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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 25 septembre 2001 - Vol. 37 N° 26

Consultation générale sur le document intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brodeur (Shefford) remplace M. Benoit (Orford); M. Létourneau (Ungava) remplace M. Labbé (Masson); et M. Laprise (Roberval) remplace M. Deslières (Salaberry-Soulanges).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, aujourd'hui nous allons d'abord entendre des représentants du Comité des centres tertiaires en traumatologie et Programme québécois de traumatologie du ministère de la Santé et des Services sociaux; par la suite, M. Jean-Luc Bacher, professeur à l'Université de Montréal; et pour terminer l'avant-midi le Bureau d'assurance du Canada. En après-midi, nous aurons le Regroupement des associations de personnes traumatisées cranio-cérébrales du Québec; par la suite, le Dr Pierre Proulx; à 16 heures, Me Marc Boulanger; pour terminer notre journée nous aurons des représentants de la Confédération des syndicats nationaux.

Je demande aux membres de la commission ainsi qu'aux personnes qui sont présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire durant la séance, s'il vous plaît.

Auditions

Alors, bienvenue, madame, messieurs. Je vous indique que vous avez, tel que convenu, une période de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires aux membres de cette commission, et vous pouvez y aller dès maintenant, en vous présentant, s'il vous plaît, et les membres qui vous accompagnent.

Comité des centres tertiaires
en traumatologie et Programme
québécois de traumatologie du MSSS

Mme Bernier (Sylvie): Alors, Sylvie Bernier. Je suis directrice de l'organisation des services médicaux au ministère de la Santé et des Services sociaux.

M. Fréchette (Pierre): Pierre Fréchette. Je suis coordonnateur médical du Programme québécois de traumatologie et je suis aussi le président du Comité des centres tertiaires de traumatologie du Québec.

M. Bouchard (Pierre): Pierre Bouchard. Je suis coordonnateur du Programme québécois de traumatologie au ministère de la Santé.

M. Lebrun (Michel): Michel Lebrun. J'assure la permanence du Programme québécois de traumatologie au ministère de la Santé.

Le Président (M. Lachance): Merci. Vous pouvez y aller.

M. Fréchette (Pierre): Alors, M. le Président, je veux d'abord vous remercier ainsi que M. le ministre et les membres de la commission de nous accueillir ce matin. Nous allons essayer, dans le 20 minutes qui nous est alloué, de faire un peu le tour de la problématique générale de la traumatologie vue du point de vue du ministère de la Santé et du Comité des centres tertiaires qui sont les centres spécialisés qui traitent les grands blessés au Québec. Je veux rappeler à tout le monde peut-être un portrait général de la traumatologie au Québec et un peu en Occident, qui est souvent pas rapportée ni bien connue du public en général, même des décideurs et, à certains égards, des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux.

La traumatologie représente un fléau social d'envergure. Il s'agit d'un phénomène qui constitue la première cause de décès chez les moins de 45 ans. Ça cause même plus de décès que toutes les autres causes réunies chez les 15-24 ans. C'est aussi responsable d'un plus grand nombre donné de vies perdues chez les moins de 65 ans que le cancer et les maladies cardiaques réunis. Pour résumer ça, c'est le tueur numéro un de notre jeunesse. C'est aussi responsable bien sûr, et c'est peut-être un image encore plus terrible, d'un nombre important de déficiences physiques, de séquelles à long terme, qui occasionnent une vie d'handicapé pour plusieurs citoyens qui peuvent réussir à survivre à un traumatisme sévère.

Je veux d'entrée de jeu vous entretenir aussi de l'historique du partenariat du ministère de la Santé et des Services sociaux avec la Société de l'assurance automobile du Québec, particulièrement depuis le début des années quatre-vingt-dix. La Société de l'assurance automobile, comme compagnie d'assurance des Québécois sur la route, s'est associée au ministère depuis le début de la planification du réseau québécois de traumatologie en 1990. La Société de l'assurance automobile du Québec a fourni une contribution non négligeable dès les débuts de la planification des services qu'il fallait organiser pour cette clientèle particulière.

Je vous ferai remarquer qu'avant 1990, 1992, le Québec ne possédait pas de programme spécifique pour répondre aux besoins de la clientèle des blessés graves. Ces gens-là étaient traités dans les hôpitaux de différentes façons sans qu'il y ait de concertation entre les établissements et, plus souvent qu'autrement, avec des déficiences de concertation entre les intervenants d'un même établissement. C'est important de réaliser qu'un blessé grave ne peut pas être traité par un seul professionnel ou par une petite équipe de professionnels qui est toujours la même.

Quand un individu est victime d'un accident grave qui occasionne des blessures, il peut être victime de blessures à sa peau, à son visage, à son thorax, à ses organes internes, à ses membres, à son cerveau, à sa moelle épinière. Et, en fonction des blessures qui sont présentes à la suite de l'accident, ça va générer la mise sur pied d'équipes multidisciplinaires complexes, variables, qui seront jamais les mêmes d'une victime à l'autre. Ça va donc engendrer une problématique de prise en charge extrêmement complexe qui est différente de la prise en charge des malades, les autres malades, qu'on retrouve en général dans nos hôpitaux.

n (9 h 50) n

Il est facile de comprendre qu'un Québécois qui se présente dans une salle d'urgence en pleine crise cardiaque va être pris en charge par des équipes qui vont finir par se ressembler parce qu'une crise cardiaque, que ce soit chez un jeune homme, un homme plus âgé, chez une femme, même chez des jeunes, ça va toujours répondre au même type de traitement, à la même approche avec les mêmes équipes qui sont relativement restreintes. On a la même chose avec un problème respiratoire pulmonaire, on peut avoir la même chose avec un problème digestif intestinal. Mais, quand on en face d'un accidenté grave, la game vient de changer. Il faut constituer, séance tenante, des équipes compétentes qui sont capables de répondre immédiatement à un ensemble de besoins qui sont souvent des besoins qui menacent dans l'immédiat la vie de la personne et, quand c'est pas la vie, c'est des séquelles à long terme qui peuvent être lourdes et qui peuvent affecter non seulement l'individu concerné par ces blessures-là, mais aussi son entourage, toute sa famille, ses proches, son milieu de travail, etc.

Donc, la Société de l'assurance automobile s'est associée de près aux autorités du ministère dès 1990 pour planifier un programme de prise en charge de ces victimes-là. À cet effet, la Société de l'assurance automobile a participé à un exercice de réorientation des services préhospitaliers d'urgence, en 1992, qui avait donné lieu à la publication d'un document Chaque minute compte, qui a redonné à cette époque-là une orientation plus professionnelle, plus performante et plus adéquate des services d'ambulance, des services de premiers répondants et de l'ensemble des intervenants dans le secteur préhospitalier d'urgence.

La Société de l'assurance automobile a été mêlée de très près aussi à la désignation des centres du réseau de traumatologie ? les centres hospitaliers, j'entends ? et cette désignation-là s'est faite de 1992 à 1995. Depuis ce temps, la Société de l'assurance automobile est mêlée de très près à des mécanismes d'audit externe des centres désignés, qui se fait en continu et qui permet de réviser chacun des 78 centres de traumatologie à tous les trois ans sur l'ensemble du territoire québécois, ceci pour s'assurer que les mécanismes qui ont été prévus au programme québécois de traumatologie sont opérationnels, performants et qu'ils donnent des résultats auxquels ces clients-là doivent s'attendre.

La Société de l'assurance automobile a contribué à construire et à maintenir un des réseaux de traumato... de traumatologie les plus performants au monde. Je veux attirer votre attention sur une publication qui a été faite dans le Journal of Trauma d'avril 1999, un article dont le titre était Trauma Care Regionalization - A Process Outcome Study, signé par le professeur John Santalis, de l'Université McGill à Montréal, et qui a fait le tour de la planète sur le plan scientifique.

Cette étude, qui est une étude scientifique prospective, c'est-à-dire qui a été prise au moment où le Québec a décidé de se doter d'un système de traumatologie et qui a étudié les effets de l'implantation de ce système-là à mesure qu'il s'est produit et non pas en rétrospective, a démontré de façon très claire que, pour les blessés les plus graves qui ont été mesurés à partir d'une cohorte de plus de 12 000 cas sur une période de six ans, on est passé d'un taux de mortalité de 52 % à 18 %, et ça se maintient depuis ce temps-là. C'est un des articles scientifiques les plus puissants jamais publiés dans le domaine de la traumatologie mondiale, et Québec peut s'enorgueillir de ce résultat-là. La Société de l'assurance automobile a été associée à un résultat comme celui-là compte tenu des intérêts qu'elle avait pour ses propres clients dès le début de la mise en place du réseau québécois de traumatologie, et c'est tout à son honneur.

La Société de l'assurance automobile a fait plus que s'impliquer sur le plan philosophique ou sur le plan administratif dans la mise en place des services aux clients victimes de traumatismes sévères. La Société de l'assurance automobile s'est impliquée financièrement très concrètement dans le domaine de la santé pour les victimes d'accident. Du côté de la prévention primaire, la Société d'assurance auto investit annuellement une somme qui dépasse les 4 millions de dollars, et c'est déjà un élément capital du point de vue du Comité des centres tertiaires de traumatologie du Québec et de la Direction des services médicaux au ministère de la Santé et des Services sociaux, que l'on fasse état d'une préoccupation très importante de limiter le nombre d'accidents et de limiter les conséquences des accidents qu'on ne peut éviter.

La Société de l'assurance auto, par son implication à tous les niveaux avant qu'un accident puisse se produire, que ce soit sur la réglementation de la vitesse, la réglementation concernant l'alcool au volant, la prise de médicaments ou de drogues au volant, les ceintures de sécurité, les sacs gonflables, les véhicules mieux construits, le réseau routier mieux orchestré, le port du casque à vélo, le port du casque en moto et dans tous les autres secteurs où on voit la Société d'assurance automobile s'acharner pour diminuer les dégâts que peuvent causer les accidents, ça demeure un point extrêmement important.

L'implication financière de la Société de l'assurance automobile, au chapitre des services préhospitaliers d'urgence, entendons par là principalement nos services ambulanciers au Québec, a permis au ministère de la Santé de bénéficier d'une somme récurrente de quelque 44 millions de dollars par année pour financer les services préhospitaliers d'urgence sur l'ensemble du territoire québécois. Au chapitre de la réadaptation, la Société de l'assurance automobile investit plus de 37 millions de dollars annuellement non seulement dans les centres de réadaptation spécialisés, mais aussi dans les hôpitaux de courte durée pour permettre aux clientèles blessés graves de bénéficier des services de réadaptation le plus tôt possible après l'accident, ce qui permet et qui a permis, et ça a été démontré, de réduire les délais et les séjours en institution pour les blessés les plus graves, leur permettant ainsi un retour plus précoce, significativement plus précoce, dans leur milieu de vie naturel et dans plusieurs cas, au travail.

La Société de l'assurance automobile vient encore de s'engager à supporter un projet de mise en place d'un réseau de recherche sur la traumatologie, en investissant 200 000 $, avec le ministère de la Santé, qui en a mis autant, et le FRSQ, le Fonds de la recherche en santé du Québec, qui pour sa part a investi 100 000 $. Ça fait donc une chaire de 500 000 $ récurrents annuels pour la recherche en traumatologie afin de développer des façons de faire encore plus performantes que celles que l'on a actuellement.

Je voudrais aussi vous entretenir une minute ou deux sur l'importance du concept du «no fault» sur le plan de la santé. Le fait qu'on soit en présence d'un régime où on n'a pas besoin de chercher de coupable lors d'un accident avant de permettre à notre compagnie d'assurances d'intervenir pour compenser financièrement les victimes ou les familles des victimes, ça constitue un point extrêmement important et majeur de la qualité des services que l'on peut offrir aux citoyens du Québec.

Il est arrivé dans l'hôpital où je travaille ? je peux vous parler de cas très concrets là-dessus ? qu'en moins de 48 heures après un accident, lorsqu'un blessé grave nous est parvenu d'une région périphérique du Québec, à plus de 800 km de l'hôpital spécialisé, d'avoir à rencontrer et à soutenir le reste de la famille. Souvent, c'est l'épouse, la mère, les trois ou quatre enfants, qui sont sans revenus, qui n'ont pas de famille dans la métropole ou dans la grande région de Québec, où sont les centres tertiaires, et qui n'ont pas d'argent pour des éléments aussi fondamentaux que le logement et la nourriture.

n (10 heures) n

En situation de «no fault», la Société de l'assurance automobile, en collaboration avec l'hôpital, est en mesure d'émettre des argents immédiatement après le début de l'hospitalisation, permettant ainsi à une famille de survivre, ce qui ne serait pas possible autrement. Dans un contexte où on a la permission de trouver un coupable ou qu'on voudrait restreindre certaines prestations en fonction d'actes dits criminels, comme, par exemple, l'alcool au volant, la drogue au volant ou d'autres problèmes particuliers, il deviendrait absolument impossible à tout organisme-payeur de délivrer des sommes à cette vitesse-là sans connaître s'il y aura un coupable ou pas ou quelqu'un qui devra assumer les frais à sa place. C'est donc un élément fondamental.

Ce «no fault» permet aussi à l'ensemble des intervenants, tant à l'intérieur de la Société d'assurance auto qu'à l'intérieur des établissements de santé, de centrer leurs préoccupations sur les blessures, sur les séquelles et sur les besoins et non pas sur la recherche d'un coupable. Ça permet une concertation d'experts cliniques et d'experts en indemnisation dans le plus grand intérêt des victimes puis de leurs familles.

Cette situation a permis aussi d'élaborer des interventions concertées de collaboration entre la compagnie d'assurances, qui est la SAAQ, et l'hôpital, toujours dans l'intérêt du client. En conclusion, de l'avis du ministère de la Santé et des Services sociaux et de l'ensemble des centres tertiaires de traumatologie du Québec, la collaboration, pour ne pas dire la complicité, entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Société de l'assurance automobile du Québec, a permis de doter le Québec d'un programme de traumatologie intégré des plus performants au monde.

Le Programme québécois de traumatologie a dépassé l'objectif n° 10 de la politique de santé et bien-être de 1992 qu'il s'était fixé à l'époque. Je vous rappellerai que cet objectif-là parlait de réduire la mortalité de 20 % en traumatologie. Et je peux vous dire qu'au niveau des victimes de la route cet objectif-là a été dépassé déjà en l'an 2000. Et le système qui comprend le volet du «no fault», en plus de réduire les frais à la suite d'un accident, permet d'améliorer les services aux clients grâce à une étroite collaboration opérationnelle qui se vit au quotidien sur le terrain. Nous sommes à votre disposition pour les questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, Dr Fréchette. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier pour votre témoignage. J'avais entendu un témoignage similaire l'an dernier, je crois, du directeur du service de traumatologie du Sacré-Coeur, qui avait démontré, je pense, hors de tout doute, en particulier chez les jeunes, les plus jeunes, par le cyclisme, par exemple, combien de traumatismes crâniens il y avaient puis comment c'était désastreux auparavant, ce qui se passait avant qu'on mette sur pied ces centres de traumatologie.

Et, parlant du passé, avant que le régime ne soit en place, pourriez-vous me décrire qu'est-ce qui se passait concrètement, puisque ça n'existait pas? Qu'est-ce qui arrivait pour quelqu'un qui subissait un traumatisme?

M. Fréchette (Pierre): Bien sûr. Je peux vous donner peut-être quelques exemples concrets qu'on a vécus au ministère, particulièrement entre les années 1990 et 1992.

Je me souviens, entre autres, d'une enquête qu'on avait faite dans la région de Montréal où à ce moment-là un blessé grave qui... était amené par l'ambulance dans un hôpital périphérique de Montréal. J'entends périphériques les hôpitaux qui sont en dehors de l'île, par exemple l'hôpital Le Gardeur, à Repentigny. Puis je veux pas être péjoratif pour cet hôpital-là, c'était partout pareil.

On ramassait un blessé grave, disons qu'il avait perdu conscience, qu'il était dans un coma profond, qu'il avait de multiples fractures, possiblement des ruptures d'organes internes, avec une atteinte visible du cerveau, mais sans qu'on puisse faire un diagnostic très précis parce que dans ces hôpitaux-là on n'avait pas les outils appropriés pour faire un diagnostic fin de la lésion cérébrale. C'étaient des blessés en détresse puis en danger de mort, et ça prenait en 1991, en moyenne, quatre heures et demie de magasinage téléphonique, à partir du petit hôpital vers les hôpitaux spécialisés de Montréal, avant de faire accepter le transfert de ces victimes-là.

Ce qui se passait en fait, pour vous expliquer la dynamique qu'il y a en dessous de ça, un blessé comme celui que je viens de vous présenter va devoir être traité, entre autres, par un neurochirurgien, très probablement par un chirurgien général pour les organes internes et certainement par un orthopédiste pour les blessures des membres. Et là je passe par-dessus d'autres détails, entre guillemets. Par exemple, s'il y a une blessure grave à un oeil, on va peut-être embarquer un ophtalmologiste. Si cette personne blessée là est une femme puis que par hasard elle est enceinte à son premier trimestre, ça va peut-être impliquer un gynécologue. Puis on peut additionner comme ça, là, à l'infini.

Le médecin de l'hôpital Le Gardeur croyait que le principal artisan pour traiter une victime comme ça serait un neurochirurgien, à cause du cerveau. Il essayait donc de rejoindre un neurochirurgien de garde dans un des hôpitaux de Montréal. Il tombait, par hasard, chez un médecin spécialiste qui avait passé toute sa journée à opérer un cancer du cerveau ? une chirurgie de 13 heures, 14 heures ? il venait d'arriver à la maison le soir ? il était 22 heures, 23 heures ? il avait pas soupé, il avait pas pris sa douche encore, il était épuisé, puis il savait qu'il aurait une autre tumeur du cerveau à opérer le lendemain matin à 8 heures. Et, s'il acceptait le transfert d'un individu comme ça, bien, ça voulait probablement dire qu'il passait la nuit sur la corde à linge à opérer les caillots de sang qu'il y a dans la tête de l'individu, ce qui déstabilisait sa clientèle pour le lendemain. Puis, quand on parle de sa clientèle, c'est pas de l'électif, là, c'est des choses quand même sévères. Alors, le réflexe de ce neurochirurgien-là, c'était pas de dire: Je me fous du traumatisé, mais c'était plutôt de dire: Bien, écoute, j'en ai assez, je suis débordé, je suis fatigué, c'est probablement pas sécuritaire pour le blessé, appelle donc à l'hôpital voisin; puis, si jamais tu trouves pas personne pour l'accepter, bien, tu me rappelleras, puis on verra. Et ce qui arrivait dans 100 % des cas, c'est qu'on appelait d'un hôpital à l'autre, puis la réponse était à peu près la même partout. Dans un endroit, c'est: Excuse-moi, j'ai pas de lit, je peux pas le prendre. À l'autre endroit, c'est: Excuse-moi, je suis trop brûlé, j'ai eu une trop grosse journée puis c'est dangereux. À l'autre endroit, c'est: Il y a pas de personnel opératoire parce que le personnel qu'on a sur place sont occupés à opérer une appendicite ou d'autre chose. Etc. Toutes les raisons étaient bonnes, puis on finissait par faire une crise de nerfs, quand le médecin du petit hôpital se trouvait pris en cul-de-sac, dire: Bien, je peux toujours pas endurer qu'il me meurt entre les mains, il faut qu'il parte.

Une voix: ...

M. Fréchette (Pierre): Bien, ça... oui, ça, c'était pour le docteur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fréchette (Pierre): Et on finissait par transférer le blessé, mais quatre heures et demie après. À cette époque, on n'avait aucun moyen de surveiller le devenir de ces clients-là, le devenir de ces malades-là, mais je peux vous dire qu'on peut suspecter que la mortalité était extrêmement élevée et que plusieurs de ces personnes-là mourraient avant même de parvenir à l'hôpital.

Le même chercheur que je vous citais tantôt, le professeur Sampalis, a fait une étude des services préhospitaliers à Montréal, sur l'île même, où il y avait des médecins qui étaient dépêchés sur les lieux de chacun des accidents. C'était le seul endroit dans la province de Québec où ça se faisait comme ça, à l'époque, je vous parle toujours des années 1990. Et l'étude a démontré, d'une façon très claire, qu'il y avait, à Montréal par rapport au reste du Québec, une surmortalité suite à un accident grave de 81 % parce que les docteurs étaient dans le chemin. Ça peut vous paraître drôle, mais les médecins, en général, puis en particulier ? puis c'est vrai partout sur la planète, je peux vous en parler, j'en connais quelques-uns ? sont des gens qui ont un processus professionnel, intellectuel, mental, qui est toujours le même. Puis vous avez probablement déjà consulté des médecins, vous allez vite comprendre ce que je veux vous dire.

n (10 h 10) n

Un médecin, c'est fait d'abord pour poser un diagnostic, puis, une fois que ç'a son diagnostic, ça établit un traitement, puis ça le fait. Or, pour établir un diagnostic ? et ça, c'est écrit dans tous les livres de médecine du monde, ça prend un bon questionnaire, un bon examen physique puis des examens complémentaires. Le questionnaire, vous en avez eu si vous avez consulté des médecins, ils deviennent fatigants, hein? Où c'est que t'as mal? Puis comment ça fait mal? Puis c'est quoi qui fait plus mal puis c'est quoi qui fait moins mal? Puis depuis quand que ç'a commencé? Puis c'est-u pire si tu manges de frites ou c'est-u pire si tu te promènes à pied? Bon. Ils sont fatigants, mais ils questionnent. C'est un peu une job de détective.

Une fois qu'ils ont eu le questionnaire, bien là ils vous disent: Bien, déshabillez-vous. Ça, c'est le bout le plus plate, ça dépend ce qu'on a à faire examiner, mais il faut le faire aussi. Puis, une fois qu'il a fini son examen, généralement il est pas sûr de son coup, bien là, il dit: J'aimerais bien avoir un électro, trois radiographies, une prise de sang avec ça puis peut-être faire pipi dans le pot, puis, quand j'aurai tout ça là, je vais avoir mon idée.

Imaginez-vous que, à Montréal, pour des raisons x, que je veux pas discuter beaucoup, on avait jugé «wise» de mettre des docteurs sur la route puis de les envoyer quand il y avait un accidenté grave. Alors, les docteurs, ils ont fait ce qu'ils pouvaient. Ils faisaient la job de docteur. Mais imaginez-vous à Montréal, sur la rue Sainte-Catherine, au mois de février, où il y a une grand-maman de 82 ans, qui est un petit peu distraite, puis qui a la vue moins bonne qu'elle était, puis qui, en traversant, elle voit pas venir une voiture qui est dans la sloche un peu, puis elle se fait frapper, paf! Puis là elle tombe à terre, inconsciente. Il y a un docteur qui arrive là; il essaie de la questionner. C'est-u plate, elle veut pas répondre. Une fois qu'il a dit: Bien, écoute, j'aurai pas de questionnaire; bien, je vais au moins l'examiner. Mais là, à moins 27 au mois de février, déshabiller grand-maman sur la rue Sainte-Catherine, ça va faire jaser les journaux puis probablement qu'on ne trouvera...

M. Chevrette: ...

M. Fréchette (Pierre): Bien, peut-être, oui. Ha, ha, ha! Alors, il y a pas de questionnaire. Il y a pas d'examen physique. Puis vous vous doutez bien qu'il y a pas non plus d'examens complémentaires. Il est pas question de faire une prise de sang à grand-maman à terre, dans la sloche. On peut pas avoir son pipi non plus, il est déjà à terre. Puis on n'a pas de radiographie. Ça fait qu'il est complètement démuni. Il va quand même essayer de faire un diagnostic, mais il a pas les éléments pour faire son diagnostic. Ça, ça va consommer du temps de façon inutile pour de toute façon finir par un ramassage par des techniciens ambulanciers qui connaissent les techniques de ramassage, puis l'amener à l'hôpital. Mais là on vient de perdre un temps précieux.

Le Président (M. Lachance): Dr Fréchette, je m'excuse de vous interrompre, vous êtes super intéressant, mais, si on veut avoir quelques échanges avec vous, le temps file rapidement aussi.

M. Fréchette (Pierre): Parfait.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Bien, vous étiez bien parti en tout cas. Ha, ha, ha!

M. Fréchette (Pierre): Mais tout ceci pour vous dire: le temps que prennent les docteurs explique qu'on tue du monde si on laisse aller des docteurs en préhospitalier. Et ça la Société d'assurance auto et le ministère ont renversé ça. Et aujourd'hui les docteurs à Urgences-Santé ne vont plus sur les sites d'accidents. Puis, à Montréal, le monde ont le droit, comme ailleurs au Québec, de moins mourir avant d'arriver à l'hôpital.

M. Chevrette: Merci. Je partage beaucoup votre point de vue. Puis j'ai eu la chance de jaser avec vos collègues. Puis véritablement, c'est un progrès énorme. Et les séquelles en plus sont beaucoup moins grandes. On a des chances de réadaptation beaucoup plus grandes. Donc, je suis content que vous l'ayez exposé. Mais c'est pas tout le monde qui est d'accord avec ce régime d'assurance automobile au Québec. Vous en entendez régulièrement, souvent le même.

Je voudrais vous poser une question: Est-ce que c'est un mauvais système que l'on a de confier l'expertise à des spécialistes? Par exemple, contre-expertiser un rapport médical ou... pas contre-expertiser nécessairement un rapport, mais expertiser l'état de santé d'un individu qui est accidenté. On sait que la SAAQ paie pour certains spécialistes. Et on a eu, sur les ondes d'une radio, à Montréal, un avocat qui disait: C'est épouvantable, allez pas voir un tel parce que vous risquez de... il est trop intime avec la SAAQ.

Est-ce que vous croyez qu'un médecin puis un professionnel de la santé, vous, pourraient adopter une attitude clinique ou une conduite clinique qui serait restrictive ou encore qui serait contraire aux intérêts des accidentés parce qu'ils sont mandatés par la SAAQ pour expertiser?

M. Fréchette (Pierre): Non, pas à mon avis, M. le ministre. Les médecins, en général, vont essayer ? en général et en particulier ? de trouver avec le malade ou avec la victime le meilleur moyen d'orienter le reste de la vie de ces personnes-là.

Malheureusement, dans le cas des accidentés de la route comme c'est le cas avec les autres maladies auxquelles on peut être confronté dans un hôpital, et je peux vous dire que les victimes de la route ne font pas exception à cette image-là, à mon point de vue, c'est qu'on a tous, individuellement, un vécu x au moment où on subit un accident ou au moment où on est victime d'une maladie subite, et le vécu qu'on a détermine, particulièrement en traumatologie, des séquelles à moyen et à long terme qui ne seraient pas les mêmes s'il n'y avait pas eu d'accident de voiture, mais qui seraient quand même là compte tenu du vécu antérieur.

Par exemple, vous avez des personnes qui, malheureusement, vont être atteintes de certaines maladies ou pathologies. Ces maladies-là peuvent être de tous ordres: cardiaques, diabète, hypertension, des problèmes neurologiques, des problèmes psychiatriques. Or, un schizophrène qui se fait frapper par une voiture et qui survit va probablement être schizophrène après l'accident autant qu'il l'était avant, et sa condition de schizophrénie va amener dans la vie de cette personne-là et dans la vie de son entourage un certain nombre, je dirais, d'inconvénients ou appelons ça peut-être plus de déficiences qui vont donner des situations de handicap, en particulier sur la question des troubles du comportement.

Humainement parlant, compte tenu qu'on a une assurance pour la conduite automobile et les accidents qui peuvent survenir sur la route, on va peut-être essayer de soutirer le plus d'argent possible à un tiers payeur compte tenu qu'on a eu un accident d'automobile puis on va avoir humainement tendance ? et ça, M. le ministre, c'est parfaitement humain, on va tous être comme ça vraisemblablement... on va essayer de tout mettre sur le dos de l'accident, y compris la schizophrénie. Et il est du devoir de la compagnie d'assurances du tiers payeur et de l'État de veiller à payer sur ce qui est assuré, pas sur l'ensemble des problèmes que peuvent vivre une famille, un citoyen ou la société québécoise.

M. Chevrette: Mais vous avez un code d'éthique aussi qui vous oblige à...

M. Fréchette (Pierre): Tout à fait.

M. Chevrette: ...faire un examen médical sérieux.

M. Fréchette (Pierre): Tout à fait.

M. Chevrette: Je comprends que chaque profession peut avoir ses petits problèmes, mais, que ce soit avocat ou médecin, chacun a ses petits problèmes.

M. Fréchette (Pierre): Tout à fait, puis le Collège des médecins est là pour surveiller la déontologie médicale, et nous sommes, comme médecins, tous tenus à une objectivité minimale.

M. Chevrette: Une dernière question en ce qui me concerne. Vous savez qu'il y en a beaucoup qui réclament la possibilité ? vous en avez fait allusion, c'est pour ça que je vais vous donner l'occasion de l'exprimer davantage ? il y en a beaucoup qui veulent qu'on puisse intenter des procès pour aller chercher plus d'argent qu'en donnent les indemnités actuelles. Que répondez-vous à ces gens qui demandent ça?

M. Fréchette (Pierre): Écoutez, moi, je suis pas avocat, ni comptable, ni actuaire, mais j'ai honnêtement l'impression que c'est tout à fait subjectif, puis je pense qu'on n'a jamais fait la démonstration que, dans les endroits où il y a des poursuites sur la vie ou la santé à long terme, on réussisse effectivement dans tous les cas à aller chercher plus d'argent parce qu'il y a procès, alors que lorsqu'il y a pas procès l'ensemble des victimes sont pénalisées. Ça, moi, j'ai jamais vu personne qui m'a fait cette démonstration-là. Puis je pense pas que dans l'intérêt de la communauté québécoise on doive prendre la voie de foutre devant les tribunaux... pour tous les cas d'accident.

Une chose est sûre. Si on s'en va vers un système où il faut trouver un coupable puis où on génère des procédures judiciaires, en tout cas, ou qu'on permet les procédures judiciaires après un accident, ça va encore mettre tout le monde dans le même sac, y compris ceux qui ont pas le moyen de poursuivre des personnes. Puis en bout de ligne on va avoir un nombre moins grand de citoyens compensés suite aux blessures avec lesquelles ils ont à vivre après un accident.

n (10 h 20) n

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.

M. Laprise: ...M. le Président. Vous dites que les personnes, puis c'est humain, vous l'avez dit vous-même, que les personnes, peut-être au niveau d'une maladie quelconque, la schizophrénie peuvent dire: Bien, on va faire passer ça sur l'accident. Mais c'est aussi vrai dans l'inverse. La SAAQ peut dire: La schizophrénie, là, la maladie en question, ça dépend de ça si tu as des problèmes particuliers. Mais il reste qu'un accident peut avoir provoqué l'accélération de la maladie aussi.

M. Fréchette (Pierre): Oui.

M. Laprise: Alors, on rencontre, c'est vrai pour la CSST également, on rencontre certains éléments de certaines personnes, qui mettent beaucoup d'emphase sur les conséquences de la maladie et transfèrent sur la maladie les conséquences de l'accident aussi. On voit ça des deux côtés.

M. Fréchette (Pierre): Oui. Oui. Vous avez raison là-dessus. Et c'est pour ça qu'on doit maintenir des mécanismes d'arbitrage. Quand les gens sont pas d'accord avec une décision de la Société de l'assurance automobile, on doit leur permettre un droit de recours, ce qui est le cas.

M. Laprise: C'est pour ça que je me rends à l'idée de M. le ministre, à savoir qu'il y aurait une équipe médicale indépendante complètement qui serait en mesure de confirmer si le diagnostic de l'un ou l'autre est bon. C'est... quand on s'aperçoit que les médecins de la SAAQ ou de la CSST ont tout le temps le même verdict, ça serait bon peut-être qu'il y a une vérification très objective.

M. Fréchette (Pierre): Tout à fait.

M. Laprise: Parce que les gens qui ont à vivre ça, là, c'est un drame humain, c'est un drame familial aussi.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition en matière de transports.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue au Comité en commission parlementaire. Je vous écoute attentivement depuis tantôt. Très intéressant, d'ailleurs. Ça me fait penser, j'ai eu des conversations avec des médecins, chez moi, à peu près dans le même sens. D'ailleurs, eux autres aussi posaient beaucoup de questions. Puis une simple anecdote. Je vais consulter un médecin, il y a quelques semaines, pour un mal de coude. Ça fait qu'en arrivant il m'a posé tellement de questions, m'a passé tellement de tests, la prostate, etc...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Ça fait que la prochaine fois que je vais avoir mal au coude, je vais endurer mon mal.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Tout ça pour vous dire que vous êtes très consciencieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Pour revenir aux choses sérieuses... Vous avez tantôt abordé le sujet que le «no fault» entraînait, en fin de compte, une procédure plus rapide dans les règlements d'assurance. Tout simplement, je profite de l'occasion pour souligner au ministre... Parce qu'on parle souvent ici, en commission parlementaire, de cas de comté et puis on s'aperçoit que, s'il y a une lacune de ce côté-là, c'est quand il y a un décès puis il y a un rapport du coroner. Lorsqu'on attend un rapport du coroner, on a des cas où on attend très, très longtemps avant les règlements d'assurance, et ça met souvent des familles dans l'embarras. Donc, si on a un point à régler... Je profite de l'occasion pour souligner ça parce que j'avais un cas de comté justement hier sur les rapports du coroner qu'on attend depuis longtemps.

Dans un autre ordre d'idées, on parle de centres de traumatologie, il y en a 78 au Québec. J'aimerais vous entendre sur le fait s'il y a une différence entre un citoyen, un automobiliste, d'avoir un accident... Par exemple, dans une région périphérique, si on peut parler de plus loin, en Gaspésie, en Abitibi, au Saguenay? Lac-Saint-Jean, est-ce que c'est plus problématique d'avoir un accident grave dans ce coin-là qu'avoir un accident grave dans la région de Québec ou dans la région de Montréal?

M. Fréchette (Pierre): Votre question est excellente. La réponse, c'est probablement oui, mais pas dans tous les cas. Je peux vous donner des exemples d'accidents survenus en plein centre-ville de Montréal où la victime était nettement désavantagée à cause d'un phénomène de tas de ferraille. La façon dont l'impact se produit, la façon dont l'automobile est partiellement démolie, la complexité de sortir la victime du tas de ferraille va faire qu'on va rentrer à l'hôpital trois heures, des fois quatre heures, quatre heures et demie après l'accident. C'est pas de la faute à personne.

M. Brodeur: ...moins bon qu'en région que...

M. Fréchette (Pierre): Pas du tout. Pas du tout.

M. Brodeur: Non?

M. Fréchette (Pierre): C'est que la puissance de l'impact et la direction de l'impact va déformer la tôle à un point tel que ça va devenir extrêmement complexe à sortir l'individu de là, et ça, c'est préjudiciable à la victime, mais on n'y peut rien. Le fait d'avoir un accident à Gaspé, ou à Sept-Îles, ou à Rimouski fait aussi que l'individu qui est impliqué dans cet accident-là est situé à une distance plus grande du Centre tertiaire de traumatologie, beaucoup plus grande, que l'individu qui est au centre-ville de Montréal. Et à cet effet-là lui aussi subit un préjudice à cause des délais.

Par contre, avec la mise en place du réseau de traumatologie, ces individus-là sont actuellement capables d'avoir accès aux services auxquels ils ont besoin d'une façon séquentielle. Je m'explique. Un individu de 20 ans se fait frapper par un gros camion sur la rue principale à Gaspé. L'Hôtel-Dieu de Gaspé est désigné centre primaire de traumatologie. C'est un niveau de centre de traumatologie qui comporte une garde médicale à l'urgence 24 heures par jour par les médecins de famille. Ces docteurs-là ont reçu nécessairement un entraînement spécifique à la prise en charge des blessés graves, puis c'est un hôpital qui comporte un service de chirurgie et d'anesthésie pour la chirurgie générale 24 heures sur 24.

L'individu qui vient d'être frappé peut ressembler à celui que je vous ai décrit en périphérie de Montréal, tout à l'heure. Les blessures qui sont susceptibles de tuer cette personne-là dans la première heure ou le premier deux heures sont nettement les blessures internes du thorax et de l'abdomen. Si la rate est rupturée, s'il y a des artères ou des grosses veines qui sont lacérées à l'intérieur du ventre ou du thorax, ça va le tuer si un chirurgien répare pas ça, au moins temporairement boucher le trou, comme on dit, rapidement. Or, ce service-là est disponible à Gaspé. Pour ce qui est des fractures du bassin, des fémurs, des bras, etc., et des contusions du cerveau, Gaspé est pas équipé pour faire ça.

La façon dont ça fonctionne dans le réseau de traumatologie du Québec, c'est que pendant que le chirurgien s'occupe de boucher les trous pour empêcher l'individu de se vider de son sang, on a déjà communiqué avec le centre tertiaire de Québec et l'avion-ambulance du gouvernement est déjà en route pour aller le chercher à Gaspé dès sa sortie de la salle d'opération. Et après sa chirurgie, 50 minutes plus tard, un blessé comme ça va déjà être dans le centre tertiaire de traumatologie où une équipe multidisciplinaire va prendre charge de l'ensemble des blessures comme s'il s'agissait d'un citoyen de la ville. Et, dans ce sens-là, la qualité et la promptitude des services médicaux pertinents au Québec, elle est exemplaire, malgré l'étendue du territoire.

On aurait pu dire: Est-ce qu'on pourrait pas mettre des centres tertiaires partout, à Gaspé, à Rimouski, à Mont-Joli, à Havre-Saint-Pierre? La réponse, c'est non, pour une problématique qui est mondialement reconnue dans la littérature scientifique. C'est que pour avoir un centre tertiaire compétent pour maintenir des équipes compétentes, ça prend une masse critique de blessés graves. Et une masse critique de blessés graves dans des sociétés modernes comme celle qu'on connaît, ça prend une desserte de population qui varie entre 1 et 2 millions de personnes.

Alors, si on veut mettre des centres tertiaires partout, ça ne pourra pas fonctionner, nos équipes auront pas l'expertise nécessaire ou, s'ils l'ont au début, ils vont la perdre automatiquement. Il fallait à tout prix réduire le nombre de centres tertiaires au Québec. En passant il y en a quatre: un pour l'Est, qui est situé dans la ville de Québec, et trois pour l'Ouest, qui sont situés dans la région immédiate de Montréal, pour permettre justement de concentrer un nombre suffisant de blessés graves afin de laisser les expertises se développer et se maintenir à tous les niveaux des intervenants.

M. Brodeur: Dans le même ordre d'idées, on sait que... qu'il arrive un accident en région, qu'il en arrive dans une région... dans la région métropolitaine, on a un système ambulancier que je pense relativement compétent, sauf que: Est-ce que le système ambulancier est aussi efficace dans les régions éloignées, parce qu'on sait que le temps... chaque minute compte, chaque minute compte? Est-ce que vous considérez que le système ambulancier est aussi efficace à Roberval, à Chibougamau, à Saint-Hubert, à Joliette ou dans toutes les régions du Québec, pour qu'on puisse traiter adéquatement ou qu'on puisse sauver la vie d'une personne qui vient d'avoir un accident dans... parce qu'il faut un délai raisonnable minimalement?

M. Fréchette (Pierre): Oui, tout à fait. La formation des techniciens ambulanciers est passée, depuis 1992, de 145 heures à 840 heures, et ça, sur l'ensemble du territoire québécois. La plupart des techniciens ambulanciers qui sont en devoir aujourd'hui sur l'ensemble de notre belle province ont le même niveau de formation et ont le même type d'équipements à leur disposition, donc sont en mesure d'offrir les mêmes services à tout le monde.

n (10 h 30) n

Ceci dit, pour des raisons géographiques, les raisons qui touchent les distances à parcourir avant d'arriver à des établissements de santé, on est obligé de moduler notre système préhospitalier. Et je veux attirer votre attention là-dessus, sur une région qui a donné l'exemple et qui donne des performances remarquables, c'est la Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine. En Gaspésie? Îles-de-la-Madeleine, on a des ambulances dans certains villages, mais pas dans tous les villages, pour des raisons économiques. Il n'y a pas de demande. Les villages sont des agglomérations de personnes en petit nombre, souvent moins de 2 000 personnes. Les villages en Gaspésie, typiquement, sont séparés les uns des autres par une distance qui varie de 10 à 15 kilomètres. Puis avant de faire un bassin qui justifie l'utilisation d'une ambulance, eh bien, on couvre des distances qui vont se traduire par des trajets qui excèdent 20, 25 minutes, parfois 30 minutes.

Ça nous a donc obligés de regarder la possibilité de créer des intervenants intermédiaires entre M. et Mme Tout le monde et l'ambulancier, qu'on a appelés les premiers répondants, qui se personnifient habituellement par des pompiers volontaires. Ces gens-là reçoivent une formation minimale qui leur permet d'intervenir, entre autres dans le cas des accidents graves, pour arrêter les hémorragies externes, pour permettre de libérer les voies respiratoires quand les gens s'étouffent, pour administrer de l'oxygène quand il y a besoin d'administrer de l'oxygène, et ceci en attendant l'ambulance. On gagne encore du temps avec une autre façon et ça donne des résultats surprenants. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci pour votre excellente participation aux travaux de cette commission, madame et messieurs.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite M. Jean-Luc Bacher à bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît!

Alors, bienvenue, M. Bacher. Je vous demande de bien vouloir présenter la personne qui vous accompagne, en vous indiquant que vous avez un maximum de 20 minutes pour votre exposé.

M. Jean-Luc Bacher

M. Bacher (Jean-Luc): Bonjour, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission et députés. Je vous remercie de nous accueillir ici et de nous donner l'occasion de présenter le rapport que nous avons déposé auprès de la commission il y a de cela quelque temps. Je suis accompagné de mon assistante, qui est également étudiante à la maîtrise en criminologie à l'Université de Montréal, qui a évidemment contribué à l'élaboration du rapport dont il est question ici aujourd'hui,

Le Président (M. Lachance): Dont le nom est?

M. Bacher (Jean-Luc): Pardon?

Le Président (M. Lachance): Quel est son nom, s'il vous plaît?

M. Bacher (Jean-Luc): Il s'agit de Mme Gagnon, Claudine Gagnon.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Merci.

