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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 11 février 2025 - Vol. 47 N° 85

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi favorisant l’exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-huit minutes)

Le Président (M. Provençal) :Bon matin à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 93... 83, excusez-moi, Loi favorisant l'exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, M. le Président, aucun remplacement.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Nous entendrons ce matin les groupes suivants : la Coalition canadienne de la santé, en visioconférence, l'Association médicale canadienne, le Collège des médecins du Québec.

Je souhaite maintenant la bienvenue à la Coalition canadienne de la santé. Je vous rappelle que vous aurez 10 minutes et je vais céder immédiatement la parole à Mme Lagacé Dowson, directrice des communications. À vous la parole, Mme.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Merci, M. le Président. Salutations à tous et à toutes, ce matin. Je représente la Collection canadienne de la santé, qui est un groupe de la société civile — des individus, des chercheurs et des syndicats, des travailleurs de première ligne en santé — qui existe depuis 1979, qui a été fondé, en fait, pour mettre en place la Loi canadienne de la santé, pour mieux gérer le système de santé publique à travers le Canada, dans les provinces et les territoires. Et la coalition a été fondée, entre autres, par Tommy Douglas et les syndicats à l'époque, en 1979. Alors donc, on est de juridiction fédérale, c'est clair, mais on participe.

• (9 h 50) •

Et moi j'habite au Québec, donc je suis alliée avec la Coalition solidarité santé et les médecins québécois du régime public qui ne siègent pas sur notre C.A., mais avec qui on travaille et collabore depuis des années. Alors nous sommes là surtout pour appuyer nos alliés de la Coalition solidarité santé et les médecins québécois pour le régime public. Mais j'habite à Montréal, j'habite Montréal, je paie mes taxes au Québec et ma fille est infirmière dans le système de santé publique. Donc, je suis avec vous et parmi vous au Québec.

Et je suis là surtout pour vous dire que le Québec semble mener la charge vers le privé avec l'Ontario et l'Alberta. Vous êtes, nous sommes, parmi les cancres du Canada en ce qui a trait à la privatisation. Le Québec a l'honneur douteux de disposer d'un ensemble de règles moins rigoureuses que celles des autres provinces et territoires, surtout en ce qui a trait aux médecins. Et les médecins, vous savez, font des allers-retours entre le secteur privé à but lucratif et le secteur public. Et d'ailleurs, pour vous rappeler, à la grande surprise de nos membres, à la Coalition canadienne de la santé, il y a trois catégories de médecins au Québec : les engagés uniquement dans le public, les désengagés qui pratiquent en dehors du système, mais qui facturent le public et les non participants. Et ça, cette catégorie-là n'existe pas en dehors du Québec. Et ça, ça date de 1970 environ, sous M. Castonguay. Quand on a fondé le système d'assurance maladie au Québec, on a cédé ce terrain-là aux médecins. Alors qu'au Québec... et donc c'est unique, ça se trouve seulement au Québec. Et d'ailleurs, actuellement, il y a à...

Mme Lagacé Dowson (Anne) : ...bref, 780 médecins qui se trouvent dans cette catégorie-là des non-participants versus 12 en dehors du Québec. Dans le ROC, dans le reste du Canada, il n'y en a que 12. Donc, c'est vraiment... C'est comme assez surprenant. Et c'est de ça qu'il s'agit finalement. Le projet de loi tente de ramasser les médecins complètement non participants pour les ramener dans le système public, mais nous croyons que ce n'est pas en légiférant 50 services au public que ça va régler le problème des médecins qui quittent le système public. D'ailleurs, il y a eu une augmentation depuis l'an dernier. C'est passé de plus 641 non-participants à 780. Et je me demande... Je ne sais pas que c'est, le nombre actuel, mais j'imagine que ça a augmenté depuis l'an dernier. Donc ça doit dépasser 780.

D'ailleurs, les infirmières font la même chose. Elles quittent le public parce que le public pose trop de problèmes. Ma fille, en fait, en témoigne, quand on rentre à l'urgence à Saint Mary's, la situation est grave dans le système, dans les hôpitaux surtout, et il y a des personnes qui quittent parce que c'est trop pour eux, dont ma fille d'ailleurs. Alors, juste pour quitter Dre Leblanc, je pense qu'elle va prendre la parole cet après-midi, Isabelle Leblanc, la situation à laquelle les médecins font face nécessite une intervention sur le long terme et pas quelque chose comme le projet de loi n° 83. Alors, elle rappelle, et elle va en parler cet après-midi, que l'article 30.1 de la Loi de l'assurance maladie du Québec confère au ministre le pouvoir de suspendre temporairement le droit des professionnels de la santé de devenir des non-participants. Donc, le pouvoir est déjà en place et nous sommes d'accord avec eux à le souligner.

La Coalition canadienne de la santé est très préoccupée par le fait que les milliards sont dépensés pour des services assurés par le public dans des cliniques privées à but lucratif, et pas seulement au Québec. Ça, ça se fait dans les autres provinces aussi, c'est-à-dire que les provinces reçoivent de l'argent du fédéral, mais ne le dépense pas sur la santé. Ce qui fait que les Québécois et les autres Canadiens sont exposés à des frais d'utilisation, à une surfacturation et à un gaspillage de l'argent public pour la réalisation de profits excessifs par des fournisseurs privés, à but lucratif, et inefficaces parce que... Je vais citer la dernière étude la plus définitive du Lancet, qui est une étude qui a été publiée en mars de l'an dernier, 2024, qui disait que les citoyens sont mieux servis, vivent mieux et plus longtemps lorsque les services de santé sont livrés par un système public. Et ça, c'est à la grandeur des pays qu'on appelle d'assurance maladie, c'est-à-dire les pays scandinaves et européens. Et ça, ça revient souvent, souvent dans les études, que c'est vraiment le public qui donne les meilleurs résultats à la population. Puis je vais finir par citer une étude de l'institut... de l'IRIS, que vous connaissez sûrement, en 2019‑2020, qui a révélé que le coût d'une opération, par exemple, du canal carpien coûte 908 $ dans le secteur privé, contre 495 dans le secteur public, soit une différence de 400 $. Une coloscopie, 739 $ dans le secteur privé versus 290 $ dans le public. Alors, voilà.

Alors, la Coalition canadienne a été fondée pour défendre et faire avancer l'assurance maladie publique. Et je suis là un peu pour défendre l'assurance maladie publique dans le sens d'un point de vue plus général. Et je suis là pour répondre à vos questions, si questions il y a.

Le Président (M. Provençal) : Ça va? Vous avez terminé, Mme?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Oui.

Le Président (M. Provençal) : Très bien. Merci beaucoup. Alors, sur ce, on va débuter la période d'échange. Oui. Et c'est avec la députée de Bonaventure.

Mme Blouin : Combien de temps on a, M. le Président?

Le Président (M. Provençal) : ...c'est 16 min 30 s.

Mme Blouin : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous. Merci d'être avec nous ce matin. Selon ma compréhension, en fait, je pense qu'on partage un même objectif, c'est-à-dire qu'on veut augmenter les soins de santé au public. En fait, c'est l'essence même du projet de loi, là, qu'on va étudier tout prochainement parce qu'on veut garder nos jeunes médecins au public. Mais je tiens aussi quand même à préciser que le projet de loi, c'est une mesure parmi un ensemble de mesures qui sont en déploiement ou à venir, toujours dans le but de favoriser, bien sûr, l'accès aux soins de santé pour tous les Québécois. Et nous, on pense évidemment qu'on va trouver les médecins qui vont vouloir s'engager dans le réseau public. Je vous écoute, puis j'aimerais savoir un peu ce que vous pensez de la position du Collège des médecins parce que, nous, on suggère...

Mme Blouin : ...une obligation de pratique sur cinq ans. Le Collège des médecins suggère une obligation de pratique, point. J'aimerais vous entendre sur ce que vous pensez de ça.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Je ne crois pas que ça existe en dehors du Québec, ça n'a pas été suggéré, et j'ai l'impression que ça peut rebuter certaines personnes, qui vont avoir l'impression d'avoir fait leur service et vont vouloir quitter plus rapidement le public, peut-être. Si les conditions de travail à l'intérieur du public ne s'améliorent pas, l'accès aux blocs opératoires, aux... Ça va?

Mme Blouin : Bien, en fait, je me demande... Nous, on suggère une obligation de pratique sur cinq ans. Par contre, le Collège des médecins suggère qu'on donne une obligation de pratique à tous les médecins qui vont terminer leurs études, finalement, donc 100 % public, donc pas cinq ans seulement. Donc, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la position du Collège des médecins, qui va beaucoup plus loin que nous, en fait. Au lieu de suggérer cinq ans, on dit : Vous allez au public, point final.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Excusez, je n'avais pas compris. Oui, moi je suis... je crois que les membres de la coalition canadienne sont d'avis que ce soit obligatoire d'aller au public, à tout le monde. Parce que l'idée que les médecins puissent aller au privé et devenir des hommes et des femmes d'affaires, nous, on trouve que ça va à l'encontre de l'état de... de l'assurance maladie publique. On ne devrait pas profiter de la maladie et de la souffrance de la population. Par contre, les médecins devraient être bien traités, avoir un milieu de travail correct... et soient bien rémunérés. Ça, on est d'accord pour ça, mais, en fait, on serait plutôt d'accord avec le collège.

Mme Blouin : Et comment vous voyez une transition, en fait, vers le 100 % public, si on veut? Je me demande qu'est-ce que vous feriez, par exemple, avec les médecins qui sont actuellement au privé? Comment vous voyez la transition?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Bien, je pense que ce serait au ministre d'invoquer l'article 30.1 de la loi qui existe déjà, de l'assurance maladie. Le ministre a le pouvoir de suspendre temporairement ou peut-être de la façon... de façon permanente, le droit des professionnels de devenir des non-participants. Ça existe déjà dans la loi.

Et d'ailleurs, en dehors du Québec, les ministres exercent des sections semblables dans leurs lois provinciales et territoriales. Ça se fait déjà, c'est ça. Moi, je suis surtout là pour vous donner le contexte pancanadien, parce que je suis... moi, je suis à Montréal, les autres employés de notre coalition sont à Vancouver, à Fredericton, à Toronto. Nous, on est vraiment comme à la grandeur du Canada et on essaie d'éviter de s'immiscer dans les affaires du Québec, pour des raisons que je n'ai pas expliquées, mais le contexte du Québec est exceptionnellement poussé vers le privé, vous avez... Cette catégorie-là de médecins, là, les non-participants, ça n'existe pas en dehors du Québec, c'est quand même assez surprenant. Je ne sais pas si les membres du comité comprennent ou saisissent vraiment ce que c'est, ça, cette catégorie-là. Parce que les autres provinces et territoires, aussi proprivés qu'ils peuvent l'être, ne permettent pas aux médecins de quitter comme ça. Ça n'existe pas.

Mme Blouin : Donc, vous dites, entre autres, qu'on devrait encadrer, éviter les allers-retours... donc, on devrait éviter les allers-retours entre le privé et le public. Comment est-ce qu'on fait pour encadrer ça? On abolit ça, tout simplement?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : On devrait, à mon avis, là, je crois que... puis c'est l'avis du C.A. de la coalition canadienne, plus ou moins, parce qu'on n'a pas pris de vote là-dessus, là, mais les gens de notre organisme sont sous le choc un peu de voir la quantité de non participants, parce que ça n'existe pas dans les autres provinces et territoires. Et on a, sur notre C.A., des coalitions de la santé qui représentent chaque province et territoire, et eux autres, ils sont très surpris de voir que ça existe au Québec. Et ça, c'est sans doute parce que M. Castonguay a dû sentir le besoin de céder le territoire aux médecins, parce qu'en 1970, quand l'assurance maladie a été introduite au Québec, les spécialistes sont sortis en grève tout de suite, dès le départ. Et la raison pour laquelle cette grève-là s'est terminée assez rapidement, c'est parce qu'on a invoqué la Loi des mesures de guerre, et les manifestations puis les protestations étaient interdites en 1970.

• (10 heures) •

Alors, les spécialistes seront rappelés au travail, mais leur première réaction à l'introduction de l'assurance maladie, en 1970, était une sortie en grève, de sortir en grève. Alors, ils ont déjà... ils ont vu que leur capacité de générer du profit ou... certains médecins ont vu que ça pouvait nuire à leur capacité d'opérer comme des hommes et des femmes d'affaires indépendantes. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Blouin : Oui.

M. Dubé : Puis peut-être que je peux...

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre.

M. Dubé : Alors, bonjour à vous, puis merci beaucoup d'être là, parce que je pense que c'est très éclairant, ce que ce que vous dites, ce matin, là. J'ai...


 
 

10 h (version non révisée)

M. Dubé : ...je reviendrais sur un point que vous avez mentionné, parce que lorsqu'on fait... Puis vous êtes probablement la mieux placée parce que vous comparez la situation entre les provinces, hein, parce que vous avez une vue, je vais l'appeler fédérale, là. Je veux juste revenir sur ce qu'on appelle les non participants, parce que vous dites, c'est la seule province. Vous avez raison, il y a quand même d'autres raisons que le fait qu'on permet d'aller au privé qui fait qu'il y a des provinces où c'est permis, mais la différence entre la facturation au privé puis au public est réglementée. Alors, je veux juste que les Québécois comprennent qu'il y a deux façons d'attaquer le même problème, c'est soit d'interdire la pratique au privé ou de la permettre sous certaines conditions avec une réglementation sur les tarifs. Parce que ça, je pense que... Puis on le verra dans, je pense, entre autres, la présentation du Collège des médecins où ils sont très clairs que la question des tarifs est aussi un enjeu.

Alors, juste parce que vous demandez, vous ne savez pas pourquoi... Vous avez raison que ça vient quand même des années de M. Castonguay. Il y a eu quand même une augmentation importante dans les dernières années. Mais je veux juste dire que certaines provinces règlent le problème d'une autre façon avec des tarifs soit maximums ou plus alignés avec... Vous êtes d'accord avec ça, parce que vous savez que, dans certaines provinces, des tarifs sont maximums. Vous êtes d'accord avec ça? O.K. Bon. Déjà, cette précision-là, parce que, des fois, des gens ne comprennent pas qu'est-ce qui se fait ailleurs dans les autres provinces.

Sur la question... Puis, encore une fois, Catherine, si jamais il y a d'autres questions, là, je vais en profiter peut-être pour poser une question. Sur la question du cinq ans... Encore une fois, je profite de votre expérience pour nous dire, parce que c'est ça qu'on a dit, on veut regarder toutes les alternatives pendant la commission. Il y a... De faire l'obligation pour les nouveaux médecins, les nouveaux facturants de pratiquer au public, première obligation, puis la deuxième obligation de notre projet de loi qui... dont la terminologie est un peu différente, mais se donner le droit d'obliger la pratique au Québec. Alors, le projet de loi est plus souple dans la partie au Québec, mais je veux juste le mentionner dans d'autres provinces.

Puis j'aimerais que les gens comprennent aussi ce qui se fait en Ontario, juste pour qu'on comprenne bien les différences entre le projet de loi qu'on fait versus la pratique en Ontario pour les nouveaux médecins. Je m'explique. En Ontario, les frais de scolarité pour les médecins sont beaucoup plus élevés, on parle de frais de scolarité qui sont deux, trois, quatre fois plus élevés que ceux au Québec. Et l'Ontario, pour certaines catégories d'étudiants, je vais le dire comme ça, ce n'est pas pour tous les étudiants, mais dit : Si jamais vous voulez avoir une bourse pour vous aider à passer à travers toutes ces années de médecine là où les frais sont plus élevés, bien, en échange, on va vous demander un engagement de pratique au privé... pardon, au public en Ontario.    Alors, je voudrais juste vous entendre, parce que, puis je veux juste confirmer ça, parce que, nous, on a fait nos recherches pour dire :  Est-ce que du fait - puis c'est une question que je pose, je la pose comme question ouverte : Est-ce que du fait que les tarifs scolaires ou les frais de scolarité sont beaucoup moins élevés au Québec qu'en Ontario fait que, dans le fond, c'est déjà, on pourrait dire, une bourse qui est donnée, alors qu'en Ontario, on dit : Bien, on vous donne une bourse pour vous aider durant vos études, mais on va demander une obligation de pratique en Ontario. Ça fait que je voudrais vous entendre là-dessus, parce qu'il y a deux façons de le faire. Puis je ne veux pas dire qu'on devrait augmenter les frais de scolarité au Québec, là, ce n'est pas ça que je dis du tout, mais je veux juste dire qu'en Ontario c'est leur principe.

Ça fait que je voudrais vous entendre là-dessus. Est-ce que notre compréhension est bonne, qu'il y a une si grande différence, un, dans les tarifs, dans les frais de scolarité en Ontario? Et, si oui, que c'est la base pour donner, pour certaines catégories d'étudiants, une demande de remboursement de bourse en échange d'un engagement à la pratique.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : bien, si je peux me permettre, M. le ministre, le fait que les frais de scolarité sont bas au Québec, c'est parce qu'on s'est battu pour les garder bas. Vous vous souvenez de 2012, Carré rouge, ça a été une lutte de...

Mme Lagacé Dowson (Anne) : ...génération. À chaque génération, les étudiants se lèvent pour défendre le droit à l'accessibilité de l'éducation, en sortant de la «grande noirceur». Donc, ça fait partie d'un contrat social. C'est d'ailleurs pourquoi le fait qu'il y ait tant de médecins qui soient non participants est surprenant, parce que le contrat social ne semble pas tenir. Alors, moi, je serais d'avis... du même avis que le collège que, si on tient à la promesse des frais de scolarité accessibles, on devrait prioriser le public comme endroit où les médecins servent le public.

M. Dubé : Oui, on est d'accord. Mais je voulais juste qu'on comprenne... parce que je pense que notre rôle ici, en commission, avant de finaliser le projet de loi ou, comme vous le disiez, aller chercher des règlements qui sont déjà disponibles... Moi, je voulais que les gens comprennent qu'est-ce qui se passe en Ontario. Puis en Ontario, comme je vous dis, à moins que j'aie une mauvaise lecture de la situation, les frais de scolarité sont beaucoup plus élevés, et on passe par un système de bourses, mais en échange d'un engagement de pratique en Ontario.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : En Ontario, le système médical est aussi privatisé, sinon plus privatisé qu'au Québec. On a des fermetures d'urgence à tout coup. Il y a des médecins qui quittent carrément la province, et le pays, même, et qui s'en vont ailleurs, tellement que c'est... ça ne fonctionne pas très bien. Donc, je ne sais pas trop. Moi, je n'ai pas... je n'ai pas... je ne peux pas vraiment répondre à votre... à votre question, mais... mais je crois que c'est... ça pose problème dans les autres juridictions. Les médecins veulent quitter, il y en a qui quittent et, en Ontario, ils quittent pour les États-Unis, à cause de la question de la langue, ils quittent pour les autres provinces aussi. Alors, il y a un problème, surtout dans les urgences en Ontario. Et le gouvernement ontarien est beaucoup sur la sellette actuellement, en élection, à cause de ces problèmes-là dans le système de santé, parce qu'il y a une élection, actuellement, en cours.

M. Dubé : Très bien. Catherine, est-ce que tu veux continuer ou il y a une de mes collègues qui serait prête à...

Mme Blouin : Bien, en fait, moi, je... si je peux y aller, M. le Président. Je suis juste... de vous entendre, en fait, sur les mesures que vous mettriez en place. Comment... qu'est-ce que vous proposez pour garder plus de médecins au public, pour rendre ça plus attrayant?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Bien, il faudrait peut-être les écouter. Si le Collège des médecins vous dit que c'est leur façon de voir les choses, il faudrait peut-être collaborer davantage avec eux, tout en travaillant avec les travailleurs du milieu de la santé, parce qu'il n'y a pas que les médecins dans le système de santé. Le fait que le système ne fonctionne pas très bien, que les gens n'ont pas de soins primaires... il y a deux millions de Québécois qui n'ont pas accès aux soins primaires... Il faudrait faire en sorte d'écouter et d'être à l'écoute des gens qui sont en première ligne, parce qu'on vit une crise actuellement, pas seulement au Québec mais... Je dirais qu'au Québec, en Ontario, en Alberta c'est là qu'on voit les pires conséquences d'une privatisation, d'un manque de volonté de vouloir protéger le système public.

Et quand on écoute Trump, il dit : Ah! bien, je ne sais pas si les Canadiens n'aimeraient pas mieux le système de santé américain. On est horrifiés, genre. Le système de santé au Canada est le programme social le plus aimé, le plus respecté, le programme qu'on affectionne davantage, alors il faut faire en sorte de protéger cette espèce d'entente qu'on a qui a été difficilement gagnée, de façon vraiment ardue, province après province, en pièces... et c'est une espèce de travail de pièce après pièce, et le Québec a été le dernier à rentrer au bercail en ce qui a trait à l'assurance maladie au Canada. C'est la dernière juridiction qui s'est jointe au système, et ce n'est pas une... c'était en 1970, alors qu'on a commencé en 1962 en Saskatchewan.

Alors, ce n'est peut-être pas une coïncidence que les médecins sont plus difficiles à embarquer dans le système, et je crois que c'est important que le gouvernement du Québec agisse pour faire en sorte que les gens veuillent travailler dans le public, pas seulement parce qu'on légifère l'obligation mais parce que le système fonctionne bien, qu'on arrive à desservir le public.

M. Dubé : Très bien...

Le Président (M. Provençal) :1 min 30 s.

• (10 h 10) •

M. Dubé : ...O.K. Bien, écoutez, je pense que la... si je résume votre point, vous êtes assez à l'aise avec la position du Collège des médecins, là, si je résume bien. Pour la question de l'aspect, disons, d'améliorer le réseau, moi, je suis tout à fait d'accord avec ça, là. Je n'aurai pas le temps peut-être d'énumérer toutes les... toutes les mesures qu'on a mises en place, depuis quelques années, pour améliorer le réseau. Vous parliez tout à l'heure, par exemple, de Québécois qui ne sont pas pris en charge. On a quand même mis un système d'amélioration en première ligne, avec...

M. Dubé : ...le GAP, par exemple, je regarde comment on supporte les médecins de famille. Puis je pense que c'est des... des montants qui ne sont pas connus ou bien connus. Je pense, en médecine familiale, de penser que, en plus des honoraires des médecins, on leur donne maintenant, là, au cours des dernières années, puis c'est un gros changement, environ 600 millions de dollars par année, en plus de leurs honoraires, pour les supporter, soit en clinique ou dans le GAP. Ça fait que je pense qu'il y a beaucoup de mesures qui sont mises en place pour faciliter le travail des médecins.

Alors, je terminerais en disant que j'apprécie beaucoup vos commentaires, puis on va continuer d'écouter les gens pour se faire une tête. Merci beaucoup, madame. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci, M. le ministre. Merci, Mme. Et nous allons maintenant passer avec le député de Pontiac pour 12 min 23 s.

M. Fortin :Merci. Merci, M. le Président. Bonjour à tous les collègues. Bonjour, Mme Lagacé Dowson, merci d'être parmi nous aujourd'hui et de représenter, là, la Coalition canadienne de la santé.

Je trouve ça particulièrement intéressant, là, ça fait cinq groupes, M. le Président, qu'on reçoit, si je ne m'abuse, et les cinq groupes ont commencé en disant : Nous, on favorise le régime public. Et les cinq groupes nous on dit : Faites attention au projet de loi n° 83. Il y a quand même quelque chose à considérer derrière ça, là. Et la ministre pourra certainement nous dire : Ah bien, il y a quand même trois groupes de médecins là-dedans. D'accord. Sauf qu'il y avait la Coalition solidarité santé, là, aujourd'hui, il y a la Commission canadienne de la santé, puis, de la façon que Mme Lagacé Dowson l'a présenté, ça me semble pas mal le groupe le plus trop public qu'on peut... qu'il peut y avoir, là, groupe formé par, à l'époque, par Tommy Douglas. Tu sais, nous, on parle de M. Castonguay, ici, au Québec, dans le reste du Canada, ils parlent de Tommy Douglas. Alors, je pense qu'on doit considérer quand même le point de vue qui nous est présenté de façon sérieuse, là.

Mme Lagacé Dowson, si j'ai bien compris vos propos sur le projet de loi, puis on arrivera aux positions des autres, là, le Collège des médecins puis les autres, mais, sur le projet de loi comme tel, vous pensez qu'il pourrait y avoir un effet négatif sur l'attractivité du réseau public si le projet de loi est adopté tel quel.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : C'est ce qu'il nous a été dit par nos alliés, dont les médecins québécois pour le régime public et Dre Isabelle Leblanc. On m'en a parlé hier. C'est un peu le point de vue de nos alliés à la Coalition solidarité santé, ce que vous avez mentionné déjà.

Nous, on n'est pas là pour vous dire quoi faire. Pas du tout, là. Ce n'est pas l'idée. C'est qu'on donne... on essaie de donner un contexte plus large. Et le fait que le Québec est un peu ce qu'on appelle en anglais un «outlier» sur la question des médecins, qui sortent carrément du système, qui mettent leur pub sur des bus, on entend leurs publicités à la radio. C'est quand même aberrant. Ça, ça n'existe pas en dehors du Québec. Jamais qu'on ne voit une publicité aussi agressive dans l'espace public que ce qu'on voit ici, ce qu'on entend à la radio. Et il y a plein de cliniques privées, je ne vais pas vous dire ça. Donc, ça, comme personne qui travaille pour le système public, je trouve ça assez ahurissant même, je trouve ça terrible de voir ça, que des compagnies — je ne nommerai pas, là, vous les connaissez — font de la publicité allègrement partout. Donc, ça, ça va vraiment à l'encontre de l'esprit des fondateurs. Je ne sais pas ce que M. Castonguay en pense, parce que M. Castonguay était beaucoup moins pro public que Tommy Douglas, il faut se le dire, là, c'est... il était beaucoup plus mitigé sur la question du public... selon Tommy Douglas, qui voulait que tout soit public. D'ailleurs, les médecins sont entrés en grève en 1962. Pendant trois semaines, il n'y a eu aucun service public en Saskatchewan; quand même assez surprenant. On a pendu Tommy Douglas en effigie en l'accusant d'être communiste. Alors, ça, c'est... L'histoire de l'assurance maladie, c'est une histoire assez compliquée, mais le Québec, comme étant le dernier à se joindre au programme, est celui qui est le plus branché sur le public au point de vue... du point de vue des médecins. Je ne vais pas parler... je ne rentre pas dans les détails soulevés par le ministre. Donc, je pense que vous êtes devant un consensus, c'est ça que vous disiez au départ, puis je pense que vous avez raison, que les groupes qui prônent le public ne sont pas nécessairement pour l'idée de légiférer, de forcer les jeunes médecins, surtout les jeunes médecins, et ne pas faire en sorte que ce soit plus généralisé. On ne peut pas, en fait, punir, si je peux utiliser le terme, des jeunes médecins qui sortent de l'école parce qu'ils sont vulnérables...

Mme Lagacé Dowson (Anne) : ...ou plus sujets à être encadrés que les médecins qui sont déjà sortis du système, qui sont beaucoup plus seniors et non participants. Donc, c'est pour ça que j'invoque l'article 30.1 de la loi de l'assurance maladie existante.

M. Fortin :Mais est-ce que la... est-ce que la position du Collège des médecins... puis on va les recevoir tantôt, là, moi, j'y vais à travers la... bien, les discussions qu'on a eues par le passé puis la revue de presse de ce matin, là, mais la position du Collège des médecins, si je l'ai bien comprise, c'est quand même qu'il y ait une espèce de clause grand-père pour tous ceux qui sont déjà non participants. Donc, vous, ce que vous nous dites là, c'est qu'il ne devrait pas y avoir deux régimes, il devrait y en avoir juste un puis qu'il ne devrait plus y avoir de médecins non participants, est-ce que je vous comprends bien?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Oui, en effet, oui. Nous, on trouve que c'est une aberration qui donne une... qui donne une mauvaise réputation au Québec et qui nuit aux services, parce que ces non participants là, ils prennent les personnes qui ont le plus d'argent, qui sont le mieux... qui sont, tu sais, le mieux... qui ont le plus de ressources, qui sont souvent en meilleure santé, et ils laissent les problèmes les plus compliqués au public, un peu comme ce qu'on voit en éducation avec les écoles publiques versus privées. Alors, il y a là une injustice fondamentale.

M. Fortin :O.K. Moi, j'ose croire... puis je spécule, là, Mme Lagacé Dowson, mais je ne pense pas que le ministre va se rendre à la proposition que vous faites là. Alors, est-ce que... est-ce que... entre le projet de loi n° 83 puis, par exemple, la tarification maximale, c'est-à-dire la même tarification au public puis au privé, est-ce que ça, ça aurait autant de ressac, par exemple, que le projet de loi n° 83 à vos yeux ou est-ce que...

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Ce serait... Excusez.

M. Fortin :...d'attirer les médecins au public ou les désintéresserait au privé?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Bien, c'est ce que les médecins généralistes vivent déjà, ils sont rémunérés au même tarif au public et au privé, hein? D'ailleurs, la docteure Leblanc pourrait vous en parler. Eux, ils sont payés au même tarif qu'ils soient au privé et au public. Alors, ce serait peut-être un modèle moyennant, là... de transition. Mais l'idéal, ce serait qu'on se reprenne en main puis qu'on rebâtisse le public, parce que, là, le service... l'assurance maladie au Québec, en Ontario et en Alberta est en train de tomber en morceaux.

D'ailleurs, il y a un énorme scandale qui est en train de se former en Alberta. On parle même de demander la démission du premier ministre tellement qu'il y a eu du copinage, puis du népotisme, puis de... du... qu'on a privilégié le privé en Alberta au point où on s'est fait prendre, le gouvernement de Mme Smith.

Alors, il faut vraiment essayer de défendre l'intérêt public, comme on le fait en éducation, en gardant les frais de scolarité les plus bas possible.

M. Fortin :O.K. Dans le... Parce que vous nous présentez votre point de vue aujourd'hui, là, dans le contexte canadien, là. Une des préoccupations qu'on a entendues la semaine dernière, entre autres, je pense, ça venait des médecins résidents, c'était... c'était la pérennité, entre autres, du système CARMS, c'est-à-dire le système de... appelons ça de jumelage ou de référencement, là, de jumelage de médecins résidents. Si on adopte une loi comme le projet de loi n° 83, est-ce que ça vous inquiète, ça aussi, la... soit la viabilité, la pérennité, si nous, on l'adopte puis si d'autres provinces décident de faire comme nous, par exemple?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Je sais que les résidents n'aiment pas trop... Le système est très opaque pour les résidents, comment faire pour avancer vers une carrière en sortant de l'université. Et c'est... Je me... «I will desist», en respect de Mme... de la docteure Leblanc, parce qu'elle en sait beaucoup puis elle s'en vient avec des résidents, si je comprends bien, cet après-midi. Donc, ce serait vraiment à eux qu'il faudrait s'adresser pour en savoir davantage. Je ne prétends pas être experte en ce qui a trait à la formation des résidents.

M. Fortin :Très bien. Moi, je vous remercie. Je crois que ma collègue de La Pinière a quelques questions.

Le Président (M. Provençal) :Alors, à vous la parole, madame.

• (10 h 20) •

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, merci pour votre présentation, Mme Lagacé Dowson. Une question... Bien, en fait, juste clarifier, parce qu'avec toutes les discussions qu'on a eues... et puis on fait référence... le gouvernement fait référence au Collège des médecins qui veut aller plus loin, mais la position du Collège des médecins est quand même nuancée. Si on regarde l'article qui est paru dans la Presse ce matin, moi, je comprends qu'ils ne sont pas d'accord avec les mesures coercitives. Est-ce que c'est bien ce que vous aviez dit aussi, que vous n'étiez pas d'accord avec les mesures coercitives qui sont dans le projet de loi n° 83 en ce moment?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Ce n'est pas nécessairement que je suis contre les mesures coercitives. En principe, je le suis, mais c'est de...

Mme Lagacé Dowson (Anne) : ...de viser les jeunes médecins qui sortent de l'école, les plus jeunes, les plus juniors, et de leur... de leur obliger, de cette façon-là, sans faire face aux problèmes du contexte. Alors, nous, on est pour une espèce d'approche un peu plus généralisée, je crois, et c'est un peu... j'essaie de suivre la consigne de nos collègues de la Coalition Solidarité Santé et des médecins québécois pour le régime public, pour lesquels on a le plus grand respect, parce que nous, on n'est pas là pour... Je reviens à... on n'est pas là pour vous dire quoi faire. On vous amène le contexte actuel. Et je peux vous dire que le Québec a... est perçu comme étant un peu exceptionnel et d'accorder... si cette... cette fameuse catégorie là des non-participants, nous, on... Ce n'est pas du tout compris en dehors du Québec. Alors, il faut faire... il faut faire face au fait que les médecins fuient, quittent le système public pour toutes sortes de raisons valables et pas valables, et que c'est un défi pour vous, comme représentants de la population, de faire en sorte de représenter les intérêts des Québécois qui n'ont pas accès aux services des médecins. C'est vrai que le GAP fonctionne quand même assez bien, mais ce n'est pas une solution à long terme, ça.

Mme Caron : Alors, ce que je comprends, c'est que, dans un monde idéal, il s'agirait d'abolir la catégorie des non-participants. Il s'agirait de ne pas adopter le projet de loi n° 83, mais d'utiliser l'article que vous avez cité, 30,1, je crois, de la Loi sur la santé et les services sociaux, qui permettrait au ministre de suspendre temporairement le fait de sortir du réseau, et ce serait de retravailler sur le milieu de travail, finalement, du réseau, comme la semaine dernière, les fédérations qu'on a entendues nous disaient : Même si tous les médecins nouveaux ou moins nouveaux étaient dans le domaine public... travaillaient, c'est-à-dire dans le réseau public, de toute façon, ils n'auraient pas accès aux plateaux pour faire les chirurgies, parce qu'on manque des autres professionnels.On n'a pas suffisamment d'infirmières. Dans certains cas, on n'a même pas le personnel administratif pour donner les rendez-vous pour la chirurgie. Donc, quand vous nous invitez à travailler sur rebâtir le réseau, c'est à ces choses-là que vous vous adressez, j'imagine.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : C'est ça. Et de rebâtir avec un certain respect pour les syndicats et les associations professionnelles qui représentent ces personnes, hein, parce qu'ils ont l'impression... Vous avez vu la grève qui a eu lieu à l'automne, alors le Front commun. Alors, il y en avait beaucoup, de travailleurs de la santé qui sont vraiment frustrés, qui veulent bien faire, dont ma fille qui a 24 ans. Elle a été formée pour devenir infirmière au Cégep Vanier. Elle rentre à l'hôpital Saint-Mary's, puis là, on l'a... elle a travaillé là proche quatre, cinq mois, puis on l'a sacré dehors, elle a perdu sa job avec les 1 000 personnes qui ont vu leur poste supprimé.

Le Président (M. Provençal) :Malheureusement, Mme. Le temps est écoulé...

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Alors là... Alors là, il faut éviter de fonctionner comme ça si possible. En tout cas, je vous remercie beaucoup, puis je vais arrêter de parler.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je vais maintenant céder la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Lagacé Dowson. Je n'ai pas tant de questions parce que votre propos est assez clair, là. Puis ça ne surprendra personne ici que je dise qu'on est pas mal... pas mal en communion, là, de pensée sur la destination finale. C'est plus sur l'itinéraire que je m'intéresse, ce matin, l'itinéraire et le véhicule. D'abord, le véhicule en ce moment, c'est le projet de loi n° 83 qui est devant nous. Puis l'itinéraire semble poser des doutes et des questions à certains groupes qui sont venus nous voir depuis la semaine dernière.

Vous dites : En fait, en ce moment, il y a trois catégories au Québec, ce qui est... ce qui est vrai, pour les... pour les médecins, nous devrions revenir à une seule. Même dans mes rêves les plus fous, je ne pense pas que ça peut se faire en six mois, mais ça... je suis d'accord avec vous que, sur la destination finale... sur l'itinéraire, là, comment on fait ça? C'est quoi, les étapes pour arriver à ça?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Moi, je travaille pour un organisme fédéral, une coalition fédérale et comme je vous ai dit au départ, je ne suis pas là pour dire au Québec comment faire. Puis, en fait, je comprends votre question. En fait, ce qu'il faudra peut-être faire, c'est de faire en étapes ce fameux étapisme, éliminer, réduire... la catégorie des non-participants pour en faire... pour faire en sorte qu'il y ait deux catégories, les désengagés et les engagés, et éventuellement essayer de limiter les désengagés aussi. Je pense qu'on peut... on pourra peut-être...

Mme Lagacé Dowson (Anne) : ...peut-être envisager un processus de ce genre-là. Mais ce n'est pas à moi de vous dire comment procéder au Québec. C'est justement que nous, de notre point de vue, une coalition pancanadienne qui ne... qui cède le terrain par respect... le Québec, nous, on trouve, ça donne un très mauvais exemple aux autres juridictions provinciales et territoriales de voir qu'il y a cette catégorie-là des non-participants. Il y a... Ça ne se comprend pratiquement pas. Moi, j'ai dû expliquer aux membres du C.A. que ça existe au Québec, alors que ça n'existe pas ailleurs, même pas... Dans les provinces où le privé est le plus, plus, plus avancé, ça n'existe pas.

M. Marissal : Bien, je ne veux pas vous mettre sur le «hot seat», là,  puis je ne vous demande pas la recette de la poudre de perlimpinpin, là, mais on a partagé le micro assez souvent quand vous étiez à CBC pour savoir que vous avez des opinions, puis vous représentez quand même un mouvement pancanadien assis sur les bases de Tommy Douglas. Ce n'est pas rien, là. Donc, sans nous donner la recette... Je disais tout à l'heure que vous souhaiteriez qu'il n'y ait qu'une seule catégorie. Ce n'est peut-être pas tout à fait exact. Des médecins qui, dans leur juste droit, veulent se désaffilier et travailler uniquement au privé, ça, dans votre esprit, est-ce qu'il y en aura toujours?

Mme Lagacé Dowson (Anne) : L'idéal, ce serait qu'il n'y en ait pas. Il y a malheureusement la... une attitude d'affaires, tu sais, il y a certains médecins qui ne pratiquent pas la médecine pour le bien-être nécessairement de la population, mais parce que c'est très bien rémunéré. Il y a un statut social qui est accordé aux médecins, un peu comme ce qu'on accordait anciennement au clergé, peut-être. Alors, il y en a qui vont poursuivre une carrière en médecine pour ces raisons-là. Mais, en général, ce n'est pas ce qu'on souhaite, ce n'est pas ce qui est le mieux pour la population.

Et je reviens à l'étude du Lancet. Plus on a de public, plus on a une espérance de vie plus grande, on a une qualité de vie meilleure. Alors, on voit ça partout dans... où les études ont été faites. Et de toujours revenir à la charge pour... vers la privatisation, comme une espèce de zombie qui ne veut pas mourir, ce n'est pas bon pour la population. La population paie des taxes pour avoir accès aux soins, puis actuellement il y a des problèmes d'accès. Alors, s'il faut faire en sorte que les médecins et le personnel de santé rentrent au bercail, rentrent au public, c'est ce qu'il faut faire, à notre point de vue.

Le Président (M. Provençal) :Merci.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Mais on...

Le Président (M. Provençal) :Merci.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Excusez. On ne vit pas... Voilà.

Le Président (M. Provençal) :Je m'excuse, j'ai l'obligation de vous interrompre, malheureusement.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : C'est bon.

Le Président (M. Provençal) :On va poursuivre avec le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin :Bonjour, Mme Lagacé Dowson. Évidemment, j'ai très peu de temps, mais je voulais quand même voir avec vous, parce que dans tout ce débat-là, il y a une espèce de perspective entre le privé et le public, je pense que vous représentez bien aussi dans vos propos cette perspective-là. Puis, en même temps, du point de vue du patient, il y a dans le fond des prestataires de services, mais tant qu'on paie avec notre carte d'assurance maladie, à la limite, on ne voit presque pas la différence. Est-ce qu'un GMF, c'est privé? Bien, moi, j'ai appris en fait assez récemment que c'est privé, parce que je ne paie pas, parce que dans le fond mes soins sont là complètement gratuitement pour moi sans frais pour le patient.

Puis, dans les cinq critères... Alors, comme vous êtes au niveau fédéral, dans les cinq critères de la Loi canadienne sur la santé, il y a la gestion publique, et puis j'ai trouvé un rapport en fait assez intéressant du Sénat qui parle de ce que ça signifie, la gestion publique : essentiellement, ça stipule que les régimes d'assurance santé des provinces doivent être gérés par un organisme public, mais ça peut aussi vouloir dire en fait que, si l'assureur est un fonds unique, le gouvernement, les prestataires ou en tout cas les opérateurs peuvent être par exemple des organismes privés à but lucratif ou non. Est-ce que votre lecture des cinq principes, puis de celui-là en particulier de la gestion publique, est similaire à celle du Sénat dans son rapport, ou est-ce que vous avez une perspective différente?

• (10 h 30) •

Le Président (M. Provençal) :Il vous reste 30 secondes pour répondre.

Mme Lagacé Dowson (Anne) : Il y a cinq principes : gestion publique, intégralité, «universitalité», transférabilité, accessibilité. Le problème, c'est que, quand on s'en va d'un CLSC au GMF, ça coûte plus cher au système, parce qu'on facture à des tarifs plus élevés, alors que si c'était au public ça coûterait moins cher...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme Lagacé Dowson (Anne) : ...

M. Chassin :...c'est hors de l'hôpital, il y a 30 % de plus pour les médecins?

Le Président (M. Provençal) :C'est terminé, M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin :Ah! pardon. Je m'essayais. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Alors, Mme, je vous remercie beaucoup, beaucoup de votre participation et de votre collaboration.

Sur ce, nous allons suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup, madame. Bonne journée.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

(Reprise à 10 h 35)

Le Président (M. Provençal) :Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à l'Association médicale canadienne. Et le Dr Condé et M. Lessard auront 10 minutes pour leur présentation. Alors, sur ce, je vous cède la parole.

M. Condé (Jean-Joseph) : M. le Président, M. le ministre de la Santé, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de nous donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui au nom de l'Association médicale canadienne. Je me présente, Jean-Joseph Condé, médecin de famille à Val-d'Or. Je représente le Québec au conseil d'administration de l'Association médicale canadienne et j'assure une présente force... forte du Québec à l'association. Je suis accompagné de François Lessard, directeur principal, Francophonie et communications à l'AMC.

L'AMC a été fondée, vous le savez peut-être, ici même à Québec en 1867, pas loin d'ici, dans le grand hall de l'Université Laval. Donc, l'AMC est une organisation pancanadienne qui regroupe les médecins et les futurs médecins de partout au pays. Elle œuvre à améliorer les soins de santé et à défendre les intérêts des professionnels de la santé mais aussi ceux des patients.

Son engagement repose sur trois piliers fondamentaux...

M. Condé (Jean-Joseph) : ...assurer un accès équitable aux soins de santé pour tous, soutenir la profession médicale à travers des politiques efficaces et, bien sûr, veiller au bien-être des médecins.

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous faire part de nos préoccupations à propos du projet de loi no 83, qui vise à favoriser l'exercice de la médecine dans le réseau public en imposant aux nouveaux médecins une obligation d'y servir pendant cinq ans, mais nous sommes aussi ici pour vous dire que... ce que vous faites de bien, ce que vous faites pour renforcer le réseau public et pour vous présenter des pistes de solutions pour favoriser la rétention des médecins dans le réseau public.

