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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 29 septembre 1999 - Vol. 36 N° 14

Consultation générale sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Paul Bégin
M. Robert Benoit
M. David Whissell
M. Yvan Bordeleau
M. André Pelletier
M. Michel Côté
M. Serge Deslières
M. Gabriel-Yvan Gagnon
*M. Christian Lacasse, UPA
*Mme Claire Binet, idem
*M. André Duchesne, AIFQ
*M. Louis Désilets, idem
*M. Michel Meunier, idem
*M. Jean Boisvert, Horizon Environnement inc.
*M. Guy Lessard, RNCREQ
*M. Philippe Bourke, idem
*M. Alexandre Turgeon, idem
*M. Jean-Noël Sergerie, idem
*Mme Danielle Allard, BNQ
*M. Clément Audet, idem
*M. Roger Valois, CSN
*M. Robert Mercier, idem
*M. Stéphane Boutin, ENJEU
*Mme Annie Massicotte, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Je rappelle le mandat de la commission: c'est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire, pour la séance d'aujourd'hui?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Whissell (Argenteuil) remplace Mme Delisle (Jean-Talon) et M. Ouimet (Marquette) remplace M. Middlemiss (Pontiac).

(9 h 40)

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, aujourd'hui, dans notre horaire prévisible des auditions de la journée, nous entendrons les représentants, d'abord, de l'Union des producteurs agricoles; ensuite, l'Association des industries forestières du Québec; à 11 h 30, Horizon environnement inc.; en début d'après-midi, à 14 heures, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec; puis, à 15 heures, le Bureau de normalisation du Québec; ensuite, la Confédération des syndicats nationaux; et, finalement, pour terminer nos travaux aujourd'hui, à 17 heures, Environnement Jeunesse. Alors, j'invite immédiatement les représentants de l'Union des producteurs agricoles à bien vouloir prendre place.


Auditions

Alors, bienvenue à cette commission parlementaire. Je vous connais très bien, mais si vous voulez vous identifier pour le bénéfice des personnes qui sont autour de cette table.


Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Lacasse (Christian): Oui. Alors, je me présente, Christian Lacasse, je suis producteur laitier dans la région de Bellechasse et premier vice-président de l'UPA; également avec moi, Claire Binet, qui m'accompagne, qui travaille à la Confédération et qui est responsable, entre autres, du dossier de la gestion des déchets pour l'UPA.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, comme vous le savez sans doute, vous avez un maximum de 20 minutes pour exposer le point de vue de votre organisme, et, par la suite, nous aurons des échanges, deux périodes de 20 minutes pour chacun des groupes parlementaires.

M. Lacasse (Christian): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les commissaires, comme une bonne partie de la population, les producteurs et productrices agricoles du Québec sont bien conscients de la tendance assez forte de grande consommation que nous vivons, et qui engendre évidemment une plus grande partie de rebuts, et qui accentue sûrement la problématique de la gestion des déchets au Québec. Les producteurs agricoles sont aussi très interpellés depuis bon nombre d'années par la façon, la manière dont on dispose de ces déchets. Vous savez, la plus grande partie des déchets qui sont produits au Québec ne sont pas enfouis dans les grandes villes, bien sûr, ils sont enfouis en milieu agricole, de sorte que les producteurs sont confrontés et se voient imposer les conséquences de cette évolution dans leur entourage immédiat.

Je n'ai pas l'intention de faire une lecture intégrale du mémoire, vous en avez sûrement une copie. On ferait une lecture plutôt sélective, en insistant davantage sur les principales préoccupations de l'Union, les orientations qu'on préconise de même qu'une appréciation générale de l'avant-projet de loi qui est le sujet d'aujourd'hui.

Alors, les préoccupations de l'UPA en matière de gestion des déchets. Les impacts de l'actuelle gestion des déchets sur le territoire agricole sont multiples. Il y a d'abord la perte de sols agricoles, souvent d'ailleurs de grande qualité. À cet effet, signalons qu'un relevé des décisions rendues à ce sujet entre 1979 et 1996 par la Commission indique que celle-ci a été globalement assez permissive face à l'implantation et à l'agrandissement d'installations d'enfouissement ou de traitement des déchets. Malgré que les sols cultivables soient une ressource rare au Québec, puisqu'ils représentent à peine 2 % du territoire, ils demeurent néanmoins fréquemment ciblés pour divers usages à des fins de gestion des déchets.

Il y a ensuite les impacts négatifs de la présence de ces installations en zone agricole. D'une part, des effets d'entraînement se manifestent par des pressions sur le milieu agricole environnant pour l'expansion de ces usages, qui s'ajoutent à de nombreuses autres demandes pour l'implantation d'usages non agricoles. D'autre part, les contrôles déficients appliqués par les autorités gouvernementales responsables font notamment en sorte que l'enfouissement, considéré dans la terminologie gouvernementale comme de l'élimination, est loin de faire disparaître les matières enfouies. Leur présence persistante dans l'environnement cause divers dommages et contribue parfois à la contamination du sol, de l'air et de l'eau, et ce, bien longtemps après l'enfouissement.

Par ailleurs, bien que l'incinération présente a priori l'avantage de réduire de deux tiers le volume initial des matières à enfouir, ce mode de disposition des déchets génère des émanations dont certaines sont hautement toxiques, comme les dioxines et les furanes. Ces substances sont dispersées dans l'air et peuvent s'introduire dans la chaîne alimentaire par bioaccumulation, notamment, à travers la production agricole.

Le territoire agricole est aussi visé par la multiplication de projets de valorisation agricole de diverses matières considérées comme des matières résiduelles fertilisantes, ce qu'on appelle les MRF. Même si cette forme de gestion des déchets est globalement plus récente que l'enfouissement et l'incinération, elle prend de l'ampleur, et la nomenclature de ces résidus, de provenance municipale ou industrielle, tend à s'allonger rapidement. Signalons que cette soudaine abondance de matières fertilisantes crée une concurrence entre les divers types de fertilisants dans un contexte de plus en plus contraignant pour les producteurs agricoles. En effet, d'une part, les règles environnementales se resserrent davantage quant à la gestion et à l'épandage des engrais de ferme, ce qui alourdit la problématique des surplus d'engrais de ferme dans plusieurs municipalités. D'autre part, on s'interroge sérieusement sur la qualité du contrôle et du suivi de la valorisation des MRF à des fins agricoles alors que les études sont encore rares quant aux impacts à long terme de ce type de valorisation.

Conséquemment, il ne faut pas s'étonner du fait que le monde agricole préconise, et ce, depuis près de 10 ans, une gestion des déchets qui soit régionale, publique et transparente. Les objectifs d'une telle gestion doivent être de réduire significativement les quantités de matières rebutées et de limiter la disposition définitive de ces matières. Il est primordial que la prise en charge des déchets revienne d'abord à ceux qui les produisent. De plus, de telles orientations ne peuvent se concrétiser que par un important travail de sensibilisation et d'éducation, par une responsabilisation de la population et des décideurs de même que par des actions gouvernementales fermes et cohérentes.

La démarche gouvernementale: des démarrages laborieux, de nombreux revirements et des progrès timides. Depuis la publication, en 1989, par le gouvernement, de sa Politique de gestion des déchets, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et des changements significatifs auraient dû prendre place au Québec. Bien que le niveau de conscientisation de la population ait passablement augmenté, comme l'a démontré la consultation menée par le BAPE en 1996, et que l'industrie de la récupération et du recyclage ait amorcé sa lancée, la politique de 1989 s'est traduite par peu de modifications aux instruments gouvernementaux de gestion, ceux-ci s'étant généralement révélés inadéquats et nettement insuffisants.

Le plan d'action promis par le gouvernement à la suite du rapport du BAPE était très attendu. Rendu public en septembre 1998, celui-ci est décevant à certains égards, notamment quant aux objectifs de récupération, au libellé imprécis de plusieurs propositions d'action et surtout à la faiblesse des mesures de régionalisation. Au cours des mois suivants, la mise en place d'un comité de suivi et d'un comité technique par le ministère de l'Environnement donnait l'espoir de pouvoir remédier à ces lacunes. Ces travaux ont toutefois mis en évidence de fortes résistances face à la prise en charge régionale prévue dans le plan d'action, un des enjeux majeurs de cette nouvelle politique.

Ces résistances sont globalement les mêmes que celles qui ont limité les progrès du Québec dans la gestion des matières résiduelles depuis une dizaine d'années. Les principales viennent d'abord de l'industrie de la collecte et de l'enfouissement des déchets, qui est de plus en plus contrôlée par des entreprises multinationales dont les intérêts sont souvent fort éloignés des préoccupations des populations locales. Elles viennent aussi de la volonté farouche de bon nombre de villes de moyenne ou de grande taille de continuer à décider dans leur seul intérêt, expédiant généralement leurs rebuts vers des municipalités rurales parfois situées loin en périphérie.

On constate que cet avant-projet de loi se caractérise surtout par beaucoup de belles intentions fort imprécises. À toutes fins pratiques, l'avant-projet de loi demeure essentiellement un énoncé de principe très général qui ne s'appuie pas nécessairement toujours sur le plan d'action. Soulignons que, hormis les dispositions relatives à la planification régionale et au comité de surveillance et de suivi pour les lieux d'élimination, cette pièce législative apporte peu de nouveauté. Dans les faits, elle reprend en grande partie les dispositions de la loi 151 adoptée en 1994, qui n'a cependant jamais été promulguée.

(9 h 50)

Le fait de ne pas disposer d'information sur les orientations réglementaires qui donneraient éventuellement application à une plus grande partie de ces dispositions législatives, il est difficile de se faire une idée de ce que donnera la mise en oeuvre du plan d'action gouvernemental. En effet, comme les autres secteurs d'activité, leur production agricole sera touchée par les diverses réglementations à venir pour la réduction, la récupération et l'élimination des matières résiduelles. À moins que la volonté gouvernementale ne soit fermement et plus clairement réaffirmée dans le projet de loi à venir et surtout concrètement manifestée dans les règlements qui en découleront ainsi que dans leur application, la présente démarche risque de s'inscrire dans la triste continuité de la valse-hésitation de la dernière décennie.

Des commentaires spécifiques sur divers aspects de l'avant-projet de loi concernant les définitions, entre autres «déchet» ou «matière résiduelle». On peut se demander ce qui pousse le gouvernement à abandonner le terme «matière résiduelle», introduit avec une définition dans le document de consultation de 1996 et repris dans le plan d'action de 1998, au profit de la notion de «déchet», d'autant plus que l'actuelle définition de la loi serait abolie. En l'absence totale de définition, celle du Petit Robert , qui réfère principalement à un résidu inutilisable, convient plutôt mal à la philosophie de récupération qui sous-tend une telle pièce législative. Il est souhaitable d'introduire dans le cadre législatif la notion de «matière résiduelle», en enrichissant au besoin la définition avec des éléments plus précis à partir de la définition actuelle du terme «déchet», à défaut de quoi il faut au moins conserver la définition actuelle de «déchet» comprise dans la loi afin de s'assurer que toutes les matières concernées soient assujetties à la loi et à la réglementation appropriées.

Au niveau de la planification régionale, de façon générale, les diverses modalités reliées à la confection et à la modification des plans de gestion par les MRC et les communautés urbaines manquent de précision et laissent trop de place au pouvoir réglementaire de même qu'à celui du ministre, ce qui pourrait, dans certains cas, compromettre l'atteinte d'une plus grande équité entre les populations visées par la planification régionale. Par ailleurs, nous déplorons vivement le fait qu'une installation d'élimination établie avant l'adoption d'un plan de gestion ne puisse être assujettie à celui-ci, ce qui affaiblit énormément sa portée.

Le contenu des plans de gestion, un bon point de l'avant-projet de loi, consiste à octroyer aux MRC et aux communautés urbaines le pouvoir d'exiger des municipalités et des entreprises les renseignements nécessaires à la confection du plan de gestion. Soulignons cependant que les orientations du plan de gestion doivent aussi s'appliquer aux déchets provenant des industries, des commerces et des institutions. Par ailleurs, le plan d'action gouvernemental prévoit que chaque MRC doit se doter, parallèlement à son plan de gestion des déchets, d'un plan directeur des boues d'origine municipale, soit les boues de fosses septiques et celles provenant des usines d'épuration. Or, l'avant-projet de loi est totalement muet à ce sujet. Compte tenu de la problématique des surplus de fumier et de lisier dans plusieurs municipalités, il est important que cette planification se fasse. De plus, ce plan directeur des boues doit tenir compte du fait que les producteurs agricoles doivent prioritairement valoriser les déjections animales avant de procéder à l'épandage des boues provenant de l'extérieur.

La consultation sur les plans de gestion et le système de surveillance et de suivi. La loi doit préciser que la commission chargée de la consultation préalable à l'adoption d'un plan de gestion devra inclure différents segments de la population et des représentants des groupes directement concernés par la problématique régionale de la gestion des déchets. Dans certains cas, le monde agricole pourrait être particulièrement visé. Cependant, avant de procéder à l'adoption de son plan de gestion, la MRC ou la communauté urbaine devra requérir l'avis du comité consultatif agricole.

Les délais de mise en oeuvre et les contrats à long terme. Le délai de seulement 15 jours accordé au ministre pour indiquer son désaccord avec un plan de gestion adopté est tout à fait irréaliste et laisse croire que le ministre l'approuverait par défaut sans une analyse rigoureuse. Le pouvoir du ministre d'accorder des délais supplémentaires, s'il n'est pas balisé, pourrait également paralyser le processus dans certaines parties du territoire et favoriser la conclusion de contrats, surtout pour la disposition définitive prenant effet avant l'adoption d'un plan de gestion et, par conséquent, non soumis à celui-ci. Une des grandes lacunes de l'avant-projet de loi est d'ailleurs l'absence de mesures transitoires pour limiter la durée des contrats signés d'ici l'adoption des plans de gestion.

Le droit de regard sur la provenance des déchets à éliminer. Lorsqu'une MRC ou une communauté urbaine souhaite limiter ou interdire l'élimination sur son territoire de déchets en provenance de l'extérieur de celui-ci, l'obligation de tenir compte des besoins et de la capacité des territoires limitrophes en matière d'élimination pourrait conduire au fait que les intérêts d'un territoire exportateur pourraient, à certains égards, prévaloir sur ceux d'un territoire receveur de déchets, particulièrement dans le cas où le territoire receveur se donnerait des objectifs de récupération plus élevés que le territoire exportateur. Une telle obligation pourrait s'avérer inéquitable et décourager la population du territoire récepteur de déployer des efforts plus importants. L'UPA est d'avis que la loi doit imposer une responsabilisation aux occupants des territoires de planification. Chacun doit prendre en charge ses résidus ou s'entendre avec ses voisins pour le traitement ou la disposition définitive. Si une MRC envoie ses déchets pour disposition dans une autre MRC, elle doit au moins se donner des objectifs de récupération équivalents à ceux de la MRC réceptrice.

La modification d'un plan de gestion. Le fait de pouvoir à tout moment modifier un plan de gestion, comme c'est actuellement possible de le faire pour un schéma d'aménagement, pourrait menacer la stabilité de celui-ci. Même si une certaine souplesse est nécessaire pour permettre des ajustements entre les révisions quinquennales, le comité de surveillance et de suivi du plan de gestion doit pouvoir indiquer si, à son avis, la modification prévue remet en cause l'économie générale du plan de gestion.

Concernant la récupération à des fins de réemploi, de recyclage et de revalorisation, tel que soulevé précédemment, l'UPA est particulièrement préoccupée par la problématique de la valorisation des matières résiduelles fertilisantes. Ses préoccupations sont principalement de trois ordres. Il y a d'abord la prolifération de nouveaux produits reconnus comme des MRF. Mentionnons les boues stabilisées d'usines d'épuration municipales ainsi que les biosolides granulés issus du séchage de ces boues ou des boues stabilisées des fosses septiques. Il faut y ajouter la production de différentes formes de compost dont certains sont de facture industrielle alors que d'autres sont fabriqués à la ferme. En provenance du secteur industriel, un imposant volume de boues est produit par les papetières, qu'elles soient générées par les processus de désencrage ou par les processus de fabrication du papier.

Le deuxième niveau de préoccupation est à l'effet que, si cette valorisation est normalement faite avec une autorisation accordée, selon des normes reconnues par le gouvernement, notamment celles du BNQ, le contrôle de la qualité des MRF et le suivi des épandages sont très déficients. En effet, aucune certification de conformité du produit à la norme établie n'est exigée pour procéder à l'épandage. Ni le ministère de l'Environnement ni le BNQ n'effectuent un contrôle de la qualité du produit et un suivi de l'épandage. Ce sont donc les entreprises productrices de ces matières qui procèdent à un autocontrôle de la qualité du produit.

En troisième lieu, l'état des recherches sur les impacts à long terme de ce type de fertilisation sur la composition des sols et sur les produits agricoles qui en proviennent directement ou indirectement demeure limité et soulève beaucoup de doutes. L'importance des volumes des matières fertilisantes générées à la ferme ainsi que les problèmes de surplus dans certaines municipalités doivent donc faire en sorte que la valorisation des MRF à des fins agricoles n'intervienne que si la valeur agronomique est démontrée et accompagnée d'un contrôle et d'un suivi adéquats. Sur une base individuelle, les producteurs agricoles sont passablement sollicités pour l'épandage d'une multitude de ces nouveaux produits, mais ils ne sont pas suffisamment informés sur les lacunes quant au contrôle de la qualité de plusieurs de ces produits, sur les risques associés au manque de suivi et sur les éventuelles conséquences à long terme du recours à ces nouvelles formes de fertilisation. Un aspect à ne pas négliger est la vulnérabilité de la production agricole à l'opinion publique. Dès le moment où des craintes se répandent face à la présence d'un produit potentiellement dangereux pour la santé, des mouvements de panique peuvent s'emparer de la population et entraîner des conséquences économiques très lourdes pour la production agricole, comme on l'a constaté à quelques reprises récemment en Europe.

(10 heures)

Le permis d'opération. Le remplacement des présentes dispositions par celles de l'avant-projet de loi aurait notamment pour effet d'éliminer l'obligation de détenir, en plus du certificat d'autorisation pour l'établissement d'une telle installation, un permis d'opération pour une période maximale de cinq ans. Signalons que le projet de loi 151 adopté en 1994 maintenait l'exigence d'un permis et l'élargissait même aux municipalités jusqu'alors exemptées. Étant donné que c'est généralement dans le permis que les quantités de matières à enfouir sont fixées, le maintien de l'exigence du permis permet donc de contrôler les volumes enfouis.

Concernant les fiducies d'utilité sociale et les garanties financières...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Lacasse (Christian): Pardon?

Le Président (M. Lachance): En conclusion.

M. Lacasse (Christian): En conclusion, je passerais directement à la conclusion. Vous avez dans le texte nos commentaires concernant les éléments qui suivaient. Alors, toute l'énergie mobilisée par la population et les diverses organisations lors de la consultation publique du BAPE en 1996 indique bien que le Québec est prêt à passer à l'action. Nous n'en sommes plus à l'heure des voeux pieux, il est plus que temps que cesse la valse-hésitation du gouvernement et qu'il passe aux actes pour suivre le mouvement amorcé dans plusieurs pays occidentaux comme dans plusieurs autres États américains et provinces canadiennes.

La diminution de la pression de l'enfouissement des déchets sur le territoire agricole est un des principaux motifs de l'implication de l'UPA dans le débat public sur la gestion des déchets. Rappelons que la totalité de la superficie de la zone agricole atteint à peine 2 % du territoire québécois. Conséquemment, l'application de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles doit se traduire par une plus grande rigueur que dans le passé. C'est d'abord à l'extérieur de la zone agricole qu'il faut chercher des sites pour implanter ces installations de traitement et d'enfouissement des déchets. Il faut également assurer une plus longue durée de vie pour les divers sites d'enfouissement ainsi que des conditions d'opération qui préservent l'environnement.

Mais il y a plus encore: le maintien de la qualité du sol et de l'eau. Cette ressource, étant tout aussi essentielle à l'agriculture que le sol, demeure une préoccupation majeure pour le monde agricole. À cela, il faut ajouter le souci constant de l'innocuité des aliments produits en agriculture. Pour ce faire, la valorisation à des fins agricoles de différentes matières résiduelles fertilisantes doit être davantage encadrée, contrôlée et suivie afin d'assurer une agriculture durable pour les générations futures.

Pour les producteurs agricoles, la protection du territoire et des activités demeure plus que jamais une question d'actualité. À cet égard, une partie non négligeable des engagements pris par le gouvernement au cours des dernières années, principalement lors de l'adoption de la loi n° 23, tardent encore à se concrétiser. Soulignons que, parallèlement, les producteurs agricoles déploient depuis quelques années des efforts considérables pour modifier leurs pratiques en vue de préserver les ressources et d'assainir l'environnement.

Rappelons, en terminant, qu'une politique efficace de gestion des déchets doit s'appuyer sur une diminution significative de l'enfouissement et de l'incinération au profit de mesures vigoureuses pour la réduction à la source et la récupération à des fins de réemploi, de recyclage et de valorisation, tout en assurant un contrôle et un suivi rigoureux de ces diverses activités. Pour assurer le succès d'une telle politique, il faut cependant consacrer des ressources importantes à l'information et à la sensibilisation afin de responsabiliser les citoyens face à une prise en charge de la gestion des déchets, à l'échelle territoriale, qui soit le plus près possible des milieux d'identification de la population et des décideurs.

Là-dessus, je tiens à remercier la commission de nous avoir accordé la possibilité d'émettre notre point de vue. On est disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Lacasse. M. le ministre de l'Environnement.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Merci, M. Lacasse, pour votre présentation. Je pense que vous couvrez pas mal de terrain dans votre mémoire. Dans votre conclusion, vous soulevez, je crois, les principales questions, entre autres – c'est celle qu'on retrouve à la fin – la question de la planification régionale.

Deuxièmement, vous nous parlez qu'il faudrait avoir des plans de gestion, d'information et de sensibilisation auprès de la population. En relation avec la durée de vie du site, vous faites le lien qu'il faudrait diminuer évidemment l'enfouissement par des mesures vigoureuses de réduction à la source, de recyclage, etc. Quatrièmement, vous dites que la valorisation à des fins agricoles de différentes matières devrait être produite. Je comprends là-dedans que c'est les produits, entre autres, putrescibles comme les déchets de table ou, si vous faites référence... Là, je n'ai pas saisi si c'étaient les boues des fosses septiques ou les boues des étangs d'épuration.

M. Lacasse (Christian): Nous, c'est les MRF, les matières résiduelles fertilisantes, à partir des boues municipales ou industrielles.

M. Bégin: O.K. Vous ne référiez pas à ce qui est putrescible, comme les déchets de table, parce que ça, en fait, c'est une partie importante...

M. Lacasse (Christian): Ça peut en faire partie également.

M. Bégin: O.K.

M. Lacasse (Christian): Mais je dirais qu'en termes de...

M. Bégin: Votre préoccupation première était de l'autre côté.

M. Lacasse (Christian): Exactement, oui.

M. Bégin: O.K. Et, finalement, des installations de traitement et d'enfouissement de déchets, vous avez deux volets. Un, c'est peut-être maximaliser autant que possible en dehors des zones agricoles l'utilisation des terrains, mais je comprends également que la préoccupation de la qualité des sites vous interroge ou, en tout cas, vous préoccupe. Alors, je pense que vous faites le tour des sujets.

Si on revenait au premier, en particulier sur l'aspect régional de la gestion. Vous avez dit: Malheureusement, ça ne s'applique pas – ce n'est pas les mots exacts – aux sites déjà existants. Vous connaissez sans doute la conséquence de l'application aux sites existants de cette règle-là, vous comprenez que ça peut vouloir dire la fermeture d'un site ou la cessation des opérations alors qu'une personne détient un certificat d'autorisation. Autrement dit, il faudrait exproprier les sites. Est-ce que c'est ce que vous nous proposez?

M. Lacasse (Christian): Bien, écoutez, moi, je pense qu'il y a divers éléments de la politique puis de la loi qui s'en viennent et qui, selon moi, devraient comporter certains éléments de rétroactivité pour réévaluer l'impact de ces sites-là. Est-ce que ça peut aller jusqu'à l'expropriation? Moi, je pense que ça reste aussi aux gens du milieu à définir c'est quoi, l'avenir de ces sites-là.

M. Bégin: Excusez. C'est parce que, quand vous le dites comme vous l'avez formulé, «ça devrait s'appliquer aux sites déjà existants», ce n'est pas «pouvoir» c'est «devoir», le mot, ce qui veut dire que, dans les faits, si vous décrétiez que ça s'applique à ces gens-là, ce serait l'équivalent d'une fermeture dans plusieurs cas. Donc, ce n'est plus une question de rétroactivité, c'est une question d'expropriation. Est-ce que c'est ça que vous recommandez? Parce que l'alternative est là, hein, c'est: ou on fait ça, ce que vous recommandez, ou bien on dit: Les sites déjà existants, en termes de qualité de normes... Par exemple, mettre une membrane, traiter le lixiviat, ça, ça va s'appliquer parce que c'est une norme qui peut s'appliquer à partir d'une certaine date. Ce n'est pas rétroactif, c'est à compter d'une telle date. Mais, quand vous dites que, par le biais du contrôle régional, du droit de refus, ça devrait s'appliquer à certains sites existants, là ça veut dire que, dans certains cas, on pourrait les fermer, littéralement. Donc, c'est une expropriation.

M. Lacasse (Christian): C'est parce que, là, on va à l'extrême limite, l'expropriation. Mais est-ce qu'il n'y a pas des mesures, dans le projet de loi à venir, dans la politique, dans le plan d'action qui est déjà sur la table, qui auraient avantage à s'adresser aussi à ces sites-là?

M. Bégin: Prenons un cas concret. Mettons qu'une entreprise opère un site dans une MRC donnée et qu'elle a utilisé à peu près la moitié de la capacité d'enfouissement. Si on disait – et c'est ce que j'ai compris, peut-être que j'ai eu tort, là: À compter de maintenant, la MRC interdit qu'on apporte des matières résiduelles de l'extérieur du territoire de la MRC à ce site-là, je dis que, si on prenait une telle décision, ce serait l'équivalent d'une expropriation. C'est pour ça que, quand vous dites: On va l'appliquer aux sites déjà existants, vous prenez cette décision-là, vous voulez ou vous ne voulez pas. Est-ce que c'est ça que vous désirez faire ou bien si, comme il est prévu dans le projet, on laisse le droit à ceux qui ont un permis de fonctionner jusqu'à l'expiration de ce permis-là et on applique les nouvelles dispositions après ce délai-là?

M. Lacasse (Christian): Mais le risque aussi – puis je pense qu'on le traduisait bien dans le mémoire – c'est que, dans la période transitoire, il peut y avoir sûrement des opportunités pour certaines personnes de profiter du délai encore pour renouveler ou installer de nouveaux sites.

M. Bégin: Non.

M. Lacasse (Christian): Alors, dans cette période transitoire là, nous, on voit un problème à ça. Il y a de l'opportunité, là, qui ne serait pas nécessairement positive et qui pourrait comporter des impacts majeurs.

M. Bégin: À cet égard, le projet de loi n'en parle pas. Cependant, il ne faut pas oublier que, en 1993 et en 1995, il y a deux gestes qui ont été posés. Le premier, ça a été de faire un moratoire sur tout projet de création d'un site et tout projet d'agrandissement, un. Deux, ceux qui avaient, pour des raisons, à ce moment-là, certains droits, dont le processus était en cours, on les a assujettis au processus d'évaluation environnementale, donc au BAPE. Alors, ça existe. Je ne sais pas si vous étiez au courant de ça, mais il ne peut pas y avoir d'agrandissement d'un site sans procéder par cette procédure d'évaluation environnementale. Ça donne évidemment la possibilité à tous les intervenants, y compris le milieu agricole, l'UPA et les gens, d'intervenir pour faire valoir des motifs qui seraient contre l'installation de ce nouveau site, ou encore de poser des conditions, par exemple, de qualité d'exploitation du site.

(10 h 10)

M. Lacasse (Christian): Oui, mais, nous, ce qu'on fait valoir davantage, c'est les contrats qui peuvent se signer pour... Bon, on ne parle pas nécessairement d'agrandissement de sites, là, mais, s'il y a un site qui a encore du potentiel, il peut signer des contrats pour...

M. Bégin: Le temps de la durée.

M. Lacasse (Christian): ...amener une quantité très importante. Alors, là, s'il y a des contrats qui se signent pour 20 ans...

M. Bégin: Non, il n'y a pas de contrats qui se signent pour 20 ans. Il y a un cas qui s'est présenté, c'est celui de la MRC de Joliette qui a demandé de pouvoir signer un contrat de 20 ans.

Une petite parenthèse. Vous savez que les municipalités ne peuvent pas signer un contrat de plus de cinq ans en quelque domaine que ce soit sans obtenir l'autorisation du ministère des Affaires municipales. C'est ce qu'on appelle un engagement de crédits. C'est mon ancien métier d'avocat en droit municipal qui vous parle. Alors, c'est un engagement de crédits. Dans le cas de la MRC de Joliette, ils ont voulu faire un contrat sur 20 ans et la ministre des Affaires municipales a refusé de l'accorder pour plus de cinq ans pour les motifs que vous soulevez, le temps que la politique soit en vigueur.

M. Lacasse (Christian): Oui, sauf que ça touche juste les boues municipales, ça...

M. Bégin: Non, non, non! Dans le cas de Joliette, allez voir, c'est un site d'enfouissement et d'opération, et il a des contrats de cueillette et de disposition des matières résiduelles.

M. Lacasse (Christian): Y compris celles qui peuvent venir du secteur privé?

M. Bégin: Tout. C'est cinq ans, maximum, pour permettre justement que le plan de gestion soit élaboré et entre en vigueur. Là, on est dans une période transitoire. Je comprends votre préoccupation, mais je pense que, là-dessus, le gouvernement a protégé au maximum de ce qui était possible les intérêts de tout le monde.

M. Lacasse (Christian): Mais est-ce que les MRC ont juridiction sur le privé, dans ce cadre-là?

M. Bégin: C'est-à-dire qu'elles ont juridiction pour les contrats de cueillette et de disposition. Au premier point, il y a quelqu'un qui les reçoit, mais il y a quelqu'un qui les cueille. C'est les municipalités locales et/ou régionales ou les régies intermunicipales qui accordent le contrat à quelqu'un. Alors, c'est ce contrat-là qui sert de contrôle pour ne pas dépasser la période de cinq ans. Autrement dit, si vous êtes propriétaire d'un site privé dans une MRC et que vous dites: Je veux recevoir les déchets, par exemple, de Montréal, Montréal est liée par la clause que je viens de vous mentionner et donc ne pourra pas accorder le contrat pour plus de cinq ans. Comprenez-vous? Alors, le ministère des Affaires municipales, en tout temps, a le contrôle pour les contrats de plus de cinq ans. Et, quand le plan de gestion sera fait, c'est la MRC qui va indiquer qu'est-ce qu'elle entend faire, et là la consultation publique aura lieu et tout le monde pourra dire son mot.

Vous abordez un autre point et là-dessus vous êtes le premier à le soulever, mais il y en a d'autres qui le font. Vous dites: Pourquoi changer les mots «matière résiduelle» pour «déchet»?

Une voix: Il y en a d'autres qui l'ont fait ici...

M. Bégin: Oui, je sais, mais je parlais des intervenants. Alors, je vais peut-être vous surprendre, mais je suis d'accord avec vous. Quand je suis arrivé au ministère...

M. Lacasse (Christian): C'est important de s'entendre, quelquefois.

M. Bégin: C'est important, hein? Quand je suis arrivé au ministère, j'ai dit: Qu'est-ce que c'est que ça, cette façon d'utiliser les mots «matière résiduelle» pour désigner ce que j'appelle, moi, depuis toujours des déchets? On m'a expliqué que le mot «déchet» ne couvrait pas entièrement la réalité et que, compte tenu de ce qu'on faisait, on devait en changer. Bon, j'ai dit: O.K. Je me suis adapté. Alors, j'ai appris les mots, j'ai utilisé les mots, j'ai même appelé mon document Plan de gestion des matières résiduelles.

Ensuite, j'ai demandé qu'on prépare mon avant-projet de loi, et, quand il est arrivé, tout à coup, oups! c'était le mot «déchet» qui apparaissait. Là, j'ai demandé qu'est-ce que c'était, et on m'a dit: Bien, écoutez, il y a un problème juridique qui se pose au niveau de l'utilisation des mots «matière résiduelle». Il était trop tard pour faire des changements, et on les a laissés là. Mais, personnellement, il va falloir que les juristes m'expliquent pourquoi on ne peut pas dire que ce sont des matières résiduelles, parce qu'on a demandé à toute la population du Québec d'utiliser cette expression-là. On l'a inscrite dans des documents, et là il faudrait revenir au mot «déchet» qui ne couvre pas plus la réalité. C'est quoi qu'on a dans nos maisons et dans nos bacs? On a à la fois des matières putrescibles, on a des matières solides, on a des matières revalorisables, d'autres qui ne le sont pas. Alors, je pense qu'il va falloir qu'on revienne aux mots «matière résiduelle». Il faudra une explication juridique vraiment profonde pour me convaincre qu'on ne doit pas revenir aux mots «matière résiduelle».

M. Lacasse (Christian): Bien, pour nous, en tout cas, je pense que le plus important, c'est que ça ne traduit pas du tout les nouveaux débouchés qui s'offrent concernant ces matières-là. Évidemment, le terme «déchet» est plutôt négatif, très péjoratif, alors il faut absolument y aller avec un terme plus positif qui ouvre la porte à une meilleure disposition de ces éléments-là.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Merci, M. le Président. M. Lacasse, Mme Binet, merci d'être avec nous ce matin. D'abord vous dire que votre mémoire est de très grande qualité. Je ne le dirai pas souvent à bien du monde, je vais le dire aux gens qui vous suivent tantôt aussi. On a l'impression que vous connaissez la problématique du déchet, que vous recherchez profondément depuis longtemps toute la problématique. Vous avez lu l'avant-projet de loi, et votre mémoire, il est bien fait et, en plus, il est sévère à l'égard du gouvernement. Vous comprenez que, de ce côté-ci de la table, on a bien aimé ça, nous autres. Vous avez dit les choses comme il fallait les dire et vous n'avez pas pris des gants blancs pour les dire. C'est tout à l'honneur de l'UPA aussi.

Et peut-être juste une remarque avant de poser quelques questions. Il y a cinq, six ans, quand j'étais porte-parole de l'opposition en matière d'environnement, j'étais assez sévère à l'égard de l'UPA qui me semblait – c'était dans la crise de la production porcine – défendre les producteurs plutôt que de défendre l'ensemble de la population québécoise. Je dois avouer – c'est tout à votre honneur – que, dans les dernières années, votre Union a pris le virage environnemental. La Terre de chez nous , quotidiennement, invite ses membres à aller suivre des cours, le ministère de l'Agriculture est embarqué avec vous autres et on peut la voir, on peut la sentir, on peut la réaliser dans les expositions agricoles, l'importance qu'a prise l'environnement chez vos membres et comment, maintenant, dans le monde agricole, c'est quelque chose d'acquis et ça va continuer, et on doit vous en féliciter. C'était loin d'être ça, et vous n'étiez pas l'exception. À travers le monde, le monde agricole, souvent, a été le dernier, dans les virages environnementaux, à suivre les virages environnementaux. Le Québec n'a pas fait exception. Le municipal a embarqué, le corporatif, bon, et l'agricole, ça a été un peu plus long, pour toutes sortes de raisons – vous êtes répartis sur des grands territoires, ce sont des petites, petites PME, etc., c'est des gens relativement difficiles à rejoindre – mais finalement vous avez pris ce virage-là et le Québec va s'en porter mieux.

Ceci dit, vous avez touché un certain nombre de points intéressants. Le premier, c'est les matières résiduelles fertilisantes, les MRF. Je vous avouerai que, de ce côté-ci, depuis longtemps, on se questionne sur tout ce beau monde qui vous invite à laisser étendre sur vos terres toutes sortes d'affaires, que ça soit les gens qui vont vous suivre tantôt, les papetières, que ce soient les cendres en provenance d'un peu partout. J'aimerais ça vous entendre parler de ça. Dans votre mémoire, c'est un cri du coeur que vous faites là-dedans, là, sur la qualité. Ce n'est pas vérifié, la qualité. Les quantités, on ne sait pas ce qu'il en est. Et, en deuxième, j'aimerais vous poser une question adjacente à celle-là, c'est: Qu'est-ce que vous savez sur les cendres qui proviennent des États-Unis en ce moment? Et est-ce qu'il y en a, des cendres en provenance des États-Unis, étendues sur les terres agricoles, et, on me dit, dans l'Estrie d'une façon particulière?

(10 h 20)

M. Lacasse (Christian): Bon, écoutez, là, c'est une préoccupation majeure, je dirais, qui est évolutive et qui est assez récente, évidemment, compte tenu du fait que, à partir du moment où on se fixe des objectifs de récupération, de recyclage, de revalorisation, c'est clair qu'on voit là un volume relativement important qui peut se retrouver à courte échéance sur les terres agricoles. Vous n'êtes pas sans savoir qu'au Québec le développement de l'agriculture, qui est quand même dynamique, fait en sorte qu'on est assez limité en termes de possibilités d'épandage sur les sols agricoles. Alors, on l'a dit dans le mémoire, on a une superficie de sols agricoles qui est très limitée, qui est très rare au Québec. Si on se compare aux autres provinces canadiennes, c'est très limité, au Québec, de sorte qu'il faut conserver, je dirais, le plus possible cette superficie-là pour favoriser l'épandage de nos engrais de ferme produits par la production animale, parce qu'on a des productions animales aussi très importantes au Québec. Que ce soit la production laitière, la production porcine, c'est des secteurs forts de notre agriculture et il faut absolument qu'on puisse disposer de ces engrais-là sur nos terres agricoles prioritairement, ce qui fait que, à partir du moment où d'autres aussi peuvent offrir d'autres fertilisants aux producteurs agricoles, ça crée une concurrence. Bon. Alors, déjà là, il y a une question, je dirais, de quels choix on fait, parce que l'agriculture est un secteur majeur au Québec et qu'il faut s'assurer qu'on va être capable de la développer aussi pour l'avenir.

L'autre préoccupation qui est tout aussi majeure, c'est qu'est-ce qu'il y a dans ces fameuses matières résiduelles, et ça, je vous dirais qu'il n'y a pas beaucoup d'études. Il y a des études, il y a des analyses récentes qui, bon, peuvent nous confirmer que, dans certains cas, il y a peu de risques, sauf que des analyses à long terme, des études à long terme, il n'y en a pas. Et, en plus, c'est que, même au niveau des analyses à court terme, des analyses qui se font actuellement, il n'y a pas de relation directe entre le produit qui est analysé puis le produit qui est épandu, qui va sur une terre en particulier. Il n'y a pas un suivi qui est fait de sorte que le producteur, lorsqu'il reçoit le produit, il ait aussi une attestation de conformité. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. En fait, c'est le producteur de ces matières-là qui va envoyer des échantillons pour analyse, mais sur un tas assez imposant et pour lequel il y a des parties qui sont prises pour être épandues sur les terres. Alors, tant qu'on n'aura pas un suivi puis un contrôle très stricts, il y a un risque majeur de se retrouver avec une partie de ces résidus-là qui pourraient avoir des matières non souhaitables qui peuvent avoir un impact sur l'innocuité de nos aliments.

On vous a traduit assez facilement – puis vous avez sûrement lu les journaux – que c'est des questions qui sont très sensibles, et, nous, on veut tout faire, tout mettre en force, on veut mettre beaucoup d'emphase là-dessus. Écoutez, on s'est responsabilisés beaucoup, les producteurs, depuis les dernières années, vous l'avez bien illustré, et on veut s'assurer aussi que les produits, les matières qui viennent de l'extérieur vont aussi avoir un très haut niveau de conformité.

M. Benoit: À votre connaissance, M. Lacasse, est-ce qu'il y a des cendres en provenance des incinérateurs américains qui sont étendues sur les terres agricoles dans les régions périphériques aux États-Unis ou dans d'autres provinces?

M. Lacasse (Christian): Je pense qu'il y a des matières résiduelles qui viennent des États-Unis, mais je ne peux pas vous dire exactement la nature. Mais on m'a rapporté ça.

M. Benoit: Parfait. Une courte dernière question avant de laisser un de mes confrères... J'ai été élevé dans une zone agricole qui était Saint-Hyacinthe, je vis maintenant dans l'Estrie où il y a beaucoup d'agriculteurs tout le tour de chez moi. À une époque, quand j'étais plus jeune, chaque agriculteur avait son site de déchets plus ou moins alentour de sa propriété, en quelque part, caché un peu. Est-ce que c'est encore le cas en 1999? Est-ce que chaque agriculteur a encore son petit site de déchets ou...

