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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 9 février 2000 - Vol. 36 N° 39

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
M. Guy Chevrette
M. Claude Boucher
M. Yvan Bordeleau
M. Michel Côté
Mme Margaret F. Delisle
M. Serge Deslières
*M. Tony Cannavino, APPQ
*M. Raymond Dutil, industrie manufacturière québécoise de la bicyclette
*M. Claude Pigeon, ACQ
*M. Claude Bonhomme, ville de Hull
*M. Jean-Pierre Chabot, idem
*M. Christian Boulais, Rues pour tous
*M. Jean-Claude Mercure, Guardian Interlock Systems Corp.
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Barbeau (Vanier) remplace M. Pelletier (Abitibi-Est); Mme Delisle (Jean-Talon) remplace M. Benoit (Orford); et Mme Bélanger (Mégantic-Compton) remplace M. Middlemiss (Pontiac).

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. Cet avant-midi, nous entendrons des représentants, d'abord, de l'Association des policiers provinciaux du Québec; ensuite l'industrie manufacturière québécoise de la bicyclette; et finalement M. Clément Payette. Après la suspension pour le lunch, nous entendrons les représentants de l'Association du camionnage du Québec; ceux de la ville de Hull; à 16 heures, Rues pour tous; à 17 heures, M. Paul Bourque; et finalement Guardian Interlock Systems Corp. à 17 h 30.

Alors, je rappelle le message pour ceux qui auraient des cellulaires: de bien vouloir les fermer pendant la séance afin de ne pas dissiper la concentration des parlementaires.

M. Chevrette: Hier, on a vu un veston qui parlait. Donc, aujourd'hui...

Des voix: Ha, ha, ha!


Auditions

Le Président (M. Lachance): Alors, je vois que les représentants de l'Association des policiers provinciaux du Québec sont déjà en place. Bienvenue, messieurs. Je vous demande de bien vouloir vous identifier, et je vous indique que vous avez 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.


Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ)

M. Cannavino (Tony): Merci. Je tiens tout d'abord à remercier la commission de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire. Mon nom est Tony Cannavino, je suis président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, et je suis accompagné de notre vice-président, M. Réjean Corriveau.

M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Du point de vue de la santé et de la sécurité des citoyens comme du strict point de vue de la discipline publique, l'objectif poursuivi par le livre vert est louable. On ne peut qu'être d'accord avec la recherche d'une diminution de la fréquence des accidents et de la gravité des lésions, surtout s'il est vrai que la réduction de la vitesse créerait une circulation plus fluide, apaiserait et contribuerait à diminuer l'agressivité au volant. L'Association des policiers provinciaux du Québec partage donc les objectifs poursuivis par le ministre. Cependant, nous ne croyons pas que le cinémomètre photographique soit un moyen à privilégier pour le moment.

Il existe, en effet, d'autres moyens permettant d'obtenir une réduction de la vitesse sur les routes. S'il est vrai que les méthodes de contrôle des vitesses jumelées aux campagnes publicitaires reliées à la vitesse ont atteint un plafonnement, il n'est pas vrai que la solution passe nécessairement par le recours à des cinémomètres photographiques. Ce sont plutôt les méthodes de travail qu'il faut changer ainsi que les campagnes publicitaires. Par exemple, les patrouilles de retenue constituent une méthode de travail qui permet d'obtenir d'excellents résultats quant à la réduction de la vitesse sur les autoroutes et les voies rapides.

Rappelons d'ailleurs, avant toute chose, que, depuis la réforme de 1997, nous attendons toujours les 150 patrouilleurs supplémentaires que le gouvernement devait fournir à la Sûreté du Québec pour couvrir les autoroutes ainsi que les 185 patrouilleurs toujours nécessaires pour couvrir le reste du réseau routier. Il est évident que ce manque d'effectifs policiers réduit d'autant la présence policière sur les routes. L'effet dissuasif s'en trouve d'autant absent.

Pour les membres de l'Association des policiers provinciaux du Québec, des experts en matière de sécurité publique, une réduction de la vitesse sur les routes peut être obtenue de façon plus durable en agissant par l'éducation plutôt que par la répression. En cela, l'APPQ se positionne d'une manière conforme à l'approche généralement préconisée par le gouvernement. Nous croyons que, par exemple, des campagnes publicitaires prenant à contrepied certaines publicités mettant l'accent sur la puissance des véhicules ou encore un règlement pour obliger les délinquants de la route à suivre un cours de conduite mettant l'accent sur la sécurité routière constitueraient des moyens efficaces de sensibilisation et d'éducation.

D'autres moyens encore pourraient être imaginés pour obtenir une réduction de la vitesse sur les routes du Québec. Toutefois, le cinémomètre photographique n'entre pas dans cette catégorie. À cet égard, l'étude du Groupe de recherche en sécurité routière de l'Université Laval est éloquente:«L'un des obstacles majeurs – à l'implantation des radars-photo – est celui de l'acceptation des limites actuelles de vitesse, particulièrement sur autoroutes où une majorité des citoyens les considèrent déraisonnables et injustifiées. Introduire les radars-photo en maintenant la limite actuelle de 100 km/h engendrerait un tollé justifié, à moins d'adopter une marge de tolérance identique aux pratiques actuelles[...]. C'est pourquoi nous préconisons un redressement de la limite de vitesse autorisée sur le réseau autoroutier. Relever la vitesse maximale sans en assurer un contrôle strict risquerait d'augmenter sensiblement les vitesses moyennes actuellement observées. L'introduction des radars-photo s'en trouverait justifiée sans que les vitesses actuelles ne s'élèvent dangereusement, puisqu'elles se situent aux environs de 118 km/h.»

Autrement dit, il faudrait permettre une augmentation de la vitesse sur les autoroutes afin de justifier l'introduction d'un outil visant à réduire la vitesse. Se peut-il que nous soyons en présence d'un raisonnement paradoxal, sinon absurde?

Nous retenons que le cinémomètre photographique est un des outils qui pourraient peut-être s'avérer utiles pour mener une intervention ponctuelle ou pour agir sur une masse de véhicules, par exemple si l'on voulait que la vitesse de 70 km soit vraiment respectée sur le boulevard Métropolitain de l'île de Montréal. Toutefois, contre les fous du volant, cet outil est totalement inutile. Le cinémomètre photographique ne peut procéder à l'arrestation du conducteur délinquant dont la conduite constitue un danger public. Celui qui roule à tombeau ouvert recevra une contravention, fort bien, mais en quoi la sécurité des autres usagers, et même celle du chauffard, a-t-elle été protégée par le flash du radar-photo?

D'autant plus que cet outil est rendu inefficace lorsqu'en présence d'une plaque illisible ou camouflée ne serait-ce qu'avec un support à bicyclette. La facilité avec laquelle la lecture de la plaque peut être rendue difficile rend sceptique quant aux résultats qui seront obtenus. Peut-être que, finalement, il n'y aura que les gens qui se permettent d'aller à 111,79 km sur l'autoroute qui feront les frais des radars-photo.

Certes, le Code de la sécurité routière oblige le conducteur et le propriétaire d'un véhicule à nettoyer la plaque d'immatriculation pour qu'elle soit lisible en tout temps. Cependant, depuis quelques années, la police au Québec a entrepris un virage professionnel qui vise une meilleure intégration au sein de la communauté ainsi qu'une meilleure utilisation de ses ressources humaines. On voit mal comment on pourrait justifier auprès des contribuables que les policiers puissent accorder une importance démesurée aux plaques simplement malpropres.

(9 h 40)

Enfin, soulignons que l'efficacité des photoradars pour constituer une preuve devant les tribunaux n'est pas clairement établie. Le pourcentage des contrevenants identifiés suffisamment clairement pour qu'une citation soit émise semble faible. Selon une étude du ministère des Transports de l'Ontario, 56 % des photos prises entre août et décembre 1994 n'ont pas été utilisées. La ville de Pasadena, en Californie, rejette, quant à elle, 40 % des clichés. Il est facile d'en déduire que l'utilisation des radars-photo se traduira par une augmentation des contestations, alors que les cours municipales sont déjà engorgées.

On doit également se demander si le radar-photo ne serait pas un outil pouvant déconsidérer l'administration de la justice. Présentement, les corps de police ont une directive ministérielle leur faisant obligation d'assurer la requalification des opérateurs radars à chaque cinq ans. Pourquoi? Pour assurer le citoyen de la rigueur avec laquelle se fait la recherche de la vérité, et donc l'administration de la justice. Le constat d'infraction est fait par un être humain qui s'appuie sur un moyen technique, le radar. À cela, le gouvernement voudrait substituer un constat d'infraction fait uniquement par un moyen technologique. Objectivement, il s'ensuit une déshumanisation de la justice.

L'utilisation du radar-photo soulève enfin un problème quant à l'équité. Le livre vert pose l'hypothèse d'émettre des constats d'infraction sans pour autant y associer des points de démérite. Pourtant, la même infraction, lorsqu'elle sera constatée par un patrouilleur pouvant identifier le conducteur du véhicule, donnera lieu à des points de démérite. Qu'est-ce qui justifie la différence du traitement? Pourquoi, dans un cas, l'éducation passerait-elle uniquement par une sanction financière, alors que dans l'autre s'ajoute le risque d'une suspension du permis? Une telle approche ne peut que confirmer auprès du public que l'utilisation du radar-photo n'est que l'introduction d'une taxe déguisée.

En somme, l'Association des policiers provinciaux du Québec considère que, s'il est vrai que le cinémomètre photographique n'est pas simplement une machine à dollars, son efficacité comme outil d'éducation est loin d'être établie. C'est pourquoi, plutôt qu'une fuite en avant technologique, l'APPQ préconise l'élaboration de nouveaux moyens d'intervention. S'il est vrai que, depuis 20 ans, les méthodes d'intervention ont évolué très peu comparativement à la densité de la circulation, au nombre de véhicules du parc automobile et au nombre de titulaires de permis de conduire, cela ne fait que démontrer l'importance que soit menée une réflexion sérieuse pour élaborer de nouvelles stratégies d'intervention.

Également, l'APPQ ne peut cautionner l'introduction d'un outil tel que le cinémomètre photographique, car l'expérience des patrouilleurs nous indique que, si la vitesse est une cause d'accident, elle est loin d'en être la première cause. Rappelons que l'étude du professeur Paquette révèle que «les autoroutes constituent néanmoins la portion la plus sécuritaire du réseau: entre 1986 et 1990, 7,4 % des accidents mortels au Québec s'y sont produits contre 34,8 % sur les routes limitées à 90 km/h et 15,8 % sur les routes limitées à 50 km/h», c'est-à-dire des routes où les véhicules se croisent ou qui se situent dans des zones à forte densité de population. Le problème est donc moins la vitesse que l'environnement dans lequel circule l'automobiliste.

Pour l'ensemble de ces considérations, nous croyons que le gouvernement devrait surseoir à son projet d'introduire le cinémomètre photographique. Il devrait plutôt revoir sa réglementation, favoriser l'élaboration de nouvelles méthodes d'intervention, fournir les ressources humaines promises et engager des campagnes publicitaires faisant contrepied à l'exaltation de la vitesse, de la performance et de la compétition qui imprègne la publicité en matière d'automobiles et de véhicules utilitaires. On ne peut également passer sous silence qu'il y a un contresens à permettre aux constructeurs d'automobiles de produire des bombes sur quatre roues pendant qu'en même temps l'État interdit d'utiliser ces puissances.

Les objectifs poursuivis par le livre vert sont la réduction de la vitesse, du nombre de collisions ainsi que la réduction de la gravité des blessures. Pour y arriver, on cherche à obtenir un changement d'attitude de la part des conducteurs, car ceux-ci perçoivent la limite de vitesse comme une indication et non comme une obligation à respecter. Il en serait ainsi parce que les conducteurs ne se sentent pas interpellés et ne prennent pas conscience qu'ils constituent un danger potentiel en conduisant. C'est là qu'intervient le radar-photo comme moyen de contrôle de la vitesse.

Cependant, faire vivre les automobilistes sous l'oeil du radar-photo pénalise finalement la masse des conducteurs plutôt que de s'attaquer aux délinquants. Avec cet outil, le gouvernement augmente le bassin de population passant dans le rayon du radar. Éventuellement, c'est autant de contraventions d'émises. Car tout le problème est là: Est-ce que cet outil sert d'abord à améliorer la sécurité de la population et donc à réduire les dépenses de l'État ou à augmenter les revenus de l'État?

Si on veut aller chercher 18 000 000 $ avec quatre appareils en 292 jours, avec des amendes moyennes de 100 $, il faut 20 contraventions à l'heure pendant huit heures. Comme près de 50 % des photos doivent être rejetées, pour obtenir ces 18 000 000 $, il faudra donc doubler le nombre de constats d'infraction, soit 40 constats à l'heure ou, si on préfère, un constat d'infraction à toutes les 90 secondes. Dans cette perspective, ce qui distingue le radar-photo d'une machine à sous, c'est que la machine à sous fait de temps en temps un heureux parmi les utilisateurs.

Il apparaît donc nécessaire de rappeler que l'excès moyen par rapport à la vitesse permise n'est que de 11 km/h, c'est-à-dire 7 mi/h, sur les autoroutes et de 6,59 km/h, 4 mi/h, sur les routes où la vitesse est limitée à 90 km/h. On doit donc faire le constat que la masse des conducteurs est plutôt respectueuse de la réglementation. C'est pourquoi l'APPQ ne croit pas qu'il soit nécessaire de pénaliser la masse des conducteurs pour obtenir une amélioration des conditions de sécurité sur les routes et les autoroutes du Québec. L'élaboration de nouvelles méthodes d'intervention et l'éducation du public constituent des voies autrement plus durables.

On prenait également connaissance du chapitre 3 du livre vert, où le ministère reprend justement ce qui a été soulevé par l'Association des policiers provinciaux. Si on va au point 1, La problématique de la vitesse , à la colonne de gauche, dernier paragraphe: «Le conducteur d'un véhicule routier perçoit la limite de vitesse comme une indication et non comme une obligation à respecter. L'excès de vitesse n'est pas pris au sérieux, car le conducteur ne fait pas ce lien entre sa vitesse et les conséquences qui peuvent en découler. En outre, ses chances d'être pris en infraction sont relativement peu élevées dans les faits, aussi ne craint-il pas d'être intercepté.»

C'est bien évident, on n'a pas de policiers sur les autoroutes, il nous manque au-delà de 150 policiers. Et tout le monde le dit, tout le monde s'en plaint. Évidemment, on ne s'en plaint pas quand on a à faire le trajet entre Montréal et Québec, mais, une fois rendu à Québec, quand quelqu'un en parle: C'est vrai, je ne vois jamais de policiers sur les autoroutes. Alors, ça, c'est un point qui est majeur.

Si on continue, on va un petit peu plus loin, et vous allez voir que ça revient constamment, le fait que c'est le conducteur qui ne se sent pas... Il ne se sent ni surveillé, ni contraint, ni la crainte qu'à un moment donné il y ait un véhicule de patrouille ou un véhicule de patrouille muni d'un radar mobile. Vous avez au point 3: «Les méthodes actuelles de contrôle des vitesses jumelées aux campagnes publicitaires reliées à la vitesse ont atteint un plafonnement. Cet effet s'explique par le fait que les conducteurs ne se sentent pas – encore une fois, on revient encore avec – interpellés et ne prennent pas conscience qu'ils constituent un danger potentiel en conduisant. Un des grands éléments favorisant cette conscientisation est la probabilité d'être pris en infraction. C'est ainsi qu'un conducteur croyant être pris en infraction observera les limites de vitesse.»

Même chose dans Qu'est-ce qu'un cinémomètre photographique? On arrive encore avec une petite problématique dans le premier paragraphe: «Lorsque ce temps est insuffisant ou que se superposent plusieurs véhicules, dans le cas de voies multiples, l'appareil ne retient pas les données.» Donc, où on croit pouvoir mettre le photoradar, bien, ce n'est pas certain que ça va être une réussite parce qu'on dit: Ça va être dans les endroits où il y a énormément d'accidents mortels ou dans des endroits où les policiers peuvent difficilement travailler, patrouiller ou utiliser leur cinémomètre – et non photographique. Mais, encore là, il y a ce constat-là, que ça va être difficile pour le photoradar de travailler à ces places-là. Donc, on se demande, encore là, la pertinence d'avoir le cinémomètre.

Vous allez à l'autre page, on parle de: «Habituellement, le constat d'infraction pour excès de vitesse détecté par un photoradar est géré comme un billet de stationnement et la responsabilité incombe au propriétaire.» Il faut faire une distinction entre un billet de stationnement et une infraction pour vitesse. Je veux dire, je n'ai pas l'impression que ce sont les billets de stationnement qui causent les blessures, les accidents ou les décès sur la route, évidemment à moins qu'il ne soit stationné sur une autoroute. Mais il faut faire la distinction parce que là, si on veut comparer, si on veut dire: Bien, écoutez, on n'émettra pas de sanctions quant aux points de démérite parce que ça va être comme un billet de stationnement, ça, c'est banaliser l'infraction de vitesse. Et ça, ça serait un mauvais message à transmettre aux citoyens.

(9 h 50)

Et ça continue. Quant au statu quo, à la page 37, ce qu'on dit ici, c'est: «Cette option permettrait normalement de maintenir les acquis en ce qui concerne le bilan routier – quand on parle de statu quo. Le nombre de constats d'infraction...» On parle du montant. «L'amélioration passerait donc, en ce qui concerne la vitesse, en une présence plus active de la part des forces policières sur le territoire québécois.» Je n'ai rien contre ça, mais on n'en a pas, de policiers, sur les autoroutes. Il y a eu un engagement gouvernemental, en 1997, mais on a beau vouloir être présents sur les autoroutes, il nous manque d'effectifs. Mais je pense qu'il faudrait y aller par étape à ce moment-là.

Analysons ce qui peut être fait, évidemment avec les campagnes de publicité parce qu'on parle qu'il y a un plafonnement de la publicité puis des interventions. Mais on ne peut pas dire que, actuellement, on est allés à un plafonnement de l'action policière parce que l'action policière est tellement affaiblie. Quand on dit qu'il nous manque 50 % des effectifs, bien, je pense qu'il y a un problème là. Donc, on ne peut pas présumer que tout a été fait pour l'instant.

Et ça continue. On dit, à un moment donné, évidemment: «Les coûts d'exploitation de cet appareil sont faibles comparativement au contrôle conventionnel qui nécessite la présence d'un policier lors de l'interception du conducteur et de la délivrance de chaque constat d'infraction. Cet état de fait entraîne par la même occasion une rentabilité de son utilisation: les revenus générés dépasseraient les coûts d'exploitation...»

Ce qu'il ne faut pas oublier, comparativement au cinémomètre photographique, c'est que, lorsqu'un policier intercepte un véhicule, un délinquant, quelqu'un qui excède les vitesses permises, il y a tout le volet, premièrement, de contact, parce qu'on parle de police de proximité, on parle de police communautaire, on parle d'éducation, de prévention. Le simple fait de voir un véhicule de patrouille vous fait quoi? Il vous fait réagir, vous regardez votre odomètre. Ça, c'est un réflexe. Et ça, vous allez être comme ça pour un bon petit bout de temps. Nos véhicules de patrouille sont mobiles sur les autoroutes, donc pas à un endroit fixe, et ça aussi, c'est important dans le message.

Également, lorsque le policier intercepte le conducteur: Est-ce que le conducteur est en état d'ébriété, est-ce que le conducteur est recherché pour mandat, est-ce que le conducteur a volé le véhicule, est-ce qu'il a un permis de conduire? Ça, ce sont des points importants. Et la différence aussi entre le photoradar et le patrouilleur, c'est que le patrouilleur, en interceptant le conducteur en infraction, il fait cesser l'infraction. Et ça, c'est important également parce que, si c'était strictement une question, bon, d'être intercepté sur le radar-photo, bon, bien il dit: J'ai été pris, j'ai été pris, c'est fini, on continue, il arrive quoi? Les risques d'accident sont autant élevés. Ce n'est pas parce qu'il a été intercepté sur un radar-photo qu'il va diminuer sa vitesse, donc l'infraction et les dangers d'accident.

Autre point également, on parle du délai de traitement. On dit là-dedans que «le conducteur n'étant pas intercepté sur la route, l'infraction serait signifiée au propriétaire du véhicule par un service de courrier» – oui, j'espère que je vais avoir plusieurs questions. Là, on se complique la vie. Puis il faut que ça soit fait en dedans de 10 jours pour que la personne se souvienne ou que le propriétaire de la flotte automobile se souvienne qui était le conducteur. Imaginez-vous l'imbroglio. Et, si ce conducteur-là a été intercepté cinq fois dans le 10 jours, il se passe quoi?

On se rend compte que, partout où ça a été essayé ou partout où c'est en vigueur, les cinémomètres photographiques, il y a un taux de contestation d'au-delà de 50 %. Ah! ça, c'est énorme. Et, moi, il me semble qu'avant d'utiliser une bombe atomique pour couler un chaloupe, bien, je pense qu'il y a d'autres moyens. Allons-y par étapes.

Mais ce que j'apprécie par contre du dépôt du livre vert et de ce que le ministre disait la semaine dernière, c'est de permettre une réflexion. Et, si c'est dans cet objectif-là, soyez certains qu'à l'Association des policiers provinciaux, on va y participer. On y participe, à la commission, mais on serait prêt également à participer à une table ou à des rencontres avec le ministre pour justement élaborer certains autres moyens. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Cannavino. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui, je voudrais vous remercier de votre exposé. Je vais poser quelques brèves questions, mais je veux donner la chance aussi à mes collègues. Mais c'est surtout ce que vous ne dites pas sur quoi je voudrais vous questionner. J'ai une couple de questions.

D'abord, si vous étiez partie prenante à des projets-pilotes sur le cinémomètre, embarqueriez-vous? Moi, je n'ai pas l'intention de faire la preuve puis discuter avec vous sur les objectifs de faire la piastre ou de remplacer les policiers, ce n'est pas ça. Mais je n'essayerai pas de vous convaincre à matin de ça. Vous avez droit à votre opinion, j'ai droit à la mienne. Mais, moi, je veux plutôt contribuer à faire la preuve que ça peut changer les habitudes de conduite dans des endroits.

Ce n'est pas sur les autoroutes, en passant, qu'on met des cinémomètres. On met ça dans des endroits, des points noirs qu'on appelle, où les départements de santé communautaire ont déjà identifié, dans quasiment chacune des régions, quels étaient les points stratégiques où il se tue... où il y a une difficulté effectivement de travailler. C'est en dessous des viaducs, en dessous des ponts, dans certains petits tunnels, etc.

Mais, moi, je prends pour acquis que j'ai une offre de services. Est-ce que j'ai bien interprété? Une offre de collaboration, pas de services.

M. Cannavino (Tony): Vous avez une offre de collaboration. Évidemment, comme je vous disais tantôt, M. le ministre, avant de traiter du cinémomètre photographique, il faudrait y aller par étapes. Et je ne vous dirais pas qu'on ne participerait pas aussi à cette partie-là des travaux, mais allons-y par étapes. Parce qu'on prétend qu'actuellement tout a été fait puis que c'est plafonné, on est persuadé du contraire. Et on le fait depuis quelques mois maintenant. Avec le peu d'effectifs que nous avons, lorsque les policiers sont sur les autoroutes puis effectuent des patrouilles de retenue, bien, je peux vous dire – puis quand c'est fait, là, à répétition – qu'il y a une baisse assez étonnante, assez impressionnante de la vitesse des usagers.

Donc, si on y allait dans cette formule-là, avec une formule comme celle-là, je suis persuadé que, par la suite, s'il s'avérait qu'il y avait encore certains points qu'on ne serait pas capable d'attaquer ou de faire réduire, vous auriez notre participation, vous auriez également notre implication là-dedans à y aller de l'avant. Mais, comme je vous dis, avant d'aller à cette étape-là, faisons les autres étapes puis peut-être que ça va nous permettre justement de corriger ou de l'amplifier peut-être. Peut-être que ça ne va pas assez loin, peut-être que ça irait trop loin, ou peut-être justement avec le fait d'aller avec d'autres méthodes...

L'éducation a toujours démontré que ça a plus d'effets, beaucoup plus d'effets parce qu'on change les moeurs, on change l'attitude du conducteur. Et vous en parliez la semaine dernière justement, j'étais attentif à vos propos, et c'est un peu cette culture-là. On y faisait référence, entre autres, avec la comparaison qui était faite avec l'alcool au volant, comment les attitudes ont changé. Et vous faisiez un peu la distinction entre le comportement des gens en haut de 40 ans – bien, je ne le sais pas encore, mais, un jour, je vais l'avoir...

M. Chevrette: Moi, j'ai 20 ans, mais US.

M. Cannavino (Tony): ...oui, c'est ça, ha, ha, ha! – et ceux dans la vingtaine. Mais ça a été fait par différentes campagnes, l'éducation qui a été faite. Nous autres, on y met, comme je vous disais, aussi un volet intéressant où le délinquant, il retourne sur le banc d'école et il apprend.

M. Chevrette: O.K. Une autre question. J'ai un de mes chums qui m'a dit qu'il avait reçu un ticket par la poste de la Sûreté du Québec, puis vous dites que c'est rien que nous autres qui ferions ça. Je ne comprends pas.

M. Cannavino (Tony): Non, mais c'est parce que je disais... on dit «par un service de courrier». Ce n'est pas... Bien, en tout cas...

M. Chevrette: Non, non. Je voulais t'en passer une petite vite. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cannavino (Tony): Si c'est par la poste normale, ça ne sera pas 10 jours, ça, c'est sûr. Si c'est par un service de courrier, j'ai hâte de voir ça aller.

M. Chevrette: Non, mais vous comprendrez que l'objectif, en tout cas... Puis ça, je vais ouvrir là-dessus. Si on devait avoir des projets-pilotes avec des cinémomètres, il faudrait penser à des avertissements, il faudrait penser à l'indication très claire parce qu'il ne faut pas que ça soit un attrape-nigaud. Il faudrait peut-être penser même à une collaboration pendant des temps définis, pendant trois semaines, un mois, je ne sais pas.

L'objectif, c'est que, quand on me dit qu'on pourrait sauver, je ne sais pas, moi, 54 vies – c'est gros en mosus – quand on sait la fragilité du bilan routier: 717 en 1998, peut-être 780, je ne sais pas, en 1999... Pourquoi? Parce qu'il a fait beau, imaginez-vous. La principale raison: parce qu'il a fait très beau depuis le mois de mars. Donc, ça roule plus vite quand il fait généralement plus beau. Et le mois de décembre, par contre, nous a un peu sauvés, les dernières parties de décembre: il y a eu moins de décès qu'anticipé. Non, mais il faut regarder tout ça. Je retiens, en tout cas, votre offre de collaboration.

M. Cannavino (Tony): D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles – vous avez été en mesure de le constater – on ne partage pas la même opinion que la Fédération des policiers du Québec: nous ne sommes pas pour une hausse des vitesses sur les autoroutes. Je pense que la démonstration n'a pas encore été faite du besoin de l'augmenter. Il faut stabiliser les choses pour débuter.

(10 heures)

Mais, quand vous nous parlez de bien identifier les zones, je comprends. Puis c'est vrai que c'est important, là, vous allez être photographié, le temps de placer votre cravate puis de replacer votre plaque, puis allez être intercepté sur un cinémomètre photographique. Mais il y a un problème: quand vous sortez de la zone, vous allez être également avisé que vous sortez de la zone. C'est ce qu'on nous a affirmé. Mais, quand vous sortez de la zone, bien, à moins qu'il y ait un correctif...

M. Chevrette: S'il vous a dit ça, moi, je ferai corriger ça. Continuez.

M. Cannavino (Tony): Il arrive quoi une fois que vous traversez... Bien, ça se voit, hein. Le radar photographique, là, pour ceux qui n'en ont jamais vu, ils peuvent imaginer que c'est tellement bien dissimulé que...

M. Chevrette: Non, non, non.

M. Cannavino (Tony): Bien, ça, on s'en rend compte. Quand vous avez traversé cette zone-là, ça veut dire quoi? Maintenant, là, Jacques Villeneuve est au volant, plus de problème, on a devancé la caméra, la zone est passée. Il faut faire attention aussi à ce contre-message-là.

M. Chevrette: Mais là ça pourrait être le fun d'avoir un projet complémentaire.

M. Cannavino (Tony): Bien, moi, je pense que ce qui serait intéressant: mettons nos policiers sur les routes avant, faisons de la prévention et, par la suite, si ça ne répond pas aux besoins, s'il y a encore un problème avec ça, avec ces campagnes-là, avec cette présence-là, avec les interventions des policiers, on verra le besoin d'aller au cinémomètre photographique.

Puis il y a un autre point, si vous me permettez: la question aussi de la règle de la preuve. Comme vous le savez, l'arrêt D'Astous est à peu près la référence. Quand vous allez devant les tribunaux, qu'il y a contestation d'un billet d'infraction, il faut démontrer quoi? En plus évidemment de la qualité de l'appareil, de la formation du policier, il faut également que le policier démontre clairement que le faisceau du radar visait ce véhicule-là et que c'était vraiment ce véhicule-là qui excédait la vitesse comparativement à la circulation, aux autres véhicules qui étaient autour. Ça aussi, c'est important, et ça, l'arrêt D'Astous, c'est ça qui est appliqué partout. C'est la règle de preuve que les policiers doivent démontrer. Or, ça, il faut en tenir compte, comme je vous disais tantôt. Les contestations sont énormes avec le photoradar.

M. Chevrette: En tout cas, on aura une démonstration demain. J'ai hâte de voir ça. Puis, s'il faut préciser des choses, on les précisera.

Moi, je voudrais vous parler des oubliés, des oubliés dans vos infractions, dans le constat d'infraction. Il y a des gens qui nous disent que vous n'avez pas une tendance très, très naturelle à arrêter des camionneurs qui roulent avec une vitesse assez forte. Il y a d'autres gens, puis je suis sûr que ce n'est pas toutes des mauvaises langues, qui viennent nous dire ici qu'ils aimeraient voir les policiers appliquer avec beaucoup de rigueur la loi pour les cyclistes, qui sont contraints de respecter exactement les mêmes contraintes de la route que les automobilistes. Et vous le savez très bien, je pense.

À Montréal, souvent, là, tu t'en vas sur René-Lévesque puis t'en as un qui flaube les trois rangées d'une claque puis il n'a pas de problème, il valse devant le policier. Ce n'est pas la Sûreté, naturellement, c'est un gars de la Communauté urbaine. Mais, quand il valse devant pendant deux minutes, sur la rouge, il est sorti puis il n'y a même pas un signal pour dire: Aïe! le jeune, là, la lumière est rouge, va t'écraser sur le bord du trottoir, ça presse, là, comment vous réagissez à ceux qui vous attaquent là-dessus, sur l'intégrité professionnelle de votre travail? C'est-u assez bien dit, avec les gants enrobés, pour que vous puissiez me donner une bonne réponse?

M. Cannavino (Tony): Je vais y aller très calmement.

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

M. Cannavino (Tony): Premièrement, pour la question des cyclistes, ça, je devrais laisser mon confrère parler de ça, c'est plus sa juridiction. Mais, par contre...

M. Chevrette: Mais, sur la 132, là, par exemple, tu en vois en plein milieu de la rue.

M. Cannavino (Tony): Oui. Mais, quand on parle de camions, vous savez, de la question des camionneurs, je ne veux pas dire que tout le monde conduit mal en camionneur, mais on le sait, quand on est souvent sur le réseau routier, il y en a qui circulent à des vitesses excessives.

M. Chevrette: Épouvantables.

M. Cannavino (Tony): Épouvantables. Ces gros bolides là sont un danger. Mais je vous reviens encore... Il n'y a pas de laxisme, hein, au contraire, il n'y a pas de laxisme. Je vous disais, encore une fois, que c'est difficile d'intercepter des camions quand vous n'êtes pas sur l'autoroute, mais, quand vous avez des véhicules de patrouille sur les autoroutes, je peux vous dire une affaire: Les camionneurs, ils font attention; ils font attention.

M. Chevrette: Trente secondes. Je ne veux pas vous contredire, mais les statistiques ne démontrent pas ça. Moi, les statistiques que j'ai vues, là, m'indiquent que, par rapport au nombre de camions qui circulent, à la vitesse qu'ils circulent – les statistiques sont infimes – il n'y a presque pas d'arrestations.

M. Cannavino (Tony): Je vous dirais que ce ne sont pas les mêmes données que, moi, je possède. Et, au-delà de ça, la raison pour laquelle longtemps l'Association a demandé à participer à des travaux avec la direction de la Sûreté du Québec, c'était pour incorporer justement le contrôle routier. L'objectif là-dedans, c'était justement pour s'organiser, planifier, qu'il y ait une cohésion dans les opérations touchant les camionneurs. C'est justement dans ce sens-là qu'on avait proposé, nous, d'incorporer, dans une direction très distincte, les contrôleurs routiers pour nous permettre d'intervenir et de multiplier les interventions. Ça, ça aurait été intéressant. J'ai hâte de voir avec le nouvel organisme. Il va falloir également participer à ces opérations conjointes là parce que l'objectif sera ça.

On me parle également des vitesses. Depuis un certain temps, ce qu'on constate, c'est que les camions lourds circulent autant à gauche qu'à droite. Ça aussi, c'est dangereux, ça aussi, ça rend la situation encore plus difficile sur le réseau routier. Il faudrait peut-être penser à trouver une solution là-dessus.

M. Chevrette: Les cyclistes, est-ce que vous avez un bout de réponse?

M. Cannavino (Tony): Pour les cyclistes, c'est certain que, dans les municipalités, habituellement ils ont des zones. Les élus s'en préoccupent. De ce que j'ai pu lire, de ce que j'ai pu discuter avec plusieurs maires, c'est une préoccupation. Je pense que, jusqu'à maintenant, avec les pistes cyclables, ils réussissent assez bien. Mais d'avoir un cycliste sur la 132, regardez, là, ce n'est pas tout à fait la place.

M. Chevrette: Seriez-vous d'accord si j'arrivais à des conclusions... J'y vais avec une hypothèse, là. Conscient de la difficulté d'appliquer une législation, conscient qu'il faut de l'information, de la sensibilisation, de l'éducation, est-ce que, sur des endroits du réseau stratégiques et extrêmement dangereux, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas les argents pour faire des bandes additionnelles à nos routes en les reconstruisant sur une période, je ne sais pas, de 10 ans, vous seriez d'accord avec une législation qui interdirait la circulation sur certaines routes dites très dangereuses?

M. Cannavino (Tony): Absolument. C'est une question...

M. Chevrette: Mais bien les identifier. Pas question de...

M. Cannavino (Tony): Bien identifier, évidemment, avec toute l'approche préventive, avec l'annonce aux citoyens, la période de transition vers cette nouvelle législation là, on serait absolument d'accord avec ça. On l'a dit, l'objectif que vous avez, on le partage. 57 morts, c'est 57 de trop. Je pense qu'on est tous d'accord avec ça. C'est avec les outils qu'on est peut-être en désaccord, mais, sur l'objectif, on se rejoint, ça, définitivement. C'est pour ça que je vous dis... Et on insiste, on insiste à y participer.

Et on insiste à obtenir... Il y en a plusieurs qui peuvent prétendre que c'est pour un intérêt corporatiste, d'avoir les 150 policiers. Je vais vous dire une affaire: Quand vous avez un mandat, vous avez une mission de sécuriser le réseau routier puis il vous manque les effectifs et qu'il arrive un événement, on est toujours sous les feux de la critique ou des médias qui se demandent où on était. Et ça, il faut faire attention à ça. Puis on va y participer à ça. Mais allons-y, comme je vous disais tantôt et je le répète souvent, par étapes. Je suis persuadé qu'on est capable de trouver les bons moyens pour atteindre notre...

M. Chevrette: Une toute petite dernière question sur le taux d'alcool dans le sang. Vous avez vu les scénarios du livre vert?

M. Cannavino (Tony): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez une opinion à me donner? Parce que c'est contradictoire, les opinions là-dessus. Même les régies de la santé, hier, sont venues nous dire qu'elles ne changeraient pas nécessairement le taux. Elles prendraient peut-être d'autres moyens, par exemple. Donc, est-ce que vous avez une petite opinion?

M. Cannavino (Tony): Sur la question du taux d'alcoolémie, je ne vous dis pas qu'on... Pour nous, de baisser de 0,08 à 0,05 ou à 0,04, je ne pense pas que c'est vraiment là... Avec le 0,08, on compose, je pense, assez bien avec ça, avec les campagnes, avec les interventions.

Ce qui est toujours un petit peu plus difficile, c'est toujours la question des motifs. Vous savez, on fait des opérations, on a ce qu'on appelle des détecteurs, excusez l'anglicisme, l'AlcoSensor – je m'excuse, entre guillemets, je n'ai pas l'autre terme – qui dit au conducteur s'il est entre 0 mg et 50 mg. Donc, on lui dit: Écoutez, vous êtes entre 0 mg et 50 mg; faites attention, entre 50 et 100, ça indique que... Justement, c'est le «warn», en anglais, attention. Vous pouvez dire au conducteur: Je pense que vous devriez peut-être vous tasser parce que vous êtes à la veille de dépasser la limite.

Cette approche-là, je pense que c'est bien. Je pense que c'est bien, de cette façon-là. Mais de permettre plus facilement ou quasiment systématiquement à un policier qui a un doute que la personne aurait consommé de la boisson d'y aller avec un test, le dépistage d'AlcoSensor, je pense que ça, ça serait un outil intéressant. Parce que vous avez bu une bière ou vous en avez bu cinq, vous sentez la même chose.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Vanier, en signalant qu'il reste cinq minutes du côté ministériel.

(10 h 10)

Mme Barbeau: Merci, M. le Président. J'ai bien écouté votre présentation et ce que je comprends, c'est que vous dites que, si vous aviez plus de policiers, vous pourriez être partout, il n'y a pas de problème.

Cependant, je voudrais vous faire part d'un fait vécu, qu'on vit toujours à Québec, mais, moi, j'ai été interpellée là-dessus – ce n'est pas tout à fait dans les limites de mon comté, mais ce n'est pas loin – c'est l'intersection autoroute du Vallon-Charest. Il y a des pentes, des courbes, des entrées, des sorties, des glissières; c'est un échangeur. Je sais que le ministère fait des efforts pour essayer d'améliorer la sécurité, mais justement on a mis la limite à 70 km/h parce que c'est dangereux. Il y a beaucoup d'accidents dans ces coins-là. Il y a un électeur qui m'a interpellée parce qu'il disait: Il n'y a jamais de police, ils n'arrêtent personne puis il y a des accidents.

Alors, moi, j'ai la chance d'avoir le bureau de la Sûreté dans mon comté. J'ai fait un appel à... je ne me souviens plus qui. Il y a quelqu'un qui a répondu et on m'a dit que c'était impossible de mettre des policiers dans ces coins-là: il n'y a pas d'endroit pour qu'ils stationnent, ils ne peuvent pas stationner. Ils y vont souvent mais on sait très bien ce qui se passe quand il y a un policier, tout le monde le suit.

Moi, quand je sors du centre-ville, ici, je m'en vais chez nous par l'autoroute de Chicoutimi, la 173, je le sais tout de suite s'il y a un policier sur la route, ça roule tranquillement. Alors, ça va tant qu'il est là, mais, quand il n'est plus là, ça recommence tout de suite. Alors, moi, je vous dis: C'est ce qu'on m'a répondu quand j'ai téléphoné, et je le comprends très bien. Il y a des endroits, des ponts où il y a des glissières, il n'y a pas d'accotement, il n'y a pas d'espace. Et ce coin-là – je ne sais pas si vous connaissez très bien la région de Québec – c'est évident et c'est pour ça qu'on a baissé la limite de vitesse. Mais ça ne marche pas: les gens roulent à 110, 120, l'hiver peut-être un petit peu moins, mais l'été, 120, ce n'est pas rare et c'est très dangereux.

Alors, moi, je ne suis pas une fanatique de ce genre de chose qu'on propose, sauf que c'est un problème de sécurité, et, même si on vous donnait 10 000 policiers de plus, à moins qu'il y en ait à toutes les cinq minutes, en rangée, pour ralentir les gens, ça ne ralentit pas. Il y a des accidents tout le temps puis on dirait qu'on continue à le faire. Alors, moi, j'aimerais comprendre.

Ce que je comprends, c'est que vous dites qu'il n'y a pas un endroit où c'est impossible que vous soyez. Et, moi, je pense que, dans la réalité, on le voit dans des cas concrets, même si vous êtes de bonne volonté et vous êtes très nombreux, il y a des endroits où vous ne pouvez pas être de façon, je dirais, efficace, dans le sens où vous êtes stationné et vous interceptez les gens qui vont trop vite. Parce que, quand vous êtes là, ils vous suivent tous. On le sait, ça va au ralenti.

M. Cannavino (Tony): Tout d'abord, je vous félicite d'avoir un bureau de la Sûreté du Québec dans votre comté. Moi, je pense que tout le monde devrait en avoir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Barbeau: Ha, ha, ha! J'ai aussi des camions qui passent à très grande vitesse sur l'autoroute de la Capitale et qui ne sont pas interceptés.

M. Cannavino (Tony): Exactement. Mais voyez-vous, là, ce que vous dites, vous dites exactement ce qu'on affirme: Quand il y a des véhicules de patrouille sur la route, ça ralentit, même chose pour les camions. Ça, je peux vous assurer de ça.

Il y a des situations qui sont peut-être plus difficiles, mais les policiers dans leurs véhicules ont des cinémomètres non photographiques mais mobiles. Donc, il y a une façon de travailler à éduquer les conducteurs qui utilisent justement du Vallon, puis je la connais très bien, cette section-là, ce petit tronçon. Oui, effectivement, à 70 km/h puis, même à 70 km/h, il faut faire attention parce que, surtout si c'est le moindrement glacé ou il y a eu de la pluie, vous le savez, c'est dangereux. Mais il y a une façon d'organiser des campagnes de sensibilisation et c'est de la façon qu'on réussit. Ça a été démontré ailleurs. Il y en a eu, des exercices qui ont été faits dans des endroits qui étaient dangereux comme ceux-là.

Mme Barbeau: Il n'y a plus de temps?

Le Président (M. Lachance): Bien, écoutez, il reste 35, 40 secondes.

Mme Barbeau: Bon, je vais laisser...

M. Cannavino (Tony): Je vous donnais l'exemple, c'était le Métropolitain, un des exemples entre autres où ça s'est fait, ces interventions-là, parce qu'on ne peut pas immobiliser un véhicule de la patrouille sur le Métropolitain. Je peux vous dire que ça, ça a réussi.

M. Boucher: Je peux-tu faire un commentaire?

Le Président (M. Lachance): M. le député de Johnson, rapidement.

M. Boucher: Rapidement. Moi, je voyage de Sherbrooke à Québec. C'est vrai qu'il y a eu des patrouilles à un moment donné à certaines hauteurs. Je les connais parce que je viens à peu près 90 fois par année. Je sais où est-ce qu'elles sont. Je sais quand est-ce qu'elles ne sont pas là. Puis, quand elles ne sont pas là, c'est sûr que je vais un petit peu plus vite, hein...

M. Cannavino (Tony): À 101 km/h.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: ...tout en respectant évidemment ce qui est permis.

M. Cannavino (Tony): À 101, 102.

M. Boucher: J'ai le réflexe de tous les Québécois. Ce que je veux vous dire, c'est que l'objectif, c'est d'éviter des accidents. Je pense que ce serait un bon moyen d'éviter des accidents. Je saurais qu'il y a toujours danger à cet endroit-là, c'est clair que je respecterais toujours la vitesse, et l'objectif serait atteint.

M. Cannavino (Tony): Par contre, vous sauriez que, passé ce point-là, vous auriez le champ libre puis on aurait des formules 1 partout sur les autoroutes. Il faut faire attention. C'est pour ça que je vous dis ça: Allons-y par étapes.

Mme Barbeau: On le fait déjà avec la police. Ha, ha, ha!

M. Boucher: Merci, merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Johnson, on a entendu publiquement votre confession.

M. Boucher: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, selon ce que vient de dire le député de Johnson, il faudrait en planter un peu tout le long de l'autoroute, à tous les 50 pi, à peu près, pour être certain que, quand ils sortent d'une zone, ils tombent dans l'autre. Alors, c'est un peu ridicule, là, disons, de...

Bon. Tout d'abord, je voulais juste faire un commentaire sur la... La population, en général, est exigeante vis-à-vis des corps policiers. À chaque fois qu'il y a quelque chose, bien, qu'est-ce que ça veut dire que la police n'est pas là pour régler le problème. Et je pense qu'ils ont le droit d'être exigeants, excepté que l'autre réalité qu'il faut prendre en compte en même temps, c'est que, à ce moment-là, si ces gens-là ont des responsabilités, et puis qu'on doit leur demander des comptes, puis que la population est là pour les critiquer quand le travail n'est pas fait comme il faut, bien, il faut leur donner les ressources nécessaires aussi.

Alors, je pense que, de ce côté-là, vous avez fait référence, au fond, à des demandes qui ont été placées déjà depuis longtemps et à l'augmentation des effectifs policiers. Je pense que c'est évident qu'on ne peut pas demander à avoir des services policiers si on n'a pas de policiers pour les remplir. Alors, ça, c'est un premier problème.

L'autre problème, on parlait de campagnes d'éducation. Et, pour ce qui est des campagnes relativement à la vitesse ou à l'alcool au volant, au cours de la dernière année, on a réduit les budgets d'au-delà de 30 %. Alors, on est passé de 2 000 000 $ – de mémoire – à 1 400 000 $ au niveau des campagnes. Encore là, le gouvernement fait des choix. C'est évident que, si on met moins d'argent dans la promotion, dans l'éducation, dans les campagnes, bien, on va avoir des résultats moins bons. Alors, dans une année, on a baissé d'au-delà de 30 % à 33 %, à peu près un tiers, au fond, du budget qui est consacré aux campagnes visant les automobilistes comme tels.

Alors, en général, plusieurs des points que vous avez fait ressortir concernant le cinémomètre, je suis plutôt d'accord avec vous là-dessus. Et j'ai l'impression que la meilleure façon d'améliorer la sécurité routière, c'est de faire de l'éducation. Je l'ai mentionné depuis le début, souvent, parce que je suis convaincu que c'est le cas. À partir du moment où les gens sont convaincus, par des campagnes ou par des prises de conscience, qu'ils sont en train de poser des gestes qui sont dangereux, on n'aura même pas besoin de les surveiller, ils vont le faire d'eux-mêmes. Mais l'imposer par une loi, quand on ne comprend pas les bien-fondés ou qu'on doute des vrais objectifs, bien, aussitôt qu'on a une chance de passer à côté, comme mon collègue de Johnson le faisait remarquer, aussitôt qu'il a passé la zone, il remonte un petit peu plus haut, tu sais.

Alors, c'est souvent une illusion qu'on a, là, que la répression est la solution à tout. Mais la répression, c'est une action qui vient de l'extérieur pour changer un comportement, alors que la vraie façon de changer un comportement, c'est une action qui vient de l'intérieur des individus. Alors, je pense que là-dessus on se rejoint facilement et je crois que les corps policiers ont un rôle quand même important à jouer de ce côté-là.

Tout à l'heure, on faisait référence à la patrouille aux points noirs. Je pense que l'autre fédération de policiers qui sont venus, ils nous ont dit – puis je pense que vous l'avez répété aussi – qu'il n'y a pas de zone, au fond, où on ne peut pas faire de la patrouille. Parce qu'on justifie souvent l'utilisation du cinémomètre en disant: Bien, ça, ça va être... Le ministre utilise l'expression «les points noirs». Mais, si on les a si bien identifiés, les points noirs, les points dangereux, pourquoi ce n'est pas possible de mettre plus de patrouilles dans ces sections-là, aux heures où c'est susceptible d'arriver, dans des conditions atmosphériques où c'est susceptible d'être plus dangereux, d'envoyer plus de ressources policières dans ces régions-là? Évidemment, il y a toujours le problème, là, du nombre de personnes disponibles, des ressources comme telles. Mais est-ce que ce serait pensable qu'on puisse couvrir ces points noirs là de cette façon-là en améliorant la patrouille et en mettant plus de ressources au moment opportun, si on veut?

(10 h 20)

M. Cannavino (Tony): Absolument. Il n'y a pas... À notre connaissance – puis, écoutez, c'est toujours bien les policiers de la Sûreté du Québec qui patrouillent les autoroutes – il n'y a pas un endroit qui ne peut pas se patrouiller. Il y a des façons différentes d'intervenir. Et il y en a, des stratégies. On parlait tantôt de l'autoroute Métropolitaine, du boulevard Métropolitain. C'est certain, comme je disais tantôt, trouver un brave qui s'immobiliserait, un de nos policiers qui serait assez brave pour s'immobiliser là, écoutez bien, il ne serait pas brave, il serait...

M. Chevrette: C'est sa vie, à lui.

M. Cannavino (Tony): C'est en plein ça.

M. Chevrette: CSST.

M. Cannavino (Tony): Bien, c'est peut-être des funérailles. Ça serait un cas résolu. Ça serait évidemment difficile d'aller de cette façon-là. Mais, par contre, on utilise d'autres moyens.

On a les cinémomètres mobiles qui sont dans les véhicules. On a, je vous disais tantôt, la patrouille de retenue. Il faut cibler les zones, il faut cibler les périodes et aussi les périodes par rapport au climat ou à la condition routière. Ça, ce sont tous des volets. Puis, comme je vous disais tantôt, les policiers de la Sûreté du Québec, on a des analystes en sécurité routière. Et ces gens-là sont en mesure de nous préparer des plans, de nous soumettre des plans, et on va de l'avant justement avec ces types d'opérations là, ces types d'interventions. Donc, encore là, moi, je vous dis: Aller mettre un radar photographique sur le Métropolitain, vous ne venez pas de résoudre bien, bien grand-chose là.

Le tunnel Louis-Hippolyte LaFontaine, c'est bien certain que vous n'immobiliserez pas un policier à l'intérieur, à moins que vous ne lui en vouliez à mort. Il va falloir le sortir, il va être asphyxié. Encore là, il y a des façons de faire. Il y a encore des façons de faire des interventions. On a des spécialistes. Ceux qui travaillent sur le réseau autoroutier, ils sont spécialistes; ils ne font que ça. Des opérations, ils peuvent vous en préparer en masse. Mais il s'agit juste d'avoir les policiers pour le faire. C'est juste ça qu'il nous manque.

