie, et ça, vous avez raison. Je vous remercie beaucoup, madame.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Merci, Mme Gauthier, pour votre présentation de mémoire... et votre courage, parce que je sais que ça doit pas être très, très, très facile.

Je veux vous apporter... vous amener sur deux questions, une qui me choque, dans votre mémoire, à la page 1, où vous nous dites... vous avez fait toutes vos démarches, puis ç'a pas été facile, selon les organismes, les institutions, et vous nous dites que vous êtes à la recherche d'information. À la fin de votre première page, vous nous dites, je vais vous résumer ça, là... vous êtes à la recherche d'information pour comprendre les responsabilités, d'établir ça puis, bon, d'amener des solutions, puis on vous remercie encore une fois. Et là vous nous dites qu'à la municipalité... un droit fondamental d'un citoyen et d'une citoyenne au Québec et chose élémentaire: Vous êtes en droit de savoir comment ce coin-là de la municipalité est zoné. Puis on vous a dit, depuis deux, trois ans: Impossible de vous dire ça, vous saurez pas ça, les permis exigés, c'est pas de vos affaires, quoi que ce soit.

Mme Gauthier (Danielle): Voulez-vous la réponse exactement?

M. Deslières: C'est ce qu'on vous dit, là? C'est ce que je comprends, Mme Gauthier?

Mme Gauthier (Danielle): Oui?

M. Deslières: C'est ce qu'on vous a dit?

Mme Gauthier (Danielle): Non. Bien, la réponse de...

M. Deslières: On vous l'a répété, vous êtes en demande d'information au sujet d'éléments de base, hein. Comment ce coin-là est zoné? Qu'est-ce qu'on peut faire là?

Mme Gauthier (Danielle): Bien sûr, zonage. Tu sais où est-ce qu'il y a une ferme puis tu sais où est-ce qu'il y a un garage, hein. Bon.

Le Président (M. Lachance): Allez, Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Danielle): Alors, voulez-vous la réponse en tant que telle, là? J'ai la réponse, ici, de la paroisse de Saint-Pie: «Je n'ai pu retracer les règlements demandés mais vous laisse le soin d'effectuer vos propres vérifications si vous le désirez. Il en est de même concernant votre demande des permis.»

Bon. Moi, je me suis dit: Bon, est-ce qu'elle veut que j'aille faire le ménage de ses archives ou quoi? C'est pas ma job. En fin de compte, une secrétaire-trésorière qui connaît pas ses règlements, ça me laisse bête. Alors, j'ai envoyé ça à la Commission d'accès à l'information, là. Pourtant... et pourtant...

M. Deslières: Et depuis? Et depuis? Et depuis, Mme Gauthier?

Mme Gauthier (Danielle): Et depuis? Ah, bien, j'ai rappelé M. Iuticone ? excusez-moi, je magane son nom. Il y a un avocat, Me Iuticone, de la Commission d'accès à l'information, qui est supposément... qui a ce dossier-là. Et depuis...

M. Deslières: J'en reviens pas, moi!

Mme Gauthier (Danielle): Pourtant, j'ai appelé, moi, Saint-Eustache, le greffier de la paroisse de Saint-Eustache, moi, en lui demandant: Avez-vous eu déjà des problèmes avec l'autodrome, etc., tatatata? Il m'a dit: Oui, effectivement, on a eu des problèmes. La ville de Saint-Eustache, c'est comme rapproché de la piste de courses. Mais, par contre... Bon, il y a eu des plaintes sur le bruit. Ils ont établi un règlement, qui a été contesté. Ç'a pris cinq ans en cour. Maintenant, c'est réglé, mais quand même, pendant cinq ans, ils se sont battus concernant seulement la notion de bruit.

Mais j'ai eu tout de suite... Tu sais, ç'a été très ouvert, pas eu de problème. Puis je me suis trompée, au lieu d'écrire à la paroisse, j'ai écrit à la ville de Saint-Pie. La ville de Saint-Pie m'a fait parvenir ses règlements sur les nuisances. Elle dit: Mais ça, ça pourrait peut-être vous aider, les règlements sur les nuisances, le bruit, etc., toutes ces affaires-là, là. Puis c'est tout à fait normal dans... Et puis Saint-Eustache m'a fait parvenir ses affaires, et puis j'ai même eu une copie de... Mais... Puis ça, c'est de façon tout à fait informelle, tandis que...

M. Deslières: Mme Gauthier. Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Danielle): Oui.

M. Deslières: Je veux terminer sur ça. Moi, je vous dis aujourd'hui: Battez-vous.

Mme Gauthier (Danielle): Contre qui? Contre qui? Contre qui?

M. Deslières: C'est inadmissible qu'une municipalité ne vous donne pas accès à cette information-là de base, c'est inadmissible.

Mme Gauthier (Danielle): Bien, oui! Je sais.

M. Deslières: Je vais passer sur un autre sujet, Mme Gauthier... et vous avez tout notre appui.

Mme Gauthier (Danielle): Merci beaucoup.

M. Deslières: Ç'a pas de bon sens. Deuxième élément, Mme Gauthier, vous nous dites essentiellement que vous êtes en accord avec l'esprit du «no fault» de la loi actuelle...

Mme Gauthier (Danielle): Oui, je suis quand même en accord parce que le parc automobile grossit, les automobilistes grossissent. Alors, ce serait très complexe, puis je pense que les avocats feraient beaucoup d'argent, mais ça... d'autre monde qui aurait plus rien effectivement.

M. Deslières: Merci, Mme Gauthier.

M. Chevrette: ...

Mme Gauthier (Danielle): Pardon?

M. Chevrette: Vous répéterez ça souvent, madame, parce qu'il y en a qui semblent avoir accaparé le micro là-dessus.

M. Deslières: Merci, Mme Gauthier, merci de votre témoignage.

Mme Gauthier (Danielle): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Premièrement, félicitations pour votre courage, et puis je pense que votre visite n'aura pas été vaine ici. Même si les faits invoqués ne sont pas passés sur la voix publique, vous avez soulevé un fait, je pense, qui est important. Non seulement je pense que le ministre va faire le message à qui de droit, mais je pense que la commission aussi devrait peut-être transmettre une lettre accompagnée de votre mémoire, pour qu'en fin de compte la sécurité sur ces endroits-là, y compris Sanair, à Saint-Pie de Bagot, puisse faire l'objet de vérifications et qu'on ait au moins des normes partout au Québec qui feraient en sorte que des accidents comme ça, au moins des malheurs comme ça, pourraient éventuellement être évités. Et, dans ce sens-là, madame, soyez certaine que vous avez été très bien comprise de la commission, des parlementaires, et que nous allons mettre en oeuvre pour faire le message à qui de droit et non seulement faire le message, mais voir à ce que des mesures soient prises pour qu'au moins le danger soit diminué sur ces choses-là.

Ceci étant dit, le ministre l'a soulevé, et vous savez qu'on a le problème que ça se passe sur un endroit privé, j'aimerais... pour revenir peut-être aux endroits où la Société de l'assurance automobile semble avoir juridiction, c'est-à-dire les fameuses courses qui sont organisées sur... Vous avez parlé de Laval, puis, on le voit ici, à Sainte-Foy...

Mme Gauthier (Danielle): Oui, les «street races», là, qu'on appelle, les courses illégales, les courses de rue.

M. Brodeur: Oui, les courses illégales. Je crois comprendre de votre intervention aussi qu'on se doit absolument d'intervenir peut-être de façon sévère et avoir des mesures pour, en fin de compte, contrer ou... contrer totalement ce genre de choses là. Est-ce que votre message également porte là-dessus? Est-ce qu'on doit comprendre que la SAAQ doit se pencher plus activement, et la Sûreté du Québec aussi, sur ce genre d'activités qui sont tenues de façon illicite un peu partout au Québec?

Mme Gauthier (Danielle): Bien là, oui, je pense que oui. Comme il y a eu un exemple, il y a deux semaines d'ailleurs, un jeune motocycliste qui est arrivé à une place où il y avait des courses, puis il commence à... Vous savez ce que c'est la... tu sais, t'as un skidoo, t'aimes ça du skidoo, tu sais: On va l'essayer. Tu sais, on voit ça un peu comme un jouet, hein, les amateurs de moteurs ou de... tu sais, s'amusent à... Puis ce jeune-là est arrivé, lui, un peu comme par hasard dans ce coin-là, il y a une course, il dit: Ah, bon, tu veux-tu essayer avec moi? O.K., je vais essayer. Il clenche avec l'autre, puis le jeune qui a perdu sa course est arrivé en trombe et a frappé le motocycliste, puis il l'a tué sur le coup. Donc, tu peux dire: Bon, est-ce qu'il y a une rage au volant? Est-ce que c'est vraiment de la négligence criminelle? Est-ce que c'est de la conduite criminelle? Là, j'imagine qu'il va y avoir des accusations de portées contre ce jeune-là éventuellement.

n(11 heures)n

C'est... tu sais, c'est triste, dans le fond, que... Disons que, si c'était dans un environnement contrôlé, avec de la sécurité, etc., s'ils pouvaient se défouler d'une façon différente, ça irait mieux, en autant qu'ils aient accès à des endroits spécifiques. Parce que, quand même, il faut se dire qu'il y a un gros... un gros marché, là, quand même, au niveau de... il y a beaucoup de gens qui aiment ce feeling-là des courses.

M. Brodeur: Oui. Mais, dans la mesure où vous avez soulevé un acte qui est peut-être criminel, si...

Mme Gauthier (Danielle): L'illégalité, le «gambling» illégal.

M. Brodeur: Oui.

Mme Gauthier (Danielle): Mais ça, les gens le savent, mais ils le voient pas.

M. Brodeur: Dans la mesure... Parce que, si on prend le Code criminel, Mme Gauthier, il y a certains accidents où le chauffeur peut être tenu criminellement responsable à cause de conduite dangereuse, par exemple dans le cas que vous soulevez. Est-ce que vous préconisez que la Société de l'assurance automobile du Québec, dans un tel cas, suspende ou enlève le droit de réclamation de ces gens-là qui sont criminellement responsables sur la route? Est-ce que vous préconisez aussi que la victime ou les parents des victimes d'un acte criminel puissent poursuivre la personne qui a été criminellement... qui a été reconnue criminellement responsable?

Mme Gauthier (Danielle): Oui. Mais il y a la première partie de votre question, là. C'était quoi, la première partie?

M. Brodeur: Première partie de la question, c'est parce que la Société de l'assurance automobile du Québec va compenser les dommages, même, de la personne qui a été reconnue criminellement responsable. Donc, ça veut dire que... Supposons qu'une personne, il y a eu un accident...

Mme Gauthier (Danielle): Il devient quadraplégique ou paraplégique.

M. Brodeur: Par exemple, une personne a été tuée, celui qui a été frappé, celui qui a été criminellement responsable a eu un accident, a perdu un oeil, une jambe, est compensé par la Société de l'assurance automobile du Québec. Est-ce que vous pensez que cette compensation-là qui est donnée au criminel devrait être amoindrie ou annulée par la Société de l'assurance automobile du Québec, puisqu'il a été reconnu criminellement responsable?

Mme Gauthier (Danielle): Ça, j'ai de la difficulté avec ça parce qu'il y a quand même la notion... On reste encore dans le «no fault», là. Dans le fond, il y a l'indemnisation qui reste, elle, je pense... J'ai de la difficulté avec ça, mais, pour ce qui est d'avoir des recours juridiques au niveau de criminellement responsable, là, oui. Ça, oui. Même que concernant l'argent qu'a pu investir le ministère de la Sécurité publique, si je regarde seulement par rapport à Sanair, il y a quand même eu trois coroners qui ont travaillé là-dessus, puis monsieur continue ses activités sans aucun problème. Ça fait que, là-dessus, il y a quand même beaucoup de sommes qui ont été quand même investies, tu sais, mais... Donc, ça, là-dessus...

M. Brodeur: Bien, en terminant, madame, je vous remercie. Je suggère également que, si la commission ou le ministre a à s'adresser à qui de droit pour avoir les normes, qu'on pourrait peut-être acheminer justement le rapport du coroner concernant l'accident de votre fille. Il pourrait peut-être éclairer les personnes qui doivent prendre une décision, ou bien améliorer, ou faire en sorte que les règlements soient conformes aux situations des courses au Québec. Alors, je vous remercie, madame la... madame.

Mme Gauthier (Danielle): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: J'ai quelques questions encore, je m'excuse. Je veux revenir, suite aux réponses que vous avez données ici... Je comprends que, émotivement, quand on perd un être cher, on a le goût... le réflexe premier ? et c'est profondément humain ? le réflexe premier, c'est d'en arriver à dire: Que justice soit faite par tous les moyens. Et ça, je pense que c'est très humain.

Mais je veux profiter de votre présence aussi pour donner la distinction entre une mutuelle d'assurances et des mesures coercitives ou punitives. D'abord, il faut regarder le portrait de ces assurés-là. Sur l'ensemble des assurés, il y en a 43 % ou 41 % qui ont pas un sou. Vous avez beau donner le pouvoir subrogatoire, le pouvoir de poursuivre, poursuivre quelqu'un qui a zéro, ça donne zéro. Ça donne moins zéro parce qu'il faut payer ses avocats, il faut payer les nôtres, il faut payer les systèmes de cour, puis c'est des coûts additionnels au régime, imputés au régime. Ça, moi, je pense que faut que les gens sachent ça.

La notion de poursuite est la même chose. Que tu poursuives quelqu'un qui est criminellement responsable, poursuivre quelqu'un qui est zéro, ça donne zéro, si ce n'est qu'appauvrir à même les indemnités les gens qui ont... qui sont frappés. Par exemple, je vous donne un exemple théorique. Je perds ma fille, ça me donne 40 000 $, mais poursuivre quelqu'un qui a zéro, si ça m'en coûte 20 000 puis ça va être zéro en bout de course, ça m'a rien donné, sinon de m'appauvrir davantage.

Mme Gauthier (Danielle): Oui, je comprends très bien.

M. Chevrette: 41 %, en plus, ne gagnent que 20 000 et moins. Ça fait 84 %, ça. Est-ce que, d'après vous, on doit faire un système puis toucher du bois, puis dire: Je souhaite que, si je suis frappé un jour, je le sois par un riche, ou bien si on fait un système de portée générale comme si c'est une véritable mutuelle de groupe? C'est sur ça que je voudrais vous entendre, parce que vous êtes capable à ce stade-ci, tel que j'ai cru vous toiser, comme on dit en bon québécois, vous avez un... Vous exercez votre jugement sur les questions qu'on vous pose, puis je voudrais avoir votre jugement face à ça.

Mme Gauthier (Danielle): Seigneur! Bien, d'un côté, c'est vrai, comme vous dites, tu sais, d'accuser zéro, de... Non, c'est vrai que ç'a pas de sens, dans le sens: Vaut mieux être indemnisé par la SAAQ que de ne rien avoir. Et, quelque part, aussi... Mais c'est... Comme je vous dis, dans une société de droit... O.K. Tu sais, c'est... Cette justice-là qu'elle soit faite, c'est... Je pense que... Pour ce qui est d'un enfant, c'est très difficile, hein? Mais disons que, moi, si je suis ici, c'est que... Bon, s'il y avait eu que ma fille, probablement qu'à un moment donné j'aurais dit: Bon, bien, Danielle, vis ton deuil, prends ton trou, puis... Et puis c'est ça, mais, bon, il y en a eu quand même deux autres. Là, je pense que c'est plus un hasard, c'est plus un accident, là, c'est différent, là, c'est...

Bon, concernant les récidives, je crois qu'il faudrait sûrement sévir, sûrement sévir concernant, entre autres, les accidents en état d'ébriété. Naturellement que là il y a un autre problème social qui est plus le problème, je dirais, d'alcoolisme, de déresponsabilisation totale, de beaucoup d'autres troubles sociaux sous-jacents, je dirais, à ceux qui ont ce comportement-là, là.

M. Chevrette: ...hier ou avant... Non, la semaine dernière, je rencontrais des gens, et puis il y a quelqu'un qui me racontait ceci: J'ai un client qui a, à date, versé 7 000 $ à un avocat bien connu pour se faire défendre puis il a été obligé d'abandonner parce qu'il a plus d'argent pour poursuivre puis il est pas rendu au TAQ.

Mme Gauthier (Danielle): Il est pas rendu où?

M. Chevrette: Il est rendu au Tribunal administratif du Québec...

Mme Gauthier (Danielle): O.K. C'est parce qu'il poursuit la SAAQ.

M. Chevrette: ...puis il a déjà 7 000 de payé.

Mme Gauthier (Danielle): Mais c'est parce que, eux autres, ils poursuivent la SAAQ.

M. Chevrette: Non, non...

Mme Gauthier (Danielle): Non? Ils poursuivent pas la SAAQ?

M. Chevrette: ...dans son dossier.

Mme Gauthier (Danielle): O.K. Oublions ça.

M. Chevrette: Et, imaginez-vous, il a déjà 7 000 de payé. Vous êtes-vous imaginé, le monde ordinaire, comme on se plaît à dire souvent, là, si on décloisonne ou si on permet l'ouverture à des procès, il y en a qui vont rigoler, mais il y en a d'autres qui vont craquer? Moi, je...

Mme Gauthier (Danielle): Bien, mets-en. Puis là, bien, t'as des avocats pour te dire: Bien, il y a façon de rendre ça insaisissable, tu fais faillite. Au bout d'un an et demi, t'es libéré, tu pars sous un autre nom. Tu sais, tu tombes sur le BS, puis il y a plus de trouble. Et c'est ça, la réalité. Excusez-moi, là, mais c'est presque ça. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: O.K. Je vous remercie. Merci, madame.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Gauthier, pour votre présence...

Mme Gauthier (Danielle): ...continuer à travailler.

Le Président (M. Lachance): Pour votre présence à cette commission parlementaire. Merci beaucoup.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite les représentants de la ville de Chicoutimi à bien vouloir prendre place.

Alors, bienvenue, messieurs. Comme pour les autres participants à cette commission, vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires. Alors, je vous prierais d'abord de vous présenter, le porte-parole ainsi que la personne qui l'accompagne.

Ville de Chicoutimi

M. Savard (Carl): Bonjour, M. le Président. Bonjour, les membres de la commission. Mon nom est Carl Savard, je suis conseiller municipal à ville de Chicoutimi. Et j'ai M. Michel Houde, qui est avec moi, qui est capitaine de police à la ville de Chicoutimi.

M. le Président, j'aurais une question. Le mémoire a déjà été présenté à l'Assemblée, est-ce que vous voulez qu'on parle d'un point particulier ou on révise le mémoire au complet?

Le Président (M. Lachance): C'est laissé à votre totale discrétion. Vous pouvez faire une synthèse du mémoire, comme vous pouvez en lire des extraits. C'est laissé à votre discrétion à l'intérieur de l'enveloppe de 20 minutes.

n(11 h 10)n

M. Savard (Carl): O.K. Merci, M. le Président. Bien, M. le Président, ce qui nous amène aujourd'hui ici, M. le Président, c'est suite à une résolution de 1996 quand la ville de Chicoutimi a pris connaissance d'un mémoire qui est le mémoire de M. Marc Bellemare. Je sais qu'il fait beaucoup, beaucoup la manchette dans les temps qui suivent, mais, par contre, on savait pas, nous, que, suite au «no fault», que ce genre de chose existait.

Moi, M. le Président, dans ma formation, je suis directeur de funérailles. Je travaille dans le domaine funéraire et j'ai eu, à certaines reprises, à vivre certaines occasions par rapport à certains accidents sur le territoire du Saguenay dus à l'alcool. Suite à ça, c'est sûr que, là, ça m'a sensibilisé davantage à la problématique. Et, je peux vous dire, quand on voit un père de famille de 6 pi 4 qui te regarde puis qui te dit: M. Savard, sors-moi de ce cauchemar-là, là, c'est pas vrai, là, c'est pas mon petit gars qui est là, là, bien, effectivement... Moi, en tout cas, c'est une cause que j'ai prise à coeur, puis j'ai dit: C'est un non-sens, puis il va falloir... Puis, vous le savez très bien, M. le Président, à la dernière... En tout cas, la SAAQ a publié un sondage, et je peux vous dire que la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, on vit un sérieux problème par rapport à l'alcool au volant. On parle de 52 % des accidentés avec mort sur le territoire sont dus à l'alcool au volant.

Donc, suite à ça, bien on s'est dit, le service de police de la ville de Chicoutimi: Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aider davantage nos citoyens et protéger nos citoyens? Puis, suite à certains sondages aussi au niveau provincial, quand on parle de 40 % des décès sont dus à l'alcool, de 20 % des blessures graves et 5 % des blessures mineures, l'alcool, c'est un fléau. Donc, on a la choix de dire, à titre d'élus: On bouge pas, on parle pas parce qu'on risque de déranger un paquet de monde, ou bien on parle puis on essaie de changer les choses. Tranquillement, mais de réussir à changer certains points. Pour nous, c'est ça qui est important. Puis, sur le territoire de Chicoutimi en 1995-1997, on a été chanceux, on a eu une baisse par rapport à l'alcool au volant, par rapport à certaines arrestations. Mais, en 1998, on a eu une hausse de 17 %. Mais il faut dire que nos policiers ont augmenté les barrages de sécurité, et on a fait beaucoup d'annonces aussi sur le territoire en voulant dire que l'alcool au volant, c'était criminel puis il fallait pas toucher à ça.

Le but d'aujourd'hui... Je voudrais pas arriver puis commencer un débat sur la SAAQ, de dire que la SAAQ fait pas sa job ou la SAAQ est pas correcte. O.K.? C'est un bon régime, puis il y a des choses à améliorer, tout simplement. Puis, pour nous, aujourd'hui, on va parler sûrement du «no fault», parce que, pour nous, c'est important. Parce que le problème qu'on retrouve dans l'assurance automobile, c'est que toutes les personnes qui sont incluses dans un accident d'automobile sont des victimes, peu importe la personne qui l'a commis, l'accident. Puis on sait que, quand on parle de facultés affaiblies, eh bien c'est dur de dire que c'est un accident. O.K.? Les gens disent: C'est criminel. Puis, il faut qu'on se le dise, l'alcool au volant, c'est criminel. Puis, la publicité le dit, la loi est là, elle le dit aussi, mais le problème qu'on vit, c'est qu'on n'est pas capable de démystifier accident et acte criminel. Mais, pour nous, c'est clair dans notre tête, à la ville de Chicoutimi, t'a commis un acte criminel. Puis, quand tu commets un acte criminel, tu travailles pas pour la société, tu travailles contre la société.

Donc, pour nous, il est clair que la personne qui commet un acte criminel ne doit pas être indemnisée. O.K.? Nous, ce que c'est qu'on dit à ce moment-ci: Bien, si t'as fait tel geste, t'avais le choix, avant, de pas le faire. Puis l'exemple qu'on peut prendre... On sait qu'il y a des familles qui sont incluses là-dedans. On comprend que la personne a pris un verre de trop peut-être en fêtant une promotion, etc. Puis, c'est arrivé à Laterrière, la personne, M. Roy, en question fêtait une promotion. Pour vous dire que je le sais que la personne voulait pas que... vivre un tel geste puis voulait pas qu'il arrive telle chose, la perte de deux jeunes adolescents, mais, suite à ça, bien c'est arrivé. Puis, moi, je me dis aujourd'hui: Notre but, c'est de protéger les deux familles. C'est pas rien que protéger les victimes, mais c'est de protéger ceux aussi qui causent l'accident.

Donc, si on fait appliquer la loi et si on modifie certaines choses, s'il y a certaines conséquences qui sont très, très, très graves pour la personne qui commet l'acte, à ce moment-là ça va faire réfléchir un paquet de monde. Parce que je me dis aujourd'hui: Peut-être que c'est... Il y a rien de grave. Si c'est pas grave, aujourd'hui tu vas prendre un verre de trop, tu vas avoir un accident, mais, dans le fond, c'est pas plus grave que ça, au pire aller on va t'enlever son permis de conduire. Au pire du pire, tu seras condamné peut-être à une petite peine de deux ans. Ou, en tout cas, au pire au pire, il y a tout le temps... Mais c'est plus grave que ça, puis, moi, je pense que les Québécois, on est prêts à être responsabilisés. Les Québécois sont prêts à admettre qu'il faut aller de l'avant puis qu'il faut modifier certaines choses.

Puis les années soixante, la caisse de bière dans le coffre de l'automobile, c'est terminé. En 2001, c'est plus le cas. Puis ça, je vous parle en connaisseur de cause, parce que j'ai eu des oncles puis j'ai vu ça chez nous, là, que... J'en ai un de mes oncles qui arrivait le dimanche après-midi, puis: On va prendre une petite bière, ouvrait le coffre, puis là la famille, puis les frères et les soeurs... Mais, la génération d'aujourd'hui, on peut pas se permettre ça, les conséquences sont trop graves.

Puis je voudrais aussi, par rapport au «no fault»... En tout cas, nous, on passe peut-être... On se dit qu'on est peut-être sévères, mais je pense que les Québécois, nous sommes rendus là. Nous sommes rendus à un point qu'il faut dire aux gens: L'alcool, c'est terminé. C'est terminé, puis tu peux plus en prendre au volant. Tu peux en prendre à marcher à quatre pattes à terre, il y a aucun problème avec ça, mais touche pas à ta voiture, protège ta famille, prends pas le risque de prendre ton auto à soir. C'est une arme chargée, puis on sait très bien qu'on laisserait pas un enfant avec une arme chargée. Bien, une voiture, c'est une arme chargée sur les routes. O.K. Par rapport à l'alcool, c'est ça en gros par rapport au «no fault». O.K.?

Et aussi, nous, sur le territoire, on parlait aussi d'enquêtes historiques. On sait très bien que, quand il y a des blessures graves et des blessures... et des cas de mort, la police de Chicoutimi fait une enquête plus approfondie. On se pose les questions suivantes: Où a-t-il consommé? Avec qui était-il? Depuis quand consomme-t-il? On fait appel à plusieurs, plusieurs, plusieurs personnes. Mais ça se fait pas dans... Ça se fait pas systématiquement. Nous, ce qu'on dit: Ça devrait se faire... À la minute qu'il y a un accident, ça devrait se faire automatique, puis on devrait aller voir... Parce que ça responsabiliserait les tenanciers, les amis, les invités, parce que l'alcool, ça concerne tout le monde. Si, moi, je prends un verre avec un de mes amis, O.K., on fête, on a du fun, mais, par contre, si je le laisse partir puis il a passé 0,08, puis il lui arrive un accident grave, je pense que j'ai pas agi comme un ami, je l'ai pas aidé. O.K.?