M. Bacher (Jean-Luc): Excusez par avance les quelques difficultés que j'ai éprouvées à m'exprimer, j'ai un rhume carabiné, mais je ferai de mon mieux pour ne pas vous le transmettre, en tout cas.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bacher (Jean-Luc): On se fera un bye bye de loin.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bacher (Jean-Luc): Alors, après quelques considérations d'ordre général qui tiendront lieu d'introduction à ma présentation, je reviendrai sur quelques-uns des points que vous trouverez et que vous avez vraisemblablement lus dans le rapport, mais sur lesquels j'aimerais revenir. C'est une espèce de sélection de quelques morceaux choisis du rapport que j'ai déposé auprès de votre commission.

Alors, je commencerais par vous dire que... vous rappeler peut-être ? et ça me paraît utile ? que la conduite automobile est une activité qui est intrinsèquement dangereuse, et ce, même quand l'automobiliste est prudent. Elle ne fait donc pas l'objet d'un droit fondamental inaliénable, puisque c'est une activité qui reste soumise à autorisation, une activité qui doit évidemment s'exercer dans le respect d'un certain nombre de normes qui concourent à circonscrire les risques inhérents à la conduite automobile. Celui qui conduit résolument, volontairement ou sciemment dans l'irrespect de ces normes trahit dans une certaine mesure la confiance qui a été placée en lui par ses concitoyens et par l'État qui régit donc cette activité. En commettant une infraction criminelle, le délinquant de la route heurte ce que Durkheim appelait, il y a déjà une centaine d'années, les états forts et définis de la conscience sociale, c'est-à-dire les valeurs fondamentales de notre société. Au nombre de ces valeurs, il convient évidemment de citer, en tête de liste, la vie humaine et l'intégrité corporelle de la personne humaine.

Le fait que les délinquants de la route, comme ceux qui se rendent coupables de conduite avec facultés affaiblies ou de conduite dangereuse, ne veuillent pas expressément ni tuer ni blesser autrui n'exonère pas ces individus. Ils acceptent de prendre des risques accrus que de tels événements se produisent et c'est précisément cette prise de risques qui est répréhensible, qui est blâmable, puisqu'elle n'est ni fatale ni inévitable, d'où l'existence d'ailleurs des sanctions pénales et administratives qui sont déjà prévues pour réprimer ces comportements.

Il y a donc en l'État, compte tenu de l'état de la législation actuelle, quelques raisons préalables de croire qu'il pourrait être difficile de faire beaucoup mieux que ce qu'on fait déjà en matière de dissuasion de la délinquance au volant. En effet, quand on considère la rigueur des sanctions auxquelles s'exposent déjà les délinquants de la route, il peut paraître difficile d'intimider plus de gens ou davantage les délinquants potentiels par l'ajout de nouvelles sanctions qui seraient en l'espèce de nature économique.

Mais j'en viens au vif du sujet: Qu'arriverait-il si la SAAQ cessait d'assumer une partie au moins des dommages causés par des automobilistes qui prennent des risques inutiles en commettant des infractions criminelles au volant? Une telle modification du régime aurait-elle des effets dissuasifs appréciables sur les délinquants potentiels de la route? Telle est vraiment la question. Pour ma part, j'ai trouvé notamment dans la littérature criminologique plusieurs raisons de penser qu'on peut mieux faire, voire beaucoup mieux faire en matière de dissuasion de la délinquance au volant, et si je suis arrivé à cette conclusion, c'est parce que j'ai successivement tenté de répondre aux cinq questions suivantes que je vous soumets et auxquelles je vais répondre à nouveau devant vous.

Première question: Y a-t-il encore au Québec beaucoup de gens à dissuader de se livrer à des actes criminels au volant? Première question. Deuxième question: À la lumière de la littérature, y a-t-il moyen de faire de la dissuasion générale productive en matière de délinquance au volant et, si oui, comment? Troisième question: Y a-t-il moyen de faire de la dissuasion spéciale et, si oui, comment? Quatrièmement: À quelle punition, à quelle sanction économique devrait-on exposer les automobilistes délinquants? Autrement dit, quelles devraient être les modalités de ces sanctions? Et enfin, cinquième question: Quel résultat devrait être atteint en termes de dissuasion pour que des modifications du régime actuel d'indemnisation des victimes de la route se justifient?

n(10 h 40)n

Alors, j'en viens à la première question en vous livrant quelques-uns des éléments de réponse que vous trouverez bien évidemment pour la plupart dans le rapport, mais que j'ai jugé utile de reprendre ici aujourd'hui. Première question: Y a-t-il encore au Québec beaucoup de monde à dissuader de se livrer à des actes criminels au volant? Alors, ce qu'il faut bien reconnaître, c'est que, selon les statistiques officielles, il y a actuellement moins d'individus qui commettent des infractions criminelles sur la route qu'il n'y en avait il y a quelques années. Il y en a même pas mal moins, je le reconnais volontiers.

Cela dit, si on se fie aux données statistiques du Canada, il y a encore de nombreux individus qui commettent annuellement des infractions criminelles sur la route, et je vous citerai juste deux chiffres pour illustrer mon propos. En 2000, on a pu recenser 16 683 accusations au Québec de conduite avec facultés affaiblies. Cette même année, 777 accusations de conduite dangereuse d'un véhicule automobile, toujours pour la province de Québec et l'an passé.

Alors, même à penser qu'un certain nombre d'individus se sont rendus coupables de plusieurs de ces infractions, c'est-à-dire qu'on n'a pas forcément autant de délinquants qu'il y a d'accusations, même à penser qu'il y a des récidivistes dans cette population-là, il faut pas oublier qu'il s'agit là de la délinquance connue. Toute délinquance, n'importe quel criminologue vous le dirait, comporte une part de délinquance cachée, ce qu'on appelle les «chiffres noirs», et là ces chiffres ne rendent compte que de la partie immergée de la l'iceberg.

Il serait très étonnant par ailleurs que les auteurs de ces milliers d'infractions criminelles ? je vous ai cité que deux cas ? qui sont commises annuellement au Québec soient pour la plupart des délinquants de la route indécrottables et invétérés. Il y a aucune raison sérieuse de penser que ces milliers de délinquants sont et resteront insensibles à toute espèce de dissuasion. En bref, on peut certainement dire qu'il reste assez de délinquants sur les routes du Québec pour que de nouvelles mesures de dissuasion s'avèrent par avance justifiées et utiles.

Deuxième question. À la lumière de la littérature, y a-t-il moyen de faire de la dissuasion générale, productive en matière de délinquance au volant? Pour mémoire, je vous rappelle que la dissuasion générale, c'est celle qui s'adresse à un nombre indéterminé d'individus, à tous les individus qui sont susceptibles de commettre des infractions sans distinction, donc à tous les délinquants potentiels en général, à personne en particulier.

Alors, les peines pécuniaires en matière de dissuasion générale semblent avoir des effets dissuasifs intéressants sur la propension des automobilistes à conduire avec facultés affaiblies. D'une très grande recherche américaine, panaméricaine, dans 48 États américains sur l'incidence d'une vaste gamme de facteurs susceptibles d'avoir une influence sur la propension des individus à conduire en état d'ébriété, il ressort que les montants des amendes obligatoires et, plus encore, les amendes minimales obligatoires ont une nette influence sur le nombre de cas d'alcool au volant.

En Suède, il ressort des expériences qui ont été faites par ce pays que, bien que ce soient les peines de prison qui parviennent à influencer sensiblement le volume des accidents d'automobile qui sont dus à l'alcool et qui causent des blessures, ce sont plutôt les amendes qui ont exercé une influence favorable sur le volume des accidents mortels. De nombreuses recherches, il ressort que la dissuasion dépend plus encore de la perception qu'ont les automobilistes des risques qu'ils encourent en conduisant en état d'ébriété que des risques eux-mêmes. Excusez-moi. En effet, même si la perception qu'ont les contrevenants potentiels des risques qu'ils encourent à commettre des infractions n'est pas sans rapport avec la réalité de ces risques, il reste que leur perception les amène souvent à surestimer ou sous-estimer les risques encourus.

La recherche nous démontre... Enfin, les recherches empiriques nous démontrent en outre ? et c'est important ? qu'il est capital de diversifier les moyens dissuasifs qui sont mis en oeuvre pour contrer la délinquance routière. D'une part, parce que tous les contrevenants ne réagissent pas de manière identique aux mêmes menaces. Ils sont plus ou moins sensibles à la prison ou aux amendes selon qu'ils sont riches ou pauvres, coutumiers ou non de la prison, avec ou sans emploi, avec ou sans charge de famille. Comme la population des automobilistes est très hétéroclite, il serait étonnant qu'un seul type de sanction, aussi sévère et certaine soit-elle, permette d'atteindre tous les contrevenants potentiels.

D'autre part, parce que les diverses sanctions s'avèrent parfois inaptes à produire isolément des effets dissuasifs significatifs, mais qu'elles réussissent à en produire par combinaison entre elles ? c'est ce qu'on appelle les effets de synergie ? il est utile de diversifier les sanctions à disposition dans l'arsenal des sanctions disponibles.

Ainsi, si, dans leur recherche sur la dissuasion sur l'alcool au volant... de l'alcool au volant, Evans et ses collaborateurs sont arrivés à la conclusion qu'aucune des formes spécifiques de législation punitive n'était à elle seule parvenue à produire des effets de dissuasion significatifs, ils ont toutefois... ils sont toutefois arrivés à la conclusion que l'effet combiné des diverses lois punitives, comme celle notamment qui instituait le port de la ceinture de sécurité, était parvenu, par un effet de synergie, à produire de la dissuasion.

Troisième question: Y a-t-il moyen de faire de la dissuasion spéciale en matière de délinquance au volant? Alors, la dissuasion spéciale consiste, pour mémoire, à prévenir la criminalité future de ceux à qui l'on inflige des peines pour des crimes dont ils se sont déjà rendus coupables. Et les amendes paraissent très efficaces pour dissuader notamment les jeunes contrevenants à faibles revenus. Il semble qu'une certaine proportion de condamnés perçoit les peines de deux jours de prison comme moins graves que les peines d'amende de plus de 200 $, et la raison pourrait bien en être que, pour les délinquants qui n'ont pas d'emploi et qui ne sont pas riches, il vaut mieux donner de son temps en prison que d'avoir à donner de son argent. Pour lutter contre la récidive, les sanctions pécuniaires sont apparemment parmi les plus efficaces. Selon Yu ? c'est un chercheur américain ? les fortes amendes auraient plus d'effet dissuasif sur les délinquants que le retrait du permis, et ce, en particulier sur les délinquants récidivistes, dont certains se passent volontiers du permis de conduire pour prendre le volant. Sous l'angle de la dissuasion spéciale, il s'avère également utile de diversifier les sanctions infligées aux contrevenants, car il y a apparemment aucune sanction particulière qui soit susceptible de réduire la récidive de manière systématique à elle seule.

Quatrième question: À quelle punition économique, à quelle sanction économique pourrait-on exposer les automobilistes délinquants? Il nous semble falloir exposer les automobilistes délinquants à une perte mesurée de leur droit à des indemnités, telles qu'elles sont attribuées actuellement par la SAAQ. La privation ou, mieux encore, la réduction du droit des indemnités serait donc une nouvelle sanction économique envisageable. Mais il serait bien évidemment impensable, à notre sens, d'infliger la même sanction à tous les contrevenants, cela serait tout à fait contraire au principe très fondamental de l'individualisation des peines, des sanctions. Une peine unique serait en outre immanquablement perçue comme injuste par une certaine proportion d'automobilistes punis. Une telle peine serait donc impropre à réintégrer socialement ces automobilistes-là, mais elle serait plus susceptible de les inciter à la révolte, au défi du système pénal, du système judiciaire.

Parmi les circonstances dont il conviendrait bien évidemment de tenir compte, à notre sens, pour pouvoir individualiser les sanctions, il y a notamment la gravité de l'acte à réprimer, les antécédents de l'auteur du crime, l'état d'esprit dans lequel le crime a été réalisé, etc. Il serait judicieux à notre avis de prévoir une gradation dans la restriction des indemnités offertes par la SAAQ aux individus qui se sont rendus coupables d'infractions au volant et qui ont ainsi causé mort d'homme ou blessures. Ainsi, au fur et à mesure qu'un individu récidiverait en matière de délinquance routière, ses droits à d'éventuelles prestations pourraient diminuer. On pourrait par exemple prévoir qu'un récidiviste soit, successivement et cumulativement, privé d'indemnités auxquelles il peut prétendre pour lui-même, puis obligé de rembourser tout ou partie des prestations qui sont faites à ses victimes, et enfin, ultimement, exposé à une demande civile de ses victimes pour la partie qui n'est pas couverte par la SAAQ.

n(10 h 50)n

Dernière question, qui tiendra lieu de conclusion: Quel résultat devrait être atteint en termes de dissuasion pour que des modifications du régime d'indemnisation des victimes de la route se justifient? Avant toute chose, c'est, à notre avis, la diminution du nombre d'accidents qui fait des morts ou des blessés, qui doit être recherchée par une modification du régime actuel d'indemnisation des automobilistes. Et je crois qu'on pourrait, en l'occurrence, se contenter même d'une baisse modeste des accidents qui font des morts ou des blessés pour que ces modifications restent justifiées. La raison en est bien simple, c'est qu'il en va d'un bien très précieux: la vie humaine, l'intégrité corporelle de nos concitoyens. Ainsi, pour une fois, le critère qui consiste à se demander si une baisse statistiquement significative des accidents résulterait des modifications apportées au régime d'indemnisation ne me paraît pas absolument indispensable. Pourquoi? Parce que toute vie humaine est bonne à sauver et à préserver.

Cela dit, je crois qu'il y a certainement moyen de faire produire des effets dissuasifs non négligeables à un régime amendé à condition de bien publiciser les modifications et de les faire connaître en particulier aux délinquants avérés de la route. Il faudrait, à mon sens, ne pas se contenter de rechercher des effets de dissuasion générale mais aussi de dissuasion spéciale en rappelant les règles du jeu sur une base individuelle à tous les automobilistes qui se rendent coupables d'infraction criminelle au volant, et ce, avant même qu'ils aient le temps de faire des morts ou des blessés.

En conclusion, on peut rendre, à mon sens, le régime québécois d'indemnisation des victimes de la route plus dissuasif, sans le transformer de fond en comble, mais en réservant un traitement différentiel aux seuls auteurs d'infraction criminelle. S'il convient de le faire, ce n'est pas prioritairement par souci d'économie ou pour mieux venger les victimes de la route mais pour sauver des vies additionnelles. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. Bacher, Mme Gagnon. J'ai plusieurs petites questions. J'ai lu votre mémoire au complet mais... Première question qui me vient à l'idée, parce que vous affirmez que le bilan de la route, avec le «no fault»... En d'autres mots, vous dites: Si le bilan de la route a baissé de 1 000 décès depuis la création du «no fault» ? il est passé de 1 765 en 1978 à 765 en 2000 ? ne peut-on pas affirmer que l'impact négatif du «no fault» a été forcément marginal?

M. Bacher (Jean-Luc): Je pense pas qu'on puisse le dire parce qu'on a apporté tellement de modifications à la législation, soit pénales, soit administratives, les sanctions sont devenues à ce point plus acérées qu'il me paraît plus vraisemblable d'attribuer les raisons ou les causes de cette baisse relativement spectaculaire à d'autres facteurs qu'à l'introduction du régime du «no fault». Puis je vous dirais aussi que les mentalités ont profondément changé, et ce, au travers de tout le monde occidental.

M. Chevrette: Mais, si on reprend... si on reprend l'ensemble des facteurs, moi aussi, je suis d'accord. D'ailleurs, la SAAQ a jamais prétendu que c'était le «no fault» qui avait baissé nécessairement le taux du décès, c'est un ensemble de facteurs. Mais, spécifiquement sur l'introduction du «no fault», est-ce que c'est marginal, selon vous, ou est-ce que c'est...

M. Bacher (Jean-Luc): Bien, pour vous livrer ma conviction personnelle, je suis pas du tout persuadé que le «no fault» soit de nature à contribuer à faire baisser la somme des accidents qui causent soit des morts, soit des blessés. Je suis plutôt porté à penser le contraire.

M. Chevrette: Vous pensez que ça augmente?

M. Bacher (Jean-Luc): Oui, je pense que ça augmente et je pense que le «no fault» est plutôt de nature à déresponsabiliser l'automobiliste.

M. Chevrette: À déresponsabiliser l'automobiliste?

M. Bacher (Jean-Luc): Oui.

M. Chevrette: C'est parce que vous écrivez dans votre conclusion, et ça m'a frappé... Vous dites dans votre conclusion: «Il vaut mieux s'exposer à des erreurs [...] de seconde espèce qui serait de conclure à l'inexistence d'un effet bien réel au motif que la démonstration [...] ne peut être faite.» Vous vous rappelez d'avoir écrit ça?

M. Bacher (Jean-Luc): Tout à fait.

M. Chevrette: En d'autres mots, moi, ce que j'interprète, c'est que nous sommes incapables de démontrer cet effet dissuasif mais essayons-le, en espérant que ça produise l'effet peut-être souhaité. Ça vous paraît-u rigoureux, ça?

M. Bacher (Jean-Luc): Je vous donnerai, si vous voulez, un complément de réponse. Bien, ce que je peux vous dire tout d'abord, c'est qu'il y a un certain nombre de recherches qui ont été faites sur l'effet attendu d'un certain nombre de sanctions destinées à réprimer les infractions criminelles au volant. Alors, il y a un certain nombre de chercheurs qui sont parfois arrivés à la conclusion qu'il n'y avait pas d'effet statistiquement significatif avec l'introduction de telle ou telle sanction nouvelle ou avec l'aggravation de telle sanction préexistante, vous voyez. Mais ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on peut pas démontrer avec une marge d'erreur inférieure à 5 % qu'il y a bel et bien eu un effet. Ça veut dire qu'il peut y avoir eu un effet mais qu'on n'est pas capable de démontrer statistiquement hors de tout doute, si vous voulez. C'est un peu l'équivalent du «hors de tout doute», la marge d'erreur de 5 % et moins.

Alors, il y a très vraisemblablement ? et c'est ce que dit l'auteur que j'ai cité dans mon rapport ? des cas dans lesquels il y a eu un effet, mais qu'on pouvait pas démontrer statistiquement hors de tout doute. À cela s'ajoute qu'il y a des cas dans lesquels des mesures de dissuasion ont effectivement eu un effet qui, lui, était avéré et constatable hors de tout doute statistiquement par un effet significatif.

M. Chevrette: Dans le résumé tantôt, vous avez dit: Il reste insensible à toute dissuasion, celui qui prend un coup... fort, là! À un moment donné, on peut lire dans votre texte, là, que vous proposez un régime d'indemnité qui est basé sur, comment dirais-je, le degré d'alcoolémie. Ça m'a surpris, ça. J'ai 0,9 mais je conduis le corps raide. J'ai 0,8 puis j'ai les oreilles molles, si vous me permettez l'expression.

M. Bacher (Jean-Luc): Oui.

M. Chevrette: Il faudrait avoir un régime différent. Comment pourriez-vous gérer un tel système? D'où sortez-vous ça?

M. Bacher (Jean-Luc): Oui. En fait, dès le moment où on décide qu'une réduction du droit à des indemnités dispensées par la SAAQ est constitutive d'une nouvelle forme de sanction, on peut pas infliger la même sanction à tout le monde, ce serait nécessairement perçu comme quelque chose d'injuste. On peut pas se contenter de dire: Tous ceux qui sont au-delà de 0,08, zéro prestations; tous ceux qui sont en deçà, les prestations en plein. Évidemment, ce genre de mesure manque à mon sens trop considérablement de nuance pour qu'on puisse l'introduire telle quelle. Il faut qu'il soit possible de faire la différence entre celui qui a à peine ? et c'est ce que je dis notamment dans mon rapport ? plus que 0,08, auquel on connaît aucune espèce d'antécédent et puis qui, en l'état, se serait même pas rendu compte qu'il avait dépassé la limite, faire la différence entre cet individu-là et celui qui est à 0,2 pour la dixième fois en quelques années, qui est connu comme un multirécidiviste de l'alcool au volant et qui évidemment mérite pas d'être traité comme le premier. C'est ça que je me suis efforcé d'expliquer.

M. Chevrette: Vous dites également qu'un chauffeur, par exemple qui est ivre, est plutôt intimidé par l'interception policière. Est-ce que j'ai bien compris votre mémoire?

M. Bacher (Jean-Luc): Ce que je dis, c'est que...

M. Chevrette: Non, il serait influencé fortement, dis-je. Je m'excuse. Je reprends ma question.

M. Bacher (Jean-Luc): Oui, oui, oui.

M. Chevrette: Vous dites que le fait de savoir qu'il aurait une indemnité moindre serait une source de motivation pour ce chauffeur-là de ralentir. Je vous interprète bien? Moi, j'avais plutôt l'impression que c'était plus la présence policière qui préoccupait ces gens-là que d'autres choses.

Je lisais un article... Vous avez une consoeur, Louise Nadeau, qui travaille à l'Université de Montréal, je crois, département de psychologie de l'Université de Montréal...

M. Bacher (Jean-Luc): Oui, oui, je la connais.

M. Chevrette: ...qui, elle, a fait une étude sur les comportements des récidivistes et qui conclut que ça ne les dérange absolument pas de conduire sans permis, ils se sentent au-dessus des lois, ils ont aucun problème... C'est une maladie naturellement, c'est de l'alcoolisme. Vous pensez pas que ses conclusions vont à l'encontre de vos prétentions?

M. Bacher (Jean-Luc): Ce que je pense pas, c'est que les 16 000 accusations qui ont été portées l'année passée pour conduite avec facultés affaiblies l'aient été contre des alcooliques. Il y en avait certainement dans cette population-là, mais il y avait certainement des automobilistes qui n'avaient pas le profil d'alcoolique et qui sont donc tout à fait susceptibles d'être dissuadés.

Maintenant, je pourrais peut-être juste vous dire, à propos du caractère plus ou moins irrationnel de la conduite en état d'ébriété: Vous savez, il y a des comportements délinquants qui sont réputés très instinctifs ou très primitifs, comme la délinquance sexuelle, dont on a longtemps dit qu'ils ne comportaient aucune espèce de rationalité. Or, même les comportements délinquants, qui sont dits particulièrement irrépressibles ou instinctifs, comportent toujours une partie de planification, de rationalité, de préparatif. Et je pense qu'il y a très peu de délinquants qui sont totalement inaccessibles à la dissuasion. Maintenant, ils sont pas tous accessibles à la même forme de dissuasion, d'où l'intérêt de diversifier les formes de dissuasion à disposition.

n(11 heures)n

M. Chevrette: Proposez-vous concrètement d'indemniser ou pas le conducteur ivre qui est blessé dans un accident? Est-ce que vous...

M. Bacher (Jean-Luc): Bien, moi, je suis d'avis qu'il serait pas très réalisable ou praticable de le priver de l'entier de ses prestations à la première infraction venue. Mais ce que je pense, par contre...

M. Chevrette: Tenez-vous compte du degré d'alcoolémie?

M. Bacher (Jean-Luc): Oui, moi, je pense que c'est un élément dont il faudrait...

M. Chevrette: Un gars qui a 26... .26, il est à sa première infraction, là...

M. Bacher (Jean-Luc): Oui.

M. Chevrette: ...c'est un danger public.

M. Bacher (Jean-Luc): À mon avis, on devrait tenir compte d'un certain nombre de facteurs aggravants et atténuants pour décider de la proportion des indemnités qui sera ultimement allouée à celui qui s'est rendu responsable en commettant une infraction criminelle d'un accident. C'est sûr... à mon avis, on peut pas faire autrement que de tenir compte d'un certain nombre de circonstances. Pourquoi? Parce que, sinon, on va punir de manière identique des gens dont le tort est très, très différent, dont le degré de responsabilité est pas comparable, et ça, ça va nécessairement susciter des sentiments d'injustice considérables. Je crois qu'on est obligé de faire des nuances...

M. Chevrette: Mais, M. Bacher...

M. Bacher (Jean-Luc): Oui.

M. Chevrette:«Baché» ou «Bachère»?

M. Bacher (Jean-Luc):«Bachère».

M. Chevrette:«Bachère». Vous savez très, très bien que le régime d'assurance automobile, ça règle les questions d'assurance et d'indemnité, ça n'a pas à juger de la gravité de la faute. La gravité de la faute, c'est le Code criminel ou c'est le Code de la route. Est-ce que vous êtes pas en train de me dire qu'il faudrait changer le Code criminel puis donner des directives aux juges pour juger de la gravité de la faute, et ça, indépendamment de notre régime d'assurance? Il faut pas mêler les deux choses. Le régime d'assurance automobile, il est pas punitif, il y a le «no fault». Donc, si on commence à introduire des divers degrés, c'est qu'on juge du degré de criminalité ou pas, parce que le 0,08 existe dans le Code.

Donc, est-ce que vous n'êtes pas en train de nous proposer plutôt des modifications au Code criminel ou un guide de directives aux juges pour dire: Bien, pénalisez pas tel type de cause s'il en est à la première infraction ou pas? alors que vous voulez en plus nous faire introduire... en plus de nous parler du degré de gravité, vous nous parlez aussi de faire de la compagnie d'assurances... que la compagnie d'assurances, ou la mutuelle d'assurance, évalue, elle aussi, la gravité du geste en termes d'indemnité. Il me semble que vous jouez sur deux tableaux. J'ai de la difficulté à vous catcher, à vous comprendre.

M. Bacher (Jean-Luc): Si vous voulez... je me rends compte qu'un système qui serait aussi simple que celui qui consisterait à ne rien donner à celui qui s'est rendu coupable de la moindre... de la première infraction criminelle au volant est de tout donner sans restriction aucune à celui qui n'a pas d'infraction à son actif, c'est trop simple comme système. dans la mesure où il en va d'introduire ici d'éventuelles sanctions économiques nouvelles. Or, qui dit «sanction» dit «individualisation des peines» et qui dit «individualisation des peines» dit «nécessité de prendre en considération un certain nombre de circonstances qui sont tantôt atténuantes, tantôt aggravantes».

M. Chevrette: Et ça va à l'encontre complètement... puis je veux juste une discussion là, j'affirme, mais c'est sous forme d'interrogation, ça va complètement à l'encontre d'une mutuelle. Quand on s'assure, on dit pas: Vas-tu prendre un coup? Prendras-tu un coup? Vas-tu être bien malade? Tu seras pas trop malade? Quand on prend une assurance collective puis qu'on fixe un même coût de prime puis les mêmes types d'indemnités... Est-ce que vous introduiriez dans le système une pondération peut-être même discrétionnaire vis-à-vis... si je me fie sur la proposition que vous faites, parce que ça a l'air discrétionnaire, votre affaire. Vous êtes même pas sûr, vous êtes même pas sûr... je vous lisais, là, vous êtes même pas sûr des résultats. Vous dites: On va l'essayer, on verra. C'est un peu ça que vous dites?

M. Bacher (Jean-Luc): Oui. En fait, ce que je peux pas vous dire, c'est dans quelle proportion la dissuasion s'opérerait. Mais ce qui me paraît quasiment clair, c'est que... un effet dissuasif il y aurait si les modifications étaient introduites adéquatement et surtout si elles étaient publicisées après leur introduction et que, si elles étaient notamment publicisées auprès de tous ceux dont on sait qu'ils ont déjà commis des infractions criminelles au volant, parce que c'est des gens qui ont déjà fait la preuve par a plus b qu'ils étaient susceptibles de commettre des infractions... Je pense qu'il faudrait tout particulièrement informer ces individus-là de l'existence des modifications qu'il s'agirait d'introduire.

M. Chevrette: Même les grands chercheurs dans le domaine nous disent que... nous disent qu'il y a pas de situation ex cathedra, là, tranchée. Par exemple, je lisais dans des revues de la Colombie-Britannique où il y a eu des études qui ont été faites très sérieuses... D'ailleurs, le professeur Dussault, je pense, viendra aussi nous donner un exposé ou, en tout cas, on a de ses études.

Je vous avoue très honnêtement que j'aurais aimé vous tirer des conclusions claires de votre mémoire. Ça m'apparaît: Essaie-le, tu as rien à perdre. Mais, en loi, en législation, là, on n'essaie pas quelque chose pour le fun. Il faut avoir un minimum, il faut que ça soit assis sur un minimum de recherches, avec l'assurance de résultats, de progrès, sinon tu le fais pas. Tu essaies pas quelque chose pour le plaisir d'essayer quelque chose. Un système comme vous proposez, ça pourrait introduire du discrétionnaire qui serait inquiétant. Moi, je serais inquiet en maudit vis-à-vis la SAAQ si j'indemnisais selon l'odeur de l'alcool ou bien selon le degré: 8,5, tu portes bien ça; toi, à 8 juste, tu portes pas ça. Vous trouvez pas que c'est quelque chose d'utopique?

M. Bacher (Jean-Luc): Je pense pas que le discrétionnaire soit un danger bien réel. Il est normal que toute administration fasse usage d'un certain pouvoir d'appréciation. C'est, ma foi, extrêmement répandu lorsque les administrations ont des décisions à rendre. Mais ce que je verrais assez bien, c'est qu'on fasse une liste des fameuses circonstances dont il s'agirait de tenir compte et qui seraient susceptibles d'être prises en considération pour calculer la part des indemnités auxquelles l'assuré, qui serait rendu coupable d'une infraction, peut encore prétendre. On peut le faire de manière systématique sans tomber dans l'arbitraire et sans réserver un traitement différent et incomparable entre eux à chacun des justiciables. On peut le faire de manière très cohérente et très logique.

M. Chevrette: Mais, si on criminalise à partir d'un seuil, en haut du seuil c'est un acte criminel.

M. Bacher (Jean-Luc): Oui.

M. Chevrette: Bon, O.K., on s'entend là-dessus. La gravité de l'acte criminel, c'est pas jugé par une société d'assurance. La gravité du geste ou de l'acte est jugée par les tribunaux.

M. Bacher (Jean-Luc): Bien, écoutez, quand... D'abord, je vais vous dire, je voulais pas m'étendre sur des considérations assurantielles, mais, quand, dans les systèmes où on prend en considération le degré de responsabilité de l'assuré, bien, on s'interroge... on s'interroge sur le... sa part de faute, dans quelle mesure est-ce qu'il a bien pu causer l'accident auquel il a participé... C'est des questions qu'on se pose. Mais, moi, je vous suggère même pas de faire ça, je vous suggère simplement de prendre en considération un certain nombre de facteurs dont on pourrait établir la liste, ça pourrait être une quinzaine de facteurs aggravants ou atténuants qui seraient pris en considération de manière systématique et uniforme selon des guidelines que l'administration pourrait établir ou le législateur, c'est selon, de manière à ce que, lorsqu'on ne donne pas à un automobiliste l'entier de ses prestations, eh bien, qu'on le fasse d'une manière systématique rigoureusement selon les mêmes critères qui seraient appliqués à tous les justiciables qui se retrouvent dans la même situation. Donc, on va pas tomber... on va pas tomber dans l'arbitraire ou dans le cas par cas avec tout ce que ça peut comporter de discrétionnaire. Ça, je le pense pas, c'est pas du tout nécessaire.

n(11 h 10)n

M. Chevrette: Mais le mieux qu'on pourrait faire à court terme, à mon point de vue, si on veut être juste envers tout le monde, parce qu'on vit dans une société de droit, vous le savez comme moi, c'est, après la reconnaissance de l'acte criminel, quand il est reconnu coupable... On vit dans un régime où on est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire. Bon. À partir de là, on a dit qu'on avait une ouverture d'esprit pour ceux qui étaient reconnus coupables. Là, on pourrait jouer dans les indemnités. Mais, tant et aussi longtemps qu'il n'a pas de reconnaissance de l'acte criminel, est-ce qu'on se ferait pas juge et partie à la Société que de poser un geste prématuré sans attendre le verdict des tribunaux? Êtes-vous juriste?

M. Bacher (Jean-Luc): Je suis juriste de formation, mais j'étais pas venu pour vous faire des considérations d'ordre juridique, mais plutôt criminologique, ne serait-ce que parce que je suis pas membre du Barreau et puis que j'avais pas dans l'idée de... j'ai pas la capacité de vous donner des conseils de nature...

M. Chevrette: C'est votre droit le plus strict, ça.

M. Bacher (Jean-Luc): Donc, j'étais venu vous parler principalement de dissuasion. Mais, moi, je dis pas qu'il faille juger en lieu et place de... je ne dis pas que l'administration, la SAAQ doit déterminer le degré de responsabilité criminelle en lieu et place du juge pénal. Pas du tout. On peut évidemment... Il dépendra toujours, à mon sens, du juge pénal qu'une infraction ait ou non été commise. C'est lui qui le détermine. C'est lui qui dit si l'accusé est coupable ou s'il ne l'est pas.

M. Chevrette: Moi, je pense que... en tout cas, j'aimerais ça faire une longue discussion avec vous parce que je suis porté à être d'accord beaucoup avec Mme Louise Nadeau, qui est psychologue, qui a fait une recherche là-dessus, puis j'ai l'impression, quand vous faites face à l'alcoolisme... Puis, comme le disait mon collègue de Shefford à l'ouverture de cette commission, c'est une maladie. C'est une maladie, l'alcoolisme. Est-ce qu'on doit pas plutôt prendre des moyens, d'abord pour qu'il ne conduise pas ? l'antidémarreur par exemple ? et qu'on lui assure pas des soins cliniques en plus? Est-ce que ça serait pas des meilleurs moyens que celui d'essayer de jouer sur les indemnités, sauf s'il est reconnu d'acte criminel? C'est ça que j'essayais de voir avec vous et de comprendre. Il faudrait... Ça nous prendrait une couple d'heures pour que vous m'expliquiez sans doute toute votre grande vision sur la pondération des indemnités parce que...

M. Bacher (Jean-Luc): Évidemment, je réserverais cette pondération des indemnités aux individus qui ont été reconnus coupables d'une infraction criminelle dans l'accident dont il est question, pas à tout le monde en général, et pas à tous les automobilistes qui sont plus ou moins soupçonnés d'avoir contribué à causer leur accident, à ceux dont un juge criminel a reconnu qu'ils s'étaient avérés coupables, responsables d'une infraction criminelle, seulement à ceux-là.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission parlementaire. C'est un sujet sur lequel vous avez abordé principalement l'alcool au volant qui est un sujet qui est pas facile, il y a toutes sortes de théories, sauf pour... J'aimerais vous entendre sur justement la gradation des sanctions. Parce que vous avez, par exemple... on peut imaginer deux cas: une personne de 40 ans, par exemple, qui a été arrêtée 22 fois en état d'ébriété, qui est reconnue pour être soûle régulièrement et qui tue quelqu'un en état d'ébriété, un; et deux, la personne qui a 40 ans qui vient d'aller à un party de bureau, qui a bu, pour la première fois, trois verres de vin et qui, elle aussi, en fin de compte, commet, au sens de la loi, un acte criminel en tuant quelqu'un en sortant. Est-ce qu'on doit considérer ces deux-là sur le même pied d'égalité, selon le principe, ou on doit avoir une gradation différente pour ces deux types-là? Donc, ça prendrait un rapport psychologique et puis il faudrait absolument qu'un juge déclare un tel plus coupable que l'autre. Est-ce qu'il faut y aller de cette façon-là dans la gradation des pénalités à décerner, là?

M. Bacher (Jean-Luc): Bon. Je pense qu'effectivement il faut tenir compte d'un certain nombre de circonstances qui font que le comportement est plus ou moins répréhensible et donc que l'administré mérite plus ou moins les prestations auxquelles il prétend. Je crois pas qu'il soit absolument indispensable qu'un juge prenne en considération les critères de pondération ou de fixation de l'indemnité. Bien, je n'y vois pas non plus d'inconvénient. Ça pourrait être un juge administratif, pourquoi pas un juge pénal, ça me dérange pas. Mais ce que je dis simplement, et je suis pas allé beaucoup plus loin que ça, c'est qu'on peut pas priver tous les automobilistes délinquants d'indemnité dans les mêmes proportions. Mais je trouve tout à fait indispensable que celui que vous dépeignez comme le multirécidiviste, qui a donc eu de multiples occasions de se faire expliquer, de constater les torts que pouvait causer l'alcool au volant ou la conduite dangereuse... cet individu-là soit traité avec la même rigueur que l'individu qui en est à son coup d'essai ou qui en est à sa toute première infraction et qui s'est pas rendu compte qu'il dépassait quelque peu les limites, ça me semble impossible. Il faut qu'on fasse des nuances. Quelle autorité devrait être amenée à faire, à appliquer concrètement ces critères de pondération? Je le sais pas. J'imagine que c'est une question qui est technique ou juridique. Si vous voulez, je peux m'y atteler, mais j'avais pas dans l'idée de répondre d'ores et déjà à cette question.

M. Brodeur: Tout ça pour en revenir l'autre côté à l'apparence de justice. Parce qu'on a entendu en commission parlementaire depuis des semaines des parents d'enfants qui ont été tués par un criminel au volant, parce qu'on doit l'appeler ainsi, parce que c'est sanctionné par le Code criminel. Mais eux ne font pas de distinction entre celui qui est soûl à l'année puis celui qui a pris un coup une fois dans sa vie. Donc, il y a aussi la notion d'apparence de justice. Donc, de là à en venir à une pénalité qui est gradée pour... tout dépendant de l'individu, ça devient très difficile, très difficile en apparence de justice pour donner une sanction qui est adéquate à chacun de ces gens-là. Donc, est-ce qu'à ce moment-là on peut tenir compte du degré de criminalité? Parce que, quand même, il y a une victime, qui est morte... de la même façon, peu importe la gradation de l'intention criminelle à l'individu, qui est quand même criminelle suite au jugement.

M. Bacher (Jean-Luc): Je comprends que, pour la famille de la victime, quand il y a mort d'homme, la différence entre un alcoolique invétéré puis l'individu qui en est à sa première infraction est pas très considérable, puisque le résultat est là. Sauf que le comportement de l'un et de l'autre sont pas du même ordre. Je veux dire, vous avez affaire d'un côté à un individu qui s'inscrit systématiquement en faux par rapport aux exigences élémentaires de la conduite prudente...

M. Brodeur: On pourrait parler de protection de la société aussi par la suite.

M. Bacher (Jean-Luc): Oui, tout à fait. Effectivement, l'intérêt de la... même l'intérêt de la société est pas le même dans ces deux cas-là. C'est sûr qu'en termes de dangerosité celui qui conduit de manière systématique en état d'ébriété représente beaucoup plus de danger que celui qui, une fois tous les cinq ans, outrepasse très légèrement la limite du 0,08. Ça, c'est clair.

M. Brodeur: Dans un autre ordre d'idées. On parle souvent du «no fault». Vous semblez vouloir installer une brèche. Est-ce que c'est vraiment une brèche importante que vous voulez faire au «no fault» ou juste nous dire qu'il y a exception qui pourrait être ajoutée ? on parle souvent de l'article 10 ? exception dans un cas de criminalité au volant?

M. Bacher (Jean-Luc): Bien, pour moi, ce serait une exception et juste une exception... On fait déjà une exception en termes d'attribution des indemnités aux individus qui sont en prison, qui sont incarcérés. Le régime ne serait pas dénaturé par la création de cette exception. Il s'agit simplement de traiter quelque peu différemment cette sous-population d'individus qui se conforment pas aux règles de base, les règles du jeu. C'est juste ça. Mais, pour le reste, moi, j'ai rien contre le système du «no fault», puis je suis pour son maintien, c'est clair. C'est un système simple qui est pratique, qui est rapide. C'est un système qui comporte beaucoup d'avantages.

M. Brodeur: Donc, le message que vous nous donnez ici, à la commission, c'est: augmentez les pénalités, augmentez les montants à payer, et là vous allez dissuader les gens de conduire peut-être en état d'ébriété.

M. Bacher (Jean-Luc): Vous voulez dire qu'il s'agit de payer...

M. Brodeur: C'est une question d'argent. C'est dissuasif lorsque la personne pourra se voir imposer une pénalité importante pécuniairement. Donc, c'est le message que vous nous donnez.

M. Bacher (Jean-Luc): Bien, ce que je pense, c'est qu'il y a une certaine partie de la population qui est pas insensible aux questions d'argent, pour lesquels l'argent est suffisamment important pour qu'ils commencent à réfléchir à ce qu'ils pourraient encourir comme sanction économique dans l'hypothèse où ils causeraient un accident avec plusieurs blessés et nécessiter de leur offrir des soins hospitaliers de longue durée, etc. Il y a des gens qui sont plus sensibles à la menace d'un emprisonnement, il y a des gens qui sont plus sensibles à la menace d'une suspension du permis de conduire. Il faut, à mon sens, une bonne diversité des sanctions possibles pour atteindre un maximum d'individus parce qu'on réagit pas tous aux mêmes menaces dans les mêmes proportions. C'est ça, c'est de combiner les sanctions.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, je veux vous remercier d'abord pour votre présentation. Je pense que ça met quand même sur la table des idées qui méritent d'être regardées de près. Et je voudrais peut-être juste faire quelques commentaires puis ensuite avoir vos réactions.

n(11 h 20)n

Le principe, au fond, de la responsabilité... Ce qu'on reproche, au fond, souvent au «no fault», c'est de déresponsabiliter... déresponsabiliser les individus. Et je pense que, dans notre société, au fond, on fait tout pour responsabiliter... responsabiliser les individus, et c'est vrai dans tous les secteurs, que ce soit au niveau du revenu ou au niveau de toutes sortes de programmes qui sont mis en place par le gouvernement. Et responsabiliter... responsabiliser les individus, ça veut dire aussi, disons, tenir compte de comportements, par exemple, marginaux qui se répètent. Et le principe de la gradation au niveau criminel est un principe qui est reconnu, à mon avis ? je ne suis pas un juriste ? mais dans une foule de secteurs où, si un individu répète les mêmes infractions, les sanctions sont plus lourdes. Je pense à un domaine qui est complètement extérieur, mais les propriétaires de restaurants, quand les restaurants ne répondent pas aux normes d'hygiène, eh bien, une fois, c'est une petite pénalité, deux fois, c'est plus haut, trois fois, ce l'est plus, puis, à un moment donné, on ferme le commerce. Et ça, on le fait partout dans la société, responsabiliser les individus et tenir compte du comportement de l'individu, à savoir: Est-ce que, bon, c'est une première fois, ou si c'est une récidive, ou si ça devient chronique?