M. Lacasse (Christian): Écoutez, moi, je pense qu'il y a eu beaucoup d'évolution à ce niveau-là. Effectivement, je vais être très honnête, là, on a vu ça, mais, de plus en plus, je pense qu'il y a des efforts qui ont été faits au niveau des municipalités, des MRC pour recueillir ces résidus-là, de sorte que ça a quand même permis aux producteurs d'en disposer différemment. Il faut comprendre que les producteurs agricoles ont des petites et moyennes entreprises qui font évidemment un bon nombre de rejets de matières résiduelles. Alors, il fallait absolument offrir aux producteurs des façons de pouvoir en disposer. Je pense qu'il y a eu beaucoup d'amélioration de ce côté-là.

M. Benoit: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. Je voudrais revenir aux matières résiduelles fertilisantes. J'aimerais ça que vous nous expliquiez un peu puis que vous nous donniez des exemples de ces matériaux qui sont actuellement utilisés.

M. Lacasse (Christian): Qui sont actuellement utilisés?

M. Whissell: Oui, au Québec, actuellement, que vous nous donniez la liste – ceux que vous connaissez – des produits qui sont présentement étendus sur les terres agricoles.

M. Lacasse (Christian): Bien, écoutez, on en a énuméré quelques-uns, mais ça prend différentes formes: c'est soit des granules ou des boues – carrément des boues, qui ont quand même un certain pourcentage d'humidité – qui proviennent soit des étangs d'épuration des municipalités ou qui proviennent aussi des... En particulier, je pense, que c'est surtout des papetières au niveau du désencrage puis de la fabrication du papier.

Je dirais que la forme de ces résidus-là a évolué aussi, de sorte que c'est très attrayant, si on veut, pour des producteurs d'utiliser ces produits-là parce que c'est facilement épandable. Les papetières aussi, entre autres, offrent des conditions très intéressantes pour les producteurs afin de recevoir ces matières résiduelles là. Il faut comprendre que, pour eux, ça peut être plus économique d'en disposer de cette façon-là que de les envoyer dans les sites d'enfouissement. Alors, je pense qu'il faut tenir compte de tous ces éléments-là, de sorte qu'il n'y a pas vraiment de barrières, actuellement, sur le plan technique, qui empêche, je dirais, l'utilisation de ces matières-là. Notre préoccupation, elle vient surtout du fait qu'il faut s'assurer, avant d'étendre ça sur les terres, que la priorité a été accordée aux déjections animales d'abord puis, ensuite, aussi que, si, à la limite, ces matières-là se retrouvent sur les terres, elles ont toute la conformité nécessaire de façon à garantir l'innocuité de nos produits.

M. Whissell: Mais, actuellement, c'est qui qui a la responsabilité? Parce que, une fois que c'est étendu, c'est étendu, on ne peut plus revenir en arrière. Mais, à partir du moment où l'agriculteur accepte et consent à l'étendre sur ses terres, s'il s'avérait qu'il y a un produit contaminant, à qui reviendrait la responsabilité?

M. Lacasse (Christian): Moi, je craindrais beaucoup que ça revienne au producteur agricole, là. C'est pour ça qu'on le mentionne dans le mémoire puis qu'aussi on a l'intention de transmettre beaucoup plus d'information aux producteurs sur les conséquences actuelles, parce qu'on craint que les producteurs, par manque d'information, manque de connaissances sur ce sujet-là, utilisent, par attrait – comme je vous le disais, c'est quand même des produits attrayants – ces produits-là sans connaître toutes les conséquences. Alors, il y a évidemment une démarche d'information et de sensibilisation, mais ça ne sera pas suffisant, là. Je pense que ça va prendre un cadre... Pas je pense, ça prend obligatoirement un cadre pour faire en sorte que le producteur... Parce que, imaginez, ce n'est pas juste un producteur, c'est que ça peut être toute une industrie qui tombe à terre à cause d'un élément comme ça. Alors, c'est de lourdes conséquences qu'on doit absolument...

M. Whissell: Alors, vous pensez que le gouvernement devrait aller même jusqu'à réglementer puis émettre un certificat de conformité avant que l'épandage ne s'effectue?

M. Lacasse (Christian): Ça prend un processus – moi, je ne veux pas aller trop dans les détails, là – de contrôle puis de suivi de façon à ce que, lorsque le producteur reçoit une quantité de matière, il ait aussi une attestation de conformité qui répond aux plus grandes normes, aux meilleures normes qu'on puisse connaître au niveau des polluants qu'on peut retrouver là-dedans. Alors, je pense qu'à ce moment-là, si le producteur peut avoir ça en sa possession, il va être rassuré par rapport au contenu de son produit, et le risque de contamination va être d'autant diminué.

M. Whissell: Dans votre document, vous dites: «L'avant-projet de loi contient peu de définitions et ne comprend aucun échéancier ni aucun objectif de récupération, contrairement à la loi de l'Ontario.» Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu ce qu'il y a de différent avec l'Ontario puis revenir un petit peu aux matières résiduelles fertilisantes pour nous expliquer qu'est-ce qui se fait à ce niveau-là en Ontario?

M. Lacasse (Christian): Au niveau de la loi de l'Ontario, je demanderais à Claire de vous répondre.

(10 h 30)

Mme Binet (Claire): Je ne peux pas donner de détails précis sur la façon dont les objectifs sont énumérés et le niveau quantitatif qui est visé, mais ce qui est sûr, c'est que, dans la loi de l'Ontario, de façon générale, au niveau de la récupération des matières résiduelles ou des déchets – peu importe comment vous voulez les appeler – il y a des objectifs qui sont fixés dans la loi. En ce qui a trait aux matières résiduelles fertilisantes, à ma connaissance, je ne pourrais pas affirmer s'il y a des éléments particuliers qui portent là-dessus parce que c'est assez récent, notre préoccupation là-dessus; on n'a pas encore eu le temps de se documenter beaucoup.

M. Whissell: Est-ce que vous pensez que justement le fait qu'on a des objectifs très précis en Ontario... C'est un peu ce qu'on sent dans votre rapport, c'est que, comme je le disais hier, on met peut-être la charrue en avant des boeufs, là. On n'a pas d'objectifs très clairs au niveau de la récupération et on dit: Vous allez faire des plans de gestion sans vraiment connaître les balises. Est-ce que c'est vraiment ce que vous avez comme impression?

Mme Binet (Claire): C'est un peu ça, dans le sens que, évidemment, on sait que, dans la politique, il y en aura, des objectifs. Mais on a déjà une politique depuis 1989. On a vu ce que ça a donné, c'est-à-dire pas grand-chose. Concrètement, il y a eu certaines améliorations, mais c'est vraiment faible. Alors, s'il n'y a pas des choses qui sont affirmées de manière quand même concrète dans la loi, on voit mal comment tout ce qui en découle, c'est-à-dire la réglementation, les politiques et les programmes, va avoir un peu de fermeté. C'est un peu dans cet esprit-là qu'on faisait ces commentaires-là.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre...

M. Bégin: Excusez-moi.

Le Président (M. Lachance): ...en vous signalant qu'il reste environ cinq minutes pour la partie ministérielle.

M. Bégin: Ça va être très court. Sur la proposition que vous faites à l'égard des boues, des matières fertilisantes, je crois que vous soulevez quelque chose d'important et d'intéressant. Le Bureau des normes du Québec va être ici cet après-midi, à 15 heures. Il propose d'élargir les normes à beaucoup plus d'éléments que celui que vous soulevez, mais, entre autres, parmi ceux-là se trouve celui de la vérification de la qualité des boues qui sont là avant d'être épandues sur un terrain. Je crois que vous soulevez quelque chose d'important, qu'on ne doit pas à l'aveuglette prendre des matières qui peuvent contenir des éléments qui ne seraient pas bénéfiques pour les sols où on veut les épandre. Il ne s'agit pas de les interdire; au contraire, il s'agit de voir qu'ils sont toujours de qualité, de bonne qualité, et qu'ils remplissent les fins pour lesquelles on les utilise. Alors, je crois que là-dessus vous avez un excellent point qui est soulevé.

La deuxième chose, quant à l'application du plan que nous avons, par opposition à celui de 1989, celui de 1989 reposait sur le volontariat, c'est-à-dire qu'on permettait, on convenait que les entreprises participeraient à la hauteur de ce qu'elles désireraient ou de ce qu'elles pouvaient faire. La différence, c'est que, maintenant, avec le plan de gestion et la loi, les industries n'auront pas le choix de dire: Je contribue ou je ne contribue pas, tout le monde dans tous les secteurs devra participer, contribuer financièrement. Et c'est vrai que, dans le projet de loi, vous ne les voyez pas, mais c'est par le biais des règlements que ça va se faire.

Pour le règlement sur la peinture, les tables se sont entendues. Au moment où on se parle, c'est convenu, comment la répartition se fait entre elles. Celles qui produisent la peinture, celles qui en mettent en marché, celles qui la distribuent, tout ça, c'est convenu, de même qu'un récupérateur qui sera le CFER de Drummondville, entre autres, donc, pour être capable de récupérer. Et là il y a obligation d'assumer les responsabilités. C'est un peu moins avancé mais presque autant au niveau des huiles usées parce que ce sont, sur le plan environnemental, les secteurs les plus névralgiques, parce que, si ça va dans le sol, ça contamine de manière évidente.

Alors, dans les autres matières, le bac bleu, il y a déjà des démarches qui sont faites. Hier, quelqu'un était ici, quelqu'un des hebdos, qui parlait qu'il y avait des discussions interentreprises mais aussi intraréseaux, et il faisait état de certaines difficultés, mais déjà on est en train de le faire, et les compagnies auront, dès que le règlement entrera en vigueur, six mois pour s'entendre là-dessus. Alors, il y a une différence énorme entre ce qui s'est fait en 1989 et ce qui va se faire à partir de l'automne quand les règlements vont tomber et être publiés ou prépubliés. Mais vous allez voir que les moyens sont pris pour atteindre les objectifs qui sont mentionnés dans le plan d'action, avec obligation de résultat et surtout obligation d'assumer les coûts.

M. Lacasse (Christian): Bien, je dirais: Ce qui est préoccupant, c'est aussi que, à partir de la loi de 1994 qui avait été adoptée mais pour laquelle il n'y a pas eu vraiment de réglementation qui a suivi pour... Alors, là, bon, je pense que, dans l'avant-projet de loi, on ne retrouve pas les éléments ou, en tout cas, les principaux éléments pour nous donner des indications que la réglementation va aborder les principaux points sur lesquels on souhaite que ça aille. On peut comprendre, moi, je comprends très bien que l'avant-projet de loi ne peut pas tout contenir non plus, là, mais on aurait souhaité un peu plus de précisions.

Et je dirais que le message aussi qu'on veut lancer, c'est qu'il ne faut pas se retrouver dans cette même situation-là qu'en 1994. Nous, ce qu'on souhaite, comme vous l'avez dit, c'est une prise en charge davantage du milieu par rapport à la disposition des déchets, que ça puisse se traduire dans une loi avec une réglementation qui est précise puis qui va assurer un bon contrôle de ça. C'est ça, notre message, je pense, qu'il faut retenir ce matin, évidemment avec les préoccupations que vous avez retenues, en particulier au niveau des matières résiduelles fertilisantes qui se retrouvent sur nos sols et pour lesquelles on a beaucoup de préoccupations.

M. Bégin: Je ne vous ferai pas un scoop, mais regardez d'ici 15 jours, vous allez voir comment les choses vont commencer à tomber sur la table de la manière dont vous le souhaitez.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie, il reste trois minutes.

M. Bordeleau: Parfait. Une question qui est assez courte, de fait. Dans votre mémoire, à la page 5, vous êtes assez critiques par rapport au plan d'action qui a été soumis. Vous dites, ici: «Le plan d'action promis par le gouvernement à la suite du rapport du BAPE était très attendu. Rendu public en septembre 1998, celui-ci est décevant à certains égards, notamment quant aux objectifs de récupération – et vous mentionnez entre parenthèses – (une reformulation à la baisse de ceux de 1989).» Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus à quoi vous faites référence, là, en quoi les objectifs qu'on fixe aujourd'hui sont plus bas que ceux de 1989? J'aimerais ça comprendre exactement à quoi vous faites référence.

M. Lacasse (Christian): Bien, moi, je vous ne le donnerai pas en chiffres, là, mais une analyse comparative entre les deux éléments dont on parle nous questionne, dans le sens qu'on a l'impression de reculer. Dans le fond, les objectifs sont un peu moins importants, puis on se donne plus de temps aussi. Alors, il y aurait là un certain recul en termes d'objectifs de récupération ou de réduction en termes de déchets. Je ne sais pas si Claire aurait plus de précisions sur des éléments quantitatifs.

Mme Binet (Claire): C'est que, en apparence, quand on parle d'objectifs, généralement on réfère à des pourcentages, mais il faut toujours regarder, mettons, 60 % de quoi. Alors, il faudrait mettre en parallèle. Et là on ne vous fera pas une démonstration de chiffres ici, mais l'exercice a été fait et on a eu des échanges avec d'autres groupes qui ont fait également l'exercice. C'est que, lorsqu'on examine quelles sont les matières prises en compte dans l'exercice de 1989 et celles qui sont prises en compte aujourd'hui, puis quand on regarde les pourcentages de ça, ce n'est pas les pourcentages de la même chose. Alors, si on regarde le total qui est concerné et ce qui était inclus dans le total à chaque fois, ça ne correspond pas à la même chose. Un exercice mathématique a permis d'établir que ce n'est pas concluant.

M. Bordeleau: Ce que vous nous dites, c'est qu'avec les objectifs qu'on fixe, si je comprends bien, on va récupérer moins, dans l'ensemble...

Mme Binet (Claire): Pas nécessairement qu'on va récupérer moins...

M. Bordeleau: ...que les objectifs qu'on s'était fixés en 1989.

Mme Binet (Claire): C'est-à-dire qu'on n'a pas récupéré autant que les objectifs de 1989 l'avançaient, évidemment. Mais, si on parle d'objectif fixé, l'objectif maintenant théorique par rapport à l'objectif de 1989 – peut-être qu'on va nous dire qu'il est plus réaliste, à la lumière de l'analyse, ou enfin je ne sais pas trop – il reste que, au besoin, on pourrait apporter ces chiffres-là, mais...

Une voix: C'est moins ambitieux.

Mme Binet (Claire): C'est ça, c'est moins ambitieux. C'est parce que c'est très subtil comme... Vous savez, les statistiques, on peut jouer avec ça facilement, et puis, quand on les analyse d'une manière détaillée, on s'aperçoit que les éléments de référence ne sont pas toujours les mêmes pour une même donnée.

M. Bordeleau: En tout cas, ça me semble inquiétant, ce que vous nous avancez, tout simplement. Merci.

Le Président (M. Lachance): Oui. Merci.

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): En principe, non. M. le ministre.

(10 h 40)

M. Bégin: Juste pour compléter cette information-là, je crois que la perception de madame est assez bonne, en ce sens qu'on ne réfère pas aux mêmes éléments, du plan de 1989 au plan de 1998. Dans un cas, c'est un pourcentage sur l'ensemble des matières; dans l'autre, c'est un pourcentage sur les matières qui sont récupérées véritablement. Donc, il y a des variations. Dans ce sens-là, elle a tout à fait raison.

La nuance importante, c'est que le plan de 1989 n'a pas donné les fruits qu'on escomptait parce qu'il était basé sur le volontariat. Donc, on est loin du compte de ce qu'on avait à l'époque. Alors, on ne peut pas sauter par-dessus cette partie qu'on n'a pas remplie. Il faut donc la remplir, et c'est ça qu'on veut faire, et c'est pour ça qu'on prend des moyens qui sont différents de ceux qui avaient été pris avant. Ce n'est plus le volontariat mais c'est l'obligation de partager et de participer pour, cette fois-là, être certain qu'on va atteindre le résultat.

Le Président (M. Lachance): Alors, sur ce, je veux vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission, M. Lacasse et Mme Binet, au nom de l'Union des producteurs agricoles. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite les représentants du prochain organisme, l'Association des industries forestières du Québec, à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. J'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Association des industries forestières du Québec ltée (AIFQ)

M. Duchesne (André): Oui, M. le Président. Mon nom est André Duchesne, je suis le président-directeur général de l'Association des industries forestières du Québec. À ma droite, M. Michel Meunier, qui est le président du Comité environnement de l'Association. Quand on lui laisse un peu de temps libre, il est directeur des programmes environnementaux chez Domtar. Et, à ma gauche, Louis Désilets, qui est le directeur environnement à l'Association.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Vous avez 20 minutes pour nous dire ce que vous pensez de cet avant-projet de loi.

M. Duchesne (André): Merci, M. le Président, M. le ministre. L'Association des industries forestières du Québec, c'est une vingtaine d'entreprises qui fabriquent à peu près toutes les pâtes et papiers du Québec. Ce qu'on cherche à faire, à l'AIFQ, c'est de favoriser l'établissement d'un contexte qui permet à l'industrie papetière québécoise d'être compétitive sur les marchés internationaux. Ça, ça nous amène à traiter de nombreux dossiers, dont évidemment la gestion des rejets puis la valorisation des résidus qui font l'objet de la commission.

L'industrie des pâtes et papiers, c'est un des principaux moteurs économiques au Québec. La valeur de la production l'an dernier, c'était 11 000 000 000 $, et, parce qu'elle utilise des intrants qui sont disponibles au Québec, sa contribution nette à la balance commerciale québécoise dépasse 6 000 000 000 $. Il n'y a personne qui est dans la même ligue que l'industrie papetière à cet effet-là. C'est l'équivalent de l'ensemble de la balance commerciale du Québec.

On a 65 usines de pâtes et papiers au Québec, réparties dans 15 des 16 régions administratives, qui emploient 32 000 personnes et qui versent 1 800 000 000 $ annuellement en salaires. L'industrie investit en immobilisation environ 1 000 000 000 $ par année et, en frais d'entretien et de réparation, à peu près 500 000 000 $, et ça, c'est fait avec des gens en région; donc, ça fournit de l'emploi à pas mal plus de monde que strictement les employés des papetières. Et puis, il faut le rappeler, il y a une dizaine de sièges sociaux à Montréal. C'est la capitale papetière mondiale.

L'industrie est aussi, depuis quelques années, une figure dominante au chapitre de la gestion des matières résiduelles. On les enfouit encore, évidemment, mais, de plus en plus, on les brûle pour générer de l'énergie puis on les valorise, notamment à des fins agricoles – on en parlait tantôt. L'an dernier, c'est 1 500 000 t de vieux papiers qui ont été récupérés, recyclés par l'industrie papetière au Québec, et l'industrie a valorisé au-delà de 500 000 t de résidus de désencrage ou de traitement de ses effluents.

Les modifications qui sont décrites dans l'avant-projet touchent trois grands domaines de la gestion des matières résiduelles. On parle de régionaliser cette gestion-là, de responsabiliser les entreprises à l'égard des produits qu'elles mettent en marché et évidemment de l'élimination des déchets. Notre industrie est préoccupée par ces trois domaines. D'une façon générale, les membres de l'AIFQ appuient les interventions du gouvernement dans la gestion des matières résiduelles, à la condition évidemment qu'elles permettent – parce qu'il y a toujours des conditions – de minimiser des impacts environnementaux bien identifiés, de faciliter la valorisation des résidus de production qui présentent un bon potentiel à cet égard, d'accroître la valeur sur le marché des produits récupérés ou recyclés et, enfin, de minimiser les coûts de gestion des matières résiduelles et des déchets.

Au sujet des orientations générales de l'avant-projet de loi, les membres sont d'accord essentiellement avec les objectifs poursuivis, à l'exception d'une partie du premier objectif qui conduit le gouvernement à prescrire des moyens, et ça, on pense que ça va à l'encontre même des orientations du ministère de l'Environnement qui s'est donné pour rôle de définir des cibles environnementales et de laisser à l'industrie le choix des moyens pour atteindre ces cibles-là. Alors, dans cette optique-là, on pense que le paragraphe 1° du projet de loi, dans l'article 53.3, devrait être modifié en supprimant la dernière partie.

La suppression de la définition actuelle du mot «déchet», on l'accueille assez favorablement, mais ça suppose qu'on va avoir besoin de balises pour cerner cette définition de «déchet», par ailleurs. La proposition semble choisir de définir le mot «déchet» au début de chaque règlement qui découle de la section VII où il est utilisé. Nos membres croient que ce n'est pas nécessairement mauvais mais qu'il va falloir s'assurer que c'est cohérent, parce que le mot «déchet» apparaît dans plusieurs autres règlements, dont le Règlement sur les fabriques de pâtes et papiers relié à la Loi sur la qualité de l'environnement. La cohérence ne nous apparaît pas évidente.

En ce qui a trait à la régionalisation de la gestion des matières résiduelles, les sociétés membres de l'AIFQ croient qu'il est pertinent qu'un minimum de concertation sur la gestion des déchets se fasse à l'échelle régionale. Mais pour nous ça n'implique pas que les MRC prescrivent les objectifs et les modes de gestion des résidus et des déchets des fabriques; ça, ce serait aller trop loin. Alors, on pense, à ce moment-là, qu'on devra modifier le libellé de 53.6 à cet égard. Les résidus des fabriques de pâtes et papiers sont déjà gérés selon les prescriptions du Règlement sur les fabriques de pâtes et papiers, et l'implication des MRC devrait se limiter à l'élaboration d'un portrait régional de la gestion des matières résiduelles, qui inclura évidemment celle des papetières. Une façon de faire ça, ce serait d'ajouter aux exclusions de l'article 53.2 les déchets des fabriques de pâtes et papiers.

(10 h 50)

Et puis, afin d'éviter des dédoublements puis de favoriser l'allégement réglementaire, l'Association recommande d'insérer les plans de gestion de matières résiduelles à l'intérieur même des schémas d'aménagement qui suivent un cycle similaire. Ce que l'AIFQ propose, c'est que les entreprises qui font déjà l'objet d'une réglementation spécifique ne soient donc pas couvertes par le droit de regard des MRC qui est décrit à l'article 53.23. Le libellé devrait également être modifié pour s'assurer que les MRC n'adopteront un règlement qui va restreindre l'importation d'un déchet que lorsque ce dernier fera l'objet d'un large consensus au sein de leur conseil.

Sur la responsabilisation des entreprises, l'industrie est d'accord avec le principe de responsabiliser les entreprises qui mettent en marché et récupèrent leurs produits. Dans le cas des pâtes et papiers, vous devez savoir qu'une très faible partie des produits du papier est mise en marché par les papetières elles-mêmes – il y a toujours des intermédiaires. Le gouvernement pourrait donc, selon l'avant-projet de loi, fixer par règlement la proportion minimale de matériaux ou d'éléments qui doit être respectée dans la fabrication d'un produit. Alors, les papetières s'opposent fermement à cette façon de faire. À cause de la situation d'import-export que vit le secteur papetier au Québec, c'est à peu près inapplicable. Le conseil d'administration de l'Association, le 14 juin dernier, a d'ailleurs adopté une résolution. Je la cite: «Les sociétés membres de l'AIFQ s'engagent à acheter au prix du marché une quantité de papier récupéré égale à celle qu'elles mettent en marché au Québec et qui aboutit entre les mains des foyers québécois.» Alors, c'est un engagement, M. le Président, qui évidemment ne s'applique pas usine par usine mais qui va au-delà des objectifs fixés par le gouvernement de récupérer 60 % du papier.

Nous autres, on est prêts à en récupérer 100 %. Je tiens aussi à souligner que l'objectif du Protocole national de l'emballage de récupérer 50 % des emballages mis en marché, c'est déjà atteint pour les emballages de papier au Québec. Alors, on est d'avis que, pour toutes ces raisons, ce n'est pas pertinent que le ministre réglemente la fabrication du papier.

Par ailleurs, on est d'accord avec la réalisation d'études conjointes qui permettraient d'établir un portrait rigoureux et complet de la situation de la récupération et du recyclage, incluant les produits papetiers. On est d'avis que ce n'est pas au législateur mais bien à l'entreprise de décider du mode de valorisation le plus approprié pour ses résidus, ça fait partie de sa responsabilisation. Alors, si des entreprises sont membres d'un organisme accrédité de récupération, qu'elles soient exemptées de l'application des obligations décrites dans l'article 53.27, si je ne m'abuse – c'est ça – aux paragraphes 6° et 7°.

Mais il y a une chose qui nous inquiète, on ne voudrait pas que cette implication des entreprises dans des programmes de récupération et de recyclage devienne un système de financement automatique du déficit d'opération de la cueillette sélective. On propose aussi que le libellé du paragraphe 3° du même article soit modifié de façon à ce qu'une municipalité soit tenue de faire réaliser une étude de faisabilité environnementale et économique avant d'être obligée de mettre en place un système de récupération et de valorisation et que, si l'étude démontre que le projet est non viable, elle soit exemptée de cette obligation. Enfin, on s'oppose à l'imposition d'une consigne sur les produits du papier – ce serait drôle de voir comment vous allez calculer la consigne sur votre Soleil du samedi par rapport à votre Soleil du lundi – et on demande que le pouvoir d'exiger des informations ne soit pas délégué aux MRC et qu'il soit utilisé dans le respect du secret industriel, tel que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé le prévoit.

Finalement, en ce qui touche l'élimination des déchets, l'exploitation des lieux d'enfouissement de déchets de fabrique est assujettie depuis 1992 à l'obtention d'un certificat de conformité et d'un permis d'exploitation en vertu des articles 54 et 55 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Ça, c'est en train d'être transformé, M. le ministre, avec le Règlement sur les attestations d'assainissement en milieu industriel, qui va prendre la relève. Alors, on demande que le libellé de l'article 54 soit modifié pour soustraire les titulaires d'attestation d'assainissement – pour le moment, on pense aux papetières principalement – de l'application de l'article.

Enfin, les membres de l'Association s'opposent fermement à la constitution d'un fonds de fiducie pour les lieux d'enfouissement qui appartiennent aux entreprises qui les utilisent. C'est une mesure qui obligerait les entreprises à mettre de côté un capital qui est non productif. Puis, l'inventaire des sites d'enfouissement industriel fermés n'a identifié aucun site de papetière sans surveillance. Alors, il serait incongru que les entreprises soient tenues d'investir de l'argent là-dedans, comme il serait incongru qu'on nous demande d'avoir des fonds en fiducie pour les installations d'élimination qui ne sont pas des sites d'enfouissement, comme les chaudières à combustion de résidus. Le libellé de l'avant-projet, à ce niveau-là, n'est pas très clair, et puis on a peur qu'il y ait une confusion.

Les modifications que nous proposons, M. le Président, à l'avant-projet de loi sont présentées au tableau 4, à partir de la page 20. Je vous signale qu'il y a eu un hoquet informatique à la page 23: on aurait dû voir quelque part là-dedans que, à part le paragraphe 6°, alinéa a, les dispositions de l'article ne devraient pas s'appliquer à l'industrie des pâtes et papiers à même les modifications proposées. Je vous transmettrai demain une page corrigée à cet effet.

Et, en conclusion, M. le Président, cet avant-projet reprend largement le projet de loi 151 de 1994 dont des grands bouts n'avaient pas été mis en vigueur. Ça contient encore une approche prescriptive qui s'insinue jusque dans le contenu puis le mode de fabrication des produits. Nous ne sommes pas d'accord avec cette approche, ce n'est pas au législateur de contrôler ça. D'ailleurs, c'est un petit peu comme légiférer contre la force de gravité: ça ne marchera pas.

On n'est certainement pas en désaccord avec plusieurs des objectifs poursuivis, au contraire, je l'ai souligné dans ma présentation, mais il y a un certain nombre de points qui méritent correction. En particulier, compte tenu du progrès réalisé par l'industrie papetière et ses clients immédiats, qui sont intermédiaires avec les citoyens dans la récupération et le recyclage depuis quelques années, on n'acceptera d'aucune façon de contribuer à un déficit d'opération des municipalités en matière de récupération à cet égard. On a déjà contribué largement en offrant des facilités pour recycler les produits récupérés et on a l'intention de continuer.

Voilà, M. le Président. Je pense que j'ai tout couvert les points que je voulais mentionner. Je réalise que le document qu'on vous a soumis est beaucoup plus épais et détaillé, mais j'ai avec moi les deux principaux rédacteurs du document, ils devraient être en mesure de répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Duchesne. M. le ministre de l'Environnement.

M. Bégin: Merci, M. le Président. M. Duchesne, messieurs, deux points, même si je pouvais parler de plusieurs autres. D'abord, à la page 27 de votre mémoire – c'est dans vos conclusions – vous dites au dernier paragraphe: «Dans cette optique, les papetières sont d'avis qu'il ne serait pas approprié pour le gouvernement de réglementer la fabrication des produits, car cela va affecter la compétitivité des producteurs-exportateurs.» Je laisse pour le moment cette partie-là. C'est la phrase suivante sur laquelle je veux attirer votre attention: «Il ne serait pas non plus approprié de réglementer la récupération de l'ensemble des produits mis en marché, car seulement certains d'entre eux ont suffisamment de valeur pour rendre leur récupération rentable, là où les coûts de gestion locaux le permettent.»

Si je prends cette phrase-là à la lettre, je me dis: Mais qu'est-ce que je vais répondre à l'industrie de la peinture, à l'industrie des huiles et, en fait, à beaucoup d'industries qui verraient cette phrase-là et qui diraient: Bien, dans ce cas-là, si vous excluez ces membres-là, pourquoi ne pas nous exclure? Qu'est-ce que vous répondez à ça?

(11 heures)

M. Duchesne (André): Bien, là, il faut reprendre, M. le ministre, cette phrase-là, je pense, dans le contexte des explications sur deux points qui tournent autour de cette question de rentabilité, de récupération et de recyclage par le biais des municipalités. Nous, on pense que, des produits comme les produits papetiers qui sont en demande au Québec de la part de l'industrie, là on en manque littéralement, on est obligés d'aller chercher la moitié de ce qu'on recycle à l'extérieur du Québec. Si on imposait des processus, on serait obligés de récupérer à des endroits où ça ferait augmenter le coût d'opération des municipalités, donc ça ferait augmenter artificiellement le coût d'approvisionnement des usines. On se tirerait dans les pieds.

M. Bégin: Excusez-moi. Sur le plan environnemental, la récupération, elle n'a pas de couleur, si vous me permettez cette expression-là. Une feuille de papier à Québec, à Montréal, au Lac-Saint-Jean ou en Abitibi, c'est toujours une matière qu'on croit nécessaire de récupérer, et il faut prendre les moyens pour y arriver. Là, vous me dites: Si la feuille de papier est en Abitibi au bout d'un rang, je ne la récupérerai pas.

M. Duchesne (André): Je vous dis effectivement que, si la feuille de papier est au bout du monde mais qu'il y a juste une feuille de papier, le prix pour récupérer cette feuille de papier là, comparé à l'impact environnemental de ne pas la récupérer, devient exorbitant, et on ne devrait pas, comme collectivité, récupérer cette ultime feuille de papier. C'est ce que je vous dis.

M. Bégin: À la limite, c'est ne pas être d'accord avec le projet qui vise à faire en sorte qu'on récupère le maximum ou, en tout cas, un palier de toutes les matières que l'on retrouve sur le territoire de façon que, à la fois, la feuille de papier mais le 4 L de peinture ou le litre d'huile usée qui se trouvent aux mêmes endroits soient également récupérés, non?

M. Duchesne (André): La question est de récupérer le maximum et la façon de définir le maximum, M. le ministre. On est, je le répète, 100 % d'accord pour augmenter encore, si possible, le taux de récupération des papiers et des cartons et emballages au Québec. Là-dessus, il n'y a pas de restriction mentale de notre part. Ce que l'on dit, c'est que, si, pour faire ça, on est obligé collectivement de dépenser des ressources qu'on pourrait mieux dépenser ailleurs, il y a une limite à ce maximum, et c'est là où il va falloir qu'on porte jugement. C'est bien évident que, si le produit à récupérer présente des problèmes environnementaux particuliers, que vous mettez un prix environnemental, un coût, une externalité dans le système qu'on chercher à internaliser, on est tous d'accord. Et là ce prix-là justifie l'intervention et des dépenses supplémentaires pour aller chercher la dernière quantité de matière parce qu'elle est dangereuse pour l'environnement. Ce n'est pas le cas des produits papetiers.

M. Bégin: Non, je comprends, mais à quel moment on tire la ligne entre quelque chose qu'il est économiquement rentable de récupérer parce qu'il se trouve à tel endroit et que, là, il y en a un volume suffisant pour ne pas, par exemple, dépasser un coût? Comment on va tirer ces lignes-là?

M. Duchesne (André): Nous vous proposons un certain nombre de mesures, dans le cas du papier, en tout cas; je ne suis pas compétent pour les autres domaines. Il s'établit un prix du marché en Amérique du Nord pour des papiers récupérés. Ça, c'est en mesure de couvrir la récupération, je pense, dans un paquet de municipalités au Québec où on ne veut pas aller, puis je pense que c'est clair dans notre texte. C'est que les produits papetiers servent de mécanisme de subvention pour couvrir des frais d'opération de municipalités où la récupération et le recyclage de ce type de matières là n'est absolument pas rentable.

On a participé – en tout cas, plusieurs membres de l'Association ont participé – à Cueillette sélective Québec financièrement. Des gens qui transforment nos produits pour l'utilisation domestique ont participé aussi au financement de Cueillette sélective, et Cueillette sélective s'est adressée jusqu'à maintenant à la mise en place d'unités qui permettent de faciliter la récupération, le recyclage, des investissements, autrement dit, structurants pour le mécanisme de récupération. Ce que l'on comprend dans l'avant-projet de loi, c'est que vous voulez aller plus loin et couvrir les frais d'opération des municipalités, et là, nous, on tire une barre.

M. Bégin: Hier, le premier intervenant, c'était Collecte sélective Québec, qui nous disait qu'il fêtait son 10e anniversaire, d'une part. Tout à l'heure, nous avions l'UPA qui mentionnait que les objectifs étaient peut-être même inférieurs à ceux de 1989, ce qui n'est pas tout à fait le cas, mais mettons égaux pour les fins de la discussion, alors que l'on sait qu'on n'a absolument pas atteint les objectifs qu'on s'était fixés en 1989. C'est pour ça d'ailleurs qu'il faut reprendre l'ouvrage. Est-ce que vous nous dites que nous devrions continuer sur la même base du volontariat, par opposition au projet de loi, pour faire la récupération?

M. Duchesne (André): Ce serait trop simpliste de dire ça comme ça, M. le ministre. Je pense qu'effectivement il faut mettre un peu plus de pression. Nous, encore une fois, si on pouvait avoir 10 % de plus de fibres récupérées au Québec pour remplacer 10 % de celles qu'on va chercher à grand prix aux États-Unis, on applaudirait, mais on ne voudrait pas que ce 10 % là fasse monter le prix de l'ensemble de nos fibres récupérées de 10 % ou 15 %, et c'est ce qu'on a peur qu'il se produise si le processus de cueillette sélective évolue pour subventionner maintenant l'opération des municipalités en matière de récupération. Là, il y a une zone où on va devoir maintenir la pression, si vous voulez, pour augmenter les taux de récupération, mais on ne devra pas aller trop loin pour créer d'autres problèmes dans le secteur industriel, en tout cas dans le nôtre.

M. Bégin: L'autre question sur laquelle je voulais revenir, c'était celle de la fiducie, les fonds postfermeture, en fait un fonds qui permet, à la fermeture d'un site, de s'assurer que, s'il y a un problème environnemental qui se pose, on ait les fonds requis pour le régler et non pas être obligé de solliciter le recours à l'État. Est-ce qu'on n'est pas un petit peu devant ce qui est un accident, quelque chose qu'on ne veut pas qui arrive mais qui arrive quand même? À l'égard des sites, quels qu'ils soient, opérés par des MRC, opérés par des entrepreneurs privés mais recevant des matières du public, ou des sites opérés par des entreprises privées, pas toujours en 1999, est-ce qu'il n'est pas raisonnable, comme collectivité, de se dire: On va se prémunir contre l'arrivée de choses qu'on ne souhaite pas mais qui peuvent arriver, même sans la volonté de celui qui opère un site? Autrement dit, est-ce qu'on ne doit pas se protéger pour ce qui va arriver dans le futur et éviter que la collectivité soit obligée de payer pour les autres? Donc, est-ce qu'on ne devrait pas faire des fonds de fiducie pour nous protéger justement contre des risques? Parce qu'il y a des matières qui ne sont pas nécessairement faciles. On sait, par exemple, que certaines peuvent disparaître, se composter, ne pas avoir d'impact, mais d'autres ont des impacts à moyen et à long terme qui ne sont pas négligeables.

M. Duchesne (André): M. le ministre, on ne s'oppose pas aux fonds de fiducie en général. Ce qu'on vous dit, c'est que, pour les entreprises qui opèrent un site d'enfouissement privé, si vous voulez, pour leurs fins, comme ça arrive souvent dans le cas des papetières, les sites qui sont régis par toute une série de règlements et de contrôles, qui sont en évolution constante quand on obtient justement les données supplémentaires qui disent qu'il y a un risque qu'on n'avait pas prévu, pour des cas comme ça, donc, la constitution d'un fonds de fiducie nous apparaît une mesure qui est au détriment de l'entreprise et qui ne nous donne rien de plus en matière de protection à long terme, comme vous le mentionnez. Le suivi est continuel.

(11 h 10)

Je vous réfère au Règlement sur les fabriques de pâtes et papiers, je vous réfère justement au processus de mise en place des sites actuels. Ce que vous dites, à toutes fins pratiques, c'est: Au cas où la réglementation actuelle ne serait pas assez sévère, on va imposer une taxe d'avance pour se couvrir, et, nous, on dit: La réglementation actuelle semble assez sévère. En tout cas, nous autres, on la pense sévère. Elle continue d'évoluer à mesure qu'on découvre de nouveaux risques potentiels, et il n'y a pas de site orphelin dans notre secteur, puis je n'en connais pas non plus dans des sites privés industriels. Alors, dans ces cas-là, cette mesure-là nous apparaît contre-productive.

Le Président (M. Lachance): Ça va?

M. Bégin: Oui.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Bonjour, M. Duchesne et votre équipe. Merci d'être ici parmi nous aujourd'hui. Peut-être revenir pour une fraction de seconde sur la fin du débat dont vous avez été témoins avec l'UPA tantôt sur les matières résiduelles fertilisantes. Vous m'avez indiqué, au moment où les groupes ont changé, que vous n'étiez peut-être pas d'accord avec ce que vous aviez entendu ici en ce qui a trait à l'industrie des papetières et aux matières résiduelles fertilisantes. Peut-être que vous pourriez nous indiquer votre point de vue à cet égard-là, qui ne semble pas être le même que les gens qui ont parlé avant vous.

M. Duchesne (André): Je vous passe mon expert dans le domaine, M. Désilets.

M. Désilets (Louis): Alors, bonjour, M. le député. En ce qui a trait aux questions soulevées par l'UPA, je pense qu'il est légitime, de la part des producteurs agricoles, de se soucier de ce qui va être utilisé à des fins de fertilisation sur leurs terres agricoles parce que c'est un bien durable. C'est une industrie qui produit année après année mais toujours à partir de la même matrice de sol. Alors, c'est sûr qu'on veut garder la qualité de ce sol-là au fil des ans.

Dans notre cas, c'est nouveau. On n'était pas habitués d'aller jouer dans le monde agricole, aller jusqu'à récemment. La problématique s'est posée en 1994-1995 quand nos usines ont installé, suite à une nouvelle réglementation, des systèmes de traitement secondaire des affluents, qui génèrent, comme vous le savez, des biosolides qui ont un potentiel fertilisant lié justement au fait qu'on utilise des matières fertilisantes dans l'opération de ces systèmes-là. Ces matières-là, soit dit en passant, proviennent des producteurs d'engrais minéraux. Ce sont eux qui nous vendent le phosphore et l'azote qui servent à faire vivre les bactéries qui elles-mêmes digèrent les matières organiques dissoutes dans nos affluents. Tout ce beau monde-là, tout ce matériel-là se retrouve au fond des systèmes, c'est pompé et c'est ce qu'on appelle des biosolides qui sont ensuite répandus sur les terres agricoles.

Alors, la question est de savoir: Est-ce que c'est sécuritaire à des fins agricoles? Oui, nous croyons fermement que ça l'est. Nous avons fait, en 1994, déjà une caractérisation de ces résidus-là pour toutes les usines membres de l'Association, et les données nous ont montré que, effectivement, il n'y avait pas de problème, là, de risque par rapport à tout ce qui s'appelle normes et standards nord-américains ou internationaux.

Ensuite, nous avons travaillé avec le ministère de l'Environnement et de la Faune à définir des critères pour la valorisation des matières résiduelles fertilisantes – ça a pris quatre ans à faire ça – et le ministère a sorti une série de critères qui ne sont pas des normes mais qui sont utilisés pratiquement comme des normes quand vient le temps pour lui de délivrer des certificats d'autorisation en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Je prends la peine ce matin de réitérer que chaque épandage de résidus de papetière qui se fait sur une terre agricole doit passer par l'émission d'un certificat d'autorisation. Donc, ça se fait en connaissance de cause. Et, pour nous assurer que nos membres étaient à l'aise avec la façon de faire, vu que c'est un nouveau champ d'expertise, l'Association, sur demande des membres, a élaboré un guide de bonne pratique que tout le monde a entre les mains actuellement. Toutes les MRC en ont une copie. Donc, on connaît, je dirais, les bonnes pratiques utilisées par les professionnels pour faire leur travail.

