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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 12 décembre 2000 - Vol. 36 N° 64

Étude détaillée du projet de loi n° 163 - Loi concernant les services de transport par taxi


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures vingt-sept minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brodeur (Shefford) remplace M. Benoit (Orford).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je rappelle à tous ceux et celles qui dans cette salle auraient un téléphone cellulaire d'ouvert de bien vouloir le fermer pendant la séance.

Remarques préliminaires

Alors, je souhaite la bienvenue à tous les membres de cette commission pour la discussion sur cet important projet de loi et je rappelle que le ministre dispose d'un temps de parole de 20 minutes d'un seul trait pour faire ses remarques préliminaires, et, par la suite, le porte-parole de l'opposition en matière de transports également. Alors, M. le ministre des Transports, vous avez la parole.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord y aller de mon cru. Je n'ai pas composé de texte précisément parce que j'ai l'intention de dire vraiment ce que je pense. Quand on a voulu toucher au taxi, on a pris la peine de rédiger un livre vert puis on a pris la peine de demander aux gens ce qu'ils en pensaient. Quatre-vingt-trois mémoires, 53 groupes écoutés. Il n'y en a pas un, groupe que j'ai vu défendre le délabrement, il n'y a pas un groupe que j'ai vu venir nous dire ici: Gardez le statu quo, sauf, dernièrement, les porte-parole du regroupement de Montréal, puis ils ne l'ont pas fait la première fois. La première fois qu'ils sont venus devant nous autres, ils ont même parlé de l'état de délabrement et qu'il fallait en sortir. Ils discutaient un peu sur le nombre d'années: C'est-u sept, c'est-u huit, c'est-u 10 ans, c'est-u le nombre d'examens annuels, etc.? Mais je n'ai jamais entendu aucun groupe, pendant cette longue série de mémoires que nous avons eu à entendre et à lire... Donc, l'état de délabrement de la flotte, c'est évident que les gens n'en veulent pas. Les consommateurs n'en veulent pas parce que ça sous-tend un objectif qui, lui, n'est pas négociable, ça sous-tend la sécurité du public.

n (11 h 30) n

M. le Président, vous avez eu l'occasion de prendre des taxis. Je peux-tu vous dire que, celui autour de cette table qui se réjouirait de l'état de la flotte dans certains coins de Montréal, je trouverais qu'il ne représente pas les citoyens? C'est épouvantable, dans certains cas, vous le savez: des portes qui ouvrent seulement par en dedans, des valises attachées avec des bouts de broche, des freins qui grinchent fer sur fer, il y a des trous dans les portes, des trous dans les ailes, des suspensions tout à fait finies. Je pense que ce n'est pas là un gage de sécurité pour des citoyens. Ça, c'est un objectif fondamental, et je n'ai pas entendu, dans les 53 groupes, de la part des 53 groupes, comme je n'ai pas lu une ligne qui était favorable à la conservation et au statu quo de cet état de délabrement ou de cet état d'insécurité. Donc, deuxième chose de réglée. Oui à la sécurité du public, non au délabrement. Donc, ça, ça m'apparaît une chose assez bien classée, à moins qu'on veuille faire du temps pour faire du temps. Donc, deux choses de clairement acquises.

Troisième chose de clairement acquise, je n'ai pas entendu beaucoup de groupes venir me dire, M. le Président, qu'il fallait continuer à réglementer davantage l'industrie du taxi. Ce qu'ils sont venus nous dire, puis presque majoritairement, même des groupes qui auraient eu intérêt à avoir leur propre système de taxi... Je prends le transport adapté. Quand on a fait venir la Fédération...

Des voix: ...

Le Président (M. Lachance): S'il vous plaît, messieurs, le ministre aimerait avoir toute l'attention des membres de la commission.

M. Chevrette: Quand on a entendu les groupes, on s'est dit: Ça n'a plus d'allure, ce n'est pas du bénévolat. Et rappelez-vous toute la notion de bénévolat qui a été discutée pendant de longues minutes: bénévolat à 0,29 $ du kilomètre, fixé par la Commission de transport de Montréal, bénévolat, à Val-d'Or, avec 20 $ de l'opération et 11 $ du repas. Ce n'était plus du bénévolat, ça. Ça empiétait carrément dans le champ de travail des chauffeurs de taxi. Qu'est-ce qu'on a dit? On a dit: Ça n'a plus d'allure. On n'a même pas attendu la réforme par loi, c'est sauté depuis le mois de juin. Il y en a qui ne s'en sont pas aperçus, mais il y en a qui ne s'aperçoivent même pas des amendements qu'on leur donne. Mais c'est fait, ça, c'est sauté depuis le mois de juin. Donc, on a dit: Ça n'a pas d'allure de continuer à faire ça.

Dans le transport adapté, on a dit: Il y a une portion de travail qui est beaucoup plus forte à aller chercher pour les chauffeurs de taxi, parce qu'il y a des endroits où il y a trop de taxis pour le travail qu'il y a à faire. On s'est dit: On va travailler avec le ministre des Finances. C'est ce qu'on fait présentement pour essayer d'aller à la transformation des taxis pour créer de l'activité économique un peu plus dans leur industrie, et ça, ça s'est fait correctement. C'est ce que majoritairement les groupes nous ont dit. Il y en a quelques-uns qui aimeraient mieux avoir leur type de transport, et je les comprends. Quand les taxis actuels refusent de transporter un handicapé, bien, le handicapé dit: Moi, je voudrais être transporté. Là, le taxi va te dire: Moi, c'est le premier refus, mais je reconnais qu'il doit en prendre un autre si je refuse. Donc, il y a moyen de trouver des hypothèses de solution pour agrandir le bassin de travail des chauffeurs de taxi tout en assumant ou en assurant une certaine qualité de services par taxi avec des moyens fiscaux. Ça, je pense qu'on va le faire, au grand désarroi de certains leaders actuels du taxi, mais on va le faire pour qui?

Et ça m'amène à vous parler de qui il y a dans l'industrie du taxi. Je m'aperçois qu'il y en a qui ont fait leur lit exclusivement avec les leaders propriétaires. Moi, je m'excuse, mais je ne suis pas là pour exclusivement les leaders propriétaires. Il y a 11 000 personnes qui triment dur 12 heures par jour derrière un volant et n'ont pas le permis de taxi, mais ils paient pour la location. C'est 11 000 personnes, ça. C'est même une majorité dans cette industrie. Puis j'ai parlé aussi à beaucoup de propriétaires individuels qui ne louent pas leur taxi, eux autres, parce qu'ils sont en dehors des grands bassins, puis qui prennent soin de leur auto, puis qui aimeraient se payer certains services, puis ils le disent. Par exemple, le petit groupe de Sept-Îles, il va venir vous dire: Moi, là, je n'ai pas d'argent pour me tenir devant la Commission de transports, puis il a bien raison. Ça prend une masse critique, à un moment donné, pour se payer des services de représentation et tout.

Donc, les 11 000 chauffeurs plus les quelques milliers qui se joindraient aussi, ça commence à faire du monde, ça, 13 000, 14 000 personnes qui seraient intéressées, peut-être 15 000 intéressées à se payer des services. Puis on bloquerait une réforme parce que 2 000 à 3 000 personnes ont décidé de faire la guerre à cette réforme pour des intérêts corporatistes très personnels? Je m'excuse, mais ce n'est pas ça qu'on va faire. Il faut une réforme, le monde la veut, la réforme, majoritairement, puis ce sont des humains, et je vais m'adresser à eux par tous les moyens dont je vais être capable, à part de ça, tous les moyens dont je vais être capable pour m'adresser à la fois aux chauffeurs puis aux propriétaires désireux d'avoir une association professionnelle, de se créer des masses critiques pour se donner des services, de se créer des masses critiques pour avoir de la représentation, de se créer des masses critiques sur le plan professionnel pour améliorer leur sort, avoir un droit de représentativité global, parce que, je répète, quand tu es pharmacien propriétaire ou que tu es pharmacien salarié, quand tu entres dans ton ordre professionnel, tu es pharmacien puis tu travailles pour enrichir ta profession, alors que c'est ce qu'on veut faire dans la loi du taxi. On ne veut pas que le locataire devienne celui qui donne des diktats au propriétaire, ce n'est pas lui qui a acheté l'auto, ce n'est pas lui qui entretient l'auto. Le propriétaire reste propriétaire, puis on va le définir de façon claire si ce n'est pas assez défini. Mais on va, M. le Président, sûrement offrir l'opportunité à plus de 15 000 personnes qui voudront bien, au lieu de se battre, se donner des opportunités, un outil de travail... C'est ça, l'objet de la loi.

C'est une association professionnelle? On a commencé par leur faire accroire que ce serait la FTQ, parce qu'elle avait émis un communiqué: La FTQ est désireuse depuis des années ? c'est vrai ? d'offrir des services. Mais c'est qui qui va les acheter, les services? C'est l'Association professionnelle. Elle les achètera de qui elle voudra. Ce n'est pas ça qui est dans le projet de loi, si vous lisez bien. Dans le projet de loi, c'est une association professionnelle qui élit ses membres qui vont décider en assemblée générale d'acheter des services, la quantité de services qu'ils voudront bien s'acheter et la qualité de services qu'ils voudront bien s'acheter et où ils voudront bien les prendre. Avec un tantinet d'honnêteté intellectuelle, M. le Président, ça ressemble à une association professionnelle, ça. Et, s'il y a des associations désireuses d'offrir leurs services, on ne peut pas leur reprocher ça, elles ont le droit. Elles le feront quand elles voudront, elles les offriront quand elles voudront. Je fais confiance, moi, personnellement, à l'ensemble, aux 18 000 chauffeurs de taxi qui vont se donner des lignes de conduite, qui vont vouloir s'acheter une qualité de services ou une quantité de services où ils voudront bien les prendre, surtout si on ne fait rien pour les mêler. Mais c'est qu'on leur montre plutôt que c'est à eux à décider, c'est à eux à se prendre en main, c'est eux qui auront véritablement les pouvoirs de le faire.

Et j'ai hâte d'entendre chacun 20 minutes, là, parce qu'ils sont en train de se distribuer les 20 minutes, là. J'ai hâte, pendant leurs 20 minutes, d'entendre ce qu'ils vont nous dire sur la compréhension du projet de loi. Parce que ce qui est important pour un législateur, surtout que ça reste confiné à perpétuité, ça, c'est de savoir quel degré on a de la compréhension d'une loi, de l'interprétation qu'on en fait, M. le Président, et qu'est-ce qu'on fait également pour bâtir de façon constructive une législation pour 18 000 personnes qui travaillent dans l'industrie du taxi au Québec.