Et je pense que le problème qu'on a avec la question de l'assurance, c'est de faire une équivalence souvent entre ? prenons l'alcool au volant ? entre l'alcoolisme et les gens qui ont des comportements ou ont été pris en défaut, à ce moment-là, de conduire avec des facultés affaiblies, et c'est clair que c'est pas... Je connais un paquet de personnes qui ont pu être arrêtées pour avoir conduit avec des facultés affaiblies et qui ne sont pas des alcooliques. C'est arrivé à l'occasion qu'ils sont allés dans un party ? et ça ne justifie rien ? mais ils se sont fait prendre, ils étaient en situation de facultés affaiblies. Mais il ne faut pas, à mon avis, faire une équivalence entre l'alcoolisme et la conduite avec des facultés affaiblies. La même chose pour la conduite dangereuse, il y a des individus à qui ça va arriver à l'occasion et il y en a d'autres où ça va être chronique ? et je pense que le ministre connaît bien le problème des motos. Ça peut arriver à un moment donné et il y en a d'autres que ça devient des dangers permanents sur la route.

Alors, il faut tenir compte de ces réalités-là, sinon ça devient, à mon avis, un peu simpliste de porter un jugement ou de pénaliser quelqu'un, peu importe là que ça soit à l'intérieur du système ou à l'extérieur. Mais ces principes-là sont des principes fondamentaux, au fond, qui existent. Alors, le ministre... en tout cas, j'ai cru voir tout à l'heure, dans les questions du ministre, une certaine ouverture au fait que... puis, s'il y a des mesures qui pouvaient être prises, par exemple, à l'intérieur du régime, ça devrait être pris après un jugement au criminel, et je pense que c'est tout à fait raisonnable et ça serait sûrement une avenue qu'il faudrait regarder.

Maintenant, quelles seraient les conséquences sur le système par la suite après qu'un jugement criminel ait été porté? Est-ce que le juge pourrait déterminer une portion de responsabilité à l'individu et si cette portion-là de responsabilité pourrait, par la suite, avoir une incidence sur les indemnités, et tout ça? Mais je pense qu'il faut regarder toute cette question-là.

Et le problème fondamental que les gens ressentent, il y a beaucoup ? et je pense que les députés le savent parce qu'ils ont eu des cas de comté d'accidentés de la route ? il y a beaucoup, comment je dirais, de méfiance et de perte de confiance au système de la part des citoyens parce qu'on y perçoit, à tort ou à raison, un sentiment d'injustice. On est dans un système où tout le monde contribue et on s'attend à ce que le gouvernement qui, par le biais, au fond, de la SAAQ, a la responsabilité de gérer l'ensemble va faire en sorte que c'est géré de façon équitable aussi et juste pour tout le monde. Et le sentiment que les gens ont, c'est qu'il y a un sentiment d'injustice parce qu'il y a des gens, à l'intérieur de ce système-là, qui se comportent comme des criminels et qui sont indemnisés de la même façon que l'ensemble des citoyens qui sont pas des criminels. Et c'est ça qui fait que les gens se révoltent à certains moments donnés, et on demande au gouvernement, au fond, de prendre en compte cette réalité-là.

Et ce que j'ai de la misère à saisir, et je vais terminer là-dessus parce que je veux avoir vos réactions, ce que j'ai de la misère à saisir, c'est que le gouvernement, dans une foule de secteurs, se donne le moyen, par exemple, d'aller récupérer les argents qui auraient été donnés en trop ou tout simplement suite à des fausses déclarations ou à des comportements imprudents. Le gouvernement se garde le moyen d'aller chercher, d'aller récupérer ces argents-là. Et c'est toujours une analyse au cas par cas. Il y a des cas où une analyse rapide démontre qu'il y a rien à aller chercher. Bien, le gouvernement se lance pas là-dedans pour aller faire... mettre des frais judiciaires puis essayer d'aller chercher ces choses-là. Mais ça existe à la CSST. Le gouvernement peut aller réclamer d'un employeur des argents que lui aurait été obligé de donner à des accidentés du travail. Ça existe à l'aide sociale. L'aide sociale peut donner, par exemple, des indemnités à des personnes à partir de fausses déclarations, ce qui est un peu un acte, disons, criminel, entre guillemets, comme le conducteur qui respecte pas les lois, et, quand le gouvernement s'en aperçoit ? généralement, de l'aide sociale, c'est des gens qui ont pas beaucoup d'argent, ça, là ? bien, le gouvernement ? puis ça, on a des cas dans nos bureaux de comté régulièrement ? le gouvernement envoie des comptes et va récupérer l'argent selon des modalités adaptées au cas de chacun, parce que, évidemment, c'est des gens qui sont souvent à un niveau de... sur le bord du seuil de pauvreté. Ça existe au ministère du Revenu. Si une personne doit un montant, bien, on va le récupérer, et on dit pas: Bien, c'est quand même une personne qui a un revenu moyen, donc on le récupérera pas. Le gouvernement se donne ce droit-là, et, en parallèle avec ça, si le gouvernement se donne ce droit-là, est-ce que les individus, les victimes mériteraient pas d'avoir le même droit de décider, elles, si elles veulent intenter éventuellement des poursuites au civil et analyser elles-mêmes si ça vaut la peine de le faire et si les bénéfices qu'elles peuvent en retirer... plutôt que d'être freinées au départ par la loi actuelle qui dit: Le gouvernement ne peut pas essayer de récupérer des sommes qui auraient été données par des gens qui ont posé des gestes criminels, et les individus ne peuvent pas poursuivre au civil pour ces mêmes individus-là qui, au bout de la ligne, reçoivent des indemnités et ont absolument aucun risque d'être poursuivis ni par le gouvernement, ni par les individus victimes?

M. Bacher (Jean-Luc): Oui, il se peut que cette possibilité qui serait donnée aux victimes de poursuivre l'auteur de l'accident pour aller chercher la différence entre ce qu'il estime avoir perdu et ce que lui offre la SAAQ, c'est peut-être ce qui complexifierait le plus le système actuel, c'est peut-être... ce serait peut-être la modification la plus notable par rapport à celle qui consisterait simplement à réduire les prestations qui sont offertes à l'auteur même de l'accident ou à lui demander, pour la SAAQ, une partie de ce qui aurait été versé à ces victimes. Mais on peut envisager cette possibilité du recours offert aux victimes comme dernière sanction à laquelle pourrait s'exposer celui qui, manifestement, est un récidiviste et qui se sort lui-même du système en commettant des accidents à répétition, en faisant des actes criminels. Mais je sais pas... je suis pas persuadé qu'il faille offrir ce droit de recours aux victimes contre l'auteur de l'accident à la première occasion.

M. Bordeleau: Mais ce que je voulais signaler, peut-être que c'est pas clair, mais le régime du «no fault» s'appliquerait exactement comme il fonctionne actuellement, c'est-à-dire, l'indemnité est donnée automatiquement à toutes les parties...

M. Bacher (Jean-Luc): Oui.

M. Bordeleau: ...excepté que ce recours-là existerait par la suite...

M. Bacher (Jean-Luc): Oui.

M. Bordeleau: ...pour le gouvernement, et, à ce moment-là, il y aurait peut-être une perception d'une plus grande justice, de sorte que les individus qui auraient eu accès à des montants donnés par le gouvernement, c'est-à-dire par l'ensemble des individus qui participent au régime, ces individus-là pourraient être obligés de remettre une partie de ces argents-là dans la mesure où ils ont les moyens de le faire ou...

M. Bacher (Jean-Luc): Absolument, parce que c'est sûr qu'à l'impossible nul n'est tenu, on peut pas aller chercher de l'argent que quelqu'un n'a pas, mais, dans la mesure où il l'a, alors, on peut, me semble-t-il, le mettre à contribution.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Bacher, Mme Gagnon, pour votre participation aux travaux de cette commission parlementaire.

M. Bacher (Jean-Luc): Je vous remercie.

n(11 h 30)n

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite maintenant les représentants du Bureau d'assurance du Canada. Ce sera le prochain groupe et le dernier groupe avant le dîner.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. J'invite le porte-parole à bien vouloir se présenter ainsi que la personne qui l'accompagne, en vous indiquant que vous avez aussi un maximum de 20 minutes pour votre présentation.

Bureau d'assurance du Canada (BAC)

M. Guay (Louis H.): Merci, M. le Président. Alors, je me présente, mon nom est Louis Guay. Je suis le porte-parole du Bureau d'assurance du Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Normand Brunet, qui est vice-président régional pour le groupe CGU, Compagnie d'assurance. M. Brunet est aussi le président du comité BAC-Québec, qui est un comité consultatif d'assureurs qui, au Québec, donne les grandes orientations du Bureau d'assurance du Canada sur les enjeux que nous avons à traiter.

Alors, premièrement, je voulais vous remercier et vous dire qu'on est heureux de pouvoir participer aux travaux de la commission des transports et de l'environnement afin d'apporter, nous l'espérons, un point de vue, là, qui va enrichir les discussions, tout en contribuant à améliorer le régime public d'assurance auto.

Les commentaires que nous avons à formuler aujourd'hui touchent seulement trois des quatre thèmes qui sont... qui font l'objet de la consultation. Alors, il y a le concept d'«assurance sans égard à la faute», sans égard à la responsabilité, la couverture du régime et l'indemnisation des personnes accidentées qui sont reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies.

Pour commencer, on dirait... On voudrait vous dire que, selon nous, plusieurs aspects du régime actuel comportent des avantages indéniables pour l'ensemble de la population, mais que, après 25 ans, presque 25 ans, l'assurance publique pour les dommages corporels comporte, selon nous, des faiblesses qu'il serait important de corriger. Comme le BAC représente les sociétés privées dont la raison d'être est l'assurance, et ce, depuis plusieurs décennies, en fait depuis 1964, les commentaires que nous avons à formuler au niveau de notre mémoire s'inspirent aussi principalement, évidemment, de notre pratique dans le privé.

Sur le premier thème, l'assurance sans égard à la responsabilité, nous tenons à mentionner, d'entrée de jeu, que le BAC... En fait, le BAC ne remet pas en principe le principe... ne remet pas en cause ? pardon ? le principe. C'est un principe qu'il nous apparaît primordial de conserver, comme l'universalité de l'assurance et l'indemnisation sans égard à la responsabilité dans l'accident. Par contre, nous pensons que des changements doivent être apportés pour contrer les effets non désirés du système.

Quels sont ces effets? Eh bien, comme le régime d'assurance publique est davantage associé à un service public qu'à une assurance, il en résulte, selon nous, une certaine déresponsabilisation des automobilistes qui savent acquise leur indemnisation indépendamment de leurs habitudes de conduite ou de leur fréquence de réclamations. Les modalités du régime peuvent même favoriser des abus, voire de la fraude.

En matière d'assurance privée, nous constatons que les consommateurs sont de plus en plus nombreux à réaliser qu'une fréquence d'accidents, même lorsqu'ils sont non responsables, finit par influencer leur prime d'assurance. Cette réalité joue un rôle de premier plan en matière de conscientisation de l'assuré qui sait que le nombre d'accidents et de réclamations et, par le fait même, ses habitudes de conduite ont un impact sur le coût de son assurance privée.

Pour augmenter la responsabilisation des automobilistes face à l'assurance pour les dommages corporels, la SAAQ pourrait revoir les critères de tarification et possiblement les modalités d'indemnisation pour réaliser deux objectifs qui sont respectivement: faire réaliser à l'automobiliste que son assureur pour les dommages corporels est tributaire du risque qu'il représente et aussi minimiser les cas d'abus et de fraude. Comme c'est courant dans le secteur privé, la gestion des risques peut se faire par le biais de diverses méthodes. On a une tarification basée sur une multitude de facteurs, une variation dans le type des couvertures offertes, donc dans les niveaux de garantie, et des modalités d'indemnisation qui comprennent les limitations; ce qu'on appelle communément des «franchises».

Cette recommandation s'appuie, à notre avis, sur deux principes fondamentaux qui sont à la base du système, de n'importe quel système d'assurance, à savoir que les primes de tous les assurés servent à défrayer les sinistres que certains d'entre eux seulement vont subir. Alors, ceux qui font plus souvent appel au fonds d'indemnisation doivent en principe payer une prime plus élevée. L'autre principe sur lequel l'assurance repose, c'est le principe de l'équité dans la tarification. Comme je le mentionnais, la prime est définie en fonction du risque: plus le risque est grand, plus la prime devra être importante, et vice versa. Comme on l'a vu dans le passé, la SAAQ est en mesure d'analyser les facteurs de risque entourant l'assurance de dommages corporels d'un individu et, par conséquent, il serait important que la tarification soit revue ou, à tout le moins, les modalités d'indemnisation. Les changements apportés au coût du permis de conduire et la contribution d'assurance en tenant compte des points d'inaptitude ? c'est un changement qui a eu lieu il y a quelques années ? démontrent qu'il y a quand même une faisabilité à ce niveau-là.

Ça, ce sont nos commentaires sur le premier thème. Sur le deuxième thème qui est abordé dans la consultation, la couverture du régime, eh bien, lors de son introduction, le régime d'assurance pour les dommages corporels visait à résoudre un certain nombre de problématiques. On se souvient que le rapport Gauvin avait identifié deux principales problématiques, ou trois, en fait, mais deux des principales étaient que plusieurs victimes d'accidents ne recevaient aucune indemnité, n'étaient pas indemnisées, et il y avait aussi un phénomène de non-assurance.

Alors, pour ce faire, pour pallier à ces problèmes-là, on a alors adopté un système qui est très uniforme au niveau de la couverture d'assurance et aussi très uniforme au niveau de la tarification. Ce sont des choix qui se justifiaient peut-être à l'époque, mais aujourd'hui on se rend compte qu'ils comportent plusieurs inconvénients.

Le premier de ces inconvénients est l'absence de choix pour le consommateur. L'assurance pour les dommages corporels comporte diverses protections qui comprennent essentiellement le remplacement du revenu et des prestations forfaitaires pour les pertes de jouissance de la vie, la souffrance psychique et la douleur et, finalement, le décès. Le système, bien qu'il ait l'avantage d'être simple, ne permet pas de s'assurer que les protections offertes répondent aux besoins particuliers de tous et chacun. Sur le plan du remplacement du revenu, par exemple, le régime prévoit que la victime recevra 90 % de son revenu brut jusqu'à concurrence de 51 500 $. Bien que ce niveau puisse répondre à la majorité des automobilistes, il reste néanmoins qu'entre 15 à 20 % des gens ne reçoivent pas... n'ont pas une couverture adéquate.

De plus, l'indemnisation pour la perte de revenu est passablement généreuse. Or, on constate que les montants forfaitaires définis pour la perte de jouissance de la vie, la mutilation et la perte de qualité de vie, ce qu'on appelle communément les «pertes non pécuniaires», sont, quant à eux, très peu élevés et ne permettent pas de compenser les pertes qui se rattachent à un accident d'automobile. Ceci est plus particulièrement vrai lorsque les dommages corporels non pécuniaires sont importants et permanents et qu'ils se produisent à un très jeune âge. En effet, dans un contexte comme ça, pour ce genre de dommages-là, l'indemnité forfaitaire payable est plafonnée à 179 000 $ depuis le 1er janvier 2001, et ce, peu importe la gravité et les conséquences du préjudice.

Nous sommes d'accord avec les commentaires à l'effet qu'il n'appartient pas à un régime public d'assurance de prévoir des indemnités maximales pour tout type de perte ou d'offrir des compensations financières aussi généreuses que celles pouvant résulter de causes issues notamment de régimes autorisant des recours devant les tribunaux. Par contre, il nous paraît souhaitable, plus de 20 ans après l'introduction du régime, de revoir les modalités d'indemnisation et surtout de permettre un certain choix à l'automobiliste en fonction de ses besoins. Ça, c'est d'autant plus important que nous sommes dans un régime, ici au Québec, de ce qu'on appelle le «"no fault" absolu». Il y a différents régimes de «no fault» qui existent. Nous, au Québec, on a opté pour un régime de «no fault» absolu, c'est-à-dire qu'on n'a aucun autre recours. La personne qui est blessée dans un accident d'automobile n'a aucun autre recours que contre la SAAQ, finalement. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'il faut prendre l'indemnisation des victimes.

Le deuxième inconvénient au niveau de la couverture, c'est que la tarification ne reflète pas le risque. Les assureurs privés, de leur côté, utilisent une multitude de facteurs pour évaluer le risque que représente un individu et, par conséquent, pour déterminer sa prime d'assurance auto. Évaluer le risque en matière de dommages implique que l'on détermine non seulement la probabilité que l'assuré fasse appel au fonds d'indemnisation, mais également que les montants d'indemnités versés... mais également ? c'est ça ? le niveau des indemnités qui pourront lui être versées s'il fait une demande d'indemnité. L'établissement d'une prime en fonction du risque répond au principe d'équité ? dont j'ai parlé précédemment ? selon lequel chaque titulaire de police doit apporter au fonds commun d'assurance une contribution monétaire qui correspond à la probabilité que des sommes, des indemnités lui soient versées.

Le troisième inconvénient, toujours dans la couverture, c'est une prime identique pour une indemnisation variable. Alors que la très grande majorité des assurés paient une prime uniforme ? environ 75 % des gens paient une prime uniforme de 142 $ ? ils ne recevront pas pour autant la même indemnité, puisque, évidemment, celle-ci est basée sur le remplacement du revenu ? ça, c'est la composante, la partie importante de l'indemnisation ? et on parle de 90 % d'un revenu brut, comme je le mentionnais, de 51 500 $. Alors, deux personnes qui, respectivement, ont un salaire annuel de 25 000 $ et 50 000 $, qui sont blessées dans un accident d'automobile, subissent une perte de revenu, elles pourraient recevoir, chacune de leur côté, une indemnité du simple au double, donc basée sur un revenu de 25 000 $ et 50 000 $, alors qu'elles ont payé la même prime d'assurance. Il y a une incongruité à ce niveau-là.

n(11 h 40)n

Alors, considérant que c'est la contribution de tout ce qui sert à compenser les pertes que certains des assurés vont subir, les gens à faibles revenus se trouvent à compenser les pertes des gens à hauts revenus. Or, en matière d'assurance privée, la prime devrait toujours refléter l'indemnisation potentielle pouvant être versée. Si on transposait cette pratique en assurance privée, on pourrait donner l'exemple suivant: c'est que le propriétaire de la Chevrolet Cavalier paierait la même prime qu'un propriétaire d'un Jeep Cherokee ? j'ai rien contre ces genres de véhicules là, mais c'est des véhicules d'une valeur très différente, du simple au double ? et on leur chargerait la même prime d'assurance. Alors, nous, on peut, d'expérience, vous dire que ce genre de pratique là, dans l'industrie privée, ne serait jamais tolérée par les consommateurs.

Si on compare ce volet de l'assurance publique qui vise à procurer à la victime 90 % de son revenu avec d'autres assurances ou d'autres mesures sociales dans notre système actuel, on se rend compte que, par exemple au niveau de l'assurance chômage ou les contributions à la CSST ou au régime des rentes, on constate dans tous ces cas-là que les contributions financières exigées sont fonction du revenu gagné.

Le quatrième inconvénient ? j'en ai parlé un peu tout à l'heure ? c'est que les bons conducteurs, à notre avis, subventionnent les mauvais quand on a une tarification trop uniforme. Il y a des groupes d'individus, selon nous, qui sont beaucoup plus à risque, qui ne paient tout simplement pas la prime adéquate pour le risque qu'ils représentent. À titre d'exemple, on peut dire que les bons conducteurs ? ou, en fait, ceux qui ont des bons dossiers ? subventionnent ceux dont l'expérience est mauvaise. Les propriétaires de véhicules subventionnent ceux qui ont pas d'assurance, les détenteurs de permis de conduire aussi subventionnent les piétons, les cyclistes. Ça fait partie du régime universel, mais il faut se questionner là-dessus.

Compte tenu des multiples éléments décrits précédemment, il est de notre avis que ce système de tarification n'est pas équitable et que les problèmes d'équité issus de la tarification résultent essentiellement de la simplicité des critères utilisés par la SAAQ. La contribution d'assurance de la SAAQ ne prend donc pas en considération certains critères fondamentaux de tarification qui sont utilisés par les assureurs privés dont, notamment, l'âge, l'expérience de conduite, le dossier de conduite, la marque et l'utilisation du véhicule, le kilométrage parcouru. Or, les systèmes de tarification qui sont utilisés par les assureurs privés démontrent clairement, avec les statistiques que l'on a, que ces critères de tarification là sont drôlement importants pour tarifier adéquatement les risques. Donc, on suggère qu'une révision du système de tarification soit effectuée à ce niveau-là.

Sur le troisième thème, qui est l'indemnisation des personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies, les commentaires que l'on a à formuler là-dessus rejoignent ceux de certains autres intervenants et qui touchent en fait le concept de déresponsabilisation des conducteurs, des automobilistes. Nous, on croit que certaines modifications devraient être apportées afin de responsabiliser les personnes qui représentent un plus grand risque. Et ça, ça pourrait toucher tant les modalités d'intervention que la tarification.

Par exemple, on pourrait restreindre les indemnités payables aux gens qui sont reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies ou les gens qui se reconnaissent coupables d'avoir conduit avec les facultés affaiblies. On pourrait limiter le montant payable selon la nature des protections et on pourrait aussi imposer des franchises ou leur faire payer des primes plus élevées, à ces gens-là. Il y a pas de solution parfaite ni de panacée, mais disons que ces divers outils là devraient être examinés.

Dans les cas de conducteurs en état d'ébriété qui sont blessés à la suite d'un accident d'automobile, il paraît souhaitable de restreindre, comme je l'ai mentionné, au moins en partie les indemnités et de revoir la tarification. Quand on fait le parallèle avec l'indemnisation des dommages matériels du côté des assurances privées, les assureurs privés ont aussi à indemniser les gens qui vont causer des dommages à leur véhicule alors qu'ils ont les facultés affaiblies. Alors, si le gouvernement choisissait d'effectuer des modifications au régime public, nous croyons que certaines modifications pourraient être effectuées aussi du côté de l'assurance privée afin de limiter les indemnités payables en dommages matériels aux gens reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies. Il s'agirait d'effectuer peut-être certaines modifications à la police d'assurance automobile du Québec qui est un formulaire standard en usage et qui est le même contrat en utilité, là... en utilisation pour tous les propriétaires de véhicule.

En guise de conclusion, même si ça fait pas partie des quatre thèmes, nous, on croit que, en créant le monopole d'État en 1978, le gouvernement a voulu réaliser un certain nombre d'objectifs en matière d'assurance, et je pense que le nom même de l'organisme qui a été mandaté pour accomplir cette tâche-là correspondait bien à la réalité. Que ce soit la Régie de l'assurance automobile ou la Société de l'assurance automobile du Québec, c'était la mission fondamentale de l'organisme.

Même si c'est pas un des quatre thèmes, nous, on a choisi de vous faire comme commentaire aussi, au stade de... dans notre mémoire à ce stade-ci qu'il y aurait peut-être lieu de se requestionner sur la mission et les mandats aussi. La consultation que le gouvernement fait à ce stade-ci est limitée à quatre thèmes et, nous, nous croyons qu'il y aurait lieu d'approfondir la réflexion et possiblement de l'élargir afin d'englober aussi les mandats et les missions de la SAAQ.

Officiellement, la SAAQ a comme mission de protéger les personnes contre les risques liés à l'usage de la route. Pourtant, deux des quatre programmes de la Société ne concernent ni l'assurance des personnes accidentées ni la sécurité routière. Ils traitent en effet de droits d'accès au réseau routier et du contrôle du transport routier.

De plus, en tant que principal gestionnaire du Code de la sécurité routière, la SAAQ est responsable de plusieurs mandats qui ne touchent ni l'assurance ni la sécurité. Dans certains cas, elle a même la responsabilité de mandats ? de mandats, pardon ? qui ne cadrent absolument pas avec l'un ou l'autre de ces programmes. Mentionnons à cet égard l'octroi de permis des commerçants recycleurs de pièces d'automobile, la détention de bases de données sur les numéros d'identification des véhicules, l'inspection des véhicules gravement accidentés. Est-ce que c'est vraiment à la Société de remplir ces fonctions-là?

Nous avons à maintes reprises eu des pourparlers, nous, comme Bureau d'assurance du Canada, avec la Société de l'assurance automobile du Québec sur, par exemple, un enjeu important qui est le vol automobile. C'est une des problématiques pour lesquelles la SAAQ a un mandat qui est de s'assurer que certaines... certaines fonctions dans le Code de la sécurité routière soient accomplies. Pourtant, dans nos discussions avec la SAAQ, la position de la Société face à différents enjeux problématiques qui lui sont soumis a été tout simplement que la priorité était la sécurité routière. On peut se poser la question: Qu'en est-il de l'assurance et du contrôle du parc automobile, de la gestion des droits d'accès ou de tous ces autres mandats qui relèvent d'elle et qui n'ont rien à voir avec la sécurité routière?

Notre intention n'est certes pas de répondre à toutes ces questions ou à ces interrogations ou même de questionner le bien-fondé de certaines activités ni même de blâmer la SAAQ pour l'administration de ces mandats et la gestion qu'elle fait de ces mandats, mais plutôt de souligner la nécessité selon nous de revoir non seulement le régime et les thèmes qui sont abordés dans la consultation, mais aussi la mission de la SAAQ dans leur ensemble. Il nous semble qu'au fil des ans la SAAQ s'est vue confier toutes sortes de mandats hétéroclites qui la divertissent peut-être de son rôle primordial qui est la sécurité et le contrôle routier.

Lorsqu'on regarde le contrôle, l'organigramme de la SAAQ, on se rend compte qu'on a devant nous un organisme qui est rendu fort complexe et qui a des mandats très, très larges que je vous montre ici. C'est un organigramme seulement de la haute direction. Donc, on peut voir les multitudes de branches, de divisions, de services qui existent à la SAAQ. Alors, on peut constater que c'est un organisme qui est rendu excessivement important et qui est très complexe. Et on peut... on peut comprendre que certaines décisions ou choix ont peut-être eu leur raison d'être dans le passé, mais il faudrait peut-être voir si, à ce stade-ci, le régime d'assurance mais aussi la Société qui a été créée pour l'administrer comporte... est toujours en mesure d'accomplir cette tâche-là, compte tenu des incongruités et des incohérences qu'on trouve dans le système.

Alors, en conclusion, encore une fois, nous, ce que... ce que l'on propose vraiment à ce stade-ci, c'est peut-être d'approfondir les réflexions pour qu'une réflexion globale et plus profonde soit faite sur... sur le système et la SAAQ et que la consultation soit étendue à un maximum d'intervenants au Québec. Je pense que c'est une question qui intéresse beaucoup, beaucoup de gens. Et, d'ailleurs, il y a beaucoup de gens qui ont, dans le passé, utilisé des tribunes pour faire des commentaires sur le régime public d'assurance auto ou sur la SAAQ qui n'étaient pas nécessairement les meilleures ou les tribunes appropriées, mais ça démontre un certain intérêt.

Alors, en 2003, le régime public d'assurance automobile du Québec aura 25 ans. Après un quart de siècle d'activité malgré... marqué par de multiples changements au sein de la société québécoise, nous pensons que le gouvernement doit, comme je l'ai mentionné, envisager une consultation plus vaste et plus globale. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Guay. M. le ministre des Transports, pour vos remarques suite à cette présentation.

n(11 h 50)n

M. Chevrette: Oui. Merci, messieurs. Tout d'abord, je trouve qu'à juste titre vous suggérez de revoir certaines missions. Je suis un peu d'accord avec vous parce qu'il y en a qui sont... je ne suis pas certain qu'ils sont à la bonne place, effectivement. Comment dirais-je, c'est les gouvernements qui se sont succédé qui ont confié des missions, probablement à cause d'une conjoncture où on n'avait pas trop d'alternatives à l'époque, mais qu'il faudrait en trouver aujourd'hui. Moi, je pense que vous avez raison. Je pense aux permis des ventes d'autos usagées, je pense aux mandataires et toute la surveillance qu'ils ont à faire et qui crée des problèmes, et ça crée des problèmes de chantage, de menaces, de tout le kit, là. Il y a des dimensions qui relèvent pratiquement au sein, du premier coup d'oeil, de la police au lieu d'une société comme l'assurance automobile dont c'est la sécurité, la mission première.

Donc, oui, on va y voir. On y voit déjà. On est déjà conscients de cela et puis on travaille sur une possibilité de présenter au gouvernement des alternatives. Je pense à toute la dimension des handicapés également. On est rendu qu'on émet les permis de stationnement, les vignettes. Est-ce que ça pourrait pas être fait par des villes, par exemple? Des délégations de pouvoirs, ça, j'en prends bonne note et je vous remercie des suggestions, là. En tout cas, la suggestion fondamentale, c'est de revoir un peu les missions de l'État. Je pense que ça va de soi.

Pour ce qui est des primes d'assurance, on n'y est pas allé sur la notion d'indemnité, on est allé sur les coûts d'émission de permis ou d'immatriculation. Ça coûte plus cher si t'as plus de points de démérite. C'est déjà dans notre législation si vous regardez à la page 9 du document de consultation. S'il y a quelqu'un qui fait révoquer son permis ou suspendre, ça lui coûte pas mal plus cher; celui qui a 15 points de démérite, ça lui coûte pas mal plus cher. Mais là vous nous proposez de jouer à la fois sur les tarifs et sur les indemnités, si je comprends bien. Les deux en même temps? Parce que la notion de «double pénalité», dans notre système de droit, c'est pas trop bien vu, ça. Et je veux vous entendre parce que je ne sais pas.

M. Guay (Louis H.): Oui. En fait, ce qu'on dit, c'est que les critères qui sont utilisés par la SAAQ à l'heure actuelle pour fixer la tarification, donc pour évaluer le risque, sont très limités. Comme vous le dites vous-mêmes, là, M. le ministre, ils sont limités aux points d'inaptitude et à l'utilisation du véhicule. Selon nous, c'est pas suffisant pour évaluer correctement le risque et pour donc imposer... Parce que c'est vrai que, dans la prime, il y a une composante ou, en fait, dans le montant que chaque assuré, chaque automobiliste paie à la SAAQ à chaque année, il y a une composante qui va pour l'immatriculation, mais il y a une composante d'assurance aussi, là, qui paie... qui sert strictement à payer les primes et les indemnités donc aux victimes.

Mais donc, nous, ce qu'on dit à l'heure actuelle, c'est que le système est tellement simple qu'il en devient un peu inéquitable en ce sens qu'on ne tient pas compte de différents facteurs, comme je l'ai mentionné tout à l'heure dans notre allocution: l'âge de la personne, l'utilisation du véhicule, le nombre de kilomètres parcourus, etc. Il y a beaucoup, beaucoup de critères qui sont utilisés, on le voit dans le secteur privé, pour fixer la prime de quelqu'un...

M. Chevrette: ...de l'assurance.

M. Guay (Louis H.): ...et donc évaluer le risque que cette personne-là représente.

M. Chevrette: Oui, 30 secondes parce que je ne voudrais pas échapper ce qui m'est passé par la tête, là. Quand vous faites de l'assurance collective, vous assurez les salaires ou bien vous assurez... Anciennement, avec la SSQ, par exemple, quand on prenait une assurance collective, tu payais... tous les célibataires payaient la même prime puis tous ceux qui sont mariés, avec enfants à charge, payaient la même prime. Puis c'était pas une injustice, c'était une décision de partager, de partager sur l'ensemble selon les deux catégories qu'il y avait. Le fait qu'il y en ait un qui mange pour 1 500 $ de pilules par année par rapport à celui qui en consomme rien, ils payaient la même prime si c'étaient deux célibataires. C'est la notion de mutuelle, de partage. Vous semblez remettre en cause cette notion fondamentale.

M. Guay (Louis H.): Écoutez, quand vous parlez, M. le ministre, d'assurance collective, là, on est dans... Je vous dirais, comme spécialiste en assurance, on est dans une autre matière...

M. Chevrette: Ah!

M. Guay (Louis H.): ...on compare avec autre chose, là, on compare, je ne veux pas dire des pommes et des carottes, là, parce qu'on est toujours peut-être dans les fruits, mais on compare des choses pas vraiment différentes. C'est de l'assurance, de l'assurance collective dont vous parlez, de l'assurance de personnes, tandis que là, oui, c'est de l'assurance de dommages corporels, mais c'est quand même relié à un risque d'accident. C'est pour ça. C'est ça qu'on devrait évaluer. Est-ce qu'une personne est plus susceptible, de par sa conduite, son âge, le type de véhicule qu'elle conduit, le nombre de kilomètres qu'elle parcourt à chaque année avec sa voiture, est-ce qu'elle est plus susceptible d'être impliquée dans un accident?

Nous, on pense que le système de vérification utilisé par la SAAQ à l'heure actuelle ne reconnaît pas ces différences-là. Et donc tout le monde paie la même chose. Mais, en contrepartie, il y a des gens qui peuvent faire appel au fonds, qui peuvent recevoir des indemnités de la SAAQ, deux à trois fois, quatre fois, cinq fois dans leur vie, ils vont toujours payer la même prime, alors que des bons conducteurs qui ne réclament jamais parce qu'ils sont prudents, parce qu'ils font attention, etc., observent les règles du Code de la sécurité routière, eux, paient aussi la même prime. Donc...

M. Chevrette: Mais on a obtenu l'autorisation...

M. Guay (Louis H.): ...c'est ça, un des principes à la base de l'assurance, c'est de payer une prime qui correspond au risque qu'on représente.

M. Chevrette: Je sais pas si ça passerait la rampe devant certaines commissions existantes. Parce que je pense que le fait que c'est un monopole, c'est un monopole d'assurance, si c'est pour des... pour des personnes, si on se mettait à parler.... Je pense, si ma mémoire est fidèle, je le dis sous toutes réserves, là, mais il me semble qu'on a déjà essayé ? je me rappelle pas avec quel gouvernement ? on a déjà essayé d'avoir une discrimination par l'âge, par exemple. Ça a été catégoriquement refusé. On a réussi à avoir une discrimination basée sur le type de véhicule, si ma mémoire est fidèle, ou des catégories. Par exemple, on pourrait avoir une prime spéciale pour des motocyclistes. On pourrait avoir une prime spéciale, une catégorie... Mais, vous savez, quand on nage dans ces eaux-là, là, là, il faut traverser la CAI, il faut traverser les chartes, il faut traverser la Commission des droits et libertés de la personne. C'est tout un contrat. Et, remarquez bien que c'est peut-être plausible qu'on trouve des avenues là-dessus, mais j'en douterais fort. À partir de moment que le fondement même de la législation était une équité entre les assurés, une équité à la fois dans les primes... Au départ, c'était équité dans les primes, équité dans les indemnités. On a obvié un peu à cela dans l'équité dans les primes en mettant, en introduisant les suspensions, les révocations de permis. C'était plus cher. On a les points de démérite. Il a évolué en cours de route. Mais là ça va jusqu'à prévoir les indemnités. Je vous avoue, au prix qu'est la prime présentement, 142 $ pour 17 ans, je suis pas sûr que le Bureau d'assurance du Canada serait ici à me réclamer la même chose, hein?

M. Guay (Louis H.): Comment vous dites ça? Pardon, j'ai mal saisi votre question.

M. Chevrette: J'ai pas l'impression que vous préconiseriez la même chose même pour les assurances privées, le maintien d'une prime aussi basse puis traiter le monde en toute équité. Puis c'est une boutade que je veux faire, mais connaissez-vous quelque chose au Québec ou au Canada qui a pas augmenté depuis 17 ans puis qui a vu les bénéfices augmenter pendant 17 ans?

M. Guay (Louis H.): Ah! bien ça, M. le ministre, on peut discourir longuement sur les motifs puis les raisons qui ont fait en sorte que la prime des automobilistes québécois est restée aussi stable pendant plusieurs années. Je pense que les surplus actuariels que la SAAQ s'était composée expliquent...

M. Chevrette: Ah! Mais on gruge dedans, là.

M. Guay (Louis H.): Pardon?

M. Chevrette: On gruge dedans beaucoup.

M. Guay (Louis H.): Oui. Mais, nous, on prétend que la proposition qu'on vous fait actuellement va devenir justement drôlement pertinente le jour où justement vous allez devoir éventuellement augmenter les tarifs parce que, à 142 $, vous le dites vous-même, je pense qu'il va y avoir à un moment donné un problème au niveau du rendement même de la Société...

M. Chevrette: Si ça ne change pas cette année, c'est 200 millions de déficit.

M. Guay (Louis H.): Bon, alors...

M. Chevrette: Parce que les taux de rendement de la Caisse de dépôt et placement sont pas positifs, sont même négatifs.

M. Guay (Louis H.): Oui, on l'a entendu.

M. Chevrette: Alors qu'on a connu, vous le savez, on a connu du 10, 12 % de rentabilité, là, c'était 5, l'an passé, je pense. Puis, cette année, c'est «under» comme disent les Anglais. Donc, on n'est pas...

M. Guay (Louis H.): Les temps sont durs.

M. Chevrette: Les temps sont durs, effectivement. Quant aux séquelles, vous en avez fait allusion, là, quand on compare ce qu'on donne pour des séquelles permanentes là, on va jusqu'à 179 000 alors que, quand on se compare à d'autres provinces comme la Saskatchewan ou le Manitoba, c'est 115 000, 130 000. Vous trouvez qu'on devrait donner des recours additionnels malgré le fait que déjà les indemnités sont de beaucoup supérieures aux autres régimes comparables?

n(12 heures)n

M. Guay (Louis H.): Nous, c'est en fait surtout au niveau du choix des... pas au niveau du choix des indemnités, mais au niveau du choix de la couverture. C'est sûr qu'à l'heure actuelle, 179 000 $, ça peut convenir dans la plupart des cas, mais il y a quand même des cas où c'est insuffisant. Et le problème, c'est, comme j'expliquais tout à l'heure... le système que l'on a actuellement, ici, au Québec, c'est vraiment un système de «no fault» absolu. Il n'y en a pas d'autre droit de recours ou d'autre droit de poursuite de la victime. Alors, on essaie d'aplanir. Mais il faut quand même peut-être réaliser qu'il y a des gens qui ne recevront pas une indemnité adéquate, surtout pour ce genre de dommage là. Et il y a peut-être des gens qui seraient prêts à payer, à débourser un montant additionnel pour recevoir une couverture plus généreuse. Donc, c'est simplement peut-être de voir s'il y a pas lieu d'avoir... Puis c'est certain que ça représente des inconvénients aussi, mais de...

M. Chevrette: Mais le principe de base en assurance, c'est: Il faut que ça fasse ses frais.

M. Guay (Louis H.): Oui.

M. Chevrette: Bon. On se comprend jusque-là. S'il faut que ça fasse ses frais et puis qu'on est déjà supérieur aux autres en termes de bénéfices, je vois pas comment on pourrait permettre à certains individus mieux nantis, parce que c'était contre ça qu'on en avait à l'époque, puis, quand on connaît à part de ça le fait que 84 % ont 20 000 $ et moins de revenus, quand bien même qu'on ouvrirait sur des poursuites, on rouvre pas pour grand monde, là. Je vois pas où est-ce que vous voulez aller. J'aimerais ça vous entendre pour me préciser ça.

M. Guay (Louis H.): Nous, on dit pas que ça se règle par le droit de poursuite, là, il faut faire bien attention à ça.

M. Chevrette: O.K.

M. Guay (Louis H.): Ce que l'on critique actuellement, c'est que les montants qui sont payables, les montants d'indemnité qui sont payables par la SAAQ, l'assuré doit se contenter de ces montants-là, que ça lui plaise ou non. Il a aucune autre possibilité puis il ne peut pas... autrement dit, il a pas de possibilité d'aller se chercher une assurance additionnelle... en tout cas, même dans l'industrie privée, c'est très peu disponible parce que les montants sont pas... ne le permettent pas. Alors, je...

M. Chevrette: Je serais pas capable de m'assurer chez vous, par exemple, moi, de dire: En haut de 180 000 $, moi, j'aimerais m'assurer pour jusqu'à 1 million de bénéfices? Ça coûte pas trop cher à part de ça, il me semble, dans les compagnies privées, s'assurer pour une marge de plus. Ça existe pas, ça, vous autres?

M. Guay (Louis H.): Il y a très peu de marchés qui existent pour ça à l'heure actuelle parce que, justement, la SAAQ comble une partie importante pour un grand nombre de gens, alors qu'il reste... Vous savez, le principe de l'assurance, c'est la répartition du risque entre plusieurs, plusieurs personnes. Donc, ça prend un grand, grand, grand bassin d'assurés.

M. Chevrette: Le marché serait pas assez grand.

M. Guay (Louis H.): Non.

M. Chevrette: D'où la non-nécessité, dans mon point de vue, puis là je fais une analogie, je suis pas sûr que... Qu'est-ce que ça nous donnerait dans ce cas-là d'ouvrir à un recours civil exclusivement pour le 2 % qui gagne 50 000 $ et plus?

M. Guay (Louis H.): Bien, écoutez, pour ce qui est d'ouverture recours civil, j'entendais le professeur Bacher qui disait juste avant nous que ça complexifierait beaucoup le régime actuel et, là-dessus, nous, on le suit, là. Je pense pas que ça soit un outil qui soit utile dans les circonstances. Mettre plus de choix au niveau des couvertures, il faudrait voir comment ça serait possible de le faire.

M. Chevrette: Et vous ajusteriez la tarification en fonction des choix.

M. Guay (Louis H.): Bien oui, tout à fait.

M. Chevrette: Ça, on pourrait...

M. Guay (Louis H.): Et pour revenir à ce que vous disiez tout à l'heure concernant l'équité, la tarification, imaginez dans deux ou trois ou quatre, cinq ans, quand le 142 $ de prime moyenne va être rendu à 500, ça sera intéressant d'aller voir les gens sur la rue à ce stade-là, ça sera intéressant d'aller voir les gens sur la rue à ce stade-là puis leur demander s'ils trouvent ça toujours équitable de payer, tout le monde, 500 $, alors que les critères de tarification qu'on a actuellement, qui peuvent être utilisés, pourraient permettre à certaines personnes ou, en fait, pourraient servir à tarifer les gens et permettre de voir des gens payer une prime seulement de 150 $ ou 200 $ alors que d'autres paieraient plus 600, ou 700, ou 800. Donc, on aurait une prime plus représentative du risque. Quand les coûts vont augmenter, ça va devenir peut-être drôlement pertinent.

M. Chevrette: Bien, c'est pas impossible, effectivement. Je sais qu'on soumet ça aux actuaires présentement pour voir. Parce qu'on a déjà, je le disais tantôt, on a déjà la possibilité par catégorie de véhicules. Donc, est-ce que, en introduisant d'autres facteurs, c'est pas possible aussi d'établir... On va le regarder, ça, parce que, effectivement, si on s'en va vers une pente ascendante, il faudra peut-être être plus sophistiqué pour permettre un équilibre, en tout cas, entre les capacités de payer des citoyens, dépendant du risque, dépendant des catégories d'autos... On verra. Mais, pour l'instant, on n'est pas avancé là-dessus, pour être bien honnête, on sait qu'il y a des actuaires qui travaillent sur cela, mais j'ai pas encore eu de rapport de quelque nature que ce soit.