Bien que nous partageons l'objectif du gouvernement d'améliorer l'accès aux soins pour tous les Québécois et d'accroître le sentiment d'appartenance des médecins au système public, nous privilégions une approche incitative et positive favorisée... ce qui favoriserait la rétention des médecins dans le réseau public. Or, nous croyons que, malheureusement, l'imposition d'un service médical obligatoire risque d'aggraver la situation au lieu de l'améliorer, car les médecins ne quittent pas le réseau public québécois pour des raisons financières. La charge administrative lourde, la complexité croissante de la gestion des patients, le manque de flexibilité, des horaires rigides, la vétusté des infrastructures de santé et des équipements sont des facteurs déterminants dans la décision des médecins d'aller vers le privé. Ces conditions de travail très difficiles, marquées par des délais d'attente prolongés, des ressources limitées et une forte pression, accentuent le stress et nuisent à un engagement durable envers le réseau public. Forcer les médecins à y rester ne réglera pas ces problèmes.

Si des changements majeurs au système de santé public ne sont pas effectués, nous croyons qu'une fois leurs obligations remplies, beaucoup de médecins chercheront à quitter rapidement le réseau public.

Par ailleurs, exiger la signature d'un contrat d'engagement au Québec avant le début de la résidence est une mesure inédite et préoccupante. Aucun autre programme d'études en soins de santé n'impose un engagement aussi contraignant avant même la formation. Cette obligation est un élément qui va trop loin et qui pourrait nuire aux médecins qui veulent choisir le Québec pour leur pratique, particulièrement en médecine familiale.

Le projet de loi prévoit également des sanctions financières pouvant atteindre 200 000 $ par jour pour des médecins qui ne respecteraient pas leur engagement. De telles pénalités sont clairement excessives et risquent de décourager les futurs médecins de pratiquer au Québec, en particulier ceux issus de milieux moins favorisés ou des étudiants étrangers confrontés déjà à des frais élevés.

Au lieu de restreindre la liberté en matière de pratique médicale, on devrait s'attaquer aux véritables causes du problème. Il faudra moderniser les infrastructures, alléger le fardeau administratif des médecins, offrir des incitatifs pour l'installation en région et assurer un meilleur soutien aux équipes médicales et à la création de ces équipes médicales. Ce sont ces mesures, et non la coercition, qui permettront une rétention durable des médecins dans le réseau public québécois.

L'informatisation inefficace de notre réseau, la surcharge bureaucratique du système, le manque d'intégration des soins contribuent à cette crise. Une simplification des procédures administratives et une meilleure coordination des soins pourraient libérer du temps médical précieux. Renforcer les équipes de soins en intégrant davantage de professionnels permettrait de mieux répartir la charge de travail et d'assurer une prise en charge globale des patients. Nous pensons qu'il est impératif de réduire le fardeau administratif qui empêche les médecins de consacrer du temps à leurs patients. Aujourd'hui, un médecin passe en moyenne 40 % de son temps à remplir des formulaires, à répondre à des demandes administratives et à naviguer dans des systèmes informatiques désuets.

• (10 h 40) •

Le gouvernement a déjà fait un excellent premier pas dans cette voie avec la récente loi qui allège le fardeau administratif des médecins, et nous sommes d'avis que c'est avec ce genre d'initiative que nous allons permettre aux étudiants en médecine de choisir de pratiquer dans le réseau public et surtout d'être fiers de pratiquer dans le réseau public...

M. Condé (Jean-Joseph) : ...l'AMC croit que plutôt que d'imposer des obligations légales aux nouveaux médecins, il serait plus efficace de s'inspirer des initiatives qui ont fait leurs preuves, tant au Québec qu'ailleurs au pays. Ici même, l'Université Laval a implanté un pavillon régional en médecine familiale à Rimouski, un modèle qui facilite l'établissement des médecins en région. De plus, récemment, on parle d'un projet de réseau de l'Université du Québec visant à établir une faculté de médecine axée sur la médecine familiale et la pratique en région. Ça, c'est ce genre d'approche qui est prometteuse. Ailleurs au Canada, des modèles comme ceux de l'École de médecine du Nord de l'Ontario ou de l'Université Queen's ont démontré qu'une formation adaptée aux réalités locales et une immersion clinique précoce favorisent la rétention des médecins sans avoir recours à des obligations contraignantes.

Nous croyons également qu'il faut miser sur les réformes déjà mises en place par le gouvernement. Le plan santé, introduit en 2022, a inspiré plusieurs belles initiatives. Des initiatives qui visent notamment à réduire le fardeau administratif, développer la télésanté, améliorer la gestion du réseau avec l'Agence Santé Québec. Ces mesures sont des mesures qui vont dans la bonne direction, mais elles sont encore en phase d'implantation. Et plutôt que d'imposer des obligations contraignantes aux nouveaux médecins, nous pensons qu'il serait beaucoup plus efficace de poursuivre et de renforcer les réformes qui ont déjà été débutées avec le plan santé.

Nous souhaitons également profiter de cette tribune pour réaffirmer que l'accès aux soins doit demeurer universel et gratuit, sans frais pour les patients, pour les services médicaux essentiels. Le secteur privé peut jouer un rôle complémentaire s'il est intégré et financé par l'État. Tant que cette approche vise à alléger la pression sur les hôpitaux et les cliniques de première ligne, elle peut contribuer à améliorer l'accès aux soins. Toute expansion du rôle du privé doit respecter ce principe fondamental. Les coûts des services médicaux doivent rester entièrement couverts par l'État. C'est la position de l'Association médicale canadienne.

En conclusion, nous invitons le gouvernement à revoir son approche et à adopter une stratégie fondée sur la collaboration, sur l'incitation plutôt que sur la contrainte. Nous restons disponibles pour travailler avec vous à l'amélioration des conditions de pratique des médecins et à la consolidation du réseau public. Ensemble, nous devons bâtir un système qui attire et retient les professionnels plutôt qu'un système où il y a de plus en plus de contraintes. Le Québec a une opportunité unique de renforcer son réseau public en adoptant des réformes basées sur l'expérience terrain, sur des solutions éprouvées ici au Québec et ailleurs. Travaillons ensemble pour un avenir où la médecine est accessible, respectée et pratiquée dans des conditions optimales. Je vous remercie de votre attention et je me tiens à votre disposition avec M. Lessard pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le ministre pour débuter cet échange.

M. Dubé : Merci, M. le Président. Alors, Dr Condé et M. Lessard, je suis très heureux de votre présentation puis je pense que vous avez fait un mémoire qui est très complet. Je l'apprécie beaucoup, mais j'apprécie aussi que vous soyez partis d'Amos pour venir ici faire un aller-retour aujourd'hui dans votre occupation très chargée. Je pense que c'est très apprécié parce que je ne sais pas combien de route, là, peut-être un peu plus que huit heures de route.

M. Condé (Jean-Joseph) : Huit heures et demie de route de Val-d'Or pour venir à Québec.

M. Dubé : De Val-d'Or. Alors, je pense que... Merci beaucoup de prendre le temps aujourd'hui, et c'est très apprécié de votre part. Moi, je pense qu'on en est en phase d'écoute, là, puis c'est pour ça que je pense que les Québécois apprennent beaucoup des différentes présentations qu'on a pour mieux comprendre notre objectif. Vous l'avez bien dit, là, c'est de favoriser l'accès. Et j'ai aussi dit au tout début qu'on allait écouter... on allait écouter tout le monde pour atterrir au bon endroit. Ça fait que... Mais il y a une chose que je trouve très intéressante de votre part, puis encore une fois, des fois, on peut... On peut avoir des positions différentes, mais j'apprécie énormément que vous reconnaissiez dans votre mémoire, puis je laisse...

M. Dubé : ...les Québécois à en prendre connaissance, mais je peux le résumer. Quand vous avez dit tout à l'heure : Il y a un ensemble de mesures qui ont été présentées par le plan santé en 2022, qu'on est en train de... qu'on est en train d'actualiser, ce que ça veut dire, c'est... je pense au GAP, la simplification des PREM, la paperasse, puis il y en a une liste, hein, vous avez commencé à l'énumérer, beaucoup... puis, je vais vous dire, on le fait parce qu'on est en train de réviser les contrats des GMF où on va avoir toute la question de la pertinence des soins, avec des algorithmes qui permettent de voir comment on peut être plus pertinents dans les actes. Vous avez parlé de la télésanté, en tout cas, j'en passe, là, mais j'apprécie beaucoup que vous le reconnaissiez.

Maintenant, comme ils disent à Tout le monde en parle, la question qui tue, je ne suis pas médecin, je suis très loin d'être médecin puis j'ai beaucoup d'admiration pour cette profession-là, mais il y a un médecin qui... il y a quelqu'un qui disait l'autre fois que, quand on soigne un patient pour une pneumonie, une bronchite, on fait deux choses, le médecin, il fait deux choses. Il soigne, il veut soigner la maladie, parlons d'une pneumonie, hein, il va donner des antibiotiques, mais il va aussi soigner les symptômes parce qu'il va dire : Bien, écoutez, les antibiotiques vont prendre une semaine, deux semaines à faire effet... Puis, je vous dis, là, je ne suis pas médecin, mais j'ai entendu ça, mais, en même temps, je vais vous donner des Advils parce que ça ne va pas bien, vous avez des douleurs, puis il fait les deux.

Si je fais un parallèle avec ce qu'on est en train de discuter avec p.l. n° 83, j'apprécie beaucoup que vous reconnaissiez tout ce qu'on est en train de faire pour guérir la maladie du réseau. Je vais le dire comme ça, O.K.? Mais, en même temps, vous ne pensez pas que certaines mesures spécifiques, comme celles qu'on met dans p.l. n° 83, ne sont pas un peu importantes ou à faire pour être certain qu'on travaille sur les deux en parallèle? Et c'est... Parce que je vous avoue qu'où j'ai une certaine préoccupation avec ce que j'ai entendu jusqu'à date, c'est quand j'ai entendu des gens qui disaient : Bien, si on oblige les jeunes médecins à pratiquer pendant cinq ans, ils vont s'en aller. Mais je reconnais, puis vous le savez... on refuse quand même 4 000 médecins, hein, par année dans nos facultés de médecine, 4 000. Je ne peux pas croire que s'il y en a quelques-uns que ça ne fait pas leur affaire, qu'il n'y en a pas dans les 4 000 qui voudraient peut-être s'insérer dans ce processus-là.

Alors, je veux vous entendre sur le symptôme versus la guérison de la maladie. Moi, je m'engage, Dr Condé... Puis on s'est déjà rencontré en Abitibi, hein, sur le terrain, je vous ai dit qu'on va continuer avec ces mesures-là, mais je veux voir c'est quoi vraiment le problème d'avoir cette obligation-là pour les cinq premières années. Je veux vous entendre spécifiquement là-dessus.

M. Condé (Jean-Joseph) : En fait, notre crainte, et j'aime beaucoup votre analogie entre les symptômes et la maladie...

M. Dubé : Bien oui, vous êtes médecin. Moi, je ne le suis pas, là.

M. Condé (Jean-Joseph) : ...notre crainte, c'est que le temps qu'on va passer à soigner les symptômes, c'est-à-dire le temps qu'on va passer à prendre un sirop pour la toux, bien, la maladie va progresser. Donc, en fait, notre crainte, c'est que le temps que nos fonctionnaires vont investir à gérer, bon, ces jeunes médecins là il y a cinq ans, est-ce qu'il a... est-ce qu'il est dans le public? Est-ce qu'il est dans le privé? Ah! est-ce que lui a une mesure d'exception, tout ça? Ça, c'est du temps qui n'atteindra pas votre priorité, qui est d'améliorer l'accessibilité aux soins pour la population. Votre but et notre but, c'est d'améliorer l'accessibilité aux soins. Donc, ne perdons pas de temps avec ce symptôme-là, attaquons-nous à la maladie. Continuez ce que vous faites de bien, c'est-à-dire on continue à investir dans le plan santé Dubé, les quatre piliers.

• (10 h 50) •

Donc, ces quatre piliers là, si on y travaille fort, on va rendre le réseau attrayant, et là nos jeunes médecins n'auront plus envie d'aller dans le privé, ils vont rester dans le public. Et ils ne vont pas rester parce que : Je suis forcé de rester, c'est la loi, c'est cinq ans, ils vont rester parce qu'ils ont du plaisir à travailler dans le privé, ils ont de belles conditions de pratique. Il n'y a rien qui me fait plus de peine que de voir un résident qu'on envoie formé à l'extérieur. Il fait sa médecine au Québec, il va faire sa résidence ou son Fellowship en Alberta, et là notre résident nous annonce qu'il ne revient pas au Québec parce que : Aïe, Dr Condé, en Alberta, il faut voir ça, là. Là, c'est la médecine du XXIᵉ siècle, je me sens dans un autre environnement. Mais on est capable de créer cet environnement-là au Québec, on est capable...

M. Condé (Jean-Joseph) : ...de faire en sorte que, quand nos résidents vont à l'extérieur, ils ont le goût de revenir. Alors, ce qu'on vous dit, c'est : Travaillons sur ce qui est porteur, ce qui va améliorer le réseau au bénéfice des patients, au bénéfice de l'environnement de travail de tous les professionnels de la santé et vous n'aurez pas à passer du temps sur les symptômes de la maladie.

M. Dubé : O.K. Alors, on continue. Nous, on a mis... Puis je l'ai dit au début de la présentation du projet de loi, là, quand on a commencé la semaine passée, j'ai dit : Il y a un ensemble de mesures. Puis d'ailleurs il y en a qui nous reprochent de ne pas aller assez loin, comme le Collège des médecins, qu'on entendra dans quelques minutes. Moi, j'aimerais savoir où vous êtes dans le réseau, là, puis vous travaillez des fois dans des conditions difficiles, puis on en a déjà parlé, vous et moi. Est-ce qu'on devrait aller aussi loin, par exemple, que le Collège des médecins demande, puis qui est très clair, là, entre autres de dire qu'on devrait interdire la pratique complète au privé? Dans le sens que nous, on dit que c'est pour les étudiants pendant cinq ans, mais est-ce qu'on devrait, selon vous, aller aussi loin que d'enlever la pratique privée pour les médecins?

M. Condé (Jean-Joseph) : Donc, l'Association médicale canadienne a fait une revue complète en 2023 du public versus le privé. On a fait le tour du Canada. On était à Montréal, on a eu des sessions à Montréal pour discuter avec la population, avec les médecins. La conclusion : les Canadiens, les Québécois tiennent à leur réseau de santé publique accessible à tous. Et notre position sur le privé, c'est : le privé peut venir en support au réseau public lorsque le public n'est pas capable de donner le service, mais sans coût pour le patient, aux frais de l'État.

Donc, si le réseau public est capable de donner le service, on n'aura pas besoin du privé. Mais là, actuellement, notre problème, votre problème comme gouvernement, c'est que le réseau public n'arrive pas à donner le service. Mon patient en Abitibi qui attend deux ans pour sa prothèse de hanche, pauvre M., il est rendu en chaise roulante parce que ça fait deux ans qu'il attend. Alors, si on n'est pas capables de lui fournir le service dans un délai raisonnable, qu'on lui dise : Bien, vous allez pouvoir aller dans le privé, qui est en support au public, mais aux frais de l'État.

M. Dubé : Oui. Oui, d'ailleurs, pour... je ne sais pas il nous reste combien de temps, là.

Le Président (M. Provençal) :...

M. Dubé : O.K, je vais passer la parole peut-être à Catherine, mais juste un point sur ça. Puis je pense que mes collègues qui ont travaillé sur le p.l. 15... quand on a fait le projet de loi, il y a un peu plus qu'un an maintenant, on a bien dit que le privé était complémentaire parce que si, par exemple... l'exemple que vous donnez, il n'est pas admissible qu'un patient qui attend depuis un certain nombre de mois ne puisse pas avoir le traitement qu'il a besoin. Alors, il y a un règlement qui est en préparation pour... par Santé Québec, en ce moment, qui va donner... par exemple, pour être capables de dire : Bien, si on ne l'a pas dans un certain temps, vous serez capables d'aller au privé. Ça fait qu'on s'entend très bien sur la complémentarité pendant qu'on améliore le réseau. Je veux juste le préciser. On est là, on est là, là aussi. Je vais peut-être, M. le Président, passer la parole à...

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de Bonaventure, c'est à vous.

Mme Blouin : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être avec nous aujourd'hui, c'est vraiment intéressant de vous entendre. Et je pense aussi que c'est une belle opportunité qu'on a de discuter avec vous aujourd'hui parce que vous avez vraiment une vision d'ensemble sur tout le pays. Donc, je pense que vous êtes bien placés pour nous faire des recommandations si on veut s'inspirer des meilleures pratiques qui sont ailleurs dans les autres provinces au Canada. Donc, justement, quelles sont les meilleures pratiques? Qui sont les meilleures? Qu'est-ce qu'ils ont fait? Quelle est leur recette pour en arriver aux résultats attendus? Donc, est-ce que... Je sais que vous nous avez donné des petits exemples tout à l'heure, mais j'aimerais peut-être élaborer là-dessus, si c'est possible pour vous.

M. Condé (Jean-Joseph) : Donc, absolument, donc, plusieurs solutions, plusieurs pistes de solution. D'abord, vous regardez la Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique, donc, ils ont reconnu dans une entente qu'aujourd'hui traiter un patient avec le vieillissement de la population, ça prend plus de temps. Donc, on a réussi à faire une entente qui reconnaît, qui reconnaît qu'un médecin peut devoir passer plus de temps avec un patient, et donc ça favorise la médecine familiale. Et ça... ça fonctionne puisqu'il y avait même des médecins qui avaient quitté le réseau qui sont revenus travailler dans le réseau public en Colombie-Britannique depuis qu'ils ont fait une réforme de la rémunération en première ligne. Puis il y a des discussions en cours actuellement au Québec pour revoir la rémunération aussi.

Donc, les équipes multidisciplinaires, ça aussi, ça fonctionne. Donc, de pouvoir avoir... travailler en équipe. Tout le monde s'entend que le médecin ne peut pas être la seule porte d'entrée du réseau. Par contre, il faut travailler en équipe avec d'autres...

M. Condé (Jean-Joseph) : ...mais encore faut-il que j'aie accès à ces professionnels. Prenez mon GMF, où je travaille, bien, selon notre catégorie de GMF, catégorie CISSS, on devrait avoir quatre infirmières, deux professionnels. On a seulement deux infirmières. Pourquoi? Parce que le CISSS n'est pas capable de nous donner les deux infirmières. Mais, si on n'a pas le personnel, on ne sera jamais capables de rendre ces équipes multidisciplinaires fonctionnelles. Donc, ce qu'on vous dit, c'est : Investissons dans ce qu'on fait de bien actuellement, continuons l'implantation, rendons... rendons ces services, ces équipes plus fonctionnelles. Ailleurs, qu'est-ce qu'ils font? Investissons dans les... dans les blocs opératoires, dans les cliniques externes. Plus de cliniques externes, plus de ressources, plus de salles d'opération ouvertes. Actuellement, on tourne aux alentours de 80 % de salles d'opération ouvertes au Québec. Mais, si on augmente ce nombre, bien oui, on aura moins besoin... les patients auront moins besoin d'aller vers le privé. On va améliorer l'accessibilité.

Et dernier point, évidemment, l'informatisation. Ce n'était pas une blague tantôt que mon résident me disait qu'en Alberta il se sentait au XXIe siècle. Moi, dans mon hôpital, je suis encore avec un fax. Je fonctionne encore avec. Je suis à Val-d'Or, mon système informatique ne parle pas au système de l'hôpital de Rouyn-Noranda, qui sont dans le même CISSS. Donc, il faut travailler sur l'interopérabilité des systèmes.

Donc, c'est avec ce genre de solutions qu'on va rendre le réseau plus attractif, plus attrayant, et que nos jeunes médecins vont rester par choix dans le réseau public et non par obligation, avec une loi qui les contraint à y rester.

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre.

M. Lessard (François) : Mme la députée, me permettez-vous de compléter la réponse de Dr Condé? Donc, il existe des initiatives au Manitoba, en Ontario. On pourrait vous faire parvenir les détails si vous le voulez.

J'aimerais ajouter quelque chose concernant la loi 68, qui est la Loi sur l'allègement du fardeau administratif pour les médecins. Le Québec, lorsqu'il a adopté cette loi-là, est devenu à l'avant-garde de toutes les provinces et territoires pour ce qui est de la réduction de la paperasserie administrative pour les médecins. Alors, c'est des lois phares comme ça que le Québec doit continuer d'adopter pour continuer à avancer et moderniser le système de santé au Québec, le système de santé publique, j'entends. Merci.

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre.

M. Dubé : Bien, merci pour ce commentaire-là. Puis on va continuer. Mais tout à l'heure, je vous ai dit, Docteur Condé, merci de reconnaître les efforts qui sont faits en ce moment, mais il y en a au moins deux sur lesquels je veux appuyer, là. Vous avez parlé de la rémunération des médecins sur le modèle de la Colombie-Britannique. Sans aller dans le secret des dieux, je pense que tous les médecins savent, entre autres la FMOQ le sait, qu'on est en train de discuter une nouvelle forme de rémunération qui s'inspire beaucoup de la Colombie-Britannique. Ça fait que je veux juste le dire, là, découragez-vous pas, c'est en train d'être discuté. Ça, c'est un élément très important. On va se rapprocher beaucoup de ce système-là qui permet de donner le temps aux professionnels de voir les patients correctement. C'est en train d'arriver, ça.

Deuxièmement, sur les GMF, c'est une chose qu'on va changer. Parce qu'on a fait accepter le programme de GMF de faire une modification, ce ne sera plus uniquement du personnel qui nous vient du ministère, donc des infirmières prêtées, mais où les GMF vont pouvoir engager les personnes qu'ils veulent. Pour revenir à votre point, ça, c'est un très, très gros changement parce que c'était demandé par les gens. Alors donc je veux juste dire, encore une fois, on a fait des mesures, mais il y en a d'autres qui sont en processus.

M. Condé (Jean-Joseph) : Mais c'est excellent, M. le ministre.

M. Dubé : Mais je pourrais continuer. Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Provençal) :...

M. Dubé : Une minute. Il y en a peut-être une que je veux discuter. Parce que, quand vous me parlez des fax, là, j'ai la chair de poule, là. Mais on est... on est en train de mettre le système qu'on appelle, vous le savez, le dossier de santé numérique, qui est en test à deux endroits au Québec. Ça, ça va faire une différence majeure. On s'est fait promettre que ce soit implanté à partir du mois de novembre. Je sais que ça fait longtemps qu'on en parle, mais c'est en train d'arriver, ça aussi. Je voulais juste le mentionner parce qu'effectivement, ça, c'est le XXIe siècle, d'être capable d'avoir l'information pour les patients puis pour les professionnels.

• (11 heures) •

M. Condé (Jean-Joseph) : Excellent. Et le... Et le dossier santé numérique, ça, c'est le genre d'outil qui va empêcher les médecins de migrer vers le privé parce qu'ils vont dire : Wow! Dans le réseau public, je suis capable de travailler comme dans ma clinique privée. Mais il faut y... Il faut... Il faut que le déploiement se fasse plus vite, plus rapidement, plus d'hôpitaux. Et, deux hôpitaux dans tout le Québec, ça va prendre du temps.

M. Dubé : Je travaille sur beaucoup d'antibiotiques en même temps. Je voudrais vous dire ça, là. Je vais dire ça comme ça. Merci, Dr Condé.

Le Président (M. Provençal) :On va céder maintenant la parole au député de Pontiac.

M. Fortin :Merci, merci, M. le Président. Merci à vous deux d'être là... d'être là aujourd'hui. J'ai goût de... J'ai le goût de dire au ministre : Fiez-vous pas trop sur des promesses de fin du fax, hein...


 
 

11 h (version non révisée)

M. Fortin :...on s'était déjà fait promettre 2023 aussi, mais bon.

Une voix : ...

M. Fortin :Oui. Ceci étant, Dr Condé, moi, je vous reconnais comme quelqu'un d'optimiste, avec une perspective très positive dans votre propos, qui... vous semblez vouloir que ça fonctionne puis vous nous amenez sur toutes sortes de solutions qui pourraient améliorer le réseau, puis ça, je pense que c'est apprécié de tout le monde autour de la table.

Ceci étant, puis je suis désolé de vous faire ça, nous, on est ici, autour de la table, pour regarder le projet de loi no 83, puis, si je comprends bien votre propos sur le projet de loi no 83, comme tel, là, l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle aurait plus d'effets négatifs que positifs.

M. Condé (Jean-Joseph) : Oui. On est... Ce qu'on demande, en fait, ce qu'on demande, c'est le retrait du projet de loi. On ne voit pas l'utilité du projet de loi, actuellement. On dit au gouvernement : Investissons là où ça marche, là où ça va changer quelque chose pour les Québécois. Parce que le projet de loi vise qui, exactement? Donc, on a 733 médecins au privé. Là-dessus, on vise les médecins qui sont là depuis moins de cinq ans, c'est 128 médecins. Donc, est-ce qu'on va faire une loi pour 128 médecins avec... et demander à des fonctionnaires de commencer à gérer les exceptions, la loi? On dit que non, ce n'est pas ce qu'on veut. Ce qu'on veut, c'est améliorer l'accessibilité pour les Québécois.

M. Fortin :Oui, puis je vous entends, parce que vous n'avez pas tort, là, il y en a beaucoup à faire, il y a beaucoup d'autres choses à faire qui peuvent aider, qui peuvent aider la situation.

Le projet de loi a comme deux deux parties, là. Il y a une partie sur l'impossibilité de pratique au privé pendant les cinq premières années puis il y a la partie sur le devoir de pratiquer au Québec, également, pendant ces premières années là. La FMSQ est venue, la semaine dernière, puis nous a dit : Bien, on peut débattre de la question sur le privé, mais la question de la pratique hors Québec, ce n'est pas vraiment un enjeu, là, je... parce qu'il y a autant de gens qui arrivent qu'il y a de gens qui quittent. Là, je vous entends dire que vos étudiants ou certains jeunes collègues disent : Aïe! Les systèmes sont vraiment meilleurs ailleurs, je vais peut-être rester là. Est-ce que c'est un enjeu, la pratique hors Québec, pour vous?

M. Condé (Jean-Joseph) : Donc, en fait, ce sont les statistiques... les statistiques que nous avons, c'est que 96 % des résidents en spécialités qui font leurs spécialités au Québec restent au Québec, mais, quand un résident va faire sa spécialité hors Québec, ce pourcentage tombe à 81 %. Donc là, on voit qu'il y a un enjeu. Pourquoi est-ce que, quand on va hors Québec, 81 % seulement restent au Québec, reviennent au Québec? Et c'est là qu'on dit : Bien, peut-être que le système de santé publique n'est pas aussi attrayant qu'il devrait l'être, peut-être aussi... Donc, arrêtons d'ajouter des contraintes à la pratique de la médecine au Québec. Travaillons sur ce qui fonctionne, sur ce qui va rendre le système public plus attrayant.

M. Fortin :Ça, ce n'est pas un chiffre que moi, j'avais entendu, là. Peut-être que d'autres collègues autour de la table avaient déjà entendu, 81 % des étudiants qui vont faire une spécialité dans une autre province canadienne reviennent au Québec. Donc, on en perd 19 %, essentiellement, si je comprends bien.

M. Condé (Jean-Joseph) : Donc, de ceux qui partent, 81 % reviennent, de ceux qui...

M. Fortin :Mais est-ce que le chiffre de ceux qui viennent au Québec pour faire leur spécialité est à peu près le même?

M. Condé (Jean-Joseph) : Je n'ai pas ce chiffre.

M. Fortin :Non, O.K., je... c'est correct, mais, tu sais, à un moment donné, on a quand même un système pancanadien, là, pour des résidences, et donc il y a des gens qui vont à l'extérieur, je suis content de savoir qu'il y en a 81 % qui reviennent, c'est de valeur pour le 19 %. Maintenant, on a peut-être une analyse plus profonde à faire. Ça en fait partie, j'en suis sûr, là, la désuétude du réseau de la santé en fait peut-être partie, mais il y a toutes sortes... Une fois qu'on quitte un endroit puis qu'on s'établit, surtout un jeune âge, on s'établit dans un milieu en même temps, donc il y a peut-être autre chose, mais le chiffre inverse serait intéressant à connaître.

Vous passez une grande partie de votre mémoire, là, sur... bien, une grande partie, une partie importante, quand même, du mémoire sur les effets néfastes pour la médecine familiale en particulier, puis moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, là, parce qu'on le sait, la médecine familiale, elle est déjà... tu sais, on est la seule province qui laissons des places sur la table en médecine familiale. Ce que je vois, ici, là, c'est qu'il y a 502 des 744 médecins qui exercent dans le privé qui sont des médecins de famille. Donc, pourquoi le projet de loi serait, disons, pire pour la médecine familiale que la médecine spécialisée?

M. Condé (Jean-Joseph) : Donc, en fait, les chiffres sont exacts, c'est que, dans tout le Canada, il y a 75 postes de résidence en médecine familiale qui ne sont pas comblés...

M. Condé (Jean-Joseph) : ...pour une raison ou pour une autre, 70 des 75 postes sont au Québec. Ça veut dire que 93 % des postes en médecine familiale dans tout le Canada non comblés sont au Québec. Pourquoi? C'est sûrement multifactoriel, mais il y a quelque chose à comprendre là. Et c'est ce qu'on dit : Travaillons à rendre notre réseau plus attrayant. Et l'Association médicale canadienne ne pense pas que c'est en ajoutant une loi, une contrainte aux jeunes médecins qu'on va rendre le réseau plus attrayant.

M. Fortin :O.K. Donc, dans le fond, si je comprends bien votre propos, c'est que c'est déjà très difficile, si on en rajoute une couche, ça va être plus difficile encore, là, ça va être encore moins attrayant, disons, là.

M. Condé (Jean-Joseph) : C'est ce quenous montre les chiffres.

M. Fortin :O.K. Dernière question pour moi, là. Vous faites part... parce que vous en parlez quand même beaucoup, là, la question des PREM, j'en profite pendant que vous êtes là, vous semblez dire que les PREM, ça a un impact, mais, à un moment donné, des gens décident de quitter les régions quand même, là. Je veux juste vous entendre. Qu'est-ce que les... Peut-être, l'Association médicale canadienne peut nous aider à savoir ce que les autres provinces font, qui marche peut-être mieux que ce qu'on fait, à ce niveau-là.

M. Condé (Jean-Joseph) : On est obligé de constater que... on est obligé de constater que le Québec est l'endroit où il y a le plus de contraintes, le plus de règlements autour de la pratique, dont les PREM, les AMP. Est-ce que ça... est-ce que ça a un effet sur le fait qu'on arrive à avoir... qu'il y ait plus de places de résidence en médecine familiale qui reste non comblées au Québec? Est-ce que les résidents regardent ça, ils disent : Bien non, au Québec, c'est trop... c'est trop... trop de contraintes, trop réglementé, je n'irai pas pratiquer au Québec, je vais aller m'installer ailleurs. Donc, on dit que c'est une question qu'il faut se poser. Il faut se poser la question : Pourquoi notre réseau est-il moins attrayant qu'ailleurs? Et on craint qu'en ajoutant une couche de plus, une contrainte de plus, qu'on... que c'est comme ça qu'on va améliorer la rétention des médecins au Québec.

M. Fortin :Je note au passage, M. le Président, avant de passer la parole à ma collègue, qu'après le passage de l'AMC, là, encore une fois, tous les groupes qui sont venus nous voir se disent en faveur du public, mais tous les groupes qui sont venus nous voir jusqu'à maintenant se disent qu'il va y avoir un effet néfaste au projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de La Pinière, je vous cède la parole.

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. J'aurais... Vous avez dit : Il faudrait se poser des questions sur pourquoi le... le public est moins attractif, au Québec notamment. À qui devrions-nous poser les questions pour avoir réponse à qu'est-ce qui est... qu'est-ce qui est... avec qui le gouvernement devrait s'asseoir, selon vous, pour... ou faire une consultation pour dire : A, b, c, d, c'est ça qu'on devrait prioriser? Est-ce que...

M. Condé (Jean-Joseph) : Je pense que, dans le plan Dubé, le diagnostic est là. Les diagnostics du plan Dubé sont les bons. Les solutions proposées par les quatre piliers du plan Dubé, c'est bon, ça va marcher, mais il faut passer de la parole aux actes, c'est ce qu'on dit. Donc, passons de la parole aux actes. Ne nous embarquons pas dans un autre projet de loi, une autre contrainte. Améliorons ce qu'on sait qui va fonctionner et améliorons notre réseau de la santé public de façon à améliorer l'accès. Parce que ce que les Québécois veulent, c'est un meilleur accès aux soins de santé. Donc, on ne pense pas que ce projet de loi va améliorer l'accès. Par contre, on pense que travailler sur les quatre piliers proposés par le gouvernement, ça, c'est porteur, c'est porteur d'avenir.

Mme Caron : Alors, dans ces quatre piliers, est-ce qu'il y en a un ou l'autre que vous priorisé, sur une échelle de temps, pour qu'on ait des... qu'on puisse voir des résultats plus rapidement?

• (11 h 10) •

M. Condé (Jean-Joseph) : Mais, comme on l'a mentionné tantôt, les ressources, les ressources humaines, c'est une priorité. Le DSN, le dossier santé numérique, ça, ça va changer, là. Vous ne pouvez pas imaginer le temps qu'on peut passer à chercher de l'information. Je travaille à ma clinique puis je suis obligé d'avoir cinq fenêtres ouvertes pour avoir de l'information sur un patient. Avec... alors qu'avec le dossier santé numérique, une fenêtre, j'aurai toute l'information sur un patient. C'est ce genre de... c'est ce genre de programme qui va rendre la médecine plus attractive au Québec et qui va nous permettre de garder nos médecins. Et on n'aura même pas besoin de penser à un projet de loi pour les... pour les garder dans le public. On veut des médecins qui travaillent au public par plaisir et non par obligation.

Mme Caron : Absolument.

M. Lessard (François) : Si je peux me permettre, Mme la députée, il y a... pour compléter le propos du Dr Condé, il y a un rapport fédéral qui a été émis il y a environ...

M. Lessard (François) : ...qui a été publié il y a environ deux semaines, écrit par le docteur Geneviève Moineau, qui parle de pénurie d'effectifs de médecins, d'environ... un manque de 22 000 médecins, si ma mémoire est bonne, au cours des cinq prochaines années. Alors, la pénurie d'effectifs est criante, va continuer de l'être et il faut vraiment encourager les personnes à rester dans le réseau si on ne veut pas qu'elle s'accentue. Merci.

Mme Caron : Et donc je comprends que ce projet de loi qui... puisque tous les groupes qui sont venus, y compris vous, trouvez que ça risque d'être contreproductif d'y aller avec des mesures coercitives, alors, encore là, ce... pour réussir à aller chercher les 22 000 qui manquent, là, j'imagine que c'est à la grandeur du Canada, il faut y aller... comme on le dit, on attrape... on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Donc, on veut que le... vraiment le milieu soit propice, soit moderne et qu'on s'attarde à ça. Vous avez bien dit, docteur Condé a bien dit tout à l'heure : Au lieu de mettre du temps et de l'argent sur la gestion de ces mesures coercitives, que, de toute façon, les jeunes médecins qui se verraient imposer ces mesures-là ne pourront pas payer, parce que... quand on parle des amendes, c'est par jour, par acte. Alors, qu'est-ce qu'on va faire après? Est-ce qu'on va les mettre en prison parce qu'ils n'ont pas payé, parce qu'ils n'ont pas d'argent pour ça? Ça n'a aucun sens.

M. Lessard (François) : Et étant donné qu'on est dans les analogies, je vous dirais qu'avec le plan Dubé le ministre a le médicament d'origine, il n'a pas besoin de générique avec le p.l. 83.

Mme Caron : Merci. Alors, je pense qu'il reste environ une minute, veux juste...

Le Président (M. Provençal) :...non, il vous reste 10 secondes.

Mme Caron : Ah bon? Alors, je vous remercie, messieurs. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Alors, M. le député de Rosemont, pour huit minutes, 35... quatre minutes, excusez quatre minutes...

M. Marissal : J'ai failli vous prendre au mot, là. Bonjour. Merci d'être là. Le p.l. 83, c'est un générique ou un placébo?

M. Lessard (François) : Un ou l'autre...

M. Marissal : Non, parce que les génériques, ça marche quand même.

M. Lessard (François) : Ça marche, mais la cible thérapeutique est différente, elle va de 80 à 120 % au lieu d'être à 100 % comme le médicament d'origine.

M. Marissal : Mais le placébo ne sert essentiellement à pas grand-chose, médicalement parlant.

M. Lessard (François) : C'est ça, il n'y a rien dans le médicament placébo.

M. Marissal : Remarquez que je ne suis pas médecin non plus, je ne voudrais pas être accusé de pratique illégale de la médecine, là, mais on s'entend sur les... sur les métaphores. Docteur Condé, vous êtes... vous êtes... je ne dirais pas admiratif, là, ce serait trop, mais assez positif devant le... devant les actions posées par ce gouvernement. Vous avez le droit, puis c'est bien correct, puis je serais le premier à dire qu'il y a des choses que le gouvernement fait qui sont parfois correctes. Vous avez nommé certains... certaines décisions du gouvernement qui vont dans la bonne direction. Je crois comprendre que vous ne mettriez pas le projet de loi n° 83 dans cette liste.

M. Condé (Jean-Joseph) : Non, et c'est le... et c'est l'objet de notre... c'est l'objet de notre mémoire. C'est mon allocution. Le projet de loi... le projet de loi n° 83, c'est une obligation, une contrainte de plus, dont les médecins, les jeunes médecins du Québec n'ont pas besoin. Misons sur des mesures incitatives. Et ça fonctionne. Les gouvernements... Donc, je prends l'exemple des régions éloignées, les régions éloignées, on n'a pas... on n'a pas forcé les médecins avec des mesures coercitives à aller s'installer en régions éloignées. Les gouvernements du Québec, dans les années 80, 90, ont mis des mesures incitatives et je suis l'exemple d'une mesure incitative. Ça fait plus de 30 ans que je suis à Val-d'Or, mais c'est parce que les mesures incitatives, ça fonctionne et les patients sont contents de voir un médecin qui est content d'être en région et non qui est forcé d'être là parce que la loi l'oblige à être là pendant cinq ans. Alors, c'est ce qu'on dit, misons... misons sur l'incitatif.

M. Marissal : Et nous sommes... et nous sommes contents que vous soyez heureux à Val-d'Or, tant mieux, tant mieux. Vous avez... vous avez dit qu'il faut... il faut ramener les gens, les médecins, notamment, dans le public. Vous disiez tout à l'heure : Ouvrons davantage de salles d'opération. Mais la raison pour laquelle on ne les ouvre pas, les salles d'opération dans le public, c'est parce qu'il n'y a pas de personnel. À la limite, je les comprends, les médecins, là, qui veulent opérer, ils ont étudié 12 ans, là, pour opérer, ils ne vont pas rester chez eux à se tourner les pouces, ils vont aller opérer au privé. Ce n'est pas souhaitable en ce qui me concerne, mais je les comprends.

Mais comment on fait ça si on favorise le public, mais qu'on développe le privé en même temps? Le... ce projet de loi là a été déposé, là, le lendemain d'une décision du gouvernement d'ouvrir davantage la porte vers le privé, notamment dans les CMS. Est-ce qu'on n'est pas dans un cercle vicieux qui est alimenté ici par des décisions contradictoires?

M. Condé (Jean-Joseph) : Donc, la position de l'Association médicale canadienne, c'est que...

M. Condé (Jean-Joseph) : ...lorsque le public n'est pas capable de donner le service au patient, le patient devrait pouvoir être... aller dans le privé s'il ne peut pas obtenir les services dans un délai raisonnable, mais aux frais du gouvernement. Maintenant, la question que vous posez, c'est un autre débat, puis ce n'est pas l'objet du projet de loi actuel, mais c'est un autre débat tout à fait.

M. Marissal : Je comprends, mais, de un, aux frais du gouvernement, ça n'existe pas, c'est aux frais des contribuables, c'est notre argent, ce n'est pas l'argent du gouvernement, de un; de deux, quand est-ce que ça finit ça dans votre logique? Ça ne finira jamais, le développement du privé, on ne sera jamais capable de ramener notre monde si on ne met pas, à un moment donné, une date butoir à la fin de la désaffiliation ou de la non-participation des médecins. Tant et aussi longtemps que cette porte-là est ouverte, là, puis qu'on n'a pas assez de monde, c'est l'oeuf ou la poule, mais c'est l'oeuf ou la poule à l'envers, c'est un cercle vicieux. Ça finit quand, ça?

Le Président (M. Provençal) :...votre réponse, mais rapidement, parce que le temps est écoulé, mais je pense que ça vaut la peine d'avoir votre réponse.

M. Condé (Jean-Joseph) : Donc, tant que... L'important, c'est le patient, c'est la population. Il faut que le service soit accessible à la population dans un délai raisonnable. Si la population... Bon, le patient, avec sa hanche, mais ce n'est pas normal qu'il se rende à la chaise roulante parce qu'il attend une prothèse de hanche. Et si le réseau public ne peut pas lui donner le service, l'Association médicale dit :  Mais il devrait pouvoir être référé dans le privé aux frais de l'État ou des contribuables.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin :Merci. Alors, évidemment, aux frais de l'assureur, à tout le moins, puis l'assureur étant public, moi, c'est ça que je comprends Les délais raisonnables, est-ce que c'est consensuel? Est-ce qu'on a des indications sur lesquelles on peut se baser, qui sont pratico-pratiques au Québec en ce moment?

M. Condé (Jean-Joseph) : Mais dans chaque spécialité, dans chaque spécialité, vous avez des délais raisonnables pour une chirurgie de la cataracte ou une chirurgie de la hanche, pour une chirurgie du genou, absolument. 

M. Chassin :Et donc c'est bien établi déjà, formidable. Puis vous avez parlé du plan santé et de ses piliers, ça répond un peu, dans le fond, à la question du collègue de Rosemont, comment on brise ce cercle vicieux là. Il y a un choix qui avait été fait dans le plan santé qui est de dire, dans le fond, c'est en comblant d'abord les besoins du réseau public que le gouvernement pourra mieux encadrer le recours aux agences privées. Donc, on améliore les conditions au public, on attire les médecins, on attire les infirmières, on attire le personnel, on a moins besoin d'y recourir, de recourir au privé. Est-ce que cette approche-là vous semble plus porteuse? Dans le fond, c'est ce que je comprends un peu, mais j'aimerais vous l'entendre dire.

M. Condé (Jean-Joseph) : Donc, c'est le message qu'on passe aujourd'hui. Concentrons-nous sur ce qu'on fait de bien. Concentrons-nous sur ce qui va améliorer l'accessibilité aux soins à la population, renforçons le réseau public, rendons le réseau public plus attrayant, on aura moins besoin du privé. Mais tant qu'on n'est pas capable de rendre le réseau public...

M. Chassin :Il faut la soupape.

M. Condé (Jean-Joseph) : Absolument, ça prend une soupape. 

M. Chassin :Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Ça va? Alors, ceci met fin à notre échange avec vous. On va suspendre les travaux brièvement pour laisser place au prochain groupe. Alors, merci énormément de votre collaboration, de votre participation, et merci surtout de vous être déplacés.

(Suspension de la séance à 11 h 20)

(Reprise à 11 h 23)

Le Président (M. Provençal) :Nous reprenons nos travaux. Alors, je souhaite la bienvenue au Collège des médecins du Québec. Nous aurons le docteur Gaudreault et M. Tétrault qui vont prendre la parole pour leur présentation. On aura une présentation de 10 minutes et après ça les échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.

M. Gaudreault (Mauril) :M. le Président, M. le ministre de la Santé, membres de la commission, bonjour. Je vous remercie encore une fois de donner l'occasion au Collège des médecins du Québec de vous transmettre sa position, ses commentaires et ses suggestions sur le projet de loi n° 83, qui vise à favoriser l'exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux. Je suis accompagné de M. Jacques Tétrault, qui est conseiller au président au collège de même que directeur des communications.