Donc, je dois avoir une responsabilité avec les gens que je fréquente. Et, quand on sait que la loi ne le permet pas puis on risque de débâtir une vie... Puis, dans plusieurs cas, les vies... Quand on parle de familles, comme tantôt je l'ai dit, les victimes et ceux qui commettent l'accident, les deux côtés, les vies des familles sont brisées. Elles sont brisées pour plusieurs, plusieurs, plusieurs années. Nous, on se dit à ce moment-là: Essayons de responsabiliser tout le monde. Si, mettons, ce genre d'enquête existerait de façon systématique, on informe la population, que la population soit très, très, très bien renseignée pour justement dire: Si tantôt t'as laissé partir quelqu'un puis t'aurais... Au moins, t'aurais pu lui dire un mot. À ce moment-là, la police peut revenir contre toi puis déposer des accusations contre toi. À ce moment-là, ça va en faire réfléchir beaucoup. Ça va faire réfléchir beaucoup de monde.

Autre... Comme tantôt je vous le disais, M. le Président, sur le territoire du Saguenay, on a un problème qui est quand même sérieux. On disait qu'on avait 52 % des accidents mortels qui étaient causés par l'alcool. Et, peut-être, chez nous c'est peut-être moins grave qu'ailleurs dans la tête de certaines personnes, mais c'est aussi grave qu'ailleurs puis c'est pour ça qu'avec le service de police on... En tout cas, on aimerait et on apprécierait former une escouade spéciale seulement par rapport à l'alcool au volant, parce qu'on sait très bien qu'il y a des escouades qui existent à la Sûreté du Québec ? quand on parle d'escouades contre la drogue, d'escouades contre la contrebande d'alcool ? puis ces escouades-là , ils ont prouvé que ça marchait, ils ont prouvé que ça faisait un gros plus, O.K., que c'était efficace. Puis, nous, on se dit: Si les gens... Parce que là on annonce souvent un barrage routier sur tel boulevard, à tel angle, de telle heure à telle heure, on informe les gens pendant une semaine de temps qu'il va y avoir une certaine publicité qui va se faire et il va y avoir certains barrages. Mais c'est bon sur le moment, mais, après que la période de sensibilisation soit passée, à ce moment-là on retombe dans la routine, et là les gens oublient, et ça continue.

Donc, nous, sur le territoire, on s'est dit: Peut-être que, si on aurait une escouade, nos jeunes policiers seraient formés en sortant de l'école, seraient formés... À ce moment-là, les gens sauraient pas. À n'importe quelle heure de la journée, n'importe quand, il y a des gens qui sont spécialisés sur le territoire, que, s'ils ont le moindre doute que t'as pris de l'alcool, par rapport à une fausse manoeuvre, etc., donc, à ce moment-là, on vous fait passer l'ivressomètre, et on analyse ensemble. Puis si, mettons, la personne passe le 0,08, à ce moment-là il y a des accusations, et le processus commence. Je suis convaincu que ça protégerait nos citoyens, je suis convaincu que ça serait un gros plus, parce que le fait de pas le savoir qu'il y a une police, n'importe quand, qui peut t'arrêter, ça limiterait bien des gens. Parce qu'il y en a qui disent, en masse: À 2 heures de l'après-midi, il y a pas de danger. Mais il y en a, à 2 heures de l'après-midi, qui ont passé plus que 0,08. Donc, nous, on se dit que ça serait un gros plus. Je vais passer la parole à mon capitaine pour souligner un petit peu par rapport peut-être au «no fault». Parce qu'on va revenir sur le «no fault», j'en suis sûr, donc pour dire un petit peu comment est-ce que la police perçoit ça aussi sur le plan d'actes criminels.

Le Président (M. Lachance): M. Houde.

n(11 h 20)n

M. Houde (Michel): M. le Président, en fait, par rapport au «no fault», on est conscients que notre régime collectif est très, très bon, sauf, comme M. Savard vous l'a souligné, dans le cas de consommation d'alcool qui implique, là, un acte criminel. Ça demande énormément de ressources de la part d'un service de police. Nous devons, pour présenter une bonne preuve, remonter un historique de la consommation de l'individu qui peut aller jusqu'à 24 heures avant les événements, et cet individu-là, dans bien des cas, va être indemnisé par la SAAQ. Alors, c'est un peu l'interrogation qu'on a, mais uniquement dans ce genre de dossiers là où il y a des accusations criminelles qui sont portées contre un individu. Si jamais la barre vous semble très haute au niveau de poursuivre l'individu au civil, il y aurait peut-être... ce serait peut-être envisageable de regarder la possibilité que les services de police puissent recouvrer les coûts d'enquête et d'intervention dans ce genre de dossiers là, ce qui pourrait nous aider à présenter des dossiers qui sont beaucoup plus complets.

J'ai eu des discussions dernièrement avec les substituts du procureur général de notre région, et on n'a pas beaucoup de spécialistes pour aider nos procureurs. Donc, quand il y a des gens qui sont fortunés et qui sont accusés de conduite avec les capacités affaiblies, qu'ils soient impliqués dans un accident ou pas, ils mettent en place des moyens de défense auxquels nos substituts ne peuvent faire face parce que les témoins experts ne sont pas toujours disponibles. Donc, nous devons faire une enquête policière beaucoup plus exhaustive et présenter un dossier qui est très solide, ce qui demande des ressources qui ne sont pas à négliger.

Et, comme le disait aussi M. Savard, les escouades mixtes, tant au niveau d'ACCES qu'au niveau du crime organisé, ont démontré leur efficacité. Et je pense que c'est un peu le problème qu'on a au niveau des corps de police municipaux, même après la fusion de nos organisations, c'est qu'on a peu ou pas de temps à mettre au niveau de la sécurité routière. Il faut considérer qu'un dossier de facultés affaiblies, le dossier le plus facile, c'est une heure, deux policiers, minimum. Alors, quand on parle d'accident... Quand on parle d'enquête criminelle, on peut aller dans les 60 à 80 heures de travail. Donc, c'est encore beaucoup de ressources, et ces escouades mixtes là, qui pourraient être subventionnées un peu comme le projet ACCES, nous permettraient d'utiliser des ressources spécialement mandatées sur ce dossier et qui auraient un impact, là, significatif sur ce problème-là. Parce que les statistiques qu'on a sur la conduite avec les facultés affaiblies ne sont pas des statistiques qui sont révélatrices, parce que, plus on fait d'opérations chez nous, plus nos statistiques montent. Alors, la plupart des gens qui vont être victimes d'un vol à leur résidence vont appeler le service de police. On peut dire qu'on a des statistiques qui sont réelles à la criminalité par rapport aux vols par effraction. Par contre, qu'en est-il des statistiques de conduite avec facultés affaiblies?

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, messieurs, pour votre mémoire. Je commencerai par les pourcentages d'alcoolémie dans votre milieu, 52 %...

M. Savard (Carl): ...M. le ministre.

M. Chevrette: Je dois vous avouer que j'ai de la misère à le croire pour les motifs suivants, c'est passé de 35 à 22,4 au niveau national. Ce serait impossible que vous ayez plus qu'une trentaine de pour cent. J'ignore comment vous avez fait votre compilation, mais, sur le plan national... On l'a malheureusement pas par région, mais, sur le plan national, on sait exactement quels sont les... Le taux, depuis 1991, a diminué sans cesse, sans cesse, sans cesse. Et, si je me fiais à votre mémoire, votre région serait sous le coup de l'alcool à plus de 50 %.

M. Savard (Carl): 52.

M. Chevrette: C'est...

M. Savard (Carl): C'est énorme, M. le ministre.

M. Chevrette: Ça m'apparaît une aberration.

M. Houde (Michel): C'est des données des années 1993 à 1997, M. le ministre. Moi, j'ai les données...

M. Chevrette: Puis les données de 1999 nous indiquent 22,4 au niveau national. 22,4 conducteurs décédés sur les routes du Québec en 1999 présentaient un taux... une alcoolémie supérieure à 0,08. Ce récent résultat constitue une amélioration spectaculaire par rapport à une moyenne de 35 % observée dans les dernières années. Et les dernières années, c'était 1991... De 1991 à 1999, ç'a été sans cesse en amélioration. Et, si je me fie sur votre mémoire, vous autres, vous seriez sans cesse en augmentation.

M. Savard (Carl): M. le ministre, c'est qu'aussi il y avait eu un article par rapport à la SAAQ qui disait que les champions qui étaient en tête pour l'alcool au volant...

M. Chevrette: ...juste 30 secondes pour pas faire une longue discussion là-dessus. Est-ce que ça comprend les arrestations?

M. Houde (Michel): Les chiffres qu'on vous a donnés, c'est des chiffres des années 1993 et 1997. En 1998, on a un accident mortel qui implique des facultés affaiblies sur un total... Bien, en fait, cette année-là, on a eu peut-être deux accidents mortels. En 1999, on a encore un accident mortel qui implique des facultés affaiblies. Nous autres, la fluctuation, c'est de un à six annuellement. On a des années à six, on a des années à un. Et c'est sûr qu'on a... Ce que vous dites, ce qu'on... On l'a constatée, l'amélioration des chiffres, mais est-ce que c'est une vraie amélioration ou est-ce que c'est parce qu'on a fait plus d'opérations les dernières années avec la campagne Pas alcool? Moi, j'aimerais qu'on me dise de quelle manière on peut sortir des statistiques précises sur l'alcool au volant. À moins de ceinturer toutes les villes pendant une semaine et de faire passer des tests de dépistage à tous les conducteurs, c'est très difficile. Et c'est les...

M. Chevrette: Non, mais les décès, il y a toujours ? comment qu'on appelle ça, donc? ? une expertise qui se fait sur le corps d'un décédé ou bien sur celui qui l'a frappé, et, à partir de cela, on peut savoir avec assez de justesse, au niveau des statistiques, quels sont ceux qui présentent un taux d'alcoolémie par rapport à ceux qui ne le présentent pas. Et c'est pour ça qu'on vous dit qu'il y a eu une amélioration. D'ailleurs, la preuve, c'est que le bilan routier est passé de 2 000 à 750. Ça doit être parce qu'il y a eu une amélioration en quelque part, là.

M. Savard (Carl): Tant mieux, M. le ministre, s'il y a amélioration au niveau du Québec puis tant mieux si, dans la région chez nous, il y a une nette amélioration...

M. Chevrette: C'est parce que je voudrais pas que votre région passe pour bien, bien pire que les autres.

M. Savard (Carl): Non, c'est pas ça, M. le ministre, c'est tout simplement... C'est que la SAAQ a publié certains chiffres... Puis je l'ai pas sur moi, mais ça disait que les champions au niveau de l'alcool sont... ont battu la Beauce, c'est le Saguenay?Lac-Saint-Jean. Je trouvais ça assez rock'n'roll, puis je me suis dit... Oui, j'ai eu la même réaction que vous, M. le ministre, je me suis pas trop, trop, trop senti à l'aise avec ça. Puis, c'est jamais le fun d'être premier dans de telles circonstances, je pense qu'on peut l'être dans d'autres choses, qui est beaucoup plus valorisant.

Moi, M. le ministre, par rapport au «no fault» aussi, ce que c'est que la ville de Chicoutimi dit, on dit que... Tantôt, on parlait de... que les gens, on parle d'indemnités, d'indemniser les gens qui causent des accidents et qui se blessent. Je pense, entre autres... On pourrait relever le passé, M. le ministre... M. le Président, excusez, par rapport à certains accidents qu'il y a eu sur le territoire, sur la route de l'Église, ici aussi, quand on a eu à un moment donné quatre jeunes adolescents, l'affaire Galipeau... On les nommera pas tous. Nous, ce qu'on dit, si la SAAQ, les argents qu'elle peut sauver par rapport à l'indemnité... À ce moment-là, t'as commis un acte criminel, t'as des conséquences, t'es reconnu coupable, je pense qu'on n'a pas à payer pour toi. Ça, en tout cas, nous autres, on se dit... À ce moment-là, on se dit que la pénalité est quand même là. O.K.? Puis on dit peut-être, comme tantôt je le disais: C'est vrai... Et c'est vrai qu'il y a des familles concernées, mais c'est vrai qu'il y a des familles de concernées dans les deux côtés.

Puis, des fois, il y a des personnes qui vivent, je dirais, la dèche, qu'on vit dans la misère noire. Le bon père de famille va partir, va aller faire un vol à main armée, mais il mettra pas de balles dans le fusil, rien, M. le ministre, puis il voulait pas commettre un meurtre, absolument rien de ça, mais il a commis un geste qui est criminel. Donc, il va vivre avec ses conséquences. Donc, les argents qu'on dit que la SAAQ pourrait sauver, pourquoi pas l'investir dans nos corps de police? On parle de 10 à 15 millions par année. À ce moment-là, avoir peut-être une escouade, justement, sur certains territoires problématiques au Québec. J'espère, en tout cas, que ça sera pris en considération pour la région du Saguenay.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez fait des démarches auprès du gouvernement central, au fédéral, concernant le dépistage systématique que vous proposez? Parce que vous savez que ça relève de la loi fédérale, est-ce que vous avez fait des démarches?

n(11 h 30)n

M. Houde (Michel): On n'a pas encore fait des démarches là-dessus, parce que je pense qu'on va commencer par se concerter au niveau de la province. Parce que ce qu'on demande au niveau... ça s'adresse au fédéral et c'est un petit peu contraire à certaines dispositions de la Charte, un petit peu comme notre article 636 du Code de la sécurité routière qui nous permet d'intercepter au hasard... C'est bien évident que, quand on parle d'alcool au volant et quand on parle d'indemnisation, la province subit les conséquences de tout l'appareil judiciaire, la lourdeur. C'est évidemment... Il y a des... C'est ce que propose l'Association canadienne des chefs, de réduire un petit peu le fardeau de la preuve et de se servir de l'appareil de détection d'alcool, de diminuer... parce que nos appareils sont constamment contestés. Puis ça serait même curieux d'asseoir toutes les organisations policières pour savoir qui utilise les ADA et dans quelle proportion. Il y a même des organisations policières qui ne font pas du tout respecter le zéro alcool qui est... l'accès graduel à la conduite qui est une mesure qui a été très intéressante pour les services de police. Donc, on est loin de... Je pense qu'on est mieux de se concerter ensemble et de demander d'une seule voix des modifications législatives.

M. Chevrette: Mais, M. Savard...

M. Savard (Carl): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: ...vous avez parlé beaucoup de criminaliser l'alcool. C'est criminel. Le 0,08, c'est un acte... c'est criminalisé. En haut de ça, c'est criminel. Ce que sous-tend votre insistance là-dessus, alors que c'est déjà dans le Code criminel... Je voudrais lire dans vos pensées ou bien dans les paroles que vous allez me donner là-dessus.

M. Savard (Carl): M. le ministre, on sait tous que... Oui, tout le monde autour de la table, ici, on est tous d'accord que c'est vraiment criminel, l'alcool au volant. On le sait. Pourquoi, M. le ministre, aujourd'hui, on voit tant de personnes qui n'en tiennent pas compte? C'est là, la question. Je suis d'accord. Je vous parle du territoire du Saguenay. O.K.? Moi, ce que je dis: O.K., si c'est criminel... Puis je le redis: Je le sais que c'est criminel, mais, les gens, dans leur tête, la personne part pas faire un crime, là. C'est pas un crime que tu veux commettre, là. Ça, on est tous conscients de ça. Donc, le crime perd de sa force. O.K.?

M. Chevrette: Vous faites une différence entre première infraction...

M. Savard (Carl): Moi, je veux en venir à l'indemnité, M. le ministre.

M. Chevrette: Non, mais... Je sais, mais je veux... Vous l'avez dit tantôt, ça. Est-ce que vous faites une différence entre une première infraction et une récidive?

M. Savard (Carl): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Savard (Carl): Oui, M. le ministre, on peut faire une différence. On l'a dit tantôt. Puis, quand tantôt on vient de dire: C'est criminel mais, par contre, c'est pas voulu. O.K.? La personne... On est tous des humains, on a tous nos tolérances, puis des fois ça peut arriver qu'on se laisse aller. O.K.? Puis je pense que ça fait partie de la nature humaine. Je dis: Oui, je suis sûr que la SAAQ pourrait avoir un procédé, une façon de faire que, la première fois qu'il t'arrive quelque chose, puis c'est la première fois que ça t'arrive, à ce moment-là elle pourrait être beaucoup plus indulgente que pour celui-là que ça fait deux, puis trois, puis quatre, puis cinq fois. Parce que la seule façon, M. le ministre, de faire comprendre les gens que ça fait deux, trois, puis quatre, puis cinq fois, c'est le portefeuille.

M. Chevrette: En juin, on a adopté une législation ? à peu près tous les mêmes parlementaires qui sont ici ? où on axait beaucoup sur la prévention. Dès la première infraction, on dit: Il y a une certaine prise en charge, il y a une obligation de... Parce qu'il y a des gens qui sont aux prises avec des problèmes puis ils savent même pas qu'ils ont un problème. Donc, ça va donner ses effets dans quelques mois, sans doute.

Mais je voulais bien comprendre si vous faisiez... à savoir si vous faisiez la différence, la distinction entre une récidive et une... Parce que, jusqu'à date, les groupes sont très forts... tous les commentaires portent surtout sur les récidives. Je voulais savoir si vous faisiez une distinction au départ. Parce que les parlementaires... Cet après-midi, j'ai une proposition à faire aux parlementaires sur l'ensemble des pénalités ou des récidives. Je veux vraiment que la commission parlementaire participe à ce débat-là. C'est pas facile de jauger...

M. Savard (Carl): Je suis d'accord avec vous, M. le ministre.

M. Chevrette: ...ou de lancer des scénarios qui peuvent être démesurés dans un sens comme dans l'autre.

Est-ce que vous considérez que l'alcoolisme, c'est une maladie?

M. Savard (Carl): M. le ministre, je considère que l'alcoolisme est une maladie. Et je peux vous dire: Même dans ma propre famille, j'ai des gens alcooliques. O.K.? Je pense que chaque Québécois, chaque famille du Québec ne peut... Je pense que chacun a son alcoolique dans chaque famille. Puis la famille de Carl Savard est pas différente des autres, mes ancêtres, etc.

M. Chevrette: Non, mais je disais pas ça...

M. Savard (Carl): Mais, par contre, je vous dis, M. le ministre... je le comprends, mais je comprends un petit peu à quel endroit vous voulez m'emmener. Vous voulez m'emmener, tout probable, en disant que, oui, c'est une maladie. Une maladie, de quelle façon on la traite? Je vous dirais, M. le ministre, à ce moment-là, un diabétique, c'est une maladie aussi. Mais, si la personne ne se pique pas, elle va vivre avec les conséquences de pas le faire. O.K. Mais si la personne est alcoolique...

M. Chevrette: Non, mais s'il le fait. Le diabétique qui tomberait en coma de diabétique sur la route puis qui fauche un autre, c'est un type malade qui a fauché quelqu'un. Là, j'essaie pas de... j'essaie pas de...

M. Savard (Carl): Je vous comprends, M. le ministre, je le...

M. Chevrette: J'essaie de vous faire comprendre que...

M. Savard (Carl): Vous voulez me faire comprendre que l'alcoolisme, c'est une maladie puis, à cause que c'est une maladie, donc, on devrait dire, dans le fond: Bien, c'est pas grave, c'est pas trop grave.

M. Chevrette: Non, c'est pas... non.

M. Savard (Carl): Bien, je le sais pas, M. le ministre, c'est la façon que je le perçois.

M. Chevrette: Bien là, contentez-vous de donner votre opinion puis pas d'appréhender les miennes.

M. Savard (Carl): Oui. Pas ma perception? Ha, ha, ha! En tout cas, c'est mon opinion, la façon que je le perçois.

M. Chevrette: Moi, je pense qu'il y a une différence, il y a une différence entre prendre quelqu'un en charge dès le départ et s'il récidive.

M. Savard (Carl): Oui, c'est vrai qu'il y a une différence, M. le ministre.

M. Chevrette: Parce que ça pourrait être un étudiant, par exemple, un party de fin d'année, des jeunes qui se pensent bien en forme, puis qui se pensent bien en deçà de 0,08, puis qui sont à 0,085 ou 0,09. On se comprend là-dessus?

M. Savard (Carl): On se comprend très bien.

M. Chevrette: Puis c'est pas nécessairement des alcooliques, ça.

M. Savard (Carl): Je le sais.

M. Chevrette: Donc, une récidive, c'est différent.

M. Savard (Carl): Oui.

M. Chevrette: Si t'as déjà eu... t'as plaidé coupable à une accusation d'être en état d'ébriété, puis tu récidives, ça, c'est une autre paire de culottes, puis je dois vous dire qu'on va vraiment s'interroger, comme parlementaires, sur ces dimensions-là. Mais ce que je veux bien faire comprendre, c'est qu'on peut pas... on peut pas à la fois dire que c'est des maladies, pas rien faire pour guérir, pas rien faire pour prévenir, puis juste sanctionner.

Parce qu'il y en a qui voudraient qu'on fasse des procès tous les jours. Des procès, c'est pas plus payant pour un corps policier, ça, vous tenir dans la boîte à témoin à témoigner, là, face à des avocats, puis c'est pas payant pour un corps policier local, ça, c'est payant pour l'avocat.

M. Savard (Carl): M. le ministre, O.K., on se rejoint là-dessus.

M. Chevrette: Oui, c'est correct, c'est ça que je voulais savoir.

M. Savard (Carl): Moi, je vous dis... Non, non, on se rejoint là-dessus, mais je vous dis que les procès... Bien, moi, je dis: Je viens pas ici pour défendre les avocats du Québec, là. O.K.? Moi, ce que je veux puis ce que j'aimerais, c'est que la personne qui commet un acte criminel ait les conséquences en fonction, puis que les impôts des Québécois servent pour des causes qui sont justes, tout simplement.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup.

M. Savard (Carl): C'est tout simplement ça, M. le ministre. Merci.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de... Oui? Oui, oui, il reste encore du temps, oui.

M. Chevrette: Oui, mais... Je m'excuse, j'ai un Conseil des ministres, puis j'ai des dossiers au Conseil des ministres, je suis obligé de quitter, mais je vous lirai, suite aux savantes questions que vous poseront mes collègues.

M. Savard (Carl): Parfait, M. le ministre, je vous remercie.

M. Chevrette: Je vous souhaite un bon voyage de retour. Merci.

M. Savard (Carl): Merci.

Une voix: Est-ce qu'on complète?

Le Président (M. Lachance): Comme vous voudrez avec...

Une voix: Moi, j'ai aucun problème...

Le Président (M. Lachance): O.K. Allez-y, M. le député.

M. Deslières: Alors, une courte question, M. le Président. Merci, M. Savard et M. Houde, d'être venus à la rencontre de la commission. Et on sent votre grande préoccupation concernant toute la question de l'alcoolisme au volant, là. Et vous nous avez dit dans votre présentation: Écoutez, les Québécois sont prêts à être responsabilisés.

Une voix: Oui.

M. Deslières: Bon. Et vous avez développé un petit peu... puis on l'entend, je l'ai lu dans d'autres mémoires, puis on a entendu d'autres témoignages en disant: Écoutez, là, il y a une responsabilité collective en amont de l'acte. Puis vous pouvez pas être... Vous corrigerez mon interprétation, là. Et vous nous dites: Il y a une responsabilité collective en amont de l'acte, de l'accident ou de... Ce qu'on cherche ici, là, et vous le cherchez aussi, et des deux côtés de la Chambre, là, parce que c'est complexe, c'est pas facile, vous en conviendrez, bon.

Comment... Je vais essayer d'être clair. Comment peut-on dire ça? Je vais vous donner un exemple: On est ensemble, on prend une bière, je vous quitte, vous continuez avec un autre ami, dans un autre endroit, à prendre une deuxième bière, vous avez une autre rencontre sociale, vous continuez d'en consommer avec d'autres, un autre groupe dans un autre lieu, etc., et la journée, la soirée se déroule, puis vous revenez chez vous, vous avez un accident, vous frappez, vous tuez quelqu'un. Et si je vous comprends bien, moi, dans cette situation-là, j'ai été à même de la situation parce que j'ai pris une bière avec vous, le deuxième a pris une deuxième bière avec vous, puis le troisième, mais moi, je le sais pas, ce que vous avez fait après. Puis on peut renverser les rôles, hein, M. Savard, c'est l'exemple. Bon.

Comment est-ce qu'on peut trouver un élément de solution applicable et pratique pour dire: Ouais, mais ça, là, on est tous responsables de ça. Vous comprenez? Dans le temps et dans le... Je vous laisse aller.

n(11 h 40)n

M. Savard (Carl): Je pense... En tout cas, moi, ma pensée, O.K., c'est qu'on est ici, une gang de collègues ensemble, et on prend un verre ensemble, on fait un 5 à 7, O.K. La chose que je veux dire, puis je veux être clair: On le sait quand une personne a passé le 0,08, on le sait très bien, c'est facile à voir. Mon rôle à titre social, c'est de dire: Aïe, on va se prendre... tu devrais te prendre un taxi, tu devrais pas toucher à ta voiture.

M. Deslières: Oui. Mais regardez, M. Savard, là vous me parlez d'un endroit où tout le monde est ensemble pendant quatre, cinq heures ensemble, puis là, bien, on va aller louer un char. Mais là, moi, je vous parle d'un phénomène où on change de... ça doit arriver, d'une place à l'autre, puis d'une soirée à l'autre, des activités à l'autre. Puis là, tu sais, il en a-tu pris quatre bières ou six bières? Il a-tu pris trois bières? Tu sais... je veux dire... à un moment donné, là, c'est pas facile.

M. Savard (Carl): Mais on peut pas le savoir, monsieur, on peut pas le savoir, s'il en a pris deux, ou trois, ou quatre, ou cinq, ou six, là.