Je voudrais vous remercier de votre apport à la commission et des propos, des suggestions positives que vous tentez de nous faire. Merci.

M. Guay (Louis H.): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue encore une fois en commission parlementaire, vous êtes presque des habitués maintenant. Juste pour... Comme premier commentaire et suite à votre mémoire et à la conversation avec le ministre concernant la possibilité d'assurer des gens de façon... suivant le risque, c'est difficile dans un régime public, premièrement parce qu'il est obligatoire ? il est obligatoire ? et qu'aussi le ministre a souligné le fait qu'il y a une charte des droits et libertés de la personne, il y a un tas de lois, là, qui font en sorte que, lorsqu'un gouvernement ou un régime est public, on se doit en fin de compte d'avoir... de donner la possibilité... étant donné qu'il est obligatoire, de donner la possibilité à tout le monde, les plus pauvres et les plus riches, à s'assurer. Ce qui est un peu différent comme principe dans le privé. Pour avoir vécu dans le privé avant, c'est un régime où on applique la loi, en fin de compte, là, du coût par rapport au risque. Et, dans le public, ça peut arriver qu'il y ait des injustices qui soient créées, parce que... d'autant plus que le régime est obligatoire. Donc, c'est des choses qui sont à considérer de la part du législateur.

Vous avez souligné dans votre mémoire la possibilité ? dites-moi si j'ai bien compris ? la possibilité d'avoir une pénalité sur le dédommagement concernant les dommages matériels concernant une personne qui aurait été tenue criminellement responsable d'un accident. Est-ce que c'est bien ça que vous avez soulevé comme possibilité, de pénaliser ces gens-là quant aux dommages matériels?

M. Guay (Louis H.): Tout à fait. Si on suit la même logique que pour l'indemnisation des dommages corporels, nous, nous croyons qu'il s'agirait d'un autre outil disponible au législateur pour responsabiliser les gens qui conduisent avec les facultés affaiblies.

M. Brodeur: O.K. C'est parce que ça me soulève une autre question, cette suggestion-là que vous nous faites: Est-ce que vous croyez qu'à partir d'une mesure qui serait prise dans ce sens-là il y aurait pas un inconvénient pour le marché même de l'automobile, donc un créancier sur l'automobile? Puis on sait qu'il y en a, des créanciers, sur les automobiles; les compagnies sont très ouvertes, les institutions financières sont très ouvertes. Est-ce qu'à ce moment-là on crée pas un déséquilibre dans le marché et on ferait en sorte que le financement de l'automobile deviendrait plus difficile? Est-ce que vous avez étudié aussi cette possibilité-là qui ferait en sorte de déstabiliser le marché automobile?

M. Guay (Louis H.): On l'a pas étudié en profondeur. Par contre, je peux vous dire spontanément qu'il y aurait des façons de le régler. Par exemple, quand on regarde l'indemnisation pour les gens qui sont propriétaires de maisons qui sont hypothéquées, on a prévu, au niveau des clauses d'assurance, des indemnités pour les créanciers hypothécaires même si le débiteur, si vous voulez, l'assuré, là, commet une faute qui pourrait, lui personnellement, faire en sorte qu'il ne touche pas d'indemnité. On pourrait peut-être avoir un système semblable pour l'assurance automobile.

M. Brodeur: Oui.

M. Chevrette: En fait, vous nous demandez d'introduire une cause d'exemption de paiement pour les compagnies d'assurances privées, si je comprends bien?

M. Guay (Louis H.): Oui, c'est une clause...

M. Chevrette: Il faudrait que ce soit marqué dans le chapitre III. Comment on l'appelle, là?

M. Guay (Louis H.): Chapitre B, M. le ministre.

M. Chevrette: O.K.

M. Guay (Louis H.): C'est une clause d'assurance qui a déjà existé dans la police, qui a été retirée, et il y a eu longtemps un flottement quant à la couverture, mais là, la situation à l'heure actuelle, c'est que les assureurs privés doivent absolument indemniser leurs assurés à 100 %. Donc, nous, on croit que cette situation-là, l'indemnisation des dommages matériels, l'indemnisation des dommages corporels, la prime uniforme, la possibilité de s'assurer sans conséquences d'avoir eu un accident responsable, non responsable, en état d'ébriété ou non, l'ensemble de ces facteurs-là, le fait qu'on n'ait pas le droit de poursuite contre les gens, tous ces facteurs-là ensemble entraînent une certaine déresponsabilisation. On dit pas qu'il faut revenir au droit de poursuite, mais on dit qu'il y aurait lieu peut-être d'examiner certains autres outils permettant de responsabiliser les gens. Il y a des études économiques qui démontrent qu'un système «no-fault», à la base, peut porter à une certaine déresponsabilisation. C'est des études qui ont été bien documentées. On parle du professeur Marc Gaudry entre autres, l'économiste, qui a longuement étudié cette question-là. Donc, nous, on le soumet comme motif ou comme outil, si vous voulez, pour ramener un peu de responsabilité dans le système actuel.

n(12 h 10)n

M. Brodeur: Parfait, nous, on... une suggestion. Est-ce qu'on peut dire aussi que vous faites une deuxième suggestion au fait qu'un citoyen automobiliste pourrait prendre une police excédentaire d'assurance non pas par l'entremise d'une compagnie d'assurances, parce qu'il a pas la masse critique, comme vous disiez tantôt... est-ce que vous suggérez que la SAAQ pourrait offrir ? parce que, peut-être, elle aurait une masse plus imposante d'automobilistes ? une couverture additionnelle? Est-ce qu'on peut déduire ça de votre intervention également?

M. Guay (Louis H.): Jusqu'à un certain point, oui. Je vais vous expliquer mon propos. Il y a plusieurs façons de le faire. Il y a effectivement... La SAAQ, c'est facile, c'est plus facile pour eux de le faire, ils ont 100 % du marché, 100 % des assurés. Donc, déjà au départ... Puis ils ont pas de courtiers, ils ont pas d'agents à payer, ils ont pas de marketing à faire; les gens vont au bureau d'immatriculation, ils paient leur prime ou, en tout cas, ils le font par la poste. Alors, oui, ça peut être une possibilité par la SAAQ, ça peut être une possibilité de réduire... Puis je vous dis pas... Il y aurait lieu d'avoir des discussions sérieuses aussi avec l'industrie de l'assurance privée à ce niveau-là avant d'aller plus loin, mais il y aurait peut-être aussi comme possibilité...

M. Brodeur: Il y a peut-être un partenariat possible.

M. Guay (Louis H.): Oui, on est prêt à discuter de cette question-là si le gouvernement juge à propos de laisser une place plus importante au secteur privé, c'est évident.

M. Brodeur: Troisième message que je reçois de votre mémoire, et lorsque vous avez exhibé l'organigramme de la SAAQ, il semble que vous indiquiez qu'il y aurait possiblement, entre guillemets, un ménage à faire dans le système. Est-ce que vous avez, après avoir étudié tout cet organigramme-là, des suggestions concrètes à faire? Est-ce que... Vous nous dites que la SAAQ se mêle ? bien, le ministre en a souligné tantôt quelques exemples ? de domaines qui devraient être d'application peut-être de la police, ou du ministère des Transports, ou des municipalités. Est-ce que... Et puis d'autant plus qu'on s'attend à un déficit important. Est-ce qu'on peut aussi percevoir comme message que, en restructurant le système, il y aurait possibilité de réduire les déficits et d'être plus efficient, en fin de compte, dans l'application de l'assurance aux Québécois? Est-ce que vous avez une suggestion concrète à nous apporter ici, en commission parlementaire, concernant cette restructuration possible là?

M. Guay (Louis H.): Bien, disons que le mot «ménage» est pas celui que j'ai employé, on parlait plutôt de réflexion.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Non, non. Je l'ai mis entre guillemets, d'ailleurs.

M. Chevrette: Vous êtes très poli, vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Guay (Louis H.): Merci. Nous, vraiment comme suggestion concrète, ce qu'on voit à ce stade-ci ? j'avais quelques notes ? il y avait définitivement le commerce, le contrôle des commerçants recycleurs parce que, ça, il y a certaines études qui ont démontré récemment que... Il y a une étude des antécédents des gens qui sont dans ce domaine-là qui doit être faite. Alors, à l'heure actuelle, les contrôles sont très minces.

Il y a aussi l'inspection des véhicules. Il y a des mandataires de la SAAQ qui ne s'acquittent pas... On a des raisons de croire qu'ils ne s'acquittent pas adéquatement de leur mandat, ce qui fait qu'il y a des véhicules volés, possiblement volés et maquillés qui sont réinsérés dans le parc automobile. Ça, c'est un gros problème.

Et il y a toute la question de l'exportation aussi, le contrôle de l'exportation des véhicules. Alors, à l'heure actuelle, vous pouvez, vous, si ça vous chante, exporter votre véhicule à l'extérieur du Québec, à l'extérieur du pays, et votre numéro d'identification de votre véhicule automobile va rester actif, ce qui fait que le numéro peut être réutilisé puis être installé sur un véhicule volé sans aucun problème.

Et ça m'amène à vous parler globalement du problème du vol automobile pour les assureurs au Québec. Et on parle de coûts, juste de coûts d'indemnités de 260 à 270 millions annuellement et de coûts sociaux qui frisent les 400, 450 millions annuellement, parce que le vol automobile, c'est la maternelle du crime organisé, etc. Donc, il y a beaucoup d'impacts sociaux, là, auxquels on veut d'ailleurs sensibiliser le gouvernement. Et il faut comprendre que ces coûts-là sont finalement assumés par le consommateur en bout de ligne parce qu'il y a à peu près 10 à 15 % de sa facture d'assurance automobile qui va simplement en indemnités pour payer les véhicules volés. Alors, ça, c'est un gros problème. Et les éléments dont j'ai parlé tout à l'heure, ce sont peut-être pas les seuls, il y aurait lieu de faire une réflexion plus en profondeur, comme on l'a mentionné au niveau de notre mémoire, mais, effectivement, il y a ces éléments-là qui nous sautent aux yeux, à première vue, comme étant des choses qui pourraient peut-être être relocalisées.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Juste, peut-être, une remarque que je voudrais faire. On parlait tout à l'heure de la possibilité de tarification, bon, les difficultés que ça posait. Et le ministre mentionnait les catégories; il y aurait peut-être possibilité par catégorie de véhicules, tout ça. Il y a peut-être aussi l'utilisation qu'on fait du véhicule. Actuellement, celui qui travaille avec son véhicule quotidiennement, il paie le même prix que celui qui utilise le véhicule tout simplement pour ses petites sorties. Donc, c'est peut-être un autre facteur dont il faudrait tenir compte.

À la page 13 de votre mémoire, vous avez fait référence à ce qui a été discuté tout à l'heure concernant la clause qui a été retirée en 1999 du type d'exclusion pour l'indemnisation matérielle. Juste pour comprendre, ça existait avant 1979, ça a été retiré à ce moment-là. Quel était le rationnel à ce moment-là pour retirer cette clause d'exclusion? Comment ça a été justifié à l'époque?

M. Guay (Louis H.): Je vais vous dire, à l'époque, en 1979, ça avait été retiré parce qu'il y avait justement dans le volet public, le volet du régime public, clairement une volonté d'indemniser peu importe la faute, peu importe la responsabilité, et on a voulu faire la même chose du côté de l'indemnisation de dommages matériels. Alors, on a voulu avoir, dans le fond, une uniformité entre le volet corporel, le volet d'indemnisation des dommages corporels, et le volet d'indemnisation des dommages matériels, sauf que, quand on regarde à la grandeur du Canada, ce genre d'exclusion là a été maintenue dans tous les contrats d'assurance automobile, et je pense qu'elle est justifiée. Dans le contexte actuel, en 2001, je pense qu'on doit la voir comme un outil additionnel pour responsabiliser les gens.

M. Bordeleau: O.K. À la même page, la page 10 du mémoire ? je veux juste bien comprendre ? vous nous mentionnez, et je cite: «Dans les cas de conducteurs en état d'ébriété qui sont blessés à la suite d'un accident d'automobile, il paraît souhaitable de restreindre, du moins en partie, les indemnités qui leur sont versées.» Est-ce que, dans ce sens-là, si je comprends bien, vous appuyez un peu, malgré les difficultés que ça peut poser, l'exposé qui a été fait tout à l'heure par le professeur Bacher sur la gradation éventuellement des indemnités qui pourraient être versées compte tenu du comportement de récidive ou non des conducteurs? Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre ici, dans votre mémoire?

M. Guay (Louis H.): J'ai pas eu la chance d'entendre complètement l'exposé du professeur Bacher, j'ai pas lu non plus son mémoire, alors je sais pas tout ce qu'il propose, mais le peu que j'ai entendu semblait effectivement aller dans le même sens que nous, donc une gradation et une limitation des indemnités, imposition de franchise ou de surprime.

M. Bordeleau: Je sais pas si vous étiez là aussi au moment où le ministre faisait part des difficultés que ça pouvait poser d'appliquer un système comme ça. Si oui, quelles sont les réactions que vous avez par rapport aux réserves qui ont été émises par rapport... quant à l'application d'un tel régime?

M. Guay (Louis H.): Bien, les réserves... Nous, on n'en a pas parlé dans le cadre de notre présentation à nous.

M. Bordeleau: Non, mais, tout à l'heure, le professeur Bacher a fait référence à un système de gradation des indemnités.

M. Guay (Louis H.): Oui.

M. Bordeleau: Le ministre a fait ressortir la question de qui doit décider de la gradation, de la difficulté entre prendre une décision administrative au sein de la SAAQ et les décisions qui sont prises par un tribunal judiciaire au niveau criminel qui, à ce moment-là, décide en bout de ligne que la personne a posé un geste criminel, elle est reconnue coupable. Alors, il y a toutes sortes de difficultés là-dedans. Si on veut graduer les indemnités, qui va le faire et à quel moment on va le faire? Est-ce qu'on va le faire à la suite du jugement au criminel ou est-ce que ça doit être une décision qui doit être faite à l'intérieur de la Société de l'assurance automobile, et de quelle façon on peut le faire? C'est parce que disons que ça rend plus compliqué évidemment le système actuel qui est archisimple, et peut-être aussi, à ce moment-là, qui a le défaut de l'avantage de...

M. Guay (Louis H.): Écoutez, personne n'a dit que ce serait facile, là. Je pense que tout le monde est conscient de ça, et nous aussi, nous en sommes conscients. Mais il y aurait probablement des façons de s'en sortir en évaluant un certain nombre d'éléments, de faits qui, à partir d'une certaine situation, en fin de compte... Par exemple, quelqu'un est condamné ou reconnaît sa culpabilité pour avoir conduit avec les facultés affaiblies. À ce moment-là, il y a une conséquence. Quelqu'un est condamné pour une deuxième fois, une récidive, il y a une conséquence additionnelle. Il pourrait y avoir un système comme ça, où il y a peu de discrétion, peut-être combiné avec un élément de discrétion aussi. La recette, nous, on l'a pas, là, mais c'est certain qu'il faut y réfléchir parce que, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, je crois que le régime qu'on a, bien qu'il comporte certains avantages, a aussi le désavantage de déresponsabiliser jusqu'à un certain point les automobilistes. Alors, c'est une problématique qui est fort complexe, mais il y aurait des solutions, il y aurait des pistes de solution comme ça.

n(12 h 20)n

M. Bordeleau: Si j'ai bien compris, vous avez l'air à émettre certaines réserves par rapport au recours judiciaire au civil. Dans la mesure où le système continuerait de s'appliquer comme il fonctionne actuellement, c'est-à-dire que les personnes qui sont victimes, soit victimes ou celui qui a causé l'accident et qui serait éventuellement possiblement reconnu coupable au criminel, bon, sont indemnisées de façon automatique pour éviter que... le problème qui existait... Parce que le problème fondamental qui existait quand on est arrivé avec ça, c'est que les gens étaient obligés de se battre devant les tribunaux pour finir par avoir une indemnité et, entre-temps, il y avait rien. Alors, je pense que le régime là-dessus... Tout le monde reconnaît que le fait qu'il y ait des indemnités automatiques de versées rapidement, ça permet, au fond, de rendre un peu toutes ces... ce genre de situation là plus facile pour tout le monde, mais qu'après... après ça, bien, on ouvre une voie en disant: Bien, après coup, si la personne est reconnue coupable d'avoir posé des gestes criminels, il devrait y avoir des conséquences.

Pourquoi vous avez des réserves sur l'autre élément, à savoir que la victime, si, elle, après qu'elle a été indemnisée, disons par la Société de l'assurance automobile, elle juge, surtout dans le contexte où vous dites que les gens ont pas le choix là... vous faites même l'hypothèse d'avoir des assurances additionnelles possibles avec une hausse de tarification correspondante... mais pourquoi, dans les cas où les victimes, elles, auraient à évaluer qu'il y a un manque entre ce qu'elles ont reçu de la SAAQ et ce qu'elles devraient recevoir, compte tenu de la réalité que ça représente pour elles, pourquoi ces personnes-là n'auraient pas le droit de... ou pourquoi vous avez des réserves à l'effet que ces personnes-là puissent poursuivre au civil les coupables?

Et là, c'est une décision individuelle, c'est-à-dire que c'est aux personnes à décider puis à évaluer s'il y a plus de coûts que d'avantages au bout de la ligne, parce que les gens sont solvables ou le sont pas, comme ça existe dans tous les autres genres de poursuites qu'on peut vouloir faire au civil comme individus. On peut vouloir poursuivre son voisin, mais, si, son voisin, c'est une personne qui est en faillite, bien, on va consulter un avocat puis on va s'apercevoir que ça vaut pas la peine parce qu'on n'a rien à retirer de ça. Mais pourquoi ça serait pas une décision de l'individu d'évaluer ces possibilités-là et d'évaluer d'abord si l'indemnité qu'il a reçue le satisfait? Si l'indemnité qu'il a reçue le satisfait pas, est-ce que... pourquoi il y a pas possibilité de poursuivre, et que lui évalue les risques et prenne sa décision, avec son conseiller juridique, de poursuivre le coupable en question? Comme le gouvernement, d'après des représentations que vous faites, se donnerait le droit éventuellement, si on faisait des modifications, de poursuivre après que la culpabilité a été reconnue, de poursuivre la personne qui a commis l'acte criminel?

M. Guay (Louis H.): La réintroduction du droit de poursuite, vous avez raison, c'est une façon de permettre aux gens de récupérer l'indemnité et peut-être de responsabiliser les conducteurs en état d'ébriété. Mais, selon nous, c'est le dernier moyen qui devrait être utilisé pour atteindre cet objectif-là. Je m'explique. C'est un élément qui a été évacué du système et on pourrait le remplacer, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, quand on parle d'une personne qui a été... qui est victime, dont les proches, ou le proche, ou même personnellement a été victime d'un conducteur en état d'ébriété...

Si elle a une perte au niveau de ses revenus qui est pas comblée, bien, le recours... c'est vrai que le recours... un recours civil devant un tribunal devrait permettre de ? en fait, il y avait pas de «no fault» ? permettre de combler la différence entre les indemnités reçues par la SAAQ et les indemnités. Mais c'est uniquement à ce niveau-là, c'est uniquement à cette fin-là qu'un recours doit servir, qu'un recours civil devant les tribunaux doit servir et pas à autre chose. Ça devrait pas être perçu comme une façon de punir le coupable. Et on pourrait simplement, avec les propositions que, nous, on a déjà faites, permettre à une personne d'être mieux compensée, de faire le choix d'être mieux compensée, et ça, ça réglerait le problème, plus que de permettre un choix, plus que de permettre un droit de recours. Et aussi, je pense qu'en introduisant certaines limitations à l'indemnité qu'une personne qui a conduit en état d'ébriété reçoit, ça pourrait permettre d'assouvir un certain sentiment de justice que les gens croient nécessaire.

M. Bordeleau: Dans ce contexte-là, vous êtes pas... vous vous objecteriez pas à ce que ce droit de recours puisse exister, si je comprends bien, dans le contexte que vous venez de nous décrire, là?

M. Guay (Louis H.): Bien, on s'objecterait pas... Nous, on croit pas que ce soit la solution, là.

M. Bordeleau: De toute façon, je pense bien qu'il y a pas un individu qui va se lancer dans une cause pour son plaisir ou tout simplement pour essayer, au cas où... C'est une décision individuelle qu'il doit prendre, il doit évaluer les risques, et il doit le faire, il devrait le faire normalement avec un avocat et voir exactement qu'est-ce qui se justifie aussi. C'est pas la loto, là, on s'en va pas là pour chercher... Il s'agit de justifier pourquoi on veut y aller puis c'est quoi, l'amende qu'on évalue qu'on va avoir, et il n'y a pas, à ma connaissance, personne qui va se lancer dans une opération comme ça pour le seul... le simple plaisir de le faire. Actuellement, ils n'ont même pas la possibilité de le faire, les individus.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Chevrette: C'est une seule question. C'est qu'on a eu la chance d'entendre deux courtiers en assurance de dommages, Me Sylvie Fortin et M. Paquet, il y a une quinzaine de jours, qui ont comparu puis qui nous ont dit que la tarification fondée sur la valeur du véhicule pouvait avoir un lien avec l'excès de mortalité sur les routes, et ils nous suggéraient que l'on adopte une mesure qui nous permettrait de rendre les compagnies d'assurances imputables par rapport à l'état des véhicules. Ma question est simple, c'est: Qu'en pensez-vous?

M. Guay (Louis H.): J'en pense, M. le ministre, avec respect, que c'est une question qui relève davantage du ministère des Finances. Je pense qu'on n'est peut-être pas dans le bon forum. L'indemnisation du dommage corporel relève, c'est vrai, du ministère des Transports, de la SAAQ; l'indemnisation du dommage matériel relève de l'IGIF, l'Inspecteur général, et des Finances. Par contre, pour répondre à votre question, cette proposition-là a déjà été faite par le passé à l'industrie. En fait, ça nous avait été présenté. Ça avait été fait aussi... ça avait été adressé comme question aussi au ministère des Finances, et je pense que, à cette époque-là ? et c'est la même réponse que je vais vous faire maintenant ? ça avait été écarté comme possibilité, même par le ministère des Finances, le Surintendant des assurances à l'époque, M. Boivin, qui avait dit, à juste titre, que ça compliquerait beaucoup le système, ça alourdirait le système d'essayer d'entrer une donnée additionnelle à ce niveau-là, qui ne serait pas nécessairement utile, et ça ferait en sorte de remettre en question le principe que l'on a, nous, du côté du dommage matériel, de l'indemnisation directe. Puis c'est deux concepts complètement différents, là. En matière de dommages corporels, on parle de «no fault», c'est une forme d'indemnisation directe aussi qui est sans égard à la faute. Nous, on parle d'une indemnisation directe de l'assureur vers son assuré, et le fait d'introduire ce genre de notion là mettrait en cause le principe, il faudrait tenir compte de la responsabilité à un autre niveau. Et c'était la réponse. Ça avait été écarté par le ministère des Finances à ce stade-là, puis je pense que c'est la même réponse qu'on doit vous donner à ce stade-ci.

M. Chevrette: Il y en aurait eu peut-être une petite, si j'ai 30 secondes.

Le Président (M. Lachance): Trente secondes, M. le ministre.

M. Chevrette: Vous parliez d'ajuster des primes en fonction du fait que personne va chercher... va gruger dans le pool collectif d'argent. Mais prenez une personne... Moi, j'ai une de mes amies de filles, elle s'est fait frapper: deux «hit-and-run», elle a jamais su qui c'était. Elle n'est pas coupable du tout dans les quatre situations. Comment qu'on fait pour corriger une injustice potentielle vis-à-vis elle qui se verrait pénalisée parce qu'elle utilise souvent les fonds puis elle n'a aucune responsabilité?

M. Guay (Louis H.): Écoutez, dans le cas dont vous me parlez, là, il faudrait voir les circonstances aussi, parce que, quand on parle de «hit-and-run», il faut... souvent, il y a des situations où il y a... il peut y avoir, en apparence, pas de responsabilité, mais, si on pense à une personne qui est stationnée au coin d'une rue, dans un endroit qui est illégal, c'est peut-être possible qu'elle se fasse frapper à cet endroit-là. Donc, il y a tout un parallèle, là, qui est difficile à faire avec l'indemnisation du dommage corporel, là. Si on parle de fréquence d'accidents, nous, les assureurs privés, c'est certain qu'on le considère. Éventuellement, quelqu'un qui est plus susceptible d'être impliqué dans un accident même responsable, ça finit par être pris en considération.

Au niveau du dommage corporel...

M. Chevrette: Il y a des malchanceux dans la vie!

M. Guay (Louis H.): Oui, il y a des malchanceux effectivement, mais ça, c'est à l'assuré et à l'assureur de le régler sur une base de cas par cas quand ils négocient la prime aussi.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci...

M. Chevrette: Ça... Il y a des grosses difficultés, des fois, entre assuré et assureur.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Guay et M. Brunet, pour votre participation aux travaux de la commission. Et là-dessus, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission... La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec.

Alors, je demande aux membres de la commission ainsi qu'aux personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire pendant la séance, s'il vous plaît.

Cet après-midi, nous allons tour à tour entendre: les représentants du Regroupement des associations de personnes traumatisées cranio-cérébrales du Québec; ensuite, le Dr Pierre Proulx; suivra le... Me Marc Boulanger; et finalement la Confédération des syndicats nationaux, vers 17 h.

Alors, bienvenue, mesdames, messieurs du Regroupement. J'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent. Et je vous indique que vous avez 20 minutes de présentation pour vos commentaires sur cette consultation.

Regroupement des associations de personnes
traumatisées cranio-cérébrales du Québec

M. Lupien (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. membres de la commission, bonjour. D'entrée de jeu, j'aimerais vous présenter les acteurs principaux qui, selon leur sphère d'expertise, répondront à vos questionnements: à ma droite, M. Yvan Desgagnés, vice-président du Regroupement des associations de personnes traumatisées cranio-cérébrales du Québec, président de l'Association du Bas-Saint-Laurent et père d'une fille décédée suite à un accident; à ma gauche, M. Paul Sénécal, secrétaire-trésorier du Regroupement, président de l'Association Laval?Montréal, dont la conjointe est décédée dans un accident à l'extérieur du pays et dont la fille a subi un traumatisme crânien sévère au cours du même accident; moi-même, Jean-Pierre Lupien, président du Regroupement, victime d'un accident de travail. Tous trois bénévoles. Et nous sommes accompagnés de Mme Julie Poulin, coordonnatrice de l'Association de Québec? Beauce?Appalaches et de Mme Michèle Bussières, directrice du Regroupement des associations de personnes traumatisées cranio-cérébrales du Québec.

Le mémoire que nous vous soumettons a été préparé par les administrateurs bénévoles ici présents et reflète l'idéologie de la pensée fondamentale des 13 associations du Québec. Le Regroupement existe grâce aux bénévoles et au partenariat qui lie la Société de l'assurance automobile du Québec et les associations régionales de personnes ayant subi un traumatisme cranio-cérébral.

Nous tenons à remercier la commission parlementaire sur la consultation sur le régime public d'assurance automobile du Québec de nous permettre d'exposer nos vues et nos commentaires, lesquels émanent des différentes régions du Québec, tout en gardant à l'esprit que le Regroupement est le porte-parole de 13 associations qui couvrent la province et qui du même fait sont liées en grande partie par des ententes de service avec la société pour le soutien à l'intégration sociale et offert aux victimes d'accidents de la route.

Les associations ont été désignées par leur régie régionale de la santé et des services sociaux comme étant les plus habilitées à accompagner les victimes de traumatismes crâniens dans les mesures de soutien et dans leur intégration sociale. De plus, elles font partie intégrante d'un réseau de continuum des soins et des services intégrés en traumatologie dont s'est doté le ministère de la Santé et des Services sociaux, et nous sommes souvent la lumière au bout de la réadaptation.

Mesdames et messieurs, les associations que nous représentons offrent des services et du soutien psychosocial à l'intégration et à l'accompagnement et de l'aide pour les personnes traumatisées cranio-cérébrales et pour leur famille et leurs proches. Ils offrent aussi du répit ponctuel aux familles et des activités visant l'intégration. Grâce aux différents services offerts par les associations, nos membres développent un sentiment d'appartenance.

Compte tenu des séquelles qui résident en moi et qui ont pris racine pour le restant de mes jours, il m'arrive d'oublier, mais heureusement mon entourage me le rappelle. C'est pourquoi je cède maintenant la parole à M. Paul Sénécal.

M. Sénécal (Paul): Merci, Jean-Pierre. Dans le cadre de la présente consultation, notre Regroupement a déposé un mémoire abordant trois thèmes: premièrement, le concept sans égard à la responsabilité; deuxièmement, la couverture officielle offerte par le régime; troisièmement, la qualité des services offerts aux victimes.

Notre regroupement n'a pas jugé opportun de prendre position relativement à l'indemnisation des personnes accidentées reconnues coupables de conduite avec des facultés affaiblies parce que ce thème ne cadre pas dans ses objectifs.

Le concept, sans égard à la responsabilité. Les associations membres de notre regroupement sont favorables à ce concept, car ce régime s'est avéré efficace et équitable. En effet, la clientèle qu'elle desserve est en général satisfaite de ce régime.

La couverture du régime. Bien qu'il y ait des lacunes, que nous vous commenteront, les traumatisés cranio-cérébraux victimes d'un accident de la route se considèrent privilégiés par rapport à d'autres victimes non couvertes par le régime de l'assurance automobile, puisque plusieurs indemnités sont prévues par le régime et qu'elles ont été bonifiées au cours des années.

La qualité des services offerts aux victimes. Au cours des années, la Société de l'assurance automobile du Québec a développé des programmes de réadaptation pour les personnes accidentées, dont celui pour la personne ayant subi un traumatisme cranio-cérébral. Ce programme comporte trois phases: la phase un, les soins en milieu hospitalier; la phase deux, les traitements dans les centres de réadaptation; et la phase trois, le soutien communautaire à long terme. Alors que les phases un et deux couvrent une période de deux à trois ans, la phase trois, soit celle de l'intégration sociale, peut durer toute une vie pour certaines victimes.

L'intégration sociale est le rôle fondamental des associations. Près de 80 % de la clientèle de celles-ci sont des victimes dont l'accident s'est produit il y a plus de cinq ans. Grâce aux ententes signées par la Société avec les différentes associations, celles-ci ont pu bonifier les services offerts aux victimes d'un traumatisme cranio-cérébral.

n(14 h 10)n

Les associations travaillent en partenariat avec certains représentants de la Société dans le but d'améliorer les services offerts aux victimes. Les associations peuvent offrir leurs services à des victimes d'un traumatisme cranio-cérébral non couvertes par le régime d'assurance automobile grâce à ces ententes. Il est malheureux que le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui a développé le concept du continuum de service en traumatologie dont font partie intégrante les associations et qui a reconnu le rôle fondamental des associations dans l'intégration sociale, soit incohérent dans les faits, puisque sa contribution financière est presque inexistante. À cet effet, nous demandons la collaboration de la Société et de vous, M. le ministre, pour sensibiliser le ministère de la Santé et des Services sociaux à la nécessité d'investir rapidement dans le développement des services de soutien à l'intégration.

De plus, les associations qui supportent, grâce aux ententes signées avec la Société, les victimes d'un traumatisme crânien subi lors d'un accident de travail... la Commission de la santé et de la sécurité du travail n'a développé aucun programme pour l'intégration sociale de ces victimes. Une meilleure collaboration et une meilleure compréhension de ces deux organismes permettraient aux associations de développer et d'améliorer la qualité des services à l'ensemble des victimes. Les associations contribuent grandement aux services de soutien à l'intégration à long terme et améliorent l'autonomie et la qualité de vie des personnes accidentées. Elles aident également à apaiser le contexte social dans l'environnement de la personne accidentée grâce au support apporté aux proches de la victime. Leur intervention favorise la réduction de dépendance sociale des victimes et contribue à la réduction des coûts associés socioéconomiques.

Nous aimerions maintenant vous préciser quelques recommandations apparaissant dans notre mémoire. Premièrement, les commentaires relatifs à la couverture offerte par le régime. L'allocation de disponibilité versée à une personne qui accompagne une victime devant recevoir des soins ou qui se présente à un examen requis par la Société est jugée insuffisante. Le remboursement des frais de déplacement et de séjour en vue de recevoir des soins est également jugée insuffisant.

Les indemnités de remplacement du revenu. L'article 43 prévoit une réduction de l'indemnité de remplacement du revenu à compter de 65 ans: 25 % à 65 ans, 50 % à 66 ans, 75 % à 67 ans, aucune indemnité à 68 ans. Plusieurs victimes ont subi leur traumatisme à un jeune âge et n'ont aucune ressource financière après 65 ans parce qu'elles ont très peu travaillé dans le passé. Ainsi, la victime qui était étudiante au moment de l'accident se voit pénalisée, d'une part, parce que le montant fixé par règlement de son indemnité de remplacement de revenu ne tient pas compte de son potentiel et, d'autre part, elle n'aura aucune source de revenu à l'âge de 65 ans parce qu'elle n'a jamais souscrit au Régime des rentes du Québec, à un régime enregistré d'épargne-retraite ou à un régime de pension.

Nous recommandons également la création d'un réseau de ressources résidentielles. Bien que la Société fasse un suivi du cheminement des victimes, la création d'un réseau de ressources résidentielles assurerait une meilleure transition à la victime et faciliterait son intégration sociale. Les proches de certaines victimes ont besoin de répit pour continuer à moyen et long terme leur support à la victime; un tel réseau permettrait d'apaiser le contexte social des victimes et entraînerait une réduction de certains coûts socioéconomiques.

Nous recommandons la création de contrats d'intégration au travail. Un traumatisme cranio-cérébral sévère peut entraîner, outre les séquelles physiques, les inconvénients suivants: perte de mémoire, fatigabilité, manque de concentration. En conséquence, plusieurs victimes sont inaptes à travailler dans un environnement productif et compétitif, même si elles ont préservé certaines capacités. La création de tels centres non seulement permettrait d'augmenter l'estime de soi des victimes, mais également diminuerait certains coûts socioéconomiques.

Finalement, nous souhaitons que l'article 2.1 des ententes de services soit modifié. Les ententes de services de la Société avec les associations ne prévoient que des services offerts aux victimes dont l'accident remonte à moins de cinq ans. Dans les faits, la Société accepte que des services soient rendus à des accidentés de cinq ans et plus. Comme nous le mentionnions auparavant, plus de 80 % de la clientèle desservie par les associations sont des victimes dont l'accident est de cinq ans et plus. Les associations jugent cet article discriminatoire et souhaitent que des sommes additionnelles soient dégagées par la Société pour desservir adéquatement les accidentés de plus de cinq ans.

Deuxièmement, nous aimerions faire des commentaires relatifs à la qualité des services offerts.

Le pouvoir discrétionnaire de la Société. L'article 83.7 de la Loi de l'assurance automobile accorde un pouvoir discrétionnaire à la Société lui permettant de contribuer à la réadaptation. Elle a une obligation de rendre compte des moyens mis en oeuvre pour contribuer à l'atteinte des objectifs, mais elle n'a aucune obligation de développer un programme d'intégration sociale à long terme. Par contre, la Société est sensibilisée à l'importance de l'intégration sociale des victimes de la route et elle a signé des ententes avec les associations des différentes régions afin que celles-ci offrent des services facilitant cette intégration. Nous recommandons donc que l'article 83.7 soit précisé afin que la Société soit obligée de soutenir des organismes qui développent des programmes d'intégration sociale à long terme.

Les disparités régionales. Bien que la Société ait signé des ententes de services avec les différentes associations du Québec, il n'en demeure pas moins que le sous-financement de certaines associations empêche celles-ci de répondre convenablement aux besoins de la clientèle de la région. En effet, certaines associations n'ont pas le financement de base requis pour mettre en place un programme d'intégration sociale adéquat. Les programmes d'intégration sociale mis de l'avant par les associations entraînent des économies dans les services de santé et les services sociaux, et il est essentiel que celles-ci puissent offrir aux victimes des services adéquats dans toutes les régions. Nous recommandons donc que les sommes versées en vertu des ententes tiennent compte non seulement de la population du territoire, mais également de l'étendue de ce territoire.

La référence. Plusieurs victimes ignorent l'existence de l'association dans leur région parce qu'il n'y a pas de procédure adéquate auprès de la Société et des centres de réadaptation pour référer celles-ci à l'association de leur région. Nous demandons donc aux conseillers en réadaptation de la Société, après le consentement de la victime et/ou de ses proches, de référer par écrit à l'association de sa région les coordonnées de celle-ci afin qu'elle puisse offrir ses services.

n(14 h 20)n

La sensibilisation de la population. Il est important de sensibiliser la population au choc que subissent la victime et ses proches suite à un tel accident. Puisque la clientèle des traumatisés cranio-cérébraux constitue plus de 43 % de la clientèle active en réadaptation à la Société, il serait souhaitable que la publicité de la Société reflète les séquelles d'un traumatisme cranio-cérébral.

En conclusion, nous remercions la Société pour son implication dans le programme de réadaptation des personnes ayant subi un traumatisme cranio-cérébral, puisque, à notre connaissance, elle est le seul organisme ayant élaboré un tel programme. Nous voulons assurer la Société de notre entière collaboration en vue d'améliorer la qualité des services offerts aux victimes. Nous désirons toutefois sensibiliser celle-ci à l'importance d'un soutien financier minimal pour chacune des associations afin qu'elles desservent adéquatement leur clientèle dans leur région.

Puisqu'une période de questions est prévue, je prierais les membres de la commission de bien vouloir les adresser à M. Yvan Desgagnés; celui-ci, selon la nature de la question, la dirigera vers la personne désignée. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, mesdames, messieurs de votre témoignage. Il y a quelques points de clarification, je pense que vos recommandations sont assez claires en soi, il y a quelques points de clarification que je voudrais avoir avec vous. Tout d'abord, vos associations regroupent-elles des traumatisés crâniens de tous genres, que ce soit un accident de travail, que ce soit un accident d'auto, que ce soit un accident à l'école, un accident sur... dans ta propre cour chez vous. Est-ce que c'est... vous regroupez l'ensemble des traumatisés?

M. Desgagnés (Yvan): C'est effectivement le cas, M. le ministre. Les associations, comme à l'intérieur des ententes, on dessert toute personne vivant avec un traumatisme.

M. Chevrette: Quelle est la proportion que la SAAQ assume dans votre financement? Par exemple, je suppose que vous avez une association à 100 000 de budget, quelle est la proportion qui est assumée par le financement de la SAAQ?

M. Desgagnés (Yvan): La SAAQ finance grosso modo... Si on prend juste le modèle d'une région, parce que ça varie d'une région à l'autre, c'est basé per capita, et il y a un nombre d'heures qui se rattachent à cette entente-là. Grosso modo, ça veut dire à peu près, ce que M. Sénécal a dit tout à l'heure, 43 %.

M. Chevrette: Per capita d'accidentés de la route ou per capita des traumatisés crâniens, d'où ils soient?

M. Desgagnés (Yvan): Per capita des accidentés de la route.

M. Chevrette: Vous parlez que... Vous nous demandez de faire une chose qui m'apparaît délicate, puis je vais vous expliquer pourquoi, vous nous demandez de vous faire connaître le nom des traumatisés crâniens, est-ce que vous pensez que nos lois nous l'autorisent, nous le permettent?

M. Desgagnés (Yvan): Il y a toujours ce qu'on appelle aussi le secret de la confidentialité. On en est conscient. C'est pourquoi qu'on mentionne que c'est quelque chose à regarder, c'est quelque chose qui doit être pour... C'est peut-être une façon, il en existe peut-être d'autres aussi, mais ce serait une façon pour que les gens connaissent le plus rapidement l'organisme dans leur région.

M. Chevrette: Parce que j'ai l'impression qu'on aurait de la difficulté là-dessus vis-à-vis la Commission d'accès à l'information, de faire passer automatiquement le transfert. Voici, il vient d'avoir un accident de travail ou il vient d'avoir un accident d'auto, et on vous avise qu'il est... M. X demeurant sur la rue Sainte-Angélique, Joliette, est traumatisé crânien. Pour vous permettre ? parce que dans votre mémoire, c'est marqué: Nous permettre d'aller offrir...

M. Desgagnés (Yvan): Oui. Je vais passer la parole à M. Sénécal.

M. Sénécal (Paul): Merci. Oui, M. le ministre, effectivement dans le mémoire, c'est ce qui est écrit, mais dans l'exposé qu'on vient de faire, si vous avez remarqué, on a mentionné d'obtenir préalablement le consentement de la victime. On est conscient qu'on pourrait pas agir sans son consentement. Ce qu'on essaie de faire, c'est dans le but d'offrir nos services au plus grand nombre de personnes, d'obtenir les références, parce que les gens ne connaissent pas assez nos associations, et on voudrait trouver une façon... se pencher avec la Société, de trouver une façon pour améliorer la référence.

M. Chevrette: Mais je suppose que dans vos milieux vous faites des campagnes de sensibilisation face à votre rôle, et, nous-mêmes, on le souligne à nos accidentés via la SAAQ, qu'il y a des associations de disponibles. Vous parlez, par exemple... À un moment donné, je pense que vous parlez des hôpitaux du Québec, les 18 hôpitaux qui ont... il y a des centres de réadaptation qui ont un contrat... Ils ont même le pouvoir de signer des protocoles avec des associations du milieu. Est-ce que vous les approchez?

M. Desgagnés (Yvan): Moi, je vais peut-être vous dire, M. le ministre, si vous prenez juste le contexte de la région de Montréal où c'est qu'il y a six centres de réadaptation, c'est pas que les intentions des centres ou l'intention de la SAAQ... C'est que, nous autres, ce qu'on dit, c'est que le message des fois ne se rend pas à la base. O.K. Les ententes sont signées, c'est vrai, mais il y a quelque chose qui s'échappe en cours de chemin, qui empêche de faire connaître l'organisme. Puis c'est pas de la mal... c'est pas par manque de volonté. Des fois, c'est par changement d'individus, c'est par...

M. Chevrette: Vous avez la listes des hôpitaux, par exemple?

M. Desgagnés (Yvan): Oui.

M. Chevrette: Vous savez que... Et des centres de réadaptation aussi?

M. Desgagnés (Yvan): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous leur avez tendu la main pour la signature d'un protocole?