Donc, qualité de services, qualité de matériel qui va être bien identifié, sécurité du public, possibilité de se donner des services, démocratie ? démocratie, M. le Président, oui, démocratie complète au sein de leur Association professionnelle ? forum. Ah, là, on a dit: Un forum, c'est-u épouvantable, ce qu'ils ont décidé dans le Forum! Je vois le député de Shefford, M. le Président, et quelques autres, à part ça. Le député de Shefford, c'est un petit peu moins pardonnable parce qu'il avait eu les amendements. Il y en a d'autres que j'ai entendus; quand même qu'ils verraient les amendements, je ne suis pas sûr que ça changerait le discours, mais qu'importe. Il reste que le député de Shefford avait vu les amendements, les orientations. Et qu'est-ce qu'on disait dans les amendements sur le Forum? Ils ont dit: Scandale! le ministre nomme des personnes.

n (11 h 40) n

M. le Président, un forum, c'est pour influencer le ministre ou informer le ministre sur une industrie pour qu'il puisse prendre des décisions. C'est ça, un forum. On l'a fait dans le vrac, on l'a fait dans le camionnage en général. On a nommé des personnes qui nous ont... On a pris la formule à peu près de la 135, qui, en passant, la loi n° 135, a été votée à l'unanimité, y compris par l'opposition libérale. On a dit: On va prendre le même pattern. Ce n'est pas assez, il faut aller dans la spécification des groupes. Je suis prêt à aller là. Ce n'est pas assez, il faut dire quels groupes. Je suis prêt à aller là. Oh! je ne bute pas pour le plaisir de buter, je veux créer un lieu de concertation où les gens vont venir dire: Dans notre industrie, voici quel est le problème majeur. Et, comme ce n'est pas des syndicalistes avec des conventions collectives puis comme il y en a beaucoup qui sont propriétaires et tout, on va dire: Oui, mais comment on pourrait régler ça? On pourrait régler ça de telle, telle façon, comme on a fait, par exemple, dans le camionnage en disant: Ça va être un contrat type, puis les contrats types vont pouvoir discuter de telle chose, telle chose, telle chose, puis on va arriver avec des solutions.

Imaginez-vous, c'est-u antidémocratique que de se donner un lieu de concertation où on va pouvoir discuter avec les gens qui connaissent ça, y compris les consommateurs? C'est très, très antidémocratique, ça, de vouloir se donner un lieu où l'intelligence collective va être mise à profit et non pas dans des lieux où les gens vont s'affronter et vont se confronter, mais dans un lieu où ensemble ils vont venir s'asseoir dans le désir et l'objectif très précis de trouver des solutions aux problèmes de l'industrie!

S'il y a des petits accrochages au niveau de la courtoisie ou du processus de nomination, M. le Président, soit! Qu'on dépose des amendements, puis on va corriger. Sur l'objectif, j'ai hâte de voir l'opposition se brancher contre la création d'un forum. J'ai hâte de les voir: Contre la création d'un forum, contre la création d'une association professionnelle, contre le fait qu'on se donne des outils, contre le fait qu'il y a de la sécurité publique, contre... Franchement! J'ai hâte de voir ça, moi. Parce que, cette loi-là, on ne l'a pas inventée. Quand ils sont venus nous voir pour dire: Il faut que ça change dans cette industrie, on a dit: On va tous se donner tous les outils possibles puis on va se les donner pour pouvoir changer des choses.

On a dit: Il faut régler le cas des limousines. Ça a été heureux. Même, il y a des choses qu'on a apprises en commission parlementaire, parce qu'on s'aperçoit bien que, dans ce système, avec tout ce qui s'est développé comme moyens de transport, il faut être prudent dans le type de contrats que l'on donne, parce qu'on peut facilement empiéter dans le champ de travail d'un autre. Donc, limousines, on a déjà des amendements de prêts après avoir écouté les groupes en commission et on a hâte. Même, j'en ai un à 12, à 15, puis j'ai trois amendements additionnels à ceux que j'ai déjà fait connaître, parce qu'on les a écoutés justement de façon intelligente, et je pense très sincèrement que les groupes qui sont venus devant nous, en tout cas, ont eu l'air d'apprécier la façon et l'ouverture qu'on a démontrées, puisque huit ou neuf groupes, je pense, ont manifesté des remerciements même par écrit sur l'ouverture qu'on a eue, l'écoute qu'on a eue puis la façon dont on est arrivé à faire les discussions. Et, au besoin, je pourrai déposer ça à l'opposition.

Mais nos prochaines cibles d'intervention, M. le Président... Parce que je voudrais vous aviser que j'ai envoyé ce que j'ai déposé ici. On a envoyé à chaque conducteur, à chaque chauffeur de taxi, qu'il soit propriétaire ou locataire, un petit dépliant expliquant la loi ainsi qu'une lettre expliquant les amendements législatifs qu'on avait déjà de prêts pour... Et, au besoin, j'ai l'intention même d'intervenir auprès des chauffeurs locataires. C'est 11 000 personnes, c'est 11 000 personnes qui travaillent à Montréal, c'est 11 000 personnes qui ont le droit de voir... Parce que la seule organisation qui existe présentement, c'est l'organisation des propriétaires. Les locataires n'ont aucune représentativité, les locataires ne peuvent pas dire à quelqu'un qui est un de leurs leaders de s'ingérer, il n'y en a pas. Les ligues ont été conçues et faites pour les propriétaires. Et c'est très important d'avoir des ligues de propriétaires ou des associations bien gérées, qui ont des masses critiques et tout. Mais, sur le plan professionnel, ce que je veux gérer, moi, ce n'est pas le fait que les patrons... Ils peuvent toujours se regrouper, créer les compagnies qu'ils veulent. La preuve, c'est qu'il y a 300 et quelques... Combien d'associations de services?

Une voix: Trois cent cinquante.

M. Chevrette: Trois cent cinquante associations de services, et ça, je veux dire ça à l'opposition. Il y a 350 associations de services où chauffeurs propriétaires et locataires travaillent ensemble, quotidiennement ensemble, et j'espère qu'on n'alimentera pas une opposition qui n'a pas existé dans le passé entre les deux groupes. La preuve, c'est qu'on ne touche pas aux associations de services. On dit: Vous êtes habitués à votre stand, à votre compagnie, Diamond ou d'autres, vous êtes habitués de travailler ensemble; ça, on vous laisse ensemble, on ne touche pas à ça, vous avez votre propre système de répartition. Les permis, c'est bien souvent de là que prend leur valeur, c'est au niveau de l'association de services. Les permis ont une même valeur dans une association de services, c'est évident. On ne touche pas à ça puis on va protéger même la valeur de vos permis.

Mais pourquoi j'instaurerais aujourd'hui, M. le Président, après avoir entendu 53 groupes et lu 83 mémoires, un système qui ne plaît qu'à une minorité dans l'industrie du taxi? Pourquoi pas un système qui permettrait aux 18 000 d'avoir l'opportunité d'améliorer leur sort? Pourquoi nous chicanerions-nous pour donner des privilèges à des propriétaires qui peuvent s'en donner en tout temps puis qui ont des objets communs? Je pense qu'il faut y penser très sérieusement et travailler de façon très professionnelle en visant à améliorer le projet de loi qui permettra à une industrie de s'en sortir correctement, d'agrandir son champ de travail, d'avoir une représentativité correcte, de se donner des services qu'elle veut bien se donner, et ce, pour des hommes et des femmes. Et, je le rappelle, que tu sois propriétaire ou que tu sois locataire, tu es un bonhomme ou une bonne femme qui gagne sa vie correctement, et je ne crois pas que ce soit aux parlementaires à faire en sorte qu'on puisse les opposer; au contraire, les parlementaires doivent faire en sorte que, dans cette industrie-là, il y ait le plus de concertation possible entre eux.

Et, si j'étais un peu plus explicite, je me demanderais pourquoi, dans une même profession, quand on assure que le droit de propriété est très bien conservé... Pourquoi des individus veulent-ils autant s'opposer au fait qu'on puisse améliorer ensemble une industrie, si ce n'est que par des intérêts très personnels, des intérêts corporatistes, des intérêts égocentriques ou encore des intérêts dont je ne connais pas les racines? Puis je peux bien être président d'une ligue, donc je pourrais bien être président d'une association professionnelle, il y a juste plus d'électeurs qui voteront pour moi au bout. Voyons! Il me semble qu'un chauffeur de taxi... Pour moi, il est aussi noble d'être chauffeur locataire que d'être chauffeur propriétaire, et c'est pour les deux, les deux catégories de travailleurs, qu'on va travailler, ici, de ce côté-ci de la Chambre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports et député de Shefford.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. J'ai bien écouté le ministre. D'ailleurs, le débat dure depuis déjà plusieurs semaines. Je voudrais commencer sur la question des amendements. Il y a plusieurs amendements qui ont été déposés, l'opposition en a pris connaissance. Je peux signifier immédiatement au ministre qu'il y a plusieurs amendements qui font notre affaire.

Le ministre nous disait, tantôt: Le député de Shefford, c'est moins pardonnable, il a eu les amendements, il a parlé contre le Forum des intervenants. Mais, M. le Président, je dois dire que ça faisait partie des discussions avant la commission parlementaire, les consultations de la semaine dernière, et nous avons pris connaissance de ces amendements-là. Je peux vous dire d'entrée de jeu que ce que nous avons vu des amendements correspond à des demandes qui ont été faites par l'opposition particulièrement et aussi par des chauffeurs de taxi.

Les consultations que nous avons faites la semaine dernière nous ont permis d'écouter encore des groupes intéressés à l'industrie du taxi ou à l'industrie des limousines. Le ministre s'est engagé, du moins j'ai cru comprendre, durant la commission parlementaire, qu'il s'était engagé à déposer d'autres amendements. On se rappellera, par exemple, qu'il y a un directeur de caisse populaire qui est venu faire des recommandations. On se souviendra également que l'Association des limousines de grand luxe... Parce qu'il y a trois associations de limousines, mais on se souviendra, à la fin des consultations, que les gens des limousines de grand luxe sont intervenus, et, à mon sens à moi, ça avait plein de bon sens. Ils ont pu faire valoir que les limousines de grand luxe, c'était une industrie différente de celle du taxi régulier qu'on peut connaître.

n (11 h 50) n

On aurait souhaité aussi, parce qu'on en a abondamment discuté durant le débat qui a duré quelques semaines et durant la commission parlementaire, avoir des amendements qui pourraient rassurer les propriétaires de taxi sur l'Association professionnelle. On aurait souhaité aussi avoir des amendements déposés créant plus de rigidité sur l'émission de nouveaux permis, parce qu'on sait que les chauffeurs propriétaires craignent, de bon droit, l'émission de nouveaux permis de taxi à des sommes tout à fait aléatoires. Donc, M. le Président, d'entrée de jeu, nous souhaitons, nous aurions souhaité avoir le plus possible les amendements. J'ignore s'ils sont disponibles. Je ne voudrais pas non plus que l'absence de ces amendements puisse permettre au ministre de dire: Bon, bien, ils parlent, ils parlent, ils font leurs 20 minutes, comme ils disent, puis on dépose les amendements après. Je ne sais pas s'il a tant de plaisir que ça à nous écouter parler durant 20 minutes chacun. C'est peut-être le cas.

M. Chevrette: Ça dépend desquels qui parlent.

M. Brodeur: J'ose croire que le ministre apprécie lorsque je parle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Certainement, M. le député.