La vraie question à long terme, c'est justement: Qu'est-ce qui va se passer dans 10, 20 ou 30 ans après ce genre de pratique là? Actuellement, il n'y a pas vraiment de réponse très probante au niveau du Québec, mais, avant de nous lancer dans le domaine, nous avons regardé ce qui s'était fait aux États-Unis et en Europe, où de telles pratiques ont cours depuis 20 ou 30 ans déjà, et ils ont eu des problèmes, et les problèmes qu'ils ont eus étaient causés par des causes qui n'existent plus aujourd'hui. Donc, nous croyons, en tout cas, à la lumière de la science actuelle, qu'il n'y a pas de risque caché, entre guillemets, évident résultant de cette pratique-là.

Est-ce que ça, ça veut dire qu'il n'y a absolument aucun risque? Bien, moi, je vous répondrais: Le meilleur moyen de n'avoir aucun risque, c'est de ne rien faire. Alors, il y a un choix de société, ici, nous avons le choix d'enfouir nos résidus, nous pouvons les brûler, mais c'est assez difficile dans le cas de ces résidus-là, vu qu'ils ont une très haute teneur en eau. Donc, il faudrait consommer une quantité fabuleuse d'énergie juste pour les sécher avant de les brûler. Alors, le gain énergétique n'est pas intéressant. Il nous reste la valorisation agricole, à toutes fins pratiques.

M. Benoit: Très bien.

M. Désilets (Louis): Mais je tiens à souligner que nous essayons de faire ça de façon professionnelle. Ce ne sont pas des gens des usines de pâtes et papiers qui font l'épandage sur les terres agricoles, ça se fait avec des agronomes qui sont mandatés par les papetières pour préparer des plans de fertilisation selon les prescriptions du ministère. Ça passe par un certificat d'autorisation, ça passe par des analyses des échantillons en laboratoire.

Bien entendu, on n'analyse pas le contenu de tous les dix-roues qui sortent de l'usine pour aller chercher l'eau, ce serait prohibitif. Mais, compte tenu du fait que, dans la majorité de nos usines, le processus de fabrication est très constant, il n'y a pas vraiment de variation importante, au jour le jour, de cette qualité-là. Ça va?

M. Benoit: Parfait. Vous avez bien répondu à la question, et ce qu'on devra, nous, faire, c'est peut-être poser cette même question là à d'autres industries qui, elles, sont peut-être plus questionnables, et ce sera notre job de le faire éventuellement.

M. Désilets (Louis): Merci.

M. Benoit: Ceci dit, j'aimerais poser une deuxième question peut-être à M. Duchesne. Dans votre mémoire, vous nous dites que les membres croient qu'il est susceptible de créer plus de problèmes que d'en régler, en ce qui a trait aux MRC qui auraient un droit de regard sur la situation des déchets dans leur MRC. Ce que vous dites un peu plus loin, c'est que le territoire de la MRC ne correspond pas à celui de la gestion régionale des matières résiduelles. L'emphase devrait être mise sur la possibilité de conclure des ententes interrégionales. C'est une question qu'on se pose depuis longtemps dans l'industrie du déchet. Qu'est-ce que c'est, une région, quand on parle de déchets? Quand on parle d'une rivière, on parle d'un bassin versant. Quand on parle de l'industrie, vous parlez de zones de vente. Quand on parle des déchets, c'est quoi, une région? Est-ce que Drummondville est dans l'Estrie ou dans la Montérégie? Est-ce que Drummondville est peut-être plus près de Trois-Rivières? Elle est où, Drummondville, quand on parle de déchets? C'est quoi, une région, quand on parle de déchets? Alors, le législateur a fait un choix, ici, de parler de la MRC, et j'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu ce que c'est, une région, en matière de matières résiduelles.

Excusez. J'ai dit le mot «déchets», ça m'a échappé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: J'ai même mis ma petite pancarte pour ne pas me tromper de la journée, là.

M. Bégin: Oui, depuis tantôt. Ha, ha, ha!

M. Duchesne (André): Effectivement, c'est une bonne question. Ce qu'on se dit, nous autres, c'est que, puisqu'il existe déjà, naturellement, des organisations qui se sont défini des régions et qui chevauchent les MRC, le fait que l'avant-projet de loi veuille modifier ça, et surtout en donnant le pouvoir aux MRC de refuser l'entrée de certains déchets dans leur secteur, comme on explique dans le document, on risque que ça prête flanc à toutes sortes de conséquences du syndrome «Pas-dans-ma-cour» qui, à la fin, vont tout simplement non pas augmenter l'efficacité du système mais augmenter le coût d'opération du système. Alors, il y a peut-être un choix à faire, de dire: C'est la MRC, mais le faire de façon aussi violente, si vous voulez, que ce qui est dans l'avant-projet de loi nous semble préjudiciable pour des choses qui existent déjà et qui ne vont pas toujours si mal que ça.

M. Benoit: Mais comment une région pourrait, elle, décider de l'entrée ou de la non-entrée d'un déchet? Le législateur, lui, le ministre, ce qu'il a essayé de faire, c'est de donner à quelqu'un une certaine autorité en ce qui a trait à l'importation des déchets dans une région. Si on parle d'une région, qui pourrait voter, ou décider, ou s'opposer? J'essaie de voir, là.

(11 h 20)

M. Duchesne (André): Encore une fois, on est dans une zone où, comme je le disais à M. le ministre tantôt, ce n'est pas facile de tracer une ligne simple. C'est une zone grise, là, où il faut opérer. Nous, on pense, encore une fois, que nos résidus qui vont dans nos sites d'enfouissement n'ont pas à passer par... de MRC. Et, si j'ai un contrat qui change d'une MRC à l'autre, à l'heure actuelle, et que, pour une raison ou pour une autre, les MRC ne s'entendent pas, et que je suis obligé de modifier mon contrat quand il va venir à échéance, et que ça augmente mon coût de façon significative, l'environnement ne sera pas nécessairement mieux protégé, mais, moi, ça va m'avoir coûté plus cher. Alors, c'est ce genre de situation qu'on veut éviter, et on pense que le projet de loi devrait s'assurer qu'on évite ce genre de cul-de-sac, tout simplement. Ce n'est pas une opposition formelle au fait que ça soit «une région égale une MRC», c'est tout simplement que ça ne s'est pas fait nécessairement comme ça dans le passé et qu'il faut assurer une évolution ordonnée.

M. Benoit: Merci, M. Duchesne.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Oui, M. le Président. Merci. J'aimerais m'adresser à M. Duchesne. Vous avez utilisé des termes que, moi, j'ai trouvés assez durs à certaines occasions dans votre exposé, des termes dans le genre «l'industrie a assez donné», des termes dans le genre «l'État n'a pas d'affaire à légiférer dans ce domaine-là», «l'État n'a pas à dire à l'industrie comment faire». Je trouve que, dans certains cas, c'est fort parce que l'État, c'est tous les citoyens. C'est quand même l'État qui vous donne toute votre matière première.

Il n'y a personne qui est tombé en bas de sa chaise lorsque vous avez lu votre mémoire, mais, quand vous dites: L'industrie a assez donné, votre industrie, qui est tout à fait correcte, il faut quand même que vous reconnaissiez qu'elle produit 75 % de tout ce qu'il y a dans le bac bleu. Vous pouvez bien dire: On est prêts à tout racheter ça au prix du marché, mais vous fixez le prix, l'industrie fixe le prix. L'industrie fixe le prix du papier ou des cartons que vous achetez pour mettre dans le recyclage. Donc, c'est dans ce sens-là que je trouve ça fort quand vous dites: On a assez donné, on ne veut pas, d'aucune manière, financer tout le déficit de Collecte sélective.

C'est bien que vous disiez: On rachète tout à 100 %, mais toute la question est dans le prix. Le prix, ce n'est pas juste le prix qu'on veut bien payer pour mettre dans l'usine, mais ça coûte de l'argent pour l'amener à l'usine, ce produit-là, le produit qui est produit par vos usines. Le ramener dans vos usines, ça coûte un bras à quelque part. Donc, est-ce que c'est bien ce que j'ai entendu, dans le sens: Au niveau de Collecte sélective, arrangez-vous avec vos troubles, l'industrie a assez donné? Est-ce que c'est bien ça que j'ai entendu?

M. Duchesne (André): Alors, c'est ce que j'ai dit, mais je pense que vous ne l'interprétez pas comme je croyais que vous étiez pour l'interpréter.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Duchesne (André): La ressource, au départ, on l'achète du gouvernement au prix du marché. Ensuite, quand le recyclage a commencé à intéresser tout le monde, il y a une dizaine d'années, l'industrie a investi abondamment dans des unités qui permettent de réutiliser et de recycler le papier et les cartons récupérés. Simplement pour le désencrage des vieux papiers, on a investi au-delà de 650 000 000 $ au Québec. On a 11 unités de désencrage au Québec. Ça, ça n'a jamais donné une amélioration du prix du papier journal, ça n'a jamais donné une amélioration de la rentabilité des usines, ça a été fait parce que les marchés s'y prêtaient. On disait: On veut un contenu recyclé chez nos clients parce que la population du Québec s'y intéresse. On disait: On veut récupérer et recycler nos produits, nos matières résiduelles qui sont réutilisables. Alors, on l'a fait.

Quand je vous parle de «donné», mettons que c'est un terme peut-être un peu mou pour désigner ces investissements-là, qui n'ont pas été faits pour augmenter la rentabilité des papetières, encore une fois, qui ont été faits parce que c'était dans le courant normal des choses. Ce qu'on ne voudrait pas, à ce moment-ci, c'est que, après avoir investi ces millions-là, après la dépense d'opérations courantes pour faire ce recyclage-là, après la conception de certains produits nouveaux qui utilisent des cartons et des papiers récupérés mais qui ne sont pas nécessairement désencrés, on nous dise: Maintenant, en plus, vous allez payer les frais d'opération des municipalités pour faire la récupération. Le prix du marché, effectivement, on ne le contrôle pas, il est nord-américain. Et le Québec a beau être un gros producteur papetier en Amérique du Nord, on n'est pas le joueur déterminant; ce sont les Américains qui sont les joueurs déterminants.

Je vous disais tantôt qu'il y a la moitié du papier et des cartons que l'on recycle au Québec qui sont importés. Ça vient principalement des États-Unis, et c'est là que les prix sont fondamentalement déterminés. Puis ce qu'on peut payer au Québec, essentiellement, c'est ce prix-là, en tenant compte de la différence des coûts de transport. Alors, le prix du Québec est fortement influencé par le prix qui existe en Amérique du Nord pour ces papiers et ces produits-là. Ce n'est pas l'industrie qui détermine ce prix-là. Elle fait partie du processus d'offre puis de demande qui détermine le prix, mais elle n'est pas déterminante.

Et, à l'autre bout du processus, bien, évidemment, il y a les produits qu'on vend sur le marché, puis, encore une fois, ce n'est pas nous qui décidons combien nos produits vont se vendre. Je vous garantis que, si on pouvait décider, le papier journal, à l'heure actuelle, on ne le vendrait pas 450 $, on voudrait le vendre 650 $. Mais il n'y a pas un client qui va l'acheter à 650 $, ça fait qu'on est obligés de le vendre 475 $, 450 $, 480 $, puis on annonce des augmentations, puis ça ne colle pas. Alors, ça fait partie du processus dans lequel on doit vivre, et c'est pour ça qu'on ne pense pas, nous autres, devoir subventionner l'opération récupération, puis c'est pour ça que je disais à M. le ministre, tantôt: Il y a des limites au maximum récupérable qu'on va devoir réaliser si on ne veut pas se nuire à nous-mêmes.

M. Pelletier (Abitibi-Est): M. le Président, juste une autre question...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le député.

M. Pelletier (Abitibi-Est): ...dans un autre domaine. Je veux juste revenir sur les matières résiduelles fertilisantes. Les boues et les encres qui sortent des usines de papier, dans le moment, on les utilise au niveau des fertilisants. À première vue, ça semble une bien bonne idée, et les agriculteurs sont heureux d'avoir leurs produits, et, vous autres, vous êtes très heureux aussi de vous en départir.

Maintenant, ce matin, avant vous puis depuis que vous êtes là, il y a eu des questions de posées sur les contrôles. Je sais qu'il se fait dans le moment un certain contrôle par le ministère de l'Environnement. Maintenant, sur le suivi, il semble qu'il y a encore du travail à faire. Vu que c'est un produit que vous devriez gérer autrement – dans le moment, vous le gérez en l'envoyant sur les fermes; tout le monde semble être d'accord, tout le monde a son avantage, mais il y a une autre étape de suivi à faire pour bien s'assurer que tout est conforme – est-ce que vous seriez prête, en tant qu'industrie, à prendre cette étape-là sous votre responsabilité, au niveau du moins des coûts? Sinon, peut-être pas faire l'expertise du suivi mais, au moins, comme c'est votre produit, est-ce que vous pourriez, jusqu'à la fin de la chaîne, en avoir une responsabilité au niveau des coûts?

M. Duchesne (André): La proportion qui est valorisée à des fins agricoles, à l'heure actuelle, c'est à peu près 14 %, ce qui est en développement. Mais on s'est entendus avec le secteur agricole qu'on ne remplacerait pas de leurs matières résiduelles par nos produits. Je ne sais pas où la limite va être, là, mais on ne se rendra jamais à 100 % de nos boues de systèmes d'épuration à utiliser en agriculture; on va manquer d'agriculture au Québec pour faire ça parce qu'ils ont leurs propres produits justement dont ils doivent disposer.

(11 h 30)

Le contrôle qui est exercé présentement, le contrôle de la qualité du produit, est de beaucoup supérieur au contrôle de la qualité des produits qui viennent du secteur agricole lui-même, et je pense que, à moins de se rendre à une validation, comme disait Louis tantôt, voyage par voyage du produit, à moins qu'on nous demande de vérifier d'autres paramètres qui n'ont pas été vérifiés encore, ça va être difficile d'aller plus loin. Nous, on est convaincus qu'une vérification voyage par voyage, compte tenu de la très faible variabilité de nos boues, ne se justifie ni environnementalement ni économiquement, et on a dit aux agriculteurs que, s'ils voulaient en arriver jusque-là, bien, il faudrait qu'ils le fassent eux-mêmes.

Présentement, ce qui est en forte croissance comme valorisation de nos matières résiduelles, c'est la valorisation énergétique. Il y a plusieurs de nos usines qui sont sur le point d'être autosuffisantes en matière d'énergie à cause de ça. Là encore, il y a des limites. Mais ce qui va déterminer où ça va aller finalement, c'est toujours où ça va coûter le moins cher, compte tenu des contraintes nécessaires pour protéger l'environnement efficacement. Alors, non, on n'est pas opposés à des vérifications supplémentaires, loin de là, mais encore faudrait-il que ça donne quelque chose de plus que ce qui est fait présentement.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. Dans votre sommaire, vous dites quelque chose qui est un peu surprenant, et je vais faire la lecture de deux phrases. Vous dites: «D'autre part, les usines ont, pour la plupart, mis en place des systèmes élaborés de gestion des matières résiduelles des procédés de fabrication. Le cadre réglementaire actuel laisse toutefois peu de place à la valorisation des résidus.» Pourriez-vous nous expliquer surtout la dernière phrase quand vous nous dites qu'il y a peu de place à la valorisation dans le cadre réglementaire actuel au Québec?

M. Meunier (Michel): On parlait tout à l'heure qu'il y avait un suivi assez étroit qui était fait, entre autres, sur la valorisation des matières résiduelles fertilisantes. On a travaillé beaucoup avec le ministère de l'Environnement pour essayer de simplifier tout ça, mais il reste encore un bon bout de chemin, compte tenu des travaux qui ont été faits, pour être capable de mettre sur pied un système qui fonctionne et qui rend les possibilités à la mesure des résultats qu'on a eus, si on veut, lorsqu'on a fait les différentes études, la caractérisation et les critères.

De la même façon, si on parle de résidus pour la valorisation énergétique, tout le monde n'est pas sans savoir qu'il y a plusieurs papetières qui ont présenté des projets – on parlait d'autosuffisance énergétique, tout à l'heure – pour faire la valorisation de ces résidus-là et que ça n'a carrément pas été possible à cause de délais, à cause d'un certain nombre d'intervenants dans le dossier, en tout cas. Le résultat est que les papetières ont abandonné carrément les projets parce qu'on ne peut pas attendre indéfiniment, là. On a des fenêtres d'opportunité, puis, un moment donné, il n'y en a plus. Alors, il y a, entre autres, ce volet-là où, à bien des égards, on aurait pu faire mieux.

M. Whissell: Alors, dans le fond, votre libellé, c'est surtout au niveau énergétique, si je comprends bien. Parce que, de la façon dont vous l'avez écrit, c'est comme si le gouvernement, actuellement, par la réglementation, vous empêchait de faire encore plus de valorisation. Est-ce que c'est la façon dont on doit l'interpréter?

M. Désilets (Louis): Bon, un peu pour vous situer sur cette question-là, c'est que, si vous consultez notre règlement, dans le règlement, on ne décrit pas nos résidus de fabrication – pour utiliser un peu une analogie avec l'expression de M. le ministre tout à l'heure – comme des matières résiduelles, ce sont des déchets de fabrique de pâtes et papiers. Et, dans les déchets, on retrouve tous les sous-produits de la fabrication du papier. Alors, au départ, on est taxés pour des déchets.

Pour pouvoir valoriser ces déchets-là, il y a un article dans le règlement – je crois que c'est l'article 95, Michel – qui dit: Oui, tu peux le faire, mais ça te prend un certificat d'autorisation. Alors, là, ça prend un peu comme la bénédiction du ministère et c'est à nous de faire la preuve qu'il n'y a pas d'effets néfastes, et tout le reste. Alors, là, vous avez comme une prise contre vous en partant, et, dans un certificat d'autorisation, on peut invoquer à peu près n'importe quoi. Alors, on est un peu à la merci d'un préjugé défavorable, si vous voulez, au départ, et c'est à nous de toujours remonter le courant pour prouver qu'on peut utiliser nos résidus de profitable.

Quand il n'y a pas de connaissance sur un résidu donné, quand on fait ça pour la première fois pour une usine donnée, ça se comprend qu'il y ait des réticences et qu'il nous faille faire la preuve, mais, quand ça fait des années qu'on fait la même chose puis qu'on produit les mêmes produits, à un moment donné, ça devrait être plus facile de valoriser. Et ce que l'expérience nous a montré, c'est qu'au fil des ans, dans le domaine de la valorisation à des fins agricoles, c'est flagrant, les certificats d'autorisation, au lieu de s'amincir, ils s'épaississent. Alors, ça prend de plus en plus de démarches pour aller porter un voyage de résidus sur un lot agricole donné pour le valoriser. Pourquoi? Mais je crois que le cadre réglementaire, actuellement, soit qu'il n'est pas approprié ou qu'il n'est pas utilisé d'une façon à faciliter le processus. C'est là où le bât blesse actuellement.

M. Whissell: Dernière question, parce que, en page 2 de votre document, vous revenez sur ça en disant que les interventions du gouvernement devraient permettre de faciliter la valorisation des résidus. Alors, quand vous dites «faciliter», ce serait justement peut-être que le cadre réglementaire soit plus défini?

M. Désilets (Louis): Le débat, finalement, c'est de savoir qu'est-ce qui est plus valable pour les Québécois. Est-ce que c'est de retirer tout ce qu'on peut enfouir puis de le mettre ailleurs – parce que vous savez qu'on ne peut pas désintégrer la matière, il faut l'utiliser d'une autre façon – ou si ce n'est pas simplement de créer une demande pour des produits qui auraient une valeur résiduelle positive? Dans notre cas, nous sommes considérés, au départ, comme des générateurs de déchets et nous devons toujours faire la preuve que nous ne gérons pas des déchets mais des matières résiduelles. Alors, nous sommes déjà un peu en avant de l'avant-projet de loi, dans ce sens. Nous sommes déjà pris dans un contexte où «déchet» a été défini sur mesure dans notre propre règlement.

La faiblesse du cadre réglementaire, c'est que, en voulant protéger l'environnement, à un moment donné, c'est comme une lutte, si vous voulez, entre le risque environnemental découlant de nos activités et le bénéfice associé à la valorisation de cette matière-là pour l'ensemble des Québécois, que ce soit en termes économiques ou autres. Bon. Mais il faut un peu balancer ça. Le cadre actuel a été fait pour protéger l'environnement, point, jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Lachance): Alors, MM. Duchesne, Désilets et Meunier, je vous remercie pour votre participation aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite les représentants du prochain organisme que nous allons entendre, Horizon Environnement inc., à bien vouloir prendre place à la table. Ce sera le dernier organisme cet avant-midi.

Alors, je vous demanderais de vous identifier, ainsi que la personne qui vous accompagne, en vous rappelant que le maximum de durée de votre exposé doit être de 20 minutes.


Horizon Environnement inc.

M. Boisvert (Jean): Alors, je me présente, Jean Boisvert, ingénieur pour la compagnie Horizon Environnement. Je suis accompagné de M. Claude Fournier, qui est le responsable des affaires environnementales.

(11 h 40)

Alors, M. le ministre, M. le Président, membres de la commission, j'aimerais d'abord vous présenter Horizon Environnement. Il s'agit d'une entreprise québécoise qui a débuté ses opérations en 1995 et dont les activités sont situées à Grandes-Piles. C'est-à-dire, de façon concrète, c'est à quelques kilomètres au nord de Grand-Mère, en Mauricie. L'entreprise a pour mission d'offrir des services de gestion, de traitement et d'enfouissement de sols contaminés. Disons que, sur le site, on compte une plateforme qui permet de faire le traitement des sols contaminés ainsi que des cellules à sécurité maximum.

Maintenant, c'est un site qui peut être qualifié comme exemplaire en Amérique du Nord, et là-dessus je m'explique. C'est qu'à date, au niveau des exigences des vérifications environnementales qui ont été effectuées par de nombreuses multinationales, le site s'est toujours qualifié haut la main pour les exigences qui étaient spécifiées. D'ailleurs, à ce sujet-là, je me permets de lancer une invitation à vous tous. Si vous êtes intéressés, vous serez les bienvenus à venir visiter notre site, ça nous fera plaisir de vous montrer nos installations. Il faut retenir qu'il s'agit d'une entreprise privée, donc une entreprise qui est soumise à la loi de la compétition, d'une part, et une entreprise également dont la survie repose sur la rentabilité. C'est la raison pour laquelle nous soulevons, ou mentionnons, le critère d'équité qui doit s'appliquer dans l'application de certaines réglementations.

Maintenant, au niveau de l'avant-projet, le secteur d'activité que couvre Horizon Environnement est touché mais quand même de façon relativement partielle. Je suis tenté de dire que c'est par la porte arrière que l'entreprise est touchée parce que le but premier de l'avant-projet touche la gestion des matières résiduelles dans leur ensemble, tandis que les sols contaminés font partie d'une catégorie très à part et très pointue. À ce sujet-là, dans l'avant-projet, il y a un seul article qui s'adresse directement aux lieux où sont entreposés des sols contaminés, puis il s'agit de l'article 4 qui modifie l'article 31.52 de la loi. Maintenant, dans cette modification-là, on demande à ce que dorénavant les propriétaires de site de confinement de sols contaminés soient soumis à l'obligation de constituer un fonds postfermeture. À ce sujet-là, et peut-être à la satisfaction des gens qui sont ici, l'entreprise, disons, supporte entièrement cette proposition-là, puis d'ailleurs, à ce sujet-là, j'aimerais mentionner que, de toute façon, pour l'entreprise, cette situation-là existe déjà.

C'est en 1995 que, à l'époque, il y a eu des discussions au sein des membres de l'entreprise pour constituer un fonds postfermeture qui pourrait, en fin de compte, être constitué pour assurer la survie ou, du moins, la réparation des installations en cas de difficulté de la part de l'entreprise. Comme il n'existait pas de précédent à cette époque-là, ce qui a été retenu, c'est de choisir finalement comme bénéficiaire celui qui serait touché le plus directement, justement, en cas de difficulté de la part du promoteur. Dans ce cas-ci, ça a été la municipalité. Or, au niveau de la modalité de ce qui a été fait, c'est que, oui, il y a un montant qui est déposé en fiducie présentement, mais la municipalité est le bénéficiaire.

Également, un autre volet qui nous préoccupe relativement à la constitution d'un fonds postfermeture, c'est que – puis je reviens à l'aspect de l'équité – actuellement, il existe une politique qui touche les sols contaminés et qui permet de faire de l'enfouissement finalement de sols contaminés, mais sur place, et ce qui nous préoccupe, c'est que nous ne sommes pas certains que, disons, la modification à l'article 4 s'appliquera à l'ensemble des emplacements où des sols contaminés sont entreposés. Or, encore une fois, sous l'en-tête de l'équité, nous voulons tout simplement souligner qu'il sera très important, lorsque l'on fera l'élaboration des réglementations, de s'assurer que l'obligation est appliquée de façon uniforme à l'ensemble des emplacements où on fait du confinement de sols contaminés, sinon, à notre avis, c'est qu'il y a un risque éventuel que les gens aillent dans une direction plutôt que dans l'autre, c'est-à-dire celle où il n'y a pas nécessité de constituer de tels fonds, et, en conséquence, bien, on va contourner de cette façon-là l'objectif qui est visé par cette modification-là, soit d'avoir une garantie pour assurer réparation si jamais il y a des difficultés qui surviennent.

Un autre volet également qui est soulevé, qui, lui, fait part plutôt d'une préoccupation que d'un élément en tant que tel, c'est la modification à l'article 5 qui touche les parties 53.1 à 53.24 de la loi. De façon plus particulière, c'est que, actuellement, Horizon Environnement est autorisée à recevoir une catégorie de matières résiduelles qui sont appelées «déchets spéciaux». Maintenant, pour votre gouverne, les déchets spéciaux, c'est une catégorie de déchets qui sont situés entre les matières dangereuses et les déchets solides. Pour l'instant, on autorise que ce type de matières résiduelles là soient enfouies dans des emplacements tels que celui que possède Horizon Environnement. Maintenant, il est question que possiblement on modifie la réglementation pour inclure ces produits-là à l'intérieur de la catégorie des déchets solides.

Or, notre préoccupation est la suivante. C'est que, premièrement, suite à l'article 53.23 qui donnera aux MRC le pouvoir de gérer l'entrée de déchets sur leur territoire, ça risque d'affecter évidemment les opérations de l'entreprise. Deuxièmement, aussi à ce niveau-là, je rappelle qu'Horizon Environnement est pourvue de cellules qu'on appelle «à sécurité maximum». Si on permet dorénavant à ce type de déchets là d'être enfouis dans des lieux d'enfouissement réguliers, tout simplement, ce que ça entraîne, c'est que, possiblement, ces déchets-là vont être dans des emplacements de moindre sécurité qu'ils le sont présentement. Or, à ce niveau-là, comme je le mentionnais, c'est plutôt une préoccupation que nous voulons soulever que finalement un fait comme tel.

En conclusion, c'est que, foncièrement, l'entreprise Horizon Environnement supporte complètement l'entrée en vigueur de la modification à l'article 4 qui suggère d'avoir des fonds postfermeture pour les lieux de confinement de sols contaminés. Par contre, comme je vous mentionnais, au niveau de la modalité, nous avons des réserves, et également nous avons des réserves au niveau de l'équité, c'est-à-dire de l'application de cette modification-là. Alors, ce sera au niveau des réglementations de s'assurer que l'on fait en sorte que, premièrement, au niveau de la modalité, on tienne compte de l'aspect dont je mentionnais, c'est-à-dire l'aspect de la municipalité comme bénéficiaire, j'entends, et, deuxièmement, qu'on applique cette exigence-là à l'ensemble des emplacements où se fait du confinement temporaire ou à long terme de sols contaminés. En bref, ça résume le mémoire qui a été présenté à la commission.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Boisvert. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. Boisvert. Vous vous inquiétez, je pense, concernant le fait que l'obligation de constituer un fonds de postfermeture s'applique à tous les sites. Bien sûr que la formulation ne répond pas spécifiquement à votre question, mais soyez assuré que ça va couvrir tous les sites parce que, effectivement, il y a deux raisons, une que vous donnez, qui est une raison économique, et l'autre qui est la raison environnementale. C'est qu'on veut s'assurer que tous les sites qui reçoivent des matières contaminées ne deviennent pas, dans le futur, des problèmes que la société aura à résoudre à même ces fonds, plutôt que demander à ceux qui disposaient des matières de payer un certain montant pour le faire, et s'assurer ainsi qu'on ait les fonds requis au cas où il y aurait un accident qui se produirait. Je pense que là-dessus on s'entend bien, et on va couvrir tous les sites.

(11 h 50)

Je vous avoue que je comprends moins bien la question que vous soulevez sur les articles 53.1 à 53.24, plus particulièrement 53.23. Là, vous parlez que la définition de «déchets de type spéciaux» serait modifiée et qu'en conséquence, vous qui détenez actuellement un certificat à cet égard... perdrait un peu de sa valeur, puisque dorénavant d'autres ailleurs pourraient recevoir ces mêmes déchets-là. Pouvez-vous être un peu plus explicite? Je n'ai pas bien saisi ce que vous vouliez dire.

M. Boisvert (Jean): O.K. C'est que, à l'heure actuelle, cette catégorie de déchets là n'est pas assujettie au Règlement sur les déchets solides. Alors, ce faisant, disons que ça fait une catégorie de déchets qui est gérée de façon différente, et c'est ce qui a fait en sorte qu'un emplacement, tel qu'Horizon Environnement, a reçu l'autorisation de recevoir ce type de déchets là.

Maintenant, notre préoccupation, c'est que, en modifiant la définition de ces déchets-là, est-ce que ça ouvre la porte à ce que la MRC, disons, exerce son pouvoir de limiter l'introduction de ces déchets-là sur son territoire? Alors, c'est dans ce sens-là que notre préoccupation fait surface.

M. Bégin: O.K. Je comprends.

M. Boisvert (Jean): Soit dit en passant, pour revenir à l'aspect précédent, ce que nous voulons souligner également, c'est que, dans la politique sur les sols contaminés, il y a une modalité qui permet dorénavant que tout emplacement où se retrouvent des sols contaminés puisse, par certaines méthodes, faire en sorte que ces sols-là soient confinés sur place. Nous, ce que nous nous demandons, c'est: Est-ce que cette pratique-là va être également assujettie au fonds postfermeture ou si ce sont uniquement les sites de type public qui vont être assujettis à cette exigence-là?

M. Bégin: Belle question, hein? Je dois vous avouer que vous posez une très belle question parce que, effectivement, je ne crois pas... En tout cas, peut-être que des gens qui m'accompagnent ont la réponse, mais, pour le moment, lorsqu'on décide de garder sur place ou de confiner des sols qui contiennent une certaine contamination mais que c'est une contamination acceptable, compte tenu du nouvel usage que l'on veut faire – donc, il y a confinement – à date, je ne crois pas qu'on prévoie quoi que ce soit en termes de contribution à un fonds quelconque. L'analyse et probablement le raisonnement qui sous-tend ça, c'est qu'on a fait une caractérisation des sols. On sait exactement ce que contiennent ces sols, on accepte que, compte tenu de l'usage que l'on veut en faire, ce soit une contamination qui ne mette pas en péril la santé ou la sécurité de personne, d'autant plus que des mesures de confinement particulières sont prises. Alors, l'hypothèse, c'est qu'on a pris les assurances suffisantes pour se protéger d'un accident éventuel.

Inversement, lorsqu'on s'en va dans un site, on n'a pas cette vérification-là. D'abord, le propriétaire qui reçoit un camion n'a pas nécessairement la garantie de la contamination exacte des sols qu'il reçoit, à moins d'en faire une expertise, mais je ne crois pas que ce soit un échantillonnage qui permette de distinguer tout à fait parfaitement le degré de contamination. Je sais qu'il s'en fait, des vérifications, mais c'est sporadique et, deuxièmement, ce n'est pas nécessairement une caractérisation complète parce qu'on se dit: C'est un matériau qui est de toute façon contaminé à haut niveau, c'est ce que nous recevons; en conséquence, on le prend. Alors, il y a un raisonnement qui est relativement simple, mais ça veut dire que, par hypothèse aussi, on a des matières qui sont hautement contaminées et qu'on accepte de prendre. Donc, le risque existe sur le plan environnemental à moyen et à long terme, et c'est contre ça qu'on veut se prémunir. Ça va?

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. Boisvert, M. Fournier, bienvenue parmi nous. Votre mémoire est relativement clair. J'aurais une seule question, j'aimerais ça que vous nous expliquiez comment ce fonds en fidéicommis... On sait que c'est un des aspects importants de l'avant-projet de loi; c'est un des trois, quatre points forts de l'avant-projet de loi. Je soulignais hier au ministre qu'on était heureux de voir qu'on retrouvait ça dans l'avant-projet de loi. Ce n'est pas tous les jours d'ailleurs que l'opposition félicite le ministre. J'espère qu'il l'a écrit en grosses lettres dans son cartable. J'aimerais voir comment, vous, ça fonctionne, ce fonds en fidéicommis là.

On en entend de différentes couleurs depuis une journée et demie, là, des gens qui s'opposent, des gens qui nous disent que, bon, c'est eux qui devraient avoir le contrôle du fonds en fidéicommis. Dans votre cas, vous dites que ça a été fait au nom de la municipalité. J'aimerais ça que vous nous expliquiez un peu comment ça fonctionne: comment ça s'est mis en place, comment ça fonctionne, les sommes qui sont impliquées là-dedans. Et est-ce que, finalement – sous-question – on peut piger dans ce fonds en fidéicommis, advenant une crise avant la fermeture du site?

M. Boisvert (Jean): O.K. Je vais tenter autant que possible de répondre à toutes vos questions. Tel que je le mentionnais au départ, c'est qu'on doit reculer en 1995 parce que c'est à cette époque-là où l'entreprise a décidé, disons, d'établir ce fameux fonds là, puis vous devez reconnaître qu'à cette époque-là il n'existait pas, ou peu, de précédents, et, particulièrement, il n'y avait aucune réglementation, il n'y avait aucun modèle qui nous permettait finalement d'établir les modalités. Alors, nous avons dû innover, là, mais innover en tenant compte qu'il pouvait y avoir des erreurs ou des difficultés.

Comme je l'expliquais, au départ, lors de difficultés d'un emplacement comme celui-là, la première entité qui va devenir responsable, c'est la municipalité. Alors, en toute logique, nous nous sommes dit: Donc, nous allons mettre la municipalité comme bénéficiaire. Alors, ça, ça a été la première étape. Deuxièmement, de quelle façon accumuler ce fonds-là? Dans ce cas particulier là, nous avons convenu de l'accumuler sur une base du chiffre d'affaires. Alors, basé sur le chiffre d'affaires, il y a un certain montant, un certain pourcentage qui s'applique à accumuler un fonds qui, lui, est limité à un plafond – disons que c'est connu – de 1 000 000 $, lequel, lorsqu'il sera atteint, évidemment restera en fidéicommis. Par contre, une autre modalité également, c'est que les intérêts courus de ce montant-là sont versés à la municipalité. Or, actuellement, avec les activités, il y a des montants qui sont versés à chaque année dans ce fonds-là, et l'entreprise cessera de verser des montants lorsque le total accumulé atteindra le fameux 1 000 000 $. Alors, c'est, comme je vous le disais, la façon qu'on a trouvée pour établir ce montant-là.

M. Benoit: Avant que vous alliez plus loin, peut-être juste nous dire, si vous êtes capable... Par chiffre d'affaires, la façon dont ici les gens nous ont parlé, c'était en termes de tonne: de la tonne. Est-ce qu'il y a un montant auquel... Vous taguez chacune des tonnes ou...

M. Boisvert (Jean): Dans ce cas-ci, parce que finalement on a perçu qu'on faisait affaire avec un marché quand même qui était très aléatoire, là, très variable, la formule du par tonne ne nous semblait pas appropriée. Alors, à la place, c'est une formule plutôt au pourcentage du chiffre d'affaires. D'ailleurs, les comptables de la municipalité viennent sur une base régulière sur les lieux, vérifient les livres, et vérifient, en fin de compte, le chiffre d'affaires, et s'assurent que le montant qui est versé correspond à un pourcentage du chiffre d'affaires.

Également, pour répondre à votre question, oui, la municipalité... Puis d'ailleurs c'est une des raisons pour lesquelles le fonds a été constitué. C'est que, comme je disais, si jamais l'entreprise connaissait des difficultés en cours d'exploitation du site, immédiatement la municipalité pourrait puiser dans les fonds et s'assurer, disons, d'une, je ne sais pas si je peux appeler ça fermeture, ou s'assurer finalement que des conditions sont mises en place pour réduire au strict minimum les impacts qu'auraient ou qu'auraient pu entraîner les activités de l'entreprise.

M. Benoit: Qui est le fiduciaire? Est-ce que le fiduciaire, c'est la compagnie, ou si c'est la municipalité, ou si c'est un notaire, ou si c'est un agent de transfert, ou si c'est... Qui est le fiduciaire? Physiquement, les sommes d'argent, elles sont où, finalement?

M. Boisvert (Jean): Elles sont versées dans un compte d'une institution financière au nom de la municipalité.

M. Benoit: Très bien.

M. Bégin: Et s'il arrive un incident en cours de route?

M. Benoit: Oui, il a répondu.

M. Bégin: Ah! j'ai été distrait. J'aurais...

M. Benoit: Il a répondu. Il a dit que, oui, la municipalité avait le droit de s'en servir en cours de route, si nécessaire.

M. Boisvert (Jean): Oui. Puis, peut-être pour rajouter là-dessus, à l'origine, l'objectif du montant qui était accumulé était particulièrement pour offrir une garantie à la municipalité en cas de défection ou de difficultés de la part du promoteur. Alors, oui, c'est en cours d'exploitation que la municipalité a accès à ce fonds-là.

M. Benoit: Maintenant, vous allez me répondre oui, je le sais tout de suite, là, mais je vais vous poser la question quand même: 1 000 000 $, est-ce que c'est réaliste de penser que c'est suffisant, advenant qu'un site comme celui-là se mette, en termes anglais, à «leaker»? Est-ce que c'est suffisant, la somme de 1 000 000 $? Je lisais une étude hier soir. Aux États-Unis, on dit que ça pourrait aller jusqu'à 200 $ de la tonne pour décontaminer des sites. Aux États-Unis, en ce moment. Maintenant, vous étiez précurseurs, vous étiez dans les premiers, là, je comprends aussi ça.

M. Boisvert (Jean): Bien, exactement, puis il s'agissait de fixer un montant, il s'agissait d'établir une base, parce que – d'ailleurs, j'insiste là-dessus – à l'époque, disons qu'il aurait été très facile de dire: Il n'y en a pas du tout. Il n'y avait aucune obligation.

M. Benoit: Je réalise ça.

(12 heures)

M. Boisvert (Jean): Il n'y avait absolument rien qui existait. Alors, c'est un peu, comme vous le dites, en tant que précurseurs puis pour montrer une certaine bonne volonté de la part de l'entreprise qu'on a établi ce montant-là. Maintenant, c'est un montant qui est arbitraire, je suis entièrement d'accord. Est-ce qu'il est suffisant ou non? À date, évidemment, ce montant-là n'a absolument pas servi. Nous souhaitons qu'il ne serve jamais, mais, entre-temps, il est toujours disponible.

M. Benoit: Très bien.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Je voudrais d'abord vous féliciter d'avoir été des instigateurs d'un tel fonds au moment où personne ne le demandait, parce que ce n'est pas nécessairement évident qu'en chargeant un montant vous ne vous mettez pas un petit peu hors marché, puisque les compétiteurs ne le mettent pas comme tel. Donc, je vous félicite d'avoir fait ça. Deuxièmement, vous nous donnez peut-être une indication intéressante de la façon de faire, par le fait que vous tarifez selon votre chiffre d'affaires. D'une certaine façon, vous garantissez à la municipalité, qui est le bénéficiaire, que c'est bien un bon montant qui est en rapport avec ce que vous faites.

Par ailleurs, vous ne dévoilez pas votre prix vis-à-vis des concurrents, qu'est-ce que vous chargez, ce qui n'est pas mauvais non plus et ce qui assure, comme vous dites, la souplesse dans le temps, parce que des variations... S'il y a beaucoup de demandes ou peu de demandes, ou je ne sais pas si c'est de la demande ou de l'offre que, dans ce cas-ci, on doit parler, là... Alors, je trouve ça très, très bien; ça va peut-être nous inspirer.

Quand tout le monde sera assujetti – c'était votre préoccupation tantôt, et là je vais reprendre la question de mon collègue – imaginons votre site. Est-ce que 1 000 000 $ sera suffisant ou s'il faudrait penser à établir, comme il vient de le mentionner, mettons 100 $, ou 150 $, ou 200 $ la tonne de matières enfouies? Est-ce que vous avez une expérience suffisante de la décontamination ou du coût de la décontamination pour répondre à cette question-là?