M. Deslières: Bon. Et là, c'est le 0,08, c'est le 0,10...

M. Savard (Carl): C'est ça, c'est le 0,10. Oui, c'est ça.

M. Deslières: ...puis là on voit bien qu'à un moment donné ça... Mais la marge, là, la zone grise où on dit: Oups, un instant, là... Moi, je peux pas savoir ce que vous avez fait, vous êtes pas à quatre pattes, là, vous êtes pas... vous n'avez six bières dans le corps. Qu'est-ce que je fais, là? Qui je responsabilise, là? Jusqu'où va la non-responsabilité de la personne qui prend l'acte, parce qu'elle le sait, elle? S'il y a une personne qui le sait, en tout cas, à un moment donné, qu'elle en a pris cinq ou six, ou deux bouteilles de vin, ça doit être la personne elle-même, là, franchement.

M. Houde (Michel): Moi, je pense que c'est par... la proposition qu'on vous fait, c'est par remonter l'historique de consommations.

M. Deslières: Là, vous me parlez de chaîne de consommations, monsieur.

M. Houde (Michel): Bon. Ça veut dire que si, par exemple, j'interviens comme policier dans un dossier de cette nature-là, je vais à tous les endroits que vous avez fréquentés avant votre arrestation. Ce que j'ai présentement devant le tribunal, c'est que monsieur conduisait de gauche à droite, il sentait la boisson, il a soufflé dans l'ADA et, suite à ça, il a été conduit au poste. Mais tout ce dont vous venez de parler, je l'ai pas. Et ça peut être un acte isolé, un soir, comme ça, ça pourrait nous documenter sur l'individu, ça pourrait documenter la SAAQ sur l'indemnisation là-dessus.

M. Deslières: J'en disconviens pas, M. Houde, mais là où M. Savard veut nous amener... puis c'est un point de discussion... Écoutez, on en a discuté au cours des dernières années, c'est un point important.

M. Houde (Michel): Vous voulez parler de la responsabilité de certains individus, là?

M. Deslières: Oui.

M. Houde (Michel): Bon. Bien, par exemple, vous venez chez moi, puis je suis la dernière halte. Je vous vois arriver. Là, si vous êtes...

M. Deslières: Vous êtes pas le premier.

M. Houde (Michel): Je suis pas le premier. Mais le premier...

M. Deslières: Non, mais parlez-moi des premiers.

M. Houde (Michel): Le premier, je le rencontre, il dit: Effectivement, tel monsieur est venu ici, il a pris un verre. Bon. Comment il vous semblait? Il semblait avoir pris un verre, pas plus que ça. Ça peut pas aller plus loin que ça. Sauf que l'individu qui va être confronté à cette personne-là ou le détenteur d'un permis d'alcool qui va être confronté avec cet individu-là avec d'autres témoins, on va être en mesure de dire: Bien, écoute, c'était flagrant que cet individu-là n'était plus en état de conduire.

M. Deslières: Si c'était flagrant, M. Houde, ça va bien.

M. Houde (Michel): Oui.

M. Deslières: Mais essayez, là, dans un bar, dans une situation où il y a 100 personnes...

M. Houde (Michel): Ah oui, je suis d'accord avec vous.

M. Deslières: ...il y a trois waiters...

M. Houde (Michel): La zone grise, c'est la zone dans laquelle on évolue constamment, en facultés affaiblies, nous autres.

M. Deslières: Mais c'est parce que... Oui.

Le Président (M. Lachance): M. le député, c'est complété, le temps, votre temps.

M. Deslières: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue, MM. Houde et Savard, en commission parlementaire. Votre mémoire rejoint de nombreux mémoires qui ont été déposés concernant principalement: Devrait-on ou pas indemniser le criminel au volant? Devrait-on ouvrir des poursuites possibles contre ce criminel-là?

Je veux en venir immédiatement au point où le député de Salaberry-Soulanges a amené la responsabilisation des tiers. Quant à moi, la zone grise, il y en a pas de zone grise, il faudrait tout simplement prendre des gens dont l'état évident d'ébriété... parce que, là, peut-on responsabiliser les tiers sur... peut-être que oui, peut-être que non. Mais au moins dans les cas où il y a une évidence totale que celui qui est... il est bien soûl, il est pas capable de marcher sur la ligne blanche, même pas dans un espace de stationnement de 8 pi au complet sans marcher droit, là, ça, c'est évident, c'est évident.

Et puis j'ai bien aimé ce passage-là, puisqu'on l'a soulevé en commission parlementaire, on l'a soulevé au salon bleu aussi que responsabiliser les tiers, ça serait une chose possible, c'est une chose possible. Et, dans ce cas-là, croyez-vous que les pénalités devraient être aussi élevées que pour le criminel au volant ou au moins juste une mesure dissuasive pour au moins, si le type voit sa photo dans un journal disant qu'il a pas pris ses responsabilités de citoyen... Quel ordre de pénalités pourrait-on voir pour une responsabilisation des tiers qui serait adéquate et non pas exagérée, là?

M. Houde (Michel): Dans un dossier que j'ai pas eu la chance de lire au complet, mais je discutais avec le procureur de la couronne, on... c'est deux personnes qui se connaissent qui ont un accident, les deux sont en état d'ébriété. Il y en a un qui a demandé à l'autre de quitter les lieux, il a dit: Je vais m'arranger avec le reste. À ce moment-là, il y a eu des accusations de portées contre les individus, un pour avoir complicité. Donc, tout l'appareil, le Code criminel peut s'appliquer sur diverses formes. On n'a pas nécessairement besoin de créer des nouvelles infractions. La complicité de commettre un crime.

M. Brodeur: Si on prend, par exemple, les deux gars soûls au bar, puis un dit: Prends mes clés puis, merci, tu me ramèneras mon auto demain. Donc, celui-là serait aussi admissible.

M. Houde (Michel): Il pourrait être accusé de complicité. Oui, oui.

M. Savard (Carl): ...de complicité.

M. Brodeur: Bon, parfait. Juste un détail. Le ministre a sauté sur l'occasion immédiatement. En début de votre mémoire, vous disiez que 52 % des accidents dans votre région... Est-ce que c'est seulement à Chicoutimi que les accidents...

M. Savard (Carl): Non, dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, M. le député.

M. Brodeur: Au complet. Donc, 52 % des accidents...

M. Savard (Carl): C'est-à-dire un accident mortel...

M. Houde (Michel): Mortel implique l'alcool.

M. Brodeur: Mortels?

M. Savard (Carl): Mortels.

M. Brodeur: Et, avec blessés, est-ce qu'il y a des...

M. Savard (Carl): Je n'ai pas les données, M. le...

M. Brodeur: Vous avez des données?

M. Houde (Michel): Non, ça, je ne les ai pas, ces données-là. J'ai seulement les morts.

M. Savard (Carl): Oui, les morts.

M. Brodeur: Pardon?

Une voix: ...

M. Brodeur: O.K. Donc, je pense que c'est un message concret à la Société de l'assurance automobile, pour les gens qui sont assis en arrière, de prendre des mesures particulières dans votre secteur. Le ministre vous a posé une question directe tantôt, parce qu'il y a des conséquences à ça aussi, concernant la prévention. Est-ce que vous avez dit que l'alcoolisme était une maladie? Vous avez parlé de diabétique; on peut parler aussi...

M. Savard (Carl): Peu importe la maladie, M. le député.

M. Brodeur: ...d'épilepsie parce qu'on sait que les gens qui ont une maladie qui est jugée incompatible avec la conduite au volant, on leur retire leur permis de conduire, ce qu'on ne fait pas avec les alcooliques au volant. Donc, il y a une incohérence totale en ce sens-là. Donc, si on considère l'alcoolisme comme une maladie, donc on pourrait en reconnaître un paquet de malades, est-ce que vous suggérez qu'on leur enlève carrément leur permis?

M. Savard (Carl): Carrément, M. le député.

M. Brodeur: Carrément le permis jusqu'à temps qu'ils aient prouvé...

M. Savard (Carl): Justement.

M. Brodeur: ...qu'ils soient en abstinence, parce qu'on sait que l'alcoolisme, c'est une maladie qui demeure jusqu'à la fin...

M. Savard (Carl): En fait, le seul problème d'un alcoolique, c'est l'alcool. Enlevez-lui l'alcool, il n'en a plus de problème.

M. Brodeur: C'est ça. Donc, vous suggérez carrément qu'il y ait des mesures qui soient prises.

M. Savard (Carl): C'est clair.

M. Brodeur: C'est clair. Pour résumer votre mémoire, parce que votre mémoire a des similitudes avec beaucoup de mémoires qu'on a déposés, on peut tenir en compte que, un, celui qui est criminellement responsable, on doit revoir son indemnisation ou l'abolir totalement.

M. Savard (Carl): Oui, monsieur.

M. Brodeur: Deuxièmement, est-ce que c'est clair aussi que vous préconisez que les victimes, et la victime au sens élargi aussi, par exemple, les parents d'un enfant qui s'est fait tuer par un alcoolique, aient un droit de poursuite contre cette personne-là?

M. Savard (Carl): Bien, moi, M. le député, je vais jusque-là. On va jusque-là, nous autres, parce qu'on sait très bien que le parent... Puis, tantôt, M. le ministre disait: Oublions les émotions, oublions le fait qu'on soit pris de telle ou de telle chose; c'est émotif. Je vous ferai remarquer que la perception que les parents des victimes ont, c'est pas une perception d'accident, c'est une perception d'acte criminel. Donc, c'est sûr à titre d'humain. O.K. Moi, c'est les personnes, les parents que j'ai rencontrés suite à des accidents mortels. Les gens me disaient: Carl, j'aimerais ça pardonner. Ça me ferait du bien, je feelerais mieux, mais, mon problème, je suis pas capable. Puis il dit: En plus, la SAAQ peut même pas m'aider parce que c'est moi qui est le parent, c'est pas moi qui est impliqué dans l'accident. C'est terrible, ça, monsieur.

M. Brodeur: On peut parler d'apparence de justice, au moins, dans la société.

M. Savard (Carl): Bien, moi, ce que je dis: Notre monde est fait de gens, est fait d'humains, et l'humain, dans sa tête, dans sa sagesse, en tout cas dans son entité, O.K., s'il y a un mot qui est merveilleux, c'est bien le mot «humain», mais le mot «humain», il y a des sentiments, il y a des choses qui vibrent en dedans, puis c'est ça qui fait qu'on vit le monde d'aujourd'hui, puis c'est ça qui fait qu'on change des choses, puis c'est ça qui fait qu'on va de l'avant. Moi, je dis: Vive l'humain, puis ayons pas peur d'exprimer les choses qu'on ressent à l'intérieur, puis allons de l'avant.

M. Brodeur: Tout ça en tenant compte, comme vous l'avez dit auparavant, du degré de faute. On parlait de récidiviste et de non-récidiviste.

M. Savard (Carl): Oui, M. le député.

M. Brodeur: Donc, on devrait avoir comme un meurtre, par exemple, au premier degré, deuxième degré, troisième degré, tout dépendant des antécédents de ce criminel au volant là, pour y aller de peines qui sont correspondantes...

M. Savard (Carl): Oui.

M. Brodeur: ...à un premier degré, un deuxième degré ou un troisième degré.

M. Savard (Carl): Bien, si, M. le député, on réussissait à avoir une telle chose, ça serait déjà un gros, gros pas.

M. Brodeur: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous remercie. M. le député de Rivière-du-Loup, avec le consentement des membres de la commission, oui, vous avez le temps.

n(11 h 50)n

M. Dumont: Oui. D'abord, je souhaite la bienvenue aux gens de Chicoutimi. Ma question se relie à ce que vous avez exprimé tout à l'heure concernant les statistiques particulières de la région. Est-ce qu'il y a des mesures... À votre connaissance, est-ce qu'il y a des mesures particulières qui ont été prises concernant l'alcool au volant dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean? Je pense que c'est la région... la première région au Québec en termes de taux d'accidents liés à l'alcool. Est-ce que la SAAQ a pris, à votre connaissance, des mesures particulières?

M. Houde (Michel): Comme service de police, nous, on a pris des mesures particulières pour le territoire que nous desservons. On a triplé nos interventions, c'est-à-dire nos barrages, qui ciblaient l'alcool au volant et, ça, ça a toujours été fait avec une publicité avant. Donc, pendant des périodes très structurées, on a fait des barrages avec beaucoup de personnel sauf que, comme on le disait tantôt à la commission, c'est difficile de maintenir le rythme quotidiennement au niveau de ces interventions-là.

M. Savard (Carl): Mais c'est plus local, des interventions locales.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Houde et Savard, pour votre présentation ici, à cette commission parlementaire.

Et là-dessus, je suspends les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, après les affaires courantes, dans un autre endroit qui est la salle du Conseil législatif.

(Suspension de la séance à 11 h 51)

 

(Reprise à 15 h 37)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec. Alors, je rappelle aux personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire pendant la séance, s'il vous plaît. Cet après-midi, nous entendrons tour à tour Me Marc Bellemare et, par la suite, M. Daniel Gardner, pour terminer ces travaux qui ont débuté il y a déjà quelques semaines.

Alors, bienvenue, Me Bellemare, et vous connaissez les règles du jeu: vous avez 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

M. Marc Bellemare

M. Bellemare (Marc): Merci. Alors, membres de la commission des transports et de l'environnement, MM., Mmes les députés, M. le Président, depuis une vingtaine d'années, j'ai été de toutes les commissions parlementaires, des commissions de consultation générale chargées de revoir les régimes d'indemnisation et je travaille au quotidien avec les victimes de toutes sortes, peu importe l'origine, peu importe la classe, peu importe la région du Québec, même des victimes hors Québec, peu importent les régimes d'indemnisation, qu'ils soient publics ou privés, et j'ai eu l'occasion de présenter des arguments devant plusieurs ministres des deux grands partis politiques du Québec. Et j'ai pris connaissance de ce que M. le ministre des Transports a dit depuis le 11 septembre dernier, qu'il a fait son allocution d'ouverture, et j'ai rarement entendu... et je n'ai jamais vu et entendu un ministre des Transports dire autant de choses inexactes, se tromper sur autant de dossiers et connaître si peu le régime d'indemnisation qu'il est en principe chargé d'étudier.

Je vais vous donner quelques exemples de ça pour vous montrer jusqu'à quel point il connaît pas son affaire. Ce matin...

n(15 h 40)n

Le Président (M. Lachance): ...Me Bellemare, que, comme président de cette commission, je n'accepterai pas que cette séance tourne au cirque. C'est pas une place pour faire un spectacle. Alors, il y a des règles à suivre ici, il y a un décorum. Je fais appel à votre bonne volonté.

M. Bellemare (Marc): Vous allez l'avoir, vous l'avez déjà. Je vous dis que le ministre des Transports, qui est en principe le ministre responsable de la SAAQ, dit des choses qui sont inexactes. Et, pas plus tard que ce matin, il a répondu à M. O'Driscoll, représentant du Collège québécois des médecins de famille, que la SAAQ...

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Président (M. Lachance): Sur une question de règlement?

M. Chevrette: Un instant, M. Bellemare, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lachance): Sur une question de règlement?

M. Chevrette: Oui. M. le Président, quand on invite un témoin, il est là pour donner son point de vue sur le régime et répondre à la question qui est posée à partir du livre vert. Il n'est pas là pour faire...

Une voix: ...

M. Chevrette: J'ai pas fini, je m'excuse, je parle au Président. M. le Président, vous devez faire respecter cela, M. Bellemare doit carrément donner son opinion sur le livre vert en discussion. C'est pour ça qu'il a été convoqué. Il a avisé tout le monde qu'il s'en venait faire un spectacle, on l'a su via l'opposition puis quelqu'un qui a... que cet après-midi il ferait une grande démonstration. Mais il serait beaucoup plus sérieux s'il donnait son point de vue...

M. Brodeur: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Une à la fois.

M. Chevrette: ...sur le document de... sur la question de consultation, M. le Président. Ça serait plus sérieux.

M. Brodeur: Question de règlement, M. le Président. La question est bien simple. Il y a aucun avis qui a été donné de la part de la Chambre, donc normalement on n'aurait pas dû commencer. Donc, il va falloir attendre un peu que l'avis soit donné, M. le Président. Donc, on reviendra là-dessus dans quelques instants.

Le Président (M. Lachance): Là-dessus, M. le député et porte-parole de l'opposition, j'ai pris la précaution de vous demander si vous étiez prêt pour qu'on commence. Vous m'aviez donné le consentement, et j'ai cru comprendre à ce moment-là qu'on pouvait débuter. Alors...

M. Brodeur: ...M. le Président, que l'avis avait été donné par la Chambre et que nous fonctionnons selon les règlements. Donc, ce que je suppose, M. le Président, on devrait recommencer et supposer que les interventions seront faites de la façon prévue au règlement.

Le Président (M. Lachance): C'est exactement ce que je souhaite. Et je comprends que vous retirez votre accord, votre consentement. Et nous allons suspendre les travaux.

(Suspension de la séance à 15 h 42)

 

(Reprise à 15 h 53)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux avec le mandat de la commission, qui est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec. Alors, je vais indiquer à ce stade-ci que c'est ce document qui sert de base pour les échanges, pour les discussions, pour les commentaires, et ce n'est pas les discussions de corridor ou ailleurs de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. Je vais aussi faire respecter le décorum et, en particulier, j'attire l'attention sur l'article 35 de notre règlement, au point 6°: «On ne peut imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole.»

Alors, là-dessus, encore une fois, je demande la collaboration de tout le monde dans cette salle pour que les choses se déroulent bien au cours des prochaines minutes. Me Bellemare, vous avez la parole.

M. Bellemare (Marc): Alors, contrairement à ce que M. le ministre disait ce matin, la CSST n'a pas augmenté son taux de cotisation pour faire en sorte que les indemnités versées aux victimes le soient dès le lendemain de l'accident, parce qu'à la CSST il y a pas de délai de carence de sept jours avant de toucher une indemnité. La CSST, contrairement à ce que M. le ministre disait ce matin, a accordé une baisse de taux de cotisation depuis 1993. Alors, si la CSST a pu faire des surplus importants au cours des dernières années et accorder aux employeurs cotisants des rabais importants en termes de cotisation, on comprend mal comment la SAAQ, avec tous les surplus qu'elle a faits jusqu'à cette année, n'a pas encore compris, 22 ans après l'adoption de la loi, que les accidentés de la route, tout comme les victimes du travail et les victimes d'actes criminels, devaient être indemnisés dès le lendemain de l'accident.

C'est une des difficultés qu'on a en assurance automobile, le délai d'une semaine qui n'est pas payé. Les victimes rongent leur frein pendant cette semaine-là. On va nous dire: C'est juste une semaine. Mais un père de famille qui perd une semaine de salaire puis qui est à l'hôpital en incapacité de travailler, c'est quand même beaucoup, et quelqu'un qui est arrêté de travailler pendant un mois et dont on paie uniquement trois semaines d'incapacité, alors que dans la réalité il a quatre semaines de salaire perdues, bien, c'est plus 90 % du revenu net qui est compensé, là, c'est beaucoup moins que ça.

Autre chose que je voudrais dire à la commission et qui a fait l'objet de certaines déclarations du ministre des Transports, c'est concernant les proches des victimes. M. Serge Bergeron, le père de Sophie, qui a été tuée par un chauffard, s'est présenté devant cette commission; Mme Lucie Dion, mère de Stéphane Dion, est également venue présenter ses arguments à la commission pour demander que la Loi sur l'assurance automobile reconnaisse un statut aux proches des victimes, parce que, actuellement, si votre enfant est sur le point de se faire tuer par un chauffard au Québec et que vous n'êtes pas présent sur les lieux de l'accident ou dans le véhicule, la loi, en principe, ne vous donne aucun statut. Alors, les parents des victimes, les proches des victimes sont venus vous dire: Modifiez la loi et faites en sorte que les proches des victimes aient un statut.

Lorsque Mme Dion s'est exprimée, le ministre des Transports lui a dit: Nous avons modifié la loi pour prévoir que les proches des victimes aient un statut. Même chose à M. Serge Bergeron: Nous avons modifié la loi. J'ai tout le scriptum de la déclaration du ministre ici. Or, dans les faits, c'est totalement faux, il n'y a qu'une directive interne qui a été adoptée, semble-t-il, le 5 avril 2000. Une directive interne, ça n'a aucune valeur en termes de sécurité et de garantie. J'imagine que le ministre des Transports, après 25 ans d'expérience politique, sait la différence entre une loi puis une directive, mais je le pensais jusqu'au 12 septembre, quand il a dit ça aux deux personnes qui se sont adressées à la commission. Une directive interne, ça vaut pas plus cher que le papier sur lequel c'est imprimé.

Et c'est la loi qu'il faut modifier, parce qu'une directive interne ça se change. Et, quand on est en déficit de 200 millions par année, les directives, ça vaut pas cher. On doit resserrer les contrôles, et ce type de directives là, à mon sens, ne présente aucune espèce de garantie ou d'assurance que les proches des victimes seront indemnisés. Si le ministre veut véritablement donner un statut aux proches des victimes, qu'il change la loi puis qu'il vienne pas nous parler de directive adoptée par un vice-président de la SAAQ, qui n'est pas un élu et qui n'a pas le pouvoir de modifier la loi.

Deuxième chose là-dessus. Mme Dion a bien demandé à M. le ministre: Qu'est-ce que vous allez faire pour la rétroactivité? Parce qu'à partir du moment où, le 5 avril 2000, vous dites dans une directive que les proches des victimes ont un statut et qu'ils ont droit d'être indemnisés et dans la mesure où cette directive-là n'est rien de moins qu'une interprétation de la loi depuis 1978, qu'est-ce que la SAAQ va faire pour les parents, les proches des victimes qui ont été floués depuis 1978, qui ont perdu des enfants criminellement ou autrement, qui n'ont reçu aucune indemnité et qui n'ont aucun statut en vertu de cette loi?

Alors, M. le ministre n'a pas répondu. Je lui repose la même question, j'espère que tantôt il va trouver le temps de nous dire ce qu'il entend faire avec cette directive-là et ce qu'il entend faire avec tous les pères et mères de gens qui ont été blessés ou tués sur la route et qui n'ont, jusqu'au 5 avril 2000, aucun statut ni par directive, ni par loi.

Autre incongruité: la solvabilité des chauffards. On a eu droit à un charriage assez spectaculaire au niveau de la solvabilité des chauffards. On nous donne des chiffres qui viennent d'où, on le sait pas. Il faut prendre pour acquis que tout ce que le ministre dit est vrai. Il nous dit qu'il y a 43 % des chauffards québécois... Donc, on entend par chauffards les gens qui ont été condamnés pour un acte criminel et qui ont blessé ou tué quelqu'un. On nous dit qu'il y a 43 % des chauffards qui n'ont aucune cenne ? et je prends son expression ? 41 % qui ont moins de 30 000 $ par année puis 2 % qui ont plus que 50 000 $ par année.

M. le ministre, qui a pas bien, bien le temps de m'écouter puis qui regarde partout comme d'habitude, sait très bien que ces chiffres-là...

Une voix: Aïe! Aïe!

M. Bellemare: ...ne sont pas des chiffres valables. Ce sont des chiffres tronqués qui n'ont aucun fondement, qui sont faux...

Le Président (M. Lachance): Me Bellemare. Me Bellemare, je vous rappelle... je vous rappelle, Me Bellemare, de bien vouloir avoir le ton qu'il faut ? vous êtes capable de le faire, vous l'avez déjà prouvé ? parce que ce n'est pas en attaquant le ministre que vous allez améliorer ce que vous voulez qui soit bonifié dans le régime d'assurance automobile, et je vous prie de faire référence à ce document. C'est la pertinence de l'objet... et l'objet de notre consultation.

M. Bellemare (Marc): Les chiffres que je viens d'énoncer et qui sont rapportés par le ministre sont dans le document, M. le Président. Vous pourrez y référer, ils sont dans le document, et ils étaient aussi dans la publicité de type propagande mensongère que la SAAQ a distribuée dans tous les foyers québécois au printemps de cette année, laissant croire aux Québécois que les chauffards étaient tous des insolvables ou presque. C'est l'argument de la SAAQ, c'est l'argument du ministre des Transports pour dire: À quoi bon donner des recours aux victimes de chauffards si les chauffards n'ont pas d'argent pour payer?

n(16 heures)n

Je dirai à M. le ministre que le seul document qui ait été fait sur la solvabilité des chauffards, à ma connaissance, la seule étude qui ait été faite et qui parle de solvabilité des chauffards autrement que le document interne de la SAAQ, qui n'a pas une très grande valeur à mes yeux et qui n'a jamais été, d'ailleurs, étayé au niveau des statistiques, c'est une étude de 1997 qui a été faite par la Chaire d'étude socioéconomique de l'Université du Québec à Montréal et qui rapporte que, si la SAAQ demandait aux chauffards québécois de rembourser en totalité ou en partie les coûts d'indemnisation qui sont rattachés à leur crime, la Société enregistrerait des revenus additionnels de 63 millions de dollars. Alors, à ceux qui prétendent que les chauffards québécois sont insolvables, je leur dis: Lisez cette étude et cessez de vous fier aux chiffres erronés et non appuyés scientifiquement qu'on retrouve dans le document dont M. le Président vient de faire mention.

Et j'ajouterai que les informations proviennent ? celles que le ministre cite ? proviennent du fichier d'indemnisation de la SAAQ et ne concernent que les revenus des criminels qui ont été blessés dans l'accident et qui sont inscrits comme victimes dans le fichier d'indemnisation de la SAAQ. Ce pourcentage relatif à la solvabilité dont M. le ministre nous parle n'est pas représentatif des 16 000 chauffards, chaque année, qui sont accusés d'avoir commis un acte criminel au Québec. Alors, il faudrait tenir compte de l'ensemble du groupe qu'on vise et non pas simplement des données que la SAAQ a réussi à colliger relativement aux revenus d'emploi de ces chauffards-là.