M. Desgagnés (Yvan): Il existe... il existe... il existe quelque chose dans nos propres ententes et dans les ententes des centres d'interaction, qui leur dit qu'ils doivent signer une entente entre les organismes. C'est déjà prévu par la Société. C'est quelque chose qui a grandement aidé, oui. Mais ce qu'on voudrait, c'est un petit peu plus.

M. Chevrette: Tout le monde en veut un petit peu plus.

M. Desgagnés (Yvan): Oui, mais dans ce cas-là on parle pas d'argent, là, on parle de circulation d'information.

M. Chevrette: Quant à la création des contrats d'intégration au travail, vous savez qu'il y a des accidentés de la route qui ne travaillent pas, qui a donc aucun lien avec un employeur, contrairement à la CSST qui, elle, fait nécessairement face à un employeur. Comment vous voyez ça? Parce que la Société n'a pas de droit vis-à-vis un employeur face à l'accidenté de la route si celui-ci ne travaille pas, si celui-ci... Parce que, s'il n'est plus capable d'occuper le poste qu'il occupait antérieurement au travail, je sais qu'il y a des mesures de réadaptation, qu'il y a... d'aide au soutien, d'encadrement, etc. ? j'en ai même dans ma famille de cela. Mais quelqu'un qui travaille pas du tout ou qui est sur l'aide sociale ou bien qui est rentier ou bien qui... ou encore qui est jeune, qui est pas sur le marché du travail encore, qui est aux études, ce type de programme de réadaptation, d'intégration au travail, est-ce que c'est spécifiquement exclusivement pour les accidentés de la route qui seraient en travail?

M. Desgagnés (Yvan): Pas nécessairement, M. le ministre. Je crois qu'il existe un bel exemple à l'intérieur de l'Office des personnes handicapées, qui parle de ce qu'on appelle les CTA, les CTI, les contrats de... les centres de travail adapté, les contrats d'intégration au travail. Nous autres, ce qu'on dit, oui, il y a une partie des personnes traumatisées crâniennes qui ont encore certaines capacités. O.K.? Est-ce qu'on peut étudier la chose pour dire que dans un temps x, O.K., ça serait possible que cette personne-là, O.K., même si ce serait juste qu'elle retrouve l'estime d'elle-même, qu'elle puisse être intégrée à des contrats, à des choses semblables qui existent actuellement à l'OPHQ. C'est simplement un...

n(14 h 30)n

M. Chevrette: À l'OPHQ, c'est pas un programme, c'est un programme extrêmement particulier, c'est souvent un atelier qui sous-contracte avec une entreprise puis qui réussissent à faire travailler quelqu'un d'handicapé ou d'intellectuellement plus faible, et il signe des sous-contrats de production, que ce soit des cannes à pêche. J'ai vu ça dans mon milieu, moi, L'Atelier fil au bois, etc. Mais c'est pas le même type qu'on est habitué d'entendre de contrat d'intégration de... de programme d'intégration de travail. Un vrai contrat d'intégration de travail, c'est quelqu'un qui était au travail, qui veut se réinsérer au milieu du travail, mais avec des capacités réduites. Si tu veux négocier, tu peux négocier avec un employeur en disant: Il y a 20 % de perte d'autonomie par rapport à sa situation antérieure. Donc, s'il y a 20 %, quelle est la fonction dans l'usine qui pourrait lui permettre de réintégrer l'usine mais dans un poste de travail compatible avec sa perte d'autonomie? Ça, je comprendrais que c'est... C'est pas tout à fait de ça que vous parlez.

M. Desgagnés (Yvan): Je... On parle de quelque chose...

M. Chevrette: Bien, c'est-à-dire, pas règle générale, parce que, dans les accidentés, vous avez des gens qui travaillent, des gens qui ne travaillent pas, etc.

M. Desgagnés (Yvan): Oui. C'est... Ce qu'on veut dire, nous autres: C'est une voie à regarder, c'est une voie à développer, O.K., basée sur l'exemple des contrats qui existent tels qu'à l'OPHQ.

M. Chevrette: À l'OPHQ. O.K.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Oui, merci. Merci, M. le Président. C'est un peu... Ma question va dans le sens de ce que vous avez amené, en termes de sensibilisation des conseillers régionaux en réadaptation de la SAAQ à l'importance de la fratrie: «Référence par écrit de l'accidenté et de sa famille à l'association de sa région.» Mais j'ai de la misère à concevoir là où c'est difficile et où on peut pas respecter ? ma question s'adresse quasiment au ministre ? ne pas respecter l'obligation qu'on a à la confidentialité.

Je pense aux victimes d'actes criminels, par exemple. Il y a des centres d'aide aux victimes d'actes criminels qui, aussitôt qu'il y a quelqu'un par rapport auquel on commet un délit, tout de suite, elle a l'information chez elle pas longtemps après et... Je sais pas, de la façon que c'est fait, il a dû y avoir des protocoles et une obligation de confidentialité. Et comment ça se fait que c'est pas fait par rapport à d'autres organismes où les gens, par le biais d'associations, ont pas nécessairement besoin des noms? Ils ont besoin d'être en lien, d'avoir un réseau qui peut le faire pour eux. Je vous donne un exemple. Eux pourraient peut-être préparer une pochette d'information avec les services qui sont offerts partout à la grandeur du Québec ? si je pense à ma région, le centre de réadaptation L'Interaction qui travaille avec des traumatisés crâniens, et tout ? puis... Je sais pas, j'ai de la misère à concevoir où ça pourrait être difficile de faire cheminer l'information aux personnes traumatisées crâniennes.

M. Chevrette: Si vous avez bien écouté ma réponse...

Mme Doyer: Oui, oui.

M. Chevrette: ...j'ai dit qu'on ne pouvait pas leur acheminer les noms. J'ai pas dit qu'on pouvait pas recevoir des pochettes et puis les transmettre...

Mme Doyer: Oui, mais l'information... C'est ça. C'est ça.

M. Chevrette: C'est loin de... Ma réponse...

Mme Doyer: Ça, c'est simple.

M. Chevrette: Ma réponse était d'une clarté, là-dessus: En fonction de la Loi d'accès à l'information, en fonction de la confidentialité des documents, je ne peux pas transmettre des noms sous peine de sanctions pénales.

Mme Doyer: Puis je suis d'accord avec vous, M. le ministre, mais je... Il me semble que... c'est possible.

M. Chevrette: Non, non. C'est possible dans le sens que l'avez dit.

Mme Doyer: Et c'est facilement possible.

M. Chevrette: Mais il y a un monde entre recevoir une pochette...

Mme Doyer: Puis un téléphone.

M. Chevrette: ...pour fins d'offre de service par rapport à la transmission d'un nom formel... Je pense qu'il y a un monde entre les deux.

Mme Doyer: Mais je pense que c'est ce qu'ils veulent aussi, là.

M. Desgagnés (Yvan): Je pense que... Je pense que je pourrais passer la parole à Mme Julie Poulin qui vit, elle...

Mme Doyer: Là-dessus, là, j'aimerais ça. J'aimerais quand même bien comprendre. Parce que c'est venu souvent... En passant, je sais, on est toujours pris avec ça, les règles de confidentialité. Puis, à l'intérieur de d'autres commissions, par rapport... C'est vrai ce que dit le ministre, on est aussitôt accusés quand on veut bouger par rapport à quelque chose. Comment c'est difficile?

Le Président (M. Lachance): Mme Poulin.

Mme Poulin (Julie): C'est déjà un pas de pouvoir acheminer l'information systématiquement aux personnes. Ce serait un pas de plus s'il y avait un document simplement qu'on pouvait leur faire signer automatiquement, une autorisation de transmettre des renseignements pour que, nous, on communique vers eux autres. Parce que c'est certain que, dans les événements qu'ils vivent, les deuils ou les difficultés qu'ils ont à affronter, ils sont pas toujours disponibles dans les premières années pour aller vers un organisme. Et, après ça, bien, ils perdent de vue la réadaptation et ça devient difficile d'entrer en contact avec eux. C'est dans le cheminement qu'il y a quelque chose qui se perd comme ça.

Mme Doyer: Bon, d'accord.

Mme Poulin (Julie): Alors, c'est par la suite que, nous, on souhaiterait pouvoir entrer en contact avec eux s'il y avait eu une autorisation effectivement de signée.

Mme Doyer: Parce que, là, vous ne savez plus où les personnes sont?

Mme Poulin (Julie): Non. Exactement. Parce que, une fois que la réadaptation est terminée...

Mme Doyer: Ah, O.K. C'est beau, j'ai bien compris.

M. Chevrette: C'est une troisième voie, ça. Si je comprends bien, dans le mémoire initial ? on va... on jouera pas sur les mots, là ? vous auriez aimé qu'on vous achemine les noms.

Mme Poulin (Julie): Avec autorisation, oui.

M. Chevrette: C'est ça. Là, vous dites: Avec autorisation, on pourrait... S'ils donnent l'autorisation à la SAAQ, on pourrait recevoir les noms, par rapport à la possibilité d'avoir une pochette d'information offrant des services, donc faire du recrutement qui, à mon point de vue, ne présente... Cette solution-là ne présente aucune difficulté de gestion ou de transfert de paperasse. Plus... Un peu comme le don des organes, là, quand on signe sur sa licence: Je consens à ce que vous donniez...

Une voix: Parfaitement. Très parfaitement.

M. Chevrette: C'est beau.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Si j'ai bien compris, vous dites: Les personnes qui sont affectées par un traumatisme quelconque puissent avoir accès, en plus de leur... de la récurrence qu'ils reçoivent, cette récurrence-là ne leur ferme pas la porte à l'intégration au marché du travail. Ça veut dire que cette récurrence-là pourrait faire partie de la démarche vers le marché du travail.

M. Desgagnés (Yvan): Oui.

M. Laprise: Un peu comme l'OPHQ a développé, avec ses ateliers protégés, ses centres de travail adapté. Ça veut dire que l'argent que la personne reçoit devient un salaire suite à un travail donné.

M. Desgagnés (Yvan): C'est ça.

M. Laprise: C'est une intégration au marché du travail.

Une voix: De la formation.

M. Laprise: ...si je comprends bien.

M. Desgagnés (Yvan): C'est ça, parce qu'on le vit...

M. Laprise: C'est comme ça.

M. Desgagnés (Yvan): ...on le vit...

M. Laprise: À ce moment-là, c'est une valorisation de la personne, parce qu'elle n'a pas l'impression de recevoir une pension, elle a l'impression d'être intégrée au marché du travail et recevoir un dividende comme un salaire régulier au niveau de... comme les centres de travail adapté, quoi.

M. Desgagnés (Yvan): Parfaitement, monsieur.

M. Chevrette: En fait, c'est un élément qui... Pour mes collègues, là, l'esprit de la Loi de l'assurance automobile, c'est de rendre la personne apte, sur le plan de la santé, à faire un travail. Ce n'est pas de... Sa mission n'est pas de l'intégrer au travail. Donc, c'est la dimension que je voulais faire, parce qu'on est...

La CSST, c'est différent. La CSST, elle demande au service de santé de rendre la personne apte, et là ils ont le devoir de l'intégration. Donc, il faut faire la distinction entre les missions des sociétés et des organismes. Mais, dans les faits, la SAAQ, je ne vous dis pas qu'elle doit pas collaborer, là, c'est pas ça que je dis, mais dans sa mission officielle, ce n'est pas une mission de réintégration au travail, c'est de rendre la personne, avec le service de santé... Parce qu'on paie pour les services de santé, vous le savez, hein? La SAAQ paie pour les ambulances, paie sa quote-part des services de santé. Donc, c'est pas le même... La CSST aussi paie, d'autre part, mais elle est liée face à l'employeur, ce que la SAAQ n'a pas comme lien. Elle n'a aucun lien avec les employeurs.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.

M. Laprise: La rendre apte au marché du travail, est-ce que c'est la rendre aussi possible qu'elle puisse... Parce que le marché du travail, bien souvent, la forme est plafonnée dans sa démarche. Même si elle est apte, là, à faire un travail donné, c'est pas nécessairement un travail comme elle faisait avant. Ça peut être un travail adapté à ses conditions physiques. Alors, à ce moment-là, il faudrait qu'elle serait... lui ouvrir des portes pour que le travail adapté soit accessible à elle.

M. Chevrette: C'est-à-dire que, dans la loi ? je m'excuse, on se questionne entre nous, mais c'est peut-être intéressant pour la population...

M. Lupien (Jean-Pierre): M. le ministre, on comprend que la réflexion doit se poser. Si, nous, on se l'est posée...

M. Chevrette: Exact. C'est-à-dire que rendre une personne apte à faire un travail ne définit pas le type de travail qu'elle peut faire. Donc, il y a un service... Il y a effectivement un service qui... C'est basé sur ? je me souviens jamais sur lequel ? le modèle du ministère de l'Éducation qui dit: Dans les conditions actuelles, cette personne peut faire tel type, tel type, tel type, tel type de travail. Il y en a même qui contestent cette grille d'analyse, on en a vu la semaine dernière ou il y a 15 jours, sauf qu'ils proposent rien. Donc, c'est une des grilles... des seules grilles qui existent. Elle peut être bonifiable, si vous me permettez l'expression, mais il faut bien se baser sur quelque chose, effectivement.

Il y a des cas plus tragiques que ça. On dit: Vous nous proposez des emplois qui n'existent pas dans notre région ou dans notre milieu. Donc, ça, là-dessus, c'est une autre paire de manches, ça. Il y a une question... À certains niveaux, il y en a quelques-uns qui manquent de doigté ou encore de... en tout cas, je dirai pas... je veux pas maganer personne, là, mais c'est évident qu'il y a quelque chose qui accroche dans certains cas. Dans nos cas de comté, là, ils disent: Ils m'offrent telle chose, mais il y en a pas ici. Il faudrait au moins qu'ils m'offrent quelque chose... Ils m'offrent une job qui n'existe plus. C'est arrivé, ça, la semaine... il y a 15 jours, je pense, aussi. Il y a des lacunes dans le système, là, mais je pense qu'il faut bien comprendre que l'objectif, c'est de rendre la personne apte à faire quelque chose puis lui donner les possibilités, à l'intérieur de ces moyens, d'opter pour divers corps de métiers ou diverses activités de travail.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire. D'entrée de jeu, je vous entendais dire que vous invitez aussi le ministère de la Santé à collaborer, en fin de compte, avec votre organisme. On sait que la SAAQ a une importance primordiale. Il y a beaucoup d'accidentés de la route qui ont des traumatismes, mais on sait aussi que le ministère de la Santé, ça devrait être sa principale mission justement, de collaborer avec les gens qui ont un problème de santé, et les traumatisés ont justement un problème de santé qui découle de ces accidents-là.

n(14 h 40)n

Cette invitation-là, que vous nous disiez, vient sûrement... que vous nous dites, vient sûrement d'expériences passées ou d'interrogations que vous avez sur le ministère de la Santé. Est-ce que le ministère de la Santé, à date... est-ce que vous sentez une collaboration pleine et entière ou vous percevez un message disant qu'on n'a pas d'argent à vous consacrer? Quel est le message que vous voulez qu'on passe au ministère de la Santé?

M. Desgagnés (Yvan): Ha, ha, ha! Je pense que c'est un peu ce que j'appelle une question piège. On voulait...

M. Brodeur: Jamais j'oserais.

M. Desgagnés (Yvan): Non, mais c'était prévu, nous autres, que dans un sens, oui, il fallait absolument qu'on parle du ministère de la Santé et de la CSST. Donc, on se dit, le ministère de la Santé, puis tel que l'a expliqué Paul, on est partie prenante à l'intérieur du ministère de la Santé, dans un continuum de services et dont la SAAQ est impliquée aussi. Puis, je me dis, c'est beau d'en parler, mais, à un moment donné, il faut agir, il faut...

Quand on ramasse des traumatisés cranio-cérébraux qui viennent, moi, je sais pas, le gars, la personne, elle vient du Bien-Être social, elle vient d'une autre place, je veux dire, on n'a pas... Présentement, avec les subventions qu'on a, O.K., avec les subventions qu'on reçoit de la SAAQ, on dessert d'autres personnes, tu sais. Nous autres, on dit pas non à toutes les personnes, on n'a pas le choix, tu sais. Mais, oui, le ministère de la Santé... on a besoin que quelqu'un nous aide à ouvrir des portes.

M. Brodeur: Donc, vous êtes en train de nous dire que, même à l'occasion, vous vous servez du financement de la SAAQ pour aider des gens, d'autres traumatisés, parce que le ministère de la Santé ne contribue pas de façon suffisante à votre organisme?

M. Lupien (Jean-Pierre): Suffisante... C'est «peu», le mot.

M. Brodeur: Suffisante, ou vous dites...

M. Desgagnés (Yvan): Suffisante, c'est peu.

M. Brodeur: C'est peu?

M. Lupien (Jean-Pierre): C'est peu. C'est pratiquement un financement qui est pas là, qui existe presque pas en pourcentage, si on peut dire. Les régies reconnaissent les associations. La clientèle qui est vue dans les associations est peut-être partagée à moitié-moitié, SAAQ et non SAAQ, ou société ou non SAAQ, mais les services sont donnés pareil parce qu'ils existent déjà dans les 13 grandes régions de la province. Ils sont donnés dans les grands centres. Mais les sous-régions ne sont pas aussi représentées puis c'est là où est-ce que le financement manque...

M. Brodeur: O.K.

M. Lupien (Jean-Pierre): ...le financement de base pour pouvoir donner les services qui existent déjà.

M. Brodeur: Est-ce que le financement vient du niveau central ou bien par région?

M. Lupien (Jean-Pierre): Par régie régionale.

M. Brodeur: Par régie régionale. Est-ce qu'il y a un financement aussi qui vous parvient de la CSST?

M. Desgagnés (Yvan): Non, aucun.

M. Brodeur: Aucun financement de la CSST?

M. Desgagnés (Yvan): C'est pour ça que... C'est pour ça que M. Sénécal a mentionné dans son exposé le ministère de la Santé et la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il y a une grosse sensibilisation, O.K., à faire auprès de ces instances-là. Puis, oui, on demande l'aide de quelqu'un au gouvernement pour nous aider à entrouvrir les portes.

M. Sénécal (Paul): Parce que, effectivement, comme on mentionnait, la Société, c'est le seul organisme, à notre connaissance, qui a élaboré des programmes puis qui finance des programmes. Le ministère de la Santé a élaboré des programmes puis il parle du continuum de service, il parle d'intégration, et tout ça, mais on fait partie de ça. Il parle des beaux systèmes, tout ça, mais il y a rien, il y a rien qui s'est fait.

M. Brodeur: Donc, il y a un délestage de la responsabilité de la part du ministère de la Santé et de la CSST aussi en faveur de la SAAQ. Quelle est la proportion de traumatisés qui viennent de la SAAQ ou de la CSST? Est-ce qu'il y a une... la proportion doit être assez différente, mais...

M. Sénécal (Paul): Bien, c'est difficile. Ce qu'on sait, c'est environ 50-50.

M. Brodeur: 50-50?

M. Sénécal (Paul): Oui.

M. Brodeur: Lorsqu'on discute aussi de SAAQ puis de CSST, il y a une question qui nous vient à l'esprit, parce qu'on est en commission parlementaire depuis plusieurs semaines, plusieurs ont apporté des critiques assez sévères envers la SAAQ concernant les réclamations et les relations entre les accidentés et la SAAQ. Vous avez dit, d'entrée de jeu, que vous accompagnez les traumatisés, bon, les accompagner naturellement dans leurs problèmes physiques. Est-ce que vous les accompagnez aussi dans les relations avec la Société de l'assurance automobile du Québec lors des réclamations?

M. Desgagnés (Yvan): Moi, je répondrais à ça, c'est qu'on essaie de faire un lien ou d'établir des ponts, mais on n'intervient pas dans le sens juridique contre la SAAQ, O.K.? On va aider l'individu à obtenir l'information, mais on va faire, si vous voulez, de la défense de droit «at large».

M. Brodeur: Oui.

M. Desgagnés (Yvan): On fait pas du cas par cas.

M. Brodeur: Non? À votre expérience personnelle, parce que plusieurs l'ont dit, il y a eu des problèmes de relations souvent entre le citoyen et la SAAQ, certains groupes sont venus nous dire qu'ils se sentent comme des fraudeurs lorsqu'ils demandent quelque chose à la SAAQ, puisque l'accueil est froid, là. Est-ce que, à votre connaissance... à ce qu'à votre connaissance il y aurait aussi de votre côté des choses à améliorer entre les relations entre la Société de l'assurance automobile du Québec et vos membres? Est-ce qu'ils se sentent ? et j'imagine que vous êtes près de vos membres ? est-ce qu'ils se sentent souvent laissés pour compte par la Société de l'assurance automobile du Québec? Est-ce qu'ils ont des critiques à apporter en ce qui concerne le processus de remboursement? Est-ce que vous entendez souvent des critiques négatives à ce sujet-là?

M. Desgagnés (Yvan): Il y a... oui ? je serais menteur si je vous dirais non, là ? oui, mais c'est comme je vous dis: On fait pas de la défense de droit en tant que telle, O.K.? On va en faire un cas général. Mais de ce qu'on sait, O.K., puis on a fait vérification auprès des membres, en général, les gens sont satisfaits.

M. Brodeur: O.K. Vous...

M. Desgagnés (Yvan): Je vous dis pas qu'il y a pas des cas spéciaux qui méritent des attentions cependant, mais en général.

M. Brodeur: Parlant de compensation, puis on n'est pas tous des experts en chacun des détails de compensation de la SAAQ, vous nous dites, en fin de compte, que la fin des indemnités arrive à 65 ans lorsqu'il y a un accidenté, et que, à la suite de ça, naturellement ? puis c'est votre président qui le disait ? ces gens-là n'ont peut-être pas eu la chance de travailler dans leur vie, n'ont pas eu la chance de contribuer à la Régie des rentes du Québec, donc se retrouvent en quelque sorte sous le seuil de la pauvreté rendus à 65 ans. Si j'ai bien compris votre message, ça serait un item à revoir de façon tout à fait spéciale dans les dédommagements que la SAAQ a à donner et de faire en sorte que ces... ces... ces rentes-là dépassent, aillent jusqu'au décès, en fin de compte, de l'assuré. C'est bien le message que vous nous donnez?

M. Desgagnés (Yvan): C'est une recommandation.

M. Sénécal (Paul): C'est une recommandation. Et bien sûr que le montant qui serait versé aux victimes passées 65 ans, bien, on tiendrait compte justement du passé de la personne. La personne qui a quand même contribué au Régime de rentes de par le passé, bien, le montant de la rente qu'elle recevrait de la Société de l'assurance automobile, bien, serait diminué compte tenu qu'elle a déjà... qu'elle va recevoir un montant du Régime de rentes. Mais il y a certaines personnes qui reçoivent absolument rien.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci. Je veux vous remercier d'abord pour votre présentation, et juste quelques questions additionnelles. Le Regroupement dont on parle, il a été créé en 1999, et on mentionne dans votre mémoire, là, que ça regroupe 13 associations régionales. Les associations régionales ont été mises en place, elles... Ce que je comprends, c'est qu'il existait des associations régionales, puis à un moment donné on a créé un Regroupement de l'ensemble de ces associations-là. Les associations régionales ont été mises en place à quelle période à peu près? Ça doit s'être fait à des moments différents selon les régions?

M. Desgagnés (Yvan): Ça s'est fait à des moments différents. O.K., ça a commencé, je crois, en 1997 les premières... que les premières ententes se sont... ont été signées. Il y a un autre fait important: le découpage, O.K., des associations est jumelé avec celui du ministère de la Santé. Quand on parle de la région...

M. Bordeleau: La région.

M. Desgagnés (Yvan): ...admettons, de ma région à moi, la région 03, là, c'est le Bas-Saint-Laurent, c'est tel que... tel que découpé par le ministère de la Santé.

M. Bordeleau: La création des associations régionales, c'est quand même assez récent, c'est 1997 les premières, vous mentionnez?

M. Desgagnés (Yvan): Oui, oui, oui.

M. Lupien (Jean-Pierre): Donc, on peut préciser qu'il y a une dizaine années. Il y en a qui ont 15 ans.

M. Bordeleau: Ah, il y en a qui ont 15 ans. O.K.

M. Lupien (Jean-pierre): Oui.

M. Bordeleau: Et puis il y a combien de... Il y a combien au Québec, à l'intérieur des différentes associations régionales, de cas de traumatisés crâniens, là, dont vous avez été informé qui sont impliqués dans vos diverses associations, pour l'ensemble?

M. Sénécal (Paul): Bien, dans son ensemble, il y a un gros taux de roulement. Il faut comprendre que le membership roule beaucoup. On parle d'environ annuellement de 4 à 5 000 membres, mais il faut comprendre que...

M. Bordeleau: La segmentation.

M. Sénécal (Paul): ...ça roule énormément, là, d'une année à l'autre, là. Le membership, c'est des nouvelles personnes.

M. Bordeleau: O.K. Puis, alors, vous dites 4 à 5 000 par année, à peu près, qui sont en processus, là, à l'intérieur des différentes...

M. Sénécal (Paul): Qui sont membres, on se comprend.

n(14 h 50)n

M. Bordeleau: Qui sont membres, oui.

M. Sénécal (Paul): Parce que ? je m'excuse si je vous interromps ? il y a des gens qu'on dessert qui ne sont pas membres de nos associations. On donne le service quand même.

M. Bordeleau: O.K.

M. Sénécal (Paul): Alors, il faut faire attention au nombre de membres.

M. Bordeleau: Oui. Alors, 4 à 5 000 personnes à qui vous donnez des services, c'est ça?

M. Sénécal (Paul): On donne le service... Plus que ça.

M. Bordeleau: Plus que ça?

M. Sénécal (Paul): Mais on a 4 à 5 000 membres dans l'ensemble de nos associations.

M. Bordeleau: Alors, à combien de personnes vous donnez des services à peu près, annuellement, pour l'ensemble des associations?

M. Desgagnés (Yvan): Je vais vous donner un ordre de grandeur.

M. Bordeleau: Oui, juste un ordre de grandeur, là.

M. Desgagnés (Yvan): Juste un ordre de grandeur, disons que, si on prend les chiffres 1999-2000, il y a eu, si on parle... En ne comptant pas les bénévoles, là. O.K., si on parle juste en heures, je vais vous le dire: au dessus 92 000 heures.

M. Bordeleau: Quatre-vingt-douze mille heures de service. Puis les... ce que... si j'ai compris tout à l'heure, là, au niveau de la SAAQ, le financement que vous avez, c'est per capita.

M. Desgagnés (Yvan): Le financement qu'on a, à l'heure actuelle, c'est basé ? je peux me tromper, là ?mais le début, c'est que la région de Montréal, ils ont... il y a tant de personnes qui vivent là et c'est basé sur le per capita.

M. Bordeleau: Le per capita de la population.

M. Desgagnés (Yvan): De la population.

M. Bordeleau: Pas des personnes que vous avez à desservir directement, là. C'est pas du cas par cas, là, que vous faites... mais financé pour un cas... C'est la population.

M. Desgagnés (Yvan): Non.

M. Chevrette: ....

M. Desgagnés (Yvan): Oui.

M. Bordeleau: Alors per capita d'accidentés.

M. Desgagnés (Yvan): C'est ça.

M. Bordeleau: Ça donne des budgets de combien, ça à peu près, pour des... je ne sais pas, moi, juste pour avoir un ordre de grandeur, là, dans vos régions que vous connaissez peut-être mieux.

M. Chevrette: Si vous me permettez... si M. le député me le permet...

M. Bordeleau: Oui.

M. Chevrette: ...je déposerais les sommes versées par la SAAQ.

M. Bordeleau: Oui.

M. Chevrette: Les sommes versées dans quelques endroits par les régies régionales, les sommes versées par le ministère de la Santé, c'est seulement deux endroits: dans la région 11 puis dans la région 02, et pour des montants minimes. Le montant par région et le montant global des pourcentages que ça représente.

M. Bordeleau: O.K.

M. Chevrette: C'est beau.

M. Bordeleau: S'il vous plaît.

Le Président (M. Lachance): Je vous laisse enchaîner sur...

Une voix: ...faire une copie?

Une voix: Oui, s'il vous plaît.

Document déposé

Le Président (M. Lachance): Alors, document déposé.

M. Bordeleau: Oui, je pense que vous aviez quelque chose à ajouter.

M. Sénécal (Paul): Oui, c'est parce que je me demandais si je pouvais poser une question au ministre. Je me demandais si c'était un document qu'on avait produit à la SAAQ, le document qui vient de nous être soumis.

M. Chevrette: ...

Une voix: Oui.

M. Sénécal (Paul): C'est ça. O.K. Merci.

M. Chevrette: C'est le document que vous avez produit.

M. Sénécal (Paul): D'accord, merci.

M. Bordeleau: O.K. À la page 10 de votre mémoire, là, vous nous dites: «L'article 83.7 qui traite du pouvoir discrétionnaire de la Société ne permet pas d'assurer un soutien financier permanent aux organisations d'entraide communautaire. Il devrait y avoir une obligation d'assurer un tel soutien.»

Si je comprend bien, le soutien est calculé au... en fonction du nombre d'accidentés. Est-ce qu'il est pas... bon, évidemment, ça peut fluctuer d'une année à l'autre, mais, quand vous dites... Si vous parlez du pouvoir discrétionnaire de la Société et vous souhaitez qu'il y ait un soutien permanent, à quoi vous faites référence exactement?

M. Sénécal (Paul): C'est que l'article 83.7, quand vous lisez, là, l'article, on vous réfère au mémoire en tant que tel où on cite l'actif... l'article. L'article 83.7 dit: «La Société peut prendre les mesures ? peut prendre les mesures ? nécessaires pour contribuer à la réadaptation d'une victime, pour atténuer ou faire disparaître toute incapacité résultant d'un dommage corporel et pour faciliter son retour à la vie normale ou sa réinsertion dans la société.»

Donc, c'est qu'elle peut prendre les mesures. O.K. Elle peut le faire. Et, quand on parle de... quand on parle de réadaptation, tout ça, on a parlé des différentes phases, un, phase deux, phase trois, la phase trois étant l'intégration sociale. Mais il y a aucun... il y a rien qui oblige la société de faire la réintégration sociale. Nous, ce qu'on dit, c'est de préciser cet article-là pour que la Société soit obligée de faire la réinsertion, l'intégration sociale. O.K., et que ce faisant, bien, elle serait... elle aurait pratiquement l'obligation de financer des organismes qui font de l'intégration sociale parce que, théoriquement, même si le programme existe, demain matin, elle pourrait... on a un contrat de trois ans... nos associations... Dans trois ans, elle pourrait, non, refuser de renouveler le contrat.

M. Bordeleau: C'est ça.

M. Sénécal (Paul): C'est une précision dans la loi. C'est ce qu'on voudrait.

M. Bordeleau: Ça va. Parfait. Merci.

M. Sénécal (Paul): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, en vous signalant qu'il reste deux minutes du côté ministériel.

M. Chevrette: Non, je voulais tout simplement vous remercier de votre action bénévole. Je pense que j'ai regardé la grille moi aussi, puis on aura des suggestions à faire à quelque part. Lâchez-pas.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, mesdames, messieurs, pour votre participation aux travaux de la commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite maintenant le Dr Pierre Proulx à bien vouloir prendre place. Je signale que nous avons jusqu'à maintenant entendu des présentations de la part de 16 groupes ou associations ou comités. Alors, nous poursuivons cet après-midi avec le Dr Pierre Proulx et par la suite Me Marc Boulanger et finalement avec la Confédération des syndicats nationaux.

M. Chevrette: Bienvenue dans...

M. Lachance: Alors, bienvenue, messieurs. Vous connaissez les règles du jeu pour avoir observé ce qui se passait. Vous avez 20 minutes de présentation. D'abord, j'invite le porte-parole à se présenter ainsi que la personne qui l'accompagne.

MM. Pierre Proulx et Simon Tinawi

M. Proulx (Pierre): Dr Pierre Proulx, médecin physiatre.

M. Tinawi (Simon): Simon Tinawi, médecin, physiatre aussi en médecine de la réadaptation.

Le Président (M. Lachance): Vous pouvez y aller.

M. Proulx (Pierre): Bon. M. le Président, Mmes, MM. membres de la commission, nous tenons à vous remercier de nous avoir permis de présenter notre mémoire. D'abord, d'entrée de jeu, sans vous dire que je suis le représentant d'un groupe d'experts qui oeuvrent au quotidien auprès de la clientèle des grands blessés... Dr Tinawi a participé à la rédaction du mémoire de même que Mme Caterina Staltari, le Dr Yves-Louis Boulanger et de même que le Dr Renée Paré.

Donc, mon exposé va porter sur trois points: d'abord, de reconnaître, je dirais, l'excellence et le leadership de la SAAQ dans le réseau de traumatologie; deuxièmement, de vous présenter le défi que représente la prise en charge de la clientèle gériatrique en traumatologie et, par la suite, de vous faire part de nos recommandations comme experts oeuvrant en traumatologie dans la prise en charge des blessés gériatriques.

Dans un premier temps, nous aimerions reconnaître l'excellence et le leadership de la SAAQ dans le réseau de traumatologie, d'abord pour sa vision, la vision de la Société, une vision proactive. Et, pour nous, «proactif» ça veut dire anticiper et gérer et même intervenir. La SAAQ, au cours des dernières années, au cours de son mandat, en fait, est intervenue dans le réseau de traumatologie pour son approche globale, c'est-à-dire on pourrait passer du fossé à l'atelier, donc l'ensemble des soins à donner à la victime et inclusive, c'est-à-dire que ça inclut l'ensemble de la clientèle ayant des traumatismes suite à un accident d'automobile.

Excellence de la SAAQ aussi dans ses valeurs, d'abord, l'accessibilité universelle aux soins appropriés, au moment opportun par des équipes d'experts ainsi qu'aussi la valeur de l'efficience d'un système intégré en prévention, en soins, en réadaptation, de l'enseignement, de la recherche, de la gestion selon une approche d'appréciation et d'amélioration continue de la qualité. Et je dirais enfin aussi au niveau... comme valeur, c'est son approche centrée sur les besoins de la clientèle.

n(15 heures)n

La SAAQ a un succès, a des succès et un rayonnement d'abord dans la mise en place d'une stratégie de prévention des blessures, dans la mise en place de réseaux intégrés et facilitant le partenariat interdisciplinaire, interétablissements en traumatologie. Elle a contribué en fait à mettre en place un réseau de traumatologie à travers un réseau dit institutionnel. Enfin, elle a, dans son approche proactive, elle a mis en place des programmes de prise en charge rapide, dont son programme, je dirais, de prise en charge rapide, qui est reconnu. Et elle a réussi à créer un financement pour la recherche, la publication visant à développer les données probantes de la littérature, l'innovation et des stratégies de prise en charge au niveau de l'incapacité et de l'environnement. En fait, je pense qu'on peut affirmer que la SAAQ en milieu nord-américain est une des meilleures compagnies, compagnies d'assurances, dans le management de l'incapacité et du handicap.

Il faut reconnaître aussi, je dirais, le changement de paradigme que fait la SAAQ, c'est-à-dire de payeur passif est passé d'un payeur actif, elle intervient. Elle a aussi une approche de système. Donc, un système qui est orienté vers les clientèles qui ont des blessures catastrophiques, dévastatrices et très coûteuses, dont les traumatisés sévères du cerveau, de la moelle épinière, les traumatisés sévères orthopédiques, les traumatisés qui présentent des lésions des tissus mous sévères.

L'autre élément dans ce paradigme, je dirais, de la transformation, c'est sa capacité de sonder l'être humain, c'est-à-dire qu'un des grands aspects qu'a apportés la SAAQ c'est que nos patients qui ont des accidents d'auto sur les routes ne sont plus des survivants, mais des gens, des personnes qui ont eu des traumatismes et qui par la suite vont être réintégrés avec toute la dignité et le respect liés aux séquelles qu'ils présentent et à un retour dans une vie, je dirais, participative dans notre société québécoise.

Pour conclure sur la SAAQ, la SAAQ a été une idée généreuse de votre gouvernement. Il y a un de mes patrons qui disait, mes anciens patrons, qui disait: Les idées généreuses sont toujours victorieuses. Mais la SAAQ a été une idée généreuse. Je crois que dans cette générosité qui était d'abord une société qui pardonne, pour pas employer un slogan d'une autre compagnie d'assurances... c'est une société qui pardonne avec sa loi de «no fault», mais aussi une société qui s'occupe des victimes. Et, nous, on peut témoigner que c'est ce qui se passe dans la réalité. Elle était victorieuse parce que, lorsqu'on regarde les statistiques, la mise en place du système de traumatologie nous a permis de changer le caractère complet des victimes, elle nous a permis de constater que, oui, il y a moins de mortalité, mais, oui aussi, il y a moins de morbidité. Et, comme je disais tout à l'heure, on a surtout changé le caractère: on est passé d'individus qui ne sont plus des survivants, mais des gens qui ont eu un traumatisme et qui vont reprendre leur cours de leur vie par la suite après avoir passé par l'ensemble du système.

La SAAQ est aussi reconnue pour avoir participé a des recherches, pour avoir présenté des recherches en milieu nord-américain, des recherches qui sont faites à la SAAQ, qui sont publiées, sont regardées. C'est un système que les autres États, les États américains, les autres pays envient de par le type de système que nous possédons, de par, je dirais, la transparence de cette compagnie d'assurances et aussi, je dirais, la divulgation de leur résultats et de leur recherche à travers, je dirais, le continent nord-américain.

Donc, tous les âges sont à charge quand on ne trouve pas en soi-même des ressources pour vivre heureux. La clientèle qui était victime d'accident sur les routes, c'est une clientèle jeune, décédait souvent sur nos routes, avait des besoins, et la SAAQ a répondu à leurs besoins, de sorte qu'actuellement on peut dire qu'on est victorieux de par cette... de cette idée généreuse qu'a eue le gouvernement à l'époque.

Qu'en est-il maintenant de la population gériatrique qui subit un traumatisme? D'abord, je pense que, étant vous-même en contact avec la population québécoise, vous êtes à même de réaliser qu'on a un phénomène de vieillissement important et rapide de notre population. Dans notre mémoire, nous avons cité quelques statistiques du ministère et de la régie régionale de Montréal. On s'attend évidemment... qu'en 1916, 18 % de la clientèle aura au-delà de 65 ans, et qu'en 31, 27 % de la clientèle aura au-delà de 65 ans.

En ce qui a trait au taux de mortalité, on s'attend que la troisième cause de... actuellement, la troisième cause de décès de la clientèle de 65 ans à 74 ans est liée aux traumatismes, et la première cause de décès de la clientèle au-delà de 75 ans est liée aux traumatismes.

Ce qu'on observe de plus actuellement, c'est les coûts reliés à la prise en charge de cette clientèle vieillissante, qui doublent entre 65 et 69 ans, qui quadruplent entre 75 et 79 ans, et qui est multiplié par 10 au-delà de 85 ans. Donc, des coûts très importants liés à la prise en charge de cette clientèle.

Maintenant, qu'en est-il du système face à une clientèle qui est fragilisée de par l'effet du vieillissement mais aussi de par l'effet de maladies associées et où on a des marges de manoeuvre, je dirais, sur le plan physiologique, qui sont restreintes? Il y a en fait une nouvelle clientèle de cas catastrophiques qui apparaît actuellement dans notre système de santé, et ce sont... c'est la clientèle des blessés gériatriques.

Qu'en est-il du système? Il y a actuellement un manque de connaissances et un manque d'organisation d'un réseau expert en traumatologie gériatrique. En fait, comme c'est un nouveau phénomène, on a un manque de connaissances sur comment prendre en charge cette nouvelle clientèle, quels sont les effets du vieillissement, quels sont les effets du vieillissement lorsqu'on a à prendre en charge quelqu'un qui a un traumatisme sévère, et comment, quelle est la suite des événements par la suite.

Il y a aussi une absence de continuum de soins et services adaptés à la population gériatrique, et ce, plus particulièrement au niveau fonctionnel. En fait, comment on va rééduquer quelqu'un qui a 75 ans, 80 ans? Quels sont les objectifs qu'on veut atteindre? Jusqu'où on veut en arriver? Comment faire? Quelle est la technologie qu'on doit utiliser pour cette clientèle? Actuellement, on ne l'a pas.

Il manque aussi des études sur la qualité de vie, sur ce que veut dire la dignité chez une personne gériatrique, sur l'éthique face à cette clientèle-là. Donc, on a à apprendre de cette clientèle-là, on a à étudier cette clientèle-là et on a surtout à développer une vision et des valeurs par rapport à la prise en charge de cette clientèle.

Si vieillir, pour tout être vivant, c'est à la fois durer et changer, avancer en se déformant vers un terme certain quant aux faits et incertain quant aux circonstances, eh bien, sur les circonstances, on peut agir. Sur les circonstances, votre gouvernement peut agir. Actuellement, lorsqu'on regarde l'expertise de la SAAQ, on a les outils pour agir et pour prendre en charge la clientèle gériatrique. La SAAQ a développé une expertise chez les blessés médullaires, chez les traumatisés crâniens, chez les blessés orthopédiques. C'est ce qu'on retrouve chez la clientèle gériatrique. Un problème au niveau des fonctions supérieures, des problèmes au niveau orthopédique, des problèmes au niveau de la dépendance, puisque le phénomène du vieillissement nous amène progressivement vers des problèmes de dépendance, et la SAAQ a cette expertise, cette expertise non seulement par rapport à la personne, mais aussi par rapport à l'environnement.

n(15 h 10)n

Et j'en arrive aux recommandations. En fait, notre groupe expert s'est penché sur quelles recommandations nous pourrions faire dans le cadre de cette problématique de la prise en charge de la clientèle gériatrique. D'abord, nous aimerions, M. le ministre, que vous puissiez user de la synergie ministérielle pour pouvoir donner un mandat au ministère de la Santé et des Services sociaux, un mandat conjoint au ministère et à la SAAQ, visant à mettre en place un réseau adapté, intégré, structuré pour la prise en charge des personnes gériatriques traumatisées. Et, je dirais, dans le cadre de ce mandat, de pouvoir faire des consultations... une consultation visant à regrouper des forces oeuvrant dans le domaine de la gériatrie. On sait que, évidemment, lorsqu'on regarde l'épidémie, je dirais, que ça va nous prendre une armée. Ça va nous prendre des intervenants. On sait que, par ailleurs, les intervenants en gériatrie sont quand même restreints. Si on parle du nombre de gériatres dans la province, il y en a un nombre très restreint. Donc...