M. Boisvert (Jean): Disons que la seule chose que nous sommes en mesure de dire présentement, c'est que toutes les mesures nécessaires, toutes les précautions sont prises, basées sur la technologie, basées sur les connaissances que nous avons, pour s'assurer que le site est le plus étanche possible et le plus sécuritaire possible.

M. Bégin: Ah! donc, confinement puis traitement du lixiviat. C'est ça que vous dites?

M. Boisvert (Jean): Oui, oui, exactement. Exactement, oui.

M. Bégin: O.K.

M. Boisvert (Jean): Or, ce faisant, on sait que les probabilités que les choses aillent mal sont quand même passablement faibles. Mais disons que, de là à arriver puis à dire combien ça coûterait pour faire la décontamination sur place de l'ensemble du site, c'est presque de remettre en question finalement la vocation d'une telle activité. Parce que, tant qu'à ça, ce serait plus plausible de faire de la décontamination sur place un peu partout.

M. Bégin: Au fur et à mesure qu'ils arrivent plutôt que... C'est ça.

M. Boisvert (Jean): Sauf que le marché, actuellement, n'est absolument pas prêt à accepter une telle façon de procéder.

M. Bégin: Mais on comprend que des matières qui sont déposées dans un lieu bien construit, avec traitement du lixiviat, en principe, comme vous dites, représentent théoriquement beaucoup moins de risques. Deuxièmement, il se produit une certaine désintégration, ou une certaine, je ne sais pas, moi, épuration, ou du compostage des matières qui sont là, et, au fur et à mesure que le temps passe, vous dites, en tout cas, qu'il y aura de moins en moins de problèmes ou de risques. C'est ça?

M. Boisvert (Jean): Oui. Puis il y a un élément technique additionnel que j'aimerais ajouter, c'est que, quand même, c'est déposé dans un lieu où, disons, la géologie est telle que, finalement, même dans les pires conditions, ça prendrait des milliers d'années avant que des contaminants puissent s'échapper puis se retrouver dans les couches d'eau souterraines.

M. Bégin: C'est quoi, votre sol qui représente ces caractéristiques-là? C'est de la glaise ou...

M. Boisvert (Jean): C'est de l'argile, oui, avec un très haut taux d'imperméabilité.

M. Bégin: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Boisvert et Fournier, d'être présents parmi nous aujourd'hui et d'avoir permis à Horizon Environnement de contribuer aux travaux de cette commission.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, c'était le dernier groupe que nous avions cet avant-midi. Nous allons reprendre les travaux à 14 heures. Je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Lachance): La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux avec le mandat de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets. Alors, cet après-midi, nous allons recevoir quatre groupes: d'abord, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, ensuite le Bureau de normalisation du Québec, la Confédération des syndicats nationaux et, finalement, Environnement Jeunesse.

Alors, je vois que les représentants du Regroupement national sont déjà en attente. Vous savez, au Parlement, ça arrive parfois qu'on soit un peu de retard. Alors, je m'excuse du retard qu'on a pris. Vous êtes en place depuis déjà plusieurs minutes. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Lessard (Guy): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Guy Lessard, je suis le premier vice-président du Regroupement et également le président du Conseil régional de l'environnement Chaudière-Appalaches. Avec moi, j'ai M. Philippe Bourke, qui est le directeur général du Regroupement, également M. Alexandre Turgeon, qui est directeur général du Conseil régional de Québec, et M. Jean-Noël Sergerie, qui est président du Conseil régional Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et qui est ici également à titre de vice-président au développement du Regroupement. Alors, bonjour à tous.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue, messieurs. Vous avez une présentation maximum de 20 minutes.

M. Lessard (Guy): Je vais demander à M. Bourke de vous faire un peu la présentation du Regroupement et des motivations des conseils régionaux de l'environnement dans ce dossier-là.

M. Bourke (Philippe): Merci beaucoup. Le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec a pour objectif de contribuer au développement et à la promotion d'une vision globale du développement durable au Québec, de représenter l'ensemble des CRE et d'émettre des opinions publiques en leur nom. Les conseils régionaux de l'environnement ont, quant à eux, le mandat de contribuer au développement d'une vision régionale de l'environnement et du développement durable et de favoriser la concertation de l'ensemble des intervenants régionaux en ces matières.

De façon plus spécifique, les CRE ont pour objectif de regrouper et représenter des organismes ou groupes environnementaux ainsi que des organismes publics ou privés, des entreprises, des associations et des individus intéressés par la protection de l'environnement et par la promotion du développement durable d'une région auprès de toutes les instances concernées et de la population en général, de favoriser la concertation et les échanges avec les organismes de la région et d'assurer l'établissement de priorités et de suivis en matière d'environnement, de favoriser et de promouvoir des stratégies d'action concertée en vue d'apporter des solutions aux problèmes environnementaux, de participer au développement durable de la région et, enfin, d'agir à titre d'organismes-ressources au service des intervenants régionaux oeuvrant dans le domaine de l'environnement et du développement durable.

Une mission: le développement durable. Tel que décrit précédemment, les CRE ont le mandat de promouvoir le développement durable au Québec. Ce concept a été propagé par le rapport Notre avenir à tous de la Commission des Nations unies sur l'environnement et le développement. Sa définition est la suivante: «Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.» Cette formule vise à réconcilier le développement économique et social, la protection de l'environnement et la conservation des ressources naturelles.

Le concept de développement durable prend tout son sens lorsqu'on parle de gestion des matières résiduelles. Les Québécois savent depuis trop longtemps que leur façon de consommer et de disposer des résidus de leur consommation entraîne un gaspillage énorme. Par contre, ils continuent de répondre à leurs besoins grandissants en exploitant les ressources au-delà de leur capacité de renouvellement, en dépensant des quantités énormes d'énergie avec toutes les conséquences environnementales, économiques et sociales que cela entraîne – on a juste à penser à toute la problématique des changements climatiques – en disposant de leurs résidus par des méthodes qui entraînent des risques de contamination du sol, de l'eau et de l'air. Pour le RNCRE, il est évident que ces comportements réduisent d'autant la capacité qu'auront les générations futures, c'est-à-dire nos enfants, de répondre à leurs besoins dans un environnement viable. Il est plus que temps d'agir pour y remédier.

(14 h 10)

Enfin, je termine avec la motivation. Pourquoi, en fait, le Regroupement et les CRE sont-ils intéressés par cette question-là? Les CRE et le Regroupement national des CRE ont toujours suivi avec intérêt le dossier de la gestion des matières résiduelles au Québec. En effet, la majorité des CRE, tout comme plusieurs des groupes et organismes qui en sont membres, participe depuis longtemps à des activités de promotion d'une gestion plus écologique et plus responsable des matières résiduelles.

Par ailleurs, tous les CRE et le Regroupement national ont participé activement, en 1996, aux audiences du BAPE sur la gestion des matières résiduelles. Dans un esprit de continuité vis-à-vis des positions qu'ils ont alors défendues, le RNCRE a toujours suivi de près les différentes étapes ayant mené au dépôt du Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles puis au présent projet de loi. En ce sens, les CRE et le RNCRE continuent d'assumer leur rôle de concertation régionale en ce domaine en participant activement à la mise en place, à l'intérieur des limites de leur mandat, des dispositions prévues au plan d'action gouvernemental.

Là-dessus, je vais laisser la parole à M. Turgeon pour qu'il nous fasse la présentation des considérations générales de notre mémoire.

M. Turgeon (Alexandre): Alors, merci. En rendant public, en septembre 1998, le Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles, le ministre de l'Environnement, M. Paul Bégin, recevait l'appui de plusieurs organismes, dont celui du Regroupement national des CRE. Le RNCREQ maintient son appui au projet du gouvernement du Québec qui vise la mise en valeur de 65 % des matières résiduelles actuellement éliminées et souhaite que l'avant-projet de loi prévoie les pouvoirs nécessaires à l'adoption des règlements qui faciliteront l'atteinte des objectifs proposés dans le plan d'action. L'actuel projet de loi prévoit en effet l'adoption éventuelle par le gouvernement du Québec de plusieurs règlements pour encadrer les dispositions de ce projet de loi.

Pour le RNCREQ, l'adoption de ces règlements est fondamentale pour que soit préservé l'esprit de la loi. Le RNCREQ doit toutefois transmettre sa profonde inquiétude à cet égard, puisque cette importante délégation de pouvoirs réglementaires semble s'inscrire en faux par rapport à la tendance actuelle. Comment concilier ces nouveaux pouvoirs avec l'allégement réglementaire et la diminution graduelle des moyens et du financement du ministère de l'Environnement? Nous sommes notamment inquiets face au rôle du Secrétariat à la déréglementation qui fait, à notre avis, une trop grande obstruction à plusieurs règlements tout aussi utiles qu'essentiels en matière de protection de l'environnement. Par conséquent, le RNCREQ souhaite obtenir l'assurance que le ministre de l'Environnement aura les moyens et le support gouvernemental nécessaires pour que soient adoptés et appliqués ces règlements. Il est évident que, sans ceux-ci, on ne pourra s'assurer de l'atteinte des objectifs qui guident le plan d'action et la loi.

Alors, je transmets la parole à M. le premier vice-président.

M. Lessard (Guy): Merci. Les commentaires qui vont suivre, nous les avons préparés, M. le Président, dans l'esprit de répondre essentiellement aux prescriptions de l'avant-projet de loi. C'est certain qu'on a souffert de l'obligation de discuter de plusieurs éléments du plan d'action, puisqu'on a déjà eu l'occasion de le faire dans plusieurs rencontres de comités à l'intérieur du ministère de l'Environnement. Je vais vous présenter les cinq premières considérations spécifiques, sachant que, du côté du ministre de même que du côté des députés, on est bien préparé à recevoir ces commentaires et sûrement à nous questionner.

Un premier élément qu'on voudrait porter à votre attention, c'est celui de la définition du mot «valorisation», particulièrement quand on parle de la valorisation énergétique. Alors, tel que défini, sauf erreur, ce terme intègre l'incinération comme moyen de réduire de 65 % les matières résiduelles destinées à l'enfouissement. Bien que nous reconnaissions que, à défaut de pouvoir réduire à la source, réemployer ou recycler un résidu donné, la hiérarchie des 3RV relègue en dernier recours l'extraction de la valeur calorifique à des fins utiles plutôt qu'à l'élimination ou à la mise en décharge, nous considérons que ce concept de la valorisation énergétique risque de devenir une forme d'incinération déguisée, soit d'être contestée en tant que source d'émission atmosphérique, et peut également constituer un empêchement à l'émergence de techniques plus efficaces de mise en valeur des matières résiduelles. Aussi, si la définition du mot «valorisation» demeure telle que libellée, nous recommandons qu'il soit prévu dans la réglementation l'obligation de réaliser une étude d'opportunité afin d'éviter les effets écologiques pervers que pourrait susciter l'utilisation d'une méthode de valorisation plutôt qu'une autre.

Le Regroupement adhère également aux objectifs visés en vertu des modifications proposées à l'article 53.1 qui visent à réduire les déchets à enfouir et à assurer une gestion sécuritaire des équipements d'élimination. C'est un sujet que nous avons abordé longuement lors des consultations du BAPE, et nous n'avons pas cru bon de revenir là-dessus aujourd'hui. En ce qui concerne les territoires de planification, nous sommes totalement d'accord avec la prescription à l'effet que les territoires de planification soient ceux des MRC et des communautés urbaines ou de leur regroupement, considérant l'opportunité qui est faite à deux MRC limitrophes d'établir conjointement un plan de gestion des matières résiduelles applicable sur leurs territoires respectifs.

Maintenant, en ce qui concerne la possibilité de report de la date butoir – janvier 2002 – pour l'adoption des plans de gestion, nous considérons que cette demande devrait être encadrée en regard des motifs et que des critères devraient être définis dans le but de guider le ministre dans l'acceptation ou le refus des demandes de remise. Pour ce qui est du plan de gestion lui-même, nous adhérons évidemment au principe voulant que des services identifiés dans les plans de gestion soient obligatoirement offerts par les municipalités, mais que celles-ci demeurent libres de déterminer qui doit en assurer la gestion. Toutefois, nous considérons que les MRC et les communautés urbaines devraient pouvoir bénéficier d'un soutien financier afin d'assumer leurs responsabilités dans l'élaboration des plans de gestion, particulièrement en ce qui concerne les résidus des industries, des commerces et des institutions ainsi que les boues industrielles.

Est-ce qu'on a évalué les coûts de préparation d'un plan de gestion de cette envergure en incluant la consultation publique et la cueillette, le traitement et la mise à jour des données? Comment les plans de gestion seront-ils financés? Ce sont les questions qui nous viennent à l'esprit lorsque nous adhérons aux propositions en regard du plan de gestion. Également, nous croyons qu'il faudra garantir le caractère public des données recueillies, condition essentielle à une gestion démocratique. Enfin, parce qu'ils constituent des acteurs importants d'une saine gestion des matières résiduelles, le Regroupement considère que les organismes qui oeuvrent en éducation relative à l'environnement doivent être recensés dans les plans de gestion régionaux au même titre que les entreprises de récupération, de recyclage et d'élimination des matières résiduelles.

En ce qui concerne le processus de consultation de la population, le plan de gestion est soumis à la consultation publique devant une commission constituée de membres désignés par le conseil, dont au moins un représentant du milieu des affaires, un des milieux sociocommunautaires et un des groupes de protection de l'environnement. Selon le Regroupement des conseils régionaux, on doit prévoir un nombre maximal de commissaires afin de s'assurer qu'il n'y ait pas dilution des représentants sociocommunautaires et environnementaux au sein de la commission.

Aussi, le Regroupement recommande que les conseils régionaux, compte tenu du rôle qui leur est dévolu par l'entente avec le ministre de l'Environnement, soient au minimum consultés quant au choix du ou des représentants des groupes environnementaux. Les conseils régionaux étant désignés comme partenaires privilégiés du gouvernement en région devraient être seuls à avoir le mandat de suggérer à la MRC le représentant parmi les groupes environnementaux. Et enfin, nous croyons que les consultations devraient par ailleurs se faire en deux étapes, une première portant sur l'information et les questions et une deuxième sur les positions des intervenants sur le plan, à l'exemple du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

En ce qui concerne la conformité du plan de gestion, on dit que le ministre peut refuser un plan de gestion pour des raisons de santé et de sécurité publique. Nous sommes d'avis que le projet de loi devrait inclure également des critères, telles les raisons d'ordre social, économique et environnemental. Pour la poursuite de la présentation, j'inviterais M. Sergerie à présenter les cinq dernières considérations spécifiques.

(14 h 20)

M. Sergerie (Jean-Noël): Merci. Au point 6, les divergences d'opinions. Les municipalités locales liées par le plan de gestion de leur MRC doivent se conformer et prendre les mesures nécessaires à sa mise en oeuvre sur leur territoire. En cas de divergences d'opinions entre les municipalités de ces territoires limitrophes, le Regroupement privilégie un mécanisme de médiation s'inspirant du modèle prévu à la loi de la protection et des activités agricoles. Les MRC devraient avoir le pouvoir ultime de s'assurer que les municipalités locales se conforment à leur plan de gestion.

Au point 7, le droit de regard sur la provenance des déchets. Cette mesure vise à permettre aux autorités régionales de bénéficier des efforts de mise en valeur de leurs matières résiduelles en prolongeant la durée de vie utile des lieux d'élimination de leur territoire. Il s'agit, ici, d'une disposition fort importante du projet de loi, laquelle mérite donc une attention toute particulière. Le projet de loi prévoit ainsi que, à compter de l'entrée en vigueur d'un plan de gestion ou d'une modification du plan comportant les indications mentionnées au deuxième alinéa de l'article 53.7, le conseil de la communauté urbaine ou de la municipalité régionale de comté concernée peut, à la majorité des voix de ses membres et en conformité avec les dispositions du plan, adopter un règlement ayant pour objet de limiter ou d'interdire la mise en décharge sur son territoire des déchets provenant de l'extérieur de son territoire.

Le Regroupement rappelle, dans un premier temps, à la commission que cette disposition du projet de loi s'inscrit dans la continuité de la démarche initiée en 1995 par le gouvernement, lequel lançait alors une vaste consultation publique sous le thème Pour une gestion durable et responsable de nos matières résiduelles . L'approche volontaire de cette responsabilisation avait jusque-là constitué un échec vis-à-vis de l'objectif de 1989 d'une réduction de 50 % des déchets éliminés d'ici l'an 2000. Il fallait donc encadrer davantage les rôles de chacun et examiner avec l'ensemble des partenaires les nouvelles solutions à mettre en oeuvre.

Dans le document de consultation publique de 1995, deux principes fondamentaux sont définis pour guider la réflexion en vue de l'atteinte des objectifs de réduction, à la page 35, et je cite: «Gestion démocratique. La participation de tous les intervenants est essentielle. La gestion des matières résiduelles au Québec doit être réalisée dans un souci de transparence en accordant à tous les intervenants le droit à l'information, un droit de regard sur la gestion et une participation à la prise de décision relative à la gestion des résidus.» De plus, il est indiqué, au niveau de la régionalisation, à la page 36: «Les instances locales et régionales, parce qu'elles sont directement concernées par la question des résidus, sont les mieux placées pour trouver des solutions adaptées à leurs besoins. Le gouvernement du Québec entend donc leur donner les outils pour assumer leurs responsabilités dans le domaine de la gestion des résidus et les soutenir dans l'utilisation des outils existants.»

À l'automne 1998, le gouvernement du Québec adoptait le plan d'action, lequel s'appuie toujours sur ces principes fondamentaux dans le choix des moyens envisagés pour atteindre les objectifs de réduction des matières résiduelles éliminées. Par conséquent, le Regroupement adhère à cette disposition du projet de loi qui favorisera la responsabilisation de tous les citoyens vis-à-vis des résidus qu'ils génèrent, une meilleure équité entre les régions et, enfin, la démocratisation des pouvoirs en matière de gestion des matières résiduelles au Québec. Pour le Regroupement, ces principes demeurent des conditions essentielles à l'atteinte des objectifs de réduction dans une démarche vers une gestion écologique et durable des résidus.

Entre-temps, le gouvernement doit cependant demeurer vigilant et continuer à prendre les mesures nécessaires afin, d'une part, de limiter la durée des contrats de services et, d'autre part, de n'autoriser aucun nouveau site ou nouvel agrandissement de site d'élimination avant l'entrée en vigueur des plans de gestion. Étant donné l'obligation du gouvernement de respecter les ententes intermunicipales existantes, les contrats entre les entreprises de gestion et les ICI – soit les institutions, commerces et industries – les droits acquis des installations existantes et ceux des projets en cours d'analyse déposés avant le moratoire de 1995, le RN considère que le gouvernement doit veiller à ce que ces contraintes soient réduites au minimum afin de ne pas rendre inapplicable, voire inutile, le processus d'élaboration et de suivi des plans de gestion.

Selon le Regroupement, le gouvernement doit étudier sérieusement la possibilité de mettre en place des mesures transitoires afin d'éviter de priver les citoyens de leur droit de regard pour de très longues périodes, une situation inacceptable qui contreviendrait à l'esprit de la loi. Aussi, il faut prévoir des mesures alternatives spécifiques pour les régions aux prises avec ce genre d'ententes et de droits acquis afin qu'elles aient les outils nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction.

Au point 8, la réduction de la production des déchets. Le Regroupement adhère aux propositions véhiculées par les articles 53.25 et 53.26 relativement à la réduction de la production des déchets. Au point 9, étant donné qu'on m'a fait signe que le temps presse, la récupération par la valorisation des déchets. Le RN recommande l'ajout d'une réglementation visant à créer l'obligation au gouvernement et à ses organismes et sociétés ainsi qu'à toute autre instance publique et parapublique d'utiliser les produits contenant des matières recyclées dans le but de créer un marché. En terminant, l'élimination des déchets, au point 10. Le RN considère que les mesures préconisées en matière de constitution d'un fonds de postfermeture – article 55 – ainsi que la mise en place d'un comité de surveillance et de suivi de l'exploitation des installations d'élimination – article 56 – constituent des garanties minimales quant au respect des normes en vigueur.

En conclusion, notre ami Guy Lessard va conclure.

M. Lessard (Guy): C'est parce que, d'habitude, c'est moi qui suis le plus bref dans les conclusions. C'est pour ça qu'on m'a confié cette mission. Alors, je pense qu'il faudrait continuer, M. le Président, à maintenir le respect du calendrier relativement à l'adoption des modifications législatives et à la publication des règlements afférents. Et, surtout, nous insistons pour que soit maintenu le droit de regard sur la provenance des matières résiduelles. Et, pour que le ministre de l'Environnement – je répète ce que M. Sergerie disait tout à l'heure – ait les moyens et la latitude nécessaires pour faire adopter par le gouvernement les règlements prévus au présent projet de loi, nous réitérons à nouveau notre appui au plan d'action et assurons le ministre de l'intérêt et de la disponibilité des conseils régionaux de l'environnement pour participer en région, sur l'ensemble du territoire québécois, à l'atteinte de ces objectifs.

Et, si vous me permettez d'émettre un voeu, M. le Président, en terminant, c'est que, cette semaine, on apprenait dans les médias, par exemple, que, à l'heure de l'énergie éolienne, le Québec était premier au Canada et même très bien placé dans le monde entier mais en même temps on apprenait que, pour la protection des milieux naturels, on était peut-être un peu en arrière des autres mais qu'on travaillait fort pour les rejoindre. Alors, le voeu qu'on voudrait émettre en ce qui a trait à la gestion des matières résiduelles, c'est de ne pas craindre de se donner des moyens innovateurs pour faire en sorte que le Québec devienne également un chef de file dans le domaine de la gestion des matières résiduelles. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre présentation collective. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, un merci collectif également, d'autant plus que je trouve que le mémoire est extrêmement positif à l'égard de ce que nous présentons. Je sais qu'il n'y a pas de complaisance là-dedans. Ça fait toujours plaisir d'entendre des remarques de la nature de celles que vous avez faites.

J'aimerais reprendre quand même quelques points que vous soulevez, comme la valorisation énergétique, et je voudrais vous poser une question: Est-ce que la mesure 25 que l'on retrouve dans le plan d'action répond de manière satisfaisante ou non à ce que vous exprimez à votre point 1?

M. Lessard (Guy): Bon, je répondrais à votre question en deux temps. Le premier, c'est: bien sûr qu'on a pris connaissance de l'annonce de la mesure 25 qu'on devra probablement retrouver quelque part à l'intérieur d'une réglementation mais qu'on ne retrouve pas nécessairement dans l'avant-projet de loi, mais on tenait à le souligner. Il y a aussi l'aspect qu'on n'a pas mentionné mais qui est toujours présent dans nos esprits: on sait que ça peut être fort tentant pour les gestionnaires d'un équipement, d'un incinérateur, pour des mesures de rentabilité. Vous savez que la marge n'est pas grande entre l'incinération à des fins énergétiques et l'incinération tout court. Ça aussi, c'est une préoccupation qu'on a, et je crois qu'on devra se donner, par le biais des règlements, des moyens pour contrôler ces opérations-là. Je sais très bien que la définition de la «valorisation» va rester comme telle dans la loi, mais on espère que vous allez vous trouver intéressé à la recommandation qu'on fait, à savoir que, si on se propose de brûler certaines catégories de déchets à des fins énergétiques, on s'engage à réaliser une étude d'opportunité à cet égard-là.

M. Bégin: Je vous réfère aussi à l'action 26, Adoption de normes plus sévères d'émissions dans l'atmosphère pour les incinérateurs, deuxième point. Concernant la conformité du plan d'action, vous dites non seulement qu'on devrait inclure les critères qui sont là, ceux de raisons de santé et de sécurité publique, mais ajouter – et là vous êtes très, très larges – des raisons d'ordre social, économique et environnemental. Comme le principe est de laisser aux MRC le soin d'exercer le droit de regard, est-ce que vous ne trouvez pas qu'en donnant des principes aussi larges, à toutes fins pratiques, on transfère la responsabilité au ministre de l'Environnement?

(14 h 30)

M. Lessard (Guy): Vous savez, pour nous qui sommes actifs au niveau des discussions, que ce soit au niveau des CRD ou au niveau de nos MRC, on voit disparaître, à l'occasion, les expressions environnementales pour utiliser beaucoup plus un vocabulaire du côté de la santé et de la sécurité publique. Je ne sais pas, moi, si on pense aux gens de Sherbrooke qui hier ont manifesté leur opposition, leur problématique par rapport aux sites d'enfouissement de la région là-bas, pour eux autres, c'est vraiment un problème d'ordre social puis un problème d'ordre économique. Alors, moi, je pense qu'il ne faut pas avoir peur d'utiliser les mots qui véhiculent les vrais concepts et je trouve qu'on dilue un peu quand on utilise uniquement les raisons de santé et de sécurité publique. Quand un CRD ou un organisme se vante de parler d'environnement dans sa planification parce qu'on a des préoccupations du côté de la santé et de la sécurité publique, je peux vous dire qu'il y a des murs complets du bâtiment qui sont mis de côté en évitant de parler d'environnement et des raisons d'ordre social.

M. Bégin: Peut-être qu'on ne se comprend pas bien, là. Le principe, c'est que les MRC vont pouvoir exercer leur droit de regard. Cependant, en l'exerçant, elles peuvent avoir une influence négative à l'égard de MRC environnantes. Si on veut laisser le droit à la MRC de prendre sa décision, il ne faut pas qu'à tout bout de champ n'importe qui, même le ministre de l'Environnement, intervienne dans ce choix-là, à moins qu'il y ait des raisons extrêmement sérieuses qui sont celles de la sécurité publique et de la santé. Alors, là, quand on ajoute des raisons d'ordre social, je dis: Est-ce qu'on ne donne pas trop de pouvoirs au ministre de l'Environnement à l'égard de l'autonomie qu'on veut confier aux MRC? Autrement dit, est-ce que les plateaux de la balance sont équilibrés ou bien si on n'a pas un peu une disproportion par votre recommandation?

M. Lessard (Guy): Bon, je vais tenter peut-être, moi aussi, d'être un peu plus clair dans mes propos. Je comprends votre interrogation, votre position. Nous, on n'est pas des avocats – je ne pense pas encore qu'il y en ait parmi nous qui soient des avocats – mais j'ai toujours cru comprendre que, lorsqu'un élément n'est pas intégré directement dans la loi, il peut difficilement être invoqué pour justifier des décisions...

M. Bégin: Vous passez le premier test. Ha, ha, ha!

M. Lessard (Guy): Voulez-vous que je vous apporte un exemple? Ha, ha, ha! Je pense que ça pourrait peut-être régler la question. Quand nous sommes intervenus dans le cas du problème du site d'enfouissement à Joliette, je pense que, du côté du ministre de l'Environnement, on a peut-être eu des difficultés à intervenir de façon formelle. C'est par le biais de la ministre des Affaires municipales qu'il a pu y avoir intervention dans ce dossier-là. Alors, nous, on dit: Quand on travaille, quand on discute, quand on se concerte au niveau du texte d'une loi, c'est important de s'assurer que les éléments sont formellement indiqués dans la loi, sinon, quand on arrive sur le terrain avec tous les pouvoirs d'influence qui existent...

Je ne sais pas si vous avez une idée, financièrement, de ce que peut représenter la gestion des matières résiduelles au Québec. C'est mirobolant, les sommes d'argent que ça peut impliquer. Alors, il se fait beaucoup de pressions. Nous, on a opté plutôt pour dire qu'on devrait inscrire ça formellement dans la loi plutôt que d'obliger notre ministre de l'Environnement à faire des démarches auprès de collègues pour essayer d'intervenir dans un dossier qui est très environnemental.

M. Bégin: Une dernière question. Au point 10, en parlant du fonds de postfermeture, vous dites que ce qu'il y a dans l'avant-projet de loi, ça constitue des garanties minimales quant au respect des normes en vigueur. Qu'est-ce que vous suggéreriez si vous vouliez avoir des garanties, mettons, qui vous satisfassent? Qu'est-ce que vous demanderiez de plus?

M. Sergerie (Jean-Noël): Bien, si vous me permettez, nous, on a appuyé le plan d'action parce qu'on trouvait que cette garantie-là, c'était intéressant. Donc, on dit que c'est une garantie minimale. Ce qu'on vous dit, c'est: Il ne faut pas aller en bas de ça.

M. Bégin: Mais vous ne mettez pas la barre plus haute.

M. Sergerie (Jean-Noël): Non, pas nécessairement.

M. Bégin: O.K. Merci.

M. Lessard (Guy): J'ajouterais peut-être que c'est un peu le même élément qu'on retrouve dans la loi sur l'exploitation minière, qu'on connaît très bien, sur lequel on est déjà intervenu puis avec lequel on est d'accord.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. MM. Lessard, Sergerie, Turgeon et Bourke, merci d'être ici aujourd'hui. D'abord, vous féliciter pour certaines prises de position que vous avez prises dans les dernières semaines; je pense à la côte des Éboulements et au dossier de Joliette. Je pense qu'on vous doit beaucoup de mérite d'avoir particulièrement gagné celui de Joliette. Dans la côte des Éboulements, d'après l'émission de télévision que j'ai écoutée vendredi soir, ça n'a pas l'air qu'on l'a gagné, celui-là. Mais enfin, ceci dit, on en perd un, on en gagne un, et ainsi va la vie.

Deux questions assez précises, la première en ce qui a trait au plan de gestion. Vous qui êtes sur le terrain, vous qui travaillez avec les MRC, vous savez pertinemment que les compétences des MRC sont inégales d'une région à l'autre et que le personnel a des formations inégales d'une région à l'autre, et là on va confier à ces gens-là les plans de gestion. Après vous avoir rencontrés, nous allons rencontrer le groupe du Bureau de normalisation du Québec qui, lui, nous propose finalement d'arriver avec un agenda de formation du personnel des MRC, des règles, des normes, et, avant qu'on mette tout ça en branle...

Parce que ce que je peux déjà voir, c'est toute sorte de monde un peu plus futé l'un que l'un qui va rentrer dans les MRC, firmes d'ingénieurs, entreprises – bon, on les connaît tous – et qui va essayer d'aller vendre sa salade. Est-ce qu'on ne pourrait pas mettre tout ce beau monde là en garde? Et comment on devrait s'y prendre avant de se lancer dans la mêlée? Parce que, vous l'avez dit, M. le Président, on parle de milliards de dollars ici. Il y a du monde qui va sentir ça de loin. Et, tant qu'à le faire, on est mieux de bien le faire. Avez-vous pu réfléchir à ça, vous qui êtes sur le terrain à la grandeur du Québec?

M. Lessard (Guy): Bien, dans un premier temps, je pense que vous avez raison de dire que les entreprises de firmes-conseils, les entreprises privées, évidemment, vont être très actives dans ce domaine-là, et je crois que, dans le domaine du libre marché où on est, c'est tout à fait normal. Mais je crois qu'il ne faut pas minimiser l'intelligence collective des gens qui oeuvrent au niveau des municipalités et des MRC. Je siège personnellement sur un organisme qui s'appelle COBARIC, et on est en train d'innover avec la mise en place... C'est un peu un plan de gestion, mais ça s'appelle un schéma d'aménagement de l'eau, avec tout ce qui touche son financement, et vous seriez surpris de voir l'expérience des gens autour de la table et leur volonté de se doter d'un système efficace, ce que ça peut apporter.

Personnellement, je fais confiance aux gens du milieu d'aller chercher les ressources pertinentes, celles dont ils ont besoin pour se doter d'instruments de gestion qui répondent aux besoins de leur milieu. C'est bien évident que les situations sont fort différentes d'un endroit à l'autre, et, personnellement, pour l'avoir vécu en éducation puis dans le domaine de la santé, je crains toujours l'arrivée d'un modèle unique, pour ne pas dire inique, qui peut répondre aux besoins des gens de l'île de Montréal mais qui s'applique fort mal en Gaspésie ou dans d'autres coins de notre beau Québec. Donc, je ne suis pas tellement un adepte, si vous voulez, du modèle unique.

M. Benoit: Vous avez totalement raison quand vous nous parlez du plan de gestion des eaux de la Beauce. La seule différence peut-être entre ça et le sujet dont nous traitons en ce moment, c'est qu'ici on va aller très vite. Le ministre nous dit qu'en l'an 2002 tout le monde devrait théoriquement avoir fini, et il consentirait des ajouts possibles dans le temps, alors que, dans le cas du bassin versant, je pense que vous avez eu plus de temps pour... Je comprends d'autre part que vous étiez aussi les premiers à le faire au Québec, là.

L'autre question, vous êtes probablement un des seuls mémoires des 59 que nous avons reçus qui nous mettent en garde contre le mot «incinération», et ça, je dois vous en féliciter. Il y a du monde qui est venu ce matin, qui nous a dit: Non, nous autres, on brûle, ce n'est pas de l'incinération et...

D'abord, je vais commencer par le début. Moi, je ne devrais pas m'inquiéter parce que, dans le programme du PQ en 1994, c'était: «Interdire la construction de nouveaux incinérateurs de déchets solides au Québec.» Ça fait que ça, je me dis je ne devrais pas m'inquiéter, ils l'ont dit dans leur programme; ça devrait être solide, ça, là. Mais supposons pour un instant que je m'inquiète, là. Effectivement, vous autres, vous nous mettez en garde, puis j'aimerais ça en attendre parler un peu parce que plus on avance là-dedans, plus je m'aperçois que l'incinération, ce n'est pas juste des déchets, c'est bien des affaires, là. J'aimerais ça que vous nous en parliez un peu parce qu'il y a une demi-page de votre mémoire qui parle de ça, finalement.

(14 h 40)

M. Lessard (Guy): Mes connaissances personnelles dans le domaine se résument au fait que, dans la région Chaudière-Appalaches, nous avons un incinérateur à Lévis. On connaît très bien son fonctionnement, ses opérations, les personnes qui le gèrent, et je crois que c'est un équipement qui donne satisfaction, qui donne des bons résultats. Mais, à partir du moment où, dans une loi, on a défini le mot «valorisation» en laissant de la place au fait que l'incinération devient un moyen de valorisation, automatiquement, nous, il y a un questionnement qui est venu, que nous avons validé avec nos partenaires.

C'est bien évident qu'on ne croit pas que demain matin on va éliminer l'incinération dans certaines parties – je pense à Montréal, entre autres – comme moyen d'élimination de déchets, mais, à partir du moment où on va brûler des déchets et que ça va rentrer dans l'atteinte de l'objectif de 65 % de détournement des matières résiduelles des sites d'enfouissement, je me dis: Il y a des mesures qu'on devra s'assurer de prévoir. Elles sont, comme M. le ministre l'a mentionné tout à l'heure, prévues aux actions 25 et 26 du plan d'action.

Nous, on en a parlé dans le sens de s'assurer que, dans la réglementation, on va être capable d'encadrer le fonctionnement de ces équipements-là de manière à s'assurer que ce qui va être brûlé pour des fins de décharge, ça ne rentre pas dans l'atteinte de l'objectif de 65 % et, deuxièmement, ce qui va être brûlé à des fins énergétiques, qu'on fasse une étude d'opportunité pour en évaluer l'impact sur les autres aspects de l'environnement.

M. Benoit: Mais est-ce que vous êtes après nous dire que vous êtes pour, finalement, la construction des nouveaux incinérateurs, si j'essaie de lire entre...

M. Lessard (Guy): On ne s'est pas prononcés sur le fait qu'on devrait en construire de nouveaux, on a dit que, là où ça existe, on devrait prévoir les mesures nécessaires afin de s'assurer d'éviter les problèmes qu'on vient de vous mentionner.

M. Turgeon (Alexandre): Si je peux compléter sur cet aspect-là, je pense qu'on n'a pas de fin de non-recevoir à l'égard de l'incinération. Cependant, on met une mise en garde importante parce que ce genre d'équipement là nécessite des investissements extrêmement importants en immobilisation et qu'il amène des frais fixes très coûteux. On a un bel exemple ici avec l'incinérateur de la Communauté urbaine de Québec où, indépendamment qu'on envoie des déchets vers d'autres filières, les coûts de fonctionnement de l'incinérateur restent relativement les mêmes. Donc, il y a un désincitatif à essayer d'envoyer des matières vers d'autres filières que vers l'incinération parce que les municipalités ont payé à gros prix cet équipement-là. C'est dans cette perspective-là qu'il faut être extrêmement prudent à l'égard de l'incinération, et c'est la mise en garde qu'on fait dans notre mémoire.

M. Benoit: M. Bourke, quand une cimenterie vous dit qu'elle va se servir de pneus pour brûler ou produire son ciment, est-ce que, dans votre livre à vous... Est-ce que c'est ça que vous voulez dire à la page 5 de votre mémoire? Est-ce que ça, finalement, c'est une forme d'incinération? Est-ce que c'est ça qu'il faut que je comprenne?

M. Lessard (Guy): Oui. En fait, écoutez, on n'est pas des chimistes, on n'est pas des spécialistes. Nous, ce qu'on en comprend, c'est que, dorénavant, lorsqu'il sera question d'établir un incinérateur ou d'augmenter la capacité, ce sera autorisé si le promoteur fait la démonstration que son exploitation n'entre pas en conflit avec les objectifs de récupération. Alors, ça couvre un des volets de notre préoccupation.

Par ailleurs, à l'action 26, on propose d'adopter des normes plus sévères d'émissions à l'atmosphère pour les incinérateurs. Et je reviens également sur un aspect de notre proposition à l'effet que, si on incinère des matériaux, il y ait une étude d'opportunité qui soit faite. On a des spécialistes au Québec, ces gens-là se promènent partout dans le monde pour faire des études dans différents pays. Je ne vois pas pourquoi chez nous ces gens-là ne pourraient pas évaluer l'impact de l'utilisation du pneu comme énergie pour faire du ciment.

M. Benoit: Très bien. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue à cette commission. Je vous félicite pour le mémoire que vous nous avez présenté, c'est très clair. Mais il y a des places quand même où ça mérite peut-être d'autres éclaircissements.

À la page 15 de votre mémoire, lorsque vous dites que vous appuyez justement le projet du gouvernement qui vise la mise en valeur de 65 % des matières résiduelles qui sont actuellement éliminées et que l'actuel projet de loi prévoit en effet l'adoption éventuelle de plusieurs règlements pour encadrer les dispositions de ce projet de loi, en contrepartie, dans le paragraphe suivant, votre groupement, vous dites que vous avez une profonde inquiétude à cet égard, puisque cette importante délégation de pouvoirs réglementaires semble s'inscrire en faux par rapport à la tendance actuelle, exemple la déréglementation, puis aussi notamment en matière de protection de l'environnement. J'aimerais, là, que vous nous l'expliquiez un peu plus concrètement, avec des exemples pour justifier cette profonde inquiétude là. Je pense que, pour le mieux-être de la commission...

Le Président (M. Lachance): M. Turgeon.

M. Turgeon (Alexandre): Alors, je pense que notre inquiétude s'inscrit dans le fait que le présent projet de loi et le plan d'action, pour qu'il puisse être réalisé, vont devoir voir l'adoption et la mise en oeuvre de plusieurs règlements. Cette loi-là vise à donner plusieurs pouvoirs réglementaires au ministère de l'Environnement et au gouvernement, et, dans cet esprit-là, parce qu'on sait que le gouvernement s'est doté d'un instrument qui s'appelle le Secrétariat à la déréglementation et qui retarde et rallonge l'adoption de plusieurs règlements, renvoie au ministère pour demander davantage de justification, pour nous, il y a là une inquiétude.

Ce qu'on souhaiterait, finalement, c'est qu'on comprenne que la réglementation, ça ne veut pas toujours dire des obstacles. Je pense qu'il y a des dogmes qui ont été un peu véhiculés par l'entreprise au niveau: Ah! on a une réglementation trop lourde, c'est beaucoup trop compliqué. Alors, là, on l'a dotée, pour lui faire plaisir, d'un instrument susceptible de veiller à ce que ces choses-là n'arrivent pas, sauf qu'il voit très large, le Secrétariat à la déréglementation, il passe tout au filtre et il retarde systématiquement le nombre de règlements qui sont adoptés. Vous pouvez faire l'examen, demandez combien de règlements ont été adoptés dans les cinq, six dernières années. Il n'y en a vraiment pas beaucoup en matière d'environnement.

L'autre chose qu'on souligne dans cet aspect-là, c'est que, finalement, il faut que ce soit une priorité gouvernementale et que ça ne repose pas uniquement sur le mérite et la capacité du ministre de convaincre ses collègues. Il faut que ça s'inscrive dans une position gouvernementale. Donc, en ce sens-là, pour nous, on est inquiets du rôle que le Secrétariat à la déréglementation joue et on aimerait bien plus voir un secrétariat au développement durable qui joue un rôle similaire au sein du comité exécutif.

M. Côté (La Peltrie): Mais c'est-u aussi toute la longueur du processus ou la lourdeur du processus qui fait que ça vous crée des inquiétudes?

M. Turgeon (Alexandre): Les deux. D'une part, ça retarde, et des fois ça prend un an, deux ans. Je pense qu'il y a des projets de règlement concernant le plan d'action qui sont prêts depuis trois ans et qu'on aimerait bien voir. Exemple, le Règlement sur les emballages, ça fait longtemps qu'il a été soumis au Secrétariat. Ça fait deux, trois ans déjà. Alors, pour nous, il faudrait que ce soit un processus beaucoup plus rapide parce que, pendant que ces règlements-là n'entrent pas en vigueur, on se prive de moyens financiers pour gérer de façon durable nos matières résiduelles.