J'ai exercé comme médecin de famille à Chicoutimi pendant une quarantaine d'années, j'ai aussi été doyen associé à la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, ce qui m'a permis de mettre en place, il y aura bientôt 20 ans, le programme de formation médicale à Saguenay.  Grâce à ce programme, des cohortes d'étudiants ont pu parfaire leurs connaissances médicales et apprivoiser l'exercice de la profession, tout en comblant de nécessaires effectifs médicaux en région. Je connais bien le réseau public. J'ai toujours été par ailleurs très proche des étudiants et des résidents en médecine. Dans ma carrière, j'ai côtoyé une multitude de médecins et je les sais tous et toutes, ces étudiants, ces résidents, ces médecins, socialement responsables et je crois, comme la majorité des Québécois, que les jeunes médecins doivent redonner à la société en soignant dans le réseau public pendant un certain nombre d'années.

Il est essentiel que nous nous penchions sur la place du privé en santé. Le projet de loi n° 83, merci, nous en donne l'occasion. N'est-il pas particulier que ce soit au Québec, plus que partout ailleurs au Canada, cependant, que le nombre de médecins non participant au réseau public soit le plus élevé, 800? Dans le reste du pays, ils ne sont que quelques dizaines. Pourquoi? Parce que des mesures ont été prises. En Ontario, par exemple, il est interdit de se désaffilier de l'assurance santé.

Au Québec, on connaît certaines dérives du privé en santé. Récemment, le collège et l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec ont justement annoncé une action commune envers une clinique de télémédecine privée. Ce sont des situations de cette nature qui ont amené le Collège des médecins à énoncer cet automne des principes directeurs sur la place du privé en santé. Ces principes s'appuient sur plusieurs études qui confirment qu'à moyen et long terme le privé n'élargit pas l'accès aux soins et ne rend pas les soins de santé moins coûteux.

Comme le gouvernement et d'autres parties prenantes en santé, nous prônons un système de santé et de services sociaux public, universel et accessible. Nous voulons assurer la pérennité du réseau public dans le cadre du pacte social entre la population, l'État québécois et les médecins. Nous voulons créer les meilleures conditions de pratique pour les médecins et souhaitons que l'exode du personnel en santé vers le privé cesse.

Sur la base de ces prémisses, nous recommandons essentiellement deux choses, premièrement que l'élargissement de la médecine au privé soit suspendu tant et aussi longtemps qu'un encadrement professionnel et juridique plus rigoureux ne sera pas mis en place...

M. Gaudreault (Mauril) :...pour ce faire, à notre avis, le statut de médecin non participant doit être totalement éliminé, comme en Ontario. Les médecins non participants profiteraient d'un droit acquis, mais leurs honoraires, notamment, seraient limités à ce qui est autorisé dans le réseau public.

J'ouvre une parenthèse. Si le gouvernement décidait de ne pas emprunter avec courage cette avenue, quatre gestes devraient être posés, à notre sens. Un, éliminer l'écart de la rémunération pour un même service entre le privé et le public. Deux, baliser les modalités de changement de statut de médecin participant au système public à celui de nos participants. Actuellement, on peut changer de statut pas moins de neuf fois dans une même année. Trois, resserrer les conditions de pratique des médecins du privé pour qu'ils soient disponibles en tout temps afin de garantir le suivi de leurs patients, qui trop souvent aboutissent à l'urgence et sont pris en charge par le réseau public. Et, quatre, encadrer des entités tierces auxquelles les médecins peuvent s'associer pour les rendre imputables, notamment lorsque leurs propriétaires et administrateurs ne sont pas membres professionnels. Je referme la parenthèse.

Et je poursuis avec notre deuxième recommandation au gouvernement. Il faut corriger les irritants qui démotivent les médecins, jeunes et moins jeunes, et les amènent à quitter le réseau public de santé au profit du privé, comme assouplir et adapter les plans d'effectifs médicaux, les fameux PREM et PEM. Bien que l'on constate que ces plans permettent une couverture médicale adéquate dans les régions du Québec, et je peux vous le dire, au Saguenay—Lac-Saint-Jean notamment, ça a été positif, mais il s'avère que l'application rigide des règles empêche, par exemple, des médecins d'aller vers la retraite et de travailler qu'à demi-temps ou encore force des médecins à déraciner leur jeune famille.

Il faut aussi revoir les obligations liées aux activités médicales particulières, les fameuses AMP, qui ne s'appliquent actuellement qu'aux médecins de famille notamment, écartèlent souvent les médecins entre leur foyer et leur lieu de pratique et, parfois, aussi les lieux de pratique entre eux. Je pense qu'il faut adapter toutes ces règles aux réalités d'aujourd'hui tout en prenant en compte les besoins de la population.

Il faut aussi, évidemment, élargir l'accès aux plateaux techniques, dont les blocs opératoires, alors que les chirurgiens sont poussés vers le privé pour en faire opérer leurs patients.

Il faut, enfin, offrir un soutien administratif adéquat aux médecins, qui souvent remplissent des tonnes de formulaires ou encore subissent le capharnaüm des annulations de rendez-vous, ce qu'on appelle des «no-shows».

Donc, le projet de loi n° 83, nous pensons qu'il a sa raison d'être. Mais je rappelle au gouvernement qu'il dépose déjà... qu'il dispose déjà d'outils législatifs et réglementaires pour limiter la place du privé en santé, des mesures pour que le privé n'offre pas, par exemple, des services quand le réseau public peut répondre à la demande. Notre mémoire, d'ailleurs, précise lesquels.

La principale mesure du projet de loi n° 83 est le nouvel article 27 de la Loi sur l'assurance maladie qui obligerait tout médecin voulant devenir non participant d'avoir été participant pendant cinq ans, sans quoi il s'exposerait à des sanctions financières. Il autoriserait aussi le gouvernement à imposer aux étudiants et résidents la signature d'un engagement pour exercer la médecine au Québec après l'obtention de leur permis ou la fin de leur résidence, le tout assorti d'une clause pénale.

Formulé comme cela, le collège estime qu'on va trop loin et que ça ne permet pas non plus de s'attaquer au véritable problème ou à ses causes. Les futurs médecins seront de plus en plus mobiles. Des mesures de cette nature pourraient les décourager de choisir le Québec pour leur formation. Et, pour les étudiants, la signature arrive tôt dans le cas d'une formation qui s'étend sur plusieurs années, au cours de laquelle ils peuvent changer de parcours professionnel, et on suppose qu'il serait difficile d'imposer un médecin de ne pas quitter le Québec après sa formation.

Le privé prend de plus en plus de place en santé, trop, à notre avis. Ce n'est pas arrivé tout seul. Les difficultés d'accès en sont en grande partie responsables et ça devient un cercle vicieux. Il faut agir avant qu'il ne soit trop tard, sinon on risque que ce ne soit que les contribuables aisés qui aient accès plus rapidement à des services de santé.

• (11 h 30) •

Les mesures que le gouvernement veut imposer aux nouveaux médecins, aux étudiants, aux résidents ne seraient plus nécessaires si le Québec, comme l'Ontario, interdisait le statut de non-participant au régime public de santé. Pour le Collège des médecins, c'est la seule avenue qui assurera la pérennité du réseau, l'accès aux soins et le respect du pacte social entre l'État, les citoyens et les médecins.

Je vous remercie de m'avoir écouté. Je suis prêt à répondre à vos... nous sommes prêts à répondre à vos questions et entendre vos commentaires.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, je vais céder immédiatement la parole à M. le ministre.

M. Dubé : Alors, Dr Gaudreault, Dr Tétrault, merci beaucoup, premièrement, d'être là ce matin. Je pense qu'il y avait beaucoup de gens qui avaient hâte de prendre connaissance ou de pouvoir intervenir avec vous, parce que...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Dubé : ...que votre mémoire est assez clair puis très bien étoffé, comme d'habitude, alors... Puis je pense qu'on vous a vus à chaque fois qu'on a eu des projets de loi. Alors, merci beaucoup d'être là, c'est très apprécié.

C'est sûr que j'ai dit en introduction à ce projet de loi-là, quand on a commencé la commission la semaine dernière, que justement... puis vous avez dit... vous l'avez dit, là, puis... que ce projet de loi là permet d'avoir une discussion sur la place du privé. Puis je pense que c'est la plus belle chose qu'on peut faire. Parce qu'au-delà de la technicalité du projet de loi, je pense que les intervenants qu'on a entendus, vous incluant, permettent d'avoir cette discussion-là. Puis je vais le répéter pour que les Québécois qui nous écoutent, là, que nous aussi, on est à l'écoute.

Et puis je fais un parallèle de ce que vous venez de dire. Si, au lieu d'obliger les étudiants de le faire pour cinq ans, on va à l'autre extrême, c'est-à-dire qu'on enlève le droit d'aller pratiquer au privé, ça, c'est l'autre extrême. Et je pense que ça permet d'avoir cette discussion-là. Parce que nous, on est allés sur une base au niveau de cinq ans après les études, mais vous, vous dites : On devrait se rapprocher encore plus de la position de l'Ontario, donc il n'y aurait plus besoin d'avoir l'obligation aux nouveaux étudiants. Maintenant, donc, je pense que c'est important d'avoir cette discussion-là, puis la discussion au privé le fait.

Moi, ce qui me... ce qui me préoccupe en ce moment - puis je pense que le député de Rosemont... je ne sais pas si vous l'avez entendu tout à l'heure, sa question, à mon avis, était très pertinente, puis même, je pense que la députée de La Pinière l'a dit - c'est qu'est-ce qu'on fait avec la transition. Parce que, pour moi, c'est la grande question. Parce que je pense que tout le monde reconnaît qu'on veut renforcer le système public, mais comment on fait pour... ce qui a été commencé il y a plusieurs années, de dire : Comment on remédie à la situation?

Puis je donne un exemple, parce que je pense que c'est important de revenir, qui n'est pas parfait, mon exemple, là, il n'y a jamais un exemple qui est parfait, mais ce qu'on a fait avec les agences de santé, avec les agences privées, notamment pour les infirmières puis les PAB. Si on avait voulu faire le changement comme ça puis éliminer des agences privées en un coup de dé, je pense qu'on serait pas mal dans le trouble. On s'est donné trois ans pour le faire.

Moi, ce que j'aimerais savoir de toute votre connaissance du réseau, si on décidait d'aller jusqu'où vous voulez ou ce que vous suggérez, combien de temps que ça peut prendre pour faire une transition ordonnée, pour que ce ne soient pas les patients qui paient pour ces changements-là? Puis je parle des patients qui sont en ce moment traités au privé, etc. Avez-vous une idée de la période de transition dont on devrait tenir compte?

M. Gaudreault (Mauril) :Je ne sais pas. Il faudra... Écoutez, ça prend du courage au Collège des médecins pour venir vous présenter de telles solutions. Ça a pris du courage au conseil d'administration pour aller de l'avant par rapport à tout ça. Ça va prendre du courage pour vous, parlementaires, pour aller de l'avant par rapport à ça, parce que nous, on pense que c'est la seule solution. Et, ce courage-là, on peut participer avec vous pour l'assumer. Mais il va y avoir certainement une période de transition, ça, je suis bien d'accord. Mais, en attendant, il faut cesser l'expansion du privé aussi. Tu sais, le privé se termine maintenant et la désaffiliation aussi. Et on verra ensemble, ensemble. On a toujours été collaborateurs pour voir comment on pourrait faire tout ça ensemble, avec une période, oui, de transition. Mais, le courage, c'est de prendre la décision maintenant d'arrêter ça.

M. Dubé : Voilà. Non. Puis d'ailleurs, c'est pour ça que je dis depuis le début que ce qu'on a mis sur la table, c'est pour permettre cette discussion-là qu'on est en train d'avoir. Alors, ça... Bon.

Tout à l'heure, j'entendais le député de Rosemont, qui... Puis je pense que je suis... ça arrive, des fois, que je suis d'accord avec lui. Il y a... Il y a une façon de faire les choses. Et, quand vous dites que ça prend un courage pour le faire, est-ce que vous croyez que... puis je le dis pour que... Je vais... Je vais reformuler ma question. Je veux juste être clair. Ça prend un certain temps, faire ces changements-là. Puis, en ce moment, il faut... il ne faut pas être dogmatiques avec le privé. Parce que je veux faire une différence entre une clinique privée, une clinique privée où les gens peuvent aller se faire traiter comme on l'a fait pendant la pandémie avec leur carte d'assurance maladie. Puis, ça, je pense qu'il faut faire attention de ne pas être dogmatiques par rapport à ça. Puis je pense que vous ne l'êtes pas non plus. Et c'est pour ça que je dis...

M. Dubé : ...en ce moment, parce qu'on a... je vous donne juste un exemple, parce qu'on n'a pas encore eu le bénéfice de toutes les mesures qu'on a mises. Tantôt, le Dr Condé l'a bien fait, là, il a dit : Voici toutes les mesures qui sont en cours, mais on n'a pas vu les bénéfices de ça. Alors, moi, je vous le dis, je ne pense pas qu'il faut être dogmatique par rapport au privé parce que le privé nous a aidés beaucoup pendant la pandémie puis il y a bien des gens qui étaient heureux de pouvoir aller se faire traiter dans une clinique privée en autant qu'ils pouvaient donner leur carte d'assurance maladie.

Donc, je reviens avec vous... puis de dire : Est-ce que tout le monde comprend bien que cette transition-là passe par le privé? Il faut être capable de le faire, mais de bien comprendre qu'il y a une différence entre une clinique privée et d'avoir un médecin qui peut y aller tout en... On se comprend bien là-dessus puis je veux vous entendre là-dessus, parce que, pour moi, ça fait partie d'une transition raisonnable. Quand on a dit... puis ça, c'est... notre gouvernement est très clair que le privé est complémentaire au public, c'est justement, ça nous aide à passer à travers cette période difficile là qu'on a connu avec la pandémie. Puis maintenant on dit : Bon, bien... un peu comme on a fait avec les agences, comment on peut s'en libérer graduellement. Je veux vous entendre là-dessus.

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, nos principes sont clairs, on a demandé l'arrêt de l'expansion du privé. Ça, on a demandé que ça soit terminé, l'expansion au privé.

M. Dubé : Quand vous parlez de privé, vous parlez de...

M. Gaudreault (Mauril) :Privé privé.

M. Dubé : Privé privé et non privé... O.K., on se comprend.

M. Gaudreault (Mauril) :Mais aussi privé subventionné. L'arrêt du privé, privé privé, et privé subventionné. Il faut arrêter ça, là, oui.

Pour ce qui existe maintenant, les soins privés existants, on ne demande pas qu'ils disparaissent, mais qu'ils soient rigoureusement encadrés et régulés par exemple, tu sais, avec des séries de mesures que nous proposons.

Donc, oui, le privé existant peut continuer, mais pas le privé privé. À mon avis, à notre avis, si on interdit ça pour les médecins d'aller dans le privé dorénavant, on peut avoir une clause grand-père pour les 800 qui pratiquent dans le privé actuellement, mais en régulant, en encadrant plus rigoureusement les conditions de pratique dans le privé.

M. Dubé : Pour bien comprendre votre commentaire, quand on parle de clause grand-père, là, c'est de dire : Il y en a 800 qui sont des médecins de famille ou des des spécialistes puis on dit : Il y aurait un certain temps où vous pourriez continuer à le faire, c'est ça, malgré qu'on fasse une interdiction pour les gens d'être non facturés?

M. Gaudreault (Mauril) :...il y a 20 ans, il y en avait x centaine, puis, maintenant, il y en a plus de 14. Mais ils ont pu continuer, mais avec des règles plus rigoureuses.

M. Dubé : Pendant un certain temps. Ça, c'est votre opinion. On a beaucoup entendu de plusieurs commentaires que cette forme de contrainte là était un préjudice. En tout cas, je veux juste faire attention aux mots qu'on utilise. Vous êtes contre cette contrainte-là? Parce que je veux juste qu'on fasse la différence, si vous me permettez, entre l'obligation de pratique au public versus l'obligation de pratique au Québec. Et dans votre mémoire, à moins que j'ai mal compris, vous êtes d'accord avec le principe, je dirais, de pratique au public, peut-être pas comme il l'est dans p.l. n° 83, mais on l'a vu, là, on vient de discuter, mais cette possibilité-là d'exiger de rester au Québec, ça, vous avez un problème avec ça ou vous avez un enjeu avec ça. Je veux vous entendre là-dessus.

• (11 h 40) •

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, on est d'accord avec le fait d'obliger les jeunes, je l'ai dit dans mon allocution et dit dans le mémoire, par rapport à aller... à leur demander de pratiquer au public pendant cinq ans avant d'aller dans le privé. Ce avec quoi nous ne sommes pas d'accord, c'est les mesures coercitives pour en arriver là, les amendes, etc. Ça, on pense qu'on n'est pas d'accord avec ça. Il faudrait avoir plus des mesures, je dirais, positives puis des incitatifs, etc., on verra. Et pour ce qui est de la deuxième partie du projet de loi, à l'effet de les obliger à rester au Québec, ça, vraiment, on trouve que ça va trop loin puis on n'est pas d'accord avec cela du tout.

M. Dubé : O.K. Mais je veux juste aussi... pour que les gens comprennent, puis ce sera peut-être mes collègues de l'opposition qui pourront continuer là-dessus, là, mais quand on dit : Il y a des contraintes... mais il y a aussi des incitatifs, puis je vous en donne quelques-uns puis si vous avez le temps de réagir... oui, je pense qu'on a le temps de réagir. Bon, premièrement, durant leurs études en médecine, puis là, c'est au Québec, là, ce que je parle, là, là, il y a des étudiants qui peuvent demander d'avoir des bourses jusqu'à 70 000 $, mais en autant qu'ils prennent un engagement de pratiquer au Québec, en région. Ça fait que ça, c'en est un incitatif, ce n'est pas une contrainte, ça, là, là, c'est un incitatif financier. On donne des installations, des primes d'installation jusqu'à 80 000 $ pour s'établir en région. Il y a d'autres primes en région, puis sans aller dans le détail, qu'on appelle des primes de rétention, tantôt j'ai parlé d'installation...

M. Dubé : ...installation, mais de rétention qui vont jusqu'à 50 000 $. Puis ensuite, donc, quand on regarde les primes, ça peut aller jusqu'à 200 000 $. Alors, je veux juste qu'on comprenne qu'on ne va pas à l'encontre de ce qui est déjà en place, mais qu'on dit pendant que.... Puis là, je reviens à l'exemple que je donnais ce matin, est-ce qu'on peut traiter la maladie et les symptômes en même temps?

Ça fait que vous, vous avez vraiment un enjeu important avec cette... comment je dirais, le fait de demander d'être au Québec? Parce que sur la pratique publique, vous êtes d'accord, vous trouvez qu'on ne va pas assez loin, mais, sur la portion du Québec, c'est ça... Parce qu'on a déjà des incitatifs qui ne sont pas coercitifs, au contraire, ils sont très bons, là, ça va jusqu'à 200 000 $, pour un médecin, là.

M. Gaudreault (Mauril) :Mettons encore plus l'accent là-dessus, à mon avis, là.

M. Dubé : Oui.

M. Gaudreault (Mauril) :Mais pas dans le sens de coercitif, là, de règlement de la situation. Moi, je pense... nous pensons que ça ne réglera pas la situation vraiment. Nous ne sommes pas en faveur de règles aussi coercitives, pour ce qui est de rester dans le public, mais, pour rester au Québec, honnêtement, on n'est pas d'accord du tout avec cette idée-là.

M. Dubé : Et pourquoi? Je veux juste le comprendre, parce qu'on peut débattre les chiffres, là, mais il y a plus d'exode à l'extérieur du Québec qu'il y en a du reste du Canada, qui vient. Alors, je veux juste voir pourquoi vous... Est-ce qu'on... il faut accepter de perdre des gens qu'on a fermés... Au net, là, on est perdants, puis ça, les chiffres le prouvent. Je ne veux pas rentrer dans le détail de ces chiffres-là aujourd'hui.

M. Gaudreault (Mauril) :Il faut travailler tous ensemble à... Dr Condé l'a dit tout à l'heure, il faut travailler tous ensemble. Je suis convaincu de ça, là, qu'on a tous le même objectif, là, de travailler tous ensemble à faire en sorte que notre réseau soit le plus attractif possible, plutôt qu'y aller de façon négative et coercitive.

M. Dubé : Puis vous pensez que les mesures incitatives dont j'ai parlé, en ce moment, puis l'allègement qu'on fait au niveau des PREM, puis tout l'argent qu'on met dans les GMF, etc., il n'y a pas encore assez de mesures incitatives?

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, ce qu'on propose, c'est de regarder tout ça, de réévaluer tout ça. Les PREM, les AMP, ça fait comme 25 ans que c'est là. Peut-être que ce serait une bonne idée de regarder ça pour que ce soit moins rigoureux.

Le régionaliste que je suis, qui a pratiqué toute sa vie au Saguenay-Lac-Saint-Jean serait bien malvenu de vous dire que ça n'a pas été efficace, mais je pense qu'il faut... c'est le temps de regarder ça à nouveau par rapport à 2025 puis les jeunes médecins que nous formons maintenant.

M. Dubé : Mais ça, on est d'accord, je l'ai dit tout à l'heure au Dr Condé, là, ce n'est pas l'objectif, ici, mais toute la discussion qu'on fait en ce moment de dire qu'on va alléger les PREM, on a commencé, on simplifie la question des GMF, il y a plusieurs mesures, on fait une politique nationale de la première ligne. Il y a plusieurs choses qui sont en cours, en ce moment, mais moi, je voulais plutôt vous entendre sur le p.l. no 83, là, mais je pense que c'est... Je vois qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Il reste combien de temps?

Le Président (M. Provençal) :Trois minutes.

M. Dubé : Catherine, est-ce que je peux te laisser avec une question ou... Vas-y.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de Bonaventure.

Mme Blouin : Merci beaucoup, M. le Président. En fait, je vais retourner dans vos recommandations. Merci, d'abord. Bonjour, merci d'être là. Je retourne à vos recommandations. Recommandation 6, vous dites : «Si la médecine en non-participation au régime public demeure permise, on doit étendre la portée du projet de loi no 83 afin que d'autres professionnels de la santé soient soumis à l'obligation d'exercer au sein du régime public pendant cinq ans.» Quels autres professionnels? Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment vous voyez ça?

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, à titre d'exemple, là... deux exemples, là. Je veux dire, des salles d'opération, il y en a, il y en a suffisamment, on manque de personnel pour y travailler, des médecins, peut-être, mais aussi des infirmières, des inhalothérapeutes, etc. Donc, peut-être cibler ces professionnels-là.

J'ai souvent parlé d'équipes de première ligne qui devraient être des équipes multidisciplinaires... donc plusieurs professionnels qui travaillent à la première ligne, un travail d'équipe. Maintenant, ce que je dis souvent, c'est le médecin, mais aussi d'autres professionnels de la santé, exemple, physiothérapeutes, IPS, psychologues, tu sais, cibler, à titre d'exemple, ces divers professionnels là pour faire en sorte de leur... eux autres aussi, hein, de rendre le réseau attractif pour elles et eux, de faire en sorte que, quand ils sont au privé, qu'ils reviennent ou qu'ils ne puissent pas aller dans le privé, également. Donc, c'est ces équipes-là, pour moi, c'est le type de professionnels dont nous voulons parler quand on parle d'étendre ça à d'autres professionnels de la santé.

Mme Blouin : Merci. Puis je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre le groupe qui était juste avant vous, l'Association médicale canadienne, on les a questionnés, notamment sur ce qu'ils considéraient comme étant...

Mme Blouin : ...meilleures pratiques au Canada. Donc, on a parlé, entre autres, de la Colombie-Britannique, notamment, où les médecins choisissent davantage le public. On a mentionné l'Alberta, entre autres, pour les outils technologiques. Le Manitoba, l'Ontario ont aussi été nommés pour d'autres raisons. Je me demande : Vous, est-ce qu'il y a des pratiques ailleurs au Canada que vous considérez qu'on devrait peut-être s'attarder dessus, qu'on devrait s'inspirer?

M. Gaudreault (Mauril) :Là, je vais demander à M. Tétrault de répondre, mais je veux juste dire, d'entrée de jeu, que, dans toute cette réflexion-là que le conseil d'administration du collège a faite, puis l'élaboration du mémoire, on a fait référence à plusieurs études puis on a reçu des chercheurs, aussi, qui sont venus nous aider à bien comprendre tout ça puis analyser. Donc, peut-être, un mot sur les études.

M. Tétrault (Jacques) : Les études qui sont citées au mémoire relèvent notamment de l'Europe. Et il y en a une qui sera diffusée dans quelques jours, puis vous avez le plaisir d'entendre les conclusions dès aujourd'hui, de la part du chercheur Olivier Jacques et de son collègue Antoine Rondeau, les deux sont de l'Université de Montréal et de l'Université du Québec, et ils en arrivent à la conclusion que les constats de la recherche scientifique sont clairs : «Augmenter le financement ou la prestation de soins privés ne devrait pas entraîner d'effets positifs sur la qualité des soins, sur le contrôle des coûts et sur l'efficacité des soins, mais risque d'avoir des effets négatifs majeurs sur l'accessibilité et puis sur l'équité.» Et on cite notamment une étude d'une trentaine de pays de l'OCDE. Alors, quand vous demandez quelles sont les pratiques qui pourraient inspirer le Québec, c'est toutes celles qui favorisent le réseau public et non pas le financement du réseau privé.

Mme Blouin : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Je vais maintenant céder la parole au député de Pontiac.

M. Fortin :Merci, M. le Président. Bonjour. Merci. Merci d'être là. Je vous le dis, là c'est toujours... c'est toujours un plaisir, Dr Gaudreault, là, de vous entendre puis d'avoir votre... votre perspective. Et merci de... C'est vrai que c'est une position courageuse que vous prenez ce matin, peut-être pas facile à porter, mais vous nous sortez de nos pantoufles en même temps, puis ça, c'est une bonne affaire, je pense, pour le débat public.

Là, quand j'ai lu votre... votre mémoire, puis en vous entendant dans les... oui, en vous lisant dans la revue de presse, ce matin, moi, j'avais compris que votre position, c'était vraiment pour le privé privé. Là, tantôt, il y a quelques instants, vous voulez dire : Bien, nous, on veut freiner l'expansion ou stopper l'expansion du privé privé et du privé subventionné. Alors, ce que vous nous dites aujourd'hui, là, est-ce que c'est : Les nouveaux médecins ne devraient pas pouvoir pratiquer au privé privé ou au privé subventionné? Parce que je comprends que vous avez une clause Grand-Père, là, dans votre... dans votre mémoire, puis c'est bien correct. Mais est-ce que c'est le privé privé, ou le privé subventionné, ou les deux que vous visez, là?

M. Gaudreault (Mauril) :Je vais être clair, là. L'expansion du privé, on veut que ça s'arrête maintenant, O.K., avec les médecins qui pratiquent actuellement dans le privé privé, privé subventionné. Parce que dans le privé subventionné aussi, on n'a pas de contrôle sur les honoraires qu'ils vont charger. Donc, on arrive avec une série d'éléments qu'on devrait réguler puis resserrer la pratique qui se fait à l'intérieur de ces cliniques médicales spécialisées, notamment.

• (11 h 50) •

M. Fortin : O.K. On s'entend. C'est clair, mais comme vous l'avez dit. Là, vous ne m'aimerez peut-être pas, là, mais je vais jouer à l'avocat du diable, là, juste pour deux secondes, pour vous donner la possibilité de peut-être clarifier quelque chose, là. Moi, je me souviens, au moment du dépôt du projet de loi, vous avoir lu, puis vous disiez, à ce moment-là, qu'on... que les nouveaux diplômés ne devraient pas être autorisés à pratiquer dans le privé pour les 10 premières années. Puis là le ministre vous cite beaucoup là-dessus depuis, là, il dit : Bien, j'ai l'appui du Collège des médecins.

M. Gaudreault (Mauril) :Mais j'avais dit 5 à 10 ans.

M. Fortin :O.K. 5 à 10 ans?

M. Gaudreault (Mauril) :Oui. Là, on parle de cinq ans.

M. Fortin : Oui.

M. Gaudreault (Mauril) : Je suis encore d'accord avec ça.

M. Fortin : O.K. Mais là, aujourd'hui, vous venez de nous dire, entre autres, que ça va trop loin, qu'on ne s'attaque pas au problème ou à ses causes, que ça pourrait décourager les études du Québec... les études au Québec. Alors, le projet de loi n° 83, je comprends qu'on est tous pour le principe de favoriser l'exercice de la médecine au sein du réseau public, là, tout le monde, ici, là, j'ai l'impression, est pour ça. Mais est-ce que le projet de loi n° 83, adopté comme... comme tel, favorise l'étude et l'exercice de la médecine au public?

M. Gaudreault (Mauril) :...à cause des mesures coercitives, à mon avis, qui risquent de prendre trop d'importance et de quand même décourager de futurs étudiants.

M. Fortin :O.K. Mais ça a le mérite d'être clair, ça aussi. Je pense que, M. le Président, encore là, on se doit d'entendre le propos, là, qui semble partagé par à peu près tout le monde qui est venu jusqu'à maintenant, là, en commission, à savoir c'est loin d'être aussi simple que peut-être on... on nous l'a laissé croire au début.

Juste, peut-être, une dernière chose de ma part...

M. Fortin :...avant de passer la parole à ma collègue. Là, vous avez... vous avez pris le projet de loi en deux morceaux, là, le privé puis le hors Québec. Le hors Québec, je vous ai entendu dire que vous n'y voyez aucune utilité, là, à ce bout-là du projet de loi, là. Le système, entre autres, pour les résidents, mais il est pancanadien. Si on garde le projet de loi, ce bout-là, pour vous, il faut l'enlever au complet?

M. Gaudreault (Mauril) :Vous voulez dire la mesure qui obligerait les résidents ou les nouveaux médecins à rester au Québec?

M. Fortin : Exact.

M. Gaudreault (Mauril) : Oui.

M. Fortin :Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce bout-là, là, il est complètement inconcevable, là, pour vous?

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, écoutez, il y a toutes sortes d'éléments, mais, notamment, je pense que, socialement, ce serait difficile de justifier cela pour les professionnels que sont les médecins, notamment, alors que ça n'existe pas pour aucun autre professionnel, à ce que je sache, au Québec, là, ça fait que je ne suis pas président d'un syndicat, je suis président d'un ordre professionnel, mais je dis souvent : Protéger le public en veillant à une médecine de qualité, c'est une médecine accessible, pratiquée par des médecins en bonne santé, dans des conditions optimales pour ce faire. Donc, je pense que ce ne serait pas correct de faire ça pour ce qui est de la profession médicale, c'est la raison première pour laquelle nous nous objectons à cette... cette coercition.

M. Fortin :Très bien. Ça va pour moi, M. le Président. Merci beaucoup, Dr Gaudreault.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de La Pinière.

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, j'avais hâte de vous voir et de recevoir votre mémoire, parce que j'avais l'impression, la semaine dernière, que le Collège des médecins était tout de go, allait tout de go avec ce projet de loi là, mais ce qu'on entend aujourd'hui, ce qui est clarifié, c'est que oui, vous êtes d'accord avec cinq ans, vous auriez été d'accord même avec plus, mais vous n'êtes pas d'accord avec les mesures coercitives qui sont incluses dans le projet de loi. Alors, on ne peut pas dire : Vous êtes d'accord avec le projet de loi tout de go?

Ce que je crois comprendre de tout ce que vous avez dit et de ce que d'autres ont dit aussi, c'est que le meilleur incitatif pour que les jeunes médecins ou même les médecins plus expérimentés travaillent dans le réseau, c'est d'améliorer le réseau lui-même, c'est de réparer le réseau. Est-ce que vous pensez que c'est une tâche qui est possible dans le... en tenant... en prenant en considération que les actes et l'organisation des soins sont régis quand même par des conventions collectives de plusieurs professionnels? Est-ce que vous pensez que c'est une tâche qui est possible, de réparer le réseau pour que ça devienne attrayant pour les jeunes et moins jeunes médecins?

M. Gaudreault (Mauril) :Je pense que oui, c'est possible de travailler tous ensemble à améliorer le réseau, on va finir par le faire puis l'avoir, mais ça doit s'accompagner d'une interdiction de désaffiliation. C'est les deux mesures, ce n'est pas l'une plus que l'autre, là, mais on interdit de se désaffilier. Puis tous ensemble, on reste dans le réseau public puis on travaille ensemble pour l'améliorer. Dans des équipes interprofessionnelles aussi, c'est pour ça qu'on parle des autres professionnels. Je n'ai pas eu de discussion, moi, avec les autres présidents, présidences d'ordres professionnels par rapport à cette position-là, mais puisqu'on parle beaucoup, beaucoup maintenant de pratique en équipe, je pense que ça doit s'appliquer pour d'autres professionnels également.

Mme Caron : Alors, est-ce que vous souhaitez... vous aller jusqu'à souhaiter que le projet de loi soit élargi pour viser les autres professionnels dans le... dans le cinq ans?

M. Gaudreault (Mauril) :Oui, oui, dans le cinq ans. Mais la pratique d'équipe, le fait qu'on doive pratiquer en équipe avec d'autres professionnels, je pense qu'il faut faire ce qu'il faut aussi pour les attirer dans le réseau public, pour qu'ils restent avec nous et qu'ils n'aillent pas s'installer rapidement dans le réseau privé. Ça fait que ça ne concerne pas juste les professionnels que sont les médecins, mais l'ensemble de divers professionnels de la santé. Pas les 28, là, mais quelques-uns qu'on ciblera.

Mme Caron : Puis qu'est-ce que vous feriez? Parce qu'on comprend qu'on veut tous favoriser le privé... le public, qu'on... puis vous souhaitez mettre fin... C'est un lapsus. Vous souhaitez dire... Bon. Vous dites : Il faut... il faut arrêter. Donc, pour M. et Mme Tout-le-monde, ça veut dire que les médecins qui sont non participants, c'est ceux qui ne travaillent pas dans le public, qui travaillent uniquement dans le privé. Alors, ça, il faudrait arrêter ça maintenant. Il faudrait, ensuite, c'est ce que j'ai compris, arrêter ceux qui se... font un peu les deux.

M. Gaudreault (Mauril) :Ce va-et-vient.

Mme Caron : Le va-et-vient, c'est ça. Donc, les médecins qui sont parfois dans le privé, parfois dans le public, il faudrait arrêter ça. Je fais référence à... aux dates qui ont été mises pour arrêter de faire affaire avec des agences de placement, par exemple pour des infirmières, puis ça a été comme catastrophique dans certaines régions, où on pensait envoyer des équipes volantes qu'on n'a même pas pu faire...

Mme Caron : ...est-ce qu'on pourrait réussir à faire... à arrêter complètement le privé pour les médecins?

M. Gaudreault (Mauril) :Pour le va-et-vient, on n'a pas recommandé d'arrêter ça, mais on a commandé de baliser ça de façon plus... un peu plus... plus rigide que ce soit moins facile, je vais dire ça comme ça, là. Ça dépasse un peu l'entendement qu'on puisse faire ça deux fois dans une même année, là. Ça fait qu'il faut... il faut baliser ça de façon plus importante.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je vais maintenant céder la parole au député de Rosemont pour 2 min 52 s.

M. Marissal : Oui. Merci, M. le Président. Merci d'être là. Encore une fois, c'est toujours un grand plaisir de vous accueillir. J'ajouterais de façon personnelle que ce que vous dites est de la musique à mes oreilles en ce qui concerne la fin du développement du privé. Dans votre mission, là, selon votre charte, là, constitutive, là, vous n'êtes pas un syndicat représentant les professionnels. Vous êtes là pour le bien-être du public. Considérant votre mission, pourquoi en arrivez-vous à la conclusion qu'il faut stopper, et de ce que je comprends, immédiatement le développement du privé?

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, écoutez, moi, je pense que socialement, le Québec, le Canada s'est prononcé déjà il y a plusieurs dizaines d'années pour un régime universel, un régime de santé gratuit avec une équité de qualité. Et il est possible qu'il puisse avoir une meilleure qualité de ce qui se fait dans le privé que dans le public, tu sais, je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que, nous, au collège, on fait des visites d'inspection, que les médecins soient du public ou du privé. Je ne pense pas qu'il y ait une différence au niveau de la qualité. Mais pour assurer l'équité et une qualité optimale pour tous les citoyens du Québec, c'est pour ça que je pense qu'il faut arrêter le privé parce que ça risque... Ça, je ne l'ai pas posé encore, je l'ai dit dans des entrevues depuis hier. Mais lorsque les compagnies d'assurance vont se mettre à couvrir les frais du privé, je pense qu'on va passer à une médecine à deux vitesses en favorisant les Québécois plus aisés financièrement, et que là, retourner en arrière, ça va être compliqué. Donc, il faut agir maintenant. C'est dans ce sens-là. Et ça, c'est de la protection du public.

M. Marissal : Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais c'est déjà le cas. Les assureurs ont très, très bien compris qu'il y a beaucoup d'argent à faire dans ce secteur-là. Ce n'est pas tout à fait nouveau, là.

M. Gaudreault (Mauril) :Oui, mais pour que ça devienne plus important encore, il faut avoir le courage de prendre de telles décisions.

M. Marissal : À défaut, là, de corriger le projet de loi comme vous le voulez, notamment dans votre recommandation 6, préféreriez-vous carrément que soit retiré le projet de loi n° 83?

M. Gaudreault (Mauril) :Non. Il faut continuer dans ce sens-là avec la balise que j'ai donnée, mais aller plus loin. Je vous encourage à être courageux par rapport à ça. Puis là je ne veux... Puis je suis content qu'il y ait un projet de loi qui nous permet de discuter de la place du privé en santé puis de l'amélioration du réseau public puis de la médecine qui y est exercée. Et je ne voudrais pas que le projet de loi disparaisse, puis on ne veut pas ça au collège, là. Oui, d'accord, pour ce petit élément là qui, à mon avis, seul, ne réglera pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout. Donc, il faut vraiment, vraiment l'améliorer puis l'élargir.

• (12 heures) •

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Messieurs, merci de votre présentation. On a peu de temps. Je comprends que vous êtes heureux qu'on puisse avoir la discussion, mais vous ne semblez pas particulièrement heureux de tous les aspects et les aspects fondamentaux du projet de loi n° 83. Je m'explique. Depuis le début des consultations particulières, les articles dont on discute sont les articles 1, les 50 pratiques obligatoires, les articles 5 et 6, les articles 5 et 6, vous demandez qu'on les abolisse. L'article 1, vous préféreriez qu'on n'aille pas là, mais plutôt qu'on interdise le statut de non participant. Alors j'essaie de comprendre. Quand vous dites que le projet de loi a sa raison d'être, si les principaux articles sont éliminés, comment est-ce qu'on peut dire que le projet de loi a sa raison d'être si on ne le transforme pas du tout au tout pour justement aller ailleurs, c'est-à-dire là où les autres provinces sont allées, l'interdiction d'un statut de non participant?

M. Gaudreault (Mauril) :Vous m'enlevez les mots de la bouche, là, c'est ça. C'est ça qu'il faut faire à mon sens. Il faut...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Gaudreault (Mauril) :...complètement le projet, mais il faut vraiment, vraiment l'améliorer et le rendre plus sécure pour les Québécois dorénavant. Donc... et ça, moi, j'ai formé des jeunes une bonne partie de ma vie, là, tu sais, je ne peux pas me limiter à dire : On va obliger les jeunes médecins à pratiquer pendant cinq ans et on ne fera rien d'autre.

M. Arseneau : Mais, si on proposait en amendement de modifier l'article 1, pour plutôt aller là où vous nous dites qu'on peut déjà aller par la réglementation, c'est-à-dire le statut de non-participant est maintenant aboli, interdit. Est-ce que c'est un amendement qui répondrait un peu à ça... à vos...

M. Gaudreault (Mauril) :Si on interdit la désaffiliation, les jeunes médecins, après cinq ans, ils vont rester dans le public, ils ne pourront pas y aller se désaffilier.

M. Arseneau : Donc, on règle le problème de cette façon-là, c'est... le problème que vous soulevez. Maintenant, j'aimerais savoir, à défaut, vous dites que les obligations et les clauses pénales sont sévères, mais vous dites en même temps que, si on le fait pour les médecins, on devrait le faire pour les autres professionnels de la santé. Est-ce qu'il n'y a pas... il n'y a pas une certaine contradiction en disant : On ne devrait pas aller par la coercition, mais on y va quand même pour tout le monde?

M. Gaudreault (Mauril) :Non, on n'est pas... on est contre les mesures coercitives, autant pour les autres professionnels de la santé que les médecins, là.

M. Arseneau : ...par les mesures coercitives?

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, il faut essayer ensemble d'imaginer puis d'y aller plus dans le sens de M. Dubé, par rapport, tantôt, aux incitatifs financiers dont il parlait. Y aurait-il moyen de parfaire cela ou d'améliorer cela?

M. Arseneau : Mais il n'y a plus d'engagement à vos yeux ou il y a un engagement, mais sur l'honneur?

M. Gaudreault (Mauril) :Il faut faire confiance à la responsabilité sociale de la communauté.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Maintenant, M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin :Merci. Merci de votre présentation. C'est toujours intéressant. La... évidemment, dans le débat, j'ai peut-être une voix un petit peu différente. Et puis, ce que je cherche à voir, ce n'est pas nécessairement : Est-ce qu'il faut prioriser le privé, le public? Moi, je cherche à prioriser le patient là-dedans. Puis il me semble que, dans une perspective d'addition, ça pourrait être tout à fait compatible de penser que, peu importe, là, qui est propriétaire, comment est-ce que c'est géré par les fonctionnaires, ou est-ce que c'est géré par les médecins eux-mêmes, ou par des gens qui ne sont pas membres d'ordres professionnels, il me semble que ça m'importe peu comme patient si je n'ai pas de frais à payer. Puis, si, par exemple, le médecin que je vois, qui est engagé dans le service du public, puis même dans le réseau public, par exemple, pour 40 heures par semaine, puis qu'au-delà de de ça, bien, soit qu'il peut faire autre chose, il peut aller en clinique privée, il peut faire de la consultation, peu importe, il peut faire de la médecine de rue pour un organisme communautaire privé, donc, est-ce que... est-ce que ça, c'est une possible solution, plutôt que de juste dire : Bien, on va arrêter le privé en enlevant complètement ce choix-là?

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, idéalement, pour nous, c'est d'arrêter le privé, mais, si ce n'est pas l'avenue que vous choisissez, on a une série de mesures pour réguler la pratique dans le privé qui fera, à notre avis, en sorte que ce sera moins attractif pour des médecins d'y aller et même pour les médecins qui... les 800, mettons qui sont encore là, de revenir dans le public.

M. Chassin :...enfin, vous voyez la disparition du privé comme une bonne chose en soi, même si on réussissait, par exemple, à additionner les forces.

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, comme dans plusieurs pays du monde, qu'ils ont choisi que le privé n'était pas payant socialement.

M. Chassin :En France ou en Allemagne, en Europe occidentale, disons.

M. Gaudreault (Mauril) :Pour lequel ils ont démontré... les études ont... on en a plusieurs, là, on va les laisser, on va vous les laisser, les études, O.K... qui démontrent ça qui sont à la base de notre prise de position.

M. Chassin :...collaboration de tout le monde, peu importent les propriétaires, là, est-ce que ce n'est pas une addition? Est-ce que ça ne pourrait pas être très positif?

M. Gaudreault (Mauril) :Ça, c'est le côté... quand on parle des entités tierces, là, les entités tierces, c'est les entités, des cliniques qui sont soit la propriété de... Puis ça, j'en ai parlé ici je suis venu pour le projet de loi n° 67, je pense, par rapport au fait que le collège ne pouvait pas faire de visite d'inspection dans certaines cliniques qui étaient possédées par des non-professionnels, donc réguler les entités tierces, là, au point de vue professionnel et juridique, c'est de ça qu'on parle.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup de votre participation puis de votre collaboration. Ceci étant dit, la commission suspend ses travaux jusqu'à 12 h 30 où elle se réunira en séance de travail. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 06)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 12)

Le Président (M. Provençal) :Alors, à l'ordre, s'il vous plaît. La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no...