Et aussi ce que le ministre ne nous dit pas évidemment, c'est que les montants d'argent ne tiennent compte que des revenus d'emploi. Alors, pour le ministre, quelqu'un qui a pas d'emploi, c'est quelqu'un qui est insolvable. Un retraité de 67 ans qui a travaillé 35 ans pour le gouvernement du Québec serait un insolvable, puisqu'il n'a pas de revenus. Une femme à la maison serait insolvable parce qu'elle n'a pas de revenus, parce que les chiffres du ministre ne concernent que les revenus. Un artiste célèbre qui est à la retraite, qui a 78 ans, l'artiste le plus connu au Canada, notre seul véritable artiste international, ne travaille pas et il a pourtant des biens et il est tout à fait solvable. Alors, il ne parle pas du patrimoine de ces gens-là, laissant croire que les chauffards sont des insolvables. Il y a pas plus d'insolvabilité chez les chauffards québécois que dans l'ensemble de la population, et de laisser croire aux gens que les chauffards sont des insolvables, c'est de tromper la population.

Autre chose qui a été dite, sur laquelle on a frappé comme un vieux clou et qui est totalement fausse, c'est: Connaissez-vous quelque chose, depuis 17 ans, qui s'est amélioré puis qui coûte pas plus cher? Bon, les gens viennent ici, hein, ils se déplacent, ils présentent un mémoire, c'est pas des statisticiens, c'est pas des... Ils sont pas en mesure, nécessairement, d'évaluer la Loi sur l'assurance automobile depuis 17 ans. Moi, je suis en mesure de le faire parce que j'étais en pratique au moment où elle a été adoptée et je le suis encore. C'est faux. Depuis 17 ans, il est faux de prétendre que, dans l'ensemble, les bénéfices se sont améliorés.

Je rappellerai au ministre qu'en 1990 la loi a été modifiée pour priver les plus de 65 ans de toute prestation, sauf l'indemnité pour dommages corporels. De toute prestation, alors qu'avant 1990 les plus de 65 ans avaient droit à une indemnité de remplacement de revenu à partir de la deuxième semaine.

Je rappellerai également que, depuis 1990, tous les sans-emploi sont coupés pendant six mois et ne sont admissibles à une indemnité aux deux semaines qu'à partir du septième mois seulement.

Je lui rappellerai également qu'en 1990 on a aboli la prestation minimum. À l'époque, c'était 170 $. Depuis 1990, il y en a pas de minimum. Il y a des accidentés qui ont charge de famille puis qui reçoivent 43 $ par semaine de remplacement de revenu, parce que, contrairement à la CSST, la SAAQ n'a pas de minimum de compensation aux deux semaines.

Je lui dirai également qu'en 1994 la loi a été modifiée pour priver de toute indemnité les gens qui étaient blessés sur la route à l'occasion d'une manoeuvre de vérification de véhicules automobiles. Ça, il en parle pas, par exemple. Ça s'est amélioré, dit-il.

Et, en 1998, la SAAQ a pris soin d'écrire à tous les accidentés qui étaient en besoin de... en perte d'autonomie, qui avaient un besoin de dépendance pour leur dire que dorénavant les prestations d'aide personnelle seraient imposables dans les mains de celui qui les reçoit. Donc, une façon polie et détournée de rendre imposables les allocations d'aide personnelle, ce qui n'était pas le cas avant 1998.

Alors, je suis contre l'opinion du ministre à l'effet qu'il y aurait eu des avantages depuis 17 ans. Puis, de toute façon, tout le monde a bien compris que, après avoir dit: «Connaissez-vous quelque chose, depuis 17 ans, qui s'est amélioré puis qui coûte 142 $?», on n'a jamais eu droit à beaucoup d'explications sur cet énoncé spectaculaire et totalement faux.

Je dirai aussi que, évidemment, la prime de l'assurance automobile n'a pas été modifiée, mais il y a une foule de droits qui l'ont été. Les automobilistes sont taxés à l'os. Pas nécessairement en assurance automobile, on trouve le moyen d'aller chercher l'argent autrement. Et, c'est sûr que le total des prestations versées aux victimes de la route a augmenté, il est plus élevé aujourd'hui, en 2001, qu'il ne l'était en 1990, mais il y a beaucoup plus de monde sur le système, il y a beaucoup plus d'accidentés, les gens qui ont été blessés en 1979, 1980, 1981 qui reviennent sur le système d'assurance automobile parce qu'ils ont fait une rechute ou une aggravation. Mais c'est pas parce qu'il y a plus de monde et qu'il y a 30 000 réclamations additionnelles chaque année que les gens touchent plus ? en tenant compte, bien sûr, de l'inflation ? que ce qu'ils touchaient il y a 17 ans. Alors, au-delà des affirmations intempestives et très colorées, un fond dramatique et répétitif dans chacune des déclarations de M. le ministre des Transports dont je viens de parler.

Maintenant, je vais vous dire pourquoi ça va mal à la SAAQ et je vais vous dire pourquoi les accidentés sont insatisfaits du traitement pourri qu'ils reçoivent, surtout les victimes graves, les gens qui sont blessés de façon importante, parce que vous savez qu'il y a 3 % des accidentés qui s'en tirent avec des séquelles permanentes, avec de la réadaptation sociale. La plupart des accidentés arrêtent de travailler pendant un mois, deux mois, trois mois, six mois, n'ont pas de séquelles permanentes, reprennent le travail sans problématique. Moi, je pense qu'un système d'indemnisation qui se respecte doit être évalué en fonction de sa capacité de répondre aux besoins des accidentés lourds. Pas des petits accidents où il y a pas de séquelles permanentes puis où tout rentre dans l'ordre au bout de trois mois, puis on reprend le même travail, les cas lourds. Or, avec les cas lourds, à la SAAQ, vous avez un très sérieux problème.

M. le ministre nous dit: On a un sondage, 85 % des gens sont satisfaits. À un moment donné, on lui dit: Oui, bien là c'est peut-être la population en général. Regardez, moi, je suis satisfait de la SAAQ, moi. Je paie mon permis chaque année, j'ai pas de problème, j'ai pas d'accident. Non, non, non, les victimes, 85 %. Je serais inquiet, moi. 85 % des gens satisfaits, ça veut dire que, sur les 30 000 victimes qui vont réclamer cette année, il y en a 4 500 qui le seront pas. Moi, je sais pas, je me péterais pas les bretelles là-dessus, je me ferais pas... Tu sais, je dirais pas: Regarde, là, 85 %, c'est un bon score. Ou on va parler peut-être... Surtout que c'est un régime public, jusqu'à tout récemment, qui faisait des surplus assez impressionnants, tellement que le gouvernement s'est allègrement abreuvé de ces surplus-là pendant des années, comme vous le savez.

Mais il demeure qu'on a 85 % de satisfaits. Moi, je trouve ça inquiétant. Et c'est sûr que les 85 % de satisfaits, bien... Vous savez, le gars qui travaille pour Bell Canada, pendant trois mois il est accidenté de travail... il est accidenté de la route, il est syndiqué jusqu'aux oreilles, lui, sa première semaine de salaire est payée par Bell Canada. Le gars qui travaille pour le gouvernement du Québec, sa première semaine de salaire, elle est payée. Il va être satisfait de la SAAQ, il a rien à dire pour la SAAQ. Celui, par exemple, qui est pas syndiqué, qui perd du revenu, père de famille qui perd du revenu puis qui va s'en tirer avec des séquelles permanentes, avec des limitations fonctionnelles qui vont l'empêcher de travailler, lui, par exemple, il fait partie du 15 % d'insatisfaits, et c'est pour lui, je pense, que vous devriez travailler.

Alors, comment faire pour améliorer les services aux victimes? Première des choses, si vous regardez le rapport annuel de la SAAQ, vous allez voir de quoi est composé le conseil d'administration. Rapport annuel qui est signé par M. le ministre, alors on va aller plus loin que la signature, on va aller à la page 14 et 15 du rapport annuel. Je regarde les 12 personnes qui composent le conseil d'administration, je trouve ça pitoyable que la loi ne prévoie pas nécessairement la présence de représentants des victimes de la route. Pas un accidenté qu'on prend comme ça au hasard parce qu'il est dans notre comté puis on le connaît bien, puis on va le nommer là, de véritables associations.

n(16 h 10)n

La CSST est dirigée par un conseil d'administration paritaire depuis le 13 mars 1980. La CSST est composée d'un C.A. de 15 personnes: un président qui a des bonnes épaules, sept représentants des accidentés à travers les associations syndicales et sept représentants des employeurs qui cotisent à ce système-là. La chicane se fait là, il y a un consensus, tout le monde est content. À la CSST, on rejoint les agents d'indemnisation, le numéro de téléphone est dans le bas de la lettre. On les rejoint directement au téléphone, on n'est pas obligé de passer par une machine qui nous effoire puis qui nous dit: C'est quoi, votre date de naissance? Date de l'accident? Gna, gna, gna, gna, gna, gna. Puis les agents nous retournent l'appel dans un délai raisonnable. À la SAAQ... Essayez, pour le fun, d'appeler à la SAAQ demain. Dans votre comté, vous aurez un cas d'accident, là, faites-vous passer pour l'accidenté puis appelez, puis essayez de parler à l'agent. 564 dossiers par agent d'indemnisation, les chiffres du ministre. Ceux-là sont vrais: 564 dossiers par agent. Alors, faut-il s'étonner que, le lendemain que le président de la SAAQ ait traité les victimes de groupuscules puis tous ceux qui demandent des changements de profiteurs, que les agents d'indemnisation, qui ont 564 dossiers, soient bourrasseux, bourrus, aigris, condescendants face aux victimes? Pas du tout.

C'est une culture à la SAAQ, et, tant que, au niveau de l'administration, il y aura ou bien des gens qui ne représentent qu'eux-mêmes... qu'on n'aura pas des représentants des victimes et des représentants des automobilistes, on va avoir les mêmes problèmes. Et, tant qu'on aura un président, à la SAAQ, qui traite les victimes de profiteuses, comme il l'a fait en mars 1995 en expliquant son déficit de 115 millions par la gourmandise des accidentés ? ça commençait bien, il a été nommé en mars 1995 ? on va avoir un problème de culture à la SAAQ. Et, quand le président s'adresse à la population en disant que les accidentés sont responsables de son déficit et quand le ministre traite les associations d'accidentés de groupuscules, imaginez-vous que, le lendemain matin, l'agent d'indemnisation, quand il parle au téléphone avec une victime, il a d'excellentes raisons d'être condescendant, d'être agressif et d'être arrogant, pour reprendre, encore là, un terme familier au ministre des Transports. Alors, tant que cette culture-là va persister, tant qu'elle va perdurer, vous aurez un régime d'indemnisation à la SAAQ qui sera contesté, vous aurez des délais d'attente de deux ans devant le Tribunal administratif du Québec et vous aurez 10 000 révisions par année.

C'est pas normal, il y a moyen d'arranger ça autrement. Regardez la loi de la CSST et demandez-vous pourquoi, avec 140 000 réclamations par année, la CSST est capable de passer la rampe au niveau de la satisfaction. On entend rarement parler de démêlés entre les citoyens puis la CSST. Et demandez-vous pourquoi la SAAQ a un problème d'image tel et demandez-vous pourquoi les accidentés de la route sont si insatisfaits. Ils sont 10 000 par année à contester les... en révision. Ils sont 6 500 à attendre, à végéter devant le Tribunal administratif du Québec en attendant une décision correcte de la SAAQ.

Alors, c'est ce que j'avais à vous dire à propos de la culture de la SAAQ, changez la mentalité. Commencez par en haut, commencez par le niveau du ministre, du président, mettez du monde représentatif au C.A, et vous allez voir que ça va changer. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. Me Bellemare, vous êtes avocat qui gagne sa vie principalement en assumant les causes des accidents de la route. Et vous donnez beaucoup d'entrevues, et, des fois, c'est difficile d'accueillir vos propos parce qu'ils ne sont pas nuancés. Je vous donne, à titre d'exemple, ce qui m'a frappé, les chiffres que vous indiquez dans l'annexe G sont pas à jour, pas du tout. Votre tableau ne fait aucune référence au progrès qui a été fait depuis quelques années, et tout le monde peut remarquer, devant cette même commission, que, depuis, par exemple, 1978 où, au Québec, il y avait 1 765 personnes ? c'est les chiffres que j'ai ici ? qui sont décédées sur les routes, en 1998 on dénombrait 686 décès. Si on regarde une comparaison avec les États-Unis, même année, c'était 50 000 Américains décédés sur les routes et, en 1998, 41 471 décès. Je me demande pourquoi, comme avocat, vous nuancez pas davantage vos propos.

Et, quand vous parlez du Manitoba dans votre mémoire, vous mentionnez que la société d'assurance détermine la responsabilité des victimes dans un accident et que la personne reçoit une indemnité de responsabilité, qu'elle peut recevoir... Mais ce que vous omettez à dire, c'est que la réduction d'indemnité s'applique exclusivement au remplacement du revenu, pas sur l'ensemble des indemnités. Alors pourquoi vous nuancez pas ces propos-là?

M. Bellemare (Marc): Votre question, je la comprends pas, là. Vous parlez de quoi, là?

M. Payne: Vous mentionnez qu'au Manitoba, je répète, la société d'assurance détermine la responsabilité des victimes dans l'accident. D'accord? Mais ce que vous omettez à dire, c'est que la réduction de l'indemnité se fait uniquement sur l'indemnité de remplacement de revenu et pas sur l'ensemble des indemnités.

M. Bellemare (Marc): ...dans le mémoire. Vous nuancez pas, là, regardez, je...

M. Payne: Excusez-moi, j'ai pas terminé. J'ai pas...

M. Bellemare (Marc): ...première année, si vous êtes un criminel de la route, on va vous couper votre indemnisation pendant un an ? remplacement de revenu ? dans la proportion de votre contribution à vos blessures criminellement. Si vous êtes 100 % responsable criminellement de vos blessures, vous aurez pas une cenne de remplacement de revenu pendant un an. Les séquelles permanentes, ça vient bien après, ça, de toute façon, après la fin de la première année. Mais, l'article est là, vous pouvez le lire.

M. Payne: Mais, dans votre mémoire, vous donnez l'impression que c'est la vie durant.

M. Bellemare (Marc): Bien, voyons! Je vais citer l'article...

M. Payne: Mais c'est vous qui donnez l'impression. C'est vous qui donnez l'impression.

M. Bellemare (Marc): Bien, voyons!

M. Payne: Lors d'une entrevue avec André Arthur...

M. Bellemare (Marc): ...

M. Payne: Lors d'une entrevue avec André Arthur le 14 avril, vous avez tenu des propos...

M. Bellemare (Marc): En quelle année?

M. Payne: Le 14 avril de cette année.

M. Bellemare (Marc): ...

M. Payne: Cette année. Vous avez tenu des...

M. Bellemare (Marc): ...

M. Payne: Est-ce que je peux terminer?

M. Bellemare (Marc): J'ai donné plusieurs entrevues à André Arthur, je voudrais que vous me disiez laquelle.

M. Payne: J'ai donné la date et j'ai donné le nom d'André Arthur. Avez-vous donné plusieurs entrevues la même journée à André Arthur?

M. Bellemare (Marc): ...il m'arrive souvent d'en donner, oui. Peut-être trop à votre goût, à chaque fois que le ministre me voit à la TV, il faut de l'urticaire, là. Vous pouvez lui demander, il a toutes les dates, lui.

M. Payne: Je peux recommencer? Vous avez tenu des propos qui remettent en cause l'intégrité de la SAAQ et de certains médecins experts qui, d'après vous ? et je vous cite ? posent des mauvais diagnostics; deuxièmement, qui retournent les gens au travail qui en sont incapables; et, troisièmement ? c'est un avocat, vous, qui parle ? qui sont achetés par la Société de l'assurance automobile du Québec. Après des affirmations assez fracassantes comme membre du Barreau, est-ce que vous pouvez, pour défendre votre intégrité, déposer la preuve de ce que vous affirmez à André Arthur?

M. Bellemare (Marc): M. le président de la SAAQ, qui a beaucoup de temps à perdre, qui est derrière vous, a fait une plainte au Barreau pour demander au Barreau d'intervenir parce que j'aurais dit des choses qui étaient fausses et qui étaient inacceptables et que l'intérêt public commandait que je déclare ci ou que je déclare ça. M. le président de la SAAQ s'est fait dire bien poliment que les avocats avaient l'obligation et non seulement le pouvoir, mais le devoir de dénoncer des situations d'injustice, ils avaient l'obligation aussi de demander des changements aux lois, ce que je fais et ce que j'ai fait depuis 1979. Et M. le président de la SAAQ, qui a beaucoup de temps à perdre à courir après les avocats qui ne disent pas la même chose que lui, s'est fait virer de bord, et sa plainte a été rejetée. Alors, si vous voulez des détails là-dessus, demandez-lui, il a tous les chiffres, il a tous les documents, il a mis du temps fou là-dessus. Et il avait l'opportunité d'aller en appel de la décision du Syndic du Barreau, qui lui a, je le rappelle, rappelé que l'avocat avait le pouvoir de dire ce qu'il voulait, et il est pas allé en appel de cette décision-là.

Alors, vous savez...

M. Payne: ...

n(16 h 20)n

M. Bellemare (Marc): ...les médecins de la SAAQ ? j'ai pas terminé, je réponds à votre question ? les médecins de la SAAQ ont ceci de particulier, c'est qu'ils sont choisis par la SAAQ. La SAAQ est toute puissante, elle veut un contrôle total et absolu sur le choix de l'expert, la rémunération de l'expert, le rôle de l'expert dans tel ou tel dossier. C'est elle qui pose les questions, c'est elle qui paie le médecin, c'est elle qui choisit le médecin. À la CSST, qui est l'autre grand régime de «no fault» au Québec ? parce que oubliez pas que la SAAQ, c'est pas le principal régime de «no fault» au Québec ? l'accidenté choisit son expert, vous comprenez? Depuis le 19 août 1985, les accidentés du travail, qui sont au nombre de 138 000, choisissent leur médecin. Plus de confrontation, plus de problème de crainte, plus de scepticisme dans les rapports entre l'accidenté et le médecin choisi par la SAAQ, alors qu'en assurance automobile les gens attendent une heure, une heure et demie dans la salle d'attente avant de rencontrer M. le docteur qui les a jamais vus avant cette fois-là. Ils sont depuis trois ans en incapacité, ils rencontrent le Dr Tartempion qui a jamais vu leur dossier, qui leur a jamais parlé et qui va décider de leur sort. C'est pour ça que les accidentés vont en appel et c'est pour ça qu'il y a 10 000 demandes de révision par année.

M. Payne: Me Bellemare...

M. Bellemare (Marc): Alors, changez la loi et faites en sorte que les accidentés de la route n'aient ni plus ni moins que les accidentés du travail et qu'ils puissent choisir leur expert. Vous n'en aurez plus de litiges sur l'incapacité permanente. Et, à la CSST, depuis 1985, ils ont réglé des milliers de dossiers sur cette base-là. Arrêtez de donner à la SAAQ le pouvoir de choisir les médecins, ça écoeure les victimes, ça les rend insécures et ça crée chez elles un stress énorme. De là l'insatisfaction, de là la contestation. Ça se fait à la CSST. Pourquoi on n'est jamais capable, à la SAAQ, de faire des bonnes choses que la CSST fait?

M. Payne: Est-ce que je peux avoir une réponse à ma question ou est-ce que je dois conclure qu'il s'agit là...

M. Bellemare (Marc): ...plus que ce que je viens de vous donner, parce que c'est ça, ma réponse.

M. Payne: Est-ce que je peux parler, maître? J'ai demandé les preuves, Me Bellemare. Vous êtes avocat, vous parlez des experts médecins, vous traitez leur conduite d'être non professionnelle et contre leur code d'éthique. C'est grave, comme avocat. Pouvez-vous déposer, oui ou non, des preuves?

M. Bellemare (Marc): J'ai répondu tantôt, j'ai rien à ajouter. Vous viendrez passer une semaine dans mon bureau, M. Payne...

M. Payne: Vous avez insinué...

M. Bellemare (Marc): Vous viendrez à mon bureau une semaine, vous allez voir ce que c'est qu'une victime de la route. C'est beau en parler sur papier, vous viendrez voir c'est quoi, des vraies victimes. Ça va? Je vais vous en présenter, ils vont vous expliquer tout ça. Ils vont vous expliquer pourquoi...

M. Payne: Non, non, on est...

M. Bellemare (Marc): ...ils ont de la misère à se tenir quand ils rentrent dans le bureau du médecin de la SAAQ. Puis vous leur expliquerez pourquoi ils contestent, parce qu'ils ont été examinés dans 20 minutes, ils ont attendu une heure et demie dans la salle d'attente puis ils se font fait examiner par un quidam qu'ils connaissent pas, qui est nommé par la SAAQ et qui fait, pour la SAAQ, 100, 150, 200 expertises par année.

Et, il est pas fou, l'accidenté, il sait très bien que, si le résultat est négatif, il va aller en appel. C'est ça dont les gens se plaignent. Ils arrivent dans mon bureau en pleurant, les poings fermés, puis ils disent: Ce gars-là me connaît pas, il a été engagé par la SAAQ, ça fait 10 ans qu'il pratique plus la médecine, il fait juste des expertises puis il dit que je suis capable de faire ma job, puis il m'a pas parlé pendant cinq minutes, dans le bureau, de l'emploi que j'ai fait pendant 30 ans. Alors, M. Payne, c'est ça le problème. Donnez aux accidentés le pouvoir de choisir leur médecin. Et, ils iront choisir des médecins de la SAAQ s'ils veulent, donnez-leur le choix. Comme vous, vous allez voir le médecin de votre choix, faites la même chose avec les accidentés.

M. Payne: Il faut bien se dire une chose ici, on parle pas du Parti libéral, on parle pas du Parti québécois, vous vous adressez à une institution quand vous parlez de la SAAQ, hein?

M. Bellemare (Marc): La population du Québec ultimement.

M. Payne: Vous n'avez pas fait de nuance par rapport à l'actuel gouvernement ou le passé.

M. Bellemare (Marc): Ah, c'est pas ça que j'ai fait, on n'a pas compris.

M. Payne: Est-ce que vous répétez vraiment les propos que vous avez tenus? Pas dans votre bureau privé, vous avez dit ça publiquement.

M. Bellemare (Marc): Vous avez le verbatim, là.

M. Payne: Publiquement, vous avez un droit à répliquer au public.

M. Bellemare (Marc): Vous avez le verbatim. Ça vous prend quoi, là? Voulez-vous que je vous le lise?

M. Payne: Est-ce que le médecin expert donne de mauvais diagnostics?

Le Président (M. Lachance): ...s'il vous plaît, là. Le président est ici. M. le député de Shefford, sur une question de règlement. J'espère que c'est une vraie question de règlement.

M. Brodeur: Oui, M. le Président. On est ici pour des consultations. Pour des consultations, donc ce qu'on veut savoir, c'est ce que pense Me Bellemare du système public d'assurance automobile. Et, là ce qu'on fait, là, on essaie... on passe la parole un peu à tout le monde, on crie alentour puis on essaie de dévier totalement du sujet. Nous, ce qu'on veut savoir ici, c'est qu'est-ce qu'il pense de l'assurance automobile, du système public et quelles sont les solutions à apporter, point à la ligne, M. le Président. C'est une question de pertinence.

Une voix: C'est pas une cour martiale ici.

M. Brodeur: C'est une question de pertinence, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Nous ne sommes pas devant un tribunal. Il y a un document de consultation, il y a une pertinence, et on peut continuer. M. le député de Vachon, en vous indiquant que votre collègue de Matapédia aimerait aussi intervenir.

M. Payne: Je vais être très bref, M. le Président. Merci. Avant de priver un conducteur de toute indemnité, selon la philosophie que vous proposez, il faudrait bien sûr établir avec certitude la part de responsabilité de l'individu, n'est-ce pas? Or, comme avocat, vous pouvez apprécier qu'il faut prouver que l'accident ne se serait pas produit si les limites légales de consommation d'alcool auraient été respectées. De quelle façon vous pouvez laisser une période entre le moment de l'accident et le jugement tout en refusant à la partie intéressée une indemnisation, autrement dit que vous allez présupposer sa culpabilité pendant toute la période d'attente?

M. Bellemare (Marc): Le projet de loi n° 38, qui a été adopté au mois de juin par le ministre des Transports puis l'Assemblée nationale, suspend les permis de conduire pendant 30 à 90 jours pour des gens qui ont soufflé dans la balloune à plus que 0,08. Ils sont pas condamnés, ces gens-là. La présomption d'innocence, quand c'est le temps de suspendre les permis, ça vous achale pas, vous avez voté une loi là-dessus. Pourquoi ça serait différent pour le paiement des prestations?

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. Bellemare, on a entendu beaucoup d'organismes ici qui sont venus nous dire... Et même ceux qui représentent des personnes qui ont vécu des accidents d'automobile sont venus nous dire que, généralement, ils sont très satisfaits du système d'indemnisation de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Moi, j'ai deux questions à vous adresser. Une première, c'est que... Est-ce que vous faites une différence entre la satisfaction que des usagers d'un système a... ont, c'est-à-dire, ces mêmes usagers, et la perception que les gens à l'extérieur ou même, des fois, que les médias véhiculent par rapport à un système? Par exemple, au niveau du système de la santé, c'est 90 % des usagers qui sont satisfaits, de ceux qui utilisent les services de santé. Et, dans le public, des fois, ils sont insatisfaits, mais c'est pas nécessairement les usagers. Pour moi, comme députée et comme élue, ce sont les usagers qui sont importants. Quand on dit que 85 % des gens usagers de la SAAQ sont satisfaits, c'est fort... Pour moi, c'est extrêmement élevé comme taux de satisfaction, et le 15 % qui reste, là, c'est quand même... On dit pas par rapport à quoi ils sont insatisfaits. Alors, il faut savoir de quoi on parle. Ça, c'est une première remarque que je voudrais vous faire et voir si vous distinguez bien les deux.