Quand on entend parler que, éventuellement, ils vont embaucher 150 policiers – je pense que vous êtes peut-être confronté à la même chose, M. le ministre – on nous parle d'ajouter les 150 policiers, mais sur trois ans, peut-être quatre ans. Écoutez, là, on ne réglera pas le problème là. Ça nous les prend hier. Je vous dis: C'est hier. C'est urgent, ça. Mais, quand on nous dit que, oui, ils vont embaucher les 150 policiers sur trois ans, bien là c'est pour ça que... vous avez raison.

La prévention, l'éducation, changer des mentalités, ça se fait. Ça me fait penser au fameux dossier du virage à droite. Tabarouette! J'ai demeuré, moi, pendant 25 ans dans la belle région de l'Outaouais. Ça tourne à droite. Vous traversez le pont, vous avez le droit de tourner à droite. Quand vous revenez, bien là vous n'êtes pas assez mature pour tourner à droite. Mais le même conducteur qui traverse le pont, il redevient mature quand il est rendu de l'autre côté du pont. Tu sais, à un moment donné, là, ça s'apprend, ça s'éduque. Il y a moyen de faire de quoi. Donnons la chance et croyons aux citoyens aussi.

M. Bordeleau: En termes d'éducation aussi, je pense que vous faisiez référence tout à l'heure à l'efficacité des patrouilles de retenue. On l'a vu récemment, par exemple, dans la région de Montréal où il y a eu des conditions atmosphériques difficiles, à un moment donné. Sur le boulevard Décarie, on a ralenti la circulation parce qu'il y avait des plaques de glace qui étaient plus ou moins visibles et ça devenait excessivement dangereux.

Vous l'avez dit, et je suis d'accord avec vous là-dessus: C'est beaucoup plus efficace, au fond... Imaginons une patrouille de retenue. C'est un des exemples. Mais c'est beaucoup plus efficace d'être ralenti immédiatement, de s'apercevoir qu'il y a des risques, que de recevoir, 10 jours après, un ticket disant qu'on a dépassé et, durant les 10 jours, on a pu continuer à conduire en fou et à conduire exactement de la même façon, avec les mêmes risques, pour créer des accidents pour la population en général.

M. Cannavino (Tony): Et, M. le député, quand vous allez recevoir votre billet, peut-être que vous en avez trois, là. Ça n'a pas freiné, ça n'a pas stoppé, fait cesser l'infraction. C'est dangereux, ça. Depuis qu'on a réussi à implanter la police de proximité, à la Sûreté du Québec, dans toutes les MRC, ce qui est intéressant, ce qu'on a développé, c'est avec les gens du milieu, les élus locaux justement qui participent au comité de sécurité publique, et eux trouvent les solutions, ils ont des approches. Il y a une approche qui est faite avec eux autres pour résoudre le problème. Donc, les élus locaux, ils connaissent, en général, où est le problème. En s'impliquant avec le corps policier local, le poste de la Sûreté du Québec, ils développent justement ces stratégies-là et ça fonctionne.

Il y avait un récent sondage – ça date d'un an – qu'il y avait un taux de satisfaction d'au-delà de 85 % du service offert par la Sûreté du Québec dans la MRC. Pourquoi? Parce que les élus ont justement l'occasion de participer à tous ces volets-là, de s'impliquer puis de trouver des solutions, entre autres, à la sécurité.

Je partage votre opinion quand vous dites: Recevoir une amende, oui, c'est dissuasif. C'est doublement dissuasif quand vous vous faites intercepter sur la route. Mais, quand vous apprenez par le courrier... Puis Dieu sait combien de billets sont émis puis qui sont envoyés par la poste! Quand vous recevez ça puis vous vous rendez compte que vous êtes rendu à 1 000 $ d'amendes, bien, moi, je pense que c'est plutôt un sentiment de frustration que vous avez parce qu'il y a un gros volet que vous aviez manqué. Si vous aviez été intercepté, probablement que vous auriez été avec la pédale douce par la suite. Ça aussi, au lieu de développer la frustration, allons-y avec l'approche éducative.

M. Bordeleau: L'autre point que je veux aborder, c'est la question des limites de vitesse sur les autoroutes. Vous dites que vous n'êtes pas nécessairement, actuellement, d'accord avec le fait qu'on augmente les limites. Mais on sait très bien, tout le monde le sait, on a des statistiques, vous y faites référence, la moyenne en général sur les autoroutes, on sait que, sur les autoroutes, si on va jusqu'à 120, 118, 119, pas de problème; passé 120, on risque d'avoir des problèmes. Et il y a même des ministres qui pensent qu'on peut aller jusqu'à 140, parce qu'on les voit passer à côté de nous autres puis ça va plus vite encore. Alors, ils doivent s'imaginer qu'il y a une tolérance ou que la tolérance est plus grande pour eux.

Mais pourquoi ne pas rendre les choses claires? Puis, si c'est 120... Puis, de toute façon, avec la moyenne – je pense que la moyenne, c'était 111 – si c'est ça, la réalité et puis que le bilan est raisonnable, pourquoi ne pas rendre les règles claires plutôt que de dire: C'est 100, ça, on accepte jusqu'à 115? Quand la personne se retrouve dans une zone de 90, bien, elle se dit: 90, ça doit vouloir dire 110. L'autre qui se retrouve dans une zone de 70 se dit: Bien, c'est probablement 80, et puis là, woups! il se fait pincer parce que, là, tout d'un coup, ce n'est pas ça. Alors, on marche avec un double système qui fait que les gens ne se comprennent plus.

Je ne pense pas qu'on augmenterait... Mettons une limite, là, qui est la limite raisonnable. Si c'est 115 ou 110 sur les autoroutes, mettons-le comme ça puis, après ça, appliquons la loi. Là, ça va avoir du sens, toutes ces règles-là. Et je ne comprends pas pourquoi vous avez des doutes sur cette dimension-là.

M. Cannavino (Tony): Bien, pour différentes raisons. On sait fort bien que plus vous augmentez la vitesse... Ce que ça cause comme problème d'augmenter la vitesse, c'est le temps d'intervention, le temps de réaction pour éviter un accident. Et ce n'est pas tout le monde qui est habile, on le sait, il y a des gens qui sont habitués à circuler à 100 km/h et, plus que ça, ils ont de la difficulté. L'autre problème là-dedans, avant de lancer sur la table et de dire: On va augmenter les vitesses à 120 km/h parce que, apparemment, le monde, à 120 km/h, ils trouvent ça acceptable, moi, je pense qu'on ne peut pas faire ça comme ça et dire: Bon, demain matin, on monte ça à 120 km/h, faisons une étude de ça, analysons la situation.

On parle de respecter, qu'on respecte le 100 km/h. Moi, je peux vous dire de quoi: Interceptez un citoyen à 101 km/h, à 102 km/h et vous allez avoir quoi, un tollé de réaction? Oui, fort probablement. Pourquoi? Parce qu'il y a quand même un petit jeu, là, quant à l'odomètre. Ça, il faut quand même être logique là-dessus. Vous circulez, la vitesse permise est de 100, il peut y avoir une marge d'erreur sur l'odomètre. Il y a une question aussi... Écoutez, il y a un pouvoir discrétionnaire par les policiers aussi, ça dépend des situations. Mais il n'y a pas un policier qui se fait dire: Écoute, tu n'émets pas de billet avant que quelqu'un atteigne 120 km/h. Ça, c'est faux, ça. Il n'y a pas un de mes policiers qui a cette contrainte-là ou cette politique-là.

M. Bordeleau: Je n'ai pas dit qu'il y avait une directive, mais je dis que c'est ça, la réalité, puis c'est ça, la réalité de façon très générale. Je pense que tout le monde qui est ici, autour de la table, on fait régulièrement l'autoroute, et la règle, c'est celle-là.

M. Cannavino (Tony): Mais d'augmenter, de partir de 100 km/h à 120 km/h, moi, il faudrait qu'on...

M. Bordeleau: Non, je ne dis pas 120 nécessairement, mais on dit que la moyenne est de 111. Alors, si, en réalité, les gens vont à 111 – tout le monde, à peu près, parce qu'on tire une espèce de moyenne – si c'est 111, pourquoi ne pas dire 110? Puis, après ça, on l'appliquera avec une marge de tolérance autour pour les problèmes de contestation qu'il pourrait y avoir, la marge d'erreur, mais qu'on ait un système.

Parce que, moi, j'ai l'impression que c'est dangereux à long terme, parce que, quand il va se retrouver dans une zone à 70, où c'est plus dangereux que sur une autoroute, là il va aller à 80 parce qu'il pense qu'on peut aller à 10 de plus, et on a vu la SAAQ qui nous a fait des campagnes récemment: Allez à 10 milles de plus et... Vous voyez? Bon. La personne avait frappé puis... Alors, on crée une habitude sur les autoroutes et puis les gens transposent ça ensuite dans des zones de 50, dans des zones de 60, dans des zones de 90, et là j'ai l'impression qu'on lance un mauvais message à la population.

M. Cannavino (Tony): Mais alors, à ce moment-là, le message, il faudrait que ça soit clairement établi que c'est à 100 km/h et à 101 les billets sont émis, et il y a une campagne qui se fait là-dessus pour avoir un message clair à tous les citoyens. Mais, moi, j'ai hâte d'écouter le message publicitaire et qui va le faire. Comme je vous ai dit, il faut, à un moment donné, laisser aux policiers ce pouvoir discrétionnaire là, ce qui est tout à fait logique, question de température. Parce que je peux vous dire de quoi: À 100 km/h, dans de mauvaises conditions atmosphériques, c'est dangereux.

(10 h 30)

M. Bordeleau: Non, mais ça, c'est même vrai dans une zone de 50. Des fois, c'est tellement glacé qu'il faut aller à 30.

M. Cannavino (Tony): Non, non, je suis d'accord avec vous, mais interceptez le véhicule à 100 km parce que le climat n'est pas bon, il va dire: Écoute, je n'ai pas dépassé la vitesse.

M. Bordeleau: O.K. Bon. Je vais passer à un autre sujet parce que c'est quand même... Alors, je voulais juste aborder ce sujet-là parce qu'il me semble qu'il y a un problème là. Vous ne vous êtes pas prononcé, dans le document, sur le port du casque. Est-ce que vous avez une idée là-dessus? Obligatoire, le port du casque obligatoire.

M. Cannavino (Tony): Le port du casque obligatoire. J'ai assisté la semaine dernière à l'exposé du Dr Denis – si je ne me trompe pas, c'était le Dr Denis qui est traumatologue à l'hôpital Sacré-Coeur. Moi, je peux vous dire de quoi: Si je n'étais pas convaincu à 100 % quand je suis sorti de là, je peux vous dire une affaire, que, si j'ai l'intention de faire du vélo, je vais mettre un casque. Je n'y voyais pas...

M. Bordeleau: Mais la question est de savoir: Est-ce qu'on doit faire une loi pour l'imposer?

M. Cannavino (Tony): Le problème de légiférer là-dessus, c'est de quelle façon les policiers vont intervenir. La difficulté, c'est l'identification. C'est ces points-là qui sont... Quant à moi, il va falloir travailler très, très fort à ne pas compliquer la tâche des policiers ou avoir une loi qui n'ait pas d'effets, tu sais, qu'il n'y ait pas de conséquences si vous ne le portez pas.

Mais la question que, moi, je me pose, c'est: Oui, parfait, le port obligatoire. Mais trouvons une façon que, s'il y a des gens qui contreviennent à cette loi-là, il y ait des conséquences. Mais c'est là-dessus... Je me vois mal, moi, dans le contexte actuel, avec les problèmes et avec les budgets réduits partout, avoir des policiers qui vont partir à courir après les cyclistes. Ils vont arriver là, puis ils ne seront pas identifiés.

M. Bordeleau: Bon. Je suis d'accord avec vous. Je voulais avoir votre point de vue là-dessus. En tout cas, je partage votre point de vue. Je pense que le casque, on devrait le porter, et, en tout cas, je favorise plus une approche par l'éducation. L'autre problème, c'est que c'est facile de faire la loi puis de l'écrire. Ça, ce n'est pas très long, il y a un paquet de monde ici qui peut vous en écrire, des lois, en très peu de temps. Le problème, c'est de les appliquer après.

Je pense que, si on n'a pas assez de policiers sur les autoroutes, sur les routes pour faire des patrouilles, je verrais mal qu'on envoie les policiers courir dans le champ après le petit gars qui n'a pas mis son casque. Alors, j'ai l'impression qu'il y a des problèmes là et je pense qu'il faut prendre ça en compte. Et mettre en doute le bien-fondé d'une loi sur le port du casque, ça ne veut pas dire mettre en doute le port du casque. Il y a d'autres moyens d'arriver... Alors, je voulais avoir votre point de vue là-dessus.

Un dernier point. En fait, ce n'est pas dans le livre comme tel, mais vous avez mentionné ça tout à l'heure. Les cours de conduite. C'est quoi, votre perception des effets que ça a pu donner à la suite de la décision qui avait été d'abandonner l'obligation de faire des cours de conduite dans des écoles reconnues? Est-ce que vous avez une opinion là-dessus, sur l'impact de... Vous voyez des gens qui conduisent à la journée longue. Est-ce que c'est pire, c'est mieux, ça n'a pas d'effets?

(Consultation)

Le Président (M. Lachance): En 90 secondes, M. le président.

M. Cannavino (Tony): Pardon?

Le Président (M. Lachance): En 90 secondes.

M. Cannavino (Tony): En 90 secondes? Bon. Évidemment, la formation qui était donnée par le passé avec des écoles reconnues permettait justement une formation adéquate et supervisée. Ça, c'était un avantage qu'il y avait par le passé qu'on n'a pas actuellement.

(Consultation)

M. Cannavino (Tony): C'est le fait que, lorsque vous suiviez ces cours-là dès le départ, vous ne partiez pas du mauvais côté, O.K. Donc, ça va-tu bien quand tu apprends de la bonne méthode, de la bonne façon la réglementation, le comportement! Justement, on parle de comportements qu'il y a à corriger. On le fait pour l'alcool au volant dès le jeune âge. Dès les premiers temps, on parle de ça, on mise énormément là-dessus. C'est la même chose pour la conduite, ça évite des comportements de conduite agressive.

M. Bordeleau: O.K., ça va. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre participation aux travaux de cette commission.

M. Cannavino (Tony): Je tiens à vous remercier infiniment, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant le ou les représentants de l'industrie manufacturière québécoise de la bicyclette à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, M. Dutil. Je vous indique également, comme à tous les autres qui vous ont précédé, que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert.


Industrie manufacturière québécoise de la bicyclette

M. Dutil (Raymond): O.K., merci. Bonjour, M. le Président, bonjour, M. le ministre, Mme la députée et MM. les députés. Mon nom, c'est Raymond Dutil, président de la société Groupe Procycle inc. Aujourd'hui, pour faire une mise au point, je représente l'industrie, mais je ne suis pas le président. Parce qu'à un moment donné on m'a envoyé une chose comme président de l'association québécoise. Ce n'est pas le cas, mais je représente mes confrères, qui ne sont pas ici aujourd'hui, évidemment, qui ne pouvaient pas se présenter.

Je vais faire un peu un tour du mémoire. En premier, ce qu'il est important de comprendre, c'est que l'industrie québécoise de la bicyclette représente près de 95 % de la fabrication canadienne de vélos. C'est assez important et c'est assez spécial, un peu, dans le contexte canadien. Aussi, je vais vous parler des quatre manufacturiers qui appuient ce mémoire-là.

Il y a Procycle, au départ, que je connais très bien, qui est une compagnie qui a été fondée en 1974 en Beauce, qui a 450 employés et qui fabrique, entre autres, les marques de commerce CCM, etc. Je pense qu'une chose importante à souligner ici, c'est que, chez Procycle, on a la norme ISO 9001. Je le souligne parce qu'il y a un facteur de sécurité à ça. Vous parlez de sécurité, mais la première chose qui est très importante en sécurité, c'est le véhicule avec lequel les jeunes se promènent. Un vélo, c'est quand même un produit relativement complexe. Il y a une transmission sur un vélo, il y a un système de freinage sur un vélo, même si ça se vend 100 $. Et le freinage, il faut qu'il fonctionne et il ne faut pas que ça brise.

Donc, la notion de qualité du véhicule est relativement importante pour un produit qui se vend très peu cher. À ce niveau-là, je dirais, l'industrie en général s'est très bien disciplinée à faire des produits sécuritaires. Aussi, Procycle, j'ai souligné aussi qu'on a, depuis la dernière fois que je suis venu ici il y a quatre ans, acquis une compagnie qui s'appelle Bodyguard Fitness et aussi Rocky Mountain Bicycles, qui est à Vancouver, qui est le 4 % du 5 % qui n'est pas fait au Québec.

Il y a aussi la compagnie Raleigh, qui est à Waterloo, au Québec, qui est fondée depuis 1974, qui a 395 employés au Québec et qui fabrique des vélos aussi pour le marché canadien, surtout canadien; Victoria Precision, qui est à Montréal, emploie, elle, environ aussi 450 employés, qui a été fondée en 1941; il y a aussi la compagnie Cycles Devinci, qui est à Chicoutimi, qui a été fondée en 1987 et qui s'est spécialisée dès le départ en fabrication de cadres aluminium – donc, très nichée en fabricant de bonne qualité – qui a une quarantaine d'employés, qui s'est ajoutée d'ailleurs depuis la dernière fois qu'on s'est présenté ici. On était seulement trois manufacturiers qui avaient présenté un mémoire, et Cycles Devinci s'est joint à nous.

En plus, dans l'industrie du sport ou du vélo, il y a d'autres types d'industries. J'aimerais souligner la compagnie Louis Garneau Sports. Louis Garneau Sports ne fait pas partie du mémoire, mais j'ai parlé à M. Garneau, qui m'a permis de citer un peu un article où M. Garneau disait la chose suivante: «Je ne crois pas à l'obligation du port du casque à vélo ou dans tout autre sport, je fais confiance à l'autodiscipline et à l'autodétermination.» Fin de la citation. Il m'a demandé de citer sa position là-dessus.

(10 h 40)

Donc, c'est, en gros, l'industrie du vélo au Québec. Je pense que c'est important aussi que vous compreniez les défis de notre industrie. La sécurité, j'y viendrai un peu plus tard, qui est aussi un défi constant. On est dans un marché de mondialisation, marché très, très... Ça fait longtemps qu'on est dans le marché de mondialisation. Lorsque j'ai commencé, en 1977, moi, à travailler dans le monde du vélo, dès cette époque-là, il fallait acheter à la fois des pièces autant en Asie qu'en Europe, etc. Aujourd'hui, c'est encore plus vrai. La Chine est très présente. Nos confrères américains qui fabriquent des vélos, depuis quatre ans, il y a au moins deux, trois manufacturiers américains qui ont fermé leur usine et qui sont présents maintenant en Chine. Donc, on a toujours cette pression-là, de prix, constante.

Quand je vous parle de manufacturiers américains, je parle de gens comme Huffy, qui fabriquait 3 à 4 millions de vélos par année, qui a fermé ses usines – il avait deux usines américaines. Avant ça, il y avait eu Schwinn, une marque qui est relativement bien connue aux États-Unis, qui a fermé ses usines dans les 10 dernières années. Il y a une autre société qui s'appelait, qui s'appelle toujours Roadmaster, qui appartient à la multinationale Brunswick – les quilles, etc. – qui a aussi fermé l'usine aux États-Unis. Donc, on vit dans ce phénomène-là, en Amérique du Nord, de pression très forte, de mondialisation.

Donc, le phénomène qu'on a, c'est qu'on a des prix à la baisse. D'ailleurs, vous êtes tous... J'espère que vous avez tous été un jour des consommateurs de vélo. Vous pouvez découvrir qu'aujourd'hui le consommateur peut encore s'acheter un vélo adulte à 100 $, O.K. Il y a 20 ans, moi, quand j'ai commencé dans le vélo, vous pouviez avoir des 10 vitesses à 100 $. Aujourd'hui, vous allez avoir des 12 vitesses à 100 $. Donc, vous avez toujours ce phénomène-là.

Aussi, les autres défis de l'industrie, c'est la notion d'innovation, qui est constante. Malgré ces prix-là qui n'augmentent pas, on a une pression à l'amélioration des produits de façon constante. Le 21 vitesses aujourd'hui est la norme si vous regardez un peu dans les magasins. Donc, on avait connu les 10 vitesses il y a 20 ans, puis, après ça, les 12, les 15, on est rendu à 21, et même, aujourd'hui, des 24, 27 vitesses ne sont pas rares. Donc, il y a une constance d'innovation dans notre industrie.

Il est important, ici... Je ne veux pas reprendre tous les points de Vélo Québec, mais nous avons bien lu le dépôt de Vélo Québec. Donc, on n'a pas voulu revenir avec une copie de leur mémoire, mais on a lu leur mémoire et on appuie leur mémoire. Il y a certains points que je voudrais rappeler. C'est que la sécurité des cyclistes, ça dépend beaucoup – et d'ailleurs ça a été un peu mentionné tout à l'heure – des installations cyclistes, de pouvoir discriminer les cyclistes des routiers, des automobiles, etc.

Donc, plus on va avoir des pistes cyclables – puis je pense que le Québec, là-dessus, est un leader au niveau canadien – et un environnement agréable – c'est une première règle de sécurité – ça rend tout le monde plus sécuritaire. Relativement, aussi, les cyclistes ont peu d'accidents. On relevait, dans le rapport de Vélo Québec, que 99,9 % des cyclistes n'ont pas d'accidents. Il y a quand même près de 4 millions d'utilisateurs de vélo au Québec. Donc, la notion d'accident est peu... Et heureusement nos statistiques s'améliorent: l'an dernier, les dernières statistiques donnaient 19 décès. C'est 19 de trop, mais, il y a 20 ans, on est allé jusqu'à 80 par année. Donc, il y a une belle tendance, là, de réduction d'accidents, même si on a une augmentation de l'utilisation du vélo.

Légiférer sur le casque cycliste, ce n'est pas nécessairement ce qui règle les accidents. Ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut faire le maximum pour ne pas qu'il y ait d'accidents. Évidemment, lorsqu'il y a un accident, c'est mieux d'avoir un casque. Mais tout ce qu'on peut faire pour éviter l'accident est quelque chose de gagné. Concernant l'efficacité du casque, évidemment, il faut qu'il soit bien installé. Il y a beaucoup de règles là-dessus, je pense qu'il faut en être conscient.

Les études qui se sont faites en Australie et les sondages qui sont sortis dernièrement nous disent que le port du casque obligatoire, une loi qui légiférerait là-dessus aurait un impact: jusqu'à 28 % des utilisateurs de vélo qui pourraient arrêter d'utiliser le vélo; il y a un bloc de 8 %, même, qui dit qu'il cesserait complètement. Et, aussi, on mentionne que les familles défavorisées seraient peut-être les premières qui abandonneraient l'utilisation. Il faut savoir que le casque de vélo... Si on fait un parallèle avec la ceinture de sécurité, la ceinture de sécurité, c'est peut-être 1 % du coût d'une automobile; un casque de vélo, ça peut aller jusqu'à 20 %, 30 % du prix du vélo. Un enfant va acheter un vélo à 60 $. Donc, si vous achetez un casque de 15 $, 20 $, 30 $, le pourcentage est quand même assez cher.

Ça a été mentionné tantôt, les services policiers, je ne pense pas qu'ils aient les ressources pour appliquer une loi. Il y a aussi la notion – et on pourra y revenir – de système d'éclairage, où il y a une loi actuellement puis elle n'est pas respectée. Il faudrait peut-être, de ce côté-là, faire des actions, de l'éducation et même une application de règlements qui existent déjà. Je pense que ça serait peut-être plus prioritaire. Et aussi, chose intéressante, c'est que la plupart des groupes cyclistes sont contre l'obligation du port du casque. Donc, là-dessus, l'industrie et les organismes comme Vélo Québec, etc., se rejoignent.

Il faut dire aussi que l'industrie est soucieuse de sécurité. Pour une petite anecdote, moi, quand j'ai commencé dans le vélo, même les réflecteurs ne se mettaient pas sur les vélos. En usine, on ne posait même pas de réflecteurs, et même les marchands nous demandaient de ne pas mettre de réflecteurs parce qu'ils voulaient les vendre, les réflecteurs. Aujourd'hui, on a passé cette étape-là. Je ne connais pas de manufacturier qui ne pose pas les réflecteurs sur les vélos en usine.

Donc, aujourd'hui la notion des réflecteurs 360°, qu'on appelle – c'est-à-dire dans les roues, à l'avant et à l'arrière – c'est rendu une norme. Même s'il n'y a jamais eu d'obligation de les poser en usine, il y a une obligation d'en avoir sur la route. Mais, au moins, on a passé l'étape que c'est un fait acquis, les réflecteurs sont posés sur le vélos dès l'usine, et c'est vrai aussi, je dirais, pour l'importation et ces choses-là. Donc, la notion de sécurité, comme je vous dis, on en est conscients. Nous, on ne veut pas qu'il y ait de personnes qui utilisent nos produits puis qui décèdent suite à l'utilisation de nos produits. Donc, on est très concernés par ça.

Il faut savoir aussi que Procycle vient... La semaine dernière, on a signé avec la SAAQ, la Société de l'assurance automobile du Québec, une entente pour le printemps: il va y avoir des cliniques de sécurité qui vont être faites à peu près dans 50 à 60 marchands, en collaboration avec nos marchands, la SAAQ et nous. Il va y avoir des cliniques de sécurité qui vont être faites à travers le Québec jusqu'au mois de juillet au maximum, de mars à juillet. Donc, c'est une chose qu'on privilégie aussi. Il y a eu aussi les campagnes de sécurité et de port de casque à vélo avec Louis Garneau et la SAAQ, dans les années antérieures, qui étaient des choses très intéressantes.

Donc, je rappelle les conséquences économique d'une loi. Nous, ce qu'on voit et ce qu'on lit, c'est la diminution d'utilisation du vélo. C'est quelque chose qui nous préoccupe grandement, et, aussi, je pense que ça a... Je comprends qu'aujourd'hui il y a déjà d'autres provinces qui ont mis cette loi-là de façon atténuée – différente d'une province à l'autre – mais le Québec est quand même la province qui produit les vélos. Je pense que c'est important qu'on n'envoie pas un message pour qu'il y ait, à travers le Canada, un blocage qui pourrait nuire à l'industrie québécoise. Si le Canada en entier mettait la norme obligatoire de casque, ça pourrait être doublement néfaste.

Je m'excuse, je vais vous résumer, je ne vais pas tout vous lire ça. Donc, le vrai défi pour nous, c'est d'éviter les accidents. Qu'est-ce qui peut être fait pour éviter les accidents? Où est-ce qu'on pense que l'action doit être faite?

Donc, on pense qu'il faut développer davantage les pistes cyclables et en faciliter l'accès, en particulier dans les milieux urbains. Il faut tenir des campagnes d'éducation à la sécurité routière tant pour les cyclistes que pour les automobilistes – et c'est des choses qui se font. Il faut appliquer la présente loi sur les éclairages de bicyclette, parce que vous avez pu voir dans le mémoire de Vélo Québec qu'il y a environ 25 % à 30 % des accidents qui ont lieu le soir, même s'il y a à peu près 1 % à 2 % du kilométrage cycliste qui est fait le soir, donc il y a peut-être un point noir là ou une zone noire qu'il faudrait travailler. Et il faut utiliser davantage les techniques d'apaisement de la circulation. Surtout dans les quartiers résidentiels, où il se fait le plus de vélo avec des jeunes enfants, il y aurait avantage à ce que les contrôles de vitesse automobile soient très bien suivis.

Moi, j'aurais une recommandation, peut-être, à faire, c'est qu'il serait peut-être intéressant qu'à la fois la SAAQ, Vélo Québec et l'industrie puissent se concerter ensemble pour trouver des actions, en premier, peut-être, sur la notion de l'éclairage des bicyclettes.

Je pourrais finir avec la conclusion. Selon nous, il est socialement désavantageux, tant sur le plan économique que sur le plan de la santé collective, d'imposer une mesure qui conduirait à la baisse de la pratique du cyclisme. Au contraire, le bien-être commun commande que tout soit fait pour encourager et développer la pratique du cyclisme et ainsi mousser l'activité physique au Québec. L'industrie québécoise de la bicyclette se met à la disposition du gouvernement, comme je vous le mentionne, pour étudier toute mesure qui pourrait améliorer la sécurité des cyclistes, et ce, sans conduire à une baisse de la pratique du cyclisme. Plus encore, elle est prête à collaborer aux campagnes de promotion du casque cycliste.

En conclusion, nous réitérons notre opposition à la loi obligeant le casque, mais nous sommes d'accord pour le port du casque et nous appuyons, évidemment, toute campagne et tout ce qui peut être fait pour la sécurité de notre clientèle.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup, M. Dutil. Maintenant, nous allons passer à la période d'échange. Alors, M. le ministre.

(10 h 50)

M. Chevrette: Merci, madame. Merci, M. Dutil. Je suis content que l'industrie participe à cette commission parce que je pense qu'on aura beau parler de partenariat, de concertation, on aura beau parler d'efforts, d'éducation et de sensibilisation, si tout le monde ne se met pas ensemble, il ne réussira...

Hier, Vélo Québec témoignait et soulignait, par exemple, une difficulté – je pense que c'est son directeur général, là, je le dis sous réserve parce que je ne me souviens pas lequel des trois a affirmé cela – c'est-à-dire la difficulté, par exemple, d'aller trouver les équipements nécessaires pour la réparation. Ça faisait partie de son argumentaire. Il avait eu des problèmes avec son dynamo, je ne sais pas trop, quelque chose du genre.

M. Dutil (Raymond): Oui. Vous, vous parlez en termes d'éclairage, je crois, parce que la réparation, on l'a...

M. Chevrette: Oui, exact, pour la partie de l'éclairage.

M. Dutil (Raymond): Oui, pour l'éclairage.

M. Chevrette: Il voulait bien s'éclairer, mais il n'était pas capable. Il y a un travail de concertation, à ce moment-là, puis de distribution de pièces, si on veut... On aurait beau dire: Roule de façon éclairée, si les pièces ne sont pas disponibles en Abitibi, si elles ne le sont pas sur la Basse-Côte-Nord ou si elles ne le sont pas dans la Gaspésie, tu ne peux rien faire.

Donc, il y a une nécessaire concertation, d'autant plus nécessaire que, à mon point de vue, ça peut devenir avantageux, même, pour l'industrie, de se concerter puis de travailler sur des projets de sécurité concrets. Parce qu'une loi qui ne s'applique pas, ça ne sert pas à grand-chose, ça, d'avoir une loi. Si les cyclistes, on n'applique pas du tout la loi, que ce soit en milieu urbain... – ils tournent à gauche, ils ne font pas leur arrêt, ils ne mettent pas l'éclairage la nuit, même si c'est marqué dans la loi – ça ne donne pas grand-chose, ça. C'est comme les patins à roues alignées. C'est formellement défendu dans la loi actuelle. Je n'ai pas vu une infraction pour des patins à roues alignées. Et il s'en écrase pas mal, hein; une petite fille, encore dernièrement, en dessous d'un autobus scolaire à Montréal.

Il va falloir faire quelque chose. Si ça ne donne rien d'avoir une loi parce qu'elle n'est pas appliquée, il va falloir la modifier pour faire en sorte qu'il y ait des choses qui s'appliquent concrètement. Par exemple, est-ce qu'on ne doit pas donner un pouvoir aux municipalités d'arriver à définir des corridors spécifiques? C'est vrai qu'on a mis 18 000 000 $ dans les pistes cyclables pour les prochaines années. Mais ce n'est pas encore assez, ça, c'est évident, pour les enlever de sur la route 132. Ils n'ont pas le droit sur les autoroutes, mais ils sont sur la 132, sur la 138 – sur l'ancienne 2, vous le savez comme moi – et là il y a un danger autant pour les cyclistes que pour les patins à roues alignées.

Donc, il faut travailler. Je veux bien qu'on prenne du temps, je veux bien qu'on éduque, je veux bien qu'on informe, je veux bien qu'on collabore, mais il va falloir aller plus vite que ça va là, parce que le bilan routier, il est très, très sensible, on l'a vu: de 1998, 717 morts; c'est probablement 780 cette année. Donc un dépassement de 12 % à 15 %. On le rendra public très prochainement, là, mais c'est probablement de 12 % à 15 %, le dépassement.

Donc, moi, je suis heureux de voir que vous offrez votre collaboration comme telle et que vous ayez des ententes avec la SAAQ. Il s'en trouvera quelques-uns qui chialeront de voir que l'entreprise privée participe à des campagnes, comme ça a été le cas de Bombardier dernièrement, mais ça, ils chialeront, il y en a toujours pour chialer. Je pense qu'il faut modifier des choses puis progresser et avancer, et c'est tout à l'honneur, je pense, de l'industrie de collaborer, de participer puis de faire primer, justement, la sécurité. Parce que, si on a un discours de sécurité puis on s'objecte à tout ce qui est les éléments ou tous les moyens, on n'est plus cohérent. Si on veut avoir un discours crédible, il faut que ça cadre avec des gestes après, et je pense que...

J'en ai un à vous suggérer, moi, un moyen concret pour les cyclistes, et je suis sûr que ça peut devenir un objet de marketing et de vente extraordinaire. Je suis convaincu que, si le producteur de casques s'alliait, par exemple, au producteur de vélos et en faisait un prix global de vente pour les deux, ça serait un geste assez formidable et ce serait une contribution de l'entreprise, de faire un jumelage de vente au moins des vélos conçus au Québec, fabriqués au Québec, et qui représentent 95 % des vélos du Canada, si j'ai bien compris votre exposé...

M. Dutil (Raymond): 95 % des vélos produits au Canada.

M. Chevrette: Produits, O.K. Produits au Canada.

M. Dutil (Raymond): Malheureusement, on a de l'importation pour nous compétitionner.

M. Chevrette: Oui. Ça, je sais, mais d'autres qui fabriquent disent: Malheureusement, on a de l'importation, eux autres aussi. On est dans un marché ouvert. Mais, si le produit québécois – comme vélo – est jumelé à un produit québécois – qui est le casque – et, si tout le monde l'encourage et offre des forfaits spécifiques pour les deux pièces de vente en même temps, déjà on poserait des gestes concrets. Je suis sûr qu'un nommé Dutil qui vient de la Beauce va comprendre ce message-là d'entrepreneur puis qu'il va sûrement chercher à... D'autant plus que, sur le port du casque, je pense qu'il y en a un seul, fabricant, au Québec...

M. Dutil (Raymond): Oui. Il y en a un seul au Canada, qui est à Saint-Augustin, oui.

M. Chevrette: ...puis vous l'avez cité tantôt.

M. Dutil (Raymond): Oui.

M. Chevrette: Donc, deux personnes qui veulent contribuer à la sécurité peuvent se parler et peuvent contribuer à présenter un discours d'une cohérence totale. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Dutil (Raymond): Oui, c'est de faire un escompte spécial: si vous achetez un vélo, vous avez un escompte sur un casque. C'est un peu ça que vous dites, là.

M. Chevrette: Par exemple.

M. Dutil (Raymond): Oui. Bien, c'est...

M. Chevrette: Ou mettre un prix global pour les deux pièces.

M. Dutil (Raymond): Mettre un prix global? C'est qu'il y a des gens qui ne veulent pas l'acheter, parce qu'ils en ont déjà un, premièrement.

M. Chevrette: Oui, ça, c'est vrai.

M. Dutil (Raymond): O.K. Mais ça fait qu'ils peuvent avoir l'escompte...

M. Chevrette: Une réduction.

M. Dutil (Raymond): Oui. Si vous achetez un vélo, vous avez un rabais sur... Oui, c'est un élément de marketing. Si je me cherche quelqu'un en marketing, à votre retraite politique... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ha, ha, ha! J'allais dire: Préparez-vous, parce qu'il ne m'en reste plus longtemps. Ha, ha, ha!

M. Dutil (Raymond): Ha, ha, ha!

M. Chevrette: J'en ai pas mal plus derrière que devant. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dutil (Raymond): Mais la sagesse, c'est important.

M. Chevrette: Non, mais c'est parce que, pour la crédibilité du discours...

M. Dutil (Raymond): Oui.

M. Chevrette: Je regardais, juste hier... Oui, mais ça, je pense que je vous l'ai dit avant la commission tantôt. Je regardais hier Vélo Québec, qui a témoigné. J'ai demandé: Quel est votre objectif premier? Objectif premier? Sécurité. Quel est le titre du journal ce matin? Contre le port du casque obligatoire . C'est vrai que c'est contre le port du casque obligatoire, mais le titre – puis la majorité des gens lisent les titres et non pas les articles – la conclusion, c'est que Vélo Québec, elle a beau parler de sécurité, elle est contre un élément de sécurité. C'est de même que ça sort dans le public. Et le consommateur de l'information, il va véhiculer que Vélo Québec est contre le port du casque et il ne fera pas la nuance. Obligatoire, pas obligatoire, promotion, sensibilisation, éducation, ce n'est pas marqué dans le titre, ça. Je vous dis très honnêtement: C'est là qu'on passe pour des incohérents au niveau du discours qu'on projette. C'est juste ça que j'ai voulu mentionner. Je sais que Vélo Québec avait peur du ministre.

M. Dutil (Raymond): Oui. Mais il y a des contradictions, si je peux me permettre. Je prends des pays, comme en Europe, où c'est très développé. Le Danemark, la Hollande, c'est très développé en vélo, et, eux, ils ont une approche un peu différente: ils ne veulent même pas imposer, trop pousser le casque, pour ne pas passer le message que ce n'est pas sécuritaire, faire du vélo. C'est l'autre extrême, là.

Mais c'est pour ça que la... Quel message on passe au consommateur? Je pense que, depuis 10, 15 ans, l'industrie du casque a amélioré son produit. La conscientisation qui s'est passée, c'est quand même heureux qu'il y ait eu cette évolution-là. Les gens, ils ne sont plus rébarbatifs à porter un casque, comme ils l'étaient autrefois, c'est un article de mode, un peu, ce qui est intéressant. Cette tendance-là est intéressante. Je suis d'accord avec vous, il s'agit de continuer dans cette direction-là, puis l'industrie a un rôle à jouer, vous avez parfaitement raison.

M. Chevrette: Maintenant, pour ce qui est de l'éclairage, parce que c'est déjà dans la loi, puis je dois vous dire que, en tout cas, moi, dans mon coin, que je parte de Saint-Esprit, que je parte de Saint-Côme, que je parte de Saint-Félix ou que je parte de n'importe laquelle des branches de l'étoile pour arriver à Joliette, je n'ai pas rencontré deux vélos sur 100 qu'on puisse croiser le soir qui sont éclairés. Il n'y en a pas deux sur 100 qui sont éclairés, puis c'est dans la loi. Puis c'est des dangereux, ils n'ont ni dossard...

M. Dutil (Raymond): Réfléchissant.

M. Chevrette: ...fluorescent ni rien, là. Ils n'ont même pas de... Des fois, t'as un petit spot en arrière...

M. Dutil (Raymond): Des réflecteurs ou un petit «flasher».

M. Chevrette: ...c'est à peu près tout ce que tu as. C'est extrêmement dangereux, puis ça n'avance pas vite, ça. Est-ce que c'est devenu standard sur les...

M. Dutil (Raymond): Absolument pas, et c'est très culturel. En Europe, vous allez voir beaucoup... D'ailleurs, en Europe, il y a les vélos de montagne, ça se vend, mais c'est 10 %, 15 % du vélo. Le vélo de ville européen a de l'éclairage, c'est très culturel de faire un vélo européen avec de l'éclairage.

Nous, on a forcé, dans les années soixante-dix – avec l'influence, un peu, de Vélo Québec, qui disait qu'il y avait un marché là-dessus, etc., et qui prônait ça, et il avait raison – on a fait des vélos avec éclairage sur le vélo monté, etc. Ça ne se vend pas, curieusement...

M. Chevrette: Pas de preneurs.

M. Dutil (Raymond): ...à cause du prix. Si on veut mettre un bon système d'éclairage, ça peut coûter jusqu'à 100 $, de détail. Donc, ça montait le vélo plus cher. Il y a un blocage psychologique, les gens ne réalisent pas le danger devant ça, il y a vraiment du travail à faire d'éducation.

Je vous dirais, un réflecteur, sur le prix de détail du vélo, c'est peut-être 5 $, et on a été longtemps à avoir une contrainte où les marchands nous disaient: Ne mettez pas le réflecteur sur le vélo, ça va monter le prix de vente au détail et ça va nous faire perdre une vente. On a réglé ce problème-là, parce que, disons, au niveau manufacturier, ça coûte moins que 5 $. Imaginez-vous un système de dynamo! On a beaucoup de chemin à faire, mais il faut le faire puis il faut conscientiser les gens. Il faut standardiser ou il faut évaluer les systèmes d'éclairage, proposer des systèmes d'éclairage, des kits de «retrofit», qu'on appelle en bon français. Il y a quelque chose à faire, définitivement.

(11 heures)

M. Chevrette: C'est parce que c'est vrai que l'individu est libre d'acheter le produit qu'il veut bien acheter. L'individu – on est basé sur, toujours, des droits individuels, là – il a le droit de rouler quand il veut, comment il veut. On fait des lois, elles ne sont pas appliquées. Mais la société, elle, n'est pas libre de payer ou de ne pas payer pour celui qui ne veut pas, par exemple. L'individu de 16 ans qui n'a pas d'éclairage puis qui roule en bordure de la 138, je ne sais pas, ou de la 132, il a un accident, il ne meurt pas puis il est infirme le reste de ses jours puis il a 16 ans, la société paie pour cet individu jusqu'à 65, 70 ans.

Il n'y a pas de liberté collective de payer ou de ne pas payer pour quelqu'un qui veut exercer une liberté personnelle. À un moment donné, il va falloir qu'il y ait des droits collectifs dans la société. Parce que je ne sais pas où est-ce qu'on s'en va, moi, comme société, à force d'abuser des droits individuels. Il n'y a plus aucun droit collectif, il n'y a aucun encadrement collectif, sauf l'information, sauf la sensibilisation, sauf l'éducation. Mettez-les tous les trois ensemble, ça ne change pas le résultat net. Et c'est là-dessus, moi, que j'ai de la difficulté à accrocher.

J'en ai parlé à Vélo Québec, j'en ai parlé à d'autres groupes qui viennent prôner la liberté individuelle, soit. Mais, si on donnait en même temps la liberté à une société de ne pas payer pour les frasques d'une liberté individuelle ou pour les fautes d'une liberté individuelle, on pourrait se suivre. Mais je ne vois pas pourquoi on paierait des sommes astronomiques vis-à-vis d'un individu qui a une liberté individuelle. Autrement dit, il n'y a plus de règles qui résistent; c'est l'anarchie.

J'ai de la misère sur ces concepts et sur ces principes, moi, personnellement. Et peut-être, comme vieux prof, nous autres, on avait certains droits collectifs puis on essayait de transmettre certaines valeurs d'obligations et de droits collectifs. Et, depuis l'avènement des Chartes, tu as le droit de tout faire, n'importe quand, n'importe comment, de n'importe quelle manière, sauf que c'est la société qui paie. Ça, ça m'agace. Ça commence à m'agacer puis j'espère qu'il va se partir un débat de société. Je vous dis ça en passant.

J'espère qu'il va se partir un débat de société, moi, parce que, dans 50 ans ou dans 25 ans d'ici, je ne sais pas quel type de société on aura. Personnellement, ça m'inquiète. Puis je suis sur le bord de quitter la politique, moi, mais je peux-tu vous dire qu'il va falloir que les hommes et les femmes politiques s'interrogent très, très sérieusement jusqu'où peut conduire la notion de liberté individuelle totale, sans encadrement et sans droits collectifs. Ça, j'ai profité de votre présence pour dire ça. J'aurais pu le dire à un autre, là. Ce n'est pas vous que je vise.

Moi, je voudrais vous remercier d'avoir pris la peine de témoigner devant nous puis de nous avoir passé les messages qui s'imposaient.

M. Dutil (Raymond): Mais, sur l'éclairage, il y a un travail à faire qui peut être fait en concertation, je pense. Mais il y a beaucoup d'éducation à faire.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. Dutil, pour votre présentation. Juste un commentaire sur l'intervention du ministre. Je pense que ce qu'il soumet, au fond, est un problème réel qui mérite réflexion, excepté que... Bon. Il faisait référence au fait qu'il y a 25, 30 ans, disons, les gens avaient des responsabilités, et tout ça. Je pense que, si la mentalité a changé ou si on perçoit qu'elle a changé aussi, c'est peut-être une question d'éducation.

Des lois, on n'en avait pas plus dans le temps, mais on avait peut-être des valeurs différentes puis une façon différente de remplir nos obligations, mais ce n'est pas... Puis, si le problème existe – puis j'en conviens – ce n'est pas nécessairement la loi qui est la solution. La preuve, c'est qu'on en a, des lois ou des règlements. On en a de plus en plus puis ça ne donne pas nécessairement les meilleurs résultats au bout de la ligne. Alors, il faut aussi s'arrêter puis réfléchir à ça.

C'est certain que c'est plus difficile de faire de l'éducation puis changer des comportements, des habitudes. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. C'est des choses qui prennent du temps. Ça demande de la persévérance, ça demande de la patience, ça demande de l'action, ça demande de l'investissement, mais c'est peut-être plus efficace que de penser qu'une approche de répression, de loi, de coercition va régler les problèmes. La preuve, c'est qu'on en a un paquet puis on n'est pas capable de les appliquer. Alors, c'était juste un commentaire que je voulais faire sur ça.

Je reconnais le problème, mais je pense qu'il faut faire attention pour ne pas tomber facilement dans le panneau où on peut penser qu'on va obliger les gens à faire ça. Puis ça, pour faire ça, bien, on va faire une loi, on va faire un règlement. Et on a trop d'exemples sous la vue qui font qu'on s'aperçoit que c'est plus ou moins efficace. Et, comme je le soulignais, retournons 25, 30 ans, 50 ans en arrière, il y avait toutes sortes de valeurs qui étaient là. Il y avait de la solidarité dans les villages, il y avait les gens, tout ça. Il n'y avait pas de lois, il n'y avait pas de sécurité sociale. Je ne dis pas qu'il faut retourner là. Mais je dis qu'à ce moment-là les comportements que les gens avaient, c'était par éducation qu'ils les avaient appris et non pas par des lois. Je pense que c'est la bonne façon aussi.

Maintenant, comment arriver à régler ce problème-là? C'est le problème que les gens ont, partout. Dans le milieu des affaires ou n'importe où, on fait des changements. Ce n'est pas nécessairement toujours des lois qui font qu'on va réussir à apporter ces changements-là. C'est des changements d'habitudes, c'est des changements de culture, c'est des changements de valeurs. Et tout ça, ce n'est pas des lois qui imposent ça. Alors, c'était juste un commentaire que je voulais faire là-dessus.

Un autre commentaire aussi – ça fait référence aussi à votre présentation – c'est: Quand on parle, dans le cas du port du casque, d'avoir une approche qui est plus basée sur la promotion, l'éducation, et on pense que ça peut donner des meilleurs résultats à long terme, j'étais content que vous signaliez que M. Garneau, au fond, partage le même point de vue que Vélo Québec ou que votre groupe – les manufacturiers – par rapport au port du casque.

S'il était venu nous dire le contraire, on aurait dit: Ah oui! Bien, je comprends, c'est un manufacturier, il vend des casques. Donc, il a un intérêt à dire que la loi devra obliger ça parce qu'il va en vendre plus, tout le monde va être obligé d'avoir un casque. Mais effectivement c'est un manufacturier – c'est le seul – et il nous dit: Ne faites pas de loi. Alors, ce n'est pas pour son intérêt personnel qu'il le dit, là. Si c'était dans son intérêt personnel, je pense qu'il nous aurait envoyé le message contraire.

Alors, je pense que c'est intéressant que vous le signaliez. Je pense que c'est plus au niveau des convictions et au niveau de trouver un équilibre dans tout ça entre la liberté individuelle et la coercition, qui est l'approche, je pense, qu'on doit privilégier.

Vous avez mentionné quelque chose tout à l'heure, puis ça m'a frappé. Je voudrais juste que vous m'expliquiez un peu plus. Vous parlez du marché des bicyclettes, des vélos. Vous nous dites: C'est un marché ouvert sur la mondialisation. Vous faites référence au fait que – ce qui est intéressant – 95 % des vélos canadiens sont fabriqués au Québec. Vous avez fait référence aussi au fait que, aux États-Unis, il y avait eu beaucoup de fermetures d'usines comme telles, et je n'ai pas compris la cause. Pourquoi ces usines-là... Qu'est-ce qui fait, là, que, dans le cadre de la mondialisation, on se retrouve avec un nombre si grandissant d'usines qui ferment aux États-Unis, ce qui ne semble pas avoir été le cas au Québec. Au Québec, je pense qu'il y a une certaine stabilité dans les manufacturiers. Alors, j'aimerais ça avoir juste votre point de vue, pour mieux comprendre.

M. Dutil (Raymond): Bon. Il y a plusieurs petites choses puis des choses importantes. Nous, on a réussi, au Canada, à avoir une protection contre le dumping de Chine et de Taïwan, mais surtout de Chine. Donc, ça nous donne un peu d'oxygène, ça nous sécurise un peu, puis c'est en place depuis à peu près sept ans, et il nous reste jusqu'en 2002 pour retravailler s'il y a un renouvellement ou pas. Donc, ça, ça nous protège un peu, d'une certaine façon, du dumping, malgré qu'il vienne des vélos d'un peu partout. Mais, au moins, on a cette protection-là que les Américains n'ont pas, première chose.

Aussi, l'industrie canadienne du vélo a toujours été une industrie qui faisait de la qualité. Le consommateur canadien a été habitué à de la qualité. CCM, à son époque, qui était le leader canadien, était reconnu dans le monde pour faire un niveau de qualité assez bien. Donc, même les vélos que vous retrouvez chez les magasins à chaîne, au Canada, sont de meilleure qualité que les vélos américains. Donc, à ce niveau-là, ça nous a aidé un peu, malgré notre petitesse de marché qui est d'à peu près 1 500 000 vélos. Quand je dis 95 % au Québec, je veux qu'on se comprenne bien. C'est que 95 % de la fabrication canadienne est québécoise. Mais malheureusement on n'a pas 100 % du marché. À peu près 60 % du marché est de fabrication canadienne.

Donc, on a ça, un peu, qui nous a protégés. Puis les Américains qui ont fermé, à date, c'est des gens qui faisaient des bas de gamme, donc qui étaient nez à nez avec les Chinois. Et les Américains, ce sont des gens, aussi, qui achètent – d'ailleurs, on vend aux États-Unis et c'est très difficile de vendre aux États-Unis – des prix. Ils vont acheter beaucoup plus un prix avant le produit. Au Canada, les gens veulent des prix, mais ils veulent un minimum de qualité. Les Américains, 50 % du marché ou 70 % du marché, c'est des prix, des prix, des prix. Ils retrouvent ces prix-là à l'importation. Donc, ça a créé ce phénomène-là.

M. Bordeleau: Juste une autre question de clarification. Hier, j'avais posé la question à Vélo Québec. Je pense que vous venez de... Je veux juste la confirmer. Le pourcentage de vélos, au Québec, qui sont de provenance, de fabrication canadienne, vous dites 60 %, c'est ça?

M. Dutil (Raymond): Je dis qu'au Canada le marché canadien du vélo – c'est à peu près plus ou moins 100 000 – c'est 1 500 000 de vélos, par année, qui se vendent aux Canada. De ce 1 500 000 là, il y en a 60 % qui est fabriqué au Canada. Puis de ce 60 % là, il y en a 95 % au Québec.

(11 h 10)

M. Bordeleau: O.K. Au Québec, quel est le pourcentage de vélos qui ont été fabriqués au Canada?

M. Dutil (Raymond): Ah! bien, ça, c'est difficile à savoir, parce que les vélos, on ne sait pas. Moi, quand j'expédie un vélo à Toronto, il revient au Québec, des fois, là. Quand j'expédie...

M. Bordeleau: Ah! O.K. Vous n'avez pas cette donnée-là. On parlait de 40 % à 50 %.

M. Dutil (Raymond): Non, mais ce qu'on sait, c'est que le Québec est à environ 400 000 vélos sur le 1 500 000. Donc, la règle doit être à peu près... Malgré qu'on doive avoir une meilleure pénétration du vélo canadien au Québec parce que les manufacturiers sont Québécois, il y a sûrement une meilleure pénétration du vélo «made in Québec», là, je dirais, par rapport à l'ensemble du marché.

M. Bordeleau: O.K. Ça va.

M. Dutil (Raymond): Nous, en pleine saison, on fabrique 2 000 vélos par jour, pour mettre ça en dimension. Mais, nous, à Saint-Georges-de-Beauce, on va faire 350 000 vélos qui représentent 50 000 000 $, et on a à peu près 90 % qui sont vendus au Canada.

Pour faire un autre parallèle – pour la petite histoire – on a acheté une société, il y a trois ans, à Vancouver, qui s'appelle Rocky Mountain Bicycles. Eux, ils font 15 000 vélos, mais ça représente 15 000 000 $. C'est un autre monde, c'est des vélos à 1 000 $ chacun, et eux font 50 % d'exportations. Donc, ce qui est intéressant, c'est qu'on est en train, tranquillement de...

Dans l'industrie québécoise, pour survivre, il faut exporter. Autant Louis Garneau exporte, autant Devinci exporte. Nos deux autres confrères, qui sont Raleigh et Victoria, n'exportent pas. Mais la survie de notre industrie, c'est d'être forts dans notre marché mais d'exporter. Et ça, il y a un effort qui est fait. Mais il faut être fort chez nous pour pouvoir exporter. Ça n'existe pas, de l'industrie qui n'est pas forte chez elle puis qui fait de l'exportation.

M. Bordeleau: Vous avez fait référence tout à l'heure au partenariat que vous avez eu avec la SAAQ, lors de certaines campagnes de promotion.

M. Dutil (Raymond): Ça va être des cliniques, c'est même très ciblé, avec les marchands, en collaboration avec... C'est très intéressant, ce qu'on fait, parce que, nous, on est impliqués, la SAAQ est impliquée, mais aussi les marchands, les petits marchands dans la région qui vont faire des cliniques. Donc, c'est très ciblé, c'est...

M. Bordeleau: C'est des cliniques de quoi? de sécurité? d'entretien?

M. Dutil (Raymond): De sécurité.

M. Bordeleau: C'est de sécurité.

M. Dutil (Raymond): Des cliniques de sécurité à vélo. Donc, il va y avoir une annonce dans le journal qui va dire: Mesdames et messieurs, samedi, à telle heure, allez chez votre marchand. Il va y avoir une clinique de sécurité, vous allez pouvoir avoir un présent ou quelque chose comme ça pour attirer les gens. Donc, c'est un...

M. Bordeleau: Vous nous avez mentionné aussi que vous aviez... J'ai compris que vous avez déjà eu une campagne qui a été faite, dans le passé, en collaboration avec la SAAQ et Louis Garneau aussi.

M. Dutil (Raymond): Non, Louis Garneau est déjà avec... Je voulais signaler que Louis Garneau est déjà avec la SAAQ au niveau du port du casque. C'était très logique, d'ailleurs, pour un fabricant de casques, de faire une association avec la SAAQ pour porter un casque. Mais, si vous vous souvenez, dans le passé, il y avait des annonces, on voyait ça en arrière des autobus: Portez un casque, collaboration de la SAAQ et de Louis Garneau. Donc, l'industrie...

Puis, je le répète, pour l'industrie, la sécurité est fondamentale. Si, demain matin, les gens percevaient: vélo, c'est dangereux, on est tous touchés. Et le vélo, sa particularité, c'est un sport familial, individuel, compétitif. Avec les vélos de montagne, tu peux aller dans le bois. Il y en a de tous les budgets, des vélos. Nous, on fabrique... Dans notre organisation, on a des vélos de 50 $ puis on en a de 10 000 $. Il y a toujours deux roues à 10 000 $. Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Juste une question au ministre. En quelle année ça a eu lieu, ce partenariat-là – si c'est possible – avec Louis Garneau, dans la campagne comme telle?

M. Chevrette: Trois ans, en 1994, 1995 et 1996.

M. Bordeleau: Est-ce qu'il y a eu des études qui ont été faites, à la suite de cette campagne-là, sur les effets comme tels?

M. Chevrette: Oui. Si vous regardez à la page 12 du livre vert, il y a des statistiques de données. Il y a eu une évolution, il y a un plafonnement présentement, mais il y a eu une évolution. Ne grouillez pas, je vais le trouver, là.

M. Bordeleau: Page 12?

M. Chevrette: Page 12. En 1994, on avait 22 %; 25,3 %, en 1995; 24,5 %, en 1996; puis là ça varie de 1 % ou 2 %, 27,6 %, 26,9 %.

M. Bordeleau: Ça va. Je suis content aussi que vous ayez attiré l'attention sur la question des infrastructures disponibles. Je pense que le ministère en est conscient et...

M. Dutil (Raymond): Le Québec est leader, au Canada, là-dessus puis je pense qu'il faut que...

M. Bordeleau: Et je pense que, évidemment, tous les besoins sont énormes et il y a sûrement à planifier, en tout cas, de nouvelles routes ou de nouvelles choses, faire en sorte que les infrastructures soient là. C'est ce qui doit exister en amont par rapport au...

M. Dutil (Raymond): Me permettez-vous de prêcher pour mon clocher?

M. Bordeleau: Oui.

M. Dutil (Raymond): C'est malheureux qu'en Beauce on n'ait pas de pistes cyclables. Mais ça... Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Le ministre vous comprend sûrement.

M. Dutil (Raymond): Il y a l'éternel problème du train, de la voie ferrée. Là, on est en train de prendre une tangente de garder le train puis de faire une piste cyclable à côté du train, mais c'est un peu malheureux.

M. Chevrette: C'est exact. Dans certaines régions, le démantèlement ferroviaire a aidé beaucoup pour le cyclisme parce qu'on a utilisé à peu près partout ces pistes-là pour...

M. Dutil (Raymond): Et c'est très populaire, hein? Aussitôt que ça se fait, c'est très populaire.

M. Chevrette: Exact. Mais, à d'autres endroits, c'est le contraire de chez vous, on réactive la voie ferrée, sur le plan économique. Donc, il faut avoir des alternatives. Mais rien n'empêche que ça pourrait être en bordure.

M. Dutil (Raymond): Bien, c'est ça qui est en train de... Parce que longtemps ça a été la chicane entre le train et la piste cyclable, et là, bon...

M. Chevrette: Là, je pense que c'est réglé. Au moins, on voit clair.

M. Dutil (Raymond): Bien là le train va demeurer, puis il est possible de faire une piste cyclable en parallèle.

M. Chevrette: Ah! puis on voit même des chicanes entre les utilisateurs d'une piste. Il y en a qui n'aiment pas ça, voir les patins à roues alignées en même temps que les patins à roulettes puis en même temps que les cyclistes puis les marcheurs. Il se passe des jambettes, me dit-on.

Une voix: Les quad aussi.

M. Chevrette: Les quad. Oui, c'est vrai.

Une voix: C'est quoi, ça, une quad?

M. Chevrette: C'est une planche.

M. Dutil (Raymond): Mais heureusement il n'y a pas beaucoup d'accidents entre marcheurs et entre cyclistes.

M. Bordeleau: Je voudrais juste aborder la question de l'éclairage. J'ai l'impression qu'on se retrouve dans une situation qui est un peu bizarre. Il y a une loi qui oblige l'éclairage sur les vélos; elle n'est pas appliquée. On le dit, il n'y a pas d'application de cette loi-là. On sait que le pourcentage d'accidents dans la catégorie des gens qui voyagent après la tombée du jour est plus grand, compte tenu du nombre de personnes puis des kilomètres qui se font à ce moment-là. On a des fabricants de vélos qui disent: On a déjà voulu mettre de l'éclairage, ce n'était pas rentable, on a été obligé de l'enlever.

M. Dutil (Raymond): C'est que ça ne se vendait pas.

M. Bordeleau: Bien, ça ne se vendait pas...

M. Dutil (Raymond): C'est rentable de vendre un vélo avec l'éclairage dessus, en première montre, qu'on appelle.

M. Bordeleau: Non, mais j'ai l'impression que c'est un peu comme la poule puis l'oeuf.

M. Dutil (Raymond): Oui, c'est un cercle vicieux.

M. Bordeleau: C'est que les vélos qui sont produits, ils n'en ont pas et comme ils n'en ont pas, bien, les jeunes, ils n'en font pas poser après. Alors, comme c'est trop fréquent, la loi n'est pas appliquée. Sans ça, on n'arrêterait pas. Alors, on commence où, là-dedans? On commence où dans ce système-là?

M. Dutil (Raymond): Moi, je pense que c'est l'éducation, formation puis il faut faire une collaboration avec tous les intervenants. D'ailleurs, c'est ce qui est intéressant au Québec. Il y a une concertation entre l'industrie, les gens du vélo, la SAAQ, etc. Je pense qu'il faut tabler là-dessus. Il y a quelque chose d'intéressant qui peut être fait. Mais ça, je pense que tout le monde va tirer du même bord. Mais c'est de l'éducation. En Europe, on ne se pose pas la question. On achète un vélo avec de l'éclairage. C'est culturel.

M. Bordeleau: Mais est-ce que vous pensez qu'il pourrait arriver, éventuellement, avec l'éducation, que l'éclairage serait facultatif, ça se vendrait à part le vélo puis on le poserait après? C'est ça?

M. Dutil (Raymond): Au moins, on pourrait coordonner c'est quoi, je dirais, des kits. On pourrait au moins s'entendre sur quelle sorte de kits, comment qu'il faut en faire. On pourrait faire des explications chez les marchands en disant: Voici un kit d'éclairage, une promotion sur un kit d'éclairage. Voici c'est quoi que la loi dit, etc., un peu comme il se passe dans le casque.

Dans le casque, si on était encore à 3 % de l'utilisation, je pense que le discours aujourd'hui ne serait pas le même. On a réussi à passer de 3 % à 25 %. On a réussi à passer le nombre d'accidents de 80 décès à 19 pendant que la croissance a monté. Si aujourd'hui on parlait de 200 décès cyclistes, on n'aurait pas le même discours. Il n'y a pas eu de loi pour baisser le nombre d'accidents. Il y a eu de l'éducation, il y a eu des outils, il y a eu un casque qui pèse moins aussi, un casque qui est rendu joli, qui est rendu de mode. Si on avait encore les casques d'il y a 20 ans, on aurait un grand problème. Donc, je pense qu'il faut faire la même chose dans l'éclairage. Il faut trouver des solutions faciles, des kits «retrofit», qu'ils appellent.

M. Bordeleau: Il faudrait peut-être qu'il y ait une priorité, en tout les cas, qui soit mise là-dessus, à court terme, par la SAAQ. Je pense un peu à votre position où vous manifestez quand même de l'ouverture là-dessus. Je pense à Vélo Québec qui a lancé l'initiative l'année passée avec le tour de nuit.

M. Dutil (Raymond): À Montréal, oui.

M. Bordeleau: Puis, du côté du gouvernement, le problème que la loi n'est pas appliquée puis le nombre d'accidents, toutes proportions gardées, qui est plus important à ce moment-là, il faudrait que ça soit aussi une priorité qui soit mise de ce côté-là pour essayer d'améliorer le bilan de cette façon-là et rendre ça beaucoup plus sécuritaire.

M. Dutil (Raymond): Puis, si c'est plus conscientisé, les polices vont être plus à l'aise de mettre des contraventions sur...

M. Bordeleau: Bien, c'est ça. Si les gens commencent à s'éclairer, ceux qui voyageront, parce que ce n'est pas nécessairement tout le monde non plus qui le fait, voyager la nuit, mais ceux qui auront à le faire, s'il y a déjà une prise de conscience puis que les gens sont équipés, les policiers auront peut-être un travail moindre à faire que d'arrêter tout le monde parce que personne n'en a. Alors, ça sera peut-être plus réaliste de penser, à ce moment-là, que la loi pourrait être appliquée. Alors, moi, ça termine pour les questions que j'avais. Je vous remercie, M. Dutil.

M. Dutil (Raymond): Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 20)

(Reprise à 11 h 32)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre. Alors, la commission poursuit ses travaux, et nous allons maintenant entendre le Dr Clément Payette. Mais, étant donné la cause qui est encore pendante, il y a une précaution, avec l'assentiment de tous les parlementaires, que nous devons prendre, c'est d'assermenter le Dr Payette pour le protéger contre les recours possibles éventuels qui pourraient survenir dans la suite des événements. Alors, si vous voulez procéder.


M. Clément Payette


Assermentation

M. Payette (Clément): Je jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président (M. Lachance): Merci.

Une voix: Je vous demanderais de donner votre prénom, s'il vous plaît, pour que nous puissions l'enregistrer.

M. Payette (Clément): Je m'appelle Clément Payette. Voilà.

Le Président (M. Lachance): Alors, vous pouvez vous asseoir, docteur. Je vous indique que vous avez une période maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert et, par la suite, les échanges avec les parlementaires des deux côtés.

M. Payette (Clément): Bonjour à tous, à tous les membres de la commission. Je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invité. Je remercie également de façon spéciale, d'entrée de jeu, les membres de la direction de la Société de l'assurance automobile du Québec qui m'ont toujours aidé dans mes démarches de même que M. le ministre Chevrette qui a bien voulu joindre l'alcool au volant au thème de cette commission. C'est certain que j'ai lu le livre vert, et je m'attarderai simplement à l'item de l'alcool au volant, puisque les autres items, je pense, sont couverts par de nombreuses autres personnes.

Alors, permettez-moi de vous dire que, mesdames et messieurs, j'ai longuement réfléchi à ce sujet-là, de l'alcool au volant, et je suis un père de famille blessé, je suis un époux brisé d'avoir perdu sa femme dans un accident de route que je dirais évitable. Vous avez ici tous les experts requis pour discuter de sécurité routière, mais, moi, ce dont je voudrais vous parler, c'est de mon triste vécu.

Je voudrais vous rappeler que je ne suis pas le seul, ici. Il y a annuellement entre 700 et 800 morts sur les routes du Québec. On voit qu'il y a un plafonnement dans l'amélioration du bilan routier. Il y a plus de 6 000 à 8 000 blessés graves et 41 000 blessés dits légers.

J'ai avec moi des gens qui m'accompagnent et qui ont vécu des choses semblables. Il y a, à ma droite, la mère de Vincent Desjarlais, un adolescent d'environ 14 ans qui a été frappé par une Mercedes noire qui a fait une cause qui a été très médiatisée, et M. et Mme Bergeron, qui ont perdu leur fille de 17 ans.

Alors, moi, je pense que je suis loin d'être le seul. À deux ou trois jours d'avis, ça m'a été impossible de ramasser plus de monde, mais je tiens à vous annoncer tout de suite que je vais déposer une pétition. Et le chiffre que vous avez vu dans le mémoire que j'ai déposé est inexact, puisqu'il a grossi: il est maintenant rendu à 25 738 noms. Il y a beaucoup de personnes qui veulent appliquer les principes que je défends.

Bien que les amendes et les lois soient nécessaires, nous sommes extrêmement déçus de l'application des sciences juridiques au pays, et c'est pourquoi nous croyons que c'est surtout la prévention primaire qui peut améliorer le bilan routier. Ainsi, les antidémarreurs, l'éducation de la population et la circulation d'information entre la SAAQ et les partenaires privés rendront la tâche plus facile. Les sommes consenties à la prévention doivent augmenter et les pourvoyeurs d'alcool doivent être mis fortement à contribution.

Il y a des objections qui viendront certainement des juristes et des défenseurs des droits de la personne, et, sans renier leur pertinence, nous croyons que les prétentions aux droits individuels doivent maintenant être contrebalancées par des droits collectifs, surtout lorsque la santé et la sécurité des gens entrent en jeu. Je pense, enfin, que – et je reviendrai là-dessus – les professionnels doivent être affranchis d'un secret qui ne profite qu'aux délinquants, et, s'il faut qu'un débat de société naisse, je pense qu'il est temps de le lancer.

Alors, je vous mets tout de suite un petit peu en contexte. Moi, le 12 décembre 1998, je faisais mon tour de garde à l'hôpital – c'était dans la période avant Noël – et ma femme est venue me rencontrer sur l'heure du dîner pour m'apporter un médicament. Par la suite, elle a fait des courses, on a discuté des choses qu'elle allait faire pour les enfants. Évidemment, je ne l'ai plus jamais revue parce qu'elle a été frappée.

Là, j'ai constaté, suite aux démarches que j'ai faites, que ce n'était pas une affaire unique. Je n'étais pas conscient des chiffres, mais j'ai réalisé qu'il y avait 40 % des morts sur la route qui étaient dues à l'alcool au volant. En passant, ma femme n'était pas en état d'ébriété, elle n'est pas calculée dans ce pourcentage-là.

Alors, moi, je pense que l'alcool au volant, ça constitue le crime le plus banalisé et le plus excusé dans notre société dite civilisée. Le fait que les mortalités surviennent de façon éparse sur le territoire, ça ne fait pas la colonne des journaux partout, tout le temps. S'il y a un mort à Amos, à Sherbrooke ou à Thetford Mines, on en parle peu, ça passe dans le journal local, c'est tout, mais, quand on comptabilise les chiffres, au bout de l'année, ça fait beaucoup de monde. Dû à l'alcool au volant, il y a 350 personnes, 400 personnes qui vont mourir annuellement. C'est plus qu'une par jour. Alors, j'ai donné l'image: imaginez si un Boeing s'écrasait annuellement sur Québec, je pense que notre Société d'assurance auto du Québec, le ministère des Transports, les gens réagiraient, ils diraient: Ça n'a pas de bon sens, il faut faire quelque chose.

Il y a des droits individuels, mais je pense que, nous, comme parents, comme conjoints, comme frères et soeurs, on a droit, évidemment, à la vie, mais on a droit à la santé, au bonheur, on a le droit de vivre avec les gens qu'on aime. C'est certain que la mort, ça nous rattrape tous un jour, mais mourir précocement, prématurément, je pense que, si on peut éviter cette chose-là, on se doit, comme société, de faire avancer le débat, de peut-être dire des choses qui peuvent sembler a priori difficiles à accepter, mais il faut absolument que notre pensée collective avance.

Les auteurs du livre vert ont dit: Est-ce que le Québec doit renforcer les mesures actuelles contre l'alcool au volant? Ma réponse est évidemment oui, parce que, de toute façon, les limites qui sont actuellement imposées, le 0,08, ce n'est pas appliqué. Je tiens à rappeler aux membres de la commission que les policiers, lorsqu'ils arrêtent quelqu'un, ils placent toujours le détecteur d'alcool en bas de zéro et, selon le chiffre qui est indiqué, ils ramènent toujours à la décimale la plus près. Ainsi, si vous testez 0,095, ça sera 0,09 qui sera inscrit, alors que, dans les faits, vous étiez peut-être à 0,099. Et il n'y a pas un procureur de la couronne au Québec qui va lancer une accusation à 0,09. Alors, ça, c'est incroyable!

Et même j'ai eu des conversations privées avec des procureurs qui m'ont dit qu'à 0,11, 0,12 ils sont très souvent dans l'impossibilité de lancer des accusations. Pire encore, lorsque les accusations sont lancées et lorsque le procureur croit qu'il a une cause solide, il y a huit personnes sur 10 qui vont être acquittées en raison de la Charte, en raison des procédures, des réserves techniques, en raison de toutes sortes de choses. Et, de ceux qui sont condamnés, il y a à peine 20 % des gens qui vont faire du temps de prison, et ce temps de prison là est, en général, calculé au sixième de la peine.

Alors, si on regarde au bout de la lorgnette, qui est la prévention tertiaire, c'est-à-dire la répression, je ne pense pas que la voie juridique, ce soit la bonne voie. Je pense qu'il faut s'engager vers la prévention, parce que, moi, ce que je ne voudrais pas, c'est que ça arrive à quelqu'un d'autre de ma famille, que ça arrive à moi, que je sois blessé ou que mes proches soient blessés, et, même, par extension, à l'ensemble de la société. Ça peut être votre conjoint demain matin. Ça peut être l'enfant d'un de vous, qui êtes présents autour de la table, qui, demain matin, se ramasse avec un traumatisme crânien, une blessure médullaire, une quadriplégie.

(11 h 40)

Ça n'a pas de bon sens, il faut faire quelque chose. Il faut que, là, les droits collectifs l'emportent sur les droits individuels. Et ça, ça ne demande pas le bon vouloir de tous et chacun, comme M. Chevrette disait tout à l'heure, faire des lois puis les gens ne les respectent pas; je pense que ça prend une décision politique. Et, si la décision est prise quant au sens de la prévention, je crois que ça va régler le problème.

Les options du livre vert. L'option 3 colle, ce que je dirais, à la prévention primaire, c'est-à-dire zéro d'alcool pour les conducteurs de camions lourds, ça, ça a plein de bon sens. Ça devrait peut-être être comme ça pour tous les véhicules, à mon avis, quoique je ne suis pas certain que notre société soit prête à accepter ça. Mais c'est la solution idéale. Il n'y a plus de discussions, il faut que vous soyez sobre. Si on l'accepte pour un conducteur d'autobus ou un pilote d'avion, peut-être qu'on devrait considérer nos véhicules personnels comme étant des objets dangereux si on n'a pas toutes nos facultés.

Les options 1, 2 et 4 du livre vert, c'est-à-dire: suspension augmentée à trois mois, abaisser les limites à 0,04 ou faire des amendes graduées, encore là, ce sont des choses qui sont très valables, en même temps que le dépistage systématique. Alors, je ne peux qu'être en faveur de ces mesures-là, même si, en toute réserve, je vous dirai que je trouve qu'elles ne vont, à mon avis, peut-être pas suffisamment loin. Il faut composer avec la réalité aussi, et je suis bien conscient de ça, que, comme ministre, vous devez le faire.

Alors, mes propositions d'intervention seraient d'abord au niveau primaire. Si on veut que le crime, on l'élimine, et qu'on veut prévenir des choses, la chose importante, c'est l'éducation. Alors, je pense que, quand la barrière est dans la tête, c'est la meilleure chose.

Si on étiquette les bouteilles d'alcool, les gens ne pourront pas prétendre qu'ils ne savent pas que c'est dangereux. Combien d'entre vous savent que, à 0,04, le risque d'accident pour un jeune qui vient d'avoir son permis est augmenté d'au moins trois fois? Alors, la plupart des gens ne le savent pas. Si on avait des messages courts et clairs, un peu semblables à l'étiquetage des paquets de cigarettes, je pense qu'il n'y a personne qui pourrait nous reprocher ça, et ça amènerait une contribution de l'industrie des brasseurs à un mouvement social important. Eux, ils ont le droit de faire de l'argent, mais ils ont le devoir aussi d'annoncer sur leurs produits que ça peut être dangereux.

Si, comme médecin, je prescris un sirop contre la toux, c'est écrit là-dessus s'il y a un pourcentage d'alcool. Comment se fait-il que les brasseurs ne soient pas obligés d'étiqueter leurs bouteilles et leurs caisses de bière pour dire qu'il y a des risques associés à ça? Alors, c'est la question que je vous pose et c'est la demande que je vous fais.

Évidemment, les gens des bars surveillent habituellement les gens qui pénètrent dans leur établissement. Pourquoi ils n'auraient pas quelqu'un qui surveille celui qui sort pour offrir des services de raccompagnement? J'ai fait cette année la campagne Nez rouge: j'ai offert du raccompagnement, j'en ai fait moi-même. Je l'avais déjà fait les années passées, sauf l'an passé parce que j'étais bouleversé. J'étais complètement détruit: j'ai eu les deux jambes sciées puis le coeur arraché. Mais là, cette année, je l'ai fait, même si ça ne me tentait pas, parce que je trouvais que c'était une affaire sociale qu'il fallait faire.

Mais là le raccompagnement, il ne faut pas que ce soit juste dans Nez rouge, une semaine au mois de juin, on fait de la prévention, les enquêtes PAS, les campagnes routières. Il ne faut pas que ce soit juste une semaine au mois de décembre ou un mois au mois de décembre, il faut que ça se généralise. Il faut absolument que les bars soient mis à contribution puis qu'on leur dise: Écoutez, si vous servez des clients, il y aura une taxe peut-être sur votre boisson, mais arrangez-vous pour que le gars qui voit les gens sortir, il appelle un taxi ou il offre un service de raccompagnement, sinon vous allez être pris en défaut. La Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, je ne suis pas sûr qu'elle est appliquée, cette loi-là. Et ça, c'est relativement facile de l'appliquer parce qu'on l'applique à la source, c'est-à-dire là où sont les hôteliers.

Moi, je voudrais obliger aussi tous les gens qui sont les contrevenants... Il y en a 15 000 à 18 000 gens qui sont pris là, pincés comme on dit, en état d'ébriété. Ce n'est pas la première fois qu'ils conduisent. Ce n'est pas parce qu'ils se font prendre une fois que c'est la première fois qu'ils conduisent, voyons donc! Tu peux conduire des centaines de fois avant de te faire prendre une fois. O.K. MADD avance, je pense, 400 fois à peu près, de courses, 400 courses avant de te faire prendre une fois.

Alors, ces gens-là, ce sont d'emblée des récidivistes, et je pense qu'on devrait les obliger à avoir un antidémarreur financé par la SAAQ. Je sais que la Société de l'assurance auto n'est pas vraiment en faveur de financer ça, mais, moi, je pense que ce 15 000 000 $ là que ça coûterait à peu près annuellement – mettez-le entre 15 000 000 $ et 20 000 000 $ – de toute façon, notre société, elle le paie. Elle le paie en indemnités, elle le paie aussi en coûts d'insécurité routière. Un rapport de 1994 disait que ça coûtait 360 000 $ par décès, 18 000 $ par blessé, puis les dommages matériels, 6 800 $ par dommage matériel. Ça, c'est un rapport de 1994. Ça a sûrement augmenté depuis ce temps-là. Il y a un coût à l'insécurité routière. Si on finance les antidémarreurs, il n'y en a plus, de problème.

Si on vient à bout de pénétrer le noyau dur, les gens qui ne comprennent pas la publicité... Les gens autour de la table ici, je pense que tout le monde a du bon sens, puis, si on dit que c'est dangereux de conduire en état d'ébriété, il n'y a personne qui va conduire. Mais les récidivistes, les gens qui ne comprennent pas, qui ne lisent pas les journaux puis qui n'écoutent pas la télé ou bien donc qui sont trop pauvres d'esprit pour le comprendre ou qui sont alcooliques par maladie, si leur véhicule ne démarre pas, bien, on vient de rentrer dans ce milieu-là. Et, si un individu a l'appareil puis son frère le voit, il dit: Moi, je ne conduirai pas, je ne veux pas me faire prendre avec cet appareil-là.

Alors, moi, je pense que ça fait partie d'une thérapie. Au lieu de payer des soins de santé, faire des centres tertiaires de soins, je pense qu'on devrait payer ces appareils-là aux gens. Alors ça, c'est une proposition que je fais.

Évidemment, il faut populariser aussi, tant auprès de l'industrie que de la population, les détecteurs passifs d'alcool. Ça existe, ça, actuellement. On sait maintenant que la technologie avance: Ford a sorti dernièrement la vision dans la nuit, il y a des compagnies qui ont des détecteurs passifs d'alcool. Pourquoi le gouvernement du Québec, pourquoi notre État ne serait-il pas en mesure de demander aux constructeurs d'automobiles de faire un effort?

Comme ils ont mis des ceintures de sécurité, il pourrait y avoir des détecteurs pour les gens qu'on dit des bons pères de famille puis qui à un moment donné s'aperçoivent qu'ils en ont un peu trop pris puis qu'ils ne peuvent pas prendre la route. Alors, si on a des sacs gonflables qui sont une protection passive, on pourrait avoir une protection passive du même type avec des détecteurs passifs d'alcool ou même des détecteurs actifs. Et ça, c'est une chose que la SAAQ doit absolument envisager avec les constructeurs d'automobiles.

Et là, comme proposition importante, j'aimerais qu'il y ait un responsable, au terme de cette commission, qui soit désigné et qu'on lui dise: Vous, monsieur, ou vous, madame, c'est à vous la responsabilité de ramasser toutes les recommandations, et de le faire, et de lui donner un délai prévu, parce que, si ça tombe en plan, il n'y a personne qui va faire ça. Il faut qu'il y ait une volonté politique et une volonté administrative pour que ça soit fait, sinon ça tombe à l'eau.

Alors, pour parler de la prévention, j'en suis maintenant à parler de la prévention secondaire. La prévention primaire, c'est avant que le trouble arrive. La prévention secondaire, c'est une fois que l'individu est intoxiqué. Une fois qu'il est intoxiqué, on va favoriser à limiter les dégâts. Évidemment, s'il y avait des services de garde-clé obligatoires dans les établissements hôteliers – je ne pense pas que ce soit obligatoire actuellement, ils ne l'offrent pas – si toutes les propositions du livre vert étaient faites, je pense que ce serait un très bon pas.

Aussi, il faudrait donner aux policiers du Québec les moyens de faire leurs preuves. C'est incroyable que les policiers soient encore, le 23 décembre, sur le bord du banc de neige, à minuit le soir, à rédiger un rapport avec un crayon qui ne veut pas écrire, écrivent ça tout croche, puis le juge ne comprend rien, puis il dit: Le rapport n'est pas bon. S'ils avaient une caméra vidéo ou tout simplement un dictaphone, les policiers, ça leur permettrait peut-être de dire que la chaussée était sèche, que les conditions étaient bonnes puis que le gars marchait croche devant eux autres. Puis, avoir une caméra vidéo, ils pourraient faire une preuve qui a du bon sens. Actuellement, ce n'est pas ce qui se passe. Les policiers sont sous-équipés. Les voitures de police n'ont même pas toutes un détecteur d'alcool, ça leur prend un technicien spécialisé.

Quand j'arrive à l'item de la prévention tertiaire... Écoutez, la prévention tertiaire, c'est là où le bât blesse parce que les dommages ont déjà été causés, il y a déjà eu des blessés, il faut donner des amendes, la personne a été interceptée. Moi, je rappelle encore l'image que, s'il y avait huit autobus scolaires qui plongeaient dans le fond d'un ravin, on débloquerait pas mal plus de millions pour réparer la côte. Mais là c'est ça qui, annuellement, dû à l'alcool... Le chiffre, c'est ça qui se passe. Il y en a 300, 350 et plus qui meurent dû à l'alcool au volant, et, parce que c'est éparpillé sur le territoire, ça n'a pas d'impact suffisant.

On a besoin que le gouvernement de la province téléphone à Ottawa pour leur dire que la façon dont ils ont fait leur dernière loi, ce n'était peut-être pas suffisant. C'est bon à rien de lancer de la poudre aux yeux aux gens puis de leur dire: On va augmenter l'emprisonnement à perpétuité, parce que, de toute façon, les peines actuelles ne sont jamais appliquées. Prenez le cas de l'individu qui a pris la route à l'envers avec une auto de police, qui a tué deux individus. Il était en état d'ébriété, il était un criminel. Ce gars-là a eu 11 ans de prison. Il va faire le un sixième de sa peine.

Ce n'est pas parce que je veux appliquer la loi du talion, ce n'est pas parce que je pense qu'il faut être revanchard contre les gens qui ont des problèmes d'alcoolisme. Pas du tout. Mais je pense que c'est ridicule d'envoyer de la poudre aux yeux, et je pense que les gens qui sont des récidivistes devraient être admissibles à l'antidémarreur. Il ne faut pas attendre de prendre le gars une fois que son méfait est réalisé. Il faut le prendre avant que le méfait se fasse. Il ne faut pas que la voiture parte. C'est ce que je pense qui est la meilleure solution.

(11 h 50)

Je vous dirai que, moi, je n'ai aucun intérêt financier ou économique là-dedans. Je pense que cet appareil-là devrait être développé. Que ce soit avec les facultés de génie de Québec ou de Montréal, que ce soit avec des fabricants québécois ou d'ailleurs, moi, je n'en ai cure. Ce que je veux, c'est qu'on en arrive à empêcher les voitures de partir. Éventuellement, s'il y a une collaboration avec les constructeurs d'automobiles, on va être capable de mettre de la pression pour que le parc automobile se renouvelle, ça prendra huit ou 10 ans, puis il n'y en aura plus, de problème. De toute façon, il ne faut pas que les voitures démarrent, c'est ce qui est la chose.

L'objectif principal de ma lutte contre l'alcool au volant, c'est la vie. La vie, ça n'a pas de prix. Surtout, on ne doit pas lui subroger des intérêts sectaires, fussent-ils agités par des ténors défenseurs des droits et des libertés des uns, des gens qui sont des criminels souvent qui vont vivre aux dépens des autres qui sont des traumatisés ou des blessés pour la vie.

Deux minutes? Alors, je vais conclure là-dessus, en vous disant qu'il faut absolument obliger, je crois qu'il faut obliger, avant de délivrer un permis de conduire, que les gens signent ce permis-là, autorisant une prise de sang ou un test d'urine advenant le cas où il y a un accident avec blessé. C'est une recommandation principale.

Je veux aussi libérer du secret professionnel tout médecin, toute infirmière ou tout professionnel qui collaborerait à donner des renseignements un peu du même type qu'on le fait pour les maladies à déclaration obligatoire ou la Loi de la protection de la jeunesse. Actuellement, les témoins qui vont en cour sont considérés non pas comme des témoins, mais comme des criminels, et c'est eux autres qui subissent les foudres des avocats de la défense qui les interrogent.

Alors, c'est ça. J'ai avec moi, donc, cette pétition-là, de près de 26 000 noms. Je suis en faveur surtout de la prévention primaire et également de libérer les gens de leur secret professionnel et d'obliger les gens, pour avoir leur permis, à signer un consentement de prélèvement. Alors, conduire, c'est un privilège, ce n'est pas un droit. Si on n'est pas apte à le faire, M. le ministre, je pense qu'on devrait se limiter.

Le Président (M. Lachance): Alors, le dépôt de la pétition est reçu, et madame va prendre votre document.

Une voix: Nous le passez-vous tout de suite?

Le Président (M. Lachance): Non, non, non, ce ne sera pas distribué à chacun.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Payette (Clément): Vous pouvez peut-être l'envoyer à Ottawa, à Mme McLellan, peut-être que ça l'éclairerait aussi.

Le Président (M. Lachance): Merci.

M. Chevrette: Ça serait un document de plus aux deux lettres que je lui ai envoyées.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le ministre des Transports, vous avez la parole.

M. Chevrette: Oui. Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre témoignage. Je conçois très bien qu'est-ce que ça représente, venir témoigner devant une commission parlementaire après avoir été frappé comme vous l'avez été. C'est pour ça que je suis un peu embarrassé peut-être de poser des questions, parce que je connais quand même... non seulement je connais la famille, mais j'ai même un lien de parenté. Donc, au départ, je suis peut-être plus mal posté que je l'ai été pour d'autres groupes. Sauf que je veux quand même vous dire que, dans un premier temps, je considère qu'il y a des recommandations extrêmement valables qu'il va falloir, qu'on le veuille ou pas, considérer.

Parce que, si on n'offre pas d'opportunité ou d'alternative... Et je prends, par exemple, l'antidémarreur. Si on n'offre pas d'alternative, on va avoir de plus en plus d'illégaux sur la route, je suis convaincu. D'ailleurs, je ne comprends pas qu'on ait abandonné l'idée de dire à quelqu'un: Tu en as pour deux ans sans permis, sauf que tu pourrais conduire si t'avais un antidémarreur. Donc, probablement que ce bonhomme-là ou cette bonne femme là aurait son antidémarreur, puis elle ne serait pas dans l'illégalité, puis elle serait prémunie sur le plan de la sécurité.

M. Payette (Clément): On éviterait les récidives.

M. Chevrette: Donc, ça a été enlevé de la loi. Et ça, je trouve ça personnellement dommage. Je crains beaucoup qu'avec certains moyens, si on n'offre pas d'autre alternative que de dire: Je suspends ton permis... ou je suspends ton immatriculation même. Ça peut aller jusque-là, nous dit-on. Mais ça ne donne rien, il va se voler des plaques d'immatriculation, il va se voler des autos, il va emprunter l'auto d'un autre. Tu ne régleras rien si tu n'offres pas une opportunité positive de te placer dans un état de légalité. Moi, je partage ce discours-là comme je partage, comme vous avez pu le voir, la notion de droits collectifs, à un moment donné, dans notre société. Donc, ce bout-là, je vais le regarder de façon très particulière.

Il y a un petit danger dans l'étiquetage. Je vais vous donner un exemple. On me dit qu'il faut faire attention dans l'étiquetage de ne pas dépasser les bornes de l'image. Par exemple, au niveau de la cigarette, on me dit qu'ils ont mis des têtes de mort, sur certains paquets de cigarettes – je ne me souviens pas à quel endroit. Les jeunes trouvent ça in et beau. Il faut faire bien attention de ne pas dépasser... Je ne vous dis pas qu'il ne faut rien faire, mais je pense qu'il faut garder, à un moment donné, le sens de la mesure. Je vous dis ça parce que ça m'a été raconté la semaine dernière. Ils se promènent avec leur tête de mort puis ils sont fiers de le montrer, le paquet de cigarettes avec la tête de mort. À un certain âge, c'est des questions de défi.

En tout cas, il ne faut pas verser dans un excès, comme on a versé, par exemple, il y a quelques années, vous vous rappelez, quand on payait des taxes astronomiques sur la cigarette: il s'est développé un marché noir. Il faut faire attention de ne pas utiliser un moyen qui a un effet contraire à l'effet recherché. C'est juste ce point-là que je voulais donner.

Il y a un autre point, c'est sur les nombres. 18 000 récidivistes, ça peut être un peu plus même. On me dit que ça peut être peut-être 20 000 récidivistes. Pour les chiffres que vous prenez, que vous avez annoncés, sur ceux qui ont des procès, vous avez probablement raison, mais la statistique change si on regarde ceux qui plaident coupables. Quand on regarde ceux qui sont arrêtés pour boisson qui plaident coupables ou qui vont en cour, le tout représente à peu près 77 % parce que tu peux en avoir six ou sept qui plaident coupables sans aller en cour.

M. Payette (Clément): Oui, mais c'est ça...

M. Chevrette: Au niveau des statistiques. C'est ça que je voulais...

M. Payette (Clément): Mais c'est qu'il y a deux justices. Le gars qui ne plaide pas coupable, lui, il a huit chances sur 10 de s'en tirer.

M. Chevrette: J'y arrivais. C'est que celui qui est capable, avec de l'argent, de contester la valeur de l'ivressomètre ou qui a de l'argent pour aller... C'est pour ça que la remise en cause du système global – on peut avoir des moyens pour l'améliorer – moi, j'ai bien de la misère avec ça.

Hier, on regardait, il y a 43 % des chauffards, ou des gens, qui sont sur la sécurité du revenu. C'est bien beau, réintroduire des procédures, des poursuites, vous allez dépenser de l'argent pour poursuivre quelqu'un qui n'est pas capable de payer. Donc, je ne suis pas sûr que c'est ça qui va régler le cas, moi non plus. Tu en as 41 % qui gagnent moins de 30 000 $ parmi, toujours, ceux qui sont considérés comme criminels au volant. Donc – 43 % plus 41 % – on est rendu à 84 % de gens qu'on pourrait poursuivre. Ils vont faire quoi? Bien souvent, ils vont aller demander l'aide juridique, c'est encore le collectif qui va payer.

Donc, ce n'est pas nécessairement là, la solution, c'est dans des amendements au Code criminel. Et je suis content au moins de voir que vous avez établi la distinction entre le Code criminel, qui est le Code canadien, par rapport à l'application qu'on doit en faire ici, au Québec. La preuve, c'est qu'on avait des formules au moins pour offrir l'opportunité d'être dans un cadre légal, puis c'est même sauté, ça a été l'inverse. Là, il y a un projet de loi qui arrive: c'est l'emprisonnement à perpétuité, quelque chose du genre. Puis le crime passionnel, là, ils vont faire des comparaisons, puis je ne suis pas sûr que c'est la voie... Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas nécessairement la voie à anticiper.

Je vais laisser mes collègues vous questionner plus sur des points précis, mais je voudrais vous remercier de votre témoignage et vous dire que je comprends très, très bien ce qui s'est passé. Et je voudrais vous remercier surtout pour la sensibilisation collective que vous avez sans doute contribué de bonne foi à faire. Parce qu'il y a eu beaucoup d'articles de journaux, ça été un accident très médiatisé, et je suis persuadé que ça a permis... En tout cas, dans mon cas, ça m'a permis effectivement d'insister pour qu'au moins on discute en commission parlementaire d'un chapitre particulier. Puis j'espère de tout coeur que ça va aboutir sur des gestes concrets. Ça nous donne sûrement des arguments et des éléments, en tout cas, pour enclencher des mouvements de changement. Je voudrais vous remercier infiniment.

M. Payette (Clément): Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de La Peltrie.

(12 heures)

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, mesdames, messieurs, bienvenue à cette commission. Je vous félicite d'avoir le courage de venir présenter votre mémoire suite aux événements qui sont encore, je pense, très récents.

Je pense que votre mémoire est très bien documenté et que ça va être une source, je pense, qui va être très intéressante pour nous, les membres de la commission, pour la conclusion finale de nos travaux.

Dans votre présentation, vous avez quelque chose qui m'a frappé un peu lorsque vous avez dit que vous étiez en faveur de l'option 3 du livre vert, c'est-à-dire tolérance zéro en matière d'alcool, mais, par contre, que vous n'étiez pas certain que notre société était prête à cela. Est-ce que vous pourriez peut-être élaborer un peu sur ça?

M. Payette (Clément): Oui, je pense que, pour les conducteurs de véhicules lourds, la société est prête, mais je ne crois pas qu'on puisse généraliser.

M. Chevrette: Conducteurs professionnels.

M. Payette (Clément): Oui, conducteurs professionnels, mais je ne...

M. Chevrette: Ça veut dire autobus, lourds, les taxis.

M. Payette (Clément): C'est ça, mais je ne pense pas qu'on puisse généraliser cette mesure-là à l'ensemble de la population, parce qu'effectivement le commun des mortels, celui qui a un véhicule de promenade, va aller au restaurant prendre un verre de vin, et là, lui, il tombe dans l'illégalité et là on fait une loi qui ne fonctionne pas. Alors, ça, ça ne sert à rien de faire une loi comme ça. C'est pour ça que notre société n'est pas rendue à ce point-là. Mais je suis convaincu que, pour les conducteurs professionnels, oui, ça, la société est rendue là puis j'approuve le ministre dans ce projet de loi.

M. Côté (La Peltrie): Mais il y a d'autres endroits quand même où on retrouve que la tolérance est à 0,05, 0,04, dans d'autres pays ou dans d'autres provinces ici.

M. Payette (Clément): Oui.

M. Côté (La Peltrie): Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir des étapes à faire avant de se rendre à zéro?

M. Payette (Clément): C'est ça. Bien, pas pour les conducteurs de véhicules professionnels, définitivement pas. Est-ce que, vous, vous embarqueriez dans un avion si vous saviez que le pilote est en train de trinquer? Vous dites: Wo! je n'embarque pas là-dedans. Celui qui conduit un fardier, là, moi, je ne suis pas intéressé qu'il ait pris une bière, parce que la minute qu'il y a de l'alcool, c'est sûr que les réflexes vont diminuer.

Par ailleurs, c'est certain qu'il faut abaisser les limites, parce que ça a un effet de sensibilisation sur le grand public, quoique beaucoup d'accidents ne soient pas causés par les gens qui sont entre 0,04 et 0,08. Les accidents mortels arrivent bien plus à 0,16 ou à 160.

En passant, si j'ai bien lu dans le journal ce que le CAA a mentionné, je vais les écorcher au passage, parce que, si, eux, ils trouvent qu'on devrait suspendre juste les gens qui sont à 160 mg, là, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris leur position, mais, d'après moi, ils sont dans l'erreur, parce que, à ce niveau-là, vous avez des centaines de fois le risque d'avoir un accident mortel, ce qui n'a pas de bon sens.

Alors, moi, je pense qu'il faut sensibiliser la population, mais je suis convaincu que, pour les conducteurs des véhicules professionnels, les gens seront d'accord avec le zéro.

M. Côté (La Peltrie): Actuellement, les moins de 25 ans qui en sont à leur premier permis de conduire, soit d'apprenti conducteur ou de permis probatoire, bon, eux autres, c'est zéro, une tolérance zéro.

M. Payette (Clément): Oui.

M. Côté (La Peltrie): Alors, pourquoi, une fois que cette période-là est passée, on peut permettre, par la suite, 0,08?

M. Payette (Clément): Vous avez un excellent point.

M. Côté (La Peltrie): Est-ce que ce n'est pas contradictoire un peu, là?

M. Payette (Clément): Très contradictoire. Je pense que votre point est fameux. Je n'ai jamais compris, moi, qu'une fois qu'on avait commencé à éduquer une génération à dire: Vous allez être à zéro, que ces gens-là, ils nous donnent l'exemple... Les jeunes nous donnent l'exemple: ils ont le conducteur désigné, et tout ça. Pourquoi on n'a pas continué dans cette voie-là? J'avoue que je n'ai jamais compris cette logique-là. Actuellement, les conducteurs dangereux, c'est souvent les gens de 40, 45 ans qui s'imaginent que... les mononcles qui se promènent avec la bière entre les jambes, on en a eu pas mal, de ça. Mais là il y en a moins, mais ils prennent encore un coup.

M. Côté (La Peltrie): Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de...

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je voudrais m'excuser, je dois quitter, moi – je lirai la partie du questionnement de mon collègue de l'Acadie – je suis attendu au Conseil des ministres pour deux dossiers, dont le camionnage. Vous comprendrez que c'est assez important, ça aussi.

Mais je voudrais vous remercier à nouveau d'avoir donné votre témoignage, et ce, par écrit et verbalement aussi et vous dire que je voudrais revenir 30 secondes sur les conducteurs professionnels. Si, comme citoyen, je ne prends pas mon auto, parce que je me prétendais en boisson à 0,09 puis je saute dans un taxi puis il en a 0,16, je peux-tu vous dire que ça se justifie, ça? Puis, il aura beau avoir des assentiments contre, si on prend justement des professionnels pour s'assurer sa sécurité, je pense qu'on doit être en mesure d'exiger quelque chose qu'on ne peut peut-être pas exiger d'une population en général.

Mais, quand on constitue un danger permanent sur une route avec des outils... Moi, je prends des camions, par exemple, chargés de liquide, avec les déplacements de masses, c'est d'un danger épouvantable. C'est des dizaines de tonnes que tu conduis, là, qui peuvent écraser je ne sais pas combien de monde. Je pense aux autobus où tu es responsable de 45, 40 vies. Je pense à des voitures de taxi que tu prends précisément pour pallier ta propre sécurité. Je pense qu'une société est en droit d'exiger des choses qu'on n'exige pas nécessairement d'un particulier.

Ça, je reviens là-dessus parce que je sais qu'on va se faire dire par des groupes qu'ils sont contre ces mesures. Mais, à un moment donné, il faut une cohérence entre le discours et la réalité. Je suis pour, je suis pour, je suis pour, mais ne m'y oblige pas. Bien, à un moment donné, moi, là, j'ai beaucoup de respect pour tous ceux qui ont enclenché des mouvements dans la société pour recourir, puis respecter les droits individuels, mais je dois avoir le droit aussi, moi, d'être protégé vis-à-vis de certains groupes. Donc, je vous remercie.

M. Payette (Clément): M. le ministre, vous avez mon appui là-dessus, c'est certain, et tout mon groupe également. Mais je tiens aussi à vous rappeler que les facultés affaiblies, c'est par l'alcool, par la drogue et par le manque de sommeil. Alors, si vous allez à votre réunion sur le camionnage, vous pouvez toujours leur en parler un peu.

M. Chevrette: Le camionnage? Ha, ha, ha! Il dit: Parlez des conditions de travail. Mais regardez comme c'est drôle. On me demandait, pour donner aux déneigeurs, la semaine passée, d'autoriser un nombre d'heures beaucoup plus grand que 70, je pense. C'est juste pour vous montrer que, à un moment donné, quand il y a un intérêt particulier, la règle ne suffit jamais.

M. Payette (Clément): Des incohérences.

M. Chevrette: C'est ça qui est un des dilemmes. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Je tiens d'abord à vous remercier, Dr Payette, pour votre présentation. On a eu l'occasion déjà, depuis le début de cette commission-là, d'entendre, je pense, trois ou quatre familles qui ont vécu un peu des drames comme ceux que vous avez vécus, vous et les personnes qui vous accompagnent, et c'est certain que c'est des moments qui sont difficiles.