Le Président (M. Provençal) :...loi n° 83, Loi favorisant l'exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux. Cet après-midi, nous entendrons les personnes et organismes suivants la Confédération des syndicats nationaux, le Regroupement des étudiants en médecine de l'Université Laval, conjointement avec l'Association des étudiants en médecine de l'Université de Montréal, l'Association générale étudiante de médecine de l'Université de Sherbrooke et le Médical Student's Society de l'Université McGill, des Médecins québécois pour le régime public, l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux et le Dr Sasha Dubrofsky. Sur ce, je souhaite la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé et par la suite, nous procédons aux échanges. Alors je vous cède immédiatement la parole. Merci beaucoup.

M. Bergeron-Cyr (David) : Bonjour. Merci beaucoup de l'invitation. On est très contents de pouvoir participer à ce processus démocratique qui est très important. Écoutez, important parce que, évidemment, c'est un enjeu, le réseau public de santé et de services sociaux, qui est important pour les Québécoises et pour les Québécois, mais ça nous tient particulièrement à cœur aussi à la CSN. Maintenant, permettez-moi de vous présenter les camarades qui m'accompagnent. Donc, à ma gauche, Nancy Poirier, conseillère politique à l'exécutif de la CSN, au fond à droite, Jessie Caron, avocate du service juridique, bien sûr, de la CSN et finalement Anne Thibault-Bellerose, conseillère syndicale au service de recherche et de condition féminine de la CSN. Donc, alors voilà, merci de nous recevoir.

Écoutez, je commencerais par l'aspect le plus positif du projet de loi. Je pense qu'on n'est pas le premier à le dire non plus, M. le Président. Donc, ce qui est, ce qui est très positif, somme toute, c'est qu'on reconnaît qu'il y a un problème avec le privé, en santé et en services sociaux. Donc, pour nous, ça, c'est un pas en avant qui est bien, mais là où on pense que ça ne le fait pas, c'est la solution qui est mise de l'avant. À notre avis, ce n'est pas le bon remède à la maladie qui est le privé en santé et en services sociaux. Donc, l'enjeu qui nous préoccupe, bien sûr, c'est la question des médecins qui traversent du public au privé, des fois pendant neuf ou 10 fois même dans la même année et, évidemment, le grand nombre qui se retrouvent au privé, qui ne reviennent pas au public. On a... On a besoin de ces ressources-là dans notre réseau public de santé et de services sociaux, mais on a aussi besoin de l'ensemble des personnels qui les accompagnent. On les aime bien, les médecins, mais quand même, hein, quand ils font un travail, ils sont accompagnés par des personnes extrêmement importantes comme les agentes administratives, les infirmières, les préposés aux bénéficiaires, donc tout le personnel qui les entoure. Et lorsque les médecins quittent du public vers le privé, bien, il y a toutes ces personnes-là qui les suivent et qui partent avec eux. Donc ça, pour nous, c'est un enjeu qui est très, très, très important.

On parle souvent de la pénurie de main-d'oeuvre dans le réseau de la santé et des services sociaux. Écoutez, il n'y a pas de difficulté à embaucher des gens, là, dans le réseau de la santé et des services sociaux, on en embauche tout le temps. Mais il y en a combien qui restent? C'est ça le problème. Il y en a aussi énormément qui nous quittent pour le privé, en santé et en services sociaux. On pourrait plus parler d'un détournement systématique de la main-d'oeuvre par le privé plutôt que d'une pénurie pour le secteur public. Donc ça, ça fait partie des enjeux, bien sûr, qui nous concernent énormément.

Et il y a aussi l'aspect du loto référencement. Ça nous dérange quand on voit des médecins qui sont payés par l'État, hein, puis à ce moment-là, sur leur temps de travail, ils se... Il y a de... Ils se réfèrent à eux autres mêmes des patients qui deviennent finalement des clients dans leurs... dans leurs cliniques privées. Ça, pour nous, c'est un enjeu auquel aussi on devrait s'attarder rapidement. Maintenant, ça fait, ça fait...

Une voix : ...

M. Bergeron-Cyr (David) : O.K. Donc, ça fait... Ça fait 40 ans au Québec qu'on applique grosso modo les mêmes recettes, hein, privatisation, sous financement, centralisation. Ça fait 40 ans qu'on applique ces recettes-là, néolibérales, puis toujours sans succès. À chaque fois, on nous répète que c'est pour aider le réseau public de santé et de services sociaux. Puis à chaque fois, finalement, ça ne fonctionne pas. Les listes d'attente pour les médecins de famille, qui ne baissent pas, les listes d'attente non plus pour recevoir des chirurgies ou pour rencontrer un médecin spécialiste, non plus, ça ne baisse pas. On est rendu à se poser la question. Finalement, quand ça fait 40 ans qu'on applique la même recette, ça a dû profiter à quelqu'un, ça, ces réformes-là. Définitivement pas aux Québécoises puis aux Québécois. Et peut-être, peut-être, moi, je pense à plusieurs médecins-entrepreneurs ou hommes ou femmes d'affaires qui profitent énormément du privé en santé et en services sociaux.

Maintenant, nous, ce qu'on, il serait peut-être temps qu'on recommence à...

M. Bergeron-Cyr (David) : ...donner un projet de société et à croire aux services publics. Dans ce cas-ci, on parle du réseau public de la santé et des services sociaux, mais peut-être qu'on devrait valoriser le rôle de l'État, le rôle du service public, justement, pour s'assurer qu'on vive dans une société qui est plus juste, plus équitable, plus solidaire. C'était le projet qui nous portait, les Québécoises puis les Québécois, dans les années 60-70, puis qui a donné naissance au réseau public de santé et de services sociaux : gratuité, universalité, accessibilité. Mais, malheureusement, l'ensemble des différents partis politiques qui se succèdent ont plus la logique capitaliste et néolibérale de... du privé à tous azimuts ou le plus possible, comme si c'était la recette qui était toujours la plus efficace et qui coûtait la moins chère, quand c'est tout à fait faux, hein, tout à fait faux. D'ailleurs, quand on dit que ça ne coûte pas... ça ne coûte pas moins cher, on peut le voir autant dans les contrats de sous-traitance qui sont donnés, hein, au niveau de la buanderie, de l'archivage ou de l'entretien, qu'à partir du moment où on fait affaire avec le privé, dans des soins plus traditionnels.

Maintenant, un des concepts qu'on... qui nous tient à cœur à la CSN, dans la vision qu'on pense qu'on devrait avoir du réseau public de la santé et des services sociaux c'est la vision globale de la santé, hein, comment avoir une vision progressiste, et comment, surtout, agir en prévention en santé et en services sociaux. Et c'est là aussi qu'on pense que ça ne peut pas fonctionner dans une logique néolibérale du monde des affaires, où est-ce que, finalement, on perçoit la santé comme un bien de consommation, on perçoit des êtres humains comme étant des clients. Pourquoi ça ne fonctionne pas? C'est parce que, quand on réfléchit en prévention, on ne veut pas que le monde soit malade. Moi, je ne connais pas grande entreprise privée qui veut perdre des clients, M. le Président, hein? Donc, on a un enjeu, là, très important. Puis ça, pour nous, s'occuper de la prévention en santé et en services sociaux, ça veut dire s'occuper des déterminants sociaux de la santé. Puis je vais vous en nommer quelques-uns, M. le Président, vous allez voir, je ne vais pas parler du taux de cholestérol ou du taux de sucre, je vais vous parler de la pauvreté, je vais vous parler du chômage, la crise de l'itinérance.      Je fais un aparté. Moi, quand j'étais jeune, je me souviens, à l'école, on me... on nous expliquait que, dans la fin des années 20, il y avait une grande crise économique, le monde habitait dans des cabanes sur le bord de la rue, c'était donc bien effrayant. On est retourné là. Aujourd'hui, en 2025, les gens habitent dans la rue, puis pas juste à Montréal. Tout ça a des impacts immenses sur la santé populationnelle. Les itinérants, quand ils ont froid, là, où ils vont pour se réchauffer, ils s'en vont dans nos hôpitaux. C'est comme ça que ça se passe. Donc, on doit réfléchir globalement, on doit réfléchir dans une façon où est-ce qu'on n'est pas uniquement sur le curatif, mais on agit en prévention.

Maintenant, les médecins, comme que je vous le présentais, vous avez compris, nous, on est pour la déprivatisation du réseau public de santé et de services sociaux. Donc, du privé, on n'en veut plus, c'est la position qu'on prend. Le projet de loi, en fait, on est d'accord avec l'identification de la maladie, mais on n'est pas d'accord avec le remède qui est proposé, hein, c'est ça, notre position sur le projet de loi. Puis, écoutez, à ce moment-ci, je me permettrais de mettre de l'avant quand même certaines des recommandations qui sont énumérées à la fin de notre mémoire. Vous savez, on s'est rencontrés, on était 4000 à Trois-Rivières. On s'est rassemblés au Colisée, là-bas, oui, des membres de la CSN, mais la famille, des amis, des gens qui avaient à cœur l'avenir du réseau public de santé et de services sociaux.

• (15 h 20) •

D'ailleurs, on a tenu quelques statistiques, les 60 % des personnes qui étaient présentes ne provenaient pas du réseau de la santé et des services sociaux. Puis, lors de ce grand événement là, où certains partis de l'opposition ont aussi participé avec nous à l'événement, on a mis de l'avant un plan d'urgence, un plan d'urgence qui permet de commencer à rebâtir le réseau public de santé et de services sociaux, hein? Depuis 40 ans qu'on le détruit, il serait peut-être temps qu'on y croie, à ce projet de société là qu'on a mis au monde, puis qu'on investisse réellement, puis qu'on y croie comme gouvernement puis comme politicien pour... dans l'intérêt des gens.

Maintenant, les trois mesures, entre autres, qu'on met dans notre plan d'urgence, que vous retrouvez à la fin du mémoire, il y a bien sûr la question des médecins, hein? Nous, on pense qu'il faut stopper immédiatement... ou, en tout cas, le plus rapidement possible, l'exode des médecins du public, du privé, ayant comme impact, comme je vous le disais, bien sûr, le retour aussi d'un paquet de salariés hyperimportants qui jouent un rôle aussi avec ces gens-là. On arrête la prolifération des cliniques privées à but lucratif, hein, ça pousse comme des champignons. Non seulement on augmente la demande pour le privé, parce qu'on sous-finance le public puis on exaspère les Québécois, mais, en même temps, on augmente l'offre du privé en faisant des réformes comme la dernière qu'on a eue, pl 15 qui est venu mettre sur un pied d'égalité le privé puis le public. Donc, on arrête la prolifération...

M. Bergeron-Cyr (David) : ...prolifération des cliniques privées à but lucratif et, finalement, les projets de sous-traitance, qui sont aussi un problème selon nous pour l'avenir du réseau. On pense qu'on devrait faire un moratoire sur tout ce qui touche le privé en santé, et, même si ce n'est pas des soins, je l'ai nommé plus tôt, archivage, buanderie, entretien. Je vous donne un exemple, là, puis ce n'est pas... Je comprends que ce n'est pas comme ça partout, là, M. le Président, mais c'est un exemple que je trouve quand même assez éloquent, puis je termine là-dessus : on a changé une plinthe électrique au CHUM à Montréal, puis ça a coûté plus de 10 000 $. Je ne suis pas sûr que c'est de l'argent...  L'impôt des gens, là, moi, je ne suis pas sûr que c'est dépensé de façon intelligente quand on fait affaire avec des entreprises qui ont à cœur de faire du profit avant la maladie. Alors, voilà. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Bien, merci beaucoup pour votre présentation. Vous êtes une personne qui a... qui est très éloquente dans votre présentation. M. le ministre.

M. Dubé : Très bien. Alors, merci beaucoup. Merci de votre présence, parce que je pense qu'on a bien dit qu'on voulait écouter tous les groupes qui avaient soit une vision différente ou commune où les... C'est quoi, les points d'accord entre les différents groupes? Moi, je le redis, parce qu'on a parlé beaucoup de ça, depuis quelques jours, que ce projet de loi là a un effet quand même intéressant, c'est de fournir le forum pour le débat du privé versus le public. Puis ça, vous le dites bien, parce que je pense que le projet de loi, il est très ciblé vers les nouveaux médecins pour obliger une période de pratique au Québec et dans le public, mais je pense que, quand j'écoute les différentes personnes, les différents groupes qui sont venus nous voir jusqu'à maintenant, le débat est beaucoup plus large, comme vous venez de le faire, entre le privé et le public. Bon. J'aimerais bien ça, parler des... par exemple des différents autres services que vous voulez parler, mais on va essayer de se concentrer sur ceux qui se rapportent à la médecine.

Moi, ce que je trouve intéressant... Vous avez parlé beaucoup de prévention, puis ça, je veux vous dire qu'on souscrit beaucoup avec ce point-là, parce que je pense que, si on est capable d'insuffler un changement de direction entre le curatif et la prévention... Vous avez absolument raison. Puis d'ailleurs, l'automne dernier, là, vous n'êtes pas sans savoir qu'on a envoyé un message très clair avec le travail du Dr Bergeron, qui est à ma droite, et le Dr Boileau qu'on va avoir un ministère qui va vraiment se pencher sur la prévention. Ça fait que je veux juste vous mentionner qu'on est très d'accord avec ça.

Je trouve intéressant votre commentaire sur... O.K. Vous dites... Vous êtes d'accord avec la maladie, mais pas d'accord avec le remède. On a eu quelques discussions avec d'autres groupes sur cette comparaison-là. Mais moi, j'aimerais vous entendre, là, sur... Je pense qu'on a fait des choses qui... Moi, je veux faire attention quand on dit que le réseau est... Je ne veux pas utiliser les... Je ne veux pas qu'ils soient dans ma bouche, les mots que vous avez utilisés, là.

Mais je pense qu'il y a quand même des améliorations du réseau qui sont en cours. Puis, je pense, quand on dit «un réseau plus performant et plus humain», je veux juste vous soulever l'effort que ce gouvernement-là a fait au cours des derniers mois avec nos conventions collectives. Vous représentez quand même plusieurs personnes du secteur de la santé, puis je pense entre autres aux infirmières. Mais, surtout avec tout le personnel, il y a eu des augmentations de salaire qui sont très, très, très importantes au cours des deux dernières conventions, puis je pense que c'est important de le reconnaître aussi, qu'il y a eu des efforts pour mieux rémunérer nos gens.

Moi, je veux continuer dans ce débat-là avec vous pour la question des médecins, je suis d'accord à l'avoir. Est-ce que vous trouvez qu'on va assez loin? J'aimerais ça, peut-être, passer la parole à... Parce que moi, je vais vous dire ce que j'ai vu jusqu'à maintenant - puis il nous reste encore, plus vous, là,  quatre autres groupes aujourd'hui - j'ai vu deux extrémités dans les groupes jusqu'à maintenant, en regardant les mémoires à l'avance, là : j'ai des gens qui trouvent qu'on ne va pas assez loin, puis il y a des gens qui trouvent qu'on va trop loin. Si j'avais à vous demander à vous, en résumé, là, ce qu'on appelle l'«intervention de l'ascenseur», là - j'essaie de le traduire le mieux possible - vous diriez quoi, qu'on ne va pas assez loin? Si je vous entends bien ce matin, là, êtes-vous dans le groupe qui trouve qu'on ne va pas assez loin avec le projet de loi?

M. Bergeron-Cyr (David) : Bien, M. le Président, c'est une bonne question, M. le ministre. Écoutez, pour moi, ce n'est pas la question de loin ou de pas assez loin. La question, c'est...

M. Bergeron-Cyr (David) : ...c'est une bonne question, M. le ministre. Écoutez, pour moi, ce n'est pas la question de loin ou de pas assez loin, la question, c'est :  Quelle société on veut se donner puis quel système on veut se donner? Est-ce qu'on veut faire de la place au privé ou on veut faire de la place au public? Puis les deux ne peuvent pas cohabiter. La question, c'est que les deux ne peuvent pas cohabiter. Le privé n'est pas complémentaire au public, c'est un compétiteur. De la façon dont on voit où est-ce qu'ils vont, le détournement systématique de la main-d'oeuvre, dont je vous parlais, en est un bon exemple. Donc, nous, on pense que le projet de loi, la solution qui est mise de l'avant, ça ne le fait pas...

M. Dubé :  Non, mais c'est correct, vous avez le droit de penser ça, nous, on a toujours dit qu'il pouvait être complémentaire. Donc, vous êtes de ceux qui disent, sans mettre les mots dans votre bouche, que ce n'est pas le débat, puis on devrait complètement l'éradiquer, la pratique au privé. Vous pensez que ça va prendre combien de temps pour faire cette transition-là, pour que ce ne soit pas le patient qui en paie le prix?

M. Bergeron-Cyr (David) : Bien, des drames humains, personne ne veut ç, hein? Ça fait que des transitions, on est capable d'en faire intelligemment puis de consulter les gens qui sont... qui sont aux opérations puis faire les choses correctement. Donc, puis il y a toute une question du panier de services aussi, là. Il pourrait y exister des soins de santé qui ne sont pas essentiels, qui ne sont pas nécessaires, qui pourraient être donnés par le privé parce qu'ils ne sont pas couverts par le système public. Il pourrait exister...

M. Dubé : Qu'on appelle... ce qu'on appelle les services non assurés, là...

M. Bergeron-Cyr (David) : Exact.

M. Dubé : Puis voulez-vous... peut-être que.. Parce qu'on est bon dans notre jargon, là, mais si vous pouviez donner un exemple où vous dites que le privé pourrait être la bonne chose, par exemple...

M. Bergeron-Cyr (David) : L'esthétique.

M. Dubé : Bon. Alors, c'est un bel exemple de services non assurés. O.K. On continue. Je vous entends très bien.

M. Bergeron-Cyr (David) : Puis j'aimerais ça revenir sur un élément que vous avez souligné, le caractère humain des soins de santé qui sont donnés, là. Quand on parle de la vision du gouvernement, ce n'est pas juste le privé en santé de donner de l'argent à des médecins entrepreneurs, ce n'est pas juste ça, là. Il y a des gens qui démissionnent du réseau parce qu'ils ne sont pas capables de traiter correctement les patients. Ils ne sont pas capables de prendre le temps de s'en occuper, parce que les logiques qu'on applique dans les réseaux de santé, c'est les mêmes en termes d'organisation du travail puis de division du travail. C'est les mêmes logiques que dans des usines d'automobiles ou des entrepôts, c'est la même affaire. Puis, quand les employés sont pognés à traiter les gens de cette façon-là, ils ont le cœur brisé, brisé. Puis ils quittent le réseau de santé des services sociaux, puis parfois même, justement, pour aller au privé, parce qu'il n'y aura pas les mêmes conditions, il n'y aura pas la même pression. Ça fait que ça, pour nous, c'est fondamental.

M. Dubé : O.K. Alors, je vais laisser mes collègues, parce qu'il y a quand même d'autres... d'autres fédérations syndicales qui ont pris position par rapport au projet de loi n° 83. Peut-être, M. le Président, je passerais la parole à ma collègue de Marie-Victorin.

Le Président (M. Provençal) :Marie-Victorin. Alors, Mme la députée, vous avez la parole.

Mme Dorismond : Merci. Bonjour. Bienvenue. Oui, il y a vos collègues de la FTQ qui ont accueilli favorablement le projet de loi. Tu sais, dans le monde syndical, on sait tous, hein, la théorie des petits pas, il faut beaucoup de patience pour arriver à nos fins. Ne croyez-vous pas que ce projet de loi là, c'est quand même un début?

• (15 h 30) •

M. Bergeron-Cyr (David) : Mais, comme je disais, c'est... on ne règle pas le problème de fond, on ne règle pas le problème de fond. On ne s'attaque pas à la maladie, on s'attaque aux symptômes. C'est ça qu'on fait en ce moment. Puis, en 1971, quand il est né finalement, c'était zéro, le réseau public, on l'a bâti de zéro, ce réseau-là. Pourquoi, aujourd'hui, alors qu'on en a déjà un, il est magané pas mal, mais, au moins, on ne part pas de rien, hein? Moi je pense que quand même... Pourquoi, pourquoi qu'on n'est pas capable de justement considérer la santé populationnelle avant tout, de dire : Dans notre société, là, si tu veux faire du cash, pars-toi un hôtel, pars-toi un restaurant, il n'y en a pas, de problème, tu en feras de l'argent. Mais la santé et les services sociaux, ce n'est pas un bien de consommation puis, si on veut s'assurer que toute la population, des Québécoises... Tous les Québécois aient accès... Parce que c'est ça, l'enjeu, c'est l'accessibilité, c'est le gros problème du réseau public. Bien, mettons, mettons de l'avant les services publics, parce que c'est ça, sa fonction, puis mettons de côté un peu la logique néolibérale.

Mme Dorismond : Vous avez deux experts à côté de vous. Pouvez-vous nommer des solutions concrètes ou des solutions qu'on pourrait légiférer dans ce projet de loi pour l'améliorer? Quelles solutions que vous proposez?

M. Bergeron-Cyr (David) : Bien, notre plan d'urgence, il a trois mesures très concrètes. Dès maintenant, on arrête le départ des médecins du public vers le privé, O.K., tout de suite, ça, vous avez le pouvoir de le faire. Ça a été dit à plusieurs reprises ici, et vous le savez, l'Ontario l'a fait il y a très longtemps. Ça fait que ça, on peut faire ça immédiatement. Nous, on irait encore plus loin... Bien, on va faire ça correctement, mais il faut les rapatrier. Moi, je m'excuse, mais il peut avoir des enjeux, tu sais, comme compliqués avec, c'est sûr, certains... certaines personnes. Mais un médecin qui fait de la télémédecine fast-food au privé, là...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Bergeron-Cyr (David) : ...qui rencontre du monde à coup de 15 minutes, puis qui est capable de diagnostiquer une otite, hein, par visioconférence. Ça s'est fait, on l'a vu, ça, ça, c'est fait. Moi, je pense, ces personnes-là, on est capable de les ramener «right now» dans le secteur public. Ça fait qu'il faut... il faut moduler ça.

Maintenant, le moratoire sur les projets de sous-traitance, on est capable de faire ça maintenant, le gouvernement a le pouvoir de décider à qui, qui donne ses contrats. Puis on a le pouvoir aussi d'investir dans nos employés puis dans les services qu'on donne à... dans l'État plutôt que d'envoyer ça à des entrepreneurs. Ça, c'est très concret. Puis, les permis, on arrête les permis pour les cliniques à but lucratif. Ça, on peut arrêter ça dès maintenant. C'est notre plan d'urgence.

Mme Dorismond : La recommandation six et sept, c'est que le gouvernement mette fin à la possibilité d'autoréférencement pour les médecins qui font des aller-retour. M. le ministre, tout à l'heure, vous a parlé de transition. Vous voyez ça comment, avec la recommandation six? Ce serait une des solutions, ou pas, mais vous le voyez comment?

M. Bergeron-Cyr (David) : Bien évidemment, nous, comme je vous le disais, nous, idéalement, il n'y en a plus, de privé, mais tant qu'il y en a, au moins, il faut que les médecins arrêtent de référer les patients du public, pendant qu'ils travaillent dans un hôpital d'un CISSS ou d'un CIUSSS, là, puis qu'ils sont payés par l'État... qu'ils arrêtent de s'envoyer de la job dans leur clinique privée, là. Tu sais, je veux dire, ça, il faut que ça arrête. Des agentes administratives nous le disent. On les a rencontrées. Il dit : Moi, je travaille, là, je suis sur la job, puis le médecin, il m'envoie des rendez-vous pour sa clinique privée. Ça ne marche pas, ça. Ça, on est capable d'arrêter ça aussi.

Mme Dorismond : Mais là vous parlez, dans la recommandation six, c'est ça, les médecins, pas les agentes administratives, là.

M. Bergeron-Cyr (David) : Puis c'est la même chose. Tu veux-tu...

Mme Dorismond : ...l'experte. Avez-vous des solutions à...

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Bien, en fait, c'est... l'autoréférencement, ça touche évidemment les médecins, mais je pense que l'exemple qu'on a voulu donner ici, c'est qu'on le sait, que les médecins le font, ils utilisent... On a des exemples qu'il y a même des agentes administratives qui ont pu travailler pour préparer des rendez-vous dans les cliniques privées des médecins, alors même qu'ils travaillaient dans le réseau public, là. C'est assez choquant comme utilisation.

M. Dubé : Mais je pense que c'est des... Est-ce que je peux continuer, M. le Président? Ça, je pense que c'est des bons exemples, parce que ça, l'autoréférencement, je pense que même d'autres membres de la commission ici pourraient référer à ça. Moi, je veux revenir sur un point qui a été soulevé, ce matin, puis je veux vous entendre là-dessus. Parce que moi, je fais quand même une différence, là, puis surtout dans une période de transition entre ce qu'on appelle le privé public et le privé privé. Puis je veux juste que... Il y a une terminologie des fois qui est... je ne sais pas si c'est le bon mot, qui est galvaudée, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Parce que ce qui a été institué, il y a plus qu'une vingtaine d'années maintenant, je pense juste à l'exemple des GMF, les groupes de médecine familiale, c'est quand même la propriété de ces cliniques-là, de ces GMF là, elle est privée. C'est soit des médecins ou des groupes privés qu'i y sont, mais les Québécois sont capables d'y aller pour avoir des services qui sont complètement gratuits. Donc, ça, pour moi, c'est l'exemple du privé-public.

L'autre, quand on parlait ce matin avec le docteur Mauril Gaudreault du Collège des médecins, on disait : Mais, par contre, qu'est-ce qu'on fait avec le privé privé? Puis là c'est là qu'on parle de privé, comme par exemple à l'extrême, là, c'est des cliniques de soins esthétiques, etc., qui sont dans des... Vous vous... est-ce que vous allez aussi loin? Puis je veux juste bien comprendre votre point, quand vous dites d'enlever le privé, vous parlez d'enlever les GMF aussi?

M. Bergeron-Cyr (David) : Absolument, absolument. Depuis qu'on a instauré les GMF, l'objectif, c'était de faire baisser la liste d'attente pour avoir un médecin de famille au Québec. Ça a- tu fonctionné? Pantoute, pantoute. Puis là, en plus, il y a de plus en plus de personnes qui se sont rendues, comme, propriétaires de ça, il n'y a pas juste des médecins, puis c'est le chaos. Il y en a qui ferme ça comme s'il fermait un dépanneur ou un restaurant. Il y a des femmes enceintes qui sont sur le bord d'accoucher, qui se présentent devant leur clinique, puis boum! c'est fermé, puis ils ne savent pas... pour nous... pour nous, ça ne fonctionne pas.

M. Dubé : Non, mais je veux juste comprendre bien votre point, parce qu'on peut dire qu'il y a quand même... je vais vous dire, un minimum de 6 millions de personnes qui sont servies en clinique, en GMF. Il y a d'autres enjeux, entre autres qu'on est en train de régler, qu'on va régler avec la rémunération des médecins. Il y a beaucoup de raisons pour expliquer ce que vous dites aujourd'hui, mais vous allez jusqu'à dire, selon vous, que des cliniques GMF ne devraient pas être de propriété privée.

M. Bergeron-Cyr (David) : Non, non.

M. Dubé : O.K. Non, mais je voulais juste bien comprendre, parce qu'il y a une grande différence pour moi entre un service privé où on ne peut pas utiliser la carte, puis je donne l'exemple pour que les Québécois comprennent, on a beaucoup de CMS, donc des cliniques médicales spécialisées, où vous êtes capable...

M. Dubé : ...où vous êtes capable d'aller obtenir une chirurgie puis présenter votre carte d'assurance maladie aussi. Ça nous a dépannés énormément durant la pandémie. On a fait plus de 250 000 chirurgies avec ça. Alors, c'est là que j'aie un petit peu de misère à comprendre ou à vous demander quelle est la transition que vous trouveriez raisonnable, parce que moi, je... Ma grande priorité, c'est de dire : Il ne faut pas que c'est le patient en paie le prix de cette transition-là si elle est trop rapide, là.

M. Bergeron-Cyr (David) : Bien, on est à la même place que vous, là, des drames humains, dans le sens où... Des drames humains, on n'en veut pas, là, mais... mais c'est un bon exemple... Privé public, là, je vais vous donner quelques exemples des problèmes qu'on a avec ça. Quand vous allez vous faire opérer au privé, c'est payé par le public, O.K.? Bon, premièrement, le prix. Il y a un prix qui est chargé à l'État qui n'est pas nécessairement le prix qui est chargé... ce que ça aurait coûté si ça avait été soigné dans un... dans notre réseau public, mais... Mais souvent, en plus... en fait, dans... pas souvent, c'est tout le temps comme ça, si tu vas pour une opération...

M. Dubé : ...pas des GMF, là? Je veux juste qu'on se comprenne.

M. Bergeron-Cyr (David) : Non. Non, moi, je suis dans le privé, public global.

M. Dubé : O.K., mais je veux juste...

M. Bergeron-Cyr (David) : Je ne suis pas nécessairement dans le cas des... parce que...

M. Dubé : On ne paie pas plus cher dans un GMF que si vous êtes...

M. Bergeron-Cyr (David) : Non. Non.

M. Dubé : Ah! O.K. Non, effectivement. Mais moi, je suis dans le concept du privé public plus large, où est-ce que des gens vont se faire soigner au privé, payé par le public. Puis, à la fin, ils vous font signer un petit contrat. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler de ça. À la fin, c'est un petit contrat puis c'est marqué : Si vous avez des complications, vous allez dans le public. Ça fait que comment c'est plus efficace puis comment ça peut coûter moins cher à l'état de faire affaire avec du privé public? Moi, je ne le vois pas. J'ai rencontré des gens qui m'ont dit qu'il y avait été justement privé public puis dans... leur clinique, elle est ouverte de 9 à 5, évidemment, et c'est fermé la fin de semaine.

M. Dubé : Je ne le sais pas...

Le Président (M. Provençal) :...

M. Dubé : Bon. On est dans... Moi, j'étais d'accord à le garder plus large, là, le débat que voulez faire aujourd'hui, mais je veux juste faire une différence entre ce qui est privé comme clinique et le débat d'avoir un professionnel qui est privé. Je veux juste qu'on se comprenne, là, parce que le projet de loi, il est très niché, il est sur un élément. Vous dites que ça ne couvre pas assez large, mais je voulais juste aussi préciser qu'il y a un débat sur le rôle du médecin privé ou public, mais aussi le rôle des cliniques privées ou publiques. Il ne faut pas mélanger les deux. Mais je laisserai peut-être mes collègues continuer, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Oui. Alors, je vais céder la parole au député de Pontiac.

M. Fortin :Oui, merci. Merci, M. le Président. Bonjour. Merci à vous. Si vous aviez une réponse pour le ministre, là, allez-y, il n'y a pas de...

M. Bergeron-Cyr (David) : Ah! Oui, bien, parfait, je vais continuer.

M. Fortin :Allez-y...

M. Bergeron-Cyr (David) : Le lundi au vendredi, la clinique est ouverte à 9 à 5. La fin de semaine, c'est fermé. La personne va suivre une opération ou rencontre le médecin qui est au privé, en ce moment-ci, payé par le public et il y a une complication, ça ne fonctionne pas. La personne s'en va à l'urgence. Il est 9 h, 10 h le soir. Le médecin de l'urgence essaie de parler avec le médecin de la clinique privée, payé par l'État. Pas de réponse au bout du téléphone, c'est fermé. Comment ça, c'est complémentaire? Comment on peut dire que le privé est complémentaire au public, alors que, dans le fond, ce médecin-là, qui est au privé public, devrait être rapatrié dans le public public puis juste que... on les a entendus 1 million de fois le répéter, d'avoir les salles, d'avoir les équipements puis le personnel pour être capable de faire ce qu'ils ont à faire dans le public.

• (15 h 40) •

M. Fortin :Merci. Tantôt le... tantôt le ministre a dit, là... Puis je vais me permettre de prendre 30 secondes, là, pour peut-être recadrer son affirmation, là, à l'effet qu'il y a des groupes qui nous ont dit qu'on va trop loin puis il y a des groupes qui nous disent qu'on va pas assez loin. Moi, je n'ai pas nécessairement entendu ça. Moi, ce que j'ai entendu, c'est tout le monde dire : Là, il y a un gros risque de ressac ici, là, il y a un gros risque que ça... ça nous pète dans la face, cette affaire-là, que ça n'ait pas l'effet escompté. Là, je... On a eu une discussion générale, là, dans les dernières minutes des échanges avec le gouvernement, mais est-ce que vous... Si je vous ramène au projet de loi, est-ce que vous pensez qu'il pourrait y avoir un effet négatif?

M. Bergeron-Cyr (David) : Absolument. Premièrement, pourquoi qu'on discriminerait juste les jeunes basés l'âge? C'est quoi, cette affaire-là? Pourquoi qu'on punirait ces personnes-là? Ils viennent d'arriver... ils arrivent en médecine, puis la personne qui est là depuis 20 ans, bien, elle, c'est correct, puis toi, bien, tes premières années, tu n'as pas le choix, il faut que tu fasses... Pour nous, ça va créer... ça ne réglera pas le problème de fond, qui est le privé en santé, puis ça va créer des problèmes supplémentaires. Puis, surtout que, quand on regarde les chiffres, bien, ce n'est pas vrai, que les jeunes sont plus au privé que les moins jeunes, ce n'est pas... Ça fait que c'est... à qui... Qui qu'on cherche, finalement, dans ces cinq années-là, tu sais? Puis il y a l'enjeu aussi, c'est... Bien là, il y a des gens qui vont venir finalement parfaire leur profession puis, aussitôt qu'ils vont commencer à être bons, ils vont sacrer leur camp. Tu sais, je veux dire, les... On va être l'école de formation du privé, le public? Le... Ça ne fonctionne pas. Que ce soit cinq ans, 10 ans, 15 ans ou 20 ans, ça ne fonctionnera pas. Le problème, la maladie, c'est le privé en santé et en services sociaux.

M. Dubé : O.K. Je vais profiter de...

M. Fortin :...parce que, là, vous nous dites, là, on pourrait devenir... Le public pourrait devenir une espèce d'équipe-école du privé, là. Chaque fois qu'il y a une nouvelle clinique, par exemple, une clinique médicale spécialisée qui ouvre, là, en théorie, en théorie, ils n'ont pas le droit de venir recruter les infirmières du réseau public, en théorie. Mais dans ce que vous nous avez dit d'entrée de jeu, là, ce n'est pas ce qui arrive. Vous nous avez essentiellement dit : Les infirmières arrivent à bout. Elles sont fatiguées. Elles sont tannées du réseau public qui n'a pas les ressources nécessaires. Elles veulent faire des meilleures heures, des meilleures conditions, etc. Elles se tournent vers le privé malgré leur bonne volonté de vouloir aider, contribuer dans le réseau public. Donc, ces clauses-là ne marchent pas pantoute. C'est ça que vous nous dites? Et ça se fait quand même parce que, dans tous les contrats du gouvernement avec les CMS, là, à moins que je me trompe, M. le ministre, vous me corrigerez si j'ai tort, mais il y a cette clause-là qui dit : Vous n'avez pas le droit de venir piger dans le public. Alors, ça se fait quand même. C'est ce que je comprends de votre propos.

M. Bergeron-Cyr (David) : Effectivement, ça se fait quand même. Ce qu'on assiste... En fait, moi, je ne peux pas croire qu'il y a eu autant de partis politiques qui ont appelé... qui ont appliqué les mêmes maudites réformes à chaque fois, puis pensé que ça n'aurait pas l'effet qu'on a en ce moment, là. Tu sais, je veux dire, c'est quasiment impossible. Il y a du monde en quelque part qui en ont profité de ça, là. Je l'ai dit plus tôt, là. Puis ce n'est pas les Québécois, puis ce n'est pas les Québécois. Ça fait que, oui, c'est la réalité que les gens quittent du privé pour le public. Parce que le... Parce que le... Excusez, du public pour le privé. Parce qu'on devrait commencer par valoriser le service public et ceux qui donnent le service public. C'est le rôle de l'État. Se sortir de la logique : le privé est donc bien beau, fin, efficace et on devrait l'implanter partout ainsi que ses façons de faire et de voir. On va tasser ça, là. On va tasser ça puis on va remettre de l'avant un modèle qui met l'être humain en premier avant l'argent puis avant le profit. Puis ça va aider pas mal, ça, les gens sur ce terrain, là, à remplir moins de papiers, à être plus proche, justement, des patients, puis avoir cinq minutes avec eux autres aussi pour voir comment ça va. J'ai vu que tu as croisé ta mère hier. Puis ils n'ont plus le temps de faire ça. Ils n'ont plus le temps. Il y a une préposée aux bénéficiaires qui m'a dit : David, je peux... Je suis obligée de demander au patient de ne pas mettre de chemise parce que c'est trop long, déboutonner une chemise, puis je n'ai pas le temps, au nombre de patients que je rencontre dans une journée, qui portent des chemises, puis de les déboutonner. On est rendus là. On est rendus là.

M. Fortin : O.K. Mais comment ils font? Je reviens à ma question, là, comment ils font pour faire ce transfert-là alors qu'en théorie, ils n'ont pas le droit de le faire, alors qu'en théorie le CMS n'a pas le droit de les embaucher en tout cas. Parce que s'il y a un problème, là, moi, je... Ce que vous avancez, là, j'aimerais ça savoir comment on le règle.

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Bien, en fait, on a des membres qui m'ont déjà même montré des publicités Facebook, qui m'ont montré, là, comment que... Puis on parle des infirmières, mais c'est des... Ça prend les gens à la stérilisation, ça prend des gens à l'entretien, ça prend des agents administratifs, là, pour faire qu'une salle de chirurgie fonctionne, puis c'est tout ce personnel-là qui quitte avec les médecins et, oui, qui... C'est nos personnels au public qui nous disent qu'ils sont fatigués, épuisés de former des gens, qui s'en vont après ça dans les cliniques privées. Donc, c'est des gens qu'on forme au public et qui quittent après. C'est une roue, là, qu'il faut arrêter, là.

M. Fortin :O.K. Ça va pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) : Merci, Mme la... Mme la députée de La Pinière, excusez-moi.

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, merci pour votre présence et votre présentation. Mon collègue a déjà posé la question principale, à savoir ce que vous pensiez de la mesure qui cible les jeunes médecins. Vous avez dit que ce n'est pas... On ne devrait pas discriminer contre ces médecins-là. Alors, moi, j'allais vous demander si le projet de loi est quand même adopté et va... cible ces médecins-là, qu'est ce que vous pensez des amendes et des mesures coercitives qui sont... qui vont être appliquées à ces médecins-là?

M. Bergeron-Cyr (David) : Bien, c'est comme le restant de l'ensemble de l'oeuvre. Ça ne réglera pas le problème de fond. Malheureusement, on aurait bien beau mettre les amendes les plus élevées au monde, je veux dire, ça ne changera pas le problème de fond.

Mme Caron : D'accord. Dans vos recommandations, la 6 qui porte sur... qui demande que le gouvernement mette fin à la possibilité d'autoréférencement pour les médecins qui font des allers-retours entre le réseau public et le secteur privé à but lucratif. Vous avez donné tantôt l'exemple d'agents dans la clinique privée qui reçoivent des messages du médecin pendant qu'ils travaillent à l'hôpital pour donner des rendez-vous et tout ça. Je vais vous donner un cas et vous demander si c'est quelque chose que vous comprenez dans l'autoréférencement. J'ai un de mes proches qui a eu un diagnostic de cancer de la prostate à l'hôpital, et le médecin lui a dit : Bien là, ça va prendre tant de mois avant qu'on puisse... que tu puisses passer le test qui confirme tout ça et que tu vas pouvoir... qu'on va pouvoir commencer les traitements. Mais si tu veux aller me voir dans ma clinique privée, ça va...

Mme Caron : ...500 $, puis on va pouvoir commencer tout de suite après. Alors, qu'est-ce que vous pensez qu'il a fait? Quand on a un diagnostic de cancer, on veut s'en débarrasser au plus vite. Alors, il a payé 500 $. Il n'avait peut-être pas autant les moyens que ça de le payer, mais il l'a fait. C'est ça, ça fait partie de l'autoréférencement.

M. Bergeron-Cyr (David) : L'exemple, il est tellement bon, là, puis c'est pour ça que ça n'a pas d'allure qu'on prenne des règles comme ceux-là, c'est-à-dire que le profit sur la maladie, là, c'est ça, des gens qui sont dans des situations de vulnérabilité incroyables puis on en profite pour faire de l'argent. Votre exemple, moi, je trouve qu'il est parfait. J'aurais dû le mettre dans ma présentation.

Mme Caron : Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) :C'est bon? Alors, on va passer au député de Rosemont.

M. Marissal : J'ai combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal) :2 min 52 s.

M. Marissal : Merci. Bonjour. Je ne vous nommerai pas les quatre parce que je n'aurai plus de temps, mais je vous salue. Je vais juste peut-être rapidement ajouter ma voix à celle de mon collègue de Pontiac et au mouvement de taille de mon collègue des Îles-de-la-Madeleine. Moi, je n'ai pas entendu tant d'allers-retours du balancier dans les groupes qu'on a entendu depuis jeudi. J'ai refait le calcul, là, j'arrive à neuf sur neuf qui sont contre le projet de loi, avec une certaine nuance du Collège des médecins. M. Gaudreault, Dr Gaudreault, étant un homme sage et expérimenté, il a mis quelques nuances, mais, je ne sais pas, peut-être, M. le ministre, vous cherchez l'équilibre, là, c'est sain de rechercher l'équilibre, là, mais il ne faudrait pas en inventer un non plus, là.

M. Dubé : ...

M. Marissal : Bien, je n'ai pas vu ça, moi, je n'ai pas vu ça. Je sais que cette vision vous permettra peut-être d'arriver au milieu à la fin, mais on ne part pas de la même place. Moi, je n'ai pas... je n'ai pas entendu deux extrêmes. Bref, on...

M. Dubé : ...

M. Marissal : Bien, c'est parce qu'on fait des auditions particulières pour écouter les gens puis on est en mode écoute. Moi, j'ai entendu neuf groupes sur neuf qui disent : Soit il ne faut pas adopter ce projet de loi là, soit il faut tellement le changer qu'il serait tellement dénaturé que ça revient au même. Alors, moi, c'est là où j'en suis, mais, bon, peut-être que je suis complètement dans le champ.

Peut-être une question pour Me Clermont-Isabelle... C'est ça? Je ne me trompe pas, hein? Il a été question, là, de discrimination basée sur l'âge. Ça, ça ne passe pas les tests des tribunaux d'habitude, là. Puis je sais bien qu'on n'est pas là, là, on n'a même pas adopté le projet de loi, puis on le verra dans sa version finale, mais est-ce que vous faites la même lecture que dans sa forme actuelle? Ça a assez peu de chance de résister aux tests des tribunaux.

Mme Caron (Jessie) : Totalement. L'absence de lien rationnel entre la mesure et l'objectif est assez patente. À mon avis, on tue une mouche avec un bazooka. Il n'y a absolument aucune évidence qui démontre que le problème du privé en santé réside d'une quelconque manière chez les médecins résidents, pour ne pas faire de mauvais jeu de mots, ou sur les médecins nouvellement diplômés. Il n'y a aucun lien entre le problème et la solution mise de l'avant.

• (15 h 50) •

M. Marissal : Mais nos amis en face, là, c'est des gens brillants, qui ont un lourd appareil juridique, là, des légistes, là, qui sont excellents. D'ailleurs, où est Me Paquin quand on a besoin de lui? Mais, en tout respect pour ses collègues, ils sont aussi excellents, j'en suis sûr, mais ils ont probablement les mêmes avis juridiques. Alors, pourquoi aller vers ça, d'après vous?

Mme Caron (Jessie) :Vous savez, le droit peut être instrumentalisé par la politique, ça arrive de temps à autre, mais je ne sais pas quoi répondre à ça. Mais, bien sûr, le PG pourra trouver des moyens de justifier ce projet de loi liberticide si jamais il était adopté, mais, pour nous, ça ne passe pas la rampe.