Deuxième remarque. Vous avez dit justement dans une entrevue avec M. Arthur... On dira pas laquelle, vous en avez dit... Vous avez reconnu que vous y allez souvent. Alors, devant cet éminent journaliste, vous avez fait remarquer qu'un médecin expert peut traiter de 350 dossiers par année, mandats par année, et M. Georges L'Espérance, qui est neurochirurgien et président de l'Association des médecins experts, est venu nous dire que ce chiffre-là est complètement inexact. Il m'a dit qu'il était... Il nous a dit, c'est-à-dire, ici, devant tous les membres... Il est venu nous dire qu'il était grossièrement exagéré. Alors, dans le fond, qui dit vrai, là, dans tout ça?

M. Bellemare (Marc): Alors, je vais vous répondre. D'abord, vous avez dit que vous aviez entendu des groupes dire ici qu'ils étaient satisfaits. J'ai relu toute la transcription sur Internet de toutes les allocutions, sauf celle de la ville de Chicoutimi, ce matin, parce qu'elle était pas disponible sur l'heure du midi quand j'étais chez nous...

Mme Doyer: Mme Gauthier, ce matin, elle voulait rien changer au système ou presque.

M. Bellemare (Marc): Mme Gauthier a parlé effectivement... Il y a DATAQ ? je sais pas si vous étiez là ? qui représente 5 000 accidentés de la routes, qui est venu vous dire que le système... les relations avec les bénéficiaires était pas bonnes. Il y a Mme Denise Gauthier qui a pas été entendue, mais qui a soumis un mémoire. Ce matin, M. Lachance l'a dit en entrée de jeu que la Fondation des accidentés de la route avait soumis un mémoire. Le Barreau du Québec est venu vous dire que c'était pas trop, trop fort. Il y a l'association de l'Outaouais, là, maître je sais pas trop quoi, là, qui est venu vous dire que c'était... les services à la population, aux accidentés n'étaient pas bons. Il y a Jean Mercure, avocat, qui a le plus gros bureau d'avocats en assurance automobile au Québec ? c'est pas moi qui ai le plus gros, j'ai même le plus petit ? il est venu vous dire que ç'avait pas de bon sens, le système téléphonique, que c'était un... qu'il y avait un problème de qualité de service majeur. J'ai invité tantôt les députés à faire un test, faites-le, le test, essayez de rejoindre un agent d'indemnisation quand vous aurez un accidenté dans votre bureau, là, puis vous allez voir ce que ça va donner. Ç'a pas changé, c'est toujours pareil.

Vous me dites: Le taux de satisfaction... Vous me parlez du taux de satisfaction. Le ministre des Transports nous parle de toutes sortes de choses, il produit jamais rien. Il nous parle des chauffards insolvables, on n'a pas ses chiffres, on sait pas d'où ils viennent. Il nous parle d'un sondage de 85 % de satisfaction, on parle puis on sait pas de quoi on parle en réalité. Moi, mes sondages, je les paie de ma poche puis je les mets dans mon mémoire, puis vous pouvez les regarder, puis vous pouvez les commenter. Les sondages du ministre des Transports, c'est du vent. Ça vient d'où, le 85 %? Vous me demandez si je fais une distinction entre les usagers, les bénéficiaires, les accidentés. Je peux pas en faire des distinctions, il est même pas capable de les faire lui-même, parce que son sondage, là, on sait même pas d'où il vient, on sait pas en quelle année qu'il a été fait, on sait pas auprès de quelles clientèles. Il pourrait peut-être le déposer devant la commission, son sondage. J'aimerais ça, le lire, moi.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue, Me Bellemare, en commission parlementaire. D'entrée de jeu, j'aimerais m'excuser, comme parlementaire puis au nom de l'opposition, parce que c'est la première fois que je vois que c'est une stratégie organisée pour contrer les arguments de quelqu'un qui est venu ici pour donner son opinion. Donc, on s'en excuse. J'aurais aussi aimé que le ministre réponde lui-même aux questions que vous avez posées, aux interrogations et aux points que vous avez soulevés dès le départ. Malheureusement, ç'a pas été fait.

n(16 h 30)n

Donc, ceci étant dit, M. le Président, je vais y aller de ma première question. On sait que plusieurs groupes sont venus se plaindre, comme vous l'avez dit, de l'attitude de la Société de l'assurance automobile du Québec. On sait également que le ministre a avoué, a annoncé lui-même, il y a quelques semaines, que la Société de l'assurance automobile du Québec était pour faire un déficit de 200 millions de dollars. Ça devient inquiétant lorsqu'on sait que des services... En tout cas, les services de la Société de l'assurance automobile du Québec ont été fortement critiqués par plusieurs intervenants, y compris par vous qui êtes un personnage connu et crédible dans le domaine de l'assurance automobile. D'autant plus que j'ai ici une note interne qui a été envoyée par M. Jean-Yves Gagnon, le président de la Société de l'assurance automobile, une note interne qui est destinée à tout le personnel, et on dit entre autres, et je cite: «Dans un contexte de déficit, il faut être en mesure de redresser la situation rapidement. Il faut questionner à nouveau nos mandats, nos façons de livrer nos produits et services.»

Donc, M. le Président, à la lecture de cette note interne là, ça devient inquiétant.

M. Bellemare (Marc): ...2001.

M. Brodeur: Ça devient très inquiétant.

M. Bellemare (Marc): Oui.

M. Brodeur: Quelle est votre perception sur la façon dont on devrait redresser ce déficit-là? Et qu'est-ce qui m'inquiète, là, qu'est-ce qui m'inquiète particulièrement, c'est: Déjà, déjà, on semble étirer des tenants, on semble vouloir, en certains cas, prendre la victime comme un fraudeur. Quelle sera l'attitude de la SAAQ à la suite d'un déficit comme ça et lorsqu'on voit des propos comme ça dans une note interne de la Société de l'assurance automobile du Québec?

M. Bellemare (Marc): Moi, je pense que ça augure mal. Et je crois que l'importance d'intégrer dans la loi les garanties d'indemnisation est plus grande que jamais.

La directive interne que le ministre considère être une loi, parce que, je le répète, il n'a pas l'air à savoir la différence malgré 25 ans d'expérience parlementaire, ça, ça peut être aboli demain matin. Jacques Privé décide d'envoyer une lettre à ses agents. On ne le saura même pas. Mais, le temps de la commission parlementaire, par exemple, ça paraît bien. On soumet ça à Serge Bergeron, mais M. Bergeron est un homme brillant, il ne s'est pas laissé avoir. Il a dit: C'est une loi ou c'est une directive? Puis là... Bien là, il n'était plus sûr que c'était une loi, puis là, c'était devenu une directive. Ça vaut rien, ça. Mettez-le dans la loi. C'est un pas dans la bonne direction.

On dit qu'on va donner des indemnités aux pères et aux mères des enfants qui ont été blessés, particulièrement aux frères et soeurs des victimes, même si on n'est pas présent au moment de l'accident en même temps que la victime. Qu'on le mette dans la loi. Qu'on modifie l'article 1°, et qu'on dise: Une victime, c'est quelqu'un qui est blessé dans un accident. C'est son père, sa mère, ses frères, ses soeurs, grands-pères, grands-mères. Qu'on le mette dans la loi pour que les accidentés aient la garantie que ça va être fait.

La Loi sur les accidents du travail, c'est 600 quelques articles. Tout est intégré dans la loi. Tout est prévu. Bien, évidemment, le pouvoir politique des victimes du travail est pas mal plus important que le pouvoir politique des victimes de la route. Puis, c'est peut-être pour ça qu'on a une loi qui ressemble plus à la préhistoire d'indemnisation d'assurance automobile. À tous les niveaux, on est en retard sur ce qu'on retrouve à la CSST, du haut de la pyramide jusqu'en bas. Le droit de retour au travail existe pas en accident d'automobile. T'es quatre mois arrêté, suite à un accident d'automobile, t'as une job, tu peux retourner travailler. Le boss te met dehors parce que t'as eu un accident d'auto même si t'as pas de séquelles permanentes. C'est absolument inconcevable.

Le niveau de protection en accident d'automobile est déficient. Les victimes ont besoin de garanties dans la loi, pas des voeux pieux, puis quand la commission parlementaire est finie, on prend la directive puis on sait pas jusqu'où elle va. M. Privé, il n'est pas un élu. L'élu est le ministre. Celui qui est en face de vous, là, c'est lui qui doit prendre l'initiative de modifier la loi. S'il est sincère avec ses voeux de modifier le statut des victimes, il va modifier la loi. C'est ça qu'il faut qu'il fasse.

M. Brodeur: Vous avez dit tantôt ? et vos propos furent très durs pour la Société de l'assurance automobile du Québec ? vous avez dit que les services étaient pourris. Donc, j'ai bien noté «les services pourris». Il y a eu plusieurs mémoires qui ont dénoté...

M. Bellemare (Marc): ...du ministre des Transports. Le 30 mai dernier, il disait ça, «pourris», en député. Moi, je dis ça de la SAAQ, c'est moins pire.

M. Brodeur: D'accord. Ha, ha, ha! Plusieurs groupes ont douté des services de la Société de l'assurance automobile du Québec, dans certains cas. Des groupes de défense des droits, par exemple, ont été aussi assez durs envers la Société de l'assurance automobile du Québec.

On sait que vous êtes reconnu comme un des experts, une des personnes qui a le plus de... en fin de compte, j'ose pas... enfin, les relations avec la SAAQ, des fois, elles sont bonnes ou sont mauvaises.

Vous avez sûrement, pour éclairer la commission, des exemples concrets à nous donner concernant ces services-là. Vous avez parlé tantôt de délais de retours d'appels; souvent, des fonctionnaires aigris. Est-ce que vous avez des exemples concrets? Parce qu'on en vit, chacun, nous, dans nos bureaux de comtés. J'imagine que vous, qui avez vécu, qui vivez quotidiennement des relations avec la Société de l'assurance automobile et vos clients, est-ce que vous avez des cas concrets pour imager la situation, afin qu'on puisse remédier à ces défauts-là?

M. Bellemare (Marc): Des tentatives de rejoindre les agents d'indemnisation qui sont infructueuses dans la majorité des cas. Je parle surtout des cas lourds. Vous savez, il y a beaucoup de gens qui ont pas de relations avec l'agent. Un arrêt de travail de deux, trois mois, retour au travail, fortement syndiqué, il l'a, sa protection, il a pas besoin de la loi.

Un arrêt de travail d'un an et demi, atteintes permanentes, difficulté ou incapacité de reprendre son emploi antérieur, c'est des cas lourds. Moi, j'appelle ça des cas lourds. Eux autres, ont des problèmes: Je te l'ai expliqué, la semaine passée. T'as pas compris? Ça fait trois fois que tu m'appelles cette semaine, là; t'en n'as pas eu assez, là? Tu contestes, t'en n'as pas eu assez? Tu vas voir Bellemare? Bellemare, ça va te coûter un bras. Ça va te coûter cher, Bellemare.

J'ai une liste de cas, là ? j'ai ramassé ça au bureau ? des gens qui viennent me voir, puis qui me disent: Quand j'ai donné votre nom à la SAAQ, ils ont dit: Aïe! ça va te coûter un bras, Bellemare. Va pas voir Bellemare. Tu y penses-tu? Puis il y en a d'autres qui viennent me voir puis il y en a d'autres qui m'appellent pour me dire: J'ai juste parlé de toi puis j'ai reçu un chèque. Ça, je trouve ça extraordinaire. Parce qu'au fond t'as pas besoin d'avocat puis tu reçois ton indemnité. Mais je trouve ça dommage, en quelque part, aussi. Parce que je me dis: Dans quel monde vivons-nous? Comment ça se fait qu'on est obligé, à même nos impôts, de payer pour un régime d'indemnisation, puis en plus de ça, on est victime d'un accident d'auto, puis après ça, on est victime de la SAAQ. On est victime d'un système, qui nous indemnise en partie, qui nous indemnise pas pour le 10 % de salaire qu'on perd, qui nous indemnise pas pour la première semaine de travail. Tu sais, pourquoi on est obligé de se battre avec des experts puis des experts?

Puis, à la SAAQ, aussi, il y a ce que j'appellerais «le syndrome du dernier mot». Quand tu contestes une décision de la SAAQ devant le Tribunal administratif du Québec, t'as gain de cause dans 34 % des cas. C'est les statistiques. Contrairement à ce que le ministre disait la semaine passée... il y a deux semaines, il disait 18 % ? il était tout mêlé dans ses chiffres ? puis les gens disaient: Oui, oui, oui, 18 %. C'est 34, en hausse de 4 %, depuis l'an passé; 34 % des accidentés qui gagnent leur cause. Et, tenez-vous bien, il y en a 60 % des gens, qui vont au Tribunal administratif du Québec, qui sont seuls... c'est-à-dire qui sont avec avocat mais 40 % qui sont seuls. Et le taux de succès est de un sur trois.

Imaginez si les accidentés étaient tous représentés par avocat, comme c'est le cas pour la SAAQ, parce que la SAAQ, elle, elle a un avocat dans tous les dossiers: 5 $ de médicaments, il y a un avocat de la SAAQ qui va être là pour faire opposition à l'accidenté qui se présente. L'IVAC fait pas ça, la Régie des rentes fait pas ça, la CSST fait pas ça. C'est odieux.

Ils ont des avocats pour contester les accidentés. Il y a 51 avocats qui travaillent à temps plein pour la SAAQ: 27 à Montréal, 24 à Québec. Il y en a quatre sur son conseil d'administration. Mais, quand c'est le temps de cracher son fiel sur les avocats des victimes, par exemple, là, il est pas gêné.

M. Brodeur: Me Bellemare, j'aimerais vous entendre abondamment parler d'alcool au volant. On sait que vous êtes intervenu à plusieurs reprises dans ce dossier-là. Donc, on sait que... on vous a entendu à peu près sur tous les postes de télévision, de radio et dans les journaux.

Nous sommes ici, entre autres, pour étudier les modifications à la loi. Le gouvernement a adopté une loi, que je juge insuffisante, le printemps dernier. Quelle est votre vision d'une loi qui serait efficace pour contrer vraiment l'alcool au volant avec des mesures vraiment dissuasives?

M. Bellemare (Marc): On fait payer au chauffard. Parce que, moi, un criminel de la route, c'est un chauffard, qu'il soit à 0,11 ou à 0,50. C'est vrai qu'à 0,40 on n'a plus besoin de lui, parce qu'il n'est plus là, mais en tout cas. Disons, entre 0,11 puis 0,40, il y a toujours des accusations de portées. Mais, dans ma tête à moi, il faut toucher au portefeuille.

On a touché à la prison, hein? 19 % des gens sont emprisonnés ? crimes de la route ? aujourd'hui. C'était 26 %, en 1990; ça baisse tout le temps. Sentence suspendue, la prison, ça veut plus rien dire. Les gars sont chez eux ? une sentence dans la communauté ? ils mangent un chips puis ils écoutent des films, puis ils sont supposé être en prison, tu sais? Alors, la prison, ça compte plus. La suspension de permis? 75 % des gens conduisent quand même; ça compte plus. L'antidémarreur? On a toutes sortes de problèmes avec le fédéral parce qu'il veut pas corriger sa loi qui permettrait d'avoir un antidémarreur dans les cas de récidive. Bon. En tout cas.

On a touché à bien des choses, mais on a encore 16 000 cas d'alcool au volant, au Québec. Sur ces 16 000 là, il y en a 13 000 qui en sont à leur première infraction, des gens qui ont encore rien compris. Ça fait 25 ans qu'on leur dit que l'alcool au volant, c'est criminel, ils ont encore rien compris; 13 000 par année. 13 000 nouveaux cas d'accusation de conduite criminelle au volant, au Québec seulement. Puis, 3 000, c'est des récidivistes. Mais, 88 % des cas de décès reliés à l'alcool au volant, c'est des premiers cas. C'est le 13 000 initial.

n(16 h 40)n

Qu'est-ce qu'on va faire, comme société, pour s'attaquer à ces 16 000 criminels de la route qui reste? On peut faire de la prévention. On peut faire des messages ? c'est correct, ça ? de la publicité, ci puis ça, la prison, mais est-ce qu'il n'est pas temps de toucher au porte-feuille? De toute façon, M. le ministre va le faire, il l'a annoncé. Il va couper les prestations en partie, à partir de la condamnation au criminel. Il l'a dit, il l'a répété cinq fois. C'est un secret de Polichinelle, il va y toucher à sa loi. Depuis le 15 décembre 1998 qu'il est nommé ministre des Transports qu'il dit qu'il n'y touchera pas, il va finalement y toucher. Encore là, il a fini par faire des concessions, et je le félicite d'ailleurs pour au moins cette concession-là. On n'aura pas perdu notre temps.

Mais, on devrait, je pense, demander aux gens qui commettent des actes criminels au volant de financer une partie des coûts d'indemnisation. C'est pas sorcier, ça. Le gars qui fourre l'impôt pour 100 000 $, on va courir après jusqu'aux Bahamas, on va envoyer des détectives de la GRC en Europe, on va le mettre à blanc. Il a des enfants à l'école? Pas de problème, tu nous dois de l'argent, t'as fourré l'impôt. L'assisté social qui fait du taxi puis qui a fourré l'aide sociale pour 10 000 $, on va aller le chercher jusqu'à la dernière cenne. Il a des enfants, ce gars-là; on s'en occupe pas, des enfants.

Quand c'est un criminel de la route: T'as tué quelqu'un; t'es un bon gars. C'est la première fois. Première shot, t'es pas chanceux; ça pourrait arriver à tout le monde. On est tous des criminels en puissance, à entendre parler le ministre; on est tous des bandits en puissance, mais on est tous chanceux de pas se faire poigner au-delà de 0,08.

Si t'es récidiviste, ah bien, là, t'es un alcoolique, puis ça, c'est encore une trouvaille depuis le 11 septembre: Croyez-vous que l'alcoolisme est une maladie? Grande question. Les pédophiles, c'est des malades. Puis, s'il se blesse en courant après un petit gars dans la rue, le pédophile, il sera pas payé par l'IVAC. Puis les cleptomanes qui volent puis qui se blessent en se sauvant avec un manteau, ils sont pas indemnisés par l'IVAC, même s'ils ont des enfants. Puis, ceux qui mettent le feu, les pyromanes, c'est une maladie aussi, puis ils sont pas indemnisés. C'est quoi, cette mentalité obtuse qui fait que les criminels de la route, on leur demande jamais rien? On les traite comme des bons gars.

Il faudrait passer au-delà du syndrome du bon gars. Puis, ce jour-là, ça va être le jour où on va comprendre les victimes d'actes criminels, puis on va non seulement leur dire: Je sympathise avec vous, Mme Dion... puis après ça, on dit que les recours, c'est rien que pour des gens qui n'ont pas d'argent. Le jour où on va comprendre la problématique des victimes d'actes criminels, qui sont les victimes les moins bien traitées de tous nos systèmes d'indemnisation sur la route, on va commencer à comprendre que c'est important de solliciter financièrement les chauffards.

Mais j'écoutais les délibérations, là, puis on a l'air à dire: Bah! Tu sais... J'écoutais M. le ministre l'autre fois. Il était invité à Simon Durivage, le lundi, Un an après, là. Il est assis là, puis à sa gauche, il y a un gars qui a été condamné sept fois pour l'alcool au volant. Sept fois! Tu sais, un vrai bandit! Sept fois, alcool au volant! Ah! Monsieur, félicitations! Vous êtes correct de vous êtes déplacé pour l'émission. Ça se peut-u? Le jour où on va les trouver moins sympathiques, ces gens-là, ces tueurs-là, les gars qui tuent puis qui blessent, saouls comme des bottes, ce jour-là et seulement ce jour-là on va avoir des changements d'attitude. Mais on touche pas au portefeuille; on les paie quand ils se blessent. On trouve toute sorte de raisons pour les payer. T'as des enfants? On va te payer.

Moi, je paie des taxes, je paie des impôts, et je suis comme 85 % des Québécois, je suis contre le fait qu'on prenne mes impôts pour indemniser des tueurs et des criminels de la route. C'est clair, ça? Et j'ai fait faire six sondages depuis 1996 par Léger Marketing; ils sont tous dans mon mémoire. Et les six sondages ont donné 84 à 86 % d'appui à la proposition suivant laquelle on devrait permettre aux victimes d'actes criminels de réclamer aux chauffards l'excédent de ce que la SAAQ ne paie pas ? la différence. Aux petites créances, s'il veut. Il te manque 2000 $ que la SAAQ t'a pas payés? Vas aux petites créances contre le chauffard. Ça coûte quoi à la société, ça?

Puis quand on dit: Bien, c'est juste bon pour les avocats; ils vont se remplir les poches, puis tout ça, savez-vous la réaction qu'on a dans mon bureau, moi? Les gens viennent me dire: Le ministre nous prend pour des imbéciles. C'est drôle, hein? Il dit que nos avocats vont nous fourrer s'ils prennent la cause pour aller au civil. Les victimes sont pas des caves. Les victimes d'actes criminels sont capables de prendre un avocat puis de négocier avec l'avocat, puis elles sont capables de décider avec l'avocat s'il y a une cause ou s'il n'y en a pas, puis si le gars, c'est un tout-nu qui n'a pas d'argent, là, il n'ira pas en cour, l'avocat, puis l'accidenté non plus.

Alors, pourquoi les citoyens, en général, auraient un bon jugement quand c'est le temps de choisir un avocat, puis quand c'est le temps de le mettre dehors, l'avocat, parce qu'il n'est pas bon, tu le congédies, c'est tout. C'est pas un procureur de la couronne; t'es pas obligé de l'avoir, là. Tu peux choisir ton avocat pour aller au civil. Mais c'est drôle que, le ministre, paternaliste: Ah non! les avocats, c'est juste pour eux autres; on va faire faire de l'argent aux avocats, les victimes, ça leur donnera rien.

Regardez bien. Pour aller voir ton docteur comme accidenté de la route, on te donne 0,125 $ du kilomètre. On nous dit: Il y a pas de perte. L'excédent, c'est quoi? L'excédent, c'est la première semaine. L'excédent, c'est les personnes proches des victimes, qui ont pas une cenne à l'heure actuelle, sauf depuis le mois d'avril, une directive. Ça vaut pas grand-chose. L'excédent, c'est le 10 % de salaire que tu paies. L'excédent, c'est les frais de psychologue du père puis de la mère. L'excédent, c'est la différence entre ce que ça te coûte pour voir un psychologue à 75 $ puis ce que la SAAQ te donne, parce que c'est moins que ça.

L'excédent, c'est l'argent que tu perds pour aller voir ton docteur. C'est niaiseux, là: 0,125 $ pour aller voir le médecin. Tu pars de Matane, tu t'en viens à Québec, on te donne 60 $ avec ton char, tu sais. M. le président de la SAAQ, lui, il a 400 $ par mois pour se déplacer, à 16 km de son domicile... 16 km, pas de son domicile mais du siège social de la SAAQ. Il y a pas de problème avec ça, lui. Puis les fonctionnaires de la SAAQ qui vont se déplacer pour se réunir en quelque part pour discuter des accidentés de la route, qu'ils disent bien connaître, eux autres, ils ont 0,37 $ du kilomètre. Les accidentés, on leur donne 0,125 $. Ça répond pas aux dépenses. Il y a un excédent. La SAAQ ne paie pas pour tout. Il y a de l'argent qui se perd.

Serge Bergeron, 72 000 $ qu'il a perdus, tu sais? Ses fils ont été obligés d'abandonner l'école, il a perdu du salaire; il a un enfant qui a manqué une année de travail. Mme Dion, ça lui coûte 12 000 $ pour faire enterrer son fils Sébastien ? 12 000; on lui donne 3 500 $ en vertu de la Loi de la SAAQ. Elle est victime d'un chauffard, elle est victime de la route. Elle perd son fils, et elle prend dans sa poche 9 000 $ pour faire enterrer son fils. Pourquoi on lui permettrait pas d'aller en Cour du Québec avec un avocat au pourcentage qui va, dans cinq mois, aller collecter le 9 000 $ qui manque, là?

C'est quoi, le problème? Pourquoi on les protège tant les criminels, au Québec? Pourquoi on les protège tant? Je comprends pas, ça me dépasse.

M. Brodeur: Oui...

M. Bellemare (Marc): Deux poids, deux mesures: criminel sur la route, tu peux tout faire, tu peux foncer sur ta blonde. Il y en a un... J'ai un article de journal, là: Fonce sur sa blonde en auto: no fault, hein? Nous avons à la tête de la SAAQ les talibans du «no fault», les intégristes du «no fault». Ils se mettent à genoux sur leur loi puis ils font des pirouettes le soir, là, tu sais?

Des voix: ...

M. Bellemare (Marc): Faisons des exceptions. Si on veut protéger ce régime-là, si on veut le développer et lui donner la dose de crédibilité qu'il a besoin, faisons ce que les Québécois demandent de faire. 85 % des Québécois disent: Changez votre loi. Et puis, les Québécois qui votent là-dessus, là, quand ils ont des problèmes avec la SAAQ, c'est pas le ministre qu'ils vont voir puis c'est pas le professeur Gardner, qui est même pas avocat, puis qui dit tout connaître des besoins des victimes, qui va vous endormir pendant une heure de temps tantôt avec ses graphiques puis ses grandes tendances.

C'est vrai que les victimes d'actes criminels, que les accidentés de la route, à certains égards, sont mieux traités avec le régime actuel. Les chauffards sont les mieux traités parce qu'ils sont indemnisés puis ils sont à l'abri de toute poursuite. Sous l'ancien régime, les chauffards avaient pas une indemnité, ils avaient pas une cenne. Alors, c'est sûr que, si on tient compte de toutes les prestations versées même à ceux qui sont devenus d'heureux bénéficiaires de la SAAQ depuis 1978 ? les chauffards québécois, les grands gagnants de cette réforme ? les premiers gagnants... au plus haut chef, partout, il n'y avait rien sous l'ancien régime. C'est sûr que, si on tient compte de tout ça, on peut peut-être en venir à une augmentation des indemnités.

Mais, moi, je vous dirais que peut-être qu'on est mieux qu'on était, en gros. Peut-être que le régime de la SAAQ aujourd'hui fait en sorte que la moyenne des Québécois, petits comme grands, grands blessés, petits blessés, chauffards comme les autres, sont mieux traités que sous l'ancien régime qui était inacceptable. Je me suis battu pour mettre en place un régime public, moi. J'ai milité pour ce projet-là, j'étais le seul dans la classe au Barreau à être favorable à cette loi-là.