Mais, ce qu'on voit ? et j'ai été à même de le constater en allant dans différentes régions dans la province ? c'est qu'il y a des expériences qui ont été tentées dans différentes régions. Maintenant, ces expériences-là ne sont pas généralisées, ne sont pas regroupées dans le sens d'une vision dans l'approche de la clientèle gériatrique et de valeurs pour approcher cette clientèle-là sur le plan... lorsqu'ils ont des traumatismes. Donc, cette consultation devrait viser à développer une vision et à développer les valeurs d'un système, les valeurs d'une société face à la prise en charge de cette problématique.

Le deuxième mandat serait de développer la connaissance en regard du phénomène de vieillissement en relation avec la notion de... avec la traumatologie gériatrique. Donc, il y a une insuffisance des connaissances. On ne peut pas approcher cette clientèle-là comme on approche la clientèle, je dirais, plus jeune, la clientèle jeune. Comme, au début, la clientèle traumatisée était une clientèle jeune, maintenant cette clientèle-là change, et on doit avoir une connaissance, on doit avoir une façon de prendre en charge cette clientèle-là différemment.

On doit aussi évaluer de façon quantitative mais aussi qualitative les résultats cliniques de même que les résultats du système, des coûts, de même que l'évolution au cours des prochaines années. Il faut développer un système d'évaluation. De la qualité, oui, maintenant, mais aussi du suivi de ce système.

Il faut développer un réseau de prise en charge de la population traumatisée gériatrique avec les ressources nécessaires. Oui, il y a des ressources nécessaires au développement de ce... d'un tel réseau.

Il faut développer un partenariat avec le secteur de l'assurance privée. L'assurance de la personne, c'est ce qui va... c'est le marché qui va le plus se développer au cours des prochaines années. Je crois que l'État québécois, étant responsable, étant responsable d'assurer les Québécois doit voir comment on peut collaborer avec les compagnies d'assurances pour développer l'assurance sur la personne, et ainsi développer un modèle pour... d'assurabilité, un, oui, de la personne en processus de vieillissement mais aussi de la dépendance. Développer aussi un modèle d'assurance, un modèle d'assurance de la dépendance, comme je viens de le dire, et aussi peut-être en déterminer les balises. Puisqu'il va y avoir une croissance de ce type d'assurance, essayer de déterminer où ça doit commencer, où ça doit se terminer.

Et enfin, développer un modèle d'évaluation des coûts de prise en charge et des impacts intergénérations. Je pense qu'il faut aller au-delà de... de la génération des patients âgés. Il faut voir les conséquences à long terme. Encore là, un de mes patrons disait souvent: Une personne âgée qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. Lorsqu'il y a eu un traumatisme et lorsqu'il n'y a pas eu transmission, oui, il y a une perte pour notre société. Et comment, comme... comment la société québécoise, dans un projet de société, peut intégrer et peut voir à cette transmission-là, évidemment je crois que ça... c'est un mandat qui nécessite d'être étudié. Vieillir, ça peut, ça peut être se retirer de l'apparence. Mais vieillir humainement, ce serait, je dirais, accéder à ce courage difficile qui consent au désaississement d'une vie qui s'use. Vieillir humainement, c'est d'accéder à ce qu'on appelle la sagesse et de trouver une paix intime dans cet espace intérieur où réside la vérité.

M. le ministre, ça représente un défi, la traumatologie gériatrique, mais c'est un défi qui est pas insurmontable. C'est un défi qui est, je dirais, à la hauteur de la société québécoise. C'est un défi qui est à relever. Et la clientèle gériatrique a besoin actuellement d'idées généreuses, a besoin, comme avait besoin la clientèle des traumatisés de la route, d'espoir, et la SAAQ a créé cet espoir. Eh bien, aujourd'hui je crois qu'on est à même d'aider cette clientèle-là avec des idées généreuses. Et je vous dirais qu'il y a une certaine urgence d'agir. La traumatologie gériatrique aujourd'hui, c'est mon père, et demain ce sera nous. Donc, il faut... je crois qu'il faut se relever les manches et en faire un défi de notre société. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Proulx, M. Tinawi. Alors, je donnerais la parole à M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, messieurs, pour votre témoignage. Je vous avoue que... Je m'associe à vous pour féliciter toute l'équipe de la SAAQ d'avoir contribué, avec les gens du milieu hospitalier, avec les gens de la santé, à créer ces centres de traumatologie qui sauvent énormément de vies quand on regarde les statistiques, de 52 à 18 %, c'est énorme, c'est beaucoup, c'est un pas extrêmement important.

Mais quelqu'un qui nous écoutait, je suis convaincu... il y en a qui nous écoutent puis qui vont dire: Mais comment il se fait que le docteur Proulx vient plaider pour les personnes âgées? Quel lien met-il entre les accidentés de la route et les traumatisés gériatriques? J'ai bien compris que c'était... le modèle qu'on a créé, vous voudriez qu'il soit étendu à l'ensemble du secteur de la gériatrie mais sur la même base, ou en tout cas avec un style et un système comparables. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Proulx (Pierre): Voilà. En fait, on reconnaît l'expertise à la SAAQ actuellement dans les cas catastrophiques. J'entends par catastrophique les cas qui ont perdu une intégrité physique, psychologique et même sociale. Et, quand on regarde l'évolution de la clientèle gériatrique actuellement, ça correspond à la définition de «cas catastrophique». Donc, ces cas-là ne peuvent pas avoir, je dirais, le management usuel d'une lésion, d'une fracture. Ces cas-là ont... doivent avoir une prise en charge globale si on veut avoir des résultats, si on veut avoir des succès avec cette clientèle-là.

Et la SAAQ a prouvé au cours des années que, dans cette prise en charge, le fait d'avoir développé un réseau, le fait d'avoir développé aussi un fonctionnement de réseau, eh bien, on a les meilleurs résultats. Donc, pour nous, c'est pas de refaire la roue. On dit: Bien, écoutez, servons-nous, servez-vous de cette expertise pour nous aider à prendre en charge la clientèle gériatrique. Et on pense que très vite on va pouvoir avoir des résultats de beaucoup meilleurs que ce qu'on obtient actuellement.

J'ai fait moi-même l'exercice d'aller visiter des gens dans les foyers d'accueil, des gens qui avaient été victimes... des gens qui étaient autonomes à domicile, qui ont chuté, qui ont une fracture de hanche, puis qui malheureusement se retrouvent en centre d'accueil. Donc, on voit que, lorsqu'on regarde la séquence, lorsqu'on regarde le réseau, on voit qu'il y a des problèmes à ce niveau-là. Et on voit que, si on applique la même approche proactive, la même approche anticipative qu'on a développée pour des clientèles qui avaient une atteinte très sévère, eh bien, on va obtenir des résultats, c'est sûr. Maintenant, il faut s'en donner les moyens, il faut s'en donner les moyens à travers peut-être des... à travers certainement le développement de la connaissance, un peu comme on a fait avec les traumatisés crâniens, un peu comme on a fait avec les blessés médullaires et un peu comme on a fait aussi avec les blessés orthopédiques, et à ce moment-là appliquer notre système de prise en charge et évidemment avoir les résultats.

L'avantage du système de traumatologie, je dirais, pour commencer avec la clientèle gériatrique, c'est que c'est un système qui évolue très vite, c'est-à-dire que, si vous mettez une donnée dans le système, très rapidement vous vous apercevez des résultats. Donc, on pense que, si... à l'aide peut-être de projets-pilotes, à l'aide peut-être d'expériences limitées, on pourra déjà en arriver à pondre un système qui va nous permettre d'améliorer rapidement, et aussi, bien, dans une ville comme Montréal, de désengorger les urgences liées à ces clientèles-là, de désengorger nos soins intensifs.

n(15 h 20)n

Actuellement, la problématique du vieillissement fait que les centres de traumatologie tertiaires sont en zones endémiques de vieillissement de la population, ils sont dans les zones comme Montréal, ils sont dans les zones comme Québec. Donc, on est envahi par ces cas-là. Et aussi le danger, c'est qu'à long terme on sera pas capable de traiter les gens qui sont victimes d'accidents de la route parce que nos lits de soins intensifs, tous nos soins aigus, bien, vont être occupés par cette clientèle-là. Donc, il y a urgence d'agir, il y a urgence de créer ce système, il y a urgence de démarrer ce système-là pour qu'on puisse continuer à avoir un réseau de traumatologie efficient.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire. Dans votre première partie de mémoire, on vous a entendu vanter les mérites de la SAAQ ? d'ailleurs, je suis convaincu que les gens de la SAAQ vont commander une cassette de votre... notre entretien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Ce qu'on comprend comme message... En fin de compte, je suis convaincu que votre mémoire pourrait se déposer aussi à la commission des affaires sociales, puisque c'est un mémoire accentué surtout sur... ici, par ricochet, aux services de santé donnés aux traumatisés qui atteignent un âge... et accompagné d'une traumatologie, d'un accident, qui fait en sorte qu'ils sont en perte d'autonomie d'une façon plus que... plus en perte que d'autres gens.

Le message est bien saisi. Moi, je vais transmettre votre mémoire au porte-parole de l'opposition en matière de santé, et, si on décode bien ce que vous nous dites, c'est qu'il semble présentement que la SAAQ a un excellent travail en traumatologie. Il y a un groupe auparavant... nous l'a dit également. Donc, ça limite le critique de l'opposition dans cette matière-là, en matière de traumatologie. C'est bien reçu, sauf qu'on perçoit également, on perçoit également que le message doit s'adresser au ministère de la Santé, qui doit prendre ses responsabilités là-dedans.

Donc, ce que vous nous dites, c'est qu'en espérant le système de synergie, comme vous l'avez dit, s'opère avec le ministre... qu'il fasse le message au ministre de la Santé et des Services sociaux pour faire en sorte que le ministère de la Santé prenne réellement ses responsabilités dans cette affaire et fasse en sorte justement de desservir ces gens-là, pas seulement les gens qui ont eu un accident d'automobile, mais tous les gens qui souffrent du même malaise.

Donc, je prends ça en note et, si... Je sais pas s'il y avait des suggestions concrètes à faire, parce que, si je le prends côté strictement commission des transports et de l'environnement, le message, c'est que vous faites bien ça à la SAAQ, mais le message qu'on doit faire aussi, c'est que... au ministère de la Santé: Faites autre chose, parce que présentement, c'est pas satisfaisant, ce que vous faites. C'est bien ça qu'on doit saisir comme message?

M. Proulx (Pierre): Oui. Disons que le message, c'est que plutôt on est face à un nouveau phénomène. Le but peut-être, c'est pas de critiquer le système de santé, il a déjà pas mal tous ces problèmes, mais c'est qu'on fait face à un nouveau phénomène, et il faut, il faut y faire face. Il faut le réaliser. On peut le repousser vers l'avant, en disant: Bon, bien, on n'est pas encore dedans, puis... Mais c'est sûr qu'on s'en va vers un mur. On va frapper un mur à ce niveau-là. Donc, dans ce contexte-là, je dirais, le message, c'est l'urgence d'agir et l'urgence d'agir d'une façon proactive, globale. On ne peut pas parachuter un petit peu de trucs par ici, un petit de trucs par là. Et dans ce contexte-là, c'est pour ça que l'expérience qu'a connue la SAAQ à travers le réseau... dans la mise en place du réseau de traumatologie, je dirais, est précieuse. Des fois, on a de la misère à comprendre comment ça se fait que cette expérience-là ne se généralise pas à d'autres clientèles, bon, et je pense que c'est lié au caractère institutionnel, et tout ça.

L'avantage... Un autre élément important pour utiliser, je dirais, la façon de faire, c'est que c'est au-delà des institutions, c'est au-dessus des institutions. Et, en travaillant de cette façon-là, ça nous a permis de mettre en place le système et d'évoluer beaucoup plus rapidement et d'éviter les contraintes d'un travail institutionnel pour une clientèle qui ne dépend pas d'une institution mais qui dépend d'un système. Et je dirais que c'est... c'est ça l'élément principal du succès qu'on a obtenu avec la traumatologie actuellement et c'est de ça dont a besoin la clientèle gériatrique actuellement.

Donc, je dirais qu'au ministère de la Santé c'est l'urgence d'agir. Je vous cacherai pas qu'on a déjà fait des représentations auprès... aussi auprès du ministère de la Santé, mais je crois qu'il y a, il y a une urgence d'agir, il y a une urgence aussi d'utiliser déjà la connaissance qu'il y a au... dans les... dans les organismes gouvernementaux et paragouvernementaux pour gérer cette clientèle-là. Et, quand l'aval va être donné, ça va aller rapidement et il y a... les effets vont être, je dirais, remarqués rapidement.

Mais c'est plutôt à ce niveau-là, je dirais: qu'il y a urgence d'agir, qu'il y a urgence d'utiliser cette façon de faire pour manager cette clientèle-là, et qui va déborder aussi sur les autres aspects du vieillissement. Que ce soit la clientèle qui ont des ACV, que ce soit la clientèle qui sont en perte d'autonomie pour d'autres raisons, les troubles orthopédiques, et tout ça, eux autres aussi vont prendre ces corridors-là, bien, il faut les créer. Alors, ils sont pas là actuellement.

M. Tinawi (Simon): Et, M. le député, une autre suggestion qu'on pourrait envisager, comme le disait mon confrère Pierre, c'est de penser à la capitation. Effectivement, c'est une façon de voir à ce que cette clientèle puisse bénéficier d'un certain montant d'argent suite à cet accident, qui puisse leur permettre de passer à travers toutes les phases du système et qui ne sont pas liées avec des budgets institutionnels, qui effectivement peuvent être souvent dissous ou quoi que ce soit. Alors, je pense que ça, c'est une autre suggestion en plus de l'urgence et de la création de cette synergie qu'on pourrait présenter au MSSS.

M. Brodeur: Je vous remercie. Le message est bien reçu et puis du côté de l'opposition le message va se faire, et j'espère que du côté ministériel aussi. Donc, je vous remercie beaucoup de votre intervention.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs pour votre participation.

M. Chevrette: Je voudrais parler un peu.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre?

M. Chevrette: Je suis en boutade en réponse à mon collègue de Shefford. Je suis convaincu qu'il était quasiment... ça l'agaçait de voir que vous encensiez d'une certaine façon la SAAQ. Moi, je pense qu'il est agréable de temps en temps dans notre société d'entendre parler des 98 % qui sont satisfaits et que la parole ne soit pas toujours à ceux qui critiquent. Je pense très sincèrement... La SAAQ fait un travail formidable. Il y a des lacunes au niveau du fonctionnement, c'est clair, mais, règle générale, il se fait un effort extraordinaire. Puis, quand on fait des bons coups, comme en réadaptation ou pour les traumatisés crâniens, il faut pas avoir peur de le souligner, parce que le bien est exportable aussi.

Le Président (M. Lachance): Voilà. Alors, merci pour votre participation aux travaux de cette commission. Et je suspends les travaux de la commission pour une durée de 10 minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 27)

(Reprise à 15 h 41)

Le Président (M. Lachance): La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission: tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime publique d'assurance automobile du Québec. Et nous en étions à entendre Me Marc Boulanger, à qui...

Une voix: Il n'est pas là.

Le Président (M. Lachance): Il n'est pas là? Alors, on va...

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): Ha, ha, ha! Oui. Alors, quelqu'un va aller le prévenir que nous reprenons nos travaux.

Alors, depuis le début de nos travaux, nous en sommes à la quatrième séance, et il y en aura trois autres qui sont prévues pour les 2, 16 et 17 octobre, et, avec Me Marc Boulanger, c'est la 18e personne ou groupe à se faire entendre depuis le début de nos travaux, le 11 septembre dernier.

M. Marc Boulanger

M. Boulanger (Marc): Excusez-moi. ...les cent pas dehors.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, Me Boulanger. À vous la parole pour les 20 prochaines minutes, si vous le souhaitez ? ça peut être moins, mais ça ne peut pas être plus ? et par la suite, nous entreprendrons les échanges avec les parlementaires.

M. Boulanger (Marc): Très bien, je vous remercie. Non, c'est pas à moi, ça.

Excusez-moi, j'étais dehors, je faisais les cent pas dehors.

Le Président (M. Lachance): Il y a pas de problème, Me Boulanger.

M. Boulanger (Marc): Regardez, j'ai...

Le Président (M. Lachance): Nous sommes suspendus à vos lèvres.

M. Boulanger (Marc): Ha, ha, ha! J'ai un document avec lequel j'aimerais travailler avec vous, si c'était possible. J'ai mis même une pagination pour l'annexer au mémoire que vous avez, ça va illustrer de façon plus claire, je pense, l'essentiel de mes propos. Je vais m'en garder juste une page. Madame, merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, le document va être distribué à chaque parlementaire.

M. Boulanger (Marc): Il s'intitule Autres lois. C'est un document avec lequel je vais attirer l'attention de la commission sur les comparaisons entre la Loi sur l'assurance automobile et les autres lois à caractère social, et même la loi générale, le Code civil, qui prévaut dans la province. Mais je vais y venir en temps et lieu, je voulais simplement que vous l'ayez pour l'instant.

Alors, essentiellement je vais aborder trois thèmes dans mes représentations d'aujourd'hui. Je voudrai vous parler, en premier lieu, des... ce que j'appelle des dissonances dans la Loi sur l'assurance automobile, d'une part. Deuxièmement, je vais vous parler de ce que j'appellerai les silences de la Loi sur l'assurance automobile, parce qu'il y en a. Et je vais, dans un troisième temps, vous suggérer des voies qui seraient, selon moi, opportunes et des solutions, je pense, qui s'imposent quant à cette loi-là.

Mais d'abord, donc, avant d'aborder ces trois thèmes-là, je voulais, en guise d'introduction, vous dire que... d'abord qui je suis, ça peut être important de savoir qui est son interlocuteur quelquefois, et puis aussi que je ne suis pas ici pour démolir ou déchirer la Loi sur l'assurance automobile en mille miettes. J'ai été l'un des premiers à me battre pour cette loi-là, du temps que j'étais étudiant à l'université. Je considérais que c'était une nécessité, à tort ou à raison, mais c'était mon avis, ça l'est encore.

Cependant, maintenant on a 25 ans de recul, je pense qu'on a un bon système, mais, comme tous les systèmes, c'était pas... c'était pas un système parfait dès le départ, et 25 ans de recul nous donne maintenant un éclairage important, je crois, sur les failles et puis les carences de cette loi-là et... ce dont je vais vous entretenir aujourd'hui.

Je suis... Bon, je suis un avocat. Je travaille principalement en affaires de responsabilité médicale. Je représente des victimes. Tous les jours, moi, c'est des victimes que je vois. Des victimes d'erreurs, de fautes médicales importantes et je suis pas du tout, donc, impliqué, je vous dirais, dans des affaires d'accidents d'automobiles. Je l'ai déjà été une fois et je vais vous en parler à l'instant. Mais je suis quelqu'un qui voit les effets... les effets des erreurs, et c'est des erreurs corporelles, donc il y a des dommages corporels qui sont le lot des erreurs... des victimes médicales. Et c'est là qu'il y a un parallèle avec les victimes d'accidents d'automobiles, parce que fondamentalement le lot d'une victime d'un dommage corporel est le même quelque soit l'outil dont on se sert pour causer ce dommage.

Je vous disais que je ne travaillais pas dans le domaine de l'assurance automobile, quoique dans un cas, et je suis, entre autres, ici pour ça, j'ai eu à défendre quelqu'un qui a été laissé pour compte à toutes fins pratiques par le système. Vous savez que la Loi sur l'assurance automobile interdit tout recours civil à quelqu'un qui est victime d'un accident d'automobile. Ça, c'est pas secret pour personne. Une fois qu'on a dit ça, on a remplacé les droits des gens au droit commun, donc on l'a remplacé par une indemnisation en vertu de Loi sur l'assurance automobile.

Alors, voici ce client que je représente. Il est lui-même extrêmement malade. Il a l'ataxie de Friedreich. Il ne peut pas tenir un crayon seul. Il peut pas tenir une tasse de café seul. Il a besoin de son épouse, donc, qui s'occupe de lui à peu près, je vous dirais, 24 heures par jour. Et c'est un besoin qu'il a. Cette épouse-là va faire des emplettes. Elle traverse la rue et se fait frapper par une automobile. Le monsieur, lui, il est à la maison, chez eux. Mais, madame, elle, frappée par l'automobile devient elle-même paraplégique et hospitalisée à long terme dans un hôpital. Elle est une victime au sens de la Loi sur l'assurance automobile. Elle est indemnisée pour... en tout cas, suivant les barèmes de la Loi sur l'assurance automobile. Mais lui, qui est à la maison, lui qui a besoin de soutien en personnel quotidien et horaire, je vous dirais, lui n'est pas une victime au sens où l'assurance automobile... de la Loi sur l'assurance automobile, car il n'est pas frappé par une automobile et il n'est pas dans une automobile. Pourtant, il est une victime évidente.

Alors, nous avons regardé du côté de la Loi de l'assurance automobile, et il y avait aucune indemnité possible. Nous avons aussi, donc, dit: Bien là, s'il y a pas de compensation en vertu de la loi sur l'assurance, il y a encore maintien des recours de droit civil devant les tribunaux. Nous avons intenté une action, qui a été rejetée sur irrecevabilité, qui est une procédure, je vous dirais, sommaire, là, sans entrer dans les détails, essentiellement la Cour... la Cour supérieure disant: Nous considérons que tout est dans la Loi sur l'assurance automobile et qu'il n'y a plus de recours du tout devant les tribunaux.

Alors, cet individu qui avait un recours auparavant, n'en a plus du tout et n'a plus aucune compensation. J'ai été en appel. En appel, mon appel a été rejeté. On a maintenu l'intégrité totale du régime de l'assurance automobile. C'est un monsieur sur le bien-être social, sans revenus du tout, je veux dire, j'ai pas fait ça pour l'argent.

J'ai fait une requête pour permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada. Les requêtes, c'est un mot qui est banal, mais en Cour suprême, là, c'est des volumes, là. C'est beaucoup de boulot. Normalement, la Cour accueille des requêtes ou rejette des requêtes sur dossier seulement. On reçoit un avis. Moi, ils m'ont fait venir à Ottawa, et j'ai plaidé cette requête-là en Cour suprême du Canada, et ma permission n'a pas été accueillie avec dépens... c'est-à-dire avec dissidence. En ce sens que deux juges ne me donnaient pas la permission d'en appeler et un juge me la donnait. Mais ça fait en sorte que, quand même, cet individu-là n'était ni protégé par notre droit commun ni n'avait aucune espèce d'indemnité ou compensation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile du Québec.

Ce monsieur-là est mort, maintenant. Depuis, il est mort. Et je suis... mais j'ai toujours conservé un souvenir amer de cette faille, de ce silence de la loi pour quelqu'un qui était extrêmement démuni. Alors, je suis ici surtout pour lui.

n(15 h 50)n

Quelles sont les dissonances, je vous dirais, de la loi. C'est ici que j'attire votre attention sur mon tableau. Les dissonances, c'est pas un silence comme tel, c'est pas une absence de réglementation ou de législation sur un sujet, c'est des contradictions qui sont difficiles à concilier. Alors là je vous parle pas de recours de droit commun, je vous parle exclusivement, dans ce tableau-là, dont je vais vous expliquer la teneur, des contradictions entre les lois sociales qui ont cours ici, au Québec. Alors, j'en ai identifié cinq qui sont, en haut, le Code civil du Québec, qui est la loi générale de la province; la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels; vous avez la Loi sur les accidents du travail en troisième lieu; en quatrième lieu, la Loi sur l'assurance maladie; et en dernier lieu, la Loi sur l'assurance automobile. Bon.

J'ai comparé les trois... trois thèmes dans chacune de ces lois-là. Et, par exemple, donc, vous voyez, pour le Code civil, est-ce qu'on peut avoir des indemnités pour quelqu'un qui est responsable d'une négligence grossière ou, à la limite, un criminel? Est-ce que c'est permis en vertu de notre droit commun, en matière d'assurance? La réponse, c'est non. Et vous avez les articles du Code qui s'appliquent, et la page 11 qui est indiquée là, c'est la référence à mon mémoire. Donc, la loi commune de la province est non en ce qui concerne les indemnités à des criminels ou à une négligence grossière.

De la même façon en matière de subrogation. Le régime de la subrogation, c'est essentiellement un droit d'exercice de recours au nom de quelqu'un. Votre maison brûle, votre assureur vous paie. Votre assureur a vos droits, obtient vos droits, en vous paiement... en vous payant contre le responsable de l'incendie. Alors, ça, c'est le droit de subrogation. Alors, c'est un droit qui existe, standard ? c'est ça, standard ? dans notre droit commun. Et vous avez à nouveau la référence à mon mémoire à la page 7 et les articles du Code civil qui s'appliquent. Ça, c'est de toujours, là, depuis dix-huit cent tranquille.

Est-ce que la victime a un recours? Bien sûr, c'est un régime de droit commun, bon... contre le responsable, là, de son mal. Maintenant, si on va à la deuxième colonne, avec la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, c'est là qu'on se rend compte encore qu'on a un non lorsqu'il s'agit d'indemniser quelqu'un qui fait... qui... qui... qui fait l'objet d'une négligence grossière de sa part ou évidemment qui participe à un acte criminel. La loi sociale de couverture en ces régimes-là... de ce régime-là, ici, au Québec, prévoit qu'il n'y en a pas, de couverture, en vertu de l'article 20, en page 14 de mon mémoire.

Un droit de subrogation existe. Si l'organisme gouvernemental paie, il existe un droit de subrogation en faveur de cet organisme à l'article 9 de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, et c'est en page 8 de mon mémoire. De la même façon, le recours de la victime existe pour aller chercher devant les tribunaux de droit commun les dommages additionnels qui ne lui ont pas été compensés en vertu de ce régime de compensation sociale pour atteindre 100 % de son indemnisation. Ça, c'est l'article 10.

Si on va au troisième point, la Loi sur les accidents du travail, à nouveau on voit qu'un accidenté qui participerait grossièrement à son malheur ne serait pas sujet à être compensé. Il n'est pas un assuré, en quelque sorte. En vertu de la Loi sur les accidents du travail, s'il commet une faute lourde, une faute grossière ou complètement abrutie, il n'en aura pas, en vertu de l'article 27 de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles, de compensation.

La CSST, elle est aussi subrogée dans les paiements qu'elle fait à des victimes d'accidents de travail en vertu de l'article 446. Donc, elle bénéficie d'un recours contre un tiers responsable. Et le recours de la victime existe, lui aussi, non pas contre son employeur mais contre un tiers employeur pour aller chercher 100 % de sa compensation. C'est prévu à 441.

Alors, vous voyez, ici, trois lois, dont deux sont éminemment sociales, qui prévoient chacune... il y a uniformité de pensée sur chacun des plans qui sont identifiés ici. La Loi sur l'assurance automobile, je l'ai mise... pardon, sur l'assurance maladie, je l'ai mise aussi. Évidemment, il n'y a pas d'indemnité qui sont payées aux patients, là, mais, sur la question de subrogation, il existe un droit de subrogation en vertu de la Loi sur l'assurance maladie en faveur de la Régie.

Essentiellement, je vous donne l'exemple de quelqu'un qui se casserait la figure en skis, qui est transporté à l'hôpital, et il y a pour 5 000 $ de soins de santé payés à des médecins. La Régie bénéficie de ce droit de recours pour réclamer du responsable, le centre de ski, en l'espèce, des 5 000 $ qui ont été payés aux médecins. C'est une façon usuelle, standard, dans notre droit depuis toujours, de procéder. Même dans une loi sociale ? et là c'est la troisième loi sociale et même la quatrième que l'on voit. Le recours de la victime existe aussi évidemment pour réclamer l'essentiel de son dommage.

Et là on arrive à ce que j'appelle la dissonance, là. Là, il y a une cloche qui sonne faux ici, en ce sens que nous avons la Loi sur l'assurance automobile, qui, par rapport à toutes les autres lois qu'on vient d'énumérer, détonne complètement. Elle prévoit, cette loi-là, qu'il y a des indemnités peu importe l'ampleur de la négligence ou même son caractère criminel.

Il y a des exceptions à ceci, en ce sens qu'il y a, comme dans tout contrat d'assurance, des exceptions. Si vous avez un accident de motoneige, si vous avez un accident de VTT, si vous êtes en dehors des routes et que vous avez un accident alors que vous êtes en dehors des routes, si vous participez à une course automobile, vous n'êtes pas un assuré au sens de la Loi sur l'assurance automobile. D'ailleurs ? j'en profite pour faire un aparté ? les motoneiges sont exclues, mais il y a des centaines de milliers de personnes qui, chaque année et pendant des mois, sont en motoneige sur des routes balisées. Il y a même des stops, il y a des limites de vitesse. Il y a tout ce que vous voulez. Et pourtant ces gens-là sont pas assurés. C'est une des suggestions que j'aurais à vous faire, d'analyser la question des motoneiges. Je trouve pas ça normal, dans un sport aussi structuré, quand bien même qu'il est hors route, qu'on ne prévoie pas des indemnités pour ces gens-là qui risquent d'avoir des dommages extrêmement importants. Bon.

Alors, une fois qu'on a dit ça, vous voyez que l'assurance... la Loi sur l'assurance automobile prévoit certaines exceptions pour sortir du cadre de la loi certains assurés. Il n'y a aucun droit de subrogation en faveur de la régie... de la Société de l'assurance automobile. Aucun. Sauf contre des étrangers. Le mécanisme fondamental de subrogation existe pour réclamer contre des responsables d'un accident qui seraient étrangers le montant du capital payé par la Société de l'assurance automobile, c'est-à-dire mis de côté par l'assurance automobile. Donc, le mécanisme de subrogation, il existe déjà dans la loi. C'est pas nouveau. Mais il va falloir, selon moi, l'étendre. Et enfin, évidemment un petit peu, dans mon introduction, je vous le disais, il y a aucun droit subrogatoire, non seulement subrogatoire mais il y a aucun recours de la victime, en vertu de l'article 83.57 de la loi.

Donc, si vous comparez les... toutes les cases, vous voyez que toutes les lois à caractère social de la province ont une logique, une certaine harmonie, je vous dirais, dans la pensée et dans la rédaction. Toutes, sauf la Loi sur l'assurance automobile, qui est tout aussi une loi sociale, tout aussi une loi importante, mais je... il y a... il y a impossibilité, je vous dirais, de concilier la logique de cette loi-là avec les autres.

Je... Une autre cause que j'ai eue à faire il y a quelques années, à débattre, c'était l'histoire d'un monsieur qui avait pris un «payloader», un immense véhicule jaune avec un «bucket» en avant, là, puis il était rentré dans un centre d'achats. Il avait défoncé. Il était... il était enragé contre je sais pas qui ? je m'en rappelle plus, ça fait trop longtemps, là ? mais il était très mécontent puis il avait décidé qu'il se vengeait comme ça, et il a blessé des gens puis il a évidemment causé des dommages matériels extrêmement importants. Avec notre Loi sur l'assurance automobile, cet individu-là, s'il se blessait, il serait payé. C'est pas normal. Je pense que cet individu-là n'est pas une victime, n'est pas... n'entre pas dans la définition de victime en vertu de la loi.

Le caporal qui est rentré ici il y a quelques années, il s'est servi d'une carabine pour tenter d'assassiner plein de monde. Il a manqué en bonne partie son coup, là, mais il y a des ministres puis le premier ministre qui auraient pu y passer. Il a pris une carabine comme arme cette fois-là, mais, s'il avait eu l'intelligence de prendre un véhicule automobile, il serait indemnisé. C'est pas normal. Le véhicule que l'on utilise, le moyen que l'on utilise pour commettre un acte criminel ne devrait pas permettre à quelqu'un d'être indemnisé ou de pas être indemnisé, d'être à l'abri de poursuites ou de pas être à l'abri de poursuites.

n(16 heures)n

Alors, quand on fait face à un criminel, il devrait pas y avoir de couverture. C'est mon point additionnel. Et vous m'excuserez de la comparaison, mais j'ai pas pu faire autrement que d'y penser. On vient de voir des avions rentrer dans deux édifices, là. Si on avait un édifice ici puis, au lieu de prendre un avion, on prend un véhicule automobile et que la personne qui met la bombe là-dedans se blesse, elle va être indemnisée en vertu de la Loi sur l'assurance automobile. Ce n'est pas normal. Alors, il faut qu'on intègre dans cette loi-là la notion de criminalité, je vous dirais.

Bon, ceci m'amène à mon deuxième point, et je vois que j'ai deux minutes: les silences de la loi. Bien, la notion de victime, on doit l'étirer, on doit l'agrandir, d'une part, pour couvrir les gens comme M. Tordion dont je vous ai parlé tantôt. On doit aussi couvrir les chocs post-traumatiques, parce que la façon dont quelqu'un est blessé, si on a un chauffard qui va heurter une petite fille de 3 ans sur le bord du trottoir, ça crée des chocs post-traumatiques. C'est reconnu en psychologie qu'il y a un dommage très particulier sur la façon de subir un dommage. Il n'y a aucune indemnisation pour les chocs post-traumatiques en vertu de la Loi sur l'assurance automobile.

Mes suggestions sont les suivantes. Il faut harmoniser les lois. Il faut prévoir un droit de subrogation en faveur de la Société de l'assurance automobile. Il faut enlever de la notion d'assuré le criminel déclaré tel par une cour de justice. Une fois qu'une cour de justice a déclaré qu'un individu est un criminel, bien là, t'es pas couvert par la loi. Quelqu'un, par exemple, aussi qui courrait à 300 km à l'heure en motoneige ou en motocyclette, je veux dire, il court après son mal. On ne devrait pas indemniser quelqu'un comme ça. On devrait aussi permettre un recours pour l'excédent des dommages parce que les victimes sont pas entièrement compensées.

Deuxièmement, je pense, les motoneiges, j'en ai glissé un mot. Le choc post-traumatique, j'en ai glissé un mot. On doit agrandir le cercle de la couverture. On devrait aussi, à mon sens, autoriser... là, c'est un petit peu complexe, j'aurai pas le temps, mais, essentiellement, la Société paie des rentes aux victimes plutôt qu'un capital. On devrait mettre ce capital-là, je sais pas, à Canada Life puis demander à Canada Life: Vous payez combien, vous, de rentes avec 100 000 $ de capital? Puis la Société de l'assurance automobile, vous payez combien, vous, avec 100 000 $ de capital? Si Canada Life l'emporte, c'est Canada Life qui devrait payer une rente. Il y a aucune raison que la victime touche moins parce qu'il y a un monopole étatique là-dessus.

Et ça, c'est quelque chose de nouveau que je vais vous dire maintenant. Je pense que personne l'a suggéré ici à date. Et ce serait une porte de sortie élégante, je crois, pour le gouvernement ou quiconque, là, qui désirerait apporter une modification ici au régime. Je pense...

Le Président (M. Lachance): ...Me Boulanger.

M. Boulanger (Marc): C'est ce que je fais. Je pense que la Société de l'assurance automobile devrait avoir un pouvoir discrétionnaire, une fois que j'ai dit, là: Telle victime a pas le droit, telle personne a pas le droit à une compensation, etc., devrait avoir donc un pouvoir, un pouvoir discrétionnaire de néanmoins payer certaines victimes si on voit que la loi, dans son application, a des résultats incongrus ou dommageables.

En conclusion là-dessus, je vous dirais que, par exemple, si le fait de ne pas payer quelqu'un qui est victime d'un accident automobile parce que, franchement, c'est un criminel en espèce, met sa famille dans le trouble économique, peut-être que sa famille devrait rentrer dans la définition de victime.

Alors, ma conclusion générale, c'est qu'on a une bonne loi, mais il y a des symboles importants qui ne sont pas touchés et qui sont la criminalité, je vous dirais, et qu'on doit absolument traiter dans la loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Me Boulanger...

M. Boulanger (Marc): Oui.

M. Chevrette: Je dois m'excuser, je dois quitter. C'est mon collègue qui va procéder au questionnement. J'ai une réunion d'urgence à 16 heures.

M. Boulanger (Marc): Vous êtes tout excusé, M. Chevrette, en autant que vous m'ayez écouté quand je parlais.

M. Chevrette: Je vous ai écouté, oui, je me rappelle. J'ai lu aussi.

M. Boulanger (Marc): Très bien, je vous remercie.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): Très bien. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci. Bonjour à Me Boulanger.

M. Boulanger (Marc): Bonjour.

M. Payne: Vous êtes avocat.

M. Boulanger (Marc): Oui.

M. Payne: J'ai lu attentivement votre mémoire. Quelques petits détails. Vous parlez de la situation en Colombie-Britannique, une province qui était persuadée que le système québécois était à rejeter. Et vous faites référence à une étude faite par M. Lippert dans la Canadian Lawyer, la revue. D'ailleurs, c'est quelque chose qui date depuis 1997, vous faites référence dans votre mémoire. Mais, quand je fais référence à son étude, il fait référence à un rapport de quelqu'un qui s'appelle Devlin, de 1992. Depuis ce moment-là, il y avait beaucoup d'eau qui a coulé sous le pont, comme on dit, notamment une énorme réduction en fatalité suivant le programme de dissuasion ou persuasion, dépendant de votre perspective, de la SAAQ à l'égard de la sécurité routière. Je me demande pourquoi dans une étude que vous voulez être crédible, vous n'avez pas fait référence à d'autres études subséquentes qui font référence au fait que c'est très difficile d'établir une corrélation entre un «no fault» et le risque, et la question de criminalité.

Je fais référence, par exemple, d'ailleurs ? et je retourne en Colombie-Britannique parce que c'était le gouvernement... Et la ICBC, Insurance Corporation of British Columbia, a demandé, en novembre 1996, un avis justement ? et je vous donne la référence, c'est Glick et Berkowitz 1997... sont arrivés à la conclusion que les analyses portant sur le «no fault» n'étaient pas statistiquement concluantes.

Il y avait une autre étude aussi que, sûrement, ça pourrait vous intéresser, c'est Joly et Bergeron, 1998, la référence. Ils abondent dans le même sens, et je les cite: «Il paraît difficile de quantifier l'ampleur de l'effet d'un régime d'assurance sans égard à la responsabilité sur le risque d'accident.» Fin de la citation.

M. Boulanger (Marc): Voulez-vous que je commente là-dessus immédiatement ou tantôt?

M. Payne: Je vais juste indiquer pour l'intérêt de nos électeurs aussi que les chiffres qui sont assez éloquents de la SAAQ, dans les dernières quelques années, la proportion de conducteurs avec une alcoolémie de plus que 0,08 sur la route, la nuit, est passée de 5,9 en 1981 à 2,0 en 2000, et la proportion de conducteurs décédés avec une alcoolémie plus que 0,08 est passée de plus que 50 % au début des années quatre-vingt à 25 % en l'an 2000. Voulez-vous...

M. Boulanger (Marc): Commenter là-dessus? Oui. Bon. Alors, d'abord sur les études de l'Institut Fraser en Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique, comme vous le soumettez à juste titre, a étudié la possibilité de mettre en place un système d'assurance automobile dans cette province et est arrivée à la conclusion que ce n'était pas bon pour le motif... Évidemment, ils ont utilisé ce qui s'est passé au Québec. Puis, à l'époque, c'était pas quelque chose qui était suffisamment positif, je vous dirais, pour mettre en place un régime d'une telle ampleur dans une province comme celle de la Colombie-Britannique. Mais un des points importants qui étaient soulignés, ceci revient dans plusieurs études, même des études postérieures jusqu'en 1998, c'est que le fait d'enlever le sentiment de responsabilité à quelqu'un enlève une certaine forme de protection pour les autres. On crée ce qu'ils appellent dans cet article-là un «moral hazard». On peut aller à l'excès sans jamais subir de conséquences personnelles de cet excès.

Je vous disais tantôt que je travaille dans le domaine des responsabilités médicales... Vous êtes sans doute au courant qu'il revient occasionnellement sur le tapis la question de mettre en place un système «no-fault» en matière d'assurances médicales. Il y a deux études très importantes qui ont été faites en 1990 et en 1998 sur l'opportunité de mettre en place un système «no-fault». La réponse du doyen de l'Université... de droit de l'Université de Toronto en 1990 et la réponse du juge en chef de la Cour d'appel d'Ontario, à la retraite à ce moment-là, dans les deux cas, à 10 ans d'intervalle, ça a été de dire: Si on met en place un régime «no-fault» pour les médecins, c'est nocif en ce sens qu'il faut qu'il y ait, pour une meilleure médecine, une espèce de sentiment de quelque chose en arrière de toi, là si tu te plantes, si tu es vraiment incompétent, si tu es pas bon, si tu es négligent, tu va payer pour. Il y a... Les deux études ? et elles sont en annexe de mon mémoire ? soulignent qu'il y a une meilleure médecine du fait de cette pression.

n(16 h 10)n

Alors, pour répondre à votre point là-dessus, je vous dirais qu'il y a un certain «moral hazard». Mais ma deuxième réponse et surtout ma réponse fondamentale à votre point, c'est de dire: Écoutez, je vous soumets ces autorités-là dans d'autres provinces pour vous indiquer, non pas que je pense qu'il faut qu'on tire aux vidanges notre régime d'assurance automobile, c'est pas ça que je dis. Je m'en tiens, moi, aux 18 000 personnes condamnées comme étant des criminels de la route ou autres formes. Ça, ça peut être la boisson, mais ça peut être d'autre chose, là. Ça peut être le monsieur qui en a assez de sa femme puis qui rentre dans le garage ou qui rentre dans la rue, puis qui utilise son véhicule, puis qui la frappe. Si lui-même se frappe avec ou se blesse dans le véhicule, pas d'assurance. C'est ces gens-là que je vise, là.

M. Payne: Moi, j'ai ici un rapport de l'Institut canadien d'information sur la santé publique. Le tableau indique le pourcentage d'hospitalisation suite à des traumatismes aux accidents automobiles survenus dans chaque province pour la période 1998-1999, donc les dernières études. Et le Québec? À peu près la même chose que l'Ontario, 13, 15. Ontario a 13, Manitoba, 13, Québec, 15.