Ce qu'on peut apprécier, nous, comme parlementaires, c'est que, malgré ces difficultés-là qu'on veut souvent oublier, des gens investissent quand même pour faire des suggestions, se mobilisent pour sensibiliser et pour faire en sorte que ça n'arrive pas à d'autres, ce qui vous est arrivé. Et je pense que c'est heureux qu'il y ait des gens comme vous et les personnes qui vous accompagnent, qui soient prêts, disons, à quand même mettre du temps, investir des efforts et qui continuent à sensibiliser le gouvernement à certaines modifications.

Je dois vous dire que le genre de témoignage qu'on a, avec les gens qui sont passés, dans votre situation, met en évidence certaines aberrations qui nous portent, disons, à réfléchir sur la place qu'on donne aux familles des victimes et la place qu'on donne souvent à celui qui est l'auteur de ces malheurs. Et on s'aperçoit, des fois, qu'il y a une certaine démesure, là, qui existe. Et la société en général, si on regarde les sondages qui ont été faits aussi, a de la misère à comprendre exactement la logique de tout ça.

Alors, d'abord, je vous remercie pour votre contribution, et je veux signaler aussi immédiatement que, nous, on avait souhaité un débat beaucoup plus ouvert sur cette question-là, et vous y faites référence dans votre mémoire. À la page 10, vous dites: C'est difficile, M. le ministre, mais il faut oser faire ce débat de société peut-être autour d'une autre table que celle-ci pour que notre société évolue vers le meilleur. Je pense que l'importance des situations qu'ont vécues des personnes puis l'importance du système d'assurance automobile au Québec auraient nécessité qu'on en fasse un vrai, débat, un débat axé sur ça exclusivement.

Et, je regarde, depuis qu'on entend des personnes qui viennent, on nous fait différentes suggestions, et vous nous arrivez aujourd'hui avec toutes sortes d'autres hypothèses. Et on aurait pu faire un livre vert exactement comme celui qu'on nous a présenté, mais, au lieu de toucher cinq points, on aurait pu en toucher un: notre système d'assurance automobile au Québec, et on aurait pu, là-dedans, faire un paquet de chapitres aussi où on aurait mis des hypothèses sur la table, comme celles que nous amènent des personnes, dont on aurait pu discuter. On aurait pu les regarder à leur mérite, voir dans quelle mesure c'était applicable, dans quelle mesure ça peut améliorer la situation, dans quelle mesure c'est irréaliste. On aurait pu faire un débat là-dessus et on aurait eu un document de base avec toute une série d'hypothèses ouvertes sur la table, dont on aurait pu discuter.

(12 h 10)

Malheureusement, le gouvernement... On le demande depuis quand même plusieurs mois. Ça s'est fait dans le domaine de l'aide sociale, ça s'est fait dans le domaine de la Régie des rentes, on l'a fait dans la Loi sur la santé et sécurité du travail, on le fait dans tout les secteurs des programmes sociaux du gouvernement, une réflexion de cet ordre-là, et on refuse de le faire dans ce qu'on appelle la question de l'assurance automobile du Québec.

Les gens nous disent: Ah! c'est parce que vous êtes contre le «no fault». Je ne pense pas que vous ayez dit aujourd'hui que vous êtes contre le «no fault» et personne qui est venu ici nous a dit: On est contre le système du «no fault». On a dit: Il y a certaines aberrations qui existent, il y a certaines améliorations qu'on pourrait apporter, et ça, on devrait les modifier. Mais, pour les évaluer à leur juste valeur, il faut un débat public.

Et le débat public qu'on souhaite au fond... Vous nous avez déposé une pétition de plus de 20 000 signatures – il y en a déjà eu 150 000, signatures, qui ont été déposées à l'Assemblée nationale par la famille Zamprelli, la famille Clifford Fisher, toute une série de groupes qui ont vécu ces situations-là – alors là on est rendu à pratiquement 200 000 personnes qui demandent qu'on fasse un débat. Et, moi, je ne comprends pas pourquoi le gouvernement s'objecte sur une base de, je ne sais pas, une obstruction systématique: On ne doit pas discuter de ça. Bien, je regrette, mais je pense qu'on devrait en discuter.

C'est quand même surprenant de constater qu'il y a au-delà d'une dizaine de mémoires, plus que 10 mémoires – puis là ça continue à rentrer – qui veulent en discuter dans le cadre de cette commission, ici, même si ce n'était pas ça, l'objectif. Alors, je pense que, quand vous nous dites «d'une autre table», j'aimerais ça avoir vos commentaires là-dessus. Est-ce que c'est dans l'esprit de ce que je vous mentionne ou vous pensiez à autre chose quand vous avez mentionné ce genre de débat là que vous auriez voulu avoir?

M. Payette (Clément): Bien, écoutez, sur l'item spécifique du «no fault», vous avez vu dans le mémoire que je ne me suis pas étendu très longtemps. C'est certain que, comme beaucoup de membres de la société, je m'interroge sur les deux poids, deux mesures où, quand on voit parfois des gens condamnés au criminel être plus indemnisés que des gens qui sont de bonne foi et qui sont les victimes... Autour de la table, ici, il y a des gens qui n'ont peut-être pas eu le support nécessaire de la part de psychologues ou qui ont défrayé eux-mêmes des coûts comme ça, ou ils ont eu des montants d'argent ridicules pour avoir perdu un être cher. Et il n'y a jamais une cenne, il n'y a pas une piastre, il n'y a pas un montant d'argent qui va compenser la perte des gens qu'on aime.

Mais c'est sûr que le point que vous apportez de faire un débat, moi, ce n'est pas la voie que je voulais prendre. Ça ne veut pas dire que je ne crois pas qu'il ne doive pas y avoir de débat; je ne peux pas me prononcer là-dessus. Je pense que vous êtes des élites, des édiles, vous devez, si vous le pensez, relancer ce débat-là et relancer le ministre.

Moi, je vous présente plus qu'un sondage, je vous présente une pétition qui a été prise à travers la grandeur du Québec, et le sentiment qui m'animait, moi, c'était davantage l'urgence de la situation. Parce que, moi, je sens une pression énorme à dire: Écoutez, il y a encore une personne aujourd'hui sur les routes du Québec qui va mourir, demain il va y en avoir une autre, en fin de semaine, il va y en avoir deux, et on va être deux jours où on n'en aura pas et il va y en avoir encore. Moi, il n'y a pas de couleur politique dans mon intervention, il n'y a pas d'intérêt financier. Moi, je dis: Il y a une urgence vitale.

Au Québec, la thrombose de la veine mésentérique, là, il y a une petite fille qui en est morte à Montréal puis il y a trois médecins qui l'ont manquée. Moi, je n'ai jamais vu ça de ma vie, je ne l'ai jamais étudiée, puis je l'aurais manquée comme eux autres. Mais on fait une enquête du coroner là-dessus puis on dit: Ça n'a pas de bon sens, vous avez manqué une thrombose de la veine mésentérique. Il va mourir aujourd'hui encore une personne puis demain, puis il va y en a voir d'autres, puis on est là à parler. Il faut agir. Et, moi, je pense que ça presse, là! Je suis d'accord qu'il y ait une commission parlementaire, mais je suis désespéré qu'elle vienne 14 mois après le décès de ma femme, parce qu'il y en a eu 800, morts cette année, ou près de 800. Ça n'a pas de bon sens!

Alors, moi, la table, là, je ne voulais pas qu'elle s'éparpille trop, trop, parce que je sens l'urgence qu'il y ait des choses qui se fassent, que ce soit au niveau législatif, au niveau informatif, au niveau éducationnel, au niveau de l'étiquetage, au niveau de la facilitation de la preuve, au niveau de faire signer les permis des gens pour qu'ils autorisent une prise de sang ou un test d'urine lorsqu'on va leur délivrer leur permis de conduire, ça, c'est des mesures concrètes, rapides et applicables. Le débat de société, j'en suis, mais, par contre, c'est quelque chose de plus long et on ne sait pas si on va avoir des résultats concrets à court terme.

C'est nous autres qui avons de la misère à se lever le matin puis à se coucher le soir, c'est nous autres qui pensons toujours aux gens qu'on a perdus, puis c'est nous autres qui devons nous rebâtir une vie. Et ça, si ça peut être évité à d'autres personnes... Je pense que les parlementaires n'ont pas le droit d'attacher une couleur politique à l'objectif. Il faut regarder en avant puis dire: Qu'est-ce qu'on veut? C'est la vie, c'est la protection de la santé. Il n'y a personne ici qui est intéressé à se faire frapper par un alcoolique au coin de la Grande Allée puis à être quadriplégique le reste de ses jours. Ça, il n'y a personne qui est intéressé à ça. Puis des blessés graves, il va y en avoir 6 000 à 8 000.

Puis, quand la SAAQ dit qu'il y a des blessés légers... Une entorse cervicale, ça, c'est classé blessé léger parce que tu n'es pas hospitalisé, mais c'est 124 jours de réhabilitation en moyenne, je pense, une entorse cervicale. Puis ça, c'est un petit «whiplash», là. Moi, je les ai dans mon bureau. Puis les coûts... je les ai, les gens qui viennent me voir puis qui disent: Mon petit gars, là, il était un bon petit gars, puis, à 3 heures du matin, il a dérapé. Bien, c'est parce qu'il ne savait pas qu'il ne fallait pas qu'il prenne quatre bières. S'il en avait pris rien qu'une, ça aurait passé. Si l'auto n'avait pas démarré, il ne serait pas mort.

M. Bordeleau: Je suis tout à fait d'accord là-dessus, sur le caractère d'urgence et effectivement...

M. Payette (Clément): C'est très urgent.

M. Bordeleau: ...il faut réaliser qu'à chaque jour il y a des gens qui...

M. Payette (Clément): On met beaucoup plus d'énergie sur des pinottes pour se tirailler puis se déchirer nos chemises que pour sauver des vies.

M. Bordeleau: J'aimerais revenir sur un point que... D'abord, je trouve que votre approche est intéressante. Vous avez apporté beaucoup de suggestions, c'est très constructif, et c'est intéressant aussi que vous aviez fait... Je pense que, quand on regarde votre mémoire, la partie qui est la plus développée, c'est la prévention primaire. Et je pense qu'effectivement on en parle ici dans... Quand on parle de sécurité routière en général, de toute façon, peu importent les sujets, la prévention primaire, c'est sûrement la meilleure, c'est celle qui donne de meilleurs résultats à long terme. Et je pense que c'est intéressant de voir que, dans votre mémoire, vous avez développé cette partie-là. Il y a une chose que j'aimerais peut-être juste faire clarifier. Vous avez utilisé l'expression des détecteurs passifs et des antidémarreurs. Est-ce que vous pourriez nous préciser?

M. Payette (Clément): Oui, c'est différent. Un antidémarreur, c'est un détecteur actif. Vous devez souffler pour savoir s'il y a des molécules d'alcool dans votre haleine.

M. Bordeleau: Puis le détecteur passif?

M. Payette (Clément): Il existe des appareils – et les spécialistes pourront préciser ma pensée – qui peuvent détecter une odeur d'alcool dans la voiture. Évidemment, à ce moment-là, ça peut être contaminé par autre chose, mais... Les policiers, là, quand ils vous arrêtent au barrage routier, le 20 décembre, ils en manquent un sur deux qui est en état d'ébriété. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas un détecteur passif.

Mais là actuellement le gouvernement fédéral n'est pas tout à fait d'accord. Ça fait que, là, il va falloir que le gouvernement provincial fasse des démarches puis dise: Écoutez... Il y a des appareils qui se spécialisent ou, s'ils ne sont pas suffisamment perfectionnés, c'est à nous, comme société, de mandater nos universitaires, leur dire: Écoutez, faites-en, de la recherche. Ne laissez pas ça dans les mains de l'industrie privée. Donnez des mandats précis aux écoles de génie, là, du Québec. Vous allez voir qu'elles vont vous en sortir, des choses.

M. Bordeleau: O.K. Vous ne vous êtes pas prononcé sur un certain nombre de points que nous amènent plusieurs personnes qui sont venues, qui vont venir, qui ont fait référence à certains points, là, bon, qui évidemment sont à l'étape du tertiaire plus que du primaire. Mais j'aimerais ça, si vous avez une opinion là-dessus, que vous nous le fassiez savoir: la question d'indemniser ou de ne pas indemniser les chauffards qui sont reconnus coupables d'avoir causé un accident mortel alors qu'ils étaient en état d'ébriété.

On sait qu'actuellement, selon le système, là, qui existe, on n'évalue pas la responsabilité de l'acte, on indemnise tout le monde. On dit c'est un système, bon... C'est «no fault», personne n'est responsable. Tout le monde qui est blessé, celui qui est le responsable parce qu'il était en état d'ébriété, puis c'est un geste criminel, et les victimes comme telles sont indemnisés, tout le monde est indemnisé. Alors, j'aimerais ça avoir votre avis sur ça.

Je vais mentionner aussi les deux autres points parce que ça nous revient régulièrement. Alors: la question des indemnités; la question du recours civil. Tout à l'heure, le ministre vous citait des chiffres, là. Les gens ne gagnent pas des gros salaires, et, bon, ça ne donnerait rien. Ce que les gens nous disent, c'est de dire: Laissez-nous décider. C'est certain que, s'il n'y a rien...

D'abord, il y a une question de prévention. Une personne qui pose un geste est responsable de ses gestes. Et, dans le système actuel, du «no fault», cet élément-là, il disparaît. On n'est plus responsable parce qu'il y a une espèce d'organisme social qui prend les responsabilités de ça puis qui règle tout ça et qui efface tout ça. Donc, il n'y a plus de responsabilité individuelle entre la personne qui est coupable de la mort d'une autre personne d'une façon criminelle et la famille de la victime comme telle.

On ne remet pas en cause le «no fault». Le «no fault» peut exister. Mais excepté que ce qu'on nous dit, c'est: Laissez-nous nous parler directement, et, si on pense qu'en plus de ce qu'il a pu avoir au niveau du «no fault», nous, on juge qu'on doit intenter des poursuites, laissez-nous la possibilité de les intenter. Si on sait que c'est peine perdue, de toute façon les avocats sont là, ils vont aussi dire aux clients: Il n'y a rien à faire. Dans certains cas, je pense que c'est possible, parce qu'il y a des gens qui ont eu des accidents et qui sont quand même en moyens, là. Je pense que vous avez quelqu'un à votre table qui a vécu une situation semblable. Ça, c'est le deuxième élément: le recours civil.

(12 h 20)

Le troisième élément, c'est la subrogation, de dire: Bien, quand le responsable a suffisamment de moyens ou d'actifs, est-ce que la Société de l'assurance automobile, c'est-à-dire tout nous autres ensemble, on devrait demander au coupable de rembourser partiellement, tout dépendant de ses moyens, ou totalement, les déboursés que l'État a faits pour l'acte criminel que lui a causé? Alors, ça, ça nous revient régulièrement dans les interventions, et j'aimerais avoir votre opinion sur ces trois points-là.

M. Payette (Clément): Écoutez, c'est certain que... Je ne suis pas avocat, je ne me suis pas penché là-dessus complètement, mais j'ai certainement une opinion là-dessus. Sur la subrogation, à mon avis, les gens qui sont prouvés criminels et condamnés, je pense que la SAAQ devrait avoir la permission et le pouvoir de récupérer les montants d'argent qui sont prévus par la loi.

Sur le principe général du «no fault», je pense qu'on ne devrait pas toucher à ça et tout le monde devrait être indemnisé. Mais, lorsqu'une personne est déclarée vraiment coupable, à ce moment-là, il me semble qu'on devrait harmoniser la loi actuelle avec d'autres lois existantes, comme la Loi sur les accidents du travail ou la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Et je ne crois pas qu'on indemnise actuellement un voleur qui glisse sur un plancher puis qui se fait mal à la tête et qui a un préjudice esthétique de la cicatrice. À mon avis, on dit: Bien, tu n'avais qu'à ne pas aller voler. Et c'est pour ça que je vous dis que c'est le crime violent le plus banalisé. On indemnise les gens qui sont en état de faute grave, qui causent des dommages graves, et là on dit: On va vous donner... Vous allez mieux vivre, dans certains cas, que vous ne viviez ailleurs.

Il existe un filet de sécurité au Québec, un autre filet de sécurité qui est la sécurité du revenu, et ça pourrait toujours tomber là-dessus. Ça, c'est une opinion personnelle. Je ne crois pas être animé par un sentiment de vengeance quand je dis ça. Je le crois sincèrement.

À quelque part, il faut que les gens deviennent responsables des actes qu'ils posent, en particulier s'ils posent des actes criminels. Puis, moi, je vous dis, la journée où on aura la permission de faire une prise de sang, un peu comme... Quand vous faites un don d'organe, vous signez à l'avance votre carte d'assurance maladie. Moi, si je meurs, j'autorise qu'on prélève mes poumons puis mon foie. Si vous dites: Si j'ai un accident d'auto puis je cause des blessés ou la mort, j'autorise qu'on me prenne une prise de sang... Il s'en prend des millions, de prises de sang, au Québec, là, écoutez, ce n'est pas la fin du monde. Alors, si vous permettez ça, à ce moment-là, il y a des sommes importantes qui pourraient être récupérées parce qu'on va resserrer un peu les mailles au niveau des criminels qui seront plus faciles à pincer, comme on dit.

M. Bordeleau: Une autre question. Vous êtes le seul qui avez fait référence à ça, à date, là, et ça me paraît important: la question du secret professionnel. Bon. On sait que, quand il arrive un accident avec une personne qui est en état d'ébriété, bien, souvent tout ce qu'on a se retrouve à l'hôpital et, évidemment, ceux qui sont... Bon. Il y a le policier sur place qui peut, lui, à l'oeil, évidemment il n'a pas d'instrument pour juger s'il y a de l'alcool d'impliqué ou non, mais, lui, il n'a rien de tangible pour pouvoir porter un jugement définitif.

Ces personnes-là sont transportées à l'hôpital et, à l'hôpital, bien là on arrive avec le corps professionnel, les médecins, les infirmières, tout ça, qui, eux, sont en mesure d'avoir toutes les informations pertinentes, exactes. Et il semblerait qu'actuellement il y a toutes sortes de problèmes reliés au respect du secret professionnel. Comment vous voyez les changements qui seraient souhaitables de ce côté-là pour faire en sorte qu'en toute équité, au fond, on arrive à des décisions?

M. Payette (Clément): Dans un premier temps, je vous dirais: La journée où la commission, ici, accouchera d'un projet de loi puis dira: Conduire, c'est un privilège, ce n'est pas un droit, puis vous allez signer votre permis de conduire, si vous voulez l'avoir, autorisant un prélèvement sanguin et un test d'urine, là ça vient de régler le problème du secret professionnel, il n'y en a même plus; si ça ne se fait pas, là il faut aller du côté du secret professionnel.

Je sais que, sur la première proposition, le Collège des médecins m'appuie. Sur la deuxième proposition, ils sont hésitants parce qu'ils disent: Si la première passe, on n'aura pas besoin de la deuxième. Mais on est obligé de déclarer des maladies à déclaration obligatoire. Je suis obligé de déclarer la variole, la rougeole. Ça, je les déclare, ces affaires-là. Je déclare quand il y a une infection au VIH. Je suis obligé de déclarer toutes ces choses-là qui ont beaucoup moins d'incidences, d'impacts vitaux sur l'ensemble de la population. Quand je présume qu'un enfant a été abusé, la loi m'oblige à le déclarer.

Là, je suis en présence d'un blessé, à l'urgence – écoutez bien ça, là – et non seulement je suis tenu au secret, je ne peux pas le dénoncer ou quoi que ce soit, mais pire – et c'est arrivé dans certains cas que j'ai frais à la mémoire – si, dans un élan moral, il y a une personne qui dit à la police: Écoutez, envoie-le donc faire une prise de sang, ça n'a pas de bon sens, il sent la tonne au coton, cette personne-là risque six mois de suspension. Et il y a des personnes, dans un cas qui m'est présent à l'esprit, qui sont accusées pour des poursuites au civil de 150 000 $ parce qu'ils ont apparemment brisé un code de déontologie, alors que l'individu qui a causé le dommage n'est même pas mis en accusation. Il me semble qu'il y a une différence incroyable entre les recours civils qui vont être faits contre le Code de déontologie et le secret professionnel.

Pour revenir au «no fault», nous autres, là, on n'en a pas, de recours au civil. La loi ne nous le permet pas, dans le cadre du «no fault». Moi, je pense que ça devrait être ouvert, cette question-là, c'est officiel.

M. Bordeleau: Juste pour bien saisir, vous dites...

Le Président (M. Lachance): En terminant, M. le député, il reste quelques secondes.

M. Bordeleau: Non, juste une dernière question pour bien comprendre. Vous dites que le Collège des médecins est d'accord sur l'une des deux propositions. Est-ce que vous pourriez préciser laquelle?

M. Payette (Clément): Le Collège des médecins est d'accord pour la signature du permis et la prise de sang.

M. Bordeleau: O.K. Ça va. Parfait. C'est tout. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, Dr Payette, et les personnes qui vous accompagnent, pour être venu ici en commission parlementaire exprimer votre point de vue suite à cet événement malheureux que vous avez connu.

Sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Avant de reprendre nos travaux avec le premier groupe de cet après-midi, j'incite les personnes présentent dans la salle qui auraient un téléphone cellulaire à bien vouloir le fermer, y compris les journalistes, s'il y en a.

Alors, bienvenue, monsieur et madame de l'Association du camionnage du Québec. Alors, j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne, en vous indiquant que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert et, par la suite, on entreprendra la période d'échanges avec les députés.


Association du camionnage du Québec (ACQ)

M. Pigeon (Claude): Alors, merci, M. le Président. Mon nom est Claude Pigeon. Je dirige l'Association du camionnage du Québec et je suis aujourd'hui accompagné de Mélanie Roy qui est agent de recherche pour l'Association.

M. le Ministre, membres de la commission, on vous remercie d'abord de l'invitation que vous nous faites de venir comparaître devant vous. Il y a des sujets qui nous interpellent dans le livre vert, sur lesquels on a des choses à vous communiquer.

Je vous rappelle brièvement que nous représentons 980 transporteurs, donc entreprises de transport, qui ont ensemble 13 000 véhicules moteur qui circulent partout en Amérique du Nord. La flotte type de nos membres varie entre un véhicule jusqu'à 2 000 véhicules moteur chez notre plus grand membre.

Rapidement, notre mission est de promouvoir quatre axes qui sont: la formation, la prévention, la sécurité et l'équité au sein de l'industrie. Le discours sécurité, c'est surtout de celui-là que vous allez entendre parler aujourd'hui, mais il va y avoir un petit volet équité aussi.

Notre engagement face à la sécurité est connu depuis plusieurs années. Je vous rappelle tout simplement l'appui sans équivoque qu'on a réservé à la loi n° 430 concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds au Québec. Nous avons toujours pensé que c'était un outil indispensable pour mettre un peu d'ordre dans l'industrie et nous appuyons toujours ce genre de démarche là. Alors, vous ne serez pas étonnés de nous entendre tenir un discours sécurité aujourd'hui.

Je tiens aussi à vous rappeler un axe qu'on a beaucoup développé au cours des dernières années, c'est celui de l'autoconformité dans tous les domaines, tout ce qui relève du domaine normatif. On pense que ça a de l'effet quand les gens font d'abord de l'autoconformité et nos membres sont très portés là-dessus. On leur donne beaucoup d'outils pour le faire, mais ça veut aussi dire qu'en même temps il faut s'occuper du volet coercitif, parce qu'il y a des gens qui n'entendent pas raison et qu'il faut rappeler à l'ordre d'une autre façon. Je vais y revenir. Et nous sommes donc de fervents promoteurs de toute forme de contrôle en ce qui concerne les délinquants, que ce soit par les contrôleurs routiers ou par les corps policiers.

(14 h 10)

Donc, aujourd'hui on va vous entretenir de trois sujets qui nous interpellent plus particulièrement au livre vert: le cinémomètre photographique, le virage à droite sur feu rouge et, brièvement, la conduite avec capacités affaiblies par l'alcool.

Je commence d'abord par le cinémomètre photographique. Vous dire que nous avons un engagement très ferme, qui est connu du public, à l'effet que nous sommes tout à fait d'accord avec toute forme de répression sévère des excès de vitesse des véhicules lourds, des camions. Par exemple, on demande de façon très insistante, depuis 1995, que les corps policiers appliquent une politique de tolérance zéro pour les excès de vitesse des camions. Je dois vous dire que jusqu'à maintenant les résultats sont plutôt décevants et qu'on attend encore un contrôle plus rigoureux sur les routes.

Mais, parallèlement à cette demande que l'on formule aux autorités, on favorise, comme je vous le disais tantôt, beaucoup le contrôle en entreprise. Quand on parle des excès de vitesse, chez nous, ça veut dire qu'on utilise sur une grande échelle les ordinateurs de bord, toutes sortes d'autres moyens, comme par exemple les tachygraphes, pour suivre et analyser les comportements de nos chauffeurs sur la route. Nous avons des entreprises qui ont la taille et la structure qu'il faut pour aussi faire de la surveillance sur la route avec des inspecteurs. Et tout ça, ça mène, à l'interne, au sein des entreprises, à des politiques qui débouchent sur des sanctions qui peuvent aller jusqu'au congédiement, à la limite, si un chauffeur ne veut pas entendre raison et ne veut pas respecter la politique d'entreprise.

Je vous rappelle aussi que, depuis l'adoption de la loi n° 430, tous les exploitants et les propriétaires de véhicules lourds doivent s'inscrire au registre de la Commission des transports. Et une des questions qu'on leur pose quand ils remplissent le formulaire d'inscription, c'est: Avez-vous une politique sur la vitesse? Chez nos membres, c'est très répandu et c'est maintenant une pratique courante. Donc, on a un discours d'autoconformité ici.

Par contre, en ce qui concerne le cinémomètre, nous sommes contre l'adoption de cette mesure, et ce, pour cinq raisons que je vais vous énumérer. La première raison, et c'est la plus importante, c'est que nous craignons énormément un désengagement encore plus grand des corps policiers face à tous les comportements répréhensibles sur la route. Il faut se rappeler qu'il y a d'autres choses que la vitesse qui doivent être surveillées. Des comportements répréhensibles dans notre industrie, ça peut être aussi de suivre de trop près, ça peut être une omission de céder le passage, enfin, toutes sortes de comportements qu'une photo ne peut pas corriger.

Ça prend une présence policière que l'on ne voit pas suffisamment. Pour des raisons qui m'échappent, si les corps policiers manquent de ressources financières et humaines, ils vont trouver chez nous un appui inconditionnel pour en obtenir. S'ils veulent formuler des demandes conjointes avec nous, on va certainement les supporter à cet égard-là. Nous sommes convaincus qu'il y a un effet dissuasif lors de l'intervention d'un policier, et l'effet dissuasif est destiné à sensibiliser le chauffeur à la problématique.

La deuxième raison pour laquelle on s'oppose à l'utilisation du cinémomètre, c'est tout ce qui tourne autour de la responsabilité de l'infraction qui devrait – et le livre vert est clair là-dessus – incomber dorénavant au propriétaire du véhicule. Sauf que dans notre industrie – parce que là on parle de camionnage, on ne parle pas d'automobilistes – le propriétaire, c'est le transporteur. Comment allons-nous identifier le chauffeur? Question très difficile.

Rappelons-nous que c'est la plaque arrière du véhicule qui est photographiée. Chez nous, la plaque arrière, c'est celle d'une remorque, une remorque qui peut être celle d'un client, qui peut avoir été échangée avec un autre transporteur qui vient de n'importe où en Amérique du Nord, ça peut être une remorque louée, ça peut être une remorque prêtée. C'est très difficile de remonter la filière jusqu'au chauffeur.

On pense aussi qu'en faisant incomber la responsabilité de l'infraction au transporteur, ça va avoir nécessairement un impact additionnel sur le mécanisme d'évaluation et la cote de sécurité qu'on attribue maintenant à chaque transporteur depuis l'adoption de la loi n° 430. Or, les transporteurs ont assumé leurs responsabilités et ont pris les moyens qu'il fallait pour être capables de répondre à ces nouvelles normes là, mais chaque événement et chaque infraction paraît au dossier et, quand on en accumule trop, ça peut mener à une cote conditionnelle ou insatisfaisante. Il n'y a pas de problème à ce qu'on en arrive à cette échéance-là dans la mesure où on parle vraiment de sanctionner des transporteurs délinquants. Nous, ce qu'on cherche, c'est à sensibiliser le chauffeur sur toute la problématique de la vitesse. Donc, on a beaucoup de problèmes à remettre l'infraction au transporteur.

Troisième raison, on considère que c'est un rôle ingrat qu'on veut imputer au transporteur en lui demandant de remonter la filière jusqu'au chauffeur et de lui remettre la contravention en espérant pouvoir se faire rembourser. Surtout dans un contexte où il y a une pénurie grave de main-d'oeuvre dans l'industrie, une pénurie grave sur les longues distances en ce qui concerne les chauffeurs compétents, ils sont très rares, ces gens-là. Donc, on ne fait pas exprès pour jouer des rôles qui ne nous incombent pas comme, par exemple, celui des policiers.

Quatrième motif. Comment allons-nous signifier les constats d'infraction, surtout pour les concurrents qui sont des autres administrations nord-américaines, tant ailleurs au Canada qu'aux États-Unis, dans un contexte, comme je le disais, où l'équité est très importante? Le transport routier de marchandises, maintenant il est d'envergure continentale. Il n'y a plus de frontières dans le transport et c'est important que tout le monde respecte les mêmes règles du jeu et soit soumis aux mêmes règles.

Le cinquième motif, c'est que, s'il y a un problème réel, ce que nous ne nions pas, quant aux excès de vitesse des véhicules lourds, il y a une solution pratique, éprouvée et infaillible pour régler le problème une fois pour toutes, et cette solution-là, elle est aussi d'envergure continentale, c'est d'obliger l'adoption des ordinateurs de bord. Si on veut vraiment enrayer ce fléau-là, il y en a une, façon, c'est que toutes les administrations, à l'échelle de l'Amérique du Nord, s'entendent et obligent les fabricants de camions à mettre sur le marché des véhicules qui ont des ordinateurs de bord. Ça va être contrôlé comme ça, il n'y aura plus d'excès. Voilà pour le cinémomètre.

Maintenant, vous entretenir brièvement du virage à droite sur feu rouge. Vous dire d'abord, d'emblée, que nous sommes d'accord avec le virage à droite sur les feux rouges. Je dois vous dire que la majorité de nos membres, c'est-à-dire 90 %, sont des transporteurs de juridiction fédérale, donc qui font du transport à l'extérieur du Québec. Ils sont partout en Amérique du Nord, ils sont donc habitués à cohabiter avec des usagers de la route qui font aussi des virages à droite sur les feux rouges. Alors, peu importe la formule retenue, nous sommes d'accord avec cette mesure-là. Nos chauffeurs sont tout à fait rompus à une discipline très rigoureuse là-dessus et ils sont habitués de le faire.

Par contre, on tient à faire certaines mises en garde. D'abord, qu'il va falloir former et sensibiliser les transporteurs qui ne circulent qu'au Québec. Il faut se rappeler que c'est la majorité des transporteurs routiers de marchandises qui circulent à l'intérieur des limites du Québec qui ont été peu ou jamais exposés au virage à droite sur les feux rouges. Donc, il y a une clientèle ici à sensibiliser, chez les professionnels de la route, qui est la majorité des camionneurs, je vous le rappelle.

Il va aussi falloir que les automobilistes apprivoisent le virage à droite, pour ceux qui n'ont jamais été exposés à ça, de même que les piétons et les cyclistes. Ce qui m'amène à vous dire qu'il y a une chose qui nous préoccupe, c'est que les professionnels de la route ne voudraient pas faire les frais de l'apprentissage des gens sur le virage à droite.

Et, comme je vous le disais tantôt, suite à l'adoption de la loi n° 430, il y a maintenant un mécanisme d'évaluation des transporteurs et, si chaque accident qui est imputable à un virage à droite se ramasse dans le dossier du transporteur, ça va là aussi faire très mal. Ce qui nous amène à vous suggérer, au moins pour une période transitoire, qu'aucun accident qui n'est pas la responsabilité du transporteur dans un cas de virage à droite, qu'aucun de ces accidents ne soit imputé au dossier du transporteur. Et on vous suggère de réévaluer la situation dans trois ans, au plus tard, pour qu'on voie si ça a eu un impact sur le bilan routier. Mais sachez que nous sommes en faveur du virage à droite, et, en ce qui concerne la clientèle de notre membership, il n'y a pas de problème avec ça.

Troisième et dernier point, la conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool. Je tiens à vous dire que, de façon générale, quant à l'ensemble des usagers de la route, c'est une problématique qui nous préoccupe beaucoup. On encourage toute mesure qui est destinée à réprimer la conduite avec les capacités affaiblies. Cependant – et j'apporte un grand bémol – ce n'est pas un problème dans le camionnage, et je m'explique, parce que le livre vert nous interpelle quand on parle des conducteurs professionnels.

Dans le camionnage, il faut savoir que les Américains ont adopté une loi qui force aussi les chauffeurs canadiens à respecter les normes américaines. Il y a maintenant un système d'autoconformité, chez les transporteurs, qui fait en sorte qu'à l'embauche et en cours d'emploi il y a des tests au hasard qui sont faits avec les chauffeurs, et on s'est rendu compte qu'en 1999, sur 1 385 tests qui ont été faits chez les chauffeurs, chez nos membres, il y avait 100 % de conformité à la loi américaine en ce qui concerne l'alcool.

(14 h 20)

Donc, ce qu'on vous dit, c'est: Oui, c'est un problème pour l'ensemble des usagers de la route; ce n'est pas un problème du tout chez les chauffeurs professionnels dans notre industrie. L'industrie s'est déjà prise en main en implantant un système à coups de millions de dollars pour respecter les normes américaines, alors que le gouvernement canadien nous a laissé tomber, comme une vieille patate, parce qu'on lui a demandé d'adopter une loi miroir, une loi qui serait semblable à celle des Américains. L'industrie canadienne a été laissée à elle-même et a dû mettre sur pied un consortium pour être capable de fournir les services dont on avait besoin pour les tests et les suivis médicaux pour être conforme aux lois américaines. Si on ne fonctionnait pas, dans le système américain, en se prenant en main, du jour au lendemain nos chauffeurs canadiens n'auraient plus été autorisés à circuler aux États-Unis.

Alors, ce qu'on vous dit, c'est: Arrimez la norme québécoise pour les chauffeurs professionnels à la norme américaine qui est actuellement – on s'excuse, il y a une petite coquille dans le mémoire – non pas de 0,02, mais de 0,04 pour les chauffeurs professionnels. Si vous pouvez convaincre les Américains de ramener ça à 0,00, on appuiera la démarche. Mais l'industrie a investi des millions pour se conformer à la loi américaine. On parle d'un marché continental et on a beaucoup de difficultés à être pris pour vivre avec deux mesures. Ça conclut ma présentation. Ça me ferait plaisir d'échanger avec les membres de la commission et de répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Pigeon. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, monsieur de l'ACQ et madame. Je vais commencer par le dernier point dont vous avez traité, parce que, à vous écouter parler, il y avait tellement peu de problèmes que je supposais que vous étiez d'accord d'emblée avec... Le consensus qui semble se dégager, en tout cas, au niveau de tous les autres groupes qui sont passés devant nous: la tolérance zéro pour tous les chauffeurs professionnels semble faire l'unanimité des intervenants.

Je comprends quand vous parlez d'harmonisation avec les normes américaines, mais, au niveau québécois, il semble se dégager passablement un consensus très large, même, au niveau de la tolérance zéro. Au niveau de tous ceux et celles qui sont au niveau d'un bolide comme le camion, ou l'autobus, ou le taxi, c'est vraiment la tolérance zéro. Si ça ne vous force pas déjà, si ça ne crée pas de problèmes, je ne vois pas en quoi ça vous créerait un énorme malaise d'avoir une tolérance zéro pour, en particulier, le véhicule lourd que vous représentez ici.

M. Pigeon (Claude): Le problème, il est de nature juridique surtout. C'est que l'équilibre est assez fragile actuellement quant au respect de la norme américaine, parce qu'il y a beaucoup d'intervenants qui, au nom des libertés des individus, prétendent qu'on va trop loin avec ces tests-là. On ne les fait pas nécessairement par plaisir, on les fait parce que les Américains nous obligent à les faire. Et, dans la mesure où on discrimine parmi nos chauffeurs, avec des normes différentes pour ceux qui circulent au Québec seulement versus ceux qui vont aux États-Unis, on s'expose à être défiés devant les tribunaux là-dessus. Et la dernière chose qu'on...

M. Chevrette: Mais pas dans le cadre de nos juridictions.

M. Pigeon (Claude): Pardon?

M. Chevrette: Si un Américain entre ici puis emprunte les routes du Québec, c'est tolérance zéro sur les routes du Québec. Il me semble, en tout cas.

M. Pigeon (Claude): C'est tolérance zéro. Mais, nous, à l'interne, dans nos entreprises, si on a deux politiques différentes, c'est-à-dire une loi puis une politique américaine, il y a des gens qui vont dire qu'on discrimine parmi nos employés. Or, on sait qu'en Colombie-Britannique et, je pense, en Ontario – je pourrais le vérifier – il y a eu des intervenants qui se sont adressés – dans certains cas, des syndicats – aux tribunaux pour essayer de faire casser ces tests obligatoires au sein de l'entreprise. Si on va trop loin avec des normes différentes au sein d'une même entreprise, on s'expose à se ramasser devant les tribunaux. Et, si la norme américaine devait ne plus être suivie ici, on aurait un problème, parce qu'on ne pourrait plus envoyer nos chauffeurs aux États-Unis. C'est ça qui nous inquiète.

M. Chevrette: Mais en quoi une norme plus sévère vous nuirait? J'ai de la misère à suivre le raisonnement, pour le vrai, là. Si on tolère zéro de la part de nos gens, il me semble qu'ils vont avoir une facilité maudite à rentrer aux États-Unis. C'est bien plus eux autres, avec leur 0,04, qui ont de la misère à rentrer ici que les nôtres. Non? J'ai peut-être un petit problème dans mes casiers, là.

M. Pigeon (Claude): Bien, c'est parce qu'on sait qu'il y a beaucoup d'intervenants qui veulent faire sauter l'application de la politique américaine dans les entreprises ici. Puis on ne fait pas exprès pour ouvrir des portes pour qu'ils nous «challengent» devant les tribunaux. C'est de ça qu'on a peur.

M. Chevrette: Qu'ils viennent casser nos lois ici?

M. Pigeon (Claude): Bien, c'est-à-dire que, s'ils viennent nous dire ici qu'on discrimine parmi nos employés parce qu'on en oblige certains à suivre une règle et d'autres pas, on va avoir un problème. Ce n'est pas la même règle qui s'applique aux deux.

M. Chevrette: Non, je ne pense pas, moi, en tout cas, personnellement... Je ne suis pas avocat, mais...

M. Pigeon (Claude): Celui qui va aux États-Unis va dire: C'est 0,04. Celui qui va au Québec va dire: C'est 0,00.

M. Chevrette: Celui qui ne prendra rien ici, là, moi, c'est ça que je lui demande. Celui qui en prendra là-bas jusqu'à 0,04, c'est son problème, s'il veut en prendre là-bas. Mais ce n'est pas vrai que, nous autres... En tout cas, moi, j'essayais d'expliquer. Si on ne s'en va pas vers quelque chose du genre dans le domaine des professionnels du volant... Ils ont des responsabilités majeures. Que tu sois au niveau d'un bolide comme un camion qui contient des milliers de tonnes, que tu sois au niveau d'un volant d'un autobus où t'as la responsabilité de 45 personnes ou que tu prennes un taxi parce que t'es à 0,09, puis lui est à 0,27, ça va avoir l'air intelligent en maudit, ça. Pensez-y 30 secondes.

Il va falloir qu'on ait... Moi, il m'apparaît que quelqu'un qui est au service d'un autre, à qui on demande la sécurité, il a une double responsabilité. Il me semble qu'on est mieux placé pour exiger beaucoup de ces gens-là par rapport à n'importe qui. Je ne vois pas en quoi les Américains pourraient nous galvauder de quelque manière que ce soit puis faire des pressions sur nos conducteurs. On est mieux qu'eux autres.

M. Pigeon (Claude): Pas les Américains. C'est ici qu'au nom des droits de la personne certains vont contester les politiques d'entreprises. Parce que, actuellement, comme il n'y a pas d'encadrement législatif quant à la politique américaine, ça reste des politiques d'entreprises, et c'est ça qu'on a peur qui saute. Si ces politiques-là sautent, ça veut dire qu'on ne peut plus faire...

M. Chevrette: Mais, entre vous et moi, si c'est rentable pour faire de la syndicalisation, il y en a qui vont y aller. Comme ils se servent du coût du pétrole pour essayer de «booster» les camionneurs pour en faire des syndiqués, comme ils se servent de n'importe quoi. Vous le savez comme moi. On ne changera pas certains ténors, là, qui se trompent même de Parlement quand ils argumentent.

M. Pigeon (Claude): En fait, ce n'est pas compliqué. La meilleure façon de régler le problème pour aller dans le sens de ce que vous dites, c'est que, si vous voulez aller vers la norme 0,00, pas juste en contrôlant sur la route, en adoptant aussi des mesures qui nous permettent de contrôler au hasard et à l'embauche les chauffeurs, là, c'est acceptable.

Parce que, là, on va creuser un écart aussi au niveau de la compétitivité entre les entreprises qui paient les coûts de la conformité: celles qui vont aux États-Unis et qui se sont fait imposer un système de test versus celles qui circulent sans suivre ces tests-là. On va arrêter d'agrandir le fossé qu'il y a entre les deux, là. Alors, ce qu'on dit, c'est: Imposez des tests à tout le monde. À ce moment-là, la norme 0,00 est viable.

Mais là vous allez contrôler sur la route, d'une part, une partie de l'industrie, donc très rarement faire des interceptions, et, d'autre part, vous allez voir l'autre moitié de l'industrie, qui est notre moitié, qui s'impose des tests à l'interne. C'est ça qui est difficile. D'un point de vue de l'équité aussi, là, parce qu'on n'a pas traité de ce volet-là.

M. Chevrette: Ce n'est pas clair encore dans ma tête. Il faudra probablement qu'on se rencontre puis que vous m'expliquiez ça plus avant. Moi, je croyais que, si on allait vers une norme zéro, par exemple, pour les professionnels, on a une double police d'assurance pour rentrer aux États-Unis. Ce n'est pas à 0,04, c'est à 0,00.

M. Pigeon (Claude): Mais, au risque de me répéter, une norme zéro, oui, dans la mesure où on la contrôle de la même façon que la norme américaine, c'est-à-dire sur une grande échelle. Parce que, si on attend l'intervention policière pour contrôler ça sur les routes, on sait bien qu'il y a des gens qu'on ne verra jamais. Nous, on sait qu'à un rythme de 25 % de tests au hasard, 25 % de notre banque de chauffeurs dans une année, ça ne prend pas beaucoup d'années avant qu'on ait fait le tour des chauffeurs. Donc, systématiquement, on les vérifie, on fait des tests.

(14 h 30)

Mais la norme qu'on propose ici à 0,00, c'est à travers un contrôle policier. On ne rejoint pas beaucoup de monde avec ça. La norme 0,00 va être beaucoup plus viable si vous obligez les tests. Donc, si vous nous donnez un encadrement législatif, vous allez régler notre problème de relations de travail en même temps que notre problème juridique. La norme est acceptable si le contrôle est équitable pour tout le monde dans l'industrie.

M. Chevrette: Est-ce que vous traversez des provinces ou des pays qui utilisent le cinémomètre?

M. Pigeon (Claude): Sûrement, oui, s'il y en a ailleurs en Amérique du Nord. Nos membres circulent partout.

M. Chevrette: Vous vivez avec ça?

M. Pigeon (Claude): Non, on ne vit pas avec ça, parce que justement l'infraction arrive chez le transporteur, on sait qu'il n'y a pas d'effet dissuasif pour le chauffeur. On sait qu'on a de la misère à retracer le chauffeur puis on sait maintenant qu'avec la loi n° 430, ça va se ramasser dans le profil du transporteur.

M. Chevrette: Mais, à la grosseur de compagnies que vous avez à l'intérieur de votre Association, vous savez très bien qui conduit telle van, tel jour.

M. Pigeon (Claude): Ah! ce n'est pas toujours facile à remonter, la filière. Comme j'ai dit tantôt, ce n'est pas toujours nos remorques. Il y a des remorques louées, il y a des remorques par interchange, il y a des...

M. Chevrette: Non, mais je vous invite demain. Ils vont venir vous dire qu'ils vont prendre votre plaque avant et puis ils ne se tromperont pas avec la remorque empruntée. Vous viendrez voir ça demain. Il va y avoir une démonstration d'un cinémomètre ici. Ils vont vous dire qu'ils vont savoir qui chauffe aussi. Ils vont vous dire que seulement vous allez recevoir exclusivement la plaque pour des motifs bien clairs, c'est de protéger les droits, mais que... Vous allez voir que, quand on va aller en Cour, on va être bien, bien, bien, bien préparé puis la sauvegarde des droits est bien assurée. Ceci dit, pas prendre une photo avant de la plaque d'immatriculation comme arrière, là. Ça, c'est une technique, ça, ce n'est pas impossible, c'est très facile, ça. En tout cas, je vous écoutais parler puis, dans les endroits ultra-dangereux, dans les endroits où on n'est pas capable d'avoir une surveillance policière...

Par exemple, ils vont vous dire, le pont de Trois-Rivières. On a eu des exemples, là, ça passe très vite sur le pont de Trois-Rivières. On disait: Pourquoi qu'il n'y a pas de contravention? La police dit: Je ne peux pas les coller sur le pont. Je ne peux pas les coller dans les bretelles en bas, c'est trop étroit, puis c'est tout des quatre voies après. C'était quasiment impossible. Qu'est-ce qui serait bon pour changer les habitudes? Bien, un cinémomètre, ne serait-ce que pour changer l'habitude de conduite. Quand on jase comme il faut avec la police calmement puis qu'on n'est pas sous les feux de la caméra puis qu'on leur dit: Tu sais bien que tu n'es pas capable d'arrêter quelqu'un là, il dit: Oui. Tu sais bien que, si on pouvait avoir un autre moyen pour changer les habitudes, ça serait bon, ils ne disent pas non.

Moi, je pense qu'il faut regarder le tout. Les endroits où il y a des morts à répétition, l'objectif, ce n'est pas une machine à piastres, ce n'est pas d'emmerder une industrie, mais c'est de faire en sorte qu'on puisse réduire ou consolider le bilan existant au niveau routier. Si on ne prend pas d'autres moyens, c'est facile de défoncer, on défonce cette année, en 1999. Mais, si on vous assure que ce n'est pas une machine à piastres puis si on vous assure que ce n'est pas pour remplacer la police mais si on vous dit, par exemple, qu'il nous faut faire de quoi pour la sécurité, est-ce que vous allez tenir le même discours?

M. Pigeon (Claude): Oui, parce que l'expérience des cinq dernières années nous a démontré que la présence policière est à peu près nulle en ce qui concerne les excès de vitesse des véhicules lourds. C'est une situation...

M. Chevrette: Je leur ai dit ce matin, devant M. Bordeleau de l'Acadie, devant madame de Mégantic-Compton, qu'on observait des statistiques très faibles en termes d'arrestation. Mais, si en plus ils ne les arrêtent pas, est-ce qu'on doit avoir un moyen pour les ralentir? Moi, il y en a un qui m'a doublé lundi soir, puis on a monté pour voir la vitesse qu'il roulait puis on s'est rendu à 126 km. Ça veut dire qu'il roulait au moins à 130, parce qu'il gardait une bonne distance. Un bolide de cette longueur-là, à 130 km, qu'il arrive n'importe quoi dans une courbe, ou qu'il arrive un brouillard, ou qu'il arrive la brume le matin, ou n'importe quoi, ou qu'il arrive des travaux, comme ça a été le cas à Saint-Henri de Bellechasse, c'est dangereux en maudit, vous le savez.

M. Pigeon (Claude): Je souscris tout à fait à ça et je ne voudrais surtout pas qu'un membre de la commission ait l'impression qu'on dit qu'il n'y a pas de problème en ce qui concerne les excès de vitesse. Il y en a, vous savez qu'on dénonce ça de façon insistante, mais on n'a aucune raison pour le moment d'avoir confiance à l'engagement des corps policiers qu'ils vont être plus présents sur les routes. Écoutez, le 30 novembre 1995, la Sûreté du Québec prenait un engagement solennel en conférence de presse – j'étais là – pour dire qu'ils allaient réprimer les excès de vitesse des véhicules lourds. Deux mois après, on n'avait encore rien vu. Le 28 février, ils émettent un communiqué de presse pour dire: Là, ça va être vrai. On n'a encore rien vu. Je défie tous les membres de la commission de prendre leur téléphone cellulaire sur l'autoroute puis d'appeler un corps policier pour dénoncer un comportement dangereux, avec toutes les coordonnées. Il n'y a jamais personne qui va venir.

Alors, ce qu'on dit, c'est: Tant qu'on n'aura pas de preuve tangible que, pour tous les comportements répréhensibles, il va y avoir une présence policière, on a un problème à vivre avec le cinémomètre, parce qu'on risque d'accentuer encore plus le désengagement des corps policiers face à leur responsabilité de faire respecter les règles élémentaires du Code de la route. Ça nous préoccupe énormément. Et, moi, je vous parle au nom de gens qui appliquent des politiques sévères, à l'interne, de contrôle des excès de vitesse avec des ordinateurs de bord et qui sanctionnent ça de façon très sévère au sein de leur entreprise.

Alors, il y a le problème du désengagement des corps policiers puis il y a le rôle ingrat qui est normalement dévolu à un policier qu'on va faire assumer par un transporteur, parce que c'est lui qui va se promener, le patron, avec le billet pour aller voir le chauffeur. Ça n'a pas le même effet dissuasif puis, en plus, c'est ingrat. C'est là qu'on a un problème. Mais, si les corps policiers étaient très présents sur les routes pour réprimer les excès de vitesse des véhicules lourds, ce serait une autre affaire, on ne tiendrait peut-être pas le même discours. Mais la preuve s'est plutôt faite à l'inverse au cours des dernières années.

M. Chevrette: M. Pigeon, je vous remercie de votre témoignage.

M. Pigeon (Claude): Ça me fait plaisir.

M. Chevrette: Merci aussi de présider la table sur le camionnage lourd au Québec. Je pense qu'on a beaucoup à faire. On amorce un travail de collaboration, j'espère que ça portera ses fruits. Merci.