M. Côté (La Peltrie): Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Bégin: J'aimerais revenir une seconde sur la valorisation. Est-ce que vous avez pris connaissance des définitions qui se trouvent aux pages 37, 38 et 39 du Plan d'action? Vous avez la définition d'«incinération» à la page 37 et de «valorisation» à la page 39.

M. Lessard (Guy): Oui, bien, nous, on est partis de celle qu'il y avait dans l'avant-projet de loi, là, à 53.1: «"valorisation": toute opération visant par le réemploi, le recyclage, le compostage, la régénération ou par toute autre action, à obtenir à partir de déchets des éléments ou des produits utiles ou de l'énergie.» Nous avons compris que l'incinération en faisait partie.

M. Bégin: Je comprends ce qu'il y a dans le projet de loi, là, mais, dans le document, vous avez les trois éléments, incinération, valorisation, valorisation énergétique, et je pense, en tout cas j'aimerais voir si vous êtes d'accord avec cette formulation ou bien si vous avez encore les mêmes préoccupations en les lisant parce que...

M. Sergerie (Jean-Noël): Si je peux me permettre, M. le ministre, c'est notre mémoire est déposé en conséquence de l'avant-projet de loi qui nous a été déposé.

M. Bégin: O.K.

M. Sergerie (Jean-Noël): On a adopté, comme on disait tout d'abord au début...

M. Bégin: C'était l'outil.

M. Sergerie (Jean-Noël): ...la position du plan d'action. Mais là on est en réponse, je pense, à l'avant-projet de loi. Donc, pour nous, ce qui est écrit dans le plan d'action, c'est une chose, puis, dans l'avant-projet, bien, on pense qu'il y aurait possibilité de le bonifier.

M. Bégin: Mais c'est pour ça que je vous pose la question. Si vous pensez que, dans le plan d'action, c'est mieux défini, on pourrait l'importer dans l'avant-projet de loi. C'est pour ça que je vous pose la question, je veux savoir si vous êtes satisfaits ou pas.

M. Lessard (Guy): D'abord, je pense que ce serait peut-être plus clair, dans un premier temps. Mais ça n'enlève pas complètement nos inquiétudes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Alors, on va vous demander de faire un cours de droit accéléré puis de nous suggérer quelque chose.

Une voix: Oui, c'est ça.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

(14 h 50)

M. Whissell: Bonjour. Le ministre faisait référence au document, ici, J'aime mon environnement . J'aimerais savoir. Selon vous, il y a un paquet de choses qui sont dictées dans ce document. Est-ce que ça a force, est-ce que c'est une réglementation ou si c'est seulement des voeux pieux, selon vous, ce qu'on retrouve dans ce document?

M. Lessard (Guy): Bien, j'espère que ce n'est pas seulement des voeux pieux parce que, personnellement, j'ai passé quelques heures, depuis le mois de septembre où on a déposé ce document-là, à travailler à l'intérieur de comités tant au niveau du Regroupement des conseils régionaux que dans mon Conseil régional d'environnement Chaudière-Appalaches de même que sur les différents comités que le ministère puis RECYC-QUÉBEC ont mis de l'avant. Il y a vraiment des gens qui ont participé à ces rencontres-là avec beaucoup de motivation et de foi comme de quoi que, au Québec, on est capable de se donner des instruments pour être avant-gardiste dans le domaine de la gestion des matières résiduelles. Lors de la parution de ce document-là, nous avions, pour être brefs, là, indiqué notre accord au plan d'action, avec quelques recommandations qui ont été à peu près toutes écoutées et auxquelles on a donné suite depuis ce temps-là. Donc, pour nous, ça devrait, à un moment donné, devenir un instrument de travail pour tous les gens au Québec, à quelque niveau qu'ils soient.

Parce que, pour atteindre les objectifs qui sont là-dedans, ce n'est pas juste le ministère qui peut faire ça, ce n'est pas juste le député dans son comté, c'est vraiment toute la population, et là-dessus j'aimerais vous rappeler que, dans le rapport du BAPE, qui est assez volumineux – je n'ai pas tout lu ça, je vous le dis tout de suite, là, mais ce que j'ai lu, c'est les enjeux, entre autres – dans les enjeux, tout de suite après la santé, le deuxième défi qui est proposé aux Québécois, c'est la participation des citoyens et citoyennes du Québec à la gestion des matières résiduelles sur leur territoire. Il y a toute une question d'information, de sensibilisation et d'éducation, et, si on met ça de côté ou si on considère ça comme une mesure de second ordre, on n'atteindra jamais les objectifs qui sont là. Ce n'est pas juste les ingénieurs puis les firmes-conseils, ce n'est pas juste la qualité des équipements, c'est vraiment un projet de société. C'est pour ça que des gens comme nous se sont impliqués dans ce projet-là.

M. Whissell: Je vous faisais cette remarque-là parce que le ministre citait trois articles qu'on retrouve dans ce document, et, si j'ai bien compris votre point, c'est que, vous, dans le fond, ce qui prime, c'est la loi, puis, dans la loi, il y a quand même une zone grise au niveau de l'incinération.

M. Lessard (Guy): On est intervenus à plusieurs occasions dans des consultations informelles et formelles sur le plan d'action. Ça, ce bout-là, ça a été fait. Aujourd'hui, vous nous avez invités à présenter un mémoire sur l'avant-projet de loi, et j'ai trouvé ça difficile parce qu'à tout moment nous débordions dans des considérations qui étaient plus de l'ordre du plan d'action. Avoir su que le ministre pouvait se le permettre, on l'aurait fait, nous autres aussi. Mais, nous, on s'en est tenus au texte de l'avant-projet de loi. C'est pour ça que ce n'est pas toujours facile d'émettre une opinion sur un projet de loi, parce qu'on est au niveau des grands principes, on est au niveau des grandes orientations – normalement, c'est ce dont parle un projet de loi – et notre texte a été conçu en fonction de ça.

M. Whissell: Au niveau de la composition du conseil qui devra être établi suivant le projet de loi, vous exprimez une certaine crainte à l'effet que les représentants sociocommunautaires environnementaux soient dilués. Comment voyez-vous la composition idéale de ce conseil?

M. Lessard (Guy): Bien, moi, je pense que, dans les forces vives d'un milieu... On les a pas mal tous identifiés, là, autant dans le plan d'action que dans le projet de loi. Il s'agit d'établir une espèce de norme pour éviter qu'il n'y ait pas juste une personne ou deux personnes représentant les groupes sociaux et environnementaux puis qu'il y en ait 18 autres qui soient du domaine municipal, et le reste, là. Alors, moi, ce n'est peut-être pas mon rôle de dire qui devrait faire partie de ce comité-là. C'est sûr que les gens du réseau municipal qui sont concernés devraient en faire partie. Comme on veut associer les gens des institutions, des commerces et des industries, ce qui n'est pas toujours facile, à la gestion des matières résiduelles, peut-être qu'il faudrait avoir des représentants de ces groupes-là qui fassent partie du comité.

Du côté environnement, nous autres mêmes, on recommandait que ce soit le conseil régional de l'environnement qui puisse faire des suggestions. Ce n'est pas nécessairement quelqu'un du conseil d'administration du conseil régional, mais on connaît les gens dans notre région administrative, dans nos MRC, on pourrait faire des recommandations sur qui pourrait représenter l'environnement sur ces comités-là. Moi, je me sens à l'aise de parler comme ça parce que, en Chaudière-Appalaches, on a un long historique sur la concertation en environnement. On travaille avec des gens de l'UPA, des gens du secteur industriel, on peut rapidement aujourd'hui voir les endroits où on peut s'entendre, les échelles de concertation sur lesquelles on peut travailler et là où c'est impossible de le faire pour le moment. Et je pense que c'est un petit peu dans cet esprit-là que, nous, on voyait cette commission-là.

Cette commission-là n'a pas juste un rôle de surveillance, c'est vraiment un leader d'opinion dans le milieu, c'est vraiment des gens qui devront être innovateurs. Parce que traiter d'un sujet au niveau d'une loi, ce n'est pas facile, mais, quand on vient pour l'exécuter dans le milieu, avec toutes les contraintes géographiques, économiques, sociales, environnementales, c'est autre chose. Si la force n'est pas là, dans ce groupe-là, je pense bien que ça devient très difficile d'appliquer quelque loi que ce soit; ça devient même impossible. Les ressources financières sont de plus en plus rares, donc il faut compter sur la volonté du milieu puis la participation des gens du milieu pour atteindre des objectifs de cet ordre-là.

M. Whissell: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation. Très intéressant. Je voudrais juste vous amener sur une question de vocabulaire et de sémantique. Lors de la consultation, on parlait – ça vous fait rire, vous me voyez venir déjà – ...

Une voix: Je vous vois venir, là. Ha, ha, ha!

M. Deslières: ...pour une gestion durable, de matières résiduelles, dans le plan d'action, on parle de matières résiduelles et, ce matin, on nous a fait remarquer également que, dans l'avant-projet de loi, on était revenu avec l'expression «déchet». J'attendais, j'ai dit: Peut-être que, lors de la présentation, ils vont en faire la remarque ou des observations puis que les questions de mes collègues vont faire ça. Est-ce que ça vous interpelle ou si vous aviez d'autres préoccupations puis votre attention n'a pas été retenue sur cet élément-là ou... Parce qu'on nous a expliqué ce matin qu'il y avait un problème juridique, et M. le ministre a fait des représentations, il préférait de beaucoup les mots «matière résiduelle». Vous, qu'est-ce que vous en pensez? Parce que, là, on nous a expliqué que c'était plus restrictif. Il y avait des problème juridiques, là. Étant donné qu'on est dans une société de droit, il faut regarder tout ça, il doit y avoir une cause en quelque part.

M. Lessard (Guy): Bon. Alors, je pense qu'on a des gens ici qui seraient plus en mesure que moi de répondre à cette question-là.

M. Deslières: Non, mais comme vous, là... Non, parce que vous êtes les acteurs, oui.

M. Lessard (Guy): Oui, nous, on a toujours travaillé avec le terme «matière résiduelle» parce que, la plupart d'entre nous, on est plus actifs au niveau de la récupération et du recyclage que des déchets voués à l'enfouissement. Quand est arrivé l'avant-projet de loi puis que j'ai vu le titre, je ne me suis pas arrêté longtemps là-dessus parce que je me suis dit: Il doit y avoir une bonne raison pour avoir changé le terme, puis il y a quelqu'un en quelque part qui va avoir la gentillesse de nous l'expliquer. Mais j'ai compris en cours de route qu'il y avait un aspect légal là-dedans. Peut-être qu'on pourrait profiter de l'occasion pour nous le définir un peu plus, là.

M. Deslières: Vous souhaiteriez qu'on revienne avec la matière...

M. Lessard (Guy): Bien, je suis convaincu que vous avez la réponse. Je suis convaincu que, vous, vous avez la réponse. Ha, ha, ha!

M. Deslières: Non, mais on va la trouver avant la fin de la commission. Ha, ha, ha! Mais vous préféreriez qu'on revienne avec...

M. Lessard (Guy): Bien, moi, je préférerais qu'on revienne avec «matière résiduelle» parce que ce qui va être enfoui, ce qu'on appelle normalement un déchet, ça va être l'exclusion – c'est ce que j'ai compris du plan d'action – puis que la majorité des matières résiduelles va être récupérée et recyclée. Donc, on est dans un monde où la loi est prépondérante mais où la norme, la moyenne, le 65 %, c'est plus fort que ce qui reste à être enfoui. Donc, si c'était possible de revenir à «matière résiduelle», nous, ça ne nous offusquerait pas du tout.

M. Deslières: Vous préféreriez. M. le Président, une deuxième question, une dernière question. Dans votre mémoire vous attirez notre attention sur le droit de regard sur la provenance des déchets. Vous vous dites en accord complet avec... Vous dites même que c'est une disposition fort importante du projet de loi. Ce matin et hier, si ma mémoire n'échappe pas, on nous a fait des représentations en disant: Écoutez, ça peut aller pour les matières...

M. Lessard (Guy): Récupérables.

M. Deslières: ...récupérables, tout ça, mais les industries semblent accrocher. Elles ont l'air d'avoir quelque chose dans la gorge, de dire: Ça, ça ne devrait pas être appliqué à nous, pour toutes sortes de raisons, puis, ce matin, pour ne pas les nommer, les représentants de l'industrie des pâtes et papiers ont fait des représentations, nous ont démontré que ça ne s'appliquait pas comme tel sur un territoire de référence de la MRC. Il y a toute la démonstration qu'ils nous ont faite. Vous, votre position, elle est ferme, elle dit: Écoutez, sur ça, le droit de regard doit s'appliquer sur l'ensemble des matières résiduelles, peu importe leur origine: industrielle, commerciale, etc.

(15 heures)

M. Sergerie (Jean-Noël): Il est clair, pour nous, c'est un minimum. On a des exemples. Moi, je travaille avec des amis du Bas-Saint-Laurent–Gaspésie–Côte-Nord dans le dossier des matières résiduelles, puis là, quand on est rendu avec des multinationales qui veulent prendre des déchets, supposément à Amqui, dans la MRC de la Matapédia, pour les emmener à Saint-Nicéphore, à quelque part, là, il faut qu'il se pose des questions, tu sais. Ça fait que, nous, il est clair et net qu'on parle de territoire, de planification et qu'on parle de possibilité de regrouper des MRC, des municipalités limitrophes. Bien, si on veut parler de ça puis qu'on veut atteindre les objectifs, il ne faudra pas commencer à se promener avec les déchets de part et d'autre. Donc, le droit de regard, au niveau des municipalités, dans un territoire de planification, ça ne doit pas être remis en question pour atteindre les objectifs que le Québec veut se donner, là.

Une voix: Bien sûr, bien sûr.

M. Turgeon (Alexandre): Je peux compléter. On comprend mal, à la limite, l'inquiétude de l'industrie. Si on prend l'exemple de Daishowa, dans la région de Québec, qui fait la valorisation de ses boues comme engrais agricoles, évidemment, elle fait ça dans plusieurs MRC et même déborde la région de Québec, sauf que, à la limite, obtenir l'acceptation d'une MRC parce qu'il y a des agriculteurs qui sont prêts à recevoir ces engrais-là, cette valorisation-là, je ne pense pas que les MRC vont s'opposer, dans des cas comme ça. Alors, à la limite, on ne comprend pas l'inquiétude que l'industrie peut avoir.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs. Oui.

M. Sergerie (Jean-Noël): De plus, si vous me permettez de rajouter, au niveau du droit de regard, s'il y a des milieux qui font des efforts, entre guillemets, super plus, pour employer une expression des mes ados, un super effort pour atteindre le 65 %, puis que, du jour au lendemain, il y a des voisins, eux autres, qui les envoient à gauche puis à droite, on va se ramasser avec quoi? Ça va être le capharnaüm. Ce qu'on dit, nous, c'est que c'est important, le droit de regard sur la provenance des déchets, pour que, ceux qui font des efforts dans le principe des 3RV, bien, ce droit de regard là soit un minimum.

Le Président (M. Lachance): Votre temps est écoulé, M. le député. Alors, messieurs, merci pour votre participation aux travaux de cette commission. Merci beaucoup.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les représentants du prochain organisme, c'est-à-dire le Bureau de normalisation du Québec, à bien vouloir prendre place à la table.

Alors, j'invite le ou la porte-parole à s'identifier et à identifier les personnes qui l'accompagnent.


Bureau de normalisation du Québec (BNQ)

Mme Allard (Danielle): Bonjour. Mon nom est Danielle Allard, je suis chef du Groupe normalisation au Bureau de normalisation du Québec, et je suis accompagnée, aujourd'hui, à ma gauche, par M. Jean Rousseau, qui est chef du Groupe certification au Bureau de normalisation du Québec, et, à ma droite, par M. Clément Audet, qui est normalisateur au Bureau de normalisation du Québec.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue.

Mme Allard (Danielle): Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, vous avez, comme les autres représentants des groupes, 20 minutes maximum pour votre exposé.

Mme Allard (Danielle): J'ai fait circuler un document, en fait, qui est un petit peu différent, qui vient en appui au mémoire que nous avons déjà présenté, parce que je pense qu'il est important de bien comprendre ce qu'est le Bureau de normalisation du Québec, comment il fonctionne, ce qu'il peut faire, pour être en mesure de comprendre quels sont les arguments que le Bureau de normalisation du Québec a présentés relativement à l'avant-projet de loi. Donc, tout d'abord, pour vous situer ce que c'est, le Bureau de normalisation du Québec, au niveau canadien, sur la scène canadienne, quatre organismes de normalisation existent. Le Bureau de normalisation du Québec est un de ces organismes-là. Il y en a trois autres: l'Office des normes générales du Canada, l'Association canadienne de normalisation et le Laboratoire des assureurs du Canada.

Fait important à souligner, la province de Québec est la seule province qui a décidé de se doter d'un organisme de normalisation comme le Bureau de normalisation du Québec. À l'exception de l'Office des normes générales du Canada, qui est un organisme rattaché au gouvernement fédéral, les deux autres organismes sont des organismes privés qui élaborent des normes consensuelles d'application volontaire, comme le fait le BNQ.

Pour vous situer un petit peu l'historique du BNQ, le BNQ, c'est un organisme qui a été créé en 1961 par le gouvernement du Québec, qui a été accrédité en 1974 comme organisme d'élaboration de normes. Par décret, en 1990, le Bureau de normalisation du Québec, qui jusque-là relevait du ministre de l'Industrie et du Commerce, a vu sa responsabilité transférée au sein du Centre de recherche industrielle du Québec, le CRIQ, et le décret reconnaît au Bureau de normalisation du Québec l'exclusivité en termes d'élaboration de normes.

En termes d'exercice d'activités de certification, le Bureau de normalisation du Québec a aussi un mandat de promouvoir la normalisation et la certification, de tenir des registres des normes qu'il élabore et des registres des certificats qu'il décerne par rapport à ces normes, d'identifier et d'agréer des organismes d'inspection et d'essai pour les fins de la certification, et le Bureau de normalisation du Québec est aussi le seul porte-parole du Québec auprès du Conseil canadien des normes. Tout simplement mentionner que, depuis 1997, le CRIQ, qui était jusque-là une agence gouvernementale, est devenu, par la nouvelle Loi sur le CRIQ, une société d'État. Donc, le Bureau de normalisation du Québec est une direction au sein du CRIQ qui est une société d'État.

Les champs d'expertise du Bureau de normalisation du Québec, principalement trois activités: des activités de normalisation, donc d'élaboration de normes, des activités de certification de conformité par rapport aux normes que le BNQ élabore et des activités d'enregistrement de systèmes – là, on parle de systèmes ISO 9000, ISO 14000. Ce dont je veux vous entretenir principalement aujourd'hui, là, ce qui va revenir un petit peu plus loin dans la présentation, c'est des activités de normalisation et des activités de certification.

On définit la normalisation comme une activité propre à établir, face à des problèmes réels ou potentiels, des dispositions destinées à un usage commun et répété qui visent à l'obtention du degré optimal d'ordre dans un contexte donné. Donc, ça concerne la formulation, la diffusion, la mise en application des normes. Ça va apporter d'importants avantages parce que ça va permettre une meilleure adaptation des produits et processus aux fins qui leur sont assignées, et ça présente aussi un avantage qui est celui de permettre l'allégement réglementaire, et on va voir un petit peu plus loin comment ça peut se faire. L'activité de normalisation, quand on l'appuie par une activité de certification, c'est une vérification objective de la conformité des caractéristiques d'un produit ou d'un service aux exigences qui sont spécifiées dans une norme, et, quand elle est effectuée par un organisme indépendant comme le Bureau de normalisation du Québec qui est accrédité à cette fin par le Conseil canadien des normes, ce sont les deux activités ensemble qui permettent l'allégement réglementaire.

Peut-être donner davantage de précisions sur la différence ou la similitude qu'il y a entre des lois et règlements et des normes. Dans un cas comme dans l'autre, qu'on parle de lois et règlements ou qu'on parle de normes, on parle de documents qui donnent des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques pour des activités ou leurs résultats. Les lois et règlements, par ailleurs, sont des documents qui contiennent des règles à caractère obligatoire qui sont adoptées par une autorité. Ce n'est pas tout à fait le cas des normes. En fait, les normes constituent des documents qui sont d'application volontaire, qui sont établis par consensus – et je vais revenir un petit peu loin sur ce que c'est, la notion de consensus – qui sont approuvés par un organisme reconnu – le BNQ est un de ces organismes reconnus là – donc qui vont venir fournir, comme je le mentionnais tout à l'heure, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques pour des activités ou leurs résultats et qui vont garantir un niveau d'ordre optimal dans un contexte donné.

(15 h 10)

Comment on définit ça, le consensus? En fait, la définition qu'on utilise, qui est celle qui est préconisée au niveau national, qui est aussi celle qui provient de l'international par l'Organisation internationale de normalisation, l'ISO, ça se définit de la façon suivante: on parle d'un accord appréciable entre les parties intéressées, caractérisé par l'absence d'opposition ferme à l'encontre de l'essentiel du sujet, qui va impliquer beaucoup plus qu'une simple majorité mais pas nécessairement l'unanimité.

Comment ça se traduit, en pratique, dans les façons de fonctionner du Bureau de normalisation du Québec? C'est que, quand on élabore une norme, ce n'est pas le Bureau de normalisation du Québec qui va dicter ce qui doit aller dans la norme. Le Bureau de normalisation du Québec est un accompagnateur, un animateur des travaux d'un comité qui, lui, est équilibré en termes de représentants des fournisseurs du produit ou du service qu'on vise à normaliser, d'utilisateurs du produit ou du service qu'on vise à normaliser. Donc, on parle de clients, de citoyens et de spécialistes en la matière, des autorités de réglementation, des experts techniques, des représentants d'universités, des laboratoires d'essais. Et ce que fait le Bureau de normalisation du Québec, c'est qu'il s'assure que les vues de toutes les parties concernées vont être prises en considération et qu'on va voir à faire les efforts nécessaires de rapprochement des éventuelles positions divergentes, de sorte qu'une norme qui est publiée par le Bureau de normalisation du Québec est un document qui permet de rejoindre les préoccupations de toutes les parties qui sont intéressées par le sujet qu'on normalise.

Peut-être juste pour faire un petit point, pourquoi le BNQ s'est intéressé et s'intéresse à l'avant-projet de loi sur la gestion des matières résiduelles, le BNQ a déjà et a toujours à son catalogue des documents qui touchent directement les matières résiduelles. Ce sont, entre autres, trois devis normalisés qui sont identifiés dans le document, un qui est général, qui touche la collecte des déchets solides, un second document qui va parler des clauses techniques générales par rapport à la collecte des déchets solides, un troisième document, lui, qui est un guide pour la préparation des appels d'offres pour la collecte des déchets solides. Je veux simplement mentionner ici que ces documents-là existent, que le BNQ reconnaît qu'à l'heure actuelle ces documents-là sont loin de rejoindre les préoccupations qui existent, mais le contexte que va amener la nouvelle loi va amener soit la nécessité d'archiver ces documents-là ou de les revoir pour faire en sorte qu'ils puissent rencontrer les nouvelles préoccupations.

Je vais maintenant aborder la question des points spécifiques que le Bureau de normalisation du Québec voudrait faire valoir par rapport à l'avant-projet de loi. Notre présentation se limite uniquement aux points sur lesquels on pense qu'on pourrait avoir une approche différente ou aux points sur lesquels on veut simplement venir confirmer qu'on est d'accord avec l'approche.

Le point principal sur lequel on veut intervenir, c'est celui qui touche les plans de gestion des matières valorisables. L'article 53.7 de l'avant-projet de loi prévoit actuellement un certain contenu de ces plans de gestion là. Nous, on pense qu'actuellement, si le ministère de l'Environnement dicte dans une loi les neuf points qui sont déjà prévus, on pourrait se retrouver dans une situation où on n'aura pas couvert nécessairement les préoccupations de toutes les parties concernées parce qu'on n'a pas nécessairement fait de consultations sur ce que ça devait être, ce que ça devait couvrir et quelle forme ça devait prendre.

Le Bureau de normalisation du Québec pourrait faire un document qui, lui, viendrait décrire ce que ça doit être, un plan de gestion, les objectifs qu'il doit viser, et la méthode même de travail du Bureau de normalisation du Québec viendrait faciliter l'acceptation de cette obligation d'avoir un plan de gestion, du fait même que le contenu serait défini à l'aide d'un comité équilibré et représentatif qui impliquerait les municipalités, les citoyens, les entreprises qui font de la récupération, les spécialistes du secteur. Donc, on viendrait faire en sorte d'avoir une vision d'ensemble de toutes les implications de ce qui va être envisagé.

Et non seulement ça, mais on vient aussi favoriser le fait... On a parlé tout à l'heure de compétences différentes selon l'endroit où on se trouve géographiquement au Québec. Donc, le fait d'élaborer un guide sur ce que doit être un plan de gestion, on vient favoriser le fait qu'il y ait une approche similaire entre les différentes communautés urbaines et les différentes MRC en termes de ce que les municipalités et les communautés urbaines vont devoir envisager en élaborant leur plan de gestion, mais tout en leur laissant toute la latitude nécessaire pour prendre les moyens qu'elles visent appropriés. L'élaboration aussi d'un document normatif pour décrire ce que doit être un plan de gestion, ce qu'il doit contenir, les objectifs qu'il doit viser, ça permet la certification de ces plans de gestion là par une tierce partie indépendante. Donc, on vient attester que le plan de gestion qui est élaboré est conforme à ce qui a été prévu dans le document.

Et un élément important – je pense qu'il n'était pas compris dans notre mémoire, il est compris dans le document que je vous ai mentionné – c'est qu'on parle de la nécessité de revoir les plans de gestion aux cinq ans. Mais, si on a fixé dans une loi le contenu du plan de gestion, on n'a pas prévu que, cinq ans après la mise en application des plans de gestion, le contexte particulier pourrait changer. Et le fait d'avoir un document qui vient décrire ce que doit contenir le plan de gestion, du fait même de l'obligation du BNQ de revoir ses documents, les documents qu'il publie à une échéance minimale de tous les cinq ans, ça permet de venir rajuster les contenus des plans de gestion, donc de reprendre le processus, de venir rajuster par rapport au contenu.

Dans les pages qui suivent, donc, j'ai mis... Là, je m'excuse si ça se retrouve scindé en quatre différentes parties, c'est que c'est tiré de présentations que le BNQ fait habituellement. En fait, on voit ici le processus d'élaboration d'une norme qui commence par l'analyse du sujet, la préparation d'un document préliminaire, la formation, comme je vous l'ai mentionné, d'un comité de normalisation qui est équilibré et représentatif. C'est suivi par une étude en comité, et cette étude en comité là, elle se poursuit tant et aussi longtemps qu'on n'a pas fait consensus au sein du comité de normalisation. Et, une fois ce consensus-là atteint au sein du comité de normalisation, le document est revu pour en assurer toute la précision nécessaire – donc, ici, on parle d'une révision linguistique – et on procède ensuite à une enquête publique. Donc, même si on a travaillé avec un comité relativement restreint au sein de l'élaboration du document qui décrirait le plan de gestion, on va aussi aller en enquête publique pour s'assurer qu'on rejoint les préoccupations de toutes les parties concernées, mais c'est suivi d'un vote et de la publication du document.

Simplement vous rappeler aussi que la mise en place d'un programme de certification, si c'est une option qui est retenue, ça s'appuie sur trois documents essentiels: d'un côté, une norme, comme je l'ai déjà décrit, mais aussi la rédaction d'un protocole de certification qui vient, lui, préciser par rapport à un document normatif comment on va faire la vérification que les exigences décrites dans le document normatif sont rencontrées et à quelle fréquence on va le faire. Et on utilise, pour ce faire, un document qui est public, qui est publié par le BNQ, qui s'appelle Reconnaissance de conformité aux normes, règles et procédures . Donc, ça, c'est pour ce qui touche l'article des plans de gestion.

Le Bureau de normalisation du Québec tenait à souligner aussi, par rapport à l'article 53.27 où on parle, en termes de valorisation des matières résiduelles, de s'appuyer sur des normes et des programmes de certification élaborés par des organismes reconnus, que le BNQ a déjà à son catalogue ou en cours de préparation de tels documents et qu'il peut le faire aussi pour les éventuels autres besoins qui seront identifiés. Je parle, entre autres, de la norme CAN/BNQ 413.200, norme qui s'appelle CAN/BNQ parce que c'est une norme qui n'a pas une portée seulement provinciale, c'est une norme qui a une portée nationale. Le BNQ n'élabore pas seulement des documents qui ont une portée provinciale. Dans ce cas-ci, on parle d'une norme, donc, qui a une portée nationale. C'est une norme qui traite des composts et qui traite de leur valorisation comme amendements organiques. Le type de la norme est très spécifique à ce niveau-là. Nous avons aussi la norme NQ 0419.090 qui, elle, parle de matières résiduelles qui sont des amendements calciques ou magnésiens qui proviennent de procédés industriels, et la norme traite de leur valorisation comme amendements minéraux.

(15 h 20)

On a aussi un projet en cours de préparation sur lequel on s'apprête à débuter une enquête publique, qui est un projet, donc, qui touche les biosolides municipaux granulés, et là on s'intéresse à leur valorisation comme amendements organiques. Toutes ces normes-là sont des normes qui sont assorties de programmes de certification. Une chose qui est importante de comprendre, c'est que toutes les normes du BNQ sont a priori des normes d'application volontaire. S'il n'y a pas d'autorités de réglementation qui viennent rendre les programmes de certification obligatoires, on n'a pas nécessairement résolu le problème.

Un autre point qu'on veut aborder, c'est par rapport à l'article 53.27, le point 8, relativement à l'exemption aux organismes qui participent financièrement à la promotion du programme. Le BNQ veut simplement souligner qu'il peut aider aussi au développement d'outils – on parle de normes toujours – pour aider à statuer sur la performance pour que ces entreprises-là qui voudraient contribuer financièrement puissent évaluer la performance et disposer de critères qui vont les aider à déterminer si elles souhaitent contribuer financièrement ou pas. J'ai mis ici un exemple parce que c'est un cas dont on a commencé à discuter: celui qui touche la performance des centres de tri. C'est là où on pourrait élaborer un document normatif qui serait basé sur la performance du centre de tri, en termes de qualité d'extrants, de qualité du produit qui est trié par le centre de tri.

Par rapport à l'article 56 toujours de l'avant-projet de loi, le point que le BNQ voulait faire est celui par rapport à la surveillance des installations d'élimination. Encore là, souligner que, ici aussi, on peut envisager la préparation d'un document normatif, soit un guide de bonne pratique soit une norme de processus, assorti d'un programme de certification qui assurerait donc le sérieux du suivi des opérations, qui assurerait aussi que le coût, en fait, soit assumé par l'entreprise qui se fait certifier, et on parle aussi toujours de certifications qui sont effectuées par une tierce partie indépendante.

Donc, en conclusion, le point que le Bureau de normalisation du Québec voulait faire par rapport à l'avant-projet de loi est surtout celui que le Québec dispose d'un organisme de normalisation – c'est la seule province qui dispose d'un tel organisme – et qu'on doit voir à faire l'utilisation la plus judicieuse possible des services que le Bureau de normalisation du Québec peut rendre.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Allard. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, Mme Allard, messieurs. Je vous avoue avoir une réaction un petit peu ambivalente vis-à-vis de ce que vous dites, et possiblement dû au fait que je ne suis pas certain de bien saisir toute la portée de ce que vous faites. Je m'explique. Quand je lis, par exemple, au début, à l'article 53.7, Le plan de gestion des matières valorisables et que vous me dites que tout ça serait basé sur un principe de consensus, je vous avoue honnêtement que j'ai de la difficulté à comprendre comment on pourrait faire ça sur une base de consensus. Par contre, lorsqu'on arrive sur des normes et que, au point 5, par exemple, surtout dans la deuxième partie de votre deuxième alinéa, vous dites: «Dans un contexte de valorisation de matières recyclables, l'adoption de normes de qualité minimales pour l'ensemble des matières triées pourrait permettre d'obtenir un niveau minimal de qualité», là je vois très, très, très bien ce que vous voulez faire.

De la même façon, lorsque vous dites, dans L'élimination des déchets – je pense que c'est le dernier paragraphe: «...que la certification des sites d'enfouissement sanitaires par une tierce partie reconnue...», là j'avoue que, encore une fois, j'hésite entre avant qu'il soit autorisé ou dans son suivi. En ce qui concerne son suivi, je le vois assez bien. Quant à la réalisation, j'avoue que je ne vois pas comment on pourrait le faire sur une base de normes comme celles que vous avez là, puisqu'on a des exigences très précises que l'on veut atteindre et qu'on les énonce dans les règles.

Ensuite, vous avez aussi – j'ai sauté par-dessus – votre point 8a, deuxième alinéa où vous dites: «...s'appuyer sur des données objectives sur les performances des municipalités.» Ça, je pense que je vois bien ce que vous nous dites à ce niveau-là. C'est pour ça que je vous dis que je suis un petit peu ambivalent. D'un côté, il me semble que, à certains moments, c'est plutôt de la nature de ce qui revient à l'Assemblée nationale de déterminer comment les plans de gestion vont être faits, à quelle fréquence, etc.; par contre, sur des normes très techniques de performance, de réalisation, de qualité, ça, je le vois assez bien. Pouvez-vous essayer d'élaborer là-dessus?

Mme Allard (Danielle): Bien, au chapitre des plans de gestion, en fait, nous, ce que le Bureau de normalisation du Québec peut faire – on n'aura pas un plan de gestion unique dans les différentes communautés urbaines et municipalités régionales de comté – c'est de venir décrire, avec l'aide de la méthode du consensus, ce que doit être un plan de gestion, ce qu'il doit comporter, ce sur quoi il doit porter. En fait, c'est que le processus, tel qu'il existe au Bureau de normalisation du Québec, permet de faire en sorte que, quand on vient décrire le contenu type d'un plan de gestion, les objectifs qu'il doit viser, on ne le fasse pas nécessairement dans une loi où ça va être fixé et où ça va être très difficile de le changer, mais qu'on le fasse en faisant référence à un document qui, lui, est beaucoup plus flexible en matière de révision et qui a été fait selon un processus qui permet de prendre toutes les positions des gens avant même qu'on ait fixé cette façon de faire là.

M. Bégin: Je relisais en parallèle ce qu'on a à 53.7, auquel vous référez, et j'arrivais mal encore une fois à bien le saisir, parce qu'on dit: Le plan doit comprendre une description du territoire d'application – je pense que c'est relativement clair – la mention des municipalités locales visées – ça va de soi – le recensement des organismes et entreprises qui oeuvrent sur le territoire, un inventaire des déchets à valoriser, un énoncé des orientations et des objectifs. J'essaie de comprendre comment vous pourriez substituer quelque chose de plus normalisé que ça, parce qu'un énoncé des orientations et des objectifs à atteindre en matière de valorisation, je vois mal encadrer ça dans une façon de faire. Ça dit: Placer des objectifs dans votre secteur, là où vous êtes, en tenant compte de l'endroit où vous êtes, la capacité de la population où vous êtes. En fait, il y a tellement d'éléments variables et incontrôlables que je nous vois mal aller essayer de cerner de manière pointue – parce que c'est ça un peu, un guide – comment faire les choses et que je me demanderais combien de temps ça prendrait avant d'arriver à un guide comme celui-là si ça impliquait le gouvernement, les entreprises, les groupes environnementaux, les municipalités, comment on ferait ça. J'avoue que je m'interroge, en tout cas. Mais je ne veux pas être embêtant par ma question, c'est parce que j'essaie de comprendre, là.

Mme Allard (Danielle): En fait, je pense qu'on a décrit comment on pouvait le faire. C'est peut-être plus de comprendre quels sont les problèmes liés au fait que, si on décrit déjà dans une loi que ça doit être fait comme ça, selon les neuf points qui sont déjà identifiés...

Le BNQ a déjà été sensibilisé au fait qu'il aurait peut-être besoin d'avoir un guide sur la façon de les préparer, ces plans de gestion là. Je pense qu'on part du principe que ce n'est pas très clair pour les communautés urbaines, les municipalités régionales de comté, ce que le ministère de l'Environnement a en tête quand il décrit ces neuf points-là. C'est peut-être justement parce que ce n'est pas suffisamment précis, ce qui est visé par les plans de gestion, qu'il y a une nécessité de venir faire en sorte de préciser exactement ce qu'on veut au chapitre des plans de gestion.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

(15 h 30)

M. Benoit: Oui. Je me suis permis, alors que vous étiez dans la salle, de poser la question aux groupes avant vous qui sont les représentants d'à peu près tous les groupes d'environnement au Québec, qui sont installés sur tout le territoire. Quand j'ai posé la question à ces gens-là à savoir: Est-ce que... je pensais que la réponse serait positive. Je vous avoue franchement que j'ai été bien surpris de la réponse. Je m'attendais à ce qu'ils me disent: Oui, on est après lancer les MRC dans un processus, et il serait valable qu'on ait un guide d'élaboration normalisé pour arriver à ce que finalement il n'y ait pas des petits fins finauds un peu plus vites que d'autres et qu'on se ramasse avec des situations qui ne soient pas évidentes dans certaines MRC. Vous avez entendu la réponse comme moi, qui n'a vraiment pas été celle-là. Ce qu'on m'a répondu, c'est que les gens sur le terrain étaient capables de faire les choses, qu'ils n'avaient pas besoin de ce guide-là. Ce n'est pas la réponse que j'espérais avoir, mais j'aimerais ça entendre vos commentaires.

Mme Allard (Danielle): O.K. Bien, je peux réagir par rapport à la réponse qui vous a été donnée. En fait, ce que j'ai compris de la réponse, c'est qu'on pensait que ce que le Bureau de normalisation du Québec proposait, c'est qu'il y ait un plan de gestion unique et qu'on dise: Voici le plan de gestion; maintenant, allez sur le territoire de votre municipalité régionale ou de votre communauté urbaine et implantez ce plan de gestion là. C'est pourquoi, dans ma présentation, j'ai quand même souligné le point que ce qui est proposé par le document, c'est vraiment d'avoir une approche qui soit similaire d'une municipalité régionale de comté à l'autre et d'une communauté urbaine à l'autre, mais que ça ne vient en rien fixer les moyens que chaque MRC, chaque communauté urbaine va prendre. L'intelligence de faire des normes, c'est toujours de le faire en fonction de permettre l'innovation et de tenir compte de caractéristiques particulières à ceux qui essaient de se conformer aux normes. Si j'ai une norme de produit, par exemple, et que j'ai 10 fabricants sur le territoire de Québec qui essaient de fabriquer ce produit-là, la norme est faite pour décrire quelles sont les propriétés que je vise pour le produit, mais les 10 fabricants qui fabriquent le produit peuvent avoir autant de façons différentes de le faire, et les produits peuvent avoir des caractéristiques différentes en autant qu'ils rencontrent les fonctions pour lesquelles ils sont conçus.

M. Benoit: Dans l'industrie du déchet, il y a un grand débat qui existe depuis des années, c'est toute la notion des membranes qu'on met dans le fond des sites de déchets. Certains vous diront que ces membranes-là sont bonnes pour cinq heures après que les premiers produits toxiques les touchent, d'autres vont vous dire que c'est bon pour l'éternité si on met de la glaise. Est-ce que vous avez eu l'occasion... Et je vous dirai qu'un néophyte comme moi n'est pas capable de se faire une idée, il y a des études qui se contredisent diamétralement là-dedans. Est-ce que votre organisme a été capable de regarder toute la dynamique de ces membranes qu'on met dans les sites de déchets ou si vous n'avez pas d'expertise là-dedans à ce point-ci?

Mme Allard (Danielle): Bien, je vous ferai d'abord la remarque à l'effet que le Bureau de normalisation du Québec est un spécialiste en normalisation, qu'il n'a pas nécessairement d'expertise dans les sujets qu'il normalise et que, son expertise, en fait, il la tire de ses comités de normalisation. C'est en établissant un comité équilibré et représentatif qu'il arrive à traiter les sujets qu'il normalise. Et, pour répondre à votre question par rapport à ce sujet spécifique là, non, on n'a pas eu de demandes particulières par rapport à l'établissement d'une norme qui viendrait décrire la façon dont ça doit être fait.

M. Benoit: J'amène toujours mon ingénieur avec moi, il s'y connaît plus dans les normes. Alors, je vais le laisser poser les prochaines questions.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: En avant-midi, on a rencontré l'UPA qui faisait référence à une correspondance qui émanait de votre Bureau concernant les fertilisants.

Mme Allard (Danielle): Oui.

M. Whissell: Parce que, si on a bien compris, ce matin, il y a une norme qui existe au niveau de la chaux, et, au niveau des autres fertilisants, il n'y a absolument rien qui existe.

Mme Allard (Danielle): Ce n'est pas tout à fait le cas. En fait, je les ai mentionnés...

