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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le vendredi 19 mars 1982 - Vol. 26 N° 62

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: Les interventions du gouvernement dans le transport aérien et plus particulièrement dans Québecair


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je vous souhaite la bienvenue aujourd'hui, le 19 mars, à la séance de la commission des transports sur la question avec débat. Elle étudiera la question du député de Laporte au ministre des Transports sur le sujet suivant: Les interventions du gouvernement dans le transport aérien et plus particulièrement dans Québecair.

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Si vous permettez une note préliminaire, auriez-vous l'obligeance de noter que M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M. Mailloux (Charlevoix) comme membre de cette commission.

Le Président (M. Rancourt): Cela sera fait, M. le député de Brome-Missisquoi.

Donc, suivant les règles, M. le député de Laporte, vous avez droit de parole.

Exposé du sujet M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président, je salue ce matin les députés qui se sont déplacés pour venir discuter avec nous de cette importante question des investissements du gouvernement du Québec dans le domaine aérien et plus précisément dans la société Québecair. Je salue mon collègue le député de Brome-Missisquoi, qui est un parlementaire chevronné et qui pourra sûrement nous aider à faire un peu de lumière sur ce dossier. Je salue également le ministre des Transports et l'autre député du côté ministériel.

M. le Président, au mois de juillet dernier c'est-à-dire 1981, le gouvernement du Québec annonçait avoir investi 15 000 000 $ dans la société Québecair. D'ailleurs, la commission parlementaire qui étudie les engagements financiers du gouvernement en a été prévenue puisque le décret qui couvre cet investissement et que j'ai devant moi dit qu'il s'agit de frais de souscription de 6 666 666 actions privilégiées, série B, de INTAIR, nouvelle compagnie à être formée suite à la restructuration de Québecair; le montant de l'engagement est donc de 15 000 000 $.

On sait qu'au mois de juillet 1981

Québecair éprouvait déjà des difficultés financières et que les actionnaires de la compagnie songeaient à se départir de l'entreprise. Deux groupes se sont manifestés et semblaient intéressés à faire l'acquisition de Québecair. Le premier groupe était la société Nordair, une société québécoise, dont le siège social est situé à Montréal, dont le président était M. André Lizotte, et dont la majorité des membres du conseil d'administration étaient des Québécois francophones et le sont encore d'ailleurs, société dont la très grande majorité des employés sont des Québécois. En fait, on compte environ 1000 employés québécois sur 1300 à l'emploi de Nordair. Or, Nordair fit une offre pour acheter les intérêts de Québecair, une offre qui se situait environ à 7 100 000 $. C'est alors qu'un deuxième acheteur se présenta, soit le gouvernement du Québec, piloté par son ministre d'État au Développement économique, qui incidemment est en train de faire un voyage à l'étranger dont on entend beaucoup parler ces jours-ci. Le gouvernement du Québec montra son intérêt à acheter Québecair. Quand on connaît l'expérience du gouvernement du Québec dans le domaine aérien - les plus notoires exploits sont les voyages des ministres entre Québec et Montréal, avec les chauffeurs et les limousines qui suivent les ministres en automobile pour les prendre aux deux bouts de la ligne - nous sommes en droit de nous demander si vraiment le gouvernement du Québec était un interlocuteur valable pour se porter acquéreur d'une société comme Québecair, une société qui fait du transport aérien commercial. (10 h 15)

Quels étaient les buts du gouvernement du Québec au moment de l'acquisition? Si on se fie à ce qui a été dit à ce moment -vous me permettrez, M. le Président, de citer un communiqué de presse diffusé par Telbec et émis par le ministère des Transports, en date du 24 juillet 1981. Les buts avoués étaient les suivants: Premièrement, il fallait consolider financièrement Québecair; deuxièmement, le gouvernement du Québec entendait assurer l'amélioration du service aérien aux populations de toutes les régions du Québec; troisièmement, assurer une place de plus en plus grande aux francophones dans les emplois de pointe reliés au transport aérien; quatrièmement, le gouvernement du Québec

croyait dans l'objectif fédéral de rationaliser davantage le transport aérien régional dans le Nord-Est de l'Amérique, mais non pas au prix de l'abandon par le Québec du contrôle de ses deux derniers transporteurs aériens, Québecair et Nordair. Voilà les buts, les objectifs recherchés par le gouvernement du Québec lors de l'annonce de son investissement de 15 000 000 $ dans Québecair.

M. le Président, depuis cette date, huit mois se sont passés. Nous avons tenté à de nombreuses reprises d'obtenir du ministre des Transports des renseignements en ce qui concerne cette transaction. Au mois de décembre dernier, nous avons posé des questions, ici même en Chambre, au ministre des Transports de façon qu'il puisse nous éclairer non seulement nous, mais toute la population du Québec sur les détails de cet investissement, sur les faits qui entourent l'investissement de 15 000 000 $ dans Québecair. Malgré nos demandes répétées, tout ce que nous avons à peu près pu retirer du ministre des Transports, c'est une phrase dans laquelle il nous disait ceci: "Je dirai au député de Laporte qu'à compter du moment où on investit dans une compagnie privée - il ne s'agit pas ici d'une société d'État - je n'ai pas à donner l'ensemble du portrait de la compagnie privée qu'est Québecair." Évidemment, le ministre, à ce moment-là, a été très avare de renseignements et l'Opposition et les citoyens du Québec sont demeurés sur leur faim, n'ayant pu connaître les dessous ou les détails de la transaction.

Aujourd'hui, après huit mois, j'aimerais demander au ministre s'il considère avoir atteint ses objectifs ou s'il considère que ses objectifs sont en voie d'être atteints. Le premier objectif était de consolider l'entreprise. Quand on dit consolider l'entreprise, on pense qu'il s'agit de faire en sorte de rationaliser les équipements, de redresser la situation.

Or, des nouvelles assez étonnantes nous parviennent en ce qui concerne la consolidation de l'entreprise. Il semble en effet que la compagnie Québecair avait commandé des avions de type Boeing 737, ces avions qui contiennent 119 places et qui coûtent à peu près 15 000 000 $ chacun. La compagnie Québecair en a cinq présentement dont trois ou quatre sont sa propriété et un ou deux - le ministre aura peut-être la gentillesse de nous préciser cela - sont en location.

La compagnie Québecair avait autrefois des avions de type Bac 111, des avions de 79 places qui avaient été achetés en 1969 et qui étaient entièrement payés. Ce sont tous des avions à réaction ou des jets, si vous voulez. Les trois Bac 111 qui étaient entièrement payés, qui sont des avions à réaction et qui volaient jusqu'à récemment ont été mis de côté au cours de l'année pour faire place à de nouveaux avions, comme je l'ai dit, des Boeing 737 qui ont coûté 15 000 000 $ ou à peu près chacun. Subséquemment, on s'est rendu compte que les fameux Boeing 737 n'étaient pas remplis, qu'ils voyageaient souvent avec un coefficient de remplissage très bas, que pour posséder un avion qui coûte 15 000 000 $ ça coûte, avec les intérêts, 2 000 000 $ à 2 500 000 $ par année uniquement pour en être le propriétaire, avant même de l'utiliser. Si on multiplie ça par trois, par quatre ou par cinq - parce qu'on en a plusieurs - ça coûte une fortune à garder.

Alors, récemment, on a décidé qu'après tout les BAC-111, les bons petits BAC-111, n'étaient pas si mauvais que ça et que, tout compte fait, on était peut-être mieux de reprendre les BAC-111 qui étaient aux boules à mites et de les remettre sur la route après les avoir un peu rénovés et, semble-t-il, de revendre les Boeing 737. Ce qui, évidemment, fait en sorte qu'on se demande où est la consolidation de l'entreprise.

J'aimerais, M. le Président, citer un article du journal La Presse, en date du 11 février 1982, qui parle, justement, de cette question et qui dit ceci: "Québecair se retrouve donc avec des avions de trop, des hausses de tarifs en perspective, une réduction possible du nombre de voyageurs, engendrant ainsi des conséquences qui vont se répercuter de façon automatique sur l'ensemble des activités de la société." Un peu plus loin on dit ceci: "II y a à peine deux ans, les vieux conseillers de Québecair, habitués à retaper des avions, estimèrent qu'il valait mieux rafistoler les BAC-111 plutôt que d'acheter ou louer une flotte de cinq Boeing 737. La direction, subjuguée par un plan d'expansion audacieux - surtout après l'investissement de 15 000 000 $ du gouvernement - sollicitée par Boeing qui peut vendre des frigidaires aux Esquimaux dans un contexte où toutes les compagnies d'aviation s'apprêtaient à gérer la décroissance, opta pour une flotte composée de Boeing 737, dont le coût en dollars d'aujourd'hui rejoint les 16 000 000 $ l'unité. "Ce n'est pas sans grande fierté qu'on annonça un rajeunissement de la flotte, réservant d'un même souffle une oraison de circonstance pour le retrait des BAC-111. Depuis, les coûts de propriété se sont accrus considérablement. Il en coûte au moins 6 000 000 $ à Québecair pour posséder deux de ses Boeing 737. Le retour à un plan plus modeste, c'est-à-dire le rappel des BAC-1-11, permet au transporteur d'économiser substantiellement - dans le fond, on devrait dire "permettra" parce qu'ils ne sont pas encore en opérations. Les trois petits BAC-111 - enfin petits, ils contiennent chacun 79 places - qui, par un hasard du diable, n'avaient pas trouvé acheteur, coûteront 400 000 $ chacun en travaux de rénovation.

Ils voleront à nouveau ce printemps avec un "new look". "La clientèle de Québecair continuera de voler en jet. N'eût été la malchance de ne pas trouver acheteur pour les BAC-111 retirés, Québecair aura été contrainte à rechercher des avions hélices usagés pour son service intérieur à la manière de la filiale Régionair. Mais, la réalité étant ce qu'elle est, il reste que Québecair possède ou a des options sur cinq Boeing 537. Elle tentera d'en refiler deux à Boeing ou encore de les louer à d'autres transporteurs."

M. le Président, quand on regarde, quand on lit un article comme celui-là, qu'on considère un fait comme celui-là, on est en train de se demander où on s'en va avec la consolidation de l'entreprise.

Le deuxième objectif annoncé était l'amélioration du service aérien dans les régions. Or, on se rend compte que, depuis un an, et surtout depuis que le gouvernement investit dans Québecair, Québecair se lance à bride abattue sur les marchés extérieurs comme une ligne vers Toronto, par exemple. On a demandé et obtenu de la Commission canadienne des transports le droit de faire du transport entre Montréal et Toronto. Or, déjà, sur cette ligne-là, on a Air Canada, qui fait du transport, ainsi que Nordair, CP Air, Eastearn Provincial Airways, et maintenant, Québecair en fait également. Toutes ces compagnies vont vers Toronto. Le résultat est que les activités de Québecair vers Toronto sont absolument néfastes pour l'entreprise; on fonctionne avec un coefficient de remplissage de 15%, 20% ou, parfois, 25% ce qui veut dire qu'on fonctionne sans cesse à perte et que la compagnie perd continuellement de l'argent sur cette ligne-là.

Il y a également la Floride où Québecair investit une très grande partie de ses énergies. Sur les envolées vers la Floride, on offre des tarifs à rabais comme d'ailleurs tous les transporteurs qui font du charter, mais le problème avec Québecair, c'est que d'autres transporteurs utilisent leurs avions les fins de semaine pour faire du charter quand les avions ne sont pas utilisés sur les lignes intérieures, tandis que Québecair fait du charter ou de l'affrètement vers la Floride d'une façon systématique et continuelle et les chiffres indiquent - nos chiffres à nous - que, pour chaque voyageur qui voyage vers la Floride à bord de Québecair, la compagnie perd 100 $ sur un voyage aller-retour. On sait que les régions se plaignent du mauvais service de Québecair. Demandez aux gens de Sept-Îles ce qu'ils pensent du service de Québecair; il périclite • continuellement. Demandez aux gens de la Côte-Nord; le service de Québecair va en diminuant continuellement. Dans toutes les régions du Québec - et nous avons pris la peine de nous informer - les gens se plaignent de plus en plus du mauvais service de Québecair. Alors, au deuxième objectif, qui est d'améliorer le service aérien aux régions, nous croyons qu'en dépit de l'investissement du gouvernement, il n'y a aucune amélioration, nous pensons même qu'il y a eu une détérioration.

Le troisième objectif était d'assurer une place aux francophones. Nous nous posons de sérieuses questions là-dessus aussi. Nous demandons au ministre: Est-ce qu'en investissant 15 000 000 $ dans Québecair vous avez créé de nouveaux emplois? Pourtant le président de Québecair annonçait récemment - je cite un article de la Presse du 28 janvier 1982 - un plan de rationalisation qui prévoyait 85 mises à pied, dont 32 en décembre dernier, quelques autres cet hiver et les dernières dans les prochains mois et les prochaines années. Donc, on voit que là aussi les francophones n'ont pas trouvé leur compte. On se demande, de ce côté-ci de l'Assemblée, si vraiment on a rendu service aux francophones en les associant à un pareil désastre aérien.

Le quatrième objectif du gouvernement était de rationaliser le transport aérien dans le Nord-Est de l'Amérique. Compte tenu de ce que nous avons dit précédemment, les déboires de Québecair sur les lignes extérieures - puisque quand on parle du Nord-Est de l'Amérique on parle évidemment d'ambitions extraterritoriales - nous ne pensons pas que la venue du gouvernement québécois dans Québecair et l'expansion qu'il lui a permis de prendre contribuent à rationaliser le transport aérien dans le Nord-Est de l'Amérique.

Nous allons tout à l'heure entendre la réplique du ministre. Nous savons qu'il va nous dire en premier lieu que l'achat de Québecair a été fait dans le but de sauvegarder le dernier transporteur régional francophone, Québecair, et de l'empêcher de tomber entre des mains étrangères. Peut-être n'emploiera-t-il pas le mot "étrangères" mais nous soumettons humblement que, si la fusion avec Nordair s'était effectuée, nous aurions également sauvegardé un transporteur francophone qui aurait été plus important.

Deuxièmement, le ministre va également nous dire dans sa réplique, dans quelques instants, que si ça va mal à Québecair c'est la faute d'Air Canada, de la concurrence déloyale d'Air Canada. Or, Air Canada fait la même concurrence à tous les transporteurs régionaux au pays. Air Canada fait exactement la même chose dans toutes les régions, elle a ses lignes comme Canadien Pacifique a ses lignes et la concurrence qu'elle fait, c'est une concurrence normale dans une société comme celle dans laquelle on vit. Mais, si le gouvernement québécois veut donner des leçons de non-concurrence, il devrait peut-être commencer par regarder ce que lui-

même est en train de faire aux transporteurs de troisième niveau, aux petits transporteurs locaux. Le gouvernement du Québec est en train de créer un vrai monopole dans ce domaine-là et de tuer la concurrence.

Les autres transporteurs aériens régionaux, comme Québecair, au Canada ne font pas des pertes, ils font des profits. Ils sont tous traités de la même façon par Air Canada. On n'a qu'à voir, lors des commissions parlementaires à Ottawa, les autres transporteurs régionaux qui font également état de la concurrence d'Air Canada. La concurrence est égale, elle est partout et je pense qu'elle est normale dans un contexte de saine économie.

Dans ces conditions, nous ne pensons pas, de ce côté-ci, que la concurrence d'Air Canada soit pour quelque chose dans la dégradation de la situation économique ou financière de Québecair. La question que j'aimerais poser au ministre au début de ce débat est la suivante: Le ministre maintient-il toujours que les 15 000 000 $ qu'il a investis dans Québecair lui ont permis d'atteindre ses objectifs?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

Réponse du ministre M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, je voudrais, dans un premier temps, remercier mon collègue de Laporte de nous donner l'occasion de discuter d'un sujet très important, à savoir les interventions du gouvernement du Québec dans le transport aérien, et plus particulièrement dans Québecair, selon l'avis qu'il a lui-même donné à cette Chambre.

Je voudrais, dans un premier temps, exposer très brièvement l'ensemble des interventions du gouvernement du Québec dans le dossier du transport aérien, y inclus Québecair bien sûr, mais pas exclusivement Québecair, puisque, conformément à l'avis qui avait été donné par le député de Laporte, j'avais cru comprendre que son intérêt ne se limitait pas seulement au dossier de Québecair, mais à l'ensemble du dossier du transport aérien au Québec. Je crois que ces remarques préliminaires constitueront une information de base nécessaire à la compréhension des gestes qu'a posés et que continuera de poser mon ministère dans le secteur du transport aérien. Je suis également convaincu qu'elles seront de nature à rassurer mes collègues de l'Opposition quant aux motifs qui sous-tendent ces actes et quant aux objectifs que nous poursuivons. (10 h 30)

Je vais vous démontrer que les interventions du gouvernement dans le dossier du transport aérien se regroupent sous trois chapitres principaux: premièrement, les infrastructures nécessaires à la navigation aérienne; deuxièmement, la surveillance des intérêts légitimes des Québécois devant les instances fédérales, et troisièmement, les investissements directs dans des compagnies privées. Je veux cependant vous faire remarquer que, malgré leur diversité apparente, ces types d'intervention ne sont en somme qu'autant de moyens dans la recherche d'un seul et même but, à savoir le maintien d'un secteur aérien vigoureux au sein de l'économie du Québec afin d'en maximiser les retombées socio-économiques au profit des Québécois et d'assurer aux diverses régions de notre vaste territoire une desserte adéquate.

En ce qui concerne d'abord les infrastructures aéroportuaires, je pense que l'on peut affirmer que les grands centres urbains du Québec, notamment Québec et Montréal, sont relativement bien pourvus en ce qui concerne les infrastructures nécessaires à la navigation aérienne. Mais je crois également que nos communautés les moins populeuses et les plus éloignées ont été particulièrement négligées à ce point de vue et qu'on compte un retard de plusieurs dizaines d'années en ces matières.

C'est pourquoi, dans un premier temps, je m'emploie à faire toutes les pressions possibles et imaginables sur mon collègue fédéral, duquel, traditionnellement a toujours relevé cet aspect du dossier du transport aérien, pour corriger dans les meilleurs délais des lacunes qui constituent de réelles entraves à une desserte aérienne adéquate. Ce que je demande au gouvernement fédéral à ce chapitre, c'est de doter les aéroports en territoire québécois des mêmes équipements dont il a lui-même pourvu les aéroports des autres provinces et des territoires.

Le député de Laporte demandait tantôt si on était en train d'atteindre tous nos objectifs sur la régularité du service de Québecair et de Régionair sur la Côte-Nord et dans l'Est du Québec. Il sera sûrement étonné d'apprendre que, par exemple, 37,5% seulement des aéroports du réseau de Québecair sont dotés d'instruments d'approche de précision, alors que ce pourcentage s'élève à 65% pour Nordair et à 83% pour Eastern Provincial Airways, ce qui constitue en soi des facteurs qui influencent directement la qualité du service que peut offrir un transporteur aérien, sa rentabilité, sans compter les subventions qui sont accordées par le gouvernement fédéral à certains transporteurs aériens régionaux d'une manière purement discriminatoire quand on considère l'ampleur du réseau de Québecair, de Régionair par rapport à celui d'Eastern Provincial Airways.