M. Boulanger (Marc): Quinze quoi, excusez-moi?

M. Payne: Pour cent.

M. Boulanger (Marc): 15 % de traumatismes causés par les...

M. Payne: Pourcentage d'hospitalisation suite à des traumatismes.

M. Boulanger (Marc): ...hospitalisation... D'accord.

M. Payne: Colombie-Britannique que vous citez en exemple, combien? 17 %. Bien, ça défait un peu votre argument.

M. Boulanger (Marc): Je vois pas en quoi. Si vous avez...

M. Payne: Bien, je dis que nous... que nous avons ici...

M. Boulanger (Marc): Regardez...

M. Payne: ...un «no fault»...

M. Boulanger (Marc): ...ce qu'il faut que je sache moi, là, c'est combien des 15 % que l'on a ici est causé par des gens qui sont des criminels du volant? C'est ça que je veux savoir. Et, s'il y a des traumatismes corporels causés par ces gens-là, un, ces gens-là ne devraient pas être couverts et, deux, il faudrait trouver un moyen d'éliminer. Si on peut passer de 15 % à, je ne sais pas, moi, 12 %, tant mieux. Et puis, si la Colombie-Britannique, je sais pas, est capable de réduire ses pourcentages de 5 %... je le sais pas. Quel est le pourcentage dans votre 17 % en Colombie-Britannique qui est causé par des gens qui sont criminels du volant par opposition à des gens qui conduisent trop vite? Combien sont causés par des gens qui portent pas leur ceinture?

M. Payne: De toute manière...

M. Boulanger (Marc): On sait pas, là.

M. Payne: ...je ne ferai pas référence à M. Lippert comme expert parce que, lui, il dit, dans un autre ordre d'idées, que le Québec a augmenté ses primes depuis ? je le cite sur la page 13 de son article ? le «Québec, up 35 %. It's worth noting that the provinces with pure no-fault have witnessed the largest premium increases since 1993.» Bien, le ministre a affirmé à plusieurs reprises que les primes ne sont pas augmentées depuis combien d'années maintenant? Depuis sept, huit ans? Bon, alors, il n'a pas beaucoup de crédibilité. Mais il y a une autre chose, quand vous dites qu'il n'y a aucune assurance pour les gestes criminels, le ministre a reçu une demande des assureurs privés de s'assurer... une demande de modification à la loi pour interdire aux assureurs privés d'indemniser les criminels de la route. Il y a déjà des indemnisations qui sont faites par le privé, savez-vous ça?

M. Boulanger (Marc): Pour les gens qui sont des criminels?

M. Payne: Oui.

M. Boulanger (Marc): Pour les blessures qui se causent. Autrement dit, moi, je vais aller dérober une banque, je vais être capable de me trouver de l'assurance en disant: Regarde, si je m'envoie un coup de fusil dans le pied, je vais avoir de l'assurance pour mon invalidité? Non.

M. Payne: C'est ça.

M. Boulanger (Marc): Je suis absolument ignorant de ça.

M. Payne: Il y a trois jugements de la Cour d'appel. Je vous donne les références ici, le 22 février 2000: c'était General Accident versus le Groupe Commerce. Et, là-dedans, les assureurs privés ne refusent plus de rembourser les dommages pour cause de boisson. Pourquoi? Même si le contrat d'assurance stipule que la personne doit être apte et autorisée pour conduire un véhicule, les jugements ont établi que le fait pour une personne d'être en état d'ébriété ne démontrait pas qu'elle était pas apte à conduire. Et vous, comme avocat, vous devriez composer avec ces jugements-là. C'est ça, ma question: Comment vous pouvez le faire?

M. Boulanger (Marc): ...regardez, je sais pas si vous avez... j'ai bien exprimé mon point. Moi, je parle des gens qui ont été condamnés par des... à titre de criminels par une Cour de justice, c'est pas rien, là. Être prononcé criminel, c'est autre chose que quelqu'un qui est peut-être apte à conduire, là. Je vous parle de quelqu'un qui utilise son véhicule comme une arme. C'est de ceux-là que je parle. Je vous parle des gens qui sont tellement fautifs, tellement lourdement, grossièrement fautifs, qui conduisent à des .25 puis .27, là. Je parle pas des gens sur le bord, on a tous un malaise avec les gens qui sont juste sur le bord. Je vous parle de ces gens-là que les cours ont estimé avoir une conduite contraire au Code criminel et les ont condamnés en conséquence. Ce sont ces gens-là, monsieur, qui ne devraient pas faire l'objet d'une couverture d'assurance, qui ne sont pas un assuré au sens de la Loi sur l'assurance automobile. Ce n'est pas vrai que la société considère que ces gens-là, ce sont des assurés comme n'importe qui. On couvre pas les gens qui font de la motoneige, on va couvrir ces gens-là? Ça a pas de bon sens.

Alors, ce n'est... Je répète, ce sont les gens qui ont une conduite déréglée téméraire telle qu'ils sont rendus du bord de la criminalité. Ces gens-là, la loi devrait faire... devrait tirer une ligne. Si la ligne... Je vous dis... je vous parle d'un malaise. Si le malaise, c'est de dire: Regarde, on a beau faire des gros posters, les gens sont des criminels, criminels du volant, tu sais, la boisson, là, on n'endure pas ça puis c'est criminel, bon, si on est fondamentalement quand même mal à l'aise avec l'idée de dire: C'est peut-être une erreur de jeunesse, c'est peut-être un party un petit peu trop arrosé, c'est peut-être... Bon. Si on dit: 0,08, si on est inconfortable, dans le fond, avec le 0,08, bien, qu'on mette la barre à 0,15, je le sais pas, mais une fois qu'on a établi la barre, il faut qu'on soit conséquent avec le reste.

M. Payne: Mais vous parlez de quelqu'un...

M. Boulanger (Marc): Pardon?

M. Payne: ...qui devrait pas recevoir une indemnisation après qu'il est jugé coupable, criminel, bon.

M. Boulanger (Marc): Oui.

M. Payne: Qu'est-ce que vous faites d'ici... entre l'accident, par exemple, et la condamnation, avec la présomption qu'il est innocent?

M. Boulanger (Marc): Ça. c'est un excellent point.

M. Payne: Vous donnez aucune indemnisation sur aucune circonstance.

M. Boulanger (Marc): C'est un excellent point puis peut-être que ça pourrait faire l'objet d'une autre commission parlementaire pour savoir qu'est-ce qu'on fait entre-temps.

M. Payne: Bien non, mais c'est le coeur même du débat.

M. Boulanger (Marc): Par exemple, l'idée qui me vient à l'esprit, là ? Me Jobin, avocat de mon bureau, qui est venu prêter main forte en cas que je sois contre-interrogé trop fort, Ha, ha, ha! ? je pensais au droit matrimonial. Évidemment, est-ce qu'on pourrait suspendre le paiement de pension alimentaire tout le temps que durerait un litige de divorce en attendant que le divorce ait lieu? La loi a aménagé des situations qu'on appelle «interlocutoires». Bon.

Vous soulignez à juste propos, je pense, de dire: Bon, quelqu'un qui est accusé, il est pas encore condamné tant qu'il est juste accusé. Qu'est-ce qu'on fait en attendant?

M. Payne: Combien de temps?

M. Boulanger (Marc): Je le sais pas, mais je suis bien prêt à réfléchir sur le sujet avec vous puis trouver des solutions là-dessus.

M. Payne: Prenons un cas qui est pas anormal: Quelqu'un qui conduit son véhicule. Il est juste au-dessus... au haut de la limite. Et il frappe quelqu'un qui se trouve malheureusement en plein milieu de la route. Il traverse un chemin où il n'a pas droit, le piéton. Le degré de culpabilité peut varier dans ce cas-là par rapport à quelqu'un d'autre qui est saoul mort, disons, et qui frappe quelqu'un sur une traversée. Cette personne-là, selon votre argumentation, ne recevrait aucune indemnité.

M. Boulanger (Marc): Laquelle? Le piéton ou le conducteur?

M. Payne: Le premier cas.

M. Boulanger (Marc): Dans votre premier cas, vous me parliez...

M. Payne: En attendant, hein...

M. Boulanger (Marc): Le conducteur.

M. Payne: ...en attendant son jugement. C'est vrai?

M. Boulanger (Marc): C'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit: Sur la période interlocutoire, voyons voir...

M. Payne: Vous voulez pas...

M. Boulanger (Marc): ...comment aménager les solutions.

M. Payne: Non. Je reviens à ma première question que je n'ai pas de réponse tout à l'heure, à savoir si quelqu'un... si vous jugez que c'est juste que quelqu'un ne recevrait pas d'indemnité en attendant un jugement final, quelque chose qui peut prendre des années, hein? Et je vous donne un exemple où quelqu'un, par exemple, qui est juste au-dessus de la limite se trouve dans un accident. Il frappe quelqu'un qui traversait une rue.

M. Boulanger (Marc): Oui, oui, vous mettez le huit point...

M. Payne: Vous, vous le mettez dans une situation où...

M. Boulanger (Marc): Quelqu'un qui a 0,082.

M. Payne: ...il n'aurait aucune indemnité, aucune, hein?

M. Boulanger (Marc): Je vous dirais que c'est le choix du législateur. Si le législateur dit: Tant qu'il n'est qu'accusé et pas encore condamné, on paie, ça sera le choix du législateur. Si c'est le choix du législateur de dire: Écoutez, il y a une accusation grave de conduite criminelle... puis je suis pas sûr que le Procureur général va prendre des accusations puis des plaintes criminelles contre quelqu'un qui est à 0,082, là. Il va peut-être le faire à quelqu'un qui est à zéro virgule... beaucoup plus que ça, là, moi.

Parlons plutôt de celui qui est carrément, là, vraiment, là, hors normes. Lui, est-ce qu'on va le payer pendant la période interlocutoire, cet individu-là? Est-ce que le monsieur dont je vous parlais qui a assassiné sa femme, là, avec son véhicule automobile et qui s'est blessé à l'oeil avec un éclat de verre, lui, est-ce qu'on va le payer en attendant qu'il soit déclaré officiellement criminel? Je le sais pas. Ce sera un débat à faire.

M. Payne: Mais c'est pas le législateur qui est l'instance qui va arbitrer une question comme ça.

M. Boulanger (Marc): Bien, je le sais pas. Qui d'autre? C'est certainement pas les Américains, hein.

M. Payne: Et, si c'est la SAAQ, je vous demanderais selon quel encadrement administratif ou quasi judiciaire...

M. Boulanger (Marc): Non, non. Ça, c'est statutaire. Ça peut pas être réglementaire. Là, c'est la loi qui va dire...

M. Payne: Mais on parle de jugement.

M. Boulanger (Marc): Hein?

M. Payne: Vous parlez de jugement pour quelqu'un. Si vous donnez pas d'indemnisation, c'est déjà un jugement administratif important.

n(16 h 20)n

M. Boulanger (Marc): C'est une décision qui est prise par la Société de l'assurance automobile mais en vertu d'un cadre légal qui a été établi par la législature.

M. Payne: Le niveau de culpabilité...

M. Boulanger (Marc): En ce moment, il y a rien, là.

M. Payne: Le niveau de culpabilité...

M. Boulanger (Marc): Hein!

M. Payne: Le niveau de culpabilité?

M. Boulanger (Marc): Non, non. Regardez, là, si la loi dit... Il faut aménager quelque chose dans la loi pour les cas de criminalité, d'accord? La loi va dire... dirait de deux choses l'une: ou bien elle dit quand quelqu'un est déclaré coupable au criminel, de conduite criminelle, à ce moment-là et seulement à ce moment-là, elle n'a plus droit à des indemnités ? elle peut dire ça, la loi, et la SAAQ ne paiera pas, c'est en vertu de ce cadre-là que la loi... que la SAAQ va agir ? ou bien la loi pourrait dire: Dès l'instant où quelqu'un est accusé de conduite criminelle, tout droit d'indemnité cesse jusqu'à ce que jugement soit rendu. S'il est déclaré criminel, il n'a pas de droits. S'il n'est pas déclaré... s'il est acquitté, son droit à la compensation revient et la SAAQ paiera. Ces dispositions légales A ou B, dont je viens de parler, c'est la législature qui va les adopter puis la SAAQ va devoir suivre. Mais ce n'est pas parce qu'on a des difficultés législatives ou même morales qu'il faut s'abstenir de légiférer puis laisser un trou ou plusieurs trous que j'ai identifiés tantôt, là. C'est... Il y va, je pense, de la crédibilité du régime.

Il y a... il y a des... l'immense majorité, je pense que c'est en haut de 85 % de la population qui dit: Changez quelque chose, là, ça n'a pas de bons sens, il y a un illogisme. Il y a plusieurs illogismes. Pourquoi, si on laisse les choses comme celles-là... Et c'est un courant, là, permanent d'attitudes, là, et de perceptions de la société qu'il faut changer les choses et les améliorer. Et, si on fait rien, bien, je pense qu'il y va de la crédibilité du régime.

M. Payne: En toute modestie, j'ai peur que votre proposition aurait davantage l'allure d'une présomption de culpabilité de la part de la société administrative que ça soit la SAAQ ou autres, dans le sens qu'il y aurait aucune indemnité avant...

M. Boulanger (Marc): J'ai... Écoutez, je viens de dire... C'est pas ça, ma réponse. Je viens de dire que la législature va devoir, à mon avis, prendre position là-dessus. Est-ce qu'elle va dire: Le simple fait d'être accusé, c'est une présomption tellement grave qu'il y a pas d'indemnisation? Peut-être. Mais vous savez, le régime des présomptions, c'est rien de nouveau dans le Code. Ça, c'est le Code civil. Il y en a plein de présomptions là-dedans. Il y en a plein: des renversements de fardeau de preuve; la présomption, par exemple, où on a un enfant qui cause un dommage, bon, bien, les parents sont automatiquement responsables par présomption des fautes de leurs enfants. Les employeurs sont responsables des fautes de leurs employés, c'est une présomption. C'est un régime tout... habituel.

Maintenant, comment est-ce qu'on l'intègre dans le cas actuel? C'est à... C'est à... C'est l'objet d'une réflexion. Mais il ne faut pas s'arrêter maintenant. Il faut pas, avec 25 ans de recul, faire autrement que de se fermer les yeux puis dire que tout est parfait. C'est pas vrai. C'est pas vrai. C'est pas parfait.

Le Président (M. Lachance): ...

M. Boulanger (Marc): Mais, moi, je réponds aux questions...

Le Président (M. Lachance): Oui...

M. Boulanger (Marc): ...M. le Président.

Le Président (M. Lachance): ...exact. Alors, ceci complète le temps imparti du côté ministériel. M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition. Oui...

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire.

M. Boulanger (Marc): Merci.

M. Brodeur: Nous avons pris bonne note et nous avons noté que votre mémoire rejoint beaucoup de mémoires qui nous ont été présentés à date. D'ailleurs, je pense que, lorsque vous allez dans le sens qu'on devrait ouvrir une poursuite possible contre les criminels au volant ou plutôt un non-dédommagement de ces criminels-là, vous allez dans le sens de plusieurs groupes qu'on a entendus et de plusieurs avocats. Et on sait qu'il y en a d'autres qui vont venir dans le futur et qui diront sensiblement le même message que vous.

Il y a une seule note discordante dans le monde juridique. Il y a Me Tétrault de l'Université de Sherbrooke qui est venu nous dire, la semaine dernière ou la semaine d'avant...

M. Boulanger (Marc): Oui.

M. Brodeur: ...qu'il fallait voir, autant que possible, la mesure dissuasive pour dissuader en fin de compte les gens qui sont alcooliques, qui ont l'habitude de conduire en état d'ébriété. Cette mesure-là ne serait pas dissuasive et n'empêcherait absolument rien, donc ne réglerait aucun problème.

M. Boulanger (Marc): Oui. Je crois qu'il a raison.

M. Brodeur: Et quelle réponse que vous donnez à cette argumentation?

M. Boulanger (Marc): Je crois qu'il a raison. Il y a des gens qui seront des irréductibles, hein, peu importe ce qu'on fait. Ça veut pas dire qu'il faut s'empêcher de faire des choses parce qu'on confesse d'avance qu'on aura pas de succès.

Vous avez, en annexe à mon mémoire, les propos que la régie... que la Société de l'assurance automobile tient elle-même. C'est un document qui date de 1995. C'est quand même pas très, très vieux, là, qui est... Mais là, c'est dur, c'est pas paginé, mais je vais vous lire... Essentiellement, ça rejoint votre propos là-dessus: «Déterminant de la conduite avec facultés affaiblies. Les résultats des groupes de discussion et sondages que la Société a effectués au cours des dernières années demeurent probants, notamment la sous-estimation des conséquences par les conducteurs conduisant avec les facultés affaiblies. Il appert qu'on est aux prises avec une clientèle fortement récalcitrante ? l'expression "irréductible" est adéquate ? qui réagira surtout à des mesures législatives et à la surveillance policière.»

Ça, ça veut dire: Quand on augmente les prix des infractions parce qu'on va trop vite, puis qu'il y a plus de police, ça, ça marche. Bien, vous savez, on peut rejoindre certainement ces gens-là en disant: Écoutez, si les influences d'augmentation des infractions... du coût des infractions, ça a de l'influence sur la conduite en état d'ébriété, bien, bon sens, du même souffle on peut pas dire que ça encourage pas les gens de les payer si jamais ils conduisent en état d'ébriété et qu'ils se blessent. C'est la même logique qui se suit, là. Autrement, on dirait: Bien, on mettra même plus d'infractions sur les billets de vitesse. On va réduire... Réduisons donc les... Est-ce que ce serait un non-sens, ça, de dire: On va réduire les billets d'infraction pour quand on conduit en état d'ébriété? Ce serait d'une aberration, je pense, là, qui... Tu sais, ça défie l'entendement de faire ça. Bien, c'est un peu ça qu'on fait d'une certaine façon en disant: Bien, si vous vous blessez, par exemple... Si vous avez un accident, puis vous vous blessez, puis vous vous arrachez le bras, tu sais, on va vous indemniser. Le caporal, là, qui a tué quatre jeunes de 18 ans, lui, il s'est crevé un oeil. Bien, on le paye. Zéro sens commun. Puis zéro encouragement à faire autre chose. Puis il faut... Il faut qu'on fasse autre chose.

Toujours dans le même document de la Direction des communications de la Société de l'assurance automobile du Québec, Impacts socioéconomiques de la conduite avec facultés affaiblies, bon, on nous donne différentes statistiques, là, sur les victimes: les décès causés par la conduite en état d'ébriété, c'était 977; les blessures graves, 6 708; les blessures légères, 43 897. Quand bien même qu'on ferait... qu'on adopterait une mesure législative qui changerait 1 % de ça, ça serait déjà quelque chose d'acquis. Puis je pense pas qu'on puisse passer à côté de le faire.

Le texte continue, et je complète là-dessus: «Pour simplifier, à des fins de communication, je suggère qu'on indique que l'alcool au volant est responsable d'environ 450 décès, 1 800 blessés graves et 6 500 blessés légers, pour un coût annuel en indemnisations de près de 200 millions de dollars.» Alors, mettez juste un petit pourcentage là-dessus puis ça va vous indiquer en plus la valeur économique d'une mesure qui réduirait un tant soit peu cette conduite dangereuse avec facultés affaiblies. Je parle même... Là, c'est... En plus de ça, il y a les criminels de la route, là, les autres types de criminalité de la route.

Alors, comment rejoindre ces gens-là? Bien, je vous dirais, un premier incitatif, c'est de dire: Bien, on les payera pas s'ils se blessent. Maintenant, si, en faisant ça ? et je rejoins mon exposé de tantôt, un peu ? si, en faisant cela, on se met à mettre la famille de cet individu-là dans une situation telle qu'elle devient indigente et puis... Je veux dire, ça a un impact sur bien du monde, ça. C'est là que je disais que la Société de l'assurance automobile pourrait avoir un pouvoir discrétionnaire de dire: Écoutez, le responsable, le criminel, lui, là, il n'est pas un assuré en vertu de la loi. Zéro cenne. Mais son petit bonhomme qui va à l'école puis qui a besoin de son berlingot de lait, là, puis qui a besoin du 5 $ de différence que donne la prestation de l'assurance automobile, la famille va avoir de l'argent. Parce que la famille peut être interprétée comme étant une victime, elle aussi. Par ricochet, mais victime. Alors, on va chercher une législation qui touche le responsable sans... tout en ayant, je vous dirais, un pouvoir discrétionnaire de la Société de l'assurance automobile pour couvrir les cas où le résultat serait aberrant.

Alors donc, je pense que, oui, on va pouvoir rejoindre ces gens-là. Quand bien même qu'il a un permis de conduire et, s'il n'en a pas, de permis, il va aller voler l'auto du voisin... On le sait tous.

M. Brodeur: Moi, je peux vous dire, j'ai un petit peu de difficultés avec le pouvoir discrétionnaire donné à des fonctionnaires...

M. Boulanger (Marc): Moi aussi, moi aussi. Mais tant qu'à rien faire... Ha, ha, ha!

M. Brodeur: J'ai beaucoup de difficultés parce que ça peut être motivé par un tas de choses: par un déficit de la Société, des surplus ou autres faits extérieurs. Donc, il y a des directives qui sont données, là ? sans vouloir insulter les gens de la SAAQ qui sont là. Sauf que les directives ou des tendances peuvent être données qui font en sorte que ça va vicier les pouvoirs discrétionnaires qui... Des décisions peuvent être prises considérant toutes autres choses que le cas particulier. Ça, c'est mon commentaire sur le pouvoir discrétionnaire.

M. Boulanger (Marc): Oui. Non, non, je suis... Je peux juste être d'accord avec vous. Mais ce serait un pouvoir discrétionnaire à exercer exceptionnellement. Tu sais, par définition. Si la règle est différente, c'est: Il n'y a pas de paiement, sauf si.

n(16 h 30)n

M. Brodeur: Pourrait-on imaginer, comme au Code criminel, on a des meurtres aux premier, deuxième, troisième degrés, etc., est-ce qu'on pourrait imaginer aussi, par exemple, qu'il y aurait des gens qui, suite à avoir pris de l'alcool, ont un accident, puis ils se font déclarer criminels, puis il y aurait un criminel de premier degré, à sa deuxième récidive, puis un autre à un autre degré qui serait différent tout dépendant de la peine? Et, à ce moment-là, on pourrait peut-être suspendre le paiement de celui qui est accusé au premier degré d'une grossière négligence et l'autre pourrait être payé. Est-ce qu'on pourrait grader de cette façon-là sans laisser de pouvoir discrétionnaire, par exemple, à un fonctionnaire?

M. Boulanger (Marc): Bien, peut-être, peut-être que l'individu de mon âge qui se retrouve avec un véhicule entre les mains, alors qu'il est à point... un nombre incroyable...

M. Brodeur: On l'a fait ce matin. On... J'ai donné l'exemple de quelqu'un qui est arrêté pour la vingtième fois en état d'ébriété, qui a déjà eu plusieurs accidents, qui est reconnu comme un alcoolique d'habitude, et l'autre qui sort d'un party de bureau, puis c'est la première fois qu'il prend trois verres de vin... à prendre le volant, puis il se fait arrêté ou il a un accident. Donc...

M. Boulanger (Marc): C'est sûr qu'il y a une différence dans la moralité de l'un et de l'autre. C'est certain.

M. Brodeur: C'est difficile à grader de façon législative.

M. Boulanger (Marc): Oui. Je suis d'accord avec vous, mais il faut pas s'empêcher de légiférer parce que c'est difficile.

M. Brodeur: Justement, c'est parce que je suis mal à l'aise de légiférer en donnant un pouvoir discrétionnaire à quelqu'un.

M. Boulanger (Marc): Alors, trouvons une autre façon.

M. Brodeur: Bon, donc, il faudrait peut-être modifier...

M. Boulanger (Marc): On peut réglementer, on pourrait dire, vous suggérer... Bon. Est-ce qu'on pourrait mettre une certaine gradation puis, automatiquement, on va rentrer dans le couloir, dans ces couloirs-là que la Législature et le pouvoir réglementaire adoptés par l'exécutif sur cette loi-là adopteraient? Très bien. C'est peut-être la meilleure solution, mais il faut en débattre puis il faut trouver une solution parce que, actuellement, il y a un problème.

M. Brodeur: Je vais vous poser une autre question que j'ai posée à d'autres juristes avant, que je vais poser aux juristes qui vont vous suivre plus tard dans cette commission-là. Souvent, lorsqu'on parle de poursuivre un criminel au volant, plusieurs lèvent le drapeau et disent que c'est un trou dans le «no fault». Est-ce que vous nous dites que c'est un trou dans le système qu'on s'est donné ou bien c'est plutôt une exception à l'article 10 si on permet, par exemple, de poursuivre, là, un criminel au volant? Que les victimes et victimes étendues, parce qu'on a aussi... On nous a dit à nombreuses reprises que les victimes, c'était pas seulement celui qui avait eu l'accident mais la famille aux alentours... de permettre à ces gens-là de poursuivre. Est-ce que c'est une entrave au principe actuel ou on pourrait les considérer tout simplement comme une exception à la loi, eux?

M. Boulanger (Marc): Quant à moi, c'est exceptionnel, ça demeure exceptionnel. Les condamnations par nos cours criminelles sont quand même... relèvent de l'exception en ces matières et fort heureusement. L'immense majorité du monde conduit sa voiture, je vais dire, à défaut de termes plus précis, honorablement et est toujours sujette d'avoir un accident. Ça fait partie de la vie. C'est pour ça qu'on couvre et c'est pour ça qu'il n'y a pas de recours comme tel, puis il y a une logique en arrière de ça.

Mais, quand on joue au Monopoly en trichant, quand on a plus d'argent parce qu'on a pris dans la caisse des billets de 500 de plus, là, puis quand on a plus de maisons parce qu'on a décidé qu'on en mettait plus et on a triché, là, on joue plus. Alors, heureusement, les tricheurs sont exceptionnels. Ces tricheurs-là doivent être identifiés, ils existent, ils sont là. Et, par exception... Dans le fond, c'est quasiment pas une exception, c'est que tu as pas joué comme il faut, on va recommencer à jouer, tu sais. C'est plus ou moins une exception, mais comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Brodeur: Ce serait de la concordance avec les autres lois, en fin de compte.

M. Boulanger (Marc): C'est tout à fait logique.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Combien de temps, M. le Président, qu'il me reste?

Le Président (M. Lachance): Il vous reste un bon neuf minutes.

M. Bordeleau: Parfait. Merci. D'abord, je veux vous remercier pour votre mémoire et vous dire que les points que vous soulevez... je suis généralement assez d'accord avec ce que vous mentionnez. J'ai eu l'occasion de le faire à plusieurs reprises et, je pense, il faut revenir à la base. À la base, au fond, j'ai mentionné ce matin, la population dans un système qui est un monopole, où on n'a pas le choix, contribue aux fonds de l'assurance automobile du Québec et s'attend à ce que le gouvernement gère ces fonds-là d'une façon responsable et d'une façon équitable comme dans tous les autres programmes gouvernementaux. Et, quand il y a des abus, il y a des abus, comme vous le dites, qui sont exceptionnels, c'est pas le système est... tout le monde abuse du système, c'est pas ça. Il y a des individus à la marge qui abusent du système et, à ce moment-là, les gens ne le prennent pas.

Et vous avez fait référence tout à l'heure à des statistiques. Les sondages le démontrent clairement que les gens ne comprennent pas comment un individu qui pose un geste criminel est couvert de la même façon que l'individu qui paye, à côté, qui, lui, n'a rien fait de criminel, est une victime pure et simple.

C'est la même chose au niveau... on entend parler de l'aide sociale, hein? Les gens, ah, les gens sont sur le BS et puis ils travaillent au noir à côté, et tout ça. Les gens sont révoltés de ces choses-là parce que ça existe. Et, à la CSST, on se souvient, il y a quelques années, on est allé filmer des gens qui travaillaient et puis qui étaient sur la CSST, qui transportaient des poids lourds durant la journée, ou tout ça. Les individus, avec les niveaux de taxation qu'ils ont à payer aujourd'hui puis les exigences que le gouvernement pose sur les individus, sont plus capables d'accepter ce genre de situation là. Et, tout simplement, on demande au gouvernement d'éliminer...

Encore là, c'est pas un blâme. Les programmes gouvernementaux en général sont très bons. Le système du «no fault», il est bon parce qu'il a réglé des problèmes qui existaient. Avant, les gens étaient obligés de se battre en Cour trois, quatre ans avant d'avoir une cenne, et ça impliquait des fonds énormes puis les gens avaient pas nécessairement les moyens de le faire. Ces systèmes-là sont bons. Excepté qu'il doit y avoir moyen d'essayer de contrôler les abus, comme on le fait dans n'importe lesquels programmes gouvernementaux où on observe des abus. Et je pense que vous l'avez démontré clairement quand vous avez... le tableau que vous nous avez présenté où on voit que le droit de subrogation, par exemple, existe partout, le droit de recours des victimes existe partout au niveau du Code civil, de la Loi d'indemnisation des victimes d'actes criminels, la CSST, l'assurance maladie.

Et le gouvernement s'attend... la population s'attend à ce que le gouvernement, si le gouvernement à un moment donné a contribué sans évidemment le savoir, a donné de l'argent à quelqu'un qui y avait pas le droit, la population trouve normal que le gouvernement se donne le moyen d'essayer de le récupérer, comme on le fait pour les impôts. Et, ici, dans ce cas-là, on veut pas le faire et c'est là qu'il y a une incohérence, comme vous le soulignez dans votre mémoire, c'est le seul endroit. Et c'est pas une vache sacrée, là, le système du «no fault». On remet pas en cause le système lui-même. Le système est valable; on remet en cause les abus au système.

Je veux juste revenir sur un autre point aussi. Puis ce qui m'agace un peu dans tout ce débat-là, et on l'a vu aujourd'hui, on fait référence à des statistiques. On dit, par exemple, bon: Les accidents ont diminué de façon dramatique au cours des années. Puis là on donne des statistiques. Les victimes, le nombre de victimes, le nombre de décès a diminué, tant mieux, et tout le monde s'en réjouit, et on met ça en parallèle avec une discussion qu'on a où on parle du système d'assurance automobile du Québec, comme si c'était relié.

M. Boulanger (Marc): Oui, oui, en effet.

M. Bordeleau: Ça a rien à voir. Le système d'assurance automobile du Québec, c'est un des facteurs qui est en place, mais il faut réaliser qu'il y a eu, depuis 20 ans, une évolution au niveau de la sensibilisation à la santé. Les gens, par exemple, prennent moins de boisson qu'ils en prenaient avant ou ils la prennent de façon plus judicieuse, pas parce qu'il y a un système d'assurance automobile du Québec, parce qu'ils ont été sensibilisés aux méfaits de la boisson et qu'il fallait prendre ça d'une façon raisonnable. Alors, ça, ça s'est fait, il y a une évolution qui s'est faite dans ce sens-là qui explique en partie pourquoi il y a moins ? je dis «en partie» ? pourquoi il y a moins de décès sur les routes, pourquoi il y a moins de cas de personnes qui sont arrêtées ou qui ont des accidents en état d'ébriété.

La même chose pour la... Un autre facteur qui explique, qui peut expliquer beaucoup ce qui s'est passé au niveau de la diminution, c'est la sensibilisation qu'on a faite au niveau de la sécurité routière. On a fait des campagnes de sécurité routière. C'est pas le système d'assurance automobile, là, qui a... c'est qu'on a dit aux gens: Faites attention, c'est dangereux. Puis on les a convaincus puis on les a convaincus de mettre leur ceinture de sécurité. Et, tout ça, ça explique les améliorations qu'on a eues. Et c'est dangereux, à mon avis, quand on met... on fait un parallèle direct entre ces bons résultats là qu'on a obtenus et le système d'assurance automobile. Je pense qu'il faut faire... il faut être prudent là-dessus.

Alors, j'aimerais avoir vos réactions là-dessus et, en même temps, je vais poser une question, là, parce que j'aimerais juste vérifier une chose. Au niveau de l'assurance automobile du Québec, la subrogation existe pour les gens qui sont des étrangers. Est-ce qu'un individu qui est victime a un recours vis-à-vis quelqu'un de l'étranger? Et de quelle façon ça se passe à ce moment-là? Si, moi, je suis blessé, par exemple, dans un accident d'automobile par un Américain qui est ici, est-ce que j'ai le droit de poursuivre l'Américain soit ici ou soit chez lui?

M. Boulanger (Marc): Non, de mémoire, évidemment, je suis à peu près sûr à 99 % que vous avez pas droit à des recours. Non seulement ça, mais l'Américain qui est ici, il a un droit de recours, il a le droit de réclamer des dommages de la Société de l'assurance automobile.

n(16 h 40)n

M. Bordeleau: O.K. Alors, le gouvernement trouve raisonnable que, lui, essaie de récupérer...

M. Boulanger (Marc): Oui, c'est ça.

M. Bordeleau: ...mais c'est déraisonnable que l'individu, lui, soit pas capable de compléter ses indemnisations que, lui, jugerait raisonnables.

M. Boulanger (Marc): Et, plus finement que ça, le droit de subrogation qu'a la Société de l'assurance automobile pour récupérer de l'Américain en question, le droit de subrogation concerne le capital de la rente, alors que les victimes québécoises, on leur donne pas un capital, on leur donne le compte-gouttes, comprenez-vous? Alors, on met un capital de côté puis on paie au compte-gouttes. Et, si cette personne-là qui bénéficie de la rente décède, le capital, ce qui est donné à sa succession, il est gardé par la Société de l'assurance automobile du Québec. Ça, c'est une affaire qu'il faudrait sans doute corriger, parce que je pense franchement que... Et ça, c'est une des zones, voyez-vous...

Si on va à la Cour, une cour de justice, ce qu'une victime touche, c'est pas une rente, c'est un capital, c'est à lui. Sa blessure, ça vaut tant. Bon, bien si la Société de l'assurance automobile dit: Ta blessure, ça vaut tant, on te la paie sous forme de rente; si tu décèdes, ce capital-là s'en va à toi dans ton actif et non pas: On le conserve. C'est ça, le système actuel. Et c'est tellement pas normal que, quand notre Société de l'assurance automobile réclame des sous d'un conducteur étranger dans le peu de subrogation qu'elle a, elle réclame pas la rente qu'elle paie à 22.33 $ par mois ou par deux semaines, elle réclame le capital, elle. Elle, elle a compris. Alors, voyez-vous le petit jeu, là, qui se joue? Alors, ça, c'est mon premier commentaire sur ces points-là.

Vous avez souligné... Vous m'avez demandé mes commentaires sur les deux autres choses. La réduction des accidents... des blessures corporelles résultant d'accidents d'automobile. Bien, vous savez, on a des ballons gonflables, on a des gros pare-chocs, on a des ceintures de sécurité à trois points, on a des ballons sur les côtés. On est à la veille de conduire avec des protège-coudes, bon sang! Mais c'est toute la...

Donc, la Société de l'assurance automobile, c'est un des facteurs, c'est sûr, mais il y a pas rien que ça. On a des pneus anticrevaison, il y a tout, tu sais. Bon. Alors, on peut pas nécessairement s'arroger les bénéfices des autres même si, au total, les statistiques sont positives. Vous savez, les statistiques, on peut leur faire dire n'importe quoi, hein? Si j'ai les pieds dans le poêle à un bout puis j'ai la tête dans le congélateur à l'autre bout, en moyenne, je suis confortable, mais je suis pas sûr que réellement je le sois. Alors...

L'autre chose aussi, c'est la... Vous avez souligné la question du bien-être social. Ça m'a fait penser: Bien, s'il y en a qui pigent aux deux auges puis qui ont deux bénéfices d'aide sociale, s'il y en a qui trichent parce qu'ils ont un conjoint, je pense, qui touche l'aide sociale en même temps, qu'est-ce qui arrive, là? Il y a des sanctions à ça. Le tricheur... Il y a une conséquence financière. En ce moment, dans notre système d'assurance automobile, il y a pas de conséquence financière puis on le récompense.

M. Bordeleau: Ah, bon. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Me Boulanger, pour votre présentation à cette commission.

M. Boulanger (Marc): Ça me fait plaisir, et je suis toujours disponible pour réfléchir sur le sujet.

Une voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Nous allons suspendre nos travaux pendant quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 43)

 

(Reprise à 16 h 49)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Nous en sommes toujours aux auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec et, comme dernier groupe aujourd'hui, la Confédération des syndicats nationaux, représentée par son vice-président, M. Roger Valois.

Alors, M. Valois, j'imagine que vous êtes accompagné de M. Lamoureux?

M. Valois (Roger): François Lamoureux, oui.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Et, comme vous connaissez les règles du jeu, ça va aller bien, ça va aller vite. Vous avez 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Valois (Roger): On a un petit mémoire qui... qui est pas tellement volumineux. On va le lire, ça va être moins compliqué.

Alors, M. le Président, M. le ministre, MM., Mmes les députés, la Confédération des syndicats nationaux est heureuse de participer aux travaux de la commission des transports et de l'environnement qui porte sur le régime public ? je dis bien «public» ? d'assurance automobile du Québec.

n(16 h 50)n

La CSN, qui regroupe 264 000 travailleuses et travailleurs de tous les secteurs de l'activité économique, souhaite présenter son point de vue sur le régime actuel d'assurance automobile du Québec. À compter de 1970 et jusqu'à l'adoption de la loi actuelle, en décembre 77, la CSN a été une des protagonistes d'une campagne réclamant que le Québec se dote d'un régime public complet ? complet ? d'assurance automobile sans égard à la responsabilité.

À la lumière du régime public qui existait alors dans trois autres provinces canadiennes, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, nous étions en mesure de démontrer l'inefficacité d'un régime d'assurance privée fondé sur la responsabilité. Non seulement ce régime privé d'indemnisation... ce régime privait d'indemnisations les moins bien nantis de la grande majorité des travailleuses et des travailleurs à cause de ses coûts exorbitants, mais, au surplus, il témoignait d'une lenteur inhérente aux procès truffés d'avocasseries. Seules les compagnies d'assurances et les avocats spécialisés en la matière profitaient indûment de ce système.

En 74, le rapport Gauvin avait clairement établi que les coûts d'administration des compagnies d'assurances représentaient 38 % du total des primes versées, alors que les régimes publics alors existants qui géraient un système sans égard à la faute le faisaient pour à peine 17 %. Avec des chiffres pareils, avec des résultats financiers éloquents que le ministre nous étale maintenant dans son document de référence, on comprend mal pourquoi l'État québécois n'a pas alors nationalisé l'ensemble de l'assurance automobile, si ce n'est qu'il voulait protéger les compagnies d'assurances en leur laissant la part du gâteau la plus rentable.

La CSN s'étonne que le volet du régime actuel traitant des dommages matériels ne soit pas également sous étude par l'actuelle commission parlementaire. Pourtant, après presque 25 ans, il nous semble qu'un bilan devrait s'imposer à cet égard. Depuis quelques temps déjà, des citoyennes et des citoyens réclament qu'on lève l'immunité actuelle contre les conducteurs ayant un comportement criminel et qu'on leur retire le droit à l'indemnisation. Il s'agit sûrement des sentiments qui ont pas beaucoup plus à voir avec une pénalité à infliger qu'avec une réparation à accorder. Or, il existe déjà des mécanismes prévus par la loi, que ce soit le Code criminel ou le Code de la sécurité routière, qui pénalisent de tels chauffards, et les tribunaux les appliquent de manière de plus en plus sévère.

La CSN s'oppose à ce qu'on remette en question les acquis du régime actuel en matière de réparation des dommages corporels. Manifestement, ce serait là une brèche dans ce qui constitue l'assise d'un système d'indemnisation qui a globalement atteint ses objectifs et comblé les attentes de la population, laquelle était très majoritairement désavantagée par l'ancien régime.

Le régime actuel qui indemnise un conducteur responsable d'un accident ne devrait pas faire l'objet d'une vendetta publique. Les enfants ou le conjoint de ce conducteur ne peuvent être tenus responsables de son comportement ou de l'accident, et la responsabilité sociale à l'égard d'un chauffeur lui-même ne doit être reprise par les régimes publics d'assistance sociale si le régime d'assurance automobile ne le fait pas.

La CSN croit qu'il serait plus dommageable d'ouvrir le principe de non-responsabilité du régime actuel, car il serait ensuite extrêmement difficile de ne pas faire de même pour d'autres comportements au volant qui peuvent être parfois aussi dommageables que l'alcool au volant. L'excès de vitesse est un bon exemple. Et, encore là, à partir de quelle vitesse l'assuré n'aurait-il pas droit aux bénéfices de la loi? Car qui ne roule pas parfois à plus de 100 km/h sur nos autoroutes? Et que dire de brûler un feu rouge, passer un stop, allumer une cigarette, composer un numéro de cellulaire, et quoi encore? On voit bien où cela nous mène: à la fin du régime sans égard à la faute, au retour des procès, etc.

La CSN croit plutôt qu'il faut poursuivre les campagnes publiques de sensibilisation entreprises contre l'alcool au volant, lesquelles constituent de véritables actions pour contrer le problème à la source. Ces campagnes ont eu assurément beaucoup plus de succès que les mesures répressives lorsqu'on constate l'importante évolution des mentalités à cet égard. Autrefois toléré et même bien vu dans certains milieux, l'alcool au volant constitue aujourd'hui un comportement banni que tous cherchent à décourager.

Quant aux personnes jugées coupables de telles infractions et qui présentent un problème d'alcoolisme, la CSN croit que le Québec devrait explorer davantage des mesures administratives associées à des mesures obligatoires favorisant la guérison de ce que de plus en plus de spécialistes considèrent comme une maladie. Pourquoi permettre à un chauffard alcoolique récidiviste de reprendre la route s'il n'a pas prouvé qu'il a définitivement réglé son problème? Pourquoi n'existerait-il pas un programme SAAQ-SAQ financé conjointement pour aider ces personnes à s'en sortir?

En bout de compte, il existe toujours des lois de nature pénale pour punir des comportements chroniques jugés dangereux sur la route. Mais, au risque de mettre en péril notre régime d'assurance automobile, ne cherchons surtout à l'utiliser comme moyen de répression. Il a trop bien servi les Québécoises et les Québécois.

Il y a toutefois un aspect de principe actuel d'indemnisation que la CSN souhaite remettre en question, puisqu'il ne correspond pas au mode choisi par le gouvernement pour financer le régime public d'assurance automobile. Le système actuel est financé par les automobilistes qui payent tous le même montant pour être protégés, sauf celles et ceux qui sont considérés comme conducteurs plus à risque en fonction de leurs points de démérite accumulés, ce que la CSN ne remet pas en question; elle l'avait elle-même proposé en 1977.