M. Whissell: Est-ce que c'est l'analyse qu'on doit en faire?

Mme Allard (Danielle): Dans ma présentation, je n'ai pas mentionné la pierre à chaux. La raison pour laquelle je ne l'ai pas fait, c'est que c'est un produit d'origine naturelle. Donc, on ne parle pas d'une matière résiduelle qui est utilisée, et je n'ai pas voulu mettre en évidence la valorisation qui peut être faite de la pierre à chaux. C'est la raison pour laquelle ce n'était pas traité.

M. Whissell: Oui, mais, au niveau des papetières, au niveau des copeaux de bois, il n'y a aucune norme qui existe actuellement à savoir si ces produits-là rencontrent une norme afin d'éviter toute contamination, si on prend au niveau des boues, là, des papetières.

Mme Allard (Danielle): Peut-être que Clément peut répondre.

M. Audet (Clément): Au niveau des boues, des papetières, il n'y a pas de normes actuellement sur la table d'entreprises. Il y a eu quelques pourparlers avec l'industrie des pâtes et papiers, mais ce n'est pas débouché encore. Actuellement, il y a la consultation publique sur les boues municipales granulées, qu'on appelle «biosolides municipaux granulés», qui sont fabriquées par Laval et les communautés urbaines de Montréal et de l'Outaouais, qui vont être utilisées pour la valorisation agricole. Cette norme-là va fixer des guides de valorisation en termes de métaux traces puis de micro-organismes, ces choses-là. Ces valeurs-là seraient probablement utilisables pour fixer des «guide lines» – excusez l'expression anglaise – des valeurs de référence pour les boues des pâtes et papiers aussi, mais on n'a pas travaillé avec eux autres, actuellement.

M. Whissell: Mais, pour avoir une norme, pour qu'une norme voie le jour, est-ce que ça prendrait une demande du ministère de l'Environnement qui vous dirait: Vous, le BNQ, faites-nous une norme, admettons, pour les boues provenant des papetières?

Mme Allard (Danielle): Il y a différentes situations qui vont faire en sorte que le BNQ va décider de faire la norme. C'est sûr que, nous, on est à l'affût de besoins comme ceux-là. Clément vous l'a mentionné, on a déjà eu des pourparlers avec l'industrie des pâtes et papiers pour l'élaboration éventuelle d'une norme qui touche les boues de papetière. C'est sûr aussi, on a eu souventefois, par le biais des fonctionnaires du ministère de l'Environnement qui décelaient une problématique... C'était le cas pour les amendements calciques et magnésiens.

Quand le ministère de l'Environnement dit à ces gens-là: Si vous voulez qu'on puisse reconnaître une valorisation de ces produits-là, on vous conseille de venir voir le Bureau de normalisation du Québec pour qu'on élabore une norme, mais, évidemment, il y a une condition essentielle au fait qu'on l'élabore, c'est que, nous, on doit récupérer nos coûts, donc il faut qu'il y ait quelqu'un quelque part qui paie pour l'élaboration de cette norme-là. C'est souvent les fabricants ou les gens qui ont à disposer des matières qui vont défrayer ces coûts-là.

M. Whissell: J'aimerais également connaître votre position parce que le but de la loi, dans le fond, c'est de dire aux instances locales: Vous allez faire un plan de gestion, mais on ne connaît pas vraiment les paramètres. On dit «un plan de gestion», mais, dans votre document, vous dites: Bon, justement, c'est quoi, un plan de gestion? Ça devrait être normé, avoir un cadre. Au Québec, il y a plus de 100 MRC. Alors, le plan de gestion, est-ce qu'il va être pareil d'une MRC à l'autre? C'est une question qu'on peut se poser.

Mais est-ce que vous trouvez quand même un peu utopique de dire: On va faire un plan de gestion puis on n'a pas vraiment d'objectif autre que le document que le ministre nous montre depuis deux jours, qui n'est pas un document qui a force de loi? C'est des objectifs qui ont été émis, mais, si on ne les rencontre pas, il n'arrive rien. Alors, on dit: Faites un plan de gestion, mais on n'a pas vraiment de normes. J'aimerais connaître votre opinion, votre perception, justement. On dit: Faites un plan de gestion, mais il n'y a pas vraiment de cadre.

Mme Allard (Danielle): Bien, c'est la représentation qu'on fait à l'effet qu'il y aurait lieu de le définir, de définir plus précisément ce que doit être le plan de gestion, ce sur quoi il doit porter, quels objectifs il doit viser, quelles sont toutes les choses qui doivent être traitées dans le plan de gestion; non seulement ça, mais de le faire aussi... Si on veut s'assurer de l'acceptabilité des plans de gestion, il faut aussi entendre toutes les parties concernées pour voir ce qu'elles ont à dire par rapport à ce que ça doit couvrir, ce qui est possible, ce qui ne l'est pas, parce que, élaborer un plan de gestion sans tenir compte, par exemple...

Comme citoyenne ordinaire, moi, la première remarque que j'aurais à faire par rapport à la nécessité d'élaborer un plan de gestion – et c'est un élément qui n'est pas couvert dans la loi – c'est que ma municipalité peut bien décider d'avoir un plan de gestion, elle peut bien le mettre de l'avant, mais, si elle ne me sensibilise pas à ce que vont être mes obligations comme citoyenne, quel va être le résultat du plan de gestion en bout de ligne? Parce que, moi, comme citoyenne, je dois savoir ce qui est attendu de moi et je dois avoir mon mot à dire sur: Est-ce que je suis prête à faire ça comme citoyenne, est-ce que je suis prête à trier tous mes déchets d'une façon bien spécifique pour garantir le résultat?

M. Whissell: Est-ce que vous pensez que, en deux ans, ça va être possible de réaliser les plans de gestion? Pensez-vous que c'est suffisant comme délai?

Mme Allard (Danielle): C'est sûr que, dans l'approche qu'on propose, l'élaboration d'un guide pour venir préciser comment un plan de gestion doit être élaboré – on parle de délais, à partir du moment où on commence, d'au moins une année pour réussir à faire ça – il faut ensuite que les MRC et les communautés urbaines se mettent à l'oeuvre et les élaborent, ces plans de gestion là. Je ne suis pas certaine qu'en deux ans ce soit possible, dans un contexte comme ça.

M. Whissell: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Salaberry-Soulanges.

(15 h 40)

M. Deslières: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bienvenue à cette commission. Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis plusieurs années, une partie importante des Québécois nous disent: Écoutez, on nage dans les normes, puis dans les règlements, puis dans les lois, puis on en a par-dessus la tête, puis il y a 20 000 règlements par année qui passent, puis tout ça, là. Vous ne pourriez pas rendre ça un peu plus simple, tout ça? Là, ce que vous venez nous dire – puis je ne me prononce pas comme tel, là, je pose la question – vous nous dites: Écoutez, on voudrait faire partie de ce processus d'élaboration du plan et, même plus que ça, on devrait rendre ça obligatoire. C'est ce que vous nous dites. Ce n'est pas juste un choix, ce n'est pas juste volontaire, là.

Mme Allard (Danielle): En fait, au niveau des plans de gestion, c'est une option qui a été présentée. La question d'obligation, elle était plus par rapport à quand on fait des normes sur des produits et qu'on met en place un programme de certification. Si ce n'est pas rendu obligatoire par une autorité de réglementation...

En fait, M. et Mme Tout-le-Monde, là... Le producteur agricole, par exemple, qui a à recevoir une matière résiduelle qu'on a visé à valoriser, comme amendement calcique ou magnésien, lui, il ne sait pas ce que c'est qu'un programme de certification. On peut l'avoir éduqué, lui avoir dit: Bien, si tu acceptes une matière résiduelle sur ta terre, tu dois t'assurer qu'elle est certifiée, mais on peut aussi venir faire en sorte que ce ne soit pas juste par l'effet du hasard qu'il soit au courant, mais qu'on ait dit: Si on les épand, ces matières-là, les produits qui sont épandus doivent avoir été certifiés conformes à la norme. Donc, l'obligation de certification, elle l'était par rapport au produit, aux matières valorisées.

M. Deslières: Mais, pour faire suite à la question de mon collègue, ce qui est prévu dans l'avant-projet de loi, c'est deux ans, puis les gens viennent nous dire: Bien, écoutez, on est d'accord, là, mais il faut y aller, il faut avancer. Bon. Le fait qu'on vienne – permettez-moi l'expression – possiblement alourdir tout ça, est-ce que ça ne compromet pas l'échéancier? Parce que, là, on ne parle pas d'un guide général, vous parlez de normes un peu plus spécifiques, et pour cause, pour chacune des MRC ou des communautés.

Mme Allard (Danielle): C'est sûr que le processus prend un certain temps à se faire, mais ce sont les avantages, en fait, qui sont liés au processus – celui d'impliquer toutes les parties concernées, de s'assurer qu'on a pris en considération toutes les contraintes possibles – qui viennent faire en sorte que, une fois que le document est disponible, bien, les municipalités qui ont à élaborer un plan de gestion ne font pas des efforts qui s'avèrent vains et qu'elles sont obligées de rechanger parce qu'elles n'avaient pas bien compris ce que c'était. Donc, oui, ça peut sembler plus long, mais, en bout de ligne, est-ce qu'on n'est pas gagnant, dans un processus comme ça, parce qu'on vient enlever tout l'arbitraire par rapport à comment ça doit être fait, un plan de gestion?

M. Deslières: Courte question, M. le Président: Combien êtes-vous, au Bureau?

Mme Allard (Danielle): Au Bureau de normalisation du Québec? Si on regarde les trois groupes au sein du Bureau de normalisation du Québec, on parle d'une quarantaine de personnes.

M. Deslières: Merci, madame. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Mon confrère à ma droite vous a demandé plus tôt s'il y avait des normes qui existaient au niveau des sites d'enfouissement. La réponse, je pense, ça a été que, au niveau du BNQ, il n'y a absolument rien qui existe. Mais, si on sort du Québec puis qu'on regarde au niveau des normes canadiennes, américaines ou européennes, est-ce qu'il y a des organismes de normalisation qui ont déjà établi des normes sur un site d'enfouissement ou de compostage? Est-ce qu'il y a des normes qui existent dans ce sens-là mondialement?

Mme Allard (Danielle): C'est que, nous, on n'a pas nécessairement cette connaissance-là. On ne fait pas de veille dans tous les sujets qu'on est appelés à normaliser, sauf que, si on nous pose la question, si on nous demande d'élaborer une norme qui touche les sites d'enfouissement, c'est évident que la première partie de la démarche, quand je parle de préparation du document préliminaire, d'analyse du sujet, c'est de regarder ce qui se fait ailleurs, comment c'est fait, comment est-ce qu'on peut adapter ça sur le territoire du Québec, et ce sont les bases de travail qu'on propose au Comité de normalisation. Mais, si on n'a pas eu de demande de faire la normalisation, non, on ne peut pas couvrir tous les sujets.

M. Whissell: Alors, vous ne savez pas s'il en existe.

Mme Allard (Danielle): Non, je ne le sais pas.

M. Whissell: D'après vous, pensez-vous qu'il y en a?

Mme Allard (Danielle): Nos méthodes nous permettent de le savoir. Si on nous pose la question, on peut le trouver, et on est très compétents pour faire ça.

M. Whissell: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, madame et messieurs du Bureau de normalisation du Québec, merci pour votre participation aux travaux de cette commission. Merci.

Nous allons suspendre pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

(Reprise à 15 h 51)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite les parlementaires à prendre place pour la poursuite de nos travaux après cette brève suspension, et j'invite également les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît. Il nous reste, avant l'ajournement d'aujourd'hui, deux groupes.

Des voix: ...

Le Président (M. Lachance): Une opposition constructive, comme il se doit. Alors, bienvenue, messieurs.

Des voix: ...

Le Président (M. Lachance): S'il vous plaît. S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Lachance): Vous poursuivrez votre discussion amicale en dehors de nos travaux, s'il vous plaît, messieurs.

Alors, bienvenue aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que la personne qui l'accompagne.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Valois (Roger): Bonjour, M. le Président, M. le ministre. D'abord, mon nom est Roger Valois, je suis vice-président de la CSN. Je suis accompagné de Robert Mercier, qui est biologiste à la CSN, au Service des relations du travail et aussi au module de santé-sécurité-environnement.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous exposer votre point de vue.

M. Valois (Roger): On a une petite correction à faire au début. La page frontispice est correcte, mais, au début, on dit «membres de la commission du travail et de l'environnement». C'est une erreur de ma part parce que le travail, c'est mon autre dada, donc je l'ai inclus par erreur.

Alors, M. le ministre Bégin, M. le Président et membres de la commission des transports et de l'environnement, nous aimerions, dans un premier temps, remercier la commission et ses membres de bien vouloir nous fournir l'opportunité de présenter nos commentaires sur l'avant-projet de loi qui vise à modifier la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets. La Confédération des syndicats nationaux, la CSN, est une organisation syndicale qui représente au-delà de 235 000 membres. Elle est présente dans l'ensemble des activités économiques qui forgent le Québec d'aujourd'hui ainsi que dans la totalité des régions administratives. De par cette représentativité tant au niveau sectoriel que régional, la CSN considère importante la mise en place de mesures législatives dans le domaine des matières résiduelles. L'élaboration des plans de gestion des matières résiduelles au niveau régional et la contribution des différents milieux de travail, qu'ils soient industriels, commerciaux ou institutionnels, à la réalisation des objectifs que fixera le gouvernement nous interpellent depuis plusieurs années.

Les membres de la CSN, à double titre, comme travailleuses et travailleurs ainsi que comme citoyennes et citoyens, sont concernés directement par les problèmes découlant de la quantité et de la dangerosité des déchets et rejets pour l'environnement et la santé, tant sur les lieux de travail que dans la société en général. Nous tenons donc à clarifier que c'est à double titre que nous interviendrons, en sachant que, comme citoyennes et citoyens, nous devrons tenir compte des positions des autres intervenantes et intervenants de la communauté.

Devant la sollicitation grandissante suscitée par les débats qui se multipliaient sur cette question dans les secteurs et les régions, le Conseil confédéral – soit dit en passant, c'est le lieu de décision de la CSN entre les congrès – confiait, en 1992, à un comité technique le mandat de produire des recommandations et une étude sur la gestion des déchets afin d'harmoniser et d'éclairer les positions que nous sommes appelés à défendre comme mouvement sur ce sujet. Ce sont d'ailleurs ces résolutions qui ont guidé la rédaction du mémoire de la Confédération lors des audiences publiques en 1996. Qui plus est, un salarié de la CSN, Qussaï Samak, agissait à titre de commissaire lors de ces audiences.

Pour la CSN, toute politique de gestion des matières résiduelles devrait s'élaborer et s'appliquer dans le cadre d'un développement durable tel que défini dans le rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement. Pour cette commission, un développement durable présuppose un souci d'équité sociale entre les générations et à l'intérieur d'une même génération afin de satisfaire les besoins élémentaires de tous et, pour chacun, la possibilité d'aspirer à une vie meilleure. La CSN, qui a toujours été porteuse de solidarité et d'équité, considère que ce type de développement correspond à ses orientations.

Depuis la parution du Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles 1998-2008, la CSN a mis en oeuvre un processus de diffusion du plan d'action afin de rejoindre le plus de personnes possible et de faire en sorte que nos membres soient en mesure de participer adéquatement aux différentes étapes de la mise en oeuvre. Elle a notamment diffusé le plan d'action 1998-2008 lors du Conseil confédéral de mars 1999 et recommandé à ses organismes sectoriels et régionaux d'intervenir dans l'élaboration et le suivi des plans de gestion selon les orientations générales de la CSN et d'assurer la diffusion du Plan d'action sur la gestion des matières résiduelles au sein de ces organismes.

Dans l'ensemble, la CSN considère satisfaisant l'avant-projet de loi présenté par le ministre de l'Environnement. L'analyse de l'avant-projet de loi modifiant la loi en matière de gestion des déchets nous apparaît conforme aux principes fondamentaux définis et à certaines des actions proposées dans le plan d'action que le gouvernement du Québec a présenté en 1998. D'ailleurs, les cinq principes fondamentaux qui ont été mis de l'avant dans le plan d'action, soit les 3RVE, la responsabilité élargie des producteurs, la régionalisation, le partenariat et la participation des citoyens, se retrouvent en tout ou en partie dans l'avant-projet de loi.

Malgré ce qui précède, certaines des dispositions de l'avant-projet de loi suscitent des interrogations, voire même des inquiétudes, en ce qui concerne l'élaboration et la mise en place de plans de gestion au niveau régional, l'implication des acteurs à ces mêmes processus, notamment les acteurs syndicaux, ainsi que certains aspects d'ordre général. Parmi les inquiétudes qui sont ressorties, à l'analyse de l'avant-projet de loi, nous ne saurions passer sous silence l'évacuation de toute définition relative aux termes «déchet» et «matière résiduelle». La CSN s'explique mal cet état de fait, d'autant plus que le plan d'action déposé en 1998 proposait une définition suffisamment large du terme «matière résiduelle» et que l'avant-projet de loi n'utilise que le terme «déchet». Il y a une exception, là, «matières valorisables», à l'article 53.6. La CSN comprend que le ministère de l'Environnement désire se donner toute la latitude possible dans son pouvoir d'intervention, notamment par l'adoption de règlements afférents, mais nous craignons que cette omission n'entraîne un flou juridique lorsqu'il sera temps de passer à l'action.

Est-il nécessaire de rappeler à la commission toutes les difficultés qui sont liées à la mise en place de règlements ou de modifications législatives par les temps qui courent? Un exemple probant est le délai entre la présentation du plan et la mise en place de l'avant-projet de loi actuel. Le vent de déréglementation qui balaie les activités gouvernementales et l'écoute plus qu'attentive du présent gouvernement aux complaintes patronales sont autant de facteurs qui incitent la CSN à croire qu'une omission de ce genre ne sera que nuisible à toute démarche proactive dans le domaine de la gestion des matières résiduelles ainsi qu'à l'élaboration et à la mise en place des plans de gestion. Qui plus est, comment sera interprétée cette absence de définition par les milieux industriels, commerciaux et institutionnels lorsqu'ils auront à collaborer avec des intervenants régionaux dans l'élaboration et la mise en place de plans de gestion? Les regroupements de MRC et les communautés urbaines devront-ils négocier avec ces intervenants afin de pouvoir aller de l'avant? Devra-t-on demander au ministre d'intervenir chaque fois qu'un dilemme se présentera?

L'autre élément qui milite en faveur de l'introduction de la définition des termes «déchet» et «matière résiduelle» est lié aux efforts qui ont été faits au cours des dernières années afin de modifier l'aspect négatif qui entourait le terme «déchet». Dans l'esprit populaire, dans les milieux de travail, un déchet est quelque chose qu'on jette sans aucune autre considération, alors qu'une matière résiduelle présente de plus en plus des aspects positifs assortis généralement d'une valeur économique. En 1998, on disait que le Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles était avant-gardiste et qu'il représentait un pas dans la bonne direction. Faut-il croire que nous sommes encore loin, considérant le peu d'évolution dans l'utilisation des termes? Tous ces aspects liés à l'absence de définitions concrètes incitent la CSN à demander à la commission de modifier l'avant-projet de loi afin que les termes «déchet» et «matière résiduelle» soient définis et que le terme «matière résiduelle» soit introduit lorsque cela s'avère adéquat.

(16 heures)

Le Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles 1998-2008 repose sur cinq principes fondamentaux dont trois nous apparaissent importants en ce qui concerne le rôle que pourraient jouer les syndicats et leurs membres. Bien que l'avant-projet de loi qui nous est présenté mette l'emphase sur les plans de gestion régionaux, il semble évident que l'atteinte des objectifs ne saurait se réaliser sans une contribution importante des industries, commerces et institutions présents sur le territoire. C'est pourquoi la CSN considère que l'introduction des principes fondamentaux que sont les 3RVE privilégie dans cet ordre la responsabilité élargie des producteurs, et le partenariat demandera une participation accrue de tous les intervenants présents dans ces milieux de travail.

Que ce soit par l'inventaire des déchets à valoriser ou à éliminer peu importe leur provenance, par l'intérêt que suscitera la consultation publique lors de l'élaboration des plans de gestion régionaux ou encore en ce qui concerne les sections sur la réduction de la production des déchets et sur la récupération et la valorisation des déchets, la CSN réitère sa prétention à l'effet que toutes ces actions ne sauraient être réalisées sans une participation essentielle des travailleuses et des travailleurs. L'expérience nous a démontré que les revendications de la CSN sur la place des syndicats et de leurs membres dans un processus de gestion environnementale ne font que garantir la réussite d'une telle action.

Il faudrait que le ministère de l'Environnement et le gouvernement réalisent qu'il en va de l'intérêt de tous les intervenants du milieu de travail à collaborer lorsque des actions résultant d'objectifs précis sont mises de l'avant comme ce sera le cas avec les présentes mesures législatives. C'est pourquoi la CSN demande depuis plusieurs années une révision de la législation relative à l'environnement de façon à ce que les droits suivants soient reconnus aux travailleuses et travailleurs dans leur milieu de travail: le droit à l'information sur les différents types de rejets; le droit d'enquêter dans les milieux de travail; le droit de refuser d'accomplir un travail comportant des risques de pollution ou de contamination dans des cas de directives contraires aux normes et à la réglementation; et le droit à la protection suite à la dénonciation de situations polluantes contraires aux normes et à la réglementation. L'application de telles mesures sera d'autant plus nécessaire que le ministère entend intervenir afin de déterminer les conditions ou prohibitions applicables à la fabrication et à l'utilisation des contenants, emballages, matériaux d'emballage, imprimés ou autres produits qu'il désigne.

La CSN, tout en étant d'accord avec une mesure législative de cet ordre, veut rappeler au ministère que ce sont des entreprises présentes sur le territoire québécois qui sont ciblées, que ces entreprises possèdent une main-d'oeuvre importante et que cette main-d'oeuvre a le droit d'avoir un droit de regard sur toute modification qui pourrait entraîner des changements, tant au niveau du travail que sur la composition du personnel. Il faut donc que ces travailleuses et ces travailleurs soient impliqués dès l'amorce des travaux afin de bien comprendre les enjeux, mais également afin de faire valoir leur point de vue et de mettre à contribution leur expertise des milieux de travail à l'atteinte des objectifs fixés.

Est-il besoin de rappeler que les travailleuses et les travailleurs sont également des citoyennes et des citoyens et que, dans l'éventualité de répercussions négatives dans leur milieu de travail, ils seront d'autant plus réticents à faire un effort en tant que citoyens? De plus, puisque le plan d'action québécois prévoyait la mise sur pied d'un programme d'information et d'éducation, la CSN pense qu'il serait utile d'étendre la mise en oeuvre de ces programmes à l'ensemble des travailleuses et des travailleurs qui oeuvrent dans les différentes entreprises fabriquant des biens de consommation au Québec.

L'avant-projet de loi modifiant la loi prévoit déjà un certain nombre d'intervenants dans le processus de planification et de mise en oeuvre des plans de gestion. Outre le ministère de l'Environnement qui aura un rôle important à jouer, notamment par l'établissement des règles relatives à la mise en place des modifications à la loi, les MRC ou leurs regroupements ainsi que les communautés urbaines sont les acteurs les plus importants des présentes dispositions légales. On constate également que la Régie intermunicipale de gestion des déchets de l'île de Montréal pourrait éventuellement devenir un acteur important. Si tel est le cas, qu'en est-il des autres régies intermunicipales de gestion qui se sont vu confier des mandats par certaines villes ou MRC?

Dans le Plan québécois de gestion des matières résiduelles, le gouvernement prévoyait une place aux regroupements communautaires impliqués dans le domaine de l'environnement, alors que, dans l'actuel avant-projet de loi, on constate qu'ils en sont absents, sauf sous l'appellation d'organismes et entreprises qui oeuvrent dans le domaine de la récupération, de la valorisation et de l'élimination des déchets. Il apparaît cependant que c'est dans les endroits où des activités de récupération et de valorisation sont actuellement absentes ou peu développées – en régions éloignées, par exemple – que ces regroupements pourraient jouer un rôle déterminant dans la mise en oeuvre des plans de gestion. Dans ces conditions, pourquoi ne pas définir dans l'avant-projet de loi quelles pourraient être les modalités d'application de ces regroupements communautaires?

L'article 53.6 stipule que «toute communauté urbaine ou municipalité régionale de comté doit, avant le 1er janvier 2002, établir un plan de gestion des matières valorisables [...] de son territoire. Si demande lui en est faite avant le 1er juin 2001, le ministre peut accorder un délai supplémentaire pour l'établissement du plan de gestion». La CSN demeure perplexe devant une telle éventualité. Rappelons qu'il existe depuis 1987 une politique de déchets solides, qu'une consultation du BAPE a eu lieu en 1996 et qu'un plan d'action québécois sur la question des matières résiduelles est disponible depuis 1998. Prévoir des délais supplémentaires dans un tel contexte revient-il à dire que le gouvernement n'aura pas encore mis en place la législation adéquate ou est-ce parce que le gouvernement n'a pas confiance dans les capacités des intervenants municipaux à répondre à la commande?

La CSN considère que l'obtention de délais, et ce, 15 ans – 1987-2002 – après la première politique de gestion, représente un manque flagrant de volonté d'arriver à des résultats concrets dans le domaine de la gestion des déchets et des matières résiduelles. Peut-être que le ministère de l'Environnement devrait rappeler au gouvernement qu'une activité économique importante s'est développée dans le sillon des politiques en la matière, que des milliers de personnes oeuvrent dans les entreprises de l'environnement et que, jadis en croissance, ces mêmes industries ont aujourd'hui besoin de règles claires afin de survivre.

Vous comprendrez pourquoi la CSN s'oppose à des délais supplémentaires dans l'élaboration et la mise en oeuvre des plans de gestion. Si la coercition ne semble pas être présente au menu de vos alternatives lorsque la volonté d'agir se fait absente au niveau régional, il faudrait peut-être prendre l'exemple sur le gouvernement lorsqu'il s'empresse de régir par mesure législative toute tentative des travailleuses et des travailleurs du secteur public à faire valoir leurs droits fondamentaux.

L'avant-projet de loi modifiant la loi prévoit une période de consultation publique, lors de l'établissement de plans de gestion, «par l'intermédiaire d'une commission que constitue le conseil de la communauté urbaine ou de la municipalité régionale de comté». Bien qu'une représentation des membres soit déjà définie – milieu d'affaires, sociocommunautaire et groupes de protection de l'environnement – au sein de la commission, il n'y a aucune indication quant au nombre total d'intervenants sur lesdites commissions. C'est cependant l'utilisation de l'expression «dont au moins un représentant du milieu» qui préoccupe la CSN. Est-ce à dire que la Commission pourrait être composée de 6, 8, 10 ou même 15 personnes et que, outre les trois représentants désignés, l'ensemble des autres membres viendraient du milieu municipal et de l'industrie de l'environnement – récupération, valorisation et enfouissement? Si tel est le cas, la CSN considère qu'une représentation plus équitable des acteurs du milieu serait nécessaire.

De plus, puisque, dans l'élaboration des plans de gestion, un volet sera consacré aux matières résiduelles et aux déchets provenant des milieux de travail, ne serait-il pas opportun de voir apparaître au sein de la commission un représentant du milieu syndical? À cet effet, la CSN a déjà recommandé à ses organismes régionaux et sectoriels d'intervenir lors de l'élaboration et du suivi des plans de gestion.

L'autre point qui préoccupe la CSN est directement en lien avec la tenue d'assemblées publiques dont les modalités seront définies par la commission. Actuellement, les mécanismes de consultation prévus à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme sont nettement insuffisants pour assurer une consultation adéquate et approfondie sur la préparation des plans de gestion des déchets. La participation des citoyennes et des citoyens est une condition essentielle à leur implication et à la prise en charge réelle de leur environnement; elle doit aller au-delà de l'accès à l'information et à la consultation.

Dans les faits, la CSN estime que les citoyennes et les citoyens doivent avoir la possibilité de se prononcer sur la préparation des plans de gestion des résidus. La CSN aurait préféré voir apparaître un processus de consultation plus important que le simple énoncé suivant: «La commission doit, dans le délai que fixe la résolution mentionnée à l'article 53.9, tenir au moins une assemblée publique dont elle détermine la date, l'heure et le lieu.»

Considérant la nature même des débats que suscite la gestion des matières résiduelles dans les différentes régions du Québec, le ministère aurait dû prévoir un mécanisme de consultation similaire à celui du BAPE et s'assurer que tous les intervenants d'une région intéressée à la question auront droit d'expression. Bien que l'expression «au moins une» n'exclue pas la tenue de plusieurs rencontres de consultation, elle ne garantit pas la tenue de plusieurs assemblées publiques. C'est pourquoi la CSN demande au ministre de l'Environnement d'évaluer la mise en place d'un processus plus large de consultation qui soit à la fois souple et qui garantisse l'expression adéquate de tous les intervenants.

Dans l'avant-projet de loi modifiant la loi, le terme «valorisation» sera dorénavant défini. La CSN désire s'assurer que le ministère respectera le principe fondamental des 3RVE qu'il a lui-même défini dans le Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles 1998-2008. À cet effet, il est noté: «À moins qu'une analyse environnementale ne démontre le contraire, la réduction à la source, le réemploi, le recyclage, la valorisation et l'élimination doivent être privilégiés dans cet ordre lors des choix de gestion des matières résiduelles.» Cette distinction est d'autant plus importante que le projet de loi met sur un même pied, dans la définition du terme «valorisation», «des éléments ou des produits utiles ou de l'énergie». Bien que cette dernière alternative puisse apparaître moins coûteuse à l'application et présenter des retombées économiques parfois importantes, il ne faudrait pas que la Politique de gestion des matières résiduelles et des déchets devienne une affaire de valorisation énergétique et d'incinération.

(16 h 10)

L'intérêt des nouvelles dispositions législatives ne pourra se confirmer qu'avec l'adoption des modifications à la Loi sur la qualité de l'environnement dans les plus brefs délais, le tout étant accompagné des règlements qui y sont prévus. Déjà qu'une disposition de l'avant-projet de loi ne prévoit la mise en oeuvre de plans de gestion au niveau régional que pour 2002, s'il faut que l'on retarde la mise en place des règlements afférents, nous pouvons être sûrs que les objectifs du plan d'action québécois ne seront pas atteints pour 2008. Bien que certains aient déjà dit du plan d'action québécois qu'il était un projet de loi d'avant-garde, il ne faudrait pas que l'inertie gouvernementale en fasse un projet rétrograde. Voilà.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci infiniment, MM. Valois et Mercier. Vous avez soulevé beaucoup, beaucoup de points. Je vais me limiter à certains, mais je pense qu'ils sont importants. En particulier, à la page 8, le premier point, c'était en référence à la RIGDIM, pourquoi les régies intermunicipales qui existent déjà ne se verraient pas confier des responsabilités si les MRC décidaient de le faire. Effectivement, je pense que c'est un bon point. J'ai l'intention de proposer qu'on puisse faire également à l'égard des régies intermunicipales la même chose que ce que la communauté urbaine peut faire à l'égard de la RIGDIM, et on sait qu'il existe déjà beaucoup de régies qui fonctionnent très bien. Alors, pourquoi défaire ce qui fonctionne bien? Si un ensemble de MRC jugent que c'est bon, elles pourront le faire. Alors, ça, c'est un amendement qui sera apporté définitivement.

Vous parlez des regroupements communautaires dans le domaine de l'environnement – c'est aussi à la page 8. Ça, je pense que c'est par le biais des programmes d'aide et surtout par le biais des MRC que ça va se faire. En fait, quand on regarde l'ensemble du territoire, on sait que les MRC vont devoir planifier. Elles vont donc devoir dire: De quelle façon on va se comporter à l'égard des matières résiduelles? Lesquelles vont être enfouies? Lesquelles vont être envoyées dans un centre de tri, récupérées, et traitées, et revalorisées? C'est par l'octroi des contrats que les MRC vont pouvoir décider, en fait, de ce qui va arriver. Par exemple, si on décide d'avoir un centre de tri et qu'on le confie à des groupes communautaires pour des programmes d'insertion au travail ou encore de fonctionnement, bien là les groupes communautaires vont être directement impliqués. Mais, inversement, si la municipalité décide de confier ça à un entrepreneur qui s'en va, prend le tout et va les déposer ailleurs, bien, on n'a peut-être pas rempli la même mission. Je pense que ce n'est pas tout à fait dans la loi comme telle qu'on pourrait régler ce problème-là, mais des décisions ultérieures vont le permettre.

Pour le délai supplémentaire, là, je suis un petit peu ambivalent – page 9. D'un côté, on se dit que, si on se donne un trop long délai, on va à l'encontre de nos objectifs, mais, inversement, si on donne un délai trop court, tout le monde va crier qu'il n'a pas le temps de faire le travail adéquatement. Est-ce que deux ans plus une ouverture, c'est raisonnable? Vous semblez dire qu'on ne devrait pas accorder de délai supplémentaire. Est-ce qu'on ne pourrait pas baliser le cas où on pourrait mettre un délai supplémentaire et dire: C'est seulement réservé à des cas très particuliers pour ne pas inciter au retard? Peut-être qu'il y a quelque chose à faire là, mais on est pris entre ces deux éléments-là: donner suffisamment de temps, mais, d'un autre côté, ne pas non plus permettre un laisser-aller pendant quelques années. Alors, là-dessus, ambivalence.

La présence des intervenants sur les commissions, vous n'êtes pas les premiers à en parler, je pense que vous êtes le troisième groupe. Encore une fois, c'est: Comment le faire? Est-ce qu'on va dire automatiquement «tel groupe, tel groupe, tel groupe» puis qu'on va dire: Maximum 12, puis, au moins, mettons les travailleurs? Je pense qu'il va falloir qu'on aille un peu plus loin que ce qu'on a actuellement parce que je crois que les gens sont inquiets de n'être pas représentés ou que certains groupes soient trop fortement représentés par rapport à certains autres. Alors, l'équilibre, encore une fois, va être difficile, et je vais demander qu'on aille un petit peu plus loin pour préciser ça pour le projet de loi final.

Vous parlez de la consultation, mais vous dites surtout de quelle manière on devrait participer. Et là vous dites, à la fin de votre point, à la page 11: «C'est pourquoi la CSN demande au ministre de l'Environnement d'évaluer la mise en place d'un processus plus large de consultation qui soit à la fois souple et qui garantisse l'expression adéquate de tous les intervenants.» Vous avez référé au BAPE qui procède en deux étapes, une première qui consiste en une séance d'information et une deuxième où c'est plutôt de la consultation, c'est-à-dire qu'il y a une séance au cours de laquelle – plusieurs, même, des fois – le BAPE entend les représentations des personnes, des groupes, des experts, etc. Est-ce que c'est ça que vous avez à l'esprit ou bien si vous avez autre chose? Parce que ce matin des gens ont parlé, puis, à la limite, c'était un référendum.

C'est une consultation qui nous amène à dire: Oui, mais sur quoi on consulte? Quand on parle d'un plan d'action, là, est-ce qu'on donne une capacité de veto à la population? Et, si, par exemple, il y a un référendum négatif, qu'est-ce que l'on fait, surtout quand on a un délai précis pour élaborer un plan d'action? Alors, voyez-vous, il y a une question importante.

Alors, voilà, je pense que j'en ai mis suffisamment sur la table. Il y a peut-être la dernière question: j'aimerais entendre ce que vous pensez précisément, parce que vous m'envoyez la balle, mais je vous la retourne un petit peu en disant: Bien, qu'est-ce que vous suggérez?

M. Valois (Roger): On a une bonne palette pour les retourner.

M. Bégin: Pardon?

M. Valois (Roger): On a une bonne palette pour les retourner.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Mais, pour ce qui est des référendums, il ne faut quand même pas se chicaner sur les questions à chaque fois, là, tu sais. Parce que le processus de référendum, ça a l'air simple, ça a l'air démocratique au maximum, mais sauf que des fois ça dépend comment s'est posé, ça dépend quand est-ce que ça intervient. Si c'est pour refouler un processus, on n'est pas tout à fait d'accord avec l'ultradémocratie. En milieu de travail, on nous oppose ça souvent. Les employeurs, à chaque fois qu'on dépose pour un syndicat, ils voudraient qu'on aille en vote, mais, quand on est tout seul contre personne, c'est fatigant, un vote, hein? Aux États-Unis, ils ont fait ça puis ça a baissé le taux de syndicalisme pas mal. Donc, le référendum n'est pas la panacée pour la CSN au niveau de quand on veut savoir le... Surtout sur ces intentions-là, ça va dépendre de leur taux de participation. Moi, je pense qu'il faudrait réévaluer ça.

Je pense qu'au niveau du BAPE, effectivement, le BAPE, oui, il y a du monde qui s'exprime. Parce que savoir, c'est aussi agir, hein? Quand on ne sait pas, on n'agit pas. Donc, quand on sait, on agit. C'est un peu le processus qu'on dit, il faut que le monde sache ce qui se passe pour intervenir, parce que je suis convaincu qu'au Québec, au niveau des déchets puis au niveau des matières résiduelles, si le monde savait exactement ce qui se passe, probablement que la mobilisation serait pas mal plus haute qu'elle l'est présentement, malgré qu'elle ne soit pas négligeable.

Pour ce qui est du reste, je vais demander à Robert de répondre, mais, là-dessus, au niveau des consultations, il faut être capable d'en avoir qui sont plus souples pour que le monde se sente capable d'aller s'exprimer sur ce qu'il ressent, parce que le BAPE a ça comme qualité, oui, on intervient, on dit ce qu'on a à dire, après ça c'est plus technique, mais sauf que, d'emblée, le monde sait sur quoi on se prononce, il n'y a pas d'ambiguïté. En tout cas, ça permet le moins d'ambiguïtés possible, et c'est là-dessus que l'exemple qu'on donnait était donné, là.

M. Mercier (Robert): L'élément qu'on veut élaborer en particulier quand on parle du BAPE, c'est que, avec le BAPE, on assure que l'ensemble des intervenants qui sont intéressés à faire valoir les points de vue vont pouvoir effectivement s'exprimer. Je n'ai jamais vu un BAPE qui refusait des gens qui voulaient s'exprimer. Dans le cas où on s'en va dans une consultation publique – en tout cas, peut-être que c'est au niveau des termes – et qu'on décide qu'on fait une assemblée publique et qu'il peut y avoir 12 ou 15 intervenants intéressés à s'exprimer, peut-être que, moi, je n'ai pas compris l'ensemble de la procédure, mais, si on fait une assemblée publique – puis le monde municipal n'a pas l'habitude de faire des assemblées publiques de neuf à cinq, il est plutôt en travail en soirée – est-ce qu'on va avoir l'opportunité que tous les intervenants soient entendus? L'avant-projet de loi ne nous donne pas cette garantie-là que l'ensemble des intervenants vont pouvoir être entendus.

Effectivement, il y a déjà des éléments qui sont un peu similaires au BAPE, dans le sens que, bon, on donne des avis, on met à la disposition du public les plans de gestion, etc. Est-ce qu'on doit le faire par assemblée publique également? C'est une alternative qui pourrait être évaluée. Mais c'est particulièrement dans le cas où on devra entendre la population, les citoyens, les groupes concernés. Est-ce qu'effectivement cet avant-projet de loi là nous garantit que tout le monde va pouvoir être entendu? Et, si, au niveau de la commission ou des regroupements des MRC, on décide que non, quel outil on peut avoir, effectivement, pour être capable? Parce que, vous êtes sûrement au courant, M. le ministre, il y a déjà des régions où c'est assez chaud. Je pense à l'exemple de Lanaudière avec la création de la régie intermunicipale, il y a eu certaines... D'ailleurs, vous avez dû intervenir. Est-ce qu'on va avoir à revivre des situations de cet ordre-là où plusieurs intervenants voudront s'exprimer et où, peut-être parce que justement c'est au moins une rencontre publique et qu'on aura déterminé la durée de la rencontre, on pourra exclure des intervenants? Ça, on ne voudrait pas voir apparaître des situations de cette nature-là.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Alors, M. Valois, M. Mercier, merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Je vais relire un peu ce que vous dites à la page 7 et qui m'a particulièrement impressionné. Vous dites: «C'est pourquoi la CSN demande depuis plusieurs années une révision de la législation relative à l'environnement de façon à ce que les droits suivants soient reconnus aux travailleurs et travailleuses dans leur milieu de travail.» Vous en énumérez quatre. Vous dites, d'abord, le droit à l'information sur les différents types de rejets, le droit d'enquête dans le milieu de travail, le droit de refuser d'accomplir un travail comportant des risques de pollution, de contamination, etc., et le droit à la protection suite à la dénonciation de situations polluantes contraires aux normes et à la réglementation.»

(16 h 20)

Ce midi, quand je me suis retiré dans mes terres, en haut, je suis allé lire un peu. Je relisais un livre de David Suzuki et je retrouvais finalement ce que vous dites un peu. Il disait – Valeurs morales imposant le devoir de changer , c'est le titre du chapitre: «Si les individus et les institutions n'ont pas à leur disposition de renseignements exacts et crédibles, il est peu probable qu'on parvienne à les convaincre de l'importance du problème.» Or, la question que je vous pose, c'est: Ce que vous nous demandez, est-ce que ce n'est pas déjà couvert dans le Code du travail, et d'un? Et, si ça ne l'est pas, est-ce que c'est via ce qu'on est après faire dans le plan de travail du ministre de l'Environnement?