Les indications que je peux donner là-dessus, c'est qu'alors qu'Eastern Provincial Airways dessert un territoire beaucoup plus restreint il bénéficierait, selon nos informations, de subventions annuelles du gouvernement fédéral de l'ordre d'à peu près 1 600 000 $. Alors qu'à Québecair, qui dessert un réseau qui n'est pas bien pourvu en aide à la navigation, seulement 37,5% des aéroports desservis par Québecair sont dotés d'instruments d'approche de précision, chez Eastern Provincial Airways ça atteint 83% et les subventions sont justement pour cette compagnie.

Même si je dois regretter le fait qu'il ne soit pas toujours possible de s'entendre sur les priorités à observer dans le développement du transport aérien comme ce fut le cas, notamment, pour l'aéroport de Havre-Saint-Pierre où le fédéral a décidé de procéder unilatéralement et sans aucune consultation, un fait qui est reconnu par le ministre fédéral des Transports lui-même, nous pouvons quand même dire que dans certains dossiers, comme c'est le cas de l'aéroport de Chibougamau-Chapais qui sera reconstruit au coût de 7 000 000 $, cet aéroport sera financé à parts égales par les deux gouvernements. C'est le cas aussi de 13 aéroports constituant les principaux points de desserte du Nouveau-Québec sur le littoral de la baie James, de l'Hudson et de l'Ungava.

En effet, alors que les territoires du Nord-Ouest d'autres provinces canadiennes ont pu bénéficier d'investissements à 100% pour la construction de pistes d'atterrissage et d'aéroports nordiques, nous sommes convenus - comme on emploie présentement le mot dans le langage fédéral - au moins verbalement que l'on pourrait équiper ces 13 villages nordiques d'aéroports dignes de ce nom sur une période de 8 à 10 ans; jusqu'à maintenant il ne s'agit que d'une entente verbale, mais les pourparlers progressent dans ce sens-là.

Vous comprendrez sûrement, le collègue de Laporte comprendra sûrement qu'alors qu'on a doté à 100% d'autres régions du Canada d'infrastructures payées complètement par le gouvernement fédéral, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est bien peu ce qu'on va obtenir du gouvernement fédéral dans ce cas.

Enfin, je dois vous informer que j'ai été mandaté par le gouvernement du Québec pour presser le ministre fédéral des Transports de parachever un plan d'équipement promis depuis 1972, mais constamment remis en ce qui concerne les aéroports de la Moyenne-Côte-Nord et de la Basse-Côte-Nord, tels les aéroports de Natashquan, de Chevery, de Blanc-Sablon. De plus, il serait normal que Transports Canada s'implique financièrement avec nous pour les aéroports de Saint-Augustin, de Tête-à-la-

Baleine, de La Tabatière, de La Romaine et de certaines autres.

Dans un deuxième temps, pour ce qui est des aéroports à propriété strictement québécoise, nous faisons face à des politiques fédérales difficiles à comprendre et pour lesquelles les autorités de Transports Canada n'ont jamais voulu produire de documents officiels. Je veux parler des aides à la navigation et plus particulièrement des aides d'approche et de précision. Transports Canada s'oppose à participer au financement de l'installation de tels équipements, à moins que l'aéroport ne lui appartienne. C'est le cas de l'aéroport de Saint-Honoré. Pourtant, en d'autres occasions et en d'autres lieux, cette politique est mise de côté, comme ce fut le cas ici même au Québec dans le cas de l'aéroport de Chibougamau-Chapais. Or, ces aides à la navigation sont essentiels au bon fonctionnement du transport aérien, mais sont aussi très coûteuses. Plus encore, nous sommes incapables de connaître les définitions de ce que Transports Canada appelle le réseau national, pour lequel il se dit d'accord d'en assumer toutes les responsabilités. Les réseaux dits régionaux relèvent donc de la responsabilité des provinces et des municipalités. C'est pourquoi nous devons construire et entretenir des aéroports tels que Bonaventure, Mingan, Poste-de-la-Baleine, Matagami ou autres, et apporter notre aide à certaines municipalités telles les municipalités qui gravitent autour de Dolbeau, par exemple.

Deuxième sujet: la surveillance des droits des intérêts des Québécois. Il s'agit là d'un autre aspect extrêmement important de l'action du ministère des Transports, soit de représenter les droits et intérêts légitimes des Québécois dans le domaine aérien auprès du gouvernement fédéral, qui a une large juridiction sur cette sphère d'activité et de veiller à ce que ses droits soient respectés. Bien sûr, je ne veux pas vous entretenir des représentations usuelles faites lorsqu'un transporteur présente à la Commission canadienne des transports une demande relative à un permis d'exploitation au Québec. Je veux cependant informer cette commission de l'état de deux dossiers en particulier, parce qu'ils pourraient s'avérer extrêmement lourds de conséquences pour le Québec s'ils n'étaient pas traités dans le respect plein et entier des aspirations légitimes des Québécois. Il s'agit du dossier du projet de politique fédérale sur le transport aérien et du dossier de Dorval-Mirabel.

Je suis heureux de constater que le député de Laporte s'intéresse au dossier Québecair, mais s'il s'intéresse vraiment au dossier du transport aérien pour l'ensemble du Québec, ce sont des dossiers dont il ne refusera pas de discuter aujourd'hui, parce que ce sont des dossiers majeurs,

fondamentaux pour le développement du transport aérien au Québec.

En août 1981, le gouvernement fédéral faisait connaître son projet de politique sur le transport aérien au Canada et invitait les provinces à faire connaître leurs commentaires. Je tiens à vous résumer ici les remarques que j'ai fait parvenir à M. Pepin afin que tous sachent dans quels cadres sont appelés à évoluer et nos transporteurs régionaux et les gouvernements provinciaux. Le 10 décembre dernier, je faisais savoir à mon vis-à-vis fédéral qu'à mon avis, son projet de politique causerait de très graves préjudices au Québec puisqu'en officialisant la situation présente, il consacre la mainmise du fédéral sur tous les secteurs rentables du transport aérien et confine les gouvernements des provinces et les transporteurs régionaux et locaux à des activités marginales tant sur le plan économique que financier. Il s'agit d'abord et avant tout d'une politique protectionniste qui maintient ou accroît tous les privilèges des transporteurs nationaux et qui limite les possibilités d'expansion des transporteurs régionaux et locaux. Il s'agit aussi d'une politique qui impose toutes sortes de restrictions rigoureuses aux régionaux en termes de limite de poids, de type d'avions, de limites territoriales et de distances à parcourir. Ces contraintes ne visent qu'à protéger les nationaux qui pourront atteindre, dans un contexte de monopole ou quasi-monopole, une efficacité et une stabilité financière garanties, puisqu'en plus de se partager un quasi-monopole sur le transport de premier niveau ils conservent le droit de concurrencer jusqu'à les tuer les transporteurs régionaux et locaux sur des lignes comme Sept-Îles, Val-d'Or, Montréal.

En outre, le projet de politique laisse le développement des vols nolisés vers l'extérieur du Canada qui peuvent être exploités de façon rentable par des transporteurs régionaux à la merci de la volonté fédérale et d'Air Canada.

De même, M. Pepin dévolue aux gouvernements de provinces et au gouvernement du Québec notamment les éléments les moins rentables, comme les infrastructures, les équipements aéroportuaires et les services aériens des régions éloignées qui nécessitent d'importantes subventions.

Enfin, l'aspect le plus décevant du projet de M. Pepin est qu'il n'offre aucun élément de solution au dossier Québecair-Nordair. C'est, selon nous, la pierre d'assise de la rationalisation du transport aérien dans l'Est du Canada et elle aurait donc dû constituer une pièce majeure de la nouvelle politique fédérale, mais j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet un peu plus tard. La tentation sera certes grande pour mon collègue de Laporte de dire: Ah! il s'agit là encore une fois d'une prise de position péquiste du gouvernement du Québec.

M. le Président, pour conclure justement sur ce point particulier, je tiens à souligner aux membres de cette commission que mon collègue de l'Ontario, James Snow, ministre des Transports et des

Communications, a, dans une déclaration ministérielle faite à Queen's Park le 11 décembre 1981, émis exactement les mêmes réserves et les mêmes critiques concernant le projet de politique de transport aérien de M. Pepin. Si mes collègues étaient intéressés à en prendre connaissance, je pourrais leur remettre une copie de la déclaration ministérielle qu'il a prononcée à Queen's Park le 11 décembre dernier.

Nous retrouvons dans l'autre dossier, M. le Président, dans le dossier des aéroports Dorval et Mirabel, une intervention du même ordre du gouvernement du Québec où celui-ci s'oppose, a priori, à tout projet du fédéral relativement au transfert de vols de Dorval vers Mirabel jusqu'à ce que soit clairement démontré qu'un tel transfert permettrait d'accroître de façon significative le volume du trafic aérien à Montréal. Il m'est absolument impossible d'adopter une autre position à cause de l'importance de cette question pour toute l'économie montréalaise et même pour l'économie québécoise.

Pour cette même raison, j'ai pris l'initiative...

Le Président (M. Rancourt): Je m'excuse, M. le ministre.

M. Paradis: Question de règlement. Sans vouloir interrompre indûment le ministre dans sa réplique, il y avait quand même une question très précise qui lui était posée. Il vous reste, sur votre intervention originale, M. le ministre, à peine cinq minutes. La question était la suivante: De l'argent des Québécois, de nos contribuables, vous avez décidé d'investir 15 000 000 $ dans la société Québecair avec quatre buts très précis qui étaient la consolidation financière de Québecair, l'amélioration...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, s'il vous plaît, oui.

M. Clair: Question de règlement. M. le Président, le député manque de patience. Nous avons jusqu'à 13 heures pour discuter de ces questions. Le député de Laporte, dans la question avec débat aujourd'hui, mentionne le dossier du transport aérien au Québec et plus particulièrement celui de Québecair. J'arrive rapidement au dossier de Québecair plus particulièrement.

Si votre intérêt pour le transport aérien se limite à Québecair, il fallait le noter et j'aurais parlé uniquement de Québecair.

M. Paradis: Dans ma question de règlement, M. le Président, je voulais strictement m'assurer que le ministre, dans son intervention, réponde aux questions précises du député de Laporte.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Clair: Dans le dossier des aéroports Dorval et Mirabel, M. le Président, j'indiquais quelle était la position de principe du gouvernement du Québec, à savoir de ne pas consentir à un transfert de vols Dorval-Mirabel sans une garantie qu'il y aura un accroissement significatif du trafic aérien global.

Pour cette même raison, j'ai pris l'initiative de présenter au ministre fédéral des Transports un plan d'action visant avant tout un accroissement global du trafic aérien à Montréal, que ce soit au niveau des passagers ou au niveau des marchandises, et un accroissement de l'activité industrielle et commerciale dû à l'activité aéroportuaire.

Ma proposition comprenait les mesures suivantes: Que le gouvernement canadien rétablisse, par l'attribution des permis d'atterrissage, l'équilibre avec d'autres aéroports canadiens et incite d'importantes compagnies aériennes internationales à desservir Montréal; que la Commission canadienne des transports se montre davantage disposée à l'attribution de permis à des transporteurs aériens de marchandise voulant desservir Montréal; que le gouvernement fédéral émette des directives afin que la société Air Canada développe une activité accrue de transport de marchandises; que Transports Canada offre à Mirabel des conditions d'exploitation préférentielles pour les transporteurs desservant cet aéroport; que le ministère fédéral des Travaux publics mette à la disposition de la SPICAM des terrains et, enfin, que le gouvernement canadien considère sérieusement le projet de construction d'accès au PICA. (10 h 45)

Deux autres points, en ce qui concerne Dorval, que le fédéral fasse connaître, dans les meilleurs délais, un programme d'investissements à Dorval et que Transports Canada exige d'Air Canada la mise en place de services aériens adéquats à partir de Mirabel, afin de rendre cet aéroport plus intéressant pour la clientèle internationale et de minimiser les transferts interaéroports.

Voilà, M. le Président, deux interventions extrêmement importantes de mon ministère dans le but de protéger les intérêts les plus légitimes et les plus fondamentaux des Québécois. Nous attendons toujours une réponse du gouvernement central sur ces questions, sur lesquelles les prises de position de celui qui vous parle ont été appuyées par le COPEM, par l'ensemble des intervenants et même, dans le cas de la politique aérienne, par le ministre des Transports de l'Ontario lui-même.

Je voudrais maintenant passer au troisième volet des interventions du gouvernement du Québec dans le dossier du transport aérien, soit celui des investissements effectués directement dans deux compagnies privées, c'est-à-dire Propair et Québecair. M. le Président, l'implication du gouvernement dans le dossier Propair remonte déjà à 1977. C'est à cette époque que le ministre québécois des Transports fut sollicité dans le but de faciliter la fusion de quatre transporteurs de niveau local du Nord-Ouest, à savoir, Lasarre Air Service, Air Fecteau, Direct Air et Air Brazeau, afin de mieux concurrencer les transporteurs venant de l'extérieur du Québec.

Cependant, mon prédécesseur dut s'engager financièrement une première fois en 1979, lorsque Air Brazeau a décidé de se retirer du groupe et de vendre les actifs ainsi que les permis s'y rattachant. Le gouvernement décida alors de se porter acquéreur de ces actifs et permis au montant de 350 000 $, avec l'engagement de les remettre à la compagnie qui résulterait de la fusion. Le regroupement fut finalement réalisé en juin 1981, en l'absence toutefois de Direct Air qui avait également choisi de se retirer. Le gouvernement du Québec souscrivait alors 3 000 000 $ en actions privilégiées convertibles, non participantes et non votantes, alors que ses deux partenaires privés se partageaient également les actions ordinaires à la suite de versements d'actifs et d'investissements additionnels.

Quels étaient donc les motifs d'investir ces sommes? M. le Président, ils étaient les suivants: d'abord, accélérer le processus de fusion dans le but d'assurer au Nord-Ouest québécois un transporteur de troisième niveau qui serait viable, maintenir au Québec certains permis et canaliser vers le Québec les retombées économiques des activités reliées à la Baie-James plutôt que vers l'Ontario.

Je puis aujourd'hui informer les membres de cette commission que Propair a terminé sa première année d'exploitation avec un léger profit, qu'elle a obtenu une nouvelle route Amos-Rouyn-Montréal et qu'elle attend une réponse à une requête en vue d'un permis sur Val-d'Or-Rouyn-Gatineau.

Quant à Québecair, M. le Président, il est bien évident que mon ministère suit de très près son évolution depuis assez longtemps, bien qu'il serait plus juste de dire qu'il a suivi et qu'il suit toujours l'évolution du dossier Québecair-Nordair. Comme le gouvernement de l'Alberta, il y a longtemps que nous sommes conscients de l'importance, pour l'économie d'une région, de la présence d'un transporteur aérien régional indépendant et fort. Si nous ne sommes intervenus

directement et financièrement qu'en juillet dernier, c'était que nous n'avions pas d'autre choix. Après avoir accaparé 86% de Nordair, en janvier 1978, Air Canada s'apprêtait à se saisir de la propriété entière du seul transporteur de deuxième niveau demeurant sous contrôle québécois, c'est-à-dire Québecair. En tant que ministre des Transports, je répète que je ne pouvais agir autrement lorsque que l'on considère le geste d'Air Canada. J'aurai l'occasion, tantôt, de citer au député de Laporte les propos de son chef au mois de décembre 1979 qui, à cette époque, peut-être parce qu'il n'était pas encore complètement soumis au diktat du Parti libéral fédéral à Ottawa, avait eu le courage de reconnaître l'enjeu que représente le contrôle par des Québécois d'un transporteur aérien régional.

M. le Président, qu'aurait signifié le geste d'Air Canada? Cela aurait signifié, premièrement, la perte irrémédiable pour les Québécois du contrôle de leur transporteur régional, avec ce que cela implique comme absence de sensibilisation à nos besoins propres. Deuxièmement, la perte du seul outil véritable de promotion des francophones dans le secteur du transport aérien. À ce sujet, M. le Président, laissez-moi citer des extraits des rapports annuels du commissaire aux langues officielles que je ne commenterai même pas. En 1979, il écrivait: "La proportion de francophones dans la haute direction est passée à 24,4% alors que, pour l'ensemble de la société, elle se chiffre à 19,4%. Cependant, elle n'atteint que 15,8% chez les cadres et 15,6% au niveau du soutien administratif et technique. Les francophones sont aussi nettement sous-représentés aux opérations aériennes puisqu'ils n'y fournissent que 10% des pilotes et 5% des cadres. À la maintenance, ils représentent 35% des syndiqués, mais seulement 15% des cadres."

En 1981, et je cite: "Air Canada a poursuivi en 1980 son ascension vers les éclaircies linguistiques, mais les turbulences demeurent nombreuses comme le prouve le nombre élevé de plaintes encore déposées contre la société. Il en sera probablement ainsi tant qu'elle hésitera à faire le nécessaire pour éliminer les contraintes syndicales qui l'empêchent d'utiliser son personnel bilingue de façon plus rationnelle et plus efficace. La société devra aussi se pencher plus attentivement sur la place du français dans les domaines techniques, entretien des avions, opérations de vols par exemple, l'emploi de cette langue n'y ayant guère dépassé le stade embryonnaire." Par comparaison, je voudrais rappeler que, chez Québecair, 96% de l'ensemble du personnel est francophone.

M. le Président, à ce chapitre, je voudrais également rappeler qu'à la suite du jugement... Peut-être aurais-je le consentement pour avoir trois ou quatre minutes additionnelles; je ferai preuve de la même souplesse à l'égard de mon collègue...

Le Président (M. Rancourt): Vous acceptez?

M. Clair: Je voudrais rappeler qu'à la suite de la décision qui a été rendue par les tribunaux dans le cas de la Loi sur les langues officielles, ce que nous avons su, c'est que le ministre fédéral des Transports et le ministre d'État à la colonie québécoise, Serge Joyal, nous ont annoncé avec beaucoup de suffisance qu'Air Canada allait tolérer l'utilisation du français, qu'elle ne changerait pas son comportement si la loi ne l'y contraignait pas; la place du français semble donc être ça dans le domaine aérien au Canada; une place qui est tolérée.

La troisième conséquence de la prise de contrôle de Québecair par Air Canada est le risque que le Québec perde des retombées économiques importantes, ceci relié au fait que les sièges sociaux et les bases d'exploitation de Nordair et de Québecair sont actuellement tous situés au Québec. Je n'ai pas à rappeler aux membres de cette commission les transferts d'activité déjà effectués par Air Canada au profit de Toronto et de Winnipeg, au détriment de Montréal.

Quatrièmement, le risque que la rationalisation du transport aérien dans l'Est du Canada s'effectue au détriment des intérêts légitimes des Québécois.

Cinquièmement, le retrait de l'appui de ce gouvernement et des investisseurs québécois qui avaient pris le risque d'investir dans Québecair sur la foi de la promesse fédérale de retourner Nordair à l'entreprise privée. Les 15 000 000 $ que nous avons investis dans Québecair ont servi à racheter, d'abord et avant tout, la parole des fédéraux qui avaient promis de revendre cette compagnie Nordair à des intérêts québécois et qui ont trahi leur propre engagement au mépris d'investisseurs privés qui avaient eu confiance dans cette parole.