M. Pigeon (Claude): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je vais poser quelques questions. Je vais laisser aussi du temps à ma collègue qui veut également intervenir.

Je veux d'abord vous remercier pour la présentation de votre mémoire et vous mentionner, au fond, qu'on sent dans les propositions que vous faites, quand même, un sens des responsabilités, au niveau de la sécurité routière, qui est tout à fait évident. Je suis aussi d'accord, disons, avec votre approche quand vous parlez d'autoconformité, c'est-à-dire qu'il est toujours préférable de convaincre les gens que de leur imposer des comportements, et je pense que c'est dans ce sens-là que vous travaillez.

Votre préoccupation par rapport aux ressources policières, je pense qu'elle est tout à fait justifiée, et je voudrais aussi mentionner que, ce matin, on a eu M. Cannavino, le président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, qui était ici, et ce que vous dites, je pense qu'il serait d'accord aussi.

L'autre élément qu'il faut prendre en compte dans tout ça, c'est qu'ils nous ont dit aussi ce matin qu'il y avait un an, un an et demi que la Sûreté du Québec était sensée avoir 150 constables de plus puis qu'ils ne les ont pas. Alors, évidemment, c'est bien beau de donner une responsabilité aux corps policiers, d'avoir des attentes... Puis ça, on a le droit d'avoir les attentes qu'on a, comme celle que vous manifestez, c'est-à-dire que, s'il y a des gens qui font du camionnage qui se comportent de façon non correcte en ne respectant pas les lois qui doivent être sanctionnés, il faut que les ressources soient là.

Dans le contexte où on sait qu'il y a des besoins qui sont bien identifiés, on sait qu'il y a des engagements du gouvernement de fournir plus de ressources policières, mais on sait aussi que le gouvernement ne les a pas fournies à date, bien, quand on arrive avec une hypothèse comme ça, ce n'est pas trop long qu'on peut penser qu'on veut faire une compensation et risquer de se retrouver éventuellement avec de moins en moins de policiers sur les routes et d'essayer de transférer ça dans des mécaniques comme celles du cinémomètre.

Je suis convaincu, depuis le début, aussi que le fait d'être arrêté par un policier directement au moment où l'infraction se produit, c'est beaucoup plus efficace que de recevoir, 10 jours plus tard, une contravention en disant que vous êtes allé trop vite dans telle ou telle circonstance. L'effet de la sanction doit être très rapidement associé au comportement, et ce n'est pas vrai que, quand ça arrive 10 jours après puis que... Votre chauffeur de camion, qui allait peut-être à 125, 130 km sur une autoroute, il a continué à se rendre à la même vitesse et puis il a constitué le même danger pour les citoyens, et puis il a peut-être même, durant les 10 jours, eu d'autres contraventions aussi s'il a continué à se comporter de la même façon. Alors, on se retrouve dans une situation où on risque d'avoir des accumulations de tickets, si on veut, qui vont survenir, et tout ça est causé par le fait que la sanction n'est pas suffisamment associée au comportement qui est fautif.

Alors, quand vous dites: Qu'on fasse respecter les limites et que, si des gens passent à côté des règlements, qu'ils soient sanctionnés immédiatement, je pense que c'est tout à fait exact. Ça serait beaucoup plus efficace que de penser à une technique comme ça. Mais il faut que les ressources soient là. Ce qu'on nous a dit ce matin, c'est que les ressources, on les promet, mais on ne les donne pas.

M. Pigeon (Claude): Vous permettez une petite intervention là-dessus, un petit commentaire, là?

M. Bordeleau: Oui.

M. Pigeon (Claude): On préférerait entendre de la Sûreté du Québec ou de n'importe quel autre corps policier un discours du genre: On manque de ressources, plutôt que d'entendre qu'on fait la job alors qu'on ne la fait pas. Il faudrait qu'ils voient en nous des alliés là-dessus, et non pas des ennemis. Je vois bien qu'il y a de la bonne volonté sur le terrain – les policiers eux-mêmes – mais il faut que la volonté vienne d'en haut, aussi, de contrôler ce problème-là, puis on attend encore. Puis pourtant on s'est fait insistant là-dessus.

(14 h 40)

M. Bordeleau: Je veux revenir sur certains des points que vous avez mentionnés. Vous parliez tout à l'heure du fossé qui existerait entre les entreprises de camionnage qui restent au Québec et les entreprises de camionnage qui vont à l'extérieur, par exemple aux États-Unis ou ailleurs. Le ministre avait l'air d'avoir de la misère à vous suivre. Mais, moi aussi, j'ai un petit problème que je voudrais essayer de comprendre. L'entreprise de camionnage qui va à l'extérieur, les camions, ils partent d'en quelque part au Québec.

M. Pigeon (Claude): Oui.

M. Bordeleau: En partant d'en quelque part au Québec et si la tolérance est à zéro, ils doivent respecter la tolérance zéro, comme ceux qui circulent à l'intérieur du Québec doivent respecter la tolérance zéro. Donc, à ce moment-là, il n'y a pas de traitement différent. Rendus l'autre côté des frontières, bien là, s'ils ne veulent rien prendre, ils continueront à être à zéro, puis, s'ils veulent prendre un verre, il seront peut-être à 0,03, mais, de ce côté-là, ce sera accepté. Mais la différence de traitement entre les deux types de compagnies, celles qui vont à l'international ou au national, à l'extérieur du Québec, et celles qui demeurent au Québec, je ne la vois pas, parce qu'ils partent du Québec de toute façon. Donc, en partant du Québec, tous les chauffeurs seraient, dans l'éventualité où ce serait retenu, assujettis au 0,00 alcool.

M. Pigeon (Claude): Oui, sauf que ceux qui circulent au Québec ne sont soumis à aucun test, sauf lorsqu'ils sont interceptés sur la route, alors que ceux qui circulent à l'extérieur sont sujets à des tests au hasard.

M. Bordeleau: Ça, c'est pour répondre aux normes américaines que vous faites ces tests-là?

M. Pigeon (Claude): Oui, c'est ça. Quand on veut respecter la loi américaine, on doit avoir un système de tests à l'embauche et un système de tests au hasard qui nous permettent de couvrir 25 % de notre banque de chauffeurs dans une année.

M. Bordeleau: O.K. Mais, actuellement, c'est le cas, et il n'y a pas de problème, là, c'est seulement ceux qui vont à l'extérieur?

M. Pigeon (Claude): Oui, sauf qu'un système comme ça, c'est très coûteux à administrer au sein d'une entreprise. Et là ce dont on se rend compte, c'est que – comment dire, donc – pour être conforme, si on veut être rigoureux face à la loi américaine, il faudrait qu'on teste tous nos chauffeurs, autant ceux qui circulent seulement au Québec – ou seulement au Canada, je devrais dire – que ceux qui circulent aux États-Unis, sauf qu'à cause des coûts associés au système de contrôle on doit tester seulement... La majorité de nos membres font ça, vont tester seulement leurs chauffeurs qui vont aux États-Unis.

Donc, on se ramasse dans une situation où, au sein d'une même entreprise, il y a deux politiques différentes pour la banque de chauffeurs. C'est là qu'on a un problème, parce qu'on sait qu'il y a des gens qui voudraient dire: Vous n'avez pas le droit de faire ces tests-là, et qui aimeraient faire sauter ça. Ils disent: Vous discriminez parmi vos employés au sein d'une même entreprise. C'est ça qu'on craint.

M. Bordeleau: O.K. La loi américaine vous obligerait, si je comprends bien, à vérifier tous vos employés, indépendamment du fait qu'ils vont aux États-Unis ou qu'ils ne vont pas aux États-Unis. C'est ça que vous me dites?

M. Pigeon (Claude): Pardon?

M. Bordeleau: C'est ça que vous me dites: Indépendamment du fait qu'ils vont aux États-Unis ou qu'ils n'y vont pas, la loi américaine vous obligerait à les tester?

M. Pigeon (Claude): Oui, parce qu'on est sensé mettre 100 % de notre banque de chauffeurs dans le pool qui fait l'objet de tests au hasard.

M. Bordeleau: Mais même s'ils ne vont pas aux États-Unis?

M. Pigeon (Claude): Oui, sauf que vous comprenez que c'est très coûteux.

M. Bordeleau: Oui. L'autre élément que je voulais mentionner, le problème de l'identification des plaques et éventuellement du transfert de la sanction ou de l'amende au transporteur, ça nous a été mentionné aussi à un autre niveau, là, où les garagistes qui prêtent des automobiles à leurs clients se retrouveraient un peu avec le même problème, c'est-à-dire que tu prêtes une voiture, et là tu reçois éventuellement le ticket et tu es obligé de courir après ton client pour dire à ton client: Bien, écoute, tu as eu une contravention que tu dois payer. Alors, il y avait un problème aussi, de ce côté-là, qui avait été mentionné.

Juste une question que je me posais: Les transporteurs américains qui viennent ici, dans l'éventualité où le cinémomètre existerait – je ne sais pas si le ministre, peut-être, là-dessus, a une réponse – le conducteur américain qui serait pris en infraction ici, l'avis serait envoyé à son propriétaire aux États-Unis?

M. Chevrette: Oui, puis il y a même des ententes entre les gouvernements puis entre certaines structures pour l'échange de renseignements complets et la collection. Ça, ça ne constitue pas un problème.

M. Pigeon (Claude): Sauf le volet de la signification de l'infraction.

M. Chevrette: Ah!

M. Pigeon (Claude): Ça, c'est plus problématique, parce que, pour des raisons d'équité, il faut qu'elle se rende aussi chez l'Américain.

M. Bordeleau: O.K. Dans les autres provinces canadiennes, le niveau minimal d'alcoolémie, il est quoi? Est-ce qu'il y a des règles particulières pour les chauffeurs de camion dans les autres provinces canadiennes?

M. Pigeon (Claude): Bien, les règles provinciales propres à chacune des provinces, je ne les connais pas toutes. Mais ce que je peux vous dire, c'est que tous les transporteurs canadiens sont soumis aux mêmes règles américaines quand ils vont aux États-Unis.

M. Bordeleau: Non, ce n'est pas ça que je... Ce que je vous demande, c'est: À votre connaissance – vous ne le savez peut-être pas, mais à votre connaissance – est-ce que les camionneurs, les chauffeurs de camions sont assujettis, dans les autres provinces où il y a un encadrement du niveau d'alcoolémie, au même niveau que les chauffeurs de façon régulière...

M. Pigeon (Claude): De cette province-là.

M. Bordeleau: ...ou s'il y a des traitements particuliers comme celui auquel on pense ici, c'est-à-dire que, si c'est 0,08, on dit: Les camionneurs, ce sera 0,00?

M. Pigeon (Claude): Je comprends.

M. Bordeleau: Est-ce qu'ailleurs, dans d'autres provinces, ça existe, ça, des places où on dit 0,08 mais on a aussi un traitement différent pour les camions, ou si c'est 0,08 pour tout le monde?

M. Pigeon (Claude): Je ne pourrais pas répondre à votre question, je ne le sais pas.

M. Bordeleau: En tout cas, du côté du ministère, est-ce qu'il y a une réponse là-dessus?

M. Pigeon (Claude): Traitement différent entre les...

M. Chevrette: C'est-à-dire que le 0,08 n'est pas identique dans toutes les provinces, mais il n'y a pas de 0,00, non.

Une voix: Il y a du 0,04...

M. Chevrette: Il y a du 0,04.

Une voix: ...avec suspension de 24 heures.

M. Bordeleau: Mais, à ce moment-là, quand il y a 0,04, c'est 0,04 pour tous les conducteurs, camion ou automobile?

M. Chevrette: Oui, exact.

Une voix: C'est ça.

M. Bordeleau: O.K., il n'y a pas deux traitements.

Une voix: Une suspension de 24 heures du permis.

M. Bordeleau: O.K., c'est ça. Alors, il n'y a de traitement différent pour les camionneurs puis pour les chauffeurs d'automobile, alors que, là, en entrant une norme comme ça, on arriverait avec un traitement différentiel.

M. Chevrette: Oui. Ici, ce qu'on introduirait, effectivement, c'est la notion de conducteur professionnel. Ça ne vise pas exclusivement les camions, là.

M. Bordeleau: Non, non, non! On s'entend.

M. Chevrette: On s'est bien compris?

M. Bordeleau: On s'entend. Oui, oui, je parlais du camion, là, mais je comprends que c'est les taxis puis tous les... Alors, je vais laisser la parole à ma collègue, qui avait une question sur...

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci. M. Pigeon, je voudrais revenir sur un élément que vous avez soulevé tout à l'heure, qui est celui des ordinateurs de bord. Je suis loin d'être très connaissante sur ce bidule, mais, si c'est ce que je pense que c'est, c'est ce qui permet d'établir la moyenne de vitesse par rapport au kilométrage. Est-ce que c'est ça?

M. Pigeon (Claude): Par exemple. Mais, en fait, vous pouvez tout contrôler avec ça. Vous pouvez gérer de façon informatisée...

Mme Delisle: Mais... O.K., c'est ça.

M. Pigeon (Claude): ...vous pouvez gérer votre moteur, vous pouvez savoir la vitesse moyenne à laquelle le chauffeur a circulé, à quelle vitesse précise il circulait à telle heure.

Mme Delisle: O.K. Ça, ce serait fait dans le but, évidemment, de permettre aux inspecteurs, j'imagine, ou même à des entreprises de contrôler ou de savoir s'il y a des excès de vitesse qui sont faits par les camionneurs. J'ai cru comprendre que vous étiez d'accord avec ça, là.

M. Pigeon (Claude): Tout à fait, on encourage ça sur une échelle nord-américaine.

Mme Delisle: Bon. Oui, j'ai compris. Mais, si on attend l'échelle nord-américaine, ça va se faire dans la semaine des quatre jeudis, comme dirait mon père. L'automne dernier, j'étais à bord d'un autocar, en Europe, où il y a eu une inspection comme ça, là. Il y a un contrôleur qui est arrivé, puis le hasard a fait que j'étais assise devant, un des sièges à l'avant. Alors, j'ai vu l'inspecteur dévisser ou défaire une espèce de truc avec une roulette et vérifier la vitesse. Je me demandais ce que c'était. Finalement, on me l'a expliqué, puis je trouvais ça fort intéressant parce que j'ai l'occasion de siéger sur cette commission-ci.

Pourquoi vous étendez votre souhait à l'échelle nord-américaine? Pourquoi on ne pourrait pas être, nous, les instigateurs ou les promoteurs, au Québec, d'une telle mesure? Parce que je dois vous avouer que c'est vrai qu'on est délinquants au Québec – puis le «on» peut tous nous inclure, là, on ne s'exclura pas – les gens conduisent vite. Et les camionneurs – on est souvent sur la route, nous autres, puis je ne dis pas ça par manque de respect – ça roule vite.

M. Pigeon (Claude): Il y en a.

Mme Delisle: Puis, quand ils ne sont pas dans le derrière de nos voitures, ça s'appelle: Tassez-vous, parce qu'ils poussent, puis ils poussent, puis ils poussent. Je comprends que... De toute façon, il n'y a rien à y comprendre, il n'y a pas d'excuse pour faire ça. Mais est-ce que ça ne pourrait pas être une... D'abord, est-ce que ça prend une législation pour faire ça ou bien... Qu'est-ce que ça prend? Des normes?

M. Pigeon (Claude): D'abord, je pense que vous avez dit de façon éloquente pourquoi est-ce qu'on réclame tant de présence policière, parce qu'il n'y a pas juste la question de la vitesse, il y a d'autres comportements répréhensibles. Vous en avez décrit quelques-uns. Mais, en ce qui concerne l'ordinateur de bord, l'idée d'appliquer ça à l'échelle nord-américaine, c'est, comme je le disais, pour des raisons de compétitivité. Peut-on nous assurer que tous les compétiteurs des autres administrations nord-américaines, tant canadiennes qu'américaines, dès qu'ils vont entrer au Québec, vont être assujettis à la même mesure que nous? On l'a dit tantôt, il n'y a plus de frontières dans le camionnage, il y a des dizaines de milliers de camionneurs américains, ou ontariens, ou des provinces atlantiques qui circulent au Québec.

Donc, c'est pour ça qu'on suggère que ce soit appliqué de façon nord-américaine, parce que, autrement, au chapitre de la compétitivité, à défaut de présence policière pour contrôler la problématique de la vitesse, ça veut dire que tous les étrangers vont avoir la voie libre, vont rouler plus vite. Il y a des coûts d'associés, aussi, au respect des limites de vitesse, au niveau de la compétitivité. Alors, oui, au nom de la sécurité, mais à condition que tout le monde suive les mêmes règles du jeu, parce que, autrement, il y a un déséquilibre au niveau concurrentiel.

(14 h 50)

Mme Delisle: Oui, mais là vous touchez deux points. Vous touchez le point de la vérification policière, qui est une chose, puis je ne veux pas embarquer là-dedans, moi. À mon avis, ça doit être fait, puis ça pour différentes considérations.

Mais je reviens à ce que je disais tantôt. À mon avis, il faut commencer à quelque part, et puis je comprends qu'il y a toute la question de la concurrence et de la compétitivité, mais il y a une question, aussi, de sécurité sur les routes pour tout le monde. Et, comme on sait que l'achalandage du camionnage sur les routes, je veux dire, c'est en croissance, ce n'est pas en décroissance... Tout circule finalement sur les routes. Nos routes ne sont pas si bien entretenues que ça, on a juste à se promener aux États-Unis pour voir comment est-ce qu'on est quasiment sur un... C'est extraordinaire, aux États-Unis, voyager, puis en Europe. Ici, au Québec, on n'investit pas dans nos routes, alors c'est un danger public, déjà, de s'y promener.

Je reviens avec ma question, je me fais insistante là-dessus: Qu'est-ce qui vous empêche... Parce que, pour moi, ce n'est pas un argument majeur, cette question de concurrence. Si le gars veut se tuer, qu'il se tue, mais ce n'est pas une raison, pour faire 10 $ de plus, que le gars arrive cinq minutes avant. Je comprends qu'il y a des considérations, mais je ne trouve pas ça assez important – je vous le dis tout de suite – pour justifier qu'on ait peur de se promener sur la route. Puis, si on veut que tout le monde diminue de vitesse, bien, à quelque part, il va falloir que les camionneurs aussi se disciplinent.

Tant qu'on n'aura pas un mécanisme de contrôle autre que la police... La police, c'est une chose, mais ça, à mon avis, c'est quelque chose qui est... Puis je reviens à ce que je vous ai demandé: Est-ce que ça prend une législation pour ça ou est-ce que c'est, à un moment donné, quand on se mettra à... Je ne sais pas, dans cinq ans, s'il y avait une volonté de faire ça, ou dans quatre ans, à partir du moment où on construira ces camions-là... C'est une norme, vous parlez d'une norme nord-américaine. Je ne connais pas ça, là, je vous pose la question. Faut-u que ce soit installé dans tous les camions en même temps? C'est quoi, là?

M. Pigeon (Claude): Il y a deux raisons. La première, c'est – parce que je pense qu'on ne peut pas faire abstraction de ce volet-là, il est trop important, puis je vais le répéter, là: En l'absence de contrôles sur les routes, on donne un avantage compétitif à des camionneurs étrangers qui n'auraient pas cet ordinateur de bord là. Pourquoi pensez-vous qu'ils roulent plus vite? Puis je pourrais citer plusieurs compagnies qui viennent d'autres administrations canadiennes ou américaines, vous les voyez comme moi sur l'autoroute 20 ou sur la 40. Pourquoi pensez-vous qu'ils roulent plus vite? Parce qu'ils sont payés au mille. Puis, quand tu es payé au mille, tu as intérêt à faire plus de milles dans la journée. Ça, c'est le premier problème.

Puis pourquoi ça doit arriver en même temps à l'échelle nord-américaine? C'est aussi parce qu'il y a des coûts d'associés à l'ordinateur de bord, vous rajoutez pas loin de 2 000 $ par véhicule. Pour des raisons de compétitivité, encore une fois, est-ce qu'il y a juste les camionneurs québécois qui vont acheter des tracteurs avec des ordinateurs de bord, alors que leurs concurrents ne les paient pas?

Vous savez, la compétitivité dans le transport, ça se regarde sous plusieurs angles, ça se regarde du point de vue fiscal. L'immatriculation coûte trois fois plus cher ici, au Québec: 3 000 $, en moyenne, au lieu de 1 000 $ aux États-Unis, pour un ensemble de tracteur-remorque. Et je pourrais vous en défiler une liste longue comme ça. Alors, il faut arrêter d'en rajouter, parce que là le fossé, il va s'agrandir, puis, à un moment donné, on va laisser le transport aux Américains puis aux gens des autres administrations canadiennes. Ne vous trompez pas, il n'y aura pas un camion de moins sur la route – la seule différence, c'est que ça ne sera plus des plaques du Québec – parce que les besoins en transport routier de marchandises, ils sont là puis ils vont continuer à croître.

Alors, c'est pour ça qu'on parle d'équité puis qu'on dit que ça doit arriver en même temps demain matin pour tout le monde. Mais, moi, je peux vous dire que les sept associations provinciales de camionnage au Canada vont toutes donner un appui unanime à l'introduction d'une mesure pour obliger les ordinateurs de bord. Le problème est réglé au Canada, il ne vous reste plus rien qu'à aller chercher les Américains. Puis, en passant, l'ordinateur de bord, ça ne permet pas de contrôler seulement la problématique de la vitesse, ça vous permet de contrôler la problématique des heures de service, la gestion de la fatigue. Il y a bien des choses qu'on peut faire avec ça, là.

Mme Delisle: On pourrait le faire avec les autocars aussi.

M. Pigeon (Claude): Mais, si on applique ça seulement au Québec, là on a un méchant problème.

Mme Delisle: O.K. C'est une réflexion.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Étant donné que tous les camions, maintenant, neufs sont dotés d'un limitateur de vitesse, qu'est-ce qui vous empêche, à ce moment-là, de la limiter? Vous n'avez qu'à ajuster la puce en conséquence.

M. Pigeon (Claude): Parce que, avec un ordinateur, n'importe quel mécanicien peut réajuster la limite de vitesse. C'est ajusté en usine, mais, avec la programmation, on peut la mettre à n'importe quelle vitesse. Puis, comme il y a beaucoup d'États américains où la vitesse permise est 75 milles à l'heure, vous comprenez que ce n'est pas tout le monde qui limite ça à 100 ou à 95.

M. Chevrette: Mais, si vous vous donniez le mot, comme citoyens, comme association – que je qualifie de professionnelle, vous autres, je ne me trompe pas? – pourquoi vous n'inciteriez pas tous vos membres à faire ça?

M. Pigeon (Claude): C'est ce qu'on fait sur une grande échelle.

M. Chevrette: Vous n'en avez pas gros qui le font.

M. Pigeon (Claude): Ah oui! Chez nos membres, oui.

M. Chevrette: Combien vous avez de compagnies au Québec...

M. Pigeon (Claude): Ah oui, oui! L'immense...

M. Chevrette: ...dont la vitesse est limitée, par exemple, à 90 km/h?

M. Pigeon (Claude): Presque 90 % – c'est autour de 88 % ou 89 % – de notre membership a limité volontairement ses camions de façon électronique, parce que les générations de camions, chez nous, sont très jeunes.

M. Chevrette: À combien?

M. Pigeon (Claude): Maximum 105; ça varie entre 90 et 105, dépendant de la politique de l'entreprise. Je vous parle de mes membres.

M. Chevrette: Mais à 90, à ce que je sache, moi, je connais trois compagnies qui sont à 90, dont Besner...

M. Pigeon (Claude): Oui, c'en est un. La grande majorité chez nous sont à 95 jusqu'à 102. Mais la fourchette, c'est de 90 à 105 chez nos membres.

M. Chevrette: Seriez-vous d'accord, vous, avec une baisse réelle à 90 pour les camions lourds?

M. Pigeon (Claude): Non. On s'est déjà penché sur cette problématique-là, à l'Association, il y a cinq ou six ans de ça, et je dois vous dire qu'on a reculé, parce qu'à un moment donné on avait flirté très sérieusement avec l'idée de faire la promotion de ça, puis ce dont on s'est rendu compte, c'est que c'est difficile à vivre sur les routes. Deux types d'usagers de la route qui circulent à des vitesses différentes créent des situations qui ne sont pas évidentes.

M. Chevrette: Mais on a ça en Europe souvent, des camions à 85 km, 90 puis des autos à 110, et ils n'ont pas l'air à vivre pire qu'ici.

Moi, je m'en vais sur la route, j'en fais régulièrement. C'est vrai, ce que les camionneurs disent, que, des fois, ce n'est pas la faute du camion s'il arrive un accident. Il t'arrive quelqu'un à 70 km, puis il se glisse entre deux camions, puis c'est juste s'il voit le... Comment dirais-je? Moi, j'appelle ça le «capot». Puis il a les deux bras raidis, mon vieux, tu jurerais qu'il s'est ankylosé au volant! Je le comprends, que ce n'est pas toujours la faute du camionneur, mais il y a des camions qui sont aussi responsables sans être impliqués. Quand ils t'arrivent dans l'arrière-train à 120, là, tu es porté à peser pour rentrer, puis ce n'est pas long, ça, une seconde de distraction, pour toucher du côté ou quelque chose du genre.

Je pense qu'il y a des torts des deux bords. Mais l'impact n'est pas le même pour une auto qui va aller percuter une autre auto qu'un camion qui a – je ne sais pas, moi – 40 tonnes de liquide dans un véhicule puis qui subit un fauchage. Il me semble que ça peut cohabiter, ça, deux vitesses différentes, compte tenu de l'impact qui est différent. Est-ce que c'est scientifique, vos données pour vous opposer à ça?

M. Pigeon (Claude): Non, c'est l'expérience de nos agents en prévention qui nous dicte que ce n'est pas évident de rouler à des vitesses différentes dans le flot de la circulation, que c'est plus facile de circuler à la même vitesse que les automobilistes. Ça, c'est l'expérience des praticiens sur la route. Mais je voudrais dissiper toute confusion, parce que j'ai quelquefois l'impression qu'on peut penser qu'on prend fait et cause pour ceux qui roulent vite. Là, je veux que ce soit très clair: on dénonce ça.

M. Chevrette: Non, non. Ça, je sais tout ça.

M. Pigeon (Claude): Nous, on s'astreint à des règles de respect rigoureux des limites de vitesse. Évidemment, les coûts de la conformité sont assez dispendieux, on voudrait bien que tout le monde les respecte. Mais, comme plusieurs l'ont déjà dit avant moi, quand même on mettrait les limites de vitesse à 45 km/h, si on ne les fait pas respecter, on n'est pas rendu plus loin. Elle est déjà à 100, puis on ne la fait pas respecter. Est-ce que ça va changer quelque chose si on la met à 90, si ce n'est que d'emmerder ceux qui paient déjà le coût de la conformité puis qui roulent à 95 puis à 100? C'est ça qui nous préoccupe vraiment. Mais, s'il n'y avait pas de passe-droit sur les routes et puis que c'était étanche de façon absolue, la réponse serait un oui enthousiaste à votre question.

M. Chevrette: C'est beau.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci...

M. Pigeon (Claude): Mais on sait c'est qui qui va limiter ses camions à 90: c'est toujours les mêmes, c'est ceux qui roulent à 100 aujourd'hui.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Pigeon, Mme Roy, pour votre présence ici au nom de l'Association du camionnage du Québec.

M. Pigeon (Claude): Merci.

(15 heures)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite les représentants de la ville de Hull à bien vouloir s'approcher à la table.

(Changement d'organisme)

M. Chevrette: Il me semble que je vous ai vu ça ne fait pas longtemps, vous autres.

Le Président (M. Lachance): Ça se peut.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Ministre de la Réforme électorale. Alors, bienvenue, messieurs.

M. Chevrette: ...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Vous voyez l'indiscipline de certains parlementaires. Alors, on vous demande de ne pas suivre cet exemple. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Alors, messieurs, bienvenue à cette commission. Je vous invite à vous présenter, et je vous indique que vous avez 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires.


Ville de Hull

M. Bonhomme (Claude): On ne se sent pas dépaysé, M. le Président, à nos séances du conseil municipal, ça arrive fréquemment. Ça me fait plaisir d'être ici aujourd'hui, M. le Président. D'abord, je me présente, je suis Claude Bonhomme, maire suppléant de la ville de Hull, également vice-président du comité exécutif. J'ai le plaisir d'être accompagné par le directeur général adjoint de la ville de Hull, M. Jean-Pierre Chabot.

Ça me fait d'autant plus plaisir d'être ici, dans cette salle, que la dernière fois où je suis venu en commission parlementaire, c'était pour demander certains pouvoirs à la ville de Hull, notamment les pouvoirs de réglementer les heures de fermeture des bars, et on est très reconnaissant au gouvernement de nous avoir accordé ces pouvoirs qui ont réglé notre problème de bars à la ville de Hull.

Avant de céder la parole à monsieur...

Une voix: ...

M. Bonhomme (Claude): Pardon?

M. Chevrette: C'était une concurrence avec Ottawa. Excusez, c'est une farce.

M. Bonhomme (Claude): Avant de céder la parole à M. Chabot, j'aimerais vous dire que nous avons procédé à une réflexion profonde sur les sujets qui sont aujourd'hui abordés. Nos fonctionnaires ont d'abord – le service de la police, le service d'urbanisme, le service d'ingénierie – examiné, étudié attentivement le livre vert. Suite à ça, les fonctionnaires ont rencontré les élus, leur ont fait part de leurs recommandations, et je dois vous dire que les recommandations des fonctionnaires n'ont pas toutes été suivies.

La seule qui a été suivie, le seul point qui a fait l'objet d'un consensus unanime, d'une unanimité, ça a été le virage à droite sur les feux rouges. Autant les élus que les fonctionnaires, sans exception, sont d'accord. Quant aux autres points, le port du casque, patin à roues alignées, photoradar, alcool au volant, il y a eu des modifications de faites aux recommandations.

Vous n'êtes peut-être pas aussi sans savoir que Hull est la plus importante ville frontalière au Québec – nous sommes limitrophe à la région d'Ottawa-Carleton dans la ville d'Ottawa – et vous savez aussi probablement, à l'heure où on se parle, que, régulièrement, tous les jours, 40 000, 50 000 personnes se rendent du côté de l'Ontario, donc peuvent apprécier, entre autres, le phénomène du virage à droite au feu rouge. Nous sommes donc dans une situation privilégiée pour venir témoigner ici aujourd'hui.

Hull est aussi au centre d'un des plus grands réseaux de pistes cyclables en Amérique du Nord. Les pistes cyclables en Amérique du Nord, je crois, ont peut-être débuté, sinon au Canada, dans la région d'Ottawa-Carleton. Et dès 1960 des pistes cyclables ont été construites dans notre région, de sorte qu'aujourd'hui il y a un réseau de 250 km de pistes cyclables. Et les gens du Québec se rendent régulièrement en Ontario sur les pistes cyclables, où, soit dit en passant, la politique du port du casque, c'est l'interdiction aux moins de 18 ans, et, en haut de 18 ans, bien, c'est facultatif.

C'est peut-être aussi important de savoir que nous revendiquons au niveau du virage à droite au feu rouge depuis très longtemps. Dans le document qui vous a été remis, vous avez une résolution qui remonte à 1969 et vous en avez toute une série qui est après ça. Mais la première a été adoptée en 1969.

Sur ce, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je cède la parole à M. Chabot, qui vous fera la présentation formelle.

M. Chabot (Jean-Pierre): Avec votre permission, M. le Président, je vais vous éviter une lecture qui pourrait être longue et fastidieuse et tenter de rapidement présenter une argumentation et m'en tenir aux énoncés, finalement, des principales recommandations.

En ce qui regarde le port du casque protecteur pour les cyclistes, je pense que, d'emblée, nous reconnaissons l'utilité du port du casque, et la tentation a été très forte, je dirais, de prioriser, au-delà de tout, la sécurité des cyclistes. La tentation était donc très forte d'en faire une obligation générale pour l'ensemble des cyclistes.

Cependant, une réflexion plus poussée nous a amenés à constater que le rôle protecteur de l'État est souvent mal perçu par nos citoyens. Nous avons eu des représentations qui ont été faites par différents groupes, des adeptes du vélo, et, face à ces représentations, face aussi à tout le questionnement sur le rôle de l'État – est-ce que l'État doit, dans le fond, par une coercition légale remplacer la persuasion – nous en sommes arrivés à une recommandation qui est la suivante:

Que le gouvernement du Québec, en association avec les organismes représentatifs, les municipalités et les commissions scolaires, intensifie les campagnes de sécurité et de sensibilisation au port du casque protecteur pour les cyclistes;

Que le Code de la sécurité routière fasse obligation à tous les cyclistes de moins de 17 ans de porter le casque protecteur lorsqu'ils circulent sur une voie publique;

Qu'une infraction à cette disposition donne lieu à une amende – 30 $ ou 60 $ – en cas de récidive;

Que l'amende résultant d'une contravention puisse être annulée sur présentation d'une preuve d'achat d'un casque protecteur certifié par une agence reconnue en la matière au plus tard deux semaines suite au constat de l'infraction;

Que les parents tuteurs soient responsables de débourser l'amende ou de présenter la preuve d'achat d'un casque protecteur lorsque le contrevenant est âgé de moins de 14 ans; et

Que l'éducation et la sensibilisation des jeunes à des comportements sécuritaires au guidon d'une bicyclette soient maintenues ou renforcées dans les écoles primaires.

Cette recommandation découle principalement du fait que les jeunes de moins de 14 ans sont plus souvent victimes d'accidents. En fait, c'est la catégorie d'âge, finalement, où le nombre d'accidents impliquant des cyclistes est le plus élevé. C'est aussi dû au fait que les habiletés, la perception des dangers, le sens de l'autonomie sont moindres chez les jeunes de moins de 14 ans, donc qu'ils sont les plus susceptibles de bénéficier d'une mesure de protection contraignante comme l'obligation du port du casque.

Relativement au patin à roues alignées, la réflexion a, je dirais, porté sur deux aspects. Dans une région comme la région de l'Outaouais, où les pistes cyclables sont nombreuses, où les citoyens ont généralement des comportements très sportifs, c'est-à-dire que les sports de plein air sont très prisés dans l'Outaouais, nous avons de plus en plus une augmentation considérable de patineurs à roues alignées tant sur les pistes cyclables, les bandes cyclables, que sur les voies publiques, les rues.

Nous avons constaté que l'utilisation du patin à roues alignées répond non seulement à un besoin récréatif, mais à un besoin de déplacement pour des fins de travail. Les proportions sont difficiles à établir, mais l'observation est faite que plusieurs personnes utilisent le patin à roues alignées pour se rendre au travail, particulièrement à la bonne saison.

(15 h 10)

Mais, face à tout ça, il y a quand même une inquiétude. Il y a une inquiétude parce qu'on sait très bien que le patin à roues alignées est interdit en vertu du Code de la sécurité routière, que nous constatons aussi que ces dispositions-là sont mal connues du public, qu'elles sont aussi difficiles d'application par les corps policiers et qu'en bout de ligne il y a une tolérance assez généralisée à l'égard des patineurs. Notre inquiétude vient du fait que c'est un phénomène un petit peu en pleine explosion et que le patin à roues alignées est conçu pour des revêtements qui doivent être, autant que possible, lisses et de bonne qualité.

Or, de plus en plus, le défi qui confronte les municipalités, c'est de maintenir dans un état satisfaisant la qualité des chaussées. Les irrégularités de la chaussée, qui n'ont pas beaucoup d'effets sur les cyclistes, pas beaucoup d'effets sur les véhicules, peuvent évidemment présenter des défis majeurs pour les patineurs. Alors, des éléments très habituels de l'environnement routier urbain – et on pense à des lézardes, des nids de poules, des couvercles de regard, des joints de dilatation, des grilles de puisards, tous ces éléments habituels de l'environnement urbain – deviennent, évidemment, des risques pour la pratique du patin à roues alignées.

Alors, il nous apparaît donc indispensable de restreindre la pratique du patin à roues alignées sur des voies publiques à des périodes définies dans le temps et sur des types de voies bien caractérisés. Les périodes dans le temps, évidemment, ce sont les périodes postérieures au dégel printanier, postérieures, évidemment, à la période où les services municipaux réussissent à corriger les différentes défectuosités de la chaussée et à effectuer aussi le nettoyage des résidus d'hiver. Les types de voies bien caractérisés devraient exclurent, à notre sens, les routes à fort débit de circulation, les routes à travées multiples et les routes de camions. Ça, c'est la première difficulté.

La deuxième difficulté nous apparaît d'ordre réglementaire. Bien sûr que la cohabitation des patineurs, des cyclistes et des véhicules sur la chaussée va forcément se révéler complexe et nécessiter une adaptation non seulement des patineurs, mais aussi des automobilistes et des cyclistes.

Enfin, la troisième difficulté nous apparaît d'ordre légal et, par ricochet, économique, c'est-à-dire qu'il est de plus en plus difficile pour les gestionnaires de réseaux de maintenir une qualité adéquate des chaussées. Et de libéraliser, d'ouvrir finalement sans restriction les voies publiques à la pratique du patin à roues alignées, c'est certainement exposer les municipalités à de nombreuses et coûteuses réclamations. On pourrait certainement ouvrir là un champ considérable à la pratique du droit.

Alors, la ville de Hull recommande:

Que, de façon générale, la pratique du patin à roues alignées soit autorisée sur les voies publiques mais pendant des périodes saisonnières prédéterminées et sur des types de voies identifiés;

Que cette autorisation – et c'est probablement une des recommandations les plus lourdes de conséquences – s'accompagne d'une exonération complète de responsabilité des municipalités et autres gestionnaires de réseaux quant aux risques que peut faire courir aux patineurs l'usage des voies publiques pour cette activité;

Que les règles de traversée des carrefours par les patineurs soient les mêmes que celles s'appliquant aux piétons;

Que le port du casque protecteur soit obligatoire pour tout patineur dès qu'il circule sur tout élément du domaine public.

Enfin, les dispositions ou les recommandations relatives au port du casque protecteur sont sensiblement identiques à celles qui sont formulées par le conseil municipal à l'égard du port du casque protecteur pour les cyclistes.

Troisième volet du livre vert: le cinémomètre photographique. Il faut avouer que le débat a été assez difficile, finalement, entre différents experts et différents membres du conseil pour en arriver à une recommandation. La constatation que nous faisons, c'est:

Que le cinémomètre photographique devrait et pourrait être utilisé comme outil de contrôle de la vitesse;

Que, selon des modalités précises et limitées, principalement là où les outils traditionnels se sont avérés inefficaces, mais avant qu'une législation soit adoptée, une instance consultative soit mise en place pour recommander au ministre des Transports et au ministre de la Sécurité publique les critères d'utilisation du cinémomètre photographique;

Que cette instance inclue, en sus des juristes, des représentants des corps policiers municipaux.

Quatrième sujet de consultation: le virage à droite sur feu rouge. J'aimerais aborder, en ce qui a trait à cette question, l'exemple assez éloquent de l'Outaouais québécois où, comme l'a mentionné M. Bonhomme, environ 45 000 résidents de l'Outaouais traversent quotidiennement la rivière des Outaouais pour être confrontés à une signalisation et à des habitudes de conduite qui sont différentes, du côté de l'Ontario.

On connaît tous finalement les avantages, et ils ont été énoncés de façon très éloquente dans le document. Mais, à côté des éléments qui sont soulignés dans le livre vert, il y a souvent aussi une composante culturelle que l'on évoque de temps en temps, composante culturelle où on met en cause le comportement latin des Québécois. Et évidemment que c'est utilisé de façon un petit peu péjorative. L'exemple de l'Outaouais démontre hors de tout doute que, si différence culturelle il y avait, il est surprenant de constater jusqu'à quel point elle s'évanouit, et elle s'évanouit très rapidement, à l'instant que les Québécois que nous sommes traversons finalement la frontière provinciale.

Alors, l'analyse objective des faits, statistiques comparatives à l'appui, démontre à l'évidence que la sécurité des piétons et des cyclistes n'est pas altérée par le virage à droite sur feu rouge. Ce qui nous inquiète davantage que le virage à droite sur le feu rouge, c'est finalement les dispositifs ou les recours qu'utilisent les municipalités souvent et les gestionnaires de réseaux pour circonvenir, dans le fond, l'absence de cette disposition réglementaire, et on voudrait souligner particulièrement les îlots déviateurs.

Notre constatation est à l'effet que les îlots déviateurs sont une menace actuelle beaucoup plus sérieuse que toute menace présumée qui pourrait découler de l'adoption du virage à droite sur feu rouge. C'est la raison pour laquelle, consciente de cette situation, la ville de Hull a entrepris déjà depuis quelques années la reconstruction assez systématique des carrefours où historiquement des îlots déviateurs avaient été aménagés.

La ville de Hull recommande donc:

Que le Code de la sécurité routière soit amendé pour permettre le virage à droite sur feu rouge;

Que cet amendement accorde aussi la possibilité de l'interdire localement par une signalisation appropriée; et

Qu'alternativement le ministre des Transports du Québec mette en oeuvre un projet-pilote en Outaouais d'une durée de 12 mois, et renouvelable pour une autre période de 12 mois, si jamais, pour des raisons qui nous échappent, il apparaissait opportun au législateur d'introduire cette mesure de façon progressive à travers le territoire du Québec.

Quant à la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool, encore une fois le débat a reposé, dans le fond, entre, je dirais, deux extrêmes. Évidemment, l'impératif de sécurité, et cet impératif de sécurité conduit de façon générale les émetteurs d'opinions à une tolérance zéro, à toutes fins pratiques, à l'égard des conducteurs professionnels.

Cependant, des difficultés d'application nous ont été soulignées, et le service de la police a finalement appuyé une recommandation faite par les membres du conseil à l'effet que nous procédions, dans le fond, avec des taux d'alcoolémie maximale différenciés: 0,08 pour les conducteurs ordinaires que nous sommes; 0,04 pour les conducteurs professionnels en service au volant d'un véhicule corporatif ou commercial des classes 1 et 3; et tolérance zéro – zéro, donc, de taux d'alcoolémie – pour les conducteurs de véhicules de transport de personnes, soit les véhicules de classe 2 et des classes 4A, 4B et 4C, c'est-à-dire les taxis, les autobus et les minibus.

La recommandation est aussi à l'effet qu'un système de pénalité financière soit mis en place pour une période de deux ans ou de deux renouvellements de permis de conduire à l'encontre des conducteurs professionnels condamnés pour conduite d'un véhicule moteur avec les capacités affaiblies par l'alcool et qu'une réflexion et des efforts de réglementation soient amorcés afin de contrer le problème de conduite avec les facultés affaiblies ou diminuées par l'usage de substances ou de médicaments autres que l'alcool ou par des carences d'ordre physiologique prévisibles et reconnues.

La Présidente (Mme Barbeau): Il vous reste deux minutes.

M. Chabot (Jean-Pierre): Alors, messieurs, mesdames, je vous laisse le soin de lire la conclusion.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, merci, messieurs. Maintenant, nous allons passer à la période d'échange. M. le ministre.

M. Chevrette: Je vous remercie. Merci, messieurs. Vous saluerez le maire Ducharme, dont la famille réside surtout dans la plus belle circonscription du Québec, qui est Joliette.

M. Bordeleau: Wo, wo, wo!

M. Chevrette: Pardon?

M. Bordeleau: Il ne faut pas charrier!

M. Chevrette: Il ne faut pas charrier, mais votre fils est venu en chercher une à Joliette, hein? Je le sais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Il ne s'attendait pas à celle-là, là. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 h 20)

M. Chevrette: Je pense que votre mémoire, pour la très grande majorité de votre mémoire, ça reflète un courant qui se dessine. Je n'aurais pas cru, au départ, moi, que le virage à droite, par exemple, recevrait autant d'adeptes, autant d'appuis, il semble se dessiner un courant d'appui majoritaire. Dans la région de Hull, c'est plus compréhensible parce que vous avez à voyager dans deux règles différentes. Je pense que, si la tendance se maintient, comme disent les journalistes, il devrait y avoir des décisions dans ce sens.

Il y a sur le taux d'alcool dans le sang, que je comprends mal, une recommandation, et je vais vous offrir l'opportunité de me l'expliquer. Je suis surpris de voir que vous êtes pour la tolérance zéro pour un chauffeur d'autobus puis qu'un trucker qui pourrait défoncer l'autobus puis tous les tuer vous allez à 0,04. J'ai de la misère à faire le joint. J'aimerais ça qu'on me l'explique. Ce n'est pas embêtant, c'est juste une question que je me pose.

M. Bonhomme (Claude): Évidemment, il y a transport de marchandises versus transport de personnes, mais, comme vous dites, évidemment, il n'est pas exclu qu'un camion emboîte un autobus. C'est une situation à laquelle on ne s'est pas attardé. Mais on a appris quelque chose hier. On s'est posé la question: Si quelqu'un consomme une consommation alcoolique, une bière, un verre de vin ou un spiritueux, à 8 heures le matin – on ne le savait pas, on a posé la question à un expert – et s'il est arrêté et fait l'objet d'une vérification... il a pris une consommation à 8 heures et il fait l'objet d'une vérification à 10 heures, est-ce qu'il y a de l'alcool dans son sang? On ne le savait pas, on l'a appris hier soir. On nous a dit non, ça prend une heure pour une bière. Si on consomme une bière qui est 0,04, apparemment, à 9 heures...

M. Chevrette: Il élimine vite.

M. Bonhomme (Claude): On a reçu un policier hier soir et c'est ce qui nous a fait un peu...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je m'excuse, c'est de sa faute, là.

M. Bonhomme (Claude): Je ne l'ai pas pognée, comme on dit.

M. Chevrette: Non, mais elle était bonne. Elle va vous la conter, mais tout seul, après, parce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bonhomme (Claude): La recommandation de nos fonctionnaires, c'était tolérance zéro. Les policiers, évidemment, c'était tolérance zéro, mais les membres du conseil avaient une certaine répugnance. Mais, hier soir, quand on nous a dit ça, que, quand on consomme une bière, 60 minutes après, il n'y a plus de trace, bien là on était un peu plus tolérant à ce moment-là. C'est ce qu'on nous a dit. Peut-être que vos experts...

M. Chevrette: En tout cas, moi, j'en doute. S'il n'y a aucune élimination de quelque nature que ce soit, le taux d'alcool, s'éliminer par lui-même dans l'espace d'une heure... Il me semble que ça joue plutôt dans les trois ou quatre heures.

M. Bonhomme (Claude): Ça m'a étonné parce que... Hier soir, on a terminé, finalement, la confection du mémoire, et la semaine passée on s'est laissé sur cette note-là, on s'est dit: C'est important pour nous de le savoir, ça. Donc, on demande un expert hier soir, et l'expert nous a dit ça hier soir. Bon. Que voulez-vous, c'est l'expert, on a bien voulu le croire, c'est un policier de la sûreté municipale chez nous. Maintenant, vous pourriez faire des vérifications, ça pourrait sans doute vous intéresser. C'est intéressant à savoir parce que, si une heure après avoir consommé une bière, il n'y en a plus, ça peut faire infléchir des décisions et des recommandations.

Une voix: Ce qu'on peut dire, là, Mme la Présidente, c'est que le consensus s'est fait très facilement sur le fait que les conducteurs de véhicules commerciaux qui transportent des personnes ne devraient consommer aucun alcool et en aucune quantité. Le consensus s'est fait très facilement là-dessus.

Par contre, le cas des camionneurs de long parcours, par exemple, a semblé plus problématique. Il est bien évident que ces camionneurs-là sont sollicités, ne serait-ce qu'à un arrêt pour le lunch, une bière accompagnant le sandwich. Tout cela a fait que, dans une certaine mesure, une certaine, je dirais, tolérance à l'égard de ces comportements-là, qui ne sont pas perçus comme étant aussi menaçants à tout le moins, s'est dégagée des discussions du conseil.

Mais idéalement je pense que, si on avait poussé la réflexion à la limite, la tolérance zéro à l'égard de tous les conducteurs aurait peut-être été, dans le fond, la solution perçue comme étant idéale du strict point de vue de la sécurité.

M. Chevrette: Oui, parce que pourquoi un taxi, tolérance zéro, par exemple, et le camionneur à 0,04? J'ai de la misère à concilier cela, moi, personnellement. Il me semble que, si on dit «un conducteur professionnel», on sait que c'est ceux qui vivent de ça, et tu les prends précisément en fonction de ta sécurité, tu exiges beaucoup de ces gens-là. Un bolide qui se met... Prenez Saint-Henri de Bellechasse, cet été, il n'a pas été question d'alcool. Je prends l'exemple, je ne prends pas l'individu, il n'avait pas d'alcool, ce n'est pas ça. Mais, s'il en fauche 35... Puis il gagne sa vie avec le volant, lui.

Le taxi, c'est la même chose. Tu peux prendre un taxi parce que précisément, toi, tu n'es pas en mesure de conduire ton auto. Si tu prends un taxi puis tu es à 0,09 puis le taxi est à 0,16 ou 0,17, tu as l'air intelligent, hein? À plus forte raison, si tu prends un camionneur lourd qui fonce dans un autobus qui a 45 vies humaines dedans... Moi, j'ai de la misère à concilier ces affaires-là. C'est plus facile de dire: Dans tel secteur, c'est tolérance zéro, ou c'est 0,04 pour tout le monde. J'ai de la misère à concilier les différentes strates dans ça.

M. Bonhomme (Claude): Je vous comprends. J'ai à la mémoire le terrible accident qui a eu lieu l'an passé. Je crois que c'était un fardier qui venait des Maritimes, là.

M. Chevrette: Nouvelle-Écosse ou Île-du-Prince-Édouard. Puis il en a fauché une joyeuse gang. Une chance que ce n'était pas de l'alcool. Mais, au volant, tu n'as pas besoin seulement de l'alcool, t'as la formation, t'as l'expérience, t'as la fatigue. Si ça fait 90 heures que tu conduis puis que t'es rendu que tu vois la lumière à 1 000 pi puis elle est à 100 pi, la fatigue peut y jouer un rôle aussi. Il y a une série de positions qu'il va falloir prendre pour assurer une meilleure sécurité dans le lourd, c'est évident. On a serré la vis avec la 430, de toute façon, avec la loi n° 430, beaucoup et on va continuer à la serrer parce que, quand arrive une catastrophe avec le lourd, c'est extrêmement complexe.