On sait tous qu'effectivement il y a des industries complètes qui ont caché pendant des générations les vérités de la vie; je pense à l'industrie de l'amiante. Je voyais un grand reportage à Radio-Canada il y a quelques jours sur l'industrie de l'amiante qui, pendant des générations, a caché à ses travailleurs – pas du Canada, c'était fait aux États-Unis... On citait l'industrie de la cigarette aussi qui a caché à ses travailleurs pendant des années les risques, et l'industrie du cosmétique. Alors, c'est un peu ce que vous dites, vous autres. C'est: Nos travailleurs, ils devraient savoir avec quoi ils travaillent. Mais la question que je vous pose, c'est: Est-ce que vous êtes à la bonne place pour nous demander ça ou est-ce que ce n'est pas plutôt le Code du travail qui doit être amendé, finalement?

M. Valois (Roger): D'abord, au milieu du Code du travail, le Code du travail, il n'a pas d'article qui prévoit ça. C'est au niveau de la Loi sur la santé et la sécurité qu'on pourrait peut-être exiger ce genre de chose là, le droit de refus de travailler, puis tout ça. C'est compliqué. Quand ils ont un syndicat, ça va bien, mais, quand il n'y a pas de syndicat, c'est compliqué en maudit. Quelqu'un qui décide d'arrêter de travailler dans une usine qui n'est pas syndiquée, c'est parce qu'il a décidé d'arrêter de travailler, point. Ce n'est pas bien, bien compliqué, ce n'est pas bien, bien sorcier.

Nous, ce qu'on dit, c'est: Le droit à l'information sur les différents types de rejets... Moi, je suis un travailleur de l'usine Fer et Titane, à Tracy – ça fait longtemps que je n'y ai pas été, là, pour être vice-président de la CSN – mais on ne savait pas trop quoi on envoyait dans l'environnement. On a demandé une enquête parce qu'il y avait des tonnes de poussière qu'on envoyait dans l'environnement, et ça, par la poussière, dans le fleuve. On récupère, aujourd'hui, à l'usine de Fer et Titane, 700 t de résidus par jour qu'on envoyait dans le fleuve Saint-Laurent. On se demande pourquoi le fleuve est peu creux; on a participé à ça un peu. 700 t par jour qu'on envoie à Contrecoeur par wagon, vous viendrez voir, c'est vérifiable, et ça, à l'exception de ce qu'on envoyait dans l'environnement par la poussière.

J'ai été en Abitibi cinq ans, moi. Où est-ce qu'ils font de l'or, là, ils n'envoient pas la poussière dans l'environnement, ils la récupèrent à la source. Oui, à 300 $ l'once, elle ne revole pas partout, hein, ils s'arrangent pour la garder. On leur a dit: Si vous gardez la poussière d'or pour vous autres, vous allez garder la poussière aussi en dedans. Mais on ne savait pas ce qu'on envoyait dans le fleuve et dans l'environnement. Quand on l'a su, on a obligé la compagnie à se prendre en main.

Par contre, en face de chez nous, il y a un autre syndicat qui, lui, pendant 35 ans, n'a rien fait. Le syndicat de Tioxide, à Tracy, ça le regardait de ne rien faire. Eux autres, ils envoyaient de l'acide sulfurique dans le fleuve tous les jours, 200 t. On voit ce que ça a donné. Ils ne savaient pas trop ce qu'ils envoyaient dans le fleuve, mais il y avait deux traces à Tracy, hein, il y avait la trace blanche de Tioxide puis il y avait la trace noire de QIT. Bien, il n'y a plus de trace, là. Le fleuve a recommencé à avoir un peu d'allure, on pêche le doré jusqu'en face de chez ma mère. Ça faisait à peu près 40 ans qu'on n'avait pas fait ça. Ça change un peu, les perchaudes n'avaient plus de couleur. L'acide, c'est fort, hein?

Sauf que ce qui est important, c'est que les travailleurs sachent avec quoi ils travaillent, puis pourquoi ils utilisent ce produit-là, puis qu'ils soient capables, en vertu des lois, de dire – le droit à l'information: Je veux savoir c'est quoi que je manipule. Le droit d'enquêter. Quand on demande ça, le droit d'enquêter en milieu de travail, quand les syndicats demandent ça, là, c'est pareil comme si on demandait aux employeurs de leur «skinner» la peau avec un débouche de boîte de sardines. Ça n'a pas de bon sens. Ils ne veulent pas qu'on enquête parce que, souvent, on connaît bien notre milieu...

Nous, on dit que la loi doit prévoir ça. Donnez-nous le droit d'enquêter comme syndicats ou comme individus – parce que, les syndicats, malheureusement, il n'y en a pas partout – le droit de refuser d'accomplir un travail qui pollue l'environnement. Je ne le fais pas. On va domper ça dans le fleuve. Non, c'est fini, je ne dompe plus. Mon camion, je ne vais plus le domper là parce que ça pollue. Je ne fais plus ça. On peut-u avoir le droit de demander ça en vertu de la loi, qu'un travailleur puisse refuser de polluer? Même les oiseaux, ils expulsent du nid l'oiseau qui n'est pas correct. Mais il faut être capable de donner cette capacité-là aux travailleurs, le droit de protection. Ceux qui dénoncent les situations, on peut-u demander qu'ils soient protégés quand ils le font? C'est ça qu'on demande à ces paragraphes-là, le droit d'intervenir, le droit de se prononcer, le droit syndical d'être sur les comités régionaux. On demande qu'il y ait un représentant syndical. On ne demande pas le Pérou.

Le président d'un syndicat, par exemple le syndicat chez nous, il représente 1 200 travailleurs. Bien, je vais vous dire qu'il y a des maires dans la même région que chez nous qui ne représentent pas ça au niveau des populations. Le maire de Saint-Michel-d'Yamaska, il en représente 200, en comptant les enfants. Nous autres, on représente 1 200 personnes qui travaillent dans un milieu qui a dû être polluant – il a été polluant longtemps – mais qui l'est moins. La compagnie, aujourd'hui, elle se glorifie de ça, parce qu'elle a mis un héron comme emblème, avec des joncs, les quenouilles, et tout, parce qu'on l'a forcée. Aujourd'hui, ils s'en glorifient.

Mais pourquoi on n'aurait pas des intervenants et des travailleurs, des travailleuses, des syndiqués sur ces comités-là? Parce que souvent on représente plus. Au niveau de la Montérégie, c'est quand même 25 000 personnes; au niveau de Québec, c'est 35 000. Montréal, 70 000 syndiqués, c'est beaucoup de membres. Moi, je suis convaincu que le président du conseil central de Montréal, à 70 000 membres, il représente à lui seul plus que beaucoup de maires de municipalité. Ah, le maire, lui, il parle pour tout le monde puis les syndicats, ils parlent pour lui? On ne la tient pas, celle-là. Il faut être capable d'être des intervenants parce que des fois on a la connaissance puis qu'on est capables de donner des exemples là-dessus.

Pour répondre au député d'Orford, dans l'amiante, les docteurs, ils cachaient l'état de santé aux ouvriers pour ne pas leur faire de peine. Ils mouraient, mais pas inquiets.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Ils mouraient pareil, par exemple. Ça, ça les a tués pareil, hein? Ils leur cachaient ça. Ils ne leur disaient pas qu'ils étaient malades de l'amiantose, ça leur aurait fait de la peine. Ils avaient quasiment la date de la mort écrite dans le visage. Ça, ça a été longtemps comme ça.

On parle de l'amiante, mais on peut parler de différents endroits, hein? On a fait une grève, une fois, chez Squibb, compagnie pharmaceutique qui faisait des médicaments. Elle faisait ça n'importe comment. On a fait une grève, une fois, pour l'argent, puis, à un moment donné, ça a reviré en une grève pour la santé et la sécurité du monde. Pourquoi? Ils fabriquaient des médicaments. C'était mal protégé, mais pourtant ils en envoyaient dans l'environnement. Je n'ai jamais vu des compagnies aussi socialisantes, moi. Elles socialisent la poussière puis la marde, elles socialisent ça tant qu'elles peuvent. Des «fans» prenaient la poussière chez nous en dedans puis elles envoyaient ça dehors. On socialisait ça. Elles sont socialistes rien que là-dessus, par exemple, hein? Sur le reste, elles étaient capitalistes pas mal. Bien, chez Squibb, c'était pareil. On s'est aperçu qu'il y en avait, des problèmes. Pourquoi? Parce que la compagnie ne faisait pas attention. On s'est battu, on a changé les conditions de travail du monde, puis là, aujourd'hui, la compagnie s'en réjouit, tout le monde est content. Il faut être capable d'écouter le monde qui a la connaissance du milieu de façon très approfondie.

M. Benoit: Oui. Allez-y. Très bien.

M. Mercier (Robert): Oui? O.K. Je voudrais compléter la réponse de Roger, parce que, effectivement, quand vous dites: Est-ce que c'est dans le Code ou dans la loi? moi, je vais vous répondre que c'est dans la loi. Dans toutes les autres institutions canadiennes, donc les autres provinces, y compris le fédéral, le droit de protection est intégré, dans six provinces, actuellement, dans la loi ou dans la législation environnementale de ces provinces-là. La loi canadienne en environnement prévoit également un droit de protection pour les travailleurs, et c'est au Yukon, si je ne m'abuse, où il y a un droit de refus. J'ai peut-être un petit blanc, là, mais, selon la vérification qu'on avait faite de toute législation canadienne voilà quelques années, il y a un endroit où on a prévu un droit de refus pour les travailleurs.

En Ontario, c'est suite à la condamnation d'un travailleur, une condamnation assez violente, si on peut dire. Il a été congédié pendant deux ans parce qu'il avait effectivement refusé de jeter dans l'environnement des produits. Il a été réintégré, avec tous les avantages. Donc, à partir de ce moment-là, la province a décidé d'intégrer dans sa législation un élément pour protéger les travailleurs qui dénonçaient. Donc, on dit: Dans le Code ou dans l'environnement...

On est déjà, dans l'environnement, aussi responsables que les entreprises parce que, quand on va au niveau des sanctions, ce sont tous les individus qui ont participé ou collaboré à provoquer une situation dangereuse, et je vous dirais que les employeurs, ils l'utilisent – en tout cas, je n'utiliserai pas de gros mots – assez régulièrement. Ils nous font des demandes, à nos travailleurs à nous, en disant: Écoutez, assumez la responsabilité; nous, si on a une récidive, on ne sera pas pénalisés par les amendes qui risquent de doubler, etc., et on connaît un petit peu la situation. Dans ce temps-là, ils nous le demandent. Mais ce qu'on répond à nos travailleurs, nous, c'est: Est-ce que vous allez être intéressés à aller en prison? Parce qu'il y a également des peines pénales qui peuvent vous amener directement en prison. Alors, à ce moment-là, nos gens, ils commencent à réfléchir autrement puis là ils disent au boss: Bien, occupe-toi donc de tes affaires puis prends-les, tes responsabilités. Donc, à quelque part, peut-être, si on assume autant de responsabilités, qu'on nous donne également les moyens de nous protéger à l'intérieur de la même législation. Je pense que ce serait logique.

Et le cheminement pourquoi? Vous dites: Est-ce qu'on a déjà caché... Bien oui. Ces arguments-là, à la CSN, on les véhicule depuis 1992 justement parce qu'à Norton, au Cap-de-la-Madeleine, ils ont fermé l'usine. Par un beau midi, ça a été dret, fret, sec, le ministère de l'Environnement a décidé qu'il fermait l'usine. Il y avait eu des discussions entre l'employeur puis le gouvernement, ça a duré 12 ans. Les travailleurs ont été mis sur le côté. On leur disait: Occupez-vous pas de l'environnement. Touchez pas à ça. Si vous parlez de ça, vous allez perdre vos jobs. Ils les ont perdues, leurs jobs. À partir de ce moment-là, la CSN a dit: Ce n'est plus vrai que vous allez nous faire ce coup-là. Vous allez nous impliquer, vous allez nous embarquer. On a réussi à gagner à plusieurs égards. D'ailleurs, quand on fait un peu la nomenclature des fermetures qui seraient liées à l'environnement...

(16 h 30)

Là, on a peut-être un autre canard boiteux, mais c'est avec les frères Lemaire, et là il faudra évaluer la livre de beurre, effectivement, sur la place de l'environnement dans cette livre de beurre là. Le beurre était probablement bien, bien mou, d'ailleurs. Mais, quand on regarde l'ensemble de la performance des syndicats CSN dans le milieu de travail, on n'a pas fermé d'usine et on a fait des cristi de beaux changements. Mais là on a réussi à faire évoluer dans des domaines où il y avait une volonté de coopération. Il y en a qui l'ont compris, ça, qu'effectivement ils avaient besoin de leur monde. Mais, excusez mon expression, il reste encore des imbéciles qui ont de la misère à évoluer, et peut-être qu'un jour on aurait besoin d'un petit coup de pouce pour faire évoluer ces gens-là qui ne veulent rien comprendre.

M. Benoit: Très bien. Très beau témoignage. Je vous remercie, messieurs.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. M. Valois, j'aimerais revenir sur la question des délais pour faire les plans d'aménagement. Ne croyez-vous pas qu'il pourrait être peut-être plus utile d'allonger les délais d'une année plutôt que d'ouvrir la porte à accorder des délais?

M. Valois (Roger): Je vais vous dire, ici, on n'est pas en négociations, mais, si on parlait d'une année ferme... Mais on les connaît, ils ne sont jamais prêts.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Donc, le danger est d'ouvrir la porte à accorder des délais.

M. Valois (Roger): C'est le danger. Présentement, c'est le ministre Bégin, ça va bien, on fait confiance au ministre là-dessus, mais il est sujet, lui, aux aléas du PM, hein? Ça fait que, si, des fois... Je ne le sais pas, mais il faut faire bien attention aux délais parce que, les gouvernements, quand ça donne des délais, c'est comme si tu mettais le bras dans l'engrenage. Le corps va passer avec, puis ils vont remettre ça aux calendes grecques.

M. Pelletier (Abitibi-Est): En d'autres mots, est-ce que vous...

M. Valois (Roger): Puis c'est dangereux de donner des délais parce que les dates sont trop charnières, là, tu sais, c'est des dates un peu charnières. On n'aime pas ça beaucoup.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Donc, ce que vous dites, c'est qu'à l'occasion on donne des délais sans que ce soit prévu. Donc, si on le prévoit, c'est sûr qu'on va en donner.

M. Valois (Roger): C'est ça, en parler, c'est quasiment y succomber, hein?

M. Pelletier (Abitibi-Est): O.K.

M. Valois (Roger): C'est comme les fréquentations, on part avec des bonnes intentions, mais la chair étant ce qu'elle est, on peut tomber, hein?

M. Pelletier (Abitibi-Est): J'aimerais vous entendre sur les pouvoirs que le projet de loi donne aux MRC, aux régies municipales, c'est-à-dire que le projet de loi donne le pouvoir à une MRC de refuser les déchets d'ailleurs, d'en dehors de son territoire. Je sais que ça soulève beaucoup de questionnements, là, de la part, entre autres, de la ville de Montréal. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

M. Valois (Roger): C'est surtout Robert qui a développé ça, parce qu'il fallait avoir... Au niveau du tonnage, et tout, c'est lui qui a développé cet aspect-là.

M. Mercier (Robert): Bien, quand on vous parlait qu'en conseil confédéral de 1992 on avait effectivement évalué que c'était probablement préférable de faire de la gestion dans notre cour – «pas-dans-ma-cour», là, «not in my backyard» – on l'a un peu évacué au niveau de la gestion des déchets. Montréal étant toujours une exception ou une réalité différente – parce qu'il faut considérer que ce sont quand même des insulaires, il faut le voir de cette façon-là – bien, c'est la limitation du territoire, d'une certaine façon, C'est comme Laval: c'est une île. À un moment donné, la gestion du territoire devient... Mais, effectivement, à l'exception de Montréal, on pense qu'il ne devrait pas y avoir – c'étaient les positions qu'on avait adoptées en 1992 – d'échange de déchets entre les différentes régions. On parle de déchets, on ne parle pas des matières recyclables, il faut le comprendre, parce que, s'il y a seulement une usine, je veux dire, si demain matin on a juste une usine...

M. Pelletier (Abitibi-Est): Je pensais surtout aux sites d'enfouissement quand je posais cette question-là.

M. Mercier (Robert): Effectivement, ce n'est pas normal de voir des situations où on traverse le parc des Laurentides avec des camions de déchets – je vous donne un exemple de cette nature-là – ou on part de Québec et on s'en va dans la région de Charlevoix, un peu plus loin, alors qu'il y aurait des disponibilités et surtout lorsqu'il n'y a pas d'efforts de faits avec les 3R. C'est ça qui est beaucoup plus, disons, désavantageux. Parce que, si on fait vraiment des efforts considérables au niveau des 3R, en tout cas, généralement, on va avoir une capacité d'enfouissement qui va être beaucoup plus supérieure. Et, si, en plus, on met de l'avant l'ensemble des orientations qui étaient dans le Plan de gestion des matières résiduelles, donc si on assortit les déchets biodégradables, les matières biodégradables afin de réduire au maximum les produits toxiques, je peux vous dire que n'importe qui quasiment pourrait gérer un centre d'enfouissement sans crainte. Mais ce n'est pas le cas actuellement.

M. Pelletier (Abitibi-Est): En d'autres mots, si je comprends bien ce que vous dites, c'est que les producteurs de déchets, ou les régions productrices de déchets, s'ils ont toujours la possibilité d'aller mener leurs déchets chez le voisin, ils ne travailleront jamais à arrêter d'en produire.

M. Mercier (Robert): Ils vont moins forcer.

M. Pelletier (Abitibi-Est): O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je vais revenir peut-être sur deux points dans votre mémoire. À la page 5, au moment où vous abordez la question de la définition suffisamment large du terme «matière résiduelle», vous nous dites, par la suite: «La CSN comprend que le ministère de l'Environnement désire se donner toute la latitude possible dans son pouvoir d'intervention, notamment par l'adoption de règlements afférents, mais nous craignons que cette omission n'entraîne un flou juridique lorsqu'il sera temps de passer à l'action.» Un peu plus loin, vous mentionnez aussi: «Qui plus est, comment sera interprétée cette absence de définition par les milieux industriels, commerciaux et institutionnels lorsqu'ils auront à collaborer avec les intervenants régionaux dans l'élaboration et la mise en place des plans de gestion?»

Quand vous faites référence à la volonté plus ou moins explicite du ministère de l'Environnement de se donner le plus de latitude possible dans son pouvoir d'intervention, par rapport au fait qu'on ne définit pas de façon suffisamment précise le concept de «matière résiduelle», est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus qu'est-ce que vous avez peut-être en tête pour qu'on comprenne mieux, de façon plus concrète, à quoi vous faites référence?

M. Mercier (Robert): Bon, si on n'a pas de définition précise de ce qu'est un déchet ou de ce qu'est une matière résiduelle, je veux dire, demain matin le ministère peut passer des règlements pour intervenir en vertu de tel ou tel type de produit lorsqu'on va utiliser un autre terme, ou tel ou tel type de déchet, si vous préférez. Donc, à ce moment-là, si on peut – comment vous dirais-je? – prioriser en fonction des problèmes qu'on va rencontrer au fur et à mesure que les problèmes vont se présenter, dans ce sens-là, moi, je trouve que c'est dangereux de ne pas avoir de définition.

Je prendrais un exemple. J'essaie d'y penser depuis le début quand on a fait l'avant-projet de loi. Je vais vous donner deux définitions d'un fruit, un fruit pulpeux avec une pelure. Est-ce que vous êtes capable de me dire si c'est une pomme ou une orange? Si je vous dis la couleur, vous allez être capable de me dire: C'est une pomme, c'est une orange. À ce moment-là, moi, je pense que le ministère se donne une espèce de pouvoir d'intervention, comme il n'y a plus de définition. Puis est-ce que c'est ça, la gestion des matières résiduelles? Est-ce qu'il faut qu'on passe notre temps à intervenir pour prendre les morceaux à la pièce? Bon, en tout cas, il y aura peut-être moins de problématique au niveau des plastiques, du papier, du métal, c'est déjà une réalité. Mais, à partir du moment où on n'en a plus, de définition, et qu'il arrive des choses – les boues, en particulier, elles ne sont pas définies – comment on va faire pour en faire la gestion? Est-ce qu'il va falloir que le gouvernement ou le ministère intervienne à toutes les fois? Donc, il y a une latitude à cet effet-là dans son intervention, mais on préférerait ne pas voir nécessairement cette latitude-là et qu'il y ait déjà des balises beaucoup plus solides.

M. Valois (Roger): Puis d'autant plus qu'il faut que les lois soient claires, parce qu'on en a, des lois qui sont claires, puis on s'en va en procès continuellement pour interpréter des lois. Donc, s'il faut les mettre floues, en plus, avec le monde qui va essayer d'interpréter ça puis le ministère qui va arriver avec son interprétation qui va peut-être être l'interprétation d'un fonctionnaire, pour partir, ou de quelqu'un qui va être au ministère, en appeler de la décision, ça peut nous mener dans des dédales juridiques qu'on ne souhaite pas.

M. Bordeleau: Au fond, à partir un peu de l'interrogation, ou de la crainte, dont vous nous faites part, quand vous dites que le ministère de l'Environnement se donne toute la latitude possible dans son pouvoir d'intervention, est-ce que vous craignez que le ministère de l'Environnement puisse éventuellement ne pas être suffisamment restrictif ou être trop restrictif? Par rapport à la définition de ce qu'on considérera éventuellement, qu'est-ce qui est une matière résiduelle?

M. Mercier (Robert): Je ferais une comparaison avec ce qui se passe en santé et sécurité: on peut faire de la prévention, on peut faire de la défense. Dans ce cadre-là, moi, je considère que le ministère va devenir interventionniste beaucoup plus. Ou il peut carrément... En tout cas, il peut décider de ne pas devenir interventionniste, mais les situations vont probablement obliger le gouvernement ou le ministère à intervenir de façon beaucoup plus fréquente. Donc, en tout cas, nous, ça nous inquiète, effectivement.

M. Bordeleau: C'est ça, c'est qu'il peut y avoir... En fait, vous ne savez pas exactement quelle utilisation en fera éventuellement le ministère si la définition est floue et large.

M. Mercier (Robert): C'est ça.

(16 h 40)

M. Bordeleau: L'autre question, c'est quand vous parlez du processus de consultation régionale. Vous dites qu'il n'y a aucune indication quant au nombre total d'intervenants sur lesdites commissions; ça peut être six, huit, 10, 15. Vous parlez d'une représentation plus équitable des acteurs du milieu qui serait nécessaire, vous parlez évidemment d'un représentant ou d'une représentante du milieu syndical, mais est-ce que vous avez eu le temps de réfléchir à ça? En fait, on parle du processus, on parle d'un organisme qui regrouperait les intervenants. Bon, on a vu le ministre, tout à l'heure, dire: On devra peut-être préciser un peu plus, au moment du projet de loi, qu'est-ce que ça serait, les intervenants dont il est question. Est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir à ça et de nous dire, par exemple, qu'est-ce que vous verriez, vous autres, comme comité, quels seraient les personnes et les groupes qui devraient être sur ce comité-là puis quel nombre de personnes? Est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir à ça?

M. Mercier (Robert): Bien, pour être franc avec vous, de façon très approfondie, je vais vous répondre non. De façon superficielle, effectivement. Si on dit qu'on aimerait voir élargir ça, c'est qu'on voudrait voir des gens du milieu syndical présents sur ces comités-là, naturellement les citoyens; on parle des groupes communautaires, du milieu des affaires, du sociocommunautaire et des groupes de protection de l'environnement. En tout cas, je ne sais pas si on inclut la population ou les citoyens dans le sociocommunautaire; il faudra voir. Mais on craint surtout de voir – comment vous dirais-je? – une quantité astronomique de personnes qui proviendraient des milieux municipaux et des milieux dits de la grosse industrie de l'environnement qui actuellement, bon, sont...

M. Bordeleau: Vous ne voudriez pas que ce groupe-là soit, au fond, monopolisé par certains groupes particuliers et vous voudriez qu'on ajoute, de plus, là, une représentation du mouvement syndical.

M. Valois (Roger): Si on se fie à ce qu'on a vécu comme expérience en développement local et régional, il a fallu se tailler une place quasiment à la hache parce que les maires étaient très présents là-dessus. Pourquoi? Parce qu'ils protégeaient leur business. Nous, on a de la difficulté à se faire une place à chaque fois. On le voit, là. Nous, on voudrait que, nommément, on soit prévus là-dedans parce qu'on a des représentants syndicaux dans toutes les régions administratives du Québec qui se sont préoccupés de la question. On fait des débats là-dessus avec eux, avec des secteurs chez nous, avec des régions chez nous, c'est du monde qu'ils connaissent. Et, quand on est syndiqué, ça doit paraître un peu, ça délie les langues, ça donne de la raideur aux genoux, ça, des fois, hein, puis ça fait des colonnes un peu plus droites. Donc, on est capable d'exprimer ce qu'on a à exprimer.

Quand on a du monde qui peut vivre dans une industrie qui est très polluante mais qui n'est pas syndiqué, il considère qu'il fait des voeux puis c'est souvent le gérant de la shop qui fait les représentations. Nous, on dit: Arrangez-vous pour que ce soit du monde qui vienne du milieu, mais, nous, on veut être là aussi. On veut être là parce qu'on représente beaucoup de monde, je vous l'ai dit tantôt. En Montérégie, par exemple, c'est 25 000; à Québec, c'est 35 000; à Montréal, 70 000; en Abitibi, on est rendu à 5 000 personnes que la CSN représente sur le territoire, sans compter les autres intervenants syndicaux des autres centrales syndicales. On dit qu'on doit avoir notre place là-dessus parce qu'on se préoccupe de ça.

Ce qui est important, c'est que ça ne devienne pas des monopoles. En termes de développement local et régional, on a vu, au niveau des MRC, des députés, des maires. Nous autres, on disait: Écoutez, on est des intervenants du milieu, là. Puis il a fallu se bûcher une place là-dessus. Il ne faudrait pas que ça devienne la même chose là-dessus, que ce soit inféodé par, entre guillemets, les élus municipaux qui viendraient, par ce comité-là – on parlait des délais, tantôt, pour le député d'Abitibi-Est – par ce biais-là, se donner des consultations qui pourraient infléchir le ministère dans des fausses pistes parce que ces comités-là régionaux donneraient des fausses indications. Donc, on ne veut pas que ce soit inféodé. Ça, là-dessus, on est catégorique. On ne veut pas que ça soit uniquement du monde qui vienne du même milieu, mais que ça soit diversifié, y compris, bien sûr, le milieu syndical.

M. Bordeleau: Ça va. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, M. le député de Saguenay, vous avez quelques minutes.

M. Gagnon: Merci, M. le Président. M. Valois, dans votre mémoire, dans le chapitre qui concerne le processus de consultation régionale, vous questionnez, là, vous indiquez que, à votre point de vue, actuellement, le mécanisme de consultation de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ne permettrait pas une consultation correcte, selon votre prétention. Pourquoi le mécanisme actuel serait insuffisant?

M. Mercier (Robert): Ce qui se produit généralement, en tout cas, au niveau des mécanismes de consultation...

Une voix: ...

M. Mercier (Robert): Excusez, monsieur. Bien, ça se passe par... En tout cas, les mécanismes de consultation qu'on voit généralement... En tout cas, moi, pour celles auxquelles j'ai participé, ça va se faire lors des assemblées municipales, à moins que je n'aie rien compris à cette législation-là. Mais, quand on s'en va dans une assemblée publique municipale où on a droit à nos deux petites questions puis qu'après ça c'est fini, bonjour et merci, à moins d'aller dans des référendums, bon, en tout cas, sur la gestion du territoire ou des choses de même, je ne vois pas comment ces mécanismes de consultation là peuvent être utilisés pour être capables de nous amener une consultation de plusieurs groupes qui seraient intéressés à faire valoir sur une période beaucoup plus longue les intervenants et les interventions. En tout cas, comme je vous dis, moi, à moins que j'en aie fait une très mauvaise lecture ou qu'on soit effectivement très mal conseillé à cet effet-là, on ne peut pas appeler ça un mécanisme de consultation publique, à moins d'aller dans les référendums ou d'aller dans... et là ça prend la population qui décide, etc.

M. Gagnon: Sans qu'on se rende à l'étape d'une consultation publique par référendum, juste l'étape comme telle de l'assemblée publique, moi, ce que j'en comprenais puis ce que j'en comprends – ma lecture diverge peut-être un peu de la vôtre, là, mais probablement que vous avez des expériences qui conduisent à des conclusions différentes – c'est que l'assemblée publique de consultation peut, elle aussi, être tenue en plusieurs séances, et, lorsque le conseil amène une proposition devant la population, les gens ont le temps d'échanger et de s'exprimer là-dessus. Je croyais plutôt, quand j'ai lu ça, qu'il y avait un problème lié beaucoup plus au partage de l'information qui conduit à l'élaboration du plan, ce qui ferait en sorte que les personnes ne seraient pas suffisamment outillées ou documentées pour intervenir de façon plus pointue sur la proposition qui est sur la table. Je me demandais si c'était ça.

M. Mercier (Robert): Il y a un peu de ça, mais je pense que, quand on regarde les sept ou neuf éléments qui constituent un plan de gestion régional, est-ce qu'on doit impliquer tous les intervenants de la région tout de suite? Ça peut être une éventualité, mais je pense que, effectivement, quand on a à commencer, on doit quand même laisser la chance au coureur d'amener des choses qui sont beaucoup plus concrètes, parce que, là, on ne commencera pas à mobiliser toute la population pour préparer le plan de gestion. On peut toujours le faire, mais on le voit beaucoup plus à partir du moment où le plan de gestion commence déjà à avoir une certaine ossature, si on peut dire ainsi. Puis, à partir du moment où on a une ossature, il faut voir avec la population et les gens à mettre de la chair après cette ossature-là. Je ne pense pas nécessairement qu'on doive commencer initialement. D'ailleurs, la commission, si on fait en sorte que cette commission-là soit composée des gens qui sont déjà représentatifs des différents milieux, on a déjà une forme de représentation qui se produit. À partir de ce moment-là, je ne suis pas sûr qu'on doive impliquer l'ensemble de la population ou des gens à intervenir à la réalisation initiale des plans de gestion. Ou je n'ai pas compris votre question. Je m'excuse, c'est parce que vous me regardez d'une drôle de façon. Ha, ha, ha!

M. Gagnon: Moi, ce que j'essayais de voir, là... Vous affirmez que le mécanisme actuel de consultation n'apporterait pas toutes les garanties que vous recherchez. J'essayais de comprendre en quoi l'assemblée de consultation, dans la forme qu'on la connaît, ne répond pas aux préoccupations que vous exprimez.

M. Mercier (Robert): Non. Excusez. Je pensais que vous disiez «dans la forme qu'on va risquer de la connaître» et non «dans la forme qu'on la connaissait». C'est pour ça que...

M. Gagnon: Non. C'est parce que, moi, je me réfère, là, à quand vous nous dites: «L'autre point qui préoccupe la CSN est directement en lien avec la tenue d'assemblées publiques dont les modalités seront définies par la commission. Actuellement, les mécanismes de consultation prévus à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme sont nettement insuffisants pour assurer une consultation adéquate et approfondie sur la préparation des plans de gestion des déchets.» Moi, je me dis: C'est important que la population puisse intervenir. Vous, la lecture que vous en faites, c'est que le mécanisme qui est proposé ne permettrait pas d'atteindre cette consultation-là. C'est pour ça que je vous demande...

M. Mercier (Robert): Elle ne permet pas de façon systématique d'atteindre... On peut l'atteindre, mais on a vu trop d'exemples où justement on se servait de ces mécanismes-là beaucoup plus pour faire du bâillonnement que pour permettre des échanges adéquats entre les différents intervenants. Donc, oui, elle peut permettre d'avoir des consultations larges, mais elle peut aussi ne pas le permettre. On aimerait avoir un processus qui va garantir effectivement que tout le monde va être entendu. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'elle peut, oui, la Loi sur l'aménagement, mais, dans sa forme actuelle, il n'y a rien qui nous donne de garanties à l'effet qu'on va se rendre jusqu'au bout d'un processus.

M. Gagnon: Mais, à partir du moment où...

Le Président (M. Lachance): M. le député.

(16 h 50)

M. Gagnon: Oui. Mais, à partir du moment où le conseil de la MRC, par ses officiers, fait un avis public qu'il y aura une assemblée sur tel sujet et que les gens pourront y intervenir et faire valoir leur point de vue, qu'est-ce qu'on attend de plus?

M. Mercier (Robert): Ce qu'on attend de plus? On attend une garantie qu'effectivement l'ensemble des gens vont pouvoir intervenir adéquatement, et on n'est pas sûr que c'est le cas actuellement.

M. Gagnon: Ça va. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Valois et Mercier, pour la participation de la CSN aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite maintenant les représentants de l'organisme Environnement Jeunesse à bien vouloir prendre place à la table. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et d'identifier la personne qui l'accompagne.


Environnement Jeunesse (ENJEU)

M. Boutin (Stéphane): D'accord. Alors, mon nom est Stéphane Boutin, je suis directeur général d'Environnement Jeunesse, et je suis accompagné de Mme Annie Massicotte, qui est administratrice sur le conseil d'administration de l'organisme.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue à cette commission, madame, monsieur.

M. Boutin (Stéphane): Merci.

Le Président (M. Lachance): Vous avez un maximum de 20 minutes pour exposer votre point de vue, votre réaction sur l'avant-projet de loi, et, par la suite, il y aura des échanges des deux côtés de la table pour une durée maximum de 40 minutes.

M. Boutin (Stéphane): D'accord. Si vous le permettez, on va juste prendre deux minutes pour s'installer, sortir nos documents et se verser un petit peu d'eau.

Le Président (M. Lachance): J'en profite pour indiquer aux membres de la commission que, demain, lorsque nous reprendrons nos travaux, ce sera dans la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Demain, 9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

M. Boutin (Stéphane): Alors, M. le Président, MM. les députés, on vous remercie de nous avoir invités aux auditions de la commission. Notre organisme, Environnement Jeunesse, est impliqué depuis plusieurs années dans la gestion des matières résiduelles autant par ses activités de sensibilisation et d'éducation que par sa participation aux débats publics. Nous espérons que nos commentaires sauront alimenter votre réflexion sur l'avant-projet de loi, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets.

Notre présentation va se faire en quatre temps. Dans un premier temps, Mme Massicotte va présenter l'organisme comme tel. Ensuite, elle va présenter notre analyse du projet de loi au regard des volets sensibilisation, éducation, formation, participation publique et implication des institutions publiques. Par la suite, je présenterai l'analyse générale du projet de loi et nos recommandations. Alors, je cède la parole à Mme Massicotte.

Mme Massicotte (Annie): Bonjour. Voici une courte présentation de l'organisme Environnement Jeunesse. D'abord, ENJEU a été fondé en 1979. Il fête, cette année, ses 20 ans. ENJEU a pour mission de stimuler le développement d'une conscience écologique chez les jeunes et de les soutenir dans leurs actions environnementales. ENJEU est un réseau québécois de jeunes, de groupes de jeunes et d'intervenants qui oeuvrent dans le domaine de l'éducation et de la formation relatives à l'environnement. C'est aussi la voix utilisée par les jeunes environnementalistes du Québec pour faire connaître leurs positions, leurs espoirs, leurs préoccupations et leurs solutions face aux nombreux enjeux environnementaux actuels. Les membres d'ENJEU sont répartis à travers tout le Québec et oeuvrent essentiellement dans le milieu des institutions scolaires. Ils posent des gestes concrets dans les différents dossiers de l'actualité environnementale et constituent des leaders influents dans leur communauté.

ENJEU a permis, au fil des années, à des centaines de jeunes d'acquérir de l'expérience au sein d'un organisme sans but lucratif en occupant différents postes de responsabilités au sein d'un conseil d'administration, comme moi, comme responsables de projets ou comme bénévoles. ENJEU a aussi réalisé plusieurs campagnes de sensibilisation dont certaines portaient spécifiquement sur la gestion des matières résiduelles. Il a développé des outils pédagogiques, sous le thème Une mine dort dur dans nos ordures , qui ont été diffusés lors de colloques, de tournées d'information et d'ateliers d'animation.

Actuellement, ENJEU s'implique dans plusieurs projets, dont les suivants: la production d'un mémoire sur la gestion de l'eau, la production et la diffusion d'un guide de gestion environnementale en milieu scolaire, l'animation d'ateliers de formation, la diffusion d'outils pédagogiques et la réalisation de colloques sur diverses thématiques environnementales, nous sommes en train aussi d'élaborer un projet pour former des animateurs régionaux en éducation relative à l'environnement, sur les changements climatiques, et, finalement, la consolidation et la diversification de son financement. À ce dernier égard, comme la plupart des groupes communautaires et environnementaux, le financement de nos activités n'est pas chose aisée, mais la solidarité, le dynamisme et l'implication bénévole des jeunes permettent de soutenir nos actions. L'année dernière, nous avons dû cesser, par manque de fonds, plusieurs activités, dont la parution de la revue L'Enjeu , une des rares revues environnementales distribuées en kiosque. Cependant, nous multiplions nos efforts pour poursuivre notre mission auprès des jeunes par des jeunes.

Alors, voici notre analyse du projet de loi, nos principales préoccupations en regard des volets sensibilisation, éducation, formation, participation publique et implication des institutions publiques. L'action 5 du Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles 1998-2008 mentionne ce qui suit: «Le plan d'action québécois demande un changement profond des valeurs à l'égard des matières résiduelles. Ce changement ne peut se réaliser sans une prise de conscience de l'importance de protéger, dans une perspective de développement durable, les ressources essentielles au bien-être des générations à venir. C'est pourquoi les activités d'éducation relatives à l'environnement et d'information sur les nouvelles façons de participer à la gestion durable des matières résiduelles sont essentielles. Des outils d'éducation et d'information doivent être élaborés, adaptés aux différents intervenants et diffusés auprès du plus grand nombre possible de personnes et de groupes.» Or, l'avant-projet de loi n'intègre pas l'éducation relative à l'environnement ni l'information auprès des différents intervenants, pourtant jugées essentielles par le ministère de l'Environnement dans son plan d'action.

Le troisième principe du plan d'action indique que la participation des citoyens à l'élaboration et au suivi des moyens mis en place pour assurer une gestion écologique des matières résiduelles est essentielle à l'atteinte des objectifs. Pour cette raison, les citoyens doivent avoir accès à l'information pertinente sur le sujet ainsi qu'aux tribunes appropriées dans le cadre des processus menant les autorités à la prise de décisions. Or, l'avant-projet de loi ne prévoit pas une participation publique réelle, continue et indépendante tout au long du processus de mise en oeuvre des plans de gestion par les municipalités. De plus, il ne prévoit pas une participation publique systématique, continue et structurée pour les comités de surveillance et de suivi des systèmes de gestion des matières résiduelles.

(17 heures)

La participation de la population et des groupes intéressés va requérir l'apport de ressources dont ils ne disposent pas pour la préparation, l'évaluation lors des consultations publiques, la mise en place et le suivi des plans de gestion. Quels moyens financiers seront mis à la disposition de la population et des groupes intéressés, dans le processus global des plans de gestion, afin que leur implication soit concrète, soutenue et approfondie? Selon l'action 15 du plan d'action, le gouvernement s'engage à utiliser les audits, les plans de réduction dans sa gestion courante, ainsi qu'à renforcer la règle à caractère environnemental de sa politique d'achat. Or, l'avant-projet de loi n'interpelle pas les ministères, organismes et institutions publics et parapublics à réduire la production et l'élimination de leurs matières résiduelles. En conséquence, les rôles, responsabilités et obligations de ces entités, dont les institutions d'enseignement, ne sont pas précisés.

Le plan d'action prévoit la diffusion publique des résultats obtenus par les établissements industriels, commerciaux et institutionnels pour la réduction et la mise en valeur de leurs matières résiduelles, et d'un bilan de la gestion des matières résiduelles aux deux ans. Or, l'avant-projet de loi n'incorpore pas de processus de diffusion publique des résultats. De plus, l'information pertinente n'est accessible auprès des industries, commerces et exploitants de système de gestion de déchets que par les municipalités ou le gouvernement. Les citoyens n'ont pas accès à cette information. Je vous remercie de votre attention et je cède maintenant la parole à M. Stéphane Boutin.

