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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 22 septembre 1998 - Vol. 35 N° 32

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur la sécurité des barrages


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Michel Rivard
M. Robert Middlemiss
M. Gabriel-Yvan Gagnon
M. Rémy Désilets
*M. Dominique Bouchard, SECAL
*M. Hugues Jobin, idem
*M. Denis Isabel, OIQ
*M. Hubert Stéphenne, idem
*Mme Jacinthe B. Simard, UMRCQ
*Mme Françoise Paquet, idem
*M. Gilles Rivard, Hydro-Pontiac inc.
*M. Stuart Bahen, idem
*M. Pierre M. Crépeau, APGGQ
*Mme Louise Ouellet, AQPER
*M. Jacky Cerceau, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Lachance): Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la sécurité des barrages.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui. M. Brodeur (Shefford) est remplacé par M. Whissell (Argenteuil) et M. Lafrenière (Gatineau) est remplacé par M. LeSage (Hull).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, au cours de la journée – je vous fais état de l'horaire qui est prévu – il y aura d'abord, dans les prochaines minutes, les remarques préliminaires du ministre de l'Environnement et de la Faune, du porte-parole de l'opposition officielle et d'autres personnes, s'il y a lieu, mais il y a une enveloppe de temps de 15 minutes pour chacune des deux formations politiques.

Par la suite, nous entendrons tour à tour la Société d'électrolyse et de chimie Alcan ltée, puis l'Ordre des ingénieurs du Québec, avant de suspendre nos travaux pour la période du dîner. À 14 heures, nous reprendrons avec l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec; à 15 heures, Hydro-Pontiac inc.; à 16 heures, l'Association professionnelle des géologues et des géophysiciens et des géophysiciennes du Québec; finalement, pour terminer la journée, à 18 heures, nous allons entendre l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable.

Je souhaite la bienvenue à tout le monde et, dès maintenant, je cède la parole à M. le ministre pour ses remarques préliminaires. M. le ministre.


Remarques préliminaires


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Mmes et MM. les membres de la commission, chers collègues, je voudrais d'abord m'excuser d'être en retard, j'ai eu un contretemps de dernière minute qui m'a empêché d'être ici. Ce n'est pas mon habitude d'être en retard, mais, ce matin, je n'ai pas pu faire autrement. Je m'en excuse.

J'ai effectivement des remarques préliminaires, M. le Président. En juillet 1996, plusieurs régions du Québec – le Saguenay–Lac-Saint-Jean en particulier – ont connu des pluies diluviennes qui ont causé des inondations sans précédent. Plusieurs barrages ont été affectés par ces événements. Des ruptures, des contournements et des débordements se sont produits. Des normes de conception et d'exploitation plus rigoureuses auraient sûrement permis d'atténuer les dommages causés tant aux barrages eux-mêmes qu'aux biens publics et privés situés en amont et en aval de ces ouvrages.

À la suite de ces événements, le premier ministre a mis en place la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages, présidée par M. Roger Nicolet. Plusieurs recommandations ont été formulées en vue de résoudre les problèmes constatés. Le gouvernement a immédiatement donné suite aux recommandations les plus urgentes: mise en place d'un plan de prévention et de surveillance des rivières; constitution de sept comités provisoires de rivières; élaboration de solutions pour gérer de façon sécuritaire les crues extrêmes du lac-réservoir Kénogami. D'autres recommandations, comme celles portant sur la sécurité des barrages, supposaient des réformes plus importantes et demandaient davantage d'analyses. Depuis le dépôt du rapport Nicolet, nous avons travaillé à préparer un régime juridique destiné à accroître la sécurité des barrages du Québec. Nous l'avons fait avec la constante préoccupation de respecter l'esprit des recommandations de la commission tout en tenant compte des impacts financiers pour les exploitants.

Le 17 juin dernier, j'ai déposé à l'Assemblée nationale l'avant-projet de loi sur la sécurité des barrages, qui fera l'objet des travaux de la présente commission. Cet avant-projet vise à accroître la sécurité des barrages publics et privés par la connaissance de la localisation de chaque barrage, de son propriétaire ainsi que du risque et des conséquences qui lui sont associés; l'autorisation des constructions et des modifications de barrages; l'instauration de règles de sécurité dans la surveillance des barrages; l'évaluation périodique de la sécurité des barrages existants; la mise en place de plans de mesures d'urgence; et la modulation des exigences en fonction des risques et des conséquences de rupture.

(9 h 50)

Une première étape a été amorcée au cours de l'été: la confection d'un répertoire des barrages. La constitution de ce répertoire répond à l'une des principales recommandations de la commission Nicolet. Le répertoire constituera une des assises de la mise en oeuvre de l'avant-projet de loi sur la sécurité des barrages et de l'intervention gouvernementale en cette matière.

Une centaine d'étudiants ont été employés au cours de l'été pour colliger les informations de base. Le travail de terrain est à toutes fins utiles terminé. Une vérification des données sera faite au cours de l'automne par les ingénieurs du ministère et une première version du répertoire sera complétée à la fin de décembre 1998. Ce répertoire permettra de connaître la localisation de chaque barrage assujetti, son propriétaire, ses caractéristiques, le risque qu'il représente et les conséquences en cas de rupture. Il sera accessible au public, particulièrement aux municipalités et aux MRC en vue de la planification de l'aménagement de leur territoire et des mesures d'urgence.

Seuls les barrages de 1 m et plus seront assujettis. Il y aura deux catégories de barrages assujettis: les barrages à forte contenance et les barrages à faible contenance. Quant aux barrages à forte contenance, ils sont des barrages d'une hauteur de 2,5 m ou plus et ayant un volume d'eau retenue supérieur à 30 000 m³; des barrages d'au moins 1 m ayant un volume de retenue égal ou supérieur à 1 000 000 m³; des barrages dont la hauteur est égale ou supérieure à 7,5 m, quelle que soit leur retenue. Pour les barrages à faible contenance, ce sont des barrages de 1 m et plus mais qui ne sont pas à forte contenance.

Ces barrages pourront faire l'objet d'inspections par le gouvernement et le ministre pourra ordonner que des correctifs soient apportés afin d'assurer la sécurité du public. Pour les barrages existants, l'exploitant devra obtenir l'autorisation du ministre de l'Environnement et de la Faune pour modifier la structure de son barrage; pour les nouveaux barrages, l'exploitant devra obtenir l'autorisation du ministre de l'Environnement et de la Faune pour construire un barrage; et, pour obtenir ces autorisations, l'exploitant devra présenter des plans et devis préparés par un ingénieur.

Quant aux barrages à forte contenance, l'exploitant devra notamment faire une réévaluation de la sécurité du barrage, produire un plan de gestion des eaux retenues, assurer une surveillance périodique du barrage, maintenir un registre d'exploitation et élaborer un plan de mesures d'urgence arrimé avec celui des autorités responsables de la sécurité civile. Les exigences varieront en fonction du risque que représente un barrage et des conséquences que pourrait entraîner sa rupture ou encore un mauvais fonctionnement.

Une autorisation du ministre de l'Environnement et de la Faune sera requise pour la construction, la modification, l'interruption de l'exploitation, l'arasement et le changement d'usage de tout barrage de forte contenance. Cette autorisation remplace l'autorisation exigée actuellement en vertu de la Loi sur le régime des eaux. Les demandes devront être accompagnées des plans et devis préparés par un ingénieur, d'un plan de gestion et d'un plan de mesures d'urgence.

Les barrages à forte contenance feront l'objet d'une classification. Cette classification sera établie en fonction des risques et des conséquences de rupture et établie à partir des données du répertoire. Il y aura quatre classes: A, B, C, et D, la classe A comprenant les barrages d'envergure ainsi que ceux représentant davantage de risques et de conséquences en cas de rupture, la classe D comprenant les ouvrages les moins à risque.

Les propriétaires et les exploitants pourront valider les informations servant à la classification et demander que des correctifs soient apportés. Les exploitants des barrages de forte contenance devront réaliser périodiquement des études sur la sécurité de leurs ouvrages. Ces études visent à déceler les problèmes pouvant affecter la stabilité et le bon fonctionnement du barrage et préciser les correctifs à apporter: travaux de maintenance requis, nouvelles consignes d'exploitation, etc. L'exploitant soumettra cette étude au ministre de l'Environnement et de la Faune ainsi que les correctifs qu'il apportera et leur calendrier de réalisation. Une telle évaluation de la sécurité des barrages nous permettra de connaître exactement l'état des barrages au Québec.

J'entends tenir compte du risque et des conséquences de chaque barrage dans l'échéance qui sera fixée aux exploitants pour la réalisation de ces études. Je prévois qu'elles devront être menées au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur de la loi pour les barrages les plus à risque. Les exploitants d'ouvrages les moins à risque auront neuf ans pour faire cette réévaluation. Toutefois, les exploitants qui ont déjà fait de telles études ne seront pas tenus d'en réaliser de nouvelles.

Les exploitants devront assurer une surveillance régulière de leur ouvrage de forte contenance afin de prévenir ou de déceler à temps les situations problématiques et d'apporter les correctifs appropriés. Les fréquences minimales seront déterminées par règlement. À titre d'exemple, pour un ouvrage de classe D, la classe comportant le moins de risques et de conséquences, cela pourrait représenter une visite de reconnaissance et une inspection par année, soit une visite aux six mois. Pour un ouvrage de classe A, la classe comportant le plus de risques et de conséquences, cela pourrait représenter une visite de reconnaissance par mois et quatre inspections par année.

Plan de mesures d'urgence. Les exploitants de barrages à forte contenance devront préparer des plans de mesures d'urgence pour leurs barrages. Le premier plan temporaire devra être préparé un an après l'entrée en vigueur de la loi. Le plan définitif devra être préparé à la suite de l'étude de réévaluation. Ces plans devront être arrimés aux plans d'urgence des autorités responsables de la sécurité civile et le contenu minimum de ces plans ainsi que leur fréquence de mise à jour seront prescrits par règlement.

Il est certain que les mesures envisagées poseront des contraintes pour plusieurs propriétaires et exploitants de barrages, et je suis sensible à cette question. Toutefois, les coûts additionnels que devra assumer la majorité de ceux-ci sont quand même raisonnables, compte tenu de l'importance des enjeux en cause. En effet, les exigences additionnelles seront peu importantes pour ceux qui gèrent déjà leurs barrages de façon prudente. De plus, la facture annuelle devrait se situer sous les 8 100 $ pour les exploitants de barrages comportant plus de risques et de conséquences en cas de rupture, soit près de 90 % des barrages. Plusieurs devront également faire des travaux d'investissement pour réaliser des travaux d'entretien majeurs qui ont été négligés au cours des années et qui font que leurs barrages sont moins sécuritaires.

La proposition que vous avez devant vous m'apparaît comme un ensemble de mesures susceptibles de concilier nos objectifs de sécurité et la capacité des propriétaires et des exploitants d'assumer les coûts des mesures proposées. Elle est certainement perfectible; d'autres agencements de mesures pourraient également être envisagés. C'est pour cette raison que j'ai préféré la présenter en avant-projet de loi.

Au cours des prochaines heures, nous entendrons les commentaires des entreprises, des groupes et des organismes intéressés. Je tiens à les assurer de ma totale ouverture pour recevoir leurs commentaires. Je tiens également à leur souligner que l'ensemble des éléments présentés devant cette commission seront analysés avec la plus grande attention sous l'angle de l'amélioration de la sécurité pour la population québécoise. Je n'hésiterai pas à proposer toutes les modifications susceptibles de nous permettre d'accroître l'efficacité des mesures de sécurité dans la construction et l'exploitation des barrages et d'en minimiser les impacts sur les propriétaires et les exploitants. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. M. le député d'Argenteuil et nouveau porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement.


M. David Whissell

M. Whissell: Merci, M. le Président. J'aimerais, avant tout commentaire, dire aux membres de cette commission à quel point je suis heureux d'être parmi eux aujourd'hui à titre de porte-parole officiel en matière d'environnement. Je crois que l'étude de cet avant-projet de loi est extrêmement importante puisqu'il fait suite aux terribles inondations du Saguenay.

Je suis satisfait de constater que le ministre de l'Environnement et de la Faune a finalement déposé un avant-projet de loi qui permettra d'entrevoir un avenir plus sécuritaire pour la population demeurant aux abords des plans d'eau ou des barrages. De plus, je tiens à mentionner que les enjeux, les choix du gouvernement sont d'une telle importance que le ministre est pleinement justifié de tenir une consultation publique qui permettra aux individus et aux différents groupes qui voudront bien se présenter et faire valoir leur opinion d'exprimer leur évaluation, et donc éventuellement de contribuer à l'amélioration de l'avant-projet de loi présenté aujourd'hui.

Cet avant-projet de loi sur la sécurité des barrages a donc été déposé le 17 juin 1998. Cet avant-projet de loi de 49 articles a pour objectif la réforme du régime juridique encadrant l'établissement et l'exploitation des ouvrages de retenue dans le but d'accroître l'efficacité de celle-ci. Le ministre de l'Environnement et de la Faune s'est d'ailleurs inspiré des recommandations du rapport de la commission Nicolet, qui étaient quand même assez rigoureuses.

(10 heures)

Au stade où nous en sommes présentement, j'ai quand même le désir d'exprimer certaines remarques au niveau du projet de loi dont j'ai pris connaissance, également de différents mémoires. Il y a beaucoup d'ambiguïté au niveau des articles. Beaucoup d'articles sont sujets à interprétation. Au niveau de la hauteur d'eau, je crois qu'il y aura lieu de définir ce qu'on entend et voir si on ne parle pas plutôt de structure d'ouvrages. Quant au rôle de l'ingénieur dans le présent projet de loi, il y aura lieu, je crois, de clarifier les différentes obligations du premier ingénieur et du tierce ingénieur. Je crois également qu'il sera important d'évaluer l'impact économique de ce projet de loi, à long terme et également à court terme.

J'ai également le sentiment qu'on aurait dû connaître, au stade actuel, le répertoire, l'ensemble des barrages, et avoir un portrait réel de la condition de ces structures, actuellement. Il y a également la notion de sécurité, je crois, que nous devrons peut-être évaluer. On parle de sécurité mais qu'est-ce qu'on entend vraiment? On parle de risques, de sécurité au point de vue humain, au point de vue de la structure, au point de vue de l'environnement. Alors, je pense qu'on devra clarifier ces différents points.

Je suis également heureux de voir qu'il y a de nombreux intervenants qui ont décidé de participer à ce projet de loi. Je pense que ces gens ont une notion que nous n'avons pas. Ces gens-là travaillent sur le terrain, ont la dimension pratique, et je pense qu'ils pourront contribuer fortement à l'avancement et faire en sorte que le projet de loi sera optimisé.

Je voudrais également rassurer le ministre et la commission: l'opposition officielle est là pour apporter une contribution positive, parce que nous jugeons que ce projet de loi est extrêmement important pour la sécurité des Québécois.

Je tiens finalement à préciser au ministre que l'opposition officielle encourage le gouvernement du Québec à améliorer la sécurité des barrages et l'ensemble des ouvrages de retenue. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants au niveau des remarques préliminaires? Non? Alors, nous allons maintenant entendre le premier groupe. J'inviterais les représentants de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan ltée à bien vouloir prendre place.

Je rappelle les règles du jeu pour les différents groupes que nous allons entendre aujourd'hui. Il y a une présentation d'une durée maximum de 20 minutes et un autre bloc de 40 minutes est prévu pour des échanges entre les parlementaires et les représentants du groupe que nous avons à entendre. Alors, j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Auditions


Société d'électrolyse et de chimie Alcan ltée (SECAL)

M. Bouchard (Dominique): Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Mmes et MM. membres de la commission, bonjour. Mon nom est Dominique Bouchard, je suis directeur d'Énergie électrique Québec, une division d'Alcan. Je suis accompagné ce matin de deux spécialistes: M. Hugues Jobin, à ma gauche, qui est ingénieur civil, consultant en génie civil au niveau des barrages et des ouvrages de contrôle, et M. Bruno Larouche, qui est ingénieur analyste en gestion des ressources hydriques. Tous les trois, nous travaillons à Énergie électrique Québec.

En entrée de jeu, nous tenons à remercier la commission pour l'opportunité qu'elle nous donne de nous faire entendre et d'expliquer notre point de vue sur la sécurité des barrages. De même, nous sommes heureux de pouvoir partager avec la commission notre expertise et notre expérience de plus de 70 ans dans l'exploitation des ouvrages hydroélectriques.

J'aimerais tout d'abord vous situer Alcan dans le monde. Alcan est présente dans plus de 30 pays, sur cinq continents. Ses activités principales comprennent des activités d'extraction de bauxite, d'affinage d'alumine, de production d'énergie, de production de transformation et de recyclage d'aluminium, et finalement de la recherche et développement. Son siège social est situé à Montréal et sa filiale canadienne est la Société d'électrolyse et de chimie Alcan ltée.

Alcan au Québec. Alcan est très présente au Québec, plus particulièrement au niveau de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Les principales activités qu'on y retrouve sont des activités de transformation de bauxite, de production d'alumine et de ses produits chimiques dérivés. Alcan est aussi un producteur très important d'énergie hydroélectrique, ce qui en fait le plus important producteur indépendant d'énergie électrique au niveau du Québec. On y retrouve aussi de la production d'aluminium et de transformation d'aluminium.

Alcan est aussi présente à Shawinigan et à Beauharnois, où on y retrouve des activités de production d'aluminium.

Alcan a confié la gestion de ses installation hydroélectriques à sa division qui est Énergie électrique Québec. J'aimerais rapidement vous la présenter. Nous sommes près de 750 employés. Nous avons six centrales hydroélectriques. Plus au nord, on a la centrale de Chute-des-Passes, Chute du Diable et Chute à la Savane, sur la rivière Péribonka. À l'exutoire du lac Saint-Jean, nous avons les installations de la centrale d'Isle-Maligne, et finalement, sur le Saguenay, les installations de Shipshaw et de Chute-à-Caron.

Nous avons une production annuelle d'environ 1 900 MW. Nous avons trois importants réservoirs: le réservoir du lac Saint-Jean, le réservoir du lac des Passes-Dangereuses et finalement le lac Manouane. Nous avons 28 ouvrages de retenue, 850 km de lignes de transport d'énergie à haute tension, deux importantes interconnexions avec Hydro-Québec. Nous utilisons 38 stations de météo et hygrométriques sur le bassin versant du lac Saint-Jean, et finalement nous opérons un réseau indépendant de télécommunications.

Après vous avoir brossé rapidement l'image de notre organisation, j'aimerais vous présenter notre vision concernant la gestion sécuritaire de la ressource eau et la façon dont nous l'articulons concrètement, sur le terrain.

D'entrée de jeu, il faut vous préciser qu'Alcan croit fermement, depuis très longtemps, à la sécurité des barrages. Depuis plus de 10 ans, nous avons une politique et un programme de sécurité de barrages bien que, si on retourne en 1988, il n'y avait aucune réglementation ou aucune législation qui nous obligeait à avoir ces éléments. Vous pouvez d'ailleurs trouver une copie de la politique dans le mémoire.

Si on passe au programme de sécurité des ouvrages, ce programme se compose de quatre éléments majeurs, à savoir: le système de gestion hydrique performant, une capacité d'évacuation et une fiabilité d'opération des équipements, un programme de surveillance et d'entretien des barrages, et finalement une étude de bris de barrages et un plan de mesures d'urgence. Ces quatre éléments sont encadrés dans un programme d'information continue avec le milieu. J'aimerais aussi préciser que tous les éléments de sécurité qu'on retrouve dans l'avant-projet de loi se retrouvent à l'intérieur du programme de sécurité des barrages auquel je fais référence.

Pour vous donner quelques détails supplémentaires sur chacun de ces éléments, j'aimerais vous présenter tout d'abord le système de gestion hydrique. Ce système se compose de trois importantes étapes ou catégories. Tout d'abord, l'acquisition d'informations. Ceci constitue l'acquisition des données météorologiques et hydrométriques ainsi que les prévisions météorologiques. C'est à cet endroit qu'on utilise les 38 stations hydrométriques auxquelles j'ai fait référence et les prévisions d'Environnement Canada. Par la suite, il faut traiter cette information et on utilise à ce moment des modèles de prévisions hydrologiques, des modèles de simulation et d'optimisation; tout ça supporté par une infrastructure informatique.

Finalement, on a la dernière étape, qui est la prise de décision, à savoir, par les exploitants de centrales. Et il est évident que ce processus est très critique, dans le sens où il faut avoir des données fiables et une rapidité d'intervention ou de réaction très rapide. Et tout ceci se fait avec du personnel qualifié.

(10 h 10)

Le deuxième élément de notre programme de sécurité des ouvrages consiste en la capacité d'évacuation adéquate. Après avoir pris la décision, par exemple, d'ouvrir les vannes d'un ouvrage de retenue des eaux, il faut s'assurer que nous avons les infrastructures nécessaires et, pour ce faire, il faut s'assurer que cette capacité déversante est suffisante.

Pour la majorité de nos aménagements, la crue maximale probable, à savoir la plus grande crue qu'il est raisonnable d'envisager, a été le critère de dimensionnement de tous les ouvrages déversants. Donc, à la fin de 1998, la seule exception à ce critère-là sera les ouvrages du lac Manouane. La capacité d'évacuation du lac Manouane a été fixée à la crue décamillénaire en raison des dommages limités en cas de débordement du réservoir.

Toujours dans le deuxième élément, nous avons la fiabilité d'opération des équipements. Le déluge de 1996 a clairement démontré l'importance de la fiabilité d'opération des équipements de levage des systèmes d'évacuation. Donc, depuis ce temps Alcan a pris la décision de mettre en place des contingences électriques et mécaniques sur les mécanismes de levage des vannes qui sont jugés critiques pour les installations d'évacuation des crues.

Le troisième élément de notre programme de sécurité des barrages consiste en la surveillance, l'entretien et la réfection des ouvrages. Si on s'attarde quelque temps sur le programme de surveillance, on y retrouve les inspections, les essais fonctionnels des équipements de levage, l'instrumentation pour le suivi des comportements des ouvrages, et finalement la réévaluation structurale.

Lorsqu'on regarde l'entretien et la réfection des ouvrages de retenue, on a tout d'abord des projets mineurs d'entretien. Par la suite, on parle aussi de réfection majeure de ces ouvrages-là, et finalement on débouche sur un programme de réévaluation des barrages.

J'aimerais porter à votre attention que, depuis 1990 jusqu'en 2015, nous prévoyons investir jusqu'à 480 000 000 $ dont plus de 50 % de ces coûts visent uniquement à améliorer la sécurité de ces ouvrages.

Le quatrième élément de notre programme consiste en l'étude de bris de barrages et le plan de mesures d'urgence. La première étude que nous avons réalisée remonte en 1985. Nous avons partagé ces résultats avec la sécurité publique en 1987. Suite au déluge de 1996, nous avons réactualisé cette étude. Les résultats devraient être disponibles cet automne et nous prévoyons en faire la diffusion, en collaboration avec la sécurité publique, à toutes les autorités concernées par ces résultats, et finalement mettre à jour notre plan de mesures d'urgence.

Ces quatre éléments de notre programme de sécurité de barrages sont encadrés dans un programme continu d'information avec le milieu. Depuis 1990, nous avons maintenu une communication constante avec les populations environnantes sur nos installations et sur nos modes de gestion. Ça nous a permis de garder le contact avec ces populations et nous croyons fortement qu'en cas de situation exceptionnelle, comme nous l'avons vécu lors du déluge de 1996, notre plan de mesures d'urgence est beaucoup plus efficace parce qu'on est en contact avec les populations environnantes.

Ceci termine un survol très rapide de notre programme de sécurité de barrages. Dans le fond, ce qu'il faut retenir... Ce que je tente de vous démontrer, c'est ce que nous faisons actuellement.

J'aimerais maintenant passer aux commentaires sur l'avant-projet de loi comme tel. J'aimerais d'abord préciser qu'Alcan est pleinement d'accord avec les principes et les orientations du projet de loi. Pour nous, c'est essentiel pour assurer la sécurité des populations. Par contre, j'aimerais faire quelques commentaires sur certains éléments, et finalement j'aimerais vous faire des commentaires plus généraux à la fin de la présentation.

Sur l'article 3 de l'avant-projet de loi, où on fait référence au répertoire des barrages, nous sommes d'accord avec la confection d'un répertoire de barrages. Par contre, avec l'information et la compréhension que nous en avons actuellement, il nous paraît hasardeux de porter un jugement sur la sécurité d'un ouvrage d'après une inspection visuelle et sans que toutes les études de réévaluation de la stabilité de l'ouvrage ne soient réalisées. Nous pensons également que les dates des dernières études effectuées sur la stabilité des ouvrages de même que celles prévues pourraient être des informations pertinentes à inclure au répertoire.

J'aimerais maintenant vous référer à l'article 7 et à l'article 11 de l'avant-projet de loi. L'article 7 indique que l'autorisation du ministre peut être assortie de conditions et fixer un délai pour la réalisation des travaux. Par ailleurs, à l'article 11 on précise qu'un projet de construction ou de modification de structures d'un barrage qui n'est pas réalisé dans un délai de deux ans doit faire l'objet d'une nouvelle demande d'autorisation. Nous estimons que, pour éviter l'ambiguïté que semblent présenter ces deux articles, le ministre devrait pouvoir exiger d'un exploitant ou d'un promoteur un calendrier précis des travaux projetés, y incluant une date de début des travaux et une fin des travaux. Il s'agirait d'un engagement que tout demandeur devrait respecter. Cette façon de faire nous permettrait, par exemple, de présenter une demande d'autorisation globale pour la réalisation d'un projet qui pourrait s'étaler sur une période allant de cinq à sept ans pour un même aménagement sans être obligé de présenter une demande à tous les deux ans.

À l'article 10, l'avant-projet de loi prévoit qu'avant la mise en exploitation d'un barrage le promoteur doit aviser le ministre de la fin des travaux et lui transmettre une attestation d'un tiers ingénieur établissant qu'ils ont été effectués conformément aux plans et devis ainsi qu'aux conditions prévues dans l'autorisation. Nous estimons que le concept de tiers ingénieur devrait être retiré de l'avant-projet de loi. Nous croyons plutôt qu'un exploitant ou propriétaire responsable qui terminera ses travaux devrait faire parvenir au ministre copie de l'avis écrit qu'il a reçu d'ingénieurs lui confirmant que les travaux ont été réalisés selon les règles de l'art, les plans et devis dûment scellés par un ingénieur et les conditions attachées au certificat d'autorisation.

Ce faisant, l'exploitant ou le propriétaire engagerait ainsi sa responsabilité et la responsabilité professionnelle des ingénieurs qui ont effectué les travaux de la phase conception à la phase réalisation. Également, de par la notion de responsabilité professionnelle de l'ingénieur définie à l'intérieur de la Loi sur les ingénieurs du Québec, nous croyons inutile l'intervention d'une tierce personne, d'un tiers ingénieur dans ce contexte.

J'aimerais maintenant vous référer à l'article 20, où on parle de plan de gestion des eaux. Nous croyons que cette notion devrait être élargie à celle de système de gestion hydrique, de façon à inclure tout l'aspect de la qualification nécessaire du personnel exploitant un barrage et celui de l'acquisition et du traitement de l'information hydrométéorologique d'un bassin versant. À notre avis, la rapidité avec laquelle les informations fiables peuvent être recueillies et traitées adéquatement représente un atout très significatif pour assurer la sécurité du public lorsque survient un événement hydrologique exceptionnel, ce que le déluge de 1996 nous a permis de constater.

Un système de gestion hydrique performant permet d'agir de façon proactive et préventive plutôt que réactive. Les informations recueillies à l'aide de ce système constituent des intrants majeurs menant au déclenchement du plan de mesures d'urgence et à la coordination des activités qui s'ensuivent. Tout ceci n'est possible qu'avec du personnel compétent et qualifié.

À l'article 24, où on fait référence au programme de sécurité, nous croyons que l'ouverture du gouvernement, qui se donne la latitude de pouvoir approuver la substitution de normes réglementaires par un programme de sécurité déjà en place et qui démontrerait que le niveau de sécurité en résultant est égal ou supérieur aux normes prévues, est très adéquate. En fait, nous comprenons qu'avec cette ouverture le gouvernement veut reconnaître les efforts consentis au cours des années par les gestionnaires responsables pour assurer la sécurité de leurs ouvrages.

(10 h 20)

À l'article 35, au point 6°, l'avant-projet de loi prévoit la constitution en fiducie d'un fonds spécial ayant pour but, lors de l'interruption de l'exploitation d'un barrage, de couvrir les coûts engendrés par l'entretien ou la démolition du barrage. Nous comprenons que le gouvernement désire mettre sur pied une police d'assurance pour protéger les fonds publics. J'aimerais, par contre, préciser qu'Alcan est présente dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean depuis plus de 70 ans et qu'elle a annoncé la construction d'une usine à Alma, une usine d'électrolyse au coût de 2 200 000 000 $. Nous pensons que ceci démontre la ferme intention de l'entreprise d'avoir encore une présence régionale pour plusieurs décennies.

De plus, dans notre programme de réfection des barrages, que nous avons entrepris en 1990 et qui va s'échelonner sur plusieurs années, nous prévoyons investir 480 000 000 $. Nous croyons que ceci est conforme à la volonté de l'entreprise de poursuivre l'exploitation de ses aménagements hydroélectriques. L'engagement de l'entreprise dans ce vaste programme doit, à notre avis, être perçu comme beaucoup plus important en termes monétaires qu'une contribution à un fonds de fiducie. J'aimerais aussi, en terminant sur ce point, rappeler que 50 % de ces montants visent uniquement à améliorer la sécurité de nos ouvrages. Donc, dans ces circonstances, nous demandons au gouvernement de soustraire Alcan de l'obligation de contribuer à ce fonds spécial.

À l'article 35, au point 7°, concernant les droits annuels payables, j'aimerais vous rappeler qu'Alcan verse déjà au trésor québécois d'importantes redevances contractuelles et statutaires annuellement. Pour les 10 dernières années, par exemple, elles totalisent près de 325 000 000 $. Donc, par conséquent, nous considérons, à titre de producteur indépendant d'hydroélectricité, que ces droits annuels payables constituent une taxe supplémentaire que l'entreprise ne devrait pas assumer.

Toujours à l'article 35, au point 9°, qui fait référence aux normes de sécurité, comme la sécurité globale d'un barrage est en réalité assurée par un ensemble de mesures, l'obligation de se conformer à un ou à quelques éléments spécifiques d'une norme particulière n'assurerait pas nécessairement une plus grande sécurité de l'ouvrage. Nous désirons mettre en garde le législateur en rapport avec les possibilités qu'il se réserve, au chapitre des mesures administratives, de rendre obligatoires des normes, méthodes ou procédés techniques. Cette façon de procéder pourrait, selon nous, dans certains cas, empêcher les ingénieurs chargés des réévaluations de barrages, ou encore lors de la conception de plans et devis, d'exercer leur jugement professionnel pour le choix d'une norme, d'une méthode ou d'un procédé technique qu'ils jugeraient plus approprié pour diverses raisons.

À titre d'exemple, dans le cadre de la réalisation de notre propre programme de réfection de barrages, certains de nos ouvrages ont été réévalués selon des normes canadiennes, américaines ou britanniques, en considérant leurs particularités et leur localisation.

Ceci termine les commentaires spécifiques sur les articles de l'avant-projet de loi. J'aimerais maintenant vous faire part de certains commentaires généraux.

Le Président (M. Lachance): Rapidement, M. Bouchard, parce que votre temps file rapidement. À toutes fins pratiques, ce serait terminé. Les 20 minutes, ça passe vite.

M. Bouchard (Dominique): O.K. Donc, me donnez-vous encore deux minutes?

Le Président (M. Lachance): Avec la permission des membres de la commission, oui, monsieur.

M. Bouchard (Dominique): O.K. Donc, un commentaire général sur la fiabilité des équipements: le déluge de 1996 nous a permis de constater l'importance de la fiabilité des équipements de levage, et pour nous cette fiabilité-là est essentielle. Donc, nous croyons qu'il serait approprié d'inclure à la législation la nécessité de mettre en place des contingences électriques et mécaniques aux évacuateurs de crues jugées critiques.