Mais est-ce que c'est parce qu'on a fait un progrès en 1978, puis qu'il y a un large consensus pour le «no fault» pas dans les cas d'actes criminels, est-ce que c'est pour ça qu'on va jammer là, puis qu'on va passer les 50 prochaines années à indemniser les criminels de la route à 15 millions de dollars par année? On a-tu les moyens de faire ça? 15 millions par année, on est dans le trou de 200 millions là. Qu'est-ce que ça prend?

M. Brodeur: Me Bellemare...

Le Président (M. Lachance): Il reste 30 secondes, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: 30 secondes? En terminant, Me Bellemare, vous avez parlé rapidement de victimes, le sens qu'on doit donner au mot «victime». Vous avez parlé de Mme Dion, justement, où on l'a pas dédommagée. Est-ce qu'on doit tenir compte que la loi devrait être modifiée pour élargir le terme de «victime» et étendre ça à la famille immédiate?

M. Bellemare (Marc): Qu'on prenne la directive du 5 avril 2000 puis qu'on la mette dans la loi. Ça vaut rien, ça. Demain matin, on est dans le trou. Regarde, Jacques, révise donc le programme, là; il y a pas gros de demandes là-dessus, on laisse tomber.

Mais qu'est-ce qu'on fait avec les gens à qui on n'a pas reconnu ce statut-là alors que la loi est la même depuis 1978? Mme Dion a posé la question. «Moi, j'ai pas eu ça. J'ai pas eu ça, moi. Allez-vous me le donner?» Le ministre était rendu ailleurs; il a pas répondu puis il répondra pas encore aujourd'hui.

Le Président (M. Lachance): Très bien, ça complète la partie... Le temps...

M. Chevrette: M. le Président, est-ce qu'il reste du temps à la partie...

n(16 h 50)n

Le Président (M. Lachance): Oui, il vous reste, du côté ministériel, 4 min 25 sec.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais en profiter, M. le Président, pour déposer un sondage vis-à-vis du système pourri qui démontre très clairement ? et c'est fait par la firme Léger & Léger Marketing ? qui démontre la satisfaction puis qui prouve les chiffres qu'on a avancés.

Deuxièmement, je voudrais déposer deux lettres d'un professeur de l'Université de Sherbrooke, Me Jacinthe Mercier, qui dit ce qu'elle pense des exagérations ou de l'inflation verbale.

Documents déposés

Le Président (M. Lachance): Documents déposés.

M. Chevrette: Troisièmement, je voudrais également, M. le Président, parler des améliorations du régime, un régime pourri, pas bon, qui a pas été amélioré.

On est passé sur les dommages pécuniers... les pertes non pécuniaires, de 75 000 en 1990 à 179 000 en 2001; ça doit être des quétaineries, ça. D'avoir passé... d'avoir mis 30... 38 millions dans le traumatisme... dans les traumatismes crâniens; d'avoir des expériences, des points de... des projets de recherche pour 7 000 victimes sur les tissus mous. En réadaptation, on a ajouté énormément d'argent en réadaptation. On a été félicité par les médecins, par tous ceux... les professionnels qui travaillent en réadaptation et qui ont été... qui sont venus témoigner, eux, en respectant leur code d'éthique, en ne jugeant pas les avocats, et en respectant leur propre code d'éthique, même si on leur a posé des questions.

M. le Président, je vous avoue... vous devez comprendre pourquoi je me suis pas livré à un questionnement. Et je terminerai, puis je n'ai plus d'autres commentaires, et je remercie celui qui a témoigné. Je dirai que tout ce qui est exagéré est trop exagéré. En parlant du «taliban» ici et toutes sortes de choses de même, on sombre dans l'insignifiance. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Merci, Me Bellemare. Alors, nous allons suspendre pendant quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

 

(Reprise à 16 h 56)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je demande à M. Daniel Gardner de la Faculté de droit de l'Université Laval de bien vouloir ? oui, c'est déjà fait ? prendre place à la table, s'il vous plaît. Alors, bienvenue, M. Gardner.

M. Chevrette: Bonjour. ...je ne sais pas pourquoi. Ha, ha, ha!

M. Daniel Gardner

M. Gardner (Daniel): Bonjour à tous. Je vais essayer de me verser un peu d'eau. Voilà. Alors, l'atmosphère un peu lourde... J'aimerais qu'on... Moi, je ne me chicanerai pas avec personne, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gardner (Daniel): Ha, ha, ha! Je suis pas venu ici pour me chicaner. Je suis venu ici pour donner de l'information. Vous allez voir que j'ai des opinions. On peut en discuter, puis j'élève pas la voix. Puis on peut ne pas être d'accord avec moi, puis on va encore pouvoir se parler après, là, n'ayez pas peur.

Donc, moi, hier, je rencontrais un collègue qui me demandait si j'allais pouvoir être présent à une réunion, une de nos centaines de réunions, comme, vous autres, vous avez, à l'université. Puis, je lui disais: Bien non, je suis en commission parlementaire pour l'assurance automobile. Encore! Comment ça, encore? Il dit: Tu y vas tout le temps pour ça. Non, j'y vais pas tout le temps pour ça. Les dernières fois, j'y allais que pour les criminels de la route, qui est une question importante mais qui n'est pas la seule question.

D'abord, une fois, on me demande de parler du régime d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile. On va en parler, des criminels de la route, je sais bien, là, puis vous me poserez toutes les questions que vous voudrez là-dessus. Mais vous allez me permettre, dans un petit premier 20 minutes, de vous parler du régime en général, de vous donner de l'information sur les bases: pourquoi il est là, pourquoi ça fonctionne comme ça, puis peut-être d'essayer de vous donner quelques informations qui ont peut-être été manquantes. Ou, en tout cas, peut-être qu'il y en a eu, là, qui sont venus dans les semaines précédentes ? moi, j'ai pas lu, là, tout... la transcription de tout ce qui s'est fait. O.K.?

Alors, j'avais fait un mémoire de neuf pages. Je l'ai fait exprès très court, en me disant: On a peut-être une chance avec ça de le lire. Évidemment, ayez pas peur, je le lirai pas. Je vais essayer de résumer les grandes idées, là, dans le 18 minutes à peu près, que je me suis donnés, qu'il me reste.

Vous savez, on parle beaucoup de «no fault», puis il y a peu de gens qui savent vraiment qu'est-ce que c'est. Parce que, le «no fault», il y en a de toutes les sortes, de «no fault», à travers le monde. Il y a trois grandes catégories de «no fault». Vous allez m'excuser d'employer des termes anglais parce que c'est né aux États-Unis, pour la plupart, ou dans des juridictions anglaises. Alors, c'est les termes anglais qui sont plus utilisés, mais vous allez voir, vous allez comprendre rapidement.

La première forme, c'est ce qui existe principalement aux États-Unis; ça s'appelle les «add-on plans» ? additionnés par-dessus le plan. Alors, les «add-on plans», ça, c'est venu au début des années soixante-dix, et l'idée est très simple là-dedans, c'est: Donnons un certain niveau d'indemnité aux victimes, puis s'ils considèrent que leurs blessures valent plus que le montant qu'on leur donne, on leur permet de poursuivre devant les tribunaux de droit commun. Ça, c'est venu aux États-Unis, en réaction... parce que depuis les années soixante, il y avait des gens qui travaillaient pour introduire le «no fault» aux États-Unis, parce que ça coûtait cher, ça marchait pas, le système de droit commun. Puis, après que ça a été là... Tout ce que je dis, je vous le dis tout de suite... d'ailleurs, ça va être vérifiable; je sais que c'est enregistré et c'est vérifiable.

n(17 heures)n

Après s'être fait sortir, à coup de carabine, d'assemblées publiques où il tentait d'imposer le... il tentait, pas d'imposer mais de convaincre les gens du «no fault», après avoir reçu des menaces de mort, il y a un monsieur, qui s'appelle Jeffrey O'Connell, qui est très âgé aujourd'hui mais qui est encore tout là et avec qui j'ai eu l'occasion de discuter puis qui s'est dit: Bien, on est aussi bien d'essayer de passer un minimum, donnons au moins un minimum aux victimes. Et c'est de là qu'est venue l'idée des «add-on plans»: indemnité de base à tout le monde, sans égard à la responsabilité; possibilité de poursuivre pour l'excédent. C'est le pire régime possible. D'ailleurs, M. O'Connell le reconnaît aujourd'hui, lui-même. Il dit: On a fait une erreur, il est trop tard pour revenir là-dessus. Puis c'est ça qui explique la mauvaise presse du «no fault», partout aux États-Unis, entre autres.

Pourquoi? C'est parce que, ça, cette indemnité de base là, elle sert de levier. La victime prend l'indemnité, s'en va voir un avocat, puis elle dit: Tiens. Ça, avec ça, je finance ma poursuite de droit commun. Tout coûte plus cher. Ça coûte plus cher aux compagnies d'assurances qui versent l'indemnité de base. Ça coûte plus cher à la compagnie d'assurances qui se défend. Ça coûte plus cher à la victime. C'est pas pour rien que le «no fault» aux États-Unis, ils ne savent pas ce dont il s'agit. Ils connaissent pas le vrai «no fault». Ça, c'est le premier régime ? le pire.

Le deuxième régime, c'est ce qu'on appelle le «parol threshold» ou encore le «gateway system». L'idée, c'est que, là, on met une barrière mais une barrière plus élevée. Là, c'est pas de mettre un niveau minimal d'indemnité. Juste pour vous donner une idée, les niveaux minimals, ça a déjà été 2 000 $ en Alabama. C'est pas dur de poursuivre au-dessus de 2 000 $, hein? T'as juste à dire que tu t'es fait mal au petit doigt puis t'en as pour 3 000, si ça te tente de le demander. Alors, les «gateways», eux autres, c'est de dire: Bon, attention, là! faut pas permettre les poursuites dans tous les cas. On va dire: Seulement quand il va y avoir décès ou qu'il va y avoir blessures sérieuses, «serious injury or death». Ça, c'est ce qui existe en Ontario, c'est ce qui existe dans l'État de Victoria en Australie; c'est ce qui existe dans certaines autres juridictions.

Le système fonctionne relativement bien. Par rapport au système où il n'y a pas de «no fault» du tout, là, les primes d'assurance baissent, les délais d'indemnisation baissent, évidemment. Ça fait des coûts un peu moindres. Les indemnités réussissent à entrer plus vite dans les poches des victimes.

Mais, si on compare par rapport à ce qu'on connaît, nous, qui est un système de pur «no fault», de «pure no fault», c'est sans commune mesure. Si on compare, par exemple, le niveau d'indemnité qu'on reçoit ici, au Québec, versus le niveau d'indemnité qui est versé en Ontario, si on compare le niveau de primes qui est payé au Québec versus le niveau de primes qui est payé en Ontario, ou vous pouvez prendre l'exemple de l'État de Victoria en Australie, c'est habituellement du simple au double. Plus vous donnez de recours devant les tribunaux de droit commun, moins vous fermez le régime pour dire: «Tout le monde va être indemnisé, mais aucune possibilité de poursuite», bien, plus vous faites ça, puis plus le régime va coûter cher à fonctionner.

Mais, ça, là, ce qu'on appelle le régime de pur «no fault», la troisième grande catégorie de «no fault», qu'on a, nous, au Québec, qui existe au Manitoba, en Saskatchewan, dans le Northwest Territory en Australie, qui existe en Nouvelle-Zélande, qui existe dans les pays scandinaves... On n'est pas tout seul dans le monde, là. Puis on va parler tantôt des criminels de la route. On n'est pas tout seul à indemniser les criminels de la route puis on n'est pas tout seul à ne pas permettre de droit de poursuite contre les criminels de la route. On va tout revenir là-dessus.

Mais, ces systèmes-là, ils sont très, très difficiles à implanter, parce que c'est difficile de convaincre les gens que ça va coûter moins cher pour tout le monde, sauf évidemment pour ceux qui en faisaient leur pratique. Ça, c'est bien sûr. Alors, à tous les endroits dans le monde où on tente de passer d'un régime de «add-on plans», par exemple, à un régime de pur «no fault», c'est toujours le Barreau qui est en avant, les premiers opposants à l'instauration de ce système-là; eux ont à y perdre ? les avocats. Mais, pour le reste, personne n'a à y perdre.

Je connais personnellement ? et on pourra me questionner là-dessus ? tous les grands régimes de «no fault» en matière d'accident d'automobile qui existent à travers le monde, et je peux vous garantir que le Québec a le meilleur rapport primes-indemnités dans le monde. Il n'y a aucun autre régime à travers le monde où on paye 142 $ de primes d'assurance automobile ? d'ailleurs, vous m'excuserez, mais tantôt je vais vous dire pourquoi je trouve qu'elle est trop basse, on y reviendra ? mais, qu'on paye 142 $, qu'on a le droit à 90 % de notre revenu net, qu'on a le droit, si on est gravement blessé, jusqu'à 179 800 $ pour nos pertes non pécuniaires. Moi, quand je raconte ça en conférence ailleurs, en dehors du Québec, là, les gens ne me croient pas. Ils disent: Mais, ça se peut pas, on a de la misère à avoir ça devant les tribunaux de droit commun. Puis, nous, la Loi sur l'assurance automobile le donne à tout le monde automatiquement et dans des délais qui défient toute imagination.

Celui qui m'a précédé tout à l'heure parlait de délais, première semaine pas indemnisée pour les pertes salariales. En droit commun, là, comme les procès, se rendre à jugement, quand on gagne, ça prend en moyenne sept, huit ans. Ça fait-u assez long comme période où vous êtes pas indemnisé pour vos pertes salariales, ça?

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Gardner (Daniel): Il parlait: 90 % du revenu net qu'on donne, plutôt que 100 % en droit commun. On pourrait peut-être vous mentionner que le 90 % du revenu net, qui est donné par la SAAQ, qui est plus élevé que dans la plupart des autres régimes ailleurs... Là, les autres régimes, même de «pure no fault», c'est habituellement 80 %. Nous, on donne déjà 90 %. Le 10 % de différence, c'est parce que la victime a moins de dépenses. Elle a plus de dépenses pour aller travailler, plus de dépenses de vêtements, de repas à l'extérieur. Mais, même là, même quand on compare avec le système de droit commun, les indemnités de la SAAQ à 90 % sont plus payantes, pour une raison très simple: les indemnités que vous recevez de la SAAQ pour perte salariale ne sont pas imposables. Les indemnités que vous recevez d'un tribunal ordinaire ? pour responsabilité médicale, accident de ski, n'importe quoi ? le capital est pas imposable mais les revenus d'intérêts le sont, eux autres.

Or, le juge, jamais il vous donne le plein capital quand il vous donne un montant de dommages et intérêts sous forme forfaitaire devant les tribunaux. Il dit: On va te donner 600 000. Bien placé, tu vas produire 300 000 $ d'intérêts, ça va te donner ton 900 000 qu'on t'a calculé. Bien, quand on taxe le 300 000, là, parce que c'est taxable comme n'importe quel revenu, c'est ça qui explique qu'au bout du compte les victimes devant les tribunaux ordinaires... il parlait de préjudices graves tantôt, il paraît que c'est eux autres les plus mal traités. Je dirais que c'est le contraire, c'est eux autres les mieux traités par rapport à ce qu'ils auraient devant les tribunaux de droit commun.

En 1998, j'ai écrit un article dans une revue scientifique, avec comité de lecture, puis qui est lu par tous les pairs ? avocats, professeurs de droit et autres ? sur... qui s'appelait Comparer l'incomparable. J'ai comparé les indemnités versées devant les tribunaux de droit commun puis dans la Loi sur l'assurance automobile. J'en suis arrivé à la conclusion, après avoir comparé ? puis je sortirai pas de graphiques, ayez pas peur, hein ? j'en suis arrivé à la conclusion ? les chiffres sont là pour le prouver ? que les victimes d'accidents d'automobile reçoivent, en bout de compte, plus d'argent que les victimes d'erreurs médicales qui gagnent leur procès ? je parle même pas de celles qui perdent, là ? celles qui gagnent leur procès, que les victimes d'accidents de ski qui gagnent leur procès, parce que les principes de base du régime rentrent, plutôt que somme forfaitaire, pas d'imposition, ils sont meilleurs que ce qui existe devant les tribunaux de droit commun.

Et ça, avez-vous remarqué que ni lors de cette commission parlementaire ni lors des précédentes on n'a jamais contesté les conclusions que j'ai atteintes dans mon étude? Je mets au défi publiquement n'importe quel professeur de droit ou avocat de contester les chiffres que j'ai utilisés. Je le sais que j'en aurai pas, de contestation, je prends les causes.

Vous savez, moi, j'ai écrit un livre qui s'appelle L'évaluation du préjudice corporel. Je dois être le seul fou au Québec qui lit toutes les causes impliquant un préjudice corporel qui se rendent devant les tribunaux. Je les lis toutes, hein? C'est complètement fou d'ailleurs, mais je le fais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gardner (Daniel): Et quand je dis devant les tribunaux de droit commun: Ça donne ça comme montant, puis dans la Loi sur l'assurance automobile, ça donne ça... Je le dis, je lance le débat public. S'il y a quelqu'un qui veut m'affronter dans un débat public pour comparer ces indemnités-là, moi, je suis prêt à le faire n'importe quand; je passe ma vie à baigner là-dedans.

La Loi sur l'assurance automobile indemnise mieux les victimes de préjudices graves que le régime de droit commun. Je vais vous donner juste un autre petit exemple. M. Bellemare le disait d'ailleurs lui-même, tout à l'heure. On commence à avoir des victimes blessées en 1979, 1980, 1981, 1985 qui reviennent voir la SAAQ, parce que, là, ils ont eu une rechute, ils ont eu une aggravation, puis la SAAQ les indemnise. Et c'est très bien comme ça qu'elle les indemnise. Si ça s'était passé devant les tribunaux de droit commun, on n'aurait même pas pensé à aller revoir le tribunal, ne serait-ce qu'après quatre ou cinq ans. Ça n'existe pas. Il existe devant les tribunaux ordinaires une règle qu'on appelle le «once and for all», une fois pour toutes. Tu as eu ton indemnité, vis avec.

Bien, la Loi sur l'assurance automobile, un de ses avantages, là, c'est qu'elle suit la victime. Tant que la victime est incapable, on va l'indemniser; tant que la... si la victime redevient blessée plus tard, on va l'indemniser. Puis ça, c'est une des raisons du déficit appréhendé de 200 millions, là. C'est qu'on n'avait pas pensé que les victimes qui allaient revenir sur le système allaient être plus âgées, et donc, allaient moins bien réagir. Donc, ça a demandé plus de soins, plus de traitements de physiothérapie, etc. Or, ça, c'est une des causes qui explique pourquoi le régime, il commence à avoir de la misère un petit peu, parce qu'on se ramasse avec de plus en plus de victimes puis les victimes vieillissent de plus en plus. Alors, ça coûte de plus en plus cher les indemniser.

Bon. Là, je suis en train de m'en aller tout croche encore, et je voudrais vous parler de qu'est-ce qui pourrait être amélioré dans la loi, avant qu'on arrive avec la période de questions. Ce qui pourrait être amélioré dans la loi ? puis vous allez être content, M. le ministre, je vais vous parler d'affaires qui coûteront pas cher, hein? Je suis pleinement conscient du fait qu'un régime d'indemnisation qui indemnise tout le monde, c'est pas la société casino du droit commun, où c'est un élu pour 10 qui ont été appelés. Il faut à un moment donné limiter les indemnités. Ce qu'il faut s'arranger, c'est que ça soit des indemnités qui soient équitables puis fort acceptables.

Si on veut essayer d'améliorer le système, c'est pas tant dans ses principes de base. Le principe de l'indemnisation de tout le monde... savez vous, entre autres, qu'on est le seul régime à travers le monde où les Québécois sont couverts partout à travers le monde, que vous êtes frappé par un taxi à Paris, ou en traversant, par un jeep, au Népal, vous êtes indemnisé par la Société de l'assurance automobile? On vous rapatrie. Ils en rapatrient 50 par année, la SAAQ, des gens qui sont blessés comme ça, en Floride, n'importe où, sans égard à la responsabilité de quiconque. Bien, ça, là, avec un régime de droit commun, ça marcherait pas, ça, ces affaires-là.

n(17 h 10)n

Alors, ce qu'on peut faire pour améliorer le régime, on peut améliorer l'image du régime, premièrement. Moi, la chose que j'aimerais bien qui passe ici puis qui soit comprise, c'est que, s'il y a une espèce de, comment je dirais ça, il y a une espèce d'idée qui passe présentement, hein, que la Société de l'assurance automobile, c'est des gros méchants, puis ils sont toujours là pour refuser d'indemniser les gens.

Si vous saviez, moi, comment j'entends des histoires au contraire, de gens qui me disent: C'est donc merveilleux! L'infirmière est venue me voir dans ma chambre et elle m'a aidé à remplir la déclaration d'indemnisation. Vous savez ce que j'ai déjà entendu, moi? Aux États-Unis, dans les États du Sud, il y a des avocats qui sont plogués sur les lignes d'urgence; ils se présentent avant l'ambulance pour distribuer les petites cartes. Bien, moi, personnellement, j'aime mieux faire affaire avec une infirmière qu'avec un avocat quand je suis blessé, personnellement.

Alors, ça, c'est des choses qu'on doit continuer à améliorer au niveau du service à la clientèle, puis si on veut changer la perception qui semble vouloir se répandre présentement. Parce que, là, on a beau citer des études qui disent que la grande majorité des victimes se déclarent satisfaites ou très satisfaites, il reste que c'est sûr que c'est toujours celles qui sont pas satisfaites qui vont faire du bruit. Et, en passant, un petit aparté: Moi, je mets au défi de me trouver 15 % des victimes indemnisées par les tribunaux de droit commun qui sont satisfaites. On disait tout à l'heure, 85 %, on devrait pas s'en péter les bretelles, ça veut dire que 15 % sont pas satisfaites. Moi, je mets au défi d'en trouver 15 % de satisfaites, puis pas de celles qui ont perdu le procès, juste de celles qui ont gagné leur procès. Les victimes sortent d'un procès de droit commun écoeurées. Ils ont l'impression que personne les a écoutés. Ils ont l'impression qu'ils étaient un pion dans l'échiquier, que c'était une bataille entre des experts médicaux, des avocats, que ça prenait un temps fou. Il faut leur éviter ça à tout prix.

Alors, si on veut leur éviter ça, moi, je propose, et pour ça, c'est le seul bout que je vais vous lire, vous allez me permettre. C'est une entrevue qui a été faite, puis je vais vous lire cinq lignes, hein, puis vous allez comprendre tout de suite de qui il s'agit.

La personne répond à une question... C'est marqué la question d'avant, c'étaient des rires, alors ça part bien. Alors, la personne répond à la question en disant: «Les gens savent que, Bellemare, c'est de l'assurance qu'il fait ? c'est donc Marc Bellemare qui parle. C'est des dommages corporels contre le gouvernement et contre les assureurs privés. Alors, les gens viennent me voir, et je vous dirais que ? écoutez bien ça ? sur peut-être une dizaine de personnes qui viennent me voir, j'en garde peut-être un ou deux.» Où s'en vont les autres, ma foi du bon Dieu? «Parce que souvent ? je continue à lire ? c'est pas des causes, hein, les gens sont mêlés. Ils ne comprennent pas; ils veulent de l'information. Alors, ils viennent voir quelqu'un qui est indépendant et loyal, puis il faut croire que j'ai ces qualités-là.»

Mais personne ne conteste que M. Bellemare est indépendant et loyal. J'ajouterais même qu'il a d'excellentes compétences dans le domaine et une honnêteté intellectuelle à toute épreuve. Le problème, c'est que ces compétences-là, malheureusement, ne sont pas gratuites.

Moi, ce que je vous propose, c'est qu'on trouve quelqu'un d'indépendant, loyal, compétent et honnête, qu'on pourrait appeler un ombudsman, qui serait payé par les fonds de la SAAQ, mais qui serait totalement indépendant de la direction de la SAAQ, c'est-à-dire qu'il ne pourrait pas être révoqué, pas par eux, en tout cas. Par qui il serait nommé? Je ne le sais pas, vous connaissez les mécanismes mieux que moi: par l'Assemblée nationale, par un comité, je ne sais pas trop, et qui pourrait ramasser, là, ces huit ou neuf sur 10 qui ont été laissé tomber puis même les un ou deux qu'il garde, c'est des gens qui pourraient consulter pour savoir, pour se faire démêler un peu leur affaire, se faire expliquer comment ça se fait qu'on ne m'indemnise pas comme je pensais?

Il existe présentement à la SAAQ, puis Dieu sait que je ne veux pas parler contre ces personnes-là, il y a deux ou trois personnes, si mes connaissances sont bonnes, qui offrent un tel service. Mais mettez-vous à la place d'une victime d'accident d'automobile. Déjà, elle trouve que la SAAQ, ça va pas. Déjà, elle trouve qu'on essaie de l'avoir. Son réflexe sera évidemment pas d'aller à la SAAQ pour demander conseil. Il faudrait qu'elle aille en dehors. Bien, nommez quelqu'un d'indépendant, qui a les moyens de répondre gratuitement et rapidement aux demandes puis de faire de la médiation même. S'il voit à un moment donné qu'il a une bonne cause, bien, qu'il contacte les gens à la SAAQ puis qu'il dise: Bien, regardez, là. Ici, il y aurait peut-être moyen de faire un arrangement. Moi, je suis sûr que la perception du régime en serait déjà grandement améliorée.

Une autre façon d'améliorer la perception du régime, le Bureau de révision. Le Bureau de révision... Ah! Je le sais, je manque toujours de temps. Qu'est-ce que vous voulez, c'est l'histoire de ma vie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gardner (Daniel): Le Bureau de révision, on dit... il y en a qui disent: Abolissez ça. La SAAQ gagne tout le temps! Oui, mais s'il fallait que celui qui révise la décision de l'agent d'indemnisation change la décision neuf fois sur 10, on aurait des problèmes à la base. C'est tout à fait normal que sept sur 10 à peu près des décisions soient confirmées en révision, puis le même pourcentage à peu près est confirmé ensuite devant les tribunaux administratifs.