M. Brodeur: Il pourra naturellement m'entendre...

M. Chevrette: Très longtemps.

M. Brodeur: ...très longtemps ici, en commission parlementaire, parce que, malheureusement, M. le Président...

M. Chevrette: ...de nous annoncer un filibuster?

M. Brodeur: ...si le ministre ne dépose pas dans un bref délai des amendements qui ne reflètent pas l'intérêt général ? je reviendrai sur les deux intérêts, là, des propriétaires et des locataires, mais l'intérêt au moins général, celui qui recoupe le plus de chauffeurs ? nous serons dans l'obligation de lui rappeler ou d'essayer de négocier ici ? négocier ici, parce que c'est ce qu'on va faire ? des amendements qui seraient acceptables pour tout le monde, et nous ne ménagerons aucune énergie pour demander des amendements qui pourraient satisfaire autant les propriétaires que les locataires.

J'entendais, il y a quelques instants, le ministre des Transports nous dire qu'il fallait réagir humainement parce qu'il y a 11 000 personnes qui sont locataires. Il y a à peu près, disons, pour faire des chiffres moyens, un tiers de propriétaires, deux tiers de locataires. M. le Président, de ce côté-ci, nous sommes tout à fait conscients qu'il y a deux groupes qui pourraient éventuellement s'affronter dans le projet de loi sur le taxi. Ce dont il faut être conscient lorsqu'on dépose un projet de loi, c'est qu'il faut arriver avec le plus large consensus possible. Et, lorsque nous sommes devant une situation qui, de toute évidence, oppose deux groupes à intérêts différents, il faut arriver, sans consensus possible, à avoir au moins la possibilité, même pour le groupe minoritaire, de se faire entendre de façon sûre.

Ce qui arrive, M. le Président, dans ce cas-là, c'est qu'il y a une crainte, une crainte légitime, des chauffeurs de taxi propriétaires. Nous sommes tout à fait conscients que les conditions de travail ne sont pas excellentes dans le taxi. Nous en sommes conscients autant au gouvernement qu'à l'opposition, et surtout dans l'industrie. On a juste à discuter avec des chauffeurs de taxi pour voir qu'autant on se doit d'améliorer les services et la qualité des services, autant on doit faire en sorte de bonifier les conditions de travail des chauffeurs de taxi. Mais, dans le cas qui nous occupe ? et puis j'ai moins d'expérience que le ministre ici, en cette Chambre ? je pense qu'il est dangereux d'adopter une loi qui ne fait pas, je pourrais dire, adopter le terme «large consensus», puisqu'on a le tiers des gens qui ne sont pas satisfaits du projet de loi, tel que libellé, tout en réaffirmant, et le ministre le disait tantôt et il l'a dit en terminant la commission parlementaire mercredi dernier, qu'il était touché par ces conditions de travail là des chauffeurs locataires qui souvent sont des conditions difficiles. Lui-même soulevait qu'il était né à Saint-Côme, et puis il parlait des difficultés lorsque vous arrivez avec, en fin de compte, un historique qui n'est pas le même que ceux des autres, par exemple, en imageant la différence entre les locataires et les propriétaires.

Donc, M. le Président, je pense qu'il faut donner les moyens à tout ce monde-là, premièrement, de se sécuriser et, deuxièmement, de réaliser une association professionnelle, une vraie association professionnelle qui va permettre autant à un groupe qu'à l'autre groupe de se réaliser dans l'industrie du taxi, sauf qu'on part du mauvais pied. Présentement, je pense que la grogne règne, principalement chez les chauffeurs propriétaires. C'est légitime d'avoir une crainte là-dessus. Puis je sais que, le ministre, ça l'agace lorsqu'on parle de syndicalisation ou de syndicalisation déguisée, sauf qu'il y a des choses qui se sont passées, historiquement, dans le dossier, qui ont fait en sorte, en fin de compte, d'attiser le ressentiment des chauffeurs propriétaires.

Et, lorsque le ministre nous parle tout le temps du fameux communiqué de presse de la FTQ, que tout le monde exhibe, qui a été émis le 1er mai, M. le Président, je comprends que le ministre dit que la FTQ, bien, en fin de compte, c'est légitime de vouloir offrir des services à une association. Oui, c'est légitime, c'est légitime à n'importe quel organisme d'offrir un contrat de services, surtout lorsqu'on est dans l'entreprise de services, d'offrir des services à une association quelconque. Mais c'est l'esprit du communiqué qui, en fin de compte, a apeuré ces gens-là, et puis c'est légitime que ceux-ci réclament des garanties à l'effet que cette Association professionnelle là n'est pas une syndicalisation déguisée, parce que, au-delà des réjouissances de la FTQ et du Syndicat des métallos, c'est écrit dans le communiqué: «Le ministre Chevrette a fait part de cet engagement lors d'une rencontre tenue à Montréal avec le président de la FTQ et les représentants du Syndicat des métallos. La nouvelle Association professionnelle remplacera les actuelles ligues de taxis.»

M. le Président, c'est l'esprit dans lequel ça s'est fait. Pourquoi annoncer à un syndicat la création d'une association professionnelle, alors qu'il me semble qu'il aurait pu annoncer ça ici, en conférence de presse, ou à Joliette, ou à Montréal, ou dans son bureau? Mais pourquoi l'annoncer à cet endroit-là? Donc, à ce moment-là, vous comprenez que ça a élevé un sentiment, entre guillemets, de suspicion de la part des chauffeurs propriétaires et qui a été attisé par le directeur adjoint du Syndicat des métallos qui, la même journée, disait ? bon, André Tremblay, en parlant de cette Association professionnelle: Elle pourrait être rattachée aux métallos en vertu d'un contrat de services. Donc, si vous avez déjà été en affaires, vous pouvez comprendre que, lorsque vous avez une petite entreprise puis que vous êtes un propriétaire et puis un employé, ça peut créer un climat assez spécial, si on peut juste, juste se laisser effleurer l'esprit qu'il pourrait y avoir un syndicat d'impliqué là-dedans.

Je reconnais qu'une association professionnelle, M. le Président, ce n'est pas un syndicat, sauf que, si la loi n'est pas opaque et fait en sorte que, comme on dit, la game est jouée d'avance et que déjà ça se trame pour impliquer la FTQ ou le Syndicat des métallos dans l'Association professionnelle, à ce moment-là, on doit se poser des questions et puis faire en sorte que la loi le permette seulement dans la volonté où l'ensemble des intervenants sont d'accord. Puis, dans le cas qui nous occupe, il semble que l'ensemble des intervenants ne sont pas d'accord. D'autant plus surprenant. Bien, ça m'est arrivé personnellement. Le jour où le ministre a déposé sa loi, le 15 novembre, je me souviens, je sors du salon bleu. La première chose que j'ai, c'est un coup sur l'épaule, un gars du Syndicat des métallos. Il me dit: C'est pas mal bon, ce projet de loi là. Pourquoi un gars du Syndicat des métallos vient me dire, au dépôt d'un projet de loi sur les taxis, que c'est pas mal bon? Je comprends que, un projet de loi, quelqu'un peut le trouver bon, mais que le gars du Syndicat des métallos vienne me dire, comme ça...

M. Chevrette: Ah, c'est effrayant.

Une voix: Il y a des syndicats qui lui donnent des tapes sur les épaules?

M. Brodeur: Oui, des tapes sur les épaules données par des gens des syndicats. D'ailleurs...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Est-ce qu'on peut avoir un peu de discipline, ici?

M. Chevrette: Oui, mais elle est drôle.

Le Président (M. Lachance): Vous pouvez poursuivre, M. le député de Shefford.

M. Chevrette: Vous l'avez ri, vous aussi.

n(12 heures)n

M. Brodeur: Donc, M. le Président, pour en revenir au vif du sujet, ce que je dis au ministre, c'est qu'il serait souhaitable d'avoir un large consensus sur le projet de loi. Et, lorsque déjà une partie appréciable des intervenants se posent des questions, je pense que ce serait la moindre des choses de réagir. On lui a donné plusieurs occasions de réagir. On a déposé une motion de report, par exemple, qui aurait permis au ministre de consulter l'ensemble des chauffeurs, y compris les chauffeurs propriétaires qui sont inquiets de l'adoption d'un tel projet de loi. On a déposé quelques motions d'ajournement pour permettre au ministre d'écouter ces gens-là.

On sait que le ministre, par exemple, il y a quelques semaines, deux ou trois semaines, a eu une rencontre sûrement instructive avec des chauffeurs de taxi ici, à Québec. J'ai eu l'occasion d'écouter la bande sonore. Ça a été très, très intéressant, une réunion fort agréable que le ministre a tenue ici pour informer les chauffeurs de taxi de la teneur du projet de loi. M. le Président, après avoir entendu la bande sonore et après avoir lu le sommaire de l'événement dans le journal Le Soleil du 30 novembre, où le titre était Les travailleurs de l'industrie contestent Chevrette, on voit d'un bout à l'autre de l'article qu'il y a pour le moins des interrogations sérieuses sur le projet de loi.

M. le Président, quelques jours plus tard, c'est-à-dire même la même journée, j'ai ici une copie d'une lettre qui a été envoyée au ministre des Transports de la part du président de la Ligue de taxis de Montréal, du Regroupement québécois du taxi ? et là je sais que le ministre est chatouilleux, parce qu'il y a peut-être un petit conflit personnel entre le président du Regroupement québécois du taxi et le ministre ? qui invitait le ministre à tenir une assemblée semblable à Montréal et qui pourrait permettre au ministre de s'enquérir de l'état d'esprit des chauffeurs de taxi de cette région, mais aussi de s'enquérir des amendements qui pourraient être proposés par le Regroupement québécois du taxi. J'ai même offert, au salon bleu, d'accompagner le ministre dans une réunion avec les chauffeurs de taxi à Montréal. Donc, on pourrait s'asseoir l'un près de l'autre, à la place de l'un, en face de...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: ...l'un en face de l'autre...

M. Chevrette: Tant qu'à y être, l'un sur l'autre.

M. Brodeur: ...et écouter ces chauffeurs de taxi là afin d'arriver à une négociation, à un règlement final qui pourrait satisfaire tout le monde. Je pense, M. le Président, que c'est le moins que puisse faire l'opposition, soit, premièrement, d'améliorer un projet de loi, de le bonifier.

Puis, sans être chauvin, vous avez bien entendu comme moi puis comme tous les collègues ici, alentour de la Chambre, les représentations de l'opposition à l'Assemblée nationale, et je pense qu'ils vous diraient, s'ils avaient la liberté de s'exprimer là-dessus, que c'est l'opposition, en fin de compte, par ses recommandations, qui a permis le dépôt de plusieurs amendements que l'on a reçus la semaine dernière. Donc, M. le Président, je sais que c'est «politically» incorrect de l'admettre de la part du gouvernement, mais l'opposition, dans ce dossier-là, a travaillé de façon très, très constructive.

Donc, M. le Président, à partir de ces données-là, je pense que ce serait la moindre des choses que le ministre accepte l'invitation du Regroupement québécois du taxi, qui représente 75 % des propriétaires de taxi au Québec, et ce n'est pas rien, 75 % des propriétaires de taxi non seulement à Montréal, non seulement à Québec, mais partout dans la province. J'ai eu l'occasion de rencontrer, moi, des chauffeurs de taxi de Saint-Hyacinthe, de Drummondville, de Saint-Eustache, de Terrebonne, plusieurs chauffeurs de taxi dans la région du ministre, des chauffeurs de taxi dans la région de Sherbrooke, des chauffeurs de taxi de... Je pense que même il y en avait un de Val-d'Or, des gens de Québec aussi. Donc, on pourrait facilement suspendre les travaux de la commission, retourner pour négocier ces quelques amendements, parce que je dis bien «quelques amendements», puisqu'il y a déjà des amendements qui ont été déposés, qui sont appréciables mais très loin, très loin, très, très loin de régler le problème. On est encore à mille lieues d'une entente avec les chauffeurs de taxi.