Un autre commentaire général, sur le guichet unique. Nous croyons qu'il est tout à fait approprié qu'on n'ait qu'un guichet unique et nous comprenons que ce sera le ministère de l'Environnement et de la Faune. Par contre, nous espérons fortement que cette nouvelle façon de faire n'alourdira pas ou n'allongera pas le processus d'autorisation actuel.

Quant au temps d'adaptation, l'avant-projet de loi est muet sur cet aspect. Compte tenu de notre expérience, nous croyons qu'il serait approprié de permettre au gouvernement de prévoir que la loi et sa réglementation s'appliquent progressivement, en établissant certaines priorités.

En terminant, nous sommes satisfaits que le ministre de l'Environnement et de la Faune ait donné l'opportunité à la population et aux exploitants de barrages de fournir leur point de vue. Nous souhaitons que la démarche de la consultation amorcée par le gouvernement dans ce dossier se poursuive et nous croyons fortement qu'une plus grande implication des exploitants est sûrement le gage d'une plus grande appropriation de la loi et de ses règlements. Merci. Nous sommes maintenant disposés à répondre à toutes vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Bouchard, pour votre présentation. Alors, nous avons maintenant deux périodes de 20 minutes qui peuvent être utilisées, deux blocs de 20 minutes pour chacune des formations politiques. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais remercier M. Bouchard et les collègues qui l'accompagnent pour leur présentation. Je pense que l'expérience acquise par Alcan n'est pas à dédaigner, c'est probablement la plus grande expérience ou la plus grande expertise que l'on ait au Québec, et ce que vous nous transmettez est extrêmement important.

À cet égard, j'aimerais peut-être reprendre avec vous quelques points techniques, parce que c'est, je pense, là-dessus que vous avez orienté votre discussion en ayant déclaré au départ que vous étiez d'accord avec les principes et les orientations générales, ce qui nous enlève plusieurs discussions. Alors, je vais aller, comme vous l'avez fait, sur certains points en particulier.

Vous avez commencé par l'article 3, celui qui prévoit la confection d'un répertoire qui a été effectué au cours de l'été et qui se termine le 31 août; le répertoire, c'est complété. Les gens travaillent là-dessus pour remettre de l'ordre dans tout le système, et finalement, au mois de décembre, on entend publier ce répertoire-là.

Mais je vois que votre questionnement est à l'effet que, compte tenu que ce répertoire-là est constitué, il y aura un certain jugement de porté concernant les barrages et vous avez peur que ceci constitue un jugement final qui pourrait être incorrect quand on aura terminé et complété la compilation de tout le dossier. Est-ce que je vous comprends bien, quand vous dites ça, ou bien si vous référez à autre chose?

M. Bouchard (Dominique): La compréhension que nous avons de l'information qui est disponible actuellement, c'est que ce jugement-là est basé sur une inspection visuelle seulement et, pour nous, il nous semble hasardeux de porter un jugement sur la condition d'un ouvrage uniquement basé sur ce critère-là. Donc, ce n'est pas notre façon de faire, à nous. Il faut comprendre que ce n'est pas comme ça que, nous, nous faisons. Nous avons, oui, une inspection visuelle, mais nous portons aussi d'autres actions qui nous permettent de porter un jugement, je dirais, plus pointu sur la sécurité de cet ouvrage.

M. Bégin: Je dois vous dire que la compréhension que j'en avais eu était à l'effet que cette première constatation était effectivement basée sur un constat visuel, ne visait pas à faire une classification définitive mais plutôt à voir si, ne serait-ce que sur une base visuelle, on est en présence de certains ouvrages qui pourraient présenter des caractéristiques de dangerosité qui nous inciteraient à agir très rapidement plutôt que d'attendre que le travail de classification auquel vous référez soit complété.

Est-ce que, si c'est dans cet esprit-là, ça vous apparaît correct ou si on devra apporter des modifications pour le préciser, vu que c'est le sens de la démarche?

M. Bouchard (Dominique): Si je comprends bien votre intervention, c'est une première étape et, par la suite, il va y avoir d'autres étapes.

M. Bégin: Oui.

M. Bouchard (Dominique): C'est de cette façon que, nous, nous fonctionnons. Peut-être demander à Hugues de vous expliquer un peu plus en détail.

M. Bégin: Vous permettez? Il est évident qu'on ne peut pas faire une classification à partir d'une inspection comme celle-là. Il va falloir valider ces informations-là. Il va falloir que les compagnies, ou les propriétaires, ou les exploitants, aient l'occasion de connaître l'évaluation qui en a été faite, préliminaire, soient capables d'apporter non seulement des commentaires mais des critiques et des corrections, dans certains cas, pour éventuellement avoir un répertoire qui sera complet, puisque c'est ça qui détermine un peu le rythme des travaux qui devront être faits par la suite. Alors, l'idée étant que si, dans une inspection préliminaire, on constatait que certains barrages, ne serait-ce que sur une inspection visuelle, présentaient des caractéristiques de dangerosité, ça nous inciterait à agir plus rapidement et à s'occuper, à se préoccuper de ceux-là. Si ça allait dans ce sens-là, est-ce que ça vous conviendrait?

M. Bouchard (Dominique): Ça rencontre – puis là je n'entrerai pas dans le détail; peut-être que le détail, Hugues pourra plus vous le donner – nos façons de faire, c'est-à-dire: une inspection visuelle permet d'agir en cas de choses évidentes mais il faut aller au-delà de cette inspection visuelle. C'est le sens de notre intervention. Je ne sais pas si, Hugues, tu veux intervenir?

M. Jobin (Hugues): En autant que ce premier registre ou ce premier répertoire... Il est bien clair que, ce que l'on veut trouver, c'est les éléments qui seraient non sécuritaires. Donc, il faudrait que ce soit très évident, avant de les marquer non sécuritaires, que c'est non sécuritaire, parce qu'une inspection visuelle, c'est quand même très limité comme interprétation.

M. Bégin: Il faut comprendre qu'on part de loin, dans un certain sens, puisqu'il n'y a aucun répertoire existant des barrages. Donc, on pense qu'il y en a entre 9 000 et 10 000. Savoir qu'il y a 1 000 barrages au moins qu'on ne connaît pas, qui existeraient, c'est quand même un peu questionnable. Donc, c'est pour ça qu'il faut s'assurer d'avoir une possibilité d'agir rapidement, au cas où on découvrirait des choses inquiétantes. Mais pour le reste, il faut procéder sur une base que je qualifierais de scientifique et d'organisée. Ça irait là-dessus?

(10 h 30)

Vous avez parlé, aux articles 7 et 11, des délais de réalisation. Je crois avoir compris ce que vous voulez dire et j'aimerais que vous me précisiez si je comprends mal. Il y a deux articles qui prévoient des délais. L'article 7 dit: «L'autorisation du ministre peut être assortie de conditions et fixer un délai pour la réalisation des travaux», alors que l'article 11 parle d'un délai de deux ans pour réaliser les travaux, faute de quoi il faudrait demander une nouvelle autorisation. Je pense que c'est plutôt à ce niveau-là que vous avez un questionnement. Vous voudriez, si je comprends bien, qu'on ait un début des travaux, que l'on ait aussi à ce moment-là une information sur la durée probable des travaux, ou souhaitée des travaux, mais qu'on n'ait pas à revenir à tous les deux ans, même si c'était prévu initialement que les travaux prendraient quatre ans, pour redemander une nouvelle autorisation. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Bouchard (Dominique): Ça répond à l'interrogation qu'on avait, et je pense que vous avez bien compris. Je vais tenter une réponse peut-être plus précise et peut-être demander à mes collègues d'intervenir.

La façon dont, nous, on fonctionne actuellement, c'est que ces projets-là s'échelonnent sur trois, quatre, cinq, sept ans, dépendamment de l'envergure des projets. Lorsqu'on parle de projets de 100 000 000 $ et plus, ça demande un certain temps d'ingénierie, de conception, etc. Pour nous, c'est un continuum, du début à la fin. Donc, la façon dont on a compris ces articles-là de l'avant-projet de loi, c'est qu'à tous les deux ans nous devrions intervenir ou refaire une demande supplémentaire. Pour nous, ça va à l'encontre de nos façons de faire actuellement. Hugues ou Bruno, je ne sais pas si vous voulez rajouter d'autres choses. Mais ça décrit un peu notre perception de comment nous comprenons actuellement les articles.

M. Bégin: Je pense qu'on vous comprend aussi. Ça va?

Autre point, l'article 10. Là, je vous avoue honnêtement que j'ai eu de la difficulté à vous suivre. Je comprends les dispositions comme étant le fait qu'on veut que la personne qui a conceptualisé et qui a pensé l'ouvrage, qu'ils soient un ou plusieurs firmes, ou concurrents, ou conglomérats, peu importe, mais que ceux qui l'ont fait ne soient pas les mêmes que ceux qui jugent de l'apparence et de la conformité des travaux à ce qui était prévu initialement. Alors, de quelle manière vous faites la distinction entre ce qui est prévu dans le projet de loi, en tout cas, ce qu'on en comprend, et ce que vous voudriez qu'il soit? J'avoue honnêtement que j'ai de la difficulté à vous suivre.

M. Bouchard (Dominique): Encore une fois, je vais tenter une réponse puis mes collègues, qui sont beaucoup plus ferrés dans ce domaine-là que moi, pourront ajouter.

Nous, actuellement, nous faisons affaire, par exemple, avec une firme X pour tel aménagement. Cette firme-là, pour nous, est la firme qui doit être responsable conjointement avec nous, en tant que propriétaire responsable de ces travaux-là, des travaux et des études et des résultats qui vont être faits sur l'aménagement comme tel. Ce que nous voulons éviter, c'est qu'on soit obligé d'avoir une autre firme, Y, qui vienne regarder le travail que la firme X a fait par rapport à cet aménagement-là. Un exemple peut-être bien pratique – Hugues est, je dirais, chez nous, la personne qui est en contact avec ces firmes-là – peut-être expliquer rapidement comment on fonctionne.

M. Jobin (Hugues): Oui, nous, on croit que la notion de responsabilité professionnelle de l'ingénieur, telle que décrite dans la loi, est nettement suffisante pour les objectifs que vise le ministre. Dans le fond, ce que le ministre – ce qu'on comprend – veut, c'est s'assurer que les travaux ont été réalisés de façon conforme aux plans et devis. Je pense qu'une lettre d'attestation de l'ingénieur qui aurait surveillé lui-même les travaux ou conçu les travaux engage déjà sa responsabilité. Une tierce personne n'ajouterait rien à la sécurité et risquerait même d'aller à des polémiques de divergence de points de vue. On pense que la Loi des ingénieurs est nettement suffisante pour donner toutes les protections que le gouvernement veut à ce sujet.

M. Bouchard (Dominique): J'ajouterais à ceci que, pour nous donner une sécurité supplémentaire, nous avons à l'interne, en tant que propriétaire de barrages, pris la décision d'avoir un genre de comité expert international qui vient travailler en collaboration et non pas travailler par-dessus l'épaule de la firme qui nous donne les recommandations, qui nous permet à nous de juger de la pertinence des recommandations de cette firme-là. Donc, c'est notre façon de faire, et nous croyons qu'un autre intervenant dans ce processus-là n'ajoute rien à la sécurité.

M. Bégin: Actuellement, j'imagine qu'il doit y avoir aussi différentes façons de procéder. Vous envisagez la construction d'un ouvrage. Dépendamment de son ampleur, de la disponibilité de vos ressources, etc., vous dites: Nous avons des employés, par exemple, qui sont en mesure de confectionner les plans et devis, ils ont les qualifications requises, ce sont des ingénieurs dûment inscrits au tableau de l'Ordre, donc, ils sont en mesure de faire les plans.

M. Bouchard (Dominique): Exact.

M. Bégin: Je ne sais pas si vous faites valider par la suite ce qui a été fait par vos ingénieurs à l'interne, soit en cours de route, soit au départ, soit à la fin, mais l'idée qui est derrière l'article qui est là, c'est de s'assurer que, si on a un ouvrage qui est confectionné par quelqu'un ou conçu par quelqu'un, que ça soit par la même personne qui certifie comme quoi, à la fin, tout a été fait, et que ce ne soit pas un employé de la firme qui construit. Autrement dit, qu'il y ait quelqu'un de l'externe qui n'ait pas de lien de subordination, d'employé, le patron-employé, et non pas une firme extérieure qui ait un contrat mais qui ait un contrat où la firme est indépendante, à toutes fins pratiques, de la société qui construit. Est-ce que vous faites cette distinction entre la conception interne et l'extérieur?

M. Bouchard (Dominique): O.K. Je vais encore juste amorcer la discussion puis peut-être demander à Hugues de compléter.

Dans certains cas, dépendamment des types de travaux, tout se fait à l'interne, donc il n'y a personne qui vient regarder ce que la personne interne a fait. Pour d'autres types de travaux, soit parce qu'on n'a pas les qualifications à l'interne ou on n'a pas les ressources suffisantes, nous faisons affaire avec des firmes extérieures. Mais, à l'interne, on a toujours quelqu'un qui est capable de juger de la pertinence ou non, en tant que gestionnaire responsable, des recommandations qui nous sont faites. Et c'est dans l'esprit que cette personne-là, qui met son sceau d'ingénieur sur les plans et les devis, engage sa propre responsabilité et que, nous, en tant que gestionnaires responsables, nous acceptons ces recommandations-là et nous prenons la responsabilité aussi. Donc, les deux façons sont possibles, dépendamment de l'envergure des projets.

Hugues, est-ce que tu veux rajouter quelque chose?

M. Jobin (Hugues): On pense vraiment que, dès l'instant où les plans ont été signés, scellés par un ingénieur professionnel, membre de l'Ordre des ingénieurs, et qu'il atteste même les plans tels que construits: Voici exactement ce qui a été fait, on pense que la société est protégée. Le code de déontologie, les responsabilités professionnelles sont claires, à l'heure actuelle, dans la Loi des ingénieurs. Demander un troisième intervenant juste... c'est ne pas faire confiance à la loi actuelle de l'Ordre des ingénieurs. C'est tout ce qu'on veut mentionner. Ça n'amène rien, à notre point de vue. On pense que les ingénieurs qui sont mandatés sont professionnels. Une simple attestation de leur part de la conformité des travaux serait suffisante.

M. Bégin: Enfin, peut-être un dernier point, le fonds de fiducie, 35.6°. Oui, 35.6°, effectivement. Si j'ai compris votre exposé, compte tenu de ce que vous faites et de votre expertise et expérience, vous demandez d'être exemptés de contribuer à la constitution d'un tel fonds. Est-ce que c'est ça, le sens de votre démarche?

M. Bouchard (Dominique): C'est exactement ça. Nous préférons investir dans la sécurité de nos ouvrages que de prendre cet argent-là et de le mettre dans un fonds de fiducie.

M. Bégin: Je vais tenter une expression, peut-être – je ne sais pas si j'arriverai à bien m'exprimer – mais, quand on parle d'un accident, on dit que c'est quelque chose qui ne devait pas arriver mais qui est quand même arrivé. Un peu en prévision de cette situation-là, tout en acceptant et en prenant pour acquis de façon évidente qu'il y a de l'expertise, de la bonne foi, de la bonne volonté, des investissements, il peut arriver quand même quelque chose qu'on n'avait pas prévu. Alors, dans ce sens-là, un fonds de fiducie ne vise pas à dire que quelqu'un ne fait pas bien son travail ou devrait le faire différemment, mais vise à prévoir l'imprévisible. Et on a connu ce que c'était, on sait que ça existe maintenant. Si on avait des doutes, on sait maintenant que ça existe, l'imprévisible. Le déluge nous a fait une preuve par mille que ça existait.

Alors, dans ce sens-là, est-ce qu'il n'est pas normal que l'ensemble des propriétaires exploitants d'ouvrages constituent ensemble une espèce de fonds de défense mutuelle pour prévenir une situation que personne ne veut mais qui peut arriver quand même? Et, en ce sens-là, malgré les efforts que chacun fait – et, à ce titre-là, je pense que je prends pour acquis que tout le monde le fait – est-ce qu'à ce moment-là on ne doit pas contribuer quand même?

M. Bouchard (Dominique): Je vais encore essayer de tenter une première ébauche de réponse et demander peut-être à mes collègues, Bruno ou Hugues, d'intervenir.

(10 h 40)

La façon dont nous comprenons la situation, c'est que, pour nous, il faut éviter à tout prix d'avoir ces événements-là. Lors du déluge de 1996, on a découvert qu'on avait des failles dans notre système et nous avons décidé d'investir plusieurs millions, depuis 1996, dans la sécurité de ces ouvrages-là. Donc, l'expérience qu'on a constituée depuis les 70 dernières années nous a permis d'apprendre au fur et à mesure des événements. Contribuer à ce fonds-là, pour nous, c'est prendre l'argent qu'on mettrait dans les barrages, dans la sécurité des ouvrages, puis le mettre dans ce fonds-là. Donc, éventuellement c'est le même dollar qu'on investit, soit dans la sécurité des ouvrages; on ne pourra plus l'investir là, on va le mettre dans le fonds. Donc, il y a un choix à faire. Il y a un choix à faire d'entreprise, il y a un choix de société à faire, vous l'avez mentionné, M. le ministre, mais, nous, en tant qu'entreprise, nous préférons mettre ce dollar-là dans la sécurité de nos ouvrages, compte tenu des conséquences – nous en sommes très conscients, avec la grosseur des réservoirs que nous avons – nous préférons prendre ce dollar-là et l'investir dans la sécurité de nos ouvrages et non pas dans un fonds de fiducie. Oui, Hugues.

M. Jobin (Hugues): Je vois une nette différence. Dans notre compréhension du texte qu'on lit, il y a une très nette différence entre l'assurance-responsabilité qui serait exigée pour, justement, un événement qui n'aurait pas été pensé et le fonds de fiducie qui est pour abandon. On ne conteste pas l'assurance-responsabilité; au contraire, l'Alcan possède de fortes assurances-responsabilité et peut en faire la démonstration. C'est sur l'aspect fonds de fiducie pour abandon seulement qu'on demande d'être exclus, pas sur l'aspect de l'assurance-responsabilité au niveau des dommages que pourrait causer une rupture ou un événement fortuit. C'est deux choses différentes. On ne s'objecte qu'au fonds de fiducie, pas à l'assurance-responsabilité.

M. Bégin: Je crois que vous aviez un bon point en référant à l'article 35.3°, qui est l'assurance-responsabilité civile...

M. Jobin (Hugues): Oui.

M. Bégin: ...et je pense que la façon dont je l'ai exprimée ressemblait plus à 35.3°...

M. Jobin (Hugues): Oui.

M. Bégin: ...qu'à 35.6° qui vise, lui, le fonds à l'égard de chaque ouvrage...

M. Jobin (Hugues): C'est ça.

M. Bégin: ...plutôt qu'à l'ensemble des ouvrages.

M. Bouchard (Dominique): Je m'excuse, j'avais mal compris.

M. Jobin (Hugues): C'est ça.

M. Bégin: Je vous remercie. Vous avez raison là-dessus.

M. Bouchard (Dominique): J'avais mal compris votre intervention.

M. Bégin: O.K. Très bien. Alors, je vous remercie. Je ne sais pas si mes collègues veulent intervenir.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Au niveau de l'article 3, est-ce que vous avez eu connaissance qu'il y a des gens qui ont passé actuellement chez vous pour faire des inspections en regard de la constitution du répertoire dont on parle?

M. Bouchard (Dominique): Je m'excuse, je comprends mal.

M. Whissell: Excusez. En référence à l'article 3, est-ce que vous avez eu connaissance que déjà des inspecteurs sont passés chez vous pour faire des inspections visuelles?

M. Bouchard (Dominique): Je vais passer la parole à Hugues, je ne suis pas au courant.

M. Jobin (Hugues): On a été en contact avec les gens qui devaient réaliser ces inspections-là, les étudiants qui ont été engagés, et ils avaient en main toute la documentation. On avait déjà un répertoire chez nous qui était très complet. Ils nous ont rappelés dernièrement pour, justement la semaine prochaine, valider certains points. Oui, à notre connaissance, le travail est fait.

M. Whissell: O.K. Quelle était la compétence de ces inspecteurs? Est-ce que c'étaient des ingénieurs?

M. Jobin (Hugues): Bien, je pense que les gens qui avaient été engagés étaient des étudiants en génie et il y avait une autre faculté, que j'oublie. Naturellement, c'est très minime et c'est pour ça qu'on a demandé d'être très prudent sur la qualification que l'on fera. On pense que ces personnes-là vont faire un excellent travail au niveau du répertoire, mais, tant qu'à se prononcer sur la qualité des ouvrages, on demandait une certaine prudence. Et là, de venir nous parler plus précisément et on pourra leur faire la démonstration que, oui ou non, leur jugement était juste sur cet aspect-là.

M. Whissell: Au niveau de l'article 11 concernant le délai de deux ans, comment entrevoyez-vous... Vous faites une démarche de modification; en cours de route, les normes changent, ou vous voulez faire un nouveau design. Quel mécanisme... voyez-vous une nouvelle demande d'autorisation? Comment voyez-vous cette approche?

M. Bouchard (Dominique): Hugues, je ne sais pas si on a eu des expériences de cette nature-là? Je pense que oui.

M. Jobin (Hugues): Oui, depuis 1990, on a soumis déjà plusieurs projets de réfection des barrages. C'est pour ça qu'on dit: Nous, quand on envisage un projet, c'est aménagement par aménagement. Si on prend le cas d'Isle-Maligne qu'on a commencé en 1990, il va se terminer en 1999, c'est neuf ans. Donc, on a eu une entente de principe sur ce que serait l'envergure de la réfection et une prescription où on dit: On va commencer en 1990 et on va terminer en... originellement en 1998. C'est pour ça qu'on dit qu'il faut laisser de l'ouverture, parce que comprenez que, sur neuf ans, l'ingénierie n'est pas complète et souvent est modifiée. Donc, on soumet les plans au fur et à mesure pour approbation. On retourne au ministère régulièrement pour soumettre nos plans et devis sur une base annuelle. Mais notre certificat d'autorisation est valable pour la durée qui a été prédéterminée. Effectivement, dans le cas d'Isle-Maligne, on a dû demander une extension d'un an pour des travaux qui ont débordé ou qui étaient d'envergure différente, et là on a resoumis une demande de certification parce qu'elle modifiait la date finale. Mais, effectivement, on demande de pouvoir avoir un certificat global, puis, après ça, soumettre étape par étape, annuellement peut-être, les plans et devis pour approbation.

M. Whissell: Au niveau de l'article 35.6°, au niveau du fonds, je comprends très bien que, vous, bon, ce que vous dites, c'est que vous investissez au fur et à mesure, que dans votre cas ce n'est pas nécessaire peut-être de prévoir la confection d'un fonds. Mais comment voyez-vous ça à travers le Québec, parce qu'il y a vos barrages, mais il y a aussi des plus petits producteurs? Pensez-vous qu'eux peuvent aller de la même façon que vous ou un fonds serait nécessaire dans le cas de plus petites opérations?

M. Bouchard (Dominique): Là, vous faites référence à l'abandon, au fonds d'abandon, ou...

M. Whissell: Au fonds d'abandon, oui.

M. Bouchard (Dominique): Au fonds d'abandon. Je pense que c'est une décision de société, je le répète, c'est vraiment au gouvernement à statuer là-dessus. Nous, en tant qu'entreprise, nous préférons être exemptés, c'est évident, parce que le dollar, encore une fois, qu'on met dans ce fonds-là, on préfère... Excusez. Le dollar qu'on a à investir, on aime mieux le mettre dans nos ouvrages que de le mettre dans un fonds. Maintenant, si le gouvernement, en tant que législateur, décide de faire autrement en termes de choix de société, ça lui appartient. Ce n'est pas à nous à décider comment ça devrait être fait. Nous, on a exprimé notre opinion par rapport à nous-mêmes.

M. Whissell: O.K. Au niveau de l'assurance-responsabilité civile, avez-vous une idée au niveau des montants qui pourraient être exigés? C'est sûr que c'est sujet à interprétation. On peut vous demander une assurance-responsabilité de 500 000 000 $.

M. Bouchard (Dominique): Exact.

M. Whissell: Comment voyez-vous l'évaluation que le gouvernement pourrait faire du montant qui serait nécessaire?

M. Bouchard (Dominique): C'est une excellente question. On s'est posé la question à plusieurs reprises à l'intérieur de l'organisation, parce qu'il faut comprendre qu'un événement majeur, par exemple, de bris, de rupture de barrage, a des conséquences catastrophiques. On l'a connu avec une petite digue, au lac Ha! Ha!, qui était toute petite, un tout petit réservoir, et ce n'est nullement comparable avec, je dirais, l'envergure des réservoirs que nous avons. Donc, en tant qu'entreprise, on s'est posé ces questions-là et, je dirais, je n'ai jamais obtenu de chiffre.

Par contre, ce que j'ai obtenu comme assurance, c'est qu'on va investir dans nos barrages pour s'assurer de ne pas vivre ces situations-là. Je ne peux pas, malheureusement, être plus précis que ça parce que, en ayant posé moi-même les questions, je n'ai jamais eu de réponses. La seule réponse que j'ai eue, encore une fois, c'est de dire: On va s'assurer de faire ce qu'il faut pour ne pas que ces événements-là arrivent, compte tenu de l'ampleur des catastrophes que ça pourrait occasionner en cas d'un événement très peu probable mais qui, malheureusement, peut arriver si jamais on ne fait pas ce qu'il faut faire.

M. Whissell: Il faut tenir compte quand même, dans le risque, de la récurrence des événements...

M. Bouchard (Dominique): Et voilà! C'est ça.

M. Whissell: ...et, dans le projet de loi, on ne fait pas mention nulle part de récurrence, un dans 1 000 ans, un dans 100 ans.

M. Bouchard (Dominique): Exact.

M. Whissell: Vous, actuellement, est-ce que vous avez une assurance-responsabilité civile et, si oui, quelle récurrence avez-vous utilisée, parce qu'il a dû y en avoir une?

M. Bouchard (Dominique): Nous avons une responsabilité civile. Je ne suis pas au courant du montant et de comment ça a été élaboré parce qu'on a des opérations à travers le monde. Donc, Alcan doit s'assurer... Par exemple, on parle de bris de barrage, mais on parle de différentes opérations à travers le monde, où on utilise différents produits chimiques, etc., et où il y a des populations environnantes. Donc, Alcan s'est donné les moyens de faire face à ces situations-là. Malheureusement, je n'ai pas le montant. Je ne sais pas s'il y en a un qui l'a, mais, moi, je ne l'ai pas.

M. Jobin (Hugues): À ma connaissance, il n'y a pas de clause particulière rattachée au bris de barrage. C'est la couverture totale pour tout événement de force majeure qui serait soit dans les alumineries, soit dans l'hydroélectrique. Il n'y a pas de particularité de responsabilité civile rattachée aux barrages, pas à notre connaissance. Ça n'existe pas sur le marché à l'heure actuelle.

M. Bouchard (Dominique): Et vous avez soulevé un point très important: la récurrence. Donc, c'est évident que la récurrence d'un tel événement... dépendamment de la récurrence, il peut y avoir un impact. Donc, nous, on tient compte aussi de cette récurrence-là dans les montants qu'on investit.

M. Whissell: J'ai une question pour vous, M. Bouchard, vous êtes dirigeant de l'entreprise, vous êtes directeur. Au niveau de l'article 44, au niveau de la responsabilité des administrateurs, quelle est votre réaction en lisant cet article?

M. Bouchard (Dominique): Je vais le relire, je pense. Ha, ha, ha!

(10 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Dominique): Je vous dirais très, très candidement que j'entends de plus en plus que les dirigeants sont responsables et peuvent être personnellement poursuivis. Par exemple, en sécurité, il arrive un événement majeur en sécurité; si on n'a pas fait ce qu'on doit faire, on peut éventuellement être poursuivi. Il y a des jurisprudences, etc. Puis je pense que ça demeure... Cet événement-là ou ce contexte-là est dans le même ordre d'idées. Donc, c'est évident qu'en tant que dirigeant d'entreprise, vous pouvez être sûr que je suis très conscient de cette responsabilité-là et qu'on fait ce qui doit être fait pour conscientiser les gens qui doivent allouer les fonds pour nous assurer qu'on va prendre soin de ces barrages-là de façon correcte et sécuritaire.

M. Whissell: Mais l'article en lui-même, il vous convient ou... Est-ce que vous en avez pris connaissance?

M. Bouchard (Dominique): Je vais le relire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Dominique): Oui, c'est dans le même sens de ce que je vous disais. C'est exactement le même sens.

M. Whissell: Au niveau des dispositions pénales, vous avez mentionné que c'était peut-être ambigu. Comment voyez-vous, parce qu'on a un projet de loi et on entend faire une loi avec... Pour l'appliquer, la loi, il faut qu'il y ait des sanctions s'il y a des fautifs. Comment voyez-vous l'application d'amendes? Avez-vous une idée, suite à l'article 36 qui est quand même assez vague? Est-ce que vous vous êtes penché sur la question?

M. Bouchard (Dominique): Pourriez-vous préciser votre question? C'est quoi, le sens exact de la question? Je m'excuse.

M. Whissell: On parle d'une amende entre 2 000 $ et 1 000 000 $. C'est très vague. Au niveau pénal, on fait une infraction, elle peut être mineure, majeure. Comment voyez-vous cet article? Est-ce que vous vous êtes penché dessus?

M. Bouchard (Dominique): Dans le détail de comment ça pourrait s'appliquer avec, bon, tel type de gravité, telle amende?

M. Whissell: Oui.

M. Bouchard (Dominique): Non, on ne s'est pas penché là-dessus.

M. Whissell: O.K. Merci. C'est tout.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Limoilou.

M. Rivard (Limoilou): Merci, M. le Président. Le ministre a posé tantôt la question qui piquait ma curiosité. C'est la contribution au fonds spécial. Naturellement, vous avez questionné sur... vous n'êtes pas certain que ce serait pertinent que votre Société la paie. Mais est-ce que vous en avez évalué le coût, de votre contribution à ce fonds?

M. Bouchard (Dominique): Oui.

M. Rivard (Limoilou): C'est combien?

M. Bouchard (Dominique): Là, on parle du fonds d'abandon? C'est bien ça? J'ai bien compris?

M. Rivard (Limoilou): Le fonds spécial auquel vous faites allusion dans votre mémoire: «Dans ce contexte, le gouvernement devrait soustraire Alcan de l'obligation de contribuer à ce fonds spécial.» C'est le fonds de fiducie.

M. Bouchard (Dominique): Non, on n'a pas évalué ce point-là en particulier.

M. Rivard (Limoilou): Vous n'avez pas d'idée du tout combien ça peut...

M. Bouchard (Dominique): Non. On a évalué d'autres éléments qui sont compris dans le projet de loi, mais ce fonds-là en particulier, non.

M. Rivard (Limoilou): Le chiffre d'affaires annuel, au Québec, d'Alcan, bien sûr, c'est en milliards de dollars.

M. Bouchard (Dominique): Oui.

M. Rivard (Limoilou): Vous ne vous souvenez pas du chiffre?

M. Bouchard (Dominique): Le chiffre d'Alcan, on parle d'environ 8 000 000 000 $ mondial. On produit environ 1 000 000 de tonnes au Québec avec l'arrivée d'Alma. Donc, ça va être, je dirais, une bonne... c'est une très grosse proportion du chiffre d'affaires d'Alcan.

M. Rivard (Limoilou): Vous faites allusion également aux redevances que vous payez au gouvernement du Québec de l'ordre de 325 000 000 $.

M. Bouchard (Dominique): C'est bien ça.

M. Rivard (Limoilou): Ceci n'inclut pas ou inclut les impôts au niveau du Québec?

M. Bouchard (Dominique): Non.

M. Rivard (Limoilou): C'est strictement...

M. Bouchard (Dominique): Ça, ça exclut les impôts. C'est directement relié à la Loi du régime des eaux, au bail de la Péribonca, et il y a un troisième élément. Mais c'est vraiment uniquement sur la gestion de la ressource hydrique, la ressource eau.