Moi, ce que je dis, le Bureau de révision... Regardez bien le nom, c'est pas un tribunal. Le problème, c'est quand on a commencé à mettre des avocats là-dedans. Le Bureau de révision, ça devrait être un endroit où la victime se présente seule, sans frais. Si elle veut juste une lettre avec un timbre dessus, qu'elle envoie sa réclamation, puis là, on a un agent de la SAAQ, oui, parce que c'est pas un tribunal ? justement, on n'a jamais voulu que c'en soit un ? qui révise la décision de première instance, gratuitement.

Ce que je voudrais qu'on mette dans la loi, c'est comme ils ont fait au Manitoba en 1998, où ils avaient copié notre loi, nous, en 1994 puis ils l'ont révisée, puis un des petits changements qu'ils ont faits c'est celui-là: obligation de la SAAQ de répondre dans les 30 jours de la réception de la demande de la victime. La SAAQ dit qu'elle est pas capable de faire sa preuve, la SAAQ dit qu'elle peut pas faire déplacer les gens pour rendre sa décision, tant pis, qu'elle perde, mais qu'on rende jugement dans les 30 jours. Puis, 30 jours de plus, 30 jours de moins pour la victime, là, ça changera pas sa vie, mais ça pourrait lui permettre par exemple, un cas sur trois, d'avoir gain de cause, gratuitement.

Si j'ai le temps tout à l'heure, si on a la gentillesse de me poser des questions là-dessus, j'aurais des petites choses à vous dire sur les niveaux d'indemnité qu'on pourrait donner, entre autres dans les cas de M. Bergeron et de Mme Bergeron, dont on a parlé tantôt. Alors là, je pense que mon temps est déjà écoulé.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Gardner. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie, M. Gardner. Je vais risquer de vous questionner. Vous avez pas l'air de «la vérité, la vie, la voie», comme votre prédécesseur. Je voudrais tout simplement vous demander quelques questions sur certaines orientations qu'on pourrait prendre. Je voudrais parler notamment... Je pense que c'est très clair, ce que vous dites et je connais votre compétence, et je veux vous remercier de nous permettre d'en profiter, à cette commission parlementaire.

Mais vous connaissez un peu ce que c'est que la pression publique. Vous êtes sans doute au courant du fait que le criminel reconnu coupable, le récidiviste en particulier, les gens ont beaucoup de difficulté à comprendre qu'on puisse en indemniser. Même M. Bellemare tantôt disait: Un cleptomane est pas indemnisé. Bien oui, je comprends, mais il ne paie pas de cotisation. J'aurais voulu lui expliquer ça un peu, mais je voulais pas heurter sa modestie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je veux tout simplement vous demander s'il est pensable, par exemple, dans un régime amélioré ou dans un régime peut-être rebrassé ou repensé un peu, si on pouvait pas imaginer que, par exemple, en vertu de la loi n° 38, la première offense, il est pris en charge, on lui passe un test. On veut lui venir en aide dans l'esprit de la prévention, dans l'esprit même de rendre service à un individu qui ne sait peut-être même pas qu'il a un problème d'alcool. Mais ça peut être aussi un groupe d'étudiants qui, un soir à la fin de l'année, fêtaient leur fin d'année puis qu'ils étaient convaincus qu'ils étaient en bas de 0,08. C'est pas tous des criminels, ça là, là.

Mais parlons des récidivistes. Celui, qui a été reconnu coupable, qui a posé des gestes; il en est à sa deuxième, souvent à sa troisième balloune, pour utiliser un jargon bien connu. Est-ce que vous croyez qu'il serait injuste de couper les indemnités salariales à un récidiviste?

M. Gardner (Daniel): Une chose en premier lieu qu'il faut dire: On peut tout faire, on peut... Ce serait une première mondiale, ça n'existe nulle part ailleurs dans le monde, puis je vous expliquerai tantôt pourquoi ça peut pas fonctionner, là. On pourrait dire: Les criminels de la route, c'est une classe à part. C'est une classe à part les criminels de la route, on les indemnise pas, il y a un droit de subrogation de donné à la SAAQ pour aller récupérer les indemnités, puis on a le droit de les poursuivre au civil. On pourrait faire ça, ça peut se faire sur papier, ça ne fonctionnerait pas.

Mais là, là, parlons juste, là, du cas qui est le plus difficile à traiter, hein? Là, on ne parle pas de droit de poursuite, on met pas les avocats là-dedans. C'est juste de dire: Ne pas l'indemniser. Je vais vous dire juste une chose: Si c'était si simple que ça de couper des indemnités, on serait pas assis ici, vous puis moi, à essayer de trouver une solution. Ça fait 23 ans que le régime est en vigueur, il fonctionne également comme ça en Nouvelle-Zélande depuis 1972, il fonctionne ensuite depuis les années soixante-dix. Si on n'a pas encore touché à ça, il doit y avoir des mosus de bonnes raisons pour ça. C'est pas facile. C'est sûr que quand on pense récidivistes, criminels, on pense... des images qui nous viennent de celui qui a fait la première page du journal, là, mais c'est pas toujours si facile que ça.

n(17 h 20)n

Vous me parlez des indemnités pour perte salariale. Même pour le récidiviste, il y a la présomption d'innocence, la présomption d'innocence. À partir du moment où il serait reconnu coupable? Oui, il en reste très peu qui ont encore droit à ce moment-là à des indemnités de remplacement du revenu, parce que, le plus souvent, le délai que ça a pris, c'est 500 jours à peu près que ça prend pour obtenir une condamnation pénale.

Alors, le délai écoulé fait que la plupart de ces gens-là sont redevenus aptes à travailler. Ce serait pas évident de venir récupérer ça. Moi, j'imagine fort bien le criminel qui aurait tout intérêt à faire étirer les procédures, parce qu'il se dit: Tant que, moi, je suis pas encore condamné, je touche mes indemnités. Mais, c'est concevable, ils l'ont fait comme ça au Manitoba. Ça fonctionne cahin-caha mais ça fonctionne. Le régime fonctionne. Les primes coûtent plus cher qu'au Québec. Mais, bon, ils ont des indemnités pour pertes non pécuniaires moins intéressantes, mais ça fonctionne quand même. Il y a moyen d'y arriver. Ça, je voudrais que ce soit très clair, là. Moi, je dis pas que la solution qui dit: On indemnise toujours les criminels de la route, c'est la seule qui soit possible. Non. Si on veut que ça soit au moindre coût pour tout le monde... ça, je suis pas sûr.

Prenez l'exemple de la Nouvelle-Zélande. Ils ont une solution, qui apparaissait au départ fort intéressante, qui disait: À toutes les fois que l'organisme d'indemnisation a à faire avec un méchant récidiviste, ils s'en lavent les mains; ils mettent ça entre les mains d'un juge. Puis là, dans la loi, on a mis neuf critères ? c'est dans la loi ? pour permettre de dire: Ce méchant récidiviste-là, on devrait-u l'indemniser ou on devrait pas l'indemniser? C'est dans la loi depuis 1982. J'ai encore vérifié la semaine dernière avec un contact que j'ai là-bas, en Nouvelle-Zélande. Deux cas, depuis 1982, où on a coupé les indemnités, seulement deux cas. Les autres cas, bien, ça a commencé; il y a eu des plaidoyers. Évidemment, le criminel s'est pris un avocat, puis là, ça a commencé à faire des tractations. On s'est rendu compte que les montants en jeu finalement étaient pas si importants que ça, puis on a abandonné.

Deux cas seulement en 19 ans où on a coupé de moitié l'indemnité de remplacement du revenu. Ça vaut-u la peine de jeter tant de poudre aux yeux pour économiser finalement... Je le sais pas si on doit d'ailleurs économiser, dire...On met ça... L'appareil judiciaire, ça c'est une chose, on parle des coûts du «no fault». Pensez-y ce qu'on sauve en termes de système judiciaire, le nombre de causes qui apparaissent pas. Vous savez comment ça coûte faire fonctionner l'appareil de la justice avec tout le monde qui est là? Bien, ça c'est un... il y a...

Aux États-Unis, ils ont toujours les meilleures solutions. Ils ont passé des législations: «no pay, no play». Des récidivistes, d'habitude, c'est des gens qui ont pas de permis. Alors, «no pay», t'as pas payé de prime d'assurance, «no play», tu joueras pas avec nous autres, tu seras pas indemnisé.

1996, en Nouvelle-Orléans; 1997, en Californie, où ces législations-là ont été passées. Tout de suite, il s'est trouvé un quidam pour les contester constitutionnellement. Absence d'égalité de traitement devant la loi, tous les assistés sociaux se trouvent à être visés par ça parce que, eux autres, c'est prouvé que c'est plus eux autres qui n'ont pas de permis de conduire, etc. C'est pas encore réglé, ces causes-là. Ah! on peut le faire.

M. Chevrette: Êtes-vous en train de me dire que même une gradation... Je sais pas, moi. Il y en a qui me suggéraient: Écoutez, première offense, pas de pénalité; deuxième offense, x pourcentage de moins; troisième offense, encore un peu plus; quatrième offense, plus rien. Ce serait contesté?

M. Gardner (Daniel): Ah oui! Moi, je pense certainement que ça pourrait être contesté. Ah! au point de vue des Chartes, absence d'égalité de traitement, là, discrimination sur la base de l'article 10 de la Charte québécoise, la discrimination sur la base de la condition sociale? Certainement, qu'il va se trouver quelqu'un qui va vouloir monter ça jusqu'en Cour suprême. Ça, c'est évident...

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous répondez...

M. Gardner (Daniel): Mais je dis pas nécessairement que ça fonctionnerait, par exemple. Ça se peut qu'après quelques années on règle le problème, puis qu'on dise: Oui, oui, la législation est valide. C'est pas encore arrivé, là, aux États-Unis, mais ça pourrait arriver comme ça.

Moi, ce que je trouve au départ intéressant dans votre proposition, c'est de pas viser au minimum les premiers. Parce que si vous visez la première offense, là, vous venez de me demander, à moi, de m'assurer parce que, moi, en plus de 20 ans de conduite, j'ai jamais eu un accident; j'ai jamais pété la balloune, puis j'ai pas l'intention de le faire. Mais, moi, j'ai des enfants, j'ai une maison, je prendrai pas la chance qu'un moment donné on me pogne à ,09 parce que j'ai eu un cocktail au bureau puis j'ai pris un verre de plus que ce que je pensais. Pour une première offense, ça obligerait les bons conducteurs à s'assurer puis les méchants, là, ceux qui passent dans les journaux, eux autres, ils y penseraient pas plus.

Alors, ça, là, c'est un minimum vital de pas toucher les 13 000 dont on parlait tantôt qui en sont à leur première offense, là. Je pense, ça, c'est un minimum vital; sans ça, vous commencez à faire sauter le système. Parce qu'à partir du moment où les gens sont obligés de prendre une assurance complémentaire, le premier réflexe ? puis je vous jure qu'il va avoir du monde pour aller les aider devant les médias avec ça ? ça va être de dire: Pourquoi je paye une prime à la SAAQ, je suis obligé de m'assurer à côté? Il faut que le régime reste que quand tu t'assures tu es couvert. Qu'on puisse penser à des mesures pour les récidivistes, quand c'est plus à ta première infraction, oui, ça pourrait être concevable.

Je vais vous donner une idée, qui m'est déjà venue, qui pourrait être appliquée: les pertes non pécuniaires. Normalement, le problème avec les cas d'acte criminel, je vous l'ai dit: Ça prend à peu près 500 jours pour obtenir une condamnation. Or, les pertes non pécuniaires, les souffrances, douleurs, perte de jouissance de la vie, la SAAQ, elle attend toujours minimum un an, souvent 13 mois, 14 mois, 15 mois parce qu'il faut attendre que l'état de la victime soit, comme on dit dans le jargon médical, consolidé, c'est-à-dire qu'il faut que son état, il ne changera plus.

Alors, ce qu'on pourrait faire avec les pertes non pécuniaires, c'est de dire, pour les récidivistes, parce que, eux, au moment où c'est le temps de fixer l'indemnité, il y a déjà eu un jugement au pénal. Oui, là, ce serait possible de dire: Pour toi, tes souffrances, tes douleurs, méchant criminel, là, toi, on te les paiera pas. Ça, ce serait administrativement, il me semble, assez simple à faire. Il me semble. Puis, personnellement, moi, ça me surprend que le monsieur qui était ici avant moi, ait jamais soulevé ça. Y a-tu de quoi qui semble plus moralement répréhensible que de dire: Un méchant criminel de la route va obtenir de quoi pour ses souffrances morales. Il me semble, tu sais, que ça aurait dû frapper l'imagination.

Le système fonctionne comme ça, puis c'est pas ça qui fait... c'est pas parce qu'on indemnise ces gens-là que le système, il coûte plus cher ou moins cher. Moi, je dis d'ailleurs: Le système coûte moins cher parce qu'on se pose jamais de question. C'est pour ça.

M. Chevrette: Je vous remercie encore une fois. Je m'arrête là, mais j'apprécierais bien gros reprendre avec vous différents scénarios. Parce que j'ai une proposition à faire aux parlementaires tantôt, et ce serait peut-être intéressant dans la construction et l'élaboration des scénarios potentiels, qu'on ait une discussion en dehors de la commission, là, pour vraiment préparer une canne de... une série de scénarios potentiels que je voudrais voir discuter, en public, par cette commission.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission, M. Gardner. C'est très intéressant ce que vous dites, puisque ça fait un peu différent de ce qu'on a entendu en majorité. Vous répétez un peu l'opinion de Me Tétreault, professeur à l'Université de Sherbrooke, qui allait dans le même sens que vous.

Ce que j'ai saisi de votre argumentation concernant les criminels au volant, vous avez beaucoup l'approche budgétaire. Donc, vous dites qu'il n'y aura pas de différence de coûts vraiment si on intervient de façon très massive contre les criminels au volant, sauf que pour le législateur, il y a deux visions des choses: il y a une vision budgétaire, mais dans ce cas-là, on doit aussi avoir une vision de justice. Donc, ce que le citoyen demande de ses élus, c'est une apparence de justice, une apparence de justice. Et c'est certain que lorsqu'il arrive des catastrophes, comme on voit, là, des enfants qui ont été tués par des criminels au volant, le citoyen, ce qu'il demande à ses élus, c'est que la justice soit rendue et qu'il y ait au moins apparence de justice dans notre société.

Donc, au-delà de la considération strictement budgétaire ou d'efficacité, j'aimerais vous entendre sur cet autre point-là, le devoir du législateur de créer une justice qui sera acceptée par la société et qui fait en sorte qu'au moins la perception du citoyen, c'est qu'il y a une apparence de justice et que... d'ailleurs, vous avez noté, là, que, lorsqu'on va devant les tribunaux, on dit souvent en droit que la meilleure entente... la pire entente vaut le meilleur des procès. Sauf qu'on doit quand même tenir compte qu'on doit faire justice dans cette société-là. Donc, qu'est-ce que vous avez répondre sur cette argumentation-là, le devoir du législateur de donner une certaine justice dans toute la société?

M. Gardner (Daniel): Oui. Très content que vous me posiez la question. C'est d'ailleurs, moi, ma préoccupation principale. C'est dommage que je vous ai donné l'impression que ce soit purement économique parce que c'est un aspect, mais c'est loin d'être le seul aspect.

Effectivement, le droit puis la justice, on doit faire que ce soit le plus proche possible. Puis je pense qu'il y a moyen... ma réponse va être en deux volets. Il y a deux façons de faire ça: premièrement, comme on fait d'ailleurs, comme on faisait pas avant 1978, avant le «no fault» et comme on fait maintenant, en mettant des sanctions administratives puis des sanctions pénales plus lourdes pour les criminels de la route. Il faut aller les chercher dans leur portefeuille, comme disait M. Bellemare. Il faut aller les chercher dans leur portefeuille, il faut aller les chercher dans leur portefeuille avant qu'ils commettent un accident.

Un gars chaud a toujours peur de se faire prendre dans un barrage routier. Un gars chaud a jamais peur de faire un accident. C'est pour ça que la menace de poursuite civile, ça n'a aucun effet dissuasif. Mais, les barrages routiers, ça, ça fait peur en motasus, par exemple. Donc, il faut accentuer les sanctions où la victime est pas mêlée à ça. Parce que, quand on commence à mêler la victime, elle, elle pense qu'il va y avoir un effet catharsis de pouvoir avoir le criminel devant elle puis qu'il va avouer sa peine, puis qu'elle va pouvoir lui dire ce qu'elle pense. Ça se passe pas de même dans la vraie vie. Elle pourra même pas le faire au procès criminel. Ce sera encore pire, au procès civil.

n(17 h 30)n

Alors donc, y aller au niveau des sanctions pénales et administratives puis... D'ailleurs, je pense qu'on va dans la bonne direction. Jusqu'où on est prêt à aller? C'est facile de dire: Le criminel de la route qui a frappé un enfant, on devrait le condamner à la prison à vie. Il faut faire attention. Présentement, il y a des gens, qui prennent des carabines puis qui tirent sur d'autres, puis on les condamne même pas à la prison à vie. Alors, il faut qu'il y ait un équilibre. On parle de justice, là. Il faut qu'entre les criminels ils soient tous traités de la même façon. Qu'auparavant il y avait pas des sanctions suffisamment importantes pour les criminels de la route, tout à fait d'accord. Qu'il puisse y avoir encore à moduler puis à augmenter... parce que les gens ne sont plus prêts à accepter les questions de criminels de la route puis qu'ils s'en tirent avec des sentences suspendues ou des choses comme ça, tout à fait d'accord, mais certainement pas en mettant les victimes à travers ça.

Puis, le deuxième volet de ma réponse, pour que le système semble plus juste, je vais vous reprendre l'affaire Galipeault. Qui n'a pas oublié l'affaire Galipeault, qui s'est produite sur le boulevard Laurier en 1989, où un soldat de l'armée canadienne a tué quatre jeunes adolescents, ou au début de leur majorité, en passant un deuxième ou troisième feu rouge au volant d'un véhicule alors qu'il se sauvait de policiers qu'il avait essayé d'écraser? Qu'est-ce qui avait... Et, moi, je me rappelle d'avoir rencontré un des parents d'une des victimes, qu'est-ce qui avait choqué particulièrement ces victimes-là, et à bon droit? C'était que les indemnités versées aux parents des quatre enfants réunis étaient moindres que ce qu'on avait donné à M. Galipeault. C'est ça qui était inéquitable. On parle de justice, là. Là, il y avait pas de justice là-dedans.

Moi, dès 1989, quand cet accident-là est arrivé, j'ai dit: La solution, c'est d'augmenter les indemnités de décès, pas de baisser les indemnités pour le criminel. Ç'a pris 10 ans avant qu'on fasse ça. En 1989, on donnait 6 000 $ pour la perte d'un enfant. Aujourd'hui, on donne 40 000 $, c'est mieux. Il y aurait moyen d'aller encore un petit peu plus loin, puis d'ailleurs sans que ça coûte un sou de plus à la SAAQ. Présentement, là, vous perdez un enfant qui a pas de personne à charge, pas de conjoint, que cet enfant-là ait quatre ans ou 48 ans ? donc, que vous, vous soyez des parents âgés ? vous recevez la même indemnité. Bien, je m'excuse, moi, ma mère, elle m'aime beaucoup, mais ça lui ferait moins de peine que je meure aujourd'hui que quand j'avais quatre ans. Il y aurait moyen de prendre des sommes qui sont présentement données pour des décès de personnes relativement âgées, sans conjoint ni personne à charge, puis de bonifier les indemnités qui sont données aux parents. Parce que c'est celles-là qui font le plus mal. Perdre un enfant qui habite avec nous, c'est ça qui fait le plus mal. Augmentons les indemnités là. Puis, vous allez voir, les gens, d'ailleurs, ils vont arrêter de comparer avec ce que reçoit le criminel, ils vont recevoir plus.

Et je termine toujours, quand on me fait ce genre de demande là... Pensez-y, les affaires Galipeault, les affaires Boies, ça se serait passé avant le «no fault», qu'est-ce qui serait arrivé? C'est vrai, Sylvain Boies aurait pas été indemnisé. C'est vrai, Galipeault aurait pas été indemnisé. Mais les victimes non plus, par exemple. Moi, je préfère avoir un régime qui indemnise tout le monde, et à moindre coût... C'est prouvé. Les primes d'assurance sont là pour le prouver, la comparaison est facile à faire. J'aime mieux un régime comme ça qu'un régime qui dit: On va l'avoir, le méchant. Oui, mais les victimes, pendant ce temps-là, qu'est-ce qu'elles ont? La Loi sur l'assurance automobile est là pour, d'abord et avant tout, s'occuper des victimes. Laissons le criminel s'occuper du criminel. Laissons le pénal s'occuper du criminel.

Mais, donc, si on accepte de rejouer là-dedans, là... Puis, là les indemnités de décès, là, je le dis aux gens de la SAAQ, là, il y aurait moyen, avec l'enveloppe actuelle, de juste remoduler ça pour qu'il y ait plus versé aux parents qui perdent un enfant mineur puis moins à ceux dont l'enfant est rendu très, très âgé, puis déjà ça semblerait plus équitable dans la population. Mais, déjà c'est mieux, là, depuis 1999, qu'on donne 40 000 $. C'est déjà mieux, mais on pourrait donner un petit peu plus.

M. Brodeur: Étant donné que celui qui est déclaré... En fin de compte, celui qui est pris en état d'ébriété au volant, qui cause un accident, des blessés, des morts, est considéré comme un criminel au sens du Code criminel. Donc, dans le Code criminel, on fait pas de distinction entre le voleur de banque, celui qui commet toutes sortes de crimes... Donc, au sens de la loi, c'est un criminel. Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'on devrait dire... qu'on devrait penser que le criminel qui a tué quelqu'un en état d'ébriété est moins criminel qu'un autre qui a tué quelqu'un dans une autre circonstance?

M. Gardner (Daniel): Non, non, pas du tout, parce que justement je veux que les sanctions pénales ne soient pas différenciées selon qu'il a commis son crime avec une automobile ou avec une carabine. Ça, tout à fait, tout, tout à fait d'accord avec vous. Ce que je dis, c'est qu'au niveau des sanctions civiles où le but d'un système de compensation civile... Et là le mot le dit, hein? Pour compenser des victimes et non pas pour punir un responsable, on mène le mauvais combat. Puis, je vais vous apprendre quelque chose puis je vais le dire à tout le monde ici, puis aux journalistes aussi, parce que c'est pas connu, c'est pas la seule place, au Québec, où on indemnise les criminels de la route puis où on permet pas des droits de poursuite. Vous savez qu'au Canada le Manitoba puis la Saskatchewan, on n'a pas le droit de poursuivre les criminels de la route, en Nouvelle-Zélande non plus, en Australie, dans deux États non plus, dans les pays scandinaves non plus.

Ça, là, pourquoi on a fait ça? Pas pour protéger les criminels de la route, c'est parce qu'on s'est rendu compte que c'était la meilleure façon de rendre le système pas cher pour tout le monde, pour l'ensemble, alors que c'est une minorité, ces criminels de la route là. Puis ça répond aussi à des impératifs de pourquoi le régime de «no fault» est là. Vous avez un régime de «no fault» qui est financé par des gens qui paient les primes d'assurance automobile. Quand tu paies avant, tu paies pas après.

Qui sait, ici... On a beaucoup parlé de la CSST tout à l'heure, que tout va tellement bien. D'ailleurs, moi, je suis tellement content de voir que maintenant tout va bien à la CSST, parce que monsieur a tellement crié contre la CSST les dernières années. Là, tout va bien, merveilleux. En tout cas, eux autres, ils doivent être heureux. Donc, on espère qu'un jour on va en arriver à la même chose pour la SAAQ. Mais qui sait que présentement ? et, c'est la même chose depuis 1931, on parle pas d'avant-hier, là ? qu'un employeur qui commet un acte criminel sur les lieux du travail envers un de ses employés ou un travailleur qui commet un acte criminel envers un cotravailleur sur les lieux du travail ne peut pas être poursuivi au civil, de la même façon que les criminels de la route? On n'en parle pas de ça. Pourquoi? Pour la même raison que pour les victimes d'accidents d'automobile: on a payé la prime avant, on peut pas être poursuivi après.

M. Brodeur: Si vous me permettez, M. Gardner...

M. Gardner (Daniel): Je vous en prie.

M. Brodeur: ...parce que le temps file puis je voudrais vous poser une petite question encore.

M. Gardner (Daniel): Je vous en prie.

M. Brodeur: Vous avez soulevé ma curiosité d'entrée de jeu lorsque vous avez dit que 142 $, c'était pas assez cher. Ça, ça a soulevé ma curiosité parce que...

M. Gardner (Daniel): Oui. Ah, puis ça, je me ferai pas des amis avec ça.

M. Brodeur: Non.

M. Gardner (Daniel): Je vais vous dire... Puis, je vais vous répondre vite, vite, vite, à part ça, vous allez voir.

M. Brodeur: Bien, parce que... Je vais finir mon temps. Après ça, vous aurez tout le temps, parce qu'on a... Donc, les automobilistes québécois, si on fait un portrait de ce qu'ils paient déjà en taxes puis on prend, par exemple, la taxe sur l'essence, la taxe sur les pneus, les permis, l'immatriculation, mettez-en, ils paient environ 3 milliards de taxes au gouvernement du Québec, et c'est énorme. Et, moi, ce qu'on me dit, sur le terrain, ils disent: Écoutez, on en a assez, là. Si vous voulez augmenter les prix des permis puis d'immatriculation pour payer l'assurance automobile, prenez-la plutôt sur la taxe sur l'essence, mettez-la là, on la paie assez cher.

Donc, lorsque vous me dites que 142 $, c'est pas assez cher lorsque les citoyens automobilistes québécois paient près de 3 milliards de dollars, c'est pour ça que je sursaute. Veuillez m'expliquer pourquoi 142 $, c'est pas assez cher.