M. le Président, le ministre s'est donné la peine de rencontrer des gens, à Québec, accompagnés de M. François Dumais qui est aussi de l'industrie du taxi et qui a aussi une opinion valable. Mais on peut, d'une façon, je pense, plus agréable, c'est-à-dire moins agressive, rencontrer les chauffeurs de taxi de Montréal, et j'ai offert mon support, j'ai offert ma collaboration au ministre pour avoir une charmante rencontre à Montréal. Donc, à partir de ce moment-là, je pense qu'on devrait tout simplement... Mais j'invite le ministre et les parlementaires à avoir une attitude qui pourrait permettre la discussion plutôt que l'affrontement. On l'a vu en commission parlementaire la semaine dernière, il y a eu des affrontements déplorables, à notre sens. Mais on aurait pu, en fin de compte, être plus à l'écoute de ces gens-là. On a vu le ministre et certains membres du parti ministériel y aller d'envolées oratoires ? et non aratoires ? dans cette commission-là plutôt que de laisser la chance à ces gens-là de s'exprimer.

Le Regroupement québécois du taxi en a profité, à ce moment-là, pour... Déjà deux minutes? Je n'ai pas commencé encore, M. le Président.

M. Chevrette: On a remarqué.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Le Regroupement québécois du taxi a déposé des propositions d'amendement. J'aurais aimé, d'entrée de jeu, entendre le ministre sur ces propositions-là qui pourraient peut-être permettre de dénouer l'impasse. Nous ne l'avons pas entendu, M. le Président. On se pose la question, de ce côté-ci de la Chambre, pourquoi on devrait écouter plus un groupe que l'autre groupe. Je pense que ce serait la moindre des choses d'y aller au moins d'une apparence d'ouverture envers les propriétaires de taxi afin que ceux-ci puissent en arriver à un règlement qui soit acceptable pour tout le monde.

On a entendu aussi d'autres groupes. On a parlé des propriétaires de limousine. Il faudrait voir quel genre de limousines existe. J'espère que des amendements seront déposés. Et tout ce qu'on souhaite, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, c'est que les amendements soient déposés immédiatement ou presque immédiatement pour qu'on puisse en prendre connaissance, pour qu'on puisse, nous, au moins consulter les propriétaires de taxi et voir si ces amendements-là pourraient être acceptables par l'industrie. Donc, je sais que ça plaît beaucoup au ministre d'écouter l'opposition, d'entendre, en fin de compte, les réclamations qui viennent des chauffeurs de taxi, particulièrement des chauffeurs propriétaires, plusieurs chauffeurs locataires aussi, et on pourrait profiter de l'occasion pour prendre ces amendements-là, retourner... Puis j'invite le ministre, on pourrait y aller ensemble, dans sa limousine, qui n'est pas une limousine allongée, je crois ? la loi ne s'applique pas à lui ? ...

Le Président (M. Lachance): ...M. le député de Shefford.

M. Brodeur: ...mais consulter ces gens-là puis revenir avec un projet de loi qui pourrait satisfaire tout le monde.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Shefford. Oui, M. le député de LaFontaine, pour vos remarques préliminaires.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Nous sommes aujourd'hui à l'étape qui est l'étape peut-être la plus importante du projet de loi, qui est celle qui va faire en sorte qu'on va le modifier selon les demandes et l'intérêt des citoyens qui utilisent les services de taxi et aussi selon les demandes et les aspirations des gens qui travaillent dans l'industrie du taxi, car c'est en commission parlementaire, à l'étude article par article, que généralement ce processus se fait.

Alors, M. le Président, M. le ministre nous parle tout d'abord qu'il aura des amendements. Bon, peut-être qu'il aurait pu nous les donner. Ça aurait été intéressant de les avoir. Peut-être qu'on aurait vu exactement s'il donne suite, par là, à ce que les groupes qui sont passés devant nous nous ont demandé. Peut-être qu'il ne donne pas suite. Mais, au moins, on aurait eu le mérite de pouvoir en discuter avant et peut-être d'arriver avec des contre-propositions ou d'arriver avec des amendements légèrement différents pour essayer de trouver des solutions qui feraient en sorte que le projet de loi serait un projet de loi qui satisferait le plus grand nombre de personnes possible.

M. le Président, M. le ministre nous a parlé rapidement de vétusté, de sécurité. Il nous a parlé, il a dit: Tout le monde est en faveur, personne n'a parlé contre le fait que les taxis devaient être en bonne condition, qu'ils devaient être propres, modernes. Personne ne peut parler contre ça, que ce soient les chauffeurs ou que ce soient bien sûr les clients, surtout les clients, la clientèle. En effet, il s'agit de prendre les taxis dans la région métropolitaine de Montréal, mais aussi à Québec, à l'aéroport ? dans d'autres régions du Québec, je n'ai pas eu l'occasion de le faire ? pour se rendre compte très souvent du piètre état des taxis, du piètre état de propreté ou du piètre état même mécanique aussi à l'occasion.

n(12 h 10)n

La propreté, bon, ça peut s'arranger par des règlements à l'intérieur des ligues de taxis ou des associations de chauffeurs de taxi eux-mêmes, mais, au niveau de la sécurité ou de la condition mécanique du véhicule ? pas forcément mécanique, mais aussi la carrosserie, entre autres ? eh bien, il me semble, M. le Président, que c'est un problème que les chauffeurs de taxi rencontrent pour des raisons bien simples, nous disent-ils, ils n'ont pas les moyens, l'industrie du taxi ne leur permet pas... les revenus qu'ils en retirent, les déductions fiscales qui sont en vigueur ne leur permettent pas de pouvoir renouveler leur outil de travail. C'est dommage, parce que c'est ces raisons-là qui font en sorte qu'on a un parc de taxis de qualité aussi médiocre. Alors, moi, je me serais attendu à voir dans le projet de loi quelque chose qui nous aurait dit: Bon, bien, voilà, non seulement on crée une association de taxis, mais en même temps on règle un certain nombre de choses.

Alors, M. le ministre, vous nous dites: Au ministère des Finances, il y a une discussion actuellement avec le ministre des Finances; enfin, il y a différentes choses qui sont en discussion. Mais je crois qu'il aurait été intéressant d'arriver aujourd'hui avec un certain nombre de mesures, d'annonces ou de mesures qui feraient en sorte de favoriser, auprès des propriétaires de taxi, le renouvellement de la flotte: des mesures fiscales, des mesures préférentielles pour l'achat de véhicules. On a ça, actuellement, M. le Président, dans un certain nombre d'autres domaines au Québec où on aide les entreprises à pouvoir moderniser leur outil de travail ou leur machinerie de production. Alors, on voit M. le ministre aussi qui semble, ce matin, particulièrement agressif, ou préventif, en tout cas, par une certaine agressivité en disant: Bon, vous faites un filibuster, on n'aime pas vous écouter, vous dites toutes sortes de trucs. C'est typique actuellement de l'image qu'on retrouve de la part de certaines personnes dans le gouvernement, et il faut le déplorer, parce que, s'il y a un dossier qui doit se travailler, je pense, en collaboration avec tout le monde, c'est bien le dossier du taxi.

M. le ministre nous dit: Ah! je ne fais pas le projet de loi pour donner ça à la FTQ. Moi, personnellement, je dois vous dire que peut-être que ce projet de loi là n'est pas fait pour le donner à la FTQ, mais le projet de loi précédent, celui qui avait été déposé par sa collègue au ministère du Travail, était un dossier de loi qui était fait en fonction du Code du travail du Québec, et je me rappelle, moi-même, à l'époque, porte-parole pour l'opposition au travail, avoir reçu des téléphones de gens de la FTQ me demandant si on était pour laisser passer le projet de loi rapidement avant la fin de la session. Le jupon sortait un peu en dessous.

Le chef de notre parti a décidé, après avoir consulté le caucus, qu'on ne donnerait pas le consentement à cela parce qu'on considérait qu'il y avait besoin de consultation, qu'il y avait besoin d'aller voir ça plus loin que ça. N'empêche que c'est un fait que ça a été fait, et, moi-même, j'ai eu des appels, et le chef du Parti libéral a eu aussi des appels. Le gouvernement, devant ce fait, a décidé de laisser tomber le premier projet de loi pour plusieurs mois ? on n'en a plus parlé; il est encore au feuilleton, il est là encore, mais il n'a pas été appelé ? et d'en ramener un autre par l'intermédiaire du ministre des Transports. Est-ce que c'est pensable de croire que c'est là le même processus? On retrouve des similitudes assez frappantes dans les deux projets de loi.

Bah! ça peut faire rire le ministre, mais, moi, je veux dire, je ne suis pas dogmatique, la FTQ, la CSN ou un autre. Simplement, c'est le procédé. On essaie de faire par en arrière peut-être ce qu'on n'a pas été capable de faire par en avant. Pour quel bénéfice? Le bénéfice de qui? Pour le bénéfice d'engagements qu'on a pris antérieurement? Pour le bénéfice de marchés qu'on a faits avec des organisations syndicales dans différents autres sujets? Puis, quand même qu'il le ferait, les seuls qui vont en supporter les conséquences, ça va être un jour les consommateurs puis les gens qui utilisent les taxis du Québec. Mais, quand même que vous feriez ça, quand même vous donneriez à peu près tout ce que vous voulez, hein, à gauche et à droite pour obtenir des faveurs, ce n'est pas ça qui vous gardera au pouvoir plus longtemps. Tôt ou tard, les Québécois vont faire comme ils ont fait, 75 000 dans la rue en fin de semaine, ils vont se lever, puis ce sera pour aller voter, cette fois-là, puis ils vont dire, comme ils ont fait en 1985: Retournez chez vous, parce que ça fait assez longtemps que vous vous mêlez de tout et que vous sacrifiez des fois l'intérêt général à des intérêts autres que ceux pour lesquels vous avez été élus et ceux pour lesquels vous vous êtes engagés à travailler pour les Québécois.

Maintenant, ils accusent aussi des gens, des propriétaires de taxi, de défendre des intérêts corporatistes, de bloquer une réforme, des intérêts personnels, à la limite, laissant entendre que des gens veulent garder des places de président de ligue de taxis. Moi, je trouve ça un peu dommage qu'à ce stade-ci du projet de loi on tienne encore ce discours-là. Je trouve ça dommage. Ça fait peut-être rire des gens, mais, moi, ça ne me fait pas rire parce que je ne trouve pas ça intéressant d'être ici pour entendre ce genre de discours là, ce genre de langage là.

Moi, ce que j'aurais pensé, c'est que ce matin le ministre serait arrivé avec ses amendements et puis tout ce que les gens ont fait valoir comme préoccupations, comme problèmes, qu'il aurait trouvé des solutions à ça. Je vais vous donner un exemple de problèmes, le milieu associatif montréalais des personnes handicapées qui nous a fait parvenir un document dans lequel il fait valoir, à chacun des articles de loi, un certain nombre de problèmes en ce qui concerne le transport adapté. Il y a des gens qui ont parlé beaucoup là-dessus, même les gens de la STCUM nous ont parlé là-dessus. Eh bien, je me serais attendu, ce matin, moi, à avoir des réponses à ça, qu'est-ce qu'on va faire. Est-ce qu'on va émettre des permis supplémentaires, comme le ministre nous l'a dit? Est-ce qu'on va faire en sorte d'avoir des catégories de chauffeurs de taxi qui s'occuperaient uniquement, comme certains l'aimeraient, du transport adapté? Est-ce qu'on va les aider, par des mesures fiscales, à ménager leur taxi s'ils font uniquement cela? Est-ce qu'on va avoir un système de dispatching particulier pour les chauffeurs de taxi qui feraient du transport adapté par rapport aux autres?

J'aurais aimé ça, moi, ce matin, avoir les amendements pour parler de ça. C'est pour ça qu'on est ici, ce matin. Ce n'est pas pour me chicaner avec le ministre si c'est la FTQ, pas la FTQ, ils feront bien ce qu'ils voudront quand ils l'auront voté, les gens. Vous avez raison là-dessus. Simplement, dites-nous pas que le projet n'est pas en relation avec l'ancien, le précédent. Puis, si les gens décident qu'il est bon pour eux, ils décideront en fonction de ce qu'ils auront comme loi. Puis, si un jour ça ne fonctionne pas, on se rendra compte qu'après tout nous avions raison et que ce n'était pas la manière de procéder. Mais, pour l'instant, ce n'est pas ça qu'on veut discuter, ce matin. Ce qu'on veut discuter, ce matin, c'est qu'est-ce qu'on met dedans, qu'est-ce que c'est, les irritants que les gens y ont vus ou les problèmes qu'ils y ont vus, est-ce qu'on a trouvé des solutions à ça.

Des voix: ...

M. Gobé: M. le Président, je vois, en plus de ça, l'attitude assez impolie du ministre lorsqu'on parle et les réflexions qu'il fait à un certain nombre de ses collègues, que peut-être sa décision, en venant ici, n'est pas de travailler à l'amélioration du projet de loi puis de donner suite à ce que les gens ont dit, mais de chercher à faire des polémiques, de chercher à faire des répliques et des confrontations. Alors, vous comprendrez que c'est tout à fait dans l'esprit de ce qu'on retrouve...

Il y a le ministre du Revenu et de l'Environnement qui a menacé une députée de la faire payer, de la faire payer je ne sais trop quoi parce qu'elle n'était pas d'accord avec lui, parce qu'elle faisait des remarques qui ne faisaient pas son affaire. On se rend compte que, si c'est la manière dont le gouvernement veut procéder, ce n'est pas une manière qui est favorable pour l'ensemble des Québécois, ce n'est pas favorable pour les consommateurs, ce n'est pas favorable pour les citoyens et ce n'est même pas favorable pour les gens, les chauffeurs de taxi.

Maintenant, ils pourront dire ce qu'ils voudront, chacun a le droit de parler puis de passer son temps à essayer de dénoncer les autres au lieu d'apporter du positif. Moi, ce que je veux à cette commission-là, M. le ministre, c'est des amendements. Est-ce qu'on donne suite à ce que les gens nous ont demandé? Est-ce qu'on tient compte des recommandations qui nous ont été faites? Puis est-ce que, lorsqu'on va sortir d'ici, il y aura un consensus minimal qui pourra avoir été établi? Puis est-ce que les gens qui vont devoir vivre avec ça vont au moins avoir amélioré leur sort?

Il nous parle des 11 000 chauffeurs de taxi. Je n'ai rien contre les 11 000 chauffeurs de taxi. Je comprends que les gens n'ont pas forcément toujours des bonnes conditions de travail. Je ne vois pas pourquoi on nous prête des intentions de parler contre 11 000 chauffeurs de taxi. Aucune compréhension de ce discours du ministre qui essaie toujours de diviser les gens, la bonne vieille méthode qui dit: Bien, d'un côté, il y a les bons, c'est nous autres, on est avec les chauffeurs de taxi, puis les autres qui sont avec les propriétaires. Je m'excuse, mais je n'ai jamais pris position, moi, pour seulement un côté, dans la vie, quand je prends position, et je crois que, si, en effet, les chauffeurs de taxi ont besoin d'un certain nombre d'améliorations à leur sort, c'est une chose tout à fait légitime. Encore faut-il que ça se fasse d'une manière qui atteint le but, qui atteint l'objectif, et non pas la manière de les embrigader dans une organisation, une association qui, à la fin, va faire en sorte qu'on aura donné le contrôle de leur existence, ou de leur vie professionnelle, ou de leur activité à une organisation qui n'est pas forcément celle qui serait la meilleure pour les représenter.

Alors, moi, M. le Président, je suis prêt à travailler, là. Le ministre a employé le mot «filibuster». Moi, je ne vois pas de mot «filibuster». Dès le moment où le ministre nous déposera ses amendements et puis qu'on verra que ça donne... Si ça donne suite à tout ce qui nous a été recommandé ou à la majorité de ce qui a été recommandé de fondamental... Est-ce qu'on va parler, dans les amendements, du transport adapté? Est-ce que ça va régler le problème des gens qui doivent attendre, qui doivent faire 42 appels pour obtenir une réponse? Des gens qui attendent jusqu'à 10 jours des fois pour obtenir un transport, qui se font canceller lorsqu'ils attendent le transport qui est déjà rendu à une autre destination et qui ne vient pas, est-ce que ça va donner des solutions à ça? Mais oui, ça donne des solutions à ça. Est-ce qu'on va pouvoir changer les articles de journaux, de La Presse, Transport adapté dans un trou noir? Est-ce qu'on va pouvoir changer Les usagers du taxi se plaignent de nombreux retards? Est-ce qu'on va être capable de régler ça avec ce projet de loi là? Moi, je le souhaite, je le demande. C'est le but du projet de loi.

n(12 h 20)n

Il nous dit: Ah! on va défendre 11 000 chauffeurs. Correct, j'en suis. Mais, après tout, ils travaillent pour les citoyens, ils travaillent pour des clients. C'est d'eux qu'il faut s'occuper aussi. Il n'a pas dit un mot des usagers. Pas un. Ou un et demi lorsqu'il a parlé sur la vétusté ou l'état des taxis. Est-ce qu'on va trouver des solutions à ça et est-ce que ça va permettre un meilleur fonctionnement? Est-ce qu'on va amener des amendements pour permettre ça? Moi, je le souhaite. Je le souhaite beaucoup. Et je dois vous dire que, ce matin, quand je suis parti pour venir ici à travers la tempête de neige, ce n'est pas juste pour parler 20 minutes puis entendre le ministre faire des remarques et des répliques désobligeantes. Je ne suis pas venu ici pour ça. Je suis venu ici...

Une voix: ...

M. Gobé: Mes remarques sur le député, elles me regardent, moi, et, s'il vous plaît, je vous demanderais de respecter, vous aussi... On lit ça assez souvent dans les journaux dans vos régions, avec toutes sortes d'insultes pour des parlementaires; gardez-les donc pour vous dans votre coin et laissez-nous, ici, tranquilles. O.K.?

M. Chevrette: ...

Le Président (M. Lachance): S'il vous plaît!

M. Chevrette: C'est toi qui te provoques. Tu te provoques tout seul puis tu te crinques tout seul. Voyons donc!

Le Président (M. Lachance): S'il vous plaît, M. le ministre.

M. Gobé: Alors, voilà pourquoi je suis venu ici, pour essayer justement d'améliorer ce projet, et les chauffeurs de taxi que j'ai rencontrés en fin de semaine dans ma circonscription, c'est ce qu'ils nous demandent. Ce qu'ils nous demandent, ce n'est pas de se trouver une association où ils vont se retrouver pieds et mains liés à un syndicat; ce qu'ils nous demandent, c'est de faire en sorte que leurs droits de propriétaires, pour ceux qui le sont, soient respectés, et que leurs investissements soient respectés, puis qu'ils puissent gérer leur taxi comme ils veulent le gérer. Ce sont des petits travailleurs, ce sont des commerçants.

Le ministre nous parle des pharmaciens comme comparaison. Bien, on pourrait parler aussi des gens qui sont des bouchers ou qui sont des épiciers. Ils n'ont pas besoin d'une loi pour se faire mettre dans un syndicat à la grandeur de tout le Québec, ils décident eux-mêmes. Ils ont décidé de faire ce genre de vie, ce genre d'activité professionnelle. Ça correspond à leur tempérament, ça correspond à ce qu'ils veulent faire puis à leur désir de liberté de gérer leurs affaires comme ils veulent, en respectant un certain nombre de normes, il va de soi. Eh bien, les chauffeurs de taxi que je rencontre, c'est ça qu'ils me disent, M. le Président.

Alors, aujourd'hui, on est à la croisée des chemins: ou on passe les 10 jours ou les huit jours qu'il nous reste à siéger ici, à cette Chambre, dans des débats de sourds et puis à se jeter des anathèmes à travers la table.... On est capables de le faire. Le ministre l'a fait, quand il était député de l'opposition, longuement. Il nous a montré à nous comment le faire aussi. Alors, à l'époque, on était des jeunes députés. Je dois vous dire, M. le Président, que ce n'est peut-être pas la meilleure chose qui pourrait être dans les huit prochains jours. Alors, ça, ça va dépendre bien sûr de l'attitude du ministre et puis de la manière dont il va vouloir collaborer avec l'opposition.

Voilà ce que je voulais dire, M. le Président. Moi, je reste très ouvert à travailler à ce projet de loi là, à le bonifier, à le faire avancer, à faire en sorte que, lorsqu'on va sortir d'ici, ça aura au moins servi à améliorer et le service aux usagers, et le service de transport adapté, et les conditions de travail des chauffeurs, bien sûr, mais aussi à ne pas spolier l'outil de travail de milliers de propriétaires de taxi. Voilà.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de LaFontaine. Nous en sommes toujours aux remarques préliminaires. M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. Quelques mots pour réagir un petit peu aux propos de mes collègues de l'opposition, le député de Shefford et le député de LaFontaine. Alors, aujourd'hui, on se rend compte que, dans une mer de mots, le Parti libéral vient de faire son nid: il s'oppose à la réforme du taxi. S'il y a un domaine dans notre vie collective où les changements sont attendus depuis plus d'une décennie, c'est dans le domaine de l'industrie du taxi. Or, aujourd'hui, l'opposition libérale nous dit clairement à nous, au grand public et aux chauffeurs et à peu près à la majorité des intervenants: Nous sommes contre la réforme du taxi, une réforme du taxi qui est en préparation depuis trois années.

Depuis 1997, étape après étape, il y a eu consultation, il y a eu bonification de l'ensemble des documents déposés pour en arriver à la loi n° 163. Aujourd'hui, sur ordre de leur leader ? parce qu'ils ne sont pas libres de leurs paroles, on le sent ? ils disent non, une fin de non-recevoir. Aujourd'hui, ils disent aux chauffeurs de taxi en particulier: Nous sommes contre, parce que, eux, lorsqu'ils étaient au pouvoir ? parce qu'ils ont été au pouvoir en 1985-1994 ? souvent les gens les ont appelés pour qu'ils modifient, qu'ils fassent une réforme en profondeur de l'industrie du taxi. Fin de non-recevoir, M. le Président. C'était trop complexe, c'était trop difficile, il ne fallait pas toucher à ça, trop d'intérêts. Neuf ans de pouvoir sans un geste concret pour aider ces gens-là à améliorer leurs conditions de travail, leurs conditions de vie, et ça, aujourd'hui, les chauffeurs de taxi...

Moi, j'en ai pris vendredi, j'en ai pris hier aussi, des taxis, et les gens nous disent: Est-ce que c'est vrai que le Parti libéral va s'opposer à ce projet de loi qu'on attend depuis des décennies? Ça ne se peut pas! Ce n'est pas croyable! Vous allez en recevoir, des téléphones. Les chauffeurs de taxi prennent bonne note de votre façon de travailler comme parlementaires. Dans le fond, beaucoup de mots mais peu d'actions. Oui, oui, on voudrait bien modifier les conditions de travail et améliorer les conditions de travail, donner plus de sécurité au grand public, mais rien, rien dans les faits. On s'oppose pour s'opposer. On est contre la réforme. On est lié dans les mains d'un petit groupe pour des intérêts que le ministre vient de qualifier, que ce soit de l'égocentrisme, du corporatisme. C'est ça que vous faites, présentement, et le grand public et les gens qui sont reliés à l'industrie du taxi en prennent bonne note.

J'ai ici devant moi une série de lettres qui sont parvenues au ministère des Transports, au ministre.

Une voix: ...

M. Deslières: Ah, vous ne les avez pas reçues? Vous faites de la sélection? On va les déposer. Des appuis très, très concrets de ligues de taxis de la Communauté urbaine qui nous dit... La Communauté urbaine de Montréal nous dit ceci, le 8 décembre 2000: «Dans l'ensemble, le projet de loi déposé satisfait nos attentes, et nous vous remercions de l'écoute et de l'accueil que vous nous avez prodigués.» Et c'est adressé au ministre des Transports. La Ligue de taxis de Rimouski: «Afin d'appuyer le mémoire présenté par la commission parlementaire, nous donnons notre appui à la réforme.» Et j'en passe, monsieur. La ligue de taxis de Beauport fait référence à la loi n° 163: «Les moyens proposés sont simples et plein de gros bon sens et reflètent bien votre préoccupation pour les petits dans notre société.»

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): S'il vous plaît, j'aimerais que ceux qui ont eu l'occasion...

M. Deslières: Oui, mais là ils sont bouche bée. M. le Président, ils n'ont plus rien à dire, hein? Ils ont tourné autour, jamais sur l'essentiel...

Le Président (M. Lachance): Vous avez la parole.

M. Deslières: ...tentent de couper les gens qui veulent se...

M. Brodeur: Je m'excuse, M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Lachance): Oui, votre question de règlement.

M. Brodeur: Vous avez noté que, durant l'intervention du député de LaFontaine, il y a eu de nombreuses interventions des députés de l'autre côté aussi.

Le Président (M. Lachance): Quelques-unes, quelques-unes.

M. Brodeur: Et je porte à votre attention que le même règlement s'applique des deux côtés de la table, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Je l'ai fait remarquer et je demande à ceux qui ont quelque chose à dire d'attendre les remarques préliminaires pour les dire.

M. Deslières: Ce qu'on va retenir, M. le Président...

M. Gobé: M. le Président, excusez-moi, une remarque. Le député de Soulanges fait un discours, il a le droit de faire valoir tous les points, toutes les remarques qu'il veut...

Une voix: ...M. le Président, là.

M. Gobé: ...et, tant qu'il n'accuse pas personnellement les gens, moi, je suis d'accord avec lui, je trouve ça bien correct.

Le Président (M. Lachance): Non, non, non.

M. Gobé: Je n'ai rien à dire là-dessus, il peut...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Salaberry-Soulanges, vous avez la parole.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Alors, voilà. Le constat général, c'est que l'opposition, sur ordre du leader, dit non, dit non à des milliers et des milliers de travailleurs qui sont en attente d'une action gouvernementale dans le cadre de cette réforme du taxi par la loi n° 163. On aura beau dire, du côté du Parti libéral, de l'opposition, qu'on veut bien améliorer, mais, dans les faits, une fin de non-recevoir.

n(12 h 30)n

Pour des dizaines et des dizaines de prétextes, on dit: Non, manque de consultation. Manque de consultation? M. le Président, depuis 1997, il y a des rapports, un comité consultatif, un livre vert, 83 mémoires de déposés à une commission parlementaire, 53 groupes qui sont venus se faire entendre, on a eu un comité aviseur, un comité-conseil au ministre où il y a eu une dizaine d'intervenants qui ont eu... Je ne sais pas, moi, on a peut-être assisté à une dizaine de séances de travail où on a bonifié encore toute cette réforme. Et arrive le projet de loi n° 163 où le ministre nous a dit à plusieurs reprises, lorsqu'on a rencontré les autres groupes, la semaine dernière: Je suis prêt à apporter des amendements; je vais apporter, par rapport à ce que j'entends, à ce que j'ai entendu, des amendements sur des points très précis. Ils ont été déposés à l'opposition et à l'ensemble de la commission parlementaire.

Le ministre nous dit, ce matin: J'ai encore des amendements pour modifier. Bien sûr que nous allons les déposer, ces amendements-là, M. le Président, lorsqu'ils auront fini leur allocution préliminaire, leurs remarques préliminaires, parce qu'il me semble que c'est plus simple de les déposer un par un. Il me semble que la compréhension de l'opposition est plus claire lorsqu'on les dépose un par un. Si on en dépose une vingtaine, ils semblent très mélangés, très paradoxaux. Alors, M. le Président, on voit qu'ils pataugent dans leurs remarques. Ça ne tient plus. Ils viennent de poser leur lit, ils viennent de faire ce qu'ils ont toujours, enfin, prêté à flanc. Ils nous ont dit: Fin de non-recevoir, malgré le fait que l'ensemble des intervenants reconnaissent le courage du ministre, reconnaissent le courage de l'équipe ministérielle.

Ça fait 17 ans que la loi sur le transport est en attente de modifications, n'a pas été modifiée. C'est fort complexe, et, nous l'avons dit ici, l'ensemble des collègues l'ont dit, c'est complexe, c'est difficile à analyser, et on l'avoue, sauf que, courageusement, on y a été. On a entendu des groupes et des remarques... Moi particulièrement et d'autres de mes collègues, nous avons fait un travail extraordinaire pour être à l'écoute de l'ensemble des intervenants, parce que, juste au niveau des limousines ? on le faisait valoir tout à l'heure ? il y a différentes sections. Dans ce commerce de limousines là, il faut voir les points très pointus: limousines de grand luxe, d'autres sortes de limousines. Alors, on rentre dans la complexité des choses. Mais on a été voir, on a été entendre les groupes.

On a mis ça dans la législation pour enfin bonifier une industrie où tous les intervenants nous ont dit: Ça ne se peut pas de s'être fait traverser par différents groupes. Tout le monde, à un moment donné, faisait du transport de personnes sans avoir les permis nécessaires, que ce soit au niveau du transport médical, que ce soit au niveau du transport des personnes handicapées, que ce soit au niveau du bénévolat. Cette industrie-là s'est fait ravager au cours des dernières années.

On tape du pied, on crie pour une réforme. L'opposition dit: No way. On ne veut rien savoir de ceux et celles qui se lèvent de bonne heure le matin, qui terminent tard le soir, qui font 10, 15 heures par jour pour gagner honnêtement leur vie. Le Parti libéral leur dit: Non, nous autres, on ne s'occupe pas de ça; nous autres, on va s'occuper de quelques intérêts de quelques personnes, de quelques groupes où il y va de nos intérêts. Alors, la population en général, l'ensemble des chauffeurs prennent bien note de l'attitude aujourd'hui du Parti libéral qui encore une fois ne nous démontre pas beaucoup de courage, et c'est une opposition à son image, une opposition pour s'opposer, une opposition qui fait son travail d'un siècle dernier. Elle ne correspond plus à ce que devrait être un vrai parti politique, une vraie opposition qui vient bonifier puis améliorer l'ensemble du sort de nos concitoyens et concitoyennes, y compris les chauffeurs de taxi, et on en prend bonne note. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député. M. le député de l'Acadie.

M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, effectivement je veux intervenir aussi à cette étape-ci du projet de loi n° 163. J'écoutais le ministre nous faire sa présentation et le député de Salaberry-Soulanges. Je dois vous dire que ce n'est pas très convaincant et que les citoyens du Québec ont raison d'être suspects.

Vous savez, quand on parle de réforme, ça paraît toujours bien. Une réforme, c'est toujours des modifications. En soi, c'est relativement neutre. Alors, on parle de la réforme du taxi, mais la réforme, ça prend son sens, ça, M. le Président, dans la réalité, dans l'application quotidienne, qu'est-ce que ça donne quotidiennement. Quand on regarde les réformes que le parti gouvernemental a apportées au cours des dernières années, des réformes qui ont été caractérisées, au fond, par l'improvisation ? pensons au domaine de la santé ? je ne pense pas que ça aille mieux aujourd'hui qu'il y a quatre, cinq ans. C'est pire, hein? Tout le monde le sait à travers la province de Québec. On sait comment sont les urgences, comment sont traités les gens dans les centres hospitaliers de soins de longue durée. On a vu la réforme de l'éducation, on en a parlé beaucoup la semaine dernière. Alors, improvisation à ce niveau-là. On voit, au niveau de la réforme municipale: le gouvernement a le pas, et personne d'autre n'a le pas. On n'a même pas besoin de les écouter.

Toutes ces réformes-là, M. le Président, je pense bien que, quand on fait un bilan de tout ça, là, ce n'est pas très, très positif. Alors, quand les citoyens ou les gens de l'industrie du taxi manifestent une certaine crainte à l'égard de ce qu'on appelle, d'une façon relativement neutre ou positive, la «réforme du taxi», je pense que les gens ont raison d'être suspects et de s'interroger.

Alors, M. le Président, j'ai participé, à titre de porte-parole de l'opposition, à ce moment-là, à la consultation qui a eu lieu à l'automne 1999 sur l'industrie du taxi, et je me souviens que, dans le document, le livre vert, il y avait 51 propositions qui avaient été présentées. Les gens se sont prononcés sur une foule de ces propositions-là, y compris la question des ligues, des associations professionnelles, mais il y avait aussi des problèmes très concrets qui visaient à améliorer les conditions de travail des gens. Quotidiennement, qu'est-ce qui se passe dans l'industrie du taxi? C'est que les gens, au fond, dans l'industrie du taxi vivent des conditions de travail qui sont très défavorables: des longues heures, des salaires minimums. On a souvent parlé de la sécurité des véhicules, de la propreté des véhicules, mais tout ça, c'est relié. On peut fixer les normes qu'on veut, et je pense que là-dessus personne ne va s'objecter à ce qu'on ait des véhicules plus sécuritaires et plus propres. Mais, pour arriver à ça, il faut que les gens travaillent dans des conditions qui leur permettent de vivre décemment. Alors, quand on dit «vivre décemment», c'est d'avoir des revenus suffisants et aussi des heures de travail qui sont raisonnables.

Malheureusement, dans le projet de loi n° 163, on ne trouve pas grand-chose là-dessus. La réponse que le gouvernement apporte à ces problèmes-là, qui sont des problèmes très concrets, M. le Président, c'est de créer des nouvelles structures, de créer une association, de créer un forum, et, une bonne partie des problèmes, on les reporte au Forum: Le Forum discutera de ça, il verra à trouver des solutions à leurs problèmes, et tout ça, après un an.

La consultation a eu lieu à l'automne 1999. On est maintenant à l'automne 2000, et tout ce qu'on a réussi à faire au cours de toute cette période-là, c'est de faire des propositions de structures qui ne vont même pas chercher un consensus chez les gens du milieu. Et, les vrais problèmes, bien, ça, on les reporte encore plus loin, ce sera le Forum qui essaiera de voir ça, de régler ces problèmes-là, ce sera l'Association. Et le gouvernement transfère ces problèmes-là, disons. On repousse ça en avant.

Comme je le mentionnais, M. le Président, je pense que tout le monde est d'accord, y compris l'opposition, que les conditions de travail des gens du milieu ne sont pas satisfaisantes actuellement et qu'il y a lieu d'apporter des solutions. Alors, les attentes du milieu, c'étaient des choses beaucoup plus concrètes et non pas seulement la création de l'Association, tel qu'on le mentionne dans le projet de loi. Ce qui est surprenant quand même à ce niveau-là, c'est de voir...

Je pense que le ministre n'est pas tellement intéressé à ce que l'opposition dit, mais on va continuer quand même à parler parce qu'on parle au nom des gens de l'industrie du taxi, et je pense que c'est important qu'il y ait quelqu'un qui parle pour eux, parce que ce n'est pas le ministre qui semble défendre les intérêts de toutes les parties impliquées dans l'industrie du taxi. Alors, M. le Président, je demanderais, si c'était possible, d'avoir, pas nécessairement l'attention du ministre ? c'est difficile de l'avoir ? mais, au moins, d'avoir un certain silence qui nous permette de s'exprimer.

M. Chevrette: Non, mais il y a un dossier important que j'essaie de régler en même temps, là...

M. Bordeleau: Mais, si vous voulez, on peut suspendre.

M. Chevrette: ...d'autant plus que, quand vous parlez de la santé, je connais le problème de la santé.

M. Bordeleau: Non, mais, si vous voulez, on peut suspendre puis on va vous permettre de régler vos problèmes, puis, après ça, on pourra continuer.

M. Chevrette: Non. Je pense que vous apportez beaucoup, beaucoup au contenu puis je vais vous lire très religieusement tout de suite après.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Nous allons poursuivre les travaux de la commission. Allez-y, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Alors, M. le Président, ce que je disais, c'est que c'est surprenant de voir que, après une année où tous les problèmes ont été mis sur la table, le gouvernement nous arrive avec un projet de loi qui ne répond pas, d'abord, comme je l'ai mentionné, aux vrais besoins des gens de l'industrie, qui est mal formulé, puisque déjà le ministre nous apporte une série d'amendements. Je n'en ai pas contre le fait que le ministre apporte des amendements, mais la question que je me pose ? on nous en a déposé et on va nous en déposer d'autres ? c'est: Qu'est-ce que ça veut dire que tous ces amendements-là n'ont pas été identifiés avant et intégrés dans le projet de loi? S'il y avait eu des vraies consultations où on aurait écouté les gens correctement, les modifications qui sont là...

n(12 h 40)n

M. Chevrette: ...

M. Bordeleau: Oui, j'étais là, M. le ministre. J'étais là, à la consultation. C'est ce qui s'est passé entre la consultation de l'automne 1999 et le dépôt du projet de loi. Il y a eu une année, et vous avez rédigé un projet de loi qui ne répond pas aux besoins. Et la preuve, c'est que, à partir du moment où le projet de loi est déposé, vous nous apportez une foule d'amendements, vous nous en promettez d'autres. Mais pourquoi vous n'avez pas utilisé toute l'année qui était là pour consulter, écouter le monde et mettre dans le projet de loi ce que les gens s'attendaient d'avoir et qui répondait à leurs vrais besoins?

Alors, il y a plusieurs problèmes, évidemment, au niveau du projet de loi, qui sont soulevés. Je vais juste en aborder quelques-uns parce que, évidemment, le temps ne nous le permet pas à cette étape-ci. Mais on aura l'occasion, au moment où on abordera l'étude article par article, de revenir sur ces sujets-là. Le premier problème que je veux aborder, M. le Président, c'est celui de l'Association professionnelle et la question de la syndicalisation. Le ministre nous répète à satiété, depuis le dépôt de son projet de loi, que ça n'a rien à voir avec une syndicalisation. Vous avouerez, en tous les cas, que les gens ont raison d'être suspects, d'être très suspects. Je vais juste rapporter mon collègue de... Le porte-parole l'a fait tout à l'heure, mais je veux rapporter quand même certains des éléments. Au moment de l'élection de 1998... Je vais commencer avant ça. À la fin des années quatre-vingt, la FTQ a investi des millions pour syndiquer le monde du taxi. Alors, c'est clair qu'il y a un intérêt, et l'intérêt est grand, puisqu'on parle d'à peu près 17 000 personnes, 5 000, 6 000 chauffeurs propriétaires et 11 000 locataires. Alors, évidemment, c'est un bassin qui est intéressant pour un syndicat, et les gens ? ils avaient le droit de le faire ? ont investi beaucoup d'argent pour syndiquer ce monde-là. Il y a des causes qui sont allées en cour, la Cour supérieure a dit: Non, vous ne pouvez pas les syndiquer, ce sont des travailleurs autonomes. Alors, vous allez dire: Oui, c'est justement ça, là, c'est pour ça qu'on crée une association professionnelle. Mais on reviendra là-dessus.

Alors, si ça n'avait rien à voir avec une association professionnelle, pourquoi ? posons-nous la question ? le conseiller spécial du premier ministre sent le besoin d'aller informer la FTQ au moment d'une campagne électorale, au moment où on cherche l'appui des amis et des syndicats, d'aller l'informer que, suite à tout l'intérêt qu'a démontré la FTQ au cours des années antérieures, le conseiller du premier ministre sent le besoin d'aller dire aux gens: Écoutez, on sait ce qui s'est passé, il y a des causes qui sont allées en cour, ce n'est pas possible de syndiquer, mais on va créer une association professionnelle? Alors, on peut très bien interpréter qu'on va aménager ça d'une autre façon qui va être acceptable au niveau des lois mais qui va répondre aussi à vos besoins. Si ça n'avait rien à voir avec la FTQ, pourquoi le conseiller du premier ministre parlait de ça avec les gens de la FTQ, hein? Si ça n'a rien à voir, il n'y avait pas de raison que le conseiller aille discuter de ça. Alors, ça, c'est une première étape, M. le Président.

La deuxième étape, au mois de mai, au moment où le projet n'est même pas rédigé et déposé en Chambre, le ministre sent le besoin d'aller rencontrer les gens de la FTQ et de leur dire, aux gens de la FTQ: On va créer une association professionnelle. Pourquoi, si la FTQ n'a rien à retirer de ça, le ministre sent le besoin d'aller dire à la FTQ qu'il va créer une association professionnelle? Si ça n'a rien à voir avec eux autres, ils s'en foutent, ils n'ont pas besoin d'avoir l'information là-dessus et le ministre n'a pas besoin d'aller en parler à Pierre, Jean, Jacques. Ça n'a rien à voir avec le syndicat. Alors, pourquoi il va parler de ça à la FTQ?

Et, à la FTQ, la réaction, M. le Président, est très positive. On l'a vu dans un article qui a été présenté par la FTQ au lendemain de la rencontre, c'est-à-dire le 1er mai. Et, encore là, si ça n'avait rien à voir puis si ce n'était d'aucun intérêt pour la FTQ parce que c'était une association professionnelle, si ça n'avait rien à voir avec les syndicats, pourquoi la FTQ rédige un communiqué de presse où elle manifeste de façon très claire qu'elle est très heureuse, très contente? Et on dit dans le communiqué: «La FTQ et son Syndicat des métallos, qui revendiquent depuis plus de 10 ans le droit à la représentation pour les chauffeurs de taxi, viennent d'obtenir un engagement ferme de la part du ministre des Transports.» Pourquoi la FTQ demande un engagement ferme de la part du ministre, si ça n'a rien à voir avec elles? C'est une association professionnelle. Ça n'a rien à voir avec la FTQ, selon ce que le ministre nous dit. Mais pourquoi c'est la FTQ qui dit qu'elle a eu enfin un engagement ferme de la part du ministre des Transports, M. Guy Chevrette, en faveur de la création prochaine d'une association professionnelle?

«Celle-ci regroupera tous les détenteurs de permis de chauffeur de taxi, locataires et propriétaires, soit quelque 17 000 chauffeurs au Québec. Le ministre a fait part de cet engagement lors d'une rencontre tenue à Montréal avec le président de la FTQ et les représentants du Syndicat des métallos. La nouvelle Association professionnelle remplacera les actuelles ligues de taxis. "C'est une grande victoire ? et je cite, M. le Président, ici ? pour les chauffeurs de taxi qui tentent depuis longtemps de se regrouper au sein d'une association qui défendra leurs droits" ? fermez la parenthèse ? ont fait savoir MM. Henri Massé, président de la FTQ, et Arnold Dugas, vice-président de la FTQ et directeur québécois du Syndicat des métallos.»

Vous avouerez, M. le Président, qu'il y a un désintéressement exemplaire des gens de la FTQ qui se réjouissent à ce point-là que les chauffeurs de taxi puissent se créer une association professionnelle qui n'a rien à voir avec les syndicats, et ce, malgré le fait que les syndicats aient investi des millions et des millions, à la fin des années quatre-vingt, pour syndiquer. Alors, il y a une abnégation, là, qui est assez exemplaire. Et de voir que les gens sont aussi heureux... On investit l'argent, mais ça ne nous fait rien de le perdre. Et ça n'a rien à voir, mais on est contents pour les chauffeurs de taxi qui se regroupent. Mais pourquoi le ministre est obligé d'aller prendre cet engagement-là vis-à-vis la FTQ, si ça ne la concerne pas? Pourquoi le conseiller du premier ministre est obligé, durant la campagne de 1998, d'aller dire à la FTQ qu'ils vont créer une association professionnelle?

L'autre question qu'on peut se poser, M. le Président, c'est: Après l'engagement de M. Boivin, en 1998, concernant la création d'une association professionnelle, pourquoi on a tenu une consultation générale sur le taxi et plus particulièrement au niveau de l'hypothèse de fusion de ligues, de disparition de ligues, d'associations? Les dés étaient déjà pipés. En 1998, on avait assuré la FTQ qu'on créerait une association professionnelle. Alors, les gens qui sont venus en commission parlementaire, de bonne foi, parler de la réorganisation... On parlait, par exemple, de fusion de ligues. On était bien conscient qu'il y avait des ligues de taxis qui avaient une masse critique qui leur permettait de fonctionner, que d'autres en avaient moins. On a parlé de modifier les 56 ou 57 territoires qui étaient couverts par les ligues. Alors, tout ça, on discutait pour rien, si je comprends bien, parce que déjà c'était réglé, c'était réglé en 1998 par M. Boivin avec la FTQ. Alors, qu'on vienne nous dire que ça n'a rien à voir avec les syndicats, que c'est une association de professionnels, vous conviendrez que tous ces faits-là...

Et ce sont des faits, ce n'est pas de l'interprétation. Ce sont des faits puis ce sont des communiqués émis de la part de gens qui ont participé directement aux rencontres et qui ont émis un communiqué au lendemain de ces rencontres-là puis de la façon dont ils l'ont compris. Alors, on ne fait pas de l'interprétation beaucoup, là, on est collé sur les faits. Alors, qu'on nous dise que ça n'a rien à voir avec les syndicats, je pense qu'on peut avoir des doutes de ce côté-là et ne pas être très, très convaincu de ce que le ministre nous avance.

Et, quand on dit: Ils pourront s'acheter les services ? on crée une association professionnelle, ils pourront s'acheter les services ? on va regrouper ensemble 17 000 personnes, propriétaires et chauffeurs locataires, et ces gens-là vont décider d'eux-mêmes de se donner un niveau de cotisation qui va représenter des coûts proportionnels aux services évidemment que les gens voudront se donner, mais qu'est-ce que vous pensez qu'il va arriver à la suite de ça? La FTQ connaît très bien le milieu, la FTQ a investi de l'argent, et ce qui va arriver, M. le Président, c'est que les contrats de services vont se donner avec la FTQ.

n(12 h 50)n

Et là-dessus on a déjà des gens qui sont très bien informés, du monde syndical et du monde du taxi, qui nous apportent des réponses assez claires à ce niveau-là. Je pense à M. André Tremblay, qui est directeur adjoint du Syndicat des métallos affilié à la FTQ, qui tient un langage semblable: «L'Association professionnelle...» Et ça, M. le Président, c'est dans un communiqué qui est daté du 10 mai 2000, quelques jours après la rencontre du ministre avec la FTQ. Alors, on nous dit, et je cite M. Tremblay: «L'Association professionnelle proposée par le ministre n'équivaut pas à un syndicat ? c'est bien. Elle pourrait être rattachée aux métallos en vertu d'un contrat de services, comme l'offre que nous avons faite aux camionneurs indépendants et à des distributeurs de produits alimentaires. Nous pourrions offrir à l'industrie du taxi des services comme l'achat de groupe, les avantages sociaux, les services juridiques, etc.» Alors, etc., ça peut être aussi des services de négociation, éventuellement, et ça, on pourra en reparler. Alors, ça, c'est quelqu'un du milieu syndical.

Dans le milieu du taxi, on a M. François Dumais, de la Ligue de taxis de Québec, qui, lui, nous dit, le 10 mai 2000 ? alors, vous voyez, les dates concordent quand même de façon assez particulière: «Nous sommes tous, propriétaires de taxi et locataires de taxi, des travailleurs autonomes. De plus, l'Association nous permettrait de nous donner des normes, une formation, un code. Telle est la première étape, précise-t-il ? là-dessus, on est d'accord. La deuxième est de trouver un fournisseur de services. Ce fournisseur pourrait être le Syndicat des métallos.» Alors, M. le Président, quand on met tout ça bout à bout, je vous avouerai que les fils pendent pas mal fort et que les gens qui craignent ont raison de craindre. Ce que le gouvernement est en train de faire, c'est qu'on est en train tout simplement de ramasser tout le monde, de le mettre dans un groupe avec des cotisations obligatoires. Alors, tout le monde sera obligé d'être embarqué là-dedans, propriétaires et locataires. Ensuite, le syndicat va attendre que ça, ce soit fait, et, quand ce sera fait, eux vont arriver, ils vont offrir leur contrat de services, et vous verrez que, dans un an, un an et demi, quand il y aura des conflits au niveau du taxi, ce sera les syndicats ou des représentants syndicaux qui auront vendu des services de négociations qui négocieront au nom de l'ensemble des gens du milieu du taxi, et ils négocieront, à ce moment-là, sur le dos de l'ensemble des citoyens du Québec parce que l'industrie du taxi sera bloquée dans l'ensemble de la province de Québec parce qu'il y a une seule association, unique. Alors, c'est ça qui va se passer.

Et, quand on arrivera à revoir les tarifs du taxi, ce sont les syndicats qui vont faire les représentations nécessaires parce qu'ils auront reçu le mandat de l'Association, de M. Dumais et d'autres dans l'industrie qui reconnaissent déjà que c'est ça, la deuxième étape. Alors, les mandats seront donnés, à ce moment-là, pour que le milieu syndical fasse les représentations au nom de l'ensemble des membres de l'Association des propriétaires et des locataires.

M. le Président, il y aurait eu beaucoup d'autres sujets, sur lesquels on reviendra au moment de l'article par article. Il y a des problèmes de confidentialité, il y a des problèmes de valeur de permis. On en a vu énormément, et tout ça, ça reste encore en suspens.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Gabriel-Yvan Gagnon

M. Gagnon: Oui. Très brièvement, M. le Président, je pense qu'il serait intéressant de s'adresser au fond des choses avec ce projet de loi là. Dans les dernières semaines, depuis le dépôt du projet de loi le 15 novembre dernier, j'ai eu l'occasion de parler avec plusieurs chauffeurs de taxi, des personnes qui oeuvrent dans le domaine et qui m'ont exprimé leur grande satisfaction de cette orientation-là que le gouvernement, par l'entremise du ministre des Transports, a prise en déposant ce projet-là.

Fondamentalement, ce qui ressort de l'intérêt qu'ils manifestent, c'est: contrairement à ce qu'on entend de la part de l'opposition, l'Association qui est préconisée est très bien reçue parmi les personnes à qui j'ai pu en parler. Il est exact cependant que, pour certains, dans leur esprit, il y a certaines zones d'ombre sur la question de la syndicalisation, mais il y a un peu de pédagogie à faire là-dessus, et on a besoin, je pense, avec la collaboration de tous, de clarifier cet aspect-là.

Il n'est pas question, d'abord, de syndicalisation, et ça, les gens dans l'ensemble le reconnaissent. Et ce qu'ils apprécient par l'Association, c'est la capacité de se donner des services pour des couvertures dont ils ont besoin comme travailleurs autonomes. Ils désirent aussi que le ménage soit fait afin de débarrasser l'industrie du taxi d'abord des minounes qu'on y retrouve, parce qu'il y a une question de sécurité des usagers. Également, sous l'angle de la sécurité des usagers, les chauffeurs de taxi avec qui j'ai parlé sont éminemment satisfaits qu'on introduise des règles qui permettent qu'on se débarrasse des bums qui sont dans l'industrie. Ça, c'est quelque chose qui est attendu par les gens qui sont dans l'industrie du taxi. Ne serait-ce que pour ça, je pense qu'il y a lieu d'aller de l'avant avec ce projet de loi là.

Et, suite encore aux consultations qui ont été tenues la semaine dernière devant cette commission, je comprends que le ministre arrivera avec certains amendements qui tiennent compte des consultations qui ont été faites. C'est ça, être à l'écoute des gens, et, moi, j'apprécie qu'on puisse aller de l'avant. C'est les seuls propos que je voulais vous tenir.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saguenay. Nous allons prendre en considération l'article 1 du projet de loi.

M. Brodeur: Question de règlement.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Je fais motion pour qu'on ajourne le débat pour permettre au ministre de déposer éventuellement ses amendements.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Chevrette: Vous avez dit, dans la première... Il n'y a pas de question de règlement pour ajourner les débats.

Le Président (M. Lachance): Non, non, ce n'est pas une question de règlement.

M. Chevrette: Ce n'est pas une question de règlement, ça.

Le Président (M. Lachance): Non, non.

M. Chevrette: Vous avez dit: On prend en considération l'article 1.

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Chevrette: Théoriquement, je dois le présenter, et, après ça...

M. Brodeur: M. le Président.

M. Chevrette: Quand ce sera à son tour, il proposera l'ajournement.

M. Brodeur: Non, on peut le proposer en tout temps.

M. Chevrette: Il n'y a aucune question de règlement là-dessus.

M. Brodeur: Non, on peut le proposer en tout temps durant le débat.

M. Chevrette: N'essayez pas de jouer au fin fin, vous ne pouvez pas.

M. Brodeur: Non, non.

M. Gobé: On peut déposer des motions.

M. Brodeur: On peut faire motion pour ajourner le débat.

M. Chevrette: Pas sur une question de règlement.

Le Président (M. Lachance): Non, non, ce n'est pas une question de règlement. C'est qu'à l'article 165 du règlement «un membre peut proposer que la commission ajourne ses travaux». Alors, j'imagine que c'est en vertu de cet article-là.

M. Brodeur: M. le Président, l'article 165 fait partie du règlement, donc c'est une question de règlement. Je propose que l'on ajourne. Ce n'est pas une question d'autre chose, là, de recette quelconque, c'est une question qui fait partie du règlement. Donc, je propose que l'on ajourne le débat.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, sur l'article 165.

M. Chevrette: M. le Président, si vous acceptez la proposition de l'ajournement du débat, il va priver M. Farès Bou Malhab de ses amendements, parce que, dès que je les lui donne, il part en courant puis il les faxe. Donc, ça ira à demain seulement. Il sert très mal ses clients.

M. Brodeur: Donc, M. le Président, ce n'est plus une question de règlement, c'est une question de chantage, là?

Le Président (M. Lachance): Un à la fois.

M. Chevrette: Ha, ha, ha! Bien non, ce n'est pas ça. Je t'ai dit qu'on les déposerait dès le premier article.

M. Brodeur: Ce que je vous dis, M. le Président, c'est que je donne l'occasion au ministre d'aller réfléchir aux propos de l'opposition. On lui a dit qu'on était prêts à collaborer à condition d'avoir des amendements qui sont raisonnables...

M. Chevrette: J'ai dit que je les déposerais dès que l'article 1 serait appelé.

M. Brodeur: ...et puis ça pourrait nous permettre... Puis je réitère la proposition de déposer les amendements. Entre-temps, M. le Président, tout ce que je vous dis, c'est que...

M. Chevrette: Bon, bien, qu'il aille s'amuser dans le trafic. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse!

Le Président (M. Lachance): De toute façon, moi, je vais vous lire l'article 165.

M. Brodeur: Si ça vous fait plaisir...

Le Président (M. Lachance):«Cette motion est mise aux voix sans amendement et elle ne peut être faite qu'une fois au cours d'une séance, sauf par le président ou un ministre membre de la commission. Elle ne peut être débattue, sauf qu'un représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours de 10 minutes chacun.»

M. Brodeur: Donc, j'aurais 10 minutes, là.

Le Président (M. Lachance): De toute façon...

M. Chevrette: On les a assez entendus, sacrifice! Vote!

Le Président (M. Lachance): Alors, j'ajourne les travaux sine die.

M. Brodeur: Merci beaucoup, M. le Président.

(Fin de la séance à 12 h 58)



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