M. Rivard (Limoilou): Est-ce que vous avez en tête également le coût annuel que vous dépensez actuellement pour la question de contrôle, entretien de vos barrages, ces coûts?

M. Bouchard (Dominique): Oui. Si on parle uniquement main-d'oeuvre sans parler de matériaux, etc., c'est de l'ordre du million. Mais ça, c'est dans l'entretien régulier.

M. Rivard (Limoilou): 1 000 000 $ par année environ.

M. Bouchard (Dominique): 1 000 000 $ par année. Si on regarde, je dirais, ce qu'on met actuellement dans nos barrages en investissement majeur, qui est en majorité fait par des consultants ou par des entrepreneurs externes, on parle de l'ordre d'entre 15 000 000 $ et 20 000 000 $ par année.

M. Rivard (Limoilou): O.K. Si cet avant-projet de loi n'était pas modifié puis que ça devenait une loi, est-ce que vous connaissez l'impact? Est-ce que ça va vous occasionner des coûts supérieurs au montant actuels Sûrement, mais de quel ordre? Est-ce que vous passez de 1 000 000 $ à 2 000 000 $, de 1 000 000 $ à 1 500 000 $?

M. Bouchard (Dominique): Il n'y a pas d'impact majeur parce que ce qu'on fait actuellement dans nos programmes de réévaluation, on va continuer de le faire. On pense, la compréhension qu'on en a, c'est que ce qu'on fait est dans la bonne direction par rapport au projet de loi. Par contre, il y a des éléments qui vont additionner des coûts supplémentaires, auxquels vous avez fait référence; d'autres éléments dans le projet de loi qui, aussi, nous occasionneraient des coûts. Et, encore une fois, je tiens à le dire, le dollar qu'on a investi, on doit faire un choix avec: soit qu'on le met dans une police d'assurance, soit qu'on le met dans des fonds spéciaux, ou qu'on le met dans la sécurité des barrages. Nous, nous préférons clairement le mettre dans la sécurité des barrages.

M. Rivard (Limoilou): Ça a répondu à mes questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Au niveau du temps d'adaptation pour la nouvelle loi et la réglementation, vous restez quand même assez vague quand vous dites que vous croyez pertinent que la loi prévoie un délai. Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus?

M. Bouchard (Dominique): Je vais tenter une réponse puis je vais demander à Hugues de préciser.

Notre expérience nous dit qu'il faut prendre un certain temps pour mettre en place ce type de programme de sécurité de barrages. On ne peut pas dire du jour au lendemain: Et voilà, notre programme de sécurité de barrages est en place, on a tout ce qu'il nous faut, on a toutes les données et il ne reste simplement qu'à intervenir sur les infrastructures. Pour nous, ça a pris une dizaine d'années – si on veut simplifier les choses, là – avant vraiment d'avoir une vue d'ensemble de ce qu'il fallait faire. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on se dit: Il faut donner un certain temps à... dépendamment aussi de la «criticalité» – excusez le terme – de l'ouvrage puis de la condition de l'ouvrage, il faut donner un certain temps pour vraiment permettre de faire quelque chose d'intelligent là-dedans.

Hugues, si tu veux...

M. Jobin (Hugues): Effectivement, par rapport à ce que M. le député de Limoilou disait, pour nous, il n'y aura pas d'impact majeur sur nos actions au jour le jour. Le contenu de la loi, on est capable de le rencontrer très facilement. Tout ce qui restera, c'est probablement la production de rapports plus explicites au ministère, etc. Et ce temps d'adaptation là, pour nous, il peut être très, très court. Ce n'est pas notre problème. On pense que, pour certains autres, pour plusieurs autres, le législateur devrait peut-être leur donner... Parce que la bouchée est grosse quand il faut ramasser tout, mettre en place un système d'inspection, un système d'instrumentation, réévaluation des ouvrages. C'est déjà couvert... On a dit neuf ans pour le parc complet, un tiers; ça, ça va. Mais ce qu'on dit, c'est: Donnez une chance au coureur, là. Parce que, nous, on a 10 ans d'expérience de vécus. D'accord, on n'avait pas de loi pour nous imposer des délais, on a mis les délais qu'on a bien voulus, mais quelque chose entre cinq et 10, puis plus vers 10, serait judicieux pour l'application. Comme Dominique le disait, certains éléments plus critiques des ouvrages plus à impact majeur ou dont l'état serait vraiment inapproprié pourraient avoir des exigences plus rapides. Mais, pour l'ensemble de la législation, on devrait prévoir, à mon avis, quelque chose qui tourne vers les 10 ans.

M. Whissell: Une dernière question. Est-ce que vous pensez que ça peut remettre en cause la fiabilité de certains barrages, s'il n'y a pas de temps d'adaptation qui est prévu?

M. Bouchard (Dominique): Je dirais, pas nécessairement mettre en cause la fiabilité; par contre, ça peut mettre des entreprises dans une situation très, très, très difficile. Un exemple bien facile: si tout le monde doit avoir un programme en vigueur d'ici deux ans à cause de la législation, bien, pour certains, ça peut être beaucoup plus difficile que pour d'autres. On a 10 ans d'expérience, donc, pour nous, je dirais, ce n'est pas nécessairement très menaçant – mais, pour certains autres, ça peut devenir menaçant – compte tenu de l'expérience, encore une fois, que, nous, nous avons et, je dirais, du temps que ça nous a pris pour vraiment, encore une fois, faire quelque chose qui nous semble intelligent.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Vous avez indiqué au député de Limoilou que, qu'importe si le gouvernement décide d'avoir un fonds en fiducie, vous ne savez pas si ça va vous coûter plus cher. En d'autres mots, qu'importe qu'il y ait un fonds ou non, vous allez continuer à faire les investissements que vous croyez nécessaires dans vos barrages pour les garder sécuritaires. Mais de quelle façon, si on vous exclut... disons qu'on vous exclut; c'est vrai que vous allez être là peut-être pour 25, 30 ans. Mais, si jamais il y avait un abandon, de quelle façon le gouvernement pourrait aller chercher des sous pour s'assurer que ces barrages-là vont être en bonne condition et entretenus après votre départ?

(11 heures)

M. Bouchard (Dominique): Merci de votre question. Ça me permet de préciser un point, je pense, qu'il faut qu'il soit bien clair. Pour nous, tout ce qui est nouveau comme législation et qui va nous demander de prendre 1 $ puis de le mettre ailleurs que dans la sécurité des ouvrages, pour nous, c'est une addition, c'est de l'argent additionnel, et il va falloir décider qu'est-ce qu'on fait avec ça. Par exemple, on n'a simplement que 1 $ à investir: où on le met, ce 1 $? Donc, ça, c'est le premier point.

Le deuxième point. Pour nous, ça ne nous semble pas pertinent, dans notre contexte à nous, d'entreprise où on a des assises importantes de production hydroélectrique, où on investit des milliards dans la reconstruction de nos installations de production d'aluminium, où on investit dans la transformation de l'aluminium, où on travaille avec les communautés pour aller chercher de nouveaux investissements dans nos régions où nous sommes présents... Donc, pour nous, cette question-là n'est pas pertinente lorsqu'on parle d'abandon de l'assise. Je vais le dire dans des mots très simples: l'avantage hydroélectrique d'Alcan, c'est majeur. Donc, si on parle Alcan, il faut voir production d'aluminium directement reliée avec la production hydroélectrique. Donc, si Alcan, un jour, veut continuer de produire de l'aluminium, il va falloir qu'elle continue d'avoir son assise hydroélectrique. Je ne sais pas si c'est... J'essaie d'être le plus clair possible, mais...

M. Middlemiss: Mais il y a toujours cette possibilité qu'un jour ils arrêtent de faire de l'aluminium, et les barrages vont être encore là. Qu'est-ce qui arrive après?

M. Bouchard (Dominique): Je vous dirais que l'intérêt qu'on a actuellement, c'est de s'assurer, encore une fois, que... Il faut comprendre le concept qui est en arrière de ça. Quand on m'a demandé d'être directeur de cette organisation-là, on a dit: On veut que ça soit opéré de façon responsable et sécuritaire. Ça, c'est venu de mon grand patron. Et cette démarche-là, elle est là depuis un grand bout de temps. Donc, l'idée, c'est: les argents qu'on investit dans la sécurité de nos ouvrages, dans l'amélioration des ouvrages, c'est pour nous permettre d'opérer sur une longue, longue période. On parle actuellement de réfections qui vont nous permettre d'améliorer ou d'assurer la sécurité des ouvrages pour au minimum 50 ans. O.K.? Donc, l'horizon qu'on a par rapport aux travaux qu'on fait actuellement, c'est 50 ans. Donc, qu'est-ce qui va arriver dans 50 ans? Probablement que je ne serai plus ici pour le dire, en tout cas, certains d'entre nous. Ce que je peux vous dire, une chose, c'est qu'il est clair que la volonté d'Alcan, c'est d'investir à long terme dans la sécurité des ouvrages. On a commencé en 1990, on poursuit. On réajuste en fonction des événements. On investit. On a tiré des leçons du déluge. Et je n'ai jamais eu de difficultés à avoir de l'argent pour assurer cette sécurité-là.

M. Middlemiss: Vous parlez du déluge. Comment se sont comportés vos barrages dans la zone du déluge durant le déluge? Est-ce qu'ils ont tous résisté?

M. Bouchard (Dominique): Tous les barrages ont résisté. Il n'y a eu aucun débordement de barrage. Tous les équipements de levage ont été opérationnels. Une fois qu'on a dit ça, on peut dire: Bravo! on a fait ce qu'on avait à faire. Mais on s'est rendu compte qu'on avait des lacunes, et on a investi dans des nouveaux équipements de contingence au niveau électrique, par exemple, ou mécanique. On s'est dit: Si, par exemple, cette alimentation-là faisait défaillance, ce qui n'a pas été le cas lors du déluge, mais on sait qu'il y en a qui ont eu des problèmes... Nous, on a regardé nos affaires et on a dit: Oups! il nous manque une contingence ici. On a investi. Depuis le déluge, on a investi environ entre 2 000 000 $ et 3 000 000 $, 2 500 000 $ environ, uniquement sur les leçons du déluge. Donc, on a mis une nouvelle grue portique qui va être installée à la Chute-à-Caron, qui est le plus gros déversoir actuellement sur le Saguenay, où on passe environ 11 000 m³/s en crue maximale. On n'a seulement qu'une seule grue, on s'est dit: Si cette grue-là fait défaut... c'est bien beau d'avoir des barrages résistants, mais, si c'est tout contourné – on l'a vécu lors du déluge... donc, on a pris une décision d'investir 2 000 000 $ dans cette grue-là, et ainsi de suite pour les autres.

Donc, on s'est dit: C'est quoi qui est critique? C'est quoi qu'on va faire? Et on s'est donné, tous ensemble, comme organisation, la responsabilité d'apprendre de cet événement-là. Même si le déluge, pour nous, est un événement, je dirais, énorme... on a vécu la même situation que les autres, là. Ce n'est pas nécessairement localisé de la même façon, mais on était exactement dans la même – excusez l'expression – poutine que les autres, là.

Le Président (M. Lachance): Alors, ceci met fin aux échanges concernant le groupe. Je me permets de vous remercier, MM. Bouchard, Jobin et Larouche, de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan ltée, pour votre excellente contribution aux travaux de cette commission. Merci.

M. Bouchard (Dominique): Nous espérons que ça va vous être utile, parce que nous croyons fortement que la sécurité des barrages, c'est par ça que la sécurité des populations passe. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite maintenant les représentants de l'Ordre des ingénieurs du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. J'invite le principal porte-parole à s'identifier et à identifier les personnes qui l'accompagnent.


Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

M. Isabel (Denis): Oui, M. le Président. Je suis Denis Isabel, vice-président de l'Ordre des ingénieurs. J'ai avec moi M. Hubert Stéphenne, secrétaire et directeur général de l'Ordre des ingénieurs, et M. Jean-Claude Michaud, secrétaire permanent du comité de l'environnement, qui a préparé le mémoire qu'on vous dépose ici ce matin.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, vous pouvez y aller pour la présentation de votre exposé.

M. Stéphenne (Hubert): M. le Président, Mmes, MM. les commissaires, mesdames et messieurs, comme vous savez, l'Ordre des ingénieurs du Québec a été fondé en 1920 et regroupe plus de 41 000 membres, soit 41 000 ingénieurs, présents dans tous les secteurs de la société québécoise. L'Ordre régit la profession d'ingénieur au Québec. Son rôle consiste à encadrer la pratique du génie afin de s'assurer de la qualité des services rendus à la société par les ingénieurs et, de ce fait, d'assurer la protection du public. À cette fin, l'Ordre contrôle l'accès à l'exercice de la profession, surveille la pratique des membres et voit au respect de la discipline professionnelle. L'Ordre considère, en outre, qu'il lui incombe d'élargir son engagement social. Ainsi, l'Ordre veut contribuer au développement socioéconomique du Québec en présentant le point de vue des ingénieurs sur des questions d'intérêt public reliées aux sciences appliquées et à la technologie. C'est en vertu de ce volet particulier de sa mission que l'Ordre se présente devant vous aujourd'hui. M. Isabel.

M. Isabel (Denis): Alors, nous vous avons fait parvenir un mémoire. Je vais vous épargner la lecture détaillée de ce mémoire-là, je vais seulement vous présenter les points saillants, et puis ça nous donnera plus de temps pour discuter, si vous le voulez bien.

Alors, les points saillants. Premièrement, l'Ordre appuie la démarche. L'Ordre des ingénieurs du Québec se félicite de la démarche du gouvernement et encourage l'initiative d'accroître la sécurité des barrages et de l'ensemble des ouvrages et équipements de retenue d'eau. Étant donné la mission qui est la protection du public, c'est un absolu, donc c'est tout à fait conséquent qu'on se félicite de cette approche-là.

La portée de la loi, maintenant. Toutefois, l'Ordre souhaiterait que la portée de la future loi soit mieux précisée. Il doit être clair que l'avant-projet ne s'applique qu'aux ouvrages érigés sur les cours d'eau, excluant les ouvrages de retenue des résidus de procédés industriels. Cependant, si ces ouvrages sont exclus, le gouvernement doit s'assurer que les dispositions concernant la sécurité soient similaires à celles qui prévaudront pour les ouvrages installés sur les cours d'eau. Alors, ça vient d'une crainte. On est pour la sécurité des barrages, mais il y a certains types d'ouvrages qui, actuellement, selon le libellé ou l'interprétation qu'on peut en faire, ne seront pas soumis, et ces ouvrages-là – on pense, par exemple, aux retenues de digues de résidus miniers – peuvent avoir des conséquences très larges – on l'a déjà vu ailleurs dans le monde – quand il y a des problèmes. Donc, il faudrait, s'ils ne sont pas soumis aux mêmes régimes, qu'ils aient quelque chose d'équivalent qui en assure la sécurité quelque part.

Autre point saillant, le guichet unique. L'adoption d'une nouvelle loi, en s'ajoutant à d'autres lois et règlements touchant certains éléments de l'avant-projet de loi, risque d'alourdir et de rendre plus complexes des démarches déjà très lentes. Il serait souhaitable que le ministre crée un guichet unique pour les usagers. Il y a déjà assez régulièrement des remarques selon le fait qu'il faut déposer des demandes ou des projets en copies multiples ou à différents intervenants qui régissent différentes lois qui touchent ces ouvrages-là; le nouvel avant-projet de loi en amène une nouvelle. Alors, on souhaiterait, on exprime le voeu que le gouvernement en profite, tant qu'à réorganiser cet aspect-là pour ce genre de projet là, pour mettre en place un guichet unique qui ferait que les gens qui opèrent ou possèdent ces ouvrages-là, quand ils ont des modifications, ou des travaux, ou des aménagements à proposer, n'aient qu'un seul projet à déposer et qu'après ça quelqu'un, chargé de projet à l'intérieur d'un ministère ou du gouvernement, s'occupe de faire la distribution et les liens qu'il faut.

(11 h 10)

Autre point saillant, les ouvrages multiples en cascade. Par ailleurs, l'avant-projet de loi ne contient aucune disposition sur les ouvrages multiples réalisés en cascade sur un même cours d'eau ou bassin versant à divers moments fort éloignés dans le temps par différents propriétaires visant des objectifs distincts. La gestion par bassins versants pourrait être une réponse à cette problématique. L'avant-projet de loi ne semble pas favoriser ce mode de gestion. On soulève la question, et je pense qu'elle est claire: les ouvrages ne devraient jamais être considérés un à la fois parce que, sur le même bassin versant et le même cours d'eau, ils s'influencent mutuellement, autant en amont qu'en aval, en termes de sécurité.

Un point technique, hauteur d'eau et non hauteur de l'ouvrage. L'Ordre relève que la référence à la hauteur de l'ouvrage dans l'avant-projet de loi prête à confusion. Il est préférable que le critère désignant les aménagements visés par la loi réfère à la hauteur d'eau sur l'ouvrage plutôt qu'à la hauteur de l'ouvrage même.

Ouvrages couverts par la loi. En outre, les critères spécifiés par l'avant-projet de loi pour définir son champ d'application doivent être discutés. Pour plus de clarté et éviter toute interprétation erronée ou confusion, les critères devraient préciser les exclusions. Par exemple, les ouvrages de retenue de moins de un mètre de hauteur maximale et ceux ayant moins de 7,5 m et qui emmagasinent moins de 30 000 m³ d'eau seraient exclus. Je vous ferai remarquer que, dans l'exemple qu'on donne, on est très sévère, c'est-à-dire que des très petits ouvrages seraient soumis à l'avant-projet de loi, toujours dans l'esprit de la meilleure protection du public.

Concernant le répertoire, la constitution d'un répertoire est nécessaire pour gérer la loi. Un tel répertoire sert à colliger des informations sur les ouvrages de retenue et sur les aménagements, mais il doit aussi être un outil de gestion intégré dynamique pour assurer un suivi systématique du respect des dispositions de la loi. Alors, dans le libellé actuel, on n'a pas le sentiment que le... On voit la possibilité que le répertoire ne soit qu'une liste assez simple. Nous, on voudrait plutôt un outil de gestion pour les gens du gouvernement qui vont avoir à faire l'application de la loi, donc que le répertoire contienne passablement d'informations ou, à tout le moins, les pistes pour mener aux informations pertinentes.

Organisme de surveillance. L'Ordre suggère de créer un organisme de contrôle chargé de surveiller l'application de la loi et des règlements. Comme le ministère de l'Environnement et de la Faune et d'autres ministères sont directement impliqués dans l'application de la loi, le gouvernement y gagnerait en transparence par la mise sur pied d'un tel organisme distinct des ministères. J'explique. Une bonne partie des très nombreux ouvrages existants sur le territoire québécois sont sous soit la propriété ou la responsabilité d'un ministère ou d'un autre, ou d'un organisme gouvernemental. Dans un but de transparence, on suggère que l'application de la loi soit donnée à un organisme indépendant pour préserver à tout le moins l'apparence de transparence et éviter les critiques faciles.

Responsabilités des ingénieurs, incluant la surveillance des travaux de construction. Sur le plan des responsabilités qui incombent aux ingénieurs, il faut s'assurer que les plans et devis soient signés par un ingénieur. Il faut également veiller à ce que la supervision des travaux de construction soit placée sous la responsabilité d'un ingénieur. En apportant ces précisions, il ne sera donc plus nécessaire de faire vérifier par un tiers ingénieur si les travaux ont été exécutés en conformité avec les plans et devis. Il doit en être ainsi de la préparation des documents d'exploitation, des programmes de sécurité, de surveillance et d'inspection. De plus, par souci de cohérence, toute modification aux plans et devis et tout changement de fonction des ouvrages existants doivent être exécutés par un ingénieur. À certains articles, on voit que le ministère ou le ministre se donne le privilège de modifier, par exemple, les plans ou les projets soumis. Un exemple: ça pourrait être qu'il pourrait suggérer des modifications qui devraient être au moins vérifiées par un ingénieur qui en prendrait la responsabilité ultimement chez le propriétaire ou l'exploitant.

Finalement, on demande ou on recommande toujours d'assurer la compatibilité avec les autres lois, autant fédérales que provinciales. Concernant un aspect particulier, il y a beaucoup de réglementations qui vont être rattachées à cet avant-projet de loi. On répète une recommandation qu'on a déjà faite dans plusieurs autres projets de règlement ou de loi, c'est de bâtir des réglementations qui sont basées sur les objectifs plutôt que sur les moyens. Alors, plutôt que de dire comment construire un barrage, qu'on donne des objectifs de sécurité, et les gens le construiront de la meilleure façon possible en fonction des technologies qui évoluent dans le temps. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Isabel. M. le ministre, pour les échanges.

M. Bégin: Alors, merci infiniment pour votre présentation. Je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais, compte tenu de l'approche que vous avez eue très spécifique à l'égard de certains points du projet de loi, je comprends que, dans l'ensemble, et je voudrais avoir votre commentaire là-dessus... sur l'orientation, les objectifs du projet de loi, si vous êtes en accord, ou vous vous sentez confortable avec ça, ou si, au contraire, vous ne l'êtes pas.

M. Isabel (Denis): Vous avez très bien compris. Comme je le disais au début, on se félicite du projet de loi parce qu'il assure la sécurité des barrages et de nos concitoyens. Et puis les points que j'ai soulevés, ce sont des petits points; certains... Bien, «petits»! Certains sont assez gros...

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Isabel (Denis): ...mais ce sont des points quand même.

M. Bégin: Ne les diminuez pas, là. Ha, ha, ha!

M. Isabel (Denis): Mais, sur tous les autres aspects du projet de loi qu'on n'a pas mentionnés, nous sommes d'accord.

M. Bégin: O.K. Parfait.

M. Isabel (Denis): Donc, ça veut dire sur la grande majorité du projet.

M. Bégin: Ça va. Alors, sur les aspects très pratiques que vous avez soulevés. Est-ce que la définition de «barrage» n'inclut pas que ça n'est que des ouvrages qui sont sur des cours d'eau par opposition à d'autres ouvrages auxquels vous avez fait allusion? Ce n'est pas une question-piège, mais est-ce que ce n'est pas vraiment le sens d'un barrage?

M. Isabel (Denis): Nous, c'est ce qu'on entend, O.K. Quand on nous parle d'un projet de sécurité des barrages, on entend – c'est pour ça qu'on le répète ici, on se donne la peine – on dit: C'est les ouvrages installés sur un cours d'eau. Par contre, comme je le mentionnais, il y a des barrages ou des digues – là, la terminologie peut différer – qui ne sont pas sur des cours d'eau et qui ne seraient pas, si on spécifiait dans l'avant-projet de loi que ça s'applique aux ouvrages qui sont situés sur les cours d'eau, parce que ce n'est pas écrit dans la terminologie qu'on a eue... Par contre, les gens qui ont travaillé sur le projet nous ont mentionné que c'était ça, l'idée. Nous, ce qu'on dit: Si ça ne couvre pas les autres ouvrages qui ne sont pas sur les cours d'eau, il y a des risques là et il faudrait, comme on le dit, soit qu'ils soient soumis, en élargissant la portée du projet, ou qu'on s'assure qu'il y ait d'autres réglementations ou que les autres organismes responsables de ces ouvrages-là agissent de façon à en garantir la sécurité de la même façon.

M. Bégin: Vous nous dites: Si c'est ça que ça veut dire, pourquoi ne pas le dire clairement? C'est ça?

M. Isabel (Denis): C'est ça.

M. Bégin: Parfait. Vous avez soulevé les guichets uniques. Là, ce n'est pas une question, mais il est bien de l'intention du ministère d'avoir un guichet unique pour toutes ces questions-là et, là-dessus, on va prendre les moyens requis pour y arriver.

Les cascades. Je trouve ça extrêmement intéressant que vous souleviez cette question-là, parce que, effectivement, quand on prend le déluge, sur la rivière Chicoutimi, Portage-des-Roches, puis Arnaud... il y en a un autre qui finit en «o» également...

Une voix: Chute Garneau.

M. Bégin: Chute Garneau. Bon, il y en avait au moins trois, peut-être quatre. On comprend, quand on voit ce qui s'est passé, que l'un a de l'influence sur le suivant et, si je comprends votre remarque, c'est qu'on aurait une préoccupation immédiate de barrage par barrage, mais sans tenir compte de l'ensemble de ceux qui peuvent exister sur une même rivière. Alors, de quelle manière verriez-vous s'exprimer une préoccupation comme celle-là dans le projet de loi?

M. Isabel (Denis): Premièrement, vous avez bien cerné la question, c'est vraiment ça qu'on soulève comme problématique, et puis ça oblige les gens qui exploitent des ouvrages, et quand ce n'est pas le même organisme, sur le même cours d'eau, dans le même bassin versant, à se concerter ou à avoir des plans de mesures d'urgence intégrés, ou à avoir même à faire les... on irait même jusqu'à la conception et la gestion des ouvrages de façon intégrée, pour éviter des problématiques qu'on a connues dans le malheureux épisode du Saguenay.

Donc, comment orchestrer ça? Dans le document qu'on vous a déposé, on vous souligne l'expérience du COBARIC, qui est un organisme dont le mandat est beaucoup plus large que la sécurité des barrages, mais qui est un organisme de gestion de la ressource eau par bassins versants. On est très intéressé par cet exemple-là. On le soulève, parce que ce que ça veut dire, c'est qu'on recommande qu'il y ait, en fin de compte, une concertation au niveau du bassin versant, que ça soit dans le cadre large d'un organisme de bassin versant comme le COBARIC, si l'expérience est positive, ou, à tout le moins, pour la sécurité des barrages, qu'on oblige, par l'avant-projet de loi, d'une manière ou d'une autre, les gens qui opèrent dans un même bassin versant à avoir une commission, ou un organisme, ou un moyen, une coordination de leurs actions et de leur développement.

M. Bégin: Je comprends bien ce que vous dites, mais jusqu'où allez-vous dans l'exigence à l'égard, justement, de cet organisme ou des différents propriétaires de se concerter? Est-ce que vous allez au point de dire qu'ils doivent se soumettre mutuellement leurs plans d'urgence ou des mesures qu'ils envisagent de faire? Jusqu'où allez-vous dans cette exigence-là?

(11 h 20)

M. Isabel (Denis): Bien, je pense qu'au niveau de la sécurité il ne devrait pas y avoir de limite. Ça devrait être un plan d'action complètement intégré et un partage de toute l'information. Ça serait très dommage, après coup, de se rendre compte que, parce que quelqu'un avait caché de l'information, il est arrivé quelque chose. Ça serait une bêtise. Donc, dans l'option de la protection du public, c'est le partage complet de toute l'information et des décisions d'opération.

M. Bégin: Croyez-vous que ce soit nécessaire d'adopter le concept du bassin versant pour arriver à faire ça ou si vous voyez, dans ce concept, la solution vraiment aux préoccupations que vous avez?

M. Isabel (Denis): Bien, je ne voudrais pas rattacher tout ce qu'on propose uniquement au projet du COBARIC, parce qu'il est tellement large qu'il peut détraquer pour toutes sortes d'autres raisons. Mais ce qui est de la sécurité des barrages, O.K.? il faut qu'il y ait une concertation au niveau d'un même cours d'eau ou d'un même bassin versant. Ne serait-ce que ne concernant que la sécurité, il faudrait que ça soit là, absolument.

M. Bégin: Hauteur d'eau, hauteur d'ouvrage, est-ce que ce n'est pas une question purement technique pour être capable de déterminer vraiment, de façon parfaite, ce qu'est la hauteur d'un ouvrage? Parce que ce qu'on veut savoir, c'est...

M. Isabel (Denis): La quantité, le risque...

M. Bégin: ...qui est assujetti et qui ne l'est pas. À ce moment-là, est-ce que la hauteur de l'ouvrage ne nous donne pas, justement, le type que l'on veut assujettir, compte tenu du fait – je ne veux pas jouer au technicien – qu'on parle de revanche. Je vois qu'il y a un rapport entre la hauteur du barrage, le contenu d'eau et la revanche qu'on doit avoir, etc. Est-ce qu'on ne tombe pas dans une problématique complexe?

M. Isabel (Denis): Vous avez raison. Au sein même de l'Ordre, il y a eu un débat...

M. Bégin: Oh! Ha, ha, ha!

M. Isabel (Denis): On aime ça, se débattre sur des questions techniques comme ça.

M. Bégin: Ah, ah! On vient de découvrir quelque chose.

M. Isabel (Denis): Alors, on a quand même gardé le texte comme il est là. C'est tout simplement que ce qui crée le risque d'un barrage, ce n'est pas l'ouvrage lui-même, mais c'est l'eau qui est contenue derrière. Donc, c'est pour ça qu'on a gardé le concept de hauteur d'eau. Mais c'est sûr que c'est un point technique sur lequel il pourrait y avoir de longues discussions avec nos collègues ingénieurs du ministère de l'Environnement, par exemple, ha! ha!

M. Bégin: O.K.

M. Isabel (Denis): Vous comprenez? C'est la quantité d'eau qui crée le risque et non pas la hauteur de l'ouvrage elle-même.

M. Bégin: D'accord.

M. Isabel (Denis): Donc, c'est tout simplement ce point-là qu'on voulait soulever.

M. Bégin: Mais on peut présumer que, plus l'ouvrage est haut, plus on a l'intention de retenir...

M. Isabel (Denis): Bien, on ne le fait pas haut pour rien, hein, c'est ça. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ha, ha, ha! C'est ça. O.K. Champ d'application. Je comprends que c'est une question de formulation que vous exprimez là. Vous n'êtes pas en désaccord avec ce qui a été retenu comme critères pour déterminer les ouvrages, ceux qui le sont, assujettis ou pas, ou à quel niveau, mais c'est une question de clarification quant au champ d'application...

M. Isabel (Denis): Exact.

M. Bégin: ...pour être certain qu'on parle bien des bonnes choses. C'est ça?

M. Isabel (Denis): Oui, M. le ministre.

M. Bégin: Parfait. Quant au répertoire, vous dites qu'à partir de l'article 3 on n'atteindrait pas ce que vous visez comme prétention, à l'effet que le répertoire devienne un ouvrage de gestion, un outil de gestion. De quelle façon devrions-nous exprimer, à l'article 3, cette préoccupation-là pour rejoindre ce que vous cherchez à obtenir?

M. Isabel (Denis): Je ne me souviens pas par coeur de l'article en question, mais, de mémoire, je crois que les informations qui étaient exigées à l'article 3 étaient quand même le minimum, ce qu'on juge, nous, un minimum: donc, qui est le propriétaire, qui est l'exploitant. C'est plus une inscription des ouvrages qu'une description du risque, ou de leur état, ou de leur fonctionnement, ou de leur gestion. Donc, on voudrait qu'il y ait beaucoup plus des autres informations concernant l'état de l'ouvrage, les risques qu'il représente, les plans de mesures d'urgence, la gestion, comment il est opéré, etc., qui soient intégrées dans l'outil en question.

M. Bégin: En fait, vous nous dites que le règlement qui devrait être adopté en vertu du premier alinéa de l'article 3, «un règlement du gouvernement prescrit les renseignements et documents que doit contenir le répertoire», c'est à ce niveau-là qu'on devrait se préoccuper, justement, d'obtenir tout ce qui est nécessaire pour développer un véritable outil de gestion à partir du répertoire. C'est ça?

M. Isabel (Denis): C'est ça. C'est surtout que le répertoire va avoir un caractère public.

M. Bégin: Oui.

M. Isabel (Denis): Donc, les informations... Parce que, si on a un répertoire qui nous dit que tel barrage est opéré par telle compagnie et qu'il est à tel endroit, puis il a telle hauteur, comme ça, tous les citoyens peuvent le constater sans consulter le répertoire. Ce qu'ils vont être intéressés de savoir, toujours dans un principe de transparence et de protection du public, c'est d'avoir un peu plus d'informations. Étant donné que le répertoire va être à caractère public, nous, on recommande qu'il y ait beaucoup plus d'informations qui soient incluses dans le répertoire. Je ne suis pas sûr que tout le monde va avoir la même recommandation, mais, nous, c'est ce qu'on pense.

M. Bégin: Un dernier point, qui est important, je pense. Vous avez soulevé l'indépendance du pouvoir du ministère de l'Environnement par rapport à ses propres ouvrages et les ouvrages des autres. Vous suggérez un organisme indépendant. Est-ce que je dois comprendre que vous faites une distinction en disant «organisme indépendant» d'une unité autonome de services qui est généralement sous la responsabilité d'un sous-ministre, sans conseil d'administration particulier, alors que, par exemple, un organisme indépendant pourrait être sous la responsabilité du ministre, avec un conseil d'administration qui, lui, serait véritablement indépendant, la responsabilité ultime étant, bien sûr, supportée par un ministre? Alors, qu'est-ce que vous avez en tête, ou avez-vous quelque chose de plus précis?

M. Isabel (Denis): Bien, sans entrer dans le détail administratif, ce qu'on veut séparer, c'est la fonction de gestion actuellement des ouvrages au ministère de la fonction d'application de ce projet de loi là. Ce qu'on voit actuellement, c'est que ce sont sensiblement les mêmes personnes qui font cet ouvrage-là. Nous, ce qu'on voudrait, c'est que ça soit deux équipes séparées pour justement qu'il n'y ait pas l'apparence de conflit d'intérêts. Aussi, il y a un autre avantage, c'est que, si c'est un organisme séparé qui fixe les balises, O.K., bien, l'autre groupe au sein d'un ministère qui a la charge de gérer les ouvrages va pouvoir dire: Écoutez, on demande des budgets pour améliorer la sécurité; ce n'est pas un caprice, on se plie aux mêmes exigences que tous les autres opérateurs. Tandis que, si c'est dans la même boîte, vous voyez un petit peu, la personne se donne elle-même une recommandation de demander à son patron un budget plus grand pour jouer avec ses barrages. Donc, on veut séparer ça.

M. Bégin: Et si on arrivait à accepter votre idée, qu'est-ce que vous suggérez pour payer les coûts que ça représenterait?

M. Isabel (Denis): Bon. Actuellement, dans le projet de loi, il y a déjà une tarification de prévue. Donc, il y a déjà des montants qui sont prévus pour justement opérer. Au point de vue de la gestion de la loi, que l'organisme soit séparé ou inclus, il va faire le même ouvrage. Il y a peut-être un peu plus d'administration à payer; il va y avoir peut-être deux directeurs au lieu d'un, des choses comme ça. Mais, au point de vue de l'opération, ils vont faire la même chose, sauf qu'ils vont être séparés. Donc, il n'y a pas un coût supplémentaire astronomique. Puis vous voulez déjà faire un projet de loi avec... Vous voulez déjà administrer cette loi-là. Ça va vous coûter de l'argent pour l'administrer puis la faire appliquer. Ça va coûter la même chose pratiquement, j'imagine, que ça soit à gauche ou à droite.

M. Bégin: C'est le mot «pratiquement» que j'essaie de qualifier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: M. Isabel, concernant les ouvrages de retenue, vous mentionnez que, bon, le présent projet de loi exclut tous ces ouvrages. Pensez-vous que ces ouvrages pourraient s'intégrer facilement au présent projet de loi?

M. Isabel (Denis): Oui. C'est sûr qu'il y a certaines spécificités, si on parle, par exemple, des ouvrages de retenue des résidus miniers, mais les spécificités sont techniques. O.K.? Donc, la partie technique du règlement concernant les mesures d'urgence ou les règles... Ça va plutôt se refléter au niveau des règlements qui vont accompagner. Par exemple, comment évaluer la sécurité de ces ouvrages-là? Une retenue de boue, ce n'est pas comme une retenue d'eau, il y a des charges différentes, etc. Mais ça, c'est une question purement technique qui pourrait être réglée au niveau des règlements. Les exigences ou les objectifs de sécurité pourraient fort bien être les mêmes, ou devraient l'être. Donc, ça pourrait être couvert par le même projet de loi, je crois. Il n'y aura pas de gros problèmes.

M. Whissell: Avez-vous un ordre de grandeur du nombre de types d'ouvrages de retenue qu'on a au Québec actuellement?

M. Isabel (Denis): En nombre?

M. Whissell: Oui. Avez-vous une idée?

M. Isabel (Denis): Il y a quelques centaines de parcs à résidus miniers, si on parle de ce type d'installation là. Il y a aussi beaucoup d'ouvrages de retenue qui appartiennent aux municipalités pour des réserves d'eau. Donc, il y a là aussi un nombre que je ne pourrais pas quantifier, mais il y a un nombre quand même considérable aussi, qui doit se chiffrer en centaines, d'équipements de ce genre-là. Après ça, il y en a un certain nombre, plus petit, qui sont d'autres retenues d'eau pour des fins industrielles ou autres, qui seraient peut-être un peu moins nombreuses. Mais je ne sais pas si on a les statistiques sur ces genres de choses là. Le ministère a sûrement ces chiffres-là, mais pas l'Ordre des ingénieurs.

M. Whissell: Au niveau de l'organisme de contrôle, si je comprends bien, c'est que vous avez parlé de transparence, mais c'est plus transparence pour le gouvernement. Parce que, bon, le gouvernement est propriétaire de nombreux ouvrages, le ministre engage des ingénieurs pour évaluer ses propres barrages, c'est le ministre qui approuve le rapport de son ingénieur, dans le fond... bien, qui l'accepte. C'est de ce côté-là que vous êtes mal à l'aise ou...

M. Isabel (Denis): Non, ce n'est pas au niveau de l'approbation des rapports, c'est au niveau des budgets pour opérer ces barrages-là. Parce que, si les ingénieurs du gouvernement soulèvent des problèmes avec certains ouvrages, il va falloir qu'il y ait des budgets alloués à ça. Puis il peut y avoir apparence... Si jamais il arrive un problème avec un ouvrage, on va dire: On le sait bien, c'est les gens du gouvernement; ils ne se sont pas donné les budgets qu'il fallait, etc. Si c'est séparé, cette question-là n'arrivera pas. En tout cas, elle va être plus difficile à soulever si c'est séparé.

M. Whissell: Alors, vous, vous voulez vous assurer qu'il y a un organisme, une entité, avec son propre budget, qui est dévoué exclusivement au contrôle de la sécurité des barrages.

(11 h 30)

M. Isabel (Denis): Oui.

M. Whissell: O.K. Au niveau du répertoire, vous, vous voyez un répertoire qui est dynamique, qui évolue dans le temps, pas un répertoire qu'on fait une fois et qui s'éteint après. Si je comprends bien, sur une base régulière, il y aurait des évaluations qui seraient faites, le document serait public, pourrait être mis à la consultation des gens.

M. Isabel (Denis): Oui.

M. Whissell: Au niveau des aménagements multiples en cascade, vous dites qu'il y a un problème qui doit être examiné. C'est évident que, sur le même cours d'eau, s'il y a plus qu'un ouvrage, je pense qu'il est important de regarder l'ensemble. Comment voyez-vous que, par la présente loi, nous puissions évaluer l'impact des différents barrages sur un même cours d'eau?

M. Isabel (Denis): C'est que l'avant-projet de loi demande aux opérateurs et propriétaires de présenter leurs plans de gestion, d'évaluer la sécurité de leurs ouvrages, mais ouvrage par ouvrage. Par contre, un ouvrage qui est en aval d'un autre est soumis carrément à la sécurité de celui qui est en amont, et puis ça devrait être intégré dans l'évaluation de la sécurité. Et même plus, quand on prend des mesures correctrices ou qu'on décide de changer notre mode de gestion, les niveaux d'eau vont influencer. On l'a vu, dépendant comment on gère l'ouvrage, en fonction des périodes de l'année, il y a des périodes plus à risque, d'autres qui sont moins à risque. Donc, il faut absolument que ça soit intégré d'amont en aval si on veut atteindre le risque minimum ou la sécurité maximum de l'ensemble des ouvrages. C'est dans ce sens-là. Et alors, l'avant-projet de loi ne couvre que les ouvrages un à la fois. Ce qu'on demande, c'est qu'il y ait un article ou des provisions d'ajoutées pour permettre ou obliger même de faire ces plans de mesures d'urgence là, de faire ces règles de gestion là ou de les partager entre les différents utilisateurs de façon à maximiser la sécurité de l'ensemble de l'aménagement sur un bassin versant.

M. Whissell: Vous parlez de mécanismes d'harmonisation avec le fédéral. Pouvez-vous expliquer?

M. Isabel (Denis): On ne pense pas à une loi ou à un règlement spécifique à ce point-là, c'est un commentaire général qu'on a déjà fait à d'autres moments. Dans le domaine de l'eau en particulier, actuellement... bien, il y a eu un symposium sur l'eau, il y a eu différents projets qui touchent l'eau, on a même des projets... il y a des projets qui ne sont pas encore déposés, mais on sait qu'ils sont en préparation au ministère de l'Environnement, qui touchent l'eau, qui sont multiples, actuellement. Et puis c'est toujours la même chose, c'est que, suite au Symposium sur l'eau, on attend ou on désire toujours avoir un cadre qui englobe tout ça pour s'assurer de la correspondance de cet ensemble-là, une certaine coordination. Et puis le fédéral est là aussi, parce qu'il y a des règlements, il y a des lois qui existent et qui touchent aussi le régime de l'eau sur certains aspects. Donc, ce qu'on veut, nous, c'est de s'assurer de la compatibilité, pas seulement même avec ce qui existe actuellement, mais ce qui est prévu. Parce qu'une des problématiques qu'on a, c'est qu'on a beaucoup de règlements et de projets de loi sur la planche à dessin, mais, si on les sort un par un, il faut toujours garder en tête qu'il va falloir que ça soit harmonisé au fur et à mesure qu'on construit l'édifice pour ne pas qu'il reste de trous dans les murs.

M. Whissell: Au niveau des exclusions, vos critères de retenue sont plus sévères. Pensez-vous qu'avec le projet de loi actuel, le fait de ne pas tenir compte de votre recommandation pourrait mettre la population en danger à certains endroits? Sur quoi vous vous basez pour dire: Bon bien, nous, on pense qu'on devrait élargir l'application de la loi au nombre d'ouvrages?

M. Isabel (Denis): O.K. C'est qu'un petit ouvrage, comme ceux qu'on va chercher, de 30 000 m³, ce n'est pas une quantité d'eau énorme. C'est sûr qu'un ouvrage de ce type-là qui aurait un bris majeur et une perte de son réservoir n'aurait pas des répercussions sur des kilomètres. Par contre, il suffit qu'il y ait une installation, une résidence malheureusement située, et le risque, le problème est là. Alors, ce qu'on dit, c'est que ces petits ouvrages là devraient être aussi soumis. Par contre, dans l'application de la loi, c'est sûr que l'étude de risque ou l'étude des répercussions d'un bris sur un petit ouvrage serait en conséquence du risque et de l'étendue de l'ouvrage. Mais, pour la personne ou le citoyen qui est propriétaire d'une résidence, ou d'un terrain, ou d'une installation en aval d'un petit barrage, s'il y a un risque, s'il y a un problème, s'il y a un accident, c'est les mêmes conséquences, que ça soit quelqu'un qui est à... pour l'individu, c'est autant de risques. C'est tout simplement en vertu de ce principe-là qu'on suggère d'être un petit peu plus sévère.

M. Whissell: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Limoilou.

M. Rivard (Limoilou): Merci, M. le Président. Sur la notion du tiers ingénieur, vous soulignez que le recours à une attestation venant d'un tiers ingénieur soulève des problèmes. Ce que le gouvernement souhaitait par ça, c'est qu'on voulait que l'ingénieur qui ferait l'attestation soit indépendant du promoteur et, s'il advenait que ça cause des problèmes, que ça ne soit pas clair, nous allons clarifier la loi à cet effet. Est-ce que vous pouvez vivre avec ça?

M. Isabel (Denis): Oui, exactement. Il n'y a pas de problème que l'ingénieur soit indépendant du promoteur. C'est un peu comme quand on demande au gouvernement que l'application de la loi soit indépendante, c'est un peu le même principe. Donc, on ne fera pas de cas à part. Par contre, à partir du moment où il y a une firme de génie qui n'est pas le promoteur, qui n'est pas l'opérateur ni le propriétaire du barrage et qui fait des plans et devis et qui surveille ses travaux, elle n'a pas besoin d'un tiers. C'est cette interprétation-là qu'on ne veut pas voir. Un ingénieur ou une firme qui fait des plans et devis puis qui, après ça, surveille les travaux et en atteste la conformité des plans tels que construits, etc., c'est amplement suffisant pour couvrir la protection du public. C'est déjà ce qui se fait partout, dans tout ce qu'on construit au Québec. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on fait la remarque.

M. Rivard (Limoilou): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Est-ce que je peux comprendre de votre réponse que, si l'ingénieur travaille pour le compte... c'est un employé d'une compagnie, il a son sceau, c'est un ingénieur, lui, il fait les travaux, vous indiquez que peut-être là on pourrait avoir un tiers? C'est ça que vous avez indiqué?

M. Isabel (Denis): Oui, ça pourrait être une situation, quoique, selon le code de déontologie, la Loi sur les ingénieurs, tous les ingénieurs, même s'ils travaillent pour un client, pour son employeur, sa responsabilité première, c'est envers le public. Donc, il n'y a pas a priori de problème là. Mais il y a l'apparence d'un conflit d'intérêts, puis je le soulève de la même façon que je l'ai soulevé versus l'organisme de contrôle.

M. Middlemiss: Toutefois, il faudrait certainement dire: Si on a un code de déontologie, on a une responsabilité comme ingénieur...

M. Isabel (Denis): La responsabilité est là.

M. Middlemiss: ...qu'on soit employé d'un bureau d'ingénieur-conseil ou qu'on travaille directement pour la compagnie, il n'y a pas deux poids, deux mesures.

M. Isabel (Denis): Non, il n'y a pas deux poids, deux mesures.

M. Middlemiss: Il n'y en a seulement qu'une.

M. Isabel (Denis): On a même, au sein de l'Ordre, un fonds de défense même, parce que c'est déjà arrivé que des ingénieurs, pris avec leur employeur dans des situations délicates, ont eu à subir des problèmes. Donc, on va même prendre fait et acte pour nos membres quand ils ont été un petit peu brimés en fonction de la protection du public.

M. Middlemiss: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Whissell: Oui.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Whissell: Excusez. Allez-y.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Bégin: Allez-y donc, M. le député. Laissez-moi juste deux, trois minutes à la fin, ça va être suffisant. Merci.

M. Whissell: Au niveau de la notion de sécurité – on en parle tout le long du projet de loi – êtes-vous à l'aise avec la définition qu'on en donne? Parce que, ici, je note que vous dites: «La notion de sécurité et les exigences à cet égard doivent être définies en fonction des dommages que peut causer une installation en cas de rupture.» Alors, vous semblez dire qu'au niveau de la sécurité il y aurait des choses à faire au niveau du projet de loi.

M. Isabel (Denis): Oui, tout simplement, on fait référence au fait d'ouvrages qui sont en plein bois, comme on va dire, en pleine forêt, où les conséquences d'un problème majeur sur l'ouvrage ne seront pas les mêmes qu'un ouvrage qui est en ville, par exemple, ou qui est dans un milieu bâti. C'est tout simplement en référence à cet aspect-là. Donc, les exigences au niveau de la sécurité, au niveau des plans de mesures d'urgence, en fait à tous les niveaux, dans l'avant-projet de loi, pourraient peut-être avantageusement être modulées en fonction de cet aspect-là.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

(11 h 40)

M. Bégin: J'aimerais peut-être revenir sur la question de l'article 3 concernant des renseignements que vous jugez à propos afin d'avoir un répertoire qui soit utile. Dans d'autres mémoires – je ne sais pas si vous en avez pris connaissance – particulièrement Hydro et des propriétaires de petits ouvrages sont inquiets concernant l'étendue des renseignements qui peuvent être fournis. Alors, vous avez, d'un côté, vous qui dites: Allons-y le plus largement possible. D'autres disent: Attention, il y a des données qui sont peut-être confidentielles et qu'on ne devrait pas dévoiler. Faites-vous une démarcation entre certains types de renseignements que vous jugez vraiment pertinents sur le plan technique – par exemple: Est-ce qu'on a fait vraiment les observations, les visites qu'on devait faire? ou d'autres renseignements du même type – et d'autres qui ne devraient pas, eux, faire l'objet d'une connaissance publique par le répertoire?

M. Isabel (Denis): Idéalement, dans notre esprit, tout devrait être public, tout ce qui touche la sécurité, parce que les gens vont exiger, sont en droit d'exiger une certaine transparence sur cet aspect-là. Un point, par contre, qui pourrait être sujet à être moins divulgué, c'est tout ce qui concerne la gestion des ouvrages, parce que c'est un peu comme le portefeuille, finalement, d'un producteur hydroélectrique, c'est de se donner le droit d'aller voir ce qu'il a dans le fond des poches, puis c'est peut-être là... il y a un problème à ce niveau-là. Mais en autant que, pas la gestion au jour le jour, mais les modèles de gestion, les critères d'opération, de gestion qui assurent la sécurité, ça devrait être public pour s'assurer que la sécurité est prise en compte de façon correcte. Mais de savoir au jour le jour les niveaux d'eau dans les réservoirs, ça n'assure pas la sécurité du public.

M. Bégin: Non, mais de s'assurer, par exemple, que la visite, si on la prévoit mensuelle, hebdomadaire ou annuelle, peu importe, a bien eu lieu et qu'on l'indique, ça, ça vous apparaît quelque chose qui devrait être dévoilé.

M. Isabel (Denis): Ça, exactement, oui.

M. Bégin: Parce que ça m'apparaît important de savoir que les inspections sont faites ou ne sont pas faites. Si on dit que c'est préoccupant, la sécurité des barrages, on doit s'assurer que les mesures préventives sont vraiment prises. Alors, c'est ce type de renseignements que vous voulez voir apparaître.

M. Isabel (Denis): C'est ça. Mais les niveaux d'eau au jour le jour, non.

M. Bégin: Ça, c'est peut-être un secret d'État. Ha, ha!

M. Isabel (Denis): Oui. Mais les modèles de gestion, les critères d'opération des barrages, à quel niveau est-ce qu'on a une cote d'alerte, etc., toutes ces choses-là devraient être publiques.

M. Bégin: Avez-vous d'autres questions? Merci beaucoup.

M. Isabel (Denis): C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Au niveau du répertoire qui est effectué, vous restez vagues quant aux compétences des gens qui le font. Je m'attendais peut-être que l'Ordre des ingénieurs dise: Bon, ça prend un ingénieur pour faire une évaluation. Est-ce que vous vous êtes penchés sur la question? Sur l'évaluation qui a été faite, on parle d'étudiants. C'est quoi, votre position vis-à-vis ça?

M. Isabel (Denis): O.K. Il y a l'avant-projet de loi qui spécifie qu'il va y avoir un répertoire. Pour opérer un répertoire, ça prend des compétences d'administrateurs ou de personnel de bureau, ce n'est pas un ingénieur. Les inspections des ouvrages, les études de sécurité, ça, par exemple, ça doit être fait par un ingénieur. Là, si on sort du cadre du projet de loi et on regarde ce qui se fait actuellement, il y a un répertoire qui est en cours de consolidation avec du personnel temporaire qui sont des étudiants. Tant qu'on ne demande pas à ces étudiants-là de signer des plans et devis, de faire des évaluations, puis de dire: Tel ouvrage est sécuritaire ou pas, il n'y a pas de problème que ce soient les étudiants qui le fassent. Mais, quand on va arriver au niveau de l'évaluation de la sécurité des ouvrages puis de leur état, etc., là, il va falloir que ce soit fait par les gens qualifiés.

M. Whissell: O.K.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Est-ce que vous êtes d'accord avec les gens qui vous ont précédés pour dire qu'une inspection visuelle, ce n'est pas suffisant, ça va prendre plus que ça pour être capables de donner l'état du barrage?

M. Isabel (Denis): C'est évident.

M. Middlemiss: O.K.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres observations, d'autres questions de la part des parlementaires? Alors, il me reste à remercier les représentants de l'Ordre des ingénieurs du Québec pour leur contribution aux travaux de cette commission. Merci.

M. Isabel (Denis): C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Lachance): Et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Lachance): La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux avec le mandat de procéder à une consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la sécurité des barrages.

J'inviterais maintenant les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec à bien vouloir prendre place. Mme la présidente n'a pas besoin de présentation, elle est très connue. Alors, Mme Simard, je vous inviterais à nous présenter la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.


Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec (UMRCQ)

Mme B. Simard (Jacinthe): Oui. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je serai accompagnée de Mme Françoise Paquet, qui est conseillère juridique à l'UMRCQ.

L'UMRCQ apprécie l'opportunité qui lui est donnée de pouvoir exprimer et faire valoir les commentaires de ses membres relativement aux mesures proposées par le ministère de l'Environnement et de la Faune dans cet avant-projet de loi. Elle tient à féliciter le ministère d'avoir agi rapidement dans ce dossier et se dit heureuse d'apporter sa contribution à l'élaboration de solutions visant à améliorer la sécurité des barrages situés au Québec.

Le déluge survenu à l'été 1996 au Saguenay–Lac-Saint-Jean et dans quelque autre région du Québec a malheureusement prouvé que la gestion de la sécurité des barrages était largement déficiente au Québec. Il aura malheureusement fallu qu'un désastre de cette ampleur survienne pour que l'on se décide à réagir.

On se rappellera que la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages, présidée par M. Roger Nicolet et créée pour faire la lumière sur cet événement, avait formulé une série de recommandations très étoffées dans son rapport déposé au gouvernement en janvier 1997. L'avant-projet de loi dont il est présentement question tient compte de quelques-unes de ces recommandations. D'ailleurs, celui-ci s'avère en soi l'une de ces recommandations, laquelle visait à mettre en place un régime juridique distinct sur la sécurité des barrages.

Les membres de l'Union appuient l'intérêt du ministère de l'Environnement et de la Faune à vouloir accroître la sécurité des barrages et se disent toutefois déçus que cet avant-projet de loi n'aille pas plus loin. En effet, ils auraient espéré, après de tels événements survenus récemment au Québec, que le gouvernement se décide d'accorder réellement à la question de la sécurité des barrages toute l'importance qu'elle mérite. Au lieu de cela, ce dernier se contente de présenter un projet qui est à la fois des plus vagues et imprécis et qui escamote en grande partie plusieurs des principales recommandations formulées par la commission Nicolet.

Ils se disent également déçus que cet avant-projet de loi ne soit pas plus précis, comme il se devrait, quant aux différentes obligations en ce qui concerne l'opération, l'entretien et la surveillance de l'ensemble des barrages, incluant ceux considérés comme à forte contenance, quant aux responsabilités des exploitants et propriétaires, quant à ce qui devait être fait dans le cas des ouvrages anciens et des barrages orphelins, quant aux échéanciers, aux délais à rencontrer pour se conformer notamment aux normes de sécurité, et j'en passe. Au contraire, ce projet se limite, et ce malheureusement, à confronter toute une panoplie de pouvoirs réglementaires au ministre, lesquels ne verront peut-être jamais le jour compte tenu notamment des orientations actuelles du gouvernement en matière de réglementation.

Par ailleurs, l'UMRCQ s'inquiète du fait que l'avant-projet de loi n'impose aucune obligation à prendre en compte et à assurer une intégration des effets de chaque ouvrage sur l'ensemble du bassin dans lequel chacun d'eux est implanté, telle que la recommandation de la commission Nicolet. Pourtant, le rapport semble suffisamment explicite quant au besoin d'évaluer et de remettre en question la présence de certains barrages existants pouvant nuire à l'écoulement des crues exceptionnelles.

(14 h 10)

Champ d'application de la loi. Cet avant-projet de loi, tel qu'il est stipulé à l'article 1, a pour objet d'accroître la sécurité des barrages d'une hauteur de 1 m et plus ainsi que celle des digues et installations annexes à ceux-ci. Contrairement aux recommandations du rapport Nicolet, ce projet ne précise pas clairement qu'il s'appliquera à tous les ouvrages sans exception, notamment ceux qui sont existants. Qui plus est, il met de côté tous les ouvrages qui sont d'une hauteur inférieure à 1 m, incluant ceux dont la capacité d'emmagasinement est supérieure à 30 000 m³. Pourtant, la commission Nicolet avait proposé de n'exclure que les ouvrages dont le potentiel d'emmagasinement est inférieur à 30 000 m³ ou dont la hauteur n'atteint pas 2,5 m. En d'autres mots, tous les ouvrages dont le volume de retenue des eaux est supérieur à 30 000 m³ devraient être assujettis à la loi ainsi que tous ceux dont le volume de retenue est inférieur à 30 000 m³ et dont la hauteur est supérieur à 2,5 m.

De plus, contrairement à l'article 2 de l'avant-projet de loi, nous sommes d'avis que les obligations prévues dans la loi devraient être imposées à la fois à l'exploitant et au propriétaire, et non au propriétaire à défaut de l'exploitant.

Les autorités, maintenant, responsables de l'application de la loi. Les membres de l'UMRCQ considèrent inadmissible que le ministère de l'Environnement et de la Faune puisse être à la fois gérant de certains barrages en plus d'être chargé de veiller à l'application et au respect de la loi. Il s'agit d'un conflit flagrant d'intérêts que nous ne saurions endosser.

Le répertoire, maintenant. Non seulement nous ne savons pas actuellement quel est le nombre de barrages qui se retrouvent sur le territoire québécois, mais nous n'avons aucune idée, et encore moins de documents, décrivant l'état réel de ces barrages. La création du répertoire, qui est actuellement en cours d'élaboration depuis le début de l'été 1998, représente, certes, un point de départ. Il faudra toutefois s'assurer de faire valider auprès des propriétaires et exploitants les informations recueillies lors de l'inventaire avant de le rendre public, et ce, afin d'éviter que des erreurs importantes ne s'y soient glissées et que cela ne puisse engendrer dans certains cas une panique inutile. Il faudra également s'assurer que ce répertoire soit tenu à jour.

L'UMRCQ ose espérer que l'ensemble des barrages jugés orphelins auront été entièrement inventoriés et que les autorités municipales seront informées, une fois l'inventaire complété, de l'existence de tels ouvrages sur leur territoire et, le cas échéant, du risque potentiel associé à leur présence.

Maintenant, les informations et concertations avec les autorités municipales. L'UMRCQ ne saurait trop insister sur l'importance que les municipalités soient constamment informées par les gestionnaires d'ouvrages de la situation de leurs barrages et digues, incluant les risques d'inondations et les conséquences de la rupture des ouvrages, de leurs programmes de gestion et d'entretien ou de leurs plans d'urgence. Ces informations s'avèrent d'une extrême importance pour les municipalités afin qu'elles puissent pleinement jouer leur rôle, et assurer la protection de leurs citoyens, et prévenir toute situation susceptible de compromettre la sécurité des personnes et des biens.

L'article 3 de l'avant-projet de loi prévoit notamment que les informations contenues au répertoire aient un caractère public et qu'un éventuel règlement devrait être adopté par le gouvernement afin de déterminer les modalités suivant lesquelles le répertoire sera rendu public ainsi que les modalités de transmission de ces informations aux instances municipales. Nous estimons que ces modalités devraient être plutôt précisées dans la loi. À cet effet, nous recommandons, conformément à ce qui a été proposé par la commission Nicolet, que l'ensemble des plans et devis des ouvrages soient également accessibles au public en vertu de la loi.

La section II de l'avant-projet, portant sur les normes de sécurité concernant le régime applicable aux ouvrages à forte contenance, précise à l'article 23 que l'exploitant doit aviser sans délai le ministre lorsque survient une situation susceptible de compromettre la sécurité des personnes ou la protection des biens. Afin d'être le plus efficace possible, nous suggérons que l'autorité municipale où se situe ce barrage soit également avisée sans délai.

Les dispositions applicables à tous les barrages d'une hauteur de 1 m et plus. Tel que nous l'avons mentionné précédemment au point 1, l'avant-projet de loi met entièrement de côté tous les ouvrages qui sont d'une hauteur inférieure à 1 m, incluant ceux dont la capacité d'emmagasinement est supérieure à 30 000 m³. L'UMRCQ s'inquiète de la position du gouvernement, car elle se situe bien en deçà de la recommandation formulée par la commission Nicolet, laquelle visait à exclure du projet de loi uniquement les ouvrages dont le potentiel d'emmagasinement est inférieur à 30 000 m³. Ainsi, tous ceux dont le potentiel est supérieur à 30 000 m³ devraient être assujettis à la loi, et ce, peu importe la hauteur du barrage.

L'UMRCQ estime de plus inacceptable que l'avant-projet de loi ne précise pas ce qui doit être fait dans le cas des anciens barrages non identifiés comme étant à forte contenance. Seule l'obligation d'obtenir une autorisation du ministre pour une nouvelle construction de barrage ou une modification de structure d'un barrage existant est prévue. Est-ce à dire qu'aucune intervention ne devrait être effectuée par les exploitants et propriétaires de ces ouvrages existants, en exploitation ou non, à moins d'une intervention du ministre en vertu de l'article 29 de l'avant-projet? L'avant-projet de loi précise encore moins l'obligation, en ce qui concerne l'opération, l'entretien et la surveillance de ces ouvrages, tout comme les obligations et responsabilités des propriétaires et exploitants en cas d'abandon ou de cession de l'exploitation d'un tel ouvrage.

Parlant de pouvoir d'intervention du ministre, on estime que l'avant-projet de loi devrait prévoir clairement la possibilité pour celui-ci de suspendre tout permis d'exploitation d'un barrage s'il constate que les normes de sécurité ne sont pas respectées.

Dispositions applicables aux barrages à forte contenance. Le contenu de ce chapitre de l'avant-projet de loi nous apparaît beaucoup trop imprécis et porte à interprétation. À titre d'exemple, l'article 15, lequel oblige l'obtention d'une autorisation du ministre pour le changement d'utilisation, d'interruption ou de démolition, vise-t-il seulement les nouveaux barrages, les nouveaux ouvrages ou inclut-il aussi les anciens ouvrages? La réponse ne semble pas aussi claire et les appels reçus à ce sujet de la part de nos membres nous le confirment amplement. De plus, bien que l'avant-projet impose certaines obligations, aucune échéance n'est mentionnée comme il se devrait, celui-ci repoussant l'exercice au moment de l'adoption de diverses réglementations.

Nous nous opposons à la section III de l'avant-projet de loi, laquelle prévoit la possibilité pour tout exploitant de barrage de soumettre un programme de sécurité afin qu'il soit substitué aux normes réglementaires prescrites par la loi. Nous estimons en effet inacceptable que tel programme de sécurité puisse venir remplacer des normes réglementaires connues et accessibles au public. De tels programmes ne pourraient être jugés acceptables, selon nous, qu'après la tenue d'audiences sur le sujet ayant permis aux municipalités et citoyens de pouvoir être entendus.

Barrages orphelins, maintenant. Bien que nous en ayons fait allusion précédemment, nous tenons à souligner ici notre déception quant au peu de volonté du gouvernement de vouloir trouver des solutions quant à ces barrages dits orphelins, dont nous ne connaissons pas encore le nombre exact. Mis à part l'article 31, qui prévoit la possibilité pour le tribunal d'autoriser le ministre à exécuter les travaux correctifs nécessaires, à procéder à leur démolition ou encore à les céder à toute personne, aucune obligation d'agir n'est prévue explicitement, et ce, même si de tels barrages pouvaient s'avérer dangereux pour la sécurité des personnes ou la protection des biens.

Les autorités municipales qui ont de tels barrages sur leur territoire ne sont-elles pas en droit de s'attendre à des règles claires à ce sujet? Quelques-unes nous ont notamment fait part de leur inquiétude quant à leur responsabilité advenant une catastrophe et quant à tout nouveau fardeau financier qui pourrait leur être imposé à cet effet.

La tarification, maintenant, et le financement. L'avant-projet de loi vise l'autofinancement du régime. Ainsi, l'article 35 accorde un pouvoir réglementaire au gouvernement afin de fixer et d'imposer une tarification pour l'analyse des demandes d'autorisation ainsi qu'une autre tarification annuelle pour toute exploitation d'un barrage. Nous estimons que l'avant-projet n'est pas suffisamment clair quant à savoir si telle tarification annuelle s'appliquera autant aux barrages anciens que futurs.

De plus, qu'en sera-t-il des barrages qui sont dits orphelins? Toutes les mesures nécessaires permettant d'assumer la sécurité des populations et des biens devront être adoptées. Nous suggérons qu'un programme particulier soit adopté pour assurer la mise en oeuvre de la loi ainsi qu'un programme d'aide financière permettant d'aider les municipalités aux prises avec de sérieux investissements à réaliser.

(14 h 20)

Cet avant-projet de loi donne également un pouvoir réglementaire au gouvernement afin de prévoir la constitution d'une fiducie, d'un fonds spécial pour les propriétaires, ayant pour but lors de l'interruption de l'exploitation d'un barrage et, par la suite, de couvrir les coûts engendrés par la maintenance et la démolition du barrage. Nous estimons qu'il s'agit là d'une excellente avenue afin d'éviter de se retrouver avec davantage de barrages orphelins. Toutefois, nous sommes d'avis qu'une telle obligation ne devrait pas être imposée aux instances municipales, lesquelles sont tenues légalement de ne pas faire de déficit.

En conclusion, les membres de l'UMRCQ appuient l'intérêt du ministère de l'Environnement et de la Faune d'accroître la sécurité des barrages au Québec. Ils se disent toutefois déçus de l'avant-projet de loi déposé, qu'il ne tienne pas compte davantage des principales recommandations formulées en janvier 1997 par la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages. Ils estiment par ailleurs que cet avant-projet de loi est beaucoup trop vague et imprécis, notamment quant aux ouvrages visés, reléguant ainsi toute décision dans l'adoption d'éventuels et nombreux règlements.

De plus, les membres de l'Union s'inquiètent du peu d'attention réservée aux barrages jugés orphelins, tout comme du fait que l'on n'impose aucune obligation de prendre en compte et d'assurer une intégration des effets de chaque ouvrage sur l'ensemble du bassin dans lequel chacun d'eux est implanté.

Ils sont d'avis que toutes les mesures nécessaires permettant la sécurité des populations et des biens devraient être adoptées et, pour ce faire, ils recommandent l'adoption d'un programme particulier pour assurer la mise en oeuvre de la loi ainsi qu'un programme financier permettant d'aider les municipalités aux prises avec d'importants investissements à réaliser. Merci de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Simard. M. le ministre, pour entamer cette période d'échange.

M. Bégin: Oui. Merci, M. le Président. Merci, Mme Simard. Quelques questions. Avant, un commentaire plus général. Vous parlez des bassins versants concernant les barrages, est-ce que vous avez une idée particulière ou précise? Référez-vous à une expérience existante, quand vous parlez de concevoir que les bassins versants soient tenus en compte dans la réalisation du projet de loi sur les barrages?

Mme B. Simard (Jacinthe): Bon, on sait fort bien que lorsque sont arrivés les problèmes qui ont été connus au niveau du Saguenay, l'ampleur des bassins versants du lac Kénogami a été un élément dont il aurait fallu tenir compte, pour ce qui est de l'ampleur de ce qui a été déversé. Alors, dans le processus, il faut absolument que cet élément-là soit pris en compte avant qu'il y ait des autorisations qui soient accordées.

M. Bégin: Sur un autre aspect, les barrages orphelins, vous mentionnez que – je reprends la formulation – «mis à part l'article 31 qui prévoit la possibilité pour le Tribunal d'autoriser le ministre à exécuter les travaux, etc., aucune obligation d'agir n'est prévue explicitement pour forcer les gens à agir».

Quand je lis l'article 31, troisième alinéa, il me semble qu'on retrouve là quelque chose d'assez important. On dit, au premier alinéa, à 30: «S'il – le ministre – est d'avis qu'un barrage n'assure pas suffisamment la sécurité des personnes ou la protection des biens, le ministre peut ordonner à l'exploitant de prendre toute mesure...» Et plus loin, dans 31, troisièmement: «Lorsque l'exploitant du barrage est inconnu ou introuvable, le juge peut autoriser le ministre à exécuter les travaux correcteurs ou à procéder à la démolition sur-le-champ du barrage et à en réclamer le coût de l'exploitant s'il vient à le connaître...»

Au-delà d'une telle obligation, qu'est-ce que vous pensez qu'il aurait fallu dire pour satisfaire cette demande relativement aux sites orphelins?

Mme B. Simard (Jacinthe): Je vais demander à Mme Paquet de répondre à cette question, étant donné que c'est sur un article précis.

Mme Paquet (Françoise): Vous m'entendez?

Le Président (M. Lachance): Oui, très bien. Allez-y.

Mme Paquet (Françoise): En fait, si on regarde attentivement l'article 31, en tout cas, de la façon dont, nous, on l'interprétait, il n'y avait pas vraiment d'obligation d'agir. Évidemment, le ministère doit constater dans un premier temps et, s'il est d'avis qu'il y a un danger quelconque, il devra demander l'autorisation au niveau de la cour pour finalement intervenir. Mais selon nous, la rédaction ne semble pas aussi explicite quant à savoir qu'il y a vraiment une obligation d'agir. On semble voir une certaine discrétion qui serait accordée, de sorte qu'on n'impose pas de façon très claire au gouvernement de réagir s'il y avait un quelconque danger.

Et, advenant un danger, on craint justement que les municipalités soient pointées du doigt parce qu'elles n'ont pas pris connaissance et ne sont intervenues plus rapidement. Donc, la rédaction comme telle ne semble pas aussi claire que vous semblez le...

M. Bégin: Pourquoi ferait-on une telle imputation de responsabilité à la municipalité quand, par hypothèse, c'est un site orphelin et qu'on constate qu'il y a quelque chose d'assez grave et que le ministre n'a pas... Je n'arrive pas à saisir comment on fait de l'absence d'obligation au ministre ou au gouvernement d'agir le passage vers la responsabilité municipale. Je vous avoue que je ne vous suis pas.

Mme Paquet (Françoise): Bien, déjà, en partant, tout le volet qui touche la question des barrages orphelins ne semble pas vraiment traitée suffisamment. Il y a comme une espèce de zone grise, en fait, qu'on voit. Et ce qu'on craint finalement, et c'est ce qui nous a été mentionné par plusieurs de nos membres, et je dirais que c'est une des premières préoccupations dont nos membres nous ont fait part, c'est la question des barrages orphelins.

Ce qu'ils craignent, c'est qu'advenant qu'il y ait certains problèmes personne ne réagisse. Et on pourrait justement faire le parallèle avec d'autres sites orphelins qu'on trouve dans d'autres domaines. Donc, souvent on se dit que c'est quelque chose qu'on ne touche pas et les municipalités craignent justement que ça devienne une zone grise où personne ne se sent obligé de réagir et elles craignent d'être les premières interpellées. Donc, finalement, c'est une grande inquiétude, je dirais, qu'elles ont. Il ne semble pas qu'on accorde suffisamment d'importance à la question de ces barrages-là dont on ne connaît pas, à l'heure actuelle, la quantité non plus.

M. Bégin: Le fait de prévoir, à l'article 3, qu'on fait un répertoire pour être capable justement de savoir quels sont les barrages qui existent, quels en sont les exploitants ou les propriétaires, et dans certains cas découvrir qu'il n'y a ni propriétaire ni exploitant mais que le site est orphelin, conjugué au fait qu'on a une évaluation très préliminaire qui est faite de s'il y a certains aspects qui pourraient présenter, à court terme, un aspect de dangerosité apparente ou appréhendée, et le fait que le ministre peut agir dans ces cas-là, ça ne vous semble pas représenter une perspective suffisante. Alors, je vous demande: Qu'est-ce qu'il faudrait que nous fassions?

Mme Paquet (Françoise): En fait, il est vrai que le répertoire, l'inventaire va déjà, en partant, nous dire où se situent ces barrages orphelins. Donc, c'est déjà effectivement un grand pas en avant, sauf qu'on ne dit pas qui en est vraiment responsable, qui doit réagir s'il y a un problème. Oui, vous avez raison de dire qu'à l'article 31 on dit que, si le ministère est d'avis qu'il y a un danger, il pourra s'adresser au tribunal pour demander une intervention, mais ce n'est pas clair que la question des barrages orphelins relève du gouvernement ou de quelque autre autorité que ce soit. Donc, on se dit: S'il n'y a pas de responsable de ces barrages-là, est-ce qu'on pourra par la suite blâmer quelqu'un, intervenir auprès de quelqu'un? Donc, ce n'est pas suffisamment clair. Oui, il y aura un pas de fait en avant, le fait de les inventorier, mais ce n'est pas suffisant pour nous. En fait, du moins, ce dont on nous a fait part au niveau de nos membres, il y a une grande inquiétude à ce niveau-là parce qu'on n'impose pas, on ne dit pas qui est responsable de ces barrages-là. Et, s'il venait à y avoir un problème, qui, évidemment, serait interpellé en première ligne?

M. Bégin: En donnant le pouvoir exclusif au ministre d'intervenir, est-ce qu'on ne dit pas clairement que c'est lui qui est responsable et non pas d'autres personnes, puisque si on avait pensé que c'étaient d'autres personnes on leur aurait donné le même pouvoir d'intervention, vous ne pensez pas?

Mme Paquet (Françoise): C'est l'interprétation que vous en faites. Sauf que, nous, si on se fie à ce qu'on a reçu comme commentaires, ce n'est pas suffisant parce qu'il y a beaucoup d'inquiétudes qui nous ont été rapportées à cet effet-là. Donc, c'est ce qui nous dit que ce n'est peut-être pas aussi clair, en tout cas, que vous le voyez de votre côté.

M. Bégin: En ce qui concerne l'article 3, vous faites des représentations à l'effet que le fait que ce soient des étudiants qui fassent le répertoire soit insuffisant. Est-ce que vous concluez que les étudiants vont porter un jugement sur les barrages et que ceci va constituer le nec plus ultra du répertoire ou bien si vous pensez qu'il y aura autre chose qui sera fait?

(14 h 30)

Mme Paquet (Françoise): Ce n'est pas qu'on ne fait pas confiance aux étudiants, on sait que ces étudiants-là vont agir au meilleur de leurs connaissances, sauf que, en tout cas, selon notre compréhension, c'est quelque chose d'hypertechnique. Est-ce que les étudiants auront suffisamment les connaissances et l'expérience pour justement juger de l'état? Parce qu'on sait très bien que toutes les obligations qui découleront par la suite seront basées sur l'état réel du barrage. Donc, cet élément-là nous apparaît excessivement important. On espère, mais tout ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a peut-être un certain doute. Compte tenu de l'importance du diagnostic, d'une certaine façon, qui sera porté, on pense que c'est de là dont tout découlera le reste, et c'est important pour nous que le bon diagnostic soit émis dès le départ. Donc, est-ce que le fait que ça soit des étudiants... On espère que ça ne changera rien, mais il y a quand même peut-être un certain doute dans notre tête à l'effet qu'ils ont suffisamment l'expérience, évidemment, peut-être pas dans le cas des petits barrages, mais, dans le cas de plus gros barrages, est-ce que ces étudiants-là ont suffisamment l'expérience pour se prononcer sur un diagnostic dont découleront toutes les obligations qui vont suivre?

M. Bégin: Alors, vous pensez que l'étudiant va porter un jugement définitif concernant l'état des barrages. Est-ce que je dois comprendre ça de ce que vous dites?

Mme Paquet (Françoise): C'est effectivement ce qu'on voulait faire valoir.

M. Bégin: J'ai eu un sentiment ambivalent lorsque j'ai lu votre rapport. Sauf un commentaire favorable au départ à l'effet que la rapidité et la diligence étaient appréciées, quant au reste, j'ai eu un sentiment de désapprobation totale à l'égard des mesures insuffisantes. Le mot «inacceptable» est revenu au moins à quatre ou cinq reprises. C'est un mot très fort, «inacceptable». Je vous avoue que vos commentaires débordent complètement par rapport à ceux qu'on a vus de tous les autres mémoires. Est-ce que vous êtes d'avis que cet avant-projet de loi est carrément insatisfaisant et ne remplit pas les obligations qu'il devrait couvrir ou bien si c'est, de ma part, une mauvaise lecture que j'ai faite?

Mme B. Simard (Jacinthe): Nous considérons qu'il y a plusieurs éléments qui ont été déposés par la commission Nicolet qui n'ont pas été pris en considération dans l'avant-projet de loi, et c'est ce que nous tenions à vous exprimer, parce que le travail de la commission a quand même été assez laborieux. On considérait que, si le gouvernement avait jugé opportun et nécessaire d'établir une commission d'enquête, eh bien, ce à quoi on s'attendait, c'est que, dans un avant-projet de loi, on aurait pu tenir compte davantage des recommandations de la commission, et c'est à ce chapitre-là qu'on vous fait ces commentaires-là qui sont déposés à titre de commentaires au sujet de l'avant-projet de loi. On aimerait à ce que les éléments qui sont contenus dans le rapport de la commission soient repris à peu près intégralement pour votre avant-projet de loi.

Mme Paquet aimerait rajouter quelque chose.

Mme Paquet (Françoise): Si ça peut vous sécuriser d'une certaine façon, il y a beaucoup d'éléments positifs, effectivement, qui se retrouvent dans le mémoire, en fait qu'on n'a peut-être pas abordés de front, mais, si on n'en parle pas, c'est que, en quelque part, on n'est pas insatisfait. Les éléments qui ont été mis dans le mémoire, évidemment, ce sont surtout des éléments auxquels on aimerait qu'il y ait correction ou amélioration. Donc, c'est évident qu'on aurait élaboré un mémoire de plusieurs pages si on avait félicité le gouvernement sur chacun des articles. Ce n'est pas ce qu'on voulait. On a voulu, au contraire, faire part des éléments qui, selon nous, méritent amélioration. Donc, si ça peut vous sécuriser, il y a évidemment beaucoup d'éléments positifs qui se retrouvent quand même.

M. Bégin: Je vous avoue que ce n'est pas la sécurisation qui m'importe, mais une bonne perception des choses. Et je voudrais juste lire deux passages qui me semblent... en tout cas, qui ont créé chez moi une interrogation.

On dit, à la page 2: «Au contraire, ce projet se limite, et ce, malheureusement, à conférer toute une panoplie de pouvoirs réglementaires au ministre, lesquels ne verront peut-être jamais le jour, compte tenu notamment des orientations actuelles du gouvernement en matière de déréglementation.»

Je prends la page 3: «Quant au deuxième alinéa de l'article 1 de l'avant-projet qui prévoit que la loi liera le gouvernement, ses ministères et les organismes mandataires de l'État, voilà au moins une des recommandations de la commission qui ne semble pas avoir tombé dans l'oubli.»

Je vous avoue que, quand je lis des phrases comme celles-là, j'ai de la misère à comprendre qu'on a trouvé dans le projet de loi l'essentiel des recommandations. J'ai plutôt l'impression qu'on en a trouvé une couple seulement et, quant aux autres, qu'on les a oubliées. C'est pour ça que je vous demandais: Est-ce que mon impression est bonne ou bien si ce que je retrouve là correspond à ce que vous en pensez?

Mme B. Simard (Jacinthe): Bon, écoutez, je vous ai indiqué qu'on avait, nous, l'impression qu'il y avait plusieurs éléments du rapport de M. Nicolet qui avaient été tassés et on tenait à vous l'indiquer à l'intérieur de notre mémoire, ici, au moment où il s'agit de l'avant-projet de loi. Alors, ce qu'on espère, c'est que le rapport de M. Nicolet soit ressorti et que, pour le projet de loi, eh bien, on tienne compte de plusieurs éléments qui auraient été laissés pour compte.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, M. le Président. Mme Simard, Mme Paquet, bonjour. Tout d'abord, j'ai trouvé votre mémoire très intéressant. Je trouve qu'il soulève de nombreux points. En page 1, vous faites mention des différentes obligations, mais vous dites que c'est vague. Est-ce que vous pouvez développer un peu? Plus loin, on parle de «différentes obligations en ce qui concerne l'opération, l'entretien et la surveillance». À quoi vous vous attendez exactement?

Mme B. Simard (Jacinthe): Bien, avec ce qui s'est connu concernant des difficultés importantes sur la gestion, l'opération des barrages, justement avec le déluge du Saguenay, si on avait tenu compte beaucoup plus d'éléments au fil des années sur les transformations et sur l'opération quotidienne des barrages, eh bien, je pense qu'on ne se serait pas retrouvé avec la situation qui a été connue à ce moment-là. On s'attend à ce qu'il y ait beaucoup plus de rigueur là-dessus, tant au niveau des autorisations pour les transformations que pour les opérations courantes. Les résultats auraient sans aucun doute été tout autres si on avait eu beaucoup plus de rigueur au fil des années.

M. Whissell: Alors, selon vous, l'avant-projet de loi est trop vague sur cet aspect.

Mme B. Simard (Jacinthe): Oui. Alors, Mme Paquet.

Mme Paquet (Françoise): Bien, en fait, j'aimerais peut-être ajouter seulement un point par rapport à ce que Mme Simard vient de souligner. On parle beaucoup d'obligations, et on le comprend fort bien, des ouvrages qui sont considérés à forte contenance. Par contre, tous les ouvrages qui ne sont pas considérés à forte contenance, donc la balance, qui sont probablement des ouvrages plus mineurs, en fait, on ne dit rien, sauf le fait que, pour tout nouveau, ils auront besoin d'une autorisation. Mais on n'impose rien, aucune obligation, aucune assurance de quoi que ce soit. Donc, c'est là, à notre avis, qu'il y a peut-être comme une espèce de vide. Est-ce que vraiment – et on se pose la question – ces ouvrages-là sont si minimes qu'on n'a pas besoin de rien faire? Donc, on se sera contenté de faire un inventaire, ce qui est déjà beaucoup, en passant, mais il n'y a aucune obligation qui serait rattachée à ceux-là. On comprend qu'il y en ait beaucoup plus, d'obligations rattachées aux gros ouvrages, ça va de soi, mais est-ce qu'il n'y a pas lieu de se questionner, à savoir si les autres ouvrages ne nécessiteraient pas un minimum de surveillance, notamment? On n'aborde aucun aspect surveillance, contrôle, rien. Tout ce qu'on dit, c'est: Autorisation pour futur. Et ça nous semblait peut-être un peu vide.

M. Whissell: Au point 2 de votre mémoire, vous mentionnez que, selon vous, il s'agit d'un conflit flagrant d'intérêts que le ministère supervise ses propres structures, dans le fond. Vous parlez d'une entité indépendante. Quelle entité voyez-vous? Comment voyez-vous le...

Mme B. Simard (Jacinthe): Ça pourrait être une commission, une organisation ou carrément un autre ministère. Étant donné que c'est le ministère de l'Environnement et de la Faune qui a la responsabilité des barrages, eh bien, on voit mal que ce soit le même qui est juge et partie. Et c'était une recommandation, d'ailleurs, de la commission Nicolet, que ce soit une autre entité.

M. Whissell: Au niveau du répertoire qui est en cours, est-ce que vos municipalités ont été mises à contribution dans l'élaboration, dans la cueillette d'informations?

Mme B. Simard (Jacinthe): Dans la cueillette des données, les municipalités et les MRC ont été sollicitées pour donner l'information.

(14 h 40)

M. Whissell: Et, selon vous, est-ce qu'il y a risque qu'on oublie beaucoup de barrages?

Mme B. Simard (Jacinthe): Écoutez, je pense qu'au cours des dernières années, c'est peut-être des infrastructures qui ont été laissées dans l'oubli, et on les qualifie d'orphelins dans bien des cas, parce que, effectivement, ça image très bien la situation. Peu de gens se souciaient de ces infrastructures qui avaient été conçues, souvent au début du siècle, avec une bonne résistance. Mais là on se retrouve que, justement, avec le temps, ces ouvrages-là se sont usés, et on risque très gros, et peut-être pour bien des secteurs en même temps. Les municipalités ne se sont pas souciées de ces ouvrages-là parce qu'elles n'en avaient pas la responsabilité et, souvent, elles n'avaient même pas un bon répertoire, sur leur territoire, de ces ouvrages-là.

M. Whissell: Avez-vous un ordre d'idées du nombre de barrages orphelins qu'on peut retrouver sur le territoire des municipalités, un ordre de grandeur? 500, 1 000, 2 000?

Mme Paquet (Françoise): Les seules informations qu'on a, c'est ce que le ministère de l'Environnement nous a transmis. On a certaines MRC qui nous ont téléphonés et qui ont dit avoir plusieurs barrages sur leur territoire, dont plusieurs étaient justement des anciens barrages qui étaient auparavant gérés soit par des papetières ou autres formes de compagnies privées. Mais non, on n'est pas en mesure d'évaluer. Tout ce qu'on a comme information, c'est ce que le ministère de l'Environnement nous a transmis, et on attend, et de façon impatiente, comme plusieurs, ce que l'inventaire va nous révéler.

M. Whissell: Actuellement, qu'est-ce qui arrive au niveau de ces barrages-là lorsque arrive une circonstance particulière? Hypothèse: des enfants sont en bordure du barrage, c'est dangereux, quelqu'un fait une plainte. Comment vos municipalités, vos MRC traitent-elles ces plaintes-là? Qui va mettre la clôture? Qui assume les frais?

Mme B. Simard (Jacinthe): Actuellement, je vous dirais que la municipalité ou la MRC ne peut obliger personne à le faire. On ne peut obliger aucun intervenant du milieu à le faire. Les barrages sont dits orphelins.

M. Whissell: Alors, si j'ai bien compris, ce qui vous chicote au niveau de l'article qui mentionne que le ministre peut, dans le cas des barrages orphelins, ordonner la démolition... Je comprends que c'est prévu, mais ce qui vous chicote, c'est: Est-ce que le ministre va vraiment ordonner en temps et lieu d'effectuer des travaux de démolition?

Mme B. Simard (Jacinthe): Oui, puis ce qui nous inquiète le plus dans ce scénario, c'est à savoir: Au cas où nos concitoyens de nos municipalités seraient baignés... à l'effet que c'est nous qui sommes responsables de la protection civile sur leur territoire, concernant les services d'urgence, les mesures d'urgence, eh bien, est-ce que nos concitoyens ne diraient pas qu'on ne s'est pas ou mal occupés d'eux en présence de ces barrages orphelins?

M. Whissell: Vous faites mention également, en page 9, qu'au niveau des coûts – parce que les municipalités, surtout en région, sont propriétaires de nombreux ouvrages tels que barrages pour alimentation d'eau, retenue, bassins... Avez-vous un estimé – parce que vous parlez de coûts – de l'ensemble des coûts de la nouvelle charge que pourrait représenter l'application de la loi telle quelle envers vos municipalités?

Mme B. Simard (Jacinthe): Sur l'ensemble des municipalités du Québec, je ne peux pas vous donner d'ordre de grandeur. Mais, à chaque fois qu'il s'agit de réparation ou d'entretien de barrages ou même, dans certains cas, de démolition, il s'agit de gros montants, et comme, par les années qui courent, au niveau des municipalités, notre marge de manoeuvre est pratiquement inexistante, je nous vois très mal venir pallier à de nouvelles exigences là-dessus.

M. Whissell: Mais, pour l'ensemble du Québec, pensez-vous qu'on parle de millions, de 100 000 000 $? Avez-vous un ordre de...

Mme B. Simard (Jacinthe): On doit parler, je crois, de plusieurs centaines de millions.

M. Whissell: O.K., pour rencontrer les...

Mme B. Simard (Jacinthe): Les obligations à l'égard de tous ces barrages.

M. Whissell: O.K. Au niveau de la fiducie, en page 9, vous dites que, selon vous, les instances municipales devraient être exemptées.

Mme B. Simard (Jacinthe): Je m'excuse. Est-ce que vous pouvez me répéter la question, s'il vous plaît?

M. Whissell: Oui, excusez-moi. En page 9, tarification et financement, vous dites, au niveau des fiducies, le fonds spécial en fiducie, que les instances municipales devraient être exemptées de l'obligation. Si on prend l'objectif qui est visé en créant le fonds, pourquoi vos municipalités devraient être exemptées? Alors que les propriétaires privés, tout le monde, on leur demande de participer au fonds, pourquoi les instances municipales devraient être exemptées?

Mme B. Simard (Jacinthe): Bon, d'abord, avec l'entente qui a été signée avec le gouvernement du Québec et l'UMQ, les municipalités ne doivent pas se voir imposer d'autres obligations municipales, à l'heure actuelle, un. Deuxièmement, actuellement, la marge de manoeuvre – je vous l'ai indiqué tout à l'heure – des municipalités est pratiquement nulle, et ce serait à ceux qui ont la responsabilité des barrages à en assumer la responsabilité.

M. Whissell: O.K. Au niveau de la réglementation à venir, j'ai senti dans votre mémoire qu'il y a une grosse interrogation. Est-ce que vous avez le sentiment que le gouvernement pourrait vous transférer la responsabilité de la gestion, ce qui pourrait venir par les règlements? Est-ce que c'est une hypothèse que vous avez envisagée?

Mme B. Simard (Jacinthe): Bien, nous allons sûrement être très vigilants pour ne pas venir alourdir le fonctionnement des municipalités par une réglementation qui, on le sait fort bien, en bout de ligne, nécessite du travail de la part de nos ressources humaines et, souvent, des ressources financières.

M. Whissell: Merci, Mme Simard.

Mme B. Simard (Jacinthe): Oui, Mme Paquet veut compléter.

Mme Paquet (Françoise): Je voudrais peut-être juste ajouter un élément par rapport, justement, à la question du pouvoir réglementaire qui est conféré à plusieurs reprises dans le projet. En fait, je ne sais pas si c'est ressorti aussi clairement qu'on aurait voulu que ce le soit. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a plusieurs des éléments qui devraient apparaître dans la loi plutôt que d'être repoussés dans des règlements. On fait référence, je dirais, en grande partie, notamment aux délais. En fait, on a reçu certaines informations qu'il y aurait des délais pour appliquer notamment toute la question, la présentation d'un programme de sécurité. On nous a parlé d'échéanciers, notamment, que certains seraient assujettis pour en présenter un dans trois ans; d'autres, dans six ans; d'autres, dans neuf ans. Ce qu'on dit, c'est: Est-ce que ces délais-là ne devraient tout simplement pas apparaître dans la loi de façon très claire plutôt que de les repousser dans des pouvoirs réglementaires qui vont tarder? Donc, c'est, entre autres, un des exemples auxquels on aurait davantage souhaité une loi plus explicite, plus claire, plutôt que de conférer et de se reporter constamment à des règlements qui, éventuellement, seraient adoptés.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Limoilou.

M. Rivard (Limoilou): Merci, M. le Président. Mme la présidente, je me pose une couple de questions sur le mémoire puis j'aimerais avoir certains éclaircissements.

En premier lieu, vous demandez que tous les plans et devis des barrages soient accessibles au grand public. Pouvez-vous me dire qu'est-ce que ça va apporter que ces documents-là, qui sont hautement techniques... comment ça peut apporter aux citoyens de connaître ça? Est-ce qu'il y aurait un avantage quelconque? Si oui, expliquez-le-moi, s'il vous plaît.

Mme B. Simard (Jacinthe): Bon, écoutez, peut-être que les résidents qui sont à proximité de certains barrages aimeraient pouvoir les consulter pour voir justement s'il y a des éléments qui peuvent les mettre en péril et s'il y a eu aussi, au fil des années, des modifications quant à la structure du barrage. Donc, on considère que ça devrait être des documents publics accessibles en tout temps.

M. Rivard (Limoilou): Mais, moi, la question que je me pose: Comment le commun...

Mme Paquet (Françoise): ...

Mme B. Simard (Jacinthe): Oui, attendez un petit peu. Mme Paquet aimerait rajouter.

Mme Paquet (Françoise): Je voudrais peut-être juste compléter. En fait, c'est que c'était une des recommandations aussi de la commission Nicolet qui avait été formulée. Donc, je pense qu'on se rattachait beaucoup à cette recommandation, d'une certaine façon. La commission a jugé bon de le recommander.

M. Rivard (Limoilou): D'accord.

Mme Paquet (Françoise): Il y a certainement d'autres éléments que ceux que Mme Simard vient d'apporter, mais ça faisait partie, en quelque part, d'une plus grande accessibilité à l'information de la part du grand public, que ce soit de la part des municipalités ou des citoyens directement.

(14 h 50)

M. Rivard (Limoilou): Maintenant, je me souviens également que, depuis que nous sommes ici, au gouvernement, que ce soit l'UMRCQ ou l'Union des municipalités du Québec, vous prêchez beaucoup pour la déréglementation. Les gouvernements réglementent... en fait, le Québec réglemente trop les municipalités, les unions municipales, etc. J'essaie de concilier... Quand vous dites, par exemple, que vous trouvez inacceptable la possibilité que le ministre accepte les programmes de sécurité de certains exploitants, à moins qu'ils soient l'objet d'audiences publiques – j'entends par là le BAPE ou d'autres organismes comme celui-là – il me semble que c'est contraire avec ce que vous demandez depuis quelques années. Je me demande en quoi le ministre, avec son équipe de hauts fonctionnaires, ne serait pas capable d'accepter des programmes de sécurité et qu'on veuille soumettre ça automatiquement à des études d'impact.

Mme B. Simard (Jacinthe): En fait, c'était pour soumettre une forme de décentralisation, par conséquent, puisque, s'il y a des citoyens qui pouvaient apporter des commentaires par leur vécu et par ce qu'il y avait dans le secteur, eh bien, je pense que ça ne viendrait que bonifier le travail préparé.

M. Rivard (Limoilou): Moi, la seule réticence que j'ai, c'est que des audiences publiques, vous savez les délais que ça prend. On annonce un projet puis, avant d'avoir le certificat d'autorisation, ça peut prendre jusqu'à deux ans. Alors, il me semble qu'on alourdirait plutôt que simplifier. C'est tout simplement ma remarque.

Mme Paquet (Françoise): Je voudrais peut-être juste ajouter un élément. Je ne pense pas qu'il faut voir... Je ne comprends pas le lien avec la déréglementation dans la mesure où il y aura déjà des normes réglementaires. On prévoit qu'il y aura des normes réglementaires. Tout ce qu'on dit, c'est que, dans certains cas, certaines entreprises pourraient décider de présenter elles-mêmes un programme qui ferait en sorte qu'elles ne s'en remettraient pas à ces normes-là mais qu'elles auraient plutôt leurs propres normes. Donc, on ne parle pas de déréglementation, les normes apparaîtraient à la base même.

M. Rivard (Limoilou): D'accord, mais...

Mme Paquet (Françoise): Ce que nous craignons, en fait, c'est que, lorsqu'on parle de programmes de sécurité comme ça, on vient fermer, si on veut, l'accès à l'information ou la possibilité... En fait, on permet à certaines entreprises de s'exclure des normes réglementaires, pourtant qui sont connues par tous, et on leur permet... En fait, on sait très bien que, dans certains cas, ces programmes-là pourraient être très bien, sauf qu'on n'a aucune accessibilité à ces informations-là qui deviennent très fermées, alors que les normes réglementaires adoptées pour tous sont connues et accessibles à tout le monde. Donc, on dit: Attention à ces formes de programmes là qui permettent finalement l'adoption de normes qu'on ne connaît pas, alors qu'il y a des normes connues pour tous. Et c'est là le danger, d'une certaine façon, qu'on voit de ne pas avoir accès à ces informations-là.

M. Rivard (Limoilou): Mais je pense que vous allez admettre quand même que des programmes de sécurité qui doivent être approuvés par le ministre ou son équipe de hauts fonctionnaires, à mon sens, ça sauve beaucoup plus de temps que si on va en audiences publiques. Moi, je me demande qu'est-ce que le BAPE, par exemple, pourrait amener de nouveau à un programme de sécurité préparé pour une entreprise et approuvé par le ministère. Je voyais ça dans le but de simplifier, puis je crois comprendre qu'au contraire votre proposition risque d'alourdir le processus.

Mme Paquet (Françoise): En fait, je dirais que la position était plutôt à l'effet qu'on préfère qu'il n'y ait pas de programmes de sécurité différents et que les règles, les normes réglementaires soient connues et accessibles. Advenant le cas où on accepte qu'il y ait des programmes particuliers, et il pourrait y en avoir un tollé, à ce moment-là, ce qu'on dit, c'est qu'on aimerait que ces programmes-là soient accessibles d'une quelconque façon sans nécessairement passer par le processus des audiences – ça peut être différentes formes de consultations. Mais ce qu'on veut, c'est que ces programmes-là de sécurité, les règles de sécurité soient connues, en fait. C'est, en fait, un accès à l'information qui est derrière tout ça.

M. Rivard (Limoilou): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saguenay, en signalant qu'il reste environ deux minutes du côté ministériel – il reste encore du temps du côté de l'opposition – à moins qu'il y ait entente. Allez-y.

M. Gagnon: Merci. Tantôt, vous avez fait référence aux inquiétudes municipales en regard des ouvrages orphelins. J'aimerais savoir de votre part: Selon vous, les biens sans maître, la responsabilité qui résulte de ces ouvrages-là, elle devrait incomber à qui, cette responsabilité?

Mme B. Simard (Jacinthe): À l'heure actuelle, lorsqu'on regarde l'avant-projet de loi, on a comme l'impression que c'est le ministère de l'Environnement et de la Faune qui va en devenir responsable. Si c'est ainsi que l'on veut s'orienter, eh bien, que l'on ne les qualifie plus d'orphelins, mais sous la responsabilité du ministère.

M. Gagnon: Oui, mais on sait actuellement qu'il en existe plusieurs ouvrages qui sont sans maître. Ce que je voulais savoir de votre part, comme représentante de l'UMRCQ, la position de votre corporation là-dessus: Est-ce que cette responsabilité-là devrait incomber aux MRC ou si elle doit demeurer... ou si elle doit être indiquée expressément au ministère de l'Environnement et de la Faune?

Mme B. Simard (Jacinthe): Selon nous, ça doit rester sous la responsabilité du ministère de l'Environnement et de la Faune.

M. Gagnon: Quand on regarde les préoccupations d'aménagement des MRC en regard des incidences sur le plan faunique avec ces ouvrages-là, est-ce qu'il n'y aurait pas intérêt pour les MRC d'avoir la mainmise sur ces ouvrages-là?

Mme B. Simard (Jacinthe): S'il y a des MRC qui, pour une raison ou pour une autre, jugent opportun de gérer ces ouvrages-là, je pense qu'à ce moment-là il s'agira, par le biais d'une entente avec le ministère, de s'assurer que ça puisse se faire. Mais je ne pense pas que ce soit présentement le désir des MRC de dire que ça devrait être laissé, à la grandeur du Québec, sous la responsabilité des MRC.

M. Gagnon: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Au niveau des barrages orphelins – parce que je pense que c'est quand même une partie importante de votre mémoire, d'autant plus que c'est peut-être ces barrages-là qui vont nous causer des problèmes dans le futur – selon vous, est-ce que le projet de loi devrait aller encore plus loin puis prévoir la démolition de ces barrages-là?

Mme B. Simard (Jacinthe): Ça dépend où ils se situent, ça dépend à quoi ils servent et ça dépend également, je pense, de leur état de désuétude. Alors, il y a tellement d'éléments qu'on ne peut pas tirer une ligne et conclure que c'est ainsi que ça devrait se passer. Moi, ce sur quoi j'évoque une inquiétude, c'est que les gens se posent la question sur la responsabilité: Qui en est vraiment responsable? Et si la loi est claire et que c'est le ministère de l'Environnement et de la Faune, on n'a plus à les qualifier d'orphelins.

M. Whissell: Mais, d'après vous, est-ce que c'est clair, présentement, de la façon que c'est écrit? Non, c'est...

Mme B. Simard (Jacinthe): Ils doivent encore porter le nom d'orphelins, d'après moi.

Le Président (M. Lachance): Alors, il me reste à vous remercier, Mme Simard, Mme Paquet, pour votre contribution aux travaux de cette commission.

Mme B. Simard (Jacinthe): Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. MM. les députés, merci.

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les représentants d'Hydro-Pontiac inc. à bien vouloir prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, vous avez, comme porte-parole, à vous identifier, s'il vous plaît, et à identifier la personne qui vous accompagne. Je vous cède la parole.


Hydro-Pontiac inc.

M. Rivard (Gilles): M. le Président, M. le ministre et membres du comité, mon nom est Gilles Rivard, je suis avocat de profession et je suis président de la compagnie Hydro-Pontiac inc. Je suis accompagné, pour cette parution devant le comité, de M. Stuart Bahen, ingénieur, qui est en charge des opérations d'Hydro-Pontiac.

(15 heures)

Laissez-moi, avant de débuter, vous parler d'Hydro-Pontiac. Hydro-Pontiac est une compagnie qui détient au Québec la plus vieille centrale hydroélectrique commerciale, laquelle centrale a été construite, pour ne pas me tromper, je dirais en 1906, et certains prétendent en 1903, et a desservi depuis de nombreuses années plusieurs consommateurs, plusieurs citoyens, plusieurs résidences dans le comté de Pontiac. Et je dirais que, jusqu'en l'année 1994-1995, nous avons régulièrement desservi 1800 clients dans la région de Pontiac. Nous n'avons pas été nationalisés lors de la nationalisation de l'électricité, mais, il y a deux ou trois ans, nous avons reconverti le système et nous avons retransféré la distribution à Hydro-Québec.

Comme je vous disais, Hydro-Pontiac, à Waltham... Parce que Hydro-Pontiac a deux usines hydroélectriques, une située sur la rivière Coulonge et l'autre sur la rivière Noire. Ceci est pour vous dire que, sur la rivière Noire, depuis 1903 ou 1906, nous exploitons une usine hydroélectrique qu'on peut appeler une usine hydroélectrique au fil de l'eau, laquelle usine hydroélectrique est alimentée – mon collègue, ici, sera plus précis tout à l'heure – par de nombreux lacs, certains ayant une distance assez éloignée de la centrale hydroélectrique.

En ce qui concerne la rivière Coulonge, là pareil, nous sommes les successeurs de la compagnie, non seulement successeurs mais propriétaires de la compagnie Crow & Coulonge River Boom Company, qui a été incorporée par l'Assemblée législative du Québec, je dirais, vers les années 1893 ou 1894, mais, quoi qu'il en soit, c'était avant le début du siècle. Cette compagnie a exploité durant tout ce temps, toute cette période, différents barrages sur la rivière Coulonge, je dirais même environ 11 barrages. À la fin des années 1980, nous avons demandé au gouvernement de changer la vocation de ces barrages qui étaient destinés au flottage du bois, d'en changer la vocation dans la production hydroélectrique. Et nous avons construit, au cours des années 1990 à 1993, une usine hydroélectrique de 16 MW sur la rivière Coulonge. Là aussi, effectivement, l'usine électrique est alimentée par différents barrages, et l'usine en question est, encore une fois, une usine au fil de l'eau. Et les différents barrages sont situés à des distances assez éloignées. Je dirais même que certains ont une distance de 120 km de la centrale hydroélectrique en question.

En plus des 29 barrages que nous avons sur les deux rivières, Noire et Coulonge, nous avons deux barrages additionnels à chacune des deux centrales. Ça fait que c'est pour vous dire que, lorsque nous apparaissons devant vous aujourd'hui, nous avons 100 ans d'expérience sur deux rivières. Et, étant avocat de profession, je peux vous dire que je n'irai pas m'immiscer dans les problèmes techniques d'opération de différents barrages. C'est pour ça qu'aujourd'hui je suis accompagné de M. Stuart Bahen, qui va continuer la présentation des remarques que nous avons à faire auprès de ce comité. Merci. Stuart.

M. Bahen (Stuart): Merci pour avoir l'opportunité de parler à la commission. Excusez, mais je vais parler anglais, peut-être jusqu'à la prochaine fois, où je vais parler en français, j'espère.

Hydro-Pontiac operates 23 small storage dams, has an additional six small dams which have been abandoned and has two principal dams on our Coulonge and Waltham power plants. Hydro-Pontiac is a small company with only 27 MW and 10 employees. We believe that it's appropriate that our two principal dams be subject to the regulations and scrutiny as they do have some small populations downstream of them which could be affected in case of a problem or a failure.

But I'd like to address only the issues that we see that relate to our 23 storage dams. Each dam is considered a high-capacity dam, with respect to the legislation. And our study, in accordance to the Canadian Dam Safety Association, classifies these dams in a very low or the low category of risk. When we make the translation, we believe these will be C dams or D dams, in accordance with the proposed legislation.

These dams are mostly located in remote areas, and downstream areas are uninhabited. And most of the downstream areas are rarely visited. The dams, with one exception, are on lakes that feed into the main river and are not on the main river themselves. They're all controlled with stop logs and manual winches. Each lake has a relatively small storage volume. We have several lakes that are less than 2 000 000 m³ and several lakes that are around 50 000 000 m³. The remainder are well in between and mostly on the lower side. Taken all together, these reservoirs and dams allow us to operate our plants efficiently.

We spend a large part of our human resources managing our water system and reservoirs. This includes the day-to-day planning, operation and maintenance of the dams. Much more attention is given and required during the spring flood or during other events. In recent years, computers have allowed us to improve our operations, probably our safety as well, and our knowledge of the system, and perhaps even predicting somewhat into the future.

Dam safety is in our best interest as a company. We don't want to have to replace a dam that fails or we don't want to be subject to the inevitable inquiry that would follow. We believe that most if not all of our storage dams pose minimal risk to the public, as the downstream areas are not inhabited and are rarely visited.

Our concerns with the legislation are several. First, there is very many details of the regulations that are unknown or yet to be determined, and therefore, we can't really quantify the impact of the legislation on our operations or even comment on how appropriate it is, in our opinion, for several or many, if not all of our storage lakes.

Secondly, we believe that there will be a significant administrative burden associated with the legislation. This is a burden that does not increase the safety of our dams or our ability to operate safely, but, with 23 or 25 dams, this is not going to be an insignificant burden for a small company. We believe the cost of this... Again, we just believe, with our past experience, that significant regulations do require significant paperwork and significant efforts to comply with. We believe some of our, if not many of our smaller dams, will not be able to bear the burden of this cost. They may become economical despite their safe condition and safe operation, and they may become economical even though they pose very minimal risk to anybody downstream. We think this would be an unnecessary and an unfair burden on the operator as a result of this legislation.

(15 h 10)

I should point out as well that the primary beneficiary of our smaller dams, the very smallest ones we have, is probably the government itself. On average, 20 % of our gross revenue that we can attribute to our storage dams in waters goes directly to rents, royalties and production taxes. On a smaller dam, after operating a maintenance, there's very marginal benefit left for the operator or the owner, who has the risk.

We strongly endorse the recommendations of the APPHQ whose, I believe, testimony is about to follow, and especially in regard to the recommendation that the emphasis of the legislation should be placed on dams that do have elevated consequences of failure and not so much on the dams that have minimal consequences of failure. We think that's a very good distinction in the place to draw the line. And we want to emphasize that our small dams, and perhaps small dams, in general, in remote areas do pose very little risk to the public safety.

We would like to have the opportunity to review the new regulations when they come out – they are not yet available – and have the opportunity to provide specific comments at that time. And again, I thank you very much for your attention.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Merci, MM. Rivard et Bahen. Je comprends que la préoccupation que vous avez, si je prends le dernier point, c'est d'abord de pouvoir vous prononcer lorsque les règlements seront publiés, pour voir s'ils correspondent bien à ce que vous escomptez, d'autre part, de faire en sorte que les coûts soient minimisés. Et vous dites: Si un barrage représente peu de risque, on ne devrait pas avoir de coûts reliés à son entretien ou à sa réparation, puisque, par hypothèse, selon vous, il n'y a pas de conséquences.

Mais est-ce qu'il y a un problème majeur, dans votre cas? Si je regarde, vous êtes en train de faire une évaluation de vos barrages et vous suivez les normes canadiennes. C'est ce que vous dites, à la dernière ligne de votre mémoire, en disant: «...en vertu desquelles nous sommes à compléter une étude de sécurité de nos ouvrages.» Et, d'autre part, vous nous dites, au tout début, que vous n'avez pas de barrages à «"forte contenance", la plupart de faible dimension dans des bassins hydrographiques de la rivière Noire».

Alors, vous énoncez une préoccupation de coûts, qui est toujours légitime, bien sûr. Mais en quoi, dans ce cas-ci, il y a une préoccupation majeure pour vous que le choix soit fait de faire des travaux, lorsqu'on a un risque important qui est représentatif au niveau de la sécurité?

M. Rivard (Gilles): Écoutez, M. le ministre, on n'est certainement pas pour prêcher contre la vertu. Effectivement, nous sommes d'accord pour nous conformer à la législation ou à la réglementation qui va exister relativement à la reconstruction des nouveaux barrages.

Lorsque vous prenez en considération que nous avons des barrages d'au-delà de 100 ans d'existence et que nous demandons à des firmes d'ingénieurs de nous donner un certificat de sécurité, il n'y a aucune firme d'ingénieurs qui veut nous assurer de la sécurité des barrages tels qu'ils existent, parce qu'ils nous disent: Nous n'étions pas là lors de la construction. Ceci est ça.

Également, ce que le directeur général des opérations me disait, à des endroits, vous nous demandez de calculer les débits d'eau et les niveaux d'eau régulièrement, alors qu'effectivement les appareils peuvent coûter jusqu'à concurrence de 15 000 $. Si le lac en question a un chiffre brut de revenus de 3 000 $ par année, par suite de l'installation du barrage, je comprends que les exigences du ministère relativement au niveau d'eau sont trop onéreuses pour mettre en valeur le barrage en question.

En ce qui nous concerne, nous, notre compagnie, le fait que nous ayons plusieurs lacs et plusieurs petits lacs en opération – c'est quasiment 29 à 31 barrages que nous avons – si, effectivement, nous suivons toute la législation puis les réglementations qui vont nous être imposées, ça va être des coûts énormes, énormes.

Présentement, nous sommes après demander des permis de réfection puis de construction et réaménagement de barrages. Les coûts, les honoraires, les recherches et les frais d'ingénieurs, les frais d'avocats, les frais des écologistes puis les frais des environnementaux, pour répondre aux demandes de tout le monde – et j'ouvre une parenthèse: si seulement, monsieur, ça prenait deux ans, nous serions satisfaits – les coûts sont astronomiques par rapport... Les coûts d'honoraires sont supérieurs aux coûts physiques à être réalisés sur les barrages, et de plusieurs fois.

Ça fait qu'on essaie autant que possible de maintenir en opération ce qu'on a. Et on essaie autant que possible également... Sur la rivière Coulonge, on aimerait bien avoir la permission... Parce que nous avons fait application pour une centrale additionnelle. Et, justement, les coûts pour obtenir la permission de la construction d'une centrale, à côté de celle existante, qui ne nécessite aucun ouvrage additionnel – à Parent, c'est seulement un tunnel de déviation – c'est astronomique, astronomique.

J'ai déjà comparu devant un comité, ici, à un moment donné, et lorsque c'était la construction de l'usine de 16 MW d'Hydro-Pontiac sur la rivière Coulonge, on était rendu à 2 500 000 $ d'honoraires. Ça fait que, quoi qu'il en soit, on essaie autant que possible de minimiser les coûts. D'autant plus, ça va être très important de minimiser les coûts parce que, si, effectivement, on est pour avoir de la production privée au Québec, avec les tarifs qu'Hydro-Québec nous offre, bien, il se pourrait que l'expertise que nous avons réussi à développer depuis 10 ans n'existe plus parce qu'il ne s'en fera plus des petits barrages parce qu'on n'a pas les taux qui nous permettent de rencontrer les coûts d'opération. Est-ce que ça répond à votre question, M. le ministre?

M. Bégin: Pas tout à fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivard (Gilles): Bon!

M. Bégin: Parce que je vous connais bien, M. Rivard, et je suis certain, convaincu que, s'il n'y avait pas de l'argent à faire, vous ne le feriez pas. Et, si vous le faites, c'est parce que, malgré les exigences environnementales, il y encore un profit à faire. Et ça, c'est certainement correspondant à votre philosophie.

M. Rivard (Gilles): Bien, laissez-moi vous interrompre.

M. Bahen (Stuart): May I add something?

M. Rivard (Gilles): No, no. I'm personally involved, right now.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Il faut dire, pour le bénéfice de la commission, qu'on a pratiqué voisins pendant 30 ans, alors on se connaît un peu. Ha, ha, ha!

M. Rivard (Gilles): Je connais M. le ministre depuis très longtemps. M. le ministre, je n'ai aucun intérêt dans cette compagnie. Je suis président, et la compagnie fait partie de la grande famille, elle est la propriété de Great Lakes Power. Et je peux vous dire que, si on regarde la grande famille à laquelle j'appartiens, à laquelle ma compagnie appartient, écoutez, je pourrais dire qu'on a le plus grand consommateur d'électricité au Québec et puis, effectivement, on emploie 6 000 employés aujourd'hui. Ça fait qu'on essaie, autant que possible...

(15 h 20)

Il y a eu de gros investissements, puis je suis convaincu que les actionnaires qui m'ont demandé de les représenter au sein de la compagnie en tant que représentant d'Hydro Pontiac, ils veulent avoir le maximum de rendement. Mais, personnellement, je n'ai aucune action dans la compagnie. Mon collègue a quelque chose à vous dire maintenant sur la question que vous aviez posée. Go ahead. Do you want to answer?

M. Bahen (Stuart): Just a comment. We believe that the operator or the owner is responsible for the dams safety and certainly the necessary studies that are required to ensure the dams safety. I personally have a concern that those studies may cost half as much as demonstrating our compliance with the laws or the intention of the laws. And we don't have a whole bunch of engineers that we can take off something rather... and put to making reports. But we don't have specifics, really, from the draft legislation, but I have a real fear that it could be overwhelming, with dams with minimal risk to the public.

M. Bégin: Merci.

M. Rivard (Gilles): Vous comprenez, ayant visité les lieux... D'ailleurs, je me demande, sur une distance de 120 km où se trouve notre dernier lac, s'il y a une habitation. À 120 km de la centrale, je me demande s'il y a un... Et les risques étant répartis, nous autres, sur 29 lacs... Et non seulement 29 lacs, on vous dit: à la centrale, on a des barrages qui sont peut-être plus importants que les autres, pas de problème, nous autres, on est soumis à la législation. Mais des petits barrages, je pense que ça va être très onéreux, si on est soumis, si les petits barrages sont soumis aux exigences énoncées dans le règlement.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Rivard, M. Bahen. Si je comprends bien, vous, vous êtes en accord avec l'élaboration du projet de loi. Ce qui accroche, c'est plutôt l'application des exigences quant à la façon dont on le formule. Vous, vous voudriez que ce soit la fonction de risque qui prévale dans le projet de loi, si je comprends bien.

M. Rivard (Gilles): C'est ça.

M. Whissell: O.K. Au niveau des exigences spéciales que vous dites être prescrites et qui vous semblent poser problème, pouvez-vous décrire un peu? Vous avez parlé d'équipements spéciaux. Pouvez-vous élaborer ce que vous entendez par «exigences spéciales»?

M. Rivard (Gilles): Je vais laisser M. Bahen répondre à ça.

M. Bahen (Stuart): We would be concerned of potentially lake level indicators on all of the lakes. We do have four which span the basin now; they've been quite expensive, and again, they're on big lakes that can justify themselves. We believe that they are necessary on lakes that will change very rapidly with one inch of rainfall. But if another lake that would only go up an inch or two inches instead of two feet in the same rainfall... You know, we know how the lakes are going to behave, generally, and some lakes that would provide beneficial information to us... But a lake that we would pass every day or every other day in our normal course of action, that we can check manually is not worth 15 000 $ or 10 000 $ for an indicator. The regulations have to make sense. They may be a good idea or helpful to us, but they may not be that necessary.

M. Rivard (Gilles): For security.

M. Bahen (Stuart): For dam safety, yes.

M. Whissell: Mais vous parlez de coûts, là, vous sortez des chiffres. Avez-vous une idée, avez-vous fait un estimatif de ce que ça peut représenter comme coûts? Vous avez 31 barrages. Quelle peut être la charge au point de vue financier?

M. Bahen (Stuart): Peut-être 250 000 $ pour tous les barrages...

M. Whissell: Mais ça, ce n'est pas annuel. Ça va être à payer une fois?

M. Bahen (Stuart): Pardon?

M. Whissell: Ce ne sera pas un 250 000 $ qui doit être récurrent. Une fois que, l'équipement, vous allez l'avoir acheté...

M. Bahen (Stuart): Non, une fois ou plus, peut-être, 10 000 $ ou 15 000 $ chacun pour la maintenance et les autres choses.

M. Whissell: Je n'ai pas d'autres questions.

M. Rivard (Gilles): N'oubliez pas que, relativement au niveau d'eau, la compagnie Hydro-Pontiac vérifie régulièrement ses barrages et, non seulement ça, je dirais, tous les barrages sont visités régulièrement puis, non seulement ça, plusieurs fois par semaine. Et, dans le temps de la crue, la compagnie emploie des hélicoptères pour justement voir au bon management de ces différents lacs. On a 100 ans d'expérience en arrière de nous autres, O.K.? Puis je pourrais peut-être avancer – parce que ça ne fait pas 100 ans que je suis là – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivard (Gilles): ...que, suivant les documents, j'ai pu le constater, il n'y a jamais eu un problème de sécurité de barrage depuis l'existence des deux compagnies sur la rivière Noire ou sur la rivière Coulonge.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Le projet de loi, tel que proposé, est-ce qu'il peut remettre en survie la viabilité de votre entreprise ou c'est juste parce que ça va vous coûter...

M. Rivard (Gilles): La viabilité de l'entreprise...

M. Whissell: Oui.

M. Rivard (Gilles): Je peux vous dire qu'on m'informe que, effectivement, on va avoir une taxation de 3 % du revenu brut de la compagnie en «en lieu» de taxes municipales. 3 % ici, 3 % là, on est après négocier des baux, puis on augmente les taux.

Comme je disais à mon collègue, le gouvernement du Québec reçoit 20 % du résultat final, du résultat, du fait que les barrages sont là, 20 % des différentes taxations. À un moment donné, si, effectivement, les taux étaient les même taux qu'Hydro-Québec payait lors du APR-91, pas de problème. Mais là ça va être un «open market», un marché ouvert. Et puis, bien entendu, Hydro-Québec dit... C'est en bas de 0,03 $, ce qu'ils veulent payer pour l'hydroélectricité.

Ça fait que, par conséquent, si, effectivement, vous mettez de telles contraintes, le monde va abandonner les barrages parce qu'ils ne seront pas capables de construire des productions hydroélectriques – je parle pour la production hydroélectrique – avec les contraintes qui vont être imposées. 3 % brut en «eu lieu» de taxes puis, après ça, les vérifications sur des petits barrages, les compagnies ne seront pas capables. Puis ce qui est bien malheureux, c'est qu'on va perdre l'expertise qui a été créée depuis les 10 dernières années, au Québec. Vous comprenez, c'est ça.

Moi, je prévois, avec la petite expérience que j'ai, la naissance éventuellement de courtiers en énergie qui vont acheter de l'énergie des différents barrages à travers la province pour essayer de répondre à une demande, puis rassembler les demandes, comme ça se fait aux États-Unis. Mais une personne qui a un 2 MW ou un 3 MW, je peux vous dire ce qui suit: toute seule, elle ne sera pas capable d'arriver. Elle va être obligée de faire face à une grosse organisation. Avec les contraintes qui sont imposées, elle ne sera pas capable d'arriver.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Limoilou.

(15 h 30)

M. Rivard (Limoilou): Merci, M. le Président. Alors, M. le président Rivard, j'aurais une couple de questions à vous poser. Dans votre mémoire, que je vois devant moi, vous faites allusion que vous êtes membre de l'AQPER, qui va un peu plus tard déposer son mémoire. Eux autres, ils font état, entre autres, qu'ils sont contre la nécessité que le tiers ingénieur signe des plans conformes à l'exécution. Est-ce que ça veut dire que vous appuyez ce point de vue là, que vous êtes contre le fait qu'un tiers ingénieur signe des plans de conformité?

M. Rivard (Gilles): Pourriez-vous... Il y a quelqu'un qui a toussé, puis j'ai manqué un mot.

M. Rivard (Limoilou): O.K. Vous faites allusion dans votre mémoire que vous êtes membre de l'AQPER.

M. Rivard (Gilles): C'est ça.

M. Rivard (Limoilou): Naturellement, dans votre mémoire... Vous avez longuement élaboré tantôt, mais je n'avais pas les papiers de votre texte. Alors, je suppose que, si vous êtes membres de cette Association, vous l'indiquez... Et vous avez demandé à cette Association de tenir compte de vos propos. Donc, je vous questionne sur le mémoire de l'Association sur deux points.

Premier point: la nécessité qu'un tiers ingénieur signe les plans conformes à l'exécution ne soit applicable qu'aux barrages à forte contenance et à risque, ce qui veut dire que ça pourrait soustraire Hydro-Pontiac de la nécessité qu'un tiers ingénieur signe. Est-ce que c'est bien ce que je dois comprendre?

En d'autres mots, dans l'avant-projet de loi que nous avons déposé, on oblige les entreprises comme la vôtre à faire signer par un tiers ingénieur et non pas l'ingénieur résident. C'est sûr que c'est des coûts additionnels. Mais, vu que votre Association dit que ça ne doit être applicable qu'aux barrages à forte contenance et à risque, je dois comprendre que votre entreprise souhaite ne pas être soumise à cette obligation.

M. Rivard (Gilles): Je vais vous répondre sur ça. Premièrement, nous avons demandé à des firmes responsables de donner leur opinion sur la sécurité des barrages ou une certaine sécurité des barrages que nous avions et, effectivement, les ingénieurs disent: Premièrement, avez-vous les plans tels qu'ils ont été conçus? Avez-vous les plans tels qu'ils ont été construits? Effectivement, c'est des barrages qui datent de plusieurs années. Lorsqu'on leur répond non, bien, effectivement, il n'y a pas de bureaux d'ingénieurs qui veulent faire des plans puis les signer.

M. Rivard (Limoilou): Moi, je fais plus allusion, si vous le permettez, M. le Président, à des travaux à venir, si vous faites des modifications.

M. Rivard (Gilles): Effectivement, les travaux à venir, il n'y a pas de problème.

M. Rivard (Limoilou): Il n'y a pas de problème. Vous pouvez vivre facilement avec le fait que ce soit un ingénieur qui n'est pas l'ingénieur qui travaille pour vous à plein temps ou qui conçoit les plans et devis? Vous seriez d'accord que ce soit un ingénieur qui n'a pas de dépendance avec l'entreprise? Ça, c'est prévu dans le projet de loi. Certains nous disent qu'ils peuvent vivre avec ça, certains viennent nous dire le contraire. Est-ce que vous êtes d'opinion que vous devriez être soumis à cela?

M. Rivard (Gilles): Si ça fait votre affaire, je peux vous dire que je suis d'accord avec ça.

M. Rivard (Limoilou): Deuxième question. Pas plus dans votre mémoire verbal ou écrit que l'autre association également, vous ne donnez votre avis sur la création d'un fonds spécial en cas de désastre, la contribution obligatoire à un fonds. Est-ce que vous êtes d'accord – c'est dans le projet de loi – avec cet article du projet de loi ou si vous connaissez le coût, par exemple, que ça peut coûter à votre entreprise, cette obligation?

M. Rivard (Gilles): Je peux vous dire, M. le ministre, que... C'est M. le ministre qui pose la question?

M. Rivard (Limoilou): Non, c'est moi qui pose la question, M. Rivard.

M. Rivard (Gilles): Bien, je ne sais pas. Écoutez, je vais vous dire quelque chose, je souffre de cécité grave et je ne sais pas qui a posé la question.

M. Rivard (Limoilou): Alors, c'est le député de Limoilou.

M. Rivard (Gilles): Bon. Effectivement, si ces contraintes sont imposées avant la construction de barrages et d'usines hydroélectriques, pas de problème. Mais, effectivement, si vous nous demandez de contribuer à un fonds pour des ouvrages qui existent déjà sur des prix connus et des charges connues dans le temps où on a construit, la réponse est non, pour la raison suivante: on a fait nos projections, on a financé auprès des compagnies d'assurances ou auprès des banques sur des revenus nets, effectivement, ça change l'équation totalement.

Non seulement ça, on a des baux de 20 ans ou de 25 ans, on a des financements de 20 ans, on a des revenus de projetés sur 20 ans, puis, au cours de l'existence des baux, bien, on a des charges additionnelles qui viennent débalancer toute l'équation qui avait déjà été prévue. Ça fait que, je vous le dis, pour l'avenir, on va le savoir.

M. Rivard (Limoilou): Mais je dois comprendre, moi, que l'esprit de la loi, la création de ce fonds, justement, c'est pour compenser un peu ce que les assurances auraient pu payer. Donc, lorsque le fonds va être constitué, il se pourrait que les assureurs baissent leurs primes. Alors, l'idée, c'est...

M. Rivard (Gilles): Je peux vous dire ce qui suit. Effectivement, lorsqu'on loue auprès du gouvernement du Québec, vous demandez aux promoteurs puis aux locataires des polices d'assurances qui couvrent bien des dommages, puis c'est des montants élevés, puis on paye des primes pour ça. Ça fait que, si on est pour avoir double prime, bien, je ne le sais pas. Est-ce que, effectivement, en vertu des baux qui existent entre la compagnie et le gouvernement du Québec vous allez réduire vos exigences relativement aux assurances?

M. Rivard (Limoilou): Merci pour les commentaires, M. Rivard.

M. Rivard (Gilles): Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Me Rivard, ça me fait plaisir de vous voir ici aujourd'hui. Vous avez indiqué qu'il n'y a pas d'ingénieurs qui sont prêts à certifier que vos barrages sont sécuritaires, à cause du fait qu'ils n'ont pas les plans, ils ne savent pas comment ça a été construit. Est-ce que, vous autres, Hydro-Pontiac, vous avez un moyen de certifier l'état de ces barrages et, en même temps, d'indiquer quelles pourraient être les conséquences...

Vous avez indiqué tantôt qu'il y a des lacs où les conséquences sont plus graves. Ils peuvent varier d'une couple de pieds avec une pluie de un pouce, mais que d'autres peuvent varier d'un pouce... Est-ce que vous avez fait cette évaluation-là ou êtes-vous capable de la faire?

M. Rivard (Gilles): M. le député, vous demandez une question technique, je vais être obligé de...

M. Middlemiss: D'accord. M. Bahen. What would be the consequences? Mr. Rivard was indicating a moment ago that, basically, no engineers are ready to certify the state of your dams, and that because they were not present when they were constructed, and so on. So, first of all, can you, people, find a way of certifying the status of those dams? Secondly, can you give us an indication of what could be the consequences of a failure of these, generally?

M. Bahen (Stuart): Yes. The inability of an engineer to certify a structure that he wasn't involved with the design of and the construction of, he cannot do that, according to his profession. We are going through that currently, however, on additional lakes that we are attempting to lease. And the Ministry has allowed us to basically create an «as found» drawing, instead of an «as built» drawing of the lake. The engineer cannot sign it. However, he can use whatever evidence is available to evaluate the safety and the ability, the structure stability of the dam to withstand the various loads. He cannot assume that there is steel going into the rock, so there may be stability problems. He cannot assume that there is steel on the rocks, perhaps, even if drawings indicated there was supposed to have been. Our dams are then subsequently perhaps classified into a riskier category because of that.

(15 h 40)

And the engineer will provide an opinion that the dam is safe provided it is operated in a responsible manner. They will go that far. They have to be cautious. It's generally work that is, from their standpoint, high-risk and low-value. It's work that they would rather avoid. It's not bread-and-butter work. You're not designing a new dam, and you don't have the certainty. And when he says: My opinion is that this dam is good, it's been here for 30 years, it is not showing deterioration, or it's been well maintained, still, when he says: I believe this dam to be safe, in my opinion, he's assuming risk with very little revenue associated with that. So it's a difficult situation for an engineer to be in, and more expensive perhaps. That's how, to us, it can be certified. What was you second question?

M. Middlemiss: What would be the consequences? You know, you mentioned that some of the lakes may vary by a couple of feet, if you have an inch rainfall, and the others are not affected. What would be the overall consequences if something happened?

M. Bahen (Stuart): Okay. My comment about how lakes react differently to the rainstorm is really to indicate the variability of... If you have a very small basin and a large lake, the lake will go up an inch. If you have a very large basin and a small lake, the lake will come up quite drastically. These are the lakes that we need to pay attention to, from a dam safety standpoint. These are the lakes that are real indicators of what is happening in the basin, and they can be... Those are lakes that you would want an indicator on, for instance, to make sure that, if it's coming up, this will be the first one and the fastest to come up. So, that was my comment on one inch versus two feet.

Our storage lakes, in our opinion and in the opinion of our engineers, so far, according to the Canadian Dam Safety Association standards or guidelines... are that 50 % of our lakes pose minimal... in the lowest category. If one lake failed, it's very unlikely that anybody would be around to see it or notice it. Some lakes have slightly elevated consequences. It's very unlikely that, in our system, one lake failing would cause a domino effect. We wouldn't have that. Our lakes are generally all independent. Obviously, one big flood that wiped out everything, which is certainly possible, it may happen tomorrow, but it may not happen for a million years... From our small lakes, it's not a significant event, in terms of personel or the public security.

Certainly, from a property standpoint, we would suffer in that regard. We believe the issue would be different, when we're talking about our principal dams, our Waltham dam or our Fort Coulonge dam. And that's why we think it's more appropriate to address that with rigourous high standards and a lot of government scrutiny. We think that's necessary and important.

M. Rivard (Gilles): Pour compléter la réponse, M. le député de Pontiac, je vois mal qu'un certificat, qu'une garantie émane de l'exploitant du barrage. Il doit y avoir une solution pour que ça émane d'un tiers. Je ne vois pas, pour la protection du public, qu'on certifie nous-mêmes que... Il doit y avoir, peut-être effectivement... Je ne sais pas. Y «va-tu» y avoir un organisme de surveillance? Je ne sais pas. Je peux juste vous dire ce qui suit, qu'on a des difficultés à trouver quelqu'un qui va certifier... qui est prêt à mettre en risque sa responsabilité professionnelle pour quelques dollars.

M. Middlemiss: La raison pour laquelle, ce matin, les membres, on parlait ce matin que ça pourrait être... En autant que c'est un ingénieur qui est membre de l'Ordre des ingénieurs du Québec, qu'il soit employé par un bureau d'ingénieurs-conseils ou qu'il soit employé par la compagnie elle-même, il est soumis aux mêmes règles du jeu – il y a un code de déontologie, il y a toutes ces choses-là – et en autant que ce travail-là est bien fait et qu'on puisse accepter... Parce qu'on ne peut pas avoir deux genres d'ingénieurs. C'est vrai que, peut-être, ce n'est pas aussi transparent, le fait qu'il travaille pour son employeur. Mais aussi, comme ingénieur, il ne faut pas oublier qu'il a une responsabilité professionnelle, il a un code de déontologie. Je sais que ça serait peut-être mieux que ça soit un tiers.

Mais je pose la question: Si vous ne pouvez pas avoir un tiers, des ingénieurs qui ne veulent pas, est-ce que, vous autres, vous avez un moyen ou êtes-vous capable de trouver une façon de satisfaire aux exigences que la loi pourrait vous demander? Parce que, sinon... De quelle façon? Est-ce que vous allez être obligés de reconstruire tous ces barrages-là, de faire faire des études géotechniques, toutes sortes d'études pour savoir... À ce moment-là, vous seriez bien mieux de construire des nouveaux barrages ou bien de mettre la clé dans la porte. C'est un peu ça que vous nous avez indiqué tantôt.

M. Rivard (Gilles): Bien, moi, je vais vous dire, un ingénieur est un ingénieur. Puis je vois mal le président d'une compagnie dire à l'ingénieur: Signe-moi ton certificat. Entre nous deux, ça peut arriver qu'un ingénieur, «a bread and butter», il va signer. Ce n'est pas ça, l'objet. C'est que les bureaux indépendants d'ingénieurs ne veulent pas les signer et, du moment que... Je n'irai pas le blâmer. Mais qu'est-ce qu'on fait? Quelle solution on a? Et, je vous dis, nous autres on a 100 ans d'expérience. Puis non seulement ça, on a intérêt à ce que les...

Ça me fait penser à l'ancien propriétaire d'Hydro-Pontiac. Lorsqu'il pleuvait, il avait un gros sourire puis il nous disait: «Free inventory.» Bien, c'est de l'inventaire qu'on a en arrière de nos barrages. Puis, si nos barrages disparaissent, bien, on n'aura pas d'inventaire. Puis c'est une chaîne qui voit non seulement à la production d'hydroélectricité, mais aux dividendes puis les revenus sur l'investissement fait.

M. Middlemiss: C'est bien. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, je désire remercier M. Rivard et M. Bahen pour leur présence ici, à l'Assemblée nationale, pour participer aux travaux de cette commission. Je vous remercie.

M. Rivard (Gilles): Merci beaucoup.

M. Bahen (Stuart): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Nous allons suspendre les travaux pour une période de cinq minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 47)

(Reprise à 15 h 57)

Le Président (M. Lachance): Nous reprenons les travaux de la commission avec toujours le mandat de procéder à des consultations générales sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la sécurité des barrages.

J'inviterais maintenant les représentants de l'Association professionnelle des géologues et des géophysiciens et des géophysiciennes du Québec à bien vouloir s'approcher à la table.


Association professionnelle des géologues et des géophysiciens et des géophysiciennes du Québec (APGGQ)

M. Crépeau (Pierre M.): M. le Président, M. le ministre, mon nom est Pierre Crépeau. Je vous remercie de votre accueil et d'avoir accepté d'entendre une représentation de l'Association professionnelle des géologues et des géophysiciens du Québec. Afin de familiariser le public avec l'APGQ, un annuaire est publié, où on retrouve notamment les statuts et règlements de l'Association, le rôle de ses membres, son code d'éthique, ses exigences académiques au niveau universitaire ainsi que l'expérience pertinente requise pour en devenir membre.

Faute de disponibilité, je suis seul aujourd'hui à représenter l'APGQ parmi les coauteurs de notre mémoire. Il y en a un, entre autres, que j'aurais bien aimé avoir avec moi, qui a développé une expertise, et c'est justement dû à ça qu'il est, actuellement, sur le terrain.

Je suis, il va sans dire, membre de l'APGQ et j'ai un certain vécu concernant la sécurité des barrages que je me dois de vous exposer. Je suis d'abord un gradué de l'Université de Montréal, de la Faculté des sciences, et un postgradué de l'École polytechnique, de sorte que je suis un peu un être hybride. Employé à Hydro-Québec de 1954 à 1986, j'y ai travaillé dans le secteurs exclusivement des barrages. De 1964 à 1983, j'ai rempli le poste de chef de service, géologie et géotechnique, lequel service est intervenu sur tous les projets hydroélectriques, de Beauharnois, à Manicouagan et Outardes et la Baie-James, en passant notamment par Carillon et la rivière des Quinze.

Durant cette période, notre département a retenu périodiquement les services d'experts-conseils impliqués dans des projets un peu partout au monde, de façon à se familiariser avec ce qui se passe ailleurs. Et notre personnel ainsi que moi-même avons préparé des communications sur la géologie des barrages d'Hydro-Québec, notamment dans le cadre des échanges publiés par la Commission internationale des grands barrages.

(16 heures)

De 1974 à 1983, j'ai été délégué du Groupe Équipement sur le Comité des normes des grands ouvrages d'Hydro-Québec se penchant surtout, pour ne pas dire exclusivement, sur les barrages. De 1983 à 1986, j'ai été transféré au Groupe Exploitation, où j'ai eu la tâche de conduire un groupe de travail devant proposer un programme pour assurer l'exploitation sécuritaire des barrages d'Hydro-Québec. Ce programme a abouti, avant mon départ, avec les actions suivantes: premièrement, un encadrement, dont une politique adoptée par le Conseil; un partage des responsabilités comprenant la création, en 1985, de la Direction de la sécurité des barrages; la mise sur pied, la même année, d'un comité formé d'experts de niveau international représentant les spécialités pertinentes pour assurer la sécurité des barrages, le génie civil, l'encadrement général, l'hydrologie de l'hydraulique, la géotechnique, la géologie et les barrages de béton. De 1988 à 1993, mes services professionnels ont été retenus périodiquement par la Direction de sécurité des barrages.

Le mémoire présenté par l'APGGQ à votre commission est celui qui a déjà été présenté en octobre 1996 à la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages. Ce mémoire est accompagné d'une lettre résumée vous recommandant l'intervention obligatoire du géologue en plus de l'ingénieur devant être tous les deux dûment qualifiés dans le secteur des barrages. Cette recommandation est fondée sur la problématique fondamentale que je m'empresse de passer vitement en revue. Le barrage lui-même est composé de matériaux naturels ou dérivés, souvent usinés, et de plus en plus de produits synthétiques que l'on qualifie souvent de géotextiles. L'ingénierie du barrage doit prévoir sa résistance aux sollicitations exercées par le réservoir et qu'il soit conçu et construit pour s'adapter aux conditions géologiques, dont la séismicité, et aux particularités de ses assises, furent-elles améliorées par des traitements.

L'étude statistique, dont celle conduite par la Commission internationale des grands barrages, notamment le bulletin 29 de 1977, indique que les deux causes principales d'incidents et de bris sont d'ordre hydrologique – les crues – et les problèmes de fondation, qui souvent se conjuguent; l'un peut être la cause première tandis que l'autre peut être la cause seconde. J'aurais des exemples à vous citer. Ces derniers ne sont pas étrangers – quand je parle des problèmes de fondation – au fait que chaque emplacement a ses propres spécificités qui peuvent difficilement se traduire uniquement par des résultats de tests en laboratoire et in situ, lesquels fournissent effectivement des données plus ou moins ponctuelles sur des propriétés.

L'exercice même de la géologie consiste à effectuer des études et des investigations afin d'établir l'interprétation spatiale et temporelle la plus vraisemblable des phénomènes et conditions du terrain. Il s'agit d'un exercice purement scientifique, selon un processus par itération, qui permet d'orienter et de poursuivre, le cas échéant, des investigations selon les résultats déjà cumulés et interprétés. Aussi, lors de l'étape de la construction, les fouilles et excavations permettent souvent de révéler des indices qui se révèlent comme nécessitant des ajustements, voire des modifications majeures aux plans et devis. Le recours aux règles de l'art des plus récentes – c'est un pléonasme – et aux professionnels dûment qualifiés permet de minimiser l'imprévisible et d'attribuer en conséquence les pertes de vie et les dommages à des événements de force majeure.

Aussi, le US Federal Emergency Management Agency – FEMA – dans son Model State Dam Safety Program d'avril 1987 préconise, à l'article 1027, le recours à des ingénieurs et à des géologues dûment qualifiés ainsi qu'à d'autres spécialistes requis pour l'élaboration même des plans et devis. Dans notre mémoire qui vous est soumis, à l'annexe 2, on y retrouve des catégories de programmes de géologie de l'aménagement, désignées «engineering geology», adoptées par le US Bureau of Reclamation, dont le fameux SEED, qui est le Safety Evaluation of Existing Dams. Ces catégories correspondent essentiellement aux diverses étapes montrées à l'annexe 3 de notre mémoire, où l'exercice de la géologie est préconisé. Si vous me permettez, je pourrais juste vous citer quelques-unes de ces étapes que vous avez devant vous, j'assume: le choix de l'emplacement parmi d'autres, l'adoption du type d'ouvrage et sa conception, la construction avec les matériaux naturels, etc., la performance de l'aménagement évaluée à partir d'une surveillance, la maintenance selon les résultats d'une évaluation périodique et les programmes de mitigation, voire même les mesures d'urgence.

Plusieurs références pourraient être citées pour soutenir cette intervention du géologue de l'aménagement. On retrouve, à l'annexe 1 de notre mémoire, le texte intégral de la politique de l'Association of Engineering Geologist sur la sécurité des barrages. Cette politique de l'AEG énonce séparément, pour les barrages projetés et pour les barrages existants, les mesures à prendre pour tout barrage dont le bris pourrait entraîner des vies humaines ou des dommage importants aux biens publics.

Si vous voulez, je vais vous traduire... Vous l'avez à l'annexe 1. C'est une traduction libre et maison, ce n'est peut-être pas un français orthodoxe. Alors, je vous lis: Reconnaissant l'importance des conditions géologiques aux emplacements des barrages des réservoirs, l'AEG adopte les lignes de conduite suivantes afin d'assurer la sécurité des barrages et des réservoirs dans leur conception, leur construction et leur exploitation.

Pour les barrages projetés, premièrement, la géologie au niveau régional et à l'emplacement même des ouvrages, incluant la séismicité et les autres facteurs pertinents, doit être établie, pesée, et en tenir compte lors de l'établissement des détails de conception pour tout barrage dont le bris pourrait entraîner la perte de vies ou des dommages significatifs à la propriété.

Deuxièmement, la reconnaissance et la compréhension des conditions géologiques et sismiques ainsi que la conception peuvent mieux être réalisées par une seule équipe formée de géologues de l'aménagement et d'ingénieurs travaillant ensemble tout en assurant la continuité d'une étape à l'autre: l'investigation d'un emplacement, le choix du site, les modifications finales sur la conception, les plans et devis, les inspections périodiques des ouvrages en construction et l'évaluation de la performance du barrage lors du premier remplissage ainsi que par la suite.

Troisièmement, pour tout ouvrage représentant un risque pour le public, un groupe de révision de pairs devrait être formé et composé de géologues et d'ingénieurs qualifiés, qui ne sont pas normalement associés avec le propriétaire de l'aménagement. Ce groupe devrait passer périodiquement en revue les décisions touchant la géologie, la séismicité et l'ingénierie, décisions qui sont prises notamment lors de la conception et lors de la construction.

Quatrièmement, durant la construction, une communication sans restriction doit prévaloir entre le personnel clé du constructeur et celui de l'équipe formée de géologues d'aménagement et d'ingénieurs. Cette équipe doit effectuer fréquemment des inspections sur le terrain, de façon à diagnostiquer les complexités des conditions géologiques et en tenir compte adéquatement.

Pour les barrages existants, premièrement, tout barrage existant, dont le bris pourrait entraîner la perte de vies ou des dommages significatifs à la propriété doit être soumis à des inspections périodiques sur la sécurité et à des revues par une équipe formée de géologues d'aménagement et d'ingénieurs qualifiés qui ne sont pas normalement à l'emploi du propriétaire. Les délais entre les inspections devraient être suffisamment courts de façon à assurer la détection des changements touchant la sécurité des barrages ou de l'environnement. La revue sur la sécurité devrait être effectuée en ayant recours aux règles de l'art de la conception et à l'information actualisée concernant l'ingénierie, la géologie d'aménagement et la séismicité.

(16 h 10)

Deuxièmement, la fréquence des inspections des barrages représentant un risque élevé ne doit pas être supérieure à toutes les deux années. Des investigations géologiques peuvent être requises pour certains barrages pour lesquels les informations géologiques adéquates ne sont pas disponibles. La nécessité de recourir à de telles inspections devrait être déterminée par l'équipe formée d'un géologue d'aménagement et d'ingénieurs et devrait être basée sur le potentiel de risque et le déroulement de la performance de l'aménagement ainsi que sur la géologie générale de la région.

En ce qui concerne le texte de l'avant-projet de loi sur la sécurité des barrages, nous croyons que l'approche est excellente en se limitant à des principes de base et à des aspects légaux pour se référer à une réglementation à venir, laquelle, nous présumons, n'aura pas le même caractère de pérennité. Elle sera préparée en faisant appel également à une consultation. Cette réglementation, à notre avis, ne devrait pas trop toucher au comment-faire relevant des règles de l'art et, de ce fait, appelé à évoluer.

Toutefois, concernant le texte de l'avant-projet de loi, nous nous permettons d'apporter des commentaires touchant certains articles. Les articles 5, 9, 10, 17 et 46, notamment, devraient être modifiés en faisant référence à une équipe pluridisciplinaire composée de géologues et d'ingénieurs dûment qualifiés dans le secteur des aménagements.

L'article 3 prévoyant la mise à jour d'un répertoire ne devrait pas se limiter à une compilation cumulative, mais prévoir également que certaines caractéristiques, comme l'état général de l'aménagement – c'est-à-dire sa vulnérabilité – et la classification selon le niveau de risque, voire du développement du territoire même, sont appelées à évoluer.

Les articles 4, 9, 10 et 18 se réfèrent à plusieurs interventions et autorisations du ministre qui peuvent alourdir considérablement la réalisation des activités tout en impliquant un rôle opérationnel qui n'est pas toujours facile à démarquer de celui de contrôle pour s'assurer de l'application de la loi. Peut-être y aurait-il lieu de mettre l'accent plutôt sur les audits et vérifications, et même d'intervenir pour assurer la sécurité du public et des biens tout en maintenant les autorisations pour des nouveaux projets, pour tout changement du rôle du barrage et pour toute modification majeure.

Concernant l'article 9, comme je l'ai déjà mentionné, des changements aux plans et devis doivent souvent être apportés pour s'assurer de bien adapter le projet de barrage aux caractéristiques du terrain de fondation. On devrait se référer plutôt aux modifications de rôle et d'envergure du barrage.

À l'article 10, concernant l'étape juste avant la mise en exploitation, on suggère que les plans et devis tels que construits avec le manuel d'exploitation soient déposés avec une attestation sur les raisons des différences avec les plans et devis déjà déposés. Le délai de deux ans – à l'article... dont je ne me souviens pas – peut être insuffisant pour un aménagement d'envergure. Plutôt se référer au délai prévu et autorisé.

Les barrages à forte contenance, définis à l'article 14, sont en quelque sorte la base de référence concernant la sécurité des barrages, alors que le niveau de risque pour le public et l'environnement est probablement effectivement celui visé. Je pourrais ajouter aussi... Je ne me souviens pas de quel article. C'est à l'article 17, pondérer les commentaires. C'est-à-dire que la loi spécifie que le but premier, c'est la protection du public et des biens, sans spécifier comment ce niveau-là peut être établi, lequel niveau peut être élaboré dans des règlements, et aussi faire référence aux règles de l'art au moment où l'évaluation est réalisée. Parce que, trop souvent, on dit: Bon, bien ça, c'est les règles de l'art au moment de la construction. Mais est-ce que ces règles de l'art sont toujours valables pour bien s'assurer le but premier de la loi? J'avais d'autres petites notes. C'est à peu près tout.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Crépeau. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Alors, M. Crépeau, merci de vos commentaires et de votre analyse. Vous savez, nous sommes – mon ministère – effectivement préoccupés par les problèmes que vous soulevez de façon générale. L'analyse des plans et devis, c'est sûr qu'on vise à assurer que les considérations géologiques et géotechniques ont été prises en considération lors de l'élaboration des plans et devis.

De plus, dans la réglementation que nous élaborerons – je dis bien au futur – le contenu minimum des études de réévaluation de la sécurité des ouvrages existants prévoira la révision des critères de conception en fonction des analyses géologiques et géotechniques. Lors de l'élaboration des normes de sécurité qu'on énonce à l'article 16 – j'imagine que vous avez une connaissance de ça – nous envisageons d'exiger dans les zones sismiques à risque que les ouvrages de classe supérieure dont les fondations sont en sol instable fassent l'objet d'une étude parasismique. D'abord, qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que ça correspond suffisamment à ce que vous demandez par rapport au rôle des géologues?

M. Crépeau (Pierre M.): Si j'ai bien compris, vous référez à l'article 16...

M. Bégin: Oui.

M. Crépeau (Pierre M.): ...dont le libellé est le suivant: «Le gouvernement détermine, par règlement, les normes de sécurité applicables aux barrages à forte contenance, notamment les normes de résistance aux crues, aux séismes et aux mouvements de terrain.» Comme je mentionnais, plutôt de faire référence à des barrages de forte contenance, il est à se demander si on ne devrait pas pondérer ça par rapport au niveau de risques vis-à-vis du public et des dommages possibles aux biens des personnes ainsi qu'à l'environnement. Parce qu'un barrage de 1 mètre de hauteur, ça peut être uniquement la revanche d'un réservoir, n'est-ce pas?

M. Bégin: Je vous avouerai honnêtement que vous êtes mieux que moi pour répondre à cette question-là, effectivement.

M. Crépeau (Pierre M.): En fait, c'est juste pour se protéger contre...

M. Bégin: Exactement.

M. Crépeau (Pierre M.): ...des vagues qui pourraient naître à partir de vents exceptionnels pourvu que le réservoir ait une configuration telle que le vent puisse soulever justement la surface de l'eau puis endommager le barrage par déferlement. En fait, c'est un exemple là, mais ce à quoi je veux... En fait, tout ce que je vous ai exposé, c'est que c'est axé surtout sur le niveau de conséquences, compte tenu, bien sûr, des caractéristiques de l'ouvrage, à savoir sa hardiesse, son envergure, son âge et d'autres caractéristiques.

M. Bégin: Vous formuliez très clairement dans votre mémoire la demande de réviser les articles qui exigent que les actes soient posés uniquement par des ingénieurs afin de prévoir, pour les ouvrages importants, qu'il y ait une équipe multidisciplinaire dont ferait partie, bien sûr, l'ingénieur, mais également le géologue. Est-ce que, historiquement, en vertu des lois professionnelles, ce n'est pas à l'ingénieur seul qu'est réservée la préparation des plans et devis dans ces ouvrages, quitte – je présume, je ne suis pas un expert dans le domaine – qu'il consulte pour le faire des géologues ou des sismologues, si c'est le cas?

M. Crépeau (Pierre M.): Je pense que la loi est claire en ce qui concerne l'ingénierie.

M. Bégin: En ce qui concerne?

M. Crépeau (Pierre M.): En ce qui concerne l'ingénierie, c'est vraiment le rôle exclusif de l'ingénieur, indiscutablement.

M. Bégin: C'est parce que vous demandez que ce soit une équipe...

M. Crépeau (Pierre M.): Mais ce qu'on vous préconise, c'est de faire appel à une équipe pluridisciplinaire. Puis je vous ai donné des exemples, comme la FEMA, dans plusieurs lois où justement on mentionne l'intervention du géologue. À cause justement de la géologie dans l'emplacement, à cause de ses particularités, chaque site a ses propres caractéristiques. Alors, ça demande un exercice vraiment à pratiquer par les gens qui sont du domaine.

(16 h 20)

M. Bégin: Est-ce qu'en pratique – je ne sais pas s'il se construit beaucoup de barrages par année – lorsqu'on fait les plans et devis d'un barrage, généralement, des géologues sont consultés ou sont incorporés au travail des ingénieurs ou bien si c'est seulement dans certains cas que ça se fait?

M. Crépeau (Pierre M.): Moi, mon expérience personnelle, c'est toujours une équipe pluridisciplinaire qui intervient.

M. Bégin: Et c'est pourquoi vous demandez que ça soit la règle et que ce soit énoncé?

M. Crépeau (Pierre M.): C'est mon expérience personnelle. Et mes contacts au niveau international, c'est la pratique.

M. Bégin: Merci, monsieur.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Bonjour, M. Crépeau. Au cours des 20 dernières années, il y a eu de nombreux barrages qui ont été construits ou il y a eu des réfections. Est-ce que les géologues ont été mis à contribution lors de ces différents travaux?

M. Crépeau (Pierre M.): Je ne sais pas comment répondre à ça, parce que, moi, je ne suis pas tellement familier avec ce qui se fait pour les petits barrages au Québec.

M. Whissell: Non, mais dans le cas des gros barrages? On prend comme la Baie James. Est-ce que les géologues ont été mis à contribution?

M. Crépeau (Pierre M.): Moi, à ma connaissance, tous les projets d'Hydro-Québec, il y a un géologue résident durant la construction, et les études préliminaires se font sur le terrain par une équipe. Et puis le rôle du géologue, avant la construction, il est prépondérant, c'est le rôle principal sur le terrain.

M. Whissell: Je voudrais savoir aussi au niveau de la responsabilité civile. Lorsqu'un ingénieur met son sceau sur un plan et devis, il y a une responsabilité civile qui en découle. Au point de vue de la géologie, est-ce que c'est la même chose? Lorsqu'un géologue approuve une fondation ou reconnaît le caractère du roc sur lequel va être érigé le barrage, est-ce qu'il y a une responsabilité qui découle, le fait d'utiliser un géologue?

M. Crépeau (Pierre M.): Pour répondre à votre question, c'est que la profession de géologue, comme celle du géophysicien, n'est pas régie par le Code des professions au Québec. Elle l'est à plusieurs endroits ailleurs; aux États-Unis, il y a plus que 30 États. Au Canada, il y a de plus en plus une réglementation de l'exercice de la géologie et de la géophysique, notamment en Alberta; ça s'en vient en Ontario; c'est déjà fait en Colombie-Britannique; en Saskatchewan; les Territoires du Nord-Ouest; Terre-Neuve. Et ici, au Québec, c'est peut-être une des provinces où cette question-là est sur la table depuis de nombreuses années. Il y a également la Fédération européenne des géologues, qui vient de créer sa réglementation en décembre 1995; nous sommes à harmoniser notre réglementation avec, également, la Fédération européenne des géologues. Il y a une commission, c'est-à-dire... Non, c'est le Conseil canadien des géoscientifiques professionnels qui a été créé à l'instigation du Conseil canadien des ingénieurs professionnels, et ce nouveau Conseil va venir créer une sorte de parapluie sur les corporations de géologues et de géophysiciens dans les provinces, à la même image, analogue au cas des ingénieurs.

M. Whissell: O.K.

M. Crépeau (Pierre M.): Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Whissell: Oui. Dernière question. Le document, tantôt, que vous nous avez traduit, l'annexe 1, c'est un document qui provient de l'Association of Engineering Geologists.

M. Crépeau (Pierre M.): Oui.

M. Whissell: Est-ce que je dois comprendre que c'est l'Association des ingénieurs «geologists» ou des «geologists» tout court?

M. Crépeau (Pierre M.): La traduction française, c'est «géologues de l'aménagement». Et, si on retourne avec les années, c'est que le mot «engineering geology» avait été traduit – je ne pourrais pas le nommer, le nom du géologue, mais c'est un Européen – par «géologie de l'ingénieur». Alors, si on recule à la fin du siècle dernier et au début du siècle, c'est que l'enseignement se faisait tel qu'on pourvoyait l'ingénieur avec un enseignement en géologie pour qu'il puisse faire son travail. Alors, évidemment, ça a évolué avec les années, de sorte qu'aujourd'hui l'appellation correcte, si je peux dire, c'est «géologie de l'aménagement».

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Crépeau (Pierre M.): Mais je ne sais pas si ça répond. Je pourrais peut-être ajouter autre chose à ça, c'est que notre Association, comme je l'ai mentionné, applique certaines exigences pour la formation académique et l'expérience, et puis il y a certains ingénieurs qui répondent à ces exigences spécifiques et qui sont membres également de notre Association.

M. Whissell: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, les géologues sont là pour la construction des grands barrages, ils sont présents dans le travail, durant tout le temps de la construction, mais ils ne sont pas reconnus comme tels au niveau de l'équipe, parce que c'est les ingénieurs qui sont les maîtres d'oeuvre. Ce que vous proposez, c'est dans l'équipe multidisciplinaire, qu'ils soient là même après, parce que les sols peuvent bouger et il peut y avoir des conséquences à long terme. Vous demandez que les géologues soient là, dans le futur, après que le barrage... Qu'ils puissent continuer d'être là, même après.

M. Crépeau (Pierre M.): Durant toute la vie, jusqu'à la désaffectation.

M. Désilets: Oui, oui, c'est ça. C'est ça la base, un peu, de votre...

M. Crépeau (Pierre M.): C'est ça. Oui. Je vais vous citer un exemple. Ça s'est passé dans les années soixante-dix. C'était au mont Toc, en Italie, à Vajont, dans le réservoir d'un barrage. C'était un barrage, je me souviens, voûte simple. Il y a eu une partie du mont Toc qui s'est dévalée dans le réservoir, qui a déplacé une quantité d'eau assez considérable, qui a créé une vague ou une lame d'eau par-dessus le barrage, sans l'affecter, qui s'est engouffrée dans le canyon. Pendant cette période-là, il y avait une fête au village de Vajont, puis il y a eu 2 000 morts. Ils ne sont pas morts par noyade, mais ils sont morts par le coup de canon.

J'apporte cet exemple-là. C'est un ami, professeur à l'université de Nancy, qui était venu nous faire un exposé là-dessus, il y a quelques années. J'apporte cet exemple-là pour montrer que, même durant l'exploitation d'un barrage, il y a des conditions géologiques qui sont telles qu'elles peuvent mettre en danger le public.

M. Désilets: O.K. Sur un autre ordre d'idées, tantôt, quand M. le ministre a posé la question sur les zones dangereuses ou les zones sismiques à risque, si dans ces zones-là il y a un ouvrage, une étude parasismique qui se fait là-dessus, est-ce que ça convient, est-ce que ça répond à vos attentes? Parce que je n'ai pas compris votre réponse là-dessus.

M. Crépeau (Pierre M.): Je ne sais pas à quoi vous faites allusion. Mais ce qu'on fait, la première étape, c'est d'évaluer la séismicité de la région, c'est-à-dire quelle est la récurrence des tremblements de terre et quelles sont leur force, leur intensité, leur magnitude, à partir d'un sismogramme type, et de ces caractéristiques-là vient le rôle de l'ingénieur qui fait qu'il va concevoir l'ouvrage pour tenir compte de la possibilité d'un tel phénomène. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Désilets: Oui, c'est ça. C'était dans les zones à risque.

M. Crépeau (Pierre M.): Dans les zones à risque. Mais vous devez réaliser comme moi que les connaissances actuelles sont x, puis avec les années, les connaissances peuvent être différentes. La grande méthode, jusqu'à maintenant, c'est une méthode d'approche probabiliste, c'est-à-dire qu'il y a un registre de tremblements de terre qui s'est fait, qui remonte à une certaine année à partir de laquelle il y avait des instruments pour enregistrer les vibrations; mais avant ça, c'était par témoignages. Alors, on étudie les récurrences par approche probabiliste. Aujourd'hui – c'est très récent – on a une approche plus déterministe, qui est une approche qu'on appelle séismotectonique. On regarde la structure géologique et également la récurrence, puis on essaie de mieux préciser les probabilités où ça va se passer, puis avec tout ce qui en découle.

M. Désilets: C'est beau.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Crépeau pour votre participation aux travaux de cette commission.

M. Crépeau (Pierre M.): Juste un petit mot. J'ai peut-être passé vite un peu sur le rôle du ministère qui est préconisé dans la loi à l'effet d'avoir un rôle opérationnel puis également de contrôle. J'ai eu la chance de me pencher sur cette question-là. Moi, je recommanderais personnellement, très fortement, de dissocier ces deux rôles-là, et puis, que ces deux rôles-là, autant que possible,

il n'y ait pas d'affiliation, pas de dépendance l'un à l'autre. Je voulais juste mentionner ça.

(16 h 30)

M. Lachance: Très bien. Merci. Alors, j'invite maintenant le dernier groupe pour la présente séance d'aujourd'hui à déléguer ses représentants, l'Association québécoise des producteurs d'énergie renouvelable. Je vous demanderais d'abord de vous identifier, s'il vous plaît.


Association québécoise de la production d'énergie renouvelable (AQPER)

Mme Ouellet (Louise): Louise Ouellet, avocate. Je siège sur le conseil d'administration de l'AQPER. J'aurais un addenda au mémoire qui a été soumis déjà préalablement à vous remettre maintenant. Désolée de ne pas avoir pu le faire plus tôt.

Le Président (M. Lachance): Quelqu'un va en prendre possession pour la distribution aux membres de la commission.

M. Cerceau (Jacky): Moi-même, Jacky Cerceau, qui est premier vice-président de l'Association des producteurs d'énergie renouvelable.

M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres du comité, nous aimerions vous remercier d'avoir permis à notre Association de faire valoir son point de vue sur l'avant-projet de loi sur la sécurité des barrages.

Tout d'abord, j'aimerais présenter notre Association. Elle s'appelle aujourd'hui l'Association québécoise de la production renouvelable... d'énergie renouvelable. Excusez-moi, je ne suis pas encore habitué parce qu'elle est toute récente. Elle remplace l'ancienne Association des producteurs privés d'hydroélectricité du Québec qui avait été fondée en 1991, juste après le premier appel de propositions restreint fait par Hydro-Québec pour recueillir un certain nombre de mégawatts supplémentaires dont Hydro-Québec avait besoin pour satisfaire ses besoins. Alors, une fois l'élargissement complété, parce que c'est encore en cours, le changement de statut ne date que du début de l'année, l'Association devrait inclure une grande majorité des producteurs non seulement d'hydroélectricité, mais aussi d'autres formes d'énergie renouvelable, ainsi aussi que des autoproducteurs. Alors, elle englobe ainsi toute l'industrie qui s'y rattache.

Alors, l'appel de propositions restreint en 1991 a suscité 72 projets d'énergie renouvelable pour un total de 460 MW, il s'agit de puissance souscrite, qui représentent plus de 1 000 000 000 $ d'investissements privés. L'ensemble de ces projets se décompose comme suit. Il y a actuellement 53 projets de production hydroélectrique dont 45 sont actuellement en exploitation et un certain nombre sont encore en projet. Il y a également 11 projets de production à base de biomasse forestière, cinq projets qui valorisent les déchets en produisant de l'énergie à base de ces déchets et, enfin, trois projets d'énergie éolienne dont le premier est en cours de réalisation en Gaspésie.

Donc, ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est plus ce qui concerne la production hydroélectrique qui représente actuellement 206 MW sur le total des 459. Qui dit production hydroélectrique dit également barrage, puisque, pour créer un potentiel hydroélectrique, il faut avoir surélevé un niveau d'eau ou avoir relevé un niveau d'eau à l'aide d'un ouvrage qui constitue, en fait, la pièce la plus importante pour le producteur privé.

Alors, l'Association regroupe également non seulement les producteurs privés, mais elle regroupe également d'autres corps de métiers, comme des avocats, des ingénieurs, et toutes sortes d'industries ou de consultants qui sont intéressés par notre industrie. Donc, l'Association et ses membres sont donc parfaitement concernés de très près par tous les aspects reliés à la sécurité des barrages. Ils souscrivent aux objectifs de protection des personnes et des biens que vise le gouvernement par l'adoption de cette loi. Cependant, ils veulent s'assurer que les moyens sont bien adaptés aux fins et, en particulier, que les obligations et charges sont proportionnées et adaptées aux risques réels qui sont encourus.

Donc, l'Association est heureuse de présenter à la commission le mémoire que vous avez déjà en main et sera heureuse de répondre à vos questions tout à l'heure, après notre exposé. Alors, je vais laisser la parole tout de suite à Me Ouellet qui va aborder certains sujets légaux concernant ce projet de loi.

Mme Ouellet (Louise): Merci. Tout d'abord, la première chose qui vient à l'esprit lorsqu'on regarde l'avant-projet de loi, c'est: On peut se demander si le gouvernement, suite à l'adoption d'une loi sur la sécurité des barrages, va maintenir le régime d'approbation des plans et devis qui est actuellement en vigueur en vertu de la Loi sur le régime des eaux. Parce qu'on se rend compte qu'il y a un risque possible de dédoublement et de conflit de lois si jamais la Loi sur le régime des eaux n'est pas modifiée ou si le régime d'approbation est maintenu. Si vous regardez dans l'avant-projet de loi, l'article 4 prévoit un nouveau régime d'autorisation pour tout projet de construction et de modification de structure, et l'article 9 prévoit un autre régime, mais celui-ci, un régime d'approbation, pour la modification aux plans et devis.

Si on prend l'exemple d'un projet de modification de plans et devis, à ce moment-là, nous croyons d'abord qu'une modification aux plans et devis implique nécessairement une modification à la structure d'un barrage. C'est donc dire que, en vertu de la loi sur la sécurité des barrages, la première étape serait d'aller voir le ministre de l'Environnement pour faire autoriser la modification à la structure; une deuxième étape serait d'aller voir le ministre de l'Environnement pour faire approuver la modification aux plans et devis; et la troisième étape, si le régime actuel est toujours maintenu en vigueur, serait d'aller voir le gouvernement pour faire approuver la modification aux plans et devis. Alors, on se demande si... parce que nulle part dans la loi on ne parle d'une abrogation ou d'une modification à la Loi sur le régime des eaux pour tenir compte du nouveau régime. Dans le document de présentation du ministre, on n'en parle pas également.

De plus, la Loi sur le régime des eaux actuelle donne une bonne latitude au gouvernement pour imposer des normes de sécurité. Et, mis à part l'objectif premier de l'avant-projet de loi qui est, au sens strict, d'assurer la sécurité des barrages, on se demande s'il n'y a pas le même objet en ce moment, si la loi sur la sécurité des barrages ne vise pas le même objet que la Loi sur le régime des eaux, en ce qui a trait surtout à l'approbation des plans et devis. Il va y avoir sûrement, si le régime actuel est maintenu, des délais inutiles concernant cette approbation-là.

Il y a aussi d'autres problèmes d'interprétation des lois qu'on peut soulever. L'avant-projet de loi laisse entendre qu'il pourrait y avoir une durée à l'approbation ou à l'autorisation de construction, une durée limitée. Dans la Loi sur le régime des eaux, l'approbation des plans et devis n'est pas assujettie à une durée x, il n'y a pas d'échéance. Alors, est-ce que ça voudrait dire, une fois le délai d'un permis expiré, ou de l'autorisation expiré, qu'on présumerait que le barrage n'est plus validement autorisé, mais qu'en vertu de la Loi sur le régime des eaux il le serait toujours? Une autre question qui pourrait être soulevée.

Il y a un petit commentaire, mais c'est probablement une erreur de rédaction, à notre avis. Vous allez retrouver à l'article 10 de l'avant-projet de loi le terme «certificat d'autorisation». C'est la première fois qu'on l'utilise dans la loi et c'est le seul endroit où on le retrouve. Ce terme-là est probablement calqué sur le certificat d'autorisation de la Loi sur la qualité de l'environnement, alors il faudrait peut-être voir à ce que... à moins qu'on veuille faire référence au certificat d'autorisation de la Loi sur la qualité de l'environnement, à ce moment-là il faudrait l'indiquer.

Ensuite, ça recoupe un peu ce que j'ai dit d'abord. L'article 4 et l'article 9 de l'avant-projet de loi pourraient eux-mêmes entrer en conflit dans le cas, effectivement, où une modification aux plans et devis implique une modification à la structure, alors on aurait deux régimes d'autorisation à mener de front.

Le Président (M. Lachance): Mme Ouellet...

Mme Ouellet (Louise): Oui.

(16 h 40)

Le Président (M. Lachance): ...vous venez de parler de l'article 10 de l'avant-projet de loi, vous parlez de certificat d'autorisation, je ne retrouve pas ça dans le libellé de...

Mme Ouellet (Louise): À moins que je n'aie pas le même avant-projet de loi que vous. Moi, j'ai: «Avant la mise en exploitation du barrage, le promoteur doit aviser le ministre de la fin des travaux et lui transmettre une attestation d'un tiers ingénieur établissant qu'ils ont été effectués conformément aux plans et devis ainsi qu'aux conditions prévues au certificat d'autorisation...»

M. Bégin: On n'a pas ce texte-là. Le texte qu'on a ici, imprimé, c'est «dans l'autorisation».

Mme Ouellet (Louise): Bon bien, ça a été corrigé.

M. Bégin: «Prévues dans l'autorisation». Je lisais, moi aussi, en même temps et je cherchais votre certificat d'autorisation. Mais on me dit ici, à côté, qu'ils ont le texte avec «certificat d'autorisation».

Mme Ouellet (Louise): O.K. Peut-être un dernier commentaire avant de laisser la parole à M. Cerceau. En ce qui concerne l'article 29, le pouvoir d'ordonnance du ministre... si je vais tout de suite à l'article 30, on dit que le ministre peut ordonner à l'exploitant toute mesure qu'il estime appropriée s'il est d'avis qu'un barrage n'assure pas suffisamment la sécurité des personnes ou la protection des biens. À notre avis, vraiment, l'objectif premier de la loi, c'est d'assurer la sécurité des personnes ou la protection des biens et, dans les cas où ça peut être compromis, le ministre peut ordonner toute mesure qu'il estime nécessaire. Pour nous, c'est vraiment le fondement d'un pouvoir d'ordonnance.

Par contre, l'article 29 est rédigé de façon beaucoup plus large. Il commence par: «Afin de vérifier la sécurité d'un barrage, le ministre peut ordonner à l'exploitant d'effectuer tout essai, étude, expertise ou vérification qu'il indique.» Or, on peut se demander si ce pouvoir d'ordonnance n'est pas effectivement trop large dans la mesure où les articles 4, 9, les pouvoirs d'inspection, permettent, dans le cadre de la loi, d'aller obtenir des études ou des documents nécessaires. En fait, nous, on pense que l'objectif premier d'une ordonnance, c'est de prévenir un danger imminent, et cet article-là est rédigé pour permettre toute ordonnance pour vérifier la sécurité d'un barrage. C'est peut-être un peu trop large. À tout le moins, si cet article-là demeure dans la loi future, l'Association aimerait que ce pouvoir-là ne puisse pas être délégué autrement qu'au ministre.

Alors, pour mes commentaires à moi, c'est terminé.

M. Cerceau (Jacky): O.K. Merci. Bon, je voudrais aborder maintenant des notions plus techniques notamment en ce qui concerne la classification des barrages qui est présentée dans l'avant-projet de loi. L'Association est tout à fait d'accord pour fournir au ministère tous les renseignements, toutes les informations qui seront nécessaires pour mener à terme la classification des barrages. Cependant, nous souhaitons qu'un mécanisme d'appel existe pour que chaque propriétaire puisse faire réviser la classification si jamais il se sent lésé. Donc, il devrait pouvoir faire valoir ses droits sur le point de la classification.

Ensuite, le répertoire, il contiendrait une grande quantité de renseignements pour tous les barrages et ces renseignements constitueront une base des étapes ultérieures de la classification, son identification, etc., pour les barrages de plus de un mètre de hauteur. Le projet de loi indique aussi que le répertoire aura un caractère public. Nous constatons, d'autre part, que de nombreuses équipes ont travaillé dans un court laps de temps à la constitution du répertoire. Effectivement, on a pu constater que déjà, cet été, il y avait beaucoup de personnes au travers du Québec qui recensaient les barrages. Donc, de ce fait, certaines informations risquent d'être manquantes ou erronées. Nous pensons que la diffusion et la publication d'informations erronées sur des ouvrages pourraient causer certains préjudices aux propriétaires. Donc, nous recommandons fortement que les propriétaires et exploitants soient en mesure, à chaque étape, de vérifier et, s'il y a lieu, de faire corriger les données avant que le répertoire soit rendu public, puisque les conséquences, pour eux, pourraient être importantes.

Maintenant, en ce qui concerne les barrages de plus de un mètre de hauteur, à ce sujet-là, je voudrais faire une remarque que nous n'avons pas faite dans le mémoire, et d'ailleurs la personne qui nous a précédés ici a fait allusion à ça. On s'interroge un peu sur ce que signifie la hauteur. Enfin, il y a une définition qui existe dans les annexes qui nous ont été remises lors d'une consultation. La hauteur du barrage est exprimée comme étant la différence entre le niveau aval le plus bas du barrage et le niveau maximum de la crête. Or, dans des barrages, en général, il y a une revanche, c'est-à-dire une protection au-dessus du niveau maximal de l'eau. Donc, lorsqu'on parle d'un barrage de un mètre, si ce barrage de un mètre contient une revanche, ça ne laisse pas beaucoup de place pour la réserve. Donc, il nous semble que ce terme de hauteur devrait être clarifié pour éviter toute ambiguïté pour l'interprétation de cette loi. Alors, sinon, nous n'avons pas d'autres commentaires à faire sur ce critère qui départage les barrages auxquels s'applique le régime général et ceux auxquels ne s'applique aucun régime.

Maintenant, en ce qui concerne les barrages à forte contenance, le critère de la contenance nous semble inapproprié, tel qu'il est exprimé, pour départager les ouvrages auxquels s'appliquera le régime spécifique. Notamment, le critère de forte contenance qui est décrit à l'article 14 – j'espère que c'est le même que le vôtre – devrait être modifié, selon l'Association, de la façon suivante, c'est-à-dire: remplacer le critère «au moins 2,5 m et plus de 30 000 m³» par «au moins 5 m et plus de 300 000 m³». Il nous semble, en effet, que la contenance au moins de 30 000 m³ est très exagérée; disons que, pour nous, c'est un très faible volume. Donc, on souhaite qu'il soit révisé. Je sais, par ailleurs, que c'est un critère qui était dans le rapport Nicolet, mais, enfin, cela nous semble très contraignant.

Par ailleurs, l'Association considère que l'analyse des conséquences en cas de rupture devrait être mise en place pour déterminer si les barrages à forte contenance constituent des barrages à risque parce qu'il ne semble pas, d'après ce que nous avons lu, qu'il y ait une différence faite entre les barrages à risque, quand ils sont de faible contenance, et sans risque. Il existe, en effet, de nombreux barrages à forte contenance, dans des régions éloignées, qui ne présentent apparemment pas de danger pour les personnes et les biens. Donc, on aimerait qu'une distinction soit faite à ce niveau-là.

Évidemment, nous sommes d'accord pour que les barrages à faible contenance ne soient pas assujettis à ce régime spécial, tel que spécifié dans l'avant-projet de loi.

Donc, nous proposons les changements suivants qui sont résumés dans la figure qui est jointe au mémoire, c'est-à-dire que tout barrage de plus de un mètre soit analysé, soit départagé comme étant à faible contenance et à forte contenance. Ceux à faible contenance, sans risque faible ou nul, sont donc dans le régime général. Et que les barrages à forte contenance soient différenciés en fonction du risque, du risque couru par la population et les biens. Donc, ceux qui seraient considérés à faible risque ou nul se rejoindraient, les barrages à faible contenance, et tous les autres seraient considérés comme des barrages à risque et, donc, subiraient la classification présentée dans le reste de la loi. Donc, la classification «risque» ou «pas risque» pourrait être faite selon des critères restant à établir. Donc, nous ne nous prononçons pas pour l'instant là-dessus. Donc, un article supplémentaire devrait être ajouté stipulant que les ouvrages à forte contenance et à faible risque ne devraient pas être soumis au régime spécial.

En ce qui concerne les normes de conception, l'Association considère que les normes de conception des ouvrages devraient uniquement tenir compte des conséquences, tel qu'on l'a dit, c'est-à-dire des conséquences sur les biens et les personnes. En effet, la capacité d'un ouvrage à résister à des événements extrêmes devrait être uniquement en fonction des conséquences et non pas de l'état dans lequel l'ouvrage se trouve.

(16 h 50)

En ce qui concerne l'évaluation de la vulnérabilité du barrage, telle qu'elle est présentée, elle semble appuyée sur une méthodologie acceptable. Cependant, on voudrait que notre Association puisse être consultée lors de l'établissement des règlements.

En ce qui concerne le régime général, donc applicable aux barrages de plus de un mètre de hauteur, c'est-à-dire à faible contenance, l'article 10 de la présente loi prévoit qu'un tiers ingénieur doit attester de la conformité des travaux avec les plans et devis pour tous les barrages. Notre Association est d'avis que cette proposition ne devrait s'appliquer qu'aux barrages à risque, à cause des coûts que cela entraîne, de la lourdeur que cela entraîne également. S'il n'y a pas de risque aux biens et à la population, on ne juge pas que ça soit nécessaire.

Le Président (M. Lachance): Si vous voulez conclure, M. Cerceau, votre temps est écoulé.

M. Cerceau (Jacky): Ah bon! Ça a été vite. Un autre aspect important, c'est aussi les coûts. L'Association suggère que, dans le cadre de la nouvelle loi sur la sécurité des barrages, tous les travaux nécessaires et requis par cette loi soient à la charge et responsabilité unique de chaque propriétaire, qu'il soit privé, municipal ou gouvernemental. Disons que je m'arrêterai là pour le moment.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Merci, Me Ouellet et M. Cerceau. Je pense que vous avez fait un travail en profondeur d'analyse et de commentaires pour le bénéfice de la commission et je vous en remercie.

Quelques précisions. Vous avez d'entrée de jeu abordé la question du conflit entre la Loi sur le régime des eaux et la Loi sur la qualité de l'environnement. Dans l'état actuel de l'avant-projet de loi, vous avez raison, je pense que les solutions ne sont pas données, mais ce sera dans les mesures transitoires que tout ça sera harmonisé pour éviter le conflit apparent que vous avez décelé mais qui se corrigera.

Par ailleurs, vous avez soulevé – c'est un peu plus loin, mais j'aimerais y revenir immédiatement – la question du délai de l'article 11, le délai de deux ans. Ce matin, nous avons déjà convenu qu'il serait important de connaître le délai, mais de s'harmoniser avec le projet, puisque, dans certains cas, il y a des projets qui prennent quatre, cinq, six et sept ans et, en conséquence, un délai de deux ans aurait pour effet, dans ces cas-là, d'obliger le propriétaire ou le constructeur à revenir demander une nouvelle demande d'attestation, ce qui n'était pas du tout l'intention.

Par ailleurs, en ce qui concerne les informations du répertoire, je pense qu'il est effectivement important qu'avant que tout cela soit rendu public le propriétaire et/ou l'exploitant aient eu l'occasion de vérifier si ce que l'on véhicule à l'égard de leur ouvrage – singulier ou pluriel – est exact, et je pense qu'on devra faire en sorte qu'ils puissent effectivement en prendre connaissance.

Un peu plus loin dans votre mémoire, vous parlez de recommander de hausser le critère de forte contenance à hauteur égale ou plus grande que 5 m et retenue de 300 000 m³. Au niveau des mètres cubes, on est à 10 fois ce qui est prévu dans l'avant-projet de loi et, en ce qui concerne la hauteur, à supposer qu'on s'entende sur la technique de l'évaluation, comment la faire, c'est deux fois. Combien avez-vous de barrages qui seraient assujettis, selon ce nouveau critère, par rapport à ceux qui seraient assujettis avec les critères de l'avant-projet de loi? Vous parlez, au début, que vous avez 45 ouvrages.

M. Cerceau (Jacky): Malheureusement, je ne les connais pas tous et je ne connais pas en détail le volume de ces barrages, mais il me semble qu'une forte proportion de ceux-là ont plus que 30 000 m³ de réserve.

M. Bégin: Plus que 300 000 m³.

M. Cerceau (Jacky): Plus que 300 000, oui. Oui, c'est sûr. Et il faut dire aussi que, quand vous dites 45 barrages...

M. Bégin: Ouvrages.

M. Cerceau (Jacky): ...ouvrages, il y en a certainement beaucoup plus. D'ailleurs, je pense qu'Hydro-Pontiac parlait de barrage associé à sa centrale. Quand on parle d'ouvrage principal, c'est le barrage, mais il peut y avoir des ouvrages secondaires qui existent en amont pour pouvoir régulariser le débit. Donc, c'est vrai qu'il y a certainement plus que 45 ouvrages en jeu.

M. Bégin: De production. Je vous posais la question, puisque, d'après une première évaluation sommaire à ce stade-ci, si on prend la hauteur que vous proposez, il y aurait 520 ouvrages qui seraient assujettis, alors que, si on prend l'avant-projet de loi, il y en aurait 2 100. Alors, on voit que c'est quatre fois plus. C'est toute une démarcation entre les ouvrages qui seraient assujettis. Est-ce que vous trouvez qu'un ouvrage de 30 000 m³ qui aurait, mettons, par hypothèse, 7 ou 5 m de haut ne représente pas un danger ou une sécurité, dépendamment bien sûr des circonstances, mais imaginons dans un milieu qui serait urbain ou semi-urbain?

M. Cerceau (Jacky): Je ne crois pas. Enfin, je ne crois pas qu'il représente un danger. Mais ça, évidemment, c'est plus au cas par cas dans les zones urbaines qu'il faudrait l'examiner.

M. Bégin: Ou à proximité.

M. Cerceau (Jacky): Oui.

M. Bégin: Vous soumettez dans votre mémoire un tableau qui propose à toutes fins pratiques une nouvelle approche pour évaluer les barrages. À ce moment-là, vous allez sur les barrages qui ont un minimum ou égalent un mètre, et là vous faites une analyse immédiatement pour savoir s'il y a des conséquences importantes – je dirais comme vous, un risque important – et là vous les séparez immédiatement entre risque faible ou nul ou encore à risque, et là seulement ceux qui seraient à risque seraient évalués. C'est ça, si j'ai bien compris?

M. Cerceau (Jacky): Oui, oui. Quand on parle de risque, c'est risque pour la population et risque pour les biens. Il y a une grande proportion des barrages qui sont situés dans des zones très éloignées et qui ne comportent pas du tout ce genre de risque. Alors, c'est pour ça qu'on jugeait bon qu'il y ait tout de suite un filtre, si vous voulez, pour ce type de barrages en amont de la classification A, B, C, D, puisqu'elle entraîne quand même des contraintes assez lourdes pour les propriétaires.

M. Bégin: À moins que ma note soit incorrecte, lorsque vous parlez de l'attestation de conformité par le tiers ingénieur, si j'ai compris votre mémoire, vous dites que ça ne devrait s'appliquer qu'aux ouvrages ayant le plus de conséquences. C'est quoi, les ouvrages qui auraient le plus de conséquences?

M. Cerceau (Jacky): Bien, c'est-à-dire qui présentent un danger pour les biens et les personnes.

M. Bégin: O.K. Finalement, un dernier point. Vous parlez que, sur le plan de gestion des eaux, il pourrait y avoir des conflits entre les objectifs de sécurité et des aspects environnementaux. Pouvez-vous nous dire comment ça s'exprimerait, ce conflit entre l'objectif de sécurité et l'objectif environnemental?

M. Cerceau (Jacky): Bon, par exemple, je peux parler d'un exemple que je connais. Il s'agit d'un...

M. Bégin: Un exemple de?

M. Cerceau (Jacky): Un exemple que je connais, moi, personnellement...

M. Bégin: Que vous connaissez, O.K.

M. Cerceau (Jacky): ...pour illustrer un peu ce qu'on a voulu dire dans ce mémoire. Il y a certains barrages qui sont dans des zones de villégiature où des gens ont des contraintes, enfin, imposent des contraintes aux propriétaires pour maintenir un niveau d'eau élevé, et ceci, en général, c'est vrai au printemps et tout le reste de l'année. Pour se prémunir contre le danger de fortes crues, il est généralement bon d'abaisser le niveau des réservoirs le plus bas possible pour pouvoir absorber les crues et faire ce qu'on appelle un laminage des crues et limiter le danger. Donc, là, il y a effectivement une possibilité de conflit entre les besoins des riverains et les besoins de sécurité du barrage. Ça, c'est un des exemples.

M. Bégin: Mais je comprends que, quand on baisse le niveau d'eau, c'est sûr qu'on a à ce moment-là une plus grande sécurité. Mais, en principe, le danger ne se présente pas quand il est bas; c'est lorsqu'il est haut. Le fait de monter, c'est pour être capable d'absorber la chose. Mais en quoi... je n'arrive pas à saisir bien cette opposition entre les deux.

M. Cerceau (Jacky): Bien, l'opposition, c'est que des riverains voudraient que le niveau reste toujours haut, ce qui est en contradiction avec le fait de vouloir baisser le réservoir avant les crues pour les absorber, que ce soient des crues de printemps ou des crues d'automne, d'ailleurs, ça peut être...

M. Bégin: Je comprends, là. S'il est plein, il représente un risque s'il arrive un fort orage ou une forte pluie. C'est ça?

M. Cerceau (Jacky): Oui, le risque est beaucoup plus grand.

M. Bégin: O.K. Je ne veux pas jouer à l'expert, mais est-ce que ce n'est pas ça qu'on disait... comment ça s'appelle? la...

Une voix: La revanche.

M. Bégin: La revanche, est-ce que ce n'est pas là pour ça?

M. Cerceau (Jacky): Mais la revanche, en général – bon, ça dépend des barrages – elle est faite pour absorber les effets du vent, c'est-à-dire des vagues, ou des effets de sèche, c'est-à-dire de remonter le niveau d'eau par la force du vent. Alors, ça existe surtout sur les très grands barrages, comme ceux de la Baie James.

M. Bégin: Ah bon!

M. Cerceau (Jacky): Je crois qu'il y a des revanches qui vont jusqu'à trois mètres de haut pour absorber ces phénomènes, mais ils ne sont pas suffisants pour absorber les crues.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Bonjour. Au niveau des droits annuels et de la constitution d'un fonds de fiducie, vous restez muets. Est-ce que je dois en déduire que vous êtes en accord avec ce qui est proposé?

(17 heures)

M. Cerceau (Jacky): Disons qu'on n'a pas exprimé, mais, malgré tout, on a certaines craintes vis-à-vis de ça, notamment pour la charge financière supplémentaire que ça peut créer, tout au moins pour les producteurs en exercice. Disons que les centrales qui ont déjà des contrats avec Hydro-Québec, essentiellement, ont des contrats à terme fixe, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent pas répercuter sur leur prix de vente toute augmentation de charges. Donc, c'est un peu la crainte que nous avons, d'alourdir considérablement les charges des producteurs privés. Alors, c'est vrai qu'on est restés silencieux là-dessus, mais ça n'empêche pas qu'on est inquiets un peu.

M. Whissell: Question pour Mme Ouellet. À l'article 29, vous mentionnez qu'il y a un pouvoir qui est donné au ministre d'exiger... – attendez que je trouve l'article – «peut ordonner à l'exploitant d'effectuer tout essai, étude, expertise ou vérification qu'il indique». Quelles sont vos appréhensions face à cet article? Je comprends que le ministre peut exiger, mais, lorsqu'il est question de sécurité publique, on est en droit de demander beaucoup de choses. Alors, quelles sont vos appréhensions?

Mme Ouellet (Louise): En fait, c'est que, habituellement, les pouvoirs d'ordonnance qu'on retrouve dans d'autres lois, notamment sur l'environnement, sont toujours rédigés pour être exercés dans des cas d'urgence; les pouvoirs d'ordonnance, pardon. Alors, quand je vous disais qu'à l'article 30, pour nous, c'est vraiment un exemple type d'un pouvoir d'ordonnance du ministre pour s'assurer que le barrage assure suffisamment la sécurité des personnes et la protection des biens, c'est ça, l'essentiel du pouvoir qui pourrait être donné au ministre. Quand je dis que c'est trop large, c'est qu'on peut voir, par exemple, si ce pouvoir est délégué à un fonctionnaire ou à un sous-ministre, l'utilisation de ce pouvoir d'ordonnance à l'article 29 de façon peut-être trop... on pourrait l'utiliser trop rapidement; par exemple, on pourrait le demander à des fins qui ne sont peut-être pas nécessaires.

M. Whissell: Alors, vous, vous recommandez de retirer l'article 29.

Mme Ouellet (Louise): Oui.

M. Whissell: O.K. C'est tout. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. Cerceau, à la page 4, vous parlez des barrages à forte contenance et vous suggérez de changer «2,5 m et plus de 30 000 m³» à «au moins 5 m et plus de 300 000 m³». C'est basé sur quoi? Sur quoi avez-vous basé votre suggestion ou votre recommandation?

M. Cerceau (Jacky): Ce n'est pas d'après des recherches scientifiques, je dois dire, c'est relativement... enfin, c'est selon l'expérience de l'ensemble des producteurs qui ont jugé qu'on pouvait aller jusqu'à ces chiffres-là sans que ça crée un problème quelconque. 30 000 m³, ça semble vraiment très, très faible dans les ouvrages que l'on connaît, et c'est très contraignant, disons. Mais je ne peux pas être plus précis.

M. Middlemiss: Ce n'est pas scientifique...

M. Cerceau (Jacky): Non.

M. Middlemiss: ...ou c'est basé sur...

M. Cerceau (Jacky): C'est basé sur une vague estimation que l'on peut avoir des ouvrages actuels.

M. Middlemiss: Et est-ce qu'en même temps on regardait les conséquences d'une rupture d'un barrage de 5,5...

M. Cerceau (Jacky): Les conséquences de rupture, effectivement, c'est l'élément majeur qui nous a conduits à faire cette suggestion, oui. Il nous semble que, même 300 000 m³, ce n'est pas un volume considérable.

M. Middlemiss: Qu'importe où se situe ce barrage-là? Ou est-ce que c'est dans le contexte que c'est éloigné, ou que c'est loin de la population, ou qu'il ne peut pas causer de problème de pertes matérielles, ou quelque chose comme ça?

M. Cerceau (Jacky): Oui, évidemment. Ça, ça peut dépendre aussi de la localisation du barrage. C'est vrai que, s'il y a des habitations juste en aval, c'est vrai que n'importe quel barrage peut causer des dommages. Mais je dirais que, dans l'ensemble des barrages que nous connaissons, c'est un phénomène qui, je crois, ne cause pas de problème.

M. Middlemiss: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Bégin: Oui, j'avais une question, mais là je l'ai perdue. Ha, ha, ha!

Une voix: ...

M. Bégin: Ah oui! Je m'excuse. J'aimerais poser une question à Me Ouellet. Est-ce que vous avez des exemples de délégation du pouvoir d'ordonnance du ministre à un sous-ministre ou à un autre personnage?

Mme Ouellet (Louise): Bien, il me semble qu'en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement certaines ordonnances, au tout début de l'application, peut-être dans les années... après 1972, il me semble que des ordonnances avaient pu être déléguées au sous-ministre.

M. Bégin: Oui, j'ai eu le même réflexe, mais j'ai repensé que, à l'époque, il n'y avait pas de ministre de l'Environnement.

Mme Ouellet (Louise): C'était le directeur des Services de protection de l'environnement.

M. Bégin: C'était donc un fonctionnaire qui était spécifiquement mentionné et il était l'équivalent du ministre.

Mme Ouellet (Louise): Oui.

M. Bégin: Mais ce n'était pas un pouvoir donné à quelqu'un, par exemple, le ministre, qui pourrait le déléguer à quelqu'un d'autre.

Mme Ouellet (Louise) Oui, sauf...

M. Bégin: C'était le seul cas que j'avais à l'esprit, mais je me disais: Peut-être qu'il y en a d'autres.

Mme Ouellet (Louise): Oui, en vertu de la Loi sur les mines...

M. Bégin: Oui.

Mme Ouellet (Louise): ...il y a des règlements de délégation qui permettent au directeur minier d'ordonner.

M. Bégin: D'ordonner. Alors, soyez assurés qu'on n'aura pas de pouvoir de sous-délégation. Je pense que vous avez raison de dire que, quand c'est un pouvoir exorbitant, en somme, c'est un pouvoir exceptionnel, et il est normal que celui qui est en autorité prenne la décision et non pas quelqu'un d'autre.

Mme Ouellet (Louise): Merci.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, Me Ouellet, M. Cerceau, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de cette commission. Ceci termine la première séance de consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la sécurité des barrages.

Comme les dates pour les prochaines séances ne sont pas encore connues, eh bien, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 7)


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