Donc, pour le virage à droite, je pense que c'est clair. Pour ce qui est des patins à roues alignées, je trouve ça le fun. Il y a certaines suggestions que vous faites que je trouve très intéressante, parce que ça augmente à raison de 100 000 par année, il va falloir faire quelque chose. La loi est inopérante. À ce que je sache, il n'y a pas eu une infraction, puis c'est formellement et fortement interdit dans la loi actuelle. Quant à avoir une loi qui ne s'applique pas, on est peut-être mieux d'adopter des mesures qui vont contribuer à sécuriser puis à faire appliquer certaines de ces mesures-là, ou à créer des habitudes autres en tout cas. Je pense que ça, ce n'est pas si mal. Je pense qu'on va le regarder très sérieusement.

L'harmonisation. Il y avait un point... photoradar. Le photoradar, vous êtes le premier groupe à proposer quelque chose le fun, qui ne soit pas pour ou contre mais qui dit: On peut peut-être trouver des moyens de l'utiliser pour fins de sécurité mais dans tel cadre. C'est un peu ça que vous nous dites.

M. Bonhomme (Claude): Oui, c'est ce qu'on dit.

M. Chevrette: Je trouve ça très intéressant, qu'on le regarde, ça.

M. Bonhomme (Claude): En passant, on n'était pas des pionniers mais une des seules villes à avoir recours aux caméras de surveillance, encore pour la fameuse promenade du Portage. Mais, comme vous le savez – j'espère que vous le savez, si vous ne le savez pas, bien, répandez la bonne nouvelle – le problème est complètement derrière nous. Mais une des mesures qu'on avait mises en oeuvre, c'était l'installation de caméras de surveillance, qu'on a enlevées l'an passé quand on a réglé notre problème. C'est peut-être un parallèle que je peux faire avec le photoradar, dans des situations vraiment nécessiteuses qui le commandent. Mais le conseil avait une répugnance à se servir de ça sur une base continuelle et systématique.

M. Chevrette: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Merci, Mme la Présidente. M. Chabot, M. Bonhomme, il me fait plaisir de vous revoir. M. Bonhomme, particulièrement, c'est toujours un plaisir de vous revoir. J'ai eu le plaisir de travailler avec vous au cours des dernières années et je suis très content quand vous manifestez le fait que le Québec vous a aidé, le gouvernement du Québec, dans un des problèmes qui étaient majeurs chez vous. Alors, tant mieux pour les citoyens, les gens de Hull et de toute la région de l'Outaouais.

Deux questions, si vous permettez. Le virage à droite, quand j'allais dans votre région, à peu près toutes les semaines où on rencontrait des groupes, des gens, il y a des gens qui se manifestaient, qui nous disaient: Écoutez, nous, on serait intéressés à avoir le virage à droite. C'étaient des individus, mais c'était constant.

Ma question: Est-ce que, au cours des dernières années, il y a eu, chez vous, une pression constante, bien sûr évolutive au cours des années, des gens qui massivement vous demandent à vous, à la ville de Hull – puis, je suis persuadé, à la ville de Gatineau, à la ville d'Aylmer – le fait que Québec sanctionne le virage à droite?

(15 h 30)

M. Bonhomme (Claude): Non. Probablement parce qu'on le réclame depuis tellement longtemps, les gens n'y croient plus. De guerre lasse, ils se sont lassés. Mais, quand on parle de virage à droite, les gens se regardent toujours puis ils disent: Bien, pourquoi? Ils ne comprennent pas. Chez nous, c'est une seconde nature que de tourner à droite sur un feu rouge.

M. Deslières: O.K. Mais ça ferait l'unanimité?

M. Bonhomme (Claude): Bien, l'unanimité, c'est un grand mot. Mais sûrement, s'il y avait un sondage, ça serait très élevé.

M. Deslières: Est-ce que vous en avez déjà fait, des sondages?

M. Bonhomme (Claude): Non.

M. Deslières: Jamais?

M. Bonhomme (Claude): Mais peut-être qu'on pourrait en faire un. On va d'ailleurs commander un sondage de la maison Léger & Léger cette année. On le fait aux deux ans.

M. Deslières: Sur certaines questions?

M. Bonhomme (Claude): Pour sonder plusieurs questions d'intérêt municipal. On pourrait peut-être le faire. Je vais le mentionner aux membres du conseil. J'y ai pensé d'ailleurs hier soir.

M. Deslières: Deuxième question. M. Bonhomme, M. Chabot – c'est parce que mon esprit a vagabondé tout à l'heure puis je l'ai peut-être échappé – est-ce que vous êtes pour ou contre le port du casque? Puis je mélange les deux: roues alignées et cyclistes. Vous nous avez parlé de cyclistes sur les pistes cyclables.

M. Bonhomme (Claude): Pour le port du casque: obligation du port du casque pour les personnes de moins de 17 ans sur le domaine public. Mais, sur l'avion, je relisais le mémoire. J'ai demandé à M. Chabot: Domaine public, est-ce que ça veut dire les pistes cyclables? Il y avait une zone grise là.

M. Deslières: C'était ça, ma question.

M. Bonhomme (Claude): Alors, quant à moi, ça devrait être partout, incluant les pistes cyclables; ça inclut les pistes cyclables.

M. Deslières: Ça inclut les rues, ça inclut les bandes cyclables. Je ne veux pas jouer sur les mots, il faut se comprendre. C'est parce qu'il y a bande cyclable, piste cyclable, les rues...

M. Bonhomme (Claude): Oui. Oui, ça ne semblait pas clair. D'ailleurs, on en a parlé sur l'avion. Ça inclut ça effectivement.

M. Deslières: Ça inclut ça.

M. Bonhomme (Claude): Parce qu'on en a beaucoup, de pistes cyclables. On a 50 km de pistes cyclables à Hull, mais le réseau dans la région, c'est 250 km.

M. Deslières: Bon. Est-ce que cette notion-là est partagée par les villes limitrophes de Hull? Je parle de Gatineau, je parle d'Aylmer, la région. Parce que la piste cyclable, effectivement, vous venez de le dire, elle traverse...

M. Bonhomme (Claude): Je ne saurais vous le dire. En Ontario, le port est obligatoire pour les personnes en bas de 18 ans. Est-ce qu'il est obligatoire sur les pistes cyclables? Je m'aventurerais si je vous disais oui. J'assume que oui, mais je spécule. Il faudrait vérifier.

M. Deslières: Bon. Une dernière question, Mme la Présidente. Deux petites minutes?

La Présidente (Mme Barbeau): Pas tout à fait deux minutes.

M. Deslières: D'accord. Je fais ça rapidement. Vous avez parlé de la pratique du patin aligné. Je vous ai bien compris, vous seriez d'accord pour qu'on donne l'autorisation à des endroits spécifiques pour pratiquer cette activité-là?

M. Bonhomme (Claude): Et des moments spécifiques. Je laisse M. Chabot élaborer. On a eu toute une discussion là-dessus. M. Chabot.

M. Chabot (Jean-Pierre): Oui. Effectivement, la recommandation, c'est qu'on l'autorise, de façon générale, pour des périodes prédéterminées. Donc, une saison... En fait, c'est assez simple: l'été et un mois avant et un mois après.

M. Chevrette: De mai à septembre.

M. Deslières: Au niveau du temps, ça va, mais au niveau de l'endroit, là.

M. Chabot (Jean-Pierre): Il faudrait aussi – et c'est notre recommandation – qu'il y ait une prohibition, par contre, pour certains types de voies. Donc, les routes de camions, par exemple, on ne pense pas qu'on peut... C'est déjà assez compliqué de gérer les véhicules, les camions, les cyclistes, on ne suggère pas finalement que ça soit autorisé là où existe une désignation de route de camions, là où on a affaire à des travées multiples, c'est-à-dire, par exemple, une route à quatre voies. Alors là les mouvement deviennent un petit peu trop complexes. Pour nous, ça se résume, à toutes fins pratiques, à des rues résidentielles, des rues résidentielles d'un gabarit relativement simple.

M. Deslières: Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, au plaisir.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. D'abord, je veux vous féliciter pour votre mémoire. Vous amenez certaines suggestions qui sortent un petit peu des suggestions qu'on a eues dans le passé. Je pense aux deux niveaux du casque et du patin à roues alignées. Il y a des éléments nouveaux là-dedans, en tout cas qui méritent réflexion.

Si on regarde la question du port du casque, vous nous dites: Bon. On obligerait le port du casque pour les moins de 17 ans. L'information qu'on a eue à date – peut-être moins pour les adolescents, 15, 16, dans ce coin-là – des différents gens qui sont dans le domaine du vélo nous dit que le port du casque chez les jeunes est beaucoup plus élevé que dans les autres catégories de la population. Ce qui est un petit peu bizarre, c'est que c'est dans cette catégorie-là que vous voudriez le rendre obligatoire. D'ailleurs, quand on regarde dans les données du ministère, on voit que, dans les catégories jusqu'à neuf ans, c'est 53 % des jeunes qui le portent, le casque, et ce, en dépit du fait qu'à mon avis on n'a pas mis tous les efforts nécessaires au niveau des campagnes de promotion.

On nous a fait référence souvent, dans les présentations, au fait qu'on devrait investir au niveau des écoles, par exemple, dans des campagnes de sensibilisation. Et, à ce moment-là, est-ce qu'on n'a pas une clientèle qui est quand même, dans cette catégorie-là, relativement ouverte et qu'avec une sensibilisation, des campagnes de promotion, au fond, on ne va pas réussir à augmenter de beaucoup le port du casque? Et dans quelle mesure ça deviendrait nécessaire, à ce moment-là, de faire une obligation? Parce qu'il faut toujours penser que, si on en fait une, obligation légale, les policiers devront l'appliquer. Il y a toutes sortes de contraintes reliées à ça.

Qu'est-ce que la police fait quand il y a un jeune qui se promène, qui a 10 ans, 12 ans, qui est sur son bicycle, qu'il ne l'a pas, le casque? Il va l'arrêter? Est-ce que c'est la meilleure utilisation qu'on peut faire des policiers, alors qu'il y a des problèmes sur les routes pour les occuper à temps plein, d'investir du temps pour courir après des jeunes qui n'auraient pas le casque? Après qu'on les a arrêtés, il faut les identifier. Il faut courir après les parents pour leur remettre les infractions.

Je ne le sais pas, moi, ça ne me paraît pas évident que l'approche légale est la meilleure, d'autant plus que, comme je vous le disais, j'ai l'impression qu'on a déjà une bonne base de sensibilité qui existe dans cette catégorie-là et qu'on peut accroître le port du casque par des campagnes de promotion. Alors, je ne sais pas comment vous réagissez, un peu, à ces réserves-là, que j'émets.

M. Bonhomme (Claude): Oui, je comprends. Bien, il y avait une répugnance évidemment à la coercition. Pourquoi les jeunes jusqu'à 17 ans? Ça pourrait être 18 ans, 17 ans parce que c'est l'âge où les jeunes passent du secondaire au collégial. En Ontario, c'est 18 ans. Est-ce que c'est 17, 18? Ça pourrait être un ou l'autre, là. Ça pourrait être 18 pour des raisons d'harmonisation avec l'Ontario, ça serait peut-être moins compliqué. Mais, chez les jeunes, je comprends, peut-être pas une majorité, mais un fort pourcentage le porte déjà. Pourquoi les jeunes? Bien, parce que les jeunes souvent n'ont peut-être pas le sens du danger qu'un adulte ou qu'une personne de plus de 18 ans peut avoir et, en obligeant les jeunes à porter le casque protecteur, bien, on pense que, plus tard, quand ils auront atteint l'âge de 17 ans, 18 ans, la majorité continuera à le porter. C'est le raisonnement, d'ailleurs, de la recommandation. Peut-être que M. Chabot pourrait ajouter...

M. Bordeleau: O.K.

M. Chabot (Jean-Pierre): Oui. Il faut le percevoir surtout comme une motivation additionnelle, pour les parents, à acheter un casque protecteur à leurs enfants. C'est un petit peu la perception. Parce qu'il y a un consensus, en tout cas, dans la région de l'Outaouais, à l'effet que les jeunes devraient porter le casque. Les policiers, actuellement, qui patrouillent les pistes cyclables... En raison de l'important réseau de pistes cyclables que nous avons à Hull – un réseau en site propre – il y a des policiers qui patrouillent de façon permanente ce réseau-là.

Nous avons deux policiers en bicyclette qui font le circuit du réseau cyclable durant toute la période de l'été, et c'est certain que ces policiers-là ont un rôle un petit peu d'éducateurs et actuellement, même sans législation, ils incitent, ils tentent d'inciter les jeunes à porter le casque. Ils prêchent par l'exemple aussi parce que nos policiers adultes portent le casque, bien sûr. Mais, pour les policiers qui, effectivement, étaient un petit peu confrontés avec le défi d'appliquer une disposition comme celle-là, eux le perçoivent essentiellement comme une justification supplémentaire pour intervenir et servir des avertissements aux plus jeunes. Je ne pense pas que ce soit leur intention. Ils nous en ont fait part, d'émettre systématiquement des contraventions à l'égard des plus jeunes.

Il faut dire que la mécanique aussi est un petit peu lourde. Mais, en cas de récidives fréquentes, il y a un message qui peut être envoyé aux parents et ce message-là, c'est celui de la contravention, et c'est la raison pour laquelle, dans la recommandation de la ville de Hull, la contravention s'accompagne d'une possibilité d'annulation. Cette possibilité d'annulation là, c'est, bien sûr, une attestation d'achat d'un casque de sécurité dans la période de deux semaines où la contravention a été émise. Alors, c'est une contravention qu'on pourrait qualifier de symbolique, qui est une motivation additionnelle à l'égard des parents à intervenir pour procurer à leur enfant les casques de sécurité.

M. Bordeleau: En tout cas, moi, j'ai des réserves un petit peu sur... Parce que vous nous dites: Bon, c'est une motivation. Ça serait un outil de plus, ils ne l'appliqueraient pas nécessairement tout le temps, ils verraient ça plus comme une possibilité d'intervention. Bien, je ne le sais pas, mais, quand on fait une loi, il y a des contraintes liées à ça. On fait une loi pour l'appliquer.

Votre raisonnement, je le comprends très bien dans un contexte où on a affaire à des jeunes de 8, 10, 11 ans. Mais, quand on a affaire à un jeune de 16, 17 ans, ce n'est pas la même chose et puis la loi, si elle est fixée comme ça, on devra l'appliquer. Puis le père qui recevra la contravention de son jeune qui est dans une crise d'adolescence, qui ne porte pas de casque... je ne suis pas certain que l'approche est la meilleure. Moi, je trouve qu'il faudrait faire attention pour ne pas...

(15 h 40)

M. Bonhomme (Claude): Je comprends vos...

M. Bordeleau: ...nécessairement tomber dans un...

M. Bonhomme (Claude): Ce qui serait peut-être une bonne idée pour la commission, pour le gouvernement: puisque, en Ontario, le règlement, c'est 18 ans et moins, de voir leur réalité, voir leur vécu. Ça s'applique peut-être très bien et ça fonctionne peut-être très bien. Ça serait peut-être une bonne idée d'aller voir. On n'est pas allé voir, on n'est pas allé encore.

M. Bordeleau: Oui. C'est une excellente suggestion, de regarder concrètement. L'autre donnée, je pense, qui serait intéressante à regarder aussi, c'est dans cette catégorie-là – mettons, celle que vous prenez – 17 ans et moins, c'est quoi, la proportion d'accidents de gens qui sont à vélo qui ont ces âges-là aussi? Est-ce que c'est réellement ceux-là qui sont... Parce que vous nous dites: Les jeunes, ils ont moins d'expérience, ils sont plus susceptibles d'avoir des accidents, et tout ça. Je n'ai pas les données comme telles, mais ça pourrait être intéressant de voir si c'est, de fait, ceux qui font le plus d'accidents qui sont dans cette catégorie-là, 17 et moins.

Je vais passer à un autre sujet. Juste un détail. Au niveau de l'affaire de l'alcoolémie, les données qui nous ont été données ici, au fond, de façon générale, et concernant les taux puis les délais pour faire disparaître les taux, si je ne me trompe pas – les collègues ici pourront me corriger – on nous dit que deux consommations, on est en bas du 0,08. Passé ça, on risque de tomber au-dessus du 0,08.

Alors, si deux consommations équivalent à peu près à 0,08, on nous dit aussi que, en même temps, l'élimination, c'est à peu près 0,15 à l'heure; donc, une consommation, 0,04, ça prend à peu près trois heures à disparaître complètement. Alors, c'est juste une information que je vous donnais. Mais, juste là-dessus, à la page 10 de votre mémoire, on a eu l'occasion de discuter de la différence que vous faisiez entre le 0,04 puis 0,00. J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu plus la deuxième et la troisième proposition.

Vous nous dites: «Qu'un système de pénalité financière soit mis en place pour une période de deux ans ou de deux renouvellements de permis de conduire à l'encontre des conducteurs professionnels condamnés pour conduite d'un véhicule moteur avec les capacités affaiblies par l'alcool.» Est-ce que ça veut dire – véhicule moteur – que, s'il conduit son véhicule privé, ça va avoir un effet? J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu plus cette proposition là.

Puis la troisième: «Qu'une réflexion et des efforts de réglementation soient amorcés afin de contrer le problème de la conduite avec les facultés affaiblies ou diminuées par l'usage...» Bon. J'ai l'impression que c'est ce qu'on faisait ici. Puis les propositions que le ministre avait mises dans son volume, c'était dans cet esprit-là, de changer les règlements. Est-ce que vous pensez à autre chose de différent ou...

M. Chabot (Jean-Pierre): Oui, en ce qui regarde la deuxième recommandation, lorsqu'on parle de pénalité financière, c'est à l'encontre évidemment des conducteurs professionnels qui contreviennent à la disposition précédente, c'est-à-dire qui, au volant d'un véhicule commercial, auraient excédé la limite établie. Évidement, la recommandation qui est contenue dans le mémoire de la ville de Hull, c'est 0,04 pour les conducteurs professionnels de véhicules de transport de marchandises et une responsabilité encore plus grande à l'égard des conducteurs de véhicules de personnes.

M. Bordeleau: Mais vous dites «soit mis en place pour une période de deux ans ou de deux renouvellements de permis». Ça marcherait comment ça, là, exactement?

M. Bonhomme (Claude): Oui, M. Chabot a même travaillé sur le mémoire cette nuit, mais, sur l'avion, je lui posais la question, j'ai dit: Ce n'est pas clair. On va se faire poser une question. Le principe, de toute façon, c'est qu'au renouvellement il y ait une pénalité, quelle qu'elle soit.

M. Bordeleau: Ah! O.K. Au moment où il renouvelle, il paierait plus cher...

M. Bonhomme (Claude): Une amende, oui, c'est ça.

M. Bordeleau: ...parce qu'il avait eu des infractions avant.

M. Bonhomme (Claude): C'est le principe, oui.

M. Bordeleau: O.K., je comprends le principe. Puis, quand on parle du véhicule moteur, c'est un véhicule au moment où il conduit comme professionnel non pas un véhicule privé. S'il se fait arrêter en boisson avec sa voiture la fin de semaine, ce n'est pas à ça qu'on fait référence.

M. Chabot (Jean-Pierre): Vous avez raison. C'est le sens de la recommandation qui est énoncée ici.

M. Bordeleau: Parfait. La troisième proposition, quand vous parlez d'efforts de réglementation, est-ce que vous pensez à autre chose de différent de ce qui est dans le volume, qui sont des efforts pour mettre plus de réglementation?

M. Chabot (Jean-Pierre): Oui, effectivement. Ce que vise cette recommandation, c'est un petit peu la zone grise des conduites affaiblies par autre chose que l'alcool. On insiste beaucoup, dans le livre vert évidemment, sur l'effet désastreux de l'alcool, mais il y a des médicaments également qui ont des effets tout à fait similaires – des médicaments narcoleptiques, par exemple. Nous pensons que c'est un problème qui risque de s'aggraver avec le temps, avec l'augmentation des personnes âgées, avec l'augmentation aussi, là, de la médication des citoyens. Il va falloir songer, tôt ou tard, à aussi réglementer la conduite avec des facultés affaiblies, pas forcément par l'alcool, mais affaiblies par toutes sortes d'autres mesures.

Là, évidemment, on peut mettre de côté tout de suite les substances hallucinogènes. Ça, c'est un problème policier qui est traité ailleurs. Mais on pense principalement aux médicaments et, parfois aussi, pour certaines catégories de personnes, à des problèmes d'ordre physiologique comme, par exemple, l'absence de sommeil, alors qu'on sait très bien que des personnes d'un certain âge ne sont pas en état de conduire ou perdent tous leurs réflexes lorsqu'elles ont conduit pour d'assez longues périodes de temps. Ce principe-là est admis à l'égard des chauffeurs professionnels. Je pense qu'il devrait aussi, de plus en plus, être admis à l'égard de tout citoyen ordinaire.

M. Bordeleau: Ça va. Dans le virage à droite sur feu rouge, bon, vous nous dites que vous êtes d'accord. Vous souhaitez que l'amendement accorde aussi la possibilité de l'interdire localement par une signalisation appropriée.

Est-ce que vous pensez qu'il doive y avoir une certaine liberté donnée à chacune des municipalités de bâtir ses critères ou bien donc s'il ne devrait pas y avoir des critères qui seraient déterminés d'une façon un peu plus générale, au niveau provincial, pour déterminer dans quel contexte une intersection ne devrait pas être assujettie au virage à droite permis? Sinon, on risque de se réveiller avec... Sinon, le risque serait d'avoir, par exemple, toute une série différente... Dans une municipalité, on empêche un virage à droite pour différentes raisons; dans la municipalité d'à côté, on le permet, et là c'est d'autres critères qui rentrent en ligne de compte.

Est-ce qu'il faudrait qu'il y ait une certaine uniformisation qui bâtirait, au fond, une grille de critères qui pourrait servir de guide, pas nécessairement quelque chose de très, très rigide mais qui pourrait servir de guide à travers, un peu peut-être, la province ou des catégories de municipalités – parce que Montréal, ce n'est pas pareil comme, je ne sais pas, moi, une ville de province – mais où il y aurait une certaine uniformité, quand même, puis que ce ne serait pas laissé complètement à l'initiative de chacune des municipalités, de déterminer quand on le permet puis quand on ne le permet pas?

M. Bonhomme (Claude): Oui. On ne s'est pas attardé à cette question-là quoiqu'il nous semble que ce soit logique. Quoique le résultat final, ça ne pose pas de danger. Et, finalement, que les critères soient différents dans différentes villes, vous pouvez tourner à droite ou pas à un feu rouge, c'est indiqué ou pas, ça ne pose pas de danger. Sauf que, dans certaines villes, bien, ça peut être plus libéral – sans jeu de mot – qu'ailleurs et, dans une autre ville, ça peut être plus conservateur. Mais l'impact final, moi, je n'y vois pas de problème. M. Chabot, vous avez peut-être une opinion là-dessus?

M. Chabot (Jean-Pierre): Nous croyons que les municipalités seraient certainement capables de déterminer les critères en vertu desquels elles pourraient prohiber le virage à droite sur feu rouge. On peut facilement convenir que, dans une ville comme Montréal, certains carrefours où la densité de piétons est considérable – et ça, dans les deux directions – le virage à droite sur feu rouge pourrait être prohibé dans le cas de Montréal. Québec, c'est certainement le cas à certaines intersections.

Hull, évidemment, on a fait la réflexion et puis, a priori, on n'en compterait peut-être qu'une seule sur les 80 intersections qui sont gérées par des feux de circulation. Alors, on pense que les municipalités seraient en mesure d'établir elles-mêmes les critères en vertu desquels elles appliqueraient une restriction à l'autorisation qui, elle, serait de portée générale. Mais ça serait certainement utile que les municipalités puissent s'inspirer d'un guide rédigé, par exemple, par les experts du ministère des Transports, de toute évidence.

M. Bordeleau: O.K. C'est dans ce sens-là que je pensais. Au niveau de l'Ontario, par exemple, vous êtes près, vous côtoyez ça quotidiennement. Est-ce que vous savez si, en Ontario, les municipalités appliquent différemment les critères et si ça pose problème, d'une municipalité à l'autre? Est-ce que vous avez eu connaissance de problèmes de cet ordre-là dans les villes connexes, un peu, en périphérie de chez vous?

(15 h 50)

M. Chabot (Jean-Pierre): Nous n'avons pas eu connaissance de problèmes qui sont posés par cette signalisation particulière. On n'en fait pas un très large recours en Ontario. Là où, par exemple, on va interdire les virages à droite sur feu rouge, c'est là où on a, par exemple, des voies réservées pour autobus, où on a une bande cyclable très importante. Il y a des situations comme celles-là qui incitent les municipalités ontariennes à prohiber le virage à droite sur feu rouge. Mais elles le font toujours par exception. C'est de façon générale, et le commun dénominateur de toutes ces situations-là, c'est la signalisation. Alors, l'utilisateur du réseau comprends très bien qu'avec cette signalisation-là il ne peut pas faire le virage à droite sur feu rouge. Il n'a pas à se questionner, finalement, sur l'opportunité ou non. Évidemment, le règlement s'impose d'emblée par une signalisation qui est bien connue des utilisateurs.

M. Bordeleau: Étant donné votre expérience de vivre cette situation-là, on sait que, quand il y a des réserves, c'est que les gens ont des craintes pour les piétons, en gros. Ça peut être des catégories, des enfants dans des zones scolaires, des personnes âgées, des personnes handicapées. M. Bonhomme, vous êtes venu la semaine dernière, je pense, avec les... je ne me souviens pas avec quel regroupement.

M. Bonhomme (Claude): La Société de transport de l'Outaouais, dont je suis président.

M. Bordeleau: C'est la STO, c'est ça. On a eu l'occasion d'aborder ça, mais j'aimerais revenir sur certaines interrogations que j'ai. On nous a dit deux choses qui me paraissent évidentes, puis vous l'avez répété aujourd'hui: la question des îlots, c'est beaucoup plus dangereux, et puis, pour accélérer – on l'a fait depuis des années de façon de plus en plus fréquente – la circulation, pour la faciliter, on a inventé le système des îlots. Alors, à chaque carrefour, on fait une courbe où les gens peuvent se glisser et ça permet, à ce moment-là, d'accélérer la circulation. Et il faut réaliser que, dans ces cas-là, une personne qui veut traverser doit partir du trottoir, traverser la voie de contournement, aller sur l'îlot, de l'îlot, traverser la rue principale puis se retrouver sur un autre îlot, et retraverser ensuite l'autre voie de déviation qui a été faite de l'autre côté.

Alors, évidemment, on multiplie les risques parce qu'il y a des autos qui passent sur trois voies au lieu de passer sur une voie. Ça me paraît évident que, dans ces cas-là, pour essayer de régler un problème, on a créé peut-être une solution qui est encore peut-être plus dangereuse et on en est rendu à 30 %, si je me souviens bien, des carrefours, dans votre région, qui étaient rendus avec des îlots.

M. Bonhomme (Claude): Oui, mais on fait marche arrière, là.

M. Bordeleau: C'est ça, oui, on fait marche arrière parce que là on s'en allait dans une direction qui...

M. Bonhomme (Claude): Quand on réaménage, on les élimine. On en a éliminé.

M. Bordeleau: Bon. Puis ça, ça existe souvent partout; on a vu ça dans toutes les municipalités. Alors, ça, ça me paraît évident que le virage à droite sur feu rouge est moins grave que ce que vous me dites.

L'autre chose, c'est qu'on nous a dit: La traverse sur le feu vert est plus dangereuse que le virage à droite sur feu rouge. Puis ça me paraît clair aussi.

Une voix: C'est vrai.

M. Bordeleau: C'est-à-dire, si on traverse sur le feu vert, bien, l'automobile qui part, elle aussi est sur son feu vert. Si elle veut tourner à droite, bon, là, il y a une question. Le principe, c'est priorité au piéton. Mais excepté qu'on se trouve avec deux personnes qui sont parties pour traverser ensemble et qu'il y en a un qui veut tourner. Donc, il y a plus de risques là parce que, sur le feu rouge, le piéton, il doit arrêter puis l'automobiliste doit arrêter, vérifier et partir après.

Maintenant, ce qui reste dans les arguments qui sont un peu toujours en l'air, c'est que, sur le feu rouge, celui qui serait possiblement plus en danger, c'est celui qui traverse de façon transversale, qui, lui, est sur sa verte – je pense au piéton qui part de l'ouest, qui s'en va à l'est, qui traverse – alors que l'automobile qui vient vers le sud...

Le Président (M. Lachance): Je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît, M. le député.

M. Bordeleau: ...elle, elle doit arrêter, mais, si quelqu'un s'en vient de ce côté-là pour traverser, là, lui risque d'être en danger. Est-ce que vous avez des choses à nous donner là-dessus pour essayer de nous convaincre que ce n'est pas si grave...

M. Chabot (Jean-Pierre): Oui. L'expérience des résidents de l'Outaouais, c'est qu'ils sont parfois aussi piétons du côté ontarien, et, je dirais, les échanges d'opinions que nous avons avec beaucoup de personnes nous amènent à constater que, comme piétons, on se sent plus en sécurité du côté ontarien qu'on se sent en sécurité du côté québécois. Il y a comme un paradoxe là, alors qu'on présente souvent le virage à droite sur feu rouge comme étant une menace supplémentaire à la sécurité des piétons. Ça tient au fait que, essentiellement, la possibilité qu'ont les automobilistes d'effectuer leur virage à la fois sur feu vert et à la fois sur feu rouge les rend moins impatients à l'égard des piétons qui traversent soit légalement, qui traversent finalement dans le sens du vert, ou dans le sens contraire du rouge lorsqu'on est immobilisé au feu rouge.

Alors, il se développe, je dirais, une complicité plus étroite, une tolérance plus grande des automobilistes à l'égard des piétons, des piétons à l'égard des automobilistes, et aussi un respect, qualifions-le, de plus poussé de la réglementation tant du côté des piétons que du côté des automobilistes. Alors, ça ne tient aucunement à un comportement latin, à des gènes ou à quoi que ce soit. Ça tient strictement au fait que la tolérance se développe parce que la réglementation, elle est plus sympathique tant à l'égard des piétons qu'à l'égard des automobilistes.

M. Bordeleau: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Chabot et M. Bonhomme, pour votre participation au nom de la ville de Hull.

J'invite tout de suite le représentant du groupe Rues pour tous à bien vouloir prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, M. Boulais. Je vous rappelle que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires.


Rues pour tous

M. Boulais (Christian): Donc, je vous résume notre mémoire, que vous avez tous lu, j'imagine. Rue pour tous, c'est un regroupement de citoyens de Montréal. Donc, c'est la situation de Montréal qui nous préoccupe, un milieu urbain dense, générateur de nombreux déplacements à pied et à vélo. D'ailleurs, nos membres sont, en général, essentiellement piétons, donc usagers du transport en commun et cyclistes.

Mais ce qui nous unit en particulier, c'est le fait qu'on a une espèce de ras-le-bol de certaines situations à Montréal, ce qu'on appelle, nous autres, la «trop d'autos, trop vite». La «trop d'autos, trop vite», le fait que les rues résidentielles et les rues commerciales de desserte locale sont davantage des tuyaux à faire passer la circulation automobile dans des conditions qui sont peu respectueuses du milieu urbain puis des usagers vulnérables de la rue.

C'est contre ça qu'on se lève et puis on se rend compte qu'à Montréal de plus en plus, enfin, on découvre qu'il y a beaucoup plus de gens qu'on pensait qui étaient d'accord avec nous. On pensait que des gens, en ville, bon, on s'habitue; l'automobile fait partie de la ville. Mais là on commence à découvrir que, surtout en faisant aller les idées comme quoi la ville, ce n'est pas obligé d'être une espèce de tuyauterie à faire passer les automobiles, on se rend compte que nos idées sont peut-être plus intéressantes ou pertinentes qu'on ne le pensait nous autres mêmes, parce que évidemment on parle d'une forte tradition: l'automobile puis l'automobile en ville. Mais là on se rend compte aussi que la majorité des déplacements dans la partie centrale de Montréal se font autrement qu'en voiture et puis la majorité des ménages n'ont pas d'automobile.

Donc, écoutez, partant de là, si on part avec le virage à droite au feu rouge, c'est bien évident que, pour nous autres, dans les conditions actuelles, piétons et cyclistes, ce n'est pas l'enfer, à Montréal, on peut marcher et pédaler. Mais ce n'est pas une situation qui est tellement invitante. Déjà, actuellement, l'expérience qu'on a à tous les jours, c'est que, si vous voulez traverser, par exemple, à vélo ou à pied sur votre lumière verte, généralement vous devez vous attendre à vous faire couper par une automobile.

Il y a un monsieur tantôt qui disait que ça pourrait accroître, le virage à droite au feu rouge, l'agacement des piétons puis des cyclistes. De ça, on en doute beaucoup. On a plutôt l'impression que ce que ça va plus faire, c'est encourager les automobilistes dans leur impatience. Et puis, à Montréal, en tout cas, il ne faut pas implanter cette mesure-là. On dirait même plus, il ne faut pas l'implanter nulle part dans la région de Montréal, ou enfin près de Montréal. Parce qu'on s'imagine facilement les automobilistes de la banlieue, où ça serait autorisé sous prétexte que là-bas ça serait sécuritaire parce qu'il n'y a personne qui marche dans ces coins-là ou peu de gens qui font du vélo, qui arriveraient à Montréal puis qui se diraient, comme on le voit parallèlement: Ils sont bien caves ici, puis qui vont passer sur la rouge quand même.

Parce qu'à Montréal par ailleurs le problème qu'on a, c'est que la lumière rouge, on ne sait plus trop ce que ça veut dire. Il y a eu un moment où les automobilistes qui passaient en klaxonnant sur le feu rouge... il y a eu une passe, à un moment donné, où, moi, je l'observais et les autres aussi. Ça s'est un peu calmé, mais un feu rouge ne veut plus dire grand-chose pour les automobilistes, jusqu'à un certain point. Ce n'est pas encore une situation complètement de désordre, mais il y a quand même des problèmes à ce niveau-là, puis le virage à droite au feu rouge ouvre la porte à l'idée qu'on atténue la crédibilité du feu rouge.

(16 heures)

Enfin, je pourrais m'étendre sur plusieurs contextes de traverses d'intersections à vélo ou à pied, mais, en gros, on veut que les lumières continuent de signifier ce qu'elles doivent signifier: le feu rouge, défense de passer; et le feu vert, on peut passer avec un minimum de sécurité. Parce que là on s'imagine... Enfin, ce qu'on observe tous les jours, c'est que les automobilistes ont l'air de voir seulement ce qui est gros comme eux autres, là, puis souvent, quand les automobilistes tournent sur une lumière verte, ils regardent à gauche, ils ne regardent pas à droite. Enfin, il y a des problèmes, là, puis...

Nous autres, l'objectif qu'on aurait – je reviendrai à la fin, là – pour, disons, calmer la circulation, tranquilliser les automobilistes, les défrustrer, il y aurait peut-être une autre approche que celle-là, puis c'est les mesures d'apaisement à la circulation. Mais j'y reviendrai. Donc, le virage à droite au feu rouge, notre expérience ne nous inspire pas beaucoup pour autoriser ça à Montréal, puis, bon, là, on se base sur l'analyse critique de la SAAQ faite en 1992 par M. Dussault et d'autres personnes, dont une personne du service de la circulation à Montréal.

Une voix: ...

M. Boulais (Christian): Pardon?

M. Chevrette: Je parlais à celui qui...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Il est ici.

M. Boulais (Christian): Ah! il est là? Parfait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Puis il m'a déjà parlé là-dessus.

M. Boulais (Christian): Je vais probablement vous répéter brièvement ce qu'il vous a dit, mais là je suis content de vous voir en chair et en os. Donc, en gros, bien, on dit qu'il y a 30 % à 60 % des cas où l'automobiliste doit s'arrêter avant de passer sur sa lumière rouge, avant de tourner à droite, où il ne regarde pas, il ne fait pas son arrêt. Ça ne nous surprend pas. Ça, c'est la situation aux États-Unis apparemment. Il y aurait 20 % des intersections, aux États-Unis, où il y aurait une interdiction de virer à droite puis, malgré ça, donc, il y aurait quand même un certain nombre d'automobilistes qui font quand même un virage à droite même si c'est interdit.

Bref, il y a une certaine expérience qu'on nous rapporte dans la littérature puis, finalement, il y a celle que, moi, j'ai vécue dans l'Ouest du Canada ou d'autres membres de notre groupe puis, enfin, du monde qu'on connaît qui ont vécu là-bas. Puis effectivement on se sent plus rassuré quand on marche dans les villes de Calgary, Vancouver, parce qu'il y a quand même une attitude, disons, moins colonisée au volant dans ces provinces-là. Mais ça n'empêche pas que le virage à droite au feu rouge comme, moi, j'ai pu le vivre à vélo, dans l'Ouest du Canada, c'est quand même... Quand l'automobiliste veut passer, là, tourner à droite pendant que, vous, vous attendez de passer tout droit, vous vous faites klaxonner puis renvoyer sur le trottoir. Ça m'est arrivé plusieurs fois.

Donc, c'est sûr que globalement on se sent mieux dans l'Ouest du Canada par rapport à Montréal comme, par ailleurs, des Marseillais qui arrivent à Montréal trouvent que c'est la discipline dans la rue. Mais ça, c'est...

M. Chevrette: À Marseille.

M. Boulais (Christian): Pardon? Marseille, oui, Marseille. C'est l'enfer.

M. Chevrette: C'est Le Pen qui est là. Ils prennent le virage à droite, eux autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulais (Christian): Je pense qu'ils ignorent toute signalisation, là-bas. Par contre, à Paris, je vous dis une chose, ils sont plus polis qu'à Montréal, les automobilistes, mais ça serait une autre commission parlementaire, je pense.

Donc, écoutez, si les objectifs du virage à droite au feu rouge sont d'économiser de l'essence puis de sauver du temps, je pense que, enfin, il n'y a pas grand-chose de crédible là-dedans, là. Puis, de toute façon, globalement, si le système de transport centré sur l'automobile commence à montrer... Enfin, il le montre depuis longtemps, mais là il commence à montrer des signes de contradiction. C'est-à-dire qu'à mesure que se développe l'usage de la voiture – puis on est déjà très avancé là-dedans – on découvre que, quand tout le monde a un char, plus personne ne va nulle part. Bien là il faut peut-être penser à d'autres modes de transport puis favoriser d'autres modes de transport.

Puis, dans le milieu urbain, à Montréal, l'automobile, qui compte pour 50 % des déplacements, d'après des évaluations faites aux États-Unis puis en Australie, on pourrait peut-être réduire ça de moitié en plusieurs années, évidemment en prenant les mesures pour. Parce que les distances à parcourir ne sont pas énormes. Et, même à l'échelle de la région de Montréal elle-même, le tiers des déplacements sont de moins de cinq kilomètres. Cinq kilomètres, à bicyclette, dans de bonnes conditions, c'est bien facile. Mais c'est un ensemble de mesures que ça prend pour améliorer l'efficacité du système de transport.

Puis ça, ce n'est pas en encourageant les automobilistes à utiliser leur auto puis d'une manière où ils vont être peut-être encore plus indisciplinés. Parce que c'est clair, c'est à peu près clair pour nous autres: le virage à droite au feu rouge, ça conforte les automobilistes dans leurs caprices d'aller toujours plus vite. Ils ne vont jamais assez vite. Tout est un obstacle à leur propre vitesse. Il y a plein d'anecdotes que je pourrais vous raconter puis qui se produisent quasiment tous les jours. Vous voyez que... Je veux dire, il faut qu'ils se fassent enseigner à dominer leur voiture plutôt que de répondre au potentiel de leur voiture d'aller vite. Donc, le virage à droite au feu rouge, c'est quelque chose à oublier puis à permettre le plus loin de Montréal possible. Sur la lune, mais pas proche de Montréal.

Par rapport au port obligatoire du casque cycliste, le livre vert est un petit peu épeurant.

M. Chevrette: Moi, c'est les bicycles qui me font peur, sur René-Lévesque. Je vais t'en parler tantôt.

M. Boulais (Christian): Oui, on peut en parler beaucoup. Je suis peut-être d'accord avec vous sur certaines façons de fonctionner des vélos, ça, c'est bien clair. Quand on dit qu'un fort pourcentage des cyclistes, 80 %, enfreignent systématiquement le Code de la sécurité routière et puis que, par souci de cohérence, il faudrait envisager de renforcer à la fois le port du casque et les autres règles du Code de la sécurité routière touchant les cyclistes, je veux dire, il y a quelque chose d'un petit peu hallucinant, enfin. Depuis une vingtaine d'années, l'usage du vélo n'a pas cessé d'augmenter, quoiqu'on ait l'impression que ça plafonne ces temps-ci, mais enfin, ça a augmenté. Puis, pendant ce temps-là, le nombre de victimes cyclistes a quand même baissé, quand on se fie aux chiffres de la SAAQ.

Non, non, c'est moi qu'il faut écouter, M. Chevrette.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je vérifie l'assertion que tu dis.

M. Boulais (Christian): Je peux vous donner les chiffres.

Le Président (M. Lachance): Ah! M. Chevrette, il a deux oreilles pour écouter, alors, allez-y, M. Boulais.

M. Boulais (Christian): Donc, dans un contexte de croissance de l'usage du vélo, le nombre de victimes d'accidents a eu tendance à décroître durant deux périodes. Si on compare deux périodes, de 1985 à 1989, la moyenne annuelle du nombre de cyclistes tués était de 36, 359 blessés graves et 4 149 victimes au total. Donc 4 000 victimes, à peu près, entre 1985 et 1989 en moyenne. Puis de 1993 à 1998, on tombe à 3 200 victimes. Il y a eu quand même une amélioration, dans un contexte de croissance. Donc, ce à quoi on fait face, ce n'est pas à une hécatombe, là, ce n'est pas à une hécatombe de cyclistes. Puis ça, c'est dans le contexte où le port du casque n'est pas obligatoire puis dans le contexte où on parle d'un faible respect du Code de la sécurité routière.

Effectivement, mea culpa, le Code de la route, on l'adapte, nous autres, au contexte urbain. Il y a des choses qu'on fait qui ne sont pas prescrites par le Code de la route mais qui sont, disons, dans la réalité du cyclisme, là, puis on peut en parler longtemps. C'est évident que rouler sur les trottoirs puis foncer sur les piétons, ce n'est pas convenable, mais il y a des contextes à Montréal où, si vous ne roulez pas sur le trottoir, c'est suicidaire. Il y a des contextes, aussi, où c'est mieux de passer sur la rouge que d'attendre sur la verte.

M. Chevrette: Les livreurs.

M. Boulais (Christian): Pardon?

M. Chevrette: Les livreurs, vous roulez lentement.

M. Boulais (Christian): Non, mais ça, les livreurs puis les courriers à vélo, c'est une population bien particulière. Nous autres, on est des cyclistes quotidiens, utilitaires. Le loisir, on en fait, mais c'est surtout du... Donc, le Code de la route, on le viole à plusieurs égards, mais d'une manière qui pourrait être légalisée mais dans un autre contexte.

M. Chevrette: ...

M. Boulais (Christian): En fait – je vais y venir à la fin – ce qu'on propose à la place du virage à droite au feu rouge, du casque de vélo et bien d'autres mesures, c'est une autre approche, là. Donc, en partant, le contexte qui imposerait qu'on prenne une mesure aussi drastique que d'imposer le casque obligatoire, dans la mesure où effectivement ça pourrait vraiment nous protéger – ce qu'on peut mettre en doute – je veux dire, il n'est pas là. On n'assiste pas à une hécatombe, on assiste à une croissance d'usage du vélo et à une diminution du nombre de victimes. D'ailleurs, il y a des évaluations qui sont faites qui disent que, bon, la bicyclette n'est pas dangereuse comme on le prétend. Quand on parle du casque cycliste de la manière dont on le fait, là, actuellement, c'est comme si c'était dangereux de faire du vélo, puis ce ne l'est pas tant que ça.

En fait, ce qu'il faut peut-être constater, c'est que, là où le vélo voit son usage croître, parce qu'on le soutient par des mesures adéquates, le nombre de victimes tend à diminuer par rapport à l'usage qu'on fait du vélo. Puis, moi, j'ai déjà connu un cas ici, là, puis il y en avait d'autres sortes. À Vienne, dans les années quatre-vingt, le nombre de cyclistes a été multiplié par six, en fait, on est passé de 1 % des déplacements à 6 %, puis le nombre de victimes a cru seulement du tiers par rapport à ce que c'était quand c'était six fois moindre.

Donc, l'idée du casque, ce n'est pas... Pour nous autres, c'est une mesure de protection qui est secondaire. Là, je ne sais pas, j'ai peut-être l'air d'un cycliste qui respecte la loi et puis je me suis amusé un après-midi de temps sur une piste cyclable sur un coin de rue, en rigolant un peu, à parler avec les gens qui avaient des casques. J'ai peut-être l'air de respecter la loi, mais je ne suis pas certain que...

M. Chevrette: ...

M. Boulais (Christian): Pardon?

M. Chevrette: Ça s'ajuste...

(16 h 10)

M. Boulais (Christian): Ça s'ajuste, mais, en général, les gens ne l'ajuste pas. Puis j'ai vu bien des enfants que leurs parents disaient de mettre un casque et puis, vous savez, ils avaient les cernes assez bas, là, je vais essayé de le baisser, là, mais ça pouvait ressembler à ça. Ça fait qu'en cas d'accident... Je ne sais pas. Je veux dire: Ce que j'ai pu lire sur le casque, puis d'autres avec moi, on manque beaucoup d'information. Les marchands de vélo nous disent qu'il faut le mettre d'une manière très serrée à un point même où est-ce que vous ne pouvez presque pas parler. En tout cas, en gros.

Mais, même à ça, ce casque-là, c'est un casque de parure. Je le mets seulement l'hiver, parce que je fais du vélo l'hiver, puis j'ai une espèce de gros coussin qui s'appelle ma tuque, et, personnellement, et en général, dans le groupe où je suis, les gens à qui on parle, on ne se sent pas vraiment protégé par un casque. C'est juste au cas où on tomberait sur le derrière, autant que possible directement sur le derrière avant de tomber sur la tête. Et puis, si on se fait frapper par une automobile, on ne se sent pas vraiment en sécurité avec un casque.

Ce qu'on souhaiterait plutôt, c'est des mesures qui améliorent l'environnement cycliste. Par ailleurs, je vous dirais que, s'il y avait une association de protection du casque... Ce casque-là, passé aux rayons X, je vous garantis, je ne le sais pas, mais il doit être plein de fissures. Il a été torturé en masse, ce casque-là. Et, d'après celui qui m'a vendu le casque il y a 10 ans, il m'a dit: Ce casque-là ne te protègera pas si tu as un choc violent, tel que prévu, 20 km/h, un choc direct sur le sol.

Enfin, moi, l'hiver, je le mets parce qu'il peut m'arriver de glisser, mais je vais vous avouer que, depuis le temps que je mets un casque, je l'ai cogné plus souvent sur les armoires dans la cuisine chez nous que dans la rue. Mais mon cas personnel n'est pas représentatif. Je connais des gens à qui ça a sauvé la vie, le casque, dans le contexte d'accidents. Mais, dans le contexte où ils se trouvaient, il y avait pertinence d'installer une piste cyclable et il n'y en aurait pas eu, d'accidents.

Donc, on est convaincu que de mettre de l'avant le casque comme on le fait, d'une manière hors de proportion, dans la mesure où on parle d'une loi – et on ne parlera pas de comment on va la faire respecter, cette loi-là – le casque, c'est une mesure de protection qui est secondaire, qui doit être encouragée. Les gens, les cyclistes doivent savoir que ça peut les protéger et les parents doivent savoir que ça peut protéger les enfants. Il faut surtout savoir que ce qui tue et blesse gravement les cyclistes, c'est les automobiles, c'est le contexte dans lequel on se trouve à partager la rue avec les automobiles. Et puis, dans les pays où on a décidé de soutenir l'usage de la bicyclette... Évidemment, soutenir l'usage de la bicyclette, ça veut dire la rendre sécuritaire aussi et on a pris des mesures pour améliorer l'environnement cycliste. Je vous dis, j'ai passé un mois aux Pays-Bas cet été, où est-ce qu'on fait des zones de 30 km/h partout, puis là évidemment les zones 30 km/h, ce n'est pas...

Cinq minutes? Ah! ce n'est pas cinq heures, c'est cinq minutes.

Le Président (M. Lachance): Cinq minutes, monsieur.

M. Boulais (Christian): Parfait. Les mesures qu'il faut mettre de l'avant, c'est les zones 30 km/h à l'échelle des quartiers et les pistes cyclables dans les zones urbaines. Les zones 30 km/h, ça ne s'applique pas avec des pancartes, ça s'applique par des aménagements qui font que les automobilistes lisent la rue et roulent plus naturellement lentement. Comme je vous le disais, j'ai passé un mois aux Pays-Bas à me promener à vélo et à marcher dans ces quartiers-là. Ça fait toute la différence. On se sent bien plus en sécurité.

Les automobilistes, c'est dans ce contexte-là qu'ils vous respectent davantage parce qu'ils ne peuvent pas rouler vite. Ça leur induit une attitude de conduite qui est plus lente, moins stressante – en général, parce qu'il y a des exceptions – et ça crée un meilleur environnement et c'est beaucoup plus sécuritaire pour tout le monde: les cyclistes, les piétons et les automobilistes. Et, en plus, ça améliore l'environnement urbain.

À Montréal, ce genre de mesures là s'imposerait pour améliorer l'environnement urbain, les zones 30, je parle, puis les pistes cyclables comme complément, sur les artères, sur les voies qui doivent être vouées à la circulation automobile. En gros, ça fait le tour de la question. Je ne suis pas Pierre Bourgault pour vous faire... Mais ça va.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Boulais. Votre exposé était très clair. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vais essayer d'être aussi clair, M. le Président. Et, en commençant, je vais donner de l'information un petit peu à M. Boulais. En Colombie-Britannique, avec qui vous semblez vous comparer, les associations de vélos ont appuyé la législation obligatoire du port du casque. Est-ce que vous saviez ça?

M. Boulais (Christian): Non, je ne le savais pas. Mais je sais qu'en Europe, où le vélo est très utilisé, ils sont contre à la grosse planche.

M. Chevrette: Ce n'est pas toujours l'Europe qu'on doit prendre comme exemple. Vous irez sur un coin de rue, vous allez vous servir de votre petit casque en maudit à Paris, en particulier, puis dans d'autres villes.