Le Président (M. Provençal) :...des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation et votre plaidoyer vibrant. Dans vos recommandations, je ne lis pas que vous demandez le retrait du projet de loi, mais j'ai l'impression que vous le pensez, qu'on devrait le retirer puis le retravailler. Est-ce que je comprends mal? Est-ce qu'on peut travailler avec ce projet de loi là comme base? Y a-t-il quelque chose de valide à partir de quoi on peut construire? Parce que vos recommandations semblent porter sur autre chose que le projet de loi tel qu'il est libellé.

M. Bergeron-Cyr (David) : Bien, je pense que vous l'avez bien placé, là. Tu sais, nous, ce qu'on souhaiterait, c'est une déprivatisation du réseau, déprivatisation, décentralisation, démocratisation puis déterminants sociaux. Ça, c'est nos quatre idées. C'est la vision qu'on met de l'avant. Puis je vous dirais que, depuis quelques jours, j'ai suivi ça, moi, les discussions ici, puis, M. le Président, je dois vous avouer que je n'ai jamais senti autant d'ouverture de la part du ministre de la Santé, c'était... je sentais qu'il y avait comme un intérêt pour...

M. Bergeron-Cyr (David) : ...se sevrer peut-être un jour du privé en santé, en services sociaux.

Une voix : ...

M. Bergeron-Cyr (David) : Ça fait que... ça fait qu'en tout cas j'espère que les bottines vont suivre les babines, puis qu'on va avoir des projets de loi, à partir de maintenant, qui vont aller dans le sens de reconstruire le réseau public en santé et services sociaux au lieu de toujours en donner aux médecins entrepreneurs, puis aux hommes, puis aux femmes d'affaires qui veulent faire du profit sur la maladie.

M. Arseneau : Moi, un peu comme mes collègues tout à l'heure, j'ai l'impression que, pour un peu paraphraser le ministre, c'est... le projet de loi qui est déposé est une bonne base de discussion, à condition qu'on aille ailleurs, si je vous entends bien, là. Si on ne parle pas de l'article 1, si on ne parle pas de l'article 5, si on ne parle pas de l'article 6, s'il n'y a pas d'infraction pénale, on commence à jaser, là.

Donc, je voulais quand même vous ramener sur la question, par exemple, de l'interdiction du passage au privé, comme en Ontario, par exemple, le statut de non participant, est-ce que vous êtes d'accord qu'on l'élimine? J'imagine que oui.

M. Bergeron-Cyr (David) : Bien oui, absolument, puis... puis moi, je suis gêné, on est au Canada la province canadienne qui protège le moins son réseau public de santé et de services sociaux. C'est un fait. Qu'est-ce qui s'est passé? Je ne le sais pas. Les Canadiens sont plus fiers de leur réseau public que nous autres. Je ne sais pas pourquoi. Il faudrait se poser deux, trois questions là-dessus. Mais... mais... puis un des éléments essentiels, c'est quand on regarde pour faire ce diagnostic-là, c'est quand on regarde le nombre de médecins qui travaillent au privé au Québec versus le restant du Canada. M. le ministre l'a dit à plusieurs reprises. Je ne vous donnerai pas les chiffres, vous les connaissez.

M. Arseneau : Certains on dit que vous... que la CSN avait dit qu'on n'allait pas assez loin dans le projet de loi. J'ai l'impression aussi que, si je vous comprends bien, qu'on ne va pas au bon endroit, là. Est-ce que c'est bien ça?

M. Bergeron-Cyr (David) : Absolument.

M. Arseneau : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Jérôme, 2 min 12 s.

M. Chassin :Parfait. Merci beaucoup. Bonjour. Donc, évidemment, en très peu de temps. Je tiens d'abord à vous dire qu'il y a des gens de communication à la CSN qui sont remarquables. D'abord, parce que quand on regarde le point syndical puis qu'on voit des gens réunis contre la privatisation, ce n'est même pas dit «santé». Puis pourtant on l'a tous compris. Tu sais, ça fait qu'il y a comme une espèce de compréhension de la nature de votre combat. Je pense que c'est assez clair. Puis là, en même temps, vous comprendrez que moi, j'ai une position peut-être un peu différente. Ceci étant, je cherche à comprendre parce que c'est le privé à profit qui est problématique pour vous. Dans le fond, que la propriété soit, par exemple... non pas par exemple, mais enfin que ce soit vraiment des entrepreneurs, ou que ce soient des médecins, ou que ce soient des investisseurs, on ne veut pas nécessairement qu'on fasse de profits sur la maladie. Est-ce que vous allez, par exemple, dans la même direction pour des cliniques qui disent PSPL, par exemple?

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Mais effectivement, le point qu'on amène, c'est qu'il ne devrait pas y avoir de profit sur la maladie. Donc, effectivement, que ce soit médecins, infirmières, c'est ce principe-là contre lequel on...

M. Chassin :Parce que c'est ça, aussi, quand c'est jusqu'où ça va, les dentistes...

M. Bergeron-Cyr (David) : Les dentistes avant, là, les dentistes, il y avait... c'était pas mal plus couvert que ce l'est maintenant, là. Pourquoi qu'on... je reviens à ce que je disais, pourquoi qu'au lieu de tout envoyer constamment au privé parce que c'est donc bien efficace le système capitaliste, pourquoi qu'on n'essaie pas de réfléchir à recommencer à bâtir ce qu'on a arrêté de bâtir il y a 40 ans, c'est-à-dire quelque chose de différent, un projet de société qui est basé sur d'autres choses, puis ça pourrait aller plus loin que le réseau public de santé et de services sociaux, ça pourrait aller beaucoup plus loin, quand on parle de santé, effectivement.

M. Chassin :Parce que, dans le fond, c'est une question de clarification, mais, ceci étant dit, je pense que c'est très clair, puis on ne s'entendra pas, mais on va s'entendre qu'on ne s'entendra pas. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député. Avant de vous remercier, je veux simplement mentionner que, dans les différents projets de loi que moi, j'ai eu l'occasion de présider, il y en a quand même un qui rapatriait la main-d'œuvre indépendante au public, puis je pense que ce n'était pas mauvais non plus pour tous syndicats confondus. C'était juste une petite remarque que je voulais faire. Ceci étant dit, je vous remercie beaucoup, beaucoup de votre collaboration.

(Suspension de la séance à 15 h 56)


 
 

16 h (version non révisée)

(Reprise à 16 h 02)

Le Président (M. Provençal) :Alors, je souhaite maintenant la bienvenue au Regroupement des étudiants en médecine de l'Université Laval, conjointement avec l'Association des étudiants en médecine de l'Université de Montréal, l'Association générale étudiante en médecine de l'Université de Sherbrooke et la Medical Student's Society de l'Université McGill. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes. À vous la parole.

M. Mendelson (Daniel) : M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, merci de nous avoir invités aujourd'hui pour partager les voix de la relève médicale. Je m'appelle Daniel Mendelson, étudiant dans le programme combiné médecine-recherche à l'Université McGill et aujourd'hui représentant de la MSS. Je suis accompagné aujourd'hui de mes collègues Élodie Hétu, étudiante en médecine et présidente du REMUL de l'Université Laval, Zoë Chabot, étudiante en médecine et présidente de l'AEEUM de l'Université de Montréal, et Jean-Simon Desrochers, étudiant en médecine et président de l'AGEMUS de l'Université de Sherbrooke.

Nos quatre associations indépendantes représentent près de 5 000 étudiants en médecine du Québec, répartis sur 11 campus aux quatre coins du Québec, en passant par Gatineau, Chicoutimi, Rimouski, Trois-Rivières et autres. Aujourd'hui, nous parlons d'une même voix lorsque nous vous demandons l'abandon du projet de loi n° 83. Bien que nous sommes d'accord avec les objectifs du projet d'améliorer l'accès aux soins de santé dans le système public, nous ne croyons pas que ce projet de loi aura les effets souhaités. Au contraire, ce projet de loi nous apparaît contre-productif.

Soyons clairs, c'est l'écrasante majorité des étudiants en médecine qui souhaitent travailler dans le système public. Après tout, notre formation s'y déroule entièrement, soit lors de nos deux ans de stage d'externat ou encore de nos deux à six ans comme médecins résidents. Étant les représentants d'associations locales, nous sommes sur le terrain et directement en contact avec nos membres. Cette proximité nous permet d'entendre les réactions, les interrogations et les inquiétudes de nos membres depuis le dépôt de ce projet de loi en décembre dernier.

Le projet de loi n° 83 aura des impacts importants sur nos futurs collègues. Il imposera des obligations lourdes à chaque étudiant en médecine, sans pour autant améliorer l'accessibilité des soins. Faire reposer le sort du système public uniquement sur les médecins en devenir représente une iniquité intergénérationnelle. Au Québec, la grande majorité des médecins dédient leur carrière dans le système public, et ce, sans obligation, mais plutôt par souhait. Ce que le... Ce que ce projet de loi propose menace de remplacer une telle motivation intrinsèque par des contraintes extrinsèques.

Mme Hétu (Élodie) : Jusqu'à tout récemment, les étudiants hors Québec qui venaient ici pour étudier la médecine devaient signer un contrat d'engagement avec des clauses pénales. Ce contrat, compris dans la LSSSS, a été retiré vu l'échec de cette mesure. On est d'accord avec les propos du ministre Dubé dans le mémoire qui a été déposé au Conseil des ministres en juin 2023, dans lequel il partage que ces contrats, et je cite, «ont contribué à l'exode des résidents et des médecins vers les autres provinces à un moment où le Québec souffre d'une pénurie de médecins dans la plupart des spécialités, en commençant par la médecine de famille». Nous voyons difficilement comment le projet de loi n° 83, qui propose des mesures dans la même lignée, aura des effets bénéfiques cette fois-ci.

Nos membres vivent de l'incertitude face au projet de loi n° 83. Quelque 950 de nos collègues terminent leur doctorat cette année et commenceront leur formation de résidence à l'été. Dans neuf jours, soit le 20 février, ils devront partager au système de... de résidence canadien, CARMS, leur ordre de préférence pour les programmes de résidence. M. le ministre, pouvez-vous leur assurer, à ces étudiants qui ne savaient rien du contenu du projet de loi au début du processus de jumelage, que ce projet de loi ne s'appliquera pas à eux?

On a reçu des témoignages de centaines d'étudiants et d'étudiantes. Nombreuses de nos collègues se demandent si les congés de maternité sont exclus de la durée de l'entente. En effet, la majorité des médecins fondent une famille en début de pratique. Avec une profession qui se féminise, cette potentielle discrimination serait inacceptable. D'autres se demandent comment le gouvernement pourra garantir des emplois à temps plein dans neuf ans, alors que les jeunes médecins connaissent déjà des difficultés à trouver des PEM et des PREM. Des externes juniors envisagent appliquer dans des programmes de résidence hors Québec, alors qu'ils prévoyaient initialement rester au Québec.

Les médecins contribuent à notre société à plusieurs niveaux : les formations continues, les projets de recherche, l'engagement humanitaire, l'enseignement. Aucune de ces pratiques n'est pourtant mentionnée dans le projet de loi. Il nous apparaît impossible de prévoir chaque exception, et c'est une grande source d'inquiétude pour les étudiants.

Rappelons que certains étudiants commencent leur formation médicale à seulement 17 ans. Légalement, ceux-ci doivent se faire endosser pour une maigre limite de crédit de 500 $. Toutefois, le ministre considère justifié de faire signer un contrat restrictif avec des amendes s'élevant à plusieurs centaines de milliers de dollars à ces mêmes...

Mme Hétu (Élodie) : ...à ces mêmes étudiants, près d'une décennie à l'avance. Le ministre demandera-t-il une autorisation parentale à la signature du contrat? Il nous apparaît déraisonnable de faire signer des ententes aussi restrictives à des jeunes étudiants, alors qu'ils ignorent à quoi ressemblera leur futur. Les étudiants ont des incertitudes justifiées face au projet de loi, surtout par rapport aux articles cinq et six qui donneront carte blanche au gouvernement quant au contrat à signer.

Mme Chabot (Zoë) : Aux Québécois et Québécoises qui nous écoutent, sachez que nous voulons, nous aussi, améliorer l'accessibilité aux soins. Or, le projet de loi n° 83 ne permettra pas de le faire, il risque même d'aggraver les failles actuelles en fragilisant davantage le réseau public. Étant sur le terrain, nous connaissons les enjeux auxquels fait face notre système public, patients sans médecin de familles, urgences débordées, délais prolongés pour consulter un spécialiste. Les patients présentent aujourd'hui des cas complexes qui demandent des soins multidisciplinaires. Malheureusement, les pénuries de ressources humaines et d'infrastructures ne permettent pas toujours d'offrir des soins optimaux ou des soins points. Parlez-en aux chirurgiens de l'Outaouais qui désespèrent de ne pouvoir opérer que quatre jours par mois. Aujourd'hui, un patient avec un AVC aura non seulement besoin de médecins, mais également d'infirmières, physiothérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, travailleurs sociaux, préposés aux bénéficiaires, et bien d'autres. Or, un nombre croissant de professionnels de santé choisissent de partir du système public.

Au son de cette alarme, nous devons nous questionner sur les raisons de leur départ. Cibler les jeunes médecins, c'est enlever la pile du détecteur de fumée en espérant que le feu s'éteindra du même coup. Nous vous rappelons que la grande majorité des étudiants en médecine au Québec souhaitent travailler dans le réseau public malgré les conditions actuelles. Ils le font par conviction et dévouement afin d'offrir des soins de santé publique et accessibles aux Québécois. Au lieu de leur donner des conditions de travail propices à la qualité des soins et soutenir l'engagement qui les a poussés à devenir médecin, le projet de loi préfère leur imposer des années de service obligatoire.

Qu'arrivera-t-il une fois que les étudiants auront complété leur obligation relative à l'entente? Beaucoup verront leur fin de ces années de service comme la fin de leur obligation et choisiront de quitter le réseau public avec le sentiment de devoir accompli. Avant les discussions entourant le projet de loi n° 83, ils ne se seraient jamais posé la question. La vraie solution ne réside pas dans des mesures coercitives, mais dans des mesures de valorisation. Un système avec des conditions de travail respectueuses et des ressources adéquates pour soigner les patients, voilà ce qui assurera un système de santé publique solide et durable.

M. Desrochers (Jean-Simon) : L'objectif affiché du projet de loi n° 83 est de favoriser l'excercice de la médecine au sein du réseau public, objectif que nous partageons. Toutefois, les mesures prescrites dans le projet de loi ne permettront pas d'atteindre ce but. Au contraire, elles vont diminuer l'attractivité de la pratique au sein du réseau public, fragilisant du même coup les effectifs médicaux au Québec. Le gouvernement propose des contraintes sans équivalent chez aucun autre groupe d'étudiants. Pour leur avoir parlé, nous pouvons vous affirmer que les étudiants des autres programmes suivent avec inquiétude le déroulement de cette commission, car ils craignent d'être les prochains ciblés.

• (16 h 10) •

Si nous voulons que les médecins et tous les professionnels de la santé pratiquent au public et au Québec, il est essentiel d'améliorer notre système public en s'attaquant directement à ces véritables problèmes. Les professionnels de la santé travaillent avec des outils du dernier siècle, croulent sous la paperasse. Ils doivent souvent composer avec des équipes incomplètes. Nous devrions collectivement nous concentrer sur ces enjeux et proposer des solutions structurantes pour améliorer l'accès et proposer des... améliorer l'accès aux soins et faire du réseau public l'employeur de choix.

En parallèle, nous croyons qu'il est grand temps que le Québec entreprenne un réel débat de société sur la place du privé dans l'offre de soins en concertation avec tous les acteurs pertinents en santé. Les mesures discriminatoires prévues dans le projet de loi n° 83 sont considérées avant des mesures pour encadrer le privé, alors même que le gouvernement entreprend en parallèle des initiatives pro privées. Visiblement, le gouvernement ne coordonne pas ses actions dans le bon ordre sur ce dossier.

Lors de sa comparution, jeudi dernier, la FMEQ a demandé à créer une table de concertation afin de permettre aux différents acteurs dans le système de proposer des solutions qui répondent réellement aux enjeux auxquels nous faisons face. Nous croyons fermement que cette avenue est l'approche à adopter devant le problème actuel. Il faut se pencher sur les motivations des médecins qui quittent le réseau public. Il faut se pencher sur la place du privé au Québec et sur les façons de mieux l'encadrer. Toutefois, le tout doit être réalisé dans un contexte où la discussion est réellement ouverte et où toutes les données sont disponibles. Les personnes étudiantes veulent participer à la solution, il s'agit simplement de leur donner l'opportunité de le faire.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, bravo pour votre présentation et surtout la complémentarité de vos interventions puis la fluidité que vous avez eue. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Dubé : Très bien, M. le Président. Puis d'ailleurs je souligne la même chose, je pense que des étudiants...

M. Dubé : ...des étudiants en médecine qui viennent nous voir, puis d'avoir cette clarté-là, c'est très bien. Puis je le répète, là, depuis qu'on est en commission, ce projet de loi là permet de... je pense, d'avoir un débat public sur la place du privé, puis, etc. Donc, moi, je suis content de voir ça, d'être capable d'avoir vos commentaires là-dessus.

Bon, maintenant, là, vous représentez plus le point de vue de nouveaux... des étudiants qui vont être des nouveaux facturants dans quelques années, là, dépendamment d'où vous êtes rendus dans vos études. Moi, j'aimerais ça... Parce que j'ai entendu la FMRQ, la FMEQ aussi, là, qui a des propos très semblables aux vôtres. Je veux juste qu'on fasse attention... puis je le dis, là... c'est très... je suis très constructif quand je dis ça... parce que j'entends beaucoup : Mais n'allez pas dans des mesures coercitives, il y a beaucoup d'autres choses qu'il faut régler pour rendre ça encore plus attractif. Savez-vous quoi? Je suis parfaitement d'accord.

Puis, ce matin, j'étais content d'entendre un médecin — vous l'avez peut-être bien entendu, peut-être — de l'Abitibi, le Dr Condé, qui a dit... Il y a beaucoup d'actions que notre gouvernement a faites qui sont en train d'améliorer le réseau. Ça fait que je veux juste qu'on se comprenne que mon objectif... en tout cas, ce n'est sûrement pas ce que je crois... c'est que c'est la seule mesure qui va faire une grande différence, le projet de loi n° 83. Moi, je pense qu'il y a un minimum à faire puis on pourra le discuter ensemble, mais je pense que c'est l'ensemble des autres mesures qu'on est en train de faire dans le réseau qui peuvent faire une amélioration. Puis là je ne recommencerai pas à les citer, mais, ce matin, j'en ai fait une énumération en discutant avec le Dr Condé.

Ça fait que ça, je pense que les Québécois sont d'accord qu'on est en train d'améliorer le réseau ce qui devrait rendre la profession plus attractive, que ce soit au niveau des spécialités... Parce qu'on parle beaucoup de médecine familiale, mais au niveau des spécialités, je répète, là, d'avoir donné des ententes de conventions collectives qu'on a données aux infirmières va permettre le rappel de ces infirmières-là dans nos salles d'opération. Mais ça s'est signé en décembre. Tu sais, ce n'est quand même pas il y a deux ans, là, c'est tout récent. Ça fait que je veux juste qu'on se comprenne qu'on n'a jamais dit que c'était la seule mesure qui allait régler tous les problèmes du monde, on s'entend là-dessus.

Deuxièmement, je veux juste le préciser, vous parlez beaucoup de mesures coercitives, puis je le comprends, là, je vous écoute puis, je veux dire, peut-être que si j'étais étudiant comme vous, j'aurais cette vision-là. Puis je la respecte. On est là pour écouter, alors, moi... C'est ça qu'on a fait. Mais il y a une chose, par exemple, puis je l'ai dit avec le Dr Bergeron, là, puis je veux que les Québécois l'entendent, il y a vraiment des mesures incitatives, là qui sont là en ce moment, puis, malgré ces mesures incitatives là, on n'est pas capables de retenir.

Ça fait qu'il faut se poser la question parce que, quand on dit : Bien non, faites juste des mesures incitatives, puis ça va... on va les avoir, les étudiants. Écoutez, là, on est rendus à des mesures d'à peu près 200 000 $ pour aller pratiquer en région, puis j'en ai parlé ce matin, des mesures à l'installation, des... etc., là, on en a, et, et des gens, des médecins qui pratiquent en région ont jusqu'à 140 % de la facturation. Ça fait que non seulement il y a une mesure de bourses durant la... l'étude, ceux qui veulent en profiter, il y a des mesures à l'installation, il y a des mesures pour être capable de dire, bien, une fois que vous êtes sur place... et une bonification.

Ça fait que je veux juste faire attention de dire qu'on est juste dans le coercitif. Je veux juste qu'on s'entende là-dessus. Puis j'aimerais vous entendre, parce que j'ai beaucoup entendu ça, puis je veux juste le clarifier que notre objectif, ce n'est pas d'être coercitifs. Notre objectif, c'est de dire : Est-ce qu'il y a un minimum qu'on peut demander aux étudiants? Puis quand j'ai... je vous entends, vous avez l'air de dire que ce minimum-là, vous n'êtes pas d'accord. Mais je veux vous entendre là-dessus, parce que ce n'est pas l'objectif d'être coercitifs. L'objectif, c'est de dire : Est-ce qu'on peut avoir un minimum d'engagement pendant qu'on fait toute la transformation que tout le monde reconnaît qui est en train d'arriver là?

M. Desrochers (Jean-Simon) : Vous parlez de mesures incitatives, puis je pense que c'est positif, les mesures qui ont été mises en place, puis on ne nie pas que le gouvernement a déjà mis en place des bonnes mesures puis va dans la bonne direction, dans certains niveaux. Mais on pense que la meilleure mesure incitative, c'est de venir travailler sur notre réseau public pour le rendre plus fort, pour le rendre... régler les problèmes qui sont dans ce réseau là, notamment au niveau du personnel, notamment au niveau des technologies de l'information, au niveau des quatre piliers du projet santé. C'est de ça qu'on veut parler comme mesure incitative, c'est la meilleure. Ce n'est pas des bourses, ce n'est pas des montants d'argent supplémentaires. On parle de régler les problèmes du réseau public, puis c'est comme ça qu'on va réussir à avoir un système public qui va être attractif.

Puis par rapport à...

M. Dubé : On est d'accord, on est d'accord qu'il faut faire ça là.

M. Desrochers (Jean-Simon) : On est d'accord là-dessus, on est d'accord. Ce qu'on n'est pas...

M. Dubé : Mais vous n'êtes pas... vous êtes... Puis...

M. Desrochers (Jean-Simon) : ...pas d'accord, c'est d'avoir des mesures, même si vous... que ce n'est pas coercitif, c'est coercitif : on veut obliger les étudiants à travailler au public alors qu'on veut déjà travailler au public, puis c'est ça qu'on trouve contreproductif.

M. Dubé : Mais ce que j'ai de la misère à comprendre, puis peut-être que vous pouvez m'aider dans ma réflexion ou dans notre réflexion, à tout le monde, ici... Moi, j'ai entendu que tous les jeunes médecins veulent travailler dans le réseau public. Alors, c'est quoi, le problème de l'engagement de cinq ans? C'est ça, que j'ai de la misère à comprendre, puis peut-être que c'est moi qui est dans l'erreur, puis moi... aidez-moi à penser autrement, mais tout le monde me dit : ah! on est d'accord, on est d'accord, on est d'accord, ce n'est pas un problème, mais c'est quoi, la résistance à dire qu'il y a un engagement pour cinq ans?

Mme Hétu (Élodie) : Bien, même si ça reste un comportement qui est minoritaire, ça occasionne quand même une incertitude quant à la liberté de pratique puis le choix de pratique puis du type de pratique que les médecins de demain vont vouloir faire. La beauté du métier de la médecine, c'est justement que ça peut être diversifié, qu'on peut faire de l'enseignement, de l'aide humanitaire, puis là, après la résidence, ce serait des choix qui seraient peut-être imposés, puis les étudiants qui voudraient faire plus ne pourraient pas nécessairement le faire.

M. Dubé : Mais vous êtes d'accord qu'on a mis des exceptions pour ça, là?

Mme Hétu (Élodie) : Oui, on est d'accord, mais comme on a mentionné dans notre discours, ce n'est pas toutes les exceptions qui pourront être énumérées, et peu importe la quantité d'exceptions qu'on va pouvoir ajouter au projet de loi, ce ne sera jamais toutes les exceptions qui vont être couvertes, on pourra toujours en trouver des nouvelles qui seraient à ajouter au projet de loi. 

Des voix : ...

M. Dubé : Bien, excusez-moi, M. le Président, peut-être, je vais laisser ma collègue...

Le Président (M. Provençal) :Allez-y, Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. Combien de minutes?

Le Président (M. Provençal) :Il reste neuf minutes, présentement.

Mme Grondin : Neuf minutes. Bien, en fait, j'ai une seule question parce que... Bonjour. Effectivement, c'est très intéressant de vous avoir. Je ne suis pas certaine de bien saisir, puis je veux poursuivre sur la question de M. le ministre. Moi, je viens du milieu environnemental, je suis de. De ce que je comprends dans les différents échanges, c'est qu'en fait je ne suis pas certaine qu'on a la même définition de ce que c'est, un engagement. Puis j'irais même plus loin, je ne suis pas certaine qu'on a la même définition de ce que c'est, le bien commun. Parce que, quand j'entends les incitatifs que vous avez déjà pour aller en région... Moi, le constat, c'est que les médecins ne veulent pas venir travailler chez moi, dans Argenteuil, on est à 50 minutes, le GMF risque de fermer, puis c'est parce qu'il n'y a pas de relève. Les médecins prennent leur retraite. Donc là, je vois qu'il y a des incitatifs, je vois qu'il y a... qu'on travaille beaucoup sur la question d'améliorer le réseau. Je pense que le ministre... tu sais, on s'attaque aux véritables causes. Ça ne se fait pas en criant «ciseau».

Ça fait que moi, ma question, c'est : En attendant, immédiatement... Je pense qu'on n'a pas la même définition de ce que ça veut dire s'engager pour le bien commun.

• (16 h 20) •

M. Mendelson (Daniel) : Si vous me le permettez, ma première réaction, c'est, donc, qu'est-ce qu'on peut faire pour favoriser, justement, le travail en région défavorisée? Tout à fait. C'est un enjeu difficile à régler, mais, de ma perspective, ce n'est pas une question d'argent, c'est une question... Est-ce que je pourrais être capable? Est-ce que je serais entouré des professionnels pour assurer des soins à mes patients qui sont adéquats? De ma perspective, présentement, ce n'est pas nécessairement le cas dans ces régions-là. Voilà.

Et, pour répondre à votre question de qu'est-ce qu'on peut faire présentement, aujourd'hui? Pour moi, la réponse est assez claire, c'est... Pourquoi est-ce que les personnes ne veulent pas venir? Pourquoi est-ce que certains, s'il y a un montant croissant qui rentre ou... quittent le public pour rentrer dans des cabinets privés? Pourquoi est-ce qu'ils décident de partir du système public? Et ça, c'est des questions qu'on peut poser aujourd'hui et chercher des réponses, justement, pour répondre aujourd'hui.

Mme Grondin : Mais je pense qu'on y travaille, là, sur les causes. On a déposé un plan santé avec quatre piliers, puis c'est des changements de comportements, c'est de la transformation, ça ne se fait pas nécessairement demain matin. Ça fait que moi, je le vois... issue du milieu environnemental, je vois ça comme... cet engagement-là de cinq ans... Puis je ramène la même question que je pose, il y a 1100 médecins qui sont en train de se former, il y a 5000 candidats potentiels, je ne peux pas croire qu'on ne peut pas trouver, parmi ces 5000 candidats, des jeunes qui souhaiteraient s'engager pour...

Mme Grondin : ...cinq ans seulement.

Mme Chabot (Zoë) : Je répondrais qu'il y a une grande différence entre choisir de s'engager et d'être forcé à le faire. La plupart des étudiants veulent travailler au public, mais le projet de loi n° 83 démobilise les étudiants et fait en sorte qu'il y a une perte de solidarité parce qu'on est forcés à faire quelque chose qu'on voulait faire. Sinon, mon collègue peut renchérir.

M. Desrochers (Jean-Simon) : Pour répondre à la question de... Oui, en effet, on va remplir les postes en études en médecine, il y a 5 000 applicants et 1 000 places, vous avez raison, sauf que ce n'est pas comme ça qu'on fonctionne au Québec. On n'oblige pas des personnes de 17 à 25 ans à signer un contrat qui vont avoir les conséquences... prendre effet près d'une décennie plus tard pour qu'elles puissent suivre la formation universitaire qu'elles désirent.

De plus, comme mentionné à plusieurs reprises dans cette commission, on croit fondamentalement que c'est contre-productif comme mesure. Le coût dans la diminution d'attractivité du système public surpasse les bénéfices escomptés par le ministre avec cette mesure-là. Donc, c'est pour ça que, même si, à court terme, vous pouvez penser que c'est une solution qui va permettre d'arriver avec... d'avoir le temps de changer le système, ce n'est pas le cas, ça va venir démobiliser, comme le mentionnait ma collègue, puis on va venir faire augmenter les personnes qui risquent de quitter le réseau ou de quitter le Québec.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de Bonaventure.

Mme Blouin : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous. Merci d'être avec nous. On a eu l'occasion d'entendre certains de vos collègues la semaine dernière, alors on est bien heureux de discuter avec vous maintenant, aujourd'hui. Je ne sais pas si... Je pense que certains d'entre vous étaient là même ce matin, donc, j'imagine que vous avez entendu le Collège des médecins. Parce que je comprends que vous trouvez qu'on va trop loin avec une obligation de pratique de cinq ans, le Collège des médecins, par contre, dit qu'on devrait envoyer les étudiants en médecine, les nouveaux médecins au public, point, donc, pas pour cinq ans, pour toujours. Alors, je me demande... Ils vont vraiment beaucoup plus loin que nous, là. Donc, j'ai envie de vous entendre, à savoir : Qu'est-ce que vous pensez de cette affirmation-là?

Mme Hétu (Élodie) : Mais, en ce moment, on est en commission parlementaire pour savoir si on est pour ou contre, en ce moment, le projet de loi n° 83. Et peu importe ce que le Collège des médecins a dit ce matin, parce que, oui, effectivement, j'étais présente, même si, parfois, Dr Mauril Gaudreault semblait peut-être pour, ensuite, il mentionnait vouloir abandonner l'article 1, 5, 6. il y a consensus, à travers toutes les fédérations qui se sont présentées à vous, autant aujourd'hui que la semaine dernière, que les articles 5 et 6 sont à abandonner. Si on dénature le projet de loi, ultimement, on est contre le projet de loi.

Mme Blouin : Mais, je comprends, par contre, on est ici, en commission parlementaire, on l'a expliqué, M. le ministre l'a dit aussi, c'est vraiment dans un objectif d'entendre les gens. Donc, si je vous pose la question, à savoir... Parce que le Collège des médecins nous demande d'être plus courageux, donc, et la plupart des gens qui sont venus ici nous demandent ça. Donc, j'ai envie de vous entendre, parce que c'est avec vos commentaires qu'on va pouvoir poursuivre et peaufiner le projet de loi. Qu'est-ce que vous pensez du fait qu'on vous oblige, point, à aller au public?

M. Desrochers (Jean-Simon) : Cette mesure-là est clairement évaluée, puis on...  à la commission parlementaire pour discuter. Mais ce n'est pas un discours qui est ouvert, on a une épée de Damoclès sur notre tête présentement. Je ne pense pas que c'est le meilleur endroit pour discuter ouvertement et avec tous les partenaires. Les partenaires se sont succédé ici pour parler des problèmes du réseau, des solutions, mais jamais tout le monde ensemble. Il n'y a pas... On n'a pas pu tous discuter, autant les fédérations que, par exemple... Donc, on n'a pas pu s'asseoir autour d'une table pour discuter puis avoir ces discussions-là qui pourraient être... pour évaluer les différentes mesures, pour évaluer le problème, puis ensuite conseiller des solutions, puis, à la fin, légiférer. On voit qu'on va dans le sens inverse où on propose un projet de loi qui semble sorti de nulle part, sans avoir consulté personne, puis ensuite on demande aux gens : Mais c'est quoi, votre avis? Qu'est-ce que vous pensez? On ouvre le débat sur le système public versus privé. On pense, on l'aurait fait dans l'inverse.

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre, il reste deux minutes 40.

M. Dubé : Non, mais c'est intéressant, la question que ma collègue a posée, parce que, moi, je veux revenir sur la question du Collège des médecins. Comme je l'ai dit, vous, peut-être que vous trouvez qu'on va trop loin, puis le Collège des médecins dit qu'on ne va pas assez loin. Alors si, demain matin, puis on est ici pour en parler, si, demain matin, on arrive puis on dit : On va prendre la recommandation du Collège des médecins, puis de dire que, maintenant, comme dans la plupart des autres provinces au Canada, il y a l'obligation de pratique au public pour tous les médecins. Vous dites quoi? Parce que ça, c'est plus contraignant que ce qu'on met sur la table en ce moment, là. Ce n'est plus une question de cinq ans ou 10 ans, c'est une question de dire : On va faire comme dans les autres provinces.

Mme Hétu (Élodie) : Je pense qu'il y a des nuances à apporter avec ce que le Collège des médecins a dit ce matin. Le Collège des médecins a quand même fortement mentionné qu'il était contre les mesures coercitives proposées...

M. Dubé : Non, mais je ne parle pas...

Mme Hétu (Élodie) : Non, non, non, mais vous voulez qu'on ait un débat, je sais, vous parlez, en ce moment, juste du privé. Mais, en ce moment, reste qu'autre le cinq ans qui est mentionné dans le projet de loi, il y a d'autres mesures qui s'ajoutent à ces contraintes-là. Et c'est l'ensemble de l'oeuvre qui fait que le milieu...

M. Dubé : Donc, vous ne prenez pas...

M. Dubé : ...de ce que le Collège des médecins dit par rapport à l'obligation de pratique au public.

Une voix : On ne prendra pas position. Comme mon collègue a mentionné, c'est très difficile...

M. Dubé : O.K. Parfait. Non, mais je veux au moins le savoir. Parce qu'il faut être clair, c'est beaucoup plus exigeant, ce qui est demandé par le Collège des médecins comme obligation de pratique au public que ce qui est mis sur la table par p.l. no° 83. Si vous ne voulez pas prendre position, je respecte ça. On est ici pour écouter les différentes alternatives, mais en ce moment, je... C'est pour ça que je me permets de vous poser la question. Si vous ne voulez pas répondre, c'est correct, là.

M. Mendelson (Daniel) : Si vous me le permettez. De ce que j'ai compris ce matin, c'est que le Collège des médecins ne veut pas un système privé au Québec. Et donc, quand on pense qu'il vous demande plus de courage, c'est vraiment dans ce sens-là, diminuer un peu le système privé. Pour nous, au moins pour moi-même et mon association, nous ne nous sommes pas penchés, nous n'avons pas étudié la question parce que ce n'est pas dans ce projet de loi. Parfait...

M. Dubé : Très bien.

Le Président (M. Provençal) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Je comprends que le ministre reprend son expression pour dire qu'il y a des groupes qui trouvent qu'on ne va pas assez loin puis des groupes qui trouvent qu'on va trop loin. Mais en même temps, là, le Collège des médecins, ce que j'ai entendu, c'est qu'ils ont dit : Prenez toute la partie hors Québec puis évacuez ça. Ça ne marchera pas. Prenez toute la partie privée, puis je ne suis pas capable de vous dire si ça va marcher. C'est ça qu'ils nous, on dit : Je ne suis pas capable de vous dire que c'est positif, mais qu'on est content du débat. On est content d'avoir un débat sur la place du privé. Donc, moi, ce que j'entends des différents groupes, c'est qu'il y a des groupes qui disent que ça ne marchera pas, un groupe qui dit que ça ne marchera pas, mais on est content du débat, puis des groupes qui disent : Faisons attention collectivement parce qu'on pourrait empirer la situation. Alors, vous, est-ce que... Dans quel groupe vous vous situez? Est-ce que ça ne marchera pas? Ou est-ce que ça ne marchera pas puis ça va empirer la situation?

M. Desrochers (Jean-Simon) : On est dans le groupe... le deuxième groupe, ça ne marchera pas puis ça va empirer la situation. Puis on considère que ce n'est pas la bonne question, de savoir si on va trop loin ou pas assez loin. Tous les groupes, ici, qui sont passés, trouvent qu'il faut agir pour renforcer notre système public. Tout le monde est d'accord là-dessus. Sur l'objectif du projet de loi. Tout le monde est d'accord. Et tous rejettent le projet de loi n° 83 soit dans son entièreté, soit en partie, puis proposent différentes mesures alternatives. Donc, il reste à les étudier puis à revenir avec un projet de loi qui va être mieux en ce sens pour mieux favoriser notre système public.

M. Fortin : O.K.. Qu'est-ce qui... Qu'est-ce qui vous fait dire que ça va être pire? Est-ce que c'est la question de... Est-ce que c'est le fait qu'il y a des étudiants qui pourraient choisir d'aller étudier ailleurs en partant? C'est-tu ça qui vous inquiète?

M. Mendelson (Daniel) : C'est tout à fait ça. Comme vous l'avez proposé tantôt, c'est vraiment... Pour les matchs du Canadien, c'est des fans du Canadien. Et s'il y avait un étudiant... Si vous, vous avez un choix de faire a ou b, et c'est la même formation, sauf qu'une des options vient avec des exigences contraignantes qui vont se passer dans 10 à 15 ans, tu sais, c'est nettement dans la colonne contre pour ce choix-là. Donc c'est clair que ça va être moins intéressant de continuer des formations en Québec... au Québec en médecine s'il y a ces exigences-là qui n'existent pas dans d'autres juridictions canadiennes.

• (16 h 30) •

M. Fortin : Moi, ce qui est... Ce qui m'inquiète, là, dans le propos que vous avez, puis le propos du gouvernement, c'est que le gouvernement nous dit : Non, mais ce n'est pas grave. Il y a 5 000 personnes qui veulent étudier en médecine à chaque année. Oui, mais vous me permettrez d'être chauvin un peu. Moi, je veux les meilleurs, hein? Je veux absolument toujours les meilleurs, tout le temps. Alors, je pense que les patients du Québec s'attendent aussi à ça. Donc, il y a un... Il y a un risque ici, là. Puis je pense qu'on... Depuis le début de l'étude du projet de loi, c'est ce qu'on entend, c'est : Faites attention, il y a un risque à ce que vous êtes en train de proposer, mais sur l'objectif, encore là, puis le ministre le répète, sur l'objectif, il y a un consensus, là, sur l'objectif. C'est la façon d'y arriver qui est... qui est difficile.

Dans vos échanges avec le gouvernement, là, vous avez beaucoup... Tant avec le ministre qu'avec les députés, il y a une discussion sur l'incitatif versus le coercitif. Et, quand le ministre en parlait, bien, il s'est beaucoup attardé sur la question pécuniaire, la question financière, hein, pour dire : Ah! Bien, il y a jusqu'à 200 000 $. Puis il y a des médecins qui, s'ils vont en régions éloignées, peuvent avoir du 140 %. C'est vrai. Mais là, on a vraiment juste parlé de la question financière là-dedans comme incitatif, là. Moi, je veux bien la question financière. Ça peut fonctionner à certains moments, mais on peut donner toute la... On peut donner tout l'incitatif financier à un médecin de venir s'établir à Gatineau, puis de faire de l'orthopédie, là, de la chirurgie orthopédique. S'il opère une ou deux journées par mois, je ne suis pas sûr que ça va lui tenter tant que ça de dire à ses patients : Ça va prendre trois ans avant ta chirurgie à chaque fois. Donc, dans votre dans votre... Dans votre...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Fortin :...version de l'incitatif, là. Qu'est-ce que... qu'est-ce que vous recherchez?

Mme Chabot (Zoë) : Je crois, comme on l'a mentionné plusieurs fois, que notre incitatif, ce serait vraiment d'améliorer le réseau public. Et on est contre le fait d'avoir un principe d'une amende. Et je crois que ce projet de loi va même plus loin dans les punitions, parce que, si on regarde l'article 3, il y aurait une interdiction d'être rémunéré si on fait quelque chose de privé. Donc, ce n'est même pas une question du public versus le privé, ce serait six mois qu'un médecin ne peut pas travailler, c'est six mois qu'il ne peut pas donner des soins à la population québécoise.

M. Desrochers (Jean-Simon) : Je renchérirais également par rapport à la formation en région. La... l'année passée, a proposé... a déposé un mémoire à ce sujet-là, a proposé de créer, par exemple, un contingent d'admission particulier ciblant les candidats qui manifestent déjà un intérêt marqué pour la région. Ça a été étudié en Pennsylvanie, ça fonctionne. On parle de mesures de ce type-là qui vont permettre d'amener des gens en région parce qu'en rentrant en médecine ils vont déjà être intéressés par la région. C'est le meilleur moyen de s'assurer d'avoir des médecins où on en a besoin.

M. Fortin :Je suis d'accord avec vous. Ça m'a sidéré, le fait qu'il y ait, je pense, l'année dernière, là, à moins que je me trompe dans mes chiffres, mais je ne pense pas, là, qu'il n'y ait aucun médecin graduant, là, diplômé, qui voulait rester à Gatineau après sa formation à Gatineau. Donc, si on est capables, d'entrée de jeu, de s'assurer que soit c'est des gens de la région qui ont un intérêt, tant mieux.

Ça va pour moi, M. le Président. Je sais que ma collègue a des questions.

Le Président (M. Provençal) : Oui. Mme la députée de La Pinière.

Mme Caron : ...M. le Président?

Le Président (M. Provençal) : Il vous reste 6 min 30 s.

Mme Caron : D'accord. Merci. Alors, merci à vous quatre d'être... de nous avoir parlé de manière si éloquente. Moi, j'ai entendu, la semaine passée, je l'ai entendu encore aujourd'hui, je ne sais pas... mais mon collègue vient d'y faire allusion, je ne sais pas comment vous prenez ça, mais moi, je trouve que c'est assez insultant de parler de... bien, vous êtes 5 000 à faire une demande d'inscription, puis on en prend 1 000, c'est comme si on vous avait fait une faveur de vous accepter en médecine, il va y en avoir d'autres si vous ne voulez pas vous soumettre à ce qu'on vous présente. Moi, je le vois comme ça. Je ne sais pas, est-ce que vous, vous le voyez comme ça?

M. Desrochers (Jean-Simon) : On le voit un peu comme ça, mais on voit surtout comme... que cette notion-là de dire : Mais ce n'est pas grave, on va réussir à remplir quand même nos postes, c'est un peu renier les valeurs de base de la société québécoise au niveau de l'éducation. On a décidé de financer des études universitaires à grande majorité, donc de dire : Bien, ce n'est pas grave, on va vous faire signer un contrat. Puis l'éducation, ce n'est pas nécessairement vu comme un bien commun. C'est comme ça qu'on le voit puis on trouve ça très dommage que ce soit une première dans l'histoire, aussi, de dire qu'on va imposer à un groupe d'étudiants un contrat de cette manière. Ce serait une triste première.

Mme Caron : Et vous avez parlé de liberté de choix. Mais associé à cette liberté de choix qu'on vous couperait ici, sur laquelle on peut... on peut débattre, il y a toute la question des amendes. Alors, parce que, ce qu'on voit, le gros du projet de loi, les amendes qui vous... seraient imposées à une personne qui va dans le privé, en vertu du salaire, c'est parce qu'il faut que les gens comprennent que ce sont des amendes par acte, par jour. Ce n'est pas un médecin, un jeune médecin qui irait dans le privé puis qui se verrait avoir une amende de 40 000 $, de 100 000 $ une fois dans l'année puis il continue son petit bonhomme de chemin, là, c'est par acte, par jour. Donc, impossible pour un jeune médecin, même si le... la rémunération des médecins est quand même plus élevée que la rémunération d'autres personnes dans la société, là, on vient comme vous couper les ailes. Alors, si je comprends, on veut s'assurer qu'il y a suffisamment de médecins dans le réseau public, puis si vous ne respectez pas votre engagement, mais vous allez peut-être même être sorti du réseau public, par la force des choses.