M. Gardner (Daniel): Oui. Bien, deux choses. Premièrement, parce que la SAAQ, c'est pas Hydro-Québec. Hydro-Québec, eux autres, ils peuvent geler leurs tarifs, il y a pas de problème, ils vendent de l'électricité puis ils contrôlent leurs coûts. La SAAQ, elle, là, à chaque 1er janvier de chaque année, toutes les indemnités sont indexées sur le taux d'inflation. Or, depuis 1985 que les primes ont pas augmenté, bien, depuis 1985, à chaque année, la SAAQ est obligée de verser des indemnités plus élevées, elle suit le taux d'inflation. Alors, il y a quelque chose qui fonctionne pas dans le système, là. On demande à la SAAQ de verser toujours un montant... Et c'est très logique que ça soit comme ça, qu'on demande d'indemniser les victimes en dollars constants. Ça, tout à fait d'accord avec ça, mais on leur donne pas de revenus additionnels.

Mais maintenant, moi, que vous ayez une position qui dise: Le 142 $, c'est pas assez, qu'on aille en donner plus à la SAAQ en allant piger dans la taxe à l'essence ou dans la contribution qui est faite au ministère des Transports, j'ai pas de problème avec ça. Qu'on le prenne dans une poche du contribuable puis qu'on aille le mettre là, moi, ce que je dis, c'est que présentement la SAAQ ramasse 142 $, et c'est pas assez. On devrait lui donner plus puis on devrait aller chercher ça... Que vous alliez chercher en nouvelles taxes ou en réorganisant le système actuel, pas de problème avec ça.

Moi, j'aurais quelque chose pour que politiquement ça passe très bien, ça, cette affaire-là. C'est toujours une patate chaude, hein, cette histoire-là, de dire que les primes vont augmenter, ça se vend-tu mal dans la population. Dans l'État de Victoria, en Australie, moi, à mon avis, ils l'ont trouvée, la solution. Le TAC, l'équivalent de la SAAQ là-bas, eux autres, ils peuvent augmenter les primes d'assurance automobile à chaque année jusqu'à concurrence du taux d'inflation. Ils ont pas besoin de la permission de personne. S'ils veulent aller plus haut, oups! là, ils vont voir le pouvoir politique. Moi, je verrais fort bien que la SAAQ puisse avoir le pouvoir de dire: On augmente toutes nos indemnités à chaque année pour suivre le taux d'inflation. Laissez-nous décider, selon nos surplus ou non, si on veut augmenter nos primes. Mais, pas plus que le taux d'inflation, par exemple, pas question, d'augmenter de 75 $ par année. Je vais donc m'arrêter ici.

M. Brodeur: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Ha, ha, ha! Merci. Alors, écoutez, merci, M. Gardner, pour votre participation aux travaux de cette commission, vous étiez notre dessert.

n(17 h 40)n

M. Gardner (Daniel): ...indigeste. Ha, ha, ha!

Remarques finales

Le Président (M. Lachance): Pour certains. Alors, nous allons maintenant amorcer les remarques finales en commençant, selon notre règlement, par les remarques finales du porte-parole de l'opposition. Et, comme il reste 20 minutes, on pourra partager à égalité, à moins d'un consentement pour dépasser. Notre règlement permet plus de minutes, mais je pense qu'il y a un consentement pour que ce soit bref. Alors, ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. M. le député de Shefford.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. C'est certain qu'on prendra... Je prendrai peut-être pas tout le temps qui m'est accordé. On a entendu des groupes depuis de nombreuses semaines, depuis début septembre. M. le Président, si on fait un bref... 11 septembre, oui, on se souviendra de la date où on a commencé nos consultations. Donc, M. le Président, on a discuté abondamment, et je pense que de nombreux mémoires, la majorité des mémoires, la grande majorité nous ont parlé d'indemnisation de criminels au volant, donc le problème de l'alcool au volant. On sait que, le printemps dernier, l'Assemblée nationale a adopté une loi concernant l'alcool au volant. De l'aveu même du ministre, c'est une loi incomplète. D'ailleurs, on avait précisé à ce moment-là, M. le Président, que l'opposition s'attend... s'attend toujours, à la suite des consultations que nous avons eues, au dépôt d'un autre projet de loi qui va compléter en quelque sorte celui qui a été déposé au printemps dernier.

Donc, on a entendu parler abondamment de l'alcool au volant. On a entendu plusieurs personnes, plusieurs groupes nous parler principalement de l'indemnisation que la Société d'assurance automobile accorde à ces criminels-là. Donc, la question qu'on doit se poser, M. le Président: Est-ce qu'on doit harmoniser ? j'emploie le mot «harmoniser» ? le criminel du volant aux autres criminels dans notre société et faire en sorte que la pénalité soit imposée aussi de la part de celui qui dédommage, en fin de compte, ce client-là? On a beaucoup comparé... On a pris l'exemple à quelques reprises, par exemple: Est-ce qu'on indemnise celui qui a mis le feu à sa maison? C'est une question qu'on doit se poser, et j'imagine que les gens qui ont à se pencher là-dessus auront à prendre une décision.

Les poursuites aussi. On a parlé abondamment de poursuite contre le criminel, celui qui serait... Plusieurs ont soulevé le fait que, lorsqu'un criminel serait reconnu criminellement responsable, il y aurait possibilité pour les victimes... Je reviendrai tantôt sur la définition qu'on doit donner à «victime», qu'il y aurait la possibilité de poursuivre ces criminels-là. Donc, M. le Président, je vous avoue que j'ai tendance à changer d'opinion chaque jour concernant les poursuites. On n'a pas pu, je crois, M. le Président, à partir des consultations qu'on a eues, faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, que la poursuite est souhaitable, sauf que la tendance de la très grande majorité est oui, on doit poursuivre ces gens-là... on doit pouvoir poursuivre ces gens-là en justice. Mais, M. le Président, il y a personne qui a démontré, hors de tout doute raisonnable, qu'on doit absolument aller dans ce sens-là même si on a tendance, tous, à pouvoir permettre ce principe-là pour une cause tout simplement, comme je le disais à M. Gardner tantôt, d'apparence de justice.

Quant à l'indemnisation, elle, je pense qu'il y a à revoir ça et faire en sorte que justice soit rendue et qu'il y ait pas d'aberration, comme on a vu dans plusieurs cas Donc, l'aberration, dans ce cas-là, est intolérable, et on doit absolument, absolument réviser le système.

La notion de victime. Plusieurs personnes nous ont... Des victimes, des victimes potentielles, puisque je pense qu'on doit absolument considérer les parents d'enfants qui ont été tués dans un... par un criminel au volant. On doit absolument les considérer comme victimes. D'ailleurs, on a entendu des témoignages excessivement touchants. Souvent, ça l'a été difficile pour les parlementaires de poser des questions, puisqu'on voit que ces gens-là, de toute évidence, n'ont pas eu le support psychologique nécessaire après l'accident et supportent encore une douleur que je qualifierais d'intolérable. Donc, M. le Président, de toute évidence, nous avons eu la preuve, hors de tout doute raisonnable, que ces gens-là sont également des victimes au sens, là, qu'on veut donner à l'indemnisation.

Aussi, M. le Président, on a discuté abondamment des services donnés par la Société d'assurance automobile du Québec. On sait, M. le Président, des fois, les critiques ont été difficiles, ont été dures. Aujourd'hui, il y en a eu des très dures envers la Société de l'assurance automobile du Québec. Mais le message qu'il faut garder à travers tous ces mémoires-là... Le message est clair. Premièrement, le régime est très bien accepté, bien ancré et accepté par tout le monde, et je pense qu'on ne doit pas modifier le principe du «no fault» et on doit conserver la SAAQ en corrigeant... Je dirais, en corrigeant les défauts qui ont été soulevés. C'est certain que ça va être peut-être un petit peu difficile. On sait qu'on appréhende un déficit de 200 millions, il faudra trouver des solutions pour donner des services adéquats à tous ces gens-là qui réclament quotidiennement des services ou des sommes d'argent à la Société de l'assurance automobile du Québec.

Tout ça pour vous dire, M. le Président, que, après 20 et quelques années, après 30 ans, c'est certain qu'il y a des modifications à faire. On a vu qu'il y a... chaque agent a 560 et quelques dossiers à traiter. Donc, M. le Président, de toute évidence, on doit absolument ajouter des effectifs. D'ailleurs, le ministre a dit qu'il était pour ajouter des effectifs. Dans la note du président, il indiquait aussi ? celle que j'ai citée tantôt ? il disait qu'il était pour y avoir ajout d'effectifs.

La question qu'on se pose et la peur, la peur légitime, peut-être, du citoyen, c'est de dire: Il y aura déficit, à quelle place qu'on va aller chercher cet argent-là? Le citoyen, comme l'a dit M. Gardner tantôt, a horreur qu'on augmente les primes. D'ailleurs, je le disais aussi à M. Gardner, les citoyens automobilistes du Québec paient près de 3 milliards de taxes ? 3 milliards de taxes ? alors que le budget total du ministère des Transports est de 1,7 milliard. Parce que, pour le citoyen automobiliste, c'est un service qui est en rapport à son automobile. Donc, lorsqu'on paie 3 milliards de taxes, le citoyen est en droit de penser que toute taxe supplémentaire est de trop. Donc, ça l'inquiète de savoir que la Société de l'assurance automobile du Québec va faire un déficit , et il est surtout inquiet... Les victimes de la route sont surtout inquiètes à savoir si on ne va pas, à ce moment-là, s'attaquer directement aux services qui sont donnés ou à l'indemnisation qui devrait leur être donnée. Donc, c'est un danger qui guette la Société d'assurance automobile du Québec d'essayer d'économiser peut-être de façon involontaire, mais sur le dos des accidentés. Donc, c'est à surveiller.

Il reste à voir comment on va financer des services qui seront meilleurs. Je suggérais tantôt peut-être d'aller chercher l'excédent de la taxe sur l'essence, parce qu'on sait que les prix de l'essence ont augmenté de façon plus que significative depuis quelques années. Donc, on doit absolument protéger l'intégrité financière des citoyens payeurs de taxes et également l'intégrité financière du citoyen victime d'accident d'automobile, parce que les histoires qu'on a entendues, on sait que... Là, on a des guerres de chiffres, de pourcentages, sauf qu'il y en a quand même beaucoup. Si on parle de milliers de personnes qui sont en attente d'une décision, c'est énorme. Et, souvent, M. le Président, j'ai eu, comme député du comté de Shefford... Et c'est certain que j'ai beaucoup d'appels, étant porte-parole aux transports, de victimes de la route, et c'est arrivé dans plusieurs cas ? dans plusieurs cas ? où j'oserais dire que le blâme devrait porter sur la Société d'assurance automobile du Québec.

J'ai eu un cas justement l'été dernier où un type avait eu gain de cause contre la Société d'assurance automobile, attendait un chèque depuis longtemps. Il était en train de perdre sa maison, il était en train de perdre son automobile, la chicane était pognée dans la maison, et, sur appel de quelqu'un de mon bureau, par hasard, on a décidé, dans les jours qui suivent, de lui émettre un chèque de 47 000 $. On aurait peut-être pu avant. Si on aurait eu les effectifs nécessaires et peut-être voir à changer la culture de certains fonctionnaires qui se sont peut-être enlisés dans de mauvaises habitudes, donc on aurait pu éviter ce genre de chose là.

Donc, c'est un examen de conscience que la Société d'assurance automobile a à faire, puis je pense que les consultations qu'on a eues auront été bénéfiques. À ce moment-là, M. le Président, je pense que le ministre... On est en droit de s'attendre que le gouvernement dépose un projet de loi qui, premièrement, va faire en sorte qu'il y ait apparence de justice dans notre société, que les criminels au volant soient pénalisés selon leur titre qu'ils ont, soit de criminels au sens du Code criminel. Et, deuxièmement, M. le Président, il est impératif que le financement de la Société d'assurance automobile soit revu, et pas nécessairement revu à la suite d'une augmentation des coûts des primes qui viendront de la poche des citoyens. Et, troisièmement, M. le Président, de toute évidence, il y a une restructuration à faire, de telle sorte que les employés, ceux qui donnent des services à la Société d'assurance automobile du Québec, peuvent donner un service adéquat. Et ça, ça passe, M. le Président, par une augmentation des effectifs et probablement aussi par une formation adéquate pour donner des services auxquels les citoyens peuvent s'attendre. Merci, M. le Président.

n(17 h 50)n

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle, pour ces remarques finales. M. le ministre des Transports.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier tous ceux et celles qui ont participé à cette commission. Je vous rappellerai que, quand on a commencé la commission, je disais qu'il y avait un objectif précis, c'était de faire connaître aussi le régime à la population. Je voudrais vous donner certains chiffres: 60 % des répondants ignoraient que le régime était sans égard à la responsabilité; 40 % ignoraient que le régime ne couvrait pas... ignoraient que le régime couvre des dommages corporels; 40 % savaient que tous les Québécois sont couverts; et 44 % semblaient ignorer que le 0,08, ça pouvait les conduire à une accusation criminelle. Donc, ça se voulait aussi pédagogique, et puis sensibilisation, et information.

Il y a trois critères qui m'ont guidé tout au long de ces audiences. J'ai essayé d'avoir la plus grande ouverture d'esprit, j'ai été influencé jusqu'au dernier intervenant, ce soir, par la proposition de l'ombudsman. J'ai... Je pense qu'on a agi en toute transparence, et on surveillait tous, qui que nous soyons autour de cette table, l'intérêt collectif des assurés. Je ne reprendrai pas la balance des bénéfices qui ont été améliorés au cours de 20 ans. Même s'il a été qualifié de pourri, il faudrait pas faire une règle générale, dans l'ensemble, 98 % des intervenants disent que le régime, il était bien, mais il fallait l'améliorer. Et ça, je pense qu'on peut affirmer ça. Il y en a un seul qui s'est égaré, là, il y a toujours un mouton noir dans une famille.

Mais je voudrais parler maintenant de chaque point qui a été mis en consultation. D'abord, modifier la loi pour indemniser les victimes par ricochet, je dois vous dire que je ferai une recommandation formelle pour que la loi soit modifiée pour défrayer les soins psychologiques de la famille immédiate, tel qu'on en a discuté. Quant aux indemnités des familles par ricochet, il faudra l'analyser, je peux pas lancer une proposition ici ce soir, d'être irresponsable par rapport aux coûts et aux deniers. On va demander à la SAAQ, là-dessus, d'analyser les impacts d'une couverture plus étendue. Mais, pour ce qui est des soins psychologiques, je pense qu'on en est tous convaincus comme parlementaires.

Enlever le plafond de l'indemnité de remplacement du revenu, c'est une question monétaire qu'il faut soumettre, bien sûr, à ce moment-là à nos capacités.

Augmenter le montant alloué pour les frais funéraires, oui. C'est 3000 $ à l'article 70, là, qu'on retrouve dans la loi, là. Je vais recommander que ce soit majoré minimalement de 3000 à 5500 et j'en ferai une recommandation au Conseil des ministres.

Augmenter l'indemnité des préjudices non pécuniaires à 179 000 $, on est dans les meilleurs, et je dois vous dire que, si on réclame une police d'assurance encore à 142 $, je vois pas comment on pourrait augmenter ce chiffre faramineux, qui créerait un déséquilibre fiscal. Puis on a pas le droit, dans nos régimes d'assurance, d'avoir un déséquilibre entre les revenus puis les dépenses. On pige dans la caisse de stabilisation présentement, là. On avait une caisse de 600 millions, il va nous rester probablement 300 millions, là. On a déjà 300 millions de partis dans l'espace de peu de temps, puis, si la tendance se maintenait, vous savez qu'est-ce qui arriverait, juste cette année, c'est 200 millions.

Prévoir un droit de retour au travail dans la loi, je dois vous avouer que ça m'a ébranlé tout le temps de la commission. Il faut dire qu'un automobiliste n'est pas lié à un employeur quand il est sur la route. Et puis, ça peut être une fin de semaine, il y a pas un lien direct avec son employeur, contrairement à la CSST. Faire la comparaison avec la CSST, ça m'apparaît plutôt douteux. On fera cependant... Je voudrais qu'on fasse, à la SAAQ, une analyse pour voir si on n'est pas capable de favoriser, par exemple, comme on le fait au niveau de la réadaptation... favoriser le retour au travail le plus tôt possible. Est-ce qu'on pourrait pas avoir d'autres incitatifs à l'entreprise pour qu'ils reprennent le travailleur le plus possible? En tout cas, ça, là-dessus, on va pouvoir déposer, pour fins de discussion, certains scénarios de travail.

Abolition du délai de carence de sept jours, ça, non. Écoutez, si on n'a pas un délai de carence minimal, bien on court après des graves problèmes comme système. On s'arrange pour tout simplement défoncer les caisses puis pas être responsable. Ça, je ne crois pas que je recommanderai rien là-dessus.

Modifier le mécanisme de détermination d'un emploi à la SAAQ. Vous savez que la SAAQ se base sur des critères ou des... des emplois accessibles en fonction d'une grille. Moi, je veux qu'on le regarde, ça, les... Parce qu'il y a eu des folies furieuses qui nous ont été rapportées là-dessus. Offrir des emplois qui n'existent même pas dans une région, moi, je pense que ça, ça fait partie de la qualité des services, et ça, je demande qu'on y pourvoie dans les plus brefs délais.

Concernant les médecins expertiseurs, nous allons augmenter le nombre de médecins dans les deux centres d'expertise pour que ça aille beaucoup plus vite au niveau des contre-expertises.

Améliorer la qualité des services, je peux vous annoncer tout de suite qu'il y aura l'embauche de 150 nouveaux agents d'indemnisation, précisément pour baisser le nombre de dossiers pour chaque agent. Je pense que ça s'impose et je pense que c'est une qualité de service. Je sais que c'est assez dispendieux, mais le «caseload»... Je m'excuse, l'expression anglaise, mais la charge de travail des agents, elle est très forte. Puis un agent qui est trop surchargé, ça peut se refléter même sur ses humeurs, ça ? on veut pas de cachettes ? dans la qualité, la façon d'aborder les choses, puis c'est... Pas toujours blâmer ces individus-là. Avec 4, 500 dossiers, là, moi, je m'excuse, mais c'est des humains, ça. Et c'est des pourris aux yeux de Me Bellemare, mais c'est des humains pour moi. Puis, avec 150 agents nouveaux, baissant la tâche de travail, on est en mesure d'exiger beaucoup plus de rigueur et beaucoup plus de compassion vis-à-vis les victimes, vis-à-vis les gens qui font affaire à la Régie.

Abolir le bureau de révision, on nous en a parlé beaucoup. Moi, je dois vous avouer ici qu'on ne m'a pas fait la preuve, cependant, qu'on rendait service. Et on m'a fait plutôt la preuve du contraire, sur le plan administratif, qu'on risquait d'avoir des coûts administratifs plus élevés. Je pense cependant puis je voudrais le dire, je vais recommander qu'on analyse en profondeur toute la question de la révision puis qu'on raccourcisse les délais. Ça, c'est un engagement ferme, il faut raccourcir les délais. Est-ce que ce sera 30, comme il est demandé, ou si c'est 40? Par rapport à tout ce qui peut se passer, on va parler entre nous autres puis on va véritablement informer la commission par la suite des décisions qui seront prises, mais il y aura... il y a un engagement de raccourcir les délais.

Le point de vue... Après ça, droit de poursuite et recours subrogatoire, je peux-tu vous dire que, s'il y a un recours subrogatoire pour 2 %, à peine, qui sont capables de payer, c'est de faire exprès pour défoncer le système? On va payer... On va faire quoi? On va payer les avocats, même, de certaines personnes pour aller chercher quoi? On a ridiculisé... On a ridiculisé les revenus des gens. Pas pris ça en l'air, là, nous autres, là, c'est les gens qui sont inscrits à la SAAQ, ça. Quand on a défini 43, 41, 14 et puis 2 %, là, selon les salaires, là, je suis pas la voie, la vérité, la vie, moi, on prend les dossiers puis on pitonne comment qu'ils gagnent, puis ça donne ça. On les fera compter par M. Bellemare, on saura où ça passe. Mais il est pas question qu'on s'enligne dans un système qui va faire en sorte qu'on va aller manger de l'argent, dans un système qui ne rapporte rien puis qui, au contraire, en coûte plus à la société. Non, je préfère mettre ça sur les bonifications du système que de mettre ça sur des droits de poursuite qui s'adressent à une minorité infime en bout de course puis qui coûtent des sous, de toute façon, énormément à la société.

Quant à l'indemnisation des actes criminels, j'ai une proposition à faire, très formelle. Puis je voudrais le faire, le débat, avec vous autres, avec les membres de la commission, et en public. Nous allons mettre sur papier une série de scénarios. Indemnisation des actes criminels, la première, c'est quoi? S'il y a une récidive, première récidive, d'autres. On va mettre une foule de scénarios et on va demander à l'Assemblée nationale, s'ils le veulent bien, de nous donner un temps pour étudier ces scénarios entre parlementaires. Ça fera comme à Noël. S'il y a consensus, on peut facilement agir plus vite au niveau législatif.

n(18 heures)n

Mais j'aimerais qu'on fasse ce débat-là en public, qu'on montre nos valeurs aussi puis qu'on ait le courage de dire pourquoi on est pour une formule ou pour une autre. Il est possible qu'on diverge d'opinions même entre nous autres, mais je pense qu'on en profiterait aussi à ce moment-là pour permettre à des gens de comprendre, de comprendre le système puis de l'expliquer peut-être mieux, puis prendre le temps en dehors des échanges qu'on peut avoir avec des intervenants, véritablement entre parlementaires à partir de tout ce qu'on a entendu et... C'est une proposition formelle que je fais, si les membres de la commission le veulent, j'aimerais bien ça que ce soit étudié non pas dans des comités de travail, mais en public, comme parlementaires, se baser sur qu'est-ce qu'on fait avec les récidivistes, qu'est-ce qu'on fait avec des criminels de la route, comme on se plaît à le dire. On aura le courage, chacun, de donner nos opinions puis de montrer nos valeurs.

Puis, sans le Code de la sécurité routière... Bien, vous comprendrez que j'espère de tout coeur que Mme McLellan va amender le Code criminel pour qu'on puisse y aller assez vite en ce qui regarde, là, l'antidémarreur, parce que je pense qu'il y a eu des suggestions assez heureuses, aussitôt que le Code criminel sera amendé, qu'on puisse tout de suite, nous autres, s'ajuster et rapidement pour permettre à le plus d'individus possible qui souffrent de la maladie de l'alcoolisme... Parce que j'ai entendu le mot «criminel» souvent, mais j'ai pas entendu le mot «malade» souvent, puis peut-être que ça aussi, ça fait partie de notre système de le reconnaître que c'est une maladie puis que, si on les aide par des mesures préventives, on aide automatiquement la sécurité de notre population, on contribue à la sécurité de notre population. Donc, sur ce point très précis, je vous dis tout de suite que je vais continuer à pousser. J'espère que tous les parlementaires de quelque formation politique que ce soit, y compris en se servant de députés québécois à Ottawa, vont faire pression pour qu'on l'amende une fois pour toutes. On nous dit qu'on l'a enlevé par erreur, on a eu bien des chances de l'amender depuis lors puis on l'a pas fait. Donc, j'ose espérer qu'on pourra aider sur le plan de la prévention. Voilà, en ces grandes lignes, à ce stade-ci, au moins des amendements que je donne.

Quant à l'ombudsman, tel que préconisé par le dernier intervenant ? et je suis content que cette suggestion-là soit venue à la fin, ça prouve qu'on a écouté jusqu'à la fin ? je suis très influencé par la proposition qui est faite. Ce que je voudrais qu'on fasse tout de suite, par exemple, il faudrait pas avoir à la même place un ombudsman puis le Protecteur du citoyen dans les murs de... Il faut que ce soit vraiment un ombudsman indépendant, comme le disait Me Gardner. Mais je voudrais qu'on me prépare véritablement quel pourrait être le statut d'un ombudsman, par qui devrait-il être nommé et puis que ça fasse partie de la discussion en commission lorsqu'on aura un, deux ou trois scénarios. Et je pense qu'on contribuerait à bonifier aussi le fonctionnement, puis on verrait peut-être là une façon de sécuriser certaines personnes.

Parce que c'est bien beau de dire... M. Gardner disait: Il y en a huit sur 10 qui sont discartés même s'ils vont voir un avocat, probablement parce qu'ils ont pas assez d'argent pour payer. Mais j'en connais, moi, aussi qui ont donné jusqu'à 7 000 $ à un même avocat puis ils ont dû abandonner en cours de route parce que, précisément, ils avaient plus d'argent puis ils étaient même pas encore rendus au TAQ. Donc, je veux véritablement... Si on peut donner des formules soit de conciliation ? 30 secondes ? conciliation... Bien, plus grande conciliation. Vous avez commencé à en faire à la SAAQ, et je pense qu'il faut mettre l'accent là-dessus, conciliation, ombudsman, donner aux gens l'assurance qu'ils seront entendus le plus tôt possible. Puis c'est dans ce sens-là qu'on va travailler puis on va bonifier le système. Je vous remercie, M. le Président.

M. Claude Lachance, président

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Alors, nous sommes au terme de cette consultation qui a été extrêmement intéressante et, je l'espère, bénéfique pour tout le monde. Je remercie de leur collaboration les collègues ministériels et de l'opposition, ça a été une excellente collaboration. Et, d'une façon particulière, remercier aussi les individus et les groupes qui sont venus ici, en commission parlementaire. Il y en a 31 au cours de six séances. Et remercier également ceux et celles qui ont pris la peine de rédiger un mémoire. Il y a cinq mémoires qui ont été présentés sans la présentation ici, en commission parlementaire, mais qui ont été présentés par écrit. Je remercie également les gens de la SAAQ, la Société de l'assurance automobile, qui ont été très assidus, M. Gagnon, M. Gélinas, M. Giroux et M. Privé. Et, en terminant, je voudrais ne pas oublier Mme Patricia Donnelly, qui est la responsable au cabinet du ministre des Transports et qui a été très présente au cours de nos travaux.

Alors, là-dessus, on se souhaite un retour prochain avec des suggestions, des recommandations qui vont permettre aux victimes des accidents de la route d'avoir encore des éléments positifs dans la façon dont ils sont traités par la Société de l'assurance automobile.

Et j'ajourne les travaux sine die, comme la commission a rempli son mandat.

(Fin de la séance à 18 h 5)



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