M. Boulais (Christian): Je peux vous dire, pour y avoir passé une semaine cet été, les automobilistes font vraiment leur possible, contrairement à Montréal où ils exagèrent.

M. Chevrette: Seigneur Jésus! On n'y va pas au même temps. Votre casque, vous aimeriez mieux le mettre sur le bout des pieds, à part ça.

M. Boulais (Christian): Ce n'est pas le casque qui vous protège, c'est l'attitude.

M. Chevrette: Moi, je dois vous dire que vous êtes très sévère et vous ne vous jugez pas dans ça.

M. Boulais (Christian): Allez-y.

M. Chevrette: Vous descendez les automobilistes, vous les traitez d'épouvantables au Québec, alors que nos automobilistes vont en Europe, ils vont à Miami, dans les États américains, ils vont en Ontario quotidiennement, 45 000... Le groupe qui a témoigné avant vous, c'est des gens de Hull. 45 000 à 50 000 personnes vont du côté de l'Outaouais québécois et ils en reviennent la même journée. Ils sont montrables pendant deux heures et ils ne sont plus montrables quand ils rentrent ici!

Ça ne résiste pas à l'analyse, votre argument à l'effet que c'est seuls les automobilistes. Vous vous en allez dans les villes, qui vous coupe? Qui coupe même deux, trois travées d'autos? C'est des gens en vélo. Vous ne faites pas vos arrêts, vous valsez devant les policiers sur un coin de rue, vous ne faites pas du tout vos arrêts, vous coupez le monde, vous enfargez souvent des piétons, puis vous venez témoigner en disant que vous êtes des purs et des anges du ciel. Avec quelques petites cornes, Jésus, Marie, Joseph! Il y a des limites à...

Moi, je trouve que vous charriez. Je vous le dis comme je le pense, je trouve que vous charriez, dans un sens, épouvantablement. Puis ce n'est pas parce que je suis contre votre exposé, là, vous avez le droit de dire ce que vous voulez. Mais, à un moment donné, à trop en mettre, c'est comme pas assez, ça; il faut garder un juste milieu.

Les automobilistes du Québec ne sont pas pires qu'ailleurs. La preuve, c'est qu'ils s'adaptent partout où ils vont. On est les seuls en Amérique du Nord où on ne vire pas à droite. C'est-u parce qu'on est plus innocent, un peu plus cave, un peu moins intelligent, on n'est pas capable de comprendre les signaux comme ailleurs? Aux États-Unis, en Ontario, un peu partout à travers le monde où il y a des virages à droite, c'est fort simple, il y a des endroits où tu ne peux pas passer. Là où il y a une densité de personnes, il y a des panneaux: tu ne tournes pas sur la lumière rouge, puis il y a des flèches, il y a les petits bonshommes, puis il y a des mains, puis il y a tout ce qu'il faut pour t'arrêter, puis les autobus ont une ligne blanche. Puis on est rendu assez sophistiqué dans notre signalisation.

Le lendemain matin qu'on dit «virage à droite», là, contrairement à ce que vous affirmez, on oblige l'arrêt pareil, sauf que, s'il n'y a rien, tu passes, comme on va... Moi, je vais aux États-Unis régulièrement. Je ne suis pas plus cave qu'un autre. Je tourne à droite quand je peux; quand je ne peux pas, j'attends, je fais mon stop, je fais mes arrêts.

Je trouve que vous essayez de mettre en opposition deux clientèles de la route, et vous dites: Une route pour tous. Bien, une route pour tous, là, ce n'est pas une route exclusivement pour les cyclistes, ça. Une route pour tous, c'est pour les camions, c'est pour les autos, c'est pour les cyclistes, puis vous êtes subordonnés aux mêmes règles. Vous arrêtez aux stops, vous ne valsez pas devant les policiers. Vous attendez votre tour. Si vous êtes à droite puis vous voulez tourner à gauche, vous devez étendre votre bras. Si tu n'as pas assez d'équilibre, ne fais pas de bicycle, mais tu es supposé d'indiquer où tu vas. Tu le sais, ça.

M. Boulais (Christian): Est-ce que je peux vous répondre?

M. Chevrette: Oui, mais je voulais t'en donner une petite rince pour comprendre, là, essayer de trouver le juste milieu dans tes réponses, un petit peu, parce que ça n'a pas de bon sens d'entendre ça.

M. Boulais (Christian): Écoutez, la réalité que nous vivons, nous autres, à Montréal, là, les cyclistes qui font les capotés, ça, on le sait, surtout les livreurs, les courriers, j'en vois. Ça m'est arrivé, même, d'en clencher une couple, parce que, je veux dire, ils n'ont aucun respect pour les piétons, parce que, eux autres, ils sont payés à l'acte, hein, puis il faut qu'ils se grouillent. C'est essentiellement le problème qu'on a. À part de ça, il y a des petits jeunes, peut-être. Mais, en général, les cyclistes, les cyclistes utilitaires, ceux que je vois tous les jours quand je vais travailler – normalement, en été surtout, puis un petit peu en hiver – ils ne font pas ce que vous dites là. Ils s'arrêtent sur les coins de rue, ils ne font pas les caves. Je veux dire, ce n'est pas ça, la réalité.

L'autre affaire, c'est que les automobilistes, vous en avez la moitié, des automobilistes...

M. Chevrette: Est-ce que c'est possible qu'il y ait à peu près le même nombre d'automobilistes capotés que vous avez de cyclistes capotés, si je veux garder votre langage?

M. Boulais (Christian): Non. Écoutez... Non, mais ça, ça va. Écoutez, faire des conneries à vélo puis en faire en voiture, ça n'a pas les mêmes conséquences, hein. Vous pouvez tuer quelqu'un avec un vélo, on le sait, ça. Mais, quand vous faites des conneries en auto, ça a pas mal plus de conséquences.

Deuxièmement, je veux dire, nous autres, on vit en ville, puis l'automobile, là, écoutez, ça a un impact, ça a une emprise sur le milieu urbain. La plupart des gens qui veulent aller vivre en banlieue, c'est parce que l'environnement urbain est dégradé par la circulation automobile, je veux dire. Ils cherchent de l'espace vert puis de la tranquillité. Puis, pour avoir vu qu'est-ce qu'ils faisaient en Allemagne puis aux Pays-Bas, quand ils veulent améliorer l'environnement urbain, ils calment les autos.

L'idée, c'est... Bon. Si je finis avec la question de la discipline dans la rue, il y a certainement un travail à faire du côté des cyclistes, mais je vous dis qu'en général... Puis la majorité des automobilistes, ils font leur possible, mais les automobilistes, ça porte pas mal plus à conséquence. Puis, à tous les jours, moi, j'en vois, des piétons qui essaient de traverser la rue, puis ils se font couper par les autos. Je sais bien que se faire couper par un cycliste, ça arrive aussi, mais ça porte moins à conséquence, c'est beaucoup moins intimidant que se faire couper par une voiture. Mais il y a de la discipline à mettre là-dedans.

M. Chevrette: Vous me permettez de vous faire faire un petit calcul mathématique? On est 7 000 000 ou quelque 7 000 000 de population, il y a 5 000 000 de vélos puis il y a 4 500 000 automobilistes. Ça se peut-u que ça soit le même monde de temps en temps, les automobilistes et les bicycles?

M. Boulais (Christian): Il y a plus de cyclistes chez les automobilistes qu'il y a de cyclistes chez les non-automobilistes. Ça, on le sait. Écoutez, là...

(16 h 20)

M. Chevrette: Non, mais ça se peut-u qu'il y ait le même monde de temps en temps?

M. Boulais (Christian): Non, non. Il y a le même monde, puis semble-t-il, d'après les témoignages que j'ai... Enfin, moi, ça fait longtemps que je n'ai pas conduit. Mais je connais plein de monde qui me le disent: Être derrière un volant, là, ça rend hulkien. Savez-vous ce que ça veut dire? Des bons amis à moi qui sont super doux dans la vie, ils arrivent au volant, ils sacrent après tout le monde. Je pense que ça se peut bien que les gens à vélo, à pied et puis en auto ne se comportent pas de la même façon.

M. Chevrette: C'est que la même personne se triple.

M. Boulais (Christian): Ah! ça peut être la même personne, certain. Ça se peut bien. Ce n'est pas la même dynamique. Ça se peut, mais il faudrait voir.

Mais là réglons la question de la discipline dans la rue. Ça, c'est sûr qu'il y en a, des totons en vélo. Comme je vous dis, j'en ai déjà clenchés personnellement. Je veux dire, je leur ai dit qu'est-ce que je pensais de leurs manoeuvres. Mais la majorité, ce n'est pas comme ça. Puis, en ville, ce qu'il faut favoriser comme mode de transport, ce n'est pas... L'avenir de la ville de Montréal, ce n'est pas l'automobile, c'est les autres modes de transport, puis c'est eux autres qu'il faut favoriser.

Tout le monde a des travers. Je peux bien parler contre les piétons. Il y en a qui, quand ils veulent traverser la rue, ne restent pas sur le coin du trottoir mais s'avancent dans la rue. Mais je les comprends, c'est un travers que je respecte, vous savez. Il y a des travers... Il y a comme une dynamique qui est propre à chaque mode de transport, il faut essayer de composer puis chacun a des travers. Mais il y en a qui sont pires que d'autres. Puis une automobile, ça ne se pardonne pas, dans un milieu urbain, d'aller trop vite.

M. Chevrette: À 17 heures, vous avez raison, quand l'université ferme, ou le cégep, vous essaierez de voir qui mène dans la rue. C'est ni le vélo puis ni l'auto, c'est le piéton. Ça sort, puis la horde sort, puis t'as la flèche...

M. Boulais (Christian): Non, mais, écoutez...

M. Chevrette: La flèche a beau arrêter... Non, non. Laissez-moi parler deux minutes. Essayez de me dire quand même que le petit bonhomme est blanc... ou il est rouge puis ça ne passe pas, puis que t'as la main qui t'arrête, ça passe pendant une minute, une minute et demie. L'impatience vient du fait que ce serait à ton tour puis que tu ne peux pas passer. C'est ça qui développe l'agressivité. C'est que la signalisation n'est pas respectée pour chacune des clientèles au moment où elle doit l'être. Quand tu analyses le comportement d'un automobiliste qui... ou bien qui voit un motocycliste passer devant, pas faire son stop, s'en aller puis frapper une personne âgée... Là, si c'était une auto qui frappait la personne âgée, ce serait épouvantable. Moi, je dois vous dire qu'il faut essayer d'être plus mesuré dans vos jugements.

M. Boulais (Christian): Non, mais c'est qui... Les accidents de la route, les gens qui meurent dans la circulation, ils ne meurent pas par des motocyclettes en particulier ou des vélos, ils meurent par les automobiles.

M. Chevrette: Non. Mais il y en a...

M. Boulais (Christian): Puis les piétons, quand ils sont tués, ou les cyclistes qui sont tués, c'est par les automobiles.

M. Chevrette: Il y a 75 % des cyclistes qui meurent puis qui ont eu des traumatismes crâniens que, s'ils avaient eu un casque, ils n'en auraient pas eu.

M. Boulais (Christian): Oui, mais 80 % des cyclistes sont tués par des automobiles.

M. Chevrette: Et vous venez nous dire ici être favorables à la sécurité alors que le département des traumatismes crâniens de Sacré-Coeur nous a présenté des chiffres que je vais vous donner.

M. Boulais (Christian): Non, écoutez, je les connais, ces chiffres-là. Mais je vous dis, moi, que c'est les automobiles...

M. Chevrette: Vous ne voulez pas les entendre, hein?

M. Boulais (Christian): Non, mais je les connais. Je veux dire, les... Dans le livre vert, il y a déjà assez de renseignements. On en lit partout, que les gens qui vont à l'hôpital, quand ils meurent, les trois quarts, c'est parce que c'est des traumatismes crâniens. On le sait, ça.

M. Chevrette: Puis ça ne vous dérange pas?

M. Boulais (Christian): Non, moi, ce qui me dérange, c'est que c'est les automobiles qui tuent les cyclistes. C'est les automobiles qui font les blessés graves.

M. Chevrette: Puis, s'il y en avait 75 % qui ne mouraient pas parce qu'ils avaient un casque, ça serait la faute pareil de l'automobile?

M. Boulais (Christian): Non. Non, ce qu'il faut, là...

M. Chevrette: On n'est pas pour mettre des traîneaux à chiens dans la ville de Montréal.

M. Boulais (Christian): Écoutez, je vous parle de vélos, je vous parle de piétons, donc de transport en commun. C'est ces modes-là qu'il faut favoriser parce que c'est les modes les plus sécuritaires, c'est des modes respectueux de l'environnement.

M. Chevrette: Oui, mais on n'est pas un pays qui peut endosser des traditions nécessairement européennes. Vous le savez, ça?

M. Boulais (Christian): Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Chevrette: Par exemple, vous le premier, là, si vous demeuriez, je ne sais pas, moi, à Beloeil... Vous vous levez, vous avez 6 po de neige sur votre capot, il fait moins 27 °, vous déneigez votre auto. Là, vous partez, vous vous en allez au stationnement incitatif. Vous débarquez, vous marchez un, deux ou trois arpents pour vous rendre, je ne sais pas, moi, à un autobus. Vous attendez 10 minutes dans l'abrivent et là vous prenez l'autobus qui vous débarque au métro. Au métro, c'est moins froid, il n'y a pas de vent. Vous débarquez à Berri–De-Montigny, vous prenez l'autobus jusqu'à ville Saint-Laurent et vous devez remarcher trois, ou quatre, ou cinq arpents pour vous rendre à votre travail. C'est malheureusement ça actuellement, la pratique du transport en commun. Et c'est pour ça qu'on a une baisse de 170 000, parce qu'il y a trop de sauts de crapaud. Tu rentres, tu débarques, tu rentres, tu débarques. Après le deuxième, t'es découragé.

M. Boulais (Christian): Bien, M. Chevrette...

M. Chevrette: Vous avez beau prêcher ça, quand...

M. Boulais (Christian): M. Chevrette, je la connais, cette problématique-là.

M. Chevrette: Laissez-moi finir ma phrase, s'il vous plaît. Tant qu'on ne corrigera pas ça puis qu'on ne mettra pas du service très, très efficient puis très efficace, ne demandez pas aux citoyens d'adopter des systèmes qui gâchent leur qualité de vie. Ils vont préférer être une demi-heure de plus sur le pont Jacques-Cartier ou sur le pont Victoria, au moins à la chaleur, sans se faire geler puis sans faire des changements à répétition. C'est ça que vous devez essayer de faire comprendre à la population puis qu'on devrait étudier ensemble correctement plutôt que d'arriver et penser qu'on est seul sur une patinoire. Une rue pour tous, c'est pour tout le monde, ça.

M. Boulais (Christian): Est-ce que je peux répondre?

Le Président (M. Lachance): Oui, M. Boulais.

M. Boulais (Christian): La question des plans de déplacement, des plans de transport, moi, je ne sais pas. Écoutez, là. Si vous me parlez de quelqu'un... Vous auriez pu dire: Ma grand-mère qui habite à Beloeil, si elle veut déménager un frigidaire pendant une tempête de neige, elle ne prendra pas un bicycle. Ça, je le sais, ça. La question, c'est que, si on décide de favoriser les déplacements autrement qu'en voiture, il faut partir du contexte où on est et le développer en fonction de ça. À Montréal, il y a beaucoup de déplacements en auto qui pourraient se faire autrement si les conditions étaient là. Mais elles ne sont pas là, les conditions. Il n'y a que 4 % des déplacements qui se font à vélo, à Montréal, et ça pourrait être facilement le triple, mais il faut des conditions favorables. Et puis elles ne sont pas là.

Si vous continuez à faire l'étalement urbain... De toute façon, on est déjà très avancé dans le phénomène, là, mais, je veux dire, il n'y a rien qui se fait pour contrer ça. Si on continue à le faire, c'est sûr que tout devient impossible. Même le covoiturage, à force de disperser, d'une part, les habitats et disperser les centres d'emploi, c'est évident... le covoiturage, il baisse aux États-Unis à cause de ça. Si on n'aménage pas en fonction des modes de transport qu'on veut favoriser, des milieux plus denses, des milieux plus structurés en fonction du transport en commun, c'est évident qu'on va être pris avec ça et ça coûte cher à la société.

M. Chevrette: La loi 125. Depuis 1978, il y a une loi 125 sur l'aménagement du territoire.

M. Boulais (Christian): C'est correct, mais pour ça...

M. Chevrette: Depuis 1977, il y a la loi sur le zonage. Ne dites pas qu'il ne s'est rien fait. Encore là, vous exagérez.

M. Boulais (Christian): Non, écoutez, je n'exagère pas. Le transport en commun baisse, l'automobile augmente. C'est parce que l'aménagement du territoire...

M. Chevrette: La loi 90, c'est qui qui l'a faite, puis quand?

M. Boulais (Christian): Moi, je vous parle de transport urbain. Je vous parle de transport. Là, ce que je veux vous dire, moi, en fin de compte, c'est que, si vous voulez favoriser l'usage de la bicyclette parce que c'est bon pour la société à bien des égards, c'est bon pour la santé, ça coûte moins cher aux familles. Si, en Europe et au Japon, les familles passent 10 % de leur budget au transport puis 15 % au Québec, c'est parce que, nous autres, on est basés sur l'automobile qui coûte cher.

M. Chevrette: Sauf que vous venez à une commission parlementaire sur la sécurité. On vous dit: Il s'en tue 26 %, on pourrait peut-être en sauver 75 % avec le port du casque. Vous dites: Ne porte pas ton casque mais ne tourne pas à droite au cas où il y en aurait un. C'est ça que vous venez de me dire comme message et ça m'apparaît incohérent.

M. Boulais (Christian): Si on se concentre sur la sécurité... C'est parce que vous me parliez de l'aménagement du territoire. J'ai bien envie de vous parler de ça parce que le prochain plan de transport, la manière dont c'est parti, ce que ça va être, ça va être: accommoder les automobiles, faire des petites affaires pour le transport en commun. On va investir dans le transport en commun puis les gens vont continuer à prendre leur auto.

M. Chevrette: Vous avez des idées préconçues, cher monsieur, vous faites les procès avant même que ça soit annoncé. Qu'est-ce que ça nous donne de discuter?

M. Boulais (Christian): Non, je n'ai pas d'idée préconçue. Écoutez. J'ai hâte de le voir. Je n'ai rien dit.

M. Chevrette: Je vous remercie de faire le procès avant.

M. Boulais (Christian): Enfin, jusqu'à maintenant, c'est ça qui s'est passé. Les informations qui ont coulé, c'était ça. Question de sécurité, si vous voulez favoriser l'usage de la bicyclette parce que c'est souhaitable pour la société, il faut faire comme là où ils l'ont fait, d'une manière sécuritaire, c'est des zones 30, des pistes cyclables, et il faut que les gens sachent que le casque peut les protéger.

Mais, pour protéger les cyclistes, il faut favoriser les moyens de soit séparer les cyclistes des automobilistes d'un contexte où la rue sert au trajet des automobiles ou des zones 30, des rues... partout où il y a matière à donner une plus grande place aux vélos en ville et à partager la rue. On ne partagera pas la rue avec l'automobile dans les conditions actuelles de rue à 50 km/h où la police impose les tickets à partir de 60 km/h. Il faut des conditions favorables aux cyclistes. Et plus il y a de cyclistes, plus c'est sécuritaire.

Le Président (M. Lachance): M. Boulais.

M. Boulais (Christian): Je ne sais pas, est-ce que vous faites du vélo, M. Chevrette, ou vous marchez en ville?

M. Chevrette: Oui, j'en fais. J'en fais. Qu'est-ce que vous voulez savoir?

M. Boulais (Christian): À Montréal, est-ce que vous en faites? Vous marchez à Montréal, vous faites du vélo à Montréal?

M. Chevrette: À Montréal, je ne fais pas de vélo. Je ne me rends pas de Joliette à Montréal encore. Mes vieilles jambes ne supportent plus ce trajet.

M. Boulais (Christian): Non, vous ne pouvez pas faire de vélo pour aller de Joliette à Montréal, d'une manière utilitaire. Puis ce n'est pas ça qui nous concerne, nous autres.

Le Président (M. Lachance): M. Boulais, en commission parlementaire, nous avons le mandat d'étudier un certain nombre de recommandations, de commentaires des groupes qui viennent nous rencontrer puis c'est le but de l'exercice. Cependant, ce qu'on a observé, ce que j'ai observé depuis le début, lorsque des représentants des cyclistes sont venus nous voir, ils étaient d'une agressivité qui est difficile à comprendre.

M. Boulais (Christian): Je peux vous répondre?

(16 h 30)

Le Président (M. Lachance): Alors, là, je pense que, si vous voulez avoir de la crédibilité dans vos critiques, vous devriez avoir une attitude où on essaie d'avoir une coexistence pacifique avec les autres utilisateurs de la rue que sont les automobilistes et les piétons. Et ce côté-là, on ne le sent pas. Les gens qui viennent nous voir, c'est une charge à fond de train contre la source de tous les maux, de tous les problèmes: les automobilistes, alors qu'on constate, même ici, à Québec, pas Montréal, vous connaissez peut-être moins Québec, et je vous le pardonne volontiers, on ne peut pas tout connaître partout... Mais, moi, je circule tous les jours sur le chemin Sainte-Foy, entre la rue Myrand et Belvédère, et ce tronçon-là qui n'est pas très étroit, je vois des cyclistes et il n'y en a pas un maudit qui respecte les règles de la circulation.

Ils passent toujours sur la rouge, jettent un coup d'oeil à droite, à gauche, ils passent sur la rouge puis parfois ils embarquent sur le trottoir pour aller plus vite. Et ça, là, c'est des utilitaires, ce n'est pas des cyclistes sportifs, c'est des utilitaires. Alors là il y a comme un problème avec ce que vous nous dites puis ce qu'on constate dans la réalité. Je comprends que les automobilistes ne sont pas toujours courtois, ne sont pas toujours corrects, mais les cyclistes auraient aussi besoin de se discipliner pour qu'il y ait, en fin de compte, vraiment une coexistence entre les utilisateurs de la rue.

M. Boulais (Christian): Écoutez, je peux vous répondre le plus calmement possible. Évidemment, il y a une tension qui est relevée. Mais par rapport au fait que... Je veux dire, le point de vue... Il faut être cycliste vraiment à tous les jours pour comprendre un peu comment est-ce qu'on peut se sentir agressé dans le trafic. Moi, je vous comprends. Je connais des contextes, à Montréal, où les cyclistes ont tendance à passer puis d'une manière qui est inconfortable pour les automobilistes. Il y en a, c'est bien sûr. Mais globalement le cycliste ne se sent pas à sa place dans la rue, on se sent oppressé.

Savez-vous ce que c'est, de côtoyer une tonne et demie de métal? Ce n'est pas la paix dans la rue. Il y a beaucoup de monde, à Montréal, qui feraient du vélo mais qui n'en font pas parce qu'ils ont peur dans la rue. C'est ça qu'il faut que vous compreniez. Quand vous êtes cycliste, là, vous vivez dans une situation quasiment, je n'appellerais pas ça une guerre, là, mais il y a quand même une situation de tension puis c'est dangereux pour nous autres. On se sent agressés.

Puis, si les cyclistes ne respectent pas certains aspects... Enfin, moi, je ne connais pas votre contexte, mais je sais qu'il y a des contextes où on ne respecte pas le Code de la sécurité routière, c'est parce qu'on pense que ça nous avantage. Et puis c'est sûr qu'il y a des cas où les cyclistes ne font peut-être pas attention aux automobilistes.

Mais, en fait, nous autres, ce qu'on propose, c'est des règles du jeu dans la rue qui avantagent les cyclistes, parce que c'est ça qu'il faut favoriser aux dépens de la circulation automobile, mais il faut des règles que tout le monde va respecter. Mais, nous autres, ce qu'on dit, c'est qu'il faut subordonner l'usage de la voiture, en ville, aux autres qualités qu'on veut donner à la rue puis aux autres modes de transport. Vous comprenez?

Mais c'est difficile de se comprendre. La plupart des gens, la plupart d'entre vous, vous marchez ou faites du vélo de loisir, ou vous en faites même peut-être utilitaire, mais, en général, les gens à qui on parle sont des automobilistes. Les gens qui ont le pouvoir aujourd'hui, qui sont des décideurs, d'une manière ou d'une autre, sont des automobilistes. Ils ne sont pas à notre place puis c'est difficile de toute évidence de se faire comprendre.

Quand M. Chevrette me dit agressivement qu'il y a trois quarts des cyclistes qui meurent à cause de traumatismes crâniens, je veux dire, je suis d'accord, j'en suis un, cycliste, je sais ce que c'est, moi, de risquer ma vie en quelque sorte, même si je ne suis pas... La rue à Montréal, ce n'est pas la rue à Sarajevo dans le temps de la guerre, là, mais je sais c'est quoi puis je sais que c'est les automobiles, dans les règles du jeu actuelles, qui sont notre principale menace.

Pour résumer un peu ce que j'ai pu vivre pendant un mois aux Pays-Bas, où c'est des zones... Là-bas, c'est des pistes cyclables puis des zones 30. Vous vous sentez bien mieux avec les automobilistes dans ce contexte-là.

Le Président (M. Lachance): Là-bas, c'est les Pays-Bas puis ici on est au Québec.

M. Boulais (Christian): Ah! c'est correct, mais ce genre de mesures-là pourraient être appliquées ici. Quand M. Chevrette parle des pays froids ici, la Finlande, c'est un pays pareil comme ici, question de climat, puis il y a une ville à 200 km au sud du cercle arctique, sur laquelle on a des données, où il y a 20 % des déplacements en hiver qui se font à vélo. Ce n'est pas impossible d'importer ce qu'il y a en Europe ici. C'est une question, je dirais, de connaissances et puis d'avoir des objectifs qui vont dans le sens d'améliorer le système de transport pour le rendre moins polluant, plus économique, puis ça va s'importer.

Juste pour finir. En 1996, la Finlande a établi un objectif pour la part modale du vélo; 10 ans plus tard, en l'an 2006, c'est 25 % des déplacements à vélo. C'est une moyenne annuelle. Écoutez, ça se fait là-bas puis c'est un pays qui a un climat comme ici.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Disons que je vais faire quelques commentaires. Je pense que vous avez exposé votre point de vue qui est clair, là. Vous avez le droit de l'exposer, vous l'avez fait valoir de façon à ce qu'on comprenne très bien ce qui en est.

Les commentaires que je voulais faire, c'est qu'il faut quand même respecter certaines choses qui existent. C'est-à-dire que les gens ont la liberté de choisir le moyen de se véhiculer. Je pense qu'il n'y a pas personne qui dit qu'on ne doit pas promouvoir l'usage du vélo. Je pense que tout le monde et tous ceux qui viennent ici...

D'ailleurs je voudrais juste faire un commentaire sur l'intervention de mon collègue tout à l'heure qui disait que les gens du monde à vélo qui sont venus avaient un comportement agressif. Je veux rectifier un peu, parce qu'il y en a qui sont venus ici – je pense à Vélo Québec puis à d'autres groupes – et qui l'ont fait correctement. Mais c'est vrai qu'on a eu des individus aussi qui ont présenté ça d'une façon peut-être un peu agressive.

Je reviens à mon propos qui voulait que, dans le cas des... Les gens ont la liberté de choisir les moyens. On vit dans une... La réalité, là, c'est qu'il y a des piétons, il y a des cyclistes puis il y a des automobilistes. C'est ça, la réalité. Et, demain matin, là, on ne décidera pas que les autos ne rentrent plus à Montréal. Il va falloir qu'on conjugue, puis que les gens cohabitent, puis qu'on trouve les meilleures façons possible de rendre ça le plus sécuritaire possible, et puis que tous les intervenants, qu'ils soient automobilistes, cyclistes ou piétons, respectent les lois. Alors, c'est dans ce sens-là, je pense, qu'il faut... Et, si les automobilistes venaient nous dire ici qu'il faudrait défendre aux cyclistes d'aller sur les rues, je pense qu'on aurait la même attitude que quelqu'un qui vient nous dire qu'on devrait faire en sorte que les automobilistes n'existent plus.

Maintenant, qu'on fasse de la promotion pour que les gens se véhiculent à vélo, je pense que c'est tout à fait correct. D'ailleurs, c'est ce que Vélo Québec fait, c'est ce que d'autres groupes font, et je pense qu'il faut l'encourager le plus possible. Il y a toutes sortes d'avantages: la santé, moins d'espace, plus économique, plus écologique. Alors, qu'on pousse là-dessus, moi, je n'ai aucun problème avec ça, excepté qu'il faut arriver quand même à trouver des façons de faire en sorte que tout le monde cohabite de façon... Et ça commence d'abord par respecter les règles. C'est vrai pour tout le monde.

Vous mentionnez le problème de l'automobile. C'est vrai que c'est un problème. Je pense qu'on en est conscient, tout le monde, vous savez. Quand les gens attendent une heure pour rentrer à Montréal, le matin, bien, il y a différents problèmes. Il y a des problèmes, peut-être, qui sont reliés aux infrastructures, il y a des problèmes aussi qui sont peut-être reliés au fait qu'il y a des automobilistes qui viennent parce que, de la région d'où ils viennent, actuellement, il n'y a pas de transport en commun ou c'est mal desservi. Au bout de la ligne, tout est une question d'argent, hein. Si on veut mettre plus de transport en commun, et tout ça, bien, évidemment, il va falloir que quelqu'un paye, puis ça va être la population.

Mais, si on regarde ce qui s'est fait, par exemple, dans le transport des trains de banlieue, il y avait un article, qui est sorti justement hier ou avant-hier, de l'AMT qui dit que, sur toutes les lignes des trains de banlieue, il y a eu des améliorations, des augmentations de passagers. On n'est pas dans la si mauvaise voie que ça, là. Ces gens-là qui viennent, je ne sais pas, moi, de Deux-Montagnes ou d'ailleurs, bien, s'il y a eu de l'augmentation, ça, c'est des gens qui prenaient leur auto, qui ne la prennent plus puis qui viennent en train de banlieue. Tant mieux! Ça va rendre le problème des automobilistes plus vivable et aussi, indirectement, le problème des cyclistes. Mais il faut regarder des solutions qui font en sorte qu'on essaie de rendre ça cohabitable pour tout le monde. Alors, c'est un commentaire que je voulais faire.

Maintenant, je voudrais juste poser une question. Vous avez parlé des zones 30, puis on parlait des pays... Attendez un petit peu. C'est dans votre mémoire, là. À un moment donné, vers la fin du mémoire – je pense que c'est à la page 11 – vous faites référence aux zones 30 puis vous faites référence à ce qui existe ailleurs, ce dont vous avez pu être conscients. C'est quoi exactement, les aménagements qu'on fait et qui font en sorte que ces secteurs-là, quand on les rend zones 30 avec des aménagements physiques, deviennent plus sécuritaires? Est-ce que vous pourriez nous expliquer ça un petit peu plus?

M. Boulais (Christian): Oui. Justement, c'est le genre de solution qui favorise la coexistence entre les modes de transport, mais dans une perspective de favoriser les modes de transport les plus corrects pour la ville au détriment des moins corrects pour la ville. Ça n'empêche pas... Les zones 30, là, comme on le sait, une rue qui est faite droite, large et puis profonde, les automobilistes, ce n'est pas qu'ils sont méchants, là, mais c'est normal d'aller vite dans ce genre de rue là. Alors, les zones 30, l'idée, c'est d'aménager la rue d'une manière qui enlève à la rue son caractère de piste d'accélération.

M. Bordeleau: Mais comment on l'aménage, par exemple?

M. Boulais (Christian): Bien, regardez, le stationnement en file, j'ai des images ici, mais enfin je vais le décrire verbalement pour que tout le monde le... Par exemple, de la manière que c'est stationné dans les rues actuellement, les chars sont tous stationnés en file, de chacun des bords. Mais là ce que vous pouvez faire, c'est de les mettre en angle. Sur un côté de rue, là, le stationnement en file, si vous le mettez en angle, ça augmente, ça double la quantité de voitures sur un côté.

Donc, ce que vous faites, c'est que vous mettez en angle sur un côté de rue. Ensuite, de l'autre côté de la rue, il n'y a pas d'auto stationnée. Puis, ensuite, plus loin, il y a une autre rangée d'autos en angle. Vous voyez, ça crée une espèce de zigzag. Et puis, bon, les parkings sont délimités par des plantes ou des choses comme ça, et puis ce genre d'aménagement, pour des rues à 30 km/h, c'est super efficace. Ça, c'est un genre d'aménagement. On complète ça généralement avec des dos d'ânes allongés – pas des petites affaires de ruelle, là – qui peuvent se déneiger facilement. Moi, j'en ai vu à Boston puis, pour avoir parlé avec des ingénieurs de circulation qui étaient intéressés par ce genre d'aménagement là, on pourrait le faire ici, il n'y a pas de problème. Ça coûterait... Ça mérite des investissements, c'est bien certain, mais il y a des résultats: ça réduit les accidents, ça réduit leur gravité, ça crée un environnement favorable à la bicyclette.

(16 h 40)

Quand vous dites qu'au Québec on a la liberté de choisir notre mode de transport, excusez, mais il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans, là. On aménage le territoire d'une manière qui rend dépendant de l'automobile. J'ai des amis qui habitent en banlieue – ce n'est pas des crapules parce qu'ils habitent en banlieue, c'est de mes amis – ils ont fait ce choix-là parce que c'est la qualité de vie qu'ils cherchaient, qu'ils ne trouvaient pas à Montréal. Mais là ils ne peuvent plus, ils n'avaient plus le choix, là, le dépanneur est à 3 km. On n'aménage pas en fonction d'une liberté de choix de transport, on aménage en fonction de l'automobile.

Puis, deuxièmement, à Montréal, dans la partie centrale de la CUM, où le potentiel de développement du vélo est bien plus grand que ce qui est actuellement... Il est énorme, le potentiel de déplacement à vélo dans le centre de la CUM. Et il y a plein de gens qui ne peuvent pas choisir la bicyclette parce qu'ils ont peur dans la rue. Donc, ce n'est pas aussi clair que ce que vous dites, la liberté de choix.

M. Bordeleau: Bien, il y a des gens qui ne veulent pas en faire, de vélo, on doit respecter ça aussi.

M. Boulais (Christian): Ça va. Vous avez un bon 20 % des automobilistes, ils ne lâcheront jamais leur automobile.

M. Bordeleau: Il y a des personnes âgées qui ne prendront pas le vélo pour... Elles ont une automobile puis elles vont voyager, elles se sentent plus sécuritaires. Il faut respecter ça aussi.

M. Boulais (Christian): Bien, écoutez, certainement, mais il y a une partie des déplacements en automobile qu'on ne pourra jamais éliminer parce qu'ils ne peuvent pas se faire autrement, même dans les meilleures conditions. Une personne âgée, certainement. Déménager un frigidaire, faire ça à vélo, ça ne se fait pas. Mais il y a des déplacements qui se font en auto, actuellement, qui pourraient se faire autrement qu'en auto, mais les gens n'ont pas le choix.

M. Bordeleau: Bien, ça, il faut convaincre les gens de le faire. Puis je suis d'accord avec vous qu'il faut réaménager, mais réaménager des choses, ça ne se fait pas du jour au lendemain, ça.

M. Boulais (Christian): Il n'y a personne qui dit que ça se fait du jour au lendemain.

M. Bordeleau: Et puis il va falloir qu'on regarde toujours une cohabitation entre les trois: les automobilistes, les piétons et les cyclistes.

M. Boulais (Christian): Certainement. Sauf que là il faut quand même ouvrir des perspectives. Quel genre de système de transport serait le plus souhaitable pour une société? Il n'est certainement pas basé sur l'automobile. On essaie d'accommoder la croissance de l'usage de la voiture depuis des décennies puis on n'arrive pas à régler les problèmes, on ne fait que les grossir. Mais ce que je vous dis, là, c'est que...

Puis par rapport aux trains... Dans la même lignée, l'achalandage des trains de banlieue, c'est quand même intéressant. Parce que vous parliez avec des gens au ministère des Transports, des responsables, on entendait parler ou, enfin, on avait des conversations, les gens, selon les responsables, l'automobile, c'est pareil comme s'il n'y avait pas moyen de sortir les gens de leur auto puis ce n'est pas vrai. Les trains de banlieue, ça a été une surprise pour tout le monde, l'attrait des trains de banlieue. Donc, il y a une partie, c'est évident. En améliorant l'offre de transport en commun, on attire du monde. Mais généralement c'est à long terme, puis c'est évident que ce n'est pas du jour au lendemain.

Mais, si à long terme on a des objectifs au niveau des transports pour réduire la pollution, pour réduire les coûts de transport, bien, il va falloir envisager à terme la carotte et le bâton pour sortir les gens de leur automobile. Mais l'idée, c'est de ne pas s'adresser aux automobilistes, c'est de s'adresser aux citoyens, que, comme société, on se dit: L'automobile, là, ça a une utilité puis on ne pourra pas la remplacer pour bien des utilisations, mais, si on veut réduire l'usage de la voiture, comme société, il va falloir décider qu'on réduit les stationnements au centre-ville puis qu'on force un peu les choses. Mais à court terme, là, je suis d'accord, il faut commencer par parler de ça, que le système de transport peut être autre chose que ce qu'il est, parce que les gens ne le savent pas actuellement, ils ne connaissent pas les alternatives.

Dans notre groupe – juste pour finir là-dessus – il y a des membres qui ne pensaient pas qu'on pouvait se déplacer sur 5 km en vélo, ils ne savaient pas ça. C'est moi qui ai fait découvrir ça à du monde qu'on peut se déplacer de 5 km à vélo. Il n'y a rien là. Ils ne le savaient pas. Puis c'est du monde de mon âge, 40 ans, 38 ans. Je veux dire, promouvoir les alternatives automobiles, ça va passer par un débat public, il va falloir qu'on en parle vraiment, des alternatives.

M. Bordeleau: Tout à fait. Alors, moi, je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Boulais, d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer pour nous faire part de vos commentaires.

M. Boulais (Christian): De rien, ça m'a fait plaisir.

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite le prochain intervenant, M. Paul A. Bourque, un citoyen de Lachine.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, M. Bourque.

M. Bourque (Paul A.): Merci.

Le Président (M. Lachance): Hélas, le temps est limité. Vous avez 10 minutes pour nous faire part de vos commentaires avant d'entreprendre les échanges.


M. Paul A. Bourque

M. Bourque (Paul A.): Écoutez, je vais prendre un autre texte, je vais couper quelques phrases dans mon texte parce que, sinon, je vais être obligé de reprendre une quinzaine de minutes. Alors, s'il y a des questions, on pourra par après y aller.

Le Président (M. Lachance): Tout à fait.

M. Bourque (Paul A.): Aussi, je vais mentionner que je ne mentionnerai pas, dans le texte toujours, les mots de «virage à droite au feu rouge» à chaque fois parce que ça va prendre encore plus de temps.

Alors, depuis plusieurs années déjà, le virage à droite alimente les conversations. Ça suscite des débats passionnés où les thèses pour et contre sont mises de l'avant. Depuis plusieurs années, je fais des recherches sur le virage à droite. Aujourd'hui, je dépose le document pour décrire les mythes et les réalités.

En octobre 1991, le quotidien Le Soleil publiait un article intitulé Le virage à droite, ce n'est pas demain la veille. Je suis convaincu que la majorité des lecteurs n'ont pas fait de vérification des énoncés. C'est ici une réaction typique de la majorité silencieuse: on met rarement en doute ce qui est écrit. En passant, j'ai fait une correction pour le texte, si les personnes veulent, j'en ai déposé une quantité, là, c'est tout le texte au complet sans modification.

Une voix: On l'a distribué.

M. Bourque (Paul A.): Merci beaucoup. Alors, on dit que l'Ontario est à reconsidérer le virage à droite. C'est faux. Ils analysent toutes les données d'accidents et implantent les mesures correctives pour améliorer la sécurité routière mais ne remettent pas en question le virage à droite. En Europe, c'est défendu. C'est faux. Il faudrait plutôt dire que le virage à droite n'est pas répandu. On pense toujours à Paris ou des villes où le monde vont aller.

Il faudrait aussi mentionner que le système de contrôle du trafic est aussi différent. Les feux de circulation sont en amont et non pas en aval, par exemple. En Europe, on ajoute une lentille avec une flèche rouge pour permettre un virage après l'arrêt, ou un feu jaune avec une flèche. Donc, on interdit le virage à droite sur le feu rouge, mais on accorde une permission de le faire en ajoutant des flèches. On utilise tout simplement une autre méthode.

Au Québec, plusieurs municipalités installent une lentille avec une flèche de virage jaune, au feu rouge, pour permettre le virage à droite. Je n'ai pas vu de contestation sur cette pratique. Est-elle légale? Est-ce qu'on a étudié l'impact du côté sécurité?

Un autre point qui a été mentionné dans les entrevues, c'est que des études récentes ont indiqué que les juridictions remettent en question le virage à droite. Par contre, on ne mentionne pas le nom des juridictions ni les études. À ma connaissance, il n'y a pas de documentation à ce propos, et j'ai demandé aux personnes qui ont fait ces commentaires de me fournir les documents et je les attends encore.

Les études mentionnées sont des études antérieures à 1984. Pourquoi, s'il y a des problèmes, n'y a-t-il pas de nouvelles études démontrant les problèmes et les solutions envisagées pour les corriger? Pourquoi n'y aurait-il pas des modifications, s'il constitue un réel problème de sécurité?

Il est certain qu'il y a une augmentation du taux d'accidents des virages à droite sur feu rouge lorsqu'on permet ce mouvement. Par contre, il faut prendre en considération tous les éléments et aller plus loin dans l'analyse que de simplement dire qu'un accident, c'est trop et qu'il ne faut pas permettre le virage à droite. Un exemple: les ceintures de sécurité, ce n'est pas toujours bénéfique, la même chose pour les sacs gonflables. Par contre, les avantages l'emportent sur les inconvénients. Le bilan est positif. Ne peut-il pas en être ainsi avec le virage à droite sur feu rouge?

Un autre exemple, les feux de circulation. Ceux-ci réduisent certains types d'accidents: ceux qui sont plus importants que les accidents causés par les feux de circulation. Par contre, dans le cas d'un virage à droite sur feu rouge, ceux qui sont contre limitent leur analyse et ne veulent pas prendre en considération tous les aspects de la question. Il s'agit d'un plaidoyer plutôt que d'une analyse.

La ville de New York soutient qu'elle a trop de piétons. Ça, c'était en 1991, dans l'article du journal. Alors, j'ai vérifié avec Mme Morgenbesser et j'ai demandé: Si vous avez tant de piétons, vous devez donc interdire les virages à droite à plusieurs intersections au feu vert? Et la réponse fut: On a aussi trop de véhicules. Donc, il y a un conflit avec les véhicules sur les feux verts. New York est la seule ville dans l'État, comparée aux autres villes de l'État de New York, qui a un bilan négatif concernant les statistiques d'accidents de piétons.

Un autre point qui n'est pas mentionné – et puis ça, c'est récemment – c'est qu'ils ont commencé à permettre le virage à droite au feu rouge à quelques intersections – j'avais dans mon texte, ici, là je vais le mentionner, c'est monsieur... – une centaine. Par contre, il n'y a pas grand monde qui mentionnent ça.

Au Québec, on dit que les conducteurs ne respectent pas les piétons parce qu'on ne respecte pas les lois et qu'on est latins. Alors, si c'est ça, pourquoi on a un des meilleurs taux du port de la ceinture de sécurité?

Un autre point qui n'a pas été mentionné, c'est de redonner le feu vert aux piétons. C'est ici qu'on peut démontrer les raisons les plus avantageuses pour les piétons. Lorsqu'on ne peut pas tourner à droite sur les feux rouges, on crée des conflits avec les piétons sur les feux verts. Toutes les études s'entendent pour dire que des accidents avec piétons sur virages à droite sur feu vert sont beaucoup plus graves que les accidents avec virage à droite sur feu rouge.

Alors, pour améliorer la sécurité des piétons au Québec, on est en train de changer toute la norme des feux de circulation. Alors, au Québec, on installe des feux de circulation avec des flèches tout droit, des boutons d'appel pour que le piéton puisse avoir son temps de traverse exclusive. Souvent, le piéton fait l'appel et traverse avec la main qui empêche de traverser. Et, lorsque la silhouette blanche apparaît, il n'y a plus de piéton, il a déjà terminé sa traversée. Il y a aussi des feux de piétons sur feu rouge, 24 heures par jour, même s'il n'y a pas de piéton. Au Québec, le piéton doit demander la permission de traverser en appelant le bouton. Est-ce normal? Et où est l'uniformité? Avant d'apporter toutes sortes de solutions, a-t-on seulement identifié le problème? Et surtout, si on ne connaît pas la cause, comment peut-on la guérir?

(16 h 50)

Dans les manuels américains et canadiens de signalisation, on indique que l'on devrait afficher un temps de dégagement pour piétons aux feux de circulation. Ce qui veut dire que, si un piéton ne peut compléter sa traversée au temps d'un feu jaune, on devrait lui indiquer un temps de dégagement adéquat par d'autres moyens. Donc, on retrouve des feux de piétons à pratiquement tous les carrefours dans les autres villes.

Au Québec, qu'en est-il? Est-il normal de ne pas avoir de feux pour piétons pour traverser le boulevard René-Lévesque aux coins de Guy, Université, Saint-Hubert, Union, la rue Sherbrooke au coin de la rue Saint-Hubert, ou les rues Christophe-Colomb et Jean-Talon. Il n'y a pas de feux de piétons. À Montréal, il y a deux tiers des carrefours qui n'ont pas de feux de piétons. Lorsqu'on pense au virage à droite sur feux rouge, le coin de Peel–Sainte-Catherine, ce n'est pas la province de Québec, ça. On pense tout de suite que c'est ça puis que c'est la province de Québec.

Si un conducteur n'a pas le droit de tourner à droite sur feu rouge, qu'est-ce qu'il fait? S'il n'a pas eu le temps de tourner sur le feu vert, et ce, à plusieurs reprises, parce qu'il y a tant de piétons, il va devenir stressé puis finalement va décider de tourner sur le feu vert malgré le piéton, et il va y avoir des conflits. Avec le virage à droite sur feu rouge, je crois que le conducteur va céder plus volontiers aux piétons sur les feux verts, car il sait qu'à la fin du feu vert il va pouvoir tourner sur le feu rouge.

Les cyclistes. Est-ce que le cycliste a le droit de traverser sur le feu rouge? Donc, s'il continue tout droit, il n'est pas supposé de continuer sur le feu rouge tout droit. Alors, je crois que le virage à droite sur feu rouge va éduquer automobilistes, piétons et cyclistes. Alors, ne dit-on pas que dans les autres provinces les piétons sont plus respectés qu'au Québec? Alors, ailleurs le virage à droite est permis.

Voici un rappel de quelques études qui ont été émises par d'autres intervenants. L'Insurance Institute, en 1980, projetait une augmentation de 20 % avec le virage à droite sur feu rouge, soit 20 000 véhicules et 1 400 piétons. Il faut bien se rappeler que cette étude était sur l'attribution des accidents causés par le changement de quatre États du «Eastern rule» au «Western rule» et de deux États qui n'avaient pas de virage à droite. Alors, pour clarifier, le «Western rule», c'est la permission partout sauf indication contraire, et l'«Eastern rule», c'est la permission seulement lorsque c'est indiqué. Alors, les résultats montraient une augmentation de 20 % des accidents et de 57 % pour les piétons après l'installation du virage à droite généralement permis, le «Western rule».

L'étude AASHTO a été référencée dans l'étude de l'Institut, mais rejetée. Les résultats d'augmentation étaient semblables dans les deux cas et démontraient une réduction totale à l'intersection. Les résultats de ces études démontraient qu'il n'y avait pas de conséquence sur la sécurité, mais plutôt un changement de répartition avec une réduction de 5,5 % des accidents aux carrefours. L'étude AASHTO impliquait plus de 1 400 intersections et démontrait une augmentation de 28 %.

Le Président (M. Lachance): Le temps file rapidement.

M. Bourque (Paul A.): Oui. Alors, au lieu de mettre l'emphase sur le 28 % des accidents causés par le virage à droite, on aurait pu démontrer les avantages de la réduction de 5,5 %. Or, ce qui veut dire que, si les autres mouvements d'intersection causent 98 % et plus des accidents, on aurait eu une diminution, avec une réduction totale, qui aurait donné un bilan positif 13 fois plus grand.

Alors, les commentaires de l'ITE. À Cedar Rapids, au Michigan, la ville était contre en 1971, et, eux autres, ils avaient l'«Eastern rule». Et puis, en 1981, lorsqu'ils ont adopté le «Western rule» en 1974, 99 % des intersections avaient le virage à droite permis. À San Francisco, la même chose, ils ont juste 13 approches sur 4 000 qu'ils défendent. Il ne faut pas oublier que les feux de circulation, aussi, s'ils ont été faits, ce n'est pas pour le virage à droite. Les feux de circulation, c'est pour traverser la rue. Alors, c'est la même manoeuvre qu'on fait lorsqu'on tourne à droite sur un feu rouge que pour un stop. Alors, si ont dit que les personnes ne respectent pas le virage à droite sur feu rouge, ne font pas leur stop complet, c'est la même chose dans le cas des stops.

Aussi, le forum de l'ITE, eux autres, dans certains cas, c'est des professionnels. L'Association, c'est comme un médecin, lorsqu'elle émet des opinions, elle est respectée. Alors, ils ont supporté, ils ont dit qu'il fallait avoir des critères. Les critères sont établis par Federal Highway – je ne vais pas les énumérer, faute de temps, là, mais on pourrait en parler tantôt – il y a des critères pour savoir où les défendre.

Et puis, au Québec, il ne faut pas oublier qu'on est la neuvième province sur le bilan de la sécurité. La moyenne canadienne est de 1,8 % puis le Québec est de 2,2 %. Alors, l'Ontario, exemple, qui permet, a un bilan qui est de 46 % meilleur que nous autres. Mais certains disent qu'on ne peut pas comparer ces statistiques-là. Alors, le dernier rapport que j'ai eu, c'est le rapport de 1994 du Federal Highway qui a conclu que le taux d'accidents pour le virage à droite était de 0,5 % et le taux de fatalités/blessures de 0,6 %.

Et la conclusion finale, c'est qu'il y a un nombre relativement petit des décès et blessés chaque année causés par les virages à droite. Ça représente un très petit pourcentage et, compte tenu du nombre d'accidents, c'est un impact minime, très petit.