Mme Chabot (Zoë) : Exactement. Le projet de loi serait contre-productif au but d'accessibilité aux soins. Vous parlez des amendes. Oui, on aurait des amendes à faire par chaque action. Et aussi, comme j'ai mentionné, l'article 3 ferait qu'on ne pourrait même pas travailler pendant six mois, donc il n'y aurait pas d'accessibilité aux soins, point.

Mme Caron : Ma dernière question, et c'est pour... encore là, pour la population qui nous écoute, qui vous écoute, moi, n'étant pas dans le milieu de la santé, les bras me tombent toujours quand j'entends que les médecins n'arrivent pas à se trouver un poste au Québec dans le réseau public. Pouvez-vous m'expliquer ça?

M. Mendelson (Daniel) : ...je pourrais y aller. Donc, il y a le système de PEM et de PREM qui sont quand même très restrictifs. Et comme vous l'avez entendu la semaine passée, parfois, il y a des PEM ou des PREM disponibles, mais il n'y a pas le soutien qui vient avec. Et donc, alors comment est-ce qu'on pourrait travailler si on ne...

M. Mendelson (Daniel) : ...ne peut pas accorder ou et soigner de la manière adéquate pour le patient. Parfois, c'est compliqué, il y a parfois aussi des restreintes budgétaires. Ou peut-être il y a... il existe une plage, je sais au moins que c'est la... c'est le cas pour d'autres spécialités ou professionnels de la santé, dont les orthophonistes, masseur en est une, et on comprend qu'on a besoin de ces professionnels, mais il n'y a pas toujours le budget pour leur accorder une place. Et donc c'est... c'est des enjeux similaires, j'imagine, en médecine.

Mme Caron : Alors, quand... quand vous parlez de cet enjeu-là, par exemple, disons qu'un médecin va travailler en région avec les incitatifs financiers qui existent, mais ça ne marche peut-être pas parce qu'il n'y a pas l'infirmière ou un professionnel, comme vous venez de mentionner, orthophoniste ou ça peut être audiologiste, peu importe, qui ne sont pas autour. Alors, le médecin, il trouve ça moins intéressant parce qu'il ne peut pas soigner avec... en interdisciplinarité complètement la population qu'il doit servir. Alors, il faudrait se pencher sur des moyens parce que cette population a aussi le droit d'être soignée au complet comme vous souhaiteriez le faire. Donc, j'ai bien aimé tout à l'heure quand votre collègue a dit : Bien, il faudrait... aurait peut-être fallu consulter, parler ensemble avant d'arriver avec un projet de loi. Là, on fait un peu l'inverse, là. C'est bien ça?

Mme Chabot (Zoë) : Donc, exactement. Et je crois que nos collègues de la FMSQ, la semaine passée, ont très bien expliqué, à leur comparution, le problème, exemple, avec les PREM et PEM, que même si on a un poste, des fois, on n'a pas les locaux, on n'a pas les autres personnes, ressources humaines, les infrastructures manquent, donc ça ne permet pas de pouvoir travailler adéquatement.

Mme Caron : Alors, même si tout le monde était dans le réseau public à l'heure actuelle, dans le contexte actuel, les gens pourraient se tourner les pouces parce qu'ils ne peuvent pas... ils ne peuvent pas travailler, parce qu'ils n'ont pas le soutien, ils n'ont pas l'accès aux salles, au plateau et puis au personnel qui doit les entourer pour bien travailler.

Mme Chabot (Zoë) : Exactement. Parce que le système de santé qui fonctionne, c'est vraiment un travail d'équipe, ce n'est pas juste les médecins. Et là, on cible uniquement les jeunes étudiants médecins, et on pense que c'est inacceptable et injustifiable parce que c'est un problème qui affecte le réseau au complet.

M. Mendelson (Daniel) : Et si je pouvais ajouter, tu sais, donc, dans ce projet de loi, on vise seulement les jeunes médecins. On ne veut pas cibler tous les professionnels de la santé. Pour nous, ce n'est pas comme ça qu'on... ce n'est pas dans cette société-là qu'on voudrait vivre. Tu sais, comme on l'a partagé tantôt, c'est un grand privilège d'étudier au Québec, d'être supportés pendant nos études... comme des personnes en étudiant la médecine autant qu'en infirmerie, en... peu importe la discipline. Et c'est un privilège pour nous tous d'être formés, après, de contribuer à notre province, à notre société comme professionnels.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonjour, merci d'être là, de votre contribution.

Je ne veux pas lancer un débat direct avec mes collègues d'en face, puis certainement pas me chicaner devant la visite, ce serait... ce serait inélégant. Mais j'ai un malaise, moi aussi, avec des propos qui ont été répétés de l'autre côté, notamment votre... la valeur de votre engagement. Je le dis, là, il faut que je le... il faut que je le nomme, moi, j'ai un problème avec ça. Il y a quelque chose là-dedans qui sonne aussi : On a une banque de 5 000 personnes, si ce n'est pour vous, ce sera quelqu'un d'autre. Ça, ça me dérange, comme façon de voir les choses. Mais c'est surtout que ça semble remettre la qualité et la profondeur de la valeur de votre engagement. Et vous pourrez répondre là-dessus si le cœur vous en dit, mais on n'est pas dans l'armée ici, là. On ne forme pas des pilotes de l'air qui doivent piloter les F-18 pendant un certain nombre d'années avant d'aller vendre leurs services à Air Canada, là. On n'est pas du tout dans le même concept, là, pas du tout. Donc, si vous voulez répondre sur la valeur de votre engagement, moi, je suis intéressé de vous entendre.

Puis je vais faire un deux pour un. Je ne suis pas dans vos facultés, puis j'ai la chance d'en avoir quatre, ici, représentées : Qu'est-ce qu'on dit sur ce projet de loi là et sur l'avenir, là, justement, du réseau public dans vos facultés?

Mme Hétu (Élodie) : Bien, moi, je peux commencer puis répondre à la première moitié, là, de votre question. J'ai peut-être des collègues qui voudront compléter par la suite. Mais, au niveau de la valeur de notre implication, je ne pense pas qu'un étudiant, qu'il choisisse d'appliquer dans un programme de résidence par exemple pancanadien parce que les places au Québec sont limitées, est quelqu'un qui manque de valeur ou qui ne veut pas redonner à la société. Ça fait que je pense que d'essayer de trop encadrer puis de vouloir restreindre les opportunités des étudiants puis de vouloir faire en sorte qu'on reste obligatoirement au Québec parce qu'on...

Mme Hétu (Élodie) : ...on a suivi des études ici. Ce n'est pas parce que la personne n'a pas de valeur qu'elle va décider d'aller en Ontario, par exemple. Tantôt, votre collègue le mentionnait, là, le problème, en Outaouais... Je ne pense pas que les médecins de l'Outaouais aient des valeurs bien, bien différentes de leurs collègues d'Ottawa. Par contre, à Ottawa, peut-être qu'il y a des conditions de travail qui sont différentes puis des conditions de travail qui vont leur permettre d'exercer leur profession en pleine capacité puis au meilleur, en fait, là, pour leurs patients, éventuellement.

M. Desrochers (Jean-Simon) : Puis, pour répondre à l'autre question, de qu'est-ce qu'on dit sur ce projet de loi là? Les étudiants sont inquiets, on vous l'a mentionné à plusieurs reprises, notamment au niveau des articles 5 et 6, qui sont des cartes blanches, littéralement. On ne sait pas si ça va inclure des modalités de limitation géographique. Est-ce que, dans les contrats, il va être imposé d'aller pratiquer dans une région précise? On ne sait pas qu'est-ce qui arrive, si on lâche les études, est-ce qu'on va être poursuivi pour ça? On ne sait pas non plus C'est des amendes? Est-ce que c'est une poursuite au pénal? On ne sait pas. Ça va être décidé par le gouvernement, puis ça, c'est inquiétant pour les étudiants puis surtout un peu insultant, parce que la plupart, la grande majorité, on l'a dit, veulent pratiquer au public. On ne comprend juste pas l'intérêt de ce projet de loi là, parce qu'on veut déjà aller au public.

M. Mendelson (Daniel) : ...autre chose qui nous inquiète, comme étudiants, c'est est-ce que ça va m'affecter, moi. Quand je suis rentré dans ma formation en médecine, on ne parlait pas de ces exigences-là, et donc je n'aurais pas pu faire un choix éclairé, voilà, pour les accepter. Peut-être, au début de résidence, si on nous demande de signer, peut-être que, là c'est un choix qu'on puisse faire, comme individu, mais nos quatrièmes années, comme nous l'avons partagé dans notre exposé, dans neuf jours, ils auront à décider où ils veulent aller ou partager avec le système... leur classement de préférences. Pour eux... certains ont fait les demandes au Québec ainsi que hors Québec. Est-ce que ça va leur affecter... ça affecte leur choix de classement déjà, là. Donc, c'est important de clarifier tout ça et c'est inquiétant pour eux.

M. Marissal : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin :Est-ce que, puis là je vous pose la question, puis vous allez voir que ma question est un petit peu orientée... pardon, mais est-ce que, quand vous dites que vous êtes favorable à l'objectif du projet de loi... Moi, je vois le titre, qui est de «favoriser», puis le sens des mots... favoriser, est-ce que c'est d'imposer, est-ce que c'est d'obliger? Moi, tu sais, j'ai ce malaise-là. Évidemment, je vous pose un peu la question, puis c'est orienté, mais est-ce que vous voyez des moyens où on peut favoriser, vous pouvez contribuer? Est-ce que, par exemple, un engagement sur l'honneur, sans nécessairement de pénalité, là, de centaines de milliers de dollars par semaine... est-ce que ça pourrait être une avenue? Est-ce qu'on pourrait s'engager, par exemple, à faire un certain nombre d'heures à chaque semaine au public, puis, après ça, bien, si on veut faire d'autres choses en plus, puis tout ça, on pourrait accumuler, par exemple, des heures, puis, tu sais... Il y a toutes sortes d'avenues, j'essaie de suggérer au ministre et à son équipe des avenues comme ça. Je vous laisse un peu le...

Mme Chabot (Zoë) : Je crois que ce sont toutes des bonnes questions à se poser. Et, justement, d'où la raison qu'on voudrait une table de concertation, pour comprendre pourquoi les personnes qui vont au privé décident de le faire. Et sans comprendre leur but d'aller au privé, leurs raisons... Est-ce que c'est parce qu'il manque d'infrastructures? Est-ce que c'est parce que c'est une question monétaire? On n'a aucune idée, on n'a pas les données réelles. Donc, c'est vraiment avec les données et en parlant avec tous les acteurs importants autour de cette discussion qu'on va pouvoir réellement comprendre qu'est-ce qu'il faut faire.

M. Chassin :...sur la bureaucratie, et tout ça, mais il y a des gens... Dr Bergeron, qui est là, a fait le privé, a fait le public, il l'a vu, tu sais. Il y a des expériences comme ça dont on pourrait servir aussi, je pense, mais donc la table de concertation qui a été recommandée, vous, vous l'appuyez puis vous souhaitez qu'elle se tienne, dans le fond?

Mme Chabot (Zoë) : Oui, on l'appuie à 100 %, et la FMEQ nous représente, on est des membres votants et on demande à la FMEQ, justement, de nous représenter.

M. Chassin :Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, je tiens à vous remercier puis je vais me permettre de vous dire, étant donné que c'est la Semaine de la persévérance scolaire, n'oubliez pas de persévérer, et nous aurons probablement le loisir, dans quelques années, d'assister à votre diplomation. Et je vais vous... on va vous souhaiter un beau parcours académique au niveau de votre formation médicale. Merci beaucoup de votre présence.

(Suspension de la séance à 16 h 46)

(Reprise à 16 h 51)

Le Président (M. Provençal) :Nous poursuivons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux Médecins québécois pour le régime public. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre présentation et je vous invite à débuter immédiatement.

M. Gagnon (Justin) : Bonjour. Je m'appelle Justin Gagnon. Je suis étudiant en médecine à l'Université Laval, prochainement médecin résident. Je suis également conseiller étudiant au sein du MQRP.

M. Gauvreau (Xavier) : Bonjour. Moi, c'est Dr Xavier Gauvreau. Je suis médecin résident en psychiatrie à l'Université Laval et je suis le vice-président de Médecins québécois pour le régime public.

Mme Leblanc (Isabelle) : Et je suis Dre Isabelle Leblanc. Je suis médecin de famille au GMF-U St. Mary's à Montréal et je suis la présidente de Médecins québécois pour le régime public.

D'abord, merci de nous avoir invités à présenter à ces auditions. Nous allons vous présenter notre analyse du projet de loi.

Nous sommes un groupe de médecins, médecins résidents, étudiants en médecine et alliés qui défendent un système de santé public, gratuit, universel. Nous croyons que la population a droit à des soins de santé universels et accessibles et nous proposons des solutions publiques, concrètes, équitables pour l'accès à tous les soins et services médicalement nécessaires. Ça fait longtemps qu'on tente...

Mme Leblanc (Isabelle) : ...croissant des médecins non participants à la RAMQ depuis des années, nous sommes heureux de voir enfin l'enjeu reconnu. Comme d'autres organisations avant nous, nous saluons donc la volonté du ministre de s'attaquer enfin à l'expansion du privé en santé. Après des messages ambivalents à ce sujet, nous reconnaissons le courage politique de traiter de l'explosion du nombre de médecins non participants au Québec. Cependant, les mesures du projet de loi n° 83 ne constituent pas, selon nous, la meilleure voie à suivre. Se focaliser uniquement sur elles au lieu d'une approche globale pour renforcer le système de santé risque de retarder les réformes essentielles.

Depuis des décennies, la médecine privée au Québec prend de l'ampleur, souvent au détriment des patients et au profit d'entreprises lucratives. MQRP milite depuis près de 15 ans pour une interdiction législative du privé en santé afin de garantir un accès équitable aux soins et d'utiliser efficacement les ressources publiques. Nous saluons la décision d'enfin agir à ce sujet, surtout que le nombre des médecins pratiquant au privé aurait bondi de près de 150 % en 10 ans, particulièrement chez les nouveaux diplômés. La croissance accélérée des passages des médecins au privé est selon nous une... une urgence à laquelle il faut répondre par des moyens forts. Mais il faut aussi être conséquents et présenter d'un côté le projet de loi n° 8, tout en augmentant le nombre de chirurgies pouvant être faites au privé dans les CMS, tout en ayant promis l'ouverture de minihôpitaux privés, tout en introduisant la mixité de pratiques privées et publiques en télémédecine et tout en mettant à la tête de Santé Québec, une top gun du privé et peu-être de la privatisation, envoient un message très contradictoire.

On comprend que l'intention du projet de loi n° 83, qui impose 5 ans de pratique dans le réseau public aux jeunes médecins est d'essayer de freiner l'exode vers le privé. Pourtant, bien que cette mesure puisse avoir des effets positifs, elle restera isolée, insuffisante et pourrait entraîner des effets négatifs. Dans le meilleur des mondes, elle pourrait freiner le recrutement agressif des cliniques privées auprès des nouveaux facturant et pourrait réaffirmer le contrat social liant les professionnels de la santé à la population. Toutefois, son impact serait limité. Une rétention durable exige bien plus qu'une contrainte temporaire et le contrat social n'a pas une validité de cinq ans.

De plus, le projet de loi n° 83 envoie un message ambigu, laissant croire que la médecine privée peut coexister avec le public, tant que son expansion est contrôlée. Or, cela légitimerait une privatisation progressive qui continuerait d'affaiblir le réseau public et accroîtrait les inégalités d'accès aux soins. Pire encore, cette mesure pourrait inciter certains médecins à contourner la loi ou à accélérer leur passage au privé avant son entrée en vigueur. Les cliniques privées vont évidemment vouloir continuer leur expansion et vont ainsi ajuster leur stratégie de recrutement en ciblant des médecins plus expérimentés après leurs cinq ans d'obligations. C'est pourquoi nous recommandons une approche plus globale et plus forte en utilisant des leviers déjà existants plutôt qu'en créant une nouvelle loi. Mon collègue docteur Xavier Gauvreau vous exposera nos propositions concrètes.

M. Gauvreau (Xavier) : Donc, je sais que c'est une formule que vous avez déjà entendue lors de cette commission, à maintes reprises, mais, en médecine, on n'apprend pas seulement à soulager les symptômes des patients, on apprend à identifier, à traiter les maladies sous-jacentes. Notre ministre de la Santé, via le projet de loi n° 83... 83, met le doigt sur un symptôme important, le symptôme de l'exode des médecins. Nous l'exhortons à pousser son analyse un peu plus loin et à dresser non seulement le symptôme, mais à traiter la cause sous-jacente, soit la privatisation grandissante qui gangrène notre système de santé.

À cet égard, MQRP propose des recommandations qui viennent régler le problème à la source. Notre première recommandation et recommandation phare, nous estimons qu'une interdiction législative formelle du privé en santé serait la meilleure façon de ramener et de retenir les effectifs médicaux dans régime public. Nous comprenons qu'il faudrait une bonne dose de courage politique pour légiférer en ce sens et qu'une interdiction très stricte pourrait faire l'objet de contestations juridiques, comme les cas Chaoulli et... Cambi l'ont illustré dans un récent passé.

Dans un deuxième ordre, même si le gouvernement n'est pas prêt à légiférer pour une interdiction formelle, MQRP croit qu'il devrait entretemps recourir à d'autres leviers législatifs déjà existants pour mieux encadrer cette pratique médicale. L'interdiction de pratique au privé ne devrait pas seulement concerner les cinq premières années de pratique. Concrètement, dans un premier temps, devant l'urgence de la situation, nous croyons qu'il est légitime pour le gouvernement d'invoquer immédiatement l'article 30.1 de la Loi sur l'assurance maladie, qui est déjà en vigueur, pour ramener les médecins au public. En effet, et je cite : «Lorsque le ministre estime que la qualité ou la suffisance des services médicaux offerts dans l'ensemble du Québec ou dans une de ses régions serait affectée par une augmentation du nombre de professionnels non participants, il peut, par arrêté, suspendre la possibilité de devenir des professionnels non participants.» Fin de la citation.

Une fois ces médecins non participants rapatriés au sein du réseau public par l'article 30.1, nous suggérons, dans un deuxième temps, de rapidement adopter les mesures suivantes...

M. Gauvreau (Xavier) : ...1.Le statut de médecin non participant à la RAMQ devrait être aboli, et ce, indépendamment du nombre d'années de pratique;

2. La mixité de pratiques permises par la télémédecine introduite par ce gouvernement par décret en décembre 2022 devrait être interdite;

3. La pratique de désaffiliation réaffiliation répétée qui permet en pratique est une... indirectement une pratique mixte devrait également être interdite.

Alors que ces mesures précédemment mentionnées portent directement sur la pratique des médecins, nous rappelons que les médecins dépendent directement des ressources du réseau pour y pratiquer.

Pour notre troisième recommandation, MQRP est d'avis que, si l'objectif est de garder les médecins au public, il est impératif que le réseau public soit financé et utilisé à pleine capacité avant de considérer des alternatives. Pensons ici aux centres médicaux spécialisés qui reçoivent de plus en plus de financement du gouvernement alors que nos blocs opératoires sont incapables d'atteindre leur cible d'utilisation année après année. Le gouvernement finance activement l'exode de personnel vers les centres médicaux privés, offrant ainsi aux médecins chirurgiens une pratique privée sur un plateau d'argent. Mon collègue, Justin Gagnon, vous présentera d'autres recommandations visant à rendre l'exercice au public plus attrayant.

M. Gagnon (Justin) : La quatrième recommandation du MQRP est de favoriser l'exercice de la médecine au sein du réseau public. Afin de favoriser l'exercice au sein du réseau public de santé et services sociaux, les règles exercices au public, tels que les PREM, les PEM et les AMP devraient être mises à jour et le financement d'initiatives privées qui lui font concurrence devrait être interdit. Dans le contexte de pénurie de main-d'œuvre actuelle, nous ne pouvons nous permettre de financer des entreprises privées qui accaparent des professionnels de la santé dont nous ne pouvons nous passer. Le recrutement de nos professionnels de la santé par des entreprises à but lucratif alourdit les horaires et les tâches de ceux qui décident de continuer d'œuvrer dans le système public. Les entreprises privées, en offrant une alternative aux emplois au sein du système public, répondent à un besoin qu'elles créent elles-mêmes. Ainsi, rendre la pratique au public plus attrayante signifie également de s'attaquer à la pénurie de personnel via l'abolition d'un système parallèle qui réduit notre main-d'œuvre et qui a pour intérêt le profit.

De plus, alors que la privatisation de notre système de santé n'a cessé de croître dans les dernières années, renverser la tendance exigerait de la part du gouvernement une législation ambitieuse et moins simpliste que le projet de loi n° 83. Les approches toujours plus centralisatrices et austères des dirigeants en santé négligent les réels besoins des soignants. À titre d'exemple, à Maria, dans la Baie-des-Chaleurs, alors que les régions éloignées ont d'importantes difficultés à recruter du personnel, les coupures récentes en santé retardent le projet de modernisation de l'Hôpital de Maria, qui n'est plus en mesure d'offrir des infrastructures décentes à son personnel.

Notre cinquième recommandation est de renforcer le contrat social. MQRP rappelle que le contrat social qui unit les médecins à la population est bidirectionnel et n'est pas à durée limitée. Les différents acteurs du système de santé ont droit à des conditions de pratique adéquates et avec raison. Le gouvernement doit s'attendre d'eux qu'ils servent la population de façon équitable et au meilleur de leur expertise. Toutefois, le projet de loi n° 83 réduit ce contrat social à une transaction économique de laquelle on peut se débarrasser une fois avoir remboursé ce que nous devons à l'État qui équivaudrait à cinq ans de pratique.

• (17 heures) •

Il faut également rappeler qu'interdire le passage au privé durant les cinq premières années de pratique, c'est aussi de le permettre durant toutes les années subséquentes d'une carrière médicale.

En conclusion, les études ont prouvé à maintes reprises que les systèmes de santé privés sont associés à un plus grand nombre de complications médicales et pourtant sont plus coûteux. Une législation qui abolirait de façon durable l'existence de ce système qui fait moins avec plus est à la portée du gouvernement. MQRP considère que la situation est urgente et qu'il faut bien plus qu'une mesure pansement pour régler la situation et nous donner enfin le système auquel les citoyens ont droit.

Dans l'immédiat, nous nous enjoignons à utiliser l'article 30.1 pour stopper l'exode des médecins puis de rapidement légiférer pour abolir le statut de non participant, pour interdire la mixité de pratiques et pour sevrer le réseau des initiatives privées comme les CMS, en rehaussant les conditions de travail et de pratique dans le système public. MQRP continuera de défendre les intérêts de la population et de militer pour un système de santé juste et universel d'ici à ce qu'on obtienne un projet de loi à la hauteur de la problématique et de la privatisation des soins.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, M. le ministre, êtes-vous prêts?

M. Dubé : Très bien. Alors, premièrement, je vous remercie pour votre présentation, parce que... Mme Leblanc, je me souviens que vous aviez intervenu assez justement, justement, dans le cas de p.l. no 15, si je me souviens bien, et j'apprécie beaucoup vos propos aujourd'hui avec vos deux collègues, je voulais vous le dire, là. J'ai toujours dit et je le redis pour que les gens qui nous écoutent... Moi, je suis en mode écoute en ce moment, je suis très heureux du débat qui est lancé sur la place du privé ou du public dans le réseau de la santé, là, dépendamment du point de vue où on se place. Ça fait que je suis très content d'entendre vos commentaires.

Sur les gens qui se posaient la question : Est-ce que le projet de loi n° 83 va assez loin? Vous êtes très clair, il ne va pas assez loin. C'est ce que vous nous dites clairement. Je veux...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Dubé : ...il y a deux choses tout à l'heure qui m'ont... que je questionne, puis ce n'est pas négatif, je veux juste vous faire préciser deux éléments. Vous avez parlé de télémédecine, puis je veux juste que les gens comprennent, parce qu'il y a beaucoup de terminologie que je veux que vous... Je pense que j'ai compris votre point. Là, vous faites référence à des entreprises privées qui offrent des services de consultation, soit par... Puis là je ne veux pas nommer de noms, il faut faire attention, là, mais c'est de ça dont vous parlez, hein, d'interdire des médecins d'aller au privé pour faire ces consultations-là, c'est de ça dont vous parlez, là?

Mme Leblanc (Isabelle) : Je peux répondre maintenant...

M. Dubé : Bien, certainement.

Mme Leblanc (Isabelle) : ...si ça convient? Donc, c'était... En fait, avant 2022, un médecin devait absolument travailler soit au privé soit au public. On ne pouvait pas avoir la mixité de pratique pour les soins médicalement nécessaires. En décembre 2022, il est passé un décret qui disait que, si le médecin travaille pour une entreprise de télémédecine, donc de médecine à distance, qui est payée par des compagnies d'assurance...

M. Dubé : C'est de ça dont vous parlez.

Mme Leblanc (Isabelle) : ...c'est ça, que, dans ce cas-là... Mais on voit, donc, que beaucoup de médecins vont faire un peu moins de temps au public et faire de la télémédecine dans leurs sous-sols pour des compagnies d'assurance le soir, par exemple. Donc, ça inclut la mixité de pratique.

M. Dubé : C'est pour ça que je voulais préciser. Mais vous n'êtes pas contre la télémédecine, là, c'est...

Mme Leblanc (Isabelle) : Non, non, non. Du tout. Du tout.

M. Dubé : O.K. Non, je voulais juste avoir cette...

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est la mixité de pratique en télémédecine qui nous... bien, la mixité de pratique point qui nous dérange.

M. Dubé : O.K. Ma deuxième... Non, mais c'est très bien, parce que souvent, quand on parle de télémédecine... On a quand même eu beaucoup d'avantages avec la télémédecine. Je voulais juste recadrer pour être certain que j'avais bien compris. Le deuxième point qui... que je veux vérifier avec vous, c'est qu'il y a quand même, dans votre... En tout cas, vous avez plusieurs recommandations, c'est très clair, là, puis... En tout cas, merci pour le mémoire. Mais l'obligation de pratique au public, telle qu'on la voit dans d'autres provinces, puis on fait souvent la comparaison avec l'Ontario, là, en ce moment, comment vous faites la différence... puis là je parle à... excusez-moi, là, je ne veux pas faire d'âgisme, à deux jeunes médecins, vous me semblez... en tout cas, sûrement assez jeunes, comment vous... Je suis... Je suis curieux de vous entendre que vous n'avez pas peur de mettre sur la table que vous êtes d'accord à un engagement d'avoir l'obligation de pratique au public à vie par opposition au cinq ans. Alors, je veux juste vous entendre, parce qu'on a entendu tout à l'heure l'impact de dire : C'est dangereux de le faire pour cinq ans, alors que, pour vous, en tout cas pour votre association, pour la... vous n'avez aucun problème à dire que, si on faisait la même chose qu'en Ontario ou... vous n'avez pas de problème. Vous comprenez ma question?

M. Gagnon (Justin) : ...en fait, si je peux me permettre, c'est qu'en ce moment le projet de loi n'abolit pas le système de santé privé, vous permettez toujours à ce système-là d'exister, mais vous interdisez les médecins d'y pratiquer. Donc, c'est à ce moment-là que, bon, certaines fédérations ont parlé de coercition. Mais, pour nous, vraiment, permettre à un système parallèle d'exister, qui empire les conditions de travail du système public actuel, c'est un peu un cercle vicieux étant donné que les travailleurs de la santé qui travaillent présentement dans le système de santé public vont aller vers le système privé à cause que l'existence même de ce système de santé privé là empire les conditions au public. Donc, à ce moment-là, s'il y avait un employeur universel, les conditions seraient meilleures au sein du système public.

M. Dubé : ...je veux juste comprendre votre point, là, parce que... En tout cas, j'essaie de simplifier parce qu'il y a beaucoup de terminologie là-dedans, là, mais, si on allait jusqu'à ce que vous demandez puis qu'on enlève la possibilité d'avoir ce qu'on appelle les non-facturants, c'est-à-dire ceux qui vont au privé, j'essaie de voir comment on peut avoir... Là, vous parlez de ceux qui sont déjà au privé en ce moment? Parce qu'il y a deux enjeux, c'est ceux qui vont graduer puis ceux qui le sont déjà, au privé. Ça fait que c'est ça que je veux bien comprendre de votre point de vue, là.

M. Gauvreau (Xavier) : Oui. Bien, si on parle de l'Ontario, premièrement, si on abolit le statut de non-participant, en fait, on deviendrait similaires à eux, parce qu'en Ontario ce statut-là n'existe pas. Donc, à cet égard-là, nous, on serait favorables à cette abolition-là.

M. Dubé : Donc, c'est ça que je veux comprendre. Vous êtes... Vous êtes favorables à une position comme celle de l'Ontario...

M. Gauvreau (Xavier) : Exactement.

M. Dubé : ...qui interdit la pratique au privé, je vais le dire comme ça. Mais ma deuxième question... Puis, à chaque fois qu'il y a des groupes... qu'on soit pour ou contre, là, aujourd'hui... en mode écoute, c'est la transition. Qu'est-ce qu'on fait avec ceux qui sont déjà au privé? On en compte à peu près 800. C'est... Je voulais juste être certain que je comprenais bien votre point de vue là-dessus, là, pour être capable d'avoir une transition ordonnée si... Je veux vous entendre.

M. Gauvreau (Xavier) : Mais, justement, c'est une des raisons pourquoi nous, on a choisi la mesure de l'article 30.1 qui offre au ministre, là, ce pouvoir discrétionnaire là de reprendre ces médecins qui sont non participants là.

M. Dubé : Je ne suis pas sûr... Je veux juste qu'on se comprenne bien, parce que...

M. Dubé : En tout cas, on pourra le débattre, là. On pourra être, peut-être, technique aujourd'hui, là, mais... Ppuis mon idée, ce n'est pas de vous contredire ou... Mais 30.1 peut permettre d'arrêter la pratique, mais je ne suis pas sûr qu'il permet le retour. Mais peut-être qu'on a une interprétation différente qu'on pourra, lorsqu'on y va à l'article par article, en discuter.

M. Gauvreau (Xavier) : Parce que ce sont des médecins qui sont présentement pratique au privé. C'est ça? Exact.

M. Dubé : Voilà, voilà. Parce que je ne suis pas sûr que 30.1 permet de récupérer ces médecins-là, là.

M. Gauvreau (Xavier) : Je comprends. Je m'excuse. Dans le fond, nous, ce qu'on proposerait, c'est qu'ils deviennent désengagés, ces médecins, et donc que les frais ne puissent pas être facturés.

M. Dubé : O.K. Ce qui est la troisième catégorie, là.

M. Gauvreau (Xavier) : Exactement.

M. Dubé : Je comprends qu'il y a beaucoup de mécanique dans ça, là, mais... C'est parce qu'au Québec on n'a pas juste deux catégories, on en a trois. Des désengagés, il y en a très peu. Je ne suis pas sûr qu'il y en ait deux ou trois, mais ce que...

Une voix : ...

M. Dubé : Deux? Il y en a deux. Et ça, c'est des gens qui disent : Moi, je pratique au privé, mais je... Je vais récupérer de l'argent de la RAMQ, je vais te dire ça comme ça, à la même base. Mais ce que je veux dire, c'est que, vous, vous suggérez que les gens qui seraient au privé en ce moment passent au statut de désengagé. C'est ça?

Mme Leblanc (Isabelle) : Ça serait une de nos propositions, effectivement, en leur disant : On arrête tout pour que ces gens-là...

M. Dubé : O.K. Non, non...

Mme Leblanc (Isabelle) : Parce que c'est sûr que si ces gens-là deviennent désengagés, donc ne peuvent pas facturer aux patients plus que ce que la RAMQ les paierait pour voir ces patients-là, le modèle d'affaires diminuerait puis il n'y aurait plus vraiment de profits à faire. Donc ça permettrait de ramener ces gens-là vers le privé, mais... vers le public, mais il ne faut pas oublier qu'en même temps il faut que les conditions de travail au public s'améliorent parce que sinon ça ne marchera pas.

M. Dubé : Oui, mais ça... Mais ça, je pense... En tout cas.

Mme Leblanc (Isabelle) : Ça, je pense que vous y travaillez ou vous essayez.

M. Dubé : Là, je vends... Je vends ma propre... Je vends ma propre salade. Je veux dire, on travaille là-dessus.

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est ça.

M. Dubé : Je pense qu'il y en a qui l'ont dit. En tout cas, on l'apprécie, là, que c'est reconnu qu'il y a du travail qui se fait de ce côté-là. Mais je voulais juste préciser ces deux choses-là, parce que c'est quand même gros, ce que vous me demandez, là. Puis c'est...

Mme Leblanc (Isabelle) : On en est conscients, mais on pense vraiment que c'est urgent. Il faut faire quelque chose maintenant. Parce que même si le projet 83 passait, ça va prendre un moment. Puis on le voit. Moi, je suis médecin de famille, j'enseigne à des nouveaux résidents en médecine de famille, puis il y en a beaucoup qui se disent : Bien, cette loi-là, elle fait peur. On va passer au privé maintenant. On va voir, là, si ça va continuer à...

M. Dubé : Mais c'est là que... C'est là, peut-être... Puis je suis content d'avoir le débat de société, là. Puis je ne veux pas qu'on prenne position, ou... En tout cas, moi, je ne suis pas prêt à le faire tout de suite, là. C'est pour ça qu'on voulait avoir cette écoute-là. Mais où j'ai un enjeu, puis je veux le comprendre d'un point de vue... Là, vous n'êtes plus étudiants, rendus où vous êtes rendus là, là. Bien, c'est pas mal proche.

Mme Leblanc (Isabelle) : Un étudiant en quelque part.

M. Dubé : Vous, vous l'êtes encore. O.K. Excusez-moi. Mais c'est là que j'ai de la misère à comprendre pourquoi il y a une position peut-être très différente entre ceux qui disent : Moi, je ne veux pas prendre d'engagement. Puis vous, vous dites : Moi, je n'ai aucun problème avec ça, là. Et c'est là que j'essaie de... C'est-tu une question philosophique?

• (17 h 10) •

M. Gagnon (Justin) : Moi, je pense que la majorité des étudiants en médecine souhaitent vraiment travailler au sein du réseau public, peut-être que ça a déjà été mentionné. Par contre, le fait de permettre à ce système parallèle là d'exister puis de...

M. Dubé : C'est ça votre enjeu.

M. Gagnon (Justin) : ...qu'on n'y ait pas accès... Oui, c'est ça. C'est... En fait, si on l'abolissait complètement, à ce moment-là, je ne pense pas qu'on aurait l'impression de perdre une opportunité. Alors qu'en ce moment vous restreignez une certaine partie de la population, mais vous permettez quand même à d'autres médecins d'y avoir accès. Donc, on voit une certaine forme d'iniquité.

M. Dubé : Là, je comprends mieux. Je comprends mieux votre point. Vous dites : Si on ne fait pas, je dirais, une grande opération sur le privé ou on ne clarifie pas la position, bien là, c'est là qu'il y a... Il y a une dichotomie. C'est un peu ça que... Mais ça reste que vous êtes très à l'aise d'avoir un engagement de... Parce que les conditions seraient très claires.

M. Gagnon (Justin) : Absolument.

M. Dubé : ...si on allait au public.

M. Gagnon (Justin) : La très grande majorité des étudiants en médecine sont à l'aise de s'engager pour le réseau public. Par contre, il faut qu'on ait des conditions à la hauteur de ce qu'on ferait pour...

M. Dubé : Oui, mais ça, comme je dis, on y travaille tous les jours. O.K. Très bien. Mais je voulais avoir ces clarifications-là. C'est parfait pour moi. Catherine, est-ce qu'il y a d'autres questions de mes collègues?

Le Président (M. Provençal) : Mme la députée de Bonaventure, allez-y.

Mme Blouin : Bien, en fait. Oui, M. le Président. Merci. Bonjour à vous. Merci d'être là. Je pense que votre position est assez claire. Votre titre aussi, Médecins québécois pour le régime public. Je pense qu'il n'y a pas de nuance possible, là. C'est... Donc ça, ça va. J'aimerais juste que vous nous expliquiez un peu de quelle manière, avec le contexte actuel, comment est-ce qu'on peut passer un réseau qui est 100 % public. Je sais qu'on en a discuté et tout ça, mais en matière de transition, quel échéancier ça peut avoir l'air? De quelle manière? Parce que, là, je pense qu'on devrait se passer des GMF aussi, entre autres, selon votre position. Est-ce que je comprends bien? Pas nécessairement?

Mme Leblanc (Isabelle) : Ça, ce serait pour une autre commission. On pourrait parler plus en détail des...

Mme Blouin : Non, mais...

Mme Leblanc (Isabelle) : ...de la commercialisation, mais là on parle vraiment des médecins non participants. Nous, ce qu'on suggère aujourd'hui, c'est que demain matin, le plus tôt qu'on peut 30.1 passe. Il n'y a plus personne qui devient non participant pour un an, deux ans. On met ça sur pause. On a mis...

Mme Leblanc (Isabelle) : ...pause dans le passé. On fait ça, puis après, on améliore les conditions de travail. Parce que c'est sûr que le chirurgien qui va faire du CMS puis qui fait du... qui va d'un système à l'autre, c'est, entre autres, parce qu'il n'a pas toujours son temps de salle d'op, puis ça, il faut régler ça de façon encore plus urgente, là, il faut que tous les médecins qui veulent travailler dans le système public puissent le faire. En termes d'échéancier, il doit y avoir des experts qui peuvent regarder dans combien de temps c'est vraiment faisable, mais, pour nous, c'est le plus rapidement possible.

Mme Blouin : Et vous pensez qu'avec le contexte actuel on pourrait se passer du privé puis on pourrait faire la transition?

Mme Leblanc (Isabelle) : Assurément.

M. Gauvreau (Xavier) : Bien, écoutez, on a développé notre dépendance au privé, dans les 10, 15, 20 dernières années, de façon progressive. C'est dans les mains du gouvernement de se sevrer de ce système-là, qui a attiré les ressources, les professionnels vers le réseau parallèle. C'est dans les mains du gouvernement de rapatrier ces ressources-là et de s'assurer... Justement, on a donné l'exemple des blocs opératoires, qu'ils roulent à pleine capacité puis ça, c'est vraiment l'échéancier du gouvernement qui va prévaloir.

Mme Blouin : Puis on entendait les étudiants en médecine tout à l'heure, puis la semaine dernière aussi, qui trouvent que c'est trop contraignant de passer... d'être obligés de passer cinq ans au public, alors que là, on leur dirait : Vous passez au public, point à la ligne. J'ai l'impression qu'on pourrait rencontrer un peu de résistance.

M. Gagnon (Justin) : Bien, je pense que la position des étudiants a peut-être été mal comprise, parce que je ne pense pas que la plupart d'entre eux s'opposaient à travailler cinq ans au public, parce que, tel que je l'ai mentionné, c'est l'intention de la très grande majorité des étudiants. Je pense que leur position... puis là je ne veux pas parler pour eux, mais c'est vraiment plus l'injustice, là, puis le traitement différentiel des nouveaux médecins par rapport aux anciens médecins, puis de permettre encore à ce système-là d'exister, mais que nous, on n'y ait pas accès. Mais je pense que, comme que j'ai mentionné, la très grande majorité de nous souhaitons travailler pour le système public. On veut juste que ce soit égalitaire pour tout le monde.

M. Gauvreau (Xavier) : Si je peux rajouter sur ce point, en tant que médecin résident, je vois beaucoup de mes collègues aussi qui sont dans le processus d'obtenir un poste, un poste d'exercice de pratique, là, les fameux PEM et PREM, à la fin de leur résidence, puis c'est là qu'il y a le... qu'il y a un hic, c'est là que ça accroche. Les gens veulent travailler au public, les gens veulent des postes, les gens veulent soigner des patients, mais, malheureusement, avec le système actuel, ils ne sont pas capables de les obtenir, et c'est ce qui les pousse à aller vers cette option alternative là. Puis c'est, entre autres, ça, là, quand on les oblige à aller au public, mais c'est qu'ils se voient obligés d'aller dans ce système-là qui est contraignant actuellement. Mais avec certaines modifications, on croit que ça peut être changé. Oui?

M. Dubé : Il me reste-tu un petit peu de temps? Oui? Je veux juste profiter de cette question-là, parce que le Dr Bergeron me souffle à l'oreille que je devrais en profiter, pour rassurer tous vos collègues, là, qui sont en attente des décisions, entre autres, sur les PREM. Je l'ai mentionné un peu plus tôt, je pense que c'est la semaine dernière, suite aux demandes... Puis, entre autres, là, on a eu une excellente collaboration, entre autres, des DRMG, hein, des directeurs régionaux de médical, pour assouplir, de façon importante, la question des PREM, et, je dirais, de façon très importante. Je ne peux pas en parler aujourd'hui parce qu'on a présenté aux différents groupes incluant la FMSQ... la FMOQ, pardon, notre proposition, qui va être dévoilée publiquement dans les prochains jours.

Parce que l'engagement que j'avais pris, c'était qu'en début d'année 2025 on arriverait avec une nouvelle proposition, qui va vraiment changer la façon de regarder les PREM. Ça fait que je veux juste le dire, parce que je voulais être capable de faire cette décision-là pour que les étudiants aient le temps de réfléchir et de rendre ça moins... j'allais dire presque, coercitif, là, en tout cas, beaucoup plus simple. Alors, je veux juste le mentionner. Je ne peux pas en parler plus que ça, mais le travail a été fait par cette équipe-là, il y a une recommandation qui m'est faite, puis elle va être déposée publiquement.

Mme Leblanc (Isabelle) : Mais, là-dessus, je pense que... probablement que si ça, ça avait été fait d'abord, puis que les autres mesures, comme le p.l. n° 83, auraient été annoncées après... Parce que c'est un peu où le bât blesse en ce moment, c'est que voici un projet de loi qui va faire certaines choses pour favoriser la pratique au public, mais...

M. Dubé : Mais, comme vous le savez, des fois, ça n'avance pas toujours à la vitesse qu'on veut. Mais...

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, mais en termes de... Tout à fait, mais, des fois, régler les conditions de travail avant de changer les choses, c'est quelque chose qui pourrait aider là-dessus.

M. Dubé : Mais juste... Non, non, mais je veux juste le dire, pour que les gens comprennent, là, puis surtout les nouveaux médecins ou ceux qui auront à prendre des décisions. C'est que, des fois, il faut négocier aussi. Alors là, on est en période... ça va faire... on peut s'être entendus sur ce qu'on veut, mais la FMOQ doit donner un peu son approbation à ça. C'est toujours un petit peu plus long, alors on fait plusieurs projets en parallèle pour améliorer le réseau. Ça, ça en est...

M. Dubé : ...en parallèle. O.K.

M. Gagnon (Justin) : ...dans la bonne direction, là, de revoir les AMP, et tout ça. Puis je pense qu'il y a... à cause que c'est la motivation de plusieurs jeunes étudiants d'aller au privé.

M. Dubé : Tout à fait.

M. Gagnon (Justin) : Par contre, je suis curieux à savoir qu'est-ce qui fait en sorte que vous permettez toujours le statut de non participant puis pourquoi pas l'abolir directement de façon permanente au lieu de seulement cibler...