M. Boutin (Stéphane): Merci. Alors, je vais continuer avec une analyse plus générale de l'avant-projet de loi. De manière générale, il y a quand même plusieurs aspects qui sont positifs dans cet avant-projet de loi. D'une part, on intègre dans le corps de la loi des objectifs. En fait, on indique les objets de la législation. Alors, on indique qu'on a comme objectifs de prévenir ou de réduire la production de déchets, de promouvoir la récupération ainsi que de réduire la quantité de déchets à éliminer. On indique aussi qu'on a l'objectif de favoriser la prise en compte, par des fabricants importateurs de produits, des effets qu'ont ces produits sur l'environnement et des coûts afférents à la récupération, à la valorisation et à l'élimination des déchets générés par ces produits. On a également un objectif d'assurer une gestion sécuritaire des installations d'élimination.

Un autre aspect positif de l'avant-projet de loi, c'est qu'il responsabilise les municipalités dans la mise en oeuvre des politiques gouvernementales en matière de gestion des matières résiduelles, entre autres par l'élaboration d'un plan de gestion des matières de celles-ci. Il prévoit aussi la planification régionale des matières résiduelles ainsi que l'implication de la population lors du processus de consultation publique pour l'élaboration des plans de gestion. Il permet également, selon certaines conditions, aux communautés urbaines ou aux municipalités régionales de comté de limiter ou d'interdire la mise en décharge sur leur territoire de déchets provenant de l'extérieur de leur territoire. Finalement, il permet au gouvernement de réglementer plusieurs aspects de la gestion des matières résiduelles afin de favoriser l'atteinte des objectifs établis. Alors, ces éléments positifs là sont très intéressants, mais on va voir par la suite que, pour chacun, et dans d'autres cas aussi, on a plusieurs préoccupations, dans quelle mesure ça va pouvoir s'appliquer effectivement.

De manière générale, on peut dire que l'avant-projet de loi présente un échéancier qui est imprécis et qui, de toute évidence, va repousser au-delà de 2002 la mise en oeuvre des plans de gestion par les municipalités. Le processus global gouvernemental afin de mettre en oeuvre une gestion intégrée des matières résiduelles au Québec nous apparaît très long. Il s'est écoulé trois ans depuis les audiences publiques, deux ans depuis le rapport du BAPE, un an depuis la publication du plan d'action québécois, et nous n'en sommes qu'à l'avant-projet de loi. Selon celui-ci, les communautés urbaines et les MRC auront jusqu'en janvier 2002 pour produire leur plan d'action. Cette date pourrait facilement être retardée, d'une part, à cause des délais pouvant être occasionnés par l'élaboration des règlements et leur mise en vigueur et, d'autre part, par les demandes des communautés urbaines et des MRC pour obtenir des délais supplémentaires. De plus, elles ont un an pour mettre en oeuvre, pour ajuster leur réglementation aux différentes politiques gouvernementales et à la réglementation qui aura été établie et en fonction des plans de gestion. Donc, avant que les plans d'action des communautés urbaines et des MRC soient mis en oeuvre, nous pourrions attendre plusieurs années avant que les effets se fassent sentir sur la réduction de la production et l'élimination des matières résiduelles.

Comme répercussion, évidemment, aussi, c'est qu'on donne amplement le temps aux municipalités d'établir des ententes avec des entrepreneurs, que ce soit au niveau des sites d'élimination ou de cueillette des ordures ménagères. Et, comme il n'y a pas de mesures transitoires, ces ententes-là ne seront pas révisées lors de la mise en place et ne seront pas incluses dans les plans de gestion. Et on croit que, ultérieurement, cela aura des impacts sur la gestion écologique et démocratique des déchets.

L'avant-projet de loi aussi laisse au ministre de l'Environnement d'importants pouvoirs discrétionnaires qui risquent de neutraliser les effets potentiellement bénéfiques de la législation concernant l'atteinte d'objectifs ambitieux de réduction de la production, d'élimination des matières résiduelles. Alors, dans les différentes sections, on indique bien que le ministre peut réglementer. Or, on n'a toujours pas vu la couleur de cette réglementation-là. Selon nous, l'avant-projet de loi nécessite des ajustements importants pour le clarifier, le préciser afin d'éviter les ambiguïtés en ce qui concerne, entre autres, la définition des termes utilisés. Je suis certain que vous avez entendu ça, aujourd'hui: Qu'est-il advenu du terme «matière résiduelle»? Qu'est-ce que maintenant les matières valorisables? On a aussi des inquiétudes à savoir qu'est-ce que «matières valorisables» inclut. Est-ce que ça inclut aussi certains types d'incinération, ce qui a toujours été reconnu comme étant plutôt un moyen d'élimination et non pas de valorisation?

On a aussi des incertitudes, ou des questionnements, sur l'assujettissement ou non des systèmes de gestion des matières résiduelles à la procédure publique d'examen d'évaluation des impacts environnementaux. Est-ce que, par exemple, l'agrandissement ou l'établissement de sites d'enfouissement vont toujours être assujettis à ce type de procédure? De manière générale, l'avant-projet ne garantit en rien, par sa nature et sa portée, l'atteinte d'objectifs ambitieux de réduction de la production et d'élimination des matières résiduelles. En fait, on n'a pas, dans la législation – et comme on n'a pas la réglementation – fixé d'objectifs comme tels et on n'a pas non plus la réglementation qui nous oriente en ce sens-là.

L'analyse des enjeux et des impacts potentiels de cette législation peut également difficilement s'exercer sans connaître la nature et la portée de la réglementation qui l'accompagne. Comme je le disais tout à l'heure, malheureusement, on ne connaît ni la nature, ni la portée de celle-ci, ni les échéanciers pour sa mise en vigueur. L'avant-projet de loi ne favorise pas l'établissement de liens entre les municipalités et les groupes environnementaux qui ont pourtant l'expertise en gestion des matières résiduelles et qui pourraient être mis à profit dans l'établissement, la mise en place et le suivi des plans de gestion municipaux, et cela, au-delà des consultations publiques.

Le Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles 1998-2008 remplace la Politique gouvernementale de gestion intégrée des déchets solides de 1989. Or, l'avant-projet de loi n'y fait aucune référence spécifique. De plus, plusieurs des actions proposées par le plan ne se retrouvent pas spécifiquement intégrées dans cet avant-projet de loi. Les intentions d'action du gouvernement ne devraient-elles pas se retrouver dans la législation? Sinon, comment ces actions seront-elles ou pourront-elles être ultérieurement intégrées à la réglementation afin de s'assurer de leur mise en application, connaissant, si on peut dire, la non-atteinte des objectifs de l'ancienne politique de 1989? Donc, dans le plan d'action, on aurait pu croire qu'il y aurait eu des pouvoirs habilitants pour le ministre, ce qui n'est pas le cas, entre autres au niveau de la mise sur pied de programmes annuels d'information et d'éducation dans le domaine de la mise en valeur des matières résiduelles, de la mise sur pied de programmes annuels de soutien à la recherche dans le domaine de la mise en valeur des matières résiduelles et d'un soutien gouvernemental au démarrage et à la consolidation d'entreprises d'économie sociale oeuvrant dans le domaine de la mise en valeur des matières résiduelles.

Ensuite, l'avant-projet de loi n'intègre pas de programmes d'enregistrement des actions menées par les établissements industriels, commerciaux et institutionnels pour la réduction et la mise en valeur de leurs matières résiduelles ainsi que la diffusion publique des résultats obtenus. En ce qui concerne les recommandations du BAPE, celui-ci, dans son rapport sur la gestion des matières résiduelles au Québec, proposait plusieurs recommandations qui n'ont pas été reprises dans l'avant-projet de loi. Par exemple, le BAPE reconnaît le besoin de coordination nationale pour la mise en valeur des matières résiduelles et propose une structure simple et dynamique sous la forme d'une société publique. ENJEU, à l'époque, lors du dépôt de son mémoire, proposait la création d'une régie québécoise des matières résiduelles afin d'assurer le maximum d'effets positifs des interventions préconisées afin d'atteindre les objectifs fixés. Or, l'avant-projet de loi ne prévoit pas l'attribution à un organisme du rôle de coordination nationale de la mise en valeur des matières résiduelles avec les responsabilités et pouvoirs qui lui seraient conférés.

Toujours au niveau du BAPE, il recommandait la formation de comités consultatifs en gestion des résidus, qu'on appelait les COCOGIR, afin d'assurer, entre autres, un contrôle et un suivi de l'élaboration et de la mise en oeuvre du plan de gestion ainsi que de l'application rigoureuse des normes d'implantation et d'exploitation des infrastructures, d'élimination et de valorisation. Or, l'avant-projet de loi n'intègre pas la participation publique dans un fonctionnement homogène et continu qui permettrait un suivi logique et permanent des activités reliées à la gestion des matières résiduelles.

En ce qui concerne spécifiquement le plan de gestion qui doit être élaboré par les municipalités, il n'inclut pas certains aspects importants, entre autres les moyens qui seront utilisés pour harmoniser les programmes de collecte sélective des municipalités avec les industries, les commerces et les institutions, les modalités de financement des activités par les communautés urbaines ou les MRC concernées et la période d'action aussi du plan de gestion. Finalement, il n'y a pas de sanction, dans la législation, prévue pour ceux qui ne respecteront pas ces différentes applications.

Maintenant, les recommandations. ENJEU recommande que le gouvernement mette en vigueur le plus rapidement possible une législation et une réglementation sur la gestion des matières résiduelles qui permettent l'atteinte des objectifs établis par le Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles selon les échéanciers prévus;

ENJEU recommande que l'éducation relative à l'environnement, la sensibilisation, l'information et la formation de la population, des municipalités, des industries, des commerces et des institutions soient intégrées à la gestion écologique et démocratique des matières résiduelles et que ceci soit intégré à la loi;

(17 h 10)

ENJEU recommande, d'une part, que les ministères du gouvernement du Québec ainsi que les institutions publiques et parapubliques soient interpellés dans le projet de loi afin de renforcer leur politique environnementale d'achat, la réduction de la production de leurs matières résiduelles, le recyclage, le réemploi et la valorisation de celles-ci. D'autre part, l'utilisation des audits et des plans de réduction des matières résiduelles dans la gestion courante des ministères et organismes devrait être intégrée dans le projet de loi;

ENJEU recommande également que le gouvernement diffuse rapidement la réglementation envisagée pour accompagner l'avant-projet de loi afin de permettre aux parties intéressées d'en connaître la nature et la portée. La législation devrait intégrer des objectifs mesurables, les moyens devant être mis en oeuvre et les échéanciers prévus pour les atteindre;

ENJEU recommande que le projet de loi laisse moins de pouvoirs discrétionnaires au ministre de l'Environnement quant à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la réglementation concernant la réduction de la production, la récupération et l'élimination des matières résiduelles;

ENJEU recommande que l'ensemble du texte de l'avant-projet de loi soit revu afin de s'assurer que l'utilisation des termes soit claire et homogène et qu'ils correspondent aux acceptions normalement utilisées et reconnues;

ENJEU recommande que la réglementation accompagnant la loi soit utilisée, afin de favoriser la réalisation des objectifs établis, de préférence à des politiques.

Alors, comme il me reste deux minutes, je vais regarder ce que je vais vous dire pour terminer. On recommande également que le projet de loi ou la réglementation qui l'accompagne prévoie l'intégration des actions prévues au Plan d'action québécois sur la gestion des matières résiduelles et prévoie des sanctions pour ceux qui ne respecteront pas la réglementation en vigueur. En conclusion, Environnement Jeunesse est impliqué depuis 10 ans dans le dossier des matières résiduelles, entre autres par ses activités d'éducation et de sensibilisation auprès des jeunes.

ENJEU a analysé l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives en matière de gestion des déchets. Même si cet avant-projet de loi présente certains aspects positifs, toutefois, selon notre analyse, nous sommes d'avis que celui-ci doit être revu dans son ensemble. Il implique un échéancier imprécis qui repousse au-delà de 2002 la mise en oeuvre des plans de gestion par les municipalités, il n'intègre pas l'éducation relative en environnement, il laisse au ministre de l'Environnement d'importants pouvoirs discrétionnaires. Il nécessite des ajustements importants pour le clarifier, le préciser afin d'éviter les ambiguïtés éventuelles. Il ne prévoit pas une participation publique continue, autonome et indépendante tout au long du processus de mise en oeuvre des plans de gestion par les municipalités. Il n'interpelle pas les ministères, organismes et institutions publics et parapublics à réduire la production et l'élimination de leurs matières résiduelles. Il nécessite donc plusieurs ajustements pour s'assurer que l'éventuelle application de la législation et de la réglementation permette une gestion écologique, économique et démocratique des matières résiduelles.

En fait, l'avant-projet de loi ne garantit en rien, par sa nature et sa portée, l'atteinte d'objectifs ambitieux de réduction de la production et d'élimination des matières résiduelles. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Boutin, Mme Massicotte, pour vos propos et vos commentaires, dans lesquels on retrouve fort bien l'impatience de la jeunesse. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. M. Boutin, Mme Massicotte, effectivement, peut-être attribuer à la jeunesse l'impatience, mais vous n'êtes pas les seuls à l'avoir mentionné, que le délai était long, 2002. Cependant, si on veut permettre aux MRC de faire leur plan de gestion, il faut leur donner suffisamment de temps pour le faire. Peut-être pas prolonger, mais 2002, c'est loin mais c'est proche en même temps. Deux ans pour faire le travail avant que la législation soit en vigueur et que la réglementation soit là, c'est difficile de faire beaucoup moins que ça. Donc, vous parlez d'«imprécis», je pense que vous voulez dire plutôt «trop long». Je l'interprète comme ça, en tout cas, votre mot «imprécis», parce qu'une date fixe de 2002, ce n'est pas imprécis, c'est peut-être trop loin.

Vous avez également mentionné que le ministère de l'Environnement avait d'importants pouvoirs discrétionnaires. Je vous ai peut-être mal compris, mais vous avez référé à «le ministre peut». À cet égard, quel que soit le législateur, on ne marque jamais «le ministre doit», on dit toujours «le ministre peut». C'est un pouvoir qui est donné. Bien sûr que, quand on donne un pouvoir, on espère qu'il va l'exercer, mais on ne peut pas dire «le ministre doit». Donc, ce n'est pas parce que c'est imprécis ou discrétionnaire, mais c'est simplement une technique de législation, et on le formule comme ça.

Par contre, je comprends moins quand vous dites: «...d'importants pouvoirs discrétionnaires qui risquent de neutraliser les effets potentiellement bénéfices.» J'aimerais savoir qu'est-ce que vous entendez par là, parce que j'ai essayé de comprendre mais je n'ai pas trouvé d'exemple où le pouvoir de faire un règlement pourrait aller à l'encontre des intérêts du plan d'action comme tel. Je ne comprends pas. Pouvez-vous me donner une réponse là-dessus?

M. Boutin (Stéphane): O.K. En fait, ce n'est pas tant dans la mise en vigueur d'une réglementation, c'est dans la non-mise en vigueur d'une réglementation. Si le ministre a le pouvoir de faire des règlements, il a aussi le pouvoir de ne pas en faire ou d'en faire et de ne pas les mettre en vigueur, et c'est plus à ce niveau-là où on a des préoccupations, où on ne connaît pas la réglementation. Donc, il a toute latitude à mettre ou à ne pas mettre des éléments qui ne se retrouvent pas dans la législation et dont on n'est pas au courant actuellement.

M. Bégin: O.K. Au moment où on se parle, c'est sûr qu'il y a certaines ambiguïtés qu'on ne connaît pas, mais vous avez celui des pneus qui entre en vigueur le 1er octobre. Ça commence, ce n'est pas une hypothèse. J'ai dit ce matin à d'autres intervenants que, d'ici 15 jours, ils verraient commencer à paraître certaines dispositions; alors, je ne vous demande pas un acte de foi, mais vous allez être en mesure de juger. Je suis aussi impatient que vous de voir arriver les règlements. Ça prend plus de temps que je ne le voudrais, mais ils s'en viennent quand même et ils vont arriver à temps pour le projet de loi, de sorte qu'on va être en mesure de voir ce que contiennent ces règlements.

C'est là qu'on va retrouver, entre autres, les échéanciers, c'est là qu'on va retrouver les objectifs. Ce n'est pas dans la loi qu'on les met mais c'est dans les règlements. Alors, vous allez être en mesure de voir que ce qu'il y a dans le plan d'action se retrouve à la fois dans le pouvoir habilitant de la loi mais aussi dans les règlements qui vont exiger qu'on respecte les objectifs qu'on s'est fixés, qui sont des objectifs plutôt réalistes qu'extrêmement ambitieux.

Mais il faut tirer certaines leçons du passé. On a, en 1989, fixé des objectifs basés sur le volontariat, et aujourd'hui on doit constater que cette façon de faire n'a pas donné les résultats escomptés. Il faut donc prendre des moyens qui vont nous assurer que les objectifs qu'on se donne vont être réalisés. Alors, ce n'est pas tellement d'être parfait en termes d'objectifs mais plutôt d'être certain que celui qu'on a, on va le réaliser. Et je pense que, avec la façon d'impliquer et les MRC et les entreprises, nous allons avoir la certitude que les objectifs vont être atteints.

Vous avez une inquiétude concernant les évaluations des impacts environnementaux, concernant les sites d'enfouissement sanitaire. Vous savez qu'il y a un moratoire qui a été imposé, mais il y a aussi une loi spéciale qui dit que tout projet d'agrandissement ou de création d'un nouveau site doit faire l'objet d'une évaluation environnementale. Ce n'est pas mon intention de soustraire, dans le futur, ces sites-là ou ces agrandissements-là. On maintiendra soit dans un règlement ou dans une autre disposition la mesure en question, mais il est évident qu'on va continuer à assujettir les agrandissements et la création de sites d'enfouissement sanitaire à ces évaluations environnementales.

Quand vous dites: «...ne garantit rien, par sa nature et sa portée, l'atteinte d'objectifs ambitieux de réduction de la production et d'élimination de matières résiduelles», est-ce que vous référez à ce qui est écrit dans le plan d'action ou dans la loi comme telle quand vous dites une chose comme celle-là?

M. Boutin (Stéphane): On fait référence à l'avant-projet de loi.

M. Bégin: Vous avez pris quand même connaissance du plan d'action?

M. Boutin (Stéphane): Oui.

M. Bégin: Est-ce que vous dites la même chose à son égard?

M. Boutin (Stéphane): Pardon?

M. Bégin: Est-ce que vous dites la même phrase à son égard – le plan d'action – en termes d'objectifs non ambitieux ou ambitieux de réduction?

M. Boutin (Stéphane): C'est surtout le fait qu'on ne retrouve pas des éléments du plan d'action dans la législation qui nous pose problème.

M. Bégin: Ils vont se retrouver dans la réglementation. Non, mais ce n'est pas un choix personnel, c'est qu'on ne met pas dans une loi ces choses-là, on les met dans les règlements, et adaptés à chacun des secteurs, au fur et à mesure qu'ils viennent. Mais vous avez raison. Dans ce sens-là, si vous partez du projet de loi, vous avez raison de dire ça, mais ça va se retrouver dans les règlements qui vont, comme je vous ai dit, arriver. Regardez les pneus, vous avez vu, là, et ça va être de même nature pour tous les autres.

Vous avez dit: «...ne prévoit pas une participation publique continue, autonome et indépendante tout au long du processus de mise en oeuvre.» Sur ça, je vous avoue honnêtement que j'aimerais vous entendre. Comment vous verriez ça, une participation publique continue, autonome et indépendante? Parce que nous avons prévu qu'il doit y avoir, de la part des municipalités et des MRC, l'élaboration d'un plan. Elles doivent le soumettre à la population. Nous avons prévu qu'il y a une consultation réelle. Donc, après sa mise en place, il y a des comités de surveillance des sites. Il me semble qu'il y a un certain suivi. Alors, j'aimerais savoir qu'est-ce que vous entendez par «continue, autonome et indépendante».

M. Boutin (Stéphane): O.K. Je dirais que, oui, il y a la base d'un début de participation publique. La participation se fait lors d'une consultation alors que les plans de gestion sont élaborés. Et, lorsqu'on parle de révision des plans, entre autres, ou de modifications, puis encore plus spécifiquement au niveau de la modification, on parle qu'on pourrait ne pas avoir à consulter la population si on ne touche pas à l'économie générale de l'ensemble du plan de gestion. Et on peut se poser la question: C'est quoi, l'économie générale?

(17 h 20)

De manière générale, donc, les citoyens vont être consultés à un moment donné, c'est-à-dire lorsque le plan de gestion va avoir été élaboré, et disons que la consultation, ce n'est pas une participation à l'élaboration et au suivi, on parle d'une consultation lorsque le plan de gestion est élaboré pour tenir compte de leurs commentaires. Mais c'est quand même la municipalité qui a le dernier mot là-dedans, et on parle de consultation à la révision ou à la modification. Il n'y a pas de participation lors du suivi parce qu'il y a une période de temps de cinq ans, là, entre une élaboration et une révision. Et, pendant cette période de temps là, qui est-ce qui s'assure qu'effectivement on vise à atteindre nos objectifs et qu'on s'en va vers ça?

Et je mentionnerais aussi – petit détail – que, quand on parle de la composition du comité qui est formé, là, au niveau de la municipalité, on parle au moins d'un représentant du milieu des affaires et d'un représentant des autres secteurs d'activité. Pourquoi au moins un? Ça veut dire qu'il pourrait y en avoir 10. Alors, on aurait un débalancement entre les représentations au sein de ce comité-là. On rentre assez dans le détail pour ce comité, alors que, le comité de surveillance, on n'a pas de détails sur sa composition, son fonctionnement, etc. On sait la difficulté, ce n'est quand même pas toujours évident. Et on laisse aussi, pour le comité de surveillance, la charge à l'entrepreneur de former ce comité-là. Donc, on a quand même des préoccupations, sachant que ce n'est peut-être pas dans leur intérêt de savoir ce qui se passe sur leur site et dans quelle mesure on va être vraiment assuré que les citoyens vont être effectivement non seulement consultés à l'occasion, mais vont vraiment participer à la gestion des déchets.

Quand on parle de gestion démocratique des déchets, ce n'est pas: Une fois de temps en temps, on vient vous présenter de quoi; ça fait-u votre affaire ou non? C'est: On est là. On est des citoyens, des résidents. On subit des impacts des sites d'élimination, entre autres, et on voudrait être en mesure de suivre, tout au long, la progression des événements.

M. Bégin: Mais, concrètement, là, vous avez un point en disant que, pour les modifications, dépendamment de l'ampleur des modifications, on pourrait ne pas être consulté. Si on disait: Dans toutes les circonstances, vous êtes consultés, deuxièmement, au moment de la révision, on doit reprendre le processus de consultation? Bon. Là, on a fait le plan, on l'a modifié puis on l'a révisé au bout de cinq ans; consultation publique. Le comité de surveillance est là, il surveille les choses, puis je prends pour acquis cinq secondes que le travail va être efficace et effectif. J'essaie de voir comment, à part ce type d'opérations là, la participation des citoyens peut être assurée et nécessaire. J'essaie de voir comment. Est-ce que c'est parce qu'ils vont aller à une séance du conseil pour dire qu'est-ce qui ne va pas ou... J'essaie de voir.

M. Boutin (Stéphane): Bien, si on reprend les recommandations du BAPE avec ses comités consultatifs, ce qu'on appelait les COCOGIR, là – l'acronyme comités consultatifs, en tout cas, de gestion des matières résiduelles, disons, pour l'instant – ce qu'on voulait, c'est que cette recommandation-là et ces comités-là, ça soit une structure permanente qui ne soit pas seulement que, finalement, les citoyens soient appelés à être consultés une fois à tous les cinq ans mais qu'il y ait un suivi progressif. Donc, c'est une mise en place. Et, quand on parle de moyens, c'est ça aussi. C'est sûr que ça prend aussi des moyens pour établir ces comités-là, qu'ils aient donc une forme d'indépendance financière qui leur permette aussi de se maintenir, parce que c'est souvent ce qui arrive avec les comités de surveillance aussi, c'est que, après un certain temps, ça demande du temps bénévole, etc. Ils n'ont pas de sous et souvent ils n'ont pas l'information, les gens se découragent et les comités tombent en plan. Or, je pense que ces comités-là devraient être structurés, et permanents, et financés, et indépendants.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. Boutin, Mme Massicotte, merci d'être avec nous aujourd'hui. Bien, votre mémoire, il démontre cette fougue des gens qui veulent que ça bouge en environnement au Québec, et beaucoup de gens comme vous ont démontré depuis deux jours comment, effectivement, depuis le moratoire de 1993, suite à une pétition... D'ailleurs, je le disais dans mon introduction, c'est 10 000 jeunes d'une polyvalente de Magog qui étaient venus porter une pétition au ministre de l'Environnement de l'époque pour dire au ministre: Ça n'a pas d'allure, ce qui se passe dans notre cour avec le site de déchets. Et de là est arrivé le moratoire. L'opposition avait aidé, et il y a eu la loi 101. Alors, les jeunes et les regroupements que vous représentez avaient été importants dans ce moratoire qui finalement a été le début de cette réflexion qu'on a maintenant sur les matières résiduelles.

Deux petits points, parce que votre mémoire est très clair. Le premier, vous parlez de la participation de la population et des groupes intéressés et de quels moyens financiers seront mis à la disposition de la population. C'est la question que vous posez. J'imagine que vous faites référence un peu à ce qui se passe au fédéral où, quand des citoyens s'impliquent dans un organisme qui est semblable au BAPE chez nous, ils peuvent demander de l'aide financière. On me dit que ça se fait en Ontario aussi. J'ai souvent et à plusieurs occasions invité le ministre... Dans Hertel–des Cantons, par exemple, le ministre aurait pu aider des groupes qui ont eu raison en cour. J'ai suggéré au ministre à plusieurs occasions, dans le cas de la côte des Éboulements, d'aider les citoyens, mais le ministre n'a pas accepté notre demande. Est-ce que vous croyez maintenant, M. Boutin, que vous pouvez, vous, convaincre le ministre ou est-ce que ce seraient les MRC qui paieraient finalement ces citoyens qui s'impliquent au niveau de l'environnement?

M. Boutin (Stéphane): Je dirais qu'il y a peut-être deux aspects à la participation. D'une part, il y a une participation actuelle et continue des groupes environnementaux à la gestion des matières résiduelles, que ce soit par leur participation à des audiences comme ici, la production de mémoires mais aussi sur le terrain, et souvent ces groupes-là travaillent finalement à favoriser la récupération, le recyclage, etc., en faisant de la formation. Je pense que ce serait un des éléments importants, puis c'est une de nos recommandations que ces groupes-là soient reconnus dans le travail qu'ils font et soient soutenus financièrement. On veut atteindre des objectifs? Ils contribuent à l'atteinte de ces objectifs-là.

D'autre part, au niveau de la participation publique, que ce soient les MRC ou le gouvernement, la question est la même, c'est: Comment vont se financer les actions? Que ce soient des actions de mise en place de plans de gestion, de suivi auprès des entreprises, de sensibilisation auprès des citoyens ou de participation du public, la question est la même: D'où va venir l'argent? Je suis pas mal certain que les MRC se posent les mêmes questions: Où va-t-on trouver les moyens pour mettre en oeuvre ces plans de gestion, en assurer le suivi, etc.? Donc, c'est une question qui s'adresse, je pense, au gouvernement qui veut mettre en place cette structure, ce système, de savoir comment les gens vont avoir les moyens – les gens et les municipalités – pour y participer.

M. Benoit: Vous avez aussi, je crois, demandé au ministre que la réglementation soit déposée au même moment que le projet de loi. Est-ce que c'est ce que j'ai cru comprendre dans vos demandes?

M. Boutin (Stéphane): Bien, oui, effectivement, c'est ça. Le plus rapidement possible aussi.

M. Benoit: Et est-ce que vous avez compris de la réponse du ministre qu'il déposerait la réglementation en même temps que le projet de loi? Est-ce que c'est ce que vous avez compris, tantôt?

M. Boutin (Stéphane): C'est ce que j'ai pu comprendre, oui, que la réglementation dans son ensemble devrait être prête lors du projet de loi et que, d'ici deux semaines, il y a de la réglementation aussi qui sortirait.

M. Benoit: Je voulais juste être sûr qu'on avait compris la même chose, et il me fera plaisir de vous reparler, M. Boutin, pour être sûr qu'on avait compris la même chose. Enfin, j'espère vraiment qu'on ait de la réglementation, et à peu près tous les groupes nous ont dit la même chose, qu'il nous fallait, dans ce cas-ci, connaître la réglementation avant ou en même temps que le projet de loi.

L'autre demande que vous faites au ministre, c'est: Écoutez, ça a duré bien longtemps, cette histoire-là; il faut que 2002, ce soit l'année où ça va se terminer. J'aimerais ça vous dire que vous avez raison, puis je suis sûr que vous avez raison. Mais, si je me fie à l'expérience des neiges usées où le ministre a finalement dit: Bon, dans six mois, ça va être le dernier six mois, et où ça doit faire 15 ans qu'on dit aux municipalités qu'on leur donne des extensions puis des extensions, êtes-vous d'accord que, effectivement, quand le ministre dit «2002 mais avec possibilité d'extension», il vient tout simplement leur dire que ça peut prendre le temps que ça voudra bien prendre? Et c'est sur ça que vous le mettez en garde, le ministre?

M. Boutin (Stéphane): Bien, j'ose espérer que ce n'est pas la situation qui va se produire. Ce qu'on souligne, c'est que, dans l'avant-projet de loi, il y a la possibilité pour les municipalités de demander des délais supplémentaires. Donc, évidemment, notre préoccupation, c'est: Quels sont ces délais? Dans quelle mesure ils peuvent être effectivement très longs? Il y a aussi la question de la réglementation municipale qui doit être ajustée, et elles ont un an pour le faire. Donc, tout ça, ultimement, pourrait reporter vraiment au-delà de 2002 la mise en vigueur des plans de gestion, et c'est ce qui nous inquiète.

M. Benoit: Un peu plus loin dans votre mémoire, vous parlez d'une planification sur 20 ans révisable à tous les cinq ans.

M. Boutin (Stéphane): C'est ce qui était dans le plan d'action.

(17 h 30)

M. Benoit: C'est quelque chose de très intéressant. Personne ne nous est arrivé avec ce genre de projection, finalement, dans le temps. Mais, comme je dis souvent, j'ai de la misère à savoir ce que je vais manger demain matin pour déjeuner; est-ce que c'est réaliste de penser qu'on peut planifier sur une période de 20 ans même en pensant qu'on pourrait le réviser à tous les cinq ans?

M. Boutin (Stéphane): Bien, la question se pose. Si on parle déjà qu'on a un plan d'action qui est sur 10 ans, donc, minimalement – évidemment, là, bon, on est déjà en 1999, mais le plan d'action portait sur 1998-2008; déjà on a une période de 10 ans pour atteindre certains objectifs – la planification devrait porter au moins sur cette période-là, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, ce qu'on peut constater aussi, c'est que, malheureusement, s'il y a un certain délai dans la mise en vigueur des plans de gestion, par rapport à un plan d'action qui se termine en 2008, si on se retrouve en 2004, il reste à peine quelques années.

Ce qu'on peut comprendre de l'avant-projet de loi, c'est qu'on dit qu'il va y avoir une révision aux cinq ans, mais on ne mentionne pas la portée globale des plans de gestion. Donc, il y a une question qui se pose, et je pense qu'une planification à long terme est certainement préférable. C'est des problèmes qui sont durables et qu'il faut voir dans le futur.

M. Benoit: Mme Massicotte, M. Boutin, merci d'avoir été ici.

M. Boutin (Stéphane): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay.

M. Gagnon: M. le Président, je voudrais revenir sur votre affirmation que le projet de loi ne prévoit pas une participation publique continue, autonome et indépendante, et je trouve ça intéressant, l'idée de vigiles populaires que sous-tend une semblable affirmation. Comment ça pourrait se traduire dans les faits?

M. Boutin (Stéphane): Bien, comment ça pourrait se traduire dans les faits, c'est, premièrement, par une reconnaissance dans la réglementation et l'avant-projet de loi que ces comités-là doivent être établis et en leur donnant les moyens pour que les structures puissent être permanentes. D'autre part, sur ces comités-là, je pense que, dans les différentes régions du Québec, il y a déjà des gens qui se rassemblent et qui luttent contre les différents problèmes reliés aux matières résiduelles dans leur région, et souvent ce qu'il leur manque, c'est les moyens pour le faire et aussi l'accès aux informations et à la participation réelle. Donc, je pense qu'il y a plusieurs éléments qui sont importants à l'intérieur de ces comités-là. C'est, un, la possibilité d'exister, d'être reconnus, d'avoir le financement, donc d'avoir une capacité d'autonomie par rapport à leurs actions, d'avoir accès aux renseignements aussi; non pas seulement d'être fournis par une municipalité en information, mais d'avoir accès à cette information-là, d'avoir un droit d'accès à l'information. Donc, je pense que c'est ces éléments-là qui doivent être pris en compte, ce qu'on ne retrouve pas dans la réglementation et qu'on retrouve dans les recommandations du BAPE, dans son rapport sur la gestion des matières résiduelles au Québec.

M. Gagnon: Pour permettre cet échange d'information là qui est recherché par les groupes, est-ce que l'inclusion, dans le rapport annuel que le maire de la municipalité fait annuellement à ses contribuables, de l'évolution du suivi dans le plan de gestion pourrait être un élément qui répondrait à vos préoccupations?

M. Boutin (Stéphane): Quand on parle de participation, il y a une différence avec information. Je pense que la participation, ça implique de l'action, ça implique une présence, ça implique une continuité, et recevoir un bilan annuel sans avoir participé au contenu, sans savoir est-ce que ça va avoir été vérifié, par qui, est-ce que les données sont valables, etc. Quelles informations d'une municipalité à l'autre vont être données aux citoyens? Qui va régir ces informations-là? On ne le sait pas. Donc, finalement, je devrais être un citoyen passif qui attend le rapport annuel qui va me dire c'est quoi, la vérité. Je pense que c'est ça, la différence avec une réelle participation, c'est-à-dire qu'on ne fait pas que recevoir l'information qu'on veut bien nous donner mais qu'on nous donne les moyens d'aller l'obtenir et de participer à la gestion des matières résiduelles.

M. Gagnon: En fait, si je comprends bien votre préoccupation, c'est comment outiller le milieu pour qu'il soit plus critique en regard de la gestion de ces plans-là.

M. Boutin (Stéphane): Critique, et, pour être plus critique, il doit y participer de façon active et donc faire partie intégrante du processus de gestion des matières résiduelles.

M. Gagnon: Je trouve ça intéressant. Par contre, je me dis: Bon, c'est vrai que ce serait la préoccupation de ce comité-là pour assurer sa propre pérennité, là, mais j'ai vu à Baie-Comeau, lorsqu'il y a eu tout l'épisode des BPC, la mise sur pied d'un comité de vigilance qui regroupait différents acteurs du milieu. Il y en a qui provenaient du monde syndical, il y en a qui provenaient du réseau de la santé, des citoyens ordinaires, là, qui étaient inquiets par tout ce processus-là. Ils ont voulu suivre toute l'opération de destruction, d'élimination des BPC dont le ministère avait la garde et ils ont reçu un appui, je dirais, financier qui a permis au comité d'avoir les ressources nécessaires pour critiquer ou encore être rassurés quant à la démarche du processus d'élimination. Mais j'ai pu constater, en regardant aller ce comité-là, que c'était passablement lourd et essoufflant, et là on avait un sujet qui était très préoccupant pour l'ensemble de la population. J'essaie d'imaginer, dans un contexte où il n'y a d'alerte générale, là, comment un semblable comité pourrait vivre au cours de ces années-là.

M. Boutin (Stéphane): Je ne connais pas très bien la situation que vous donnez en exemple, mais je me souviens, par exemple, si ma mémoire est bonne, que ce comité-là nous avait alertés, entre autres, des différents incidents qui s'étaient produits lors des essais. Je pense que ça fait partie du rôle. C'est certain que, comme tout comité, peu importe où il se trouve, ou toute commission, il y a toujours des éléments qui peuvent bien fonctionner ou ne pas fonctionner; ça dépend souvent des individus, etc., des problématiques, de la sensibilisation, et tout ça. Je pense qu'on ne peut pas comme présumer que ça va être trop lourd, que ça ne fonctionnera pas, pour dire que ce n'est pas un élément qui devrait mis en place.

Quand vous parlez d'alerte, quand les citoyens de Fleurimont sont obligés de quitter leur résidence parce qu'il y a du biogaz qui rentre dans leur propriété, je pense que les gens devraient être mis au courant de ce qui se passe, quelle est la situation, et je suis pas mal certain qu'ils seraient très intéressés à participer à une gestion des matières résiduelles et qu'ils y sont pas mal sensibilisés. On peut parler des gens de la carrière Miron, à Montréal, je veux dire, il y en a, des problématiques qui sont majeures, et les gens sont souvent déjà mobilisés. Maintenant, ils n'ont pas de pouvoirs, ils n'ont pas de reconnaissance puis ils n'ont pas non plus les moyens d'obtenir la juste information, et c'est ce qui, je pense, est nécessaire si on veut effectivement arriver à gérer de façon écologique, démocratique les déchets et aussi à gérer de façon sécuritaire les sites d'élimination.

M. Gagnon: Moi, quand j'aborde le sujet, je me dis: Tout en trouvant l'idée très intéressante, là, on a un écueil, tout le monde. Bon, il ne faudrait pas institutionnaliser la création de comités qui viendraient alourdir toute cette gestion. Par contre, je suis tout à fait conscient que, dans des cas bien particuliers, la présence de ces comités-là est un actif important pour la solution des différends qui peuvent surgir dans le milieu. Pour répondre à des cas d'espèce, est-ce qu'on a intérêt à mettre une règle mur à mur? C'est ça que je questionne.

M. Boutin (Stéphane): C'est surtout probablement à l'usage que la sélection naturelle va s'opérer entre les endroits où il y a des problématiques, où il y a des gens qui sont sensibilisés, etc. Mais, de manière générale, je pense qu'aussi, d'un autre côté, si on inclut les gens dans une réelle participation – parce que je pense qu'il y a souvent de la démobilisation, pour ça, des citoyens – c'est qu'on fait miroiter qu'ils vont avoir un mot à dire, qu'ils vont pouvoir s'exprimer, participer à la gestion, ce qui n'est souvent pas le cas, et c'est ce qui entraîne la démobilisation. Si, d'une part, il y a une réelle information, éducation, s'il y a une réelle implication, s'il y a un réel soutien, je suis certain que les chances de succès sont beaucoup grandes, et les objectifs au bout de la ligne aussi ont plus de chances d'être atteints.

M. Gagnon: Sauf que... Mais enfin...

Le Président (M. Lachance): Il vous reste 30 secondes, M. le député.

M. Gagnon: Il est vrai que, dans des cas, on peut parler de démobilisation, mais d'autres pourraient dire que c'est plutôt un acte de confiance à l'égard des élus qui sont là au niveau des municipalités.

M. Boutin (Stéphane): Si les gens se démobilisent, vous voulez dire?

(17 h 40)

M. Gagnon: Non. Ce que j'indique, là, c'est que certains peuvent qualifier des situations comme étant démobilisantes. Cependant, d'autres pourraient dire qu'ils ont confiance dans les institutions ou les comités que les municipalités peuvent mettre en place pour gérer ces difficultés-là, de telle sorte que les gens se sentent en confiance.

M. Boutin (Stéphane): Ça pourrait être le cas.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: M. Boutin, Mme Massicotte, dans vos recommandations, au troisième paragraphe, vous faites mention des politiques environnementales du gouvernement du Québec. Je trouve que c'est une piste intéressante. Est-ce que vous pouvez nous expliquer actuellement quelle politique environnementale existe au niveau du gouvernement du Québec afin de favoriser l'achat de biens recyclés ou encore pour favoriser le recyclage?

M. Boutin (Stéphane): La politique interne?

M. Whissell: Oui.

M. Boutin (Stéphane): Ah, je ne suis pas au courant. Ce que j'ai pu comprendre du plan d'action du ministère de l'Environnement, c'est qu'on veut renforcer les politiques d'achat environnementales, qu'on veut instaurer des audits pour évidemment évaluer dans quelle mesure on atteint certains résultats, qu'on a accompli des avancées dans la réduction de la production de déchets. Je pense qu'il y a des politiques environnementales qui existent, mais ce qu'on souhaite vouloir faire dans le plan d'action, qu'on ne retrouve pas, comme on l'a dit, dans l'avant-projet de loi – et c'est ce qu'on recommande aussi – c'est qu'on stipule dans la législation que les ministères, les institutions publiques, parapubliques doivent donner l'exemple puis contribuer de façon majeure à réduire la production de déchets puis à augmenter la récupération, le recyclage, le réemploi.

M. Whissell: Alors, vous n'êtes pas en mesure de dire s'il y a déjà des politiques. Peut-être qu'elles n'existent pas.

M. Boutin (Stéphane): Je n'ai pas fait de vérification environnementale, malheureusement, de l'ensemble du gouvernement. Désolé.

Le Président (M. Lachance): Alors, Mme Massicotte, M. Boutin, merci de votre présence ici aujourd'hui.

M. Boutin (Stéphane): Merci.

Le Président (M. Lachance): Sur ce, j'ajourne les travaux jusqu'à demain, le jeudi 30 septembre 1999, à 9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

(Fin de la séance à 17 h 43)


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