Alors, lorsque des personnes sont d'accord pour apporter des changements aussi, elles n'ont pas besoin de faire des représentations. J'appelle ça la majorité silencieuse. Par contre, celles qui sont contre, elles vont monter aux barricades. Elles sont contre, elles vont y aller tout de suite. Alors, j'ai remarqué deux sondages ici: Léger & Léger dans Le Journal de Québec et CAA. On parle d'être pour à 65 % et à 74 %. Or, je ne crois pas que les Québécois soient moins matures que les autres et nous devrions aller de l'avant avec le virage permis, sauf si une signalisation l'interdit.

J'ai aussi donné mon point de vue sur les autres points, mais je ne pense pas que, faute de temps... Je serais prêt aux questions plus que d'autres choses, puis, s'il y a du temps, bien, on pourra continuer.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Bourque.

M. Bourque (Paul A.): Merci.

Le Président (M. Lachance): C'est un mémoire avec une argumentation cartésienne. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Bien, moi, je voudrais vous féliciter d'avoir fouillé votre dossier, premièrement, et, deuxièmement, de le présenter de bon ton. Je trouve qu'il y a des choses très intéressantes dedans à regarder. Il y a des suggestions. C'est assis sur certaines études. Je suis convaincu que mes collaborateurs trouveraient qu'il y en a certaines qui sont plus douteuses les unes que les autres, mais que dans l'ensemble il y en a des bonnes. Ha, ha, ha! Mais, dans l'ensemble, effectivement, c'est fouillé, ça nous donne au moins les sources où vous avez puisé pour avancer vos dires. Et, moi, je trouve ça fort intéressant.

Est-il exact que l'Institut de transport, je ne sais pas trop quoi, Énergie...

M. Bourque (Paul A.): L'ITE.

M. Chevrette: L'ITE, c'est-u la dernière version qu'ils ont eue? On me dit qu'il y en a eu trois au cours des 20 dernières années. Est-il exact?

M. Bourque (Paul A.): Oui, il y a eu plusieurs versions. Disons que c'est un institut comme l'Ordre des médecins, c'est des ingénieurs en trafic, et puis ils vont souvent regarder certaines choses. La dernière publication dans la revue, ils ont redemandé à tous leurs membres si... L'Institut a regardé à nouveau les virages à droite au feu rouge et puis, dans le questionnaire, c'était 85 % qu'on ne devrait même pas regarder, c'était comme une chose acquise, il n'y a aucun problème. Il y avait d'autres problèmes beaucoup plus sérieux auxquels s'attaquer que le virage à droite au feu rouge. Alors, c'est la revue de juillet 1999 qui a dit ça.

Il y a certaines personnes qui ont déjà dit: Oui, mais l'Institut a déjà même évalué de continuer tout droit à un feu rouge. Disons que c'est des personnes qui ont amené ça: La nuit, on devrait continuer tout droit. Alors, vu que l'Institut a regardé ça, ils ont dit que l'Institut n'était pas crédible. Mais ça n'a pas été long. Ça a pris deux mois et ils ont dit: On ne devrait pas regarder ça, on met ça de côté. On ne devrait pas continuer tout droit au feu rouge, point à la ligne. Mais des personnes disent: Vu qu'ils ont fait ça, ils ne sont pas crédibles. Alors, au lieu de dire qu'ils ont regardé ça puis ils ont rejeté ça immédiatement, je pense qu'il faut dire toute la vérité.

M. Chevrette: Vous dites que le port du casque devrait être obligatoire pour les enfants de 14 ans et moins.

M. Bourque (Paul A.): Oui. Moi, je porte le casque, pas toujours, disons quand je vais aller sur une grande distance. Mais, si je vais chercher quelque chose au dépanneur sur le coin de la rue, je ne mettrai pas mon casque pour ça. Mais, si je vais sur une piste cyclable et que je vais faire une randonnée ou je vais aller même, disons, faire le Tour de Montréal, je vais mettre le casque certainement.

Mais je pense que c'est comme au hockey. On devrait commencer peut-être petit d'encourager... par les jeunes – comme les jeunes, maintenant, tout le monde porte un casque – et, lorsqu'ils ont eu l'habitude, ils continuent. Ensuite de ça, tous les événements, je crois, qu'on peut obliger les choses et encourager. Et puis j'ai vu, dans les débats, que les autres... C'est que, à mesure que les personnes vont l'avoir, ça va devenir que les autres vont sentir qu'ils ne sont pas normaux s'ils n'ont pas leur casque. Mais je pense que, par l'exemple, ça serait la meilleure chose.

Je suis certain qu'il y a plusieurs personnes qui ne porteront pas le casque. Et, ensuite de ça, on parle d'application de la loi. Je pense que l'application, on parle d'identité. Ça, c'est un autre problème. On a eu la carte d'identité. Il y a eu une commission, j'ai déposé un mémoire là-dessus, la commission D'Amours. Je crois qu'on pourrait avoir la carte d'identité pour bénéficier en sécurité routière. Parce que, si les personnes ont une carte, elles vont peut-être faire plus attention et puis tout ça. Mais ça, c'est un autre débat. Je ne voudrais pas prendre tout mon temps là-dessus aujourd'hui.

M. Chevrette: O.K. Ce que je trouve particulièrement intéressant... Je veux revenir deux secondes au virage à droite, parce que, dans les faits, il y a certaines réactions. Les gens pensent, parce qu'on a écrit «virage à droite», qu'on enlève toute signalisation. Là, ça serait vraiment irresponsable.

M. Bourque (Paul A.): Effectivement.

M. Chevrette: Et, au contraire, vous avez donné l'exemple de Montréal, en particulier, où, à certaines intersections extrêmement dangereuses, la ville même n'a pas de signalisation pour ses propres piétons. Et elle se prononce d'autre part contre un virage à droite où on devrait respecter la signalisation. Les autres...

(17 heures)

M. Bourque (Paul A.): Moi, je ne comprends pas. Peut-être parce que je travaille beaucoup avec le personnel de Montréal pour essayer d'améliorer ça avec les feux de piétons. Mais, quand on dit qu'ils ont seulement le tiers des carrefours qui ont des feux de piétons à Montréal et puis qu'ils disent qu'ils sont pour la sécurité des piétons, moi, je dis que, pour un piéton, on devrait leur indiquer s'ils sont capables de compléter à traverser sur un feu vert.

Alors, il y a plusieurs approches là-dessus. Si on va ailleurs, il y en a pratiquement partout. Si quelqu'un ne peut pas traverser sur un feu jaune d'automobile – il est peut-être à cinq secondes – un piéton certainement qui s'engage à la fin d'un feu vert, il va être sur un feu rouge. Puis c'est là qu'il y a des accidents. C'est que le piéton va traverser un grand boulevard. Il y a une personne qui est arrêtée de l'autre côté. Quand il va compléter, surtout le soir, un automobiliste va être arrêté, l'autre dit: Pourquoi il est arrêté à un feu vert? Il va dépasser par la droite, puis c'est là qu'il y a des accidents, et ça arrive très souvent. J'en ai vu à des endroits. Des sorties de métro, par exemple, au coin de Saint-Michel et Shaugnessy, il y a eu des morts, il n'y a pas encore de feux de piétons là, des rues où il devrait y en avoir.

Je trouve ça aberrant. Ensuite de ça, on va dire que c'est de l'argent. Par contre, on va investir peut-être 1 000 000 $ pour augmenter le temps de sept secondes à neuf secondes pour avoir notre flèche tout droit, puis c'est une cacophonie incroyable. Et on ne regarde pas ailleurs ce qui se fait et pourquoi ils ont des succès, et peut-être que le virage à droite, c'est une solution.

Moi, si, à un feu rouge, le piéton, il est là à un feu rouge, il n'a pas le droit de traverser... Et je respecte le piéton sur les feux verts. Mais, à la fin d'un feu vert, il n'y en a plus, de piéton, parce que le piéton, il n'a plus le temps de s'engager pour compléter. Donc, l'automobiliste qui est en avant, le premier, lui, va dire: Moi, je respecte le piéton, pas de problème. Au moins, moi, je suis certain que je vais pouvoir tourner sur le feu rouge, au moins, moi. Alors, le deuxième, ça va être son tour. Donc, on enlève le stress à l'automobiliste. Et le piéton qui a déjà commencé à traverser sur le feu rouge va dire: Oups! Comme on dit, on porte respect d'un à l'autre. Il va me donner mon feu vert parce que, sur le feu vert, il va me laisser parce qu'il sait qu'il va pouvoir tourner sur le feu rouge.

Alors, c'est là que je dis que le respect est là. Puis, lorsqu'on va ailleurs, on dit: Comment ça se fait que le piéton est respecté? On ne regarde pas pourquoi. Moi, j'appelle ça du nombrilisme, là. On se parle entre nous autres puis on dit: Ça n'a pas de bon sens, etc. On met des choses avec des minutes pour dire combien de temps il reste à traverser. Ça donne quoi de plus?

M. Chevrette: Au niveau du cinémomètre, vous êtes le deuxième, aujourd'hui, qui parlez d'un encadrement si jamais il y a utilisation. Ça m'intéresse beaucoup, ça. Sans doute qu'on ira dans un genre d'approche, à peu près ce que vous proposez, puis probablement sur des expériences-pilotes, mais on verra.

Sur la conduite avec les facultés affaiblies, vous dites: Statu quo, avec un peu plus de muscle pour le 0,16. Conducteur professionnel: camion lourd, autobus, taxi, qu'est-ce que vous proposez?

M. Bourque (Paul A.): Bien, comme je n'avais pas grand temps pour mon mémoire, c'est pour ça que je n'ai pas mis grand-chose. Mais, pour les professionnels, je crois que ça devrait être une tolérance zéro. Lorsqu'on parle des chauffeurs d'autobus avec les camions avec matières dangereuses, les camions, les chauffeurs de taxi, je crois que ça devrait être aucune tolérance. Comme on dit – j'ai entendu les autres intervenants et j'ai lu les rapports – si on parle de 0,04, l'industrie de l'hôtellerie et puis des choses, là, qui ont fait leur rapport, c'est que ça ne prend pas grand temps pour qu'une personne ait pris un verre de vin et qu'elle vient dépasser.

Puis l'applicabilité, je pense, de ça: il faut vivre, dans un mot... de qualité de vie aussi puis de laisser vivre. Je pense que le problème, ce n'est pas en bas de 0,08 ou autour de 0,08, je pense que c'est ceux qui sont... On regarde les rapports de fins de semaine, c'est 0,21 et plus. C'est là qu'est le problème et le récidivisme.

Il y a un problème aussi de récidivisme. C'est que, lorsqu'ils sont condamnés, ils vont conduire pareil. Je ne veux pas élaborer là-dessus, mais disons que je pourrais donner mon opinion dans d'autres temps. Je pense que c'est un autre problème, ça, que les personnes conduisent sans permis valide.

M. Chevrette: Vous avez affirmé que la ville de New York avait commencé à autoriser le virage à droite.

M. Bourque (Paul A.): Oui.

M. Chevrette: Avec quels moyens? À quel type d'intersection?

M. Bourque (Paul A.): C'est permissif. Disons que la ville de New York, je ne veux pas présumer de l'intention, de la raison pourquoi ils n'en parlent pas, mais c'est en vérification à un énoncé que je faisais pour les statistiques d'accidents, la semaine dernière, avec M. Popolizio, qui me disait finalement que, eux, ils ont commencé à permettre à certains endroits. Ils en ont une centaine présentement.

Mais, si on regarde les commissaires dans les années soixante-dix, soixante-douze, il y avait le commissaire qui était complètement contre, si on lit les études. Puis je ne veux pas présumer non plus les intentions, mais, lorsque le grand boss dit: Je suis contre, puis la ville de New York avait un certain poids, est-ce que c'était un expert en circulation ou c'était quelqu'un aussi – comme on dit, il y a toutes sortes de catégories – on a une opinion, ça ne veut pas dire qu'on est expert dans tout.

Alors là ils sont pris avec le problème. Comme la ville de Boston sont pris dans d'autres circonstances avec un problème, lorsqu'ils ont fait des traverses de piétons avec...

M. Chevrette: ...ils vont avoir de la misère.

M. Bourque (Paul A.): ...traverses exclusives à la ville de Boston, c'est-à-dire que le piéton, c'était des temps exclusifs pour les traverses de piétons. Et ils ont dit: Embarquez-vous pas là-dedans, vous n'allez avoir que des problèmes. Alors, je pense qu'il faut aller voir ailleurs qu'est-ce qui se passe avant de réellement trancher et de voir réellement le fond de l'histoire.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Je vous remercie. Je veux également vous féliciter pour votre mémoire. Je pense que vous avez fait quand même beaucoup de recherche et mis beaucoup de données qui mériteraient d'être regardées de façon plus approfondie. Il y a beaucoup de chiffres et beaucoup de références qui me paraissent fort intéressants.

Je veux revenir sur la question des feux de piétons. Effectivement, je demeure à Montréal et je pense qu'il y a un gros problème là puis il y a déjà des améliorations qui sont possibles tout simplement pour améliorer... dans les endroits où il y a des intersections dangereuses, de mettre des feux qui sont à l'usage exclusif des piétons, c'est-à-dire qui ont un temps pour traverser, et on réglerait une bonne partie du problème de ce côté-là.

Dans votre mémoire, vous faites référence quand même à plusieurs choses. Puis vous le dites, là, par exemple, le virage sur le feu rouge permet de dégager plus rapidement la chaussée pour que, quand le feu vert va arriver, les piétons puissent traverser en meilleure sécurité. Il y a d'autres avantages qui nous ont été mentionnés sur l'accélération du transport en commun, par exemple, où des automobiles bloquent l'autobus qui est pris cinq voitures en arrière, qui doit attendre d'arriver au coin, que toutes les autres soient passées. Donc, étant bloqué sur le feu rouge...

Mais il y a quand même beaucoup de craintes des citoyens par rapport à... Je pense qu'il y a beaucoup de mauvaise compréhension aussi, mais il reste que la réalité, actuellement, là... Vous avez donné des sondages qui donnent une majorité en faveur du feu rouge, mais la semaine dernière – oui, je pense que c'est la semaine dernière – j'écoutais, à l'heure du midi, à Radio-Canada, il y avait une discussion puis on parlait justement du virage au feu rouge et il y avait... Bon.

Évidemment, ça n'a rien de scientifique, là, les gens appellent, mais, sur à peu près 10 appels qui ont été faits, tout le monde émettait des craintes. Il y a deux personnes, je pense, de la région de l'Outaouais, qui ont appelé pour dire qu'elles étaient favorables. Mais tous les autres, c'est une espèce de réaction émotive et viscérale; ils sont contre puis ils prennent pour acquis que c'est dangereux pour les citoyens. Bon. Évidemment, on dit que, si on s'en va puis on adopte une mesure comme ça, il faudra faire une campagne d'information pour sécuriser les gens parce que ça, ça demeure tout le temps.

Dans vos données, vous faites référence aux deux sondages de Léger & Léger – mais, quand même, je regardais, il y en a un qui date de 1989, l'autre, de 1999 – où on donne des majorités pour. Dans le cas du sondage de 1989: 74 %, dans le cas de 1999: 65 %. Je me demandais: Est-ce que je me suis trompé? Est-ce que le ministre devait nous présenter les résultats d'un sondage, à un moment donné, récent sur cette question-là?

M. Chevrette: Oui, de septembre-octobre 1999. C'est récent, puis je vais le rendre public demain.

M. Bordeleau: O.K. Parce que, au fond, le sondage auquel vous faites référence, si je comprends bien, c'est février 1999.

M. Bourque (Paul A.): Oui. Lorsque... Je ne sais pas si vous avez complété.

M. Bordeleau: Oui. Mais, vous, c'est septembre.

M. Chevrette: À octobre.

M. Bordeleau: 1999.

M. Chevrette: Ça fait à peine trois mois.

M. Bordeleau: O.K. Dans votre document, vous faites référence à deux chiffres puis j'aimerais juste préciser. À la page 6, vous dites: «Les résultats de ces études démontraient – dans le bas de la page, là, souligné – qu'il n'y avait pas de conséquences sur la sécurité mais plutôt un changement de répartition avec une réduction de 5,5 % du total des accidents aux carrefours.»

C'est des accidents qui impliquent des personnes? C'est quel genre d'accidents auxquels on fait référence?

M. Bourque (Paul A.): C'est le nombre d'accidents, tous accidents confondus, tous les accidents, au total.

M. Bordeleau: Ça peut être voiture à voiture, sans blessés...

M. Bourque (Paul A.): Exactement, et incluant les piétons. Il ne faut pas oublier que les piétons qui sont frappés sur le feu vert, c'est aussi un accident, ce n'est pas seulement le mouvement d'un virage à droite sur feu rouge. Si on évite un accident du virage à droite sur le feu vert, il faut le calculer aussi. Alors, s'il y a une réduction de celui-là, par contre, on va augmenter les accidents sur le mouvement d'un virage à droite sur le feu rouge, puisqu'il n'y en avait pas avant. Donc, s'il y a plus de mouvement, il y a potentiellement plus d'accidents pour ce mouvement-là.

Mais il faut regarder, quand on fait une action, qu'est-ce que ça va avoir comme impact sur les autres. Alors, les carrefours où il y a beaucoup plus d'accidents, ils ont une réduction totale, et puis ces accidents-là sont beaucoup plus graves que quelqu'un qui va se faire accoter, disons, un bras. C'est rare qu'il va y avoir des morts, disons, dans des accidents de piétons. On parle peut-être d'un très, très petit pourcentage. Même aux États-Unis, c'est quelques piétons, disons, et puis ce n'est pas à cause du virage à droite sur le feu rouge.

(17 h 10)

Alors, il faut bien, je pense, faire attention, quand on regarde les statistiques, c'est quoi, au juste. Il faut tout regarder. Comme dans les sondages aussi, la même chose. Ça dépend, le sondage. C'est comment la question est dite: Êtes-vous pour le virage à droite sur feu rouge?

Quand on dit, la première chose, que les virages à droite peuvent causer des accidents aux piétons, même moi, si je ne suis pas un expert, je vais dire ça, si ça peut causer un accident aux piétons, je vais dire non, je vais être contre. Alors, il faut bien faire attention à comment on va faire un libellé de sondage ou quoi que ce soit. Parce que je pourrais vous amener à dire quelque chose que vous n'êtes pas d'accord avec, avec une suite logique de questions.

M. Bordeleau: Votre prétention, c'est que, quand on regarde les accidents que ça peut causer versus les accidents qu'on a pu éviter, quand on met tout ça ensemble, vous arrivez à la conclusion qu'il y a une réduction de 5 % des...

M. Bourque (Paul A.): Un bilan positif, comme on dit. Comment calculer un accident qu'on a sauvé? C'est très difficile, par exemple. Un accident, ça, on ne peut pas faire ça. On peut juste calculer le nombre qu'on a d'accidentés. Mais, si on regarde ce qu'on sauve à l'intersection, on parlerait d'un bilan positif 13 fois meilleur que ce que ça a causé. Alors, c'est là que... Comme la ceinture de sécurité et les sacs gonflables. Ça va peut-être causer un mort, mais ça va en sauver 20, 25. Donc, on en sauve, au bout de la ligne.

M. Bordeleau: O.K.

M. Bourque (Paul A.): La même chose quand on dit... Il y a des personnes qui ont dit: Ça va prendre des panneaux, c'est effrayant, partout à la ville de Montréal, ça va en prendre. J'ai vérifié encore cette semaine la ville d'Edmonton, parce qu'ils ont cité des villes comme Edmonton, Vancouver, Ottawa, etc. La ville d'Ottawa, sur... Attendez un petit peu, je vais mettre mon âge, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourque (Paul A.): La ville d'Ottawa a exactement 876 carrefours. Ils ont 29 interdictions de tourner à droite, et puis ça, ce n'est pas toute la journée. Des fois, c'est juste l'après-midi, entre telle heure et telle heure. La ville d'Edmonton, ils ont 810 intersections avec des feux de circulation. Ils ont 10 prohibitions de tourner à droite.

Alors, quand on dit, à Montréal, un exemple – ils disent qu'ils ont des problèmes de piétons, etc. – s'ils ne posent pas de feux de piétons, donc il y a le deux tiers des intersections qui n'auraient pas de problème en partant, et puis, dans l'autre tiers où il y a des feux de piétons, si on calcule qu'ils vont interdire peut-être une vingtaine de pour cent, comme ils peuvent l'indiquer, on parle peut-être d'une centaine d'intersections multipliée par le nombre de panneaux, on pourrait parler peut-être d'environ 25 000 $, mais pas 1 000 000 $. Ça, ça me surprendrait énormément. À moins qu'ils décident: On met des panneaux partout puis on regarde par après.

M. Bordeleau: Parfait. Moi, je vous remercie.

M. Bourque (Paul A.): Merci beaucoup...

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Bourque, pour votre participation aux travaux de la commission.

M. Bourque (Paul A.): Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite les représentants de Guardian Interlock Systems Corp. à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, monsieur. Le ministre s'excuse. Il doit placer un appel de façon urgente. Alors, nous allons attendre quelques instants. Il nous a promis que ça ne serait pas long.


Guardian Interlock Systems Corp.

M. Mercure (Jean-Claude): Mais il n'y a pas d'offense, étant donné que votre intervenant de l'heure, à 16 heures, qui n'a pas utilisé son temps, m'a confié le 15 minutes qui lui restait.

Le Président (M. Lachance): Ce n'est pas tout à fait comme ça que ça se passe ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): C'est une bonne tentative, hein? Ça serait à peu près, monsieur, comme lorsqu'un député se fait élire par plusieurs milliers de voix. Il pourrait dire: Bien, je vais en garder pour la prochaine fois. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Alors, vous pouvez y aller, M. Mercure. Si vous voulez vous identifier, pour le bénéfice du Journal des débats , ainsi que la personne qui vous accompagne.

M. Mercure (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Mon nom est Jean-Claude Mercure. Je représente la compagnie Guardian Interlock Systems de Toronto. Je suis accompagné par Anice Mercure, ma fille, qui est vice-présidente d'Alcocheck inc.

M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, nous désirons, en premier lieu, vous remercier de l'opportunité que vous nous donnez de venir partager avec vous les fruits de l'expérience vécue, depuis deux ans, dans la gestion d'une des principales mesures du projet de loi n° 12, à savoir le permis restreint.

Afin de bien situer le contexte de cette intervention, il est essentiel de vous décrire en quelques mots qui nous sommes. Guardian Interlock Systems, par sa filiale GIS Québec, gère en exclusivité pour la SAAQ, depuis le 1er décembre 1997, le programme de pose et de surveillance des dispositifs détecteurs d'alcool – que vous pouvez appeler antidémarreurs, tout simplement, dans la discussion future – installés dans les véhicules de personnes détentrices d'un permis restreint aux termes de l'article 76 du Code de la sécurité routière du Québec. Guardian gère également le programme de l'Alberta depuis 10 ans, est présente dans neuf États américains et en Suède.

Les commentaires qui suivent se limitent à notre champ d'expertise, à savoir la conduite avec les facultés affaiblies. Ici, je vous précise que, même à l'intérieur de ce chapitre-là, nous avons limité notre intervention pour focusser sur trois points qui, pour nous, sont cruciaux, et la brièveté de notre mémoire se voulait comme telle pour attirer l'attention vraiment sur ce qui est très important pour nous. Alors, après une brève revue des résultats du programme à ce jour, nous vous soumettons quelques suggestions pour permettre à un plus grand nombre de personnes d'en bénéficier.

D'abord, les résultats. M. le ministre, j'ai le plaisir de vous dire qu'après 24 mois plus de 9 000 personnes se sont inscrites au programme. En 1999, nous avons eu une moyenne de 3 000 programmes actifs. Il s'agit sans contredit du programme Antidémarreur Éthylométrique le plus performant mondialement, et il ne s'agit pas ici d'une affirmation gratuite. Depuis deux ans, nous étions – et je dis «nous étions» – le point de mire de tous ceux qui s'intéressent aux antidémarreurs, partout dans le monde.

Les causes de ce succès sont nombreuses, mais les principales sont, premièrement, l'universalité du programme, c'est ce qui nous a distingués de tous les autres; la coopération entre des partenaires de qualité, soit la SAAQ et GIS; la couverture du territoire québécois, ce qui ne s'est jamais vu, à savoir 22 centres de services Lebeau pour couvrir le territoire; et un appareil de premier ordre, le WR2 de Guardian.

En 1999, nous avons rejoint 26 % de la clientèle éligible, et le quart de ces participants étaient des récidivistes. Bien qu'extraordinaires il n'en reste pas moins que ces résultats peuvent croître considérablement pour atteindre 50 % de cette clientèle. Comment y arriver? C'est un défi collectif, M. le ministre. Alors, ce défi collectif, avant de penser à progresser pour se rendre à 50 %, il faudrait peut-être penser, en premier lieu, d'empêcher de reculer. En effet, suite à l'amendement par le fédéral de l'article 259 du Code criminel en force depuis le 1er juillet 1999, les récidivistes, qui sont 25 % de notre clientèle, n'ont plus accès au programme.

Ici, je fais un aparté, M. le ministre, pour vous dire que, en ce qui concerne les sanctions graduées, si vous deviez y penser, il y aurait peut-être lieu de mettre un bémol dessus et attendre que l'amendement fédéral qui remettrait les récidivistes sur notre voie ferrée soit passé, parce que, si vous permettez les sanctions graduées, à ce moment-là eux aussi ne pourront pas accéder au programme Antidémarreur. Aussitôt que ça va dépasser le minimum d'une première offense, ils n'ont plus accès au programme.

Alors, si l'on considère que les antidémarreurs éthylométriques ont été conçus, au départ, en exclusivité pour venir en aide à une seule clientèle – les durs à cuire, les récidivistes – c'est une aberration de constater aujourd'hui leur exclusion. Depuis 1978, toutes les recherches et développements, M. le ministre, qui ont été faits dans ce domaine-là, c'était pour servir seulement cette clientèle qu'il fallait contrôler, ceux qui avaient un problème, et aujourd'hui ce sont les seuls qui n'y ont plus droit.

(17 h 20)

Bref, la priorité parmi les actions à entreprendre par le gouvernement québécois, c'est de faire valoir auprès du gouvernement fédéral la nécessité de corriger rapidement cette anomalie et de redonner au programme son caractère universel. Je vous souligne ici que, si l'on perd notre caractère universel, M. le ministre, comme c'est le cas à cause de cette nouvelle loi, on devient tout simplement un autre État américain avec un programme judiciaire et avec toutes ses anomalies. Ce qui veut dire: ou tu connais un avocat ou tu connais un juge, et là, à ce moment-là, tu pourrais te faire donner une sentence minimale pour en bénéficier; à défaut de quoi, bien, tu passes outre puis tu n'auras pas le droit, toi, de gagner ta vie puis de prendre un permis restreint et de te payer une thérapie.

Si le but visé était de devenir plus sévère pour les récidivistes, bien, nous suggérons, comme nous le faisions à la commission parlementaire de 1996, dans ces mêmes locaux, que ces récidivistes ne puissent reprendre un permis régulier à moins d'avoir été contrôlés dans leurs habitudes de conduite durant une période de 12 mois par un dispositif détecteur d'alcool. Qu'on rende ça au moins impératif pour ceux qui, vraiment, en ont besoin, contrairement à ce qui vient d'être fait, qu'on les exclut. Le professionnel de la santé qui, aux termes de notre Code de la sécurité routière, doit émettre un certificat de bonne conduite à tout récidiviste avant qu'il ne puisse obtenir son permis régulier ne pourrait espérer un meilleur outil de travail.

La deuxième suggestion que nous voulions vous faire, M. le ministre, comporte deux amendements au Code de la sécurité routière. Dans un premier temps, il s'agit ici d'un point très technique avec les gens de la SAAQ avec qui nous travaillons quotidiennement. Alors, dans un premier temps, l'analyse des rapports d'événements consignés dans les dispositifs détecteurs d'alcool, au cours de ces deux dernières années, nous amène à souligner que le comportement de certains clients dans l'utilisation de leur permis restreint nécessite d'amender la loi et/ou la réglementation afin de permettre à la SAAQ de prolonger la période de suspension ou de pouvoir retenir l'émission du permis régulier jusqu'à ce que le participant se conforme aux conditions du programme.

Si vous avez besoin d'explications à ce niveau-ci, je vous dirai qu'un certain nombre – je ne dirai pas que c'est quantité importante, mais quand même, disons peut-être 1 % – des clients que nous avons, pour les derniers deux mois, vont chez Lebeau, font calibrer leur appareil, en ressortant ils débranchent tout. Alors, pendant deux mois, ils conduisent, autrement dit, sans permis, puisque leur permis est conditionnel au bon fonctionnement. D'autre part, ces gens-là, pendant deux mois, se foutent de notre gueule tout le monde, et, après les deux mois, ne rapportent même pas l'appareil chez Lebeau. Alors là, nous autres, on est obligés de les poursuivre en justice, etc. Et ces gens-là s'en foutent pour une bonne et simple raison: c'est qu'ils peuvent se présenter à la SAAQ et demander l'émission de leur permis régulier, et vous n'avez, dans la loi, aucun motif pour empêcher cette émission-là. Alors, ça, c'est très technique, mais il fallait le dire.

Dans un deuxième temps, nonobstant la qualité des partenaires actuels, M. le ministre, pour atteindre 50 % de la clientèle éligible, il nous faut de l'aide de l'extérieur. Cette aide-là, elle existe, elle est là, c'est à nous de nous en prévaloir. En effet, saviez-vous qu'au Québec – c'est une première mondiale – des assureurs automobile offrent présentement à leur clientèle qui a perdu son permis pour cause d'alcool le programme Tolérance zéro=Surprime zéro? Ce programme a pour effet d'éliminer complètement la surprime de 100 % qui devrait leur être chargée durant la période de conduite avec permis restreint, de même que pendant les trois années subséquentes, sur simple confirmation par Guardian que ledit client a eu un dispositif détecteur d'alcool fonctionnel dans son véhicule durant une période de 12 mois.

Alors, l'économie réalisée par le client est de beaucoup supérieure au coût du programme de la SAAQ. Pour que ce programme de Tolérance zéro=Surprime zéro soit efficace, il faudrait tout simplement permettre la qualification du motif d'invalidité lorsqu'une vérification du permis de conduire est faite aux termes de l'article 611.1 du Code de la sécurité routière. Ici, je vous souligne, comme le faisait le Dr Payette ce matin: Le droit collectif devrait l'emporter sur certains droits individuels, qu'on ne nie pas.

En conclusion, je vous dis que, par l'adoption du projet de loi n° 12, le Québec ait amélioré considérablement son combat contre la conduite sans permis et la conduite avec les facultés affaiblies, nous sommes en accord avec les propos que M. le ministre tenait dans son discours d'introduction à la présente commission, à savoir que, pour améliorer le bilan routier au Québec, il faut maintenant faire preuve d'imagination, nous donner des outils supplémentaires, être proactifs. Nous espérons que nos commentaires et recommandations vont dans ce sens et qu'ils pourront guider et éclairer le gouvernement dans ses décisions.

Je serais prêt à répondre à toutes vos questions sur ces trois points particuliers au nom de ceux que je représente. Et, si nous devions déborder sur les autres questions qui étaient à l'intérieur des facultés affaiblies dans le livre vert, prenez en considération qu'il s'agirait d'opinions personnelles et non d'opinions qui engagent ceux que je représente.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Mercure. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: M. et Mme Mercure, moi, je suis content de votre témoignage, parce que je pense qu'on avait fait preuve d'avant-gardisme en permettant à des gens qui avaient une suspension de permis de pouvoir conduire mais avec un antidémarreur, au lieu de se retrouver avec une multiplicité... Et ça me permet de parler de ça au moins deux minutes.

Je suis très inquiet, comme ministre responsable de la sécurité routière, de la conservation même du bilan actuel. Si on continue à jouer exclusivement dans la répression, style fédéral actuel, en nous enlevant ces moyens-là, on va se retrouver, de jour en jour, avec plus de gens qui conduiront illégalement.

M. Mercure (Jean-Claude): Sans permis.

M. Chevrette: Et ça, on n'aide pas la société, on n'aide personne. C'est un comité fédéral... Avec la permission du député de l'Acadie et de mes collègues, je déposerais la réponse de Mme McLellan, qui, à toutes fins pratiques, dit: C'est un comité ministériel qui m'a forcée à faire ça. Mais je pense qu'on devrait faire front commun, au Québec...

M. Mercure (Jean-Claude): Oui. Mais j'ai eu le plaisir de lire la copie de la lettre de Mme McLellan, qui m'a été transmise, M. le ministre, et je pourrais vous suggérer une réponse à cette lettre-là, en conformité avec les engagements et recommandations qui étaient faits par le comité permanent de la justice, devant lequel j'ai comparu il y a quelque temps, et elle contourne facilement l'obligation qui lui était faite par les recommandations de poser les gestes en collaboration avec les provinces et les territoires.

M. Chevrette: Mais vous êtes avocat?

M. Mercure (Jean-Claude): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que la loi, telle que rédigée depuis juillet dernier, ne nous empêche pas formellement de le faire? Est-ce qu'il ne faudrait pas un autre amendement législatif?

M. Mercure (Jean-Claude): C'est exact, et j'en ai fourni un texte à la Société de l'assurance automobile, parce que, comme simple citoyen, il est évident que je suis mal placé pour aller faire ce genre de proposition. Il y a également des gens du Bloc québécois qui, lors de ce comité permanent de la justice, avaient fait leur la demande d'étendre le privilège d'obtenir un permis restreint aux récidivistes et qui ont été déboutés dans leur demande. Cependant, ils sont encore prêts à présenter cet amendement-là, sauf que vous connaissez le système parlementaire, M. le ministre, et, si le député du Bloc qui présente cet amendement-là ne le fait pas avec le consensus de la ministre de la Justice, ses chances d'être au feuilleton sont à peu près nulles.

M. Chevrette: Oui, parce que, moi, j'avais écrit le 2 juin puis le 15 septembre, puis on a reçu la réponse le 2 décembre, après coup...

M. Mercure (Jean-Claude): Oui.

M. Chevrette: ...sauf qu'elle nous dit qu'elle est prête à travailler avec chacune des provinces – donc, nous, c'est un M. Tremblay, du ministère de la Justice, me dit-on, qui est consulté présentement. Mais on peut revenir, effectivement, je pense, à la charge, parce que c'est un moyen de réhabiliter quelqu'un, c'est un moyen de rendre légal... dire à un individu: Tu peux conduire légalement avec un appareil qui va te coûter x par mois, pour l'instant. Il y a des gens qui nous disent: La SAAQ pourrait peut-être même avoir un programme incitatif. Je n'écarte même pas ça, j'aimerais ça qu'on le regarde, et ça a été dit ce matin par... C'est le Dr Payette, précisément.

M. Mercure (Jean-Claude): Oui.

M. Chevrette: En tout cas, je suis prêt à regarder ça. Mais il y a des individus qui sont prêts à payer 87 $ puis 100 $ par mois pour pouvoir travailler, d'abord, de un, plutôt que de perdre leur emploi... Dans certains cas, ça va jusqu'à la perte d'emploi. C'est sérieux, comme situation.

(17 h 30)

C'est pour ça que j'avais des réticences... Le député de l'Acadie va s'en rappeler. J'avais même des réticences, moi, par exemple, pour ceux qui sont illégaux sur la route dû à du non-paiement de stationnements. Il y en a qui nous recommandaient de retirer toute possibilité de sentence d'emprisonnement. J'ai dit: Bien, écoutez suspendez le permis ou suspendez l'immatriculation. Bien, oui, mais plus tu fais de la répression là-dessus, plus tu risques d'avoir des illégaux, puis tu n'as pas corrigé nécessairement et tu n'as pas aidé nécessairement l'individu. Et, dans ce sens-là, c'est un peu la discussion qu'on avait entamée hors Québec qui peut se continuer ici. Mais, moi, je vous remercie d'attirer encore une fois publiquement notre attention et je pense qu'on va revenir à la charge au niveau fédéral pour obtenir ce moyen-là qui... Il n'est pas recommandé par n'importe qui. On l'a, l'outil.

Puis, deuxièmement, on a des gens qui ont été frappés durement, comme le Dr Payette, puis qui disent: Bien, moi, je me rallierais à des mesures non pas seulement répressives, mais je me rallierais à des moyens techniques qui existent, puis placer les gens dans l'état de légalité et en toute sécurité. C'est ça qui me plaît dans l'approche.

M. Mercure (Jean-Claude): Mais cependant je dois vous avouer que, au niveau des nombres de personnes que vous pouvez atteindre, avant de rendre ça mandatoire, il y aurait quand même le chemin à faire en direction de ces partenaires qui sont les assureurs. Si nous leur permettons d'identifier leurs clients qui sont sous le coup d'une suspension pour qu'ils puissent leur offrir ce projet de Tolérance zéro=Surprime zéro, ceci permettrait à ces derniers de devenir des partenaires impayables, puisque, à ce moment-là, on vient d'enlever une iniquité. Ce qui permettrait à ceux qui embarquent sur le programme d'en bénéficier sans coût, et ceux qui décideraient de ne pas embarquer sur ce programme-là auraient à payer leur surprime, et les autres assurés des mêmes compagnies d'assurances bénéficieraient de réductions de montants équivalents.

M. Chevrette: En tout cas, je ne sais pas comment on pourra procéder, parce qu'il y a toute l'histoire de la Commission d'accès à l'information. Mais je ne suis pas certain, en tout cas, qu'on ne doit pas faire de l'information très soutenue et très forte pour offrir... parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne savent pas ça, qu'ils ont accès à un programme.

M. Mercure (Jean-Claude): Ce matin, le Dr Payette vous parlait de faire signer le permis aux gens pour donner le droit de...

M. Chevrette: Ça peut être une formule, effectivement.

M. Mercure (Jean-Claude): Bon. Cependant, je n'irais pas jusque-là dans... Je vous dis que ça existe déjà, la signature de ce bonhomme-là qui s'appelle l'assuré. Lorsqu'il signe un contrat d'assurance, il donne à son assureur le droit de faire la vérification de son permis, puisqu'il transmet le numéro de son permis. L'assureur qui a déjà ce consentement de la part de son client, lorsqu'il vérifie, aux termes de 611.1, la validité du permis auprès de la SAAQ, cette information-là qualifie la validité, en ce sens qu'on lui dit: C'est un permis de classe 4, de classe 3, de... je ne sais pas comment ça fonctionne, mais pour permettre à un locateur de véhicule de savoir si le bonhomme a le bon permis pour louer le camion qu'il est en train de louer.

Dans l'invalidité, on ne permet pas de qualifier l'invalidité. Si on faisait simplement cette petite distinction-là de dire: Invalidité, code 3, à ce moment-là, les assureurs n'auraient pas à chercher une aiguille dans une botte de foin, à savoir que, parmi les 400 000 suspensions qu'il y a eu au Québec durant l'année 1997, il n'y en avait que 18 000 qui étaient pour cause de boisson. Si on pouvait cibler les 18 000 directement, ils sont prêts à mettre les argents de leur poche pour contribuer au combat que vous avez engagé avec votre prédécesseur – puis vous continuez dans cette direction-là – pour contrer les facultés affaiblies. À ce moment-là, nous pourrions ensemble offrir à cette clientèle-là de bénéficier d'un appareil à un coût inférieur à la surprime qu'ils devraient payer équitablement.

M. Chevrette: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je veux juste m'excuser d'avance par rapport à ce dossier-là. C'est la première fois que je suis sensibilisé à cette question-là, alors il y a peut-être des questions de clarification que j'aimerais avoir pour bien comprendre. Ce que je comprends actuellement, c'est qu'une personne qui a une suspension de permis pour avoir dépassé le taux d'alcool a la possibilité de conserver son permis si elle s'inscrit au programme, dont elle défraie les coûts pour la durée de la suspension de son permis.

M. Mercure (Jean-Claude): Exact. Pour la durée de la suspension après la sentence fédérale. C'est-à-dire que, jadis, avant l'amendement du mois de juillet, la sentence fédérale pour une première offense – on va régler pour la première offense – était de trois mois. Alors, pour les autres neuf mois, suivant le Code de la sécurité routière du Québec, un individu pouvait volontairement adhérer au programme et demander l'émission d'un permis restreint conditionnellement à ce qu'il y ait un tel appareil installé dans son véhicule.

Maintenant qu'il y a l'amendement, c'est sûr que l'amendement a fait en sorte que le bonhomme a une suspension automatique d'une année, sauf qu'il y a une réserve au Code criminel qui dit: Nonobstant ce qu'on vient de dire à l'article 1, pour ceux de première offense dans les provinces où il y a un programme Antidémarreur Éthylométrique, ladite suspension peut être réduite à trois mois. Alors, ils reviennent à la case départ pour le Québec et l'Alberta qui sont les deux seules provinces ayant un tel programme.

M. Bordeleau: O.K. Vous faites référence au pourcentage que vous avez rejoint. Vous avez rejoint 26 %, en 1999, de la clientèle cible. Il y a combien de cas par année à peu près, là, qui...

M. Mercure (Jean-Claude): On a 4 500 cas par année.

M. Bordeleau: 4 500, puis vous en avez rejoint...

M. Mercure (Jean-Claude): Oui. Je vous souligne, pour votre information vu que vous soulignez que vous n'êtes pas au courant et au fait de ces dossiers-là, que, partout ailleurs en Amérique – il y a 35 États américains et deux provinces canadiennes qui ont de tels programmes – nulle part il n'y a plus de 12 % qui sont rejoints. Ici, nous avons rejoint 26 %. Et je vous dis que nous avons eu des rencontres avec des représentants, pour la compagnie Guardian, de neuf États américains, ceux de la Suède, de l'Australie et les deux provinces canadiennes. Tout le monde salivait en voyant les pourcentages que nous atteignions grâce à la qualité de la loi que nous avions mais qui maintenant se voit mise en péril à cause de l'amendement fédéral.

M. Bordeleau: O.K. Comment les gens qui ont une suspension de permis sont informés de l'existence de ce programme-là?

M. Mercure (Jean-Claude): C'est-à-dire que vous n'avez sûrement pas vu beaucoup de publicité «at large», comme on appelle, parce que nous croyons vraiment que nous sommes gâtés ici, au Québec, parce que notre partenaire, la Société de l'assurance automobile du Québec, a accepté d'envoyer l'information sur les droits du citoyen, accompagnée d'une brochure de Lebeau vitres d'autos, qui parle du programme, dans l'enveloppe qui envoie au contrevenant l'avis de sa suspension. Alors, c'est une information tout à fait directe qui ne peut être meilleure que celle-là.

M. Bordeleau: O.K. Alors, ils sont informés, au moment de la suspension, de l'existence de ce programme-là...

M. Mercure (Jean-Claude): Bien, dans les semaines qui viennent, là...

M. Bordeleau: ...et là ils ont la liberté...

M. Mercure (Jean-Claude): ...une fois qu'il reçoit son avis de suspension, comme il y a une carence de trois mois de toute manière, il reçoit l'information avant qu'il ne puisse être éligible.

M. Bordeleau: O.K. Ça, ça va. Tout à l'heure, vous mentionniez le cas d'une personne qui déconnectait son système, tout ça. Ce que je comprends... Est-ce que c'est si facile que ça à déconnecter? Et qu'est-ce qui nous garantit que les gens qui ont ça d'installé dans leur véhicule, au fond, respectent l'obligation de ne pas consommer? S'ils le déconnectent, bien là... C'est quoi, là?

M. Mercure (Jean-Claude): Non, l'appareil que nous avons est anticontournable. Le contournement est impossible, le contournement comme tel. Le débranchement est possible, vous pouvez couper un fil, c'est toujours possible, sauf que ceci est enregistré immédiatement dans la boîte – c'est un «computer», dans le fond – toutes et chacune des actions de l'individu posées 100 fois par jour. Nous avons le détail complet de chacune de ses actions. La minute où le module n'est plus en opération, nous le savons.

Toutefois, aussitôt qu'il fait ça, il est évident qu'il a contrevenu au programme, et, comme je vous le soulignais, s'il le faisait dans les premiers mois de l'utilisation de cet appareil-là, aux termes de la loi, il ne serait plus apte à continuer et il y aurait des sanctions. Cependant, comme, les deux derniers mois, on ne le revoit pas, puisque la dernière fois qu'il vient se faire calibrer, on va le revoir à la fin de sa suspension, à ce moment-là il s'en fout, parce que, quand il va arriver à sa fin de suspension, ça ne le dérange pas, il va avoir son permis régulier qui lui est émis sans question.

Alors, c'est pour ça que je vous dis que le problème se situe seulement à ce niveau-là, et, encore une fois, n'en faisons pas un plat, puisque c'est un nombre très, très restreint qui a posé de tels gestes parce que la vaste majorité, 99 % et plus, a respecté les conditions du programme équitablement.

M. Bordeleau: O.K. De toute façon, vous savez s'ils l'ont fait ou non, alors...

M. Mercure (Jean-Claude): Ah oui! Et l'information est transmise à la SAAQ immédiatement lorsqu'on prend connaissance d'un tel geste.

M. Bordeleau: O.K. Juste à titre d'information. Ce genre d'équipement là, est-ce que les gens, sur une base volontaire, indépendamment du problème de la SAAQ, se procurent cet équipement-là pour le faire installer dans leur automobile?

M. Mercure (Jean-Claude): Oui. Si vous me permettez, ça va peut-être prendre un petit peu plus que deux minutes pour répondre à cette question-là parce qu'elle est cruciale. Malgré toutes les tentatives qu'on a faites d'aller vers le marché privé, on n'avance pas. La raison est simple, c'est que le coût est trop élevé.

M. Bordeleau: Combien ça coûte, une installation?

M. Mercure (Jean-Claude): 87,50 $ par mois.

M. Bordeleau: Par mois. O.K.

(17 h 40)

M. Mercure (Jean-Claude): Cependant, nous pourrions le faire avec des appareils moins sophistiqués qui coûteraient moins cher. On a tenté ça aussi. Encore une fois, ça ne fonctionne pas, pour les raisons suivantes. C'est que, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas un assureur qui va dire – tout comme il le fait pour d'autres raisons, vous avez mis un antidémarreur de vol, etc., il vous baisse votre prime, vous ne fumez pas, il vous baisse votre prime: Oui, tu mets cet appareil-là dans le véhicule...

Je prends un exemple que vous connaissez bien: les permis probatoires. C'est là qu'on a essayé de faire une entrée. Les primes sont très élevées pour les jeunes. Vous le savez, aussitôt qu'un jeune commence à conduire, pour une Civic cinq ans en arrière, il paie 2 400 $ de prime. Alors, si, effectivement, l'assureur était familiarisé aux bienfaits et à la confiance de cet appareil-là et de son programme, à ce moment-là il pourrait lui donner une réduction de 20 %, 400 $ par année, qui pourrait satisfaire un père qui dirait: Moi, mon ti-pit, je t'achète une Honda, mais tu vas mettre un appareil dedans. Je veux être sûr que ta tolérance zéro, ça va être tolérance zéro. Mais à ce moment-là l'assureur qui ferait cela donnerait la carotte suffisante pour avoir une expansion dans ce programme-là.

Puis, pour l'information de la commission, M. le ministre, j'aimerais vous apporter une précision. J'ai écouté les intervenants aujourd'hui, puis j'ai vu beaucoup de voeux pieux, mais, quand on est sur le terrain régulièrement, il y a des choses qui peut-être pourraient éclairer la commission. Pour ce qui est des tolérances zéro, quand vous faites allusion aux camionneurs ou au transport de matières dangereuses, etc., sachez que tolérance zéro n'existe pas. Techniquement, nos appareils ne peuvent pas être en bas de 0,02. Parce qu'à tolérance zéro vous avez les Scope, les rouges à lèvres à teneur d'alcool, etc., qui feraient que tout test d'alcool...

M. Chevrette: ...baba au rhum.

M. Mercure (Jean-Claude): N'importe quoi.

M. Bordeleau: Tu fais juste le sentir, puis c'est déjà correct.

M. Mercure (Jean-Claude): Alors, il est évident que 0,02, c'est tolérance zéro. Je vous souligne également que plusieurs États américains et l'Alberta, qui ont des programmes de tolérance zéro pour les contrevenants, eux, ont décidé que leur tolérance zéro, ils mettaient les appareils à 0,04. O.K. Alors, quand j'écoute pour les camions, là – j'écoutais le bonhomme des camions qui nous disait qu'aux États-Unis ils ont une norme à 0,04 – vous pourriez parler de tolérance zéro avec un appareil à 0,04. Je veux dire...

M. Chevrette: Donc, la Suède, à 0,02, c'est tolérance zéro.

M. Mercure (Jean-Claude): Oui. Bien, nous sommes en Suède. Je peux vous dire qu'il y a tout un appareil derrière ce 0,02 là, qui est immense, pour contrebalancer cette exigence-là. Et remarquez qu'un bonhomme en Suède qui a une première offense, la première sentence est de deux ans. Ce bonhomme-là a le droit de mettre un appareil. Il le met dans son auto. Même si ça fait six mois qu'il est déjà sous le coup d'une suspension, il a l'obligation de garder l'appareil pendant 24 mois. Si, durant le temps où il a son appareil... un an plus tard, il décide de ne plus s'en prévaloir, il l'enlève, il ne peut pas bénéficier du temps qu'il a eu un appareil comme temps de sentence. Ils lui disent: Tu avais six mois de fait. Tu recommences, il t'en reste encore 18.

Alors, il y a un incitatif important pour que les gens qui embarquent sur le programme conservent leur appareil, ce qui a l'effet, excusez l'expression, du système Weight Watchers. C'est que le bonhomme l'a tellement longtemps, l'appareil, qu'à ce moment-là les habitudes de vie... je ne dis pas qu'il va arrêter de boire, mais il va avoir compris qu'il va contrôler sa conduite et sa consommation.

M. Chevrette: Il faut qu'il y pense à chaque fois qu'il boit.

M. Mercure (Jean-Claude): C'est sûr.

Le Président (M. Lachance): C'est tout le temps dont nous disposions.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci pour votre présence.

M. Mercure (Jean-Claude): Et, vu que je suis le dix-huitième trou, je pense, monsieur, je suis le dernier?

Le Président (M. Lachance): Bien, aujourd'hui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mercure (Jean-Claude): Non, mais, à ce moment-là, comme on a des appareils en reste, peut-être que je pourrais vous payer un verre à tout le monde.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Alors, là-dessus, j'ajourne les travaux jusqu'à demain matin, jeudi 10 février, à 9 h 30, dans la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

(Fin de la séance à 17 h 45)


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