M. Dubé : Bien, je ne répondrai pas à ça aujourd'hui. Moi, je vous ai écouté aujourd'hui, là. Il y a des décisions qu'on va prendre qui vont avoir beaucoup d'impact dans les prochaines années. On a dit qu'on se servait de ce projet de loi pour en discuter, vous écoutez. Je pense qu'on a montré beaucoup d'écoute. Merci de... Parce que là, je vais devoir quitter. Mais merci beaucoup pour vos réflexions, je les trouve très instructives.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, M. le ministre.

M. Dubé : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : Alors, M. le député de Pontiac.

M. Fortin :Merci. Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Merci. Merci d'être là et nous faire part de votre perspective. D'abord... d'abord, avant d'aller dans un contexte plus général, là, sur le projet de loi n° 83, Dre Leblanc, je vous ai entendu dire qu'il y a des étudiants ou des jeunes médecins, là, qui font le souhait ou qui veulent faire le switch tout de suite parce qu'ils ont une appréhension du projet de loi n° 83. Pouvez-vous peut-être nous expliquer le raisonnement, là, qui a cours, là.

Mme Leblanc (Isabelle) : Mais je pense que, justement, comme en ce moment, tout ce qui est PREM, PEM, AMP, donc toutes les restrictions à la pratique en médecine de famille — surtout, moi, je suis prof en médecine de famille, mais je pense que mes collègues pourraient dire autre chose — ça leur fait peur. Puis depuis quelques années, peut-être cinq, sept, 10 ans, on a monté le privé comme une alternative. Avant, ce n'était pas une alternative pour un médecin de famille. Tu finissais, tu allais travailler au public, mais tranquillement il y a une genre d'acceptabilité sociale puis de : Ah, le privé, le public... C'est la même chose qui est arrivée. Ça devient une sorte de choix. Puis là il y a quand même plusieurs étudiants... résidents plutôt avec qui, moi, je travaille, qui disent : Bien, on a peur de perdre ce droit-là. En ce moment, c'est comme un droit pouvoir aller au privé, ce qui est complètement fou, mais c'est comme ça que, pour certaines personnes, c'est considéré. Puis donc ils ont peur de perdre ce droit-là, mais ils vont le prendre maintenant puis, au pire, ils reviendront au public après. Et ça, c'est un des enjeux. Puis il y a des gens aussi qui disent des choses comme : Mais moi, je ne vais pas aller faire mon temps au public. Parce que c'est un peu comme ça, aussi, l'impression que ça donne, tu sais, vous allez faire votre temps, vous allez faire cinq ans, puis après vous allez enfin avoir le droit d'aller au privé. Ça fait qu'il y a quand même des perceptions teintées, je pense, de ce projet de loi là qui font qu'on perd peut-être la grande perspective de ce qu'il faut faire en ce moment, c'est arrêter le nombre de médecins non participants au... dans le système québécois.

M. Fortin :O.K. Donc, cette possibilité de ressac là, elle existe, là, des gens qui... Puis l'image était forte, là, la semaine dernière, les fédérations, là, qui ont utilisé le terme le privé ressemblerait à une prison, là. Mais l'image de : Là, je suis pris là, je veux m'en sortir le plus tôt possible, c'est une préoccupation quand même.

Mme Leblanc (Isabelle) : Pour certaines personnes.

M. Fortin : Oui, c'est ça. Bien sûr. Bien sûr.

Mme Leblanc (Isabelle) : Ce n'est vraiment pas la majorité, là. Je ne veux pas non plus que ce soit monté en épingle. Mais c'est ce qu'on entend, il y a des gens qui ont cette genre de réflexion là en ce moment. Mais, encore une fois, parce que depuis, 10, 15 ans, on peut aller au privé comme on peut aller au public, ça a été mis vraiment sur le même... le pied d'égalité, là.

• (17 h 20) •

M. Fortin :O.K. Ce matin, là, vous l'avez... vous les avez entendus comme moi, là, la préoccupation du Collège des médecins ou la proposition, pardon, du Collège des médecins qui est un peu différente de la vôtre, mais qui, sur le principe, je pense, se rejoint. Ils ont quand même fait état de la nécessité d'agir pas juste sur les médecins, mais sur les infirmières, sur les inhalo. Qu'est-ce que... parce que je ne retrouve pas dans votre mémoire, alors je me demande : Est-ce que c'est... Comment vous voyez leurs propositions à ce niveau-là?

M. Gauvreau (Xavier) : Oui. Je vous avoue que je ne peux pas commenter sur la mesure exacte qui a été proposée par le CMQ à ce stade-ci. Par contre, là, le MQRP s'est historiquement toujours positionné en faveur d'un rapatriement de ces professionnels de la santé là dans le réseau public. On s'était positionnés au niveau des agences, on s'était positionnés durant la pandémie sur les entreprises qui font du profit, là, sur la santé des gens. Nous, c'est sûr qu'on comprend que le médecin ce n'est pas un professionnel qui agit de façon indépendante et qui offre des soins dans un vacuum, si je peux me permettre l'expression, et donc nous, on... comme organisation, on a toujours été favorables à une augmentation du panier de services, dont les autres professionnels, à travers des conditions de travail qui sont favorables, qui sont compétitives dans le réseau public.

M. Fortin :O.K. Dans le réseau public, donc ça rejoint jusqu'à un certain point, un peu, là, le... puis peut-être pas complètement, mais l'appréhension de certaines fédérations de médecins, entre autres, c'est-à-dire vous pouvez rajouter certains médecins dans le réseau public, il y a des places où ça ne fera pas une différence tant qu'on ne ramène pas le reste du personnel aussi, là.

M. Gauvreau (Xavier) : Oui, effectivement. Mais, comme on l'a mentionné, pour donner encore une fois l'exemple des...

M. Gauvreau (Xavier) : ...médicaux spécialisés, c'est qu'on finance activement des cliniques privées qui deviennent des employeurs de choix pour ces personnels, par exemple les infirmiers, les inhalothérapeutes, qui, là, ont le choix de quitter vers le privé. Donc, c'est d'aller chercher ces personnes-là qu'on a fait quitter activement le réseau public, puis les rapatrier dans notre réseau en arrêtant de financer des initiatives privées.

M. Fortin :Mais est-ce que ça vous laisse peut-être un peu perplexes, c'est le fait qu'on dépose un projet de loi comme celui-là, qui, avec comme intention, là... puis on verra, là, il y a des groupes qui pensent qu'il y a du bon puis du moins bon, là, mais avec comme intention de réduire la place du privé ou de favoriser la place du public puis qu'en même temps on rouvre d'autres CMS?

Mme Leblanc (Isabelle) : Donc, oui, on l'a mentionné au début, il y a... il y a aussi certaines choses qui sont un peu contradictoires, là, on ouvre des CMS, on permet que des médecins participants fassent du travail en télémédecine au privé. Oui, il y a certaines contradictions, puis il faut les régler. On l'a dit, puis c'est clair dans notre mémoire, il faut régler ces contradictions-là.

M. Fortin :O.K. Dernière... Dernière chose de ma part, peut-être, avant que ma collègue, qui prend toujours des notes, prenne le relais. L'enjeu de la pratique de désaffiliation puis réaffiliation, là, tu sais, j'ai entendu des positions comme la vôtre, qui disent : Bien, ça devrait être... tu sais, le fait qu'on en fasse tellement, là, ça devrait être soit interdit, on a entendu des groupes qui disent : Le délai est trop court, devrait être prolongé. Vous, ce qu'on... on comprend votre position de base, là, qui... on devrait simplement l'interdire. Mais l'idée de rallonger le délai, là, qui, selon certains, pourrait peut-être en décourager de faire cette désaffiliation-là, est-ce qu'il n'y a pas un risque à ça qu'à un moment donné ils décident juste de se désaffilier complètement aussi?

Mme Leblanc (Isabelle) : Possiblement. Mais nous, vraiment, ce qu'on recommande, c'est que ce ne soit plus possible de se désaffilier. Puis, tu sais, beaucoup des médecins qui font affiliation-désaffiliation, c'est justement... c'est beaucoup nos collègues spécialistes, là. Il n'y a pas tant de médecins de famille qui font ça. Puis c'est beaucoup pour des questions d'accès à la salle d'opération ou à d'autres plateaux techniques. Donc, j'ai l'impression qu'on répète toujours la même chose mais, tu sais, si on arrête la désaffiliation, et ça va forcer à ce qu'on trouve une façon que ces gens-là puissent donner des soins, à la limite, qu'on rachète un CMS puis qu'on le rende public. On peut trouver, là, je suis sûre qu'il y a des solutions. Une autre commission, on peut... on peut y réfléchir, mais il doit y avoir des solutions pour que ces gens-là plus rapidement être rapatriés dans le système public.

M. Fortin :O.K. Puis je ne déteste pas votre... je le sais que vous l'avez dit, ce n'est pas... ce n'est pas inclus dans votre mémoire, là, mais c'est la dernière idée que vous venez de lancer. Parce que la partie gouvernementale nous a dit souvent, tu sais : Des CMS nous aident à rattraper la liste, puis, des fois, des fois, des CMS peuvent voir plus de patients en une journée que les plateaux dans les hôpitaux. Alors, l'idée que vous avancez là, peut-être, si ça peut permettre au réseau public d'en faire plus, il y a peut-être quelque chose derrière ça. Ça va, merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Une minute pour votre collègue.

Mme Caron : Bon. Alors, moi, j'allais vous demander : Comment... Comment on opérationnalise la transition ou le rapatriement? Est-ce que vous avez des suggestions, des recommandations pour ça? C'est... C'est, du jour au lendemain, tout le monde est au public.

M. Gauvreau (Xavier) : Bien oui, c'est ce qu'on... ce qu'on a proposé comme échéancier. C'est premièrement geler... qu'il y ait de nouveaux professionnels médecins non participants dans le réseau. Puis ensuite, dans un deuxième temps, dans la... au courant de l'année, on pourrait théoriser. Ça serait de légiférer pour complètement abolir ce statut-là.

Mme Caron : Ça, je comprends les propositions de légiférer ou de règlement, mais c'est de... comment on l'opérationnalise sur le terrain, comment on réussit à faire ça. C'était ça qui m'intéressait. Mais je pense qu'on n'a plus beaucoup de temps.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, l'autre chose, c'est qu'il y a beaucoup des médecins qui sont parfois au privé, parfois au public, donc ils ont déjà un lieu de pratique au public. Donc, ces médecins-là, ça ne sera pas si difficile de les rapatrier dans le... dans le réseau public à plein temps. Puis, après, on pourrait penser sur un échéancier de trois à cinq ans pour ramener tout le reste des gens dans le système public. Parce que, leur trouver des lieux de pratique, de trouver des endroits où ils vont pouvoir prendre leur patientèle, c'est des médecins de première ligne, tout ça, ça peut prendre un certain temps, donc on ne pense pas que ça va se faire en criant ciseau. Mais il ne faut pas oublier que beaucoup, beaucoup de nos... des médecins qui font du va-et-vient privé-public ont déjà un lieu de... un lieu de pratique au public, donc ça ne sera pas un si gros problème que ça.

Mme Caron : Merci.

Le Président (M. Provençal) :À vous la suite.

M. Marissal : Merci. Bienvenue, merci, merci d'être là. Je n'ai pas beaucoup de temps alors je vais y aller.

Dre Leblanc, vous disiez tout à l'heure que vous avez l'impression de répéter toujours la même chose. J'ai envie de vous dire : Bienvenue dans le club. La différence, peut-être, c'est que j'ai l'impression d'être un peu moins tout seul à en parler depuis quelque temps puis qu'il y a peut-être même des oreilles, l'autre côté de la table. Alors, moi je vais jouer le jeu, certain, pour voir où est-ce que ça nous mène tout ça. Même...

M. Marissal : ...puis je ne suis pas... de moins en moins convaincu que le projet de loi no 83 est très, très utile à atteindre nos buts, là.

J'ai envie de vous demander, là, le privé qui débauche des médecins, là, puis d'ailleurs Radio-Can vient de nous sortir une manchette, là, il y a 15 minutes, comme quoi il y en a eu 30 de plus dans les deux derniers mois, c'est beaucoup, c'est beaucoup, 30 de plus en deux mois, là, bon... Il y a peut-être ce mouvement que vous disiez, que certains médecins se disent : Je suis peut-être mieux d'y aller tout de suite avant que la porte se ferme, là, c'est possible qu'il y ait ça. Mais est-ce qu'il est de coutume pour les cliniques privées de recruter des plus jeunes médecins ou si on ne vise plutôt, j'ai l'impression, des médecins plus... et je le dis en tout respect, là, plus formés, plus expérimentés, parce que ça vient avec l'âge, puis plus on en fait, puis plus on...

M. Gagnon (Justin) : Oui. En fait, non, malheureusement, on reçoit beaucoup de sollicitation, là, de la part des cliniques privées, là, dès notre première année en médecine. Dès les intégrations, on reçoit des courriels de la part des cliniques privées. Même qu'on se fait contacter parfois sur nos profils LinkedIn par des compagnies privées, alors qu'on a à peine débuté nos études en médecine. Donc, on sait que c'est des cliniques qui sont très, très agressives dans leurs tentatives de recrutement puis qui vont... essentiellement, c'est certain qu'elles vont être tentées de contourner le projet de loi puis essayer d'aller chercher les médecins de façon... différemment, là, pour pouvoir recruter des médecins.

M. Marissal : Vous avez parlé de télémédecine, là, et de téléconsultation, et de pratique mixte, là. Moi, de ce que je comprends, c'est qu'on n'a pas besoin... un médecin imposant de se désaffilier pour faire ça et que certains vont même le faire... Mettons qu'ils sont de garde à l'hôpital, là, mais qu'ils vont prendre leur demi-heure ou leur heure de pause puis qu'ils vont aller dans un local faire de la télémédecine dans l'hôpital même... Est-ce que j'ai bien entendu ça, là?

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, bien, possiblement. Je ne connais pas beaucoup de médecins qui ont des heures de pause à l'hôpital, en fait, mais oui, peut-être que, pendant leur garde, s'il ne se passe rien pendant un bout de temps ou pendant que le résident, l'étudiant en médecine est en train de faire la consult, peut-être que... Mais oui, les gens ont gagné ce droit-là. Puis moi, ça c'est vraiment autre chose de notre mémoire, je pense... La... pratique, c'est très, très, très dangereux, puis je pense que ça, c'est une petite ouverture qui a été faite, qui peut se refermer très rapidement, puis ce serait un gros gain, parce que les gens peuvent passer beaucoup de temps, en étant des médecins participants, à faire du privé, parce que la télémédecine pour les compagnies d'assurance, c'est un puits sans fond, là.

M. Marissal : Oui, oui. Bien, votre compréhension, est-ce qu'elle est la même que moi, que comme on n'a pas à se désaffilier comme médecin, pour faire de la télémédecine, les jeunes sous le coup de 83 ne seraient pas tenus... pourraient très bien faire les deux?

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est une de nos inquiétudes, effectivement. Ou faire de la médecine esthétique, par exemple, donc rester possiblement participant, mais sans donner des soins au système public puis faire leurs cinq ans comme ça. Il y aurait des façons... il y a toujours des entourloupes dans tout, mais il y aurait des façons de contourner le projet de loi no 83 s'il était accepté comme tel.

M. Marissal : O.K. Merci.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Provençal) :Je vais céder la parole maintenant au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci à vous trois pour votre présentation. Je vais poser une question concernant le projet de loi, et non pas la discussion sur le privé. On fait quoi avec le projet de loi? On fait quoi avec l'article 1? On fait quoi avec les articles 5 et 6? J'ai l'impression que les propositions nous mènent ailleurs qu'au projet de loi. Nous, notre travail, c'est le travail législatif. Vous nous avez parlé d'autres choses que du projet de loi qui est devant nous. Est-ce que vous demandez qu'on le retire, qu'on recommence à zéro? Est-ce qu'il y a quelque chose de bon là-dedans? Est-ce qu'il y a un effet pervers qui fait en sorte qu'on devrait le mettre de côté ou suffisamment le transformer pour arriver aux objectifs que vous proposez?

M. Gauvreau (Xavier) : Bien, écoutez, c'est... pour faire ça simplement, ce n'est pas un projet de loi qu'on aurait proposé. Nous, dans notre analyse, là, ce qu'on voit, c'est qu'il y a des risques et des bénéfices, il y a des bénéfices à envisager, que, oui, peut-être qu'en ciblant, là, les jeunes médecins qui quittent vers le privé, on aurait un certain effet bénéfique, mais on voit que, dans notre analyse, il y a beaucoup, beaucoup de risques, en contrepartie. Et c'est pour ça que nous, on est venu avec des mesures alternatives qu'on trouvait qui seraient plus adaptées, là, pour contrer le problème.

M. Arseneau : Donc, j'ai bien compris, vous nous amenez ailleurs que dans ce projet de loi là, même si le projet de loi nous permet de discuter de l'éléphant dans la pièce que n'aborde pas le projet de loi, si je vous suis bien.

M. Gauvreau (Xavier) : Bien, c'est sûr que nous, on salue quand même l'intention puis la lucidité derrière le projet de loi, là, qui met le doigt sur quelque chose d'important, là, qui se passe dans le réseau, présentement.

M. Arseneau : Mais on ne cible que les jeunes diplômés, alors que vous voudriez qu'on aille beaucoup plus largement et rapidement. Vous avez mis, à la page 7, de votre mémoire, très intéressant, d'ailleurs... vous avez fait référence à l'affaire... et à l'interdiction stricte du privé. Vous dites que ça pourrait être sujet à contestation, mais, après ça, vous dites : On est d'avis qu'on devrait arriver avec une interdiction législative formelle...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Arseneau : ...ou vous souhaitez qu'on aille de l'avant, même si ce serait sujet à contestation, ou on parle de deux choses différentes, une interdiction stricte du privé, c'est la même chose qu'une interdiction législative formelle? Donc, quitte à devoir faire face à des poursuites, on irait de l'avant avec une mesure législative, c'est ce que vous dites?

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, parce que, quand même, puisque ça arrive en... puisque c'est possible en Ontario, parce qu'il n'y a pas des cliniques privées où les gens paient de leur poche en Ontario pour voir un médecin, on a quand même l'espoir qu'il y a une façon de faire une loi qui va empêcher les médecins non participants ou le privé du côté médical. Après, ça pourrait être contesté, tout... tout est contestable, mais on pense quand même que c'est la mesure phare qu'on devrait faire.

M. Arseneau : D'accord. On a parlé beaucoup, là, de la transition, là. Est-ce que... Est-ce qu'on peut faire un parallèle, par exemple avec les infirmières ou le recours à la main-d'oeuvre indépendante, où on s'est donné trois ans, puis finalement, essentiellement, quand il n'y a pas de possibilité d'avoir des contrats avec l'État ou de facturer le client, bien, si on veut continuer de travailler, on vient au public? Est-ce que ce ne serait pas par attrition essentiellement qu'on devrait procéder?

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, c'est un peu, ça, je pense, la proposition, en disant : Plus personne ne s'en va au privé, les gens qui vont au privé... ne peut pas facturer plus que ce que la RAMQ leur paierait s'ils étaient au public. Je veux dire, les gros modèles d'affaires des grosses cliniques privées, ils ne feront pas de profits avec ça, ça va faire une attrition tranquillement comme ça.

M. Arseneau : Donc, l'élément de la durée de la transition n'est pas tellement important. Les gens vont vouloir travailler, puis ils vont travailler là où ils peuvent le faire.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, ça, je pense qu'il y a des experts qui pourraient probablement en... savoir mieux que nous, mais probablement que ça se ferait relativement naturellement. 800 médecins, c'est beaucoup, mais c'est... sur quelques années, ça peut se réabsorber dans un système public, c'est certain, là.

M. Arseneau : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin :Merci. Alors, bonjour. Merci d'être présent. Vous vous doutez sans doute que je ne suis pas tout à fait en accord avec vos positions, mais, tu sais, c'est vraiment plus une exploration. On est là en discutant, puis c'est ça qui est le fun dans les consultations publiques. Je cherche à comprendre, par rapport à la télémédecine par exemple, puis j'ai un peu cette histoire-là en tête, peut-être que je me trompe, parce que je ne connais pas grand-chose en santé. Il y a énormément d'études, de conversations, de tables qui ont étudié la télémédecine. Avec la pandémie, on a créé un code RAMQ, ça s'est fait, bang! Il y a quelque chose de très nécessaire puis immédiat, mais est-ce que ça veut dire, dans le fond, que les compagnies qui se sont développées depuis 2016, 2017, par exemple, vont devoir instantanément fermer, alors qu'elles ont développé une expertise, parce que c'est du privé? Moi, dans le fond, c'est ça un peu la mixité de pratiques que j'entendais dans... du décret de décembre 2022, là, c'est que ça permettait un peu la cohabitation.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, parce que je pense qu'un de leurs grands employeurs, c'est les compagnies d'assurance. Donc là, de... et l'enjeu... mais je veux dire, moi, je suis un médecin au public puis je fais la télémédecine tous les jours. On peut tout à fait faire la télémédecine au public.

M. Chassin :Avec un code RAMQ.

Mme Leblanc (Isabelle) : Avec un code RAMQ. Je pense que l'enjeu, c'est qu'on permet à des gens qui devraient être en train de prendre soin de patients dans le système public, de pas prendre... mettre de moins de temps dans le système public pour faire de la télémédecine au privé. Puis la télémédecine, ça peut être très, très, très utile, mais ça peut être aussi une vache à lait pour des gens qui veulent pratiquer la médecine très rapidement. Je suis sûr que le Collège des médecins vous en a parlé. Donc, il y a un enjeu à ce niveau-là, mais on garde un code RAMQ pour ça. Puis les compagnies d'assurances, ils tiennent à faire de la télémédecine uniquement au privé, bien, elles engageront des médecins au privé jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus.

M. Chassin :Parce que... Puis ça se serait développé, d'après vous, au public sans la pandémie? Parce que ça prenait beaucoup de temps, c'est un peu ça aussi qui...

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est déjà développé, c'est déjà développé au public quand même, puis il y a des plateformes publiques où on peut faire de la télémédecine aussi, c'est ça.

M. Chassin :Maintenant oui, mais sans la pandémie, si on n'avait pas eu le privé qui l'avait développé à côté. Je ne sais pas, moi, c'est ce côté innovant aussi, tu sais.

Mme Leblanc (Isabelle) : La 14ᵉ journée de la pandémie, j'étais au bureau puis je faisais de la télémédecine...

M. Chassin :Absolument.

Mme Leblanc (Isabelle) : ...puis il n'y avait pas de compagnie privée qui était là puis ils n'avaient pas encore vraiment commencé au Québec à développer ça. Donc, je pense que oui, mais là, qu'est-ce qui se serait passé dans le passé, je ne sais pas, mais on le faisait. Puis je pense que c'est l'autre chose, le privé, des fois, peut aller un peu plus rapidement dans les innovations, mais les innovations, elles se font très bien dans le système public aussi. C'est juste des fois un peu plus long à ce qu'elle se généralise, disons.

M. Chassin :Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour l'ensemble de votre présentation, mais surtout pour votre collaboration et les réponses que vous avez fournies tout au long de cet échange. Bon retour. Et on va suspendre les travaux pour laisser place au prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 36)

(Reprise à 17 h 43)

Le Président (M. Provençal) :Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux. Vous aurez 10 minutes pour vous exprimer et, par la suite, nous procédons aux échanges. Alors, je vous cède la parole.

M. Comeau (Robert) : Alors, merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames messieurs les députés, bien, on vous remercie de nous recevoir aujourd'hui pour discuter du projet de loi n° 83. L'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, l'APTS, que nous représentons, défend les intérêts de plus de 65 000 professionnels et techniciens du réseau de la santé et des services sociaux. Ce sont elles et eux qui assurent des services essentiels à la population et c'est leur voix que nous portons aujourd'hui.

Je suis Robert Comeau. Je suis président de l'APTS et je suis accompagné, pour cette présentation, d'Émilie Charbonneau, qui est vice-présidente, et de M. Guillaume Plourde, qui est responsable à la recherche. Nous vous partagerons les inquiétudes soulevées par le principe même du projet de loi ainsi que ses effets potentiels. Nous vous présenterons ensuite en quoi son impact risque d'être fort limité et  vous proposerons finalement des recommandations pour des mesures alternatives permettant de mieux rencontrer l'objectif énoncé par le gouvernement, soit renforcer notre réseau public de la santé et des services sociaux.

Tout d'abord, nous reconnaissons la volonté du gouvernement d'assurer un meilleur accès aux soins et services et de contrer l'érosion du réseau public. Cependant, nous devrons exprimer notre inquiétude. Ce projet de loi ne s'attaque pas aux véritables causes du problème et risque d'avoir un effet, selon nous, très limité. Pour l'APTS, renforcer le réseau public doit passer par une revalorisation de la pratique dans nos établissements et non en forçant les gens à y travailler. Nous devons encourager les professionnels à offrir des soins et des services à la population en étant un employeur de choix et non en les retenant de force temporairement. Contraindre uniquement les nouveaux médecins à travailler dans les réseaux publics pendant cinq années ne suffira pas à renverser la tendance, selon nous.

Aujourd'hui, près de 10 000 médecins québécois exercent hors des établissements publics, soit 44 % de la profession, et ce nombre augmente année après année. En 2024, 801 médecins avaient choisi la non-participation à la RAMQ, et c'est un record. Ce ne sont pas les jeunes diplômés qui désertent en masse, mais bien les médecins d'expérience. Alors, ce projet de loi ne leur offre aucun incitatif à demeurer dans le réseau public après la période obligatoire. Cela enverrait un drôle de message et ce serait très problématique. D'un côté, on forcerait les nouveaux médecins à exercer dans le réseau public, mais, de l'autre, on laisserait ceux ayant plusieurs années d'expérience partir vers le privé sans contraintes, tout en continuant d'entretenir la dépendance du réseau public envers les cliniques radiologiques, par exemple, ou des services de chirurgie privée. Cela risque de légitimer la pratique privée pour des médecins ayant plus de cinq années de pratique, renforçant ainsi une tendance qui affaiblit le réseau public.

Ensuite, nos analyses des données rendues disponibles par le Collège des médecins et par la RAMQ démontrent que ce projet de loi concernerait à peine 60 médecins, soit environ 15 % des nouveaux non-participants pour les trois dernières années. Par ailleurs, le projet de loi ne tient pas compte d'un élément fondamental : les conditions de travail dans le réseau public. Obliger un médecin à y rester cinq ans, sans améliorer ses conditions de pratique ou s'assurer de la disponibilité des ressources, risque d'être contre-productif. Pour encourager la pratique publique de la médecine, il est essentiel de s'assurer que les infrastructures soient modernisées, que les équipes reçoivent un soutien adéquat et que la charge de travail demeure gérable. C'est un problème de fond qui ne sera pas résolu par une contrainte administrative.

M. Comeau (Robert) : ...pour véritablement renforcer le réseau public. Nous proposons aux membres de la commission six recommandations, que nous croyons plus structurantes, et qui permettront de mieux atteindre cet objectif que nous partageons tous et toutes, soit améliorer l'accessibilité et la qualité des soins et services de santé publique.

Première recommandation, recentrer le projet de loi sur l'engagement durable des médecins dans le réseau public. Il faut aller au-delà d'une simple obligation temporaire, et plutôt créer des conditions favorables pour que les médecins souhaitent volontairement rester dans le réseau public à long terme. Il faut également aller plus loin que la participation à la RAMQ et viser la pratique dans les établissements publics.

Deuxièmement, investir massivement dans les infrastructures et le personnel. L'un des principaux freins nommés par les médecins concernant leur maintien dans le réseau public est le manque de ressources et d'infrastructures adéquates. Un plan d'investissement dans les établissements publics est nécessaire pour moderniser les équipements, augmenter le nombre de salles d'opération et s'assurer que des équipes de soutien, incluant les professionnels et techniciens, soient suffisantes pour accompagner les médecins.

Troisième recommandation, utiliser les outils législatifs déjà existants. La Loi sur l'assurance maladie permet déjà d'encadrer la participation des médecins au régime public, mais ces dispositions ne sont pas pleinement exploitées. Plutôt que d'introduire une nouvelle contrainte administrative, le gouvernement pourrait utiliser les leviers qui lui sont déjà offerts par les articles 30, 30.1 et 31 de cette loi pour maintenir l'offre de services dans le régime public, sans discrimination quant au nombre d'années de pratique.

Quatrième recommandation, revoir la formule de rémunération des médecins pour favoriser la pratique en établissement public. Le gouvernement doit faire preuve d'audace pour encourager les médecins à participer au régime public. Une option serait de retirer la possibilité pour les médecins d'incorporer leur pratique de la médecine, réduisant ainsi l'attrait d'opérer une clinique privée. Cela désengagerait également des sommes, qui pourraient être réinvesties dans le réseau public en supprimant certains avantages fiscaux liés à l'incorporation. Si le gouvernement veut aller plus loin, il pourrait entamer une révision du modèle de rémunération et de participation des médecins en développant des mécanismes qui favorisent leur engagement au sein des établissements de Santé Québec. Un salaire fixe, plutôt qu'une rémunération à l'acte pourrait être envisagé, ou encore, un statut de salarié, accordant les mêmes droits à la syndicalisation et les mêmes mécanismes de négociation collective que les autres catégories d'emploi qui sont présentes dans le réseau public.

Cinquième recommandation, limiter la perméabilité entre le public et le privé. Actuellement, certains médecins, comme les radiologistes, peuvent travailler à la fois dans le réseau public et dans les cliniques privées. Cette situation favorise un transfert des ressources humaines et techniques vers le secteur privé, nuisant directement à l'accessibilité des soins et des services dans le réseau public. Pour contenir cette érosion, il est essentiel de restreindre cette double pratique et de garantir que les médecins engagés au public ne se retrouvent pas en situation conflictuelle par rapport à une pratique privée.

• (17 h 50) •

Sixième et dernière recommandation, renforcer les mécanismes de contrôle de la facturation à la RAMQ. Il est essentiel de s'assurer que les fonds publics alloués à la rémunération des médecins servent véritablement à améliorer l'accès aux soins, et non à gonfler artificiellement les facturations. Des efforts accrus doivent être faits pour détecter et prévenir la surfacturation ainsi que les possibles cas de fraude dans la facturation des actes médicaux. En optimisant ces contrôles, les sommes récupérées pourraient être réinvesties dans l'amélioration des services publics, notamment pour attirer et retenir le personnel, moderniser les infrastructures et assurer une meilleure accessibilité aux soins pour l'ensemble de la population. Lors de la campagne électorale de 2018, la Coalition avenir Québec s'était d'ailleurs engagée à lutter contre la surfacturation à la RAMQ, et nous l'invitons à renouer avec cet engagement.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi n° 83, dans sa forme actuelle, nous apparaît, en principe, être un signal positif envers le caractère public du réseau, sans que ses dispositions permettent d'atteindre pleinement l'objectif visé. Il est impératif d'adopter une approche plus ambitieuse et structurée, qui mise sur des investissements durables et des mécanismes efficaces pour encourager la pratique médicale dans nos établissements publics. Le Québec ne peut se permettre de rester dans une logique de demi-mesure. Si nous voulons réellement préserver un accès équitable et universel aux soins, il est temps de poser des gestes concrets et audacieux. Nous appelons le gouvernement à revoir son approche et à mettre en place une véritable stratégie de consolidation du réseau public.

On vous remercie de votre attention. On est maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. Comeau, pour votre présentation. Alors, on va débuter l'échange avec M. le ministre. Allez-y.

M. Dubé : Très...

M. Dubé : ...M. le Président. Alors, M. Comeau et vos collègues, un peu comme je fais habituellement, ceux qu'on est habitués de rencontrer, je veux vous remercier, parce que vous êtes toujours présents quand on a ces différentes commissions-là sur plusieurs sujets, et c'est toujours instructif, en tout cas pour nous, puis je pense, pour mes collègues aussi de la commission, de pouvoir vous entendre. J'en profite parce que Dr Bergeron me faisait remarquer qu'il y a tellement de terminologies que je me demande, des fois, comment les Québécois peuvent se retrouver dans notre système. Et je regardais dans votre... dans votre mémoire, puis ça, je pense que c'est à la page 5, là... Je veux juste qu'on revienne sur la terminologie de désengagé, juste pour qu'on se comprenne bien. Parce que, je le répète, là, des médecins désengagés, il y en a deux au Québec, O.K., contrairement à ce qui est indiqué dans votre mémoire. Puis je veux qu'on explique pourquoi. On a des gens qui sont facturant puis qui facturent à la RAMQ. Puis les gens peuvent consulter ayant... avec leur carte. Puis on a ceux qui sont non facturant et là ils s'en vont vraiment au privé. Ça, c'est les deux catégories les plus connues. Puis des 800 quelques que vous parliez tout à l'heure, c'est les non facturant. Les désengagés, puis c'est pour ça qu'il y en a juste deux, c'est pour ça que je veux qu'on se clarifie, c'est qu'avec le système de santé qui a été fait par M. Castonguay, tout ça, là, aujourd'hui, il ne reste que deux médecins qui disent : Moi, je vais me fier aux tarifs RAMQ, je vais facturer la RAMQ et l'argent je vais... la RAMQ va l'envoyer au patient qui lui va me payer. Alors, ce n'est pas très efficace comme système. On se comprend? Alors, être désengagé, c'est comme être un peu entre les deux, on se comprend? Donc, tarifs RAMQ, mais c'est le patient qui va finalement avoir la facture puis c'est la RAMQ... Je veux juste, là, comprendre parce qu'à mon avis, l'enjeu, il n'est pas dans les désengagés. L'enjeu est de savoir qu'est-ce qu'on fait avec les non facturant, pour employer la terminologie du ministère. Puis j'espère, Dr Bergeron, que je n'ai pas fait d'erreur dans l'explication. Je voulais juste le mentionner parce que vous connaissez très, très bien le système, M. Comeau, puis je veux juste qu'on clarifie cette partie-là.

Puis, avant de... Et dans votre portée limitée du projet de loi, quand vous dites : «44 % des médecins pratiquent en dehors des établissements publics», il faut faire très attention à cette terminologie-là parce qu'il y a beaucoup... prenons juste les médecins de famille, le fait qu'ils pratiquent, puis on en a parlé plusieurs fois durant la présentation, il y a beaucoup de médecins qui sont, à mon avis, dans le système public même s'ils sont dans une GMF. Je veux juste qu'on se comprenne bien là-dessus, là. C'est l'ownership, c'est la propriété de la clinique qui est privée, mais le médecin, il est facturant et les patients peuvent passer... Ça fait que je veux juste faire attention ici à cette terminologie-là, mais je pense qu'on s'entend sur quelques éléments comme ça.

Moi, je... C'est pour ça que je suis content d'avoir eu, je pense, une panoplie assez large de... d'intervenants, dont vous. Vous, vous dites : Encore une fois, on ne va pas assez loin, hein, c'est... Puis je ne veux pas que vous utilisiez mes mots, mais je vais laisser peut-être mes collègues revenir avec... Mais quand vous parlez d'incitatifs, je ne peux pas m'empêcher, M. Comeau, de dire qu'on ressort de deux longues négociations avec nos fédérations, avec les syndicats. Puis là je ne parle pas des médecins, là, je parle... Puis je pense qu'on a beaucoup amélioré les incitatifs pour nos infirmières puis le personnel. Ça fait que je veux juste dire : Vous trouvez qu'on est coercitifs, mais je pense qu'on a travaillé aussi du côté des conditions, mais je me... hein, ça a été quand même des longues négociations, mais je pense que les deux parties en ont... Et quand vous parlez de réinvestir massivement dans les infrastructures publiques, vous avez raison, c'est... puis je pense qu'il y a d'autres médecins qui l'ont mentionné, c'est vraiment dans notre plan santé qu'on a dit que c'était une des quatre fondations, là, je veux dire, les... d'investir autant dans les immeubles, dans nos hôpitaux, puis Dieu sait qu'on en a à moderniser, mais ça inclut....

M. Dubé : ...tous nos systèmes, nos systèmes informatiques, tout ça. Ça fait que je ne peux pas être en désaccord avec vous. Je pense qu'on a amélioré les conditions de nos... notre personnel. On ne voit pas encore les faits dans nos salles d'op parce que ça vient d'arriver, hein, c'est... c'est tout récent, là, qu'on a nos ententes, puis dans... dans les gens qui sont membres chez vous particulièrement aussi. Mais je veux juste qu'on parle de l'investissement massif dans les infrastructures. Ce n'est pas pour rien qu'on a augmenté le PQI de façon aussi importante au cours des dernières années. Ça fait que je voulais juste faire cette mise au point là.

Maintenant, j'aimerais ça... Puis peut-être que ma collègue de Marie-Victorin peut aller plus sur... parce qu'elle aussi elle a été sur le terrain, dans une autre... dans un autre syndicat, je vais dire, là, et j'aimerais ça qu'elle vous pose quelques questions sur toute cette question-là, de comment pratiquer dans le réseau, vous allez jusqu'au... peut-être mettre les médecins salariés. Ça fait que je vais laisser la députée de Marie-Victorin poser d'autres questions, si vous voulez bien, M. Comeau.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée.

Mme Dorismond : Bonjour. Vous allez bien? Oui.

Une voix : Très bien. Merci.

Mme Dorismond : Oui. Dans la recommandation quatre, c'est surtout celle-là qui m'intéresse beaucoup, à savoir, tu sais, vous dites que le gouvernement n'est pas assez audacieux et il devrait même entamer peut-être un processus de rémunération au niveau de la rémunération des médecins à taux fixe. Est-ce que vous comparez ça comme les médecins en CLSC ou... Puis j'aimerais ça savoir aussi, bon, avez-vous fait un exercice de recherche là-dessus? Est-ce que vous avez parlé avec la FMOQ? Est-ce que vous avez parlé à d'autres médecins qui aimeraient ce genre de rémunération?

M. Comeau (Robert) : C'est sûr que, nous, on ne veut pas s'immiscer dans les négociations en cours. Ça, c'est clair, là. Et, selon nous, le fait d'avoir incorporé les médecins, donner ce droit-là a eu l'effet quand même assez direct que les médecins peuvent... l'ouverture beaucoup de cliniques privées par la suite. Parce que ça donne quand même des avantages fiscaux intéressants et importants. Alors, selon nous, ça, ça a été un facteur aggravant dans la situation. Alors, le fait de retirer ça, pour nous, bien, ça devient moins attrayant d'aller s'ouvrir une clinique privée, d'avoir pignon sur rue et de demeurer dans le réseau public.

Je ne sais pas si ma collègue veut ajouter.

Mme Charbonneau (Émilie) : Oui. Puis, avoir une stabilité au niveau de l'aspect financier des médecins, ça nous permet aussi d'avoir une meilleure planification budgétaire. On le sait, l'enveloppe budgétaire des médecins, avec le manque de contrôle sur notamment la facturation, nous empêche d'avoir un contrôle sur combien cette enveloppe budgétaire là va déborder. Donc, d'avoir un meilleur contrôle permet une meilleure planification, puis après, pouvoir mieux pérenniser, par exemple, quand qu'on parlait tantôt de nos infrastructures, donc, et même par exemple la planification de la main-d'oeuvre en ce qui concerne les professionnels qui oeuvrent autour des médecins.

• (18 heures) •

Donc, c'est sûr et certain que nous, ce qu'on dit, bien, c'est : Pourquoi on n'a pas donné des incitatifs, par exemple, aux médecins, à travailler au public, à l'inverse. Donc, tu sais, inverser un petit peu cette logique-là d'incorporation puis de se dire : Bien, le virage raté des CLSC, bien, est-ce qu'on pourrait le rattraper d'une manière différente? Puis on dit souvent les GMF... tantôt on parlait des GMF, dans le fond, c'est simplement la propriété qui est privée, mais c'est quand même l'argent public. Puis moi, j'ai la question à savoir : Est-ce que les GMF rencontrent les objectifs qu'on s'est donnés en termes d'accessibilité de soins? Puis, les supports, bien, vous l'avez mentionné, ils sont publics, donc c'est des ressources, des CLSC, des hôpitaux, comme des travailleurs sociaux, des physiothérapeutes qu'on transfère dans ces GMF là, où on n'a plus le contrôle des ressources, à savoir la planification de la trajectoire du patient. On le sait à quel point c'est important. Donc, on perd ce contrôle-là aussi. Donc, toute la question de rapatrier nos médecins dans le réseau public afin d'avoir un meilleur contrôle au niveau de la trajectoire du patient, qui est centrale dans les différentes réformes, on pense que ça peut être une option qui est intéressante afin d'avoir une meilleure planification, une meilleure stabilité. Puis, bien, écoutez, c'est sûr et certain que nous, comme on dit, c'est l'argent public, donc, d'avoir un contrôle sur cette enveloppe-là, je pense que c'est une saine gouvernance.

Mme Dorismond : Mais est-ce que vous confirmez que, dans le fond, l'exemple de rémunération des médecins, ce serait plus les médecins comme en CLSC? C'est cette comparaison-là que vous faites ou vous en avez une autre?

M. Comeau (Robert) : Je ne suis pas sûr de votre question. Mais à salaire versus, j'imagine, à...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Comeau (Robert) : ...à l'acte. C'est ça le plus...

Mme Dorismond : Bien, vous dites que les médecins devraient être des employés de l'État. Les médecins de famille en CLSC le sont. Donc?

M. Comeau (Robert) : Oui, exactement. Ça, c'est ce qu'on préconise selon nous, avec des conditions qui viennent autour, hein? Il y a le salaire, mais avec... aussi, en leur fournissant des professionnels, en leur fournissant des plateaux techniques, en leur fournissant tout ce qu'ils doivent avoir pour pouvoir bien accomplir leur mandat. Bien, avec tout ça, je crois qu'on est capables de reconquérir nos médecins pour qu'ils viennent travailler dans le réseau public, là. C'est notre position à cet effet là.

Mme Dorismond : Puis le ministre a parlé plusieurs fois, là, de la transition, là. Comment vous le voyez, la transition, pour que les médecins au privé, en ce moment, reviennent au public? Puis vous parlez aussi des GMF, là. Vous voyez comment cette transition-là?

Mme Charbonneau (Émilie) : Bien, en fait, tu sais, dans le fond, le projet de loi traduit une intention. Tu sais, dans le fond, nous, ce qu'on dit c'est que vous avez un objectif clair, la stratégie est à revoir, le plan est à revoir. Nous, on vous met certains moyens qui pourraient faire partie d'un plan. Maintenant, le plan de transition, un peu comme le plan... la stratégie pour contrer le recours à la pénurie de main-d'œuvre, c'est-à-dire, p.l. n° 10, je pense que c'est quelque chose qui se construit avec les acteurs sur le terrain. Moi, je serais bien prétentieuse de dire que je peux me substituer, dans le fond, aux acteurs principaux là-dedans, c'est-à-dire les médecins, pour dire quel serait le meilleur plan pour s'assurer de, par exemple, un meilleur accès au public. Moi, ce que j'ai envie de dire, c'est qu'on peut être un acteur participant là-dedans, au même titre que le gouvernement, au même titre que les médecins, au même titre que les acteurs qui sont concernés.

Moi, je pense qu'on part d'une intention. On s'entend sur l'intention, l'objectif est clair, s'assurer d'une accessibilité publique aux soins de santé et de services sociaux. Nous, on pense qu'il y a certains moyens structurants qui peuvent être mis en place pour s'assurer que les médecins reviennent au public pour une meilleure accessibilité. Maintenant, le plan, bien, je pense qu'on peut le définir ensemble. Il y a certains moyens structurants. Est-ce qu'ils sont limitatifs? Certes pas. Est-ce que ça peut être des pistes de début de solution? Je crois que oui, du moins, un début de discussion. Mais on serait bien prétentieux aujourd'hui de dire qu'on a un plan déjà tout fait pour être en mesure de vous dire ce serait quoi, la transition idéale. Je pense que la transition idéale, c'est celle qu'on va décider collectivement de faire.

Le Président (M. Provençal) :Questions additionnelles, Mme la députée de Bonaventure, M. le ministre?

Mme Grondin : Bien, en fait, je...

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée d'Argenteuil, vous pouvez y aller.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. Il reste combien de temps?

Le Président (M. Provençal) :Il vous reste trois minutes.

Mme Grondin : Parfait. En fait, j'ai envie de rebondir sur ce que vous venez de dire. Je suis assez curieuse de savoir ça veut dire quoi, pour vous, définir ce plan-là collectivement? Comment vous voyez cet exercice-là collectivement?

Mme Charbonneau (Émilie) : Bien, je pense que le gouvernement de la CAQ a souvent mis en place, par exemple, dans le cadre du Plan santé, des consultations pour être en mesure d'aller sonder les gens sur le terrain afin de construire ses plans stratégiques. Moi, ce que j'ai envie de dire, c'est : Continuons ces pratiques-là, puis rendons-les encore plus intégratives, c'est-à-dire, planifions, en amont, d'aller voir les acteurs, puis intégrons véritablement leurs commentaires, pour s'assurer, justement, que, collectivement, les gens adhèrent au plan. Tu sais, c'est souvent ça, hein, on consulte les gens, puis, par la suite, on fait un plan, puis les gens bien, ils ont été consultés un peu trop tard, donc ils n'adhèrent pas au plan, puis, finalement, bien, le plan, ils tombent à l'eau.

Moi, ce que j'ai envie de dire, c'est : Tentons de faire ce que vous faites déjà, c'est-à-dire consulter, mais consultons en amont, avec une véritable intégration des propositions qui sont faites, puis je pense que là, on peut trouver quelque chose d'intéressant pour construire un santé... reconstruire, en fait, j'ai envie de dire, un réseau de santé et de services sociaux vraiment public.

Mme Grondin : Puis, en fait, la question des GMF... Parce que moi, sur mon territoire, dans ma circonscription, 2 000 kilomètres carrés, 17 municipalités, dont 14 sont rurales, moins de 5 000 habitants, il y a un seul GMF. Et donc, là, si je comprends bien, l'ultime, là, le scénario idéal, c'est de ramener même les médecins dans les GMF — c'est ça que j'ai bien compris — vers le réseau purement public. C'est ça que je comprends. Comment on fait ça? Parce que moi, dans ma tête, ça demande aussi des investissements en termes de bâtiments, en termes de gestion, qui se rajoutent, là. Puis c'est ça que je veux bien comprendre, là : Est ce que, collectivement, on...

Mme Grondin : ...a les moyens de se rajouter ça, avec toutes les autres demandes qui sont faites, dans le cadre où on a déjà un budget... C'est... quoi, c'est 50 % du budget du Québec, là, qui est consacré à la santé. C'est ce que je me fais dire et demander, moi, dans mon... dans mon comté, donc je suis curieuse de vous entendre sur ça.

M. Comeau (Robert) : C'est sûr que, si on parle de bâtiments ou de lieux physiques, par exemple, bien, quand on fait les GMF, à mon avis, c'est déjà inclus dans leur forfait qu'on leur donne. On les aide à payer leurs locaux, on les aide à avoir ces infrastructures-là, donc on paie déjà, collectivement, des entreprises privées pour le faire. Moi, je crois qu'en rapatriant tout ça du côté du public, je pense qu'il n'y aurait pas tant de changements que ça dans les points de services. On continuerait quand même à donner des services à ce niveau-là, sauf qu'on aurait le plein contrôle des heures d'ouverture, on aurait plein contrôle des services qu'on donnerait à des professionnels qu'on y accole. Je pense qu'on a trop délégué certains pouvoirs avec le temps, certains... certaines responsabilités aux médecins propriétaires ou à des compagnies propriétaires au profit de l'organisation des soins collectifs.

Je ne sais pas si ma collègue veut ajouter...

Mme Charbonneau (Émilie) : Oui, mentionner... puis je suis sensible à ça, un seul GMF pour tout le territoire. Moi, j'avais envie de dire combien qu'on a d'hôpitaux puis de CLSC sur tout ce territoire-là puis comment qu'on pourrait répartir les médecins qui sont dans un seul GMF à l'intérieur des structures qu'on a déjà sur l'ensemble du territoire. Est-ce qu'il y aurait là une possibilité de réaménager les ressources?

Puis, tantôt, on disait : l'investissement. Mais moi, je vois ça, oui, un investissement, mais je vois ça comme un réaménagement, en fait, budgétaire. Tantôt, on mentionnait : il y a le budget pour la santé et les services sociaux, et il y a une enveloppe, dans le fond, pour qu'est-ce qui concerne la rémunération des médecins. Est-ce qu'il y a là quelque chose, un exercice financier à faire du côté d'agence Santé Québec? Je pense, c'est agence Santé Québec maintenant, là, qui va tout regarder, là, qu'est-ce qui concerne ce cadre-là. Il y a peut-être un air de changement là qu'on avait envie aussi d'aller voir.

Puis, quand qu'on parle de contrôle des ressources, bien, je pense... D'avoir une vision 360° d'où nos sous sont investis, puis comment qu'ils sont réinvestis sur le territoire puis s'assurer que l'investissement sur le territoire soit, justement, équitable, je pense que c'est important puis je pense que ça doit faire partie de l'accès public aux soins. Puis, moi, j'ai envie de se dire collectivement : Est-ce qu'on a les moyens de se priver d'un réseau public de santé quand qu'on sait combien ça coûte, une population qui n'a pas accès à ça?

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. M. le député de Pontiac, vous prenez le relais.

M. Fortin :Merci, M. le Président. Bonjour, M. Comeau, Mme Charbonneau et M. Plourde, merci d'être... d'être avec nous en cette fin d'après-midi. Là, si je vous ai bien entendue, Mme Charbonneau, là, vous avez dit quelque chose qui ressemblait à : Le projet de loi, il traduit une intention, mais la stratégie est à revoir. Donc, là-dessus, là-dessus, je suis d'accord avec vous, parce que, moi aussi... Le titre du projet de loi, je l'aime bien, là, la Loi favorisant l'exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux, mais pour ce qu'il y a dedans je ne suis pas convaincu encore.

• (18 h 10) •

Là, vous avez... En fait, non. Je vais... Je vais vous ramener au projet de loi comme tel, là. Est-ce que vous êtes de ceux qui pensez que le projet de loi, s'il reste comme ça puis on n'adopte pas les sept recommandations que vous avez, là... est-ce que vous pensez que ça va avoir un effet positif ou négatif, là, sur le réseau, ou pas du tout, là?

M. Comeau (Robert) : Bien, s'il y en a un, il sera très minime, là. On parle de quelques médecins qu'on vise. On est pour le principe, mais on ne peut pas vous recommander de l'adopter tel quel, selon nous, parce que la portée, là... C'est beaucoup d'énergie dépensée, beaucoup de travail parlementaire pour arriver à peu de résultats, alors qu'on pourrait proposer quelque chose qui aurait un impact plus durable.

M. Fortin :O.K. J'apprécie.... J'apprécie votre... votre position, c'est très clair. Je veux juste... Vous avez... Vous avez quand même fait une analyse que j'avais... qu'on avait, je ne crois pas, entendue jusqu'à maintenant sur les médecins qui choisissent de se désaffilier. Tu sais, vous êtes retournés voir le bottin des médecins puis des résidents, puis là vous avez... vous avez fait un graphique puis un portrait, puis vous nous dites : Ce n'est pas nécessairement les jeunes médecins, là, c'est des médecins plus expérimentés, disons, pour ne pas faire d'âgisme, comme le ministre l'a dit, les médecins d'expérience qui choisissent de se désaffilier.

Est-ce que... Moi, je ne haïrais pas ça avoir le data derrière tout ça, là. Est-ce que vous avez... est-ce que vous avez quelque chose à... Si vous avez quelque chose à nous partager, moi, je le prendrais, parce que cette analyse-là me semble particulièrement importante quand on propose une pièce législative qui touche les jeunes. Il y a-tu... il y a-tu quelque chose d'autre que vous avez remarqué dans cette...

M. Fortin :...analyse-là, à part dire : Bien, ce n'est pas vraiment la cible à laquelle on s'en prend, là, qui est l'enjeu, là?

M. Comeau (Robert) : Je vais laisser mon collègue Guillaume faire un bout sur ça, c'est lui qui a travaillé derrière toute la présentation, en termes de chiffres.

M. Plourde (Guillaume) : Merci, Robert. Merci à tous. Oui. En gros, on... je pense qu'on... bien, on l'a expliqué, là, on a croisé des données, là, soit celles du CMQ et de la RAMQ, puis dans le fond, ce qu'on est capables de faire, c'est d'aller voir la date d'émission des permis sur le Collège des médecins du Québec, ça fait que l'année où les médecins finissant leur résidence ont leur permis comme membres complets, là, en termes de pratique médicale, puis, à partir de la liste des non-participants de la RAMQ, on est capables d'aller isoler à peu près, là, le nombre de personnes qui seraient théoriquement couvertes par ce projet de loi là, là, qui n'ont pas cinq ans de pratique dans le réseau, puis c'est à l'aide de tout ça puis de cette méthodologie-là, là, qu'on est capables d'aller identifier à peu près, là, le nombre exact par année, là, de gens qui se sont désaffiliés à ce niveau-là.

Puis dans le fond, ce qu'on émet, c'est un peu une hypothèse, là, puis à vrai dire ce qu'on remarque aussi dans le graphique, ce qui nous apparaît le plus intéressant, c'est les années auxquelles on semble arriver à un plateau tout le temps de plus en plus élevé de désengagement et, bien, de non-participation chez les médecins. Si vous le regardez, ces années-là correspondent à chaque fois où on a une annonce ou l'année... l'entrée d'une nouvelle réforme dans le réseau de la santé.

Ça fait que pour nous, il y a peut-être quelque chose là, là, à explorer, là. Il faudrait demander directement aux médecins qui se sont... bien, qui ont arrêté leur participation si ce genre de réformes là était... a motivé leur départ. Selon nous, ça serait une avenue peut-être plus intéressante à analyser.

M. Fortin :Très bien. Ça va pour moi, M. le Président. Je vous... Merci à vous trois.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de La Pinière.

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, merci pour votre présentation, tous les trois. J'aurais... Bien, je pense qu'on a... mon collègue a fait le tour, là, pour ce qui est de votre position globale par rapport au projet de loi.

J'aurais une question quand, dans votre recommandation 5, en fait, pour la rémunération... non, plutôt la 4, dans le haut de la page 10, vous dites : «Aller au bout de cette logique impliquerait de revoir le statut de professionnel médical et d'en faire des salariés de l'État au même titre que les autres professionnels du réseau, en leur accordant les mêmes droits à la syndicalisation et les mêmes mécanismes de convention collective qu'aux autres catégories d'emploi.»

Et ça me fait penser à une discussion que j'ai déjà eue avec des membres de... en fait, de... des psychologues de Montérégie, dans ma région, et ce sont des psychologues qui souhaitaient rester dans le réseau public, parce que c'est intéressant de travailler en interdisciplinarité, sauf que dans le haut de l'échelle... bon, ça a peut-être changé un petit peu avec les dernières négociations, mais, au haut de l'échelle, les psychologues, qui ont tout de même fait un doctorat, étaient payés 58 $ de l'heure, moins que leur plombier, en tout respect pour les plombiers, et... me disaient : Bien, moi, je n'ai pas le choix. Si je veux payer mon loyer à la fin du mois, il faut que j'aille faire quelques heures dans le privé à 150 $ de l'heure. Alors, l'écart est tellement grand... Puis, dans le cas de ces professionnels-là, si on les ramenait dans le réseau en en faisant des salariés, par exemple, ils auraient... ou bien ils vivraient chichement, ou bien il faudrait qu'il y ait une augmentation de leur rémunération quand même assez importante. Est-ce que vous partagez cette analyse-là, disons?

Mme Charbonneau (Émilie) : Oui. Bien, en fait, c'est drôle, parce que, quand on parle de public, nécessairement, on dirait qu'on associe ça à «perte de salaire». Donc, tu sais... Puis moi, je vous dirais que dans le cadre actuel, ce qu'on mentionne dans la recommandation 5, c'est «que le gouvernement revoie la formule de rémunération des médecins pour favoriser l'exercice de la médecine dans les établissements publics». Donc, qu'est-ce qu'on mentionne, c'est revoir le cadre avec des normes, avec une discussion avec les gens qui sont concernés. Puis qu'est-ce qu'on a mentionné aussi, c'est qu'on dit : Pourquoi ne pas aller... — puis c'est bon aussi pour les psychologues. Comme vous le mentionnez, c'est une problématique, l'exode vers le privé — bien, toute la question d'avoir un incitatif pour aller au public, que le public soit un milieu de travail attrayant? Donc, tu sais, je pense, c'est le fond, dans le fond, de nos recommandations...

Mme Charbonneau (Émilie) : ...ailleurs. Donc, tu sais, je pense, c'est le fond, dans le fond, de nos recommandations, c'est s'assurer que le réseau public soit un réseau attrayant. Puis là, bien, un réseau attrayant... On a parlé d'infrastructures, on a parlé de personnel adéquat pour s'assurer d'une qualité de soins, puis, effectivement, on parle du cadre de rémunération, puis je pense que ça, bien, c'est quelque chose qui doit être négocié, nécessairement. Mais je pense que, comme on l'a mentionné, puis... à plusieurs égards, l'incorporation amène certaines problématiques, dont, pour nous, une accentuation vers le privé.

Ce qu'on dit, c'est : Assurons nous que nos médecins aient des bonnes conditions au public, puis des bonnes conditions, c'est des conditions salariales, c'est des conditions au niveau des infrastructures pour donner leurs soins, c'est des conditions, aussi, au niveau du personnel avec qui ils donnent ces soins-là. Ça fait que moi, je pense qu'il faut le voir plus dans une perspective non pas de dire : le public, c'est une baisse de salaire, mais de voir le public comme un milieu attrayant, qui permet, dans le fond, d'avoir une reconnaissance, en fait, de l'expertise de l'ensemble des professionnels, que ce soient nos médecins, au niveau du doctorat, de la... tu sais, des études qu'ils ont faites, que ce soit au niveau des psychologues. On l'a toujours bien portée, cette revendication là, s'assurer de la reconnaissance, dans le fond, de la scolarité de nos professionnels, puis on va... c'est une recommandation qu'on va continuer à porter, ça, c'est sûr et certain, peut-être pas ici, mais c'est sûr et certain qu'on a... Aux tribunes qu'on peut le faire, c'est une revendication qu'on continue de porter.

M. Comeau (Robert) : Et aussi, le gouvernement a annoncé une réforme du régime de négociation aussi pour tous les employés de l'État, sous prétexte de la moderniser, ce qui est une bonne chose. On pourra toujours se reposer des questions. Alors, on pourra se reposer des questions aussi sur le régime de rémunération des médecins, qui date aussi du début des années 70, avec un comité d'experts qui vont se pencher surtout à voir comment on peut l'améliorer, comment on peut le rendre plus attractif pour qui vient dans le réseau public. Alors, c'est dans ce cadre-là. On n'est pas des experts, mais je pense que des experts pourraient se prononcer sur ça, puis formuler des recommandations aux autorités.

Mme Caron : Merci beaucoup. Est-ce que le temps est écoulé ou est ce que...

Le Président (M. Provençal) :Le temps est écoulé.

Mme Caron : Merci.

Le Président (M. Provençal) :J'ai laissé aller pour que vous puissiez avoir votre réponse. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être là. Honnêtement, je n'ai pas grand-chose, beaucoup de questions à vous poser parce que j'ai l'impression que vous ajoutez une brique à un édifice qui commence à prendre de l'altitude, là, et puis qui va pas mal dans la même direction, c'est-à-dire qu'il n'y a pas grand-monde qui vient nous dire qu'il faut adopter ce projet de loi là dans sa forme actuelle, s'ils ne disent pas carrément qu'il ne faut pas du tout ce projet de loi là. C'est ce que je comprends de votre recommandation 3. Donc, je pense que je n'aurais pas trop, trop de questions là-dessus. Quant à vos membres à l'APTS de la catégorie 4, peut-être que je me trompe, mais j'ai l'impression que ce n'est pas nécessairement la catégorie où l'on drague le plus de monde vers le privé. Est-ce que je me trompe?

• (18 h 20) •

M. Comeau (Robert) : Il y en a quand même plusieurs. C'est juste que c'est en moins grande quantité parce qu'on représente plusieurs types d'emplois, et de moins grosse envergure. Je donne un exemple très concret, M. le député. Sur l'imagerie médicale, il y a des... carrément des radiologues qui viennent voir des technologues ou ils se parlent entre radiologues de c'est ce qui tes bons éléments dans l'établissement que je pouvais aller recruter pour ma clinique. Alors, on prend les technologues, on les envoie à la clinique. On n'a pas plus de technologues, on n'a pas plus de radiologues. Et en ce on se dispute un peu les ressources dans les deux. Mais par contre, on a des appareils qu'on paie publiquement dans les établissements de santé, des résonances magnétiques à plusieurs millions qui fonctionnent un quart de travail par jour, tandis que dans le privé, bien, on a un quart de jour puis on est capable de voir le quart de soir alors qu'on paie collectivement ces deux systèmes d'appareils là.

Donc, pour nous, il y a quand même un gaspillage important de ressources financières à ce niveau-là. Je donne l'exemple de l'imagerie médicale, mais ça se voit dans d'autres domaines également. Mais oui, en a de la pratique privée, de plus en plus, je vous dirais, mais on le voit moins parce que c'est moins des gros groupes, mais ça vient toucher quand même pas mal de nos types d'emplois.

M. Marissal : Est-ce que la catégorie des travailleurs/travailleuses sociales est touchée par ça?

Mme Charbonneau (Émilie) : Oui. Bien, en fait, on a de plus en plus de travailleurs sociaux, de travailleuses sociales qui décident d'aller au privé, notamment pour l'ouverture de régimes de protection, la psychothérapie. Dans des cliniques aussi, de plus en plus, on voit des cliniques de multiprofessionnels où on a un travailleur social, un ergothérapeute, un physiothérapeute. Donc, de plus en plus, on se retrouve aussi avec... Dans le fond, nous, ce qu'on a beaucoup, Mme la députée de Labelle a mentionné précédemment la question de la pratique mixte, on a beaucoup de gens qui travaillent au public avec leur cœur aussi, beaucoup, et au privé aussi, comme elle l'a mentionné, des fois, c'est pour des questions financières, mais aussi des questions de santé mentale. Parce que la charge des cas au niveau du public est très lourde. La comorbidité qu'on va retrouver tant sur la santé...

Mme Charbonneau (Émilie) : ...physique que sur la santé mentale. C'est une lourde charge à porter pour nos intervenantes puis nos intervenants de tous azimuts. Donc, beaucoup se disent : Bien, je vais continuer au public parce que c'est important, parce que je pense que le réseau public doit survivre, mais pour survivre moi-même, j'ai besoin d'aller me retrancher au privé parce que, sinon, je n'y arrive plus.

M. Marissal : Merci.

Le Président (M. Provençal) : Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci, Mme Charbonneau, Messieurs Comeau et Plourde. Votre première recommandation, vous dites de changer l'approche. Moi, je lis là-dedans que le projet de loi fait fausse route. Est-ce que je conclus trop vite que ce n'est pas la bonne pièce législative ou les bons outils pour arriver à nos objectifs?

Mme Charbonneau (Émilie) : Bien, en fait, c'est que le gouvernement, à l'heure actuelle, il a les outils législatifs pour cibler davantage ce qu'ils souhaitent. On l'a mentionné à la recommandation 3, c'est-à-dire que le ministre renonce à légiférer sur la... que le ministre renonce à légiférer sur la participation obligatoire des médecins à la RAMQ et utilise plutôt les articles 30, 30.1 et 30 de la Loi sur l'assurance maladie, qui ont dans l'esprit de dire que le gouvernement peut légiférer par décret ou par règlement le fait que, s'il considère qu'il n'a pas les ressources nécessaires pour donner les soins, bien, il peut... il peut s'assurer que les professionnels reviennent au public pour les donner. Donc, il y a là quand même un premier outil législatif à sa portée, qui n'est pas encore utilisé.

M. Arseneau : Plusieurs ont évoqué cette possibilité-là comme si c'était le premier geste à poser, en attendant d'aller plus loin et vraisemblablement de légiférer. Ceux qu'on a entendus juste avant vous, c'est un peu ce qu'ils disaient : On peut utiliser tout de suite l'article 30.1, notamment sur la Loi de l'assurance maladie, ce qui n'exclut pas de légiférer. Vous, vous dites : Il ne faut pas légiférer, mais il faut aller avec les articles 30, 30.1 et 31. Est-ce que ça veut dire que vous ne souhaitez vraiment pas qu'on légifère, puis que cette mesure-là qui serait mise en place par décret ou autrement, elle deviendrait un genre de moratoire, puis ça pourrait demeurer ad vitam aeternam? Est-ce que ce n'est pas une mesure temporaire, ça? Le temps que ça va... que ça va mal, est-ce qu'il ne faut pas une mesure plus profonde pour véritablement redresser le système de santé public?

Mme Charbonneau (Émilie) : Oui, je pense qu'il faut... qu'est-ce qu'il faut retenir, c'est renoncer à légiférer sur la participation. Tu sais, c'est l'obligation. Nous, c'est la coercition derrière l'obligation pour des jeunes médecins de pratiquer cinq ans. Tu sais, je pense...

M. Arseneau : Ah, je comprends.

Mme Charbonneau (Émilie) : ...je pense, c'est là qu'on rate la cible.

M. Arseneau : Oui, d'accord.

Mme Charbonneau (Émilie) : Donc, la question du moratoire, la question d'utiliser les articles, moi, je pense, c'est des gestes forts pour annoncer, justement, une attention. Puis, par la suite, bien, retourner en consultation auprès des acteurs concernés pour avoir une législation, je pense, qui est porteuse et où les gens il y adhèrent, en fait.

M. Arseneau : Je voudrais vous entendre, ça va être ma dernière question parce que je manque de temps, le Collège des médecins, notamment, a mentionné qu'on devrait suivre l'exemple de l'Ontario puis empêcher le statut... abolir essentiellement le statut de non-participant. À défaut de quoi, bien, il dit : Si vous allez de l'avant en interdisant aux médecins de pratiquer au privé pour les cinq premières années, vous devriez étendre la mesure aux autres membres du personnel de la santé. Comment vous réagissez?

Mme Charbonneau (Émilie) : Oui. Bien, en fait, première chose, moi, j'ai envie de dire : Le projet de loi, actuellement, s'adresse sur les médecins. Si on veut parler des autres professionnels, je pense que c'est un autre débat. Comme vous avez mentionné : Est-ce que la... tu sais, la législation, elle est aboutie? Je ne crois pas. Je pense qu'on est dans un premier jalon, dans une première intention. Donc, sur la fin de la question, je répondrais comme ça, en commençant par la fin. Puis, si on retourne sur le début, c'est que ça ne cible pas beaucoup de médecins. En fait, sur trois ans, on a environ une trentaine de médecins qui sont... qui sont ciblés par cette mesure-là. On disait 15 %. Donc, puis on... la masse critique, elle est sur les médecins plus vieux. Donc, on va se retrouver dans un réseau public avec des jeunes, mais pas de mentor. Donc, nous, notre question c'est : Comment de s'assurer de rejoindre le tout puis s'assurer que nos médecins un peu plus vieux, qui ont quitté, ont envie de revenir pour que ça redevienne un milieu qui est attractif puis où que l'expertise se partage également? Ça fait que, je vous dirais, d'avoir un projet de loi qui n'est pas ciblé sur l'âge, mais plus sur une intention du public, où tous et chacun sont ciblés à différents niveaux, avec des mesures structurantes et attrayantes, je pense qu'on ciblerait... on atteindrait, de manière beaucoup plus efficace, la cible de réseau public de santé et de services sociaux.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Merci. On va passer au député de Saint-Jérôme.

M. Chassin :Alors, merci. Merci à vous. Alors, je suis le dernier. Ça achève. Je voudrais voir avec vous parce que la CSN a parlé, puis...

M. Chassin : ...qu'effectivement il peut y avoir un peu de ça, là, mais la CSN a parlé du fait que, dans les soins de santé, il y a presque une chaîne de montage, là, où on essaie de découper chaque... chaque geste, qu'on chronomètre et qu'on essaie de tayloriser en quelque sorte, là, la recette, puis que c'est assez mécanique que ça manque peut être un peu de chaleur humaine. Puis je faisais le lien, je pense, M. Comeau, que vous parliez, quand on a, par exemple, le privé qui vient te rôder autour puis qui te dit : Ah! Bien, sais-tu que tu es bon technologue en laboratoire? Bien, j'ai un peu l'impression que, des fois, les professionnels de soins, parce que c'est des métiers qui sont variés, complexes, qui demandent de pouvoir entrer en relation avec des patients parfois en détresse, des fois c'est la rigueur de mener par exemple des analyses. Il y a tellement une variété que, bien, les professions ne sont pas toutes équivalentes, tu sais. Est-ce que vous avez le sentiment que dans, peut être, tu sais... Puis là je ne sais pas toutes les conventions collectives, là, les directives ministérielles et les corps d'emploi, tout ça, est-ce qu'on a cette souplesse-là, cette agilité-là au public pour prendre en compte les différents... les différents profils, les différentes personnalités? Moi, j'apprends avec vous, hein?. Je pose une question sincère.

M. Comeau (Robert) : Oui, oui. Je... Ce n'est pas simple, particulièrement la catégorie 4 que nous représentons. C'est au-dessus d'une centaine de types d'emploi. C'est sûr que ce n'est pas uniforme, ce n'est pas homogène. C'est clair. Je pense que vous l'avez bien illustré. Les gens sont quand même... La ligne générale autour de ça, je vous dirais que les gens sont... On se pose vraiment la question pourquoi les gens désertent le réseau? C'est vraiment la question centrale qui touche pas mal tout le monde. Puis la réponse, si tu veux, elle est vraiment dans tous les sens. Ça peut aller à la non-reconnaissance de leur autonomie professionnelle par le minutage entre autres que vous avez dit tantôt. Alors, pourquoi qu'on ne se fie pas sur ma capacité d'évaluer les cas pour pouvoir décider de la suite des choses? Ça fait qu'on vient normer les choses. Ça peut aller du côté... Bien là, j'ai signé une convention collective, on ne me paie pas mes primes actuellement. Ça fait quatre mois qu'on est supposé payer mes primes, on ne les paie pas. Alors ça aussi, ça me... Ça me décourage de participer dans le réseau public. Ça ne fait pas une bonne presse non plus. On est obligés de la décrier. Donc, ça va vraiment de tout bord, tout côté. Est-ce que tout va mal? Je ne crois pas. On a eu quand même des très bons succès dans le réseau public de santé et des services sociaux. J'en suis... Ça, c'est clair. Puis M. le ministre en a nommé tantôt. Donc...

M. Chassin : La satisfaction est... Quand on est soigné.

M. Comeau (Robert) : Ah! Clairement.

M. Chassin : Clairement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : C'est terminé, M. le député de Saint-Jérôme. Alors, je veux remercier M. Comeau, Mme Charbonneau et M. Plourde pour leur participation. Premièrement, leur contribution à notre projet de loi. Merci beaucoup et je vais suspendre les travaux pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup...

(Suspension de la séance à 18 h 30)


 
 

18 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 18 h 32)

Le Président (M. Provençal) :Alors, je souhaite la bienvenue au docteur Sasha Dubrovsky. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous aurons notre échange avec les membres de la commission. À vous la parole, monsieur.

M. Dubrovsky (Sasha) : M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente, Sasha Dubrovsky, urgentologue pédiatrique et cofondateur chez UP Centre d'urgences pédiatriques et soins spécialisés.

J'ai commencé mon cheminement à McGill il y a 30 ans et j'ai débuté ma carrière de médecin en 2009 à l'Hôpital de Montréal pour enfants. Mon parcours académique a débuté en recherche, notamment sur l'intégration des technologies et comme collaborateur sur des études multicentriques avec plus de 40 publications. J'ai ensuite mené des projets visant à promouvoir une culture où la transparence et l'écoute sont la norme, tant entre professionnels qu'avec les patients et leurs familles. En 2013, j'ai cofondé le bureau de qualité et amélioration continue de l'hôpital, établissant non seulement une culture ancrée dans les principes de Lean Six Sigma, qui visent à simplifier et optimiser l'expérience patient, mais initiant la transformation numérique permettant le développement d'outils BI.

Sur côté personnel, j'ai rencontré ma femme, infirmière en oncologie, devenue professeure à McGill, Sandy Larouche, ici avec moi, avant même d'entrer en médecine. Sandy a travaillé à créer une culture où les familles sont au cœur des soins et où le travail d'équipe et la multidisciplinarité fait toute la différence. En 2015, l'un de nos trois garçons, Zachary, a développé l'épilepsie réfractaire. Cela nous a confrontés directement aux défis des patients et de leurs proches. Chacun de vous peut imaginer le fossé dans lequel je me trouvais. En tant que parents, malgré notre connaissance du système, Sandy et moi avons dû nous battre pour que Zachary reçoive les soins qu'il méritait. Chaque professionnel était extraordinaire, mais pas le système. On ne se sentait pas toujours comme des véritables partenaires dans ses soins. En tant que médecin, j'ai été frappé de constater à quel point notre système de santé, par sa propre complexité, contribue lui-même à sa douleur. J'ai ressenti qu'il était essentiel à la fois de simplifier les trajectoires et renforcer la confiance dans nos finissants pour qu'ils puissent soigner les enfants tout en tenant compte de la complexité des soins pédiatriques.

Maintenant, en tant que leader médical, j'ai constaté l'impact de défaillance du système sur la qualité des soins et l'épuisement des équipes médicales. Nos professionnels recherchaient un environnement humain et performant, mais une culture de frustration s'est installée. Les patients ambulatoires dans nos urgences par exemple, souvent classés les P4, P5, attendent des heures, perçus comme un fardeau, alors qu'ils n'avaient d'autre choix. Derrière ces attentes, des Québécois inquiets, des patients qui méritent mieux, une faille injuste qui culpabilise les familles et qui s'épuise les médecins.

J'ai donc passé en mode action avec mon mentoré, Dr Mher Barbarian, qui venait tout juste de finir son fellowship et refusait d'abandonner le Québec. Ensemble, notre but était d'améliorer l'accès à la médecine d'urgence pédiatrique, retenir nos talents et bâtir un modèle structurant déployé au-delà des hôpitaux traditionnels. Nous avons donc conceptualisé un tout nouveau modèle de services destiné aux enfants. Soucieux de la découverture et armés du désir de répondre aux besoins criants des couronnes sud et nord de Montréal, nous avons soumis un modèle permettant d'offrir d'accès... d'offrir un accès fiable à proximité.

Soigner les enfants au Québec lorsqu'ils sont malades ou blessés est une responsabilité collective. Nous devons garantir qu'ils reçoivent les soins qu'ils méritent avec une prise en charge rapide, équitable et gratuite. Et c'est ce que le réseau UP offre. Nous sommes ouverts 7/7, 12 heures par jour, 365 jours par année, prenant soin plus de 120 000 urgences chaque année. Nous traitons en chacun de nos sites, en 12 heures, un volume de patients comparable à celui que Sainte-Justine prend en charge en 24 et, dans plus de 95 % des cas, nous le faisons avec une prise en charge en moins de 90 minutes...

M. Dubrovsky (Sasha) : ...dans nos calculs conservateurs, nous avons économisé 360 000 heures par année pour les parents québécois. Nos résultats contribuent à libérer de la capacité dans les hôpitaux et dans les GMF régionaux, puisque 88 % de ces visites proviennent des régions desservies par Up, leur permettant de mieux concentrer sur leur mission. Avec plus de 40 % de nos visites durant les heures défavorables, nous contribuons à désengorger les urgences au moment où les parents sont les... les besoins des parents sont les plus grands.

Nous simplifions les trajectoires grâce à la médecine ambulatoire et des parcours optimisés. Par exemple, nous évitons les doublons et les visites inutiles aux urgences en favorisant des admissions directes en pédiatrie lorsqu'il est nécessaire. Avec le but de renforcer la capacité et la confiance aux soins pédiatriques dans l'ensemble du réseau public, nous avons déjà contribué à la formation de plus de 500 médecins et infirmières au Québec. Et, le plus important, c'est le taux de satisfaction des parents. Nous vous invitons à aller consulter les milliers d'avis sur les réseaux sociaux. Les parents écrits les commentaires comme : Ça redonne espoir que la santé au Québec peut être fonctionnelle. Il faut prendre la recette Up et la répliquer partout au Québec.

Les gens apprécient notre service, notre rapidité, mais surtout la chaleur de nos installations où tout est pensé pour que les enfants s'y sentent bien. Si vous devez consulter, vous verrez un environnement moderne, accueillant, centré sur les besoins des patients et leurs familles, où les soins sont fluides, efficaces et bienveillants. Vous verrez une équipe dédiée et souriante, travailler en synergie dans un cadre multidisciplinaire.

Les principes... et l'expérience patient sont nos leviers clés d'innovation managériale. Cette approche nous rend extrêmement résilients et agiles. Elle nous permet d'analyser en continu la performance de nos installations pour détecter et éliminer les irritants dans les trajectoires de soins. Notre modèle a fait ses preuves en termes de résultats, mais également concernant l'implantation dans son milieu. Et je le nomme d'emblée, sans la collaboration et l'intégration avec le CISSS Montérégie-Centre et le CISSS des Laurentides, le Centre Up n'existerait pas. Nous sommes d'ailleurs inclus dans les tableaux de bord ministériels, ce qui assure un alignement stratégique. Up connaît un important succès de recrutement et de rétention des infirmières et des médecins au Québec. Plutôt que de concentrer leur carrière dans les hôpitaux urbains, ils s'engagent en banlieue, y compris sur des plages horaires défavorables et oeuvrent avec dévouement pour garantir des soins accessibles, performants, humains, universels et gratuits pour tous.

• (18 h 40) •

Le principe même du projet de loi n° 83 est le principe qui nous porte, celui à l'accès aux soins gratuits. Ce projet vise à instaurer l'obligation pour les nouveaux médecins de rester dans le système public et au Québec, ce qui est compréhensible. Je vois cela comme un signal pour recentrer le système vers le public, une orientation à laquelle j'adhère pleinement. Je suis résolument pour le réseau public. Dans ma vision idéale et peut-être romantique, je crois déjà que tous les médecins du Québec tiennent profondément à exercer dans le système de santé publique québécois. Ils rêvent aussi d'un système de santé qui leur permet de prodiguer des soins de qualité, les soins qu'ils... les rêves qu'ils ont commencés même bien avant de postuler en médecine. Je crois à un leadership fondé sur des principes où des orientations claires guident l'action. À mes yeux, un excès de règles engendre complexité et frustration et peut parfois aggraver le problème au lieu de le résoudre. Faire confiance aux équipes terrain, c'est leur donner la liberté... d'exécuter efficacement, tout en les rendant imputables des résultats. Les médecins au... ont choisi ce cadre, faute d'option adaptée dans le réseau public. Pour les attirer, les motiver, les retenir, des modèles comme Up sont essentiels. Notre rétention est élevée et notre attrait est fort. Plusieurs médecins ontariens rejoindraient Up si un centre ouvrait à Gatineau, et nous recrutons partout au Canada.

Nous comprenant que toute réforme en santé soulève des débats sur le rôle de secteur privé. C'est pourquoi nous invitons les membres de la commission parlementaire à bien distinguer les services intégrés à la RAMQ et ceux qui ne le sont pas. Notre modèle, sans être une panacée, est un levier clé pour renforcer le réseau. En conclusion, Up contribue à un accès rapide, équitable et gratuit. Nos services rassurent...

M. Dubrovsky (Sasha) : ...assurent les familles et optimisent l'utilisation des ressources publiques. Nous sommes la preuve qu'un partenariat public-privé structurant et pérenne peut bénéficier à tous dans une gouvernance respectant l'intérêt public. Pour mon fils Zacharie... transformer son expérience et celle de notre famille. Et nos enfants méritent un réseau public fort. Et c'est avec cette conviction que je vous remercie pour l'opportunité de contribuer aux discussions sur son avenir. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. M. le ministre, c'est à vous la parole.

M. Dubé : Écoutez. Non seulement vous êtes bon dans des urgences, réussi ça en 10 min 4 s. Alors, c'est quand même assez impressionnant, là. Vous êtes habitué de répondre aux délais. À double sens, si ce n'est pas à triple sens, je dirais que vous êtes notre dessert aujourd'hui, hein? Et je veux d'emblée vous dire, et vous... Et à vous, Dr Dubrovsky et votre conjointe, comment vous avez été visionnaire. Parce que je pense que les Québécois... Puis je suis content d'avoir entendu quelques statistiques que vous venez de me... Mais j'aimerais les reprendre pour les mettre en perspective. Premièrement, quand vous dites que dans vos deux cliniques UP, là, d'urgence pédiatrique, c'est de là que vient le nom UP, si j'ai bien compris, plus de 60 000 visites par année pour chacune des deux cliniques et à Brossard et à Saint-Eustache. Juste pour mettre ça en perspective, là, Sainte-Justine, c'est à peu près 80 000 visites à l'urgence pour les enfants. C'est quand même quelque chose, là. Et ça vous a pris moins d'un an, je pense, pour monter Saint-Eustache? Alors, je veux juste qu'on se comprenne, comment c'est un tour de force, ce que vous avez réussi à faire. Puis je pense que... En tout cas, moi, j'ai rencontré plusieurs fois des patients à vos deux cliniques, je pense que le taux de satisfaction est très élevé.

J'aimerais en profiter parce que, tu sais, on a discuté privé-public, privé-privé. Vous, vous êtes vraiment... Quand je dis vous, vous et vos collègues, on est vraiment dans le modèle privé d'ownership de la clinique, hein, mais on est au niveau public pour la question d'être capable de payer avec sa carte de RAMQ. Je veux qu'on se comprenne bien, là. Donc, vous êtes... En fait, je vais le dire poliment, là, pour... parce que les gens ne connaissent pas encore trop bien ce système-là, mais c'est une grosse GMF. Puis je le dis... ce n'est pas négativement, là, mais c'est un peu comme nos 400 GMF. Vous recevez une contribution de base, mais après ça, vous... vous payez votre loyer, etc., et vous... Les gens qui viennent vous voir... Moi je... Je vous... J'aimerais en profiter pendant juste quelques minutes pour vous demander, un peu comme on demanderait au colonel Sanders, c'est quoi la recette de votre succès? Parce que... Puis là, je ne peux pas m'empêcher de penser à mon collègue député de Pontiac, quand on parle de prise en charge, prise en charge à l'urgence.... Puis là vous allez me dire... Vous êtes un système de rendez-vous, là, mais j'aimerais ça que vous nous l'expliquiez, 90 % du temps, vous êtes capable d'être à l'intérieur de 90 minutes à la prise en charge. C'est bien ça, hein? Moi, je rêve de ça dans toutes nos urgences. Un jour, peut être qu'on verra ça, là, mais... C'est pour ça que je le mentionne parce que vous connaissez M. le député de Pontiac, il en parle au moins une fois par semaine. Ça fait qu'au moins je veux lui montrer qu'on en a au moins deux. On en a au moins deux qui sont déjà rendus là. Mais est-ce que c'est... Qu'est-ce qui fait la différence? Parce que tout à l'heure, c'était fascinant. Puis moi j'ai... Est-ce que c'est le fait que c'est un système de rendez-vous? Vous avez l'accès adapté. C'est quoi le pourcentage de rendez-vous que vous prenez versus les sans rendez-vous? Le fait que vous avez des heures défavorables, c'est assez incroyable. Vous êtes ouverts sept jours semaine. Moi, j'ai des GMF qui ne sont pas ouverts sept jours semaine. Ça fait que c'est quoi la recette du... du Dr Dubrovsky?

M. Dubrovsky (Sasha) : C'est... Il faut reculer un petit peu en arrière pour répondre à cette question. Moi, quand je vois les patients attendre, attendre aux urgences, ils viennent, ils ont des inquiétudes puis ils ne savent pas où aller. Ils appellent leur médecin, ils appellent télésanté. Ils peuvent faire plein de choses avant de se présenter aux urgences. Et après, ils attendent. Nous, ce qu'on a décidé de faire, c'est de regarder la perspective patient et dire : Pourquoi ils arrivent chez nous en mode combattant, sans savoir quand est-ce qu'ils vont avoir une prise en charge? Donc, on a dit : on va...

M. Dubrovsky (Sasha) : ...essayer de... simplifions le procès, la trajectoire pour les enfants et les parents quand ils ont des problèmes urgents semi-urgents. So, leur enfant casse leur bras, où aller? On a créé une... Et on a dit : À Montréal, il y a deux bons centres tertiaires pour les enfants et, en région...

M. Dubé : Là, on parle de Saint-Justine puis du Children's?

M. Dubrovsky (Sasha) : Saint-Justine et... Children's.

M. Dubé : Les deux. O.K.

M. Dubrovsky (Sasha) : Ils sont très bons. Et on avait une...

M. Dubé : Sur l'île?

M. Dubrovsky (Sasha) : Sur l'île. Mais... On parle souvent de l'équité des soins. Et, sur l'île, on avait à l'époque à peu près 30 % des patients qui venaient de loin. Maintenant, venir de loin avec un bras cassé et une crise d'asthme, c'est beaucoup de stress. So, on a regardé cette perspective, cet angle, on s'est dit : O.K., comment est-ce qu'on peut améliorer ça? Alors, on va dire... on va amener les ressources à proximité. À l'époque, il y avait des urgentologues pédiatriques formés dans notre province à beaucoup plus nombre que maintenant et, faute des postes, complexité PEM et des PREM, il y avait une opportunité d'utiliser notre spécialité, qui est relativement nouvelle, qui est relativement jeune, et de l'amener à proximité, et de développer un nouveau service, un. Deux, on avait créé le réflexe où les parents vont dire : J'ai une urgence, je vais... Ils sont tous très modernes, les parents, maintenant, de plus en plus technos que moi. On va prendre le rendez-vous et on va venir à notre rendez-vous. Et nous, on engage à les voir dedans une...

M. Dubé : ...combien de pourcentage de rendez-vous, 80 %, 90 %? C'est quoi, là?

M. Dubrovsky (Sasha) : So, quand on a commencé, on a commencé avec 90 % des rendez-vous en... en système, les 10 %, on a gardé le peut-être qu'un parent avec un enfant qui saigne ne va pas être capable de clavarder. So, on voulait être humain, on ne voulait pas qu'un parent doive venir en mode combat. So, on a dit : On va... Ils vont venir et on va les accepter. À cause qu'on a un système informatisé, à cause qu'on est basé sur des principes Lean Six Sigma qui... regardant les données à toutes les heures, on a commencé à savoir... bien, la... «the unpredictable is predictable», on peut prédire l'imprévisible. Et les parents... On le sait tous, les volumétries à Saint-Justine, à l'hôpital d'enfants à Montréal. Dans toutes les urgences du Québec, les enfants vont se présenter entre 8 heures et 10 heures, ça commence, et, vers 5 heures et 6 heures après la garderie, ils vont à leurs activités, ils font de la fièvre persistante, ils se cassent les bras, ils arrivent dans nos urgences entre 6 et 8 heures le soir. So, on s'est dit : On va être... On va garder la capacité pour cette clientèle-là le soir et on va essayer de balancer les choses qui peuvent peut-être être plus par rendez-vous et nos rendez-vous ouvrables tout le 24 heures. So, on offre des plages, c'est... les parents prennent au fur et à mesure.

• (18 h 50) •

M. Dubé : O.K. Donc, ce qu'on appelle le principe adapté, là, pour être capable d'avoir le plus de rendez-vous de disponibles pour le lendemain ou le surlendemain et non d'avoir préparé toute la semaine au complet, là, si je comprends.

M. Dubrovsky (Sasha) : Et...

M. Dubé : Et, les heures d'ouverture de fin de semaine, là, parce que je veux... je veux comparer aux autres modèles privés, publics, là, le fait que vous êtes... Redites-moi, là, