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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 10 février 2000 - Vol. 36 N° 40

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
M. Guy Chevrette
M. Yvan Bordeleau
Mme Madeleine Bélanger
M. Claude Boucher
M. Michel Côté
*M. Philippe Gervais, Lockheed Martin IMS
*Mme Catherine Hirou-Bazan, idem
*Mme Paula Landry, CAA-Québec
*M. Yvon Lapointe, idem
*Mme Claire Roy, idem
*M. Jacques Lelièvre, ADPPQ et SPCUM
*M. Michel Beaudoin, idem
*Mme Theresa-Anne Kramer, MADD Montréal
*Mme Sara Latour, idem
*M. Christian Harvey, Service de police de Chicoutimi
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Barbeau (Vanier) remplace M. Pelletier (Abitibi-Est); Mme Delisle (Jean-Talon) remplace M. Benoit (Orford); et Mme Bélanger (Mégantic-Compton) remplace M. Middlemiss (Pontiac).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je demande à tous les membres de la commission ainsi qu'aux autres personnes qui sont présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire pendant la séance.

Alors, nous allons ce matin entendre tour à tour Me Marc Boulanger; par la suite, Me Marc Bellemare; et, finalement, à la fin de l'avant-midi, M. Daniel Gardner. Cet après-midi, Lockheed Martin; le CAA-Québec; l'Association des directeurs de police et de pompiers du Québec et SPCUM; MADD Montréal; pour terminer, le Service de police de Chicoutimi.


Auditions

Alors, je souhaite la bienvenue à Me Marc Boulanger, en lui indiquant, comme à tous les autres, qu'il a un maximum de 20 minutes pour nous faire part de ses commentaires sur le livre vert. Par la suite, il y aura des échanges avec les parlementaires de chaque côté. Alors, Me Boulanger, vous avez la parole.


M. Marc Boulanger

M. Boulanger (Marc): Merci. Je comprends que j'ai 20 minutes. Il est entre 9 h 40 et 9 h 45. C'est à partir de maintenant que je commence, pas à 9 h 30, hein? Sans ça, il va me rester 10 minutes.

Le Président (M. Lachance): Le chronomètre est commencé.

M. Boulanger (Marc): O.K. Alors, merci. Je tiens pour acquis que j'aurai à expliquer quelques concepts juridiques. Je vais le faire le plus rapidement possible lorsque j'aurai l'occasion de le faire ou que j'aurai à le faire. Ceci dit, outre une courte introduction, j'ai cinq points dont je veux discuter avec vous, dont je veux vous faire part avant de conclure et j'espère bien finir en une vingtaine de minutes.

L'essentiel de mon propos va toucher à la Loi sur l'assurance automobile. Pourquoi? C'est que, même si on est ici dans une commission parlementaire qui touche à la sécurité routière, à chaque fois qu'on parle de sécurité routière, on parle d'éventail de mesures pour promouvoir la sécurité – ou réduire l'insécurité, je dirais – et, à chaque fois qu'il y a des mesures qui sont touchées et qui sont envisagées, il y a des mesures financières. Or, si les finances ont quelque chose à voir avec la sécurité routière, bien, nécessairement, on ne peut pas faire autrement que de parler de la Loi sur l'assurance automobile parce que les sous sont contrôlés là et l'indemnisation est là. Et l'indemnisation, c'est la conséquence des blessures d'accidents d'automobiles dont on sait qu'une bonne partie provient de conduite dangereuse ou de conduite en état d'ébriété, etc. Donc, c'est la raison pour laquelle il y a un lien inévitable que l'on doit tresser avec la Loi sur l'assurance automobile.

Alors, le premier point dont je veux vous entretenir concerne la différence, je vous dirais, entre les régimes ordinaires d'assurance, la responsabilité, comment est-ce que ça se passe en général, par opposition à la Loi sur l'assurance automobile, qui est une loi d'exception. Pour vous dire à quel point c'est une loi d'exception, ça sort de l'ordinaire, la Loi sur l'assurance automobile, il n'y a qu'en Saskatchewan, au Manitoba qu'il y a une telle loi, une loi qui s'apparente à celle qu'on a ici. La Colombie-Britannique a rejeté – et j'en parlerai un peu plus tard – la mise en place d'un système étatique d'indemnisation. L'Ontario y a touché un peu; il y a eu des gros problèmes. Et je toucherai aussi l'Australie et même la Nouvelle-Zélande pour vous montrer comment est-ce qu'il faut aller loin pour trouver des choses qui ressemblent un peu à ce qu'on a ici.

Alors, si on regarde le régime régulier de responsabilité et d'assurance, on constate que la Loi sur l'assurance automobile, c'est de l'AGM, ça. Tout le monde sait ce que c'est que des OGM, mais des AGM on le sait un peu moins. Alors, de l'AGM, c'est de l'assurance génétiquement modifiée. C'est ça que c'est, l'assurance automobile, ici, au Québec. Et je vais vous dire en quoi c'est modifié, en quoi c'est dangereux et en quoi il faut le changer.

Alors, pourquoi et en quoi est-ce modifié? Alors, dans un premier temps, bien, l'accès aux tribunaux est nié aux gens qui sont victimes d'un accident d'automobile. On dit: C'est un choix social qu'on a fait. Fort bien, mais il faut constater que ce n'est pas qu'une mince atteinte à des droits, ça, de nier des droits à l'accès aux tribunaux.

Vous avez une référence de constitutionnaliste en page 15 de mon mémoire. Dû au temps et aux choses que je veux vous dire, je n'en ferai pas la lecture, mais qu'il suffise de dire que la conclusion de deux professeurs réputés en droit constitutionnel, MM. Brun et Tremblay, s'appuyant sur divers articles de la Charte canadienne et de la charte québécoise nous disent que l'accès à la justice, c'est un droit constitutionnel, autrement dit, que l'indépendance judiciaire, qui est, comme nous l'avons dit, un principe enchâssé dans la Constitution, inclut le droit aux tribunaux. C'est beau? Voulez-vous que je m'interrompe, M. Chevrette? Non? C'est bon.

M. Chevrette: Ce n'est pas pour vous interrompre, c'est pour vérifier une allégation.

M. Boulanger (Marc): Ah, il n'y a pas de problème.

M. Chevrette: Allez-y.

M. Boulanger (Marc): Donc, lorsque la Loi sur l'assurance automobile retient les gens d'aller devant les tribunaux, c'est une atteinte très importante à des droits constitutionnels. Et ceci, ces auteurs-là sont aussi supportés par une décision de la Cour suprême, entre autres – il y en a bien d'autres. Mais je vous cite un autre passage, toujours à la page 15 de mon mémoire: «L'interdiction qui est faite au gouvernement de s'intéresser de trop près à la vie des citoyens touche à l'essence même de l'État démocratique.» À l'essence même de l'État démocratique. Donc, oui, on fait un choix social avec une loi sur l'assurance automobile, mais ce n'est pas mince, la première de cette mutation génétique que l'on opère.

Deuxième mutation génétique qui est opérée, le principe de compensation intégrale des victimes. C'est un principe qui n'a pas d'âge dans nos lois, ça. Une victime qui est blessée a droit à une restitution intégrale de son dommage. Elle n'a pas le droit à des dommages punitifs, en principe, sauf exception, là, mais, en principe, elle a droit à la restitution intégrale de son dommage par l'auteur de la faute. Rien de tel dans la Loi sur l'assurance automobile. Il y a des plafonds à maints égards. Il y a des gens qui ne sont pas compensés du tout – j'en donnerai un exemple tantôt – et il y a des gens qui sont sous-compensés. Donc, deuxième accroc à un principe fondamental de longue date du régime d'assurance.

Troisièmement, un autre principe fondamental, d'assurance celui-là, c'est le principe de la subrogation. Le principe de la subrogation, je vais expliquer sommairement ce que c'est. M. Chevrette, votre maison brûle. Votre assureur vous rembourse le prix de votre maison, 100 000 $. Du fait du paiement, l'assureur hérite de vos droits contre celui qui a mis le feu à la maison ou celui qui a commis une faute, comme le contracteur en plomberie qui a fait des soudures, ce qui fait que la maison a pris feu. Alors, la subrogation, c'est simplement le droit pour celui qui a payé de récupérer du fautif le montant qu'il a payé. De tout temps, ça a existé dans l'assurance, et ça existe encore dans l'assurance privée mais aussi dans l'assurance publique. Ça aussi, je vais en dire un mot tantôt. Donc, troisième accroc dans la Loi sur l'assurance automobile.

Il n'y a que quelques cas de subrogation mais seulement contre les étrangers. La Loi sur l'assurance automobile va poursuivre les responsables si c'est des conducteurs étrangers ou si c'est des accidents à l'étranger. Eux autres, ça, ce n'est pas grave, on peut les poursuivre. Mais, au Québec, ça ne se passe pas, il n'y a pas de réserve, de recours en faveur aux lois de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Autre principe absolument fondamental du régime d'assurance, de tout temps, de tous âges, et qui est mis en brèche par la Loi sur l'assurance automobile, c'est l'acte volontaire. Personne n'a droit d'être payé et compensé pour son acte volontaire ou dans un cas de faute lourde équivalente à fraude. Tu n'es pas payé pour ça. Autrement dit, si on met volontairement le feu à sa maison, l'assureur est en droit de dire: Je ne vous paie pas.

(9 h 50)

J'en aurais d'autres exemples, mais le temps va me manquer si je vous en donne. Mais qu'il suffise de dire qu'il y a deux articles de loi, du Code civil, qui est... Notre Code civil, ça date de 1864, ça hérite du Code Napoléon de 1805. Je veux dire, je peux me tromper dans les dates un peu, mais pas beaucoup, ça date de longtemps. Alors, le Code civil a été renouvelé en 1994, les vieux principes ont été repris, vous les avez en page 11 de mon mémoire, deux articles, 2464 et 2402. Encore une fois, des principes de fond mis en brèche par cette génétique modifiée.

Enfin, le troisième... pas le troisième, le xième – je n'ai pas le nombre. Un autre point fondamental d'un contrat d'assurance et de tout contrat d'assurance, même les contrats tout risque, je dirais, c'est qu'il y a des exclusions. Si on regarde à nouveau nos contrats d'assurance responsabilité, d'assurance incendie, il y a des exclusions. Ce n'est pas vrai que votre assureur va vous payer votre maison brûlée – pour reprendre l'exemple de la maison brûlée – si vous avez installé, comme j'ai déjà vu, un chauffe-eau coupé en deux installé l'un par-dessus l'autre avec des cheminées entre les deux pour faire un foyer à combustion lente dans votre sous-sol. Il y a comme un problème au niveau de l'augmentation du risque que l'assureur n'assume pas, refuse d'assumer. Il faut déclarer les augmentations, les amplifications de risque, d'une part, sous peine de ne pas être payé ou d'être tellement peu payé que c'est l'équivalent de ne pas l'être. D'autre part, il y a des exclusions claires. Si votre maison – toujours le même exemple de notre résidence – est mise à terre, dans le cas d'une émeute ou d'une guerre, le contrat prévoit que ce n'est pas payé, c'est une exclusion. Or, ici...

Donc, ceci complète mon premier point sur la différence entre les régimes globaux et en quoi il y a de la mutation génétique avec notre assurance, qui est exceptionnelle. Elle est rare, c'est une bibitte bizarre, hein, mais il demeure que c'est un contrat d'assurance.

Quand on reçoit nos primes d'assurance, il y a de la TPS puis de la TVQ dessus. C'est un produit d'assurance que nous achetons. Mais voici que, dans ce produit d'assurance sociale – mais contrat d'assurance pareil – il y a des gens qui sont immunisés de toute poursuite, et pas n'importe quelles personnes, les gens dont la conduite est criminelle. On couvre même les criminels de la route, les gens de conduite dangereuse, les gens qui sont à l'origine de la majorité des dommages aux victimes.

Alors, d'où est-ce que je prends cette affirmation, que la majorité des dommages proviennent de ces gens-là? Bien, de statistiques qui émanent de la SAAQ elle-même: 47 %... Je vais vous dire ça, ça ne sera pas long. Vous avez ça en annexe à mon mémoire, mais peu importe. Je vous donne que «la conduite avec facultés affaiblies – ça, c'est des documents qui... ce n'est pas moi qui le dis, ça, c'est la SAAQ – est associée à 47 % des décès, 28 % des blessés graves et 15 % des blessés légers. Aussi, on peut évaluer le coût moyen en indemnisations reliées à la conduite avec facultés affaiblies à 200 000 000 $.» Alors, ce n'est pas rien, ces gens qui causent des dommages aux autres et à eux-mêmes, il y a des impacts considérables et un lien direct avec les accidents. Je pense que je n'ai pas de démonstration additionnelle à faire et, de surcroît, que ça tombe sous le sens.

Deuxièmement, Statistique Canada, avec des statistiques qui incluent 1998, nous indique que conduite avec facultés affaiblies d'un véhicule automobile avec un taux supérieur à 80 mg, le nombre de personnes accusées d'infractions de conduite au Québec, 16 371 accusées – accusées; causant des lésions corporelles, il y en a 326 là-dessus; causant la mort, il y en a 26 là-dessus. Total: 16 723. Ça fait beaucoup de monde, beaucoup de monde accusé. Donc, on ne parle pas des gens qui ont conduit en état d'ébriété et qui ne se sont pas fait attraper. Alors là c'est probablement exponentiel comme impact.

Maintenant, j'ai lu dans les journaux puis j'ai lu des articles de savants professeurs et de M. le président de la Société de l'assurance automobile sur ce qu'on appelle, en droit, la causalité et qu'il faudrait toujours faire la preuve que c'est à cause de la boisson que ça a causé un accident puis – imaginez – qu'il y a des cas où ça n'a rien causé vraiment comme dommages parce que c'était la faute de quelqu'un d'autre. En tout cas, un charabia. Moi, je vais vous parler de «hard facts», là.

Vous avez, en annexe, mon annexe VI, référence à un article de Colombie-Britannique et qui fait référence au Fraser Institute. Lorsque la Colombie-Britannique a regardé l'opportunité de mettre en place un régime d'assurance en Colombie-Britannique, qu'est-ce qu'elle a fait, la Colombie-Britannique? Bien, elle a regardé l'expérience québécoise et elle a confié au Fraser Institute le mandat de regarder qu'est-ce que c'était qui se passait au Québec. Et le résultat... Et là je veux vous faire... Malheureusement, je ne veux pas faire de lecture, mais je n'aurai pas tellement le choix que de vous lire un petit passage en anglais. Mais voici ce que ça a donné, deux études indépendantes de Colombie-Britannique sur ce qui se passe au Québec. Alors là ce n'est pas le Département des communications de la Société de l'assurance automobile qui parle. Là, c'est quelqu'un qui est un tiers, qui veut voir: On va l'implanter dans notre province, donc qui a un oeil ouvert sur ce qui se passe au Québec. Voici ce que ça donne:

«The Fraser Institute commissioned Vancouver economist Peter Sheldon to survey Canadian and international studies on the effects of no-fault insurance. The results of his work, The Health and Moral Hazards of No-fault Insurance , paint a consistent and disturbing picture. One of the most controversial issues is the impact of no-fault insurance on the rate of accidents, injuries and fatalities. Two major empirical studies of Québec point out that since 1978 both fatal accidents and accidents leading to injuries have increased. Professor Gaudry found in his 1992 study that an estimated 6,8 % increase in fatalities – 6,8 %, augmentation de décès – 26 % increase in injuries and 11 % increase in property damage can be associated with...»

Une voix: ...

M. Boulanger (Marc): C'est bon? Alors donc: increase, increase, increase in fatalities, injuries, «...property damage can be associated with Québec's introduction of no-fault insurance. In a separate analysis – deuxième étude – Professor Devlin found a similar order of magnitude increases corrolated to Québec's no-fault scheme.»

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): Me Boulanger, votre temps s'écoule.

M. Boulanger (Marc): Oui, je sais, mais...

Le Président (M. Lachance): Même si quelqu'un parle, il peut aussi avoir des oreilles pour entendre ce que vous dites.

M. Boulanger (Marc): O.K. C'est beau. Donc, deux études séparées indiquent une augmentation des décès, des blessures et des «property damage». Alors, vous avez toujours ça en annexe à mon texte. Ça se termine par ceci: «Can no-fault insurance, with its artificially set premiums and artificially set awards, contribute to the prevalence of moral hazard? Well, the empirical evidence from Québec, New Zealand and Australia suggests such a link.» Le «link», le «moral hazard», c'est «reckless driving».

(10 heures)

Troisième chose, moi, je ne pratique pas, comme avocat, en matière d'accidents d'automobiles, je ne pratique pas en accidents de travail; ce que je fais, c'est de la responsabilité médicale. Je défends depuis des années les gens victimes de blessures médicales. Alors, je me bats, comme d'autres, contre des murs, là, vous allez me dire, mais c'est ça que je fais. Or, vous savez que, de fois en fois, il revient fréquemment la question de «no fault» en matière de d'assurance médicale. Devrait-on mettre en place un système d'assurance «no-fault» pour les médecins? Il y a deux études qui ont été faites là-dessus, l'une par le doyen Pritchard en 1990, doyen de la Faculté de droit de Toronto, et l'autre en 1997 par l'ancien juge en chef du la Cour d'appel de l'Ontario, le juge Dubin. Résultat de ces deux rapports-là, et je vous les lis – 1990: «Dans l'ensemble, les risques de poursuite en responsabilité civile dans les cas de préjudices évitables ont eu pour effet d'améliorer la qualité des soins de santé au Canada.»

Une voix: ...

M. Boulanger (Marc): Deux minutes? O.K. Dubin, en 1997: «The Prichard Report found, and I agree, that "on balance the good effects of the threat of litigation outweigh the bad. That is, on balance and in simplest terms [...] the quality of health care provided by our physicians and health care institutions is higher than it would be in the absence of threat of litigation".»

Alors, il me reste une minute pour vous faire un autre sommaire. On dira: Les loi sociales au Québec sont toutes pareilles, puis celle-là, elle rentre dans le moule des autres. Réponse: C'est faux. L'IVAC, la CSST, la RAMQ prévoient toutes des cas de subrogation et de poursuite et de recours additionnels si on n'est pas suffisamment compensé. Il y a des horreurs causées dont vous avez entendu parler, que vous avez entendu directement et dont vous entendrez sûrement parler. Moi-même, j'en ai vécu une jusqu'à la Cour suprême. Quelqu'un qui est vraiment abandonné par le système, il n'a aucune espèce de compensation ni à la SAAQ ni devant les tribunaux.

Alors, maintenant quoi faire? Quoi faire contre ça? Il faut qu'il y ait une conséquence financière. S'il y a un droit de subrogation en faveur de la SAAQ pour récupérer les sommes qu'elle a payées aux victimes, s'il y a un droit pour les victimes de récupérer les sommes qu'elles n'ont pas touchées ou qu'elles sont insuffisamment compensées et si on rajoute simplement une exclusion disant: Écoutez, quand vous conduisez en boisson, vous n'êtes pas couvert, l'assurance ne vous couvre pas, c'est un risque qui n'est pas couvert, point... Qu'on envoie les cas de criminalité à l'IVAC, et puis le problème va se régler, parce que, à l'IVAC, les criminels ne sont pas payés lorsqu'ils causent un problème à eux-mêmes.

Alors, je conclus avec... Donnez-moi 15 secondes. Dans l'autre salle, là, on parle de clarté référendaire et puis on parle de: Est-ce que 50 % plus un, c'est assez? Puis est-ce que 60 %, c'est assez? Puis est-ce que deux tiers, c'est assez? Si on arrive à 70 %, je pense que fédéralistes, indépendantistes, nationalistes, tout le monde va s'entendre que c'est assez. Si on arrive à 75 %, c'est encore pire. Puis, si on arrive à 80 %, c'est encore pire. Alors, j'ai trois questions référendaires à vous soumettre et qui sont tirées de Léger & Léger.

Le Président (M. Lachance): Rapidement, Me Boulanger.

M. Boulanger (Marc): Pardon?

Le Président (M. Lachance): Rapidement, parce que...

M. Boulanger (Marc): Ah oui, j'ai fini. Vraiment, je termine là-dessus. Alors, sondage auprès de la population: Croyez-vous qu'un conducteur blessé alors qu'il conduisait en état d'ébriété devrait recevoir des indemnités de la Société de l'assurance automobile du Québec? Réponse: Non, 85 %. Deuxième référendum: Croyez-vous qu'un automobiliste qui se blesse en commettant un acte criminel au volant devrait recevoir de telles indemnités? La clarté référendaire nous donne: Non, 85 % en moyenne, hommes, femmes. Troisième question: D'après vous, si un conducteur en état d'ébriété cause un accident dans lequel d'autres personnes subissent des blessures, ce conducteur devrait-il, s'il en a les moyens, rembourser à la SAAQ? Réponse: Oui, 81 %. Et dernière question référendaire, et je conclus avec cela, M. Lachance, en vous remerciant de votre patience: Croyez-vous que les victimes de conducteurs en état d'ébriété devraient avoir le droit de les poursuivre en dommages et intérêts devant les tribunaux civils? La réponse, c'est oui à 85 %. Il ne faudrait pas que M. Chrétien mette la patte sur cette chose-là.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, M. Boulanger. Tout d'abord, je voudrais apporter certaines clarifications à vos données...

M. Boulanger (Marc): Oui, allez-y.

M. Chevrette: ...ça va peut-être aider la clarté référendaire. En Colombie-Britannique, il se paie 250 000 000 $ par an en frais d'avocats, en honoraires d'avocats. Je voulais vous donner ça au passage pour démontrer que ça ne doit pas aider les citoyens trop, trop, ça.

Deuxième chose, vous avez pris des statistiques de 1994 alors qu'on en a en 1997, et je vais vous les donner. Je pense que c'est important de montrer l'amélioration du système. En 1974, les décès étaient de 47 %. Aujourd'hui, en 1997, les dernières statistiques compilées étaient de 40 %. Les accidents graves étaient de 28 % en 1974, 1978, là...

Une voix: En 1994.

M. Chevrette: ...en 1997, ils sont de 20 %, baissés de 8 %. Les blessures légères, ça représentait 15 %; aujourd'hui, c'est 5 %. Donc, il y a une très nette amélioration dans les statistiques, et je pense que c'est tout à l'honneur de notre système, de notre régime, de nos campagnes de sensibilisation et d'éducation.

Le taux des décès par milliard de kilomètres, en 1978, quand on compare la Grande-Bretagne, la Norvège, le Québec, la Finlande, les États-Unis, la Suisse, l'Allemagne, le Japon, l'Autriche, la Belgique et la France, on était dans les plus élevés, à 42 %, en 1978. En 1997, on est rendu à 9,9 %, une amélioration de 76 %. C'est fantastique. Quand on se compare aux autres, on est devenu dans le peloton de tête. Donc, tout ça, c'est des choses qui sont intéressantes. Quant aux gens de la Colombie-Britannique qui ont analysé notre système, ils auraient pu considérer qu'ils nous ont offert souvent d'être une société distincte, et c'est un peu ce qu'on fait.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Donc, abordons votre dossier. Vous voulez donner des droits à des individus – d'appel – et vous donnez un droit à la SAAQ de poursuivre, d'aller récupérer les... Je voudrais vous donner le portrait des gens qui sont en état d'ébriété, qui pourraient faire faire de l'argent à des avocats, mais ce qui ne réglerait rien, rien, rien pour les citoyens. 43 % de ceux qui ont des infractions au niveau criminel ne déclarent aucun revenu. Ils sont sur l'aide sociale, la sécurité du revenu, 43 %. Un autre 41 % de ce groupe-là gagne en bas de 30 000 $. On est rendu à 84 % de gens qui pourraient être poursuivis, qui rapporteraient quoi, à part en honoraires d'avocats, aux citoyens qui voudraient poursuivre? Il y en a 14 % qui ont entre 30 000 $ et 50 000 $, et 2 % de 50 000 $ et plus. C'est ça, le portrait, puis ça n'a pas changé tellement, ça, par rapport à... Tous les arguments que vous avez donnés ressemblaient au débat qu'on a eu il y a 22 ans au Québec sur la responsabilité pour en arriver à un régime de non-responsabilité.

Je ne croyais pas revivre, d'ailleurs, avant la fin de ma carrière politique, ce vieux débat là qui a opposé la profession d'avocat à un concept de société, parce que 85 % des gens qui ont été en accident puis qui ont bénéficié des services de la SAAQ considèrent qu'ils touchent de l'argent plus vite, qu'ils n'ont pas trois ans sur l'aide sociale conditionnelle, qu'ils touchent des honoraires. Quand on fait la comparaison et les études... On pourrait amener l'Institut Fraser à faire les études, puis il démontrerait qu'en bout de course on donne plus en indemnités que certains procès donnaient, toute comparaison faite, et c'est plus vite. On améliore encore la rapidité – on vient de l'annoncer la semaine dernière – avec 17 centres hospitaliers régionaux qui vont prendre en charge le patient même à l'hôpital même, dans le centre hospitalier. Ils vont améliorer les délais de 58 % – et de 80 % dans un cas bien précis – entre le premier chèque... par rapport à ce qui existait antérieurement.

Moi, je voudrais vous poser un cas concret, vous poser une question très concrète, pour savoir où vous vous en allez, parce que je voudrais comprendre. Une famille – un père, une mère puis un enfant – a un accident d'automobile, puis ils sont tous trois gravement blessés. Le conducteur, en l'occurrence le père, est à 0,9...

Une voix: À 0,09 %.

(10 h 10)

M. Chevrette: À 0,09, excusez. À 0,9, coma total.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Si la loi était modifiée dans le sens que vous demandez, le père ne serait pas indemnisé et serait tenu de rembourser à la Société de l'assurance automobile du Québec les indemnités versées à sa femme et à son enfant parce que c'est le pouvoir de... Est-ce que c'est ça que vous voulez?

M. Boulanger (Marc): Je voudrais qu'il soit fixé un seuil – et ce n'est pas moi qui ai fixé 0,8, c'est le gouvernement – où il y a une ligne où c'est...

M. Chevrette: Vous faites la même erreur que moi.

M. Boulanger (Marc): Même chose que vous. Bon. Où il est établi quelle est la ligne où ça devient criminel ou ça ne devient pas criminel. Ce qui est sous-jacent à votre question, c'est de dire: Écoutez, il était sur la ligne, tu sais. Est-ce que vraiment il a une conscience telle de l'état de dangerosité ou de criminalité dans lequel il se trouve? Peut-être pas, mais le problème n'est pas là. Le problème est de dire: Si ce n'est pas là, bien fixons-la à 0,12, hein, ou fixons-la à 0,15.

M. Chevrette: Oui, mais changez mon 0,09. C'est sur le principe, n'essayez pas...

M. Boulanger (Marc): Bien, c'est fondamental.

M. Chevrette: Il y a des brillants professeurs puis il y a des brillants avocats, mais là, à matin, ne patinez pas, ne faites pas votre politicien.

M. Boulanger (Marc): Je ne patine pas, dès l'instant...

M. Chevrette: Réponse directe. Recommandez-vous de poursuivre le père pour réclamer les indemnités de la mère et de l'enfant, oui ou non?

M. Boulanger (Marc): La recommandation qu'il faut qu'il y ait, qui est la logique incontournable du système lorsqu'on dit qu'à tel niveau c'est criminel... la réponse, c'est que la SAAQ devrait dire à ce monsieur-là: Vous venez de tomber dans les exclusions. Comme le motoneigiste qui se blesse, le même père de famille à 0,09, mais qui est sur une motoneige en dehors d'un chemin routier, il n'est pas couvert, il est exclu. Ça fait partie des exclusions du contrat d'assurance. C'est tout. C'est simple comme ça. C'est le régime de fond, ça, des exclusions dans certains cas, y compris dans cette loi-là. M. Chevrette...

M. Chevrette: Donc, la conclusion, c'est oui?

M. Boulanger (Marc): Oui.

M. Chevrette: O.K. Non, mais c'est ça, j'aime ça les réponses claires, moi.

M. Boulanger (Marc): Oui, oui, absolument. Et, si on est inconfortable avec ça, ce n'est pas à cause du principe de la criminalité au volant, c'est à cause du 0,09 qu'on n'est pas sûr. Alors, il s'agit d'être confortable avec. Parce que, moi, je vais vous retourner la balle, M. Chevrette, êtes-vous d'avis...

M. Chevrette: Mais là, ici, je m'excuse...

M. Boulanger (Marc): C'est vous qui posez les questions.

M. Chevrette: ...mais vous vous ferez élire si vous voulez vous asseoir ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: C'est malheureusement la condition fondamentale.

M. Boulanger (Marc): Ça, c'est comme les témoins qui ne peuvent pas dire ce qu'ils veulent.

M. Chevrette: Allez-y donc.

M. Boulanger (Marc): Bon, alors, je ne vous pose pas de question, mais...

M. Chevrette: Formulez-le sous forme de commentaire.

M. Boulanger (Marc): C'est ça, je vais y aller avec un commentaire. Supposons qu'on a un père de famille avec ses deux enfants dans une voiture dont le niveau d'alcoolémie est découvert comme étant à 0,18. Je pense que la SAAQ, clairement... ou à 0,20, mettons-le, là, vraiment, on est à un niveau absolument clair. Est-ce que la SAAQ devrait dire à ce monsieur-là: Il n'y a pas de problème, on vous paie pour votre handicap, votre blessure, votre bras arraché, ou autrement? La réponse, c'est non. De la même façon que la SAAQ dirait à ce même monsieur là, qui n'est pas en boisson, mais qui est dans une course automobile... Parce que les courses automobile, c'est exclu. C'est risqué, c'est trop risqué. Ce n'est pas criminel, mais c'est risqué, et la SAAQ, dans sa loi, prévoit que, quand on se blesse dans le cas d'un accident d'automobile de course automobile, on n'est pas payé, c'est exclu. Je le vois très simplement comme ça, moi. On a un contrat d'assurance sociale, il y a des risques qui ne sont pas acceptables là-dedans, il faut les ajouter dans les exclusions.

M. Chevrette: Ça veut dire que vous ne paieriez pas les enfants non plus?

M. Boulanger (Marc): Bonne question. Non, ce n'est pas ça que je dis, je dis que les enfants, eux autres, ils sont... Est-ce qu'ils sont en boisson? Est-ce qu'ils sont exclus? Est-ce qu'ils sont victimes d'accident d'automobile? La réponse, c'est: Ils ne sont pas en boisson, ils ne sont pas exclus, puis ils sont victimes d'un accident d'automobile. Ils sont payés.

M. Chevrette: Mais le père, il faudrait qu'il rembourse?

M. Boulanger (Marc): Le père, en principe, il faudrait qu'il rembourse.

M. Chevrette: Si vous suivez la logique de ma première question, vous êtes obligé de répondre oui.

M. Boulanger (Marc): Oui, si on prévoit une subrogation intégrale. Mais est-ce qu'on doit la prévoir dans un cas comme celui-ci? Je ne peux pas vous répondre, là. C'est parce que vous m'illustrez des problèmes pour me montrer que ça risque de ne pas marcher. Moi, je pense qu'au lieu de regarder les 0,4 % ou les 0,5 % qui montrent que ça ne marche pas, on devrait regarder l'ensemble de la majorité des cas. Vous avez 16 371 cas – je vous l'ai dit tantôt, là – conduite avec facultés affaiblies, 16 371 où il n'y a pas de blessures corporelles, il y a un potentiel de blessures corporelles. C'est ces gens-là qui partent, comme vous dites, à 0,09, un vin et fromage ou bien une dégustation de ci ou de ça, puis, bon, une petite bière avant de partir, puis... Mais tu n'es pas sûr. C'est ces gens-là qui se font... Il y en a 16 371 de ces personnes-là, peut-être, qui se sont fait attraper, là, et qui ont été accusées, et c'est peut-être 8 000 personnes de moins qu'on va avoir si ces gens-là se disent: Moi, je sors de mon vin et fromage, je ne suis pas sûr, là. Si je tombe dans les 326 qui ont causé des blessures corporelles, là, puis si je tombe dans les 26 qui tuent quelqu'un, je risque d'être poursuivi, je risque d'avoir des conséquences financières.

M. Chevrette: Mais vous le présentez, Me Bélanger...

M. Boulanger (Marc): Boulanger

M. Chevrette: ...Boulanger, puis vous ne me ferez pas pleurer là-dessus parce que...

M. Boulanger (Marc): Je ne veux faire pleurer personne.

M. Chevrette: Non, non, mais c'est parce que vous le présentez avec quasiment de l'émotion dans la voix – vous êtes un très bon plaideur – en disant: Si je fais un vin et fromage, puis si j'ai peur, puis ce qui va arriver... Entre vous et moi, avant, qu'est-ce qui arrivait avec votre vin et fromage puis la bouteille de vin au bout de la table? C'était l'avocat qui prenait le procès, qui faisait trois, quatre ans de procès...

M. Boulanger (Marc): Mon doux!

M. Chevrette: ...qui se rendait jusqu'à la Cour suprême, puis l'individu recevait 50 %, à peine, de sa pitance. Voyons.

M. Boulanger (Marc): M. Chevrette, non. Là, c'est parce que vous attaquez l'intégrité des avocats. Je n'accepte pas ça.

M. Chevrette: Non, non, je n'attaque pas l'intégrité...

M. Boulanger (Marc): Non, non. C'est un discours que je n'accepte pas, M. Chevrette.

M. Chevrette: Je m'excuse, M. Boulanger, ici, vous ne mènerez pas le jeu, vous n'êtes pas meneur du jeu. On va se parler comme du monde. Qu'est-ce qui arrivait concrètement dans un cas antérieur? On ne fera pas le vieux débat de 1978...

M. Boulanger (Marc): Je ne veux pas le faire, M. Chevrette.

M. Chevrette: ...où la profession payait des annonces à pleines pages. On peut améliorer un système. Je ne vous dis même pas, moi... Je n'irais pas, en tout cas, jusqu'à réclamer les pitances à un individu qui est en taule, mais je suis peut-être prêt, par exemple, à regarder la pitance payée à un individu en taule. Mais je ne punirai pas des enfants puis une femme, moi. C'est-u clair? Pas moi. C'est un choix de société, ça, et ça prime drôlement sur le bien-être d'une profession en particulier. C'est un droit de société puis une vision de la société de demain, et ça, vous ne me ferez pas déroger de ça. Et ça, là, je suis prêt à discuter avec vous publiquement n'importe où, n'importe quand.

On va vous poser une question directe. Un conducteur ivre qui est blessé par un conducteur qui n'a pas pris une goutte, il est blessé dans un accident par un gars sobre, il n'était pas en alcool, il n'y avait pas d'alcool, est-ce que la Société pourrait poursuivre un individu à ce moment-là pour se faire rembourser – dans votre logique – l'indemnité payée à un gars qui est accidenté par quelqu'un qui n'est pas ivre – dans la logique des revendications que vous faites?

M. Boulanger (Marc): Je veux être sûr que je comprends. Vous dites: C'est la personne qui est ivre qui se fait frapper. Autrement dit, dans votre exemple, il n'a pas causé l'accident, c'est l'inverse.

M. Chevrette: C'est l'inverse, c'est le sobre qui a frappé.

M. Boulanger (Marc): Bon, O.K. Bien, d'abord, je me demande comment ça se fait qu'il est sur la route au départ, cet individu-là.

M. Chevrette: Ah! c'est la faute de celui qui était chaud, là? Ce n'est pas ça que je vous dis, là.

M. Boulanger (Marc): Bien, la réponse est là.

M. Chevrette: Celui qui a frappé l'individu, il est sobre. Il va frapper un gars qui est ivre...

M. Boulanger (Marc): Qui est en voiture.

M. Chevrette: Qui est en voiture ou qui marche.

M. Boulanger (Marc): Non, non, mais il y a une grosse différence. Si vous frappez quelqu'un...

M. Chevrette: Bien, si tu vas le chercher à droite puis tu étais... Tu vas le chercher à gauche puis tu dois conduire à droite, t'as beau être ivre ou pas ivre, c'est toi qui es allé le chercher. Puis la responsabilité est prouvée que c'est la personne sobre qui a frappé quelqu'un qui avait de l'alcool dans le sang, est-ce que le conducteur sobre qui est responsable... Est-ce qu'il pourra se faire compenser par le conducteur sobre dans les propos que vous tenez, dans les revendications que vous faites?

M. Boulanger (Marc): Alors, le conducteur ivre qui n'est pas fautif et qui se fait frapper, il n'a pas d'affaire sur la route. Il ne se serait jamais fait frapper s'il avait respecté la loi. Un.

M. Chevrette: Ah, vous faites...

M. Boulanger (Marc): Il y a une différence.

M. Chevrette: ...la présomption qu'il ne s'est pas fait frapper. Je peux marcher, moi, sur le bord de la route, je peux être arrêté sur le bord de la route.

M. Boulanger (Marc): Oui. Alors, ça, c'est le deuxième point: vous traversez la rue. On a quelqu'un qui est ivre et qui traverse la rue. D'accord? La loi ne dit pas: Vous n'avez pas le droit d'être ivre. M. Chevrette, la loi ne dit nulle part: Vous n'avez pas le droit d'être ivre, vous n'avez pas le droit de marcher sur la rue si vous êtes... à moins d'être désordonné, tout ça. Mais personne ne dit que vous n'avez pas le droit d'être à 0,09 en marchant sur la rue. Cette personne-là qui se ferait frapper par un conducteur qui n'est pas ivre, certainement, a le droit d'être indemnisée. Ce que la loi nous dit, c'est que vous n'avez pas le droit d'être au volant. Alors, si vous êtes au volant dans une situation où on barde de posters que c'est criminel de faire ça, cette personne-là n'a pas le droit d'être indemnisée.

M. Chevrette: Mais l'individu ivre n'est pas en état d'infraction, il peut être... Quand je suis assis dans mon char, si je ne conduis pas, vous n'êtes pas capable de m'arrêter. Vous savez ça?

M. Boulanger (Marc): Ah! Vous n'avez pas le droit d'avoir le contrôle d'un véhicule automobile. C'est même dans le Code criminel.

M. Chevrette: Non, non, mais je ne suis pas en marche, rien, là.

M. Boulanger (Marc): Non, non, c'est ça. Vous n'avez pas le droit d'avoir le contrôle d'un véhicule automobile si vous avez vos facultés affaiblies.

M. Chevrette: Quelqu'un qui se ferait frapper sur le bord de la route, est-ce qu'on pourrait demander une compensation au conducteur sobre qui est complètement responsable de l'accident?

M. Boulanger (Marc): Le conducteur sobre qui frappe quelqu'un qui est ivre...

M. Chevrette: Mais qui n'est pas...

M. Boulanger (Marc): ...il faut qu'il paie. Oui, oui, la Société de l'assurance automobile va indemniser cette personne-là qui s'est fait frapper. Elle n'est pas au volant.

M. Chevrette: Oui, mais peut-elle réclamer? C'est ça que je veux savoir.

M. Boulanger (Marc): Pardon?

M. Chevrette: Peut-elle réclamer du conducteur sobre dans votre proposition? C'est ça, je veux savoir le fond de votre pensée.

M. Boulanger (Marc): Ah! O.K. Pour l'excédent de sa réclamation. Supposons que cette personne-là, la personne ivre, est indemnisée par la SAAQ et n'est indemnisée que partiellement, elle n'a pas eu 100 % son indemnisation, est-ce qu'elle aura droit de recours additionnel contre la personne sobre? La réponse est non parce que justement elle est sobre. C'est l'excédent contre les personnes qui sont dans ces statistiques-là, M. Chevrette, dont je parle.

(10 h 20)

M. Chevrette: Donc, la Société paierait pour le conducteur qui est responsable. C'est ça que vous me dites?

M. Boulanger (Marc): Qui n'est pas ivre.

M. Chevrette: Le conducteur responsable, s'il est à jeun, quand bien même qu'il a roulé à 150 km/h, qu'il a eu l'ivresse du volant puis qu'il est allé te faucher, ça, la Société paie, pas de problème, même s'il en tuait quatre, il est sobre.

M. Boulanger (Marc): C'est la conduite dangereuse, pas juste la sobriété, là. C'est la conduite dangereuse qui est exclue. Ce n'est pas normal qu'un assureur... Écoutez, vous êtes un assureur, est-ce que vous accepteriez de couvrir un gars qui roule à 200 km/h à l'envers sur l'autoroute? Vous êtes un assureur, allez-vous assumer ce risque-là? La réponse, c'est non. C'est une exclusion. Est-ce que vous allez assumer... Le même assureur va-t-il dire: Bien, si vous êtes en boisson, moi, je ne couvre pas cette... C'est une autre exclusion. Ça serait comme ça. Si on entre dans les exclusions, on n'est pas payé et on n'a pas de recours additionnel. Je ne le vois pas, le problème.

M. Chevrette: Prenez le gars qui a 0,09, il conduit très lentement, il s'en va chez eux, il se fait frapper par un type sobre.

M. Boulanger (Marc): Oui. Il est en voiture, notre gars à 0,09?

M. Chevrette: Oui.

M. Boulanger (Marc): O.K.

M. Chevrette: Puis ce n'est pas lui qui est responsable.

M. Boulanger (Marc): Non, c'est ça. C'est votre exemple de tantôt, ça

M. Chevrette: Est-ce que la SAAQ doit l'indemniser?

M. Boulanger (Marc): Non.

M. Chevrette: Est-ce qu'il peut réclamer du gars qui est responsable?

M. Boulanger (Marc): Non. L'autre, il est sobre?

M. Chevrette: Mais il est responsable complètement de l'accident.

M. Boulanger (Marc): Oui, mais on a mis en place un système étatique. C'est pour ça que vous aviez une erreur tantôt dans votre «je ne pensais pas revivre dans ma carrière de parlementaire»... On ne veut pas le remettre en cause, le système, il y a des vastes côtés qui sont très bons. La question n'est pas là, c'est qu'il y a des côtés pour lesquels, contrairement aux OGM, on a 25 ans de recul, en arrière, puis on est capable de voir où il y a des trous. Bouchons-les.

M. Chevrette: Donc, celui qui conduirait de façon dangereuse, en autant qu'il n'a pas une goutte de boisson dans le corps, il peut faucher n'importe qui, c'est la Société qui va payer dans ce que vous demandez. L'autre qui serait à 0,09...

M. Boulanger (Marc): Non, non. Actuellement, c'est ça, puis ce que je demande, c'est que ce ne soit pas ça. La conduite dangereuse doit être exclue.

M. Chevrette: Mais, dans votre tête, est-ce que la Société, qui paie pour les indemnités de l'individu, les frasques, les problèmes qui en découlent, pourrait réclamer dans la proposition que vous faites? Je veux comprendre ce que vous proposez.

M. Boulanger (Marc): Bien oui, absolument. C'est tout là.

M. Chevrette: Est-ce que la Société pourrait réclamer du gars sobre qui a conduit puis qui est responsable?

M. Boulanger (Marc): Le gars qui est sobre – l'homme ou la femme qui est sobre – est couvert par la Loi sur l'assurance automobile, d'emblée. Si cette personne-là, sobre, a un comportement tellement déréglé que c'en est criminel... Puis on en a vu, des gens qui conduisent avec les menottes aux mains puis qui ont volé une voiture de police puis qui sont à l'envers sur la 40. Il n'était pas chaud, ce gars-là, mais il était dangereux. Ce gars-là ne devrait pas être couvert. Alors, il est sobre, mais il n'est pas couvert. Ce sont des exclusions de risque, pareil comme les courses automobiles sont déjà dans la loi.

Alors, je ne remets pas en question tout le système, M. Chevrette. Et je ne remets pas en question du tout le système, pas du tout, mais je dis que, comme des enfants qu'on ne peut pas laisser dans une maison, je veux dire, il faut qu'il y ait un certain encadrement. Les encadrements qu'on a actuellement sont de bon aloi. Il y a des efforts extraordinaires, les voitures sont mieux construites, sont plus sécuritaires, mais il demeure... Et je vais vous citer un texte même de la SAAQ là-dessus: «Il demeure un élément fondamental, c'est qu'on est face à des incorrigibles qui n'auront de changement comportemental que s'il y a une pression législative importante sur eux.» Ce n'est pas moi qui le dis, ça, M. Chevrette, c'est la SAAQ qui le dit.

Le Président (M. Lachance): Alors, je dois clore ici la partie réservée aux députés ministériels et donner la parole au député de l'Acadie. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je vais remercier Me Boulanger pour sa présentation.

M. Boulanger (Marc): Je vous remercie.

M. Bordeleau: Je pense que les points de vue que vous présentez sont des points de vue importants et fortement discutés dans la société. Malheureusement, ce n'est pas le cas au sein de la SAAQ, mais dans la société on en discute. Et je regrette un peu la façon dont le ministre présente la chose en disant... Tout à l'heure, quand il disait: «C'est un vieux débat, je ne pensais jamais revoir un vieux débat opposant les avocats à un projet de société», je pense que ce n'est pas les avocats, là, qui soulèvent ce débat-là. Il y a au-delà de 175 000 personnes et citoyens du Québec qui ont signé des pétitions de différents ordres pour qu'on ait l'occasion de discuter de ces points-là, notamment des points que vous avez mentionnés. Et 175 000 personnes, ce n'est pas tous des avocats, ça, là. Alors, qu'on dise que c'est un vieux débat puis qu'on fasse des oppositions entre les intérêts privés des avocats versus un projet de société, je pense ce n'est pas admissible.

Et, c'est une question publique, c'est un débat public qui doit avoir lieu. Et ceux qui paient pour ce système-là, c'est les citoyens du Québec. Et c'est les citoyens du Québec qui doivent avoir un mot à dire à savoir quel genre de système on devrait avoir parce que c'est eux qui le paient. Alors, ils doivent avoir le droit de se prononcer là-dessus en quelque part et de décider c'est quoi, les exclusions que socialement on trouve convenables. Et, comme tous les régimes, il y en a des exclusions, donc il pourrait y en avoir dans celui-là.

Maintenant, il y a toutes sortes de propositions qui sont amenées sur la table. Je pense qu'il faudrait les évaluer à leur mérite et les regarder, mais on ne devrait sûrement pas les rejeter du revers de la main et s'objecter, comme on le fait à la SAAQ et au gouvernement, de se pencher, de se questionner sur un régime qui est là depuis 25 ans. On s'est questionné sur tous les autres régimes sociaux que les gouvernements ont mis en place, qui étaient aussi des projets de société. Je pense à la sécurité du revenu, l'aide sociale, je pense à l'assurance maladie, au Régime de rentes qu'on a voulu mettre en place au Québec. C'étaient des systèmes sociaux importants pour le Québec, c'étaient des choix de société. On s'est assis à un moment donné puis on les a rediscutés. On a amené des modifications puis on a amené des changements aussi. Pourquoi, dans ce cas-là, à la SAAQ... On dirait que c'est une vache sacrée. Il n'y a pas moyen de toucher à ça, il n'y a pas moyen de questionner le système. Je trouve ça inadmissible. Et ce n'est pas des groupuscules, là, qui demandent qu'on se penche là-dessus, puis ce n'est pas des avocats, tout simplement par intérêt personnel, qui veulent se pencher là-dessus, il y a 175 000 personnes qui ont signé des pétitions dans les dernières années qui demandent qu'on fasse un débat public là-dessus.

Alors, je pense qu'on a raison de poser ces questions-là. Maintenant, le gouvernement devrait, de son côté, manifester une certaine ouverture et faire en sorte qu'on les discute puis qu'on les approfondisse au lieu de s'objecter au départ puis de les rejeter carrément sans aucune... Puis qu'on demande à la société aussi parce que c'est eux, les payeurs au bout de la ligne. Puis qu'on leur demande quel genre de système ils veulent avoir.

Et, tout à l'heure, vous avez donné des statistiques, là, qu'on a déjà données, 80 %, 85 % de gens qui demandent qu'on repose des questions sur ce système-là. Alors, je pense que le débat devrait être ouvert et que c'est tout à fait justifié.

Maintenant, je vais aller dans certaines questions plus particulières.

Une voix: ...

M. Bordeleau: Oui. On en parle dans un document où on a mis en dernier, une page sur 60... Puis on n'a fait aucune proposition dans les suggestions sur lesquelles on demandait aux gens de se prononcer qui concerne aucun de ces éléments-là. On n'en parle pas, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui.

M. Bordeleau: Non, non. Vous savez très bien ce qu'on veut avoir, on veut avoir un débat public ouvert. Ça fait un an qu'on le demande. D'ailleurs, ça a été dit hier par le Dr Payette, ce n'est pas dans ce genre de débat là qu'on a actuellement qu'on va régler le problème.

M. Chevrette: Le Dr Payette...

M. Bordeleau: M. le ministre, c'est à moi à parler, maintenant.

M. Chevrette: C'est vrai, mais dites du nouveau, là.

M. Bordeleau: Laissez faire, vous vous répétez pas mal depuis longtemps aussi, là.

Le Président (M. Lachance): S'il vous plaît! Ça allait bien jusqu'à maintenant, on continue. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Me Boulanger, dans d'autres provinces, vous avez dit qu'il existait des systèmes «no-fault». Vous avez parlé de Saskatchewan et du Manitoba. J'aimerais savoir, est-ce que dans ces deux provinces-là le système est exactement le même qu'au Québec par rapport aux points que vous soulevez?

(10 h 30)

M. Boulanger (Marc): La réponse, c'est non, il n'est pas exactement semblable. La réponse, c'est qu'il y a des restrictions importantes qui sont apportées à la compensation des gens qui sont en état d'ébriété et qui sont de conduite dangereuse. La réponse, c'est que c'est encore exceptionnel comme régime parce qu'on voit que dans les autres provinces il n'en est pas question. Et puis la réponse aussi, pour parler des statistiques qu'on m'a lancées sans que je puisse y répondre vraiment parce qu'il fallait que je passe un commentaire après, c'est que – et ça, ça va sûrement intéresser M. le ministre – on a parlé des réductions: Ça va donc bien, au Québec! Puis on a donc amélioré! Et puis il y a moins de décès, maintenant, il y a moins de blessures, etc. Bien, écoutez, il faut comprendre que, dans le portrait global au Canada, il y a des réductions partout du nombre de personnes qui sont accusées d'être en état d'ébriété. Et je ne suis pas sûr que ces statistiques-là soient très réjouissantes pour le Québec, la Saskatchewan et le Manitoba parce que, à l'endroit où ça a baissé le moins au Canada, c'est dans les trois provinces où il y a des systèmes d'indemnisation étatiques. Ça a baissé partout et particulièrement dans les provinces où il n'y a pas de régime d'indemnisation étatique. Alors, c'est un indice très clair que, quand on est blindé, quand on est immunisé de poursuites, il y a des conséquences sur la conduite que l'on a. Quand on ne l'est pas, il y a des conséquences également, alors...

M. Bordeleau: Vous attribuez ces changements-là, disons, au fait qu'il y a toujours un risque de poursuite qui incite les gens à plus de prudence...

M. Boulanger (Marc): Bien, oui, c'est le gros bon sens. Qu'est-ce que vous voulez, le gouvernement, même s'il ne veut pas ouvrir les... En apparence. Parce qu'il y a des techniques de juges comme ça, hein. Ils vous piquent un peu pour voir le fond de votre pensée, mais, fondamentalement, ils sont très ouverts à la question et au changement. Alors, j'ose croire que c'est ce qui s'est passé tantôt.

Et j'ose croire aussi que l'on a à l'esprit, monsieur, ce passage qui émane d'un mémo de la Direction des communications de la SAAQ: «Les résultats des groupes de discussion et sondages que la Société a effectués au cours des dernières années demeurent probants – ça, ça veut dire que la preuve est faite – notamment la sous-estimation des conséquences des conducteurs conduisant avec les facultés affaiblies.» Par définition, si on affaiblit ses capacités, on a une réduction de ses capacités d'estimer les choses et les conséquences. «Il appert qu'on est aux prises avec une clientèle fortement récalcitrante, l'expression "irréductible" est adéquate, qui réagira surtout – ça, ça va vous intéresser – à des mesures législatives et à la surveillance policière.» La surveillance policière, c'est une chose; les mesures législatives, c'en est une autre.

Alors, oui, c'est M. et Mme Tout-le-monde, là, qui vont être un peu plus prudents, qui vont être... un peu comme Nez rouge. On nous parle de belles statistiques, mais Nez rouge a quel impact là-dessus? Ça n'a rien à voir avec la SAAQ, ça, ou à peu près. Il y a combien de personnes qui ne sont pas blessées parce qu'il y a un ballon qui leur a sauté dans le visage, parce que la voiture est mieux construite ou qu'il y a des meilleures résistances de collision? On s'attribue, à la SAAQ, bien des bénéfices, je pense, qu'on ne devrait pas s'attribuer.

Et j'aurais un autre point. Alors, vous aurez sûrement beaucoup d'intérêt à consulter l'annexe C sur les statistiques de Statistique Canada sur la réduction. On est pire au Québec qu'ailleurs, on est vraiment pire. Les endroits où ça baisse le plus, c'est les endroits où il n'y a pas de «no fault». Les trois provinces où ça baisse le moins, c'est ça. Maintenant...

Une voix: ...

M. Boulanger (Marc): C'est Statistique Canada, ce n'est pas moi.

M. Chevrette: On vous dira pourquoi tantôt.

M. Boulanger (Marc): D'accord. Autre chose. On me lançait tantôt, vous avez entendu ça: 250 000 000 $ qui ont été payés à des avocats en Colombie-Britannique. Un instant, là. D'abord, d'où vient ce 250 000 000 $? Deuxièmement, quelle est la pertinence? Mais, troisièmement, combien les gens ont touché en indemnités? Il faudrait peut-être faire le rapport. Ça, j'aimerais bien le savoir, combien les gens ont touché en indemnités en Colombie-Britannique. Et puis, vous savez, quand on nous dit à quel point la Société de l'assurance automobile est généreuse et qu'on nous dit: Il ne faudrait pas poursuivre les enfants, bien, c'est bien sûr. Y a-tu quelqu'un qui va tenir un discours comme ça raisonnablement? Il n'en est pas question.

Mais, moi, moi, je peux vous en parler de mon expérience personnelle. Moi, j'ai été – et je n'ai pas fait un sou avec ça, en passant – jusqu'à la Cour suprême, j'ai défendu quelqu'un qui était à la Cour supérieure. Et voici le cas. Alors, c'est une autre histoire d'horreur, là. Et ça va peut-être vous intéresser de voir qu'il y a peut-être une modification à faire au niveau de la Loi sur l'assurance automobile, ne serait-ce que pour ça.

Mon client est un homme qui est paralytique, il est en chaise roulante. Il est atteint de l'ataxie de Friedreich, il est très malade. Il n'est pas capable de tenir un crayon, il n'est pas capable de se faire une tasse de café, il est dépendant dans toutes ses activités, même les plus intimes, mais alors là complètement dépendant de son épouse.

Voici ce qui arrive. L'épouse en question se fait frapper par une voiture en traversant la rue. Elle-même devient paraplégique et est hospitalisée à temps plein dans un hôpital. Mon client, lui, il demeure chez lui, il n'est pas dans la voiture à ce moment-là, il n'est pas frappé par la voiture.

Alors, est-ce que vous pensez que mon client a droit à quelque chose, en vertu de la Loi sur l'assurance automobile? La réponse, c'est non, pas un rond, pas un sou. Ses besoins sont criants, sont énormes. Parmi les plus faibles de la société, il est l'un des plus faibles. Il n'a rien. Pourquoi? Parce qu'il n'est pas frappé par une voiture et il n'est pas dans la voiture. Alors, cet individu-là, en vertu du droit commun, aurait eu un recours substantiel contre la personne, le conducteur qui était assuré.

Alors, nous avons intenté une action. Si on n'est pas couvert par le régime d'assurance, on a un droit de recours, coudon! On ne peut pas avoir été privé de ses recours et n'avoir aucune compensation. En Cour supérieure, j'ai perdu. J'ai été en Cour d'appel – toujours pas rémunéré, M. Chevrette – j'ai perdu en Cour d'appel. Après avoir fait revenir le banc pour replaider un autre point – j'ai fait revenir le banc de la Cour d'appel de Montréal, je n'étais toujours pas payé – j'ai perdu encore. J'ai fait une demande de permission d'appeler à la Cour suprême du Canada. Ce n'est pas un papier, là, c'est à peu près ça d'épais, en je ne sais pas combien de volumes. La Cour suprême du Canada – je ne suis toujours pas payé, M. Chevrette – j'ai demandé la permission d'en appeler, parce qu'on ne peut pas appeler comme ça à la Cour suprême, n'appelle pas qui veut, ça prend la permission de trois juges. Et c'est la seule fois, à ma connaissance, dans les annales judiciaires canadiennes, qu'un juge accorde la permission. La juge Claire L'Heureux-Dubé, en l'espèce, juge du Québec, me l'accordait, mais je l'ai perdue parce que les deux autres juges de la Cour suprême ne m'ont pas donné la permission. Alors, je n'ai pas eu la permission: avec dissidence. Parlez avec n'importe quel avocat, il n'y a personne qui va vous dire que c'est arrivé.

Mais c'est pour vous dire jusqu'où j'ai été dans la défense des droits d'un petit. Et pensez-vous que j'ai eu l'ombre d'un support de la Société de l'assurance automobile? Pensez-vous que mon client, pro bono, aurait pu avoir quelque chose de la Société de l'assurance automobile? Rien! Alors, je suis ici, pas pour générer des champs de travail pour les avocats, j'ai de l'ouvrage par-dessus les oreilles. O.K.? Je n'ai pas le temps, à vrai dire, d'être ici. Mais je trouve ça insultant qu'on dise que les avocats ne sont là que pour faire de l'argent. Parce que c'est ça qui est sous... De la même façon qu'un parlementaire, ce qui le domine au départ, c'est le service public, bien, il y a des avocats comme ça.

M. Bordeleau: J'aurais une autre question à vous poser par rapport à...

M. Boulanger (Marc): Je regrette, là. C'est remonté à la surface.

M. Chevrette: ...moralisateur.

M. Bordeleau: Vous nous avez donné un exemple...

M. Chevrette: Ça ne vous convient pas.

M. Bordeleau: Vous nous avez donné un exemple... C'est à moi, M. le Président, de parler?

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Bon. Vous nous avez donné un exemple, le cas de la personne qui souffrait d'incapacité.

M. Boulanger (Marc): Oui.

M. Bordeleau: Tout à l'heure, dans votre exposé, vous nous avez parlé de gens qui n'étaient pas compensés ou sous-compensés. Je suppose que vous pensiez à ce cas-là, entre autres. Est-ce que vous pensiez à d'autres choses, à ce moment-là, quand vous nous l'avez mentionné? Parce que vous nous avez dit: Je vais donner des cas tout à l'heure. Mais évidemment le temps est limité...

M. Boulanger (Marc): Bien, ça, c'était un exemple. Il y en a d'autres qu'on pourra assurément vous donner. Mais, essentiellement, les victimes par ricochet, les victimes indirectes ne sont pas compensées.

M. Bordeleau: Puis c'est là que le recours civil pourrait être utile.

M. Boulanger (Marc): Bien, écoutez, il faudrait aménager une place dans la loi pour ces gens-là. Ce n'est pas normal qu'on prive, d'un côté, tout recours à un droit fondamental, qui est l'accès aux tribunaux, et par ailleurs qu'on ne donne aucune indemnisation en échange. Je veux dire, il faut qu'on y gagne au change, quelque part.

M. Bordeleau: O.K. Vous avez mentionné tout à l'heure que le recours civil était permis par d'autres systèmes sociaux, entre autres, la santé.

M. Boulanger (Marc): Oui.

M. Bordeleau: Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples...

M. Boulanger (Marc): Absolument, je vais vous donner ça.

M. Bordeleau: ...de cas où il y a des recours civils qui permettent à des individus d'obtenir une certaine équité?

M. Boulanger (Marc): Alors, LIVAC, la Loi d'indemnisation des victimes d'actes criminels: le criminel n'a aucune indemnité lui-même, article 20; il a un droit de subrogation en faveur de l'organisme-payeur, article 9; et le recours pour l'excédent, article 10. C'est un régime étatique de compensation. Il n'est pas question de savoir s'il y a des enfants, s'il n'y a pas d'enfants, ou quoi. Dès l'instant où on sait qu'il y a quelque chose de criminel ou pas, voici les articles qui s'appliquent. L'État a fait son choix, puis c'est un choix qui est, ma foi, fort défendable, j'imagine.

Au niveau de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il y a des recours pour l'excédent puis il y a un recours subrogatoire en vertu de l'article 446. Ça existe. C'est ça. Ce qui n'est pas normal, c'est la Loi sur l'assurance automobile.

La RAMQ, la Régie de l'assurance maladie du Québec, alors, elle est subrogée, elle. Tous les soins de santé qu'on paie aux traumatisés puis aux malades... Alors, vous avez un accident de ski au Mont Sainte-Anne. Il y a quelqu'un qui a décidé d'avoir la bonne idée de planter un poteau en plein milieu de la côté, là, dans le tournant. Vous rentrez dedans, vous êtes très blessé, très traumatisé. Vous allez à l'hôpital, on vous traite, vous êtes là pendant un mois et demi. Ça coûte une fortune à la Régie de l'assurance maladie en médecins, en infirmières, en soins, en place, et tout ce que vous voulez, en médication, la Régie a un droit de subrogation contre le responsable.

(10 h 40)

M. Bordeleau: Est-ce que la personne qui a eu l'accident peut poursuivre au civil aussi, à ce moment-là, le centre de ski?

M. Boulanger (Marc): Bien sûr. Bien sûr. Ça, c'est le régime normal de compensation. Puis une autre chose, c'est qu'on pourrait faire des débats, puis pas très longs, à mon avis, sur la mesure de la compensation de la SAAQ. Là, on nous dit: C'est très rapide et c'est intégral. La réponse, c'est non, ce n'est pas intégral comme compensation. Mais, encore là, c'est un choix qui peut se défendre. Tu sais, on dit: Bon, bien, écoutez, si un dommage vaut 100, étant donné qu'on fait un choix social d'étaler ça sur tout le monde, tout le monde va être payé, mais ne sera pas payé de 100 de ses dommages, il va être payé de 65. Fort bien, tu sais, c'est un choix social. Mais, pour le 35 qui manque, là, peut-être qu'on devrait permettre une option de recours. Alors, l'option de recours, elle est très simple. Si, comme les chiffres l'indiquaient tantôt, il y en a 50 % du monde qui n'a pas un rond, ils ne poursuivront pas. Mais le point n'est pas là, le point est de savoir: Est-ce que j'ai le choix de poursuivre ou pas?

L'autre chose qui n'est pas compensée... Alors, je vous disais, monsieur, qu'il y a des gens qui ne sont pas compensés du tout puis des gens qui sont sous-compensés. Un des points qui est soulevé dans mon texte, c'est qu'il y a des dommages spécifiques que cause la conduite criminelle à ses victimes, autrement dit... Et je vous donne l'exemple suivant. Vous êtes dans votre échelle, votre escabeau, en dehors de chez vous, vous êtes en train de peinturer votre gouttière. Vous tombez en bas de votre escabeau, vous vous fracturez le crâne. Vous avez une blessure, vous allez à l'hôpital. Bon. Vous avez une certaine blessure. Maintenant, je vous donne la même blessure, mais c'est quelqu'un qui rentre à 3 heures du matin chez vous pendant que vous dormez et qui vous assomme à coups de bâton. C'est la même blessure, la même souffrance, la même hospitalisation, mais le dommage, il n'est pas le même.

Il y a des études psychiatriques très claires là-dessus, qui sont dans mon mémoire, il y a une reconnaissance des tribunaux, dans d'autres cas, qui reconnaissent le choc post-traumatique. À la Société de l'assurance automobile, il y a zéro pour ça. Ce dommage très spécifique que constitue l'acte criminel – et, encore là, vous avez des autorités là-dedans sur: la conduite en état d'ébriété cause ce genre de dommage là – n'est pas indemnisé. Alors, de deux choses l'une: ou bien on change la loi et on compense ce dommage-là très spécifique pour lequel il n'y a rien, ou bien on autorise le recours. Mais on ne peut pas fermer la porte des deux côtés. Il me semble que c'est des choses qui tombent sous le sens.

M. Bordeleau: Au niveau, bon, des critiques que vous faites à l'égard du système, je voudrais bien que ça soit clair – et je pense que vous y avez fait référence, mais je veux que ça soit peut-être plus évident – ce que vous remettez en cause, ce n'est pas le système du «no fault».

M. Boulanger (Marc): Bien non! Bien non!

M. Bordeleau: C'est la dimension, au fond, d'actes criminels qui sont posés et puis les conséquences de tout ça, là, puis le traitement qu'on en fait à la Société de l'assurance automobile du Québec. Exact?

M. Boulanger (Marc): Exactement. La conscientisation que l'on a dans le temps de Noël, avec Nez rouge, là, il faut qu'on l'ait à longueur d'année. Et la seule façon de l'avoir à longueur d'année, c'est d'avoir cette possibilité d'être peut-être pris dans notre portefeuille. Et là ça va entraîner un changement, une modification de la conduite. Et il y a des études, que je vous ai citées tantôt, en responsabilité médicale qui le démontrent, des savantes études, et pancanadiennes, s'il vous plaît, avec des gens du Québec là-dedans. On sait qu'on a une meilleure médecine parce qu'il y a un potentiel de poursuite.

Mon point, et vous avez très bien saisi ce que je veux dire: on ne remet pas tout le système en cause, on dit qu'il y a certaines gens qui doivent être ciblées pour que l'on améliore la sécurité routière. Et cette façon-là de les cibler, c'est la Société de l'assurance automobile elle-même qui l'a dit dans le texte que je vous ai cité tantôt, c'est qu'il y ait un impact financier.

Le Président (M. Lachance): En conclusion, Me Boulanger.

M. Boulanger (Marc): J'ai fini.

Le Président (M. Lachance): Alors, c'est tout le temps dont nous disposions. Le temps passe vite. Mais votre message a été entendu. Alors, merci d'avoir accepté de participer aux travaux de la commission.

M. Boulanger (Marc): Je vous remercie.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant Me Marc Bellemare à bien vouloir prendre place. Nous allons attendre quelques instants la présence du ministre.


M. Marc Bellemare

M. Bellemare (Marc): J'ai des documents à déposer, M. le Président. Est-ce que je peux le faire maintenant...

Le Président (M. Lachance): Tout à fait.

M. Bellemare (Marc): ...avec votre permission? Comme ça, on va pouvoir sauver du temps pour tantôt.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous les avez en une copie?

M. Bellemare (Marc): J'ai 15 copies.


Documents déposés

Le Président (M. Lachance): Ah bon! C'est parfait. Alors, on va faire circuler ces documents parmi les membres de la commission.

M. Bellemare (Marc): Parfait.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, Me Bellemare, à cette commission. Et, comme vous l'avez observé – je vous voyais dans la salle tantôt – vous avez 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et par la suite on enchaînera avec les questions et les commentaires des parlementaires. Comme diraient les Français, top chrono.

M. Bellemare (Marc): C'est bien. Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, recherchistes de la SAAQ, hauts fonctionnaires, qui sont en quantité abondante, comme je peux le voir, ici, je n'ai pas l'intention de prendre le 20 minutes qui m'est alloué. Mes propositions sont connues de tous et de toutes depuis un certain temps déjà. Vous savez que je suis contre la criminalité routière. Vous savez que, depuis 21 ans, je représente devant les tribunaux administratifs créés par la loi des centaines de victimes chaque année. Plusieurs d'entre elles ont été victimes de chauffards. Vous savez que j'estime, avec preuves à l'appui – dans le mémoire, c'est bien indiqué – que le Québec constitue dans les sociétés occidentales l'endroit où il est le plus facile de commettre des actes criminels sur la route. Cette situation-là est inacceptable.

(10 h 50)

J'aimerais revenir sur certaines affirmations de M. le ministre en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi n° 429, où M. le ministre parlait des détracteurs du «no fault», des adversaires du «no fault», de ceux qui voulaient revenir 20 ans en arrière, en le rassurant sur ceci. J'étais, en 1978, étudiant à l'Université de Montréal. J'étais et j'ai été jusqu'à très récemment membre de son parti. J'ai milité autant sinon plus que M. le ministre pour ce projet de loi, qui était la Loi sur l'assurance automobile. J'étais très déçu, à l'époque, que Mme Payette renonce à un des éléments du programme du parti qui consistait à ne pas couvrir les dommages matériels mais uniquement à couvrir les dommages corporels.

Je pense que les détracteurs du «no fault», les véritables détracteurs du «no fault», M. le ministre, ce ne sont pas les associations et les victimes qui viennent vous supplier de modifier cette loi en partie, quand il y a des conséquences criminelles, ce sont ceux et celles qui vous implorent par tous les moyens de ne rien toucher. Parce que, si vous ne touchez pas à la loi, si vous n'apportez pas d'amendements à cette loi dans les cas de criminalité, la perte de crédibilité dans laquelle se trouve la SAAQ depuis que les Québécois savent que la SAAQ paie des millions chaque année à des chauffards, des ivrognes, des bandits, des gens qui sont condamnés pour des cas de négligence criminelle, conduite dangereuse, qui tuent, qui blessent vos enfants, mes enfants, mes voisins, mes frères, mes soeurs en quantité importante... Je pense que, si vous ne touchez pas à cette loi-là, ce régime-là va perdre davantage de crédibilité, avec les années, plus qu'il n'en a perdu déjà depuis une dizaine d'années. Et ce sera là beaucoup plus dangereux pour le «no fault» que ce ne l'est actuellement.

Il y a un charriage épouvantable qui se fait de la part de la SAAQ sur la volonté et les objectifs des gens qui demandent des changements. Nous n'avons jamais remis en question le principe de responsabilité sans faute. La plupart des gens qui demandent aujourd'hui certaines modifications ont travaillé, ont milité et, encore aujourd'hui, défendent avec acharnement des propositions de changement pour que ce système-là fonctionne. Parce que, actuellement, il ne fonctionne pas. Il y a 10 000 personnes qui sont en attente de révision à la SAAQ, il y en a 6 000 qui sont en attente devant le Tribunal administratif du Québec. Alors, quand vous parlerez d'un régime simple, accessible, là, comme Gardner le défend puis le prétend dans tous ses écrits, vous regarderez les statistiques...

M. Chevrette: ...on va vous appeler M. Bellemare, appelez-le M. Gardner.

M. Bellemare (Marc): ...du Tribunal administratif du Québec puis vous regarderez les 6 000 victimes qui sèchent en attendant un procès devant un tribunal indépendant. Eux autres, ils le savent, que ça ne marche pas, ce système-là. Ce qu'on veut, c'est qu'il marche. Ce qu'on veut, c'est qu'il fonctionne, en y apportant un certain nombre de modifications pour qu'il soit efficace et performant, pas juste pour la SAAQ, mais aussi pour les victimes.

Quant aux recommandations que je fais, elles ne s'appliquent que dans les cas où il y aura eu condamnation criminelle. On est prêt à accepter que le «no fault» s'applique dans les cas de négligence, d'insouciance, conducteur distrait, mauvais conducteur, mais, quand c'est criminel, ça ne marche plus, il y a quelqu'un qui ne respecte pas les règles. Je me demande bien en vertu de quel principe démocratique et en vertu de quelle autorité le gouvernement dépense chaque année 15 000 000 $ de fonds publics pour payer les gens qui ont commis des actes criminels et qui se sont blessés en les commettant.

Moi, j'ai produit un sondage, je l'ai commandé en 1996. Je sais que la SAAQ en a fait faire aussi. Ils ne les ont jamais produits parce qu'ils sont très certainement compatibles avec les miens, parce que, s'ils n'avaient pas été compatibles, ils les auraient très certainement rendus publics. Mais il est bien évident que les propositions que je présente sont appuyées par des études sérieuses, des sondages. Léger & Léger, c'est sérieux, ça. La SAAQ fait affaire souvent avec Léger & Léger. Et 85 % des Québécois vous disent non quand vous payez des millions aux chauffards québécois. Et 85 % des Québécois vous disent que les victimes de chauffards devraient, pour l'excédent – seulement pour l'excédent – poursuivre ces mêmes criminels.

Je regarde – je vais terminer là-dessus – votre livre vert. Et, quand j'ai lu ça, à la page 62, celle qui parle de l'alcool au volant, je me suis dit: si j'étais un criminel de la route, je serais fier parce que je trouverais là des gens qui défendent ma position, je trouverais là des gens qui tiennent mordicus à ce que je sois indemnisé si je perds mon revenu parce que j'étais soûl et que je me suis blessé. Je serais fier aussi de voir que le gouvernement, à travers le livre vert, s'intéresse à ma situation en disant que, si je n'ai pas la SAAQ, j'irai à l'aide sociale. Puis je serais fier également en lisant l'extrait qu'on a dans la deuxième colonne, à la page 62, qui parle d'une situation où la personne est immédiatement après la limite légale de 0,08.

Est-ce qu'il y a moyen, au Québec, M. le ministre, de s'entendre au moins sur une chose? Parce que, là – puis j'ai lu sur Internet l'essentiel de vos questions depuis mardi – vous nous parlez du père de famille avec les enfants, vous nous donnez des exemples «borderline», des cas de 0,09. Vous savez, le Dr Payette l'a dit hier, c'est 0,10; en bas de 0,10, ils n'en prennent pas d'accusation. À 0,10, on a déjà les facultés déjà pas mal affaiblies. Parce que, à 0,05, le risque d'être impliqué dans des accidents mortels double, alors à 0,10 il est certainement plus élevé que ça. Est-ce qu'il y a moyen de s'entendre au moins sur les criminels coupables, condamnés par un tribunal de justice pour négligence criminelle causant la mort, conduite dangereuse, facultés affaiblies causant la mort ou des lésions corporelles?

Les gens qui conduisent avec 0,16 d'alcool dans le sang puis 0,20 d'alcool dans le sang, qu'est ce que vous en faites? Est-ce que le régime en place au Manitoba est un régime inhumain parce qu'il ne paie pas la première année d'indemnité? Est-ce que le régime en Saskatchewan est un régime inhumain parce qu'il ne paie pas l'indemnité forfaitaire en cas de crime de la route ayant causé des lésions au conducteur? Est-ce que l'IVAC est un régime inhumain? Est-ce que la CSST l'est? Pourquoi s'acharner à défendre les intérêts des criminels? C'est quoi, l'idée?

Ce régime-là n'a jamais été mis en place pour défendre les criminels, il a été mis en place pour défendre les victimes. Ne nous trompons pas, on est en train de défendre les criminels, là. La page 62 du livre vert, c'est un plaidoyer en faveur des criminels, ça ne donne rien aux victimes, ça. Et c'est par un sophisme et une pirouette intellectuelle de qualité très douteuse qu'on qualifie les criminels de la route de victimes, dans cette loi-là. Ça ne répond pas tellement aux définitions de base et ça ne répond pas non plus aux définitions du dictionnaire. Comment on peut faire au Québec pour considérer les criminels de la route comme étant des victimes? C'est un non-sens.

Alors, moi, je vous demande, M. le ministre, comme le faisait le collègue Boulanger tantôt, de répondre oui à la question qu'on a posée aux Québécois qui ont été sondés, de modifier cette loi-là et de faire en sorte que les trois amendements qu'on suggère, qui sont appuyés par 85 % des Québécois, soient retenus. J'ai terminé. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, Me Bellemare. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui, merci, M. le Président. Merci, Me Bellemare. Nous entendrons après vous M. Gardner et non pas Garner. Et je voudrais vous dire que, dans un premier temps, je voudrais rectifier une donnée. À l'ATTAQ, ce n'est pas 9 000 dossiers et plus, c'est 6 309 au 4 février, statistique la plus récente.

M. Bellemare (Marc): Si j'ai dit 9 000, c'est 6 000. C'est des statistiques que j'ai fait sortir il y a deux semaines.

M. Chevrette: O.K. C'est parce que j'avais compris 9 000.

M. Bellemare (Marc): Bien, en tout cas.

M. Chevrette: C'est peut-être moi qui ai mal compris. Mais peu importe, je voulais juste corriger ça.

M. Bellemare (Marc): C'est la boule en bas plutôt que la boule en haut, c'est 6 000.

M. Chevrette: Pardon?

M. Bellemare (Marc): C'est la boule en bas, 6 000.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Il y en a, ça leur prend des images pour se brancher.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bellemare (Marc): Comme vous voyez, on se comprend très bien.

M. Chevrette: Je vais essayer de vous en donner une, moi. Je vais vous citer Mme Payette...

M. Bellemare (Marc): Allez-y.

(11 heures)

M. Chevrette: ...parce que vous y avez fait allusion. Dernièrement, elle a rectifié les dires de plusieurs détracteurs de son système et de son régime, et je vais la citer tantôt. Mais, avant je voudrais vous expliquer ce que c'est qu'un livre vert par rapport à un livre blanc parce que vous avez fait... vous présentez le livre vert ou vous l'avez lu avec des lunettes que l'on n'a pas. Un livre vert, c'est un énoncé de toutes sortes de scénarios qui peuvent être tous rejetés ou qui peuvent être un amalgame de deux, trois scénarios. Un livre vert, c'est pour susciter une discussion. Le livre vert ne constitue pas une volonté politique du gouvernement, sinon ça serait un livre blanc, et là on discuterait sur une volonté politique. Donc, ici il n'y a pas de volonté politique nécessairement arrêtée sur quelque scénario que ce soit.

Et au contraire, je dois vous dire que, depuis le début des audiences, il y a quelques consensus qu'on ne croyait pas qui se dégageraient puis qui se sont dégagés sur des sujets qu'on croyait les plus durs, par exemple le virage à droite. C'est peut-être sur ce point-là qu'il semble y avoir un consensus le plus rapide qui se dégage, juste pour vous montrer comment ça peut être différent de nos perceptions. Mais je voulais donner la distinction très correcte entre ce qu'est un livre vert par rapport à un livre blanc. Probablement que le livre blanc verra le jour, mais peut-être aussi que ce sera des législations ou des changements aux règlements existants et que ça n'a pas nécessairement à passer par un livre blanc si ça paraît suffisamment clair sur certains points pour améliorer des choses à très court terme.

Et on a eu des suggestions très constructives hier, du Dr Payette entre autres, sur l'antidémarreur. On a eu deux intervenants à la fin de la journée hier qui ont présenté des propositions très intéressantes sur le cinémomètre par radar, toujours dans un but très précis qui était la sécurité, et ça, je pense que c'est important. Et, contrairement à ce que vous dites, où la Société de l'assurance automobile parle trop, Mme Payette, elle, elle trouve qu'elle ne parle pas assez.

Je voudrais vous lire des extraits de sa sortie. C'est plus rattaché par exemple au cas de Mme Lapointe, la femme de M. Parizeau.

M. Bellemare (Marc): Oui. Je l'ai lu, son livre, M. Chevrette.

M. Chevrette: Oui, mais je vais vous en dicter pareil quelques... Vous avez le droit de dire ce que vous voulez, je suppose que... Je vais me permettre d'en lire quelques extraits. Pour votre bénéfice, des fois, à la lecture, l'entendre, ça fait un son différent que de le lire.

Elle dit pourquoi elle revient à la charge puis qu'elle a décidé de parler après 22 ans. Elle se sent interpellée parce que c'est elle... C'est probablement la femme qui a été la plus décriée qu'il n'y a pas eu. Je me rappelle, moi, quand on a voté cette assurance automobile là, j'étais dans le Parlement, je suis un des quatre rescapés de ce temps-là, et c'était épouvantable. Moi, je n'ai jamais entendu autant d'insultes, d'injures, de publicité haineuse contre cette dame. Mais elle nous fait réfléchir, 22 ans après.

Elle nous dit ceci. Je vais commencer par lire: «C'est la raison pour laquelle il ne fallait pas permettre que le régime devienne un régime punitif – elle fait la distinction entre l'acte criminel et l'acte d'assurance – ce que réclamaient pourtant certaines personnes sur la tribune publique sans bien comprendre ce qu'elles faisaient. La Société de l'assurance automobile est une société d'assurance, rien d'autre. Ses indemnités sont payées sur la base du remplacement du revenu des individus, et le maximum payé pour remplacer le revenu est basé sur le salaire moyen des salariés québécois.

«Ce que Mme Lapointe visiblement ne comprend pas, c'est que le conducteur de la voiture est également un assuré de la Société de l'assurance automobile, un client qui a payé sa prime et qui a les mêmes droits, en tant qu'assuré, que n'importe qui. Il s'est conformé aux exigences de la Société de l'assurance automobile.» Et elle continue: «"Il était en état d'ébriété, c'est un criminel, répète Mme Lapointe." Elle a raison, mais le délit criminel ne relève pas de l'assurance automobile, il relève du Code criminel. L'automobiliste sera accusé d'avoir conduit en état d'ébriété, il subira son procès et pourra être condamné selon le Code criminel.

«Si on trouve que la peine qui lui est infligée par un juge n'est pas suffisante, c'est le Code criminel qu'il faut amender pour permettre aux magistrats de se montrer plus sévères dans leurs jugements et non la Loi sur l'assurance automobile. Ces décisions ont été prises parce que la régime d'assurance automobile deviendrait incohérent s'il en était autrement. Pourquoi la Société de l'assurance automobile serait-elle chargée de porter un jugement sur la conduite d'un citoyen alors que ce n'est pas là son rôle?

«Punir le criminel, c'est une chose. Le Code criminel s'en charge. Mais punir toute sa famille par le biais de l'assurance automobile serait une perversion du régime qu'il ne faut pas permettre.

«Mme Lapointe explique que son coupable a les moyens de payer et elle voudrait le poursuivre devant les tribunaux. Quelle serait sa réaction si son fils avait été frappé par un livreur de pizza qui serait sans le sou? C'est cette iniquité que l'assurance automobile a corrigée. L'indemnisation des victimes n'est plus tributaire de la chance d'avoir été frappé par quelqu'un qui a de l'argent et qui peut payer et qui a une assurance. Je m'étonne d'avoir à expliquer encore aujourd'hui cette réforme de l'assurance automobile si longtemps après avoir quitté la politique.

«Il m'arrive de trouver l'organisme lui-même – en parlant de la SAAQ – bien silencieux et bien discret, et je me demande à quoi servent ses services de relations publiques.» Donc, ils ne charrient pas trop, elle trouve qu'ils ne parlent même pas assez.

Comme vous avez dit tantôt, vous avez largement diffusé. Même, votre mémoire, avant même de venir en commission, on l'a lu dans les journaux. Et j'ai lu la brique. Ici, d'ailleurs, on vous lit quotidiennement ou presque. Donc, j'ai peu de questions, sauf celle de vous demander... de vous expliquer et de vous poser une question par la suite. Quand vous dites qu'on baisse... Je pense que c'est à la page 3 de votre mémoire, vous dites qu'au Québec on performe moins qu'ailleurs. C'est fallacieux, ça, comme propos parce que précisément on fait plus de barrages policiers que partout ailleurs. C'est ça, la vraie raison pourquoi nos pourcentages... On arrêterait nos barrages demain matin, on serait plus performants probablement, et là on cadrerait avec votre mode de calcul. Mais je préfère que la police continue ses barrages et qu'on en prenne de moins en moins. C'est tout à l'honneur de notre système, qu'il s'améliore. Si je suivais votre méthodologie de calcul, moins je ferais de barrages policiers, plus je poursuivrais des gens... plus nos statistiques d'interception seraient faibles, et là on serait des pas bons. Je préfère être bon avec des statistiques qui vous apparaissent mauvaises. Parce que la base n'est pas la même pour juger du système lui-même.

Ma question est la suivante, M. Bellemare. Vous étiez sans doute ici quand j'ai parlé de ceux qui n'avaient à peu près pas le sou, le 43 % qui est sur la sécurité du revenu parmi ceux qui posent des gestes criminels. Il y en a 41 % sur 84 qui... Conseilleriez-vous à un des vos clients, si on indemnisait... si on acceptait vos recommandations, de poursuivre le 43 % qui est sans le sou?

M. Bellemare (Marc): La réponse est non, évidemment. Je considère que le fait de permettre un recours pour l'excédent – on se comprend bien, pour l'excédent – il ne faut pas dire que le recours civil serait la seule et unique méthode pour obtenir une indemnité. C'est pour l'excédent, n'est-ce pas, quand il y a un excédent à recouvrer. On a l'impression que le recours civil serait la seule avenue, puis qu'on dirait aux victimes d'actes criminels: Vous êtes devant un recours civil, point. Les victimes d'actes criminels à l'IVAQ ont une indemnité puis elles peuvent poursuivre pour l'excédent. Les accidentés du travail également quand ce n'est pas leur employeur, pour les 125 000 employeurs québécois. Les 125 000 employeurs québécois sont exposés à des recours civils de la part d'accidentés du travail qui ne sont pas à leur emploi. Ça va? Depuis 1931 que c'est comme ça. Puis ça va bien. Je ne comprends pas pourquoi la SAAQ, ce serait si difficile d'appliquer les mêmes méthodes.

La CSST reçoit 175 000 réclamations par année, à la SAAQ on leur propose, ça, 30 000 réclamations, puis c'est comme si on leur arrachait le coeur. C'est donc compliqué d'évaluer la contribution légale ou la contribution en termes de dommages de la part d'un criminel. Mais c'est bien sûr que l'exercice d'un recours ne constitue qu'une possibilité de poursuivre. On veut que le droit de poursuivre puisse exister contre les criminels solvables, M. le ministre. Si le criminel est sur le BS, la victime n'a pas besoin d'aller voir un avocat pour comprendre qu'il n'y a pas de recours efficaces possibles.

(11 h 10)

Ce qui est odieux, ce n'est pas de ne pas prendre un recours quand le chauffard est insolvable, c'est d'empêcher par une loi, généralement et sans discernement, toute victime d'acte criminel au volant d'avoir un recours quand le recours est bon. C'est ça qui est odieux. Quand le recours est bon, M. le ministre, on ne me fera pas accroire, moi – si vous m'écoutez, je vous réponds, là – bon, on ne me fera pas accroire que le conducteur...

M. Chevrette: ...mâcher de la gomme et marcher en même temps.

M. Bellemare (Marc): Oui, vous l'avez dit mardi aussi.

M. Chevrette: C'est beau?

M. Bellemare (Marc): Mais je vous parle. Je réponds à votre question, écoutez-moi.

M. Chevrette: Bon, bien, soyez pas arrogant, M. Bellemare. Répondez calmement, là. Vous n'êtes pas en cour pour baver qui que ce soit.

M. Bellemare (Marc): Je ne suis pas arrogant, je vous réponds. Je réponds à votre question. Alors, écoutez-moi. O.K.? Moi, j'ai une heure ici pour parler.

M. Chevrette: Oui.

M. Bellemare (Marc): Bon. Alors, je vous réponds.

M. Chevrette: Mais je vous lis tous les jours.

M. Bellemare (Marc): Je vous réponds. Vous n'avez pas lu tant que ça.

M. Chevrette: J'aurais dû suivre ma première idée.

M. Bellemare (Marc): Vous écoutez pas mal plus les racontages de la SAAQ que les victimes puis les citoyens sur cette question. Je vous réponds.

M. Chevrette: Ils ne sont pas en conflit d'intérêts, aucun, eux.

M. Bellemare (Marc): Je vous réponds. Oui, ils sont en conflit d'intérêts.

M. Chevrette: Non, monsieur. Allez-y.

M. Bellemare (Marc): Oui.

M. Chevrette: Ne soyez pas arrogant, répondez à la question sur le fond.

M. Bellemare (Marc): Je vous réponds, mais écoutez-moi si je vous réponds. C'est clair.

M. Chevrette: J'ai demandé combien il me restait de temps. C'est peut-être important de vous dire de raccourcir vos réponses.

M. Bellemare (Marc): Bon, ce n'est pas juste ça, vous regardez n'importe où quand je vous réponds.

Avez-vous un argument pour le chauffard à la Mercedes noire, M. le ministre? Pourquoi on nous parle toujours des chauffards insolvables? Qu'est-ce qu'on fait avec les chauffards qui ont des sous, M. le ministre? Qu'est-ce qu'on fait avec les chauffards qui ont des sous? Qu'est-ce qu'on fait avec le 17 % des chauffards qui gagnent 30 000 $ et plus par année? Ce n'est pas logique.

Comment ça se fait que c'est la société, l'ensemble des payeurs de taxes qui paient pour ces gars-là? Ce n'est pas logique.

M. Chevrette: C'est une assurance collective.

M. Bellemare (Marc): Bien, c'est une assurance collective, ce n'est pas un argument, ça. L'IVAC, c'est quoi? C'est un programme qui est prévu depuis 1972 au Québec. On ne les paie pas, les criminels. On les poursuit, les criminels qui ont de l'argent. Les victimes d'actes criminels ne sont pas des imbéciles; ils exercent leurs recours quand ils ont un bon recours puis quand le conducteur ou le criminel est solvable.

Vous n'avez pas le droit de les empêcher arbitrairement de poursuivre dans tous les cas quand ils ont un bon recours. La SAAQ, le seul organisme public qui ne veut pas de pouvoirs de subrogation contre des criminels solvables.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: Merci, M. le Président. J'ai combien de temps?

Le Président (M. Lachance): Vous avez un bon sept minutes, madame.

Mme Barbeau: Moi, je vais vous dire que, comme beaucoup de gens, quand j'ai commencé à entendre parler de ça – parce que je suis quand même une jeune députée, c'est mon deuxième mandat – j'étais plutôt sympathique à ce que je voyais, ce que j'entendais. Aujourd'hui, je suis à l'écoute, j'essaie de comprendre les inconvénients présentement comparativement peut-être à ce qu'ils seraient, s'ils sont plus gros ou moins gros. J'essaie de bien comprendre et je vais vous poser quelques questions pour m'éclairer.

D'abord, je ne suis pas avocate. Je suis députée d'un comté où il y a beaucoup de problèmes sociaux: pauvreté, alcoolisme, tout ce que vous pouvez... C'est très difficile. Il y a beaucoup de gens mal pris. Mais je vais me faire un petit peu l'avocate du diable, là, même si je ne suis pas avocate.

Je vais vous poser des questions, parce que, vous savez, dans la profession d'avocat comme ailleurs, il y en a des bons, il y en a des moins bons. C'est comme partout ailleurs, il n'y a pas de place où tout le monde est mauvais. Mais, depuis que je suis en politique, j'ai compris qu'il y avait des concepts qui étaient assez élastiques puis il y avait des choses écrites qui avaient des définitions différentes tout dépendant à qui tu parles. Moi, ça a été un apprentissage pour moi, là, puis j'ai essayé d'aider mes citoyens du meilleur de mes capacités, avec tout ça.

Ce que je comprends depuis que j'entends parler de ce débat-là, on parle de criminels, on parle d'état d'ébriété, on parle de conduite dangereuse. J'entends beaucoup «conduite dangereuse». Loin de moi de défendre les gens qui conduisent en état d'ébriété. D'ailleurs, c'est pour ça que c'est criminel, mais on conviendra que c'est une maladie aussi. Comme je vous dis, loin de moi de vouloir les défendre. C'est vraiment loin de moi, mais je veux essayer de vous faire comprendre que, depuis que j'écoute le débat, la notion de conduite dangereuse est des fois plus élastique tout dépendamment de qui en parle, surtout à ce bout de table, là.

Par exemple, si on dit que l'alcoolisme, c'est une maladie, il y a aussi des gens qui sont diabétiques, épileptiques, et je ne veux pas comparer. Je veux qu'on soit bien clair. Je me fais l'avocate du diable: Est-ce qu'on ne va pas finir par dire que c'est une maladie, et c'est dangereux de conduire si on a ces maladies-là? Parce qu'on peut avoir des accidents aussi avec ça. Est-ce qu'on ne va pas aussi élargir la notion de conduite dangereuse jusqu'à dire qu'avoir un cellulaire, que la fatigue aussi...

Parce que, là, si on ouvre, on ouvre où, et ça s'arrête où? C'est la question. Je me fais l'avocate du diable, là, vraiment. Je vais vous poser une petite question en terminant. Le même exemple que M. Chevrette tantôt, mais je vais le bonifier. Un père de famille qui a des problèmes, qui a une maladie, qui est alcoolique. Il est allé faire une petite fête quelque part, il sort. Mais il a perdu son permis puis il a un antidémarreur. Il est à 0,09. Il est avec sa femme, ses enfants, puis il essaye de partir son auto, mais il est à 0,09, ça ne part pas. Ça fait qu'il attend dans son auto. Il dit: Bon, une demi-heure, une heure, là, on va attendre, on va jaser, on va écouter la radio, je ne sais pas, là, bon. Il y a un camionneur qui arrive, il n'a pas dormi depuis 24 heures, puis il entre dans l'auto puis il blesse tout le monde.

Alors, je pose la même question que M. Chevrette tantôt: On ne devrait pas indemniser le chauffeur parce qu'il a 0,09 et l'actionner pour payer pour sa femme et ses enfants? Je vous pose la question, parce que, moi, je suis ouverte, là, j'essaie de comprendre, parce que je ne voudrais pas qu'on crée plus de problèmes qu'on en a déjà. Je viens de vous le dire, moi, j'ai un comté, j'en vois tous les jours et j'en ai ras le bol d'en voir, je ne veux pas en rajouter, s'il vous plaît.

Alors, je vous ai posé plein de questions, j'ai vraiment tendu la perche pour voir... Parce que c'est ça qui me fait peur un peu, je vous l'avoue, là, c'est la notion élastique de «conduite dangereuse» qui permettrait à n'importe qui qui a un accident, à un avocat, d'aller dire: Est-ce que t'as assez dormi? Combien t'as travaillé d'heures? J'exagère, là, mais c'est volontaire.

M. Bellemare (Marc): Oui. Le scénario que vous présentez serait un scénario de droit civil pur, sans présence de «no fault». Le «no fault» a ses vertus. Je suis d'accord avec le principe du «no fault», je l'ai toujours défendu, sauf que je pense qu'il doit ... des amendements quand il y a des actes criminels. L'exemple que vous donnez, du père de famille qui est à 0,09 dans son auto, si le père de famille est à 0,09 mais qu'il n'est pas responsable de l'accident, il n'y a pas de raison de ne pas être payé. Si le conducteur de camion, qui a conduit pendant 20 heures, n'est pas condamné par un tribunal de juridiction criminelle, il n'y a aucun recours contre lui.

Une voix: ...

M. Bellemare (Marc): Non, non, il n'y a pas deux versions. Écoutez jusqu'à la fin et vous allez voir.

Une voix: ...

M. Bellemare (Marc): Non, non. Je vous ai entendu. Alors, les recommandations que nous faisons s'appliquent seulement et uniquement une fois que le tribunal de juridiction criminelle aura prononcé un jugement à l'effet que monsieur est responsable criminellement de l'accident. C'est tout. Il n'y a aucun recours civil qui est suggéré et aucune perte d'indemnité qui est suggérée dans mon mémoire s'il n'y a pas eu commission d'un acte criminel au préalable.

Je vous donne l'exemple du Manitoba, vous allez voir. Le Manitoba... si vous allez à l'annexe J, dans mon mémoire, vous allez voir ce que les Manitobains ont mis en place en 1994.

Le Président (M. Lachance): Rapidement, s'il vous plaît, Me Bellemare, parce qu'il reste une minute du côté ministériel, questions et réponses comprises.

M. Bellemare (Marc): Excusez-moi. Si vous allez voir à l'annexe J, l'article 161.3 de la loi manitobaine, lorsque la Société de l'assurance automobile du Manitoba reçoit une réclamation, elle doit déterminer dans quelle proportion l'individu condamné pour un acte criminel est responsable de son accident. S'il n'est pas responsable de l'accident, des dommages qu'il s'est lui-même infligés, il va recevoir sa pleine indemnité.

Mme Barbeau: Mais là-dessus, juste pour terminer, je poserais la question suivante. On sait que ce n'est pas rapide, hein, quand on commence le processus... aller en cour. J'en vois aussi dans mon comté. Les gens viennent me voir et sont découragés. Ils vivent de quoi pendant ce temps-là? Moi, je les vois aussi, ceux-là qui vivent... ils se ramassent dans la m... – je ne dirai pas le mot – bien raide. Alors, moi, ça m'inquiète parce que c'est long, le processus, aussi. En tout cas, je...

M. Bellemare (Marc): Oui, mais une fois que la condamnation criminelle est prononcée la société manitobaine doit déterminer dans quelle proportion cet acte criminel là, commis sur la route, a causé des dommages corporels au conducteur. Si c'est 50-50, bien, il va perdre 50 % de ses prestations pendant la première année. Si c'est 100 %...

Mme Barbeau: On remet en question le principe du «no fault», non?

M. Bellemare (Marc): Non, non, c'est une décision administrative.

Mme Barbeau: O.K.

Le Président (M. Lachance): Je regrette, Mme la députée de Vanier, votre temps est épuisé. C'est intéressant, mais... Alors, M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition.

(11 h 20)

M. Bordeleau: Je vais de fait poursuivre la question, parce que je voulais poser la même question, juste pour finir de bien éclairer tout ça. Bon, il y a trois éléments qui reviennent: la subrogation, le recours civil et question d'indemniser ou non les chauffards qui sont reconnus criminellement responsables d'un accident.

Dans le cas de la Saskatchewan et du Manitoba, comment on traite exactement ces trois éléments là. Vous avez commencé à y répondre pour le Manitoba au niveau de l'indemnisation du chauffard comme tel, mais j'aimerais qu'on termine l'exposé clair sur ce qui se fait. Parce que c'est les deux seules autres provinces au Canada, si je comprends bien, où il existe un système «no-fault». Alors, comment ça se passe au niveau de ces trois points là au Manitoba et en Saskatchewan?

M. Bellemare (Marc): Au Manitoba et en Saskatchewan, il n'y a pas de subrogation. Au Manitoba, il n'y a pas de recours civil pour l'excédent; en Saskatchewan, il y en a. Au Manitoba et en Saskatchewan, il y a diminution de l'indemnité lorsque la personne s'est infligé des dommages corporels au volant alors qu'elle commettait un acte criminel sur la route. Le Québec est la seule juridiction où le chauffard blessé ne voit pas sa prestation réduite, sauf en prison. Comme on sait, il y a à peine 20 % des conducteurs condamnés qui sont emprisonnés pour des périodes moyennes de trois mois. Alors, on passe complètement à côté.

En Saskatchewan et au Manitoba, le chauffard incarcéré ne reçoit aucune indemnité. Pourquoi on ne ferait pas ça au Québec? Au nom de quel principe on continue à payer un chauffard en prison? Il nous coûte 60 000 $ par année, on va continuer à lui payer un chèque, parce qu'il a des enfants. Puis, même s'il n'a pas d'enfant, on va lui donner un chèque un peu plus petit, mais on va continuer à le payer en prison. C'est complètement aberrant, ridicule. Si au Manitoba on dit: Vous avez commis un acte criminel, vous êtes responsable à 100 % de vos malheurs, vous vous êtes blessé parce que vous étiez saoul, vous allez perdre votre première année d'incapacité, votre première année de prestations, vous n'y toucherez pas.

M. Bordeleau: À quel endroit, ça? Excusez.

M. Bellemare (Marc): Manitoba.

M. Bordeleau: Manitoba. O.K.

M. Bellemare (Marc): Ça marche depuis 1994 puis ça va très bien. Puis c'est un régime de «no fault». Ils ont repris certains éléments du régime québécois, mais les éléments aberrants, ils ne les ont pas repris. Puis, nous, on continue à les maintenir, les éléments aberrants. C'est ça qui rend encore plus aberrant.

En Saskatchewan, si vous êtes responsable à plus de 50 % de vos dommages corporels en commettant un acte criminel, vous allez retirer quand même votre prestation à toutes les deux semaines, de remplacement de revenu, mais vous ne toucherez pas l'indemnité forfaitaire qui est prévue par le régime pour une perte anatomique. Par exemple, si vous avez une entorse cervicale sévère au cou, on ne vous donnera pas le 2 000 $ ou 3 000 $ qu'on verse pour la blessure, ou, si vous perdez un oeil dans l'accident, on ne vous donnera pas le 25 000 $ ou 30 000 $ que la loi prévoit, parce que vous avez perdu votre oeil à cause que vous étiez à 50 % responsable de l'accident pour des raisons criminelles. Je ne veux pas qu'on touche aux cas non criminels.

Et les actes criminels au volant, au Québec, les gens qui se blessent en état d'ébriété, si je me fie aux chiffres que la SAAQ m'a envoyés il y a deux semaines, que j'ai obtenus en vertu de la Loi d'accès – j'ai produit ça tantôt: 414 conducteurs. 414, on estime que ça coûte 15 000 000 $ par année. On tient compte de prévisions actuarielles, mais 414 conducteurs qui commettent des crimes de la route et qui se blessent eux-mêmes, ça coûte 15 000 000 $ par année. Si on met fin à ça, bien on aura 15 000 000 $ de plus pour aider les victimes par ricochet, pour aider les parents, pour aider les victimes d'actes criminels, les vraies victimes, pas celles qu'on a créées de toutes pièces par cette loi-là.

Mais partout il y a des exceptions. On est les seuls à avoir le même régime. Puis en 1987, le 13 octobre 1987, moi, je me suis présenté en commission parlementaire. C'était votre parti qui était au pouvoir, c'est Marc-Yvan Côté qui était ministre. M. Côté a modifié la loi à partir du 1er janvier 1990 pour prévoir que, si le chauffard était incarcéré, il allait voir sa prestation diminuée. Mais aujourd'hui il n'y a presque plus d'incarcération, très exceptionnel, très rare, et on continue à verser des prestations même une fois incarcéré. Je trouve ça très difficilement défendable comme société, qu'on continue à payer des gens en dedans. À mon sens, une fois incarcérée, la personne ne devrait jamais être admissible à aucun régime d'indemnisation: ni CSST, ni IVAC, ni SAAQ. Ça n'a pas de bon sens. La personne est déjà à la charge de l'État.

Là, on nous sert l'argument du bien-être social puis on nous dit: Bien, vous n'avez pas de coeur, Me Bellemare, vous voulez envoyer tous ces pauvres chauffards là sur le BS. C'est drôle tout à coup comme on est sensible à la condition des assistés sociaux quand c'est le temps d'envoyer un chauffard sur le bien-être social. Il y a 150 000 Québécois qui sont inaptes au travail, qui n'ont jamais commis d'actes criminels puis qui sont sur le bien-être social. On n'en entend jamais parler. Mais, quand on parle, par exemple, d'envoyer un chauffard sur l'aide sociale parce qu'il ne serait plus admissible aux prestations, bien là on crie. On jette les hauts cris, puis on dit: Mon Dieu! vous n'avez pas de coeur, envoyer un chauffard sur l'aide sociale.

Une voix: ...

M. Bellemare (Marc): Non, je comprends.

Une voix: ...

M. Bellemare (Marc): Je comprends. Mais il y a 150 000 Québécois aujourd'hui qui sont malades, qui sont blessés, qui sont sur l'aide sociale, qui sont reconnus soutiens financiers inaptes au travail. Ce que je dis, c'est qu'on n'entend pas beaucoup parler de ces gens-là.

C'est malheureux, la condition d'un assisté social. C'est bien évident. On le sait que ce n'est pas assez. Mais c'est drôle que, tout à coup, ça devient scandaleux que de suggérer que cette personne-là, le chauffard, qui n'aurait pas d'indemnité de remplacement de revenu, soit référée à l'aide sociale. C'est bizarre parce que les 150 000 dont je vous parle, ils n'ont jamais tué personne, eux autres, ils n'ont jamais blessé personne et ils n'ont jamais commis d'actes criminels.

L'individu qui s'est criminellement blessé et rendu inapte au travail, pourquoi il aurait la SAAQ? Pourquoi on protégerait un revenu, comme société? On en a de l'argent, hein? Pourquoi on protégerait un revenu pour une personne qui se blesse en commettant un acte criminel? Ça, c'est une valeur qui est tout aussi importante et certainement plus importante encore, celle de ne pas recevoir d'indemnité ou d'argent de l'État quand on s'est criminellement blessé, que l'intégralité du principe du «no fault». Le «no fault», c'est une invention juridique, ce n'est pas une valeur sociale.

M. Bordeleau: Tout à l'heure, M. le ministre faisait référence à un extrait, je pense, du livre de Mme Payette ou d'une entrevue qu'elle donnait, je ne sais pas, là. Alors, Mme Payette expliquait son point de vue. Je pense que son point de vue est valable; elle a le droit de l'exprimer. Mais un régime qu'on met en place, que ça soit au moment où on l'a mis en place, en 1976-1977, ou aujourd'hui, on peut décider de le faire comme on veut.

Un assureur privé qui met en place une police d'assurance, il bâtit son produit comme il pense que ça va répondre à une demande et il l'offre. Et on voit – comme on l'a déjà signalé – des exclusions partout, dans toutes les polices, où on dit, ça, on vous couvre pour tous les frais excepté dans telle, telle situation. Et la personne qui prend cette police-là paie pour avoir les couvertures qui sont dedans, et les exclusions qui sont intégrées dans cette police-là, évidemment ça fait partie du prix aussi. Si elle voulait enlever des exclusions, probablement qu'elle paierait plus cher. Mais les exclusions existent comme telles.

Alors, pourquoi un régime d'assurance automobile, au Québec, ne pourrait pas avoir des exclusions dans des cas quand même assez marginaux, là, on ne parle pas de l'ensemble du système, de personnes qui posent des gestes criminels? Et à partir du moment où vous prenez l'assurance automobile du Québec, qui est obligatoire, mais de fait vous l'acceptez, vous payez pour, vous avez les couvertures qui sont là avec les exclusions qui sont là; vous en êtes bien conscient, vous payez le montant en question. Et les propriétaires qui font les profits de tout ça, s'il y a des profits à faire, là, c'est l'ensemble de la société. Et ceux qui devront payer les frais aussi, c'est l'ensemble de la société. Donc, il n'y a rien qui aurait empêché, au moment où on l'a... M. le Président, est-ce que vous pourriez demander...

Une voix: ...parler.

Le Président (M. Lachance): Le message est passé. Allez-y, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Alors, il n'y a rien qui empêche que, au moment où ça a été conçu, ça aurait pu être conçu comme ça ou il n'y a rien qui empêche aujourd'hui qu'on le conçoive comme ça. C'est une question de savoir comment les propriétaires de la compagnie qui offre l'assurance veulent offrir leurs produits. Et dans le cas de la SAAQ, les propriétaires, c'est l'ensemble des Québécois. Et l'ensemble des Québécois disent, comme je l'ai déjà répété, il y a au-delà de 200 000 personnes à peu près qui souhaiteraient qu'on regarde ces choses-là de près. Alors, c'est un commentaire que je fais.

Mais l'autre point que je voulais juste clarifier – je ne suis pas avocat, moi non plus – tout à l'heure on disait, Mme Payette disait: Dans le cas où... il faudrait changer, c'est le Code criminel qu'il faudrait rendre plus... Mais le recours civil, ça n'a rien à voir avec le Code criminel, ça?

M. Bellemare (Marc): Non, ça n'a rien à voir avec le Code criminel. Dans le cas des propositions que je fais, je dis qu'il faudrait qu'il y ait condamnation criminelle pour qu'il y ait ouverture au recours civil, parce qu'autrement, si on dit dans la loi que la victime peut poursuivre s'il y a eu négligence ou s'il y a eu négligence grave ou quoi que ce soit, on risque d'avoir beaucoup de poursuites et là on risque de mettre en question le principe du «no fault».

M. Bordeleau: Non, mais ça je suis d'accord.

M. Bellemare (Marc): Alors que, si on prévoit que ce serait ouvert uniquement lorsqu'il y a une condamnation criminelle, là l'individu a la chance de faire valoir ses moyens devant le juge de juridiction criminelle puis il a l'occasion, comme Mme Barbeau le disait tantôt, de faire valoir son diabète, sa condition sociale, puis tout ça, puis de plaider sa cause et d'être acquitté au criminel. Mais, si, malgré tout ça et malgré la présomption d'innocence et malgré la preuve hors de tout doute, monsieur est condamné, ça doit avoir des conséquences civiles. Je vous le soumets.

(11 h 30)

M. Bordeleau: Oui. La seule chose que je veux clarifier, c'est que l'absence du recours au civil qui existe actuellement, ce n'est pas imposé par le Code criminel, c'est un choix qui a été fait au moment où on a bâti le système d'assurance automobile au Québec. Et le fait de redonner ce droit-là, par exemple, d'un recours au civil, ça ne demande pas de modification au Code criminel non plus.

M. Bellemare (Marc): Mais pas du tout, ça relève des provinces. Et j'ajouterai à ceci. En 1978, parce que la loi a été déposée, en vigueur le 1er mars, il était prévu que, si une personne était victime d'un acte criminel et en même temps victime d'un accident de la route, donc une victime de chauffard, la personne pouvait opter soit pour l'assurance automobile soit pour l'IVAC. Il y a des victimes de chauffards qui ont tenté d'exercer des recours civils en se basant sur la loi de LIVAC qui permet les recours civils. Il y a des jugements qui ont été prononcés et qui leur ont dit: Il y a une immunité totale pour le chauffard, peu importe par quelle loi vous passez. Alors, même si actuellement la loi de LIVAC permet des recours civils, il y a immunité compte tenu que l'accident est survenu à l'occasion de la conduite automobile. C'est ça qui est malheureux.

Mais, moi, je persiste à dire qu'en 1978 quand cette loi-là a été adoptée, l'intention, c'était de permettre à une victime de la route qui est en même temps victime d'acte criminel d'avoir le choix entre les deux lois. Et, à ce moment-là, ça permettait à la victime de chauffard de réclamer à l'IVAC et d'avoir les recours civils, l'indemnité de l'IVAC qui est similaire à celle de la SAAQ, d'exercer son choix. Le citoyen avait le choix de prendre ce qu'il voulait.

Mais la jurisprudence a évolué différemment, de sorte qu'on se retrouve devant un cul-de-sac. Dans tous les cas où il y a un crime de la route, il y a immunité. Et c'est cette immunité totale, absolue, peu importe les circonstances, même pour une tentative de meurtre avec un véhicule automobile que je remets en question. Je trouve que ça va trop loin. Il me semble qu'il devrait y avoir des crimes et des attitudes qui ne seraient pas protégés par cette loi-là.

M. Bordeleau: J'aimerais aborder un autre sujet, celui de la subrogation. À votre annexe G, vous nous donnez l'exemple des recouvrements qu'a faits la Régie de l'assurance maladie du Québec dans le cas de l'assurance maladie et de l'assurance hospitalisation. Et on voit là qu'en 1998-1999 la Régie de l'assurance maladie du Québec a récupéré au-delà de 4 000 000 $, 4 700 000 $. Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment ça fonctionne exactement, le genre de récupération qu'on fait dans ce cas-là et si vous avez un parallèle à faire avec ce qu'on pourrait faire, par exemple, au niveau de la SAAQ?

M. Bellemare (Marc): Bien, la subrogation, c'est la norme. Tous les organismes publics ont un mécanisme de subrogation. Quand le gouvernement paie de l'argent – c'est un principe de base en matière d'assurance – en tant qu'assureur, il a la possibilité de se faire rembourser de la part d'une personne fautive. Et, à l'heure actuelle, la Régie de l'assurance maladie – Me Boulanger l'a expliqué tantôt – qui paie pour le fameux skieur... Bon, alors il y a une faute. S'il y a une faute civile de la part du propriétaire de la montagne, la RAMQ paie pour les soins hospitaliers et peut se faire rembourser auprès du propriétaire du centre de ski...

M. Bordeleau: O.K., alors. Puis c'est un montant de...

M. Bellemare (Marc): ...pour la faute qui a été commise. Alors, nous ce qu'on dit c'est: Comment ça se fait, si tous les organismes publics du Québec bénéficient de cette subrogation et de cette possibilité d'être remboursés... Parce qu'on est assureur, on protège en cas de sinistre, mais on n'est pas obligé de toujours tout payer quand la personne responsable, surtout si c'est criminel, de ces dommages-là est capable de rembourser une partie de la somme.

Alors, à la CSST, à l'IVAC, à la Régie de l'assurance maladie, dans les services juridiques, il y a des avocats qui ne font que de ça. C'est-à-dire qu'ils reçoivent un cas – on appelle ça un cas de subrogation, un cas de tierce responsabilité – les avocats reçoivent le dossier, puis ils évaluent la possibilité de réclamer les sommes qui ont été assumées par l'organisme auprès d'une personne responsable.

Moi, je dis: on devrait avoir un mécanisme de subrogation, à la SAAQ, dans les cas d'acte criminel pour faire en sorte que les gens qui causent des morts et des blessés sur les routes criminellement soient tenus de rembourser la SAAQ dans la mesure de leurs moyens. C'est ça que je dis. On va me dire: Bien, s'il est sur le bien-être. Bien, c'est bien sûr que, s'il est sur le bien-être... Le gars qui rentre dans un bar puis qui assomme le waiter puis qui est sur le bien-être social – le client – la CSST va payer le waiter pour sa perte de revenus puis va lui donner une indemnité puis va appliquer la loi. Mais la CSST va réclamer au client une somme d'argent correspondante, jusqu'à concurrence de la somme qui a été payée au waiter. Mais, si le client est sur le BS, la CSST va fermer le dossier. Mais, si le client gagne 30 000 $ par année, ils vont dire: Monsieur, ça nous a coûté 17 000 $ pour soigner le waiter, vous allez nous rembourser. Puis c'est normal, ça, puis c'est correct. Alors, pourquoi, quand c'est un acte criminel...

Il y a des histoires, vous le savez. Il y a des chauffards célèbres au Québec qui ont les moyens, qui ont des revenus appréciables, qui ont des biens et qui ont des patrimoines, ils seraient capables de rembourser la SAAQ pour 20 000 $, 25 000 $ d'indemnités jusqu'à concurrence de leur capacité de payer. Voyons donc! On paie tout, on paie 120 000 000 $ par année puis on ne leur demande rien. C'est ridicule. 120 000 000 $ par année, c'est 20 % du budget global de la SAAQ. 120 000 000 $ par année qu'on paie aux victimes honnêtes – 105 000 000 $ puis 15 000 000 $ au criminel – puis on va nous dire qu'on n'est pas capable, à la SAAQ, d'aller chercher un peu pour alléger, finalement, le fardeau des automobilistes puis améliorer la situation des victimes? Ça n'a pas de bon sens, cette affaire-là.

Alors, les criminels savent bien qu'au Québec on peut tuer impunément. On va faire de la prison, peut-être. On va probablement avoir une sentence suspendue puis on va avoir une suspension de permis. Mais, on le sait, 75 % conduisent quand même, ça fait qu'on ne se fera pas d'idée là-dessus. S'il n'y a pas de conséquences économiques réelles pour ceux qui ont la capacité de payer, à ce moment-là, je pense qu'on passe à côté d'un élément ou d'une mécanique dissuasive importante.

Et je lisais les interventions de M. le ministre, mardi, qui disait: On ne fera pas une loi pour 20 % des gens – je pense que c'est DAATAQ qui était ici. Mais, s'il y a 20 % des chauffards qui gagnent 30 000 $ ou plus par année, je vous soumets et je suis convaincu que la seule expectative d'un recours civil, la seule possibilité d'un recours civil contre eux aurait un effet dissuasif important. Si on sauve 10 % ou 15 % des accidents parce que ces gens-là qui ont les moyens de payer sauraient qu'il y aurait une possibilité de recours en justice, je pense que ça aurait un effet dissuasif important. On augmente les amendes de 300 $ puis on dit: On va baisser la criminalité routière de x % parce que, là, on va être sévère puis ça va coûter cher. Puis, nous, quand on parle de recours civil de 20 000 $, 25 000 $, on nous dit: Ce n'est prouvé que ça a un effet dissuasif. C'est quoi, ce raisonnement-là? Ça ne tient pas debout.

M. Bordeleau: Juste une dernière question puis un commentaire avant. Quand vous dites: On ne peut pas aller chercher de l'argent puis se faire rembourser parce que c'est des gens sur le bien-être social, je vais vous dire qu'on voit dans nos bureaux de comté régulièrement des gens qui étaient sur le bien-être social à qui on va chercher de l'argent après parce qu'on leur en a donné peut-être un peu trop. Et ça, la Sécurité du revenu le fait régulièrement, on en voit régulièrement. Alors, c'est des gens qui ne sont pas riches et, parce qu'ils ont eu, pour différentes raisons, plus d'argent à un moment donné, la Sécurité du revenu retourne chercher l'argent, le gouvernement va le chercher, cet argent-là. Alors, je pense que, dans le cas dont on parle ici, des criminels qui ont eu des accidents, on pourrait penser à la même approche.

M. Bellemare (Marc): Dans la mesure de leurs moyens, ça veut dire...

M. Bordeleau: Exactement.

M. Bellemare (Marc): Puis parlez-en à n'importe quel contentieux d'organisme qui paie des citoyens, ils ont tous une mécanique de subrogation. C'est facile, c'est connu. C'est juste la SAAQ qui ne l'a pas, sauf contre les non-Québécois.

M. Bordeleau: Je voudrais juste une dernière question parce que je pense que le temps passe, une minute. Peut-être juste nous résumer le tableau que vous avez mis à la page 7 de l'annexe C qui, en termes de sécurité routière est... Je pense que les données qui sont là sont très intéressantes. J'aimerais peut-être que vous me les résumiez rapidement.

M. Bellemare (Marc): Bien, ça fait partie du Juristat . Le Juristat , c'est la bible en matière statistique. Ça vient de Statistique Canada. Même la SAAQ s'en sert. Et comment on peut l'interpréter? De bien des façons. Mais ce qu'on retrouve, ce qu'on sait, c'est que le Québec, entre 1994 et 1998 – incluant 1998, parce que le Juristat a été publié en 1999 – a connu une amélioration de la criminalité routière dans une proportion de 18,9 %.

Ce que je dis dans mon mémoire et ce qui est bien établi par ce tableau-là, c'est que le 18,9 % est encourageant, certes, mais il est pas mal inférieur à la moyenne nationale au Canada – parlons de la moyenne du Canada – 24,4 % dans l'ensemble du Canada. Et ce que Me Boulanger disait tantôt, c'est qu'effectivement dans les trois juridictions où il y a des régimes de responsabilité sans faute, ce sont les trois provinces où le taux d'amélioration du bilan criminel a été le plus faible.

Mais je n'irais pas jusqu'à dire que c'est une preuve scientifique. Je sais bien que, si ça avait été l'inverse, la SAAQ nous aurait dit: Voyez-vous, on a les trois meilleurs bilans d'amélioration, donc le «no fault», c'est une bonne affaire, là. Mais, moi, je n'irai pas jusqu'à charrier à ce point-là. Mais 24,4 % pour l'ensemble du Canada, alors on a un problème. Puis, dans les deux provinces où il y a un «no fault» instauré depuis 1994, bien, là, les baisses sont très, très, très minimes: moins 5,6 % puis moins 6,3 %.

M. Bordeleau: Merci.

(11 h 40)

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Me Bellemare, pour votre participation aux travaux de cette commission.

M. Bellemare (Marc): Au plaisir.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite immédiatement M. Daniel Gardner à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bienvenue, M. Gardner, et je vous indique que, vous aussi, vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.


M. Daniel Gardner

M. Gardner (Daniel): Je vous remercie. Comme la plupart d'entre vous ne me connaissez pas, je vais effectivement utiliser ce 20 minutes pour exposer mes arguments, et ensuite vous aurez tout le temps voulu pour me poser des questions. Vous me connaissez moins parce que j'interviens moins dans les médias que mon prédécesseur. J'interviens moins dans les médias parce que je ne suis pas aussi bien organisé que lui; j'ai moins de temps, je pense, pour ça. Moi, je suis professeur d'université à plein temps. Je n'ai peut-être pas aussi d'intérêt personnel à intervenir dans les médias, ce n'est pas mon but.

En revanche, quand j'ai à venir parler à des gens qui sont les décideurs, qu'ils soient du côté ministériel ou du côté de l'opposition, là, je saisis la perche. Il y a trois ans, j'étais ici, je suis de retour ici et je vais revenir – si on me permet d'y revenir évidemment – à toutes les commissions parlementaires, tant qu'on va tenter de tuer un régime qui fait l'honneur de tous les Québécois et Québécoises, présentement, non seulement au Québec, mais à travers le monde.

Alors, ce que je veux faire avec vous, c'est tenter de vous donner des éléments d'information. Vous allez voir, ils sont radicalement différents de ce que vous venez d'entendre. Je dis bien des éléments d'information pour que, vous, ensuite, vous puissiez vous faire une idée éclairée de quelles seraient les conséquences des propositions qui ont été faites de modifications à la loi.

Alors, il y a un M. Tétreault qui est passé il y a quelques jours et qui vous a parlé beaucoup, je pense, de droits de subrogation, des problèmes que ça créeraient. Alors, j'ai décidé, de façon tactique, pour l'instant, de laisser ça de côté. À la période de questions, on pourra évidemment revenir là-dessus, ça me fera plaisir de donner des éléments d'information. Je suis tout à fait d'accord avec la position de M. Tétreault là-dessus.

Moi, je vais plus insister et, plutôt que de vous lire mon mémoire, je prends exactement les propositions de M. Bellemare et je vais vous donner... J'ai essayé de réduire ça en six points pour chacune des deux propositions qui restent – réinstauration du droit de poursuite, non-versement des indemnités – pour essayer de vous démontrer pourquoi ça ne doit pas changer.

Dernière chose, avant que je commence. Pourquoi je suis ici? Je suis ici parce que je suis professeur de droit, parce que je suis payé avec des fonds publics et qu'il y a un retour sur investissement qui doit être fait au public, et c'est pour ça que je suis ici. Je n'ai aucun intérêt pécuniaire dans ce débat. Je ne représente ni la SAAQ, ni le gouvernement, ni l'opposition, ni les victimes. Je représente la société québécoise.

Et, moi, les études que j'ai faites, dont je vais vous livrer des éléments d'information, montrent et m'ont convaincu que le régime tel qu'il est actuellement, c'est celui-là qui est le meilleur pour les Québécois. Puis d'ailleurs ce serait le meilleur pour n'importe quel peuple dans le monde, Alors, c'est pour ça que je suis ici et c'est pour ça que ça va me faire plaisir également de répondre à toutes vos questions.

Alors donc, le droit de poursuite. On veut réinstaurer quelque chose qu'on a explicitement mis de côté en 1978 parce que ça ne fonctionnait pas. Et, contrairement à ce que disait mon prédécesseur, les gens qui ont voté la Loi sur l'assurance automobile savaient fort bien qu'ils mettaient les criminels de la route en dehors du circuit des recours civils; c'est écrit dans le rapport Gauvin, qui a donné suite à la Loi sur l'assurance-automobile. Ces gens-là, ce n'étaient pas des imbéciles, ils savaient ce qu'ils faisaient. Il y avait un problème de criminalité encore plus grave, dans les années soixante-dix, d'ailleurs, qu'il y en a un aujourd'hui. Et ils l'ont fait consciemment.

Alors, pourquoi ils l'ont fait consciemment et pourquoi il y a plusieurs législateurs hors du Québec qui l'ont fait consciemment? Ça sera mon premier point. Le droit de poursuite, le Québec n'est pas seul là-dedans. Si on prend l'exemple de pays en dehors du Canada, avec des populations à peu près semblables, un niveau de développement industriel à peu près semblable, la Nouvelle-Zélande, la Suède sont deux exemples où on ne peut pas poursuivre des criminels de la route devant les tribunaux de droit commun, ce n'est pas permis. Au Canada, Manitoba, Saskatchewan, qui, comme par hasard, sont les deux provinces, avec le Québec, où les primes d'assurance automobile sont les plus basses au pays, il n'y a pas de droit de poursuite devant les tribunaux civils.

Le monsieur à côté tout à l'heure disait: On peut poursuivre, en Saskatchewan. C'est faux. Je vais vous donner un exemple qui s'est présenté il y a un an ou un an et demi, pendant la campagne électorale qui a donné lieu à la formation du nouveau gouvernement en Saskatchewan, un cas qui ne s'est jamais présenté ici, mais qui pourrait arriver et qui peut montrer comment ça peut être difficile politiquement d'essayer de conserver un régime.

Regardez ce qui est arrivé en Saskatchewan. Il y a un monsieur. Il avait connu une dame, une dame qui avait déjà une fille avec elle. Ce monsieur-là vit avec ces personnes-là, puis, à un moment donné, la dame le met à la porte. Le monsieur, amoureux éperdu, décide qu'il veut reconquérir sa flamme. Alors, il essaie avec la dame; ça ne fonctionne pas. Il essaie avec la fille, il la harcèle, il la poursuit jusque dans la cour de son école. Quand il voit que la fille ne veut rien savoir de lui, il embarque dans son véhicule automobile, fonce intentionnellement sur la jeune fille, la blesse. Émoi dans la population. Poursuite civile présentée et accueillie en Cour supérieure, par la jeune fille. Elle obtient 30 000 $. On est en période électorale.

La SGI, l'équivalent de la Société de l'assurance automobile du Québec, entend parler de cette cause-là – elle n'en avait pas été informée – va en appel avec l'accord du gouvernement et dit: Notre loi ne permet pas de poursuite au civil, point à la ligne. La Cour d'appel lui a donné raison. Il y a eu des choses qui se sont dites, à ce moment-là, évidemment. Imaginez l'opposition, on était en campagne électorale, imaginez le parti qui n'était pas au pouvoir, on disait: C'est écoeurant! s'il avait pris un bat de baseball, il aurait pu être poursuivi; là, il prend son auto, il ne peut pas être poursuivi.

Pourquoi vous pensez qu'ils ont fait ça en Saskatchewan? Pour s'attirer des votes? Absolument pas. C'était une mesure extrêmement impopulaire de venir casser ce jugement-là. Mais on l'a fait parce qu'on sait fort bien les conséquences que ça aurait, de permettre des recours civils, même contre les seuls criminels de la route.

Alors donc, le Québec, on est loin d'être les seuls là-dessus. Et j'ajouterais même qu'au Québec contrairement... – je m'excuse, je dis souvent: contrairement à ce qu'il dit, le monsieur à côté; ça va arriver souvent, malheureusement – il y a deux lois au Québec où on ne peut pas poursuivre quelqu'un qui a commis un acte criminel, où on ne peut pas intenter de poursuite civile: la Loi sur l'assurance automobile puis la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Je suis un employeur couvert – tous les employeurs sont automatiquement couverts par la LATMP, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles – je commets un acte criminel vis-à-vis un de mes employés: coup de poing intentionnel. Je ne peux pas être poursuivi devant les tribunaux civils. Impossible, la loi est barrée à double tour là-dessus. Et ça, ça date de 1931. Ce n'est pas de la social-démocratie, là, qui a amené ça, ce n'est pas l'État providence, là.

Pourquoi, vous pensez, on a pensé à ça en 1931 puis on l'a reproduit en 1978 dans la Loi sur l'assurance auto? C'est tout simplement parce qu'il y a un principe, c'est que, si on veut que le régime fonctionne, il faut qu'on fasse payer des gens avant l'accident, mais on ne peut pas leur demander de payer une deuxième fois après. Ça, c'est le principe de l'assurance. Les employeurs financent le régime des accidents du travail, ils paient une cotisation – qu'ils trouvent trop élevée d'ailleurs, c'est eux qui en sont responsables en bonne partie – ils paient une prime avant, on ne leur demande pas de payer après. Bien, c'est la même chose avec les conducteurs d'automobile. Ils paient leur prime d'assurance lorsqu'ils prennent leur certificat d'immatriculation, lorsqu'ils achètent un véhicule automobile, lorsqu'ils renouvellent leur permis de conduire, ils paient leur prime, on ne peut pas les poursuivre après. Et ça, là, ça éclaire...

Puis je vais faire juste un... pour répondre un petit peu à la question que vous aviez posée à M. Bellemare, le droit de subrogation. Le droit de subrogation, ça existe partout au Québec? Non. Le droit de subrogation – puis ça, c'est bon pour les assureurs privés comme pour les assureurs publics – ça n'existe jamais pour poursuivre ton propre assuré. Une compagnie d'assurance privée ne peut jamais revenir contre son propre assuré. Une compagnie d'assurance publique ne peut pas revenir plus contre son propre assuré. C'est des principes élémentaires du droit des assurances, ça. Ça a toujours été comme ça. Sinon, c'est le régime qui saute, c'est le principe de l'assurance qui ne fonctionne plus.

Alors donc, on n'est pas les seuls. Et là ramassez vos questions au fur et à mesure parce que je ne voudrais pas prendre plus que ma demi-heure, que mon 20 minutes, même.

Deuxième argument. Aucun régime de «no fault» à travers le monde entier ne permet de ne poursuivre que les criminels de la route. Je suis clair? Je ne connais aucun régime – puis, je vous jure, je les connais tous – où on a une disposition qui dit: On peut prendre des poursuites de droit commun contre les criminels de la route.

(11 h 50)

Je vais vous conter une petite histoire qui a l'air de se passer très loin d'ici puis qui explique pourquoi c'est comme ça. Ça se passe en Australie, ça se passe dans l'État de Victoria. 1984. Il y a une commission d'enquête impartiale qui rend un rapport en matière d'accident d'automobile. Il y avait un problème comme il y avait au Québec. Dix ans après le rapport Gauvin, au Québec, même solution proposée: instaurer un régime de «no fault» pur, aucun recours de droit commun. O.K.

Période électorale, le gouvernement arrive pour entrer ça en vigueur, présente son projet de loi, en 1986, dans l'État de Victoria. Puis là le Barreau entre là-dedans: Aïe! on ne va pas quand même permettre que les criminels s'en tirent puis qu'il n'y ait pas de recours civil. Branle-bas de combat. Le gouvernement a dit: Oui, c'est vrai, ça se défend mal, on va faire une exception pour les criminels; eux autres, ils vont pouvoir être poursuivis. La porte était ouverte. Vous connaissez l'histoire du loup qui montre la patte blanche, là. Bien là la porte était ouverte. Ils l'ont ouvert grand.

Alors, avant même que la loi soit adoptée, on a réussi à la faire modifier pour dire: Bien là, finalement, donner juste des droits de poursuite contre les criminels, le régime, il n'aurait pas de bon sens, on va donner des droits de poursuite s'il y a des blessures sérieuses, «serious injury». Puis le régime fonctionne comme ça depuis 1986.

Ça va pas pire. Ils ont baissé le taux d'accidents. Il y a de bonnes indemnités qui sont données, à peu près la moitié de celles du Québec, mais quand même des bonnes indemnités. Le seul problème, c'est que la prime d'assurance auto, elle coûte 279 $ dans l'État de Victoria puis elle coûte 117 $ au Québec. Tout le monde paie pour des hypothétiques recours, que je vais vous démontrer d'ailleurs qui ne fonctionnent pas, tantôt.

Donc, il n'y a pas de régime où on peut dire: Juste les criminels. Ça va sauter. Ça va sauter, pourquoi? Parce que, à partir du moment – et c'est mon troisième argument – où on permet une poursuite contre un criminel de la route, il va y avoir un glissement inévitable pour ouvrir le droit de poursuite. Là, à date, on ne vous parle que des criminels de la route, hein, Sylvain Boies, Galipeau. Moi, je suis blessé, je suis blessé sur une route parce qu'un Galipeau ou un Sylvain Boies me fonce dedans. Je me rends bien compte qu'il est insolvable. Je me dis: pourquoi prendre un recours de droit commun contre lui? Mais je remarque que la route était glissante en titi, par exemple. Alors, oui, il m'a rentré dedans, mais c'est-u pas l'entrepreneur en déneigement qui n'a pas trop attendu pour déneiger? Négligence criminelle? C'est-u pas le restaurateur qui a laissé partir ce gars-là soûl puis qui a continué à lui servir a boire pour faire de l'argent, qui, lui, pourrait être poursuivi? Lui, il a de l'argent, par exemple. Alors, à partir du moment où on ouvre pour un acte criminel, pourquoi juste l'acte criminel au volant? Pourquoi pas les actes criminels en général?

Pire que ça. Prenez l'exemple suivant. Mon enfant, il traverse la rue, il se fait frapper par un gars soûl; je peux poursuivre. Mon enfant, il se fait frapper en traversant la rue par un gars qui roule à 70 km/h, qui n'est pas soûl, dans une zone de 30 km/h, zone scolaire, je dis: Oui, conduite dangereuse peut-être, on pourrait essayer de déposer des poursuites criminelles, je ne veux pas avoir des avocats là-dedans, mais on va prendre une chance, on va y aller, puis là je pourrai poursuivre.

Dernier scénario. Mon enfant est tué par quelqu'un qui roulait 48 km/h dans une zone de 30 km/h, il n'était pas soûl, il était distrait, le soleil dans la face, il n'a pas regardé comme il faut, n'a pas vu la brigadière. Moi, là, j'ai perdu mon enfant, là. Vous allez essayer de m'expliquer que je peux poursuivre quand c'est une faute parce que c'est un acte criminel puis que je ne peux pas poursuivre quand c'est une faute parce que c'est juste un distrait? Aïe! moi, j'ai perdu on enfant, là. Essayez de m'expliquer pourquoi j'ai le droit de poursuivre dans un cas puis pas dans l'autre. Je vais dire: ce système-là n'a aucun bon sens.

Bien, à partir du moment où on ouvre le droit de poursuite, puis là la pratique nous montre que c'est comme ça que ça fonctionne, il va toujours y avoir du monde pour dire: Bien, écoutez, moi je suis à la frontière, pourquoi vous ne me laissez pas rentrer? Pourquoi pas moi? Pourquoi qu'on arrête là? Bien, c'est ça qui arrive. Aux États-Unis, c'est comme ça que ça fonctionne. On ouvre le droit de poursuite pour tout le monde. Le régime, il coûte cher en titi, par exemple, à tout le monde, hein. Donc, glissement inévitable vers une généralisation du droit de poursuite.

Absence totale d'effet dissuasif des poursuites au civil. Ça, c'est prouvé par des études partout à travers le monde, il n'y a aucun effet dissuasif au fait de pouvoir être poursuivi au civil. L'effet dissuasif, il est pour les poursuites pénales. Moi, je suis dans un bar, je sais que j'ai trop bu, je dis: il faut que je rentre quand même avec mon char à la maison, ce soir. Qu'est-ce que je pense? Je ne me dis pas: je vais tuer quelqu'un, je pourrais être poursuivi. Bien non, je suis un bon conducteur, je fais plus attention. Mais je suis habitué de conduire chaud, je vais faire attention, je vais me rendre chez moi. Je n'ai pas peur des poursuites civiles, je ne pense pas que je vais blesser personne, mais j'ai peur de la police en maudit, par exemple. Je ne veux pas me faire arrêter dans un barrage routier. Parce que, là, accident pas accident, je me fais arrêter. Woups! dossier, je paie, je peux être mis en prison. Aïe! ça, c'est pas mal moins intéressant.

La peur des sanctions pénales est la seule qui a un effet dissuasif, et le Québec le prouve depuis 1985. Depuis qu'on a lancé la campagne L'alcool au volant , le nombre d'accidents attribuables à l'alcool, il baisse de façon constante et draconienne depuis 1985. Les statistiques ne sont pas sorties pour 1999, mais je pense que, pour la première fois en 1999, puis ça ne s'est jamais vu au Québec depuis qu'on tient des statistiques, la vitesse est devenue un facteur presque aussi important que l'alcool au volant, dans les causes d'accidents. Ça doit vouloir dire que ça fonctionne, les campagnes de prévention puis la peur de la sanction pénale.

Moi, voilà trois ans, c'est ça que je disais: Améliorez les sanctions pénales, rendez-les plus lourdes au niveau administratif. Le projet de loi n° 12, qui a été déposé voilà trois ans, le bilan, déjà, après trois ans, il est positif. Absence, mais pas au civil. Menace de poursuite civile, ça, surtout quand on n'a pas une cenne, quand on est le criminel qu'on veut bien nous présenter, là, ça n'a absolument aucun impact: Je n'ai pas une cenne, pourquoi je m'en ferais pour être poursuivi? Je n'y pense même pas, de toute façon, ce n'est même pas dans mon esprit.

Cinquième point. Là, on pourrait s'amuser longtemps. Les procès, là, mettons qu'on en a un, un criminel solvable, puis là on dit: Lui, on peut le poursuivre. Bien, moi, je vous dis, les procès, ils seraient longs, ils seraient longs pour les victimes, ils seraient coûteux, ils seraient coûteux pour les victimes, ils seraient aléatoires pour les victimes, mais ils seraient payants puis ils ne seraient pas aléatoires pour les avocats. Alors, je m'explique.

Longs. J'ai fait une petite enquête. Elle n'est pas scientifique. J'ai pris les 200 dernières causes. J'ai demandé à un de mes assistants, l'an dernier, de prendre 200 causes publiées dans les recueils de jurisprudence. J'ai dit: Prends-moi la date du jugement, prends-moi la date de l'accident puis fais-moi le délai moyen. Il a pris des causes confondues, responsabilité médicale, de ski, tout ça, il a pris les 200 premières qu'il a trouvées. Délai: huit ans et demi. Huit ans et demi pour obtenir un jugement. Ça ne veut même pas dire être payé, ça, là. Je ne le sais pas, moi, après ça, s'il paie, le défendeur. Huit ans et demi pour obtenir... Et là, en plus, pensez, avec notre affaire, avec les propositions, il faudrait d'abord obtenir un jugement au pénal. Moyenne: 500 jours, au Québec, présentement, un an et demi. Alors, un an et demi plus huit ans et demi, oui, c'est bon, on a le temps de vieillir comme il faut, hein, en santé. Mais on paie nos frais d'avocat, pendant ce temps-là, par exemple, hein. Pendant ce temps-là, l'avocat, lui, il a besoin de frais pour continuer les poursuites, puis les expertises, et tout ça. Très, très long.

Très coûteux. Bien, je viens de l'expliquer. Quiconque a été impliqué dans un procès sait que ça coûte cher. On a des commissions d'études présentement qui cherchent à réformer le Code de procédure civile, la justice, tout ça. Pourquoi il y a des tribunaux administratifs? Le système de droit commun, il coûte trop cher. Il faut être très, très riche ou très, très pauvre pour être admissible à l'aide juridique, pour réussir à arriver. On veut ramener ça. Pour qui? À qui le crime va profiter, ici? Aux avocats. Eux autres, ils sont toujours payés.

Aléatoires. Bien, aléatoires pour deux raisons. Le criminel qui est poursuivi, là, 0,12 % d'alcool dans le sang, ça ne veut pas dire que, parce qu'il a une condamnation pénale, ça veut dire condamnation civile, ça. Moi, je suis le criminel, il faut prouver que ma conduite criminelle a été la cause de l'accident. C'est ça, le système civil: faute cause un préjudice. Aïe, là, je vais me débattre. Je vais dire: C'était la faute d'un tiers, c'était l'état de la route, c'était le restaurateur, c'était l'entrepreneur en déneigement, c'était la faute de la victime.

Prenez l'exemple du gars à la Mercedes noire, qui est toujours présenté comme un cas où on aurait dû permettre le recours. Le jeune qui s'est fait tuer, et avec qui je compatis beaucoup et avec sa famille, il reste qu'il roulait le soir sur une route non protégé, alors qu'il n'avait pas de vêtements qui permettaient de montrer sa présence. Je verrais fort bien le criminel, avec son avocat, dire: Il a une part de responsabilité, ce jeune-là, dans l'accident.

J'ai vu des causes, puis c'est des vraies causes, mesdames, messieurs, où on a retenu la responsabilité d'une jeune fille de 10 ans qui glissait en traîne sauvage à reculons dans une vraie pente aménagée, aux glissades Val-Cartier, pour glisser à reculons. On lui a retenu une responsabilité de 10 % parce qu'elle glissait à reculons. Pourquoi? Parce qu'il y a un tata qui est passé avec une motoneige en bas puis qu'elle s'est fait frapper. Bien, elle aurait dû regarder, qu'on lui a dit. 10 % de responsabilité, 300 000 $ d'indemnités en moins. Paf! Bien, c'est ça, les procès de droit commun. Le criminel, là, plus il a de l'argent, plus il étirerait ça parce que plus il aurait les moyens de plaider ces choses-là.

Puis, aléatoires, dernier point, parce que je l'ai démontré dans une étude – ceux que ça intéresse, elle est publique, elle a été publiée dans une revue – et jamais personne n'a été capable de me le contester. Un recours de droit commun, avec le niveau des indemnités qui présentement sont versées par la Loi sur l'assurance automobile, le plus souvent, ça serait zéro. Ça serait zéro parce que les indemnités de la Loi sur l'assurance auto sont souvent aussi généreuses que celles des tribunaux de droit commun. Poursuite, mais les frais d'avocats, eux autres, ils seraient à payer. Mais la victime, finalement, elle se ramasserait souvent avec rien. Mais on lui fait miroiter la possibilité de...

Et c'est pour ça que je dis toujours: plutôt que de couper dans le régime, travaillons à l'améliorer. Il y a une loi qui est entrée en vigueur l'an dernier, on a augmenté des indemnités. C'est ça, qu'il faut faire, pas couper des indemnités, augmenter les indemnités aux victimes. On rend le système de droit commun... il n'est plus attrayant pantoute.

Dernier point là-dessus, on va obliger les bons conducteurs à s'assurer au cas où. Moi, mesdames, messieurs, ça fait 23 ans que j'ai un permis – automobile, motocyclette – je n'ai jamais eu le quart du début d'un accrochage dans ma vie. Alors, même pas un accident avec blessures corporelles, là. Je n'ai jamais eu un accrochage. Bien, moi, là, si ça, ça rentre en vigueur, le droit de poursuite, moi, je ne prends pas de chance. Moi, j'ai quatre enfants, j'ai une maison, j'ai une job, il faut que je me protège. Qui me dit qu'un soir du jour de l'An je ne vais pas sortir avec 0,09 avec mon véhicule automobile? Qui me dit qu'un soir, à jeun, je ne vais pas faire une manoeuvre totalement insensée, mais là j'étais sur le stress à cause d'autres choses, puis, bon, conduite dangereuse, puis que là je peux être poursuivi? Pas de ça pour moi. Moi, je n'en veux pas. Puis, je sais ce que ça coûte, les avocats pour me défendre, je me prendrais une assurance, ne serait-ce que pour payer mes frais d'avocat au cas où je serais poursuivi. Même si je ne suis pas condamné, je la prendrais, ma poursuite.

Alors là je n'ai pas eu le temps de faire sur le non-versement des indemnités. C'est la même catégorie d'arguments que je pourrai vous apporter si vous m'en laissez la possibilité. Je vous remercie.

(12 heures)

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Gardner. J'étais pour vous dire maître. Avec le plaidoyer que vous venez de faire...

M. Gardner (Daniel): Monsieur, ça va très bien.

Le Président (M. Lachance): Ha, ha, ha! M. Gardner. Alors, M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président, M. Gardner, pour votre présentation. Je vous avoue que j'espère que la présentation va aller sur Internet, parce que, si on fouille mes paroles sur Internet, j'espère qu'on va fouiller les vôtres, puis on va essayer au moins de les comprendre. Parce que je voudrais profiter... Ce ne sera pas à vous que je vais parler dans un premier temps, je voudrais citer les statistiques du Québec parce qu'on est revenu avec ça je ne sais pas comment de fois pour essayer d'induire les gens en erreur sur le fait que le Québec avait la moins bonne performance. La vraie performance qu'on doit calculer, c'est le nombre de décès en bout de course. On cite exclusivement le nombre de poursuites pour juger de la performance du Québec, alors que les polices ont fait tellement de barrages ici qu'il y a de moins en moins de personnes qui se font arrêter dans des barrages.

Donc, aux yeux de M. Bellemare, on serait les moins performants. Juste pour fins de statistiques, je vous dirai que le nombre de décès au Québec a été de moins de 60 %, alors qu'il a été de 50 % dans l'ensemble canadien. Et il essayait de nous faire dire tantôt par ces statistiques de poursuite qu'on était les moins performants de tous. Je n'aime pas qu'on se fasse diminuer inutilement et continuellement par des statistiques fallacieuses ou une procédure très fallacieuse pour en arriver à des résultats qu'on veut bien citer. Et ça, c'était d'entrée de jeu.

M. Gardner (Daniel): Et, M. le ministre, j'ajouterais à ça qu'il nous cite les trois provinces canadiennes où il y a un régime de «no fault» qui sont les régimes où il y a eu le pourcentage d'amélioration le moindre. C'est bien normal, le niveau, déjà, de criminels de la route était plus bas dans ces provinces-là. On part de loin ailleurs au Canada, c'est sûr que ça s'améliore plus rapidement. En Alberta, c'était une hécatombe, c'est sûr que ça ne peut pas faire autrement que s'améliorer. Mais, quand on est déjà au top, comme au Québec ou au Manitoba, en Saskatchewan, c'est dur de s'améliorer.

M. Chevrette: Parce qu'on est passé d'au-delà de 2 000 décès ici, au Québec, à 717...

Le Président (M. Lachance): Deux mille deux cents en 1973.

M. Chevrette: Imaginez, on a atteint le niveau de décès de 1955 où il y avait je ne sais pas comment de moins de véhicules.

M. Gardner (Daniel): Cinq fois moins.

M. Chevrette: Cinq fois moins de véhicules. Donc, ça doit être une performance assez correcte, on ne doit pas être si épais que ça, là.

M. Gardner (Daniel): Moi, je n'osais pas le dire, mais je trouve que ça fait beaucoup d'imbéciles qui ne comprennent rien à travers le monde. Ça fait beaucoup de ministres des Transports, beaucoup de présidents de la Société d'assurance automobile, beaucoup de législateurs à travers le monde qui n'ont rien compris en ayant des mesures comme ça, là.

M. Chevrette: Comme vous l'avez dit, on...

M. Gardner (Daniel): En tout cas, moi, je suis le parfait imbécile ici parce que, moi, je ne comprends vraiment pas. Là, ça, c'est sûr.

M. Chevrette: En tout cas, moi, je suis content de voir qu'on a amélioré le nombre de décès au Québec. Puis je vais continuer à travailler pour la sécurité, mais je ne suis pas ici pour gâcher la sauce. On parle d'assurance automobile, puis il y a un Code criminel qui est peut-être... Regardez les lois, là, le fédéral vient d'annoncer la prison à perpète. Il vient de proposer ça dans un avant-projet, imaginez-vous, alors qu'il y a des crimes vicieux, pernicieux qui n'ont même pas ça dans le Code criminel. Il va falloir qu'on ait un juste équilibre. Puis ça ne veut pas dire défendre les criminels de la route, ça. Ça, c'est clair. Puis ça ne veut pas dire qu'il faut que tu pries, que tu supplies, tu fais ton Rosaire pour essayer de trouver quelqu'un... Si je suivais les propos de vos prédécesseurs, il faudrait que je supplie le petit Jésus de me faire frapper par quelqu'un qui est en foin. Et ça, moi, je pense que je vais continuer à défendre l'indemnisation des personnes à charge, ça, soyez assurés.

Mais, je voudrais vous poser une question, si le législateur décidait, par exemple, de soustraire d'une indemnité admissible à un individu qui a posé un acte criminel dans les circonstances actuelles... Si on soustrayait les indemnités de la femme et des enfants et que, lui, parce qu'il est en prison, par exemple, on ne payait pas son indemnité, quelle serait votre réaction?

M. Gardner (Daniel): Bien, premièrement, c'est déjà ce qu'on fait...

M. Chevrette: En partie, oui.

M. Gardner (Daniel): ...parce que le pourcentage de réduction de l'indemnité de remplacement du revenu pendant la durée de l'incarcération tient justement compte des personnes à charge. On va plus ou moins réduire selon la personne.

M. Chevrette: Mais, si on la versait directement aux personnes à charge et que, lui, on la coupait complètement, quelle serait votre réaction?

M. Gardner (Daniel): Ça, ça serait tout à fait possible. Je serais – je vais peut-être vous étonner – quand même contre. Je serais quand même contre non pas parce que je suis pour indemniser les criminels de la route en prison. Je sais qu'ils nous coûtent cher, mais le système actuel est celui qui nous coûte le moins cher, puis, moi, c'est à mon portefeuille auquel je pense. Des mesures qui semblent très simples, de dire: Il est en prison, on coupe les indemnités, ce n'est pas si simple que ça. Ça entraînerait des frais administratifs, ça entraînerait des débats judiciaires pour établir: Est-ce qu'on a le droit, en l'espèce, de couper l'indemnité?

En Saskatchewan puis au Manitoba, c'est ça qu'ils ont comme modèle pour couper certaines indemnités, hein? En Saskatchewan, on ne coupe pas l'indemnité de remplacement du revenu, même pendant l'incarcération. On ne coupe pas les frais médicaux, paramédicaux, réadaptation, on coupe juste les pertes non pécuniaires, les séquelles permanentes.

Manitoba. On nous disait tout à l'heure: On coupe les 12 premiers mois. Ce n'est pas vrai, on coupe après la condamnation qui intervient un an ou deux plus tard. On coupe les 12 mois suivants. Bien oui, il est déjà en prison, de toute façon. Alors, on coupe, c'est sûr, mais on coupe la même affaire. Ça revient du pareil au même.

Alors, l'idée à laquelle il faut faire attention, c'est que, à partir du moment où on dit à quelqu'un: Tu n'as plus droit à l'indemnité en vertu d'un régime civil, t'as pas le droit de lui dire – puis les lois manitobaines et de Saskatchewan, c'est pour ça qu'elles sont comme ça – parce que tu as été condamné au pénal, tu es condamné au civil. Ça ne marche pas comme ça, notre système de droit. C'est indépendant, les deux, et c'est pour ça que ces deux lois qu'on a citées tantôt, Manitoba et Saskatchewan, elles disent que c'est à l'organisme de faire la preuve de la responsabilité du criminel dans son accident, ce qui n'est pas toujours évident, monsieur. Ce qui n'est pas toujours évident, je peux vous citer deux cas au Manitoba où le criminel de la route s'est blessé lui-même et il a réussi à prouver qu'il n'était pas responsable de l'accident. Indemnité versée à 100 %.

Vous allez dire: Bon, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Oui? Qui a payé pour ça? Qui a payé pour les frais d'avocats de Manitoba Public Insurance? Qui a payé pour les frais d'avocats de ce criminel-là? Le système judiciaire, c'est qui qui paie ça? Un des gros avantages de la Loi sur l'assurance automobile, c'est d'avoir désengorgé le système judiciaire qui débordait. Là, on voudrait dire à des juges qui sont déjà surchargés puis à tout le personnel qui va alentour: Ramenons les procès. Ça, c'est un coût auquel on ne pense pas souvent. On pense juste aux coûts de l'indemnité, mais il y a les coûts sociaux qui vont avec ça. Ce n'est pas évident, ça.

Alors, même là – puis je sais que je vais très loin – moi, en 1989, quand le ministre Marc-André Côté a amendé la loi pour dire: Pendant la durée de l'incarcération, il ne devrait pas... Je ne sais pas si c'était lui.

M. Chevrette: C'est Marc-Yvan Côté.

M. Gardner (Daniel): Je m'excuse, Marc-Yvan Côté a amendé la loi. Donc, j'étais un des rares qui a dit publiquement: Je suis contre cette mesure-là. On m'a dit: Franchement, tu charries, là! Écoute, là, c'est quelque chose quand même de tellement évident. Galipeau, on ne le paie pas pendant qu'il est en prison. Oui, mais j'ai dit: Regardez, la porte est ouverte, on va s'engouffrer là-dedans, il va y avoir des frais administratifs. Il l'a admis lui-même, le monsieur à côté de moi tout à l'heure, ça ne fonctionne pas, ce 83.30 de la loi.

Le gars sort pour la fin de semaine, il a une permission de sortie, libération conditionnelle, il n'y a pas de place dans la prison, tiens, on appelle la SAAQ, on dit: Je veux mon indemnité. Puis là ça prend du monde pour surveiller ça. Puis là: Quel jour il est en prison? Quel jour qu'il n'y a pas été?

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

M. Gardner (Daniel): Ça ne marche pas, ce système-là, il nous coûterait moins cher de l'abolir. Mais là j'aurais l'air de tellement être en dehors du sens commun, de ce que les gens s'imaginent que je ne le propose pas. Mais ça me fait moins mal, présentement, que ça soit comme ça, ça ne coûte pas trop cher. Mais on ne sauve pas des millions.

M. Chevrette: Non, mais ce n'est pas une question de sauver. Je vous posais la question non pas dans le sens monétaire, je posais la question parce qu'ils ont réussi à faire du millage, ceux qui attaquent, sur le plan de l'opinion publique. On sent très bien que, quand on arrive avec une pétition de 140 000, 150 000 noms, puis ils se battent juste sur le principe du fait qu'on paie un criminel qui est en taule, qui nous coûte déjà de l'argent... Puis ils ont réussi à faire un certain millage là-dedans, mais on n'est pas obligés de tomber dans le piège de refaire faire de l'argent aux avocats. On peut corriger cette partie-là, puis un point, c'est tout. En tout cas, moi, je vous dis...

M. Gardner (Daniel): Oui, bien, vous...

M. Chevrette: ...j'y pense, là, puis je ne trouve pas ça bête, puis je ne sais pas ce que je ferai.

M. Gardner (Daniel): ...m'ouvrez la porte à parler de sondages. Il y a un sondage qui vous a été cité...

M. Chevrette: Oui, on a cité...

M. Gardner (Daniel): ...ici: 85 % des Québécois sont contre le fait d'indemniser les criminels de la route. Évidemment, avec une question comme elle était posée, moi, je suis surpris qu'il y ait eu 15 % des gens qui aient dit: Il y a un os là-dedans, ça ne se peut pas, c'est trop gros, puis qu'ils aient voté non. Ça me surprend que ce ne soit pas 100 %, moi, je félicite le 15 % de gens qui ont dit: Il y a quelque chose qui ne marche pas dans cette histoire-là.

(12 h 10)

Cet après-midi, j'espère que vous allez être encore là, le Club automobile va être là. Vous allez voir ce que c'est, un vrai sondage avec des informations dedans. Vous allez voir que les résultats ne sont pas pantoute les mêmes. Et c'est pour ça que je suis ici, moi, mesdames et messieurs, ce matin, je suis là pour informer. Dans les médias, présentement, même au niveau gouvernemental et de l'opposition, on n'a toujours qu'un côté de la médaille. Bien, mon mémoire, je l'appelais L'Envers de la médaille . Je pense qu'à partir du moment où les gens sont bien informés de toutes les conséquences, oups, ce n'est plus aussi évident que ça, puis là on comprend pourquoi il y a des gens qui ont voté ces lois-là partout dans le monde. Ça a été mis là parce que c'était ce qui coûtait le moins cher. Et ça, là, c'est une chose bien importante à comprendre, la Loi sur l'assurance automobile, oui, c'est une loi qui est humaine, oui, c'est une loi qui peut être vue un peu plus de gauche que de droite, mais c'est avant tout une loi économique.

Vous savez, aux États-Unis, présentement, il y a un projet de loi fédéral qui est devant le Sénat. Ça s'appelle Auto Choice Act. Ça permettrait – dans certaines limites, là, ils sont pris avec la liberté individuelle aux États-Unis – d'introduire le «no fault» aux États-Unis «coast to coast». Ça serait un projet de loi fédéral, O.K.? Qui supporte ça aux États-Unis présentement? Les républicains. Pat Buchanan est partisan du «no fault». Ce n'est pas exactement un social-démocrate, celui-là, hein? Bon. Il est partisan. Qui s'oppose à ça? Les démocrates. Pourquoi? Vous allez me dire, ça n'a pas de bon sens, cette histoire-là, ça devrait être l'inverse. Pourquoi? Les démocrates, qui contribuent à leur caisse électorale? Les avocats des victimes. Les avocats des compagnies d'assurances puis des grosses compagnies sont du côté républicain. Les avocats des victimes, du pauvre monde, sont du côté des démocrates, puis eux autres, ils font tellement d'argent avec ça, la pression, le lobby, il est énorme présentement pour que le projet de loi ne passe pas. Alors, c'est là depuis deux ans, puis ça attend, puis c'est les républicains qui poussent pour introduire un régime de «no fault».

C'est vraiment le monde à l'envers, hein? Bien, quand je vous dis que c'est une loi qui, avant tout, est économique. Puis c'est pour ça, moi, que je me bats. Je ne veux même pas donner mes convictions politiques là-dessus, puis, moi, je ne suis pas plus péquiste que libéral là-dessus. Ce n'est pas une question politique, c'est une question d'argent. Moi, ma prime, elle me coûte 117 $ par année. Trouvez-moi une place dans le monde où ça coûte moins cher pour être indemnisé partout puis être couvert autant que ça. Vous savez que la loi, là, ça, ça veut dire que vous vous en allez à Paris puis, comme piéton, vous vous faites frapper par un chauffeur de taxi parisien, on vous indemnise. Pourtant, vous n'êtes pas conducteur d'une automobile, rien. On vous couvre partout dans le monde pour 117 $. Puis même pour rien, parce que je peux être piéton, ne pas avoir de véhicule automobile, à partir du moment où je suis résident québécois, je suis couvert. Bien, moi, je suis pour la loi parce que ça ne coûte pas cher. Quand on me prouvera qu'il y a une façon de sauver de l'argent efficacement, j'embarquerai. Pas la manière qui est proposée.

M. Chevrette: Est-ce que je me trompe? J'évaluais, moi, si j'avais suivi les conseils de Me Bellemare, que j'aurais pu être placé devant une situation suivante: Un, comme société, on paie les indemnités de base du régime; deux, parce que la victime prendrait un avocat puis qu'il n'a pas de revenus, on paierait par l'aide juridique, et celui, le poursuivant, pourrait être également admissible à l'aide juridique, puis ça serait l'État encore qui paierait. On pourrait se trouver en situation de payer pour la SAAQ, payer de deux façons, les avocats des deux belligérants, puis je me demande qui ferait de l'argent dans ça.

Moi, je trouve qu'on a des acquis sociaux également, et ça aussi, ça fait partie d'une vision de développement d'une collectivité d'avoir une vision sociale, de temps en temps, sur des régimes, sur des positions à prendre. Est-ce que je me trompe en analysant ça de la façon dont je le fais?

M. Gardner (Daniel): Bien, vous ne vous trompez pas du tout, c'est pour ça qu'on a changé le régime en 1978. On l'a changé parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait une catégorie de personnes qui faisait de l'argent avec ça, les avocats. Les compagnies d'assurances privées... J'ai des dirigeants de compagnies d'assurances privées qui, publiquement et par écrit, se sont prononcés pour le maintien du régime de «no fault». Pourtant, c'est eux autres qui ont perdu les parts de marché en 1978. Ils ne veulent pas revenir à l'ancien système. Les compagnies d'assurances, elles savent qu'il n'y a pas d'argent à faire avec le préjudice corporel, c'est les avocats qui font de l'argent. Alors, c'est pour ça qu'on a changé le système, puis c'est pour ça que les deux personnes qui étaient ici avant, c'est des avocats, puis ils pratiquent dans ce domaine-là.

Puis, je vais aller même plus loin, le premier, M. Boulanger, qui était ici ce matin, c'est un avocat spécialisé et très connu et très compétent dans le domaine de la responsabilité médicale. Vous allez apprendre...

M. Chevrette: Le Conseil médical demande un «no fault».

M. Gardner (Daniel): Le Conseil médical du Québec a proposé en 1998 – le rapport a été complètement enterré – un «no fault» en matière médicale. Pourquoi, entre autres? Permettez-moi de vous lire quatre lignes. Puis ça, là, le Conseil médical du Québec, ce n'est pas la corporation des médecins, c'est un organisme indépendant qui fait des recherches. Il y a des médecins, mais il y a d'autres personnes là-dessus. «Le régime actuel – on dit – ne remplit aucun de ses objectifs. Il ne prévient pas les erreurs – pas d'effet dissuasif – il n'est pas équitable pour les victimes, il ne compense qu'une infime partie de celles-ci et, lorsqu'il le fait, il est imprévisible et lent à régler. Il n'est pas non plus équitable pour les médecins, qui peuvent être soumis à des poursuites même avec une bonne pratique.»

Puis je sais que ce n'est pas votre mandat, mais je poserais quand même une question. Le gouvernement québécois, présentement, paie 40 000 000 $ pour payer une partie des primes d'assurance responsabilité des médecins. Il paie d'un bord puis il paie de l'autre après ça parce qu'il paie pour le régime de droit commun qui enrichit les avocats. Bien, à un moment donné, il faut se poser des questions. Pourquoi ils sont là, ces gens-là? À mon avis, ils ne croient pas vraiment qu'ils peuvent faire renverser le régime de «no fault». M. Bellemare l'a dit lui-même, il croit au régime, il sait que jamais les Québécois n'accepteraient ça, mais ce qu'il voit, par exemple, c'est qu'il y a d'autres champs de pratique qui existent encore qu'ils sont en train de perdre tranquillement, puis ça, ça fait mal à leur portefeuille.

M. Chevrette: Me Gardner, merci, puis je vais donner à mon collègue le soin de continuer le questionnement.

Le Président (M. Lachance): M. le député...

M. Chevrette: C'est correct? Donc, M. Bordeleau.

Une voix: Il reste-tu du temps?

Le Président (M. Lachance): Oui, oui, il reste du temps du côté ministériel, il reste cinq minutes.

M. Chevrette: ...cinq minutes, j'en ai pris 15.

Le Président (M. Lachance): Alors, est-ce que quelqu'un veut intervenir? Non. Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: ...qui voulaient intervenir. Je veux vous remercier d'abord, Me Gardner, pour votre présentation. Vous avez un point de vue qui nous a été également transmis par Me Tétreault, votre collègue de l'Université de Sherbrooke. Alors, je pense que c'est un point de vue qui est valable, qui mérite d'être discuté, qui mérite d'être mis sur la table. Par contre, je ne suis pas d'accord avec certains de vos jugements, certaines de vos affirmations. Alors, je vous donne le droit de dire tout ce que vous avez à dire, mais je dois aussi me donner le même droit.

Vous nous dites au début que vous venez, bon, du milieu universitaire, que vous n'avez pas d'intérêts, que vous représentez la société. Je suis tout à fait d'accord avec vous que vous ne venez pas par intérêt personnel, parce que vous n'avez pas d'intérêt pécuniaire à donner votre point de vue, mais excepté que vous dites que vous représentez la société, je ne sais pas, je pense que... Moi, personnellement, je ne prétends pas que je représente la société, mais j'essaie de représenter tout simplement les 195 000 personnes qui ont signé des pétitions puis qui demandent qu'on se questionne sur le régime d'assurance automobile du Québec et je pense que ces gens-là ont ce droit-là. Et ici, au niveau du Parlement, ça prend des gens qui défendent ce point de vue là aussi, et je pense que, compte tenu du caractère raisonnable du débat que les gens souhaiteraient avoir, j'essaie tout simplement de me faire le porte-parole de ces 175 000 personnes là et non pas de la société en général.

Vous nous dites aussi que les gens qui sont d'accord avec le régime ne sont pas des imbéciles. Je pense que c'est comme ça si je vous ai bien compris, je ne suis pas un imbécile, mais il ne faudrait pas penser aussi que ceux qui posent des questions sont des imbéciles, là.

M. Gardner (Daniel): Je n'ai jamais dit ça.

M. Bordeleau: Les 175 000 qui ont signé des pétitions ne sont pas des imbéciles non plus.

M. Gardner (Daniel): Pas du tout.

M. Bordeleau: Je pense qu'ils se posent des questions à juste titre, comme vous émettez des opinions à juste titre, et c'est tout à fait correct, et je pense que c'est ça qui fait le débat et c'est ça qui fait avancer la discussion là-dessus.

Vous nous avez dit aussi, en fait, qu'à cause des avantages du «no fault», c'est la raison pour laquelle, partout dans le monde, on vote des lois comme ça. Partout dans le monde, prenons juste le Canada, ça existe dans trois provinces. La majorité, si on regarde les territoires, là, il y en a quand même neuf autres où il n'y a pas de «no fault» non plus. Alors, ce n'est pas vrai que c'est aussi répandu que pouvaient le laisser prétendre vos interventions.

Il y a juste un point sur lequel je veux revenir, parce que c'est ça, au fond, la... D'ailleurs, quand les gens remettent en question toutes ces choses-là, ils ne remettent pas en question le «no fault», le principe du «no fault», ils remettent en question certaines aberrations du «no fault», et c'est exactement ce que Me Boulanger et Me Bellemare ont dit tout à l'heure. Ils ne veulent pas changer le système, abolir le «no fault» et retourner comme c'était avant. Personne n'a défendu ce point de vue là ici. On dit tout simplement: Il y a des aberrations, et ces aberrations-là, est-ce qu'on devrait les modifier?

Les aberrations auxquelles on fait référence sont très claires, c'est le cas des conducteurs qui ont causé des décès ou qui ont causé des blessures alors qu'ils étaient en état d'ébriété, qu'ils commettaient un geste criminel. C'est exclusivement ça qui est en cause, là, quand on regarde le débat qui se fait sur la place publique par rapport au système «no-fault». Alors, il faut bien s'entendre que personne ne dit qu'il faut retourner à 25 ans en arrière et ne plus avoir de système «no-fault» et laisser le libre champ à tout le monde. C'est clair, il n'y a personne qui demande ça. Alors, il ne faudrait pas qu'on continue à entretenir cette façon de laisser croire les choses, alors que ça ne correspond pas à la réalité.

(12 h 20)

Le problème fondamental, que je disais, c'est que les gens se disent: Pourquoi un criminel – parce que c'est un criminel, là, on va le dire comme ça – ne serait pas responsable de ses actes à l'égard, directement, des familles des victimes qui sont concernées? Cet élément-là, c'est un élément fondamental en société. On est responsable de ses actes vis-à-vis la personne à qui on a causé un préjudice. On peut mettre en place un système comme un système qu'on a mis ici, au Québec, «no-fault», mais il faut bien réaliser que, en faisant ça, ce qu'on a fait, c'est qu'on a enlevé la responsabilité individuelle parce qu'on n'a plus à se préoccuper de rien. Si je fais quelque chose qui n'est pas correct, la Société de l'assurance automobile du Québec va payer pour moi, puis personne ne peut revenir sur moi, tout est correct, je n'ai pas à me préoccuper de ça. C'est un choix qu'on a fait. On l'a généralisé d'une façon très large, ce qui n'était pas nécessairement mauvais, mais on l'a généralisé aussi aux cas où il y a des criminels qui posent des gestes, et ces criminels-là ne sont même plus, eux, tenus responsables des gestes qu'ils ont posés.

À plusieurs titres. D'abord, on les indemnise comme s'ils n'étaient pas coupables de rien. Deuxième titre, c'est qu'on empêche les familles des victimes d'avoir un recours civil. Et, troisièmement, le gouvernement ne tente même pas, lui, d'aller récupérer les argents qu'il a payés. Puis le gouvernement, c'est nous, là, c'est tout nous autres, ça. Alors, nous, on n'a pas les moyens d'aller récupérer de l'argent d'une personne qui aurait les moyens de rembourser parce qu'on n'a pas de droit-là, on ne s'est pas donné ce droit-là. Alors, comme société, on accepte qu'une personne qui pose un geste criminel, bien, on va payer pour et on ne se donne pas le droit, moi, personnellement, vous et tout le monde, d'aller réclamer par la suite à cette personne-là, selon ses moyens... Puis, dans certains cas, il n'y a pas de réclamation possible parce que les gens n'ont pas de moyens.

Mais, il y a une question de principe fondamentale, ce choix-là de décider de poursuivre, par exemple d'aller au civil puis de poursuivre ou non, est-ce que ce n'est pas fondamentalement le choix de la personne qui est impliquée? Si, moi, je suis impliqué comme une victime dans un processus où il y a eu un décès, est-ce que ce n'est pas, dans une société, ma liberté à moi de décider si, oui ou non, je veux poursuivre? Et je ferai les analyses nécessaires et je consulterai les gens qui sont compétents dans le domaine pour me faire conseiller, mais ça sera ma décision à moi et non pas la décision de l'État qui a décidé que, moi, je n'étais pas assez intelligent pour faire une analyse réelle des forces et des faiblesses et qu'on m'empêche tout simplement d'exercer ce droit-là. Alors, je pense qu'il y a quelque chose de fondamental. Et, là on ne parle pas d'une affaire très, très large, centrons-nous sur ce qu'on veut dire, là, c'est de poursuivre les criminels qui nous ont affectés à cause des gestes inconséquents et irresponsables qu'ils ont posés. Est-ce qu'on n'a pas le droit de pouvoir, individuellement, décider nous-mêmes, et non pas l'État, de poursuivre l'individu ou de ne pas le poursuivre?

Le Président (M. Lachance): M. Gardner.

M. Gardner (Daniel): Plusieurs éléments de question, donc quelques éléments de réponse. Le plus court possible. Pourquoi le «no fault» n'est-il pas plus répandu que ça au Canada? Le Manitoba, en 1993, a copié à 97 % intégralement la loi québécoise parce que, après une analyse, il a jugé que c'était le meilleur régime dans le monde. La Saskatchewan a son régime de «no fault» depuis 1946 et elle l'a modifié en 1983 ou 1984 en s'inspirant largement de ce qui existait dans la Loi sur l'assurance auto. Dans les autres provinces canadiennes, on a soit essayé, soit on essaie présentement d'introduire le «no fault». On l'a tenté en Colombie-Britannique en 1996. On l'a tenté en Ontario dans les années quatre-vingt. Ça n'a pas fonctionné, et les premiers opposants, toujours... Et, ce n'est pas propre au Canada, la Californie a tenté en 1996: 57 %, 43 % contre le régime de «no fault». Lors des présidentielles, il y avait un référendum également.

Et les premiers à se présenter aux barricades contre le «no fault» partout dans le monde, c'est les avocats. En Californie, pour vous donner un exemple, les avocats ont dépensé plus de 125 000 000 $ – les avocats californiens – en publicité pendant la campagne. Ils ont payé des fonds à des caisses de retraite d'infirmières pour que les infirmières viennent dire à l'écran que les victimes de «no fault» seraient moins bien soignées que les victimes ordinaires. Ils ont payé des gens pour venir dire à l'écran que le régime québécois, ouais, premièrement, c'est en français, cette affaire-là, c'est loin; et, deuxièmement, que l'instauration du régime de «no fault» a fait augmenter de 40 % les primes d'assurance automobile au Québec. Il y a des gens qui leur ont dit: Bien non, c'est 40 % que ça a baissé. Ils ont fait comme s'ils n'avaient pas entendu et, jusqu'à la fin de la campagne, ils ont continué dire... Puis, c'est public, il y a des gens qui ont écrit des livres là-dessus, je peux tout prouver ce que j'avance. Pourquoi? Partout, en Colombie-Britannique, ça a été la même chose. Des avocats américains sont venus aider des avocats en Colombie-Britannique. Pourquoi? Parce que ce sont eux qui ont à perdre avec ça.

Alors, ça s'en vient. Voilà 20 ans, il y a eu une conjoncture qui a fait ici, au Québec, qu'on a été capable de la passer, la loi. Pourquoi? Parce qu'on était une île francophone. Et, c'est la même chose pourquoi ça a été passé en Nouvelle-Zélande en 1972, c'est une île. C'est la même chose pourquoi ça a passé à Porto Rico. Porto Rico, il y a un régime de «no fault» dans un département américain. Pourquoi? C'est une île. Tu sais, il faut être isolé pour être imperméable à ce qui se dit alentour puis aux lobbys d'alentour pour que le régime passe. Maintenant, plus le régime québécois fait ses preuves, plus on le copie. Et, moi, je vous dis ma prédiction: Dans 10 ans, il va y avoir deux, trois autres provinces de plus qui vont avoir un régime de «no fault».

M. Bordeleau: Je vous ferai remarquer que ça fait 21 ans, 22 ans que le régime est en place là, puis il y a encore neuf provinces et territoires qui n'en ont pas de système «no-fault» au Canada.

M. Gardner (Daniel): Vous avez tout à fait raison.

M. Bordeleau: Alors, si ça s'en vient, ça s'en vient lentement. Je pense que ces gens-là ont eu l'occasion d'analyser les avantages et les inconvénients, et ils ont décidé de ne pas en mettre. Alors, c'est leur choix, là.

M. Gardner (Daniel): Bien, ce n'est donc véritablement pas le cas pour le Manitoba qui, lui, a son «no fault» pur, pour la Saskatchewan qui l'a étendu. Ce n'était pas un «no fault» pur, avant, puis ils l'ont étendu dans les années quatre-vingt en s'inspirant du régime québécois. Puis, avant le régime québécois, il n'y avait même pas de proposition de réforme ailleurs au pays. Maintenant, il y en a. Tu sais, ça a été un enjeu électoral en Colombie-Britannique lors des dernières élections. Ça n'a pas passé, mais ça a été en enjeu électoral parce qu'il avait un projet de loi de présenté. Maintenant, au moins, il y a des projets de loi de présentés. Bon. Premier élément de réponse, donc, pourquoi? C'est parce que ça s'en vient, à mon avis.

J'ai noté, ici, «accident du rang Saint-Ange». Ah oui, probablement pour vous dire que «criminel de la route» puis «bandit», ce n'est pas nécessairement la même chose. On parle beaucoup, quand on parle de criminels de la route... Puis c'est pour ça que, dans les sondages, les gens pensent à Galipeau, pensent à Sylvain Boies, puis qu'ils disent: Non, non, il ne faut pas les indemniser. Voilà deux ans, dans le rang Saint-Ange, à Sainte-Foy, à Québec, il y a une jeune fille qui se tue, 22 ans. Elle se tue à 5 heures du matin en frappant une pelle mécanique qui est stationnée en plein milieu de la route. Les lignes ouvertes débordent: C'est écoeurant, cet entrepreneur en construction là, il n'a même pas mis de pancarte. Il devrait être poursuivi au criminel, on devrait pouvoir permettre de le poursuivre au civil. Puis là la loi s'applique, puis, comme c'est un accident d'automobile, on ne peut pas le poursuivre. On laisse passer. Les analyses sanguines sont faites, la jeune fille avait 0,09 d'alcool dans le sang quand elle est décédée. C'est une criminelle, pas d'indemnité.

C'est-u ce genre de monde là qu'on ne veut pas indemniser? Elle avait un petit gars de deux ans, il a reçu au-dessus de 100 000 $ de la Société de l'assurance auto. C'est-u ce genre de monde là qu'on veut viser? C'est évident qu'ils ne vous parleront jamais de ces gens-là, mais pourtant l'immense majorité de ce qu'on appelle les criminels de la route, statistiquement, c'est des gens comme vous et moi. Ils se sont échappés une fois. C'est condamnable, ils doivent subir des sanctions pénales pour ça puis des sanctions administratives, puis, moi, je pousse là-dessus. Si je me fais prendre en état d'ébriété, je considère que c'est normal que je paie pour, mais pas au niveau civil. La Loi sur l'assurance automobile est là pour indemniser des gens. Les lois pénales, le Code criminel, sont là pour pénaliser des gens. Ne mélangeons pas les pommes puis les oranges.

Vous me dites: On est responsable de ses actes, sauf en matière d'accident d'automobile. On n'est plus responsable de nos actes au Québec. Vous venez chez moi ce soir, je n'ai pas déglacé les marches de mon balcon. Vous tombez sur mes marches, vous vous fracturez le crâne, vous allez me poursuivre. Je n'en ai rien à foutre. J'appelle mon assureur, j'ai une assurance responsabilité de 1 000 000 chez moi. Mon assureur, non seulement il va me représenter, c'est lui qui va trouver l'avocat, c'est lui qui va aller en cour. Je n'en ai rien à faire. Puis une première offense, je n'ai même pas d'augmentation de prime. On est tous assurés pour la responsabilité, et ça, ça vient de l'automobile au début du siècle.

M. Bordeleau: Quand je dis qu'on est responsable de ses actes, je n'ai pas la prétention de dire que les gens ne prennent pas d'assurance, mais ça, c'est des choix individuels qu'on fait. Tout le monde a des assurances, mais on demeure responsable de ses actes, et la preuve, c'est que, si ça vous arrive trop souvent, votre assureur ne voudra plus vous assurer. Alors, vous allez avoir l'impact à ce moment-là.

M. Gardner (Daniel): Il faudrait que ça arrive vraiment très souvent. Si on prend un exemple en matière de responsabilité médicale, en 1996, quand j'ai fait cette présentation, il y avait un médecin de Québec contre qui pendaient 14 poursuites par des patients. Son assureur continuait à l'assurer.

M. Bordeleau: O.K. Si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Il reste six minutes.

M. Gardner (Daniel): Je m'excuse, est-ce que je peux terminer?

M. Bordeleau: Oui, moi, ça va...

M. Gardner (Daniel): Dernier point...

M. Bordeleau: Excusez, ça va, mais je voudrais que ce soit bref parce que ma collègue veut poser une question et je veux lui laisser le temps aussi.

(12 h 30)

M. Gardner (Daniel): O.K. Oui, d'accord. Vous me dites que c'est votre point fondamental, votre liberté de décider, vous, «option choice». On l'a essayé dans des États américains, ça ne fonctionne pas. Pourquoi? Parce que votre liberté, elle me coûterait cher. Votre liberté, elle ferait que nos primes d'assurance automobile, à tout le monde, augmenteraient pour un ou quelques chanceux qui auraient la chance de tomber sur un criminel solvable dont la responsabilité ne fait pas de doute – et ça, c'est des hypothèses d'école – et qui aurait l'argent nécessaire – vous – pour se rendre au bout du processus de huit, 10 ans.

Bien, moi, je dis: Notre liberté, elle doit toujours se limiter là où celle des autres commence. Et je pense que collectivement, présentement, le régime fait qu'il coûte moins cher à tout le monde pour indemniser aussi bien. C'est ça qu'il faut bien penser, là. Si on ne vous donnait rien puis on vous disait: Vous n'avez pas le droit de poursuivre, je suis bien d'accord que, là... Mais la Loi sur l'assurance automobile, c'est les indemnités les plus généreuses de tous les régimes de «no fault» à travers le monde. Puis pourquoi elle peut se permettre d'avoir les indemnités les plus généreuses? C'est parce que, justement, tout l'argent est consacré aux victimes: 96 % de l'argent aux victimes, 4 % en administration. Le droit commun, ce n'est pas de même que ça marche.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. En 1996, M. Gardner, vous avez présenté un mémoire à la commission de l'aménagement et des équipements. Votre mémoire était intitulé Ne touchez pas à la Loi sur l'assurance automobile . Dans ce mémoire, vous disiez, et je vais vous citer: «La seule hypothèse où il pourrait être envisageable de priver un accidenté de la route des bénéfices du régime universel de l'assurance automobile serait le cas peu fréquent de celui qui, en se servant de son automobile, s'est volontairement infligé des blessures corporelles. On a vu, en effet, que le droit commun des assurances libère un assureur de son obligation de payer l'indemnité à son assuré lorsque celui-ci a intentionnellement provoqué la réalisation du risque. Un assureur privé peut cependant insérer dans la police une clause spécifique le libérant de ses obligations en cas de violation de la loi. Si cette violation constitue un acte criminel, il peut même exclure de sa garantie les conséquences de cet acte au moyen d'une clause générale – vous avez cité un article. On pourrait donc concevoir qu'un assureur public comme la SAAQ puisse ainsi retirer sa garantie à toute personne qui s'inflige à elle-même des blessures corporelles en violant une loi ou en commettant un acte criminel au volant de son véhicule.»

Est-ce que je peux déduire qu'en 1996 vous étiez d'accord avec la thèse que défend Me Bellemare en disant qu'un assureur public comme la SAAQ pourrait retirer les bénéfices à toute personne qui s'inflige des blessures corporelles en violant une loi ou en commettant un acte criminel au volant de sa voiture?

M. Gardner (Daniel): Bien sûr que non. C'est écrit «fantastique» en marge, là. C'est ça?

Mme Bélanger: Très fantastique.

M. Gardner (Daniel): C'est «fantastique», hein? Me Bellemare, en 1996, avait soulevé comme argument un argument que maintenant il ne soulève plus parce qu'il n'a pas de bon sens, en disant: C'est effrayant, si je suis assuré pour ma maison puis que je mets le feu intentionnellement à ma maison, on ne me paiera pas d'indemnité. Pourquoi me paierait-on une indemnité alors que je suis blessé en commettant un acte criminel? Le but de ce mémoire et le but de notre intervention, qui a fait qu'il n'en a plus jamais reparlé, c'est de lui dire: M. Bellemare, il y a une petite chose que vous n'avez pas comprise. Le soldat Galipeau, le Sylvain Boies n'a jamais eu l'intention de se blesser, n'a jamais eu l'intention de blesser personne, il se sauvait. Il n'y a pas de faute intentionnelle, dans ces cas-là. Donc, vous ne pouvez pas me faire le parallèle.

Avez-vous déjà vu quelqu'un qui décide de prendre son auto pour aller se tuer ou blesser quelqu'un intentionnellement? Moi, je n'ai jamais vu ça. Alors, ça serait le cas de la faute intentionnelle. Et ça, ce que je disais dans mon mémoire et que je maintiens toujours, c'est que la seule hypothèse, en droit des assurances, où on pourrait dire faute intentionnelle, privation d'indemnité, ce serait un cas comme ça, autrement dit, je prends mon véhicule automobile et je décide que je me lance consciemment sur un poteau ou encore que je fonce consciemment sur quelqu'un. Mais, je le répète, dans la réalité, ça ne se passe pas comme ça. Sylvain Boies, il se sauvait des policiers en sens inverse sur l'autoroute. Il a tué deux personnes. Il ne voulait pas les tuer, il ne voulait pas se blesser non plus, évidemment. Il se sauvait. Et c'est comme ça pour tous les criminels de la route. Et la preuve que ça ne peut pas fonctionner – et c'est pour ça que M. Bellemare, il n'en parle plus – c'est que cette notion de faute intentionnelle est tellement restreinte, en droit, que, finalement, elle n'est à peu près jamais appliquée.

Vous avez tous entendu parler de l'affaire Gosset, il y a quelques années, le policier de Montréal qui a tué un jeune Noir, Anthony Griffith, alors qu'il était par terre, en lui déchargeant son arme dans la tête. Il y a eu une poursuite pénale; M. Gosset a été condamné. Il y a eu également une poursuite civile par la mère d'Anthony Griffith, le jeune Noir qui avait été tué par M. Gosset, en Cour suprême. La Cour suprême a renversé les décisions antérieures en disant... Il y a une disposition dans la loi qui dit: Vous avez le droit d'obtenir des dommages punitifs si vous prouvez la faute intentionnelle du défendeur. Bien, la Cour suprême, elle a dit: Il n'y a pas de dommages punitifs ici parce qu'on ne peut pas prouver que M. Gosset avait l'intention de tuer le Noir en question. Pourtant, les faits étaient clairs: il est à terre, je dégaine mon arme, je l'arme, puis le coup part. On n'a pas réussi à prouver l'intention, dans un cas comme ça.

Alors, imaginez, transposez ça en matière d'accident d'automobile. Les chances que vous réussissiez à prouver l'intention, la faute intentionnelle de la part du conducteur de l'automobile, c'est ce qu'on appelle, en droit, un «long shot», vous n'avez à peu près aucune chance, sauf d'aller faire un procès avec ça. Et là c'est ça qui serait le danger, c'est de faire des procès avec des gens qui n'ont pas commis de faute intentionnelle, mais qui devraient se défendre de ne pas en avoir commis une et qui devraient engager des avocats pendant deux ans, trois ans pour que finalement on les blanchisse. Ça va leur coûter 5 000 $ de frais, par exemple. Non merci, pour moi.

Mme Bélanger: Mais, monsieur, le...

Le Président (M. Lachance): Madame, je m'excuse. Avec le consentement peut-être des parlementaires, mais le temps est...

Mme Bélanger: Bien là c'est juste une petite minute. Quand vous dites que le conducteur, c'est de prouver qu'il est coupable... C'est très difficile, d'après vous. Mais là vous dites, dans votre mémoire, qu'il s'est infligé des blessures corporelles en violant une loi. Alors, automatiquement, il est coupable, il a violé une loi.

M. Gardner (Daniel): Vous avez raison. Pourquoi les assureurs privés n'appliquent pas cette clause-là? Ça ne fonctionne pas, en pratique. Ça a l'air tellement clair, la violation de la loi. Mais je répète ce que j'ai dit, on revient au système civil. Violer une loi, ce n'est pas suffisant pour priver, au civil, quelqu'un d'une indemnisation. Il faut prouver que la violation de la loi est la cause des blessures. Les assureurs privés, là, ils ne la mettent pas, la clause dans leurs contrats. Pourquoi? Parce qu'ils savent qu'ils vont devoir engager des avocats pour faire cette preuve-là. Ce n'est pas payant pour eux autres. On voudrait l'inclure à un assureur public? Moi, je ne suis pas prêt à ce que la SAAQ engage des avocats pour ça. C'est de l'argent tiré par les fenêtres.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: On peut violer une loi en roulant à 180 km/h aussi puis s'infliger des blessures.

M. Gardner (Daniel): Ah! Tout à fait.

M. Chevrette: Mais là il y aurait une différence, même si tu roulais à 40 km/h, parce que tu as 0,09... C'est ça.

M. Gardner (Daniel): Bien, ce qui est spécialisé, avec l'alcool au volant, c'est que c'est une infraction qui semble facile à établir, contrairement à la conduite dangereuse et la négligence criminelle. Mais, même là, ce n'est pas évident.

M. Chevrette: Moi, je voudrais tout simplement donner une statistique, ici, parce qu'on a parlé des coûts du «no fault» par rapport au régime avec faute. Ici, à la SAAQ, on me dit qu'on est rendu en deçà de 0,10 $ dans chaque dollar que le citoyen paie, en deçà de 0,10 $ pour les frais de toute gérance, administration, et le kit. Alors que l'Ontario a engagé une firme d'actuaires de New York, la firme Mercer, et ils ont obtenu les résultats suivants. Dans chaque dollar payé dans le régime avec faute, il y a 0,35 $ qui vont de la façon suivante: 0,12 $ par dollar en frais administratifs et 0,23 $ en frais d'avocats, ce qui fait 0,35 $ dans chaque dollar que le citoyen paye dans un régime avec faute qui s'en vont directement en dehors, alors qu'il reste seulement 65 % en indemnités de tout genre. Et ici, c'est plus de 90 % qui va en indemnités directes aux personnes.

M. Gardner (Daniel): Je m'excuse, M. le ministre, de vous... Je vais vous reprendre un petit peu là-dessus. L'Ontario, là, il a un régime de «no fault» partiel avec des possibilités de poursuite de droit commun.

M. Chevrette: Non, non, mais c'est juste pour donner ce à quoi la firme Mercer, firme d'actuaires, arrivait. Donc, les Ontariens qui auraient eu un régime de «no fault» auraient eu à payer 0,35 $ dans chaque dollar qu'ils payaient, soit 0,23 $ en frais d'avocats, 0,12 $ en frais administratifs, alors qu'ici c'est en bas de 0,10 $. Donc, c'est plus de 0,90 $ dans chaque dollar que le citoyen paye qui leur revient d'une forme ou d'une autre. C'est dans ce sens-là que je le dis. Mais là vous pouvez m'expliquer, dans les faits, ce qui se passe en Ontario.

M. Gardner (Daniel): Bien, dans les faits, ce qui se passe en Ontario, c'est simple, c'est que, imaginez – mais je ne veux même pas entrer là-dedans – ça serait encore pire si c'était, comme vous dites, un système de droit commun basé sur la faute. En Ontario, ce n'est pas ça, c'est: il y a un «no fault» de base, puis – c'est partout pareil; aux États-Unis, c'est comme ça que ça s'est passé – on donne des indemnités de base très faibles. En Ontario, on le dit présentement, les primes d'assurance auto, elles sont en train de rattraper celles du Québec. Je comprends, tu ne reçois rien quand tu es blessé. C'est facile de ne pas payer cher de primes d'assurance, on ne te donne rien. Bon.

Mais ce qui est important pour les avocats, par exemple, c'est que les indemnités réduites, 10 000 $, 12 000 $, ça, on appelle ça un levier. L'avocat, il dit: Cet argent-là, donne-le moi, on va financer ta poursuite avec ça. Il ne dit pas ça de même à la victime, mais c'est à ça que ça sert.

Le Président (M. Lachance): Merci beaucoup.

M. Gardner (Daniel): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Gardner, pour votre présence ici, en commission parlementaire. Et, là-dessus, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

(Reprise à 14 h 11)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je rappelle que le mandat de la commission est de tenir des audiences publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif . Alors, je demande aux personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur cellulaire, si c'est le cas.

Et cet après-midi, nous allons tour à tour entendre des représentants de Lockheed Martin, le CAA-Québec, l'Association des directeurs de police et de pompiers du Québec et SPCUM, MADD Montréal et finalement le Service de police de Chicoutimi.

Alors, sans plus de préambule, j'invite les représentants de Lockheed Martin à bien vouloir s'identifier et je leur souhaite la bienvenue en indiquant qu'en principe ils ont 20 minutes de temps de présentation, et par la suite il y a des échanges possibles avec les membres de la commission.


Lockheed Martin IMS

M. Gervais (Philippe): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, merci. Mon nom est Philippe Gervais, je suis conseiller senior avec le Groupe Capital Hill. On travaille avec Lockheed Martin. Entre autres, le but de notre présentation aujourd'hui, c'est de parler un petit peu du photoradar. On s'est penchés sur ce chapitre du livre vert.

Lockheed Martin est un fournisseur – vous allez le voir un peu plus tard – de plusieurs corps policiers à travers l'Amérique du Nord pour ce qui est du photoradar, et je pense qu'il pourrait amener à la commission une expérience et une connaissance intéressantes et importantes qui pourraient peut-être éclairer certains de vos débats.

Je vais laisser Mme Catherine Hirou-Bazan faire la présentation. Catherine est chef de service pour l'Est du Canada chez Lockheed Martin, elle est ingénieure civil, elle est une ancienne directrice générale de l'AQTR, elle a travaillé à la ville de Montréal à la circulation, elle a travaillé en recherche et développement à Transports Canada. Donc, c'est quelqu'un qui connaît bien le domaine et qui connaît bien aussi les appareils photoradar. Donc, Catherine.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Merci. Je vais procéder un petit peu différemment de ce que vous avez vu au cours des derniers jours, des dernières présentations. J'ai amené des acétates, qu'on ne verra pas beaucoup parce que c'est très éclairé ici.

M. Chevrette: On va éteindre les lumières. On veut voir beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Merci. Vous avez également des copies papiers de ces mêmes acétates entre vos mains. J'ai également amené, si on a quelques minutes – je comprends que le temps est limité – un appareil photoradar, ici. Si vous avez des questions par la suite sur le fonctionnement, j'ai l'appareil avec moi.

Comme Philippe a mentionné, nos commentaires ne vont porter que sur le chapitre 3. Et, en réalité, il s'agit plutôt, comme M. Chevrette l'a indiqué le 2 février, à l'ouverture, d'essayer d'utiliser le forum, ici, comme un instrument didactique pour tout le monde et de «sensibiliser les esprits à certains faits» – et je cite. Certains d'entre vous connaissent peut-être la corporation Lockheed Martin, mais je vais passer quelques minutes à expliquer qu'est-ce que Lockheed Marin est et fait, plus spécifiquement Lockheed Martin IMS, qui est le groupe qui s'occupe des composantes photoradar.

On se considère comme un chef de file dans l'industrie du contrôle photographique en Amérique du Nord. Depuis janvier 1999, Lockheed Martin IMS a fait l'acquisition de USPT et de CPT, qui, anciennement, étaient des grosses compagnies aux États-Unis et au Canada qui faisaient le contrôle photo pour le photoradar mais également pour les intersections signalisées par feux de signalisation.

Alors, Lockheed Martin a des bureaux au Québec, comme la plupart d'entre vous doivent savoir, et on emploie au-delà de 150 spécialistes dans le domaine de l'électronique et de l'informatique au bureau de Montréal. Comme je vous mentionnais, on est des chefs de file. Juste pour citer quelques exemples de nos clients en Amérique du Nord, quand je cite des villes, il peut s'agir des services de police comme des villes, dépendamment des contextes. Également, vous avez à peu près 25 exemples ici de clients de contrôle photo en Amérique du Nord. Mais on opère à l'échelle internationale et on a des contrats en Australie, entre autres choses.

Si on veut rentrer dans le vif du sujet assez rapidement, je vais passer à l'émission d'avis d'infraction par lecture de plaque. Vous avez ici des plaques du Québec. Personnellement, je n'en ai vues que trois de ces plaques, en réalité, mais j'en ai mis plusieurs.

M. Chevrette: ...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Ah! Ah! Alors, l'émission d'avis d'infraction. La procédure est la suivante, elle est très simple. Il s'agit d'une prise photographique arrière du véhicule – je mentionne arrière parce que, au Québec, notre plaque d'immatriculation est située à l'arrière; digitalisation et zoom sur la plaque d'immatriculation; identification du propriétaire du véhicule à partir de cette plaque d'immatriculation; et envoi postal d'un avis d'infraction avec photographie à l'appui.

M. Chevrette: ...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, vous allez voir un petit peu plus loin toute la panoplie d'informations qui sont incluses sur la photo.

L'objectif du programme de photoradar est, dans un premier temps – et c'est pour ça qu'on se présente ici, devant la commission – la réduction du nombre d'accidents, c'est bien important de garder ça en tête, c'est l'objectif premier, sécurité routière; diminution des pratiques dangereuses évidemment, ces pratiques-là menant, à l'occasion, à des accidents, des blessés et des décès; donc, par conséquent, amélioration du bilan routier, en termes de moins de décès, moins de blessés sur nos routes; baisse des coûts des soins de santé, c'est un effet indirect; amélioration de la sécurité des policiers qui n'ont, à l'occasion, plus besoin de se lancer dans des poursuites et d'attraper les contrevenants sur la route; et simplification des procédures judiciaires grâce à la preuve photographique que le photoradar fournit.

Qu'est-ce que le contrôle photographique? Premièrement, c'est un contrôle automatisé. On fournit une preuve photographique de l'infraction. Évidemment, très important, rentrée des critères de tolérance, donc une vitesse de contrôle raisonnable qui est comparable à la vitesse de contrôle qui serait utilisée dans le cas du radar présentement utilisé par les corps policiers.

Composantes-clés. Vous avez un système de détection, qui est la composante radar ou la boucle de détection dans la chaussée. La composante radar, c'est la partie noire que vous voyez ici, qui est installée en permanence dans le pare-choc du véhicule qui fait le contrôle. Une caméra haute vitesse avec flash synchronisé, la partie caméra et la partie supérieure. Ici, je n'ai pas amené le flash parce que c'est un flash, ce n'est pas très technique.

Système informatisé. Vous avez ici un boîtier qui semble comme une boîte grise – pas une boîte noire – à l'intérieur de laquelle on insère une carte-mémoire – je vais venir à ça un petit peu plus loin – et un système de traitement des infractions, qui est la partie de l'opération qu'on ne voit pas, qui est la partie de traitement du film et des données qui se fait en bureau, soit chez nous, soit chez vous.

La troisième composante, et je voudrais souligner que, pour nous, chez Lockheed Martin, c'est la composante la plus importante, c'est la composante qui est la clé du succès d'un programme de photoradar, c'est la présignalisation, qu'elle soit mobile ou fixe. On voit ici deux exemples. On a la fixe, qui est dans la partie gauche, puis une partie mobile, un peu en panneaux-sandwich, la partie droite. Vous excuserez, mais je n'ai pas d'exemple en français en Amérique du Nord.

Diffusion des sites auprès des usagers de la route. Plusieurs corps policiers choisissent de diffuser toutes les semaines les sites où ils vont faire du photoradar, pas l'ensemble des sites évidemment parce qu'on ne sait jamais où ils pourraient en faire à l'occasion mais la majorité des sites qui vont être couverts pendant la semaine, sur Internet. Alors, vous pouvez aller sur certains sites de corps policiers et, vous voyez, les sites sont listés: telle artère, à telle intersection, telle autoroute, près de telle sortie.

(14 h 20)

Le photoradar en question. Ici, je vous ai amené le Gatsometer Radar Type 24. Ici, il est montré sur trépied sur la photo, mais, dans majorité des cas et d'ailleurs en Amérique du Nord, installé en permanence dans des véhicules qui sont dédiés au contrôle routier. Il y a plusieurs composantes, dont certaines que je vous ai déjà énumérées, dont la caméra 35 mm avec un film de 36 poses. Vous avez l'option de mettre une cassette de 800 poses, si vous décidez de passer de longues heures dans une même section, une zone de travaux, par exemple. Vous pouvez alterner, donc, en utilisant la grosse composante 800 poses. Vous avez un radar avec affichage de vitesse, que vous voyez ici. Il y a deux petites fenêtres. Une des deux fenêtres est pour l'affichage de la vitesse. Le policier qui opère le radar dans le véhicule peut voir la vitesse du véhicule qui peut aller jusqu'à 250 km/h. Enfin, on ne le souhaite pas, mais ça permet des prises de photos jusqu'à cette vitesse-là.

L'ajustement des seuils. C'est ce que j'ai mentionné plus tôt, il est important de travailler avec des seuils raisonnables. Les seuils sont ajustés ici manuellement par le policier, dépendamment du site où il s'installe. Je voulais juste souligner qu'il y a deux seuils qui peuvent être entrés, un pour les véhicules lourds et un pour les véhicules particuliers. Donc, il y a deux seuils possibles, mais on peut mettre le même seuil pour tout le monde. Et il y a également une carte-mémoire, qui est une petite carte très simple, comme ça, sur laquelle on peut mettre 6 239 enregistrements, 6 000 enregistrements des événements qui ont lieu. C'est-à-dire que tous les véhicules qui passent sont enregistrés sur la carte non pas seulement ceux qui font une infraction, mais tout le monde. Alors, ça sert pour toutes sortes d'analyses statistiques également. Ce n'est pas strictement un outil pour émettre des contraventions de façon automatisée, mais ça permet une collecte d'informations intéressantes qui peuvent être traitées par la suite.

La nuance entre le radar conventionnel et le photoradar. Vous voyez dans la partie supérieure de l'acétate un radar conventionnel. Vous voyez que le faisceau est très large, et, donc, il y a possibilité de percevoir différents véhicules à l'intérieur du même faisceau, alors que, dans la partie inférieure, vous avez le photoradar que l'on opère qui diffuse un faisceau beaucoup plus étroit, de 5°, qui permet de diminuer les erreurs sur la prise de la photo et la détection d'un véhicule qui ne serait pas le véhicule qui aurait fait l'infraction.

Vous êtes tous très sensibles évidemment, parce que vous êtes présents ici, autour de la table, à la croissance du risque en fonction de la vitesse d'un véhicule au-delà de la moyenne, au-delà de la vitesse acceptée. Vous voyez, ici, sur cette courbe – ça provient d'Australie – si on va 5 km/h au-dessus de la vitesse moyenne, on se ramasse avec un risque de 600 possibilités d'accident par 100 000 000 de kilomètres, alors que 20 km au-dessus de la vitesse moyenne, on en a 1 200. Alors, on double le risque.

Alors, ici, voilà effectivement ce qu'on voit quand on fait une prise photoradar. On a ici un véhicule qui roulait à 127 km/h dans une zone de 80, à Edmonton, sur une grande artère. Vous voyez que, dans la boîte que M. Chevrette mentionnait plus tôt, on retrouve la vitesse du véhicule, 127 km. Vous avez également l'heure de la journée et la journée de l'année. Et, à la partie inférieure, vous avez toute une autre série de chiffres qui représentent le code du policier qui faisait le photoradar, également la localisation de l'équipement – c'est-à-dire, les sites prédéterminés portent tous un numéro – et également le numéro de la pose et le numéro du film, de façon à retracer toutes les données, une fois que le film est retiré de la caméra.

Vous voyez également – je veux passer rapidement là-dessus parce que c'est très rarement utilisé – que, dans la partie supérieure de la boîte, il y a des zéros et il y a 127, ce qui indique que l'appareil peut être également utilisé sur un véhicule en mouvement, pas nécessairement stationnaire. On peut faire de la poursuite de véhicule. Et l'ordinateur fait le calcul de la différence entre les deux vitesses pour calculer la vitesse réelle du véhicule qui est poursuivi par rapport à celui qui fait la poursuite.

J'ai essayé de vous faire ressortir quelques résultats qui sont peut-être moins diffusés que beaucoup d'autres avec lesquels vous êtes plus familiers, des études qui ont déjà été en cours. Il s'agit des résultats de nos expériences chez Lockheed Martin en termes de réduction de vitesse et nombre d'accidents et de décès. Je veux juste mentionner qu'il est très difficile – et vous êtes très bien placés, à la SAAQ, pour tous les efforts de sécurité que vous faites – de percevoir clairement l'impact d'une campagne ou d'un outil sur la sécurité routière, parce que, souvent, on va lancer plusieurs campagnes en même temps. Alors, essayer d'attribuer tous les bénéfices à une seule campagne ou à un seul outil, c'est toujours assez difficile. C'est pour ça que mon nombre d'exemples que vous allez voir là est assez limité parce que c'est rare qu'on fasse un traitement séparé d'un programme par rapport à un autre programme.

À National City, en Californie, après cinq ans, on a eu un résultat de 50 % de moins d'accidents sur les routes qui étaient surveillées par photoradar. À Portland, en Oregon, la vitesse est réduite de 30 % après huit campagnes, donc huit efforts de sensibilisation et d'utilisation du photoradar. Entre 1989 et 1994, à Victoria, en Australie – donc, l'exemple avec lequel tout le monde est plus familier – il y a une réduction de 49,5 % des décès grâce à l'implantation du photoradar. Lors de l'introduction, en 1989 – je pense que c'est toujours à Victoria, en Australie – 23,9 % des véhicules étaient photographiés. Le nombre a baissé de façon constante jusqu'en décembre 1990, un an plus tard, pour atteindre 13 %. C'est-à-dire que, tous les véhicules, leur vitesse est enregistrée sur la carte-mémoire dont je vous parle et seuls les véhicules qui commettent des infractions sont photographiés. Et on a baissé jusqu'à 2,92 % des véhicules en novembre 1994.

Ici, encore une fois, un extrait de ce qui se fait en Australie. Le nombre d'heures d'opération est représenté par les barres jaunes. Il est mis en relation avec le pourcentage des véhicules qui sont pris en photo, c'est-à-dire qui vont au-delà du seuil de la vitesse prédéterminée qu'on considère comme acceptable. Alors, vous voyez, chaque petite écriture dans le bas du graphique représente des mois. Après six mois d'implantation, on obtient à peu près un plateau qui se maintient, mais on a des baisses jusqu'à ce moment-là. Donc, l'impact, même s'il est très rapide au départ, il se perpétue au fil des mois.

Trois autres petits exemples. D'octobre 1992 à septembre 1995, il y a une réduction de l'ensemble des accidents de 12,3 % à West London, en Angleterre, et une diminution des accidents mortels de 69,4 %. Après un an, à Mesa, en Arizona, il y a une réduction du nombre d'accidents variant, dépendamment du site de contrôle – parce qu'on a différents sites; certains ont plus d'impact que d'autres – entre 6 % et 28 %. En Alberta, depuis 1993 que le système est en opération, il y a une diminution de la vitesse moyenne de 8 km/h, ce qui est relativement considérable, parce qu'on parle d'artères et non pas d'autoroutes.

Les facteurs de succès des programmes photoradar qu'on a réussi à mettre en place et qu'on maintient et qu'on entretient en partenariat avec les corps policiers, les municipalités et les ministères, l'accent doit dès le départ être maintenu tout au long du programme, mis sur la sécurité routière.

C'est sûr qu'il y a des revenus puis c'est sûr que vous vous faites questionner là-dessus. C'est sûr que les débats, depuis deux semaines, portent à l'occasion là-dessus. Que fait-on avec cet argent-là et combien d'argent on va chercher grâce à ce mécanisme-là? Mais ce n'est pas l'objectif premier.

Il faut obtenir, avant l'implantation du programme et au cours de l'implantation du programme, l'appui du public par l'introduction logique et respectueuse de la procédure et également par une campagne d'éducation communautaire et de sensibilisation à notre objectif premier. Il faut profiter de l'expérience des autres. Il y en a d'autres qui l'ont fait avant nous, ils ont des expériences. Il y a toujours des difficultés d'implantation, des adaptations. On apprend ce que les autres ont fait, on s'adapte en conséquence et on part gagnant avec cette connaissance de la technologie et des expériences des autres.

Offrir un haut niveau de service à la clientèle, on pense, chez Lockheed Martin, que c'est très important. S'assurer d'un délai d'envoi d'une semaine, donc la personne le reçoit sans doute en dedans de 10 jours son avis. Et avoir un service de réponse téléphonique pour que les contrevenants qui reçoivent cet avis puissent questionner, comprendre, savoir comment on a pris une photo d'eux, avoir le droit de s'exprimer, même si ça n'apporte rien. C'est important de donner le droit à la personne de comprendre qu'est-ce que c'est, surtout qu'on parle de quelque chose de nouveau. Minimiser l'impact sur les fonctions usuelles. Évidemment, il y a une possibilité de travailler en sous-traitance, en partenariat avec une compagnie qui fait le traitement des données, qui fait l'envoi et qui offre un service au-delà de l'équipement simple.

(14 h 30)

Deux exemples de message clair qu'on passe à la population, un qui vient d'Australie: Don't fool yourself, speed kills. Donc, la vitesse tue, ne vous faites pas d'illusions. Un autre en Arizona qui est amusant, que je trouve intéressant: Rappelez-vous de ralentir, de conduire prudemment, et souriez pour la sécurité.

Les 10 étapes d'un service traitement complet de photoradar. Je vais passer rapidement au travers, mais pour simplement la compréhension, parce qu'on parle souvent du concept sans vraiment savoir l'ensemble des étapes qui font partie d'un programme de photoradar. Premièrement, très simple, on prend une photo du contrevenant avec l'équipement qui est dans le véhicule sur le bord de la route ou qui est positionné de façon fixe sur le bord de la route, on a l'option. Le film est recueilli; il est ensuite développé. On monte un film; il s'agit bel et bien d'un film comme dans votre caméra 35 mm que vous avez à la maison. Ensuite, par traitement lecture sur scanner du film et par digitalisation, on identifie la plaque, et par la suite le propriétaire du véhicule avec un lien avec la SAAQ. On imprime un avis, une sommation qui est ensuite postée.

On offre la possibilité au contrevenant de questionner, de discuter, de poser des questions et de comprendre. On espère évidemment que la personne paie sa contravention. Et on peut également faire des analyses, comme je vous ai mentionné, à partir des données qui sont ainsi ramassées et s'assurer de donner aux citoyens de l'information sur les résultats de ces programmes-là.

Le Président (M. Lachance): Je m'excuse, madame, est-ce qu'il vous reste encore pas mal de temps avant de terminer votre présentation? Parce que le 20 minutes est écoulé.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui. Alors, je vais essayer de le faire en deux minutes.

Le Président (M. Lachance): Oui.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Je m'excuse. Je voulais juste amener à votre attention deux autres produits, ou technologies, ou programmes importants à considérer dans le cadre de votre exercice. M. Chevrette a dit dans les jours précédents qu'il faut être innovateur, qu'il faut penser à des solutions pour améliorer notre bilan routier. La vitesse, c'est un problème. Mais il y a d'autres problèmes, il y a d'autres sources d'accidents qui sont assez importantes, dont le passage sur feu rouge des automobilistes.

Chez Lockheed Martin, on a également un produit, qui s'apparente beaucoup à celui-là, qui s'appelle la caméra feu rouge. Alors, vous en avez un exemple ici. C'est un boîtier installé aux intersections, qui prend les photos des contrevenants qui passent sur les feux rouges. Assez simple comme principe. Je vais aller très rapidement. Ça offre plus qu'une photo. Encore une fois, ça nous offre plusieurs informations: l'heure, la date, également le temps de jaune à cette intersection, le temps dans la phase rouge au moment où le véhicule est passé – ici, on a un 24 secondes, c'est un petit peu bidon, c'est un cas bien précis – la prise photo, et également il nous donne la vitesse du véhicule lorsqu'il passait sur la rouge.

La différence, c'est que la caméra feu rouge est une série de deux photos consécutives. Première photo, vous voyez le véhicule rouge qui passe sur la lumière rouge. Et toujours une seconde photo au cas où il aurait choisi de s'immobiliser, ou à l'occasion vous pouvez avoir des prises photographiques d'accident. C'est à l'occasion, hein, tous les passages sur feu rouge n'impliquent pas un accident, bien entendu. On a la vitesse à laquelle le véhicule circulait sur le feu rouge: 55 km/h. J'ai des résultats chiffrés, vous pourrez les regarder vous-même, à l'intérieur du document que je vous ai remis sur les succès du programme de caméra feu rouge, qui sont selon moi encore plus prononcés que le photoradar. Donc, intéressant à examiner.

J'ai un deuxième système à caméra que je voulais vous présenter, qui est au passage à niveau pour la surveillance des véhicules qui, à l'occasion, pourraient décider de contourner les barrières lorsqu'on a un passage à niveau avec barrières, feux et cloche. La même façon, le boîtier avec la caméra qui prend photo des véhicules. On a une expérience très, très positive en Californie de ce système, avec les résultats que vous pourrez lire. Des résultats assez impressionnants parce qu'en dedans de deux ans et demi on n'a eu aucun accident aux traverses où on avait équipé les traverses avec les caméras, alors que dans les cinq années précédentes on avait eu huit décès. Alors, c'est toujours intéressant de voir des résultats de cette nature-là, surtout quand le système de transport en commun qui opère ces traverses est tellement satisfait que le programme va prendre de l'expansion au cours de l'année 2000.

Alors, juste pour vous rappeler l'idée de Lockheed Martin, c'était évidemment d'appuyer le photoradar et de souligner les bonnes façons d'implanter un programme, mais également d'amener à votre attention les deux autres programmes qui offrent des résultats tout aussi clairs que le photoradar en termes de sécurité routière. Et tout ça pour offrir un travail plus simple, avec une meilleure sécurité sur nos routes. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Hirou. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je comprends que ce n'est pas dans 20 minutes, madame, monsieur, que vous pouvez nous exposer tous les bienfaits de votre technologie. J'aimerais savoir si dans les faits il peut y avoir un équipement qui photographie aussi la personne. Première question.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, effectivement. Je vous parlais d'une prise arrière parce que la plaque est à l'arrière, mais il possible de faire et une prise avant et une prise arrière du même véhicule.

M. Chevrette: Et pour conserver exclusivement comme élément de preuve pour le poursuivant, c'est possible, ça, tout en gardant toute la discrétion au niveau de l'envoi de la contravention exclusivement avec la plaque?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que c'est essayé à certains endroits?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Aux États-Unis, ils procèdent tout simplement avec la prise avant.

M. Chevrette: La photo?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, la photo est à l'avant parce que la plaque est à l'avant, donc on voit les occupants.

M. Chevrette: Mais j'ai déjà vu ça au Québec, puis...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, ce n'est pas très populaire.

M. Chevrette: J'étais député, je ne me rappelle pas si c'était au pouvoir ou dans l'opposition, mais je sais qu'il y avait eu des messieurs qui étaient arrivés avec des belles photos. Le problème, c'est que ce ne sont pas eux qui avaient ouvert l'enveloppe.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Et la photo était très belle. C'est ça?

M. Chevrette: La photo était assez belle puis les figures étaient assez claires. Puis, tu sais, quelqu'un qui est supposé être à Saint-Jérôme puis qui est photographié à Shawinigan, un, ce n'est pas le même bout, deux, ça ne semble pas être un meeting de même nature. Ha, ha, ha!

Si je pose la question, c'est exclusivement pour que, dans les cas de contestation, vous puissiez bien démontrer que, même s'il dit: C'est mon fils, c'est mon fils, il n'était pas là, à la même heure, t'as la plaque arrière, t'as envoyé la... mais tu pourrais, si tu vas en cour, te faire servir ta photo comme quoi t'étais bien là, en plus, à telle heure et au même endroit. Ça, c'est possible comme technologie?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, mais ça implique deux caméras.

M. Chevrette: Je comprends, avec un dixième de seconde de différence.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, mais, ça, ce n'est pas le problème. C'est possible, mais c'est juste que c'est plus dispendieux en termes d'équipement, parce que c'est la caméra qui est la partie dispendieuse du tout.

M. Chevrette: Non, bien, c'est parce qu'il y en a plusieurs qui sont venus faire des représentations ici en disant que c'était surtout la difficulté de prouver la chose et que c'était par délation qu'on pouvait agir. Si les deux sont possibles, il y a donc moyen de contrer la difficulté de l'identification?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui.

M. Chevrette: C'est beau.

M. Gervais (Philippe): Tout dépend du choix du gouvernement ou de l'organisme qui veut le gérer. On peut prendre une photo arrière où on ne voit personne ou on peut prendre une photo... On peut faire les deux.

M. Chevrette: Oui, c'est parce que j'ai été ébranlé par certains types de groupes qui sont venus témoigner en disant: Oui, mais, nous autres, on prête des autos, nous autres, on loue des autos à la journée. Je ne parle pas des locations à long terme, parce que les locations à long terme, tu as l'enregistrement du véhicule à ton nom, mais à la journée, à la semaine, toutes les autos de location risquaient d'avoir des difficultés. C'est dans ce sens-là que je posais cette question-là.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Mais il faut quand même penser aussi au volume que ces véhicules-là représentent par rapport à l'ensemble de la circulation, voir si c'est vraiment approprié, si c'est suffisant en termes de volume pour justifier la complexité des deux appareils. Mais c'est possible.

M. Chevrette: Oui, notre objectif, il est clair, il est avoué, il est public, ce n'est qu'un objectif de sécurité. J'ai remarqué dans les objectifs que vous demandiez: Bien, ça dépend des objectifs que vous avez. Nous, ce n'est pas pour remplacer la police... Oh boy!

Le Président (M. Lachance): M. le député de Johnson.

M. Boucher: J'avais oublié, c'est fermé. Je vous demande respectueusement pardon.

M. Chevrette: Merci. Je disais que...

Une voix: Je vous ai demandé pardon.

M. Chevrette: Non, ce n'est pas une question du pardon. L'objectif, il est avoué, il est public, ce n'est pas une machine à piastres – même si ça peut en faire éventuellement effectivement, ça pourrait être converti complètement dans des programmes de sécurité – ce n'est pas pour se substituer aux policiers, pas du tout, mais il y a des endroits – même si on ne l'admet pas, là – où ils sont à peu près incapables d'agir par interception, exemple: sur le pont de Trois-Rivières. Le pont de Trois-Rivières, il fait ça, et les gens disent que ça passe à des vitesses folles, sauf qu'on ne peut pas, sur le pont, arrêter un véhicule lourd ou bien une auto. On ne peut pas dans les bretelles, c'est impensable, puis c'est sur quatre voies tout le long après. Donc, c'est très difficile de faire du travail policier. Ou encore dans un tunnel. Mme la députée de Vanier disait: Chez nous, on a des bouts de tunnels, c'est impossible que le policier puisse travailler là. Sur du Vallon, c'est extrêmement difficile. On a donné des endroits où le travail policier est très embêtant à se faire, et c'est souvent des endroits où il y a des tueries, où il y a une avalanche d'accidents mortels ou de blessures graves.

L'objectif, nous, en tout cas qu'on a, c'est d'en arriver à faire en sorte qu'on puisse sauver, je ne sais pas, moi, 50 vies additionnelles ou 100 vies additionnelles. Je suis même prêt à envisager de démarrer non pas globalement mais peut-être dans des projets-pilotes, je ne sais pas, pour amadouer les gens. Mais est-ce que l'ensemble des endroits que vous énumérez dans... C'est aussi gros que Joliette...

(14 h 40)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...en tout cas, j'ai remarqué ça. Ça peut être presque aussi gros que Montréal, tu sais. L'objectif, est-ce que vous en avez que c'est exclusivement des objectifs de sécurité d'abord?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Il faut que ça le soit pour qu'on travaille avec ces regroupements là, ces municipalités-là ou les corps policiers. C'est pour des raisons de sécurité, oui. Les sites sont prédéterminés, c'est des sites problématiques où il y a des accidents à récurrence, où on sait que la vitesse va trop vite, puis il y a des traverses piétons, des zones scolaires. Les sites sont prédéterminés avec tous les intervenants avec qui on travaille.

M. Chevrette: Quel type de signalisation vous avez? D'abord, ce n'est pas une cachette, si on veut créer une habitude de conduite différente, il faut que ce soit assez bien identifié. Quel type d'identification que vous connaissez qui se fait?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Moi, personnellement, j'en ai vu deux types. J'ai vu la signalisation permanente qui est sur le bord des artères, et c'est des sites, donc, où la surveillance se fait très fréquemment à ces endroits-là et c'est de la signalisation permanente. Même si le véhicule n'est pas là en permanence, la signalisation l'est. Il y a également la signalisation sandwich, si on veut, là, la portative qu'on met sur le trottoir dans des quartiers où les vitesses sont moins élevées, où c'est plus urbanisé. Et, donc, le policier sort de son véhicule, va placer assez loin avant le positionnement de son véhicule le panneau-sandwich pour que les utilisateurs voient sa présence. Et, croyez-moi, j'en ai fait du photoradar, les gens voient la présence et nous font des signes des fois un peu désagréables en passant à côté de nous. Donc, ils sont conscients qu'on est là.

M. Chevrette: Il y a, je ne sais pas si c'est l'Association des policiers provinciaux... ah, les deux, ce sont les deux groupes, ils sont mordicusement contre. Comment vous expliquez ça vous?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): De la même façon que vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Mais ça a beaucoup plus de poids si vous le dites que moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Donc, je veux vous l'entendre dire.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Je n'étais pas présente.

M. Chevrette: C'est vrai que vous êtes à l'aise avec moi. Allez-y, madame.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Je n'étais malheureusement pas présente, mais j'ai lu ce qui a été discuté. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'à peu près tous les sites où on a vécu des implantations on a eu la même réaction des syndicats, des policiers parce qu'ils ont des craintes, bien entendu, que les machines remplacent les humains. Je pense que c'est dans la nature humaine. On a tous peur de perdre notre job. Même si on ne l'admet pas puis même si on dit que, nous aussi, on veut la sécurité, je pense que...

Premièrement, il n'y a pas de perte d'emploi. J'ai, suite à ça, essayé de fouiller, dans les sites où on a fait des implantations, s'il y avait des statistiques qui montrent que ça a causé certaines difficultés de travail des situations un peu difficiles pour les policiers; nulle part, ça n'a été démontré ou prouvé. Il semblerait qu'il y ait beaucoup d'autres façons d'affecter des policiers, et je veux juste souligner également que ça n'enlève pas complètement l'usage des policiers quand on parle de l'utilisation du photoradar dans le véhicule parce qu'il y a un policier dans le véhicule qui fait la validation de l'emplacement du véhicule, dans laquelle des voies, afin de nous permettre d'avoir un plus haut taux de succès dans la prise photo et la validation du véhicule qui est pris en photo.

M. Gervais (Philippe): Et ceci dit ça n'empêche pas le policier, si à un moment donné une voiture va beaucoup trop vite, quelqu'un qui passe sur l'autoroute à 160 km/h, de décider de partir après. Ça n'enlève pas cette possibilité-là au policier de faire... ou, s'il pense que quelqu'un est peut-être sous l'influence de l'alcool, de partir après la voiture. Il a quand même le choix. C'est un outil de plus qu'il a dans son...

M. Chevrette: Je pense que c'est la Sûreté du Québec qui nous a dit hier, je le dis sous réserve, là: Dès qu'ils ont fini la zone de radar, là, ils te ré-écrasent pour reprendre le temps perdu. Moi, j'ai supposé qu'on pourrait mettre une police à la sortie et intercepter justement... Il peut y avoir de l'interception pendant quelques jours, non seulement de la photo puis de l'avis par la poste, mais il peut y avoir aussi des interceptions pour fins éducatives, dans les premiers temps par exemple, avec la présence policière. Je leur ai demandé de collaborer dans ce sens-là.

Je pense que ça peut être une action concertée, effectivement. Parce qu'ils disaient que le meilleur mécanisme pour la sécurité, pour eux, c'était l'interception. J'en doute pas, c'est toujours achalant de se faire arrêter. Mais, ce que je veux dire, tu peux lier les deux dans des endroits meurtriers, dans des points noirs bien identifiés. La santé publique, au Québec, a fait des rapports à peu près partout. Moi, dans ma circonscription électorale, même dans ma région, j'ai tous les points noirs. Je sais comment il est arrivé d'accidents à chaque année, depuis 10 ans. Je sais combien il en arrive régulièrement, même si c'est seulement du métal. C'est compilé, ces statistiques-là, maintenant.

On sait très, très bien, par exemple, qu'entre Sainte-Julienne et Saint-Esprit il s'en tue à peu près un par mois de ce temps-ci; depuis un certain nombre d'années, c'est du frontal qui arrive là. Je suis convaincu que ce serait un point, par exemple, très intéressant, parce qu'il y a ajout de personnes qui travaillent dans cet arrondissement-là, et il s'en tue régulièrement, surtout les fins de semaine en particulier. De sorte que, moi, je pense qu'on ne doit pas être opposé à la technologie moderne, en autant que les objectifs sont très, très, très, très, très clairs.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Je voudrais juste souligner... Je m'excuse si je vous ai interrompu.

M. Chevrette: Ça ne me fait rien.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Je voulais juste souligner que ce n'est pas un substitut au corps policier parce que les fonctions qu'ils ont, de sensibilisation et d'interception, sont toujours tout aussi importantes. Mais, comme vous l'avez bien mentionné, c'est pour des lieux spécifiques prédéterminés où on a des problèmes criants, et ça n'empêche pas que les corps policiers vont continuer à avoir leur intervention directe auprès du public en les interceptant.

M. Chevrette: Nous, si on s'est permis de le mettre dans le livre vert, c'est qu'il y a des équipes qui sont allées même en Australie voir, puis on a fait des projections. Si on en avait partout dans les points noirs, on sauverait minimum 100 vies par années.

Réalistement, on peut peut-être penser sauver une cinquantaine. Mais conserver un bilan routier à 717 morts, après avoir été à 2 202, c'est tout un défi que l'on a. Ceux qui s'imaginent qu'on peut conserver ça sans imagination, sans créativité, sans rajout de moyens, c'est utopique.

Donc, il faut créer des habitudes différentes, en particulier dans les endroits stratégiques qui sont très, très bien identifiés. Il ne faut peut-être pas avoir peur, en identifiant bien nos objectifs, d'avoir des réactions. Je suis convaincu que les réactions vont s'amenuiser, moi, le jour où ça va être clair, où la signalisation va être claire, où l'information va être claire, où l'objectif transperce par lui-même l'endroit où on ferait de la surveillance et en ayant une comptabilité publique ouverte: À quoi ça sert, où ça va? En augmentant peut-être le nombre de policiers, ça réglerait peut-être un paquet de craintes, j'en suis sûr aussi.

Donc, on a vu neiger un petit peu. On peut se servir de toutes les tribunes pour faire valoir notre point de vue. C'est de bonne guerre, c'est humain.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): M. Chevrette, je suis très contente de savoir que vous avez été en Australie, parce qu'effectivement c'est les leaders dans le domaine et c'est eux qui ont le photoradar depuis le plus longtemps dans le monde. Mais je vous invite quand même à venir voir ce qu'on fait à Edmonton, parce que ce n'est pas tellement loin par rapport à l'Australie, et puis vous pourrez avoir l'expérience de travailler avec les policiers d'Edmonton. C'est tout proche, puis vous êtes invité.

M. Chevrette: J'accepte l'invitation.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Hirou-Bazan (Catherine): On part. On y va. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

Une voix: Fais attention.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, oui, je sais. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup, madame, monsieur.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Merci.

M. Chevrette: Merci. C'est parce qu'il y a des gens qui veulent questionner sur mon côté aussi.

Le Président (M. Lachance): Oui, un sujet intéressant. Avant de céder la parole à mon collègue de La Peltrie, quelques petites questions en rafale, madame.

On a parlé de coûts, mais j'aimerais ça que vous mettiez un peu le signe de piastre. Ça veut dire quoi, ça, l'acquisition de ces appareils-là? Comment ça marche? Est-ce que ça marche par achat ou par location ou les deux?

M. Gervais (Philippe): Vous pouvez acheter l'équipement, vous pouvez louer l'équipement. Il y a certains corps policiers qui décident d'y aller avec des frais d'administration sur chaque contravention. Donc, il y a plusieurs formules qui peuvent être considérées par nous ou par d'autres fournisseurs potentiels au gouvernement ou à un corps policier.

Le Président (M. Lachance): Mais un bidule comme ça, là, ça peut valoir quoi pour photographier une plaque arrière?

M. Gervais (Philippe): Ça dépend de l'équipement. Il y a quand même plusieurs variantes dans tout ça. Ça serait difficile de vous donner un chiffre. Tout dépend aussi des services qui viennent avec.

Le Président (M. Lachance): Je comprends que vous ne voulez pas répondre; c'est votre droit. Alors, on continue.

Des voix: Ha, ha, ha!

(14 h 50)

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Non, mais je veux juste renchérir là-dessus. C'est que c'est très rare qu'on vende un équipement puis qu'on dise: Au revoir, on vous laisse l'équipement puis vous vous occupez de tout le reste. En tout cas, au Canada on ne fonctionne pas comme ça. Il n'y a aucun de nos clients qui ont tout simplement acheté un équipement. Et la formule du contrevenant-payeur est souvent beaucoup mieux acceptée également, parce qu'il n'y a pas d'investissement en capital initial, et c'est vraiment la personne qui fait l'infraction qui est obligée de payer pour l'investissement.

Le Président (M. Lachance): En ce qui concerne une des objections importantes qui nous ont été signifiées concernant l'utilisation de la photoradar, c'est le délai concernant la signification au contrevenant. Vous parlez ici d'un délai, dans l'envoi, d'une semaine. Est-ce que ce délai-là pourrait être raccourci en utilisant la caméra numérique plutôt que d'utiliser la belle vieille technique du film 35 mm qu'il faut faire finir en laboratoire?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Possiblement qu'il y aurait une diminution. Si on regarde les délais pour le développement du film, il y aurait sans doute une diminution d'une journée du délai. Donc, au lieu de parler de cinq jours ouvrables, on parlerait possiblement de quatre jours ouvrables.

Cependant, à l'heure où on se parle je n'irais pas de l'avant avec la caméra digitale pour des raisons de qualité d'image qui fait en sorte que le taux de succès de lecture de plaques est moindre qu'avec l'ancienne bonne vieille caméra.

Le Président (M. Lachance): Dernière question en ce qui me concerne. Concernant la preuve, est-ce que vous constatez beaucoup de contestations devant les tribunaux?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Non. Le nombre de contestations est minimal. Il est bien entendu qu'il y aura toujours des contestations, mais c'est très minimal. Entre autres choses, on a la prise, comme vous avez vu, du véhicule dans le lieu où il se situait et non pas strictement la plaque. Donc, la personne, son véhicule étaient à cet endroit-là, cette journée-là.

M. Gervais (Philippe): L'autre preuve, juste sur ce sujet-là, qui est peut-être un petit peu connexe, c'est... Il y a moins de contestations et il y a aussi une preuve beaucoup plus facile à faire quand on arrive en cour quand on a une photo, sans parler aussi de ne pas avoir l'obligation d'avoir les deux policiers. Souvent, quand on fait une opération radar, il y a un policier dans une voiture qui est à l'avant, et plusieurs après ça, plus tard, qui émettent la contravention. On peut dans ce cas-là procéder devant les tribunaux sans avoir les deux policiers présents, ce qui fait que le gouvernement ou le corps policier gagne beaucoup plus souvent sa cause.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de La Peltrie, en vous indiquant que vous avez deux minutes et demie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, rapidement deux questions. Au niveau technique, là, pour l'installation des photoradars, lorsque c'est sur une autoroute payante ou encore un boulevard urbain où il y a au moins deux voies de chaque côté, ou trois, est-ce qu'il y a des dangers de confusion parfois lorsqu'il y a deux véhicules qui arrivent ensemble au même moment? Comment ça se passe dans ce temps-là? Vous prenez les deux puis les deux ont des infractions?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Non. Comme vous avez pu le voir sur le graphique, le faisceau est très mince, donc ça diminue – par rapport au radar conventionnel – la possibilité de confusion entre deux véhicules.

D'autre part, j'ai mentionné la présence d'un policier dans le véhicule. Le policier est chargé de prendre en note la position des véhicules qui vont être pris en photo, c'est-à-dire que le policier... Pour en avoir fait, c'est facile à expliquer là, je le comprends, mais... Le policier entend le signal doppler de la vitesse du véhicule et sait de quel véhicule il s'agit, qui s'approche de son véhicule, et donc peut noter la présence du véhicule dans la voie un ou deux ou trois ou quatre. Il le prend en note, avec le numéro de la prise photo qui est en cours, parce qu'il peut voir le numéro de la prise, donc de l'avis. Il prend le numéro de l'avis, le positionnement du véhicule, dans quelle voie, et à ce moment-là il y a une validation lorsqu'on lit le film. Si jamais il y avait deux véhicules sur la prise photo, il y a une validation duquel des deux véhicules il s'agissait.

M. Côté (La Peltrie): Une dernière question. Je vois que, selon les statistiques que vous avez relevées, les résultats sont très éloquents, mais, lorsque ça a été mis en application dans ces endroits-là – soit en Californie ou en Australie ou ailleurs – est-ce que c'était accompagné d'autres mesures? Est-ce qu'il y avait d'autres mesures en même temps, en termes de prévention ou de sécurité, qui accompagnaient l'utilisation du photoradar? Ou si ces statistiques-là...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): D'accord. En guise d'introduction, quand j'ai présenté ces chiffres-là, j'ai mentionné que la plupart du temps les mesures ne sont pas implantées de façon individuelle. Mais il y a bel et bien d'autres mesures. Dans les cas précis que j'ai relevés, que j'ai identifiés sur les acétates, selon ma lecture de leurs rapports de ces différents corps là, il s'agissait du seul programme qui était fait dans ces sites-là, à partir duquel ils tiraient ces conclusions-là.

Mais, comme vous le mentionnez, il est possible qu'en même temps ils aient fait une campagne sur le port de la ceinture ou... Selon moi, c'est ceux qui l'expliquaient clairement que c'était grâce au programme photo qu'il y avait ces résultats-là. C'est leur conclusion.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Juste sur le dernier point, dans les données que vous nous rapportez, qui sont échelonnées quand même sur plusieurs années, c'est fort probable qu'il puisse y avoir beaucoup d'autres facteurs qui interviennent aussi. Plus c'est long, plus il risque d'avoir des facteurs autres de sensibilisation, d'éducation, un accident qui arrive, qui influencent. Alors, je pense que vous avez... D'ailleurs, vous avez mentionné que c'était... il fallait être prudent quand même au niveau de l'interprétation.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Exact. Je pense que le graphique de l'Australie est un bon exemple parce qu'on voit quand même qu'il y a une stabilisation. On atteint un certain plateau. Il y a une stabilisation à peu près cinq mois d'impact, et c'est là qu'on a notre bénéfice maximum, qui demeure stable à ce moment-là. Donc, plus on regarde sur une courte période, comme vous l'identifiez, plus on peut tirer des conclusions claires sur l'impact.

M. Bordeleau: Est-ce qu'il existe des données sur un site en particulier, disons, sur une période de temps assez longue, pas nécessairement continue, mais, par exemple, un site qui est dangereux, là, parce que le ministre revient souvent là-dessus, sur le nombre d'accidents qui existent dans ce site-là, en l'absence du photoradar et durant la présence du photoradar? Est-ce qu'il y a des données...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Malheureusement, moi, je n'ai pas de données désagrégées parce que c'est nos clients qui conservent leurs données. Mais je pense que le meilleur exemple, il serait intéressant à fouiller, c'est Mesa, en Arizona, parce que, eux, ils ont tiré des conclusions par site et non pas pour l'ensemble du programme. Donc, possiblement, il y aurait lieu de fouiller avec le client l'information sur chacun des sites spécifiques, parce que je vous donnais des résultats qui variaient de 6 % à, je pense, 40 %...

Une voix: Jusqu'à 28 %.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): ...à 28 %. Donc, ce n'est pas global, mais c'est bel et bien un examen par site qui a été fait.

M. Bordeleau: O.K. Juste enchaîner sur le même sujet. Vous nous avez présenté des données évidemment qui sont favorables à votre produit, puis c'est normal, mais est-ce que vous avez eu connaissance de données où on n'a pas obtenu d'amélioration, qu'il y ait eu ou qu'il n'y ait pas eu de... Est-ce que vous en avez vu des données comme ça en quelque part?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): À ma connaissance, non. Je ne vous dirais pas, quand on implante un programme, qu'il n'y a jamais de pépins non plus, là, il ne faut pas se leurrer. Mais il n'y a pas de résultat négatif comme tel. Je pense que ce serait un petit peu difficile à concevoir des résultats négatifs.

Je peux vous parler de certains programmes qui ont été retirés, pas parce qu'ils ne fonctionnaient pas, mais tout simplement parce qu'ils étaient trop efficaces, et il n'y avait plus assez d'entrée d'argent pour payer les équipements. Parce que les gens avaient ralenti suffisamment, il n'y avait pas assez d'émissions de contraventions.

M. Bordeleau: O.K.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Donc, les contrats se terminaient après trois ans, par exemple, et n'étaient pas renouvelés parce que l'effet était rendu après trois ans.

M. Bordeleau: O.K. Là, je vais revenir sur... Tout à l'heure, mon collègue le président vous a posé la question des coûts. Vous n'y avez pas répondu comme telle, la question des coûts. Je vais revenir là-dessus parce que, comme parlementaire, au fond on est ici pour savoir comment ça coûte et on doit avoir une idée là-dessus. Peu importe, là, vous me dites: Bon, on n'a pas vendu d'équipement comme tel à aucun endroit. C'est plus, si je comprends bien, des services que vous offrez avec l'appareil. Bien, j'aimerais avoir des données là-dessus, là, de façon concrète. N'importe laquelle des hypothèses. Si c'est l'automobiliste qui le paie, bien il y en a combien d'automobilistes qui paient combien, puis ça fait combien au bout de l'année? Ou bien non si c'est un contrat que vous avez, c'est quoi, les services que vous donnez, l'ensemble des services, y compris probablement la disponibilité des instruments, et ça coûte combien?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Malheureusement, j'aimerais répondre à votre question, mais ce n'est pas de ma responsabilité de... Je ne suis pas en vente et je ne donne pas de prix comme tels; je comprends très clairement votre intérêt dans la question, mais je n'ai pas de réponse à vous donner. Il s'agit bel et bien du cas par cas en fonction du volume d'émission de contraventions. Plus il y a de contraventions, moins d'argent est extrait à partir de chacune des contraventions, c'est bien entendu.

M. Bordeleau: Vous comprendrez, puis vous l'avez dit tout à l'heure aussi, là, qu'il y a une question de coûts, il y a même des endroits où on les a enlevés parce que ça ne rapportait pas suffisamment pour le payer. Alors, évidemment, si le gouvernement décidait un jour ou l'autre d'aller dans ce genre d'appareils là, il va falloir qu'on soit conscient que, si ça réussit très bien, qu'il n'y a pas de contravention, bien c'est la population qui devra payer pour ça. Si c'est une formule... peu importe la formule, là, c'est évident que ça coûte de l'argent. Et ce que je trouve malheureux, c'est qu'on ne puisse pas avoir un ordre de grandeur. C'est-u 10 000 $, c'est-u 20 000 $, c'est-u 25 000 $, c'est-u 100 000 $? C'est quoi, le prix, là, de faire fonctionner ces appareils-là? Je trouve ça un peu bizarre que vous puissiez nous donner aucune indication de ce côté-là. Je comprends que ce n'est pas vous qui avez à fournir, là, on ne négocie pas des prix, mais je pense que la population en général serait intéressée d'avoir un ordre de grandeur, là, de...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Mais, ça, il me fera plaisir, avec les intervenants qui sont intéressés à un programme-pilote ou à un projet d'implantation, à discuter de ces choses-là.

M. Bordeleau: Non. Je m'excuse, ce n'est pas les intervenants qui sont intéressés, là, c'est la population. C'est la population qui est intéressée de savoir comment ça coûterait un système comme ça. Et je pense que c'est... En tout cas, je regrette, je ne veux pas vous... Je comprends votre position, vous n'êtes pas ici pour donner des prix, ce n'est pas vous qui négociez, mais je pense que la négociation qui va se faire entre la SAAQ et la compagnie éventuellement si c'était décidé, c'est une chose, mais le droit de la population de savoir combien ça coûte, c'est un droit aussi, et je pense que c'est tout à fait justifié aussi. Je ne continue pas plus là-dessus, mais je veux vérifier certaines...

(15 heures)

On a eu l'Association du camionnage qui est venue ici, qui nous dit, elle, qu'un des problèmes qu'elle voyait, c'est le tracteur puis la remorque. Et, souvent, il y a des changements de... C'est-à-dire ce que j'ai compris, c'est que le tracteur prend une remorque, il l'amène, il change de remorque continuellement. Comme la plaque n'est pas en avant, elle est en arrière du tracteur et aussi en arrière de la remorque, s'ils photographient la plaque de la remorque, ce n'est pas nécessairement la plaque du tracteur qui est le propriétaire et le conducteur, alors comment vous réglez ce problème-là? Parce que, là, le tracteur, il est caché, lui, si je comprends bien.

Une voix: ...

M. Bordeleau: Pardon?

M. Chevrette: La plaque est en avant du tracteur mais en arrière de la remorque.

M. Bordeleau: Elle est en avant du tracteur? O.K. Je pensais que c'était en arrière des deux côtés.

M. Chevrette: Il faut qu'ils prennent les deux à ce moment-là.

M. Bordeleau: O.K. À ce moment-là, il faut que tu aies une photographie des deux côtés.

M. Gervais (Philippe): ...soit qu'on prend une photo de l'avant si c'est une photo qui est possible des deux côtés. Ou, sinon, le policier a toujours l'option de poursuivre le camion et d'arrêter. Il a toujours ce choix-là, lui, de partir à la poursuite, comme il fait aujourd'hui.

M. Bordeleau: La fiabilité de... Je parle de la fiabilité technique, est-ce que ça demande des ajustements fréquents ou...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Premièrement, les équipements, je ne les ai pas mentionnés, mais ils sont approuvés par le CSA. Et, en plus, au niveau de validation de l'équipement, une fois par année il est complètement testé, calibré.

Au-delà de ça, à chaque fois que le policier s'installe dans un nouveau site, donc immobilise son véhicule, il y a une procédure de test qui se fait avec l'appareil. Si l'appareil prouve qu'il est défectueux, c'est-à-dire qu'il y a des tests qui ne fonctionnent pas, il est tout simplement inapte à opérer. Alors, il y a une validation. Le policier, quand il s'installe, fait une validation, une calibration de son appareil à chaque positionnement.

M. Bordeleau: O.K. Vous avez parlé aussi des seuils de – je pense que c'est le terme que vous avez utilisé – tolérance. Par exemple, si on prend un exemple, à Edmonton, où vous en avez, c'est quoi, les seuils de tolérance qu'on met généralement autour de ces...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Ils sont un petit peu inférieurs à ce qu'on utilise au Québec. Les policiers fixent un seuil, là-bas – enfin, sur les artères où moi, j'ai eu l'occasion de faire du photoradar – de 15 km/h au-dessus de la limite de vitesse.

M. Bordeleau: 15 km/h?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui.

M. Bordeleau: Au niveau urbain et au niveau des autoroutes aussi?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Je n'ai pas été sur les autoroutes, mais je supposerais qu'il doit s'agir de la même limite.

M. Bordeleau: Ça veut dire, concrètement... Supposons, ici, sur une autoroute où on a une limite de 100 km, on enverrait les contraventions à partir de 115 km/h si on adoptait une position semblable, c'est ça?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, mais j'ai mentionné quelque chose également, puis je pense que c'est important, il faut être respectueux de la population si on veut qu'eux respectent notre programme. Si, présentement, le seuil qui est utilisé avec des radars conventionnels, manuels est de 18 km/h ou de 19 km/h, si on veut qu'un programme de la sorte soit accepté par la population, on se doit de conserver le même seuil.

M. Bordeleau: O.K. Tout à l'heure, la question a été posée par le député de La Peltrie, je pense, sur le risque qu'il y ait deux automobiles qui se retrouvent, par exemple, dans le faisceau en question. Étant donné que le faisceau, bon, il est relativement restreint en termes de largeur, mais, quand même, en longueur il peut aller chercher facilement trois automobiles, dans des situations, par exemple, où il y a une circulation qui serait assez dense, je pense qu'on peut facilement avoir, mettons, deux ou trois automobiles qui sont une en arrière de l'autre, et comment on détermine à ce moment-là de façon certaine que la vitesse qui est enregistrée sur le radar comme tel est attribuée à tel ou tel véhicule quand il y en a deux ou trois? Est-ce qu'il y a une certitude là-dessus ou si ça peut être contesté? Parce que, là, on voit une photo d'une auto, on voit une vitesse, mais qu'est-ce qui me dit que la vitesse qui est inscrite là, c'est ma vitesse à moi ou si ce n'est pas la vitesse de l'autre gars qui est à côté?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): À l'occasion, on peut voir deux véhicules sur la même photo. Effectivement, c'est possible. C'est pour ça que le policier a un rôle de validation. Au-delà de ça, si la circulation est assez dense, comme vous le mentionnez, il peut arriver qu'il y ait deux véhicules sur la même prise photo, mais également que le véhicule qui allait plus vite ait sa plaque d'immatriculation cachée par la présence d'un autre véhicule. À ce moment-là, c'est un rejet, l'enregistrement ne se fera pas. Vous comprenez que, quand deux véhicules sont côte à côte, on peut bloquer celui qui allait le plus vite, donc a passé le véhicule, et on ne peut pas lire la plaque. Donc, ça s'appelle un rejet. On ne fait tout simplement pas émettre de contravention.

Il faut que vous compreniez que toutes les prises photo qu'on obtient à partir des films ici ne sont pas nécessairement l'objet d'avis au propriétaire. Il y a toute une étape de validation qui se fait par la suite, et ce n'est pas parce qu'on a une photo qu'il y a un avis nécessairement.

M. Bordeleau: O.K. Dans les cas où vous êtes impliqués directement – si je comprends bien, vous gérez le système pour des villes, je suppose que ça devait être ça en Alberta – qui détermine les critères et le choix des sites?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Ce sont les corps policiers ou les villes.

M. Bordeleau: Les corps policiers qui le déterminent et qui vous en font part?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, exactement. Ils choisissent leurs sites pour les raisons qui leur sont propres, là, pour des raisons d'accidents, des raisons de sécurité de piétons, peu importe, et, nous, on a la liste complète des sites avec la numérotation des sites et donc on fonctionne par numéro de site. C'est ça qui est identifié sur les prises photo que vous voyez.

M. Bordeleau: O.K. On a parlé des rejets tout à l'heure, c'est quoi, le pourcentage de rejet que vous avez dans un système comme ça?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Le pourcentage de rejet varie en fonction de plusieurs composantes, donc varie d'une saison à l'autre, entre autres choses, parce que, on connaît l'hiver du Québec, les plaques ne sont pas toujours excessivement lisibles. Ça varie d'une province à l'autre également. Et, là je voudrais faire une mention à la commission, il nous ferait plaisir, chez Lockheed Martin, de faire des tests sur les plaques du Québec parce qu'on n'a malheureusement jamais eu l'opportunité de tester les plaques, donc d'obtenir une plaque pour faire des essais en Arizona avec nos spécialistes en lecture de plaques. On prend des lectures et on peut tester une plaque par rapport à une autre. Pourquoi une plaque est différente d'une autre? La réflectivité est un facteur qui va nous dire si, oui ou non, on lit bien avec un flash, si on lit bien quand il y a du soleil directement dessus. Il y a également le fait que la plaque du Québec, les chiffres et les lettres ressortent de la plaque, ce qui est un facteur positif pour nous pour faire la lecture de plaques. Ça nous donne une meilleure chance de succès.

Si vous voulez que je vous donne un chiffre – parce que vous avez l'air d'une personne qui aime beaucoup les chiffres – je peux vous donner un taux de succès moyen très conservateur de 70 %. C'est sûr qu'en été on peut atteindre 85 %, possiblement, des photos qui vont être lisibles et reconnaissables à 100 % de certitude. Parce qu'on comprend qu'il n'y a pas une seule lecture de plaque qui se fait, on fait une validation une fois qu'on a lu la plaque. Ce n'est pas lu qu'une seule fois pour être certain que deux personnes, avec des yeux différents, à des moments différents de la journée, voient la même plaque exactement avec aucune erreur.

M. Bordeleau: Si je comprends vos données, ça veut dire qu'il y aurait 30 % de rejets en moyenne et plus, peut-être, à certains moments donnés ou dans des conditions atmosphériques...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Et moins à d'autres.

M. Bordeleau: ...et moins à d'autres.

M. Gervais (Philippe): 30 %, c'est peut-être le maximum, mais tout dépend aussi du véhicule. On voit, des fois, des gens qui mettent des trucs pour enjoliver le tour de la plaque, et là ça cache une lettre ou ça cache un chiffre. Ou si une voiture est très sale – ça arrive, des fois, l'hiver avec le sel qu'on met sur nos routes – la plaque est très sale, ça va peut-être être difficile à lire. Si quelqu'un aussi a une boule pour tirer une remorque en arrière, des fois, si la boule arrive devant certains chiffres...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Un chiffre ou une lettre.

M. Gervais (Philippe): Donc, il y a une partie des rejets qui sont dus à ces facteurs-là.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Ce n'est pas dû à l'équipement comme tel, c'est dû aux composantes environnementales.

M. Bordeleau: D'accord. Non, je suis d'accord là-dessus.

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Je voudrais juste mentionner également – parce qu'on peut souvent penser, bien, quand c'est une tempête de neige, on ne peut pas lire les plaques – que, si la plaque n'est pas sale et qu'il neige, on n'a aucun problème de lecture. Essayez de concevoir qu'un véhicule qui roule à 200 km/h, on peut le voir très clairement. Alors, le flocon de neige qui tombe, il devient un point sur la photo, et ça n'embrouille pas la photo.

M. Bordeleau: Mais, si je prends un peu ce que vous mentionnez, le ministre faisait référence, souvent, dans ses exemples au boulevard Métropolitain, j'ai l'impression que ce n'est pas l'endroit idéal pour faire... et que là il y aurait beaucoup de rejets, par exemple. Prenons le boulevard Métropolitain, circulation dense, relativement serrée, puis, quand il y a de la neige ou de la pluie, ça devient excessivement sale, les autos se salissent, les plaques se salissent automatiquement parce que ça remonte continuellement. Alors, dans des routes comme ça où on pense que c'est dangereux puis on dit justement qu'on devrait penser aux photoradars parce que c'est des zones difficilement accessibles, il y a plusieurs de ces zones-là qui ne seraient pas des zones idéales, loin de là, pour faire du photoradar, où le rejet serait probablement supérieur au 30 % que vous avez mentionné. Parce que, on a juste à embarquer sur le Métropolitain, vous le savez, tout relève, et puis, en cinq minutes, l'auto est complètement sale, y compris les plaques, et puis ça, c'est indépendamment de la volonté des personnes.

(15 h 10)

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Je pense qu'il n'y a pas grand-chose d'idéal sur Métropolitain, sauf qu'il faut comprendre que ce n'est pas la saleté comme telle qui est notre obstacle, c'est l'accumulation de neige. Donc, plus c'est sale, dans le fond, plus il y a de sel, moins il y a de neige. Donc, le fait que ce soit blanchi par le sel ou qu'il y ait un petit peu de brun, de boue, ce n'est pas vraiment le problème. Le problème, c'est sur une route plus rurale où la neige lève puis colle à la plaque. À ce moment-là, ça devient blanc très rapidement sur une très courte distance. Plus il y a de sel, dans le fond, moins la...

M. Bordeleau: Mais la saleté, quand ça colle, à un moment donné, ça fait disparaître les contrastes de la plaque et...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui, mais vous avez une belle plaque. On a une belle plaque au Québec, le contraste est quand même bon sur les couleurs, là. Le blanc, avec le sel, il devient plus blanc ou il reste blanc, puis le...

M. Bordeleau: Puis le problème que les véhicules soient très serrés?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Bien, on aimerait ça, la tester, la plaque. Puis on va mettre du sel dessus puis de la boue, puis on vous donnera les résultats. Si vous êtes intéressés à voir les résultats de lecture de vos plaques du Québec, on pourrait faire ça.

M. Bordeleau: Au niveau de la formation pour les policiers, ça prend une formation qui est longue, qui est...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Non, c'est très simple. Cet appareil-là est très simple. Vous voyez, ils ont juste à comprendre où positionner leur véhicule. Il y a à peu près cinq boutons à pousser. Il faut faire le test préalable. Il faut rentrer la carte. Il y a juste un trou, on ne peut pas se tromper de place. Le film, bien, c'est une caméra de 35 mm conventionnelle, un film 36 poses à mettre dedans. Le principe est très simple, c'est une formation très, très simple.

M. Bordeleau: La durée de vie d'un appareil comme ça, est-ce qu'elle est différente dans les cas où c'est fixe et dans les cas où c'est mobile?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Non, c'est le même appareil, c'est la même durée de vie.

M. Bordeleau: Même durée de vie?

Mme Hirou-Bazan (Catherine): Oui.

M. Bordeleau: C'est quoi, la durée de vie, à peu près? Est-ce que vous avez...

Mme Hirou-Bazan (Catherine): À ma connaissance, nous, nos caméras, c'est toujours les mêmes qu'on utilise depuis 1989.

M. Bordeleau: O.K. Ça va.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, madame, monsieur, merci pour votre présentation et votre participation aux travaux de cette commission.

J'invite les représentants de CAA-Québec à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Avant de commencer à entendre les représentants, les porte-parole du CAA-Québec, j'ai demandé au secrétaire de la commission de faire un relevé où nous en étions en ce qui concerne le nombre de groupes, et le CAA-Québec sera le 35e groupe – groupes et individus – depuis le début des travaux de la commission. Alors, bienvenue, mesdames, monsieur, et je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en leur indiquant qu'ils ont aussi une présentation de 20 minutes.


CAA-Québec

Mme Landry (Paula): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, bonjour. Mon nom est Paula Landry. Je suis directrice des communications à CAA-Québec et je m'empresse donc de vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent. Vous avez Mme Claire Roy, qui est directrice des affaires publiques, et M. Yvon Lapointe, directeur de l'éducation routière à CAA-Québec. Et c'est d'ailleurs M. Yvon Lapointe qui va vous faire la présentation de notre mémoire.

Pour ceux d'entre vous qui nous connaissent peut-être un petit peu moins, je peux préciser d'entrée de jeu que CAA-Québec est une organisation sans but lucratif ayant, bien sûr, au coeur de sa mission la sécurité et la paix d'esprit de ses 675 000 membres. Donc, au nom de ces derniers, nous tenons d'abord à vous remercier de nous avoir fourni cette opportunité de venir vous présenter nos vues sur des sujets auxquels nous nous sommes tous intéressés, sans exception, parce qu'il s'agit là de questions qui sont justement partie intégrante de la vie au quotidien de nos membres, nos membres qui sont tantôt automobilistes, tantôt aussi, bien sûr, à leurs heures, cyclistes et probablement, de plus en plus, patineurs, d'ailleurs, et qui sont aussi des parents, grands-parents, enfants, enfin des gens qui ont à coeur la sécurité de leurs proches.

Alors, nous avons structuré notre opinion en tenant compte, bien sûr, de l'expertise que nous avons accumulée au fil des ans de notre organisation et on a ensuite validé le tout avec nos membres par le biais d'un sondage qu'on a effectué en janvier dernier. Quand on parle de notre expertise, j'aimerais peut-être juste prendre la peine de souligner qu'on peut dire qu'elle ne date pas d'hier. En fait, depuis déjà 1929, nous sommes impliqués dans la formation des brigadiers scolaires et, encore aujourd'hui, entre autres dossiers, nous assurons la formation des futurs conducteurs et même celle de leurs formateurs. Et, maintenant, nous sommes impliqués partout à travers la province en formation en entreprise. Donc, tout ça pour vous dire qu'on bénéficie à l'heure actuelle d'une fenêtre d'observation de choix sur le comportement routier des Québécois et qu'on dispose de nombreuses occasions de les rejoindre, ce que commanderont sûrement les choix qui seront faits suite aux présentes audiences.

Alors, sur ce, je cède immédiatement la parole à M. Lapointe qui va vous résumer les grandes lignes de notre mémoire.

M. Lapointe (Yvon): Merci beaucoup. Alors, M. le Président, M. le ministre, ce que je vais vous présenter ici aujourd'hui, c'est une synthèse du mémoire. Vous comprendrez qu'on ne peut pas présenter 50 pages ici en quelques minutes, alors nous avons ressorti les éléments-clés de chacun des sujets, et c'est ce que nous allons vous présenter ici. Évidemment, nos membres ont priorisé l'ordre de présentation des sujets. Alors, la première priorité qu'ils ont établie, c'est la conduite avec les facultés affaiblies, et je commencerai avec le sujet qui touche la prolongation de la suspension administrative de trois mois du permis.

Alors, à CAA-Québec, nous sommes d'avis qu'une suspension administrative d'un permis de conduire pour une période de 15 jours, telle qu'elle est actuellement, doit demeurer dans le cas d'une première offense. Toutefois, nous suggérons que cette prolongation s'étende à trois mois dans le cas de récidivistes ou des gros buveurs. Puis, pour nous, un gros buveur, c'est quelqu'un qui, par exemple, atteint un taux d'alcoolémie de 0,16 ou plus. Également, la prolongation de trois mois pourrait très bien s'adresser à ceux qui sont accusés d'une première offense, si on veut, mais dont le taux d'alcoolémie serait également de 0,16 ou plus.

En ce qui concerne la suspension administrative pour un taux d'alcool se situant entre 0,04 et 0,08, nous suggérons de ne pas donner suite à la suggestion d'émettre, donc, une suspension administrative dans ces cas-là en particulier, puisque notre objectif est de s'adresser davantage à la clientèle des gros buveurs et des récidivistes.

Cependant, nous endossons la proposition gouvernementale à l'effet d'imposer l'obligation d'aller en évaluation dans un centre spécialisé dans le traitement des problèmes d'alcool et nous suggérons la fréquentation assidue de groupes de support pour alcoolémie supérieure à 0,16. De plus, CAA-Québec suggère au gouvernement de moduler la durée de la révocation dans le cas d'alcoolémie importante. Par exemple, un conducteur qui est pris avec un taux d'alcoolémie de 0,16 ou plus, peut-être que sa révocation pourrait être de deux ans, même pour une première offense.

Pour ce qui est des conducteurs professionnels, c'est évident que nous endossons également la proposition du gouvernement à l'effet d'imposer la tolérance zéro pour cette catégorie de conducteurs.

Maintenant, pour les barrages routiers, nous privilégions l'accroissement de la fréquence des barrages routiers plutôt que le dépistage systématique lors de chaque opération. Nous suggérons en outre que les résultats de ces activités soient systématiquement publicisés de manière à créer chez les conducteurs à risque la perception d'une plus grande possibilité de se faire prendre. C'est évident que – et le livre vert en fait état – plus les gens ont la perception que le risque est élevé de se faire prendre, et plus ils adoptent des comportements qui seront réduits en termes de risques. Aussi, CAA-Québec demande de façon générale une présence policière accrue, et nous suggérons en outre une intensification des campagnes d'information, de sensibilisation et de publicité portant sur les mesures et les pénalités rattachées à la conduite avec des facultés affaiblies.

Toutefois, sans remettre en question le régime d'assurance automobile tel qu'il est actuellement, nous encourageons le gouvernement à trouver des alternatives novatrices aux avenues de versements réduits d'indemnités d'assurance aux conducteurs reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies.

De plus, nous constatons que le régime sans égard à la faute est largement méconnu de la part des automobilistes. En conséquence, nous demandons qu'une campagne d'information soit menée pour y remédier et aussi donner la chance à tous les conducteurs de bénéficier d'une information à jour et complète.

(15 h 20)

Alors, ça termine ici la présentation en ce qui concerne les facultés affaiblies, et la deuxième priorité que nos membres ont faite des sujets, c'est le photoradar. Alors, CAA-Québec se prononce en faveur de l'usage du photoradar aux endroits répondant à deux conditions spécifiques et exclusives: d'abord, là où un problème de vitesse et de sécurité routière a été clairement identifié; et ensuite aux endroits où la surveillance traditionnelle ne peut être exercée pour toutes sortes de raisons. Mais nous disons non au photoradar sur les autoroutes, par exemple.

De plus, CAA-Québec demande au gouvernement de rendre transparente l'utilisation des sommes générées par le photoradar, et nous souhaitons que les montants ainsi générés soient dédiés à la sécurité routière et à des aménagements routiers contribuant à l'amélioration de la sécurité routière qui est d'ailleurs, bien sûr, le thème, l'objectif des discussions que nous menons actuellement.

En plus, nous demandons au gouvernement de réévaluer sur une base régulière la situation à diverses étapes, au cours des premiers mois, de l'implantation afin de mesurer les effets et l'atteinte des objectifs visés qui concernent, bien sûr, encore une fois l'amélioration de la sécurité routière. CAA-Québec est donc d'avis que le photoradar devra cesser d'être utilisé à un endroit donné dès que les résultats auront démontré que la situation s'est améliorée selon ce qui était recherché au départ. Le photoradar constitue donc pour nous une solution temporaire et non pas une solution permanente.

Pour arriver à ses fins, bien sûr, nous suggérons au gouvernement que des campagnes d'information précèdent l'implantation du photoradar et nous estimons de plus que son usage soit publicisé suffisamment longtemps à l'avance pour éviter que les usagers de la route ne se sentent pris au piège.

Mais, il est essentiel que la surveillance routière traditionnelle demeure et même qu'elle soit accentuée, CAA-Québec demande que le nombre de policiers et de contrôleurs routiers soit rapidement augmenté de manière à assurer un contrôle adéquat et soutenu par la méthode de surveillance traditionnelle.

Nous croyons aussi que le gouvernement doit être le maître d'oeuvre des photoradars. Nous estimons que le ministère des Transports, par exemple, doit s'assurer que des critères soient clairement définis afin de permettre aux responsables de la sécurité routière au sein des municipalités de déterminer les endroits où le photoradar devrait être implanté afin d'éviter, bien sûr, du même coup les abus. Nous suggérons en outre que les municipalités devront obtenir l'approbation de Transports Québec par l'entremise de ces critères quant à leur choix avant d'installer et d'utiliser chaque photoradar.

Pour ce qui est des points d'inaptitude, nous croyons que les points d'inaptitude applicables aux infractions commises à la suite de la déclaration de culpabilité des conducteurs devront être inscrits au dossier de ces derniers, tout comme il le sont lorsqu'ils sont interceptés pour une contravention par la surveillance traditionnelle. Nous suggérons donc au gouvernement de prévoir un mécanisme souple permettant au propriétaire du véhicule de repousser le fardeau de la preuve quant à l'imputabilité des points d'inaptitude et nous estimons essentiel que la contravention doit être reçue par son destinataire au plus tard 10 jours après que l'infraction a été détectée par le photoradar et que cette dernière, bien sûr, soit accompagnée de la photo.

Le troisième sujet priorisé par nos membres, c'est le virage à droite au feu rouge. Alors, ici, CAA-Québec est ouvert à une éventuelle implantation du virage à droite au feu rouge, mais à moyen terme et dans la mesure où tous les efforts seront faits pour que tous les usagers de la route y trouvent leur compte, et à la condition d'avoir l'assurance que les piétons et les cyclistes ne feront pas l'objet d'un alourdissement du bilan routier au Québec. Il faudra donc – et nous insistons encore une fois là-dessus – des contrôles routiers traditionnels plus sévères et plus fréquents, et nous sommes d'avis que la collaboration proactive des policiers est essentielle et plus particulièrement en assurant dès maintenant – et on dit bien «dès maintenant», donc il ne faut pas qu'on attende nécessairement trop longtemps ici – un contrôle plus sévère des règles du Code de la sécurité routière pour tous les usagers de la route, et ça inclut les piétons et les cyclistes.

Nous suggérons donc au gouvernement d'élaborer une grille d'évaluation qui sera par la suite utilisée par l'ensemble des municipalités du Québec. Les critères contenus dans cette grille commune et objective devraient être appliqués à chaque carrefour, et les résultats permettraient de déterminer si le virage à droite devrait être permis ou non. Bien sûr, des campagnes d'information et d'éducation seront nécessaires, et CAA-Québec suggère la mise sur pied de campagnes intenses d'information et de sensibilisation du public avec des rappels très fréquents. Nous offrons d'ailleurs au gouvernement notre expertise et notre aide à cet égard.

CAA-Québec incite également le gouvernement à bien informer la population de l'ensemble des efforts financiers à fournir avant et lors de l'implantation du virage à droite au feu rouge. Cette évaluation des coûts permettra également d'éclairer et de valider le choix final, à savoir est-ce que nous voulons des virages à droite généralement permis ou des virages à droite généralement interdits?

Jusqu'ici, certains aménagements de carrefours ont permis d'améliorer la fluidité de la circulation. On peut penser, par exemple, à des carrefours giratoires, quoique ce n'est pas très populaire au Québec, on le sait; des bretelles d'accès direct; des boucles de détection de la circulation sur la chaussée; des flèches qui indiquent ou qui autorisent des virages protégés, par exemple. Alors, CAA-Québec suggère de continuer de développer en ce sens.

Nous incitons de plus le gouvernement à revoir le nombre et la pertinence des feux de circulation au Québec. Y en a-t-il trop? Sont-ils tous pertinents? Est-ce qu'il n'y a pas des alternatives à des feux de circulation à certains endroits? Leur présence devrait donc être justifiée et simplement là où l'achalandage le requiert.

Nous recommandons aussi que la synchronisation actuelle des feux de circulation soit revue de manière à permettre une fluidité maximale en tenant compte également de l'heure et de la période d'achalandage de la journée. Nous suggérons au gouvernement de maximiser la gestion des feux de circulation, par exemple les cycles passant du rouge, au jaune, au vert à certaines heures de la journée et pouvant devenir clignotants, par exemple, à d'autres heures, de manière, entre autres, à limiter le temps d'attente pour ceux qui circulent à des heures où l'achalandage est moins important. Et, finalement, nous proposons que le virage à droite au feu rouge soit permis dans les heures creuses comme la nuit, par exemple.

Le quatrième sujet priorisé par nos membres, c'est le port du casque protecteur pour les cyclistes. Alors, nous sommes d'avis que, plutôt que de réglementer le port du casque protecteur pour les cyclistes, le gouvernement doit, en priorité, commencer par faire respecter le Code de la sécurité routière actuel pour ces usagers de la route. Nous estimons que le bilan routier des accidents impliquant les cyclistes aurait ainsi d'excellentes chances de s'améliorer. Encore une fois, si on arrivait à créer chez les cyclistes la certitude que le risque de se faire prendre est élevé, probablement qu'on contribuerait à améliorer de façon sensible la sécurité de ces usagers de la route. Comme nous le proposons dans d'autres sujets, d'ailleurs, nous suggérons l'élaboration et la mise en place de campagnes d'information et d'éducation, lesquelles devront s'ajouter aux efforts des corps policiers à faire respecter la législation actuelle.

En ce qui concerne le dernier sujet, donc, la pratique du patin à roues alignées, nous sommes d'avis que le gouvernement doit faire respecter l'article 499 du Code de la sécurité routière qui stipule «que nul ne peut faire usage sur la chaussée de patins, de skis, d'une planche à roulettes ou d'un véhicule-jouet». Cet article est dans le Code de la sécurité routière depuis un bon bout de temps, et ce n'est pas du tout appliqué.

Nous estimons souhaitable et nous suggérons que des campagnes d'information et de sensibilisation, encore ici, de même que d'éducation portant sur l'interdiction de l'usage du patin à roues alignées sur la chaussée soient menées auprès de la population. Ces campagnes devront s'ajouter au travail des forces policières encore ici. Les résultats qui en découleront contribueront à l'atteinte sans doute, en tout cas, de l'objectif visé, soit encore une fois l'amélioration de la sécurité routière.

En général, nous encourageons le gouvernement et les autorités concernées à mettre en place une infrastructure permettant aux adeptes du patin à roues alignées de pratiquer leur sport dans des lieux sécuritaires en dehors des voies publiques, comme on peut retrouver, par exemple, ici, dans la région de Québec, sur les plaines d'Abraham, entre autres.

Alors, ça termine la synthèse de notre mémoire dans les grandes lignes. Est-ce que vous avez des choses à ajouter? Alors, voilà, Mme la Présidente. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, nous allons maintenant passer à la période d'échanges avec les parlementaires. M. le ministre.

(15 h 30)

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier de la présentation de votre mémoire. J'ai lu la synthèse et j'avais également un résumé de fait par ces nobles gens derrière moi. Vous avez très peu parlé de votre sondage. J'aimerais ça que vous en parliez. Donc, prenez donc deux minutes sur mon temps pour nous informer.

M. Lapointe (Yvon): Je pense que ma collègue Claire, ici, se ferait un plaisir... Si tu étais d'accord, Claire.

Mme Roy (Claire): Est-ce que vous avez un sujet en particulier ou est-ce que vous voulez aborder un peu tous les thèmes?

M. Chevrette: C'est parce que, ce matin, le professeur Gardner de l'Université Laval a dit que vous viendriez cet après-midi et que vous démontreriez que deux des avocats qui ont témoigné ce matin avaient tort, parce que vous aviez fait un sondage sur la révision du «no fault». C'est bien ça?

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Donc, il paraît que j'ai bien compris.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Mes censeurs me disent ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Landry (Paula): En fait, ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est basé sur le livre vert. On attendait sa sortie pour poser les questions de la façon la plus pertinente possible, pour que ça colle finalement à ce qu'il y avait comme matériel dans le livre vert.

Alors, au niveau du «no fault», ce qu'on a fait, c'est qu'il y avait une question qui apparaissait d'office au niveau du versement d'indemnités aux personnes reconnues coupables d'avoir conduit en état d'ébriété. On s'est dit: C'est exactement cette question-là qu'on va poser à nos membres. On l'a posée mais sans donner aucun background, si vous voulez. Alors, on leur a tout simplement demandé si, à leur avis, la Société de l'assurance automobile du Québec devait cesser complètement de verser des indemnités d'abord aux conducteurs blessés dans un accident avec taux d'alcoolémie de plus que 0,08, et les répondants ont dit oui à 62,5 %. Pour les conjoints et enfants à charge, c'est 14,7 % seulement des répondants qui ont dit oui. Donc, on laisserait de côté la famille et on regarde seulement le conducteur lui-même.

Ensuite, à ceux qui ont répondu oui, on leur a donné deux éléments d'information qu'on est allé puiser dans le livre vert, que voici. D'abord, on leur disait qu'il y aurait des situations peut-être nouvelles qui feraient en sorte que la responsabilité d'un accident serait peut-être à débattre, dans certains cas, par exemple. Puis là je vous lis le libellé: «Un conducteur ayant plus de 0,08 mg d'alcool pourrait ne pas être le responsable de l'accident lui ayant occasionné des blessures. Ensuite, les Québécois devraient de toute évidence se munir d'assurances complémentaires en plus de la prime d'assurance qu'on a à payer à chaque année à même l'immatriculation et le permis de conduire pour pallier à ce type de risque là.»

On a reposé exactement la même question, dans la même formulation: Maintenant, pensez-vous toujours que la SAAQ devrait cesser d'indemniser les conducteurs blessés? Et là il y a 71,4 % de tous ceux qui avaient dit oui qui ont continué de dire oui. Les autres ont dit non ou ne savaient plus trop. Il y avait vraiment manifestement une hésitation, ce qui fait que, globalement, chez la population des répondants, au total, on arrive à un peu plus de quatre personnes sur 10 qui étaient encore d'accord avec le fait qu'on devait cesser de verser des indemnités.

Alors, ça, la lecture... C'est sûr que ce n'est pas un sondage... ce n'est pas parfait. Ça peut être une piste finalement pour essayer d'aller voir de quelle façon on pourrait davantage sonder les gens. Manifestement, les gens ne sont peut-être pas au courant, comme on l'a dit tout à l'heure, du régime d'indemnisation de la Société de l'assurance automobile. Pour peu qu'on leur donne quelques éléments d'information ou de réflexion sur des choses qu'ils peuvent ensuite reprendre à leur propre compte parce que ça peut peut-être leur arriver, l'opinion peut changer. C'est à titre de guide finalement qu'on a voulu poser cette question-là. Ce n'est pas parfait. Il y aurait peut-être eu, avec plus de temps, d'autres façons plus valables de la poser. Mais, pour nous, c'est quand même indicatif.

M. Chevrette: Mais, en d'autres mots, plus on informe les gens, moins ils sont d'accord.

Mme Landry (Paula): Exactement. C'est ce qui est ressorti de notre sondage.

M. Chevrette: C'est ce que j'avais cru comprendre.

Mme Roy (Claire): Plus ils sont d'accord avec le système.

M. Chevrette: Non, moins ils sont d'accord que ça change.

Mme Landry (Paula): Moins ils sont d'accord avec le fait de ne pas verser d'indemnités. Voilà.

Mme Roy (Claire): Oui, c'est ça. Plus ils sont d'accord avec le système «no-fault» sans égard.

M. Chevrette: Plus ils deviennent d'accord avec le système existant.

Mme Roy (Claire): Tout à fait.

Mme Landry (Paula): Voilà.

M. Chevrette: Ça corrobore les dires de M. Gardner...

Mme Roy (Claire): Et c'est souvent...

M. Chevrette: ...et ça contredit les dires de M. Bellemare. C'est moi qui dit ça, ce n'est pas vous autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Roy (Claire): Ce qui semble être un peu une perception, c'est à partir du moment où les gens, quand il y a quelqu'un qui est en prison, qui se retrouve finalement avec une perte, donc ce n'est pas le total de la prime qui est versée, il y a vraiment une méconnaissance à ce niveau-là, et ça, c'est vraiment... Il y a un grand rôle à jouer, et ça pourrait sûrement avoir d'énormes bénéfices.

M. Chevrette: Ou encore, si on expliquait aux citoyens qu'est-ce que ça veut dire que de donner un recours additionnel, par exemple.

Mme Roy (Claire): Ce qui est mal connu aussi, c'est le fait justement que la SAAQ, son rôle n'est pas punitif, que le rôle...

M. Chevrette: C'est ça.

Mme Roy (Claire): ...ça, c'est le Code criminel, donc qu'il y a des poursuites pour ça. À partir du moment où les gens ont payé leur prime au long des années, ils ont subi un dommage corporel, ils ont respecté les règles du jeu, donc ils peuvent se faire rembourser. C'est un autre dossier. Donc, changez le rôle d'assureur de la SAAQ, on perd l'essence même du système.

M. Chevrette: C'est à peu près ce que j'avais compris. Je voudrais vous donner l'opportunité ici d'expliciter... Parce que je n'ai pas lu la grosse brique, j'ai lu plutôt le résumé. Et vous l'avez bien dit au départ. C'est sur le cinémomètre. Peut-être m'identifier beaucoup plus pointu les mises en garde que vous nous faites. Parce que vous êtes pour, avec de l'encadrement. L'identification des points noirs, par exemple, c'est par qui que ça se ferait? Je vais y aller de façon très pointue.

M. Lapointe (Yvon): Nous, nous disons, les points noirs, d'abord, il faut que... Quand on dit que le gouvernement doit être le maître d'oeuvre du photoradar, c'est qu'on ne veut pas laisser aux municipalités ou aux corps policiers le privilège de choisir et de décider en fonction de leurs propres critères. Il doit y avoir un encadrement qui vient d'en haut, qui dit que, pour avoir l'autorisation d'utiliser un photoradar – et vous me corrigerez, si c'est incomplet, chers collègues – pour avoir le droit d'utiliser un photoradar à un endroit donné, il faut que tel ou tel critère soit rempli. Et, entre autres, on se dit, nous, d'abord, ça prend une problématique de vitesse, ça prend nécessairement un problème de sécurité important et il faut que la surveillance traditionnelle ne puisse pas régler le problème.

M. Chevrette: J'achète ça, moi.

M. Lapointe (Yvon): Et, dans ce sens-là, on dit: Oui, le photoradar. Mais à ce moment-là, il faut donc... Parce que, dans une petite municipalité, il peut y avoir un point noir à quelque part et, si les critères ne viennent pas d'en haut et ne sont pas clairement définis, ça pourrait devenir, pour une municipalité quelconque, une machine à sous, et ce n'est absolument pas ce que nous voulons.

M. Chevrette: Ce qui m'embête, c'est les points de démérite que vous suggérez. Parce que vous parlez de système de délation encadré. Je ne sais pas, je n'ai pas trop compris ce que vous vouliez dire là. Mais, pour avoir un système de points de démérite, il faut que j'aie l'identification de la binette du chauffeur, du conducteur. Vous savez qu'on peut peut-être l'avoir mais contre les droits et les libertés de la personne. Il ne faudrait surtout pas envoyer ça par la poste. Donc, je voudrais savoir comment vous vous y prendriez pour attitrer les points de démérite. Est-ce exclusivement par le système de délation? Parce que, effectivement, si mon fils a pris mon auto dans l'après-midi, puis si c'est à 15 h 14, moi, je sais que c'est mon fils.

Les compagnies de location sont venues nous dire: Attention, parce qu'on va avoir des problèmes pour la location à la journée, à la semaine, peut-être pas la location à long terme. Puis il y a un autre groupe, les garagistes qui sont venus nous dire: Nous, on prête des autos à ceux qui viennent nous porter leur auto pour qu'on la répare. C'est quoi que vous proposez de façon très pointue?

M. Lapointe (Yvon): Ce que nous ne voulons pas, nous, c'est créer deux mesures de contravention, deux poids, deux systèmes, finalement. On dit: Si quelqu'un, par hasard, a la chance, entre guillemets, de toujours se faire prendre par un photoradar, c'est un commerçant, c'est un voyageur de commerce, il a besoin de sa voiture pour vivre, pour travailler, c'est certain que, pour lui, payer 300 $ pour une contravention, c'est probablement beaucoup plus soutenable, beaucoup plus abordable que d'avoir en plus à supporter des points d'inaptitude.

Et, si l'objectif de la discussion actuelle, de la réforme que nous voulons faire du Code de la sécurité routière, c'est justement de permettre l'acquisition, l'adoption de comportements plus sécuritaires, il ne faut pas faire de compromis, à notre avis, là-dessus. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit que les points d'inaptitude devraient suivre la contravention.

M. Chevrette: Mais changer les habitudes de conduite dans des endroits bien pointus, bien spécifiques, ce n'est pas nécessairement viser à – comment dirais-je – prendre le conducteur, c'est quelque soit le conducteur du véhicule. Parce qu'on indique qu'il est dans une zone de radar, ils le savent, c'est identifié. Ça pourrait même être sur Internet une semaine d'avance. Je veux dire, ce n'est pas une question de vouloir dire: Je vais te pincer, là. C'est: Ici, la police a plus de difficultés. Sur le pont de Trois-Rivières, elle ne peut pas tasser quelqu'un, puis, dans les bretelles, elle ne peut pas... Elle nous le dit elle-même, comme police, comme association de policiers. Mais, à ce moment-là, si tel est le cas, on peut-u prendre un moyen pour leur dire: Voici, ici, tu risques d'au moins payer l'amende? Je ne pourrai peut-être pas envoyer ta photo chez vous, là, pour te créer des problèmes...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Puis le respect des chartes. Vous savez un peu ce que je veux dire. Parce que j'en ai déjà vu des belles photos, moi. C'est parce que je suis moins jeune que certains ici, autour de cette table, c'est tout. Pardon?

Des voix: ...

M. Chevrette: Pas besoin d'adversaire? Vous avez compris.

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 h 40)

M. Chevrette: Mais vous comprenez ce que je veux dire? Ce n'est qu'un moyen additionnel, ponctuel, identifié, connu, exclusivement dans l'optique de modifier des comportements dans une zone donnée et bien précise.

Mme Roy (Claire): On est tout à fait d'accord avec ça, mais c'est aussi également dans un souci d'équité et, à partir du moment où... créer deux classes de citoyens, ceux qui se font justement attrapés par photoradar n'auront simplement qu'à débourser des sommes, jamais de points d'inaptitude, peu importe qui est au volant, par rapport aux autres qui seraient plus malchanceux. Ça crée effectivement deux classes. Un peut avoir à perdre son permis de conduire, avoir une suspension, etc.

Dans un deuxième temps, si vous parlez de, justement, quand vous avez des photoradars quand les zones sont bien identifiées, à partir du moment où ce serait publicisé, à ce moment-là, quand les gens vont percevoir un risque de se faire prendre, il y aura une modification du comportement parce que les gens... Évidemment, quand on sait que le radar est annoncé, c'est le même principe que lorsqu'on voit les voitures de police sur l'autoroute ou sur n'importe quelle route, tout le monde tout à coup ralentit, respecte, utilise ses clignotants. Donc, à partir du moment où la mentalité et le gouvernement auront annoncé et qu'il y aura une adhésion aussi, parce que ce sera toujours dans un souci de sécurité, à ce moment-là, il y aura une adhésion de la population, et, quand elle verra annoncé que, oui, il y a des photoradars... Ce n'est pas nécessairement, justement, de faire de l'argent, c'est de modifier des comportements. Donc, quand l'annonce sera là, il y aura déjà une modification du comportement.

M. Chevrette: Tous les gens qui passent dans toutes les zones de 30, d'où qu'ils viennent, ils passent dans une zone de 30. Les polices qui font du radar une fois de temps à temps à une place, elles pincent du monde. Mais, nous, on dit: On ne veut pas faire ça à la cachette puis faire comme un policier qui rentre sous le pont, au Cap-de-la-Madeleine, dans la courbe. Vous le savez. Je peux tout vous indiquer les endroits où ils font du spot, moi, du radar. Ça fait 40 ans que je fais ça entre Québec et Joliette.

Ce que je veux dire, par exemple, sur la route Saint-Thomas ou sur la route Saint-Esprit, entre Saint-Esprit et Sainte-Julienne, il s'en tue un par mois puis il y a un accident frontal à peu près par semaine, des accidents graves, des blessés graves. Si tous ceux qui passent là, qui sont susceptibles, après avis public bien identifié à côté de la rue, qui sont dans une zone de radar, mais, comme on veut respecter le principe de l'anonymat de la personne qui conduit, ou elle conduit seul ou avec d'autres, déjà, le système, il ne serait pas parfait.

Je vous donne un exemple. Mon fils emprunte mon auto. Il dit qu'il s'en va à Saint-Jérôme puis il se fait pincer à Trois-Rivières. Déjà, je vais le savoir, moi, avec ma plaque que je vais recevoir, qu'il n'est pas allé à l'endroit où il m'a dit. Avant, c'était bien pire, il y avait la photo en plus. S'il disait être seul, il pouvait être accompagné. Vous le savez, vous avez vu ça pareil comme moi. Ce que je veux vous dire, c'est: Est-ce que ça devient injuste de placer tout le monde en toute connaissance de cause dans une zone à respecter, sachant que c'est indiqué? Je ne trouve pas qu'il y a d'injustice, moi. Je ne comprends pas la notion d'injustice.

Mme Roy (Claire): Mais, en fait, avec, par exemple, la présentation que l'on a vue avant, avec la possibilité justement, avec le souci de garder les dossiers les plus secrets possible jusqu'à temps qu'il y ait une comparution en cour, à ce moment-là, quand vous avez la photo, par exemple, de face, il n'y a rien qui empêche éventuellement de dire: Bien, écoutez, savez-vous, on l'a aussi la photo de face. Et, si ça c'est annoncé, c'est une façon facile de contourner ce problème, et ça fait que ça ne crée pas deux classes de citoyens. Tout le monde, quand il aura commis un excès de vitesse, aura les points d'inaptitude qu'il mérite, il n'aura pas respecté, il sera redevable comme tout le monde face au système.

M. Chevrette: Je n'ai plus de temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je veux juste revenir sur les données, tout à l'heure, du sondage auquel vous avez fait référence. Je ne sais pas si je saisis mal, mais j'aimerais juste bien comprendre. À la page 37 de votre mémoire, vous avez des questions. Et, juste pour situer le contexte, le ministre disait tout à l'heure que M. Gardner, ce matin, avait dit que vous viendriez cet après-midi nous dire que la question de ne pas indemniser les criminels de la route, vous étiez en désaccord avec ça, de ne pas les indemniser.

Et je regarde le sondage, les résultats que je lis, moi – en tout cas, j'aimerais ça que vous m'expliquiez, si j'ai mal saisi – selon vous, la SAAQ devrait cesser complètement de verser des indemnités aux conducteurs blessés dans un accident avec un taux d'alcoolémie de plus de 0,08. 62 % disent: Oui, on devrait cesser de les indemniser. Donc, je pense que la population, en tout cas, 62 %, dans ce cas-là, disent: On devrait cesser de les indemniser.

Là, vous mettez des conséquences un peu pour sensibiliser les gens, vous dites: «Cette question ne s'appliquait qu'à ceux qui avaient répondu oui à la question – les 62 %. Sachant que l'application de telles règles engendrerait des situations telles que la responsabilité d'un accident serait à débattre dans certains cas.» Et puis: «Les Québécois devraient se munir d'assurances complémentaires, en plus de la prime d'assurance versée chaque année à même l'immatriculation, pour pallier à ce risque.

«Pensez-vous toujours que la SAAQ devrait cesser d'indemniser les conducteurs avec un taux d'alcoolémie de plus de 0,08?» 71 % disent oui. Alors, je comprends que la deuxième, c'est la réponse des 61 % premiers. Mais il reste que, dans les deux cas, il y a une majorité de personnes qui dit qu'on devrait cesser d'indemniser les...

Mme Landry (Paula): Vous ne devez peut-être pas le regarder comme ça. C'est que, dans le premier cas, oui, il y a clairement une majorité, avec le 62 %, par rapport à l'échantillon global. Mais, si par la suite vous ne demandez qu'à ces personnes-là de répondre à une autre question, vous avez un effet entonnoir où il vous reste encore moins de répondants. Vous reportez ça sur l'échantillon global de départ. Alors, il faut vraiment que vous disiez qu'il y a 71 % des 62 %.

M. Bordeleau: Ça, je suis d'accord. Je comprends très bien ça.

Mme Landry (Paula): C'est mathématique, simplement.

M. Bordeleau: Mais ce que je veux dire, simplement, c'est que, quand vous posez votre question à tout le monde, 62 % disent qu'on devrait cesser d'indemniser. 62 % en général, c'est la question du point de départ, je pense que c'est la majorité des personnes qui se prononcent. Et, pour moi, ce n'est pas clair qu'on supporte le système tel qu'il est actuellement, sur ce point-là.

Mme Landry (Paula): Je pense que ce que ça démontre, c'est une méconnaissance du système aussi. Puis c'est le point sur lequel on insistait. Parce qu'on a posé la question comme on peut en discuter autour de la table, entre amis, et tout, et sans donner aucune explication sur le système. Alors, oui, vous avez une majorité. Mais, du moment qu'on ne donne que quelques notions d'information et surtout ce que ça impliquerait dans leur vie de tous les jours, déjà, ça ébranle finalement l'opinion des gens. Et ça l'ébranle de façon assez particulière, puisqu'on a finit par ne même pas avoir une majorité. On a à peine entre quatre et cinq personnes sur 10 qui ont maintenu leur position. Et probablement que, si on allait plus loin dans l'information et les conséquences que de tels changements, ça pourrait avoir, sur leur situation personnelle... ce chiffre-là pourrait peut-être encore baisser. C'est tout simplement une petite démonstration très sommaire, finalement, du manque d'information sur la question.

M. Bordeleau: Je vais revenir à certains points de votre mémoire, juste pour clarifier certaines choses. À la page 2 de votre résumé du mémoire, vous voulez que ça demeure à 15 jours, la période de suspension, au lieu de trois mois, dans le cas d'une première offense. Mais, si je comprends bien, compte tenu de ce que vous dites un petit peu plus loin, dans les cas de première offense où le taux serait de 0,16 et plus, là, ça ira même plus loin que ça, vous dites que ça pourrait aller à une suspension tout de suite de deux ans. C'est ça?

M. Lapointe (Yvon): On parle d'une révocation de deux ans par la suite. En fait, ce qu'on veut, nous, à travers ça, on dit: Le buveur social qui n'est pas nécessairement à risque, ce n'est pas là qu'il faut mettre les efforts et consacrer les énergies. Consacrons les énergies aux récidivistes et aux gros buveurs qui – d'ailleurs, dans les statistiques, c'est très clair – sont très impliqués dans des accidents graves et des accidents mortels.

M. Bordeleau: O.K. Dans le cas, mettons, des gens qui ont des problèmes d'alcool sérieux, qu'on retrouve souvent au-dessus du 0,16, vous suggérez, dans ce cas-là, même à partir d'une première offense, par exemple, deux ans, dans le cas d'une première offense avec un taux de 0,16 et plus. Bon. On sait qu'il y a des gens qui ont des problèmes d'alcool. Et vous n'avez pas fait référence du tout dans votre mémoire – en tout cas, je ne l'ai pas vu – à la question des antidémarreurs. Est-ce que vous avez une position par rapport à ça? Est-ce que le programme qui existe actuellement fait en sorte que, oui, on pourrait, dans ces cas-là, permettre aux gens de récupérer leur permis et de...

(15 h 50)

M. Lapointe (Yvon): Oui. Évidemment, nous croyons que l'antidémarreur est une occasion extraordinaire pour quelqu'un qui a été pris en défaut de se récupérer parce qu'il est pendant une période de temps suffisamment longue à faire attention, à être obligé de se restreindre au niveau de l'alcool pour prendre son véhicule. Donc, pour nous, c'est une occasion d'éducation et d'acquisition de comportements sécuritaires intéressante. Alors, la place que pourrait occuper dans l'avenir l'antidémarreur, nous, on est prêts à supporter ça dans la mesure où ça vise cet objectif de modification des comportements.

M. Bordeleau: O.K. Alors, ça pourrait, dans les cas où il y a une suspension de deux ans, annuler la suspension à la condition que la personne accepte. Est-ce que je suis...

M. Lapointe (Yvon): Oui. Absolument, ça va jusque-là.

M. Bordeleau: Oui? O.K. Parfait. Vous nous dites, pour le photoradar, que vous êtes contre l'utilisation du photoradar sur les autoroutes. Pourquoi?

M. Lapointe (Yvon): Parce que, pour nous, ce n'est pas nécessairement là l'endroit où le plus grand nombre d'accidents se produisent. Et il y a des sites dangereux, beaucoup plus importants sur une route comme la 132 ou la 138 ou dans des zones dans un secteur plus urbain. Donc, c'est davantage à ce niveau-là que les points noirs se situent.

Mme Roy (Claire): Parce que, dans l'optique aussi où on veut avoir une adhésion de la population et de nos membres en général, c'est qu'il est très clair qu'il doit y avoir une problématique double qui est une problématique de vitesse et de sécurité et où évidemment, en conséquence, la surveillance additionnelle est impossible. À partir du moment où on est sur une autoroute, les autoroutes sont des voies qui sont droites, la surveillance traditionnelle est possible, et ce n'est pas vraiment une problématique de sécurité parce que la route est droite, il n'y a pas vraiment de danger. Donc, il y a d'autres moyens que le photoradar. Et, sinon, ça pourrait être perçu comme étant, encore une fois... Et ça, ce n'est pas l'objectif du gouvernement, comme on l'a lu, ce n'est pas de faire une trappe à argent et un moyen de garnir des coffres, peu importe où ils sont.

M. Bordeleau: Si je comprends bien, vos deux conditions, c'est deux conditions qui doivent exister en même temps, pas l'une ou l'autre. C'est ça?

Mme Roy (Claire): Tout à fait.

M. Lapointe (Yvon): Oui, tout à fait.

M. Bordeleau: O.K. Vous nous dites aussi, dans le même chapitre, qu'on devrait cesser, à ce moment-là, aux endroits qui... quand les résultats se sont améliorés. Souvent, on a eu des gens qui sont venus nous dire: Mais, vous savez, aussitôt qu'on sort de la zone, les gens repartent à pleine vitesse. Aussitôt qu'ils vont enlever les indications comme quoi on est dans une zone qui est dangereuse, toujours, ce qui répondait au premier critère, aussitôt qu'ils vont enlever les avertissements comme quoi il y a un contrôle radar, bien, ça va repartir. Alors, c'est quoi, votre position par rapport à ça? Parce que vous nous suggérez que, quand ça s'est amélioré, on l'enlève.

M. Lapointe (Yvon): Je ne suis pas sûr que, du jour au lendemain, un site où il existe un photoradar, on ne doit pas décider à 17 heures, ce soir, que là c'est fini, on l'enlève, le problème est réglé. Il faut, je pense, que ça se fasse de façon progressive pour être capable de tester clairement dans quelle mesure les usagers de ce secteur-là se sont suffisamment habitués aux nouvelles règles du jeu pour en avoir fait des comportements acquis, dans le fond. C'est dans ce sens-là. Alors, tant et aussi longtemps que les changements de comportements ne sont pas permanents, c'est sûr que le photoradar a encore sa place dans ces endroits-là parce que le problème n'est pas réglé.

Mme Roy (Claire): Mais il ne faut surtout pas prendre pour acquis qu'une fois qu'un photoradar est installé à un endroit il sera là pour toujours et là les gens... Ça perd aussi de l'effet, parce que, à ce moment-là, ça va se déplacer et on va se ramasser... si on pousse le système jusqu'à la fin, il n'y aura plus un endroit au Québec où il n'y aura pas un photoradar.

M. Lapointe (Yvon): Et il peut revenir à l'endroit en question aussi.

Mme Roy (Claire): Il peut y revenir si la situation revient. Et il n'y a rien qui dit que, dans une situation où il y a une problématique de sécurité et de vitesse... Il peut y avoir aussi des solutions alternatives qui peuvent être envisagées comme, par exemple, régler ce problème. Bon, pour un pont, par exemple, ce n'est pas nécessairement possible, mais il peut y avoir certains aménagements à certains carrefours qui seraient problématiques qui peuvent finalement régler le problème de la sécurité à long terme.

M. Bordeleau: Dans la section des photoradars où on parle de la question des points d'inaptitude, moi, personnellement, je suis sensible à ce problème-là. Tout à l'heure, on disait: Si ça ne crée pas d'injustice, au fond... Les gens qui ne perdent pas de points parce qu'ils sont ciblés par photoradar, c'est vrai pour tout le monde, c'est vrai qu'il n'y a pas d'injustice, mais il y a de l'incohérence. Dans un cas, on est arrêté par un policier, on perd des points. Dans l'autre cas, on commet la même infraction, on ne perd pas de point. Alors, évidemment il y a un problème là, à mon avis, qui est sérieux et qui, en tout cas, manifeste à tout le moins une certaine incohérence.

Maintenant, quand vous parlez d'une déclaration de culpabilité des conducteurs qui se ferait, je ne sais pas comment ça pourrait se faire. Concrètement, comment vous voyez ça que ça serait possible? Parce qu'on sait que, dans la proposition, l'avertissement serait envoyé au propriétaire. Alors, le propriétaire n'est pas nécessairement le conducteur. Comment ça fonctionnerait, ça, la déclaration? D'abord, y a-t-il bien des gens qui seraient intéressés à aller se déclarer coupables pour perdre des points?

Mme Roy (Claire): Si, par exemple, moi, je prête ma voiture à quelqu'un et, tout à coup, je reçois par la poste un avis et que je sais que je vais perdre des points de démérite et que disons que ça arrive plus qu'une fois, je vais me ramasser, moi, à payer mon permis de conduire ou mes frais, ça va me coûter plus cher au bout du compte. Alors, c'est à chacun aussi, je pense, de prendre ses responsabilités. À partir du moment où quelqu'un commet une infraction au Code de la sécurité routière, je ne pense pas que je rendrais... sans vouloir faire de la délation. Mais l'autre personne à qui j'ai prêté ma voiture, et je vous dis ça, je ne trouverais pas ça correct que j'assume ses erreurs non plus. Alors, je pense, que les choses peuvent très bien se faire. Si vous prêtez, par exemple, votre véhicule à quelqu'un, bien vous avez confiance en cette personne-là, donc elle doit prendre aussi ses responsabilités et assumer les conséquences de ses actes et de la façon dont elle gère ou utilise le véhicule.

M. Bordeleau: Mais, dans l'hypothèse qui existe actuellement, le propriétaire ne perd pas de point, il reçoit une amende. Alors, la personne, s'il y a une relation assez forte entre les deux, c'est évident que le conducteur, même s'il n'est pas identifié, le gars va dire: J'ai reçu une amende de 200 $. Bien, le gars va dire: Écoute, donne-moi la, je vais la payer. Mais il n'y a pas de points de démérite de perdus. En tout cas, c'est ça, l'hypothèse, actuellement. Alors, dans cet esprit là celui qui a été coupable, il risque de payer à l'autre ou de le compenser pour payer l'amende. Mais je ne suis pas certain que cette personne-là va aller dire: C'est moi le coupable, puis donnez-moi les points de démérite, surtout s'il n'y en a pas de points de démérite. Là, ce serait dans un système, au fond, où il y aurait des points de démérite qui seraient donnés directement au propriétaire.

Mme Roy (Claire): Mais, comme vous l'avez soulevé, de toute façon, à ce moment-là, ça fait quand même un système qui est incohérent.

M. Bordeleau: Oui, oui.

Mme Roy (Claire): Si vous avez le malheur de vous faire arrêter par un policier, vous allez éventuellement en payer les conséquences au renouvellement de vos... sinon, vous n'avez aucune conséquence. C'est incohérent et, quant à nous, ça crée de l'iniquité.

M. Bordeleau: Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Je n'ai pas la réponse. Je vois bien qu'il y a de l'incohérence, puis c'est pour ça que j'ai des réserves un peu, là, de voir qu'on traite de deux façons. Excepté que la réponse, je ne l'ai pas. Vous en suggérez une. Celle-là, elle supposerait qu'on donnerait des points de démérite à tout le monde, y compris à des personnes qui, au départ, devraient être jugées innocentes, au fond, au point de départ. Parce qu'on n'a aucune preuve que c'est le propriétaire.

Mme Roy (Claire): Mais, vous savez, je pense aussi que le défi, ici, de la commission, et c'est ce pour quoi on se retrouve, c'est qu'il s'agit d'un défi collectif. On a peut-être apporté une piste de solution, mais il y aura sûrement peut-être d'autres solutions qui pourront être présentées et, à ce moment-là, on est prêts à les endosser. C'était un exemple ou, en fait, une solution que l'on abordait.

M. Bordeleau: Juste une dernière clarification que j'aimerais avoir. Dans le cas du virage à droite, vous dites que le CAA incite le gouvernement à bien informer la population de l'ensemble des efforts financiers à fournir avant et lors de l'implantation du virage à droite. À quels efforts financiers vous faites référence exactement?

M. Lapointe (Yvon): Bien, en fait, il y a un coût à l'implantation du virage à droite au feu rouge. Combien ça va coûter à la population, tout ça? Combien ça va coûter au gouvernement? Et on veut, nous, que ces coûts-là soient très transparents. Si ça coûte 5 000 000 $ pour implanter le virage à droite au feu rouge, quelque part, peut-être qu'on n'est pas prêts à le faire. Alors, on veut que ça soit évalué, que ça soit bien identifié avant que des gestes soient posés pour implanter ce concept-là.

M. Bordeleau: O.K. Ça va. Moi, j'ai terminé.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, mesdames, monsieur du CAA Québec pour votre présentation ici, en commission parlementaire. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite les représentants de l'Association des directeurs de police et de pompiers du Québec et du SPCUM à prendre place.

Alors, je prie le porte-parole de bien vouloir s'identifier, ainsi que la personne qui l'accompagne.


Association des directeurs de police et pompiers du Québec (ADPPQ) et Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (SPCUM)

M. Lelièvre (Jacques): Mon nom est Jacques Lelièvre. Je suis inspecteur au Service de police de la Communauté urbaine de Montréal et représentant du SPCUM et de l'ADPPQ.

M. Beaudoin (Michel): Michel Beaudoin, assistant directeur du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, adjoint au directeur du Service.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs, à cette commission, et je vous indique tout de suite que, vous aussi, vous avez 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.

(16 heures)

M. Lelièvre (Jacques): Merci. M. le Président, M. le vice-président, M. le ministre, membres de la commission. Le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal et l'Association des directeurs de police et de pompiers du Québec que je représente aujourd'hui, nous sommes heureux de participer à cette commission portant sur le défi collectif que représente la sécurité routière au Québec.

À la lumière de notre réalité policière particulière et compte tenu de notre connaissance de terrain, nous souscrivons en partie aux modifications proposées dans ce livre vert. Voici donc sans plus tarder nos commentaires à l'égard des cinq thèmes proposés.

Pour ce que est du port du casque, on admet généralement que le port du casque protecteur est une mesure efficace de réduction des traumatismes chez les cyclistes. Selon les données de la Société de l'assurance automobile du Québec, les diverses activités de sensibilisation et de promotion du port du casque protecteur ont permis d'atteindre un taux de 26,9 % de port volontaire en 1998. C'est à peu près l'équivalent des résultats que nous obtenons lors de l'adoption d'une nouvelle réglementation.

À la lumière des diverses campagnes préventives auxquelles nous avons collaboré jusqu'à maintenant, nous constatons qu'une démarche préventive et éducative soutenue par la communauté policière peut encore contribuer à réduire le nombre d'accidents dont la gravité est relative au port du casque. En effet, le port du casque n'est certainement pas la solution au problème plus fondamental du non-respect du Code de la sécurité routière par une grande majorité de cyclistes, et ce, en dépit de la réglementation.

Toutefois, dans la réalité terrain de tous les jours, les dispositions du Code de la sécurité routière actuelles à l'égard des cyclistes sont difficilement applicables, et ce, pour deux raisons: premièrement, la limite des pouvoirs des policiers en matière d'identification; deuxièmement, le nombre insuffisant d'effectifs pour sanctionner les cyclistes fautifs, avec un aussi faible taux de port volontaire, sur lesquels nous avons de surcroît très peu d'emprise légale, puisque bon nombre d'entre eux ont moins de 14 ans.

Par conséquent, nous jugeons plus réaliste, à l'heure actuelle, de persévérer dans la promotion du port du casque plutôt que dans la coercition, par l'entremise d'activités de prévention et de dissuasion qui n'ont, selon nous, pas toutes été exploitées à leur plein potentiel. À ce chapitre, nous suggérons d'ailleurs que les organismes impliqués dans la promotion du cyclisme travaillent de concert avec la Société de l'assurance auto du Québec, les groupes de citoyens, les écoles ainsi qu'avec les services policiers afin de promouvoir les avantages d'adopter un comportement routier sécuritaire tout en favorisant le port du casque protecteur. En ce sens, plusieurs campagnes de sensibilisation ont déjà été entreprises au cours des dernières années. Nous croyons qu'il serait important de poursuivre ces actions de manière intensive.

Le deuxième point abordé, le patin à roues alignées. Comme vous le savez, la popularité du patin à roues alignées s'est accrue de manière impressionnante dans les dernières années, ce qui, finalement, oblige les différents intervenants préoccupés par la sécurité à remettre en question des positions prises alors qu'il n'y avait que quelques adeptes. Dans le contexte actuel, l'intervention policière envers les patineurs à roues alignées sur la voie publique se limite essentiellement aux abus flagrants.

Parmi les avenues de solution proposées dans le livre vert, les organisations policières favorisent l'accès restreint des patineurs sur la chaussée par l'adoption d'une législation appropriée. Les obligations qui seront éventuellement imposées aux patineurs devront être aussi cohérentes avec celles imposées aux cyclistes.

Dans les faits, il est important de rappeler la difficulté qu'éprouvent actuellement les agents de la paix à appliquer les dispositions visant les cyclistes à cause des problèmes liés à l'identification des contrevenants. En effet, une nouvelle législation à l'intention des patineurs sera difficile d'application, à moins qu'elle ne prévoit l'obligation de fournir une pièce d'identité.

Nous sommes toutefois persuadés que des dispositions législatives ne pourront à elles seules atteindre tous les objectifs fixés. Nous favorisons donc le développement d'une approche éducationnelle et préventive par le biais de campagnes de sensibilisation qui supporteront les actions policières.

Cela dit, quelques précisions s'imposent sur la gestion de cette activité par les municipalités. Selon le livre vert, et je cite, «le patin à roues alignées est interdit sur les rues et routes du Québec en vertu de l'article 499 du Code de la sécurité routière». Et on poursuit un peu plus loin: «En raison de cette interdiction du Code, les municipalités n'ont pas la possibilité d'en autoriser l'utilisation sur les sections de routes sous leurs responsabilités.» Citation et fin de citation, page 26 du livre vert.

Avec égard pour l'opinion exprimée dans le livre vert, nous ne sommes pas de cet avis. En effet, l'article 499 du Code interdit l'usage de patins sur la chaussée mais non sur les chemins publics. Or, aux termes de la définition de l'article 4 du Code, un chemin public comprend «une ou plusieurs chaussées ouvertes à la circulation publique des véhicules routiers et, le cas échéant, une ou plusieurs voies cyclables». L'interdiction de l'article 499 ne s'applique donc pas sur une voie cyclable, puisque cette dernière ne fait pas partie de la chaussée.

Si le législateur avait voulu interdire l'usage du patin sur toute la largeur d'un chemin public, chaussée et voie cyclable comprises, il aurait rédigé l'article 499 en conséquence. De même, s'il avait voulu que la voie cyclable soit considérée comme faisant partie de la chaussée, il aurait rédigé l'article 4 du Code en conséquence.

Rien n'interdit aux municipalités de permettre l'usage du patin à roues alignées sur les voies cyclables qu'elles aménagent sur les chemins publics de leur territoire en bordure des chaussées. À titre d'exemple, l'article 24 du Règlement sur la circulation et le stationnement de la ville de Montréal autorise la circulation à bicyclette et en patins à roulettes sur les voies cyclables. Cette disposition n'est pas illégale, la ville de Montréal ayant par ailleurs, en vertu de l'article 522, alinéa 32 de la Charte de la ville de Montréal, le pouvoir de décréter l'aménagement des voies ou des pistes cyclables dans toute rue, ruelle ou place publique et d'en régler la construction et l'usage. L'article 415, alinéa 9 de la Loi sur les cités et villes attribue aux autres municipalités ce même pouvoir d'ainsi réglementer l'usage qui est fait de leurs voies cyclables.

Pour le cinémomètre photographique, sans contredit, la vitesse est l'une des principales causes d'accident sur les routes du Québec. Or, les méthodes traditionnelles de détection de la vitesse semblent avoir atteint un plafonnement. Le cinémomètre photographique s'avère par ailleurs un outil efficace pour modifier les comportements des conducteurs en vue de diminuer la vitesse. Les corps policiers du Québec sont donc en accord avec l'instauration de cette nouvelle technologie et avec l'adoption de mesures législatives appropriées pour en assurer son application.

Virage à droite sur feu rouge. Le virage à droite sur feu rouge est toujours interdit sur les routes québécoises. Les arguments les plus fréquemment invoqués à l'appui du virage à droite sur feu rouge sont essentiellement relatifs aux économies de temps et de carburant. De façon générale, toutes les dispositions mises de l'avant par le Code de la sécurité routière visent à améliorer le bilan routier, alors que cette mesure ne favorise d'aucune façon l'amélioration de la sécurité routière.

Bien que le mandat des services de police constitue à assurer la fluidité du réseau routier, ces derniers maintiennent que les modifications à une législation ne doivent pas se faire au détriment de la sécurité routière. En dépit du million de constats émis chaque année par les différents corps policiers du Québec, la délinquance des conducteurs est telle que, dans certains centres urbains du Québec, les municipalités ont dû ajouter un système de flèches dans les feux de signalisation afin d'interdire aux conducteurs d'effectuer un virage à droite sur un feu vert. Cette interdiction permet ainsi aux piétons de traverser les intersections en toute sécurité. En d'autres mots, comme il est dangereux pour un piéton de traverser à une intersection sur un feu vert, comment peut-on prétendre que le conducteur respectera les autres usagers de la route lorsqu'il s'engagera dans une intersection sur un feu rouge?

Dans un contexte meilleur entre piétons et automobilistes, nous serions tout à fait d'accord avec une telle permissivité. Mais, avant d'en être arrivés à ce stade, nous avons encore beaucoup à travailler sur les attitudes et les comportements des deux parties, ce que nous faisons d'ailleurs en collaboration avec la Société de l'assurance auto du Québec. Bref, compte tenu que leur rôle consiste entre autres à sécuriser le réseau routier, les organisations policières sont en désaccord avec cette mesure.

Cinquième point, la conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool. Ce point-là est subdivisé en quatre parties, dont la prolongation à trois mois de la suspension immédiate du permis pour toute infraction liée à l'alcool. Si cette prolongation est retenue, elle n'aura que très peu d'impact sur le travail policier. En effet, sauf exception, les policiers n'auront pas à intervenir au moment de la révision administrative. Par ailleurs, la communauté policière ne peut qu'être favorable à une sanction plus sévère, donc davantage dissuasive pour les conducteurs. Cela dit, nous sommes encore à mesurer l'impact de la suspension de 15 jours sur la conduite automobile et nous croyons qu'il est peut-être prématuré, à ce stade-ci, de vouloir prolonger à trois mois la période de suspension.

(16 h 10)

Système de sanction gradué. Il est vrai qu'il faut prévoir un régime particulier pour les nouveaux conducteurs. Il est également vrai qu'il faut adopter des mesures très sévères pour les récidivistes et pour tous les irréductibles qui conduisent même lorsque leur permis de conduire est sanctionné. Toutefois, nous ne sommes pas favorables à la création de nouvelles infractions pour les personnes qui conduisent avec une alcoolémie située entre 40 mg et 80 mg d'alcool par 100 ml de sang, et ce, pour les raisons suivantes.

Dans l'état actuel des choses, le fait de conduire un véhicule après avoir consommé de l'alcool n'est pas un crime. Le législateur se contente de punir ceux qui conduisent après avoir trop bu. La situation est-elle à ce point dramatique qu'il faille interdire totalement la consommation d'alcool? La société québécoise est-elle prête à accepter une telle répression? Nous ne le croyons pas. D'autant plus que, selon les statistiques du ministère des Transports, le bilan du Québec se démarque en montrant l'une des plus fortes améliorations. Page 62 du livre vert.

En vertu de l'article 253a du Code criminel, une personne dont le taux d'alcool est inférieur à 80 mg d'alcool par 100 ml de sang peut déjà être poursuivie devant les tribunaux criminels lorsque sa capacité de conduire est affaiblie par l'alcool. Est-il nécessaire d'introduire de nouvelles mesures dans le Code de la sécurité routière qui ne viendront que compliquer davantage le travail policier? Finalement, un nouveau régime pour les personnes dont l'alcoolémie se situe entre 40 mg et 80 mg d'alcool par 100 ml de sang suppose l'achat de nouveaux appareils, puisque ceux dont disposent présentement les services de police ne sont pas conçus pour mesurer ces taux.

Une dernière remarque s'impose. À la page 2 de l'addenda, colonne de gauche, deuxième paragraphe, on peut lire ceci: «Même s'il est reconnu qu'un conducteur ayant une alcoolémie approchant la limite de 0,08 peut présenter des symptômes justifiant actuellement son arrestation en vertu du Code criminel, seule une lecture sur alcootest dans les deux heures suivant celle-ci permet de prouver ou non l'infraction.» Avec respect, cette affirmation est erronée. Ce conducteur sera accusé d'avoir contrevenu à l'article 253a du Code criminel, et la preuve de l'infraction sera faite par le témoignage de policiers et d'autres témoins de l'infraction.

Pour ce qui est du zéro alcool pour les conducteurs professionnels, en principe, nous sommes favorables à l'adoption d'un régime de tolérance zéro pour les conducteurs professionnels pour toutes les raisons énumérées dans le livre vert. Cependant, tout projet de loi éventuel devrait normalement être assorti de présomptions légales facilitant la preuve de cette infraction.

En effet, depuis quelques mois, les procureurs de la Cour municipale de Montréal exigent que nos policiers fournissent les documents suivants avant d'émettre eux-mêmes un constat d'infraction au regard de l'article 202.2. Il y a sept points que j'aimerais énumérer, les demandes qui sont faites aux policiers pour la preuve de la défense. Il s'agit d'un certificat d'utilisation d'un appareil de détection d'alcool visé à l'article 202.3 du Code de la sécurité routière; le renouvellement du certificat d'utilisation de l'appareil de détection approuvé; le relevé de vérification ou de l'étalonnage; le rapport de défectuosité; le registre de changement de solution d'alcool type; le registre d'entretien; et enfin une attestation de qualification de l'agent de la paix qui utilise l'appareil de détection approuvé et celle de l'agent de la paix qui procède à l'étalonnage ou, de plus, l'agent de la paix qui procède à la vérification du tel appareil.

À maintes reprises, les services de police ont fait des représentations auprès des autorités concernées pour obtenir qu'une présomption légale soit introduite dans le Code de la sécurité routière, mais en vain. Nous profitons de cette occasion pour réitérer notre demande.

Pour ce qui est du dépistage systématique de l'alcoolémie dans le cadre des opérations planifiées, premièrement, toutes ces opérations planifiées supposent la détention arbitraire de conducteurs, en contradiction flagrante avec l'article 9 de la Charte des droits et libertés. Nous sommes loin d'être convaincus qu'une telle atteinte puisse être rachetée par l'article 1 de la Charte, compte tenu qu'il existe d'autres moyens pour dépister les conducteurs ivres, soit les articles 202.2 et 636.1 du Code de la sécurité routière, ainsi que 254, alinéa 2, du Code criminel. Par ailleurs, ces dispositions portent moins atteinte aux garanties fondamentales, puisqu'elles exigent toutes trois l'existence de soupçons comme condition minimale d'application.

D'ailleurs, tout porte à croire que c'est la position retenue par le législateur québécois lors de la rédaction finale de l'article 202.2 du Code. En effet, la première version du projet de loi n° 12, la disposition concernant le dépistage d'alcool chez les nouveaux conducteurs n'exigeait ni motif ni soupçon. Or, il semble qu'en cours de rédaction le législateur se soit révisé et ait décidé de maintenir la règle exigeant à tout le moins la présence d'un soupçon. Nous serions étonnés qu'il adopte aujourd'hui un raisonnement différent.

Deuxièmement, en pratique, les policiers ont déjà fort à faire pour concilier les règles du Code criminel et celles du Code de la sécurité routière et distinguer le régime applicable aux nouveaux conducteurs de celui qui s'applique aux autres conducteurs. Est-il vraiment possible de superposer aux règles actuelles un troisième régime avec ses règles propres quant au pouvoir d'ordonner un échantillon d'haleine, quant au refus de fournir un tel échantillon, quant aux sanctions applicables? Est-il vraiment possible de croire un seul instant que les policiers pourront s'y retrouver? Comme on peut le lire dans le livre vert, aucune législation au Canada comme au États-Unis ne présente une gamme de mesures aussi étendue que la nôtre. Est-il vraiment nécessaire d'en rajouter davantage?

Nous avons cru bon de souligner ou de soulever deux autres mesures, soit la suspension de 15 jours pour les conducteurs qui refusent de se soumettre au test de coordination physique. Aux termes de l'article 202.5 du Code de la sécurité routière, un agent de la paix peut imposer la suspension du permis de conduire à une personne qui refuse d'obtempérer à un ordre que lui donne un agent de la paix en vertu de l'article 202.3 du Code ou de l'article 254 du Code criminel. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour la personne qui omet de se soumettre au test de coordination physique que lui ordonne d'effectuer l'agent de la paix en vertu de 636.1 du Code?

En effet, dans les trois cas, l'agent de la paix doit avoir des raisons de soupçonner la présence d'alcool. Dans les trois cas, l'objectif poursuivi est le même, c'est-à-dire de dépister les conducteurs qui ont consommé trop d'alcool. Et, dans les trois cas, le conducteur qui refuse empêche le policier d'effectuer sa vérification. Pourquoi le dernier groupe serait-il traité autrement des deux autres?

Deuxième point. Suspension de 15 jours pour les conducteurs qui sont arrêtés sans avoir à subir de test de dépistage. Il arrive souvent qu'un conducteur soit arrêté dès son interception parce que l'agent de la paix a sur-le-champ, à cause des symptômes évidents qu'il manifeste, des motifs de croire que sa capacité de conduire est affaiblie par l'alcool. La jurisprudence nous enseigne que, dans de tels cas, il serait même illégal pour l'agent de la paix de procéder à des tests de dépistage. Bien que la capacité de conduire de cet individu soit affaiblie, il arrive que son alcoolémie soit inférieure à 80 mg d'alcool par 100 ml de sang. C'est souvent le cas, notamment chez la personne qui a consommé à la fois alcool et drogue. De toute évidence, elle sera accusée d'avoir contrevenu à l'article 253a du Code criminel.

Nous sommes d'avis que, tout comme les autres conducteurs qui mettent en danger la vie des usagers de la route, le permis de conduire de cette personne devrait faire l'objet d'une suspension de 15 jours. C'est pourquoi nous recommandons que l'agent de la paix puisse suspendre le permis de conduire d'une personne chaque fois qu'il porte une accusation en vertu de l'article 253 du Code criminel, qu'il s'agisse du paragraphe a ou b.

En guise de conclusion, bien que nous émettions des opinions liées essentiellement à notre pratique et, par conséquent, contraires aux avenues proposées, par moment, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal et l'Association des directeurs de police et de pompiers du Québec tiennent à préciser que les commentaires qu'ils ont formulés se veulent une manifestation de leur désir de collaborer avec le ministère, et ce, dans le but d'atteindre éventuellement des objectifs de maximisation de la sécurité sur les routes publiques. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Lelièvre. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier de votre mémoire. Je dois vous avouer que ça ne nous avance pas beaucoup dans nos prises de décision. Les cyclistes ou les associations de cyclistes viennent devant nous, nous disent: Obligez-nous pas à porter le casque, mais demandez à la police de faire respecter le Code de la sécurité routière aux cyclistes. Tous les groupes de cyclistes nous disent ça.

Vous nous arrivez et vous dites: On ne veut pas les forcer à mettre leur casque puis, de plus, je ne suis pas capable de les arrêter. C'est un peu ça, le message entre les lignes que vous nous livrez. Avez-vous des statistiques sur le nombre de contraventions que vous donnez annuellement, à la Communauté urbaine de Montréal?

M. Lelièvre (Jacques): Au global...

M. Chevrette: Pour les cyclistes?

M. Lelièvre (Jacques): Pour les cyclistes, malheureusement, je n'ai pas les chiffres avec moi.

M. Chevrette: Est-ce que c'est possible que vous nous fassiez connaître ça, le nombre de contraventions?

M. Lelièvre (Jacques): Oui.

(16 h 20)

M. Chevrette: Parce que, moi, je vous avoue, je suis souvent à Montréal puis je vois des cyclistes sur René-Lévesque, quand je passe par là pour aller à mon bureau, il y en a qui coupent les trois travées d'auto complètement, puis il y a un de vos hommes en plein milieu de la rue puis même pas un coup de sifflet pour lui dire: Aïe! le flo, sur le bord du trottoir! Comment ça se fait, cette gêne morbide d'en tasser un de temps en temps puis de lui poser une bonne contravention? On le voit, de nos yeux vu, nous autres. Qu'est-ce qui se passe? Avez- vous reçu des ordres de les laisser tranquilles? Qu'est-ce qui se passe?

M. Beaudoin (Michel): Écoutez, comme on le mentionne au niveau de notre mémoire, on vous dirait que l'application de la réglementation concernant les cyclistes se fait, règle générale, surtout dans les cas de flagrants abus, des jeunes ou des moins jeunes, qui risquent de causer des accidents. C'est à peu près dans ces temps-là que, je vous dirais, à la lumière actuelle des choses, c'est appliqué au niveau de la Communauté urbaine.

Différents motifs peuvent être à l'appui de ça. On a parlé d'ailleurs dans le document de la difficulté d'application, on est revenu là-dessus, autant au niveau du port du casque qu'au niveau des cyclistes comme tels, au niveau de la difficulté d'application, soit en raison de l'âge, si c'est moins de 14 ans, ou en raison de la difficulté d'identification que posent de telles interventions. Donc, je vous dirais que ce n'est pas des incitatifs à une application très forte de ce genre de réglementation là.

M. Chevrette: Je comprends, pour les 14 ans, mais je comprends moins ça, par exemple, pour le type de livraison, par exemple, ultra rapide en vélo. Ils vous passent quasiment sur les pieds, à vous autres aussi.

M. Lelièvre (Jacques): La plupart des cas, maintenant, c'est du patin à roues alignées qu'on voit dans les rues et moins de cyclistes.

M. Chevrette: Oui, ça, c'est vrai aussi.

M. Lelièvre (Jacques): Oui, effectivement. Mais ce n'est pas ces gens-là généralement qui vont être impliqués dans des accidents. C'est curieux, mais on perçoit surtout des jeunes qui sont moins expérimentés. La même chose pour le patin à roues alignées, on retrouve des gens qui sont très habitués de faire du patin, ce n'est pas eux qui se blessent, c'est ceux qui deviennent les plus agressifs et c'est ceux-là vers qui ont se penche, nous, pour intervenir, plus que la normalité des gens.

M. Chevrette: C'est parce que ce qui me place dans une situation cocasse, c'est qu'on publie un livre vert – c'est vrai que ce n'est pas une volonté politique arrêtée – mais on constate que le Code la route n'est pas appliqué pour les cyclistes, on constate que, pour les patins à roues alignées, ce que la loi dit, il n'y a aucune application de cette partie de loi, et le résultat net en ce qui regarde les cyclistes puis en ce qui regarde les patins à roues alignées, c'est qu'il faudrait adoucir les lois. Ça fait assez dur, quand on fait une commission parlementaire sur la sécurité routière puis qu'on veut durcir les positions puis qu'on s'en va avec des constats qu'il faut modifier la loi à la baisse au lieu d'à la hausse. Pourriez-vous me conseiller un petit peu plus concrètement pour que j'aie l'air un peu moins fou moi-même?

M. Beaudoin (Michel): Notre position, on ne voudrait pas qu'elle soit interprétée comme adoucir les lois actuelles qu'il y a, loin de là. Ce qu'on veut dire, c'est que, et dans ces différents dossiers là... Et on peut appliquer la même logique au niveau des piétons. Ce qu'on constate au niveau de Montréal, de la grande région métropolitaine, c'est qu'il y a une problématique de culture par rapport au respect de la réglementation, et, c'est sûr, de la population en général, qu'on parle des cyclistes, qu'on parle des automobilistes. Quand on regarde le cas du virage à droite, c'est aussi relié à nos craintes, si je peux dire, cette culture de non-respect ou, en tout cas, de facilement manquer au respect du Code de sécurité routière. Donc, quand on regarde, ce que vous dites pour les cyclistes, c'est vrai, c'est vrai pour les patins à roues alignées, mais c'est aussi vrai pour les piétons. Tout le monde se présente au centre-ville...

M. Chevrette: À 17 heures, à l'Université du Québec à Montréal, ce n'est pas le cycliste puis l'automobiliste qui est maître.

M. Beaudoin (Michel): Absolument.

M. Chevrette: Il n'a pas le droit de passer sur la verte, puis on ne voit pas le jour quand on va passer.

M. Beaudoin (Michel): Et voilà. Mais, tout ça, ce qu'on dit, en fait, nous, ce n'est pas une approche coercitive par des lois plus sévères nécessairement, par l'émission de contraventions. Il y a beaucoup plus profond que ça. Il va falloir travailler à changer les mentalités. Et là-dessus c'est pour ça qu'on parlait tantôt de campagnes en différentes matières. Mais on pense que, nonobstant la décision qui sera prise quant à l'orientation, le tout doit être soutenu par une campagne en amont de tout ça puis une campagne très intensive. Je pense que, dans le passé, le gouvernement a fait des campagnes qui ont eu des dents, je pourrais dire, ou qui ont eu des effets des plus positifs. Nous, c'est dans ce sens-là qu'on veut dire. Puis, au niveau de la population et au niveau des policiers quant à l'application, si on entrait immédiatement dans une étape coercitive, on ne pense pas qu'on retrouverait nécessairement les effets recherchés.

M. Chevrette: Mais reprenons-le concrètement. Les patins à roues alignées, la loi n'a pas appliquée, pas 30 secondes. On est bien obligé de faire le constat, il n'y en a pas d'application de la loi. Puis c'est très dangereux pour les enfants en bas âge. Puis tout le monde nous dit: Mais sortez-les des rues! Vous nous dites: En bas de 14 ans, on a beaucoup de difficultés à appliquer la loi parce que le phénomène d'identification est difficile. Je reconnais ça, moi. Peut-être que, si on embrassait moins large puis dessiner certains corridors d'utilisation ou des routes dans des endroits dits résidentiels... Je ne sais pas. Il va falloir faire quelque chose, en tout cas, pour ne pas avoir l'air de retirer ça de la loi comme c'est là puis ne pas offrir d'alternative pour la sécurité. En tout cas, je cherche des solutions qui peuvent avoir des résultats. Là on n'en a pas de résultat, malgré qu'on ait une loi corsée bien dur.

M. Lelièvre (Jacques): Moi, M. le ministre, je vous dirais qu'on a accompli de grandes choses avec la Société de l'assurance auto en parallèle avec les campagnes de sensibilisation, et la police embarque là-dedans. Surtout dans une ère qu'on appelle communautaire, en général, dans la société, je pense qu'il nous reste encore un bout de chemin à faire dans ce sens-là aussi.

Mais je voudrais faire une précision aussi. Il n'est pas dit que les policiers n'émettent pas de constat d'infraction aux cyclistes. Il faut bien s'entendre. Ce ne sera pas la grande majorité de nos constats, mais je vous dirais qu'on en émet quand même un bon nombre sur la vaste étendue qu'on a des articles dans le Code au regard des cyclistes. Pour ce qui est des patineurs à roues alignées, la même chose, les policiers sont un peu plus mal à l'aise d'intervenir du fait qu'ils ne se sentent pas armés – et c'est le cas de le dire – pour être capable d'identifier les gens positivement. C'est à peu près le seul aspect qu'on pourrait soulever ici et dire que les policiers n'interviennent pas autant au niveau des cyclistes qu'ils vont intervenir au niveau des automobilistes. C'est bien évident, l'automobiliste, c'est clair, les règles sont claires, il se tasse, on l'identifie, il se doit de s'identifier. C'est le problème qu'on a au niveau des autres. Et j'embarque là-dedans autant les patineurs, que les cyclistes, que les piétons.

Parce qu'il faut se le dire, on ne se le cache pas, Peel–Sainte-Catherine ou McGill–Sainte-Catherine à 17 heures du soir, là, ou à midi, c'est une parade, il y en a, il y en a, il y en a 300 qui passent. Puis ça nous prendrait pas mal de policiers pour faire ça. Puis, malgré le fait que les policiers soient sur le coin de la rue, les gens vont passer sur la rouge quand même. C'est dans notre culture, ça fait partie de nous, ça, en quelque part. Mais c'est ça qu'il faut changer. Puis, pour changer ça, c'est peut-être pas à coup de règlements, c'est peut-être justement à coup d'opérations de sensibilisation et d'investir là-dedans.

M. Chevrette: Oui, mais on a un problème parce qu'on constate à travers le monde que les périodes, les campagnes de sensibilisation, d'information, de formation plafonnent. Prenez la ceinture, ça a plafonné à 35, 40, max. Puis, dès que le coercitif a embarqué avec l'incitatif, c'est là qu'on est devenu quasiment un peuple exemplaire. On s'attache à plus de 95 %, au Québec. C'est extraordinaire. Donc, il ne faut pas éliminer le coercitif, à un moment donné.

Parce que là les policiers, tous les corps, vous autres, la Sûreté du Québec, les corps municipaux sont tous venus témoigner: On est contre le port du casque. Puis, en même temps, vous me dites: Chevrette, tu fais tourner à droite, puis ça, c'est bien dangereux, on ne veut pas. Je peux vous dire qu'il n'y a peut-être pas plus qu'un décès par deux ans entre le virage à droite, selon les statistiques et les projections faites, puis vous en avez 26 par année en bicycle. Je ne sais plus quoi penser, moi, Je suis mal pris. Vous êtes des gens écoutés, vous autres, la Sûreté, bien plus que les politiciens. Pourriez-vous nous aider à mettre un peu d'ordre puis de cohérence dans ça?

M. Beaudoin (Michel): Écoutez, oui, on en a 26 à bicyclette, on le conçoit. D'un autre côté, on se dit bien: On doit quand même travailler à baisser le nôtre. Tandis que, si on arrive au niveau du virage à droite, on se dit: On peut en tolérer... Bien, tolérer, c'est un bien grand mot. Mais, si c'est pour en créer, je pense qu'on doit déjà se questionner.

M. Chevrette: Savez-vous que le nombre de décès est plus grand sur les lumières vertes que sur le virage à droite sur rouge?

M. Beaudoin (Michel): Bien, c'est un petit peu ça qu'on vous disait tantôt, M. le ministre, à savoir, déjà sur les feux verts, les virages à droite, on est obligé de mettre une signalisation avec des flèches parce que c'est déjà dangereux pour les piétons. On essaie de s'imaginer si on le faisait sur un feu rouge.

M. Chevrette: Mais vous nous demandez d'harmoniser les règles du jeu dans le transport lourd avec nos voisins, vous nous demandez d'harmoniser les peines pour que ce soit comparable avec nos voisins, on cherche à s'harmoniser et puis vous nous dites: Non ce n'est pas ça. Là, la Sûreté du Québec est d'accord avec le virage. Vous ne vous êtes pas contactés, vous ne vous êtes pas consultés ou concertés là-dessus? La Sûreté du Québec est venue nous dire qu'elle était d'accord avec le virage à droite.

M. Beaudoin (Michel): Mais, nous, on l'a regardé dans le cadre de notre contexte particulier au niveau du SPCUM.

M. Chevrette: Mais pensez-vous que je vais enlever la signalisation à Montréal? Moi, c'est ça que je veux expliquer. Parce que la ville de Montréal va venir me dire la même chose que vous.

M. Lelièvre (Jacques): Oui, essentiellement.

(16 h 30)

M. Chevrette: Pensez-vous qu'on est assez caves pour enlever la petite main qui arrête le monde, le petit bonhomme qui passe du rouge au blanc, la petite flèche qui existe, les chronomètres qui donnent du temps de transport? Ce n'est pas ça qu'on veut faire. C'est qu'on va tout permettre ça. Puis, si vous voulez en mettre encore plus... Si on vous donnait la responsabilité d'établir toutes les... Comment justifiez-vous qu'il n'y a aucune passe de piétons sur la rue Guy, à Montréal? Sherbrooke et Guy? McGill? Il n'y en a pas, de passe de piétons, aucune signalisation.

M. Lelièvre (Jacques): Vous voulez dire rouge sur les deux côtés ou...

M. Chevrette: Il n'y a rien pour les piétons pour les aider. Je vais vous en donner une série à Montréal, là.

M. Lelièvre (Jacques): Je suis d'accord.

M. Chevrette: Puis on venait se faire dire ici: Oups, attention! En Abitibi, il y a peut-être une lumière ou deux, le virage à droite n'a pas trop d'influence, là.

M. Lelièvre (Jacques): Non, ça n'a pas... Oui, c'est vrai.

M. Chevrette: À Hull, il y a 50 000 personnes qui s'en vont de temps en temps du côté nord, qui traversent le canal Rideau. Ils sont corrects pour trois heures, puis ils reviennent ici puis ils sont incorrects.

M. Lelièvre (Jacques): Tout à fait.

M. Chevrette: On peut-u trouver un modus vivendi, à travers ça, qui a de l'allure un petit peu puis garder une signalisation intelligente puis faire quelque chose de brillant un petit peu?

M. Lelièvre (Jacques): Je vous dirais que notre caractère particulier fait en sorte que...

M. Chevrette: Oui, mais on passe notre temps à dire qu'on est latins puis qu'on n'est pas comme les autres. Bon Dieu! à un moment donné, il va falloir arriver en ville. On va aux États-Unis, M. le chef, il y a 450 000 à 500 000 citoyens qui vont aux États-Unis, en Floride, puis ils chauffent, puis ils virent à droite, puis, quand c'est marqué «don't turn», bien, on ne tourne pas. On sait lire l'anglais puis le français un peu. On ne tourne pas, puis on n'est pas plus caves qu'ailleurs. Qu'est-ce que c'est qu'on a, maudit, qui nous rend différents à ce point-là?

M. Lelièvre (Jacques): On ne va pas loin, on va en Ontario, et puis j'étais tout surpris de voir le respect qu'il y avait entre les deux, entre les automobilistes puis les piétons. Puis là j'arrive au Québec puis c'est la chasse, c'est totalement le contraire. Donc, ce n'est pas une question de réglementation; les règlements sont là. C'est bien dans les attitudes puis les comportements. Les Québécois, on est délinquants au niveau de la sécurité routière. C'est peut-être le francophone, c'est peut-être... Je ne sais pas à quoi c'est dû, mais c'est dû à quelque chose. Et, nous, on essaie de sauver des vies, par surcroît de tout ça, et notre but ultime, c'est d'avoir zéro de décès dans nos limites territoriales. C'est pour ça qu'on est d'accord avec toutes les mesures qui vont encourir vers ça, vers la sécurité des gens.

M. Chevrette: Mais le casque en sauverait peut-être 13 sur les 26, puis vous êtes contre.

M. Lelièvre (Jacques): Non, on n'est pas contre, non. Il faut comprendre. On n'est pas contre le port du casque, mais on est contre la législation du port du casque.

M. Chevrette: O.K.

M. Lelièvre (Jacques): Et c'est là-dessus. Je vous dis que, oui, je serais d'accord.

M. Chevrette: C'est pas mal mieux dit de même, là, que d'arriver dans un résumé, dire: Ils sont contre le port du casque.

M. Lelièvre (Jacques): Non, on n'est pas contre le port, on est contre la législation du port du casque au moment où on se parle et pas pour toujours non plus. J'aimerais juste, peut-être, préciser ça, au niveau du casque, là, que c'est vraiment dans deux ou trois campagnes ou dans deux ou trois ans. Parce que la Société fait encore des grosses campagnes là-dessus. Je pense qu'on peut augmenter.

M. Chevrette: Juste 30 secondes.

(Consultation)

M. Chevrette: Moi, je vais arrêter là. Je vous remercie. On se reprendra sûrement.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Bon, il y a certains points que le ministre a abordés, sur lesquels je vais revenir mais quand même rapidement. La question des patins à roues alignées. En fait, j'ai les mêmes difficultés à comprendre, là. On a un règlement qui dit que les gens n'ont pas le droit d'aller sur les chaussées au niveau du patin à roues alignées et puis, de fait, on ne l'applique pas. La perception, aussi – vous allez nous fournir des chiffres, éventuellement – au niveau des billets qui seraient donnés, par exemple, à des cyclistes qui ne respectent pas le Code de sécurité routière, l'impression que j'ai, c'est qu'il n'y en a pas beaucoup. Je peux me tromper, je n'ai pas de chiffres. Mais j'ai hâte de voir ces données-là parce qu'on a l'impression qu'il y a des...

Comme dans le cas du patin à roues alignées, vous nous dites, au fond, votre position: Laissons ça comme c'est là, statu quo. Mais, statu quo, c'est qu'il y a un règlement qui dit qu'ils n'ont pas le droit, puis tout le monde y va, puis on ne fait rien. Alors, de quelle façon on améliore la situation? Parce qu'on sait que, de la façon dont c'est fait actuellement, c'est un peu désordonné et puis c'est dangereux pour tout le monde. Mais, si on laisse la situation telle qu'elle est... Puis «telle qu'elle est», ça veut dire qu'il y a un règlement qui dit que c'est défendu partout. Mais tout le monde va partout, puis on ne fait rien. Alors, qu'est-ce qu'on fait?

M. Lelièvre (Jacques): Si vous me permettez, notre position n'est pas de conserver le statu quo, c'est plutôt de leur donner accès à certaines rues résidentielles.

M. Bordeleau: Alors, vous êtes pour l'accès limité dans certaines zones.

M. Lelièvre (Jacques): Accès limité dans certaines rues et aussi évidemment conserver les voies cyclables qu'on a actuellement. Parce que, quoiqu'il en soit, on ne pourra pas les éliminer, puis ce n'est...

M. Bordeleau: Non, ça, je suis d'accord.

M. Lelièvre (Jacques): ...pas dans notre intention non plus. C'est pour ça qu'on sort une valve de sûreté puis on dit: En leur donnant certains accès, je pense que ça va être facile et on va être plus aptes à renforcer notre répression ou à faire notre répression sur les grandes artères où c'est vraiment plus dangereux.

M. Beaudoin (Michel): Puis ce qu'on pourrait peut-être ajouter, en grand principe pour l'ensemble, en fait, ce qu'on dit, c'est qu'on n'est pas contre les lois. Ce qu'on dit, c'est: Il faut qu'on commence, dans un premier temps, à travailler au niveau des habitudes, des perceptions et des cultures par des campagnes de sensibilisation. Ça serait utopique de croire qu'on va envoyer un policier au coin de Peel et Sainte-Catherine, comme exemple, puis on va lui dire: Aujourd'hui, toi, à midi, tu vas sanctionner tous les piétons qui traversent au niveau de la rue. On va avoir, dans un premier temps, un tollé au niveau de la population, où on va traiter les policiers d'une intransigeance extrême. Et, dans un deuxième temps, le policier qui va aller faire cette fonction-là, il va dire: Moi, là, c'est hors normes, c'est hors règles de ce qu'on fait normalement en matière d'approche que tout à coup vous décidiez d'appliquer sans retenue ce genre de loi là, ce genre de règlement là, parce que ça ne l'est pas présentement. Donc, ce qu'on dit: De part et d'autre, ça prend une progression dans cette démarche-là.

M. Bordeleau: Moi, je suis tout à fait d'accord, je suis vendu à 100 % au fait de faire de la prévention, puis ces choses-là, excepté que, avant... Puis l'autre risque aussi, c'est qu'on risque de faire des règlements additionnels, des lois additionnelles, alors qu'on en a qu'on n'applique pas. Il me semble que c'est évident que, si on dit: Les gens ne respectent pas en général un règlement, on laisse faire, on ne fait rien, ou l'autre hypothèse de dire: Bien, on va donner des billets à tout le monde, je pense que ce n'est pas plus réaliste un que l'autre, là. Mais, avoir des policiers, par exemple, à une intersection, qui décident qu'ils arrêtent les gens, qu'ils les font attendre, il me semble que ça peut être possible de faire ça à un moment donné. Quand on sait qu'il y a des problèmes à des places puis qu'on veut... c'est une forme de... Il n'y a pas de conséquences, avec un billet, tout ça, mais on met des gens qui essaient d'encadrer puis qui essaient, avec le rôle qu'ils ont à jouer, de dire aux gens: Bien, vous ne traversez pas.

M. Beaudoin (Michel): Mais ce que je vous dirais, en contrepartie, c'est que ce n'est pas un problème à des places, c'est un problème en général, généralisé. Je parle pour le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Et, l'intervention des policiers, ça serait utopique de croire qu'on peut mettre des policiers d'une façon systématique à x nombre d'endroits pour faire ces genres d'interventions là. Je pense que vous êtes familiers avec le taux d'encadrement et de système et la charge que nos policiers ont à faire aujourd'hui. Ça serait utopique de croire qu'on va pouvoir mettre des policiers spécifiquement, dire... On le fait dans le cadre de campagnes bien particulières. À toutes les années, on a des campagnes de piétons; on le fait dans ce cadre-là. Effectivement, on fait un blitz puis on le fait. Mais ça a l'impact que ça peut avoir pendant la période donnée, concernée, mais ce n'est pas nécessairement un effet durable qui va être récurrent dans le temps.

M. Bordeleau: Non, je suis tout à fait d'accord avec le constat que vous faites, excepté que je trouve ça... C'est vrai qu'on demande beaucoup aux policiers, je l'ai mentionné déjà. C'est vrai que, les policiers, il y a des ressources additionnelles qui sont nécessaires qui ne sont pas là dans les faits, alors on ne peut pas exiger, en même temps, qu'une quantité de personnes fassent un travail quand les ressources ne sont pas là. Ça, je suis conscient de ça aussi.

Ce qu'il faut réaliser, au fond, puis c'est peut-être ça qui est difficile à accepter, c'est que, compte tenu des difficultés, bien, on ne fait rien, on laisse faire partout. Alors, à un moment donné, il faut commencer à quelque part. Je suis d'accord que la prévention au départ, ça peut donner des résultats à long terme. Mais, si on pouvait travailler à deux niveaux, c'est-à-dire au niveau de la prévention puis aussi au niveau, pas de la répression, mais, par exemple, d'un meilleur contrôle... C'est un peu décevant, comme citoyen, puis je pense que c'est un peu ça que les citoyens ressentent aussi, de se retrouver dans une situation où on dit: Bon, bien, coudon, il n'y a pratiquement rien à faire, donc on se croise les bras puis on laisse aller ça.

(16 h 40)

M. Lelièvre (Jacques): Soyez assurés que ce n'est pas l'attitude des corps policiers au Québec. Il y a un choix de priorités. Il y a un choix à faire au niveau des priorités, justement. Et, dans les grands centres urbains, c'est plus difficile d'affecter des ressources à ce genre d'événements là que dans la criminalité, c'est bien évident. Sauf qu'on ne délestera pas la sécurité des cyclistes au détriment des autres. Ça, c'est bien évident, et soyez assurés de ça.

Pour juste conclure avec l'information que j'ai au niveau des constats – et on va vous la faire parvenir de manière plus précise – ça tourne autour, pour le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, de 2 500 constats par année, à peu près. Ce n'est quand même pas énorme, mais c'est quand même un signe que les policiers interviennent malgré tout lorsqu'on leur dit qu'effectivement on s'en va vers une police qui soit plus communautaire et plus éducationnelle, si on veut. Donc, on essaie de sensibiliser les gens. Mais ils ont un rôle répressif, à travers tout ça. Et, oui, on veut qu'ils interviennent davantage.

M. Bordeleau: Quand vous donnez les contraventions, comme ça, aux cyclistes, c'est des amendes de combien?

M. Lelièvre (Jacques): C'est très peu dispendieux. Ça joue autour de 35 $ plus les frais ou à peu près.

M. Bordeleau: Puis c'est dans quel genre d'infractions surtout que vous donnez ces... De toute façon, je ne veux pas avoir des chiffres, là.

M. Lelièvre (Jacques): Oui.

M. Bordeleau: Mais quel genre d'infractions font que vous donnez des contraventions?

M. Lelièvre (Jacques): Ça peut être passer sur un feu rouge, ça peut être circuler à un endroit défendu. Mais c'est ce qui va ressortir, ça ne sera pas... Ça, c'est un peu comme la vitesse, si vous me permettez. Les gens roulent à une telle vitesse, bien, on tolère telle vitesse. C'est un peu ça qu'on constate aujourd'hui. Mais, pour ce qui est des cyclistes et des patineurs à patins à roues alignées, au niveau de la Communauté urbaine de Montréal, on va tolérer un certain comportement type, mais au-delà de ça, on va intervenir. Ça fait que c'est dans ce sens-là qu'on va émettre des constats d'infraction.

M. Bordeleau: Je vais passer à d'autres sujets, parce qu'il y en a d'autres que je veux aborder, quand même. La question du virage au feu rouge. Je pense que le ministre y a fait référence, tout à l'heure, je pense qu'il y a peut-être une place où on peut... c'est quasiment une zone pilote, c'est la région de l'Outaouais. On sait que les gens d'un côté traversent de l'autre bord, retournent chez eux. Les gens qui vivent là-bas – en tout cas, tous ceux qui sont venus en commission, on n'a pas eu d'indication, je pense, de personnes de la région nous disant que c'était faux – il semble qu'il n'y en a pas, de problème, que les latins, quand ils sont à Hull, ils vont à Ottawa, puis ils ne sont pas moins latins, ils ne le sont pas plus, puis ils fonctionnent là-bas. Puis, quand ils reviennent de l'autre bord, ils ne peuvent pas fonctionner comme ils fonctionnaient à Ottawa. Alors, c'est un peu bizarre, comme situation.

Et, quand vous nous dites, dans votre mémoire – je cite votre mémoire à la page 6: «Bref, compte tenu que leur rôle consiste, entre autres, à sécuriser le réseau routier, les organisations policières sont en désaccord avec cette mesure.» il ne faut pas généraliser non plus. Vous êtes peut-être en désaccord, mais la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec est en accord. Alors, ce n'est pas les organisations policières, là, c'est votre organisation.

M. Lelièvre (Jacques): Bien, la partie patronale des organisations policières et non pas les associations accréditées. C'est juste de faire la nuance. On ne représente pas la Fraternité des policiers, on ne représente pas la Fédération des policiers du Québec ni l'Association des policiers provinciaux ou municipaux, on représente la partie patronale des entités que je vous ai énumérées.

M. Bordeleau: Oui, mais vous cherchez à atteindre les mêmes objectifs, que vous soyez...

M. Lelièvre (Jacques): On l'espère, en tout cas.

M. Bordeleau: Bon. Alors, pourquoi, dans un cas, ils sont d'accord puis, dans l'autre cas, ils ne sont pas d'accord? C'est la même problématique, là.

M. Lelièvre (Jacques): Ah! bien ça, parfois je vous dirais qu'il y a des individus même qui ne sont pas d'accord, et au-delà de l'organisme qu'ils représentent.

M. Chevrette: Il y a des conjonctures...

M. Lelièvre (Jacques): Pardon?

M. Chevrette: Il y a certaines conjonctures, aussi.

M. Lelièvre (Jacques): Oui.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Quand on parle du virage, vous nous dites aussi: «Comme il est dangereux pour un piéton de traverser une intersection sur un feu vert, comment peut-on prétendre que le conducteur respectera les autres usagers de la route lorsqu'il s'engagera dans une intersection sur un feu rouge?» C'est évident qu'il y a plus de risques sur le feu vert qu'il y en a sur le feu rouge. La personne qui traverse, quand je traverse, moi, sur un feu vert puis que l'auto à côté de moi part en même temps que moi parce qu'elle a le feu vert elle aussi, bien, on est deux en compétition. Là, la seule règle qui existe, c'est la priorité au piéton. Mais là il y a un piéton, une automobile qui partent, puis ils traversent la route en même temps, il risque d'y avoir des...

C'est clair que c'est bien plus dangereux là que dans le cas du virage à droite sur un feu rouge où, moi, comme piéton, je suis obligé d'arrêter – je n'ai pas le droit de traverser, elle est rouge, la lumière – puis l'auto, elle, elle peut traverser après avoir fait son arrêt, mais, moi, je ne traverserai pas, je n'ai pas le droit de traverser. Donc, il est où, le danger? Je ne suis pas en compétition avec la voiture, alors que, dans le cas du feu vert, je suis en compétition avec la voiture.

M. Lelièvre (Jacques): Regardez, l'intersection, face à vous, le feu est rouge – c'est ça que vous me dites? – ...

M. Bordeleau: Oui.

M. Lelièvre (Jacques): ...et le véhicule veut tourner sur le feu rouge. Mais que faites-vous des piétons qui veulent traverser sur leur feu vert, eux, où le véhicule s'en vient? Ce n'est pas juste comme ça que ça se passe. C'est comme ça...

M. Bordeleau: Non, ça, je suis d'accord que celui-là est plus dangereux. Mais il n'est pas plus dangereux à Hull qu'à Ottawa, là.

M. Lelièvre (Jacques): Non. Hull...

M. Beaudoin (Michel): Vos piétons ils vont aussi traverser sur le feu rouge, ce qui, malheureusement, est une réalité.

M. Bordeleau: Ah! bien, non, mais là je parle des gens qui respectent la loi. C'est évident que...

M. Lelièvre (Jacques): Dans un monde meilleur.

M. Beaudoin (Michel): Oui. O.K. Mais, quand on regarde tout ça, je pense qu'il faut regarder dans le contexte global. Qu'est-ce qu'on disait au début? C'est que, avec la mentalité de la culture qui est installée ici, quand les gens vont ailleurs, ils sont la minorité parmi une majorité de gens qui respectent. Tandis que, quand ils sont ici, bien, c'est la dynamique de ça, du non-respect, qui est élargie à la large part de la population.

Et, des infractions, oui, il y a la question du virage à droite, mais il y a la question du piéton qui va traverser aussi en infraction. Je pense que l'exemple du ministre tantôt, Peel et Sainte-Catherine, c'est le plus bel exemple au niveau du nombre de gens qui peuvent contrevenir. Donc, les piétons vont continuer à vouloir passer sur le feu rouge, puis l'automobiliste va essayer de tourner à droite sur le feu rouge.

M. Bordeleau: Ça, je suis d'accord. À Montréal, je connais très bien, je...

M. Beaudoin (Michel): On va avoir de sérieux problèmes.

M. Bordeleau: Je demeure à Montréal, je comprends très bien qu'il y a des parties à Montréal où ça peut être dangereux. Mais est-ce que, pour ces zones-là, il faut être contre le virage à droite au feu rouge ou bien, non, si c'est dans ces cas-là qu'on doit apporter des solutions? Le virage à droite généralement permis, ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'exceptions et qu'il n'y aura pas d'autres règles aussi qui pourraient jouer, par exemple le temps de traverse des piétons, dans certains zones qui sont particulièrement importantes, qu'il y ait des feux avec des délais, un chronométrage plus long pour... Mais, pour ces cas-là, on annule une règle générale qui, à mon avis, pourrait peut-être fonctionner, si on regarde ce qui se passe ailleurs.

M. Lelièvre (Jacques): Pour la région de Hull-Ottawa, on est d'accord que ça cause un conflit. Mais je vous dirais que, en tant que policiers, on a eu à se déplacer soit à Vancouver ou même à Toronto et on change notre comportement, c'est incroyable. C'est incroyable. On ne traverse plus n'importe où, on fait attention, on respecte le conducteur, sachant que le conducteur automobiliste nous respecte. On change nos comportements. Quand on vient au Québec – et la plus belle preuve, c'est les conducteurs qui arrivent des autres provinces et même des États-Unis – au Québec, c'est «Wild, Wild West», c'est comme: On s'en va à la vitesse qu'on veut, il n'y en a pas de trouble. C'est ça, la pensée magique qu'on a, nous. C'est que tout va se régler par une réglementation, que tout va se régler par l'application d'une certaine réglementation. Ici, il faut être prudent. En tout cas, nous, on vous dit: Il faut être prudent.

M. Bordeleau: O.K. Moi, ça va.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre participation aux travaux de la commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite tout de suite le groupe MADD Montréal.

Alors, bienvenue, mesdames. Vous avez 10 minutes de présentation et par la suite les échanges avec les parlementaires. Si vous voulez bien vous identifier ainsi que la personne qui vous accompagne.


MADD Montréal (Les mères contre l'alcool au volant)

Mme Kramer (Theresa-Anne): Bonjour. Je tiens à remercier la commission de son invitation. Je m'appelle Theresa-Anne Kramer, je suis présidente de MADD Montréal. Je vous présente ma collègue Sara Latour, qui est une ancienne membre de la GRC et qui agit comme notre trésorière dans notre section locale.

J'aimerais, tout d'abord, définir notre organisation et, ensuite, exposer nos commentaires sur les cinq questions posées dans le livre vert. MADD Montréal est une organisation, la première section québécoise de MADD Canada. Mothers Against Drunk Driving, Les mères contre l'alcool au volant, est une organisation à but non lucratif formée de bénévoles, des hommes et des femmes, dont le mandat est de mettre fin à l'alcool au volant. MADD Canada joue un rôle primordial dans l'élaboration des lois pour contrer l'alcool au volant. Voici quelques exemples de ce que nous avons réussi à faire dans les dernières années.

(16 h 50)

Plusieurs de nos 11 recommandations que MADD Canada a présentées au comité fédéral de la justice sont maintenant lois. Au Manitoba, MADD a participé à l'élaboration des lois prévoyant prolonger la suspension de conduire à 24 heures pour les personnes dont le taux d'alcoolémie est supérieur à 0,05. Aussi, MADD a travaillé pour aider à élaborer les lois pour imposer des frais de rétablissement du permis. Grâce à MADD, le ministre des Transports et des Travaux publics de la Nouvelle-Écosse appuie depuis quelques années l'emplacement d'un grand nombre de croix aux sites de collision sur les autoroutes. En faisant réfléchir sur les ravages de l'alcool au volant, ces croix contribuent à la sécurité publique. MADD Canada a aussi accepté l'invitation du ministre à participer à un comité consultatif afin de collaborer à l'élaboration d'initiatives contre l'alcool au volant dans cette province. Donc, voici plusieurs choses que nous avons réussies.

Notre mandat est de mettre fin à la conduite avec facultés affaiblies et de venir en aide aux victimes de ce crime de violence. Nous appuyons donc avec vigueur les recommandations du livre vert, en particulier l'abaissement de la limite provinciale de 0,08 à 0,04.

Des études ont démontré que l'affaiblissement des facultés par rapport à l'opération d'un véhicule motorisé commence à 0,03. Le mythe voulant que nous puissions conduire parfaitement bien à des niveaux d'alcool de 0,04 et 0,05 pourrait bien nous être fatal. Il est vrai que six morts sur 10 sont reliées à des taux d'alcoolémie très élevés. Ça, c'est vrai. Mais il y a deux morts sur 10 qui sont liées à des taux d'alcoolémie à 0,08. Cela nous laisse à expliquer encore deux morts sur 10. Celles-ci sont reliées directement à des taux d'alcoolémie inférieurs à 0,08.

Si nous considérons qu'il y a environ 300 décès par année au Québec, un chiffre que le coroner Paul Dionne, dans son rapport sur le décès de Diane Olivier, considère comme une pointe de l'iceberg, nous arrivons néanmoins à 60 décès attribuables à un niveau d'alcool que nous, les Québécois, croyons inoffensif. Soixante décès, ça, c'est tout le monde dans cette salle-ci puis quelqu'un qu'on aime. Ça revient à peu près à ça, 60 décès.

L'abaissement de la limite à 0,04 ne criminalise toujours pas ce niveau d'alcool chez nos conducteurs, mais il peut sauver des vies. La suspension du permis pour une période de trois mois qui accompagne cette mesure, en plus de rendre instantanément nos routes plus sécuritaires, lance un message clair et irrévocable que l'alcool au volant n'est plus tolérable.

Comme tout parent qui est appelé à imposer des sanctions pour le bien-être de sa famille, nous, nous devons prendre les mesures nécessaires pour le bien-être de la société. Est-ce qu'on devrait reculer devant ces sanctions parce qu'elles nous apparaissent difficiles à appliquer? C'est ça, la question importante. Est-ce qu'on recule parce que c'est difficile à appliquer? Parce que, oui, il y en a des difficultés.

Aussi, est-il important que les sanctions reflètent la gravité du crime? La mise en oeuvre d'un système de sanction gradué en fonction du taux d'alcoolémie permet un jugement que nous croyons équitable de chaque cas d'alcool au volant, allant du conducteur qui affiche un faible taux d'alcoolémie à celui qui dépasse grossièrement les bornes. Naturellement, l'application du niveau d'alcool zéro pour les conducteurs de véhicules commerciaux va de soi. Personne n'aime envisager l'horreur qui pourrait se produire par le conducteur d'un poids lourd ou d'une souffleuse alors que le conducteur pense qu'il est en parfait état pour conduire après avoir consommé une petite quantité d'alcool, une quantité qui, sans le placer au-dessus de ce fameux taux sécuritaire mythique de 0,04 ou 0,05, contribue nettement à la diminution de ses facultés.

Quant à nos jeunes, le haut degré de danger présent lorsque se marient l'inexpérience, certains comportements à risque et l'alcool nous oblige à recommander la tolérance zéro jusqu'à l'âge de 21 ans. Dans notre rapport, les jeunes et les accidentés de la route démontrent clairement ce besoin. Notre jeune titulaire de permis de conduire de 19 ans, présentement, s'il a son permis de conduire à 19 ans, il est non assujetti au zéro tolérance. Ils font partie, par exemple, d'un groupe où les statistiques mentionnent trop souvent des termes de décès.

Le rapport propose plusieurs solutions qui prouvent l'efficacité d'adopter des mesures plus sécuritaires pour les jeunes, entre autres la conduite avec surveillance la nuit et un nombre restreint de passagers. Le dépistage systématique lors des barrages routiers serait un outil par excellence pour convaincre le conducteur de la nécessité d'éliminer l'alcool au volant. Nos policiers sont sur le champ de feu, donnez-leur les outils. On doit leur donner les outils et l'opportunité d'agir sur-le-champ.

Jusqu'à présent, nous avons axé notre présentation sur les mesures préventives et punitives qui serviront à combattre l'alcool au volant. Je désire seulement terminer cette audience en offrant notre opinion sur la dernière question du rapport, celle de l'indemnisation des criminels de l'alcool au volant. En tant qu'organisation qui supporte les victimes de ce crime, nous ne pouvons approuver cette mesure. Il nous semble injustifiable et aberrant d'indemniser des criminels. Nous exhortons le gouvernement à indemniser plutôt les victimes de l'alcool au volant d'une façon plus équitable et humanitaire. Les victimes en ont grandement besoin et méritent bien plus.

L'alcool au volant est un crime aux multiples facettes demandant la recherche et l'application de solutions multidimensionnelles. Permettez-moi une petite analogie. Toute personne qui a eu à enrayer une tache qui n'est pas facile à enlever peut s'y identifier. Nos chères grand-mères nous enseignaient qu'en frottant une mauvaise tache dans seulement une direction on pouvait certainement enlever une partie de la tache, mais une partie restait là tout le temps, indélébile. Par contre, en frottant cette tache dans toutes les directions, dans plusieurs directions, on pouvait réussir à la faire disparaître au complet.

Voici le défi collectif que nous avons à entreprendre: utiliser tous les moyens à notre disposition pour enrayer cette tache honteuse à notre société qu'est l'alcool au volant. Nous croyons que ce but est à notre portée, au nom et à la mémoire de toutes les victimes. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Kramer. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, mesdames, pour votre présentation. Je voudrais vous poser une question dont vous ne traitez pas, c'est les conducteurs professionnels.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui.

M. Chevrette: Plusieurs groupes nous recommandent la tolérance zéro pour les camionneurs, les transporteurs autobus, les chauffeurs de taxi parce qu'ils ont un rôle assez évident. Un chauffeur d'autobus a au moins 40 vies humaines dans son autobus. Le taxi, bien souvent, c'est parce que j'ai peur d'avoir 0,09 que je prends un taxi. Je ne voudrais pas qu'il se retrouve à 0,16, j'aurais l'air intelligent. Donc, la question, c'est: Allez-vous dans le même sens que plusieurs groupes sont allés en ce qui regarde les conducteurs professionnels?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Ah oui! certainement. Comme je vous ai dit, ce n'est pas acceptable pour nous de penser que le chauffeur d'une souffleuse ou d'un poids lourd soit à autre chose que zéro tolérance. Comme exemple du grand besoin de cela, je vous cite un article qui a paru dans la Gazette . On voit ici un bar et on voit la serveuse en train de servir des camionneurs pendant qu'ils sont arrêtés là. Mais ces gens-là vont reprendre la route. C'est inacceptable. Il faut avoir tolérance zéro pour tout professionnel. C'est un droit pour nous, les citoyens, je crois.

M. Chevrette: Maintenant, tous les jeunes qui vont chercher leur permis de conduire présentement, que ce soit à 16 ans, 17 ans ou 18 ans, on me dit qu'il y a tolérance zéro pendant trois ans. Est-ce que vous craignez qu'on change ça, pour proposer ce que vous proposez au niveau des jeunes? Vous êtes d'accord qu'on continue dans cette lignée-là?

M. Kramer (Theresa-Anne): Oui, certainement. Le rapport parle de zéro tolérance pour les nouveaux conducteurs jusqu'à l'âge de 25 ans. Mais, nous, on aimerait ajouter à ça que les jeunes, jusqu'à l'âge de 21 ans, même s'ils sont titulaires d'un permis complet, eux aussi soient soumis au zéro tolérance.

(17 heures)

M. Chevrette: En d'autres mots, si j'y vais à 16 ans, je ne peux pas l'avoir avant cinq ans, je serais tolérance zéro pour cinq ans.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui.

M. Chevrette: Si j'y vais à 17, ça peut être quatre ans, 18, trois ans.

Mme Kramer (Theresa-Anne): C'est ça.

M. Chevrette: O.K.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Parce que le danger d'un jeune à 19 ans est vraiment accru, et, comme je disais tantôt, c'est une accumulation de plusieurs choses, c'est les amis, les comportements dangereux, ajoutées avec l'alcool vraiment ça a des répercussions terribles, et on croit qu'au moins jusqu'à 21 ans ces comportements-là sont reliés ensemble.

M. Chevrette: Par contre, on leur reconnaît une maturité à 18 ans selon les droits civils.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui, c'est vrai, les droits civils sont là, mais le comportement... Comme dans notre étude, les statistiques démontrent que c'est ce groupe d'âge là qui est le plus souvent relevé dans les statistiques fatales. Donc, on a le devoir de voir à nos enfants puis d'être certain que, même si eux autres... Notre jeune de 18 ans, c'est vrai qu'il est un adulte, mais, nous, dans notre coeur de mère, des fois on pense un petit peu le contraire.

M. Chevrette: On les voit petits longtemps. Ha, ha, ha!

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui.

M. Chevrette: Même dans le coeur de père.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui, oui.

M. Chevrette: On a de la difficulté à comprendre qu'ils vieillissent comme nous, c'est tout à fait vrai.

Vous n'avez pas parlé dans votre mémoire des autres objets qui sont soumis à la consultation dans le livre vert. Est-ce que vous me permettriez de quand même vous questionner?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui, certainement. Il me semblait que nous avions touché à tous les sujets, mais...

M. Chevrette: Non, non, mais au niveau de l'exposé public vous vous en êtes tenue beaucoup à l'alcool, le taux d'alcool dans le sang, aux règles.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui.

M. Chevrette: Mais prenons le patin.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Pardon?

M. Chevrette: Le patin à roues alignées.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui.

M. Chevrette: Vos jeunes sont aussi dans les rues de Montréal. La loi l'interdit formellement. Est-ce que vous avez des suggestions à faire? Parce que la loi n'est nullement appliquée.

Mme Kramer (Theresa-Anne): C'est difficile pour moi de répondre à votre question, parce que ce n'est pas un sujet sur lequel j'ai de la formation. Comme mère, je demande à mes enfants d'appliquer la loi.

M. Chevrette: Parce que je pense qu'il n'y a aucun corps policier qui applique la loi en ce qui regarde les patins à roues alignées.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Non?

M. Chevrette: Bien, tu as la Gendarmerie peut-être. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Peut-être.

M. Chevrette: Mais qu'est-ce que vous suggérez? On me dit qu'il n'y a à peu près pas d'infractions sur le territoire québécois. Pourtant, s'il y a un article qui est clair dans la loi, c'est que tu n'a pas le droit d'emprunter le système routier avec des patins à roues alignées.

Mme Latour (Sara): Bien, le problème, si je peux répondre, c'est qu'il y a plein de gens qui se promènent mais sans identification sur eux. Et comme ça, s'ils partent de la maison, ils ont peut-être un peu de change, de l'argent, mais ils n'ont pas de papiers d'identité. Comme ça, c'est très difficile en tant que policier de...

Une voix: ...

Mme Latour (Sara): Oui. Comme agir... En tant que ça, est-ce que tu l'arrêtes, parce qu'il n'a pas d'identification? Parce que, si jamais on les arrête, il faut les identifier avant de les laisser aller. Je ne sais pas quoi dire. Moi, j'aimerais, pour la sécurité, avoir comme les pistes cyclables, les affaires comme ça. Mais parfois, pour ceux qui sont en roues alignées – moi, personnellement, je ne le fais pas – c'est plus pratique d'aller où ils peuvent, comme en bicyclette. Comme ça, c'est très difficile en tant que policier de les identifier. Est-ce qu'on les arrête tous? Puis tout à coup tu te ramasses avec un accident d'auto, puis tu as des gens à roues alignées, mais tu les as dans l'auto. Qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qui est le plus grave? Mais les accidents, oui, en effet, ça peut causer.

M. Chevrette: Je vous remercie. Je vais donner la chance à mon collègue de vous questionner.

Le Président (M. Lachance): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. À la fin de votre exposé, vous avez abordé très rapidement le côté de l'indemnisation des criminels, ceux qui sont reconnus comme criminels suite à un accident avec les facultés affaiblies. Alors, vous avez dit qu'ils ne devraient pas être indemnisés. Mais, si dans un cas, par exemple, c'est un père de famille et puis qu'il est blessé, bien sûr dans l'accident, il est tenu criminellement responsable, il a une famille, donc il a des enfants, des jeunes enfants, une épouse ou une conjointe, alors comment vous pouvez concilier ça, que vous ne voulez qu'on indemnise celui qui est tenu criminellement responsable? Qui va subvenir aux besoins de la famille par la suite?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Je crois qu'heureusement nous avons des systèmes qui peuvent aider la famille sans parler de l'indemnisation du criminel. Nous ne pouvons pas accepter qu'un criminel soit indemnisé. Nous, on trouve que ça donne un double message, que, sur un côté, on dit: Ce n'est pas acceptable, on te met en prison, sur l'autre côté on te donne l'argent.

Il y a des cas où l'indemnisation du criminel a été fort plus élevée que l'indemnisation des enfants tués dans l'auto. Le bon père de famille qui a été tué dans l'auto, qui n'est pas responsable, souvent sa famille ne reçoit aucune aide psychologique. Je connais une famille en particulier qui a été obligée d'aller à la banque et de prendre de l'argent sur leur maison pour payer l'aide psychologique qu'ils reçoivent pour toute la famille.

M. Côté (La Peltrie): Mais d'où pourrait provenir l'aide à cette famille-là qui n'a plus de revenus par la suite?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Nous, on aimerait avoir tout beaucoup plus axé sur la compensation de la victime. Nos victimes sont sous-compensées par rapport aux autres provinces. Et encore nous ne trouvons pas tolérable l'indemnisation du criminel.

Nous trouvons que le criminel... Les autres systèmes sont là. Il y a d'autres systèmes qui peuvent aider cette famille-là, mais de grâce n'acceptez pas que l'alcool au volant soit une méthode de recevoir de l'argent par un criminel.

M. Côté (La Peltrie): Mais est-ce que...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le député.

M. Côté (La Peltrie): ...l'épouse ou la conjointe ne pourrait pas recevoir l'indemnité, elle, que ce soit indemnisé, plutôt que d'indemniser le père qui est tenu criminellement responsable, peut-être qui est incarcéré? Il va falloir que ça lui prenne une source de revenu quelque part.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Encore. On a le bien-être social. On a toutes ces choses-là. Ces familles-là ont ça à leur portée. Nous, on trouve encore que... nous aimerions voir le gouvernement s'axer sur la compensation augmentée de la victime.

M. Côté (La Peltrie): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition.

M. Bordeleau: Oui, merci. Je veux vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Juste pour enchaîner sur le sujet qui vient d'être traité, je pense que ce matin, et peut-être au début de l'après-midi, ce matin surtout, on a eu beaucoup d'interventions sur ce sujet-là. Je pense que le point que vous faites ressortir est important, c'est-à-dire qu'il y a différents régimes qui existent et je pense que la question d'indemnisation, c'est une question qui est posée, disons, par de nombreuses personnes, à savoir qu'est-ce qu'on fait avec cette aberration-là. Alors, on devrait au moins avoir la chance de pouvoir en discuter, analyser les choses, puis de voir quelles mesures qui peuvent être prises, ce qui n'est pas possible actuellement parce que le gouvernement ne veut pas bouger là-dessus.

Chaque fois qu'on aborde cette question-là, on amène toujours des cas individuels très particuliers. J'ai l'impression que... Vous savez, on peut essayer de tuer n'importe quoi avec des petites exceptions, mais je pense qu'on devrait adopter des principes, ensuite regarder les exceptions puis essayer de trouver – être créatifs – les moyens d'aménager ça pour respecter les principes et en même temps en tout cas respecter dans ce cas-là la question du non-sens que ça semble avoir que d'indemniser des criminels de la route. Alors, c'est une remarque que je voulais faire de ce côté-là.

Je pense que ce débat-là devrait éventuellement avoir lieu. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui le souhaitent. Alors, je veux juste faire ce commentaire-là. Quand on fait référence, par exemple, comme le député de La Peltrie – ce n'est pas un blâme que je fais parce qu'on pense souvent à ça comme exemple – aux conséquences que ça pourrait avoir sur la famille, je pense qu'il ne faut pas mélanger les choses. On a un système d'assurance automobile qui indemnise des victimes directement, la victime qui est blessée ou qui est morte. Et la famille, bien la famille, ça, il y a d'autres régimes à côté, entre autres la sécurité du revenu.

(17 h 10)

Et ce que nous disait une personne aujourd'hui, il y a des dizaines de milliers de personnes qui sont sur la sécurité du revenu pas par choix, là, parce qu'elles ont été forcées d'y aller pour toutes sortes de raisons. Et ce n'est pas un déshonneur, ça, dans la société d'aujourd'hui, à cause de difficultés qui se présentent, de se retrouver à la sécurité du revenu, comme ça serait le cas normalement pour la famille qui se retrouverait désavantagée à cause d'un accident qui aurait pu avoir lieu et dont un des parents aurait pu être responsable directement d'une façon criminelle. Alors, je pense qu'il ne faut pas mélanger les choses, il faut les distinguer.

Juste certaines questions. D'abord, juste à titre d'information, MADD est implanté au Québec depuis quand?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Depuis trois ans, oui.

M. Bordeleau: Depuis trois ans seulement. Et au Canada, ça existe...

Mme Kramer (Theresa-Anne): Depuis 10 ans.

M. Bordeleau: Dix ans?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui. Et, aux États-Unis, au-dessus de 20 ans. MADD existait sous d'autres noms depuis 20 ans aussi au Canada, mais beaucoup de groupes de citoyens se sont mis ensemble, et on utilise maintenant le nom de MADD Canada à travers le Canada.

M. Bordeleau: Au Québec, vous avez combien de membres?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Nous sommes la seule section, nous avons huit membres et à peu près huit, 10 volontaires. Nous ne sommes pas bien connus ici. C'est une des choses dont nous sommes très fiers, d'être invités pour que nous puissions nous faire connaître, parce que nous offrons beaucoup d'aide aux victimes et le plus qu'on va être connu, le plus qu'on pourra aider nos victimes.

Mais ailleurs au Canada il y a 40 sections, à travers le Canada. Nous sommes appuyés par 500 000 organisations financières, et il y a plusieurs milliers de membres à travers le Canada.

M. Bordeleau: Parfait. Dans votre mémoire, vous faites référence à un endroit à la question du principe d'alcool zéro pour les nouveaux conducteurs.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui.

M. Bordeleau: Tout à l'heure, le ministre parlait des 25 et moins et vous avez parlé des gens... qu'il devrait y avoir un certain nombre d'années où... Cinq ans que vous parliez, je pense, là.

Mme Kramer (Theresa-Anne): On aurait jusqu'à l'âge de 21 ans, au moins.

M. Bordeleau: Je veux juste bien comprendre. Quand vous parlez des nouveaux conducteurs, vous parlez seulement des jeunes conducteurs. Un nouveau conducteur, par exemple, qui prend son permis de conduire à 28 ans, là, ce n'est pas à ça que vous faites référence, c'est des nouveaux conducteurs jeunes.

Mme Kramer (Theresa-Anne): C'est ça. Le livre vert parle de la tolérance zéro des nouveaux conducteurs jusqu'à l'âge de 25 ans, je crois, mais nous aimerions ajouter à ça la zéro tolérance pour tout conducteur jusqu'à l'âge de 21 ans. Parce que ce qui arrive la plupart du temps, c'est que, si un jeune commence à conduire à 17 ans, ça prend trois ans à peu près, donc il est rendu à 20 ans. S'il commençait à 18 ans, il serait à 21 ans quand il va avoir son permis ordinaire. Mais là souvent on a des jeunes qui commencent à 16 ans. Donc, ça le met à 19 ans, jeune 19 ans, là, avec un permis où il peut sortir avec autant d'amis qu'il veut dans l'auto.

Nous, on aimerait ça aussi avoir dans le système gradué que les jeunes ne puissent pas conduire la nuit sans supervision ou qu'il y ait un couvre-feu la nuit, et aussi avoir un nombre limité de passagers. Parce qu'un jeune qui conduit... Même le jeune le plus sobre, le plus responsable, il conduit dans l'auto avec ses amis ou sa petite amie puis deux autres amis en arrière, même si c'est des petits jeunes vraiment chics, ils vont se comporter d'une façon peut-être moins sécuritaire, même juste le fait de se parler. Donc, on aimerait avoir des mesures plus sécuritaires pour sécuriser nos jeunes et enlever le danger qu'un jeune de 19 ans se ramasse avec un permis où il n'est pas même assujetti à la tolérance zéro.

M. Bordeleau: O.K. Ce que je veux rendre clair, vos préoccupations puis vos suggestions sont au niveau des jeunes...

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui.

M. Bordeleau: ...et non pas au niveau des nouveaux conducteurs.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Non.

M. Bordeleau: Si on pense à un nouveau conducteur, ça pourrait être une personne de 35 ans qui prend son permis pour la première fois. On ne parle pas de ces individus-là du tout.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Non, non, non.

M. Bordeleau: Bon. O.K. L'autre point. Vous mentionniez tout à l'heure, dans les données que vous fournissiez, deux morts, disons, qui pourraient être causées par des gens qui avaient moins que 0,08 et vous suggérez à ce moment-là qu'on baisse à 0,04. La question que je me pose, c'est qu'à un moment donné il faut fixer un seuil, hein; le Québec a fixé 0,08. Est-ce qu'on a une indication comme... Les deux morts en question, là, c'est un peu abstrait, théorique, mais les deux morts en question où il y avait des 0,08 qui étaient impliqués, est-ce que c'est l'alcool qui est la cause ou si ce n'est pas d'autre chose?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Absolument. Non, non, non. Ça, c'est des statistiques qui indiquent que sur dix décès, la mort à cause de l'alcool au volant, six morts, c'est les taux d'alcoolémie très élevés. Mais après ça il y a deux morts là-dedans environ... d'habitude, c'est à peu près 62 % les statistiques où les taux d'alcoolémie doublent la limite, triplent la limite. Très élevé. Mais là il arrive un 20 % ou 22 % où, les statistiques, c'est des gens qui sont tués – on vérifie le taux d'alcoolémie par des autopsies – c'est à 0,08; et un autre, environ 18 % de blessés, où le taux d'alcoolémie peut être en dessous du 0,08.

M. Bordeleau: Oui, mais la question que je pose, c'est de savoir, dans ces cas-là, est-ce qu'il y a un lien de cause à effet? Les deux morts qui sont occasionnées par des gens qui ont fait des accidents, qui avaient un taux d'alcoolémie de moins de 0,08, est-ce que c'est réellement l'alcool qui est la cause de l'accident ou si ça ne peut pas être d'autres facteurs?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Ça, ce n'est pas juste...

M. Bordeleau: Moi, je peux bien conduire ma voiture puis avoir, je ne sais pas, moi, 0,07 de taux d'alcoolémie, je fais un accident. Puis malheureusement il y a un mort parce que, je ne sais pas, moi, je passais en dessous du Métropolitain puis il y a un morceau qui m'est tombé sur la tête, puis là il y a eu un accident. Ce n'est pas nécessairement l'alcool qui est la cause, là.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Absolument, c'est absolument la cause, parce que vos facultés sont affaiblies. C'est prouvé que la capacité de conduire ou d'utiliser un moteur, quelque chose, un véhicule, est amoindrie et affaiblie à 0,03. Donc, vous avez les facultés affaiblies. C'est pour ça qu'il y a une autre charge: avec facultés affaiblies. Ce n'est pas... Puis, nous, nous devons, comme citoyens, comme parents, comme êtres humains, être à 100 % quand on embarque en auto. Quand je ne veux pas que le gars qui conduit la souffleuse ait un taux d'alcoolémie... je le veux à zéro parce que je m'attends à ce qu'il soit à zéro. Moi, je m'attends de tout le monde ici et de moi-même à être à zéro à 100 %, parce qu'on commence à avoir les facultés affaiblies...

On est normal. On peut parler, on peut... Mme Latour, on parle à des jeunes, on leur met des lunettes qui distorsionnent la vision comme si on avait des taux d'alcoolémie dans le corps. Puis on peut écrire parfaitement. Les jeunes peuvent faire beaucoup de choses, parler, écrire leur nom, mais ils ne peuvent pas faire les choses qui appartiennent aux capacités motrices.

Donc, si vous êtes à 0,07 puis qu'il y a une collision... Nous, on n'appelle pas ça un accident; à la minute qu'il y a de l'alcool, ce n'est pas un accident, c'est une collision, un crash. Et, moi, je dis que le taux d'alcoolémie est responsable. Peut-être que, si vous étiez... Peut-être que le crash arrive pareil, mais vous devez, comme citoyen, comme être humain, être à 100 %. Donc, moi, je crois que, quand on dit qu'il y a de l'alcool, ça veut dire que l'alcool est la cause de la collision.

M. Bordeleau: Juste un commentaire. Je comprends très bien. On pourrait bien mettre zéro, là. Pour tout le monde, ce serait l'idéal, mais on a fixé un taux compte tenu au fond un peu de la société. On peut se tromper, là, mais le taux qui avait été fixé était 0,08. Mais dans l'exemple que je vous donne, je ne vois pas en quoi le lien... Moi, je m'en vais sur l'autoroute...

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui, mais vous êtes à 0,07.

M. Bordeleau: Non, non, 0,04. C'est évident, 0,01, c'est plus que 0,00, 0,04, 0,07. Je m'en vais sur l'autoroute. J'ai 0,04. Je passe en dessous du Métropolitain, en dessous d'un viaduc, il y a un morceau du viaduc qui se détache, comme on a vu récemment, tombe sur ma voiture. Je perds le contrôle, je frappe une voiture. En quoi le fait d'avoir frappé l'autre voiture puis d'avoir tué la personne, c'est dû au fait que j'avais 0,04? À mon avis, ce n'est pas possible de le prouver. C'est peut-être beaucoup plus ce qui s'est passé, l'occasion qui s'est passée qui est la cause de l'accident, c'est-à-dire que j'ai perdu le contrôle de ma voiture parce qu'un morceau du viaduc m'est tombé sur la tête. J'aurais eu 0,00, j'aurais fait la même affaire; j'aurais probablement perdu le contrôle pareil, je serais rentré dans la voiture et j'aurais tué la personne à côté, de la même façon, puis j'aurais eu 0,00.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Monsieur, quand je m'en vais en cour avec les victimes et que je parle avec les parents qui ont perdu des enfants, ce n'est pas votre scénario que j'entends tous les jours. Le scénario...

M. Bordeleau: Non, je comprends.

(17 h 20)

Mme Kramer (Theresa-Anne): Non, ce n'est pas ça. Vous n'aviez pas le droit d'être dans l'auto. Ici, au Québec, on dit que c'est correct d'être à 0,08. Jusqu'à 0,08, on n'a pas de suspension. Mais ailleurs ils ont démontré que c'est inacceptable. Bien, si vous vous étiez comporté comme citoyen responsable, vous ne seriez pas dans votre auto. Ça ne vous serait pas tombé sur la tête. Mais je trouve que, ça, c'est toutes des choses un petit peu à côté du problème.

Ce qu'on ne veut pas accepter, c'est que l'alcool au volant, ça tue même à des niveaux très inférieurs d'alcool. Il y a 60 morts au Québec par année. Ça, c'est la pointe de l'iceberg seulement encore. Ça, comme je vous ai dit, c'est tout le monde dans cette salle-ci. Puis pensez à la personne que vous aimez le plus, morte à la fin de l'année, partie, plus ici, à des niveaux d'alcool très, très bas, que, nous autres, au Québec, ici, on considère comme pas dangereux.

Le Président (M. Lachance): Merci beaucoup pour votre participation Mmes Kramer et Latour.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Merci beaucoup.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite maintenant le représentant du Service de police de Chicoutimi à bien vouloir prendre place.

Alors, bienvenue, M. Harvey. Vous avez 10 minutes. Le temps passe vite, on est limité. Alors, vous avez 10 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert. Vous êtes notre dessert, aujourd'hui.


Service de police de Chicoutimi

M. Harvey (Christian): Le dessert. Bon, ça va bien aller. Alors, moi, j'ai été mandaté par ma ville en dernier lieu, lundi soir, pour représenter votre dessert. Alors, je tiens à vous remercier, M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Alors, vous avez quand même le petit mémoire qu'on a fait à Chicoutimi. Je parle au nom de la ville de Chicoutimi, au nom des élus.

M. Chevrette: Vous parlez au nom du maire?

M. Harvey (Christian): Non, non, pas au nom du maire.

M. Chevrette: Du conseil?

M. Harvey (Christian): Le conseil de ville. Je ne peux pas commenter, M. le ministre.

M. Chevrette: Non, non. C'est parce que je connais tout le monde à Chicoutimi.

M. Harvey (Christian): Ah! O.K. Ha, ha, ha! Alors, je vous parle au nom du conseil de ville par qui j'ai été mandaté lundi soir. Dans notre mémoire, on vous parlait au niveau... Je vais juste strictement au niveau des facultés affaiblies, l'alcool au volant. Les autres thèmes, si vous voulez les aborder, je pense que mes confrères ont passé avant moi. Ils ont donné l'appréciation au nom de l'Association des directeurs de police du Québec. Je vais m'en tenir à ce qu'on m'a mandaté ici aujourd'hui.

Alors, on voit quand même au niveau des statistiques au Québec que 40 % des décès, 20 % des blessures graves et 5 % des blessés légers lors d'accidents routiers sont dus au fait qu'un des conducteurs impliqués étaient sous l'influence de l'alcool. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, bien on est quand même toujours à l'extérieur, c'est loin, mais on détient toujours des records, 52 % du Québec où les conducteurs ivres impliqués dans les accidents mortels entre 1993 et 1997...

Alors, à Chicoutimi, quand on parle de ville de Chicoutimi, nous avons réalisé des progrès depuis 1995, mais ceux-ci demeurent fragiles. De 1995 à 1997, la conduite avec facultés affaiblies a connu une baisse de 30,4 %. Mais le bilan en 1998 démontre une nouvelle hausse de 17 %, de 169 à 199. On parle de facultés affaiblies. Sur ce fait, il faut préciser que notre service a augmenté de façon significative les opérations policières. Alors, on s'est donné quand même un but, un objectif d'être plus présents sur la route et d'augmenter nos barrages routiers, pas juste dans la période d'un mois P.A.S. alcool; nous, maintenant, c'est à l'année. C'est cédulé. Quasiment à tous les soirs, il y a des opérations policières, barrages routiers, pour vraiment lancer un message à la population qu'on est là pour les protéger, qu'on est là pour les sécuriser.

Ce qui fait en sorte... Je vous ai donné dans le document... c'était 90 opérations; il y en a eu plutôt 125 en 1998 et 163 en 1999. Ce qui a quand même dénoté, versus la population, en les informant par radio, par médias, qu'on faisait des barrages routiers, une diminution. Quand on parle de diminution au niveau des accidents, parce que j'ai des statistiques au niveau des accidents et des blessés, accidents ordinaires, qu'il y a eu une diminution. C'est sûr qu'au niveau d'arrestation avec facultés affaiblies, en faisant plus d'opérations policières, bien vous avez plus d'autres conséquences.

Par contre, le message a été lancé assez précis durant le bogue. À partir du 30, 31 décembre et 1er janvier, on avait augmenté la force policière. Plutôt que de la garder à attendre le bogue, nous avons mis tous les effectifs en opération avec des barrages routiers annoncés devant les médias. On a vérifié près de 1 500 automobilistes: zéro qu'on a eu au niveau des facultés affaiblies. Personne n'a testé. Alors, ce qui fait en sorte que le message, quand on parle de prévention, nous sommes, je dis, une sécurité publique, pour nous. Et la ville de Chicoutimi, on a trois choses, c'est: la prévention, dissuasion et répression. Alors, on voit que le message a passé, surtout durant le temps des fêtes. Quand on pense, le 31 et le 1er, c'est là où est-ce que le monde consomme beaucoup. Alors, on avait lancé un message et on avait quand même fait beaucoup d'opérations. C'est ce qu'il y a au niveau des facultés affaiblies.

Le «no fault». Bien, pour nous, on dit qu'il serait important de responsabiliser la personne, qu'elle va tuer quelqu'un, ou ainsi de suite, par un moyen quelconque là. Je ne pourrais pas vous le donner, je ne l'ai pas plus que vous. Par contre, elle devrait être responsabilisée comme nos jeunes, nos plus vieux, et ainsi de suite, à ce qu'elle a fait, dans quelque chose de spécifique. Alors, quand même on supporte le rapport de M. Marc Bellemare, comme il est marqué dans le petit syllabus. On est d'accord avec ça. Il faut vraiment responsabiliser la personne qui a tué quelqu'un ou qui a blessé quelqu'un, par des moyens.

Détenteurs de permis d'alcool. On vous spécifie ça. Bien, c'est sûr et certain que, quand vous analysez la problématique: Qui est-ce qui fait consommer nos automobilistes? bien, c'est la personne qui leur fournit la boisson. Alors, on devrait responsabiliser ces gens-là, à prendre des moyens. On parle d'affiches. Il y en a déjà qui détiennent des affiches dans leur commerce expliquant aux gens de ne pas prendre leur véhicule ou recommandant de ne pas prendre leur véhicule. On sait que dans notre bout on avait parti Tax-Hic. Tax-Hic, ça veut dire que, de la minute que quelqu'un a consommé, qu'il a son véhicule, il peut demander à un taxi de venir le chercher. Ça lui coûte la moitié de l'autre course pour ramener son véhicule chez lui puis ça fonctionne quand même assez bien.

Et peut-être aussi de positionner des détecteurs. Il y a certains commerces, au niveau alcool, qui ont des appareils pour détection avant de sortir, ce qui fait en sorte que les gens se rendent plus responsables et ne prennent pas leur véhicule. Puis en plus, comme on dit, les barrages routiers. Alors, c'est ce qu'on dit au niveau de recommandation: responsabiliser pas juste l'automobiliste, mais celui qui les a fait consommer.

En même temps, dans l'enquête policière où on va aller déceler les capacités affaiblies dans chacun des conducteurs, peut-être pousser l'enquête et aller plus loin pour savoir où il a consommé, avec qui était-il, puis depuis quand consommait-il, ce qui ferait en sorte qu'on pourrait aller peut-être plus chercher le détaillant qui a quand même payé ou donné de la boisson à quelqu'un qui avait 10 ou 15 bières – parce qu'il y en a qui en prennent de 10 à 15 – et qui sort pour aller prendre son véhicule. Parce que les commerçants connaissent quand même le client. Alors, il devrait avoir quand même une responsabilité versus le détaillant qui fournit la boisson aux gens, aux clients.

En même temps, j'avais marqué dans le mémoire, une escouade spécialisée. Vous savez qu'au Québec nous avons le groupe Accès. Je pense que les gens... au niveau de contrôle de l'alcool. On a maintenant les équipes mixtes où on réunit les corps policiers ensemble, où on prend une ou deux personnes et on fait un partenariat ensemble pour vraiment combattre au niveau alcool, au niveau de la drogue.

Alors, ce qu'on peut concevoir: que, si on fait une petite expérience dans les régions, de consulter ou de prendre deux, trois corps policiers et essayer d'autofinancer ces gens-là à être présents sept jours sur sept, à la semaine, sporadique, ce qui ferait en sorte de lancer le message à la population d'être préventive et de ne pas consommer parce qu'on va être en opération un petit peu plus agressive, mais toujours en donnant la prévention, dissuasion et répression.

C'est un argument, une escouade spécialisée. On dit: Ce n'est pas des escouades de 10 et 15, ça peut être juste quatre pour une population de 200 000, puis ces gens-là vont lancer un message, en plus des opérations policières, en surplus, ce qui fait en sorte qu'ils pourraient bonifier et aider à lancer le message de prévention au niveau de la population. Deux minutes? Ça ne sera pas long, je vais vous finir ça.

(17 h 30)

Alors, je reviens quand même... Quand on parle de l'escouade, on y croit, nous, parce qu'on a fait une proposition à M. le ministre dernièrement, à votre ministère des Transports. La même chose au niveau du contrôle routier où on devrait délimiter des gens spécifiquement pour aider à passer un message et un meilleur contrôle et un support et partenariat entre les corps policiers, que ce soient les sûretés municipales, que soit la Sûreté du Québec. Ce qu'on peut concevoir dans les derniers partenariats, c'est une réussite quand même qui est très bonne. Alors, c'est l'ensemble des corps policiers qui se joint à la population pour aller de l'avant, maintenir une sécurité importante au niveau des villes.

J'ai des petits documents, des fois, qui sont comparatifs à ce dont madame a parlé avant moi, où il y a des enquêtes qui ont été faites, Faire passer le message: pas d'alcool qui a été fait par l'Association des chefs de police en 1998. Je ne sais pas si vous détenez cette information-là. Il y a un autre petit document que je pourrais vous laisser à la fin: Pourquoi la police au Canada doit faire respecter les règlements de la circulation? Quand même, ça vient bonifier ce qui a déjà été fait au Québec. Ça vient vraiment donner un atout qui est majeur. Vous avez fait des bonnes choses au niveau d'un meilleur contrôle au niveau des automobilistes, ils viennent de le dire, parce qu'ils avaient déjà fait enquête dans ça. Alors, ça, c'est deux petits documents, que je vous laisserai, qui pourront peut-être vous donner une autre piste ou vous aider. Alors, j'ai terminé.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Harvey. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. Harvey. Je voudrais peut-être vous poser une petite question anodine et en dehors du contenu: Est-ce que c'est vous qui avez recommandé à votre conseil municipal de venir présenter un mémoire?

M. Harvey (Christian): Ça a été fait en partenariat. Les deux. C'est un échevin de notre ville qui a même poussé à venir nous rencontrer puis dire: Ça n'a plus de bons sens qu'est-ce qui se passe au Québec puis qu'est-ce qui se passe dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Alors, il m'a demandé, quand même, de monter un petit outil pour vous présenter. Puis, en même temps, il ne faut pas oublier que notre ville, elle nous donne beaucoup de sous. J'ai des effectifs que... J'ai réorganisé mon organisation. Je n'ai pas augmenté le personnel, mais j'ai vraiment concentré vers des choses spécifiques qui m'ont été demandées, puis les résultats sont bons. Alors, c'est quand même un des échevins.

M. Chevrette: Vous vous êtes inscrits un peu dans la lignée de la Sûreté du Québec en faisant beaucoup de barrages, que vous dites, et vous en prenez de moins en moins. C'est un peu ce que j'ai compris. Parce que l'efficacité des barrages a créé une crainte, je suppose, et, quand vous en faites un aujourd'hui, vous frappez. Zéro sur 1 500...

M. Harvey (Christian): Sur 1 500, zéro durant le temps des fêtes, la période où j'aurais dû en avoir le plus.

M. Chevrette: ...c'est très fort, ça.

M. Harvey (Christian): Bien, moi, je trouve que le message, il est compris. Mais on l'a fait au niveau médiatique avant, où on ne s'est pas gêné pour dire qu'il allait y avoir des barrages routiers, que la force policière est renforcie en double...

M. Chevrette: Mais savez-vous que vous allez contribuer à avoir des mauvaises statistiques si je me fie sur ce que M. Bellemare a dit ce matin, celui que vous citez en modèle, là? M. Bellemare nous a dit qu'au Québec on en frappait moins, on en poursuivait moins pour l'alcool. Puis c'est bien sûr que, si vous ne faisiez pas de barrages, automatiquement vous en auriez plus quand vous en feriez. Mais, si vous en faites systématiquement, vous introduisez une nouvelle mentalité, une nouvelle approche, n'est-ce pas?

M. Harvey (Christian): Définitivement que c'est ça, M. le ministre.

M. Chevrette: Donc, vous êtes en plein dans la ligne qu'on pensait. Le résultat des décès devrait être moins grand chez vous aussi.

M. Harvey (Christian): Bien oui. Si je pense à la présence policière... Et, plus on va être sur la route, plus on va lancer un message de prévention. C'est ça, la prévention: prévention, dissuasion, répression. Quand je suis rendu à la répression, ça veut dire que j'arrête quelqu'un en facultés affaiblies, j'ai manqué mon coup dans les autre items. Alors, je suis rendu là. Par contre, la population voit qu'on passe à l'action, puis on informe la population. Alors, dans l'affaire de M. Bellemare, il y a une partie qui est vraie, puis l'autre partie, bien, nous, on est passés à l'action plutôt que d'attendre.

M. Chevrette: C'est ça. Donc, on lui enverra par Internet votre passage.

M. Harvey (Christian): Bien, ça me fait plaisir si je peux aider la cause, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Vous en êtes tenu, mais je peux-tu faire appel à votre expérience de policier sur un autre sujet?

M. Harvey (Christian): Si je peux vous aider, je vais essayer, monsieur.

M. Chevrette: Le cinémomètre photographique...

M. Harvey (Christian): C'est-u pour le ciné-parc, ça, ou non?

M. Chevrette: Ha, ha, ha! Qu'est-ce que vous pensez de ça si on identifie les zones, si on fait un peu ce que vous avez fait, là, pour annoncer vos barrages, si on indique les zones, les points noirs? Y a-tu des endroits chez vous qui sont plus difficiles pour un policier...

M. Harvey (Christian): Oui, il y aurait peut-être un endroit, mais ce n'est pas assez grand pour utiliser l'appareil. Chez nous, ce qu'on a fait, nous avons utilisé un appareil radar où on identifiait le kilométrage, ainsi de suite, pour sensibiliser la population. On l'a fait durant tout l'été.

M. Chevrette: Ah, sur l'affiche, là?

M. Harvey (Christian): Un afficheur où on a sensibilisé la population, où on identifiait... Avec nos gens, on est allé faire une étude dans différents points chauds, puis comment baisser la vitesse. Alors, avec ça, on a fait de la prévention en mettant ça là. Après ça, on est allé avec des billets préventifs disant à l'automobiliste: On t'arrête, là, tu étais au-dessus de ta limite. C'est un billet préventif, alors on veut que la limite...

M. Chevrette: Ça a-tu porté des fruits?

M. Harvey (Christian): Oui, très...

M. Chevrette: Ça a-tu changé les comportements?

M. Harvey (Christian): Oui, ça a changé les comportements. Seulement dans un secteur où on a certaines difficultés. Par contre, on n'a pas pu faire l'opération plus agressive au niveau... On dit «agressive» dans le sens, guillemets, préventif, en remettant un billet de courtoisie si vous aimez mieux. Mais, dans l'ensemble de la ville, j'ai baissé la vitesse. J'en ai acheté un autre pour la ville de Laterrière – parce que je couvre Laterrière-Chicoutimi – pour sensibiliser la population, pour qu'ils l'aient quand même dans la mémoire que, quand ils viennent de passer, ils ont outrepassé.

M. Chevrette: Les gens pensent que c'est dans des courbes, c'est souvent dans des bouts droits qu'il y a... Est-ce que vous constatez cela sur le terrain, vous?

M. Harvey (Christian): C'est dans les bouts droits que la vitesse, quand même, est énorme. La vitesse est énorme où on a un transport lourd aussi qui est énorme, ce qui fait en sorte que, plus les gens roulent vite... La difficulté, c'est que le transport lourd ne pourra pas arrêter à temps, comme vice versa des deux côtés. Alors, on a des routes, certaines places qu'on n'a pas pu, avec nos véhicules de police... Parce que tous nos véhicules de police sont munis d'appareils radar. Alors, ils peuvent faire du radar 24 heures sur 24, on a mis ça dans nos véhicules. Ce qui fait en sorte que, à certains endroits, ils n'ont pas pu arrêter le véhicule parce que c'était trop dangereux pour le policier, il se serait fait arracher sa porte. Alors, il y a un ou deux endroits, parce que la vitesse était trop vite, puis, quand on interceptait la madame ou le monsieur, c'est qu'il était à déboucher vers le fossé, mais, le transport lourd est là, la route, étant donné que c'est juste à deux voies, c'était trop dangereux pour notre policier.

Alors, on a choisi cet appareil-là, puis là on est en train de refaire la deuxième année encore parce qu'on a trouvé que cet outil-là nous a aidés. On le fait à peu près toute l'année. L'hiver, il y a peut-être un peu plus de difficultés au niveau électronique de l'appareil même, mais, pendant tout l'été jusqu'à l'automne, nous déplaçons l'appareil à tous les jours, environ à deux, trois endroits par jour, ce qui fait en sorte qu'il y a un message de prévention déjà. Alors, on a une escouade de motocyclettes aussi durant l'été qui fait une présence au niveau sécurité routière. On vient quand même faire le deuxième ou le troisième volet, répression, en dernier.

M. Chevrette: Je ne sais pas si c'est vous qui avez parlé du bilan en disant que c'était à peu près 17 % de plus élevé que l'an passé. C'est-u vous qui avez parlé de ça?

M. Harvey (Christian): C'est nous qui avions parlé de ça, mais on a précisé le pourquoi.

M. Chevrette: Mais rappelez-moi le donc, c'est parce que...

M. Harvey (Christian): Au niveau des facultés affaiblies, j'ai voulu préciser qu'on avait plus d'opérations. Pourquoi on avait plus de facultés affaiblies? C'est qu'on a fait plus d'opérations. Alors, en faisant plus d'opérations, bien, c'est sûr et certain... Mais, par contre, ce qu'on a convenu, je dirais, toute l'année, on l'a fait toute l'année, c'est qu'au jour de l'An, le 30, 31 puis le 1er, 1 500 automobilistes de vérifiés, zéro, alors... Puis le message préventif, médias électroniques, tout, pour faire en sorte de lancer le message, puis c'est ce qu'on fait chez nous.

Vous avez la même chose – je vais vous donner juste un aparté – au niveau des silencieux. Au niveau des motos, nous sommes quasiment une des seules villes où quant aux silencieux... Les gens viennent, si on parle de motards, ils ne passent pas chez nous parce qu'on intercepte, puis on sait que leurs silencieux sont défoncés. Avec notre règlement municipal, cette année les motards sont venus chez nous puis ils ont dû bifurquer pour passer en dehors de notre ville pour ne pas se faire arrêter. Tout le convoi au complet, on leur a remis un papier comme de quoi ils pouvaient bifurquer ailleurs pour ne pas passer dans notre ville. Notre règlement sur les silencieux était là.

Alors, plus on annonce nos choses, plus on le fait de façon préventive... Mais c'est une concertation et un partenariat. Je ne sais pas si je réponds à votre...

M. Chevrette: Oui, je vous remercie...

M. Harvey (Christian): Au niveau de l'appareil, chez nous, ça serait assez difficile d'en mettre un, pas comme l'autoroute, ainsi de suite, qui serait peut-être plus...

M. Chevrette: Je pense que votre témoignage est intéressant parce qu'il vient de démontrer que, plus il y a une action concertée au niveau de la sûreté, plus il y a un souci permanent ou constant, moins t'as de gens qui succombent à ce moment-là.

M. Harvey (Christian): C'est une éducation.

M. Chevrette: Et, ça prouve une chose, c'est que le bilan des mortalités s'améliore.

M. Harvey (Christian): Moins d'accidents: 245 à ce qu'on peut dire, nous, cette année. Au niveau des accidents, j'ai 324 accidents de moins par rapport à l'année passée. Alors, déjà là, pour nous, c'est un bon bilan, parce qu'on a quand même des statistiques au niveau des opérations alcool, qu'est-ce qu'on a fait. Les opérations radar, au niveau du transport scolaire, les intersections, on a doublé dans les opérations.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

(17 h 40)

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous féliciter pour votre mémoire et aussi, surtout, pour l'importance que vous mettez à la prévention. Et on a trop souvent tendance à penser que les solutions, c'est la répression, mais je pense que les données que vous nous avez apportées, les expériences dont vous nous avez fait part également pour le... Je pense au radar, là, avec l'information qui est donnée, qu'il y a possibilité d'améliorer de beaucoup les situations dans ce sens-là, et c'est probablement plus rentable à long terme que les mesures répressives. Alors, je suis assez d'accord avec vous sur cette approche-là et je pense que c'est intéressant ce que vous nous avez mentionné.

L'autre commentaire que je veux faire avant de poser quelques questions, c'est que le ministre semble voir quasiment dans sa soupe Me Bellemare, et je pourrais vous dire que Me Bellemare, au fond, la dernière question que vous posez dans votre mémoire...

M. Chevrette: ...il l'appuie.

M. Bordeleau: ...c'est exactement la même question que Me Bellemare a posé ce matin. Et, je vais vous lire, c'est dans votre mémoire, la dernière phrase: «Pourquoi le gouvernement tient-il tant à laisser le "no fault" en faveur des chauffards, pourtant considérés comme des dangers publics numéro un?» Ça a été exactement l'essentiel de la présentation du mémoire de Me Bellemare. Alors, dans ce sens-là, je pense que vous vous rejoignez aussi.

Ceci étant dit, vous parlez des débits de...

M. Harvey (Christian): Débits d'alcool, de boissons.

M. Bordeleau: Des détenteurs de permis d'alcool. Juste une question que je voulais vous poser: Est-ce qu'il n'y a pas dans la loi – je ne sais pas si c'est la loi sur les débits d'alcool, ou quoi – une obligation que les vendeurs, ou les waiters, ou n'importe quoi, là... Ils n'ont pas une obligation de s'assurer que les clients, quand ils quittent, sont... Il n'y a pas quelque chose dans la loi là-dessus? En fait, je veux juste...

M. Harvey (Christian): Il y a toujours quelque chose, c'est de prouver si vraiment il a laissé...

M. Bordeleau: Mais ça existe dans la loi, hein, c'est ça?

M. Harvey (Christian): Oui, oui. C'est ça, oui.

M. Bordeleau: C'est quoi, l'essentiel de...

M. Harvey (Christian): Je ne peux pas vous le dire, là, mais c'est parce que c'est de monter une enquête. Ça veut dire qu'à chaque fois que tu prendrais quelqu'un en facultés affaiblies, on devrait aller jusqu'à la personne qui l'a fait consommer, ce qui fait en sorte que c'est plus laborieux. Par contre, il y aurait quelque chose, c'est qu'on atteindrait peut-être encore plus vite le problème qui est causé à partir de la personne qui a fourni la boisson, ainsi de suite.

M. Bordeleau: Est-ce que cette responsabilité-là que les détenteurs de permis d'alcool ont... En tout cas, à votre expérience, dans votre milieu, est-ce qu'ils sont conscients de cette responsabilité-là? Et est-ce que les gens agissent en conséquence? De façon générale, est-ce qu'ils sont responsables ou si, de fait, ils vendent, puis point final?

M. Harvey (Christian): Non. De plus en plus qu'on est agressifs, dans ce sens que nos opérations... Les détaillants nous ont dit que les gens, à partir de minuit, commencent à consommer de la 0,50, commencent à consommer d'autres choses, du café, ou ainsi de suite parce que qu'ils savent qu'il va y avoir un barrage routier. Leur clientèle commence, à partir de minuit, à faire un arrêt. C'est ce qu'on a su des détaillants par rapport à nos opérations qui se font durant toute la soirée et la nuit. Alors, c'est un message, quand même, qui est assez important, puis il est là, le message. J'avais d'autres choses à vous dire.

M. Bordeleau: Est-ce que vous croyez – juste sur le même sujet – que ça pourrait, je ne sais pas, être utile que les détenteurs de permis aient dans leur entreprise obligatoirement un détecteur qui serait là à la disposition des gens?

M. Harvey (Christian): Bien, moi, je dis, c'est un outil...

M. Bordeleau: Une obligation. Chaque... Ça devrait être disponible près de... Au fond, est-ce que ça ne pourrait pas aider? On voit ça, on passe, bon, on se teste, et puis...

M. Harvey (Christian): Bien, moi, je dis: Plus tu fournis d'outils aux gens quand on parle de prévention puis plus tu mets des affiches significatives disant: Bien, essayez d'aller voir, essayez de vous tester avant, puis là tu as trop consommé... Au moins, tu as Tax-Hic, le covoiturage, tu as d'autres choses qui te sont permises, alors ce qui va faire que ça va inciter les gens à se vérifier, puis quelqu'un qui va avoir outrepassé ça, bien là, écoute, il sera responsable de ses actes, mais le détaillant qui vend de la boisson, lui, au moins, il va avoir fait quelque chose avec la société. Il va pouvoir, je dis, au niveau de la prévention, nous avoir aidés dans notre message et dans notre travail qu'on fait à tous les jours. Il y en a certains détaillants qui... je pense qu'il faut que tu mettes 1 $, puis tu peux te tester, mais, s'il y avait des outils, je suis sûr et certain que le public s'en servirait, parce que, souvent, ils vont nous demander ça, ou on va nous demander des petits appareils pour les aider lors d'une fête, ainsi de suite. Avant, on avait ça, on leur passait des appareils avec lesquels ils se testaient un peu, puis hop! tu n'as pas le droit de conduire.

M. Bordeleau: Est-ce que ce serait possible, ça, M. le ministre, je ne sais pas, en collaboration avec le ministre responsable, de voir si ça ne pourrait pas être une obligation, ça?

M. Chevrette: En principe, on y a déjà pensé, puis il y a un système de surveillance constante du calibrage de l'appareil, hein? Deux, tu peux prendre deux bières vite, vite puis dire: Bonjour, je sors. Et, 15 minutes après, c'est dans ton sang, et le test que tu viens de passer n'est plus bon 15 minutes après parce que ce n'est pas encore mêlé au sang nécessairement. Ce serait contesté indubitablement.

M. Bordeleau: Oui, mais ça ne serait pas... En fait, ça serait tout simplement pour l'individu, il n'y a pas d'obligation, rien. Individuellement, moi, je vais dans un débit...

M. Chevrette: Ah, comme incitatif ou indicateur. Oui, c'est...

M. Bordeleau: Bien oui, incitatif. On va là, puis on sort, puis c'est là, c'est disponible, puis on dit: Coudon, je vais juste me vérifier. On se vérifie. Dans certains cas, peut-être que l'effet que vous donnez ne sera pas enregistré. Dans d'autres cas, peut-être que ça donnerait: Aïe! je ne pensais pas que j'étais si haut que ça.

M. Chevrette: C'est peut-être l'effet qui est rendu, oui, effectivement.

M. Bordeleau: Oui, puis il paraît que je ne suis pas assez... Puis là je dirais: Oups! Je vais appeler un taxi à la place, tu sais.

M. Chevrette: Comme système incitatif ou encore de prévention, on peut le regarder.

M. Bordeleau: C'est essentiellement dans un sens de prévention puis d'incitation, pas plus que ça.

M. Chevrette: Oui, oui, parce que, autrement...

M. Bordeleau: Aucune idée légale là-dedans.

M. Harvey (Christian): Je pensais tantôt, excusez...

M. Chevrette: Ça pourrait être très intéressant là où il y a beaucoup, beaucoup de clients qui s'amènent puis qu'il y en a un qu'il faut absolument qu'il retourne chez lui puis qui est insécure. Ça peut sécuriser quelqu'un, effectivement, en tout cas, ou encore l'inciter à ne pas prendre...

M. Harvey (Christian): J'ai vu en Ontario...

M. Bordeleau: Bien, c'est ça, ou il décide qu'il prend un taxi en voyant ça. En ne pensant pas qu'il était rendu si loin que ça, il décide qu'il prend un taxi.

M. Harvey (Christian): J'ai vu en Ontario voilà quelques années... Je suis rentré dans un débit de boisson, on était plusieurs directeurs de police...

M. Chevrette: Ça ne boit pas, ça, un directeur de police.

M. Harvey (Christian): Bien là on allait vérifier ce qui se passait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Oui, c'est ça.

M. Harvey (Christian): On allait vérifier sur place.

M. Chevrette: Vous alliez constater, là...

M. Harvey (Christian): Justement, puis...

M. Chevrette: ...le degré de l'angle du coude. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Harvey (Christian): Alors, le responsable du bar nous a demandé qui était le chauffeur? Alors, on a dit: C'est M. Untel. Il y avait deux chauffeurs, puis les deux chauffeurs ont été attitrés au niveau de prendre du café ou des boissons non alcoolisées étaient fournies gratuitement aux deux responsables qui nous voituraient.

Puis ça fait quelques années de ça, alors j'ai trouvé que c'était un bon message. Au moins, ils savaient que, quand la personne repartait... Le groupe, s'ils avaient pris de la boisson, les autres, il y avait un chauffeur qui était désigné, puis, en même temps, je pense que ça bonifiait un peu.

M. Chevrette: Il y a quelques bars, au Québec, qui sont venus nous dire...

M. Harvey (Christian): Ça se pourrait.

M. Bordeleau: Oui, on l'a mentionné déjà.

M. Chevrette: ...qu'ils payaient les liqueurs et le café.

M. Bordeleau: C'est l'Association des bars et tavernes, je pense, au début, là.

M. Chevrette: Oui, quelque chose du genre, la semaine dernière.

M. Harvey (Christian): En tout cas, ça aide, ça. Ça peut aider aussi, c'est des petites affaires...

M. Chevrette: Mais c'est intéressant comme moyen.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Harvey.

M. Chevrette: On vous remercie, M. le chef.

M. Harvey (Christian): Ça m'a fait plaisir. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Je veux informer les membres de la commission que nous devons attendre une nouvelle convocation pour la poursuite des auditions publiques sur le livre vert. Vraisemblablement, ce sera les 23 et 24 février, mais ça reste à être confirmé. J'ajourne donc les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 48)


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