Nous considérons toutefois incongru et inéquitable que, bien qu'ils payent tous la même prime, l'indemnité dite de remplacement du revenu et celle du conjoint et des personnes à charge soient liées à l'emploi du moment. La situation est particulièrement injuste pour celles et ceux qui, au moment de l'accident, sont sans emploi, sur emploi temporaire ou à temps partiel, ou encore sur un emploi dont le taux du salaire les place sous le seuil de la pauvreté. Pour les sans-emploi, ils doivent attendre six mois avant de toucher une indemnité, et ce, même s'ils ne touchent aucune prestation d'assurance emploi au moment de l'accident.

Sans avoir étudié les mérites ou les inconvénients d'un système de prime en fonction du revenu de l'automobiliste, nous estimons que, dans le système actuel de prime dont le montant de base est établi à taux fixe, il devrait exister un seuil minimum automatique de prestations qui devrait correspondre à un minimum socialement acceptable.

Suivant les principes de la loi, nous croyons qu'il serait équitable que ce soit l'ensemble des automobilistes qui supportent les conséquences d'un accident de la route empêchant un individu de se trouver un emploi ou un autre emploi mieux rémunéré pendant sa période de convalescence. La CSN croit que l'heure n'est pas à l'affaiblissement du régime public d'assurance automobile. Nous estimons que le gouvernement du Québec doit plutôt proposer de le renforcer et de le rendre plus équitable pour toutes les victimes de la route.

De plus, la CSN croit que le bilan doit être fait du régime actuel d'indemnisation des dommages matériels afin d'en vérifier son efficacité, tant au regard des coûts globaux pour la société que des bénéfices pour les usagers de la route.

On est très fier du régime d'assurance automobile non seulement parce qu'on l'a préconisé et qu'on a été suivi en cela au gouvernement de l'époque de 1977, mais on voudrait qu'il soit plus complet, et on voudrait qu'il soit plus équitable pour l'ensemble des automobilistes. Voilà!

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier aussi pour la présentation de votre mémoire. Je me souviens de votre position en 1977. Donc, je suis pas surpris des propos d'aujourd'hui.

J'aimerais aborder quelques volets avec vous, parce que vous y touchez de façon assez ouverte et vous êtes presque les seuls à l'avoir abordé de la façon dont vous l'abordez, de façon si claire en ce qui regarde la maladie de l'alcoolisme. Ça prend un certain courage effectivement, à cause du courant public qui s'inscrit complètement à l'encontre de cela. Et c'est humain, ça aussi, parce que, quand il arrive une catastrophe comme à Thetford ou bien comme à différents endroits où c'est arrivé, des jeunes enfants happés par un chauffard sans permis, sans auto parce qu'il a pris l'auto d'un autre, qu'il fauche un enfant, la tendance immédiate, c'est à la révolte intérieurement, qui que nous soyons.

Sauf qu'effectivement, si on n'est pas... si on ne s'organise pas pour les sauver de ce fléau, ou bien encore de donner un moyen par les antidémarreurs ou autre moyen, mais... des prises en charge immédiates comme on a fait en juin dernier, par exemple, dès la première infraction, passer des tests auprès des centres spécialisés dans le domaine pour voir s'il y a un problème d'alcoolisme ou si c'est un accident de parcours, je pense que c'est un pas aussi dans la bonne direction qu'on a fait l'automne dernier, là.

Ceci dit, qu'est-ce que vous diriez du fait qu'on ne pénalise pas du tout les... comment dirais-je, la femme et les enfants, par exemple, d'un bonhomme qui a posé un acte criminel, qui avait 0,16 ou 0,17 puis qui a fauché une personne? Les tribunaux l'ont condamné comme ayant posé un acte criminel. Le fait de ne pas indemniser la personne mais d'indemniser d'autre part, de pourvoir aux besoins essentiels de la famille, qu'est-ce que vous diriez de cette formule-là?

M. Valois (Roger): D'abord, la formule, ça peut être tentant de dire oui parce que, finalement, si c'est lui qui est le revenu principal de la maison, donc, on s'est enfoui la tête dans le sable, donc... Mais il arrive quoi, par exemple, quand le... Il faut être clair là-dessus. Si on est d'accord comme société que l'alcoolisme, c'est une maladie, il faut la traiter comme telle.

n(17 heures)n

Il arrive quoi à quelqu'un qui est diabétique, qui a un coma diabétique puis qui frappe un enfant? Il arrive quoi avec quelqu'un qui est épileptique, qui a une crise d'épilepsie, puis qui frappe un enfant? Si, à partir du moment où on considère l'alcoolisme comme une maladie... Ma mère disait: Quand on est riche, on est alcoolique puis, quand on est pauvre, on est ivrogne. Il faut pas jouer sur les mots. L'alcoolisme, c'est une maladie qu'il faut traiter. Et on dit là-dedans: Il faut peut-être un programme SAAQ-SAQ pour faire en sorte que ceux qui sont alcooliques et ceux qui prennent le volant avec cette maladie-là soient traités convenablement. Le problème, souvent, c'est les récidivistes. Il y a du monde qui sont pris avec pas de permis à conduire. Il y a un programme de suivi qu'il faut qui soit appliqué à ces personnes-là, et je pense qu'on doit pas...

La formule est alléchante. Je vais laisser Me Lamoureux s'exprimer là-dessus parce qu'on a regardé ça abondamment chez nous et avec des avocats du service. Et, là-dessus, il faut faire attention à dévier la formule pour faire en sorte d'arriver au même point. Si on compense la femme, les enfants, si on compense le mari et les enfants... Parce que ça peut arriver que ce soit une femme. Autrefois, c'était mal vu, une femme qui prenait un verre. Aujourd'hui c'est plus socialement accepté. La société a évolué de ce côté-là. Et ça peut arriver, finalement. Mais, si on compense, je veux dire, on n'a rien réglé. Parce que, probablement que, si on compense de cette façon-là, en disant: Nous, on te compense pas, toi, on compense les enfants, si c'est le seul revenu, on a changé quoi, comme pénalité? Il faut faire attention d'y aller dans le curatif. Oui, dans le... Mais, on le dit dans le mémoire: Tout est prévu. Au niveau des lois, le Code criminel, le Code civil, il y a des pénalités imposées à ce genre d'individu là, à ce genre de faute là, mais il faut y aller dans ce sens-là. Nous... Je vais laisser Me Lamoureux parce qu'on a fouillé ça abondamment au niveau juridique.

M. Lamoureux (François): Peut-être ajouter, M. le ministre, que, à notre avis, c'est la bonne direction. C'est la bonne direction du gouvernement de considérer, par exemple, l'alcool comme une maladie. C'est une approche qui est préventive. Ce sont des approches qui, par le passé, sont gages de réussite. Des approches répréhensives ou des approches punitives n'ont pas apporté les résultats escomptés dans quelque domaine que ce soit. Et on n'a qu'à penser à la ceinture de sécurité, le succès que nous avons eu avec des campagnes d'information et de sensibilisation. Il y a pas si... On n'a pas à aller aussi loin dans le temps où des gens disaient, voilà 10 ans: Je mettrai jamais ça, une ceinture de sécurité. Et on a réussi à le faire.

Au niveau du tabac, M. le ministre, c'est encore une réussite avec le temps, qu'on constate. Il y a une évolution des mentalités avec une approche qui est de sensibilisation. Comment qu'on donnerait des amendes exorbitantes à des gens qui fument dans des lieux, ou on les punirait, ou on les mettrait en prison, on n'arriverait pas aux résultats escomptés. Et, quand on parle de... C'est un aspect important de savoir l'alcoolisme, c'est une maladie, c'est une approche préventive qu'il faut développer parce que, sous ce rapport-là, M. le ministre, dès le moment où on considère que quelqu'un, par exemple, a eu un moment difficile parce qu'il était en état d'ébriété et qu'on considère que c'est une maladie, ça change évidemment la perspective des solutions qu'on va envisager pour régler les problèmes futurs.

Et, nous, principalement en matière de relations de travail, au quotidien que nous traitons ces dossiers-là, ça fait des années que nous disons: L'alcool, c'est une maladie. Des gens qui prennent de la boisson sur les lieux du travail sont souvent sanctionnés d'une façon qu'on trouve trop punitive parce qu'on considère pas l'alcool comme finalement une maladie.

Et, avec les phénomènes de société qui se développent, M. le ministre, que ce soit le jeu pathologique, que ce soient, bon, des phénomènes qui entraînent une surconsommation, des problèmes de société importants, c'est de se mettre la tête dans le sable que de ne pas considérer que c'est une maladie. Et, sous cet aspect-là, on n'a pas à dire à une personne: On va te pénaliser davantage parce que tu étais en état d'ébriété. On ne réglera pas le problème, à notre avis, de cette façon-là. Et on pense que de la façon que le ministre ou le gouvernement se dirige en ayant une approche plus préventive est la bonne approche.

M. Chevrette: Est-ce que vous partagez... vous semblez pas partager plutôt le point de vue de ceux qui disent: Permettez aux accidentés de la route de poursuivre pour la... pour plus que les indemnités qui sont prévues dans le... par la SAAQ, par la Société de l'assurance automobile du Québec. Il y a des gars, des individus qui se sont donné des missions là-dessus et ça a fait un certain chemin dans l'opinion publique. Qu'est-ce que vous pensez de cette ouverture qu'ils me demandent de faire?

M. Valois (Roger): Bien, l'ouverture qu'ils font, on aimerait ça aussi la faire des fois au niveau des accidents de travail, hein? Mais il y a un contrat social au niveau des accidents de travail depuis 1931 où on dit que c'est la CSST qui s'arrange avec ça. Nous, on dit: Au niveau des accidents automobiles, c'est la SAAQ qui s'arrange avec ça. Parce que, au niveau de la CSST, nous, on a eu à moult reprises des compagnies qui ont été reconnues criminellement responsables. C'étaient pas des accidents, c'étaient des meurtres carrément, on l'a prouvé. À Thetford, ils leur cachaient qu'ils étaient amiantosés pour pas les énerver. On aurait pu poursuivre les compagnies, hein? Nous autres, on a dit non.

En 1931, on a dit: C'est la CSST, la CAT de l'époque, après ça, c'est la CSST qui pris la relève. On peut ouvrir ce champ-là, mais on l'a dit dans le mémoire: À 0,10, on poursuit pour quel montant? À 0,16, on poursuit pour quel montant? Il parlait au cellulaire, on poursuit pour quel montant? Il allumait sa cigarette, parce que, dans les autos, on a encore le droit de fumer, là, mais on poursuit jusqu'à quel montant? Il cherchait son... Il était dans le coffre à gants, on poursuit pour quel montant? La gravité, ça va revenir des affaires d'avocats, ça. Ça va revenir des affaires des avocats. Les avocasseries vont recommencer. Le bordel va repoigner puis ça va être encore les tribunaux qui vont trancher toutes ces questions-là, à savoir... Nous autres, on dit non. Il faut avoir le même régime.

Mais, là-dessus, au niveau de la SAAQ, on a eu des tentatives des fois. On a eu des gros débats chez nous, à la CSN, à savoir si on pouvait poursuivre les compagnies. Mais on s'est aperçu que, si on avait les moyens, on pouvait poursuivre puis, si t'étais syndiqué avec une centrale syndicale qui a les moyens, tu peux poursuivre les compagnies, mais si t'es tout seul dans la rue puis si t'es pas capable de poursuivre, t'es pas capable de poursuivre. Avoir de l'argent, je m'engagerais un avocat puis je le poursuivrais. Ça, ça va laisser les individus qui n'ont pas les moyens, encore une fois, sur... dans le dalot. Quelqu'un qui est pauvre, que son mari s'est fait frapper par un alcoolique, puis là il dit: Si j'avais les moyens, je le poursuivrais; là, je n'ai plus les moyens, je le poursuis pas. Là, ça va être des avocats à pourcentage. Ça va finir dans le dalot. Ça va finir dans les bureaux d'avocats. Et ça, on veut pas que ça finisse là. On a un bon régime qui fonctionne bien.

Oui, c'est sûr qu'à chaque fois... J'ai vu ça à Saint-Aimé, la révolte. J'ai vu ça à Thetford, la révolte. J'ai vu ça, Sauf que, non, moi, je suis contre ça, le cheval, le câble au-dessus de la branche puis la... Non, non! On est contre. On est contre parce qu'on dit: On a un État, un gouvernement qui administre bien ça. Les preuves sont concluantes. Ils n'ouvriront pas la porte à des poursuites qui vont se finir devant les juges avec des centaines de milliers de dollars pour les avocats et rien pour les indemniser, finalement. Il va avoir eu le droit de poursuivre, mais le résultat final, on le connaît souvent.

M. Chevrette: Une autre question que je veux aborder avec vous, c'est la question du revenu, parce que vous parlez du revenu.

M. Valois (Roger): Oui.

M. Chevrette: Vous dites quelqu'un qui est sans emploi au moment de l'accident doit subir un six mois d'attente. À ce que je sache, d'autre part, c'est que, au bout de six mois, c'est son indemnité basée sur les salaires reçus les cinq dernières années. Est-ce que c'est le six mois que vous contestez ou si c'est la façon de calculer le revenu?

M. Valois (Roger): Bien, la façon de calculer le revenu et aussi le délai parce que la façon de calculer le revenu, on paie la même prime. À ce que je sache, si on a le même âge et qu'on prend la même police d'assurance avec la même prime si on décède, on va recevoir le même montant, c'est en vertu de la prime qu'on verse. Si je veux payer des assurances pour x mille dollars par année, j'aurai sûrement un meilleur... Mais, compte tenu du fait qu'au Québec on paie la même prime indépendant des chauffeurs qui... des points de démérite... les permis sont un peu entachés, et ça, on le dit, on avait même préconisé, nous, ceux qui font pas bien, bien, ils auront à payer plus cher. À partir du moment où, en général, on paye le même montant, on voit pas pourquoi on aurait pas le même versement quand le fatal arrive. On est basé sur notre salaire.

M. Chevrette: D'accord pour les indemnités de décès.

M. Valois (Roger): Oui.

M. Chevrette: Mais pour les indemnités de revenus?

M. Valois (Roger): Le remplacement de salaires. Il faut avoir au moins un minimum. Puis, au bout de six mois, au bout de trois mois, à ce que je sache, quand on est sans emploi... d'autant plus que c'est là qu'on en a besoin. Ceux qui sont avantagés par la société sont avantagés par les salaires plus hauts, sont peut-être plus capables d'apprendre que ceux qui ont rien. Ceux qui ont rien, faut que le revenu... On peut pas se permettre d'avoir des périodes assez longues sans revenu dans une maison. On peut pas... De toute façon, ça se retourne vers le bien-être social et, souvent, c'est le même poste qui... bien, pas le même poste, mais c'est le même gouvernement qui doit assumer cette facture-là.

Nous, on dit: Il faut absolument qu'on ait un minimum acceptable socialement qui soit versé à ceux qui ont un manque de revenu par rapport à l'accident. Si c'est en fonction du salaire puis qu'on travaille pas cette journée-là, on travaille pas pendant cette période-là parce qu'on a beaucoup de mises à pied.... Il y a beaucoup de monde... Tu sais, il y a beaucoup de gens maintenant qui changent souvent d'emploi, hein, puis on peut se retrouver entre deux emplois au moment d'un accident... puis s'il est complètement involontaire. Je comprends qu'on peut reculer pour faire le calcul, mais, au moment de l'indemnisation, il y a un problème.

M. Chevrette: O.K. Mais la question de l'établissement du revenu a toujours été un problème, je pense, je me rappelle, au secteur de la construction, entre autres, où l'individu travaille huit mois, je sais pas, moi, à 4 000 $ par mois puis, après ça, il est sur le chômage quatre mois. On basait son salaire, ses revenus annuels sur huit mois et non pas sur le... Huit mois de salaire et quatre mois d'assurance chômage, ce qui fait quand même un salaire plus élevé que, dans les circonstances, à 4 000 $ par mois. Quatre fois huit, 32, plus mettons, je sais pas, moi, un 8 000 d'assurance chômage, ce qui fait 40 000 alors et non pas 32.

n(17 h 10)n

Je sais pas comment on le fait à la SAAQ, là, mais je me rappelle de ce débat-là qui a été assez fastidieux. Je pense que c'est au niveau de la CSST, ça, en particulier.

M. Valois (Roger): La compensation.

M. Chevrette: La compensation? O.K. Mais, vous, vous verriez... Supposons qu'on fixe un seuil minimum, là. Prenons la supposition que vous dites, je sais pas, mais: Le seuil de la pauvreté est à tant; on fixe un seuil minimum de tant. Par la suite, vous... est-ce que vous acceptez le principe, par exemple, qu'on paie jusqu'à concurrence de x milliers de dollars basés sur le salaire ou si... si vous jugez que c'est plus un seuil minimum, point ou si vous maintenez, vous maintenez une échelle cependant de rémunération?

M. Valois (Roger): Mais, à ce que je sache, il y a un maximum?

M. Chevrette: Oui. Il y a un maximum, mais il y a un...

M. Valois (Roger): Si Paul Desmarais avait un accident, compte tenu de son salaire... Je souhaite pas qu'il en ait avec gouvernement finalement parce que ça va coûter cher par semaine. De toute façon, lui, il gagne rien. C'est sûr qu'il a pas de revenu. Si on calcule tous les impôts qu'il paie, il est pas payé beaucoup. Mais ça, c'est une autre affaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Mais il y a un maximum qui... qui est acceptable. Et, là-dessus, nous, c'est pas sur le maximum. On dit: Compte tenu de la prime qu'on paie, pourquoi, compte tenu que c'est la même prime pour tout le monde, pourquoi il y a un manque à gagner pour ceux qui sont sans emploi, à temps partiel ou qui sont privés d'emploi pour la période où l'accident est arrivé? C'est ça qu'il faut pallier.

Nous, on dit qu'il faut payer un minimum socialement acceptable. C'est plus que le seuil de la pauvreté, ça. Quand on est au seuil de la pauvreté, je vais dire comme ça, on est plus pauvre que les pauvres. Ça n'a plus de bon sens, ça. Il faut que ce soit socialement acceptable, et socialement acceptable pour la CSN, c'est pas le salaire minimum non plus, là, c'est plus haut que ça.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire. Vous avez un mémoire très intéressant. On vous rejoint dans quelques points et, pour d'autres choses que vous êtes original en rapport avec ceux qui nous ont prédécédés.

Je pense de toute évidence que, dans le régime, quand on parle d'alcool au volant, vous voyez sur l'équité et non sur la vengeance. Ça, on est d'accord avec vous. Il y a d'autres considérations auxquelles on reviendra un peu plus tard. La question aussi d'alcoolisme comme maladie, ça, d'ailleurs, d'entrée de jeu, j'ai mentionné au ministre qu'on doit considérer l'alcoolisme comme une maladie autant qu'on le fait pour l'épilepsie ou pour d'autres maladies.

Et, dans ce sens-là, ce que je disais, c'est que, lorsqu'on émet... On devrait pas émettre un permis à un alcoolique, alors, si on en émet pas à un épileptique. Donc, si on le considère comme maladie, on y va de la même façon. Sauf que, si on prend le Code criminel... C'est parce que c'est un acte criminel dans le Code criminel. Donc, à ce moment-là, est-ce que... La question qu'on se pose: Est-ce qu'on doit faire la différence pour un crime qui est dans le Code criminel par rapport à un autre crime qui peut arriver la même conséquence de mort? Donc, est-ce que vous nous suggérez qu'on suggère au gouvernement fédéral d'éliminer ce crime-là du Code criminel si on veut être en toute équité avec les autres crimes, là? Parce que, en fin de compte, c'est une question plutôt de sémantique où on installe ça au Code criminel et non pas dans une loi qui est normale, là. Est-ce que vous voulez... Le message que vous nous donnez, c'est: Éliminez ça du Code criminel puis on s'arrangera autrement pour pénaliser ces gens-là.

M. Valois (Roger): Je vais vous donner un aspect de la réponse, puis Me Lamoureux va compléter. L'alcoolisme, c'est peut-être la seule maladie qui a de la difficulté à être reconnue par la personne même qui est malade. L'épileptique, il s'aperçoit qu'il est épileptique. À un moment donné, il se réveille 20 minutes plus tard, il y a eu de quoi qui s'est passé puis il sait plus où c'est qu'il est. Le diabétique, il s'aperçoit qu'il a eu un coma diabétique. Il met pas en question sa maladie. Il remet pas en question sa propre maladie, il est ce qu'il est. Il est diabétique, il est épileptique, il est, tu sais... Un début d'Alzheimer, peut-être qu'eux autres, ils se rappellent pas qu'ils sont malades, mais ça... Mais l'alcoolisme, le bienfait que ça a d'être dans le Code criminel, c'est que ça oblige quelquefois les gens à prendre conscience du fait qu'ils causent des problèmes qui peuvent avoir un tort irréparable de par le seul fait qu'ils ne reconnaissent pas leur propre maladie. Il faut les emmener là.

Pour avoir défendu à plusieurs reprises des alcooliques dans mon milieu de travail ? parce que, justement, c'est moi qui étais sur le dossier de l'alcool à l'usine ? bien, tant qu'ils reconnaissaient pas qu'ils étaient malades, on avait beau les envoyer chez Domrémy, chez Jean Lapointe, dans toutes les maisons de désintox, ils ressortaient de là. Tant qu'ils avaient pas pris conscience que leur maladie, c'était ça, tant qu'ils avaient pas accepté eux-mêmes que c'était une maladie, il n'y avait rien à faire pour la guérison. Il n'y avait rien à faire pour la guérison. De toute façon, on ne guérit pas de ça. On se contrôle, on s'accepte. Un jour à la fois. Je vais laisser Me Lamoureux y aller sur le niveau...

M. Brodeur: Sauf qu'il faut indiquer que c'est dans le Code criminel, là.

M. Valois (Roger): Oui, c'est dans le Code criminel et il faut le laisser là. Il faut le laisser là.

M. Brodeur: Si on le laisse là, on a un problème de cohérence. On le laisse... Si on le laisse là, c'est un acte... ça demeure un acte criminel. Puis, si on veut être équitable envers tout le monde... Si, par exemple, votre voisin va tirer quelqu'un puis s'en va en prison ? tantôt, on parlait du dédommagement de la famille ? lui, on dédommage pas sa famille. Pourquoi on le ferait? Parce que c'est un acte criminel, c'est un homicide, parce que c'est dans le Code criminel. Ça fait que, là, il y a incohérence, là.

M. Valois (Roger): Mais, avant de laisser la parole à Me Lamoureux, je vais vous dire que le gouvernement a été très sage dans sa publicité, hein? C'était pas: L'alcoolisme au volant, c'est criminel. L'alcool au volant, c'est criminel. C'est très différent. Parce qu'il peut y avoir des gens qui, de toute façon, ne sont pas alcooliques du tout puis qui vont causer un accident irréparable.

Et le phénomène de l'alcool au volant, c'est pas l'alcoolisme au volant. Il peut y avoir des gens qui sont alcooliques, qui vont chauffer de façon très saine, c'est cette journée-là, puis ils auront rien. C'est le gouvernement qui est... Là-dessus, je pense qu'ils ont été bien conseillés. L'alcool au volant, c'est un crime. C'est pas l'alcoolisme qui est un crime, c'est l'alcool au volant.

M. Lamoureux (François): Alors, juste pour ajouter, M. le député, il est clair qu'en vertu des dispositions statutaires et du Code criminel, évidemment, ça ne change rien au fait que l'individu qui a été reconnu criminellement responsable d'un acte doit en payer sa dette à la société. Et il a déjà une dette à payer possiblement. Et les tribunaux, si vous remarquez, de plus en plus ont une approche beaucoup plus rigide à l'égard des chauffeurs, par exemple, en cas de délit de fuite ou alcool au volant ayant causé la mort. Alors donc, il a déjà une dette.

Et, évidemment, oui, c'est une question de cohérence, mais ça nous empêche pas d'être cohérents vis-à-vis des approches. Au fédéral, actuellement, on a la Loi sur les jeunes contrevenants. Au Québec, on a une philosophie qui est différente au niveau de la réhabilitation des jeunes et, au fédéral, on a une approche plus punitive. Alors, le gouvernement du Québec veut, bon, se sortir un peu du giron de cette loi-là. Alors, c'est une question de philosophie à savoir, oui, la personne est responsable de sa dette. Mais, par ailleurs, qu'est-ce qu'on peut faire pour elle maintenant? En complémentarité avec le système, pour dire de façon administrative: L'individu qui a un problème d'alcoolisme, est-ce que, comme vous le disiez, on doit lui permettre de reprendre le volant après, par exemple, avoir été reconnu criminellement responsable de la mort de quelqu'un et qu'on l'envoie d'abord en prison?

Mais, d'autre part, si la personne va dans une cure de désintoxication, la question est, quand elle devrait sortir, est-ce qu'on devrait lui montrer... de dire: Tu dois avoir patte blanche avant de remettre les mains sur un volant? Et ça, c'est des questions qui se posent effectivement en termes d'approche de sensibilisation. Et déjà la personne va avoir déjà été punie pour sa dette à la société, mais, d'autre part, on ne la laissera pas comme ça aller sans mot dire sur sa conduite future, par exemple. Et ça, je pense que ça peut se faire en complémentarité sans être incohérent au niveau des infractions au criminel.

M. Brodeur: Vous savez, vous parlez des jeunes contrevenants. On a entendu... Pour faire un parallèle avec les deux systèmes, ce qu'on a entendu ici depuis quelques semaines... on semble beaucoup... même je pense qu'on est peut-être plus sévère. La population est très sévère envers les gens qui souffrent d'alcool, qui ont conduit et qui ont fait un acte criminel que peut-être les gens d'en dehors du Québec.

Là donc on a... Vous êtes le premier à nous donner le message que, même si c'est peut-être pas si pire que ça puis on devrait comprendre, surtout pas se venger... Ça, je suis tout à fait d'accord. Il faut pas que ça soit un principe de vengeance, plus un principe d'équité. Sauf qu'on est dans un cas vraiment, là, où il semble que la population telle qu'elle est, le mouvement québécois est... vienne nous dire: On n'est pas assez sévère envers ces gens-là. Et on n'est pas convaincus non plus parce qu'on a eu des témoignages d'experts qui nous disaient que: Mettez la pénalité que vous voulez, ça changera pas grand-chose probablement aux gens qui conduisent en état d'ébriété. Mais ça, c'est autre chose.

Donc on a à... Je sais pas, je m'attends peut-être à une suggestion: Est-ce qu'on doit grader l'acte criminel qui est conduite en état d'ébriété, premier degré, deuxième degré, troisième degré, comme je le disais à un de vos prédécesseurs, pour dire que ce cas-là, ça fait 25 fois qu'il est pris en état d'ébriété: C'est la troisième personne que tu tues, là, toi, c'est grave, ton affaire, et puis descendre comme ça jusqu'à la personne qui prend un verre une fois puis qui malheureusement a un accident? Est-ce qu'on doit grader ça ou on doit totalement, totalement absoudre la personne qui tue quelqu'un d'autre en état d'ébriété? Est-ce qu'on doit totalement l'absoudre ou on donne une pénalité quelconque?

n(17 h 20)n

M. Valois (Roger): Mais, moi, je pense qu'il reste... Je veux pas prendre la place des tribunaux. Il faut que les tribunaux fassent leur travail. Nous, on dit: Voici la question. Et, si le ministre veut nous écouter, nous autres, 0,05, ça nous fait notre affaire. Comme en France. À 0,05, j'ai pas de trouble, moi, j'en prends pas, d'alcool au volant.

Il était un temps, par exemple, où c'était... ça faisait partie des moeurs. On a déjà, nous autres, quand on était jeunes, installé notre chum derrière son volant en disant: T'es-tu correct, là? Bien là, O.K., là. Bien là, il est assis, il peut s'en aller chez eux. Mais, des fois, il y avait des accidents, puis on disait: Il était chaud, c'est pas de sa faute! On a déjà fait ça, au Québec. Là, c'est plus ça, hein? Ça a changé en maudit, les mentalités.

Et, moi, là-dessus, je dis: Non, laissons les tribunaux faire ce qu'ils ont à faire. Et ça, moi, je pense que c'est très sage, de laisser le Code criminel se faire interpréter par... Si on trouve que le Code criminel est pas assez sévère, on fera des représentations à ceux qui changent le Code criminel. Et il faut faire la différence entre l'alcool qui est un crime ? l'alcool au volant est un crime ? et l'alcoolisme qui, lui, n'est pas un crime mais une maladie. Si on distingue pas les deux, on va s'embrouiller totalement. On se parlera pas de la même affaire. On se parle pas des mêmes choses.

Et, moi, je pense que l'alcool au volant doit rester un crime. Parce que ça a débarrassé beaucoup, hein? Parce que, à cette heure, là, dans toutes les veillées qu'on va ou dans tous les partys qu'on fait, il y a des Nez Rouge partout, hein? Ça prend quelqu'un qui dit: Moi... C'est-u toi, à soir, qui... tu sais? On s'arrange. Je sais pas si vous faites ça. Vous autres, vous en prenez pas, vous êtes... Vous prenez pas ces précautions-là, mais, nous autres, on les prend.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Non, non, mais...

M. Valois (Roger): Je veux pas dire que personne ici prend un coup.

M. Brodeur: Non, non, moi, je suis obligé de les prendre, j'ai pas de chauffeur, moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Non, mais c'est mieux. Les députés devraient tous en avoir, de toute façon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Bon. C'est noté.

M. Valois (Roger): Au prix que vous êtes payés, vous méritez ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Là, M. Valois, on parle d'indemnités aux criminels. Donc, est-ce que vous... Dans le sens que je comprends votre intervention, vous êtes d'accord à ce que la Société de l'assurance automobile indemnise une personne qui a été reconnue criminellement responsable de la mort de quelqu'un d'autre si elle a subi par le même accident un dommage quelconque. Donc, pour être clair, vous, vous êtes d'accord à ce qu'on indemnise totalement, sans pénalité, cette personne-là.

M. Valois (Roger): Parce que la formule s'y prête bien. Si l'alcool au volant s'arrête ici, où ça va s'arrêter pour l'indemnisation? C'est ça, notre crainte. Selon que vous serez riche ou pauvre, vous serez blanchi ou noirci par les tribunaux? C'est pas moi qui a dit ça, c'est Lafontaine. Pas le député, le poète, là.

M. Brodeur: Le poète?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Non, mais c'est pas... Non, mais c'est vrai. Et ça s'arrête où et ça commence où? Non, on a peur que... On a peur que la limite ne soit pas jamais, jamais... Moi, je pense qu'il faut laisser ça aux tribunaux.

Il faut que la SAAQ, elle, dise: Moi, je compense. Et, si on est compensé puis qu'on est en prison pour quatre ans, on a beau être compensé, ça va permettre à la femme, puis les enfants, puis peut-être aux dépendants probablement d'être compensés, eux, par l'entremise de. Nous, on veut pas toucher à ça. Parce que le principe, c'est d'indemniser ceux qui ont des accidents. À partir du moment où on a un accident, on est indemnisé. Ce qui arrive à ceux qui étaient en état d'ébriété, ça, c'est un autre niveau qui s'en occupe. La compensation doit pas être faite en mesure de ça. Moi, je pense que c'est là-dessus... Il faut pas non plus être plus... aller chercher toutes les causes, parce que vous finirez plus. Il faut avoir une loi qui compense tout le monde. Le criminel s'applique là où il s'applique, sans égard à ce que la compensation de la SAAQ paye. Il n'y a pas de... Il n'y a pas de... C'est dangereux d'établir des limites ou des mesures parce que, autrement, c'est... On a peur que ça soit toujours les mêmes qui payent.

M. Brodeur: Oui, mais qu'est-ce que vous répondez à des gens qui... pas aux criminalistes, mais aux gens qui vous ont précédé, les gens... les membres du Barreau qui nous disent qu'on doit harmoniser cette loi-là en fin de compte avec les autres lois, comme le Code civil, la loi sur la CSST, par exemple? Que si vous avez, par exemple... vous avez été... avez eu une grossière négligence, que vous serez pas remboursé? Donc, en fin de compte, je veux dire, c'est seulement harmoniser la loi avec les autres lois où les criminels ne sont pas indemnisés. Si on prend la CSST... Je pense que la CSN siège au conseil.

M. Valois (Roger): Oui, oui, oui. Absolument.

M. Brodeur: Oui? Donc, c'est peut-être une chose à réviser. Si vous êtes... Pour pas avoir deux poids, deux mesures. Si c'est bon pour la SAAQ, ça doit être bon aussi pour la CSST qui n'indemnise pas les gens qui ont eu une grossière négligence, par exemple, lors de leur accident.

M. Valois (Roger): Nous, on va plaider ça fort s'ils veulent pas le payer, par exemple. Ça, on va plaider ça fort, parce que, les compagnies qui ont commis des grossières... des grossières indécences au niveau des accidents, ils ont des primes plus sévères à payer, mais ils sont pas accusés plus qu'il faut parce que la SAAQ... pas la SAAQ, mais à la CSST, c'est leur mutuelle d'assurance. Et ceux qui nous ont précédés, c'est des avocats. Quand on est violoniste, on propose pas d'engager des pianistes, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamoureux (François): Il y a peut-être juste à ajouter, M. le député...

M. Brodeur: Oui, mais avant d'aller...

M. Lamoureux (François): M. le député.

M. Brodeur: Avant d'aller sur une autre note...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamoureux (François): Je vais essayer de pas vous jouer du violon.

M. Brodeur: Non, mais vous jouez du violon très bien, par exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamoureux (François): Alors, juste vous indiquer que... Et c'est ténu, parce que vous avez parlé tantôt de cohérence. Et, dès le moment où on échappe la prémisse, est-ce que l'alcoolisme est une maladie ou pas? et dès le moment où on le reconnaît et qu'à partir de ce moment-là on veuille, malgré ça, tenter de pénaliser quelqu'un avec ses indemnités de revenus ou de permettre de le poursuivre, il y a une incohérence entre les deux.

M. Brodeur: Donc, il faut pas que ce soit un acte criminel, ça là, je veux dire. Parce qu'il faut le sortir du Code criminel.

M. Lamoureux (François): C'est-à-dire l'acte criminel, il a déjà des sanctions, il a déjà des infractions statutaires. Et, si la personne commet des actes, elle aura à en rendre des comptes devant les tribunaux. Mais, au niveau de l'administration du régime, ça, c'est une tout autre chose. C'est parce que le danger... Il y a toujours un danger qui guette et on a l'impression, M. le ministre, que le débat qui est ici pour la consultation est un débat qui, le député l'a soulevé, qui... Il y a comme au niveau populaire, à un moment donné, une espèce de... Bon, évidemment, les cas et les situations dans lesquelles il est arrivé malheureusement des morts à cause de l'alcool au volant ou quoi que ce soit, c'est des cas qui sont, au niveau des médias, assez évidemment amplifiés et montés.

Et le danger pour les parlementaires à l'Assemblée nationale, c'est de pas faire cette abstraction-là aussi en même temps, de pas évidemment sombrer dans ce qu'on appellerait un peu... parce que, inévitablement, il y a un peu un sentiment de vengeance et de punir les gens, et vous allez avoir le même réflexe, Prenez un pédophile qui est accusé d'avoir fait des attouchements sexuels sur une petite fille de cinq ans, dans les journaux, et je vous dis que le lendemain les gens, si on les arrête pas, ils vont vouloir pendre cette personne-là ou à peu près haut et court. Et c'est le dérapage qui nous guette de quelqu'un qui a pris de l'alcool au volant, qu'il est arrivé un accident, qui a tué quelqu'un. Et jusqu'où, en même temps, cette gradation-là a contrario ne se fera pas pour que ces gens-là, on les ostracise et qu'il y ait des dérapages?

Et c'est pour ça qu'on pense que, comme Assemblée nationale, il doit y avoir des solutions qui doivent faire en sorte d'avoir des approches qui puissent corriger les problèmes déjà à partir du moment que l'individu a payé sa dette à la société, pour qu'il y ait une cohérence entre la maladie qui est l'alcoolisme et... Ou bien on veut l'aider à s'en sortir, ou bien on prend les moyens, ou bien on le rentre dans le trou, là.

M. Brodeur: Oui. Je comprends que le travail du législateur, dans ce cas-là, c'est qu'il y ait au moins apparence de justice sans avoir de vengeance, là. Donc ce serait le travail du législateur à faire ça.

Sur un autre point, parce que je sais que le temps passe rapidement et puis dans le mémoire, M. Valois, il y a quelque chose qui m'a fait sursauter au point de départ, vous nous avez dit en plus de l'assurance corporelle, vous parlez aussi, vous avez dit, vous suggérez que le gouvernement prenne charge aussi de l'assurance matérielle. J'ai sursauté, je me suis dit: Là, là, c'est à beaucoup d'État, hein! L'État prend beaucoup de place déjà pour certains. On trouve qu'il prend beaucoup de place. Est-ce que...

M. Valois (Roger): Pas nous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Oui, peut-être pas vous, là, mais, moi, je trouve qu'il en prend beaucoup. Donc, si on va dans l'assurance de dommages, est-ce que ce serait bon aussi qu'il aille dans l'assurance vie? Puis on sait que les banques, des fois, c'est difficile de faire affaire avec une banque. Est-ce qu'on pense que l'État devra faire la banque aussi? Je trouve que là, là, c'est se mettre beaucoup, beaucoup de responsabilités sur l'État, sur des choses qui peuvent être faites par l'entreprise privée et dans la société, sans que l'État intervienne à nouveau parce qu'on grossit, grossit, grossit, grossit toujours l'État et ça devient fastidieux de faire affaire avec l'État, là.

n(17 h 30)n

M. Valois (Roger): Je vais vous donner un... la préoccupation des individus face à l'assurance automobile. Il y a... On en a parlé tantôt, de l'alcool au volant, ça préoccupe beaucoup de monde, mais la préoccupation de bien des individus, c'est que, quand ça fait une, deux, trois accidents dans lesquels t'a rien à y voir, sauf ton char, on devient... ils ne sont plus assurables. Des primes exorbitantes. Frapper un chevreuil. C'est à qui, le chevreuil? C'est à l'État? C'est pas à l'État. C'est à personne, le chevreuil. Ça, le chevreuil, ça appartient à personne. C'est un «act of God», c'est comme ça qu'on dit ça. Tu frappes un chevreuil, tu te fais rentrer dedans par quelqu'un, il y a quelqu'un qui fait pas son stop puis il te rentre dedans, tu as pas à y voir. Là, tu n'es plus assurable. Tu es assurable en autant que tu paies des sommes exorbitantes. Ça, ça préoccupe la population. Et ce qu'on dit: Le gouvernement devrait jeter un regard là-dessus.

Tu sais, le «no fault», c'est le «fault» pour tout le monde. C'est pas le «no fault» au niveau de la tôle. C'est: Tout le monde est responsable. Tu te fais frapper par un sans-dessein qui est pas chaud puis qui est sans-dessein de nature ? il y en a de ça, hein? ? il fait pas son stop, bang! il te rentre dedans: Ha, ha, ha! Je t'avais pas vu. Ah! il t'avait pas vu. Là, la police arrive puis il dit: Tassez-vous, vous dérangez. Le constat amiable, il sait pas comment faire ça, de toute façon. Tu sais, quand tu es poigné avec ça, là, tu dis à ton assurance: C'est pas de ma faute. Il dit: C'est pas grave. L'assurance va augmenter de toute façon. Ça, ça préoccupe bien plus de monde. Ça, ça préoccupe bien des gens. Parce qu'il y a des annonces, les assurances pour bons conducteurs, les primes d'assurance qui baissent, bien, enfin ils l'indexent pas, mettons, tu sais, ça fait que, ça, c'est une préoccupation sur laquelle le gouvernement devrait s'arrêter. Parce que, moi, je vous dis: Ça dépend, aussitôt qu'il va y avoir lueur de procès, arrêtez ça. Quand c'est clair, un chevreuil, un orignal... Un orignal, à qui il appartient, l'orignal?

M. Chevrette: Je suis ministre de la Faune. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Ha, ha, ha! Ça prend un ministre qui a du panache, c'est ça.

M. Chevrette: J'ai du panache.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Non. Mais ça, c'est une préoccupation que les Québécois puis les Québécoises ont. Ils sont pas responsables de rien, mais leurs primes augmentent quand même. Ton auto est stationnée dans un stationnement de centre d'achats. Bang! Tu arrives à ton char, tu sais pas qui est-ce qu'il l'a fait, bien, tes primes augmentent. Ça, là, c'est une préoccupation qu'il faut regarder parce qu'on peut pas... On peut pas bêtement dire: Bien, ça, bien, c'est pas grave. Tu sais, ceux qui partent de 500 $ par année qui sont rendus à 2 000 $ puis 2 500 $ puis ils voient... Au niveau de leurs points, ils ont pas de points de perdus, ils sont pas... Il y a pas de points qui se perdent. Ils paient toujours le même montant à la SAAQ. Mais le privé eux autres, ils lui rentrent dedans pas à peu près. Ça fait beaucoup, beaucoup d'argent pour...

En fait, les compagnies d'assurances, ce qu'ils font, c'est que, si tu as un accident, ils t'avancent le montant puis ils te le chargent d'année en année, tu sais, jusqu'à temps que tu arrives à rembourser. Ça, là-dessus, il faut absolument que le gouvernement se penche là-dessus. Puis on l'avait dit au départ: Prenez tout. Prenez tout. Mais on était jeunes, on était beaux. On y a été tranquillement. On a dit: On va prendre la peau, après ça, on prendra la tôle. Mais la tôle est pas encore là, là. C'est pas si grave que ça, hein?

M. Brodeur: ...commence à être fripé depuis 25 ans, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Oui. Mais on pourrait peut-être avoir aussi des garages d'État pour vérifier les véhicules aussi, hein ? des garages d'État pour vérifier les véhicules ? au lieu de faire une opération minoune où c'est que, quand ton auto a plus que 10 ans, à tous les ans, elle doit passer une inspection. Ça, là-dessus, on pourrait vous soumettre un autre mémoire là-dessus. Puis on est capable de le soumettre parce qu'on a regardé ça abondamment. Il y a des pays où c'est obligatoire. Il faut... Quand l'auto a plus qu'un certain nombre d'années, il faut qu'elle soit vérifiée. Moi, je vais vous dire, là: Si vous faites un barrage minoune, ça va aller mais, si vous faites un barrage pour vérifier les automobiles qui sont en état de fonctionner sur la route, enlevez les lumières, vous avez pas besoin de ça.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. Ça termine bien cette journée. Merci pour votre participation aux travaux de cette commission. Et, là-dessus, j'ajourne les travaux au mardi 2 octobre 2001, à 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 33)



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