Donc, le 24 juillet 1981, le gouvernement du Québec a réagi en investissant 15 000 000 $ en actions privilégiées participantes, convertibles mais non votantes. Au cours de cette transaction, il y a eu rachat, sur la base de l'offre faite par Air Canada, des actions privilégiées des actionnaires participant à la création d'une société de gestion appelée 1848-7199 Québec Inc. Le solde de l'investissement gouvernemental a servi à consolider la structure financière de Québecair. Quant aux actions ordinaires, elles ont toutes été gardées au sein de la compagnie mère. La convention entre actionnaires prévoit toutefois qu'elles sont rachetables en tout ou en partie, si tel est le désir des partenaires,

à une date fixée à l'avance, mais cependant au même prix que celui qu'offrait Air Canada au mois de juillet 1981. Cette convention contient également une clause incitant nos partenaires à la meilleure gestion possible et à demeurer actionnaires de Québecair.

J'aimerais prendre un moment pour faire ici une brève analyse comparative des interventions directes du gouvernement du Québec avec celles faites par d'autres gouvernements. Qu'a fait l'Alberta, M. le Président, à compter de 1974? Elle a graduellement acquis toutes les actions des entreprises de second niveau desservant le territoire qu'elle visait pour fusionner ces compagnies en une seule, dont elle détient la propriété entière. Qu'a fait, M. le Président, le fédéral, lui-même détenteur à 100% d'une société de la couronne oeuvrant dans l'aéronautique, lorsqu'il s'est agi d'acquérir Nordair en janvier 1978? Il s'est emparé de 86,4% des actions ordinaires, après s'être livré à une surenchère qui avait fait passer ses titres de 2,10 $ à 12,61 $? M. le Président, que s'apprêtait-il à faire en juillet 1981? À acquérir ni plus ni moins que 100% des actions de Québecair. Et nous, M. le Président, en quoi ont résidé nos interventions, ces interventions qui semblent soulever tellement d'inquiétude chez certains? Tout simplement à venir appuyer les efforts d'entrepreneurs privés par l'achat, dans des circonstances bien précises, d'actions privilégiées non votantes.

Je laisse le soin aux membres de cette commission de déterminer quel type d'intervention devrait en fait soulever le plus de questions. On me demande aujourd'hui, à juste titre, comment ça va à Québecair. M. le Président, c'est un secret de polichinelle, ça ne va pas très bien à Québecair. Comme c'est le cas chez la plupart des transporteurs nord-américains et européens, comme c'est le cas chez les membres de l'Association internationale des transporteurs aériens, qui ont enregistré des pertes combinées de plus de 2 000 000 000 $ en 1981 et, c'était dans le journal aujourd'hui, on prévoit pour l'IATA des pertes de l'ordre de 3 000 000 000 $ en 1982.

L'on m'objectera qu'Air Canada a réalisé un profit de 40 000 000 $. J'aimerais rappeler qu'en 1977 le gouvernement fédéral a effacé une dette de 329 000 000 $ et qu'il a en plus consenti en prêt de 305 000 000 $ au taux de 7,2% échéant en 1993. S'il était capable d'offrir les mêmes conditions à Québecair, M. le Président, je pense que ce n'est pas nécessaire d'insister bien gros, que sur le fait, sans ces subventions directes, indirectes, ces taux d'intérêt privilégiés du gouvernement central, et ce ne serait pas réjouissant, Air Canada se retrouverait elle aussi dans une situation déficitaire, ne pourrait pas déclarer des profits mais déclarerait des pertes.

En fait, Québecair est soumise aux mêmes problèmes que ceux qui assaillent toute l'industrie, entre autres la montée des coûts de fonctionnement surtout du carburant, lequel représente maintenant 42% des coûts totaux, alors que ce poste ne représentait que 10% il y a à peine quatre ans; les taux d'intérêt excessifs et le marasme économique généralisé. Mais, à ces causes générales, il faut ajouter deux causes spécifiques: la première réside dans le déclin économique de la côte nord, laquelle représentait une source importante de trafic pour Québecair. L'autre consiste purement et simplement à la concurrence déloyale que livre Air Canada sur le marché de Fort Lauderdale à un transporteur régional, pour lequel tout ce qu'il essayait de faire était de rentabiliser ses services dans l'ensemble, en essayant de développer des activités rentables par du "charter" et du vol ABC. S'il y allait de la survie d'Air Canada, M. le Président, on pourrait comprendre une telle guerre des prix, mais ce n'est pas le cas ici, et je m'insurge d'autant plus qu'en définitive, ce sont les contribuables qui écopent de ces décisions d'Air Canada.

Pour conclure, M. le Président, il n'y a pas de doute que les investissements consentis dans Propair et Québecair représentent un aspect important de nos interventions dans le secteur aérien. Cependant, la constitution d'un réseau aéroportuaire adéquat, la défense des intérêts légitimes des Québécois face aux instances fédérales sont aussi d'une importance majeure, et je veux vous assurer, M. le Président, que j'y apporte également toute l'attention et toutes les énergies requises.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

Argumentation M. Pierre J. Paradis

M. Paradis: M. le Président, brièvement, le ministre des Transports a demandé au Conseil du trésor d'investir 15 000 000 $ dans la société Québecair. C'était un choix qu'il avait l'autorité d'effectuer, comme ministre, c'était une priorité qu'il a choisie. On connaît l'ensemble du circuit routier du Québec surtout en milieu rural et semi-rural, il faudrait peut-être qu'il vienne faire un tour dans nos comtés, pour s'apercevoir que là aussi il y a des priorités et, peut-être, après examen de notre circuit routier, se rendrait-il compte que les priorités sont peut-être moins à se garrocher dans les airs, pour utiliser une expression du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, que sur terre. Le député de Laporte a cité quatre motifs

qui ont présidé à cette décision du ministre des Transports d'investir 15 000 000 $ de l'argent des contribuables du Québec dans cette société aérienne qu'est Québecair. (11 heures)

La première raison était la consolidation financière de l'entreprise. Le ministre nous avoue bien candidement aujourd'hui - sans le citer au texte, je reprends l'essentiel de ce qu'il a dit - que cela ne va pas très bien, financièrement, à Québecair, que c'est un secret de polichinelle; il nous livre un paquet d'excuses et de raisons. Est-ce que le ministre est au courant que, sur les quatre transporteurs aériens régionaux au Canada, il y en a trois qui font des profits et un qui fait un déficit, soit Québecair? Il nous a donné des motifs -si vous voulez prendre note de la question, M. le ministre - de concurrence déloyale d'Air Canada sur les lignes à Fort Lauderdale, etc. Lorsque Québecair fait de la concurrence sur les lignes à Fort Lauderdale, comme contribuable au Québec, cela sort de mes poches, des poches des gens qui m'ont élu et des poches des gens qui vous ont élu, M. le ministre. Tantôt on entendait un chiffre de 100 $ de subvention par billet d'avion pour aller dans le Sud par Québecair.

Le ministre nous a donné une deuxième raison: amélioration des services aériens pour les populations régionales. Est-ce que, M. le ministre, ce service, depuis que vous avez investi ces 15 000 000 $ et à cause de ces 15 000 000 $, est réellement amélioré? C'est une question assez directe et je vous demanderais d'y répondre aussi directement, si possible.

Un point très important, le 3e article pour lequel le ministre a choisi d'investir 15 000 000 $ de l'argent des contribuables, c'était pour que les francophones du Québec occupent une place qui leur revient dans le domaine de l'aviation. Combien d'emplois ont été créés à la suite de l'investissement de ces 15 000 000 $, pour des francophones et pour des Québécois? Quelle est la place qu'occupe dans la direction de Québecair la défense de la francophonie ou du français? Est-ce que le ministre a pris connaissance d'un article paru dans la Presse du mercredi 4 novembre 1981 et qui se lit comme suit. Je cite au texte: "Pour la direction de Québecair, dont le gouvernement du Québec est un actionnaire important - on l'a vu - il semble bien que le français, langue officielle au Québec, demeure une vue de l'esprit, du moins en ce qui concerne l'utilisation de la langue de Molière dans ses opérations quotidiennes. En effet, selon les informations obtenues par la Presse et de différentes sources, soit syndicales ou par l'Association des gens de l'air, la direction a carrément refusé d'accepter les requêtes de cinq de ses pilotes en période de cours sur l'opération de Boeing 737, en anglais seulement; il y a un an le syndicat des pilotes, qui est aujourd'hui présidé par Robert Dufour, demandait à la direction de Québecair que les pilotes puissent suivre ces cours de simulation de vol en français. Cependant, il semble bien que la direction de Québecair ait oublié ou décidé de ne pas demander à la compagnie Nordair, qui donne ces cours, d'avoir un instructeur de langue française. C'est pour l'une ou l'autre de ces raisons que les cinq pilotes, en plus d'un superviseur de la compagnie, ont commencé à suivre des cours uniquement en anglais à compter de lundi de cette semaine. La période d'entraînement dure en moyenne un mois. Québecair aurait tout simplement omis d'adresser une demande à Nordair pour obtenir un instructeur pouvant s'exprimer en français. Si cette situation était excusable il y a un an, lorsque la première demande était adressée à la compagnie, elle ne l'est plus maintenant, estime un pilote qui désire garder l'anonymat afin d'éviter des représailles possibles. Ce dernier a même souligné à la Presse que Québecair n'avait pas encore fait traduire le manuel d'opération en français alors que la chose est déjà faite à Air Canada. Il semble bien évident que la compagnie Québecair ne tient absolument pas compte des dispositions de la loi 101 qui fait du français la langue officielle au Québec."

Sur ce point, les deux questions sont bien brèves. Combien d'emplois pour les francophones ont été créés suite à notre investissement collectif de 15 000 000 $? Au contraire, y a-t-il eu, comme le député de Laporte l'a mentionné, une perte d'emplois qui se chiffrerait aux alentours de 85? Est-ce que le ministre est au courant de la politique linguistique de Québecair, telle que rapportée dans le journal La Presse du mercredi 4 novembre?

Le quatrième point pour lequel le ministre a jugé prioritaire, suivant sa déclaration, d'investir 15 000 000 $ de notre argent à nous tous dans la compagnie Québecair, c'était pour rationaliser le transport aérien dans le Nord-Est de l'Amérique. Cela fait neuf mois, M. le ministre, que l'investissement est fait, au bout de neuf mois on serait dû pour un accouchement. Est-ce qu'il y a au moins signe de vie, est-ce qu'il y a au moins embryon que les motifs, qui semblent justifiés à première vue, qui vous ont poussé ou qui vous ont convaincu d'investir ces 15 000 000 $ ont abouti à quelque résultat que ce soit au bout de neuf mois, aussi précisément que cela, M. le ministre.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Michel Clair M. Clair: M. le Président, d'abord, je

pense que le député de Brome-Missisquoi, dans la toute première partie de sa question lorsqu'il compare les routes et le transport aérien, est injuste à l'égard des populations de la Basse-Côte-Nord, des Îles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie. On ne peut pas uniquement investir dans le domaine routier, avec le budget du gouvernement du Québec et du ministère des Transports. Quand on pense à la Basse-Côte-Nord et à la Moyenne-Côte-Nord, ces populations n'ont d'autre moyen de sortir de chez eux que l'avion et je suis convaincu que le député, dans sa question, ne voulait pas laisser entendre qu'on devrait négliger le transport aérien au profit exclusif du transport routier.

M. Paradis: Vous avez parfaitement raison.

M. Clair: Le député de Brome-Missisquoi dit: II y a trois transporteurs, trois autres transporteurs canadiens de second ou de premier niveau qui font des profits. M. le Président, on peut les prendre un par un. D'abord, Air Canada, transporteur national, la preuve est faite avec la conversion de dettes en capital-actions, avec des prêts à long terme à des taux d'intérêt réduits. Changez cela, remettez à Air Canada les dettes qu'elle avait en 1978 quand la conversion a eu lieu, mettez-les aux taux d'intérêt du marché auxquels Québecair est obligée de faire face, et le profit d'Air Canada vient de fondre; c'est un déficit qu'on retrouve à Air Canada.

CPR a annoncé des pertes de 20 000 000 $. On ne connaît pas les chiffres en ce qui concerne Wardair, mais puisque Wardair fait face, sur le Sud, à une concurrence aussi déloyale de la part d'Air Canada, on se doute fort quelle est la situation chez Wardair, même si on n'a pas d'indication précise, on sait qu'ils font face à des difficultés eux aussi.

Pacific Western Airlines fait des profits; un gouvernement conservateur a décidé, en 1974, devant l'indécision du gouvernement fédéral, son incapacité de rationaliser le transport aérien, de prendre le contrôle des compagnies aériennes de sa région. Il les contrôle à 100% et parce qu'il est capable justement d'infléchir le développement du transport aérien dans l'Ouest du Canada, Pacific Western Airlines fait des profits.

En ce qui concerne Nordair, qui a annoncé des profits de l'ordre de 2 600 000 $, à cause de sa proche parenté avec Air Canada, les échanges de services et, selon les informations que nous avons, certaines dispositions d'actif, c'est-à-dire des profits extraordinaires comme Québecair en avait fait l'année précédente sur certaines dispositions d'actifs, encore là, on peut voir fondre le profit de Nordair qui est, somme toute, assez minime.

En ce qui concerne Eastern Provincial Airways, j'avais tantôt les chiffres exacts de subventions qui ont été accordées à Eastern Provincial Airways; ce n'est pas 1 600 000 $, c'est plutôt 1 200 000 $, ce qui vient considérablement garnir les coffres d'une compagnie. D'autre part, le gouvernement de Terre-Neuve qui détenait lui aussi, qui était intervenu dans le passé lui aussi pour aider financièrement Eastern Provincial Airways a procédé à certaines radiations au cours des récentes années, ce qui contribue également à rentabiliser une compagnie sans compter que le développement des ressources maritimes, des ressources "offshore" dans les Maritimes a certainement contribué à améliorer la performance financière de ce transporteur aérien régional.

En ce qui concerne la participation du gouvernement du Québec dans la consolidation financière de Québecair - et j'ai toujours dit que l'investissement de 15 000 000 $ était un geste purement défensif, un geste qui visait à empêcher que le contrôle de ce transporteur aérien n'échappe complètement au Québec, que le Québec soit complètement absent, soit par des intérêts privés, soit par des intérêts publics - si le gouvernement du Québec n'était pas intervenu, avec une somme de 15 000 000 $, les difficultés réelles dont faisait part tantôt le député de Laporte en ce qui concerne, par exemple, le financement de Boeing 737 auraient été beaucoup plus graves qu'elles ne le sont présentement. Alors, je pense que si Québecair avait pu évoluer dans les mêmes conditions que celles d'autres transporteurs régionaux, l'investissement de 15 000 000 $ aurait pu suffire pour rentabiliser Québecair.

En ce qui concerne l'amélioration du service aux régions, comme je le disais tantôt, les difficultés économiques vécues par la Côte-Nord - on a parlé de l'aviation de fer, qui était la principale source de clientèle de Québecair et de Régionair - le déclin économique de cette région a nui considérablement à la rentabilité de Québecair et de Régionair. Cependant, ce que cela a permis de faire, l'investissement du gouvernement du Québec, cela a permis de poursuivre dans la décision qui avait été prise avant l'investissement des 15 000 000 $ du mois de juillet dernier, cela a permis de poursuivre l'amélioration des équipements disponibles, puisque, maintenant, il y a quatre Hawker Siddeley 748 qui ont été complètement remis à neuf, "retapés", comme on dit, et qui sont maintenant en service. Il y a eu des difficultés de départ parce que, effectivement, il y a eu des difficultés en ce qui concerne la certification des appareils, les pilotes, la mise en marche des horaires,

mais, au moment où on se parle, en termes d'équipement, la situation s'est considérablement améliorée.

En ce qui concerne Fort Lauderdale et Toronto, le député de Brome-Missisquoi... C'est une opinion qui est assez répandue, notamment sur la Basse-Côte-Nord, où on met en parallèle des tarifs sur la Floride avec des tarifs de Blanc-Sablon et de Sept-Îles vers Québec et Montréal. Quand je disais que Québecair fait face à une concurrence déloyale de la part d'Air Canada, je m'explique un peu là-dessus. Surtout avec les difficultés économiques de l'Est et du Nord québécois, c'est évident que le réseau Québecair est très difficile à rentabiliser avec à peu près n'importe quel type d'appareil que ce soit. Avant même que nous intervenions dans Québecair, cette compagnie, afin d'essayer de développer un marché lucratif, a commencé l'année dernière à offrir un service de vols nolisés, de vols ABC, sur Fort Lauderdale, même à partir de Québec, ce qui était une première; Québecair était la seule compagnie à desservir la région de Québec à partir de l'aéroport de l'Ancienne-Lorette vers Fort Lauderdale.

La preuve que Québecair avait raison et qu'il était possible de développer des opérations rentables - je n'ai pas le chiffre exact, mais on pourrait certainement le trouver - Québecair, l'an dernier, a réalisé 1 000 000 $ à peu près de profits sur les vols ABC nolisés vers le Sud et espérait, avec ces profits, être capable de continuer justement à maintenir, à améliorer ses services sur le réseau. Or, que s'est-il produit depuis ce temps? Air Canada qui effectivement a des moyens très puissants, avec l'appui du gouvernement fédéral au niveau des ententes bilatérales pour desservir telle ou telle région du monde, a décidé de s'engager dans une lutte de concurrence très vive avec Québecair et Wardair. Le ministre des Transports de l'Ontario m'a souligné en privé, a souligné en public que la politique pratiquée par Air Canada vers le Sud à partir de Toronto et de Montréal vise exclusivement, à toutes fins utiles, à faire perdre de l'argent à Québecair et à Wardair.

Si quelqu'un ne voit pas cela, quelqu'un est aveugle, parce qu'il aurait été possible de garder une place pour les transporteurs régionaux. Est-ce que cela devrait se faire seulement les fins de semaine, comme le suggérait le député de Laporte? C'est certainement quelque chose à regarder. Est-il possible d'avoir un ou deux appareils qui rentabilisent les opérations par des activités de vols nolisés vers le Sud? C'est certainement à regarder puisque Québecair a fait la preuve l'année dernière que cela pouvait être intéressant.

Quand le ministre fédéral des Transports dépose une politique de transport aérien pour l'ensemble du Canada, il prend bien soin de ne pas parler de cette question. Il parle des vols à l'intérieur du Canada, mais il prend bien soin de ne pas parler des vols nolisés. Il n'y a pas le moindre élément de politique en transport aérien pour les vols nolisés afin justement de laisser le champ libre à Air Canada pour essayer de faire culbuter Québecair et Wardair. (11 h 15)

En ce qui concerne la place faite aux francophones dans l'aérien, c'est vrai qu'actuellement Québecair a dû procéder à des mises à pied, mais, M. le Président, il faut bien comprendre le contexte dans lequel on évolue présentement. J'espère que cela ne tombe pas dans les oreilles du député de Brome-Missisquoi comme des chiffres sans signification, que l'ensemble des transporteurs aériens, l'année dernière, dans le monde entier, ont perdu 2 000 000 000 $. Ce matin, si vous lisez le journal, alors que Swissair, une des rares compagnies à annoncer des profits - il y en a à peu près une dizaine dans le monde entier - on annonce déjà que, pour 1982, les pertes seront de l'ordre de 3 000 000 000 $. Laker Air Services, M. le Président, a fait faillite; PAN AM a vendu son siège social pour être capable de continuer à voler. CP Air fait 200 mises à pied par 20 000 000 $ et on pense qu'on pourrait, avec les circonstances dans lesquelles le gouvernement fédéral force Québecair à fonctionner, dégager des profits! Il faut être irresponsable pour penser cela. Quand on voit l'attitude du gouvernement fédéral à l'égard du dossier Québecair-Nordair, ses retards à prendre des décisions en ce qui concerne la fusion de Québecair et Nordair, M. le Président, je pense qu'on comprendra aisément que ce ne soit pas facile actuellement pour les actionnaires et pour la direction de Québecair.

En ce qui concerne la place aux francophones, si on regarde le portrait, je pourrais citer des chiffres en détail, mais c'est tellement de commune renommée, qu'avons-nous besoin de démontrer que, chez Nordair, malgré des efforts qui ont été faits, et je les reconnais, par M. Lizotte pour essayer d'améliorer la place des francophones, malgré de petits efforts aussi qui ont été faits chez Air Canada, la seule, l'unique compagnie aérienne qui ait fait une très large place aux francophones dans le transport aérien - c'est un fait qui ne se contredit pas, qui est de commune renommée, connu quasiment du monde entier - cela a toujours été Québecair.

Le député de Brome-Missisquoi pourra bien essayer de monter en épingle tel ou tel document qui n'a pas encore été transmis, qui n'a pas encore été traduit, essayer de monter en épingle que, pour un pilote ou quatre ou cinq pilotes francophones, Québecair n'a pas pu offrir un service en

français, mais il y a des questions de coût qui sont rattachées à cela et on ne peut pas en même temps demander à Québecair, qui est à 96% francophone...

M. Paradis: Si les millions servaient à celai

M. Clair: ... qui est la compagnie qui a la meilleure performance sur ce point en plus, dans des contraintes économiques difficiles, d'atteindre les 100%; 9,6 sur 10, c'est mieux que 1,5 et 0,5 sur 10, M. le Président. Je pense qu'à ce point de vue on aurait eu tout à perdre pour les francophones de laisser Québecair passer dans le giron d'Air Canada.

M. le Président, le dernier point en ce qui concerne la rationalisation du transport aérien, c'est le seul point sur lequel je suis d'accord avec mon homologue fédéral, et cela fait des années qu'on est d'accord, sur le fait qu'il faut, dans le Centre et dans l'Est du Canada, procéder à une rationalisation des lignes aériennes, faire des économies d'échelle en ce qui concerne l'entretien, le type d'équipement à mettre en oeuvre, mais c'est, je pense, le 6 novembre 1978 que le gouvernement fédéral prenait l'engagement de revendre dans les douze mois Nordair à des intérêts privés afin de procéder à la rationalisation du transport aérien dans le Centre et l'Est du Canada.

Jusqu'au 21 juillet 1981, cette parole a été trahie; elle n'a pas été tenue. Le fédéral a reçu toutes sortes de propositions en ce qui concerne la fusion Québecair-Nordair et il s'est démenti constamment. Vous pourrez relire les journaux de l'époque. Qu'est-ce qui a amené Provost, de Provost Corporation, Hamel, la Société d'investissements Desjardins à investir dans Québecair? c'est parce qu'ils avaient pris la parole du fédéral disant que ce serait possible de fusionner Québecair et Nordair. Jusqu'au 21 juillet 1981, le fédéral a renié sa parole et non seulement il a renié sa parole, non seulement il ne remettait pas Nordair à des intérêts privés, mais il accaparait Québecair, à 100%, ce qui était exactement le contraire de ce qu'ils avaient promis de faire. Là, maintenant, le député de Brome-Missisquoi et le député de Laporte vont venir essayer de faire croire à l'opinion publique que si la fusion Québecair-Nordair n'a pas eu lieu, comme Jean-Luc Pepin essaie de le laisser croire, c'est parce qu'on a investi 15 000 000 $. M. le Président, il y a une différence entre une fusion justement négociée, équitablement réalisée entre des intérêts ontariens et québécois et l'imposition, la nationalisation de Québecair, parce que c'était de ça qu'il s'agissait, le gouvernement fédéral voulait nationaliser Québecair. Je pense que, là-dessus, on croit davantage que le fédéral à la rationalisation du transport aérien dans l'Est du Canada. C'est la raison pour laquelle, malgré les déclarations ambiguës que M. Pepin a faites à l'occasion du départ de M. Lizotte de la direction de Nordair, en dépit des déclarations ambiguës qui ont semé l'émoi, tant en Ontario qu'au Québec, chez ceux-là qui croient encore à la rationalisation du transport aérien dans l'Est et le Centre du Canada, en dépit de ça, on continue à essayer de travailler activement, au moment où on se parle, à la rationalisation du transport aérien dans l'Est du Canada et dans le Centre du Canada.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, vous me permettrez, dans un premier temps, de relever certaines des affirmations du ministre. On ne peut quand même pas tout laisser passer comme ça, surtout que le ministre a pris 40 minutes pour nous sortir sa salade et qu'il est très frustrant d'entendre des allégations qu'on ne peut pas réfuter parce qu'on ne veut pas interrompre le conférencier. Pour ce qui est de Nordair, une société québécoise, contrairement à ce que dit le ministre, dont le siège social est à Montréal, dont le conseil d'administration est francophone, comme dit le ministre on veut qu'elle reste ici...

M. Clair: On veut qu'elle reste.

M. Bourbeau: Le ministre sait fort bien que, dans le projet de fusion, Nordair a offert d'acheter Québecair. Un des actionnaires actuels de Nordair, c'est la Société d'investissement Desjardins; le ministre oublie de le dire. La Société d'investissement Desjardins était la société qui mettait l'argent dans Nordair pour acheter Québecair, de sorte que la Société d'investissement Desjardins aurait augmenté à 30% son investissement dans Nordair. Première question, le ministre n'a pas parlé de ça, tout à l'heure. Il ne parle que du gouvernement du Canada...

M. Clair: Je peux y répondre tout de suite, M. le Président.

M. Bourbeau: ... et d'Air Canada. Maintenant... Non, il n'en n'est pas question, vous avez parlé...

M. Clair: Vous avez peur des réponses.

M. Bourbeau: Je ne suis pas pour vous donner un autre...

M. Clair: Vous ne la voulez pas la

réponse.

M. Bourbeau: M. le Président, vous comprendrez que, si je laisse la parole au ministre, il va parler encore 20 minutes et je ne parlerai pas avant qu'une heure arrive. Je connais le petit truc, on m'a avisé de prendre mon temps pour parler, parce que, sans cela, je n'aurai plus le droit de parole. D'ailleurs, ça fait 1 h 20 qu'on a commencé et j'ai eu à peine quinze minutes pour parler.

Alors, c'est évident que Nordair est une société québécoise. Quand on dit que Québecair serait passée en des mains étrangères, ça nous fait rire. D'autant plus, que le ministre...

M. Clair: ... M. le Président...

M. Bourbeau: ... le ministre sait fort bien, à part ça...

M. Clair: Question de règlement.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre.

M. Clair: Question de règlement, M. le Président, le mot "étrangères", je n'ai jamais utilisé ce mot-là.

M. Bourbeau: D'accord, M. le Président. Disons...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre n'a peut-être pas, dans ses textes, dit le mot "étrangères" mais on l'a vu dans des coupures de journaux. De toute façon, s'il ne l'a pas dit comme tel, textuellement, je prends sa parole. Alors là, le ministre sait fort bien que l'intention des parties - la SID, le Mouvement Desjardins, et Air Canada -était, après la fusion de Québecair et de Nordair, de faire une distribution des actions de la nouvelle société au public en général. Le ministre est au courant de ça, j'en suis convaincu.

Les actions de Nordair, de la nouvelle société, qui, incidemment, ne se serait probablement appelée ni Nordair ni Québecair, on avait en vue un nouveau nom, pour bien montrer que c'était une nouvelle société, les actions de cette nouvelle société auraient été, en partie, redistribuées au public en général, de sorte que tous les Québécois auraient pu, en plus du Mouvement Desjardins, faire l'acquisition d'intérêts dans la nouvelle société. C'est tout à fait différent de ce que tente de nous faire croire le ministre.

Maintenant, revenons à la situation actuelle des transporteurs aériens. Il est évident qu'il y a des problèmes dans le transport aérien. Il y a des sociétés internationales qui font des profits, il y en a d'autres qui font des pertes. Il ne faut quand même pas mélanger les pommes et les oranges. Quand le ministre vient parler des déficits du Canadien Pacifique et des profits d'un transporteur régional, il ne faut quand même pas mêler ça. Il y a des transporteurs nationaux, au Canada. Il y en a deux. Il y a Air Canada et il y a Canadien Pacifique. Ce sont des compagnies qui font des vols en Europe, à l'étranger et dans d'autres pays outre-mer, et qui ont également des vols à l'intérieur du Canada, sur des lignes importantes, sur de longues distances.

En second lieu, il y a des transporteurs qu'on appelle régionaux, il y en a quatre: dans l'Est, dans les Maritimes, Eastern Provincial Airways; au Québec, il y a Québecair; encore au Québec, il y a Nordair qui dessert également l'Ontario, et finalement, dans l'Ouest canadien, il y a Pacific Western.

Ensuite, de troisième niveau, il y a les transporteurs locaux, des petits transporteurs qui oeuvrent un peu partour à travers les régions. Il y également des sociétés qui font du charter ou de l'affrètement et le ministre parlait tout à l'heure de Wardair qui a des problèmes. Ce qu'il faut dire, c'est que, dans le domaine de l'affrètement, dans le domaine du charter, il y a de sérieux problèmes pour tous ceux qui en font parce que, actuellement, les transporteurs transportent les touristes à des coûts nettement inférieurs aux coûts des transporteurs. C'est pour ça que Lakers Airways a des problèmes, comme le disait le ministre, tout à l'heure; c'est pour ça que Wardair a des problèmes et c'est pour ça que Québecair a des problèmes parce que Québecair fait du charter en bas de son prix coûtant.

Je maintiens mon affirmation que ça coûte 100 $ aller-retour, au Québec, à chaque fois qu'un touriste prend Québecair pour se rendre en Floride, de telle sorte que les 15 000 000 $ du gouvernement servent en grande partie à subventionner les Québécois qui s'en vont en Floride à raison de 100 $ du voyage. Évidemment, les charters ne font pas d'argent. Ce qu'on doit dire, c'est qu'il y a une façon de faire de l'argent avec le charter et c'est ce que font Air Canada, Delta Airlines, Eastern et les grosses compagnies. Sur leur vol régulier, où ils vendent des billets au prix normal, quand il y a des places libres, ils prennent un certain nombre de sièges, 10% ou 15%, et ils les mettent en vente comme charters à des taux, évidemment, très compétitifs, des taux qui souvent sont en bas de leur coût normal, mais qui font que, pour eux, c'est un profit additionnel que, de toute façon, ils n'auraient pas si ces sièges étaient vides. Cela est une façon intelligente de faire du charter et

c'est ce que font les grands transporteurs internationaux.

Or, si Québecair utilisait ses Boeing 737 à des moments où elle n'en a pas besoin, comme pendant les fins de semaine, par exemple, alors qu'ils ne sont pas utilisés, ce serait différent. Mais, faire du charter à tous les jours, c'est un suicide parce que ça coûte 100 $ de plus que chaque billet qu'on vend. C'est là qu'est le problème. Quand le ministre dit qu'Air Canada fait une concurrence, Air Canada ne fait que remplir ses vols réguliers avec des billets charter, c'est la politique, alors que Québecair utilise ses avions à temps plein sur le charter. D'ailleurs, Wardair fait la même chose et c'est la raison pour laquelle elle a des problèmes. La solution est d'augmenter les tarifs des charters.

Maintenant, M. le Président, si vous voulez, nous allons passer à un problème important, je pense, le problème de l'achat de Québecair, par le gouvernement, en juillet 1981. En juillet 1981, le gouvernement décide d'investir 15 000 000 $ dans Québecair.

M. Clair: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre des Transports.

M. Clair: Le député de Laporte a la même formation que moi et les documents qui ont été rendus publics sont suffisants pour démontrer que le gouvernement du Québec n'a pas acheté Québecair.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, si vous restez avec nous jusqu'à la fin du débat, vous comprendrez que le gouvernement du Québec a bien acheté Québecair.

Alors, M. le Président, le gouvernement du Québec investit 15 000 000 $ dans Québecair en juillet 1981. Que s'est-il passé? Normalement, on penserait que 15 000 000 $ se sont retrouvés dans le fonds de roulement de la compagnie. Or, ce n'est pas exact. Le gouvernement du Québec a remis, payé, aux actionnaires de Québecair, soit à M. Alfred Hamel, Expeditex, SID et la Corporation Provost qui sont les actionnaires, une somme de 4 500 000 $ pour les rembourser du coût de leurs actions privilégiées. Alors qu'est-il resté? Dans Québecair, il est resté la différence, c'est-à-dire 15 000 000 $ moins 4 500 000 $, soit 10 500 000 $, dans le fonds de roulement de la compagnie.

Maintenant, il y a également quelque chose d'autre qui s'est passé. Tout à l'heure, le ministre a dit, je pense, que le gouvernement a garanti le paiement des Boeing 737. N'y a-t-il pas eu une garantie de donnée? Est-ce que le ministre n'a pas garanti la dette des Boeing 737? Pas du tout. Enfin, on pourra vérifier, je pense que le ministre devrait peut-être se renseigner un peu.

M. Clair: Non, M. le Président.

M. Bourbeau: Pardon. Il n'y a aucune garantie donnée par le gouvernement du Québec sur les Boeing. Est-ce que le gouvernement entend garantir les Boeing 737 quand ils vont être livrés? Pas du tout. Le ministre nous fait signe que non, nous prenons sa parole. (11 h 30)

Au moment de l'achat, de l'investissement de 15 000 000 $ dans Québecair, le gouvernement a également fait un cadeau de 300 000 $ au président de Québecair, M. Alfred Hamel. La raison invoquée pour ce cadeau de 300 000 $ qui n'a jamais été déclaré par quiconque, c'est qu'on se serait assuré, et je parle de mémoire, que M. Hamel demeure. On voulait être sûr qu'il demeure dans la société, qu'il garde une position majoritaire, de façon à pouvoir éventuellement négocier certains prêts de la compagnie. Or, si on regarde les bilans de Québecair, on se rend compte que la plupart des emprunts de Québecair sont des prêts à long terme; par exemple, les débentures qui existent depuis que M. Hamel a acheté, depuis 1979, avec Imperial Trust, par exemple, parce que c'est un des prêts qu'on parle de renégocier; eh bien il s'agit d'un prêt qui, selon le bilan même de la compagnie...

M. Clair: M. le Président, à ce stade-ci je voudrais publiquement mettre le député en garde. Il s'aventure sur un terrain qui est très dangereux. Je constate par les propos qu'il tient qu'il a entre les mains la convention entre actionnaires qui est intervenue en juillet dernier; cette convention qui est intervenue entre actionnaires privés et le gouvernement, le ministre des Transports comme actionnaire, contient effectivement des dispositions...

M. Bourbeau: Une question de règlement, M. le Président.

M. Clair: M. le Président.

M. Bourbeau: Une question de règlement. Je dois m'opposer à ce que dit le ministre. Le ministre affirme que j'ai en main une convention privée. Le ministre n'a aucune preuve et je le mets au défi de prouver que j'ai en main la convention. Si le ministre ne peut pas le prouver, tout le reste de son argumentation ne vaut absolument rien.

M. Clair: Alors, M. le Président, je ne peux pas le prouver. Je dis simplement que les renseignements qu'il possède sûrement, puisqu'il s'aventure sur des questions d'intérêts purement privés entre une personne qui, un jour, a pris le contrôle de Québecair, à certaines conditions, qui aujourd'hui a toujours le contrôle de Québecair, qui a contracté des obligations à l'égard de 1848 Inc. M. le Président, tout ce que je dis, c'est que le député de Laporte risque par ses propos de nuire à des intérêts purement privés et, s'il veut le faire, qu'il en assume pleinement la responsabilité.

M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Sur la question de règlement. Le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Nous prenons bonne note des propos du ministre des Transports et de sa mise en garde. Il s'agit quand même, et le ministre sera d'accord avec le député de Brome-Missisquoi là-dessus, de fonds publics de 15 000 000 $. Ce que le député de Laporte est en train de faire présentement c'est de donner la ventilation, devant les membres de l'Assemblée nationale du Québec, des 15 000 000 $ une fois qu'ils ont quitté le trésor québécois. On a vu, à la suite des révélations qu'il nous a faites, qu'il y avait 4 000 000 $ qui ne s'étaient pas retrouvés dans le fonds de roulement de Québecair. Il nous parle présentement de 300 000 $ qui n'étaient pas là. Il s'agit de fonds publics, M. le ministre, qui ont été dépensés. Si vous les avez bien dépensés au profit de la collectivité québécoise, il n'y a rien qui puisse mettre en péril l'entreprise privée. Il y a peut-être là quelque chose qui peut mettre en péril, par la façon de dépenser, le gouvernement du Québec, par exemple.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, sur la question de règlement le député de Laporte, là où il était rendu, il n'était pas sur les investissements du gouvernement du Québec, mais sur des relations d'affaires, une convention, des prêts qui ont été consentis avant même que le gouvernement du Québec intervienne dans Québecair, et ça fait appel à des relations qui concernent soit M. Hamel personnellement ou Expeditex Inc. Comme je le dis, M. le Président sur des questions comme: Où sont allés les 15 000 000 $? je n'ai aucune difficulté à répondre. Mais, si le député veut aller dans les affaires privées de Québecair, d'Alfred Hamel ou d'Expéditex Inc., c'est sa liberté de parlementaire de profiter de l'immunité parlementaire dont il dispose pour nuire à des gens.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je peux dire au ministre des Transports que je ne suis pas particulièrement impressionné par les menaces qu'il me fait; quand même je suis prêt à dire ceci: J'affirme de mon siège de député...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, j'aimerais à ce stade-ci que vous preniez conscience de ce que vous dites ici à l'Assemblée nationale.

M. Bourbeau: Je vous soumets respectueusement, M. le Président, qu'à mon âge, j'ai conscience de ce que je dis.

J'affirme, de mon siège de député, pour faire plaisir au ministre, que je n'ai pas en main la convention en question et que je ne l'ai jamais vue. J'espère que le ministre va être satisfait de ma parole.

M. Clair: C'est sa parole.

M. Bourbeau: M. le Président, au moment où le ministre m'a interrompu d'une façon importune tout à l'heure, j'étais non pas en train de parler de la convention et d'exhiber la convention, mais d'exhiber les bilans les états financiers de Québecair. Je pense que c'est un document qui a largement circulé dans la population, étant donné qu'il y a environ 130 actionnaires dans la compagnie. Le ministre me fera confiance que, sur les 130, j'en connaissais peut-être un ou deux, et pas parmi les plus gros, mais plutôt parmi les plus petits. Le ministre sait qu'il y a 125 petits actionnaires au Québec, dont le ministre ne s'est pas du tout préoccupé lorsqu'il a décidé d'investir ou d'acheter les actions de Québecair.

Les bilans de Québecair nous montrent quel est l'état de la dette à long terme de Québécair. Quand on regarde non pas la convention, comme s'en plaignait le ministre, mais les bilans de Québecair, on se rend compte que les dettes de Québecair sont à long terme. Le premier emprunt, la fameuse débenture due en 1990, les taux d'intérêt sont de 6%, 7% et 8% sur quinze ans. Ce n'est certainement pas ce prêt que vous avez demandé à M. Alfred Hamel de vous renégocier et ce n'est certainement pour cela que vous lui avez payé 300 000 $. Il y a un autre prêt de 2 239 000 $ échéant en 1990. Je ne pense pas qu'on va renégocier un prêt comme celui-là au taux d'aujourd'hui alors qu'on a un prêt jusqu'en 1990.

Un autre prêt de 6 238 000 $ est remboursable également en 1990. Un autre de 6 046 000 $ au taux LIBOR plus 1%, est

remboursable en vingt versements semi-annuels, un autre à dix ans. Il y en a comme cela...

M. Clair: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Oui.

M. Clair: Est-ce que le député accepterait la responsabilité qu'éventuellement ces prêts dont bénéficie présentement Québecair ne puissent continuer à être à l'avantage de Québecair de par sa propre responsabilité?

M. Bourbeau: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Le ministre n'arrête pas de m'interrompre, je sais qu'il n'aime pas ce que je suis en train de lui dire, mais je dis que l'ensemble du financement de Québécair est présentement un financement à long terme...

M. Clair: On veut continuer à s'assurer qu'elle le garde.

M. Bourbeau: En conséquence, on ne voit pas pourquoi on avait besoin des services de M. Alfred Hamel, pourquoi on avait besoin de lui payer 300 000 $ en prime, le 1er juillet dernier, pour aller renégocier des prêts. Étant président de la compagnie, c'est justement son travail de voir à renégocier les prêts de la compagnie et d'administrer la compagnie. Au surplus, le gouvernement peut, beaucoup plus que n'importe quel individu, négocier des prêts. Je prétends, j'affirme que ce montant de 300 000 $ qui a été payé à M. Alfred Hamel, en cadeau, lors de la prise de contrôle ou lors de l'achat par le gouvernement des actions privilégiées, n'était vraiment pas une somme d'argent versée a M. Hamel dans le but de renégocier des prêts.

Qu'est-ce qui s'est passé à ce moment-là? M. le ministre nous a fait état tout à l'heure de l'investissement du gouvernement dans Propair, qui est maintenant une filiale de Québecair, Québecair détenant 50% des actions de Propair. Propair est le résultat d'une fusion, comme le ministre l'a dit, entre Air Fecteau et La Sarre Air Service. Or, Air Fecteau était une filiale de Québecair qui devait à Québecair tout près de 3 000 000 $ sur un billet promissoire. C'était une filiale qui n'avait réellement aucune valeur puisqu'elle faisait des pertes. La dernière année d'opération d'Air Fecteau, il y avait des pertes d'opération et le bilan de la compagnie était déficitaire, forcément, puisqu'elle devait tout près de 3 000 000 $ à sa compagnie mère, Québecair. Qu'est-ce qu'a fait le gouvernement? Il a injecté au-delà de 3 000 000 $ dans Propair pour lui permettre de rembourser la dette de 2 850 000 $ à Québecair, alors que la compagnie ne valait rien, à toutes fins utiles. Le gouvernement a donc payé 3 000 000 $ trop cher pour ce qui ne valait à peu près rien, uniquement pour permettre à la compagnie de renflouer Québecair de 3 000 000 $. Je pense que c'est clair, on se comprend. Si le ministre s'imagine que j'ai encore fouillé dans des documents ultra-confidentiels, il n'a qu'à regarder les états financiers de la compagnie, c'est indiqué. Je peux le lire au ministre, s'il le veut. On va sortir les bilans. On va prendre le temps de prouver ce qu'on avance.

Les notes au bilan de l'année 1979 que j'ai devant moi disent ceci: Dans le cadre de la fusion des compagnies aériennes de troisième niveau dans le Nord-Ouest québécois, la compagnie Québecair a signé un protocole d'entente relativement à la vente de son placement dans Air Fecteau pour une somme de 150 000 $. Il ne faut pas oublier aussi qu'il y a eu 150 000 $ pour les actions, donc 150 000 $, plus 2 850 000 $, cela fait 3 000 000 $ et l'acquisition de 750 000 $ de 50% du capital-actions d'une compagnie à être formée, Propair.

Alors, on dit ceci: La transaction, lorsque complétée, permettra à la compagnie Québecair d'obtenir le remboursement de l'avance due par Air Fecteau de 2 850 000 $ et de réduire le déficit consolidé. C'est une condition, pour la transaction, que la compagnie Québecair soit remboursée de ses 2 850 000 $; ce sont les bilans de l'année 1979. Or, en 1980 - si on regarde le bilan de 1980 - on se rend compte qu'effectivement cela s'est passé ainsi. On dit ceci: Le contrat de vente de ces actions stipule...

M. Clair: Et après?

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bourbeau: Après, donc le ministre vient de confirmer que c'est exact, j'en suis heureux. Cela confirme une chose, c'est que, lorsqu'on dit que le gouvernement a investi 15 000 000 $ dans Québecair, ce n'est plus vrai. À ce jour, le gouvernement a investi 18 000 000 $ parce que le prix qu'il a payé pour Air Fecteau c'était 3 000 000 $ alors que cela valait zéro; le seul but c'était de rembourser Québecair de ses 3 000 000 $.

Maintenant, la convention dont le ministre faisait état tout à l'heure stipule également - bien que je n'en aie pas copie, je l'ai dit au ministre - qu'en juillet 1983 le gouvernement s'était engagé à payer aux actionnaires de Québecair une autre somme de 3 000 000 $. Évidemment, comme on n'a

pas les chiffres précis, on marche par déduction; le ministre ne veut pas donner les chiffres, il prétend que c'est une société privée. Mais, selon les informations qu'on a pu glaner ici et là, il semble que c'est un peu plus de 3 000 000 $ que le gouvernement s'est engagé à payer encore aux actionnaires de Québecair vers le fin de juillet 1983, peut-être le 1er août 1983. Ce qui veut dire qu'effectivement le gouvernement aura payé, en juillet 1983, aux actionnaires 4 500 000 $ l'an dernier, 3 100 000 $ l'an prochain, plus 300 000 $ à M. Alfred Hamel, ce qui fait grosso modo pas tellement loin de 8 000 000 $.

Or, ces actions-là, toujours selon nos renseignements, ont été payées 4 900 000 $, en 1979, par M. Alfred Hamel. Il les a achetées de la famille Webster; il en a revendu une partie à ses associés le Mouvement Desjardins et la corporation Provost. Finalement, le gouvernement du Québec est intervenu l'été dernier pour racheter le tout - en partie l'été dernier, et on terminera l'achat l'été prochain - et il va payer grosso modo 7 800 000 $, 7 900 000 $, cela dépend si on inclut ou non le cadeau. Cela veut dire que sur une période de deux ans les actions de Québecair auront rapporté un profit de 2 500 000 $ aux actionnaires en général. Moi, je n'ai rien contre les profits, au contraire, mais ce que je me dis, ce que les Québécois vont se dire quand ils vont apprendre cela, c'est: Est-ce qu'il est raisonnable qu'une société qui fait des pertes continuellement depuis trois ans, qui montre continuellement des pertes dans ses opérations... Là on pourra dire qu'il n'y a peut-être pas eu des pertes l'an dernier. On viendra au bilan de 1980, je vous prouverai qu'il y a eu des pertes l'an dernier aussi. Alors, c'est une société qui fait des pertes continuellement. Est-ce raisonnable que le gouvernement ait accepté de payer un profit sur les actions? Non seulement le gouvernement a remboursé en totalité les actionnaires, mais en plus de cela il leur a payé un profit et des cadeaux.

Il y a dans Québecair des petits actionnaires, il y en a 125, des gens qui sont actionnaires de Québecair depuis les débuts de la compagnie en 1945, 1946, 1947, des petits investisseurs québécois qui ont mis de l'argent au tout début de la compagnie, et qui ont en tout environ 7% du capital-actions. Ces actionnaires n'ont jamais touché au cours des années un seul cent de dividende sur leur investissement. Quand Nordair avait fait une offre, elle avait offert équitablement de payer le même prix aux petits actionnaires qu'aux gros. Or, je voudrais savoir du ministre si également il a fait une offre pour acheter les actions des petits actionnaires de Québecair à 2,25 $...

M. Clair: ... savoir...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bourbeau: ... comme les autres. On voudrait savoir si le ministre va s'occuper des petits actionnaires de Québecair et non pas faire comme ils ont fait dans l'amiante ou ailleurs, laisser les petits pour ne s'occuper que des gros. (11 h 45)

En général, M. le Président, c'est à peu près ce qui s'est passé l'été dernier. J'aimerais que le ministre nous confirme l'essentiel de ce que je viens de dire, étant donné que c'est lui qui détient les secrets de la compagnie, étant donné, comme il le dit si bien, que c'est une compagnie privée et que, pour nous, de l'Opposition, il est très difficile d'avoir des renseignements sur Québecair.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, d'abord, sur la question des vols vers le Sud, encore une fois, le député de Laporte dit: Les grands transporteurs font du nolisé la fin de semaine seulement. Je voudrais juste prendre un exemple: Québec-Fort-Lauderdale, un marché qui a été développé exclusivement, à l'origine, par Québecair qui, au début, l'a desservi seulement les fins de semaine et qui a développé un marché rentable. Alors que, jusqu'à cette année, Air Canada ne desservait pas Fort Lauderdale à partir de Québec; elle le dessert maintenant tous les jours avec un DC 9.

M. le Président, si ce n'était pas une stratégie pour essayer de nuire, qu'est-ce que cela pouvait bien faire à Air Canada que Québecair essaie de développer un marché rentable pour lui permettre de faire des profits entre Québec et Fort Lauderdale où elle a eu un taux d'occupation qui frisait les 90% l'année dernière, où encore cette année le taux d'occupation est d'à peu près 84%, si ma mémoire est bonne? Voulez-vous bien m'expliquer la raison pour laquelle Air Canada est venue, avec la puissance financière qu'on lui connaît, desservir Fort Lauderdale à partir de Québec alors que Québecair était capable de le faire et aurait pu le faire d'une façon rentable?

M. le Président, c'est vrai que c'est plus rentable de faire du nolisement seulement la fin de semaine avec des types d'appareils. C'est vrai qu'Air Canada peut, à cause de son nombre d'appareils et de ses nombreuses lignes - c'est très bien qu'elle le fasse ainsi - assurer une meilleure rentabilité de leurs opérations en faisant du nolisé, de l'ABC, en ajoutant toutes sortes de programmes pour essayer de rentabiliser. Je

n'ai aucune objection à cela. On ne vise pas à faire en sorte qu'Air Canada soit une compagnie qui ne soit pas profitable. On n'a pas intérêt à cela comme Québécois, aucunement. Cependant, il me semble qu'il n'y a pas juste Air Canada qui a le droit de vivre. Que ce soit au niveau de la politique aérienne du gouvernement central, que ce soit au niveau des décisions de concurrence prises par Air Canada, tout nous porte à conclure que, dans l'opinion du gouvernement fédéral, du ministère fédéral des Transports, le droit de vivre et de faire des profits, c'est bon pour Air Canada, mais ce n'est pas bon pour les autres.

M. le Président, c'est un fait indéniable que Québecair avait développé seule son marché de Fort Lauderdale à partir de Québec et qu'Air Canada est venue s'installer pour essayer de lui faire une concurrence très vive.

M. le Président, on peut ajouter également que Québecair actuellement demande une ligne régulière sur Fort Lauderdale pour faire la même chose qu'Air Canada, mais cela n'a pas été dans les ententes bilatérales qui sont négociées par le gouvernement fédéral. Cela n'a pas été retenu jusqu'à maintenant.

M. le Président, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre la position du député de Laporte dans la transaction qui a eu lieu en juillet dernier. Je dis et j'affirme de mon siège que les offres que nous avons faites aux actionnaires de Québecair étaient basées sur le modèle même des offres qui étaient faites par Air Canada pour la même compagnie, pour les mêmes actionnaires. Je dirai même plus, l'offre que nous avons faite est moins avantageuse pour les actionnaires de Québecair que celle qui était faite par Air Canada. Je vais déposer un télégramme en date du 20 juillet 1981, qui avait été adressé, par hasard ou par volonté - on ne le saura jamais - par Jean Douville, aujourd'hui président-directeur général de Nordair à l'honorable Bernard Landry, comme s'il avait été actionnaire de Québecair. Je le lis, c'est une copie qui était adressée à M. Landry. "Pour faire suite à l'offre de Nordair d'acheter Québecair que vous avez reçue et pour répondre aux demandes additionnelles que vous avez formulées, je désire vous informer comme suit: "a) le prix pour les actions ordinaires que vous détenez sera de 2,25 $ par action, tel qu'offert aux autres actionnaires; le prix par action privilégiée sera de 100 $ par action."

Si le député de Laporte affirme qu'on a payé trop cher, comment se fait-il que, l'automne dernier, lui et le chef de son parti ont déclaré que cette offre de Nordair était parfaitement acceptable, qu'elle était correcte dans les circonstances, que c'était équitable et je ne sais trop quel autre terme a pu être employé très exactement? Comment se fait-il que, quand Air Canada et Nordair font une offre aux actionnaires de Québecair, que le gouvernement du Québec fait une offre identique mais moins avantageuse, le député de Laporte vire sur un "dix-cents", change d'opinion et que ce qui était bon pour Air Canada et Nordair n'est pas bon pour le gouvernement du Québec quand il ne peut pas nier que les intérêts québécois étaient en cause dans cette affaire? "Le prix pour les actions ordinaires que vous détenez sera de 2,25 $ par action, tel qu'offert aux autres actionnaires; le prix par action privilégiée sera de 100 $ par action." M. le Président, je l'ai déjà dit, nous avons procédé au moment de cet investissement au rachat des actions privilégiées aux mêmes conditions que celles qui étaient offertes par Air Canada-Nordair.

En ce qui concerne le prix des actions ordinaires, nous n'en avons racheté aucune; nous avons cependant pris des engagements à terme en ce sens que, lorsqu'une période de temps déterminée se sera écoulée, la compagnie 1848 Inc., une fois les actions privilégiées converties, pourra racheter au moins deux ans plus tard ces actions au même prix. En valeur actualisée. Alors que les actionnaires auraient pu bénéficier de 2,25 $ l'action sur le champ, au mois de juillet 1981, ils ont accepté de laisser leurs actions dans Québecair pour une période déterminée, étant à peu près convaincus qu'il n'y avait que peu de chance que, dans un aussi court délai avec l'indécision du gouvernement fédéral, on parvienne à payer des dividendes sur les actions. Ils ont accepté de laisser leur investissement en actions ordinaires dans Québecair, ce qui fait que l'offre que nous leur avons faite était moins avantageuse, puisqu'ils avaient le choix entre 2,25 $ pour les actions ordinaires tout de suite et 2,25 $ dans au moins deux ans pour une période de temps déterminée que tout le monde s'était donnée, les actionnaires de Québecair et le gouvernement, pour essayer d'en venir à une entente avec le gouvernement fédéral quant à la fusion de Nordair.

M. le Président, si on actualise 2,25 $ en 1983, cela fait à peu près 1,70 $ l'action. Comment le député de Laporte peut-il dire en même temps que l'offre d'Air Canada-Nordair était raisonnable - cela a été rapporté dans les journaux - comme il l'a laissé entendre dans ses questions tantôt, et trouver à redire sur la transaction qui a été faite l'été dernier pour sauver le dernier transporteur aérien québécois de la mainmise du gouvernement fédéral? Pendant que le député de Laporte cherche à prendre conseil, parce que ce que je lui dis le désarçonne...

M. Bourbeau: Cela va très bien.

M. Clair: ... je voudrais continuer la lecture du télégramme en question. "Vous pourrez siéger au conseil d'administration et agir comme conseiller auprès du président de Nordair pour une période de trois ans à un salaire de 100 000 $ par année." M. le Président, je vais vous dire en termes assez simples et assez crus ce qu'Air Canada proposait. C'est bien connu que je ne connaissais même pas M. Alfred Hamel quand je l'ai rencontré en juin dernier, que M. Hamel n'est pas un allié du gouvernement du Parti québécois, qu'il est un homme qui a bâti une entreprise de camionnage dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord et qui, un jour, a pris la parole des fédéraux sur le fait qu'ils revendraient Nordair à des intérêts dans lesquels les intérêts québécois seraient largement présents. Il leur a fait confiance, M. le Président, il a accepté d'investir dans Québecair et d'en prendre le contrôle. En juillet dernier, qu'est-ce qu'on lui fait, à M. Hamel? Qu'est ce qu'on a dit à M. Alfred Hamel? On a dit: On ne veut tellement pas te voir comme camionneur québécois dans l'aérien qu'on est prêt à te payer 100 000 $ par année, pendant trois ans, pour que tu restes chez toi à attendre un coup de téléphone au cas où on aurait besoin de toi. C'était ça la place qu'on proposait au francophone Alfred Hamel dans la nouvelle compagnie Nordair-Québecair fusionnée. C'était lui dire: Pour se débarrasser de toi, on va te donner 100 000 $ par année, pour être bien sûr qu'il n'y aura plus jamais de Québécois comme toi qui vont venir essayer de prendre une place dans le transport aérien au Québec.

Qu'est-ce qu'on a fait, nous? On faisait face à une proposition comme celle-là. Moyennant un certain nombre de conditions, le gouvernement du Québec a accepté de payer une prime, qui équivaut à 300 000 $, pour les circonstances et les raisons suivantes. La première, je viens de la citer. C'est qu'Air Canada était prête à donner 100 000 $ par année à M. Alfred Hamel pour s'en débarrasser. Il avait donc une offre précise entre les mains. Deuxième raison, en 1977, après que le gouvernement fédéral eût permis au gouvernement de l'Alberta de prendre le contrôle des transporteurs aériens régionaux dans l'Ouest du Canada, il a adopté une loi interdisant au gouvernement du Québec de faire la même chose. Deux poids, deux mesures, M. le Président. Le fédéral a mis dans la loi de l'aéronautique -si le député de Laporte ne l'a jamais lue, j'en ai une copie, je pourrais la lui donner -il a mis dans une loi une interdiction à tout gouvernement de province - et ça ne visait que le gouvernement de Québec - de prendre le contrôle d'une compagnie aérienne sans quoi il menace de lui retirer les permis de vol.

Québec n'avait donc pas le choix, là non plus. Il fallait que M. Alfred Hamel conserve le contrôle de la compagnie, afin de pouvoir répondre aux exigences de la loi fédérale sur l'aéronautique. On a donc payé, pour cela, à cause de la décision du gouvernement fédéral, une prime, en ce qui concerne les actions de M. Hamel. Troisième raison - c'est là que j'ai mis en garde tantôt le député de Laporte - le député de Laporte fait état de prêts très avantageux dont bénéficie Québecair. Le député de Laporte doit savoir que, comme dans n'importe quelle autre transaction, quand on détient des prêts à des taux d'intérêt avantageux, il y a généralement des conditions particulières d'attachées à cela. Les conditions dans lesquelles M. Hamel et Québecair ont pu financer la prise de contrôle de Québecair en 1979 ne concernent que les actionnaires de Québecair et leurs prêteurs. Là-dessus, aussi M. Hamel a contracté des engagements en ce qui concerne des prêts intéressants qui ont été consentis à la compagnie Québecair ou à lui-même personnellement, sans préciser. Une chose est certaine, c'est qu'à comparer l'offre que nous faisions à M. Alfred Hamel, nous lui avons proposé de garder le contrôle de la compagnie Québecair et, parce qu'il a accepté de le garder, une prime a été payée sur ses actions et, de l'autre côté, on lui offrait 300 000 $ pour le sortir du transport aérien. Et bien, si le député de Laporte veut essayer de monter cette affaire-là en épingle, je pense qu'il va avoir une pente à remonter par rapport à bien des gens dans l'opinion publique. (12 heures)

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Le ministre a affirmé qu'il avait offert à M. Hamel de conserver la direction de Québecair. J'attire l'attention du ministre sur une déclaration de son superministre au marasme économique, Bernard Landry, qui, dans le Devoir du samedi 25 juillet 1981, une semaine après l'offre d'achat de Nordair, disait ce qui suit: "Mais si la situation l'exige, le gouvernement pourra convertir ses actions en actions ordinaires et ainsi détenir 87% des intérêts; Québecair pourrait donc éventuellement être nationalisée."

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, ça ne contredit pas du tout ce que j'ai dit dans le communiqué de presse...

M. Bourbeau: Question de règlement, M.

le Président.

M. Clair: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre...

M. Bourbeau: Question de règlement le premier, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): deuxième.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai demandé une question de règlement en premier.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Laporte, et aussi question de règlement, M. le ministre.

M. Bourbeau: Tout à l'heure, M. le Président, le ministre a fait son discours et vous noterez qu'en ce qui concerne le partage du temps, on est nettement défavorisé jusqu'à ce moment-ci, M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): Nous tenons compte du temps.

M. Bourbeau: ... je n'ai pas terminé ma question de règlement, M. le Président, et que mon collègue, le député de Brome-Missisquoi, a fait une question de règlement qui n'était pas une intervention. Je soutiens respectueusement que le droit de parole, à partir de maintenant, devrait revenir au député de Laporte, je pense, et non pas au ministre qui s'apprête à faire un autre discours.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, le député ne peut pas dire, les auditeurs qui nous écoutent et tout le monde ici ne peuvent pas dire que je ne suis pas en train de répondre à ses questions. Il n'aime pas ça les réponses, c'est ça qui ne fait pas son affaire.

Pour répondre à la question de règlement du député de Brome-Missisquoi, mais, ma foi, c'était dans le communiqué de presse qui a été émis en juillet dernier que les actions étaient convertibles. Il cite mon collègue, le ministre d'État au Développement économique, qui l'indiquait lui-même cette journée-là. Il n'apprend une nouvelle à personne. Sur ce point-là, en terminant, je pense que c'est comme ça que ça se présente.

M. Bourbeau: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: J'affirme, M. le Président, que le ministre ne peut pas commencer un autre discours, la parole est au député de Laporte. Je ne vois pas pourquoi je ne peux pas parler.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte, M. le ministre vient de dire qu'il terminait son intervention.

M. Clair: Oui, je termine, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Clair: Je termine en deux ou trois phrases.

J'aimerais citer le chef de l'Opposition officielle, en décembre 1979, au moment où mon prédécesseur, le député de Saguenay, était ministre des Transports et annonçait qu'une proposition concrète en ce qui concerne la fusion Québecair-Nordair était sur la table. Je vous lis les commentaires du chef de l'Opposition: "M. le Président, inutile de dire que, du côté de l'Opposition officielle, nous sommes tout à fait sympathiques à l'idée fondamentale qui a été exprimée par le ministre dans sa communication, c'est-à-dire l'idée suivant laquelle, d'abord, les besoins aigus du Québec en matière de service de transport aérien soient comblés de manière plus satisfaisante dans l'avenir et, deuxièmement, le principe voulant que des citoyens de cette partie du Canada, le Québec, soient davantage impliqués dans la prise de responsabilités et de décisions dans l'industrie du transport aérien." Je pourrais ajouter, M. le Président, ce même jour, en décembre 1979, à la page 4409 du journal des Débats: "Après avoir fait certaines réserves, ces réserves étant faites...

M. Bourbeau: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous dis respectueusement que je ne comprends pas comment il se fait que le député de Laporte, qui est censé avoir le même temps que le ministre pour parler en cette Chambre ne puisse pas avoir la parole. Le ministre a fait son discours tout à l'heure, -les règlements de ces débats disent que chacun doit parler l'un après l'autre - il a terminé, le député ici a fait une question de règlement qui n'est pas un droit de parole et qui n'est pas un discours et le ministre s'est

engagé dans un autre discours et vous lui laissez la parole. Je ne sais pas ce qui va se passer, mais, quand le débat sera terminé, à 13 heures, si vous voulez que je parle pendant encore une heure, ça ne donnera absolument rien, il n'y a aucun des Québécois qui nous écoutent qui pourra savoir ce que j'ai à dire sur le sujet.

En toute logique et en toute justice, M. le Président, je vous dis qu'actuellement, la parole devrait être de ce côté-ci parce qu'on a un retard sérieux dans le minutage depuis le début. Je pense qu'il y a un devoir de justice et d'équité de la part de la présidence envers l'Opposition, dans ce débat.

M. Clair: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, question de règlement.

M. Clair: Étant donné, je pense, que le député de Laporte est non seulement en retard dans le temps, mais est également en retard dans les nouvelles et pas mal à côté du sujet, en tout cas, dans les déclarations qu'il faisait tantôt, je n'ai aucune restriction, on peut lui donner son bloc de vingt minutes et, à 12 h 20, je reviendrai. Peut-être que, vu les propos qu'il a eu le temps d'échanger avec son collègue de Brome-Missisquoi et son recherchiste à côté, aura-t-il des choses plus intéressantes à nous dire. J'aurai l'occasion de revenir et de terminer pour démontrer, en déposant le document auquel je faisais allusion tantôt, à quel point même le chef de l'Opposition, dans le temps, partageait l'idée fondamentale qu'il faut garder une place pour les Québécois dans le contrôle du transport aérien.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. J'aimerais, a cette période-ci, mentionner qu'il n'y a pas de dépôt de documents, mais qu'on peut faire parvenir aux membres de cette commission, porter à leur connaissance ce que vous, M. le ministre, vous avez donné tout à l'heure. M. le député de Laporte. À vous la parole.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous suis infiniment reconnaissant de me donner la parole pour avoir une chance de répondre un peu à toutes les insinuations du ministre des Transports. Le ministre des Transports fait des...

M. Clair: M. le président, ce ne sont pas des insinuations, ce sont des affirmations que j'ai faites.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte, vous avez la parole.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Et les affirmations et les insinuations, M. le Président. Le ministre des Transports est en train de nous faire un long discours pour tenter de nous convaincre que, s'il y avait eu une fusion l'été dernier entre Nordair et Québecair, les Québécois n'auraient pas eu la place qui leur revient. Je rappelle au ministre des Transports, qui est en train de discuter avec ses adjoints, comme il me reprochait de le faire tout à l'heure et qui est entouré, comme moi, de ses sous-ministres et de tout son personnel, je rappelle au ministre des Transports, M. le Président, que la transaction par laquelle Nordair aurait fusionné l'été dernier avec Québecair était financée exclusivement avec l'argent du Mouvement Desjardins. Le ministre le sait. Donc, quand le ministre vient nous parler de la mainmise d'un transporteur québécois par des intérêts de l'extérieur, le ministre sait que c'étaient les fonds exclusifs du Mouvement Desjardins qui étaient injectés dans la nouvelle société pour racheter Québecair, premièrement. Cela change drôlement le portrait.

Quand le ministre maintenant vient nous dire que c'était une bonne façon pour lui de sauver la compagnie, il oublie que, pour la nouvelle société qui aurait été formée de la fusion de Québecair et de Nordair, ça aurait été beaucoup plus facile de rentabiliser la compagnie, puisque Nordair étant actuellement un transporteur régional et Québecair aussi, les deux compagnies auraient pu regrouper leurs effectifs, regrouper leurs équipements, regrouper leur personnel et ainsi obtenir des économies d'échelle substantielles. Or, le gouvernement québécois a choisi de faire en sorte que la fusion n'ait pas lieu, en intervenant dans le dossier, et c'est pour ça qu'aujourd'hui Québecair perd tellement d'argent, parce que Québecair actuellement est administrée d'une façon telle qu'il est impossible qu'elle soit rentable.

M. le Président, revenons, si vous le voulez, à la question de M. Alfred Hamel, dont le ministre se fait le grand défenseur, qui dit que, dans l'offre de Nordair, on voulait sortir M. Alfred Hamel du transport aérien dans l'Est du Canada. M. Hamel, que je ne connais pas moi non plus, pas plus que le ministre, a fait sa marque dans le transport, dans le camionnage. Je pense qu'il est reconnu dans ce milieu comme un homme d'une grande compétence. Il a fait l'achat des actions de Québecair en 1979, et, depuis ce temps-là, on ne peut pas dire en toute objectivité que Québecair fait des affaires d'or. Or, quand il s'est agi, l'été dernier, de faire une fusion entre Nordair et Québecair, Nordair avait à sa tête un président francophone, M. André Lizotte, qui est aussi francophone, que je sache, que M. Alfred

Hamel, mais qui a fait carrière dans l'aviation et qui, si on se fie uniquement au bilan, semble avoir de meilleurs résultats de gestion que M. Hamel dans Québecair. Je ne veux pas, M. le Président, porter de jugement sur la capacité des deux hommes. Je me fie aux faits et aux chiffres. Tout ce que je peux dire, c'est que, dans un contexte comme celui-là, il fallait qu'un des deux soit président; on ne peut pas avoir deux présidents, on ne peut pas d'ailleurs avoir deux ministres des Transports. On a actuellement deux ministres des Finances, le président du Conseil du Trésor et le ministre des Finances, mais le ministre des Transports, on n'en a qu'un.

M. Clair: J'ai trois critiques de l'Opposition aux transports!

Une voix: Deux députés de Laporte, ça serait peut-être bon!

M. Bourbeau: M. le Président, il fallait choisir entre les deux. Vous aviez Nordair, une société qui vaut à peu près 30 000 000 $ et qui a un président francophone, et vous aviez de l'autre côté Québecair qui valait, disons, l'été dernier, 7 000 000 $ et qui avait un président francophone; on devait choisir. Nordair et, j'estime, le Mouvement Desjardins puisque le Mouvement Desjardins devenait un des actionnaires importants de la nouvelle société ont estimé que M. Lizotte était mieux placé que M. Hamel pour être président. Et pour faire en sorte que M. Hamel ne soit pas mis de côté, comme a dit le ministre, erronément d'ailleurs, on a dit à M. Hamel: Vous, si vous le voulez, vous serez consultant auprès du président et on vous paiera 100 000 $ par année. M. le Président, je pense que 100 000 $ par année, c'était bien traiter M. Hamel, contrairement à ce que dit le ministre.

Or, ce qu'il y a d'intéressant là-dedans, c'est que le ministre tantôt vient de faire une admission extrêmement intéressante. Il nous a appris qu'effectivement l'offre que Nordair avait faite contenait une clause à savoir que M. Hamel aurait été consultant auprès du président au salaire de 100 000 $ par année pendant trois ans. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure.

M. Clair: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre.

M. Clair: J'ai lu le texte du télégramme. Je veux rectifier les faits. "Vous pourrez siéger au conseil d'administration et agir comme conseiller auprès du président de Nordair pour une période de trois ans à un salaire de 100 000 $ par année." N'importe qui connaissant un peu ce que cela signifie, comprend que ça signifie 100 000 $ pour sortir quelqu'un d'une compagnie.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: C'est l'interprétation qu'en fait le ministre. Je pense que les écrits qu'il vient de citer indiquent que Nordair offrait de payer 100 000 $ à M. Hamel pour demeurer adjoint ou conseiller au président. Or, quand le gouvernement du Québec a fait son offre, il a décidé, d'après les aveux du ministre, de payer à M. Hamel le même montant. M. Hamel qui, à ce moment-là, contrôlait Québecair, a dit au gouvernement du Québec: Vous n'achèterez pas Québecair à condition de me donner le même montant que Nordair, c'est ce que le ministre vient de nous dire. Or, dans le document que le ministre a signé, il est dit que ces 300 000 $ ne sont pas la même chose qu'offrait Nordair, mais un bon! pour renégocier des prêts de la compagnie. On a employé une phraséologie tout à fait diffuse et compliquée qui - je n'ai pas le texte, mais j'en ai entendu parler - était pour renégocier des prêts. Le ministre pourra vérifier. Je pense qu'il ne niera pas cela. Je me demande pourquoi vous avez utilisé ce tour de passe-passe pour cacher le fait que vous payiez un cadeau de 300 000 $ à Alfred Hamel? Pourquoi n'avez-vous pas eu la limpidité, la transparence et l'honnêteté de dire que c'étaient 300 000 $ pour "matcher" le salaire - si je puis dire - que Nordair offrait à Alfred Hamel? Pourquoi avez-vous utilisé ces moyens détournés pour ne pas avouer l'inavouable? C'est cela que je ne comprends pas. Il aurait été facile de dire, comme vous venez de dire tout à l'heure, après qu'on vous eût mis au pied du mur. Puisque Nordair offrait 300 000 $, nous aussi, on a offert 300 000 $. Non, vous dites: Ce n'est pas cela qu'on a fait.

M. Clair: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre des Transports.

M. Clair: Le député de Laporte, au cours des questions qu'il me posait sur Québecair l'automne dernier, ne m'a jamais posé cette question.

M. Bourbeau: Je n'ai pas dit cela. J'en ai parlé tout à l'heure quand...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte. S'il vous plaît!

M. Bourbeau: Je viens d'en parler, pas l'automne dernier, c'est tout à l'heure que j'en ai parlé. Le ministre nous a dit que c'était parce que Nordair avait offert de payer un salaire de 100 000 $ à Alfred Hamel que Québec aussi a décidé de faire la même chose. On sait que c'est vrai. Sans cela, M. Hamel ne vous aurait pas laissé acheter Québecair.

Pourquoi le ministre a-t-il employé ce moyen détourné pour cacher la vérité? Pourquoi est-ce qu'on a employé dans le contrat ces mots "non pas un salaire, mais un montant d'argent qui va lui être payé de façon à s'assurer qu'il demeure actionnaire et qu'il pourra renégocier les prêts qui existent présentement avec la compagnie". Je ne comprends pas pourquoi le ministre a choisi cette phraséologie.

Je voudrais revenir à une autre chose: le ministre nous dit que c'est une convention privée, etc. Or, le ministre était partie à la convention. Les 15 000 000 $ qu'il a investis, ce sont des fonds publics. Quand le ministre nous fait un plat et un drame du fait que c'est une convention privée, je vous affirme que le ministre était partie à la convention. Ce n'est pas un ministre privé, c'est un ministre public. Il a été élu par les contribuables, comme nous, et il n'utilise pas son argent personnel, que je sache. Le député de Drummondville n'a pas investi 15 000 000 $ dans Québecair.

M. Clair: Non.

M. Bourbeau: Non! Alors, c'est l'argent des contribuables que vous avez utilisé, n'est-ce pas?

Le ministre tout à l'heure nous disait! Nous avons reçu une offre de Nordair, ce sont les mots du ministre tout à l'heure, dans un télégramme adressé à M. Landry. Le ministre confirme que les négociations ont eu lieu avec le gouvernement du Québec, dans le bureau de M. Landry, et non pas avec la compagnie privée qu'est Québecair. Le ministre nous a dit en Chambre: C'est une société privée, Québecair, je n'ai pas à donner de renseignements. Or, on apprend, d'après les aveux mêmes du ministre, que les négociations ont eu lieu entre Nordair, d'une part, ou Air Canada, en tout cas le ministre Landry, le ministre des Transports et le gouvernement du Québec. Je pense donc que l'Opposition est en droit d'affirmer que c'est le gouvernement du Québec qui s'est porté acquéreur de Québecair et non pas une société privée. Quand le ministre vient nous raconter qu'il n'a pas à dévoiler les détails de la transaction, je pense qu'il charrie un peu. (12 h 15)

J'aimerais revenir à la situation actuelle de Québecair. Tout à l'heure, j'ai fait état de certaines transactions où on a acheté des Boeing-737, on a mis les BAC-111 aux boules à mites, on a ressorti les BAC-111 et fait toutes sortes de transactions qui semblent avoir été assez onéreuses. J'aimerais demander au ministre - je pense que le ministre pourra tout à l'heure répondre - s'il est exact qu'au cours de l'année 1981 Québecair aurait fait un déficit d'exploitation entre 8 000 000 $ et 9 000 000 $. Tout à l'heure, j'ai cité un article de journal qui est ici à côté de moi et qui dit que cela aurait été d'environ 6 000 000 $. Or, on sait - enfin ceux qui sont proches de Québecair le savent - que Québecair, s'est départie, au cours de l'année 1981, des avions F-27 qu'elle possédait autrefois et dont le prix de vente aurait été d'environ 2 500 000 $ canadiens. Ce qui veut dire que le déficit de 6 000 000 $ qu'on est sur le point de rapporter a en fait été un déficit d'exploitation de 8 500 000 $ - enfin, le ministre est sûrement plus au courant que moi - et non pas de 6 000 000 $. J'aimerais que le ministre tout à l'heure dans sa réponse nous dise s'il est exact qu'en 1981 Québecair aurait fait entre 8 000 000 $ et 9 000 000 $ de déficit.

Maintenant, est-ce que le ministre pourrait également nous dire, puisqu'il a en principe trois de ses adjoints qui siègent au conseil d'administration de la société privée Québecair dont un au comité exécutif, s'il est exact que Québecair aurait perdu, en janvier et février 1982, une somme d'environ 2 200 000 $, 2 300 000 $ dans les deux premiers mois de l'année? C'est une autre question à laquelle on aimerait avoir une réponse.

Maintenant, il y a la question aussi des BAC-111 dont j'ai parlé tout à l'heure. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si finalement Québecair, puisque le ministre a ses représentants au conseil d'administration, va bientôt vendre des Boeing-737? C'est ce que les journaux ont insinué récemment. Dans le fond, lorsqu'on regarde cela, la question de BAC-111 et des Boeings ça a l'air un peu d'une pièce de boulevard. Vous avez d'un côté Québecair qui achète des Boeing-737 et qui met ses BAC-111 aux boules à mites, et tout à coup change d'idée, ramène ses BAC-111 et annonce qu'elle va vendre des Boeing-737. Cela ressemble à une pièce de boulevard, où les portes claquent, vous avez le mari qui entre et la femme qui sort, après cela l'amant qui arrive et la femme qui ressort, on ne sait pas finalement... Pendant ce temps-là, devant ce vaudeville où les avions arrivent, repartent, sortent, il y a les spectateurs qui sont dans la salle, qui assistent au spectacle et qui trouvent cela très drôle, évidemment, mais qui ont payé un prix très élevé pour y assister parce que le prix d'entrée a été de 15 000 000 $. Nous, les Québécois, on est là et on regarde les avions qui arrivent et qui

partent, et Québecair ne sait pas si elle va les garder ou non, et pendant ce temps-là Québecair perd 9 000 000 $ ou à peu près en 1981. Je pense qu'à un moment donné il va falloir que les spectateurs dans la salle qui assistent au spectacle, on leur dise exactement où cela va finir, parce que c'est peut-être drôle à un moment donné ce jeu de portes qui claquent, mais je pense que le vaudeville commence à coûter cher.

Pour ce qui est de la Floride, j'aimerais dire quelques mots seulement pour prouver au ministre que Québecair perd sa chemise sur la Floride, et je vais être très court parce que je sais que le temps passe. Cela coûte, pour faire marcher un Boeing-737, 4000 $ l'heure; le ministre pourra contester cela, je lui dis très rapidement ce que cela coûte. L'équipage coûte 350 $ l'heure, l'essence 1250 $ l'heure, la maintenance 300 $ l'heure, la dépréciation 800 $ l'heure, ce qui fait 2700 $ l'heure. Si vous ajoutez à cela les frais de ce qu'on appelle l'"over head", les frais de gestion, d'administration et les profits, parce que je présume que Québecair doit faire des profits, on arrive facilement à 4000 $ l'heure. Mais je l'ai calculé à moins cher que cela, je l'ai calculé à 3000 $ l'heure pour être bien certain que le ministre va me dire que des profits on n'en fait pas, etc. Or cela prend 6,75 heures pour aller en Floride et revenir, ce sont les normes. Il y a également des frais fixes à chaque voyage, comme la nourriture des passagers; M. le ministre, cela coûte 1200 $ la nourriture, 1000 $ les frais de manutention, et les frais de publicité 2500 $, de sorte que le coût d'un voyage aller-retour en Floride est de 22 925 $, disons 23 000 $

Si vous prenez, M. le ministre, ce chiffre, qui est le coût d'un voyage aller-retour en Floride, et que vous le divisez par le nombre de passager dans un Boeing-737, qui est 119, cela revient à 187 $ le siège aller-retour. Il faut ajouter à cela une provision pour les sièges non vendus, et dans le milieu on prend toujours 15%, parfois c'est plus, parfois c'est moins, ce qui porte le coût du billet à 220 $. Après cela, il faut payer pour la mise en marché, forcément, parce qu'il faut les vendre ces places-là; ça coûte 30 $, donc, cela fait 250 $ par billet aller-retour. Après cela, malheureusement, il faut payer des commissions à des agents de voyage, parce que quand on vend des voyages, il faut passer par des agences. La commission est de 15%. Cela fait monter le coût à 294 $. Voilà le coût d'un billet aller-retour pour une compagnie de charter pour aller en Floride aller-retour. Québecair, au cours de l'hiver, a vendu ses billets entre 169 $ et 219 $ chacun, ce qui veut dire que, le coût moyen étant environ de 185 $ -ce que Québecair a retiré pour ses billets d'avion en Floride - on a un coût de 294 $ pour la compagnie et une recette de 185 $. Donc, il y a un déficit d'au-delà de 100 $ le billet chaque fois qu'un Québécois se rend en Floride. C'est subventionné avec l'argent des contribuables du Québec pendant que dans les régions du Québec, on se plaint que Québecair ne donne pas de service.

Maintenant, je voudrais terminer en demandant au ministre s'il peut nous confirmer qu'il est exact qu'actuellement Québecair a perdu, en 1981, entre 8 000 000 $ et 9 000 000 $, s'il est exact que l'année 1982 s'amorce de la même façon par des déficits très importants, et également ce qu'il entend faire pour redresser la situation de Québecair dans le meilleur délai, avant que le gouvernement n'ait à réinvestir de façon massive dans l'entreprise.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre des Transports.

M. Michel Clair

M. Clair: En entendant le député de Laporte, j'ai l'impression d'assister à la pièce de boulevard qu'il citait: La porte qui claque. Cela fait bien du bruit, mais cela ne fait pas autre chose. Premièrement, le député confond deux réalités: la réalité d'une fusion volontaire de Québecair et de Nordair pour procéder à la rationalisation du transport aérien dans le centre et dans l'Est du Canada, qui permettrait des économies d'exploitation, que nous ne nions pas, bien au contraire, nous les affirmons, nous poursuivons activement l'objectif de la fusion Québecair-Nordair, pour la rationalisation du transport aérien dans le centre et l'Est du Canada.

Cependant, toute la question qui se posait, c'était celle de savoir si cette rationalisation allait se faire au détriment des intérêts québécois, en l'absence de tout contrôle pour infléchir le développement du transporteur fusionné en fonction des intérêts du Québec dans ces régions dans la base d'opération de cette compagnie comme sur la question du siège social.

M. le Président, c'est vrai que, du strict point de vue de la rationalisation, si Air Canada avait, comme elle voulait le faire l'été dernier, nationalisé Québecair, c'est vrai qu'elle aurait pu, théoriquement, procéder à la rationalisation, à partir des entreprises qu'elle détenait. Elle aurait détenu Air Canada, Nordair, Québecair. Cette question aurait été réglée. Toute la question, c'est de savoir si les Québécois vont avoir un mot à dire en ce qui concerne le développement du transport aérien ou s'ils vont avoir juste le droit de se plaindre, de se fier aux belles paroles qui nous sont dites. Le député de Laporte dit: Dans la proposition de Nordair, la Société

d'investissement Desjardins aurait été impliquée. Elle aurait détenu 27% des actions, avec un engagement de revendre plus tard, probablement dans cinq ans, quand ce sera rentable, autrement dit quand cela fera son affaire, de revendre dans le privé, par une émission publique d'actions, cette nouvelle compagnie. La question que je pose au député de Laporte: Entre le 6 novembre 1978 et le 21 juillet 1981, si je compte bien, il s'était écoulé deux ans et demi, est-ce que le gouvernement fédéral ne s'était pas engagé fermement, publiquement, à plusieurs reprises, à revendre Nordair à des intérêts privés québécois et ontariens. C'est exact qu'ils avaient pris cet engagement. Qu'est-ce qu'ils ont fait de leur engagement? Ils ont fait de leur engagement la même chose qu'ils avaient faite - je m'en souviens, mes oreilles bourdonnent encore de cela - le 14 mai 1980. Il y avait une assemblée de 5000 personnes à Drummondville pour le référendum et j'entendais le discours de Trudeau, de l'autre côté, avec un petit appareil de radio pour avoir une chance de répliquer. "Nous mettons nos sièges en jeu, M. le Président", parlant qu'ils étaient pour faire une réforme constitutionnelle. "Je mets en garde les provinces de l'Ouest et la province de l'Ontario, etc., qu'il va falloir faire une plus grande place au Québec."

Qu'est-ce qu'ils en ont fait de leur engagement? Ils l'ont déchiré, ils ne l'ont pas tenu et, aujourd'hui, sur le plan constitutionnel - le député de Laporte le sait on est en train d'essayer d'écraser le Québec, de le déstabiliser financièrement, politiquement, par tous les moyens. Et vous pensez qu'on les aurait pris au sérieux l'été dernier, alors qu'ils avaient dit qu'ils vendraient Nordair dans les douze mois. Quand on voit la façon dont ils ont procédé, on se serait fié à un engagement verbal, général, disant: Oui, on va le revendre quand, sur ce même dossier, ils avaient trahi leur engagement! M. le Président, à moins d'être un complice du gouvernement fédéral ou encore d'être d'une naïveté aussi grande que celle qu'a démontrée le chef du Parti libéral au moment du référendum, on ne pouvait pas croire cela et on ne l'a pas cru. C'est vrai que Bernard Landry, ministre d'État au Développement économique, et moi-même, nous avons rencontré les gens de Nordair et d'Air Canada. C'est une l'encontre dont je vais garder longtemps le souvenir. Je n'oublierai jamais qu'un vice-président d'Air Canada, que je ne nommerai pas, a eu le front de dire devant Bernard Landry et Jean-P. Vézina, sous-ministre en titre au Développement économique: On est allé consulter l'Ontario et ils sont d'accord. Ils avaient même rencontré, nous avaient-ils dit, Bill Davis, premier ministre de l'Ontario. Je n'ai rien contre cela, qu'ils aillent rencontrer le premier ministre de l'Ontario, qu'ils le consultent. Mais, nous autres, il a fallu qu'on intervienne, il a fallu que M. Alfred Hamel vienne me rencontrer pour m'expliquer et m'exposer la situation pour qu'on ait l'honneur de pouvoir recevoir les dignitaires d'Air Canada.

Même situation que dans tout le reste; des paroles dont on se dédit, qu'on renie par la suite! M. le Président, c'était cela, le fond de la question, à savoir si on allait se fier à des paroles qui avaient déjà été reniées ou si on allait plutôt se donner les moyens ou, je devrais dire, continuer à se donner les moyens de s'assurer que les Québécois pourraient jouer un rôle important dans le développement du transport aérien régional. Ma décision a été vite prise, M. le Président. Entre la trahison des intérêts du Québec et les risques que cela comportait tant sur le plan financier que politique, j'ai assumé mes responsabilités et j'ai dit que non, ils ne viendraient pas nous emberlificoter encore une fois avec des belles paroles "verbales" dont on se dédit par la suite. Toute la question était là. Nous y croyons, à la rationalisation du transport aérien; nous y travaillons plus activement et plus positivement que le gouvernement fédéral.

Pour les intérêts ontariens et québécois qui croient encore à la possibilité de fusionner Québecair et Nordair sur une base volontaire - le député de Laporte sait qu'il y a des intérêts ontariens qui y croient autant que des intérêts québécois à cette possibilité - comment pensez-vous que sont tombées dans le paysage les déclarations de Jean-Luc Pepin, ministre fédéral des Transports, à l'occasion du départ de M. André Lizotte, président-directeur général qui s'est en allé vice-président aux Postes du Canada? Comment pensez-vous que c'est tombé? Comme une autre attitude de personnes qui ne veulent pas prendre la décision, de personnes qui essaient de leurrer les gens en faisant des déclarations ambiguës dans lesquelles on ne sait pas trop de quel côté elles se branchent. Je sais, pour l'avoir bien connu, que Jean-Luc Pepin est un honnête homme. Il a été député de Drummond. Je le connais; je connais sa famille. M. le Président. Je ne mets pas sa conduite personnelle en doute, parce que, comme ministre fédéral des Transports, et surtout quand on sait ce qu'il avait écrit dans le rapport Pepin-Robart et ce que son gouvernement en a fait par la suite, je suis porté à lui pardonner un très grand nombre de choses, parce que je sais qu'il marche avec le gouvernement qu'il a.

Ceci étant dit, il n'empêche que, dans les faits, notre contribution, notre investissement dans Québecair contribuera, j'en suis certain, à permettre de résoudre ce problème que maintenant, les fédéraux sont obligés de tenir compte de la présence

d'intérêts québécois qui sont capables de racheter leur parole à eux quand eux ne la tiennent pas. Sur la question des Boeing-737...

M. Paradis: Question de règlement.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: J'ai observé avec attention, M. le Président, que vous teniez le temps occupé par chacune des formations politiques avec toute la conscience qui vous sied bien. J'interviens, à ce moment-ci, j'ai utilisé cinq minutes de mon droit de parole, l'Opposition libérale est déficitaire au niveau du temps utilisé. Je vous demanderais de me céder la parole jusqu'à moins vingt; à ce moment-là, vous devrez m'interrompre pour la céder au député de Laporte puis au ministre des Transports, qui pourra conclure à ce moment-là.

M. Clair: Dans cinq minutes, M. le Président, sur l'affaire... Est-ce que mon temps est expiré, M. le Président? J'ai commencé à et vingt.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, à 12 h 40 je dois réserver 20 minutes à partager également entre le député de Laporte et vous-même...

M. Paradis: ... et le ministre.

Le Président (M. Rancourt): ... M. le ministre, pour terminer. Actuellement, si je départage le temps entre le parti ministériel et le parti de l'Opposition, il est exact que le parti de l'Oppostion est déficitaire, si...

M. Paradis: Pas autant, excusez, je dois, M. le Président...

M. Clair: M. le Président, j'invoque le règlement. J'ai droit à 20 minutes, mes 20 minutes ne sont pas expirées. J'y tiens.

M. Paradis: M. le Président, M. le Président, M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Le ministre a sollicité au début de cette l'encontre un prolongement de son droit de parole. Il a demandé la collaboration de l'Opposition, on lui a accordé cette collaboration. En gentleman que je suppose qu'il est, je lui demande de me rendre la réciproque maintenant.

M. Clair: D'accord, M. le Président, d'accord.

Le Président (M. Rancourt): Je suis sûr que, M. le ministre...

M. Clair: C'est parce que j'aurais pu préciser, en ce qui concerne les BAC-111 et les Boeing-737, je le ferai à la fin.

Le Président (M. Rancourt): Vous pourrez le faire tout à l'heure.

M. Clair: D'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: M. le Président, j'ai écouté attentivement, n'étant pas un expert au même titre que le député de Laporte ou que le ministre des Transports, ce débat sur Québecair. Ce qui m'importe et ce qui importe sans doute à l'ensemble des députés de cette Chambre, ce sont les investissements de notre argent de contribuables que vous avez faits, M. le ministre, dans cette société-là. Au moment où le président du Conseil du trésor parcourt la province en nous expliquant qu'il faut couper dans l'éducation, qu'il faut couper dans les services sociaux, qu'il faut couper dans les programmes économiques comme l'agriculture, je trouve étrange que vous continuiez à agir au nom de sentiments qui me sont apparus très clairs, vous me pardonnerez le mot à la fin de votre exposé, des sentiments de bataille constitutionnelle, finalement.

Je me retrouvais; dans cette Assemblée nationale, dans le même genre d'atmosphère où on s'est retrouvé au moment où on discutait de constitution. Je pense que, dans la période de crise économique que vivent nos concitoyens, présentement, on devrait peut-être laisser de côté un peu les batailles constitutionnelles et se mettre à gérer les deniers dont on est responsable d'une façon honnête et responsable. Vous avez, M. le ministre des Transports, investi 15 000 000 $ dans un premier temps, 3 800 000 $ dans un deuxième temps, dont 3 000 000 $ sont finalement retombés dans Québecair. Comme Québécois, comme député à l'Assemblée nationale, il y a 18 000 000 $ de l'argent des contribuables qui sont déjà embarqués dans cette aventure. Là, l'avion décolle. De ces 18 000 000 $, on apprend que 4 500 000 $ ne sont pas allés dans Québecair mais dans les poches des actionnaires. J'espère qu'ils ont pensé à prendre l'avion eux aussi.

On apprend qu'en 1983 vous vous proposez de réinjecter 3 100 000 $ additionnels, non pas encore une fois dans Québecair mais dans les poches des actionnaires. On a également appris qu'il y

avait 300 000 $ en plus qui étaient passés directement dans les poches d'un actionnaire. Ce qui est étrange, c'est qu'on a bien pris soin, du côté du gouvernement, des gros actionnaires. On a laissé de côté les 125 petits actionnaires de Québecair. Cela ressemble étrangement à l'attitude du gouvernement dans plusieurs autres dossiers où on tente, premièrement, d'acquérir du capital-actions pour ensuite nationaliser. On laisse de côté les petits investisseurs québécois.

On a donc 18 000 000 $ d'investis, on a donc 8 000 000 $ qui partent vers les poches des actionnaires et 10 000 000 $ qui restent dans la société Québecair pour renflouer le capital-actions. Ce qui m'inquiète à la suite des propos que vous-même, M. le ministre, avez tenus, à la suite des propos tenus par le député de Laporte, c'est que ces 10 000 000 $ ne semblent pas suffisants aujourd'hui pour garantir l'évolution de la compagnie Québecair. Combien allez-vous demander aux Québécois de fournir dans les prochaines années, M. le ministre? Si on a les déficits qui sont annoncés et qu'on a vus l'année dernière, entre 6 000 000 $ et 8 000 000 $, et qu'on est encore en situation déficitaire en 1982, de combien Québecair aura-t-il besoin?

Vous nous parlez quasiment de besoins illimités, vous nous manifestez quasiment une volonté d'y aller d'une façon illimitée avec les fonds publics dans ce dossier-là, pour un principe: Sauver l'intérêt des Québécois. Êtes-vous convaincus hors de tout doute que la fusion Nordair-Québecair n'aurait pas garanti ces intérêts québécois, tout en garantissant les intérêts économiques des investisseurs québécois? Est-ce que les Lizotte et Lefrançois, respectivement président et président du conseil d'administration de la société Nordair, ne sont pas des Québécois, comme vous vous plaisez souvent à les appeler, pure laine? Est-ce que le siège social de cette compagnie qui est Nordair n'est pas également situé au Québec? Est-ce que la démarche que vous avez entreprise, en connaissant la situation financière précaire de Québecair, vous voulez la maintenir, vous voulez en mettre davantage? Moi, comme investisseur, comme contribuable et comme député en représentant plusieurs en cette Chambre, je me demande ce que valent mes actions dans Québecair.

Dans vos dix dernières minutes, j'aimerais, M. le ministre des Transports, que vous me disiez ce que valent aujourd'hui les 18 000 000 $ en argent sonnant parce que aujourd'hui il faut parler d'économie. L'indépendance culturelle, ça commence par l'indépendance économique. Je pense que votre ministre des Finances vous a déjà parlé de ça. Ce n'est pas en investissant les deniers publics dans des gouffres qu'on va libérer ce qu'on peut appeler le peuple québécois. C'est en investissant dans des choses qui sont saines. Est-ce que le jugement qu'a porté le Mouvement Desjardins en voulant investir dans la fusion Nordair-Québecair était un jugement complètement erroné? Est-ce que c'était un jugement antiquébécois? Est-ce que le Mouvement Desjardins a posé là un geste antiquébécois, lui qui recueille toutes les semaines, tous les mois et chaque année les épargnes des Québécois? Ont-ils posé ce geste d'une façon anti-québécoise? J'ai des doutes sur le jugement que vous portez parce que, lorsque vous parlez de Nordair, vous pouvez parler d'Air Canada et ça vous permet peut-être de faire votre salade habituelle contre le gouvernement fédéral. N'oubliez pas qu'il y a d'autres actionnaires importants chez Nordair et que le Mouvement Desjardins en est un et que, si le Mouvement Desjardins a décidé que c'était dans l'intérêt et du Mouvement Desjardins et des Québécois d'y aller, cela aurait peut-être valu la peine d'y regarder d'un peu plus près. Là, vous auriez eu entre les mains une compagnie qui, une fois fusionnée, avec un siège social au Québec, aurait pu rentabiliser l'ensemble des entreprises. On pourrait avoir aujourd'hui, si le gouvernement du Québec avait décidé d'embarquer dans cette opération-là, des bilans qui nous donnent et des dividendes culturels et des dividendes linguistiques et des dividendes financiers. Aujourd'hui, qu'a-ton? On n'a aucun dividende; il n'y a eu aucune augmentation de la francisation à Québecair à cause de votre geste. Donc, aucun dividende linguistique, aucun dividende culturel et un gouffre financier. C'est le genre de dossier dans lequel le gouvernement "piquiste" a l'habitude de nous embarquer. Je m'excuse mais c'est aussi l'argent de vos contribuables, M. le député.

M. le Président, il me reste à peine deux minutes pour conclure. Je voudrais, avant que vous alliez plus loin dans ce dossier, M. le ministre des Transports - je vous invite à le faire sérieusement - que vous sondiez la possibilité de rentabiliser cette aventure-là. On vous a fait état - et vous nous l'avez confirmé - qu'on s'en allait de déficits en déficits; je ne peux, comme représentant des contribuables, vous donner un "chèque en blanc" là-dessus, pas plus que vos électeurs peuvent le faire même si vous pensez que c'est la seule façon de sauver le français dans l'air. Il y a peut-être d'autres façons de sauver le français dans l'air tout en rentabilisant ces activités. Le député de Laporte vous a fait état des voyages en Floride qui exportent notre tourisme québécois, qui amènent des dépenses là-bas et qu'on subventionne. On a un débat sur le tourisme présentement, le mercredi, en cette Chambre. J'espère que vous êtes conscient de ce que cela déplace comme économie

québécoise, et c'est subventionné par votre ministère; alors que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous dit qu'il faut garder cela ici, vous, vous subventionnez l'argent pour qu'il s'en aille en dehors.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: En terminant, cela aurait peut-être été plus rentable, parce que cela semble être une aventure un peu burlesque dans laquelle on s'est embarqué, vous auriez pu vous embarquer à la place avec votre argent personnel, mais non avec l'argent des contribuables québécois, dans la compagnie de disques qui a commandité la chanson de Charlebois, Québecair, Nordair, etc., et vous auriez peut-être fait des dividendes à même votre argent personnel.

Le Président (M. Rancourt); M. le député de Laporte, vous avez dix minutes.

Conclusion M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. En un premier temps, j'aimerais revenir sur un des points qu'a touchés le ministre et malheureusement on n'a pas eu l'occasion d'en discuter. C'est la fameuse réglementation du gouvernement fédéral qui, d'après lui, impose des contraintes épouvantables aux transporteurs régionaux. Je veux que le ministre sache qu'on s'est également préoccupé de cette question. J'ai ici devant moi le document qui est la politique concernant le transport aérien; c'est un document pour fins de discussion. Évidemment, on ne peut pas imputer les problèmes actuels de Québecair à cette politique parce qu'elle n'est pas en vigueur. C'est un document qu'on a fait circuler et on a demandé à tous les intervenants dans le domaine du transport aérien de faire connaître leur point de vue. Alors, le ministre nous a dit, tout à l'heure, que, dans ce document, on impose aux transporteurs régionaux des limites de poids, des limites de type d'avion, des limites territoriales, des limites de distance à parcourir. J'affirme, M. le Président, après avoir lu le document et l'avoir étudié, que ce n'est pas vrai. Le ministre nous induit en erreur. Si le ministre le veut, tout à l'heure, on va s'asseoir tous les deux et on va faire le tour du document.

M. Clair: Une question de règlement, M. le Président. C'est un document public.

Le Président (M. Rancourt): Sur une question de règlement, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, j'espère que vous ne soustrayez pas ces interruptions de mon temps. Les types d'avion, il est dit dans le document qu'il n'y a pas de restrictions sur les types d'avion. Je peux même vous citer le paragraphe où on en parle. On dit là dedans que les transporteurs pourront utiliser les appareils de leur choix. Le rôle des transporteurs régionaux leur permettrait d'utiliser les appareils aux dimensions de leur choix, à la condition qu'ils n'envisagent pas d'acheter des appareils capables d'assurer des services sans escale sur de longs parcours, à moins que les services qu'ils sont autorisés à exploiter de par leur rôle ne les justifient pleinement. Il n'y a pas de restriction, sauf qu'on veut éviter qu'un transporteur comme Québecair n'aille acheter des Boeing 747 pour faire les voyages entre Sept-Îles et Montréal, ce qui le mettrait littéralement en faillite.

Pour ce qui est des distances à parcourir, c'est une vraie farce, parce que le règlement dit que les transporteurs régionaux pourront faire 1300 kilomètres sans escale, sans contrevenir à la loi; ce qui veut dire que c'est beaucoup plus que les lignes actuelles de Québecair qui fait Montréal-Toronto, et on sait qu'il y a à peu près 400 milles. Or, 1300 kilomètres, c'est 800 milles. On dit même plus. Si jamais le transporteur régional voulait aller en dehors de sa région, et incidemment on donne à Québecair la région jusqu'à Winnipeg, M. le Président, la région de l'Est du Canada, s'il voulait aller en dehors de la région, dans certains cas, on pourrait le permettre, comme, par exemple, quand un transporteur national ne veut pas exploiter une ligne, on pourrait le permettre à un transporteur régional. Dans ce cas, M. le Président, il pourrait faire plus de 800 milles. Même à l'intérieur de sa zone, un transporteur régional pourra faire plus de 800 milles s'il fait une escale en route. Alors, il n'y a pas de contrainte.

Maintenant, pour ce qui est des limites de poids, c'est la même chose, il n'y a pas de limite de poids non plus. Le ministre nous lance de la poudre aux yeux. On fait uniquement référence au poids quand on parle des transporteurs nationaux où l'on dit qu'ils doivent utiliser des avions, etc. C'est plutôt à l'endroit des transporteurs nationaux qu'il y a des problèmes au chapitre des poids. Le ministre lance de la poudre aux yeux à la population, s'imaginant que personne ne va examiner les documents. Eh bien, on les a examinés. Je mets au défi le ministre de prouver ce qu'il a dit tout à l'heure.

Je ne veux pas m'étendre trop longtemps sur des questions de réglementation fédérale parce qu'on pourrait en discuter pendant deux jours. Le moment est venu de tirer des conclusions. (12 h 45)

Si j'étais journaliste, je pense que le titre que j'accorderais au débat que nous venons de faire pourrait être quelque chose comme: Clair tire notre argent en l'air. Il me semble que cela serait un beau titre. Pour être plus sérieux - parce qu'il faut quand même être sérieux quand on conclut -je dirai ceci: Le gouvernement du Parti québécois vient, une fois de plus, de nous prouver son incurie administrative. Comment justifier autrement cet investissement? On a enrichi les actionnaires d'une entreprise en difficulté à même les fonds publics. Des actions payées 4 900 000 $ en août 1979 par M. Alfred Hamel ont été rachetées par le gouvernement du Québec 7 500 000 $ environ - on n'a pas les chiffres exacts mais on s'en doute - en juillet 1981. Pour ajouter la cerise sur le gâteau - un gâteau incidemment qui commence à goûter amer -on a donné à ce même M. Hamel un bon! de 300 000 $ sans aucune raison valable. Ceci pour une société qui accumule des pertes d'exploitation, année après année.

On subventionne même, au coût approximatif de 100 $ par personne, les Québécois qui vont en Floride à une époque où on demande aux Québécois de se serrer la ceinture. On finance à perte la ligne Montréal-Toronto où le coefficient de remplissage oscille entre 15% et 25% et, pendant ce temps, on néglige le service sur les lignes intérieures qui desservent les Québécois vivant dans les régions éloignées du Québec. Où est la faute? Serait-ce encore le fédéral? Non, M. le Président. Si c'était le fédéral qui était la cause des déboires financiers de Québecair, comment expliquer le fait que les trois seuls autres transporteurs régionaux au Canada, soit Eastern Provincial Airways, Nordair et Pacific Western, font des profits? Ils ont pourtant les mêmes règles du jeu; ils subissent la même concurrence d'Air Canada. C'est le gouvernement du Parti québécois qui en est le grand responsable, par une décision mauvaise, arbitraire, contraire à tous les principes d'une saine gestion et motivée uniquement par un aspect sentimentaliste. Ce n'est même pas du vrai nationalisme. On a empêché la fusion Québecair-Nordair. On a empêché une société québécoise de grandir, de prendre de l'expansion, de devenir le grand transporteur régional de l'Est du Canada.

Cette société aurait eu à sa tête un président francophone, M. André Lizotte, et son équipe à majorité francophone, un conseil d'administration à majorité francophone, un siège social au Québec et 80% des 2000 employés de la nouvelle société auraient été des Québécois qui auraient travaillé au Québec et dont le mouvement Desjardins aurait été un actionnaire important. On a empêché une fusion qui aurait permis des économies d'échelles, la rationalisation des équipements, du personnel, etc. Ce transporteur aurait fait honneur aux Québécois.

Le gouvernement du Québec déclarait l'été dernier que son intervention et son achat de Québecair devaient donner la chance aux Québécois de faire leur marque dans cette industrie. C'est l'inverse qui est en train de se produire. Privée des avantages de la rationalisation et des économies d'échelles importantes que la fusion avec Nordair lui aurait apportés, Québecair est en train de couler à pic, causant ainsi un tort irréparable à la réputation des francophones dans ce domaine. Bien plus, le gouvernement du Parti québécois se vante d'avoir un préjugé favorable envers les petites gens. On a encore, comme dans le cas de Domtar et de l'Asbestos, laissé tomber les quelque 125 petits actionnaires de Québecair, presque tous des Québécois francophones, les vrais fondateurs de Québecair. On ne leur offre rien, on ne leur promet rien.

M. le Président, cette mauvaise décision a déjà coûté aux Québécois et aux Québécoises tout près de 18 000 000 $ et on devra bientôt réinvestir pour garder Québecair en vie. Je conclus, M. le Président, en disant ceci: À une époque où on augmente les taxes sur l'essence, sur la bière, sur le tabac, sur les plaques d'immatriculation, sur l'assurance automobile et probablement bientôt les impôts et où on coupe sans vergogne dans les services essentiels comme les soins hospitaliers et l'éducation, les Québécois trouvent que ce pseudo-nationalisme commence à leur coûter cher.

M. le Président, je comprends que des membres de ce gouvernement, comme par exemple le ministre Landry, rêvent d'atterrir à Paris sur des ailes fleurdelysées, comme il l'a déjà dit d'ailleurs, mais les Québécois en ont assez de ces rêves en couleur. Ils réclament de leur gouvernement une gestion plus sérieuse et plus transparente des fonds publics.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, vous avez dix minutes, vous aussi.

M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, c'est parce que les Québécois en avaient assez de la servilité du Parti libéral du Québec que, le 15 novembre 1976, ils ont envoyé le Parti libéral dans l'Opposition. C'est parce qu'ils n'ont pas été dupes de la servilité, du caractère domptable, reconnu "from coast to coast" au Canada, du Parti libéral du Québec que, le 13 avril 1981, ils ont réélu le Parti québécois au pouvoir. Et je pense qu'avec l'exposé que vient de faire le député de Laporte, il doit y avoir un très grand nombre de Québécois qui se disent: Mon Dieu! qu'on

a bien décidé. Avec quelle servilité ces gens-là défendraient les intérêts du Québec.

M. le Président, pour vous démontrer un tant soit peu la servilité aveugle, totale, le perron de porte du Parti libéral du Québec en ce qui concerne la politique aérienne, cela a été rejeté non seulement par le gouvernement de Québec, comme je le disais tantôt, cette politique aérienne du ministère fédéral des Transports, mais même par le ministère des Transports de l'Ontario. Plus voué aux intérêts des autres que le député de Laporte, avec les propos qu'il vient de tenir, cela ne se peut pas, c'est invraisemblable. Je vous cite la déclaration ministérielle. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est James Snow, ministre des Transports de l'Ontario, concernant la politique de transport aérien du gouvernement fédéral: To begin with we find the proposal too restrictive - et je continue plus loin - in short, rather than acting as an intended blue print for future development of this vital industry, the proposed policy is instead a statement of the statu quo - l'établissement du statu quo renforcé - with a few added restrictions - avec encore plus de restrictions, il dit qu'il n'y avait pas de contrainte en ce qui concerne les transporteurs aériens locaux, je prends à témoin le ministre des Transports de l'Ontario: "As well the federal proposal restricts local carriers from using jet equipment, this, in our view, would impede rather than stimulate any development in the air carrier industry." II continue, mais je ne veux pas faire une citation trop longue. Le ministre de l'Ontario lui-même, défendant les intérêts des Ontariens, dit: "La politique fédérale, on n'en veut pas, même s'il la pratique présentement, parce que ce n'est qu'un renforcement du statu quo." Avec servilité, dompté par le gouvernement fédéral, le député de Laporte vient ici et il défend les intérêts du gouvernement fédéral dans cette affaire.

M. Paradis: Question de règlement.

M. Clair: J'ai laissé parler le député de Brome-Missisquoi...

M. Paradis: Question de règlement.

M. Clair: ... qu'on me laisse mon temps.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Question de règlement, M. le député de Brome-Missisquoi, en tenant bien compte que M. le ministre a dix minutes pour terminer.

M. Paradis: II aura l'assentiment de l'Opposition, si je prends une minute, pour continuer une minute de plus. Ce que le député de Laporte vous a dit, c'est d'avoir un transporteur québécois fort, qui ne sera pas servile. Votre attitude a été de créer un transporteur québécois faible qui, lui, va être servile.

M. Clair: On a parlé de cela, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre des Transports.

M. Clair: J'ai répondu à sa question. Le député de Brome-Missisquoi, je ne l'en blâme pas, ne distingue pas les dossiers: la politique de transport aérien canadienne et le dossier de fusion Québecair-Nordair et le dossier de rationalisation, ce sont trois choses différentes. Je continue. Je disais, donc, que le député de Laporte, par les propos qu'il a tenus, s'est simplement trompé de Parlement. Il y a un autre Parlement, à quelque 200 milles à l'ouest de Québec, à Ottawa. C'est là qu'il aurait dû être s'il voulait défendre la politique de transport aérien du gouvernement fédéral.

M. le Président, l'offre que nous avons faite - je le répète et je l'ai démontré -était moins avantageuse que celle qui était faite par Air Canada aux actionnaires de Québecair. Comment le député de Laporte peut-il aujourd'hui essayer de laisser entendre que le gouvernement du Québec a commis une erreur alors que cette offre est exactement la même que celle d'Air Canada? Encore une fois, pourquoi le député de Laporte a-t-il tenu ces propos? Par servilité.

En ce qui concerne la fusion, pendant trois ans, des intérêts québécois et ontariens, avec l'appui du gouvernement de Québec, ont essayé de développer toutes sortes de propositions acceptables pour le gouvernement fédéral. Ils se sont dédits de leur parole. Encore récemment, Jean-Luc Pepin jouait sur les mots pour dire oui, non à la fusion Québecair-Nordair. Nous y croyons à la rationalisation du transport aérien dans le centre et l'Est du Canada. Nous y travaillons à cette rationalisation. La différence entre le député de Laporte et celui qui vous parle, M. le Président, c'est que la rationalisation du transport aérien dans le Centre et l'Est du Canada ne se fera pas en marchant sur le corps ou sur la tête des francophones, sur le corps et la tête des Québécois dans le transport aérien. Les offres qui ont été faites, l'été dernier, par Air Canada ne donnaient aucune garantie.

Je souligne en passant le rôle très positif joué par le Mouvement Desjardins. Quand on connaît le dossier, on sait qu'actuellement le Mouvement Desjardins, par la Société d'investissement Desjardins, est impliqué dans les deux transporteurs aériens, dans Nordair et dans Québecair, parce que lui aussi croyait à la possibilité de

rationaliser le transport aérien par une fusion Québecair-Nordair.

Le député de Laporte disait: Les trois autres fontdes profits. J'ajoute à ce que je disais tantôt. Air Canada ne concurrence pas Eastern Provincial Airways sauf sur Halifax; elle ne concurrence pas Nordair sauf sur Toronto; elle ne concurrence pas Pacific Western Airlines sur son réseau régional en aucune façon. J'ai démontré la structure financière d'Air Canada, de PWA, de Nordair; si ces compagnies avaient à se débattre dans les mêmes conditions que celles qui sont faites par le gouvernement fédéral à Québecair, elles seraient probablement dans une situation très différente de ce qui existe présentement.

M. le Président, Québecair a une chance de se développer, les francophones ont une chance d'avancer dans l'occupation de postes, que ce soit au niveau de pilote ou de la direction. Je ne nie pas qu'Air Canada et Nordair aient fait des efforts dans ce sens, que le conseil d'administration de Nordair soit représenté très largement par des francophones, que M. Lizotte soit un francophone. Nous n'en voulons aucunement à Nordair. Le chef de l'Opposition a laissé entendre récemment qu'on en voulait à Nordair. On n'en veut aucunement à Nordair. Ce qu'on dit simplement c'est que, s'il doit y avoir une fusion entre Québecair et Nordair pour la rationalisation du transport aérien dans le Centre et l'Est du Canada, nous y croyons à cet objectif, mais cela ne se fera pas en risquant de perdre siège social, bases d'opération, bases d'entretien pour la nouvelle compagnie.

M. le Président, le député de Laporte dit: Ce n'est pas vrai. Je vais lui en apprendre une bonne, M. le Président. Alors que l'été dernier, quasiment au moment même où des représentants d'Air Canada étaient de l'autre côté dans le bureau du ministre d'État au Développement économique, Bernard Landry, pour nous dire que, dans cinq ans, ce serait intéressant de vendre dans le privé et qu'ils prenaient des engagements aussi louvoyants que ceux qu'ils avaient pris en 1978, au même moment, nous avons des renseignements venant de l'Ontario qu'Air Canada, de l'autre côté, ou le gouvernement fédéral, devrais-je dire plutôt, laisse entendre à des intérêts ontariens que, s'il y a la fusion proposée Québecair-Nordair Air Canada va vider de l'intérieur, en partie, des postes à Montréal pour les envoyer à Toronto.

M. le Président, nous n'étions pas dupes, nous ne le sommes pas, nous voulons simplement nous tenir debout pour assurer le développement du transport aérien, qui est une donnée fondamentale pour le développement économique d'une région, comme l'Alberta l'a compris, comme les Ontariens le comprennent, avec les déclarations qu'ils font. Ils ont une position similaire à la nôtre, à toutes fins utiles; il n'est pas question de laisser aller Québecair, filiale de Nordair ou d'Air Canada, par une nationalisation. J'insiste là-dessus. Ce qu'Air Canada voulait faire - je vois que le député de Bonaventure est ici, il me fait plaisir de le saluer - l'été dernier, c'est nationaliser Québecair pour la fusionner à Nordair, ce qui aurait entraîné des économies d'échelle, mais ce qui aurait entraîné la perte irrémédiable d'un rôle important pour les francophones, les Québécois dans le transport aérien. C'est cela qui était inacceptable.

Rapidement, en ce qui concerne une question particulière et à laquelle je voulais répondre - j'ai essayé de répondre au plus grand nombre de questions possible - celle des Boeing-737 et des BAC-111, ce que le député de Laporte sera heureux d'apprendre, peut-être, c'est qu'une réglementation américaine de la Federal Aviation Authority, la FAA, prévoyait l'interdiction de voler sur les BAC-111, à compter de 1985. US Air, qui possède une trentaine de BAC-111, a fait des pressions auprès de la FAA pour pouvoir continuer à les utiliser jusqu'en 1988, ce qui permettrait d'allonger considérablement la période de rentabilité de ces appareils, parce qu'ils font face eux aussi, aux États-Unis, aux mêmes difficultés économiques, au même déclin dans certaines régions, ce qui rend plus rentable de continuer l'utilisation d'appareils comme les BAC-111, par rapport aux Boeing 737. (13 heures)

Les décisions qui ont été prises par la FAA, et qui ont vraisemblablement été prises également par le gouvernement du Canada, permettent d'allonger la durée de vie des BAC-111. C'est évident qu'avec des conditions comme celles que j'ai décrites, qui sont faites à Québecair, avec un marché qui est difficile, présentement, Québecair fait comme d'autres transporteurs aériens et cherche à se rabattre sur des appareils moins coûteux, surtout en coûts de propriété, au moment où le gouvernement fédéral nous gratifie de taux d'intérêt sans précédent dans l'histoire du Canada mais que, par exemple, il donne des conditions de financement à long terme à Air Canada à des taux d'intérêt très avantageux.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, il est 13 heures. Je veux remercier les membres de la commission permanente des transports qui nous ont permis de nous rendre à destination à la vitesse de croisière prévue et aussi à assurer l'horaire convenu.

Donc, j'ajourne la commission permanente des transports sine die.

(Fin de la séance à 13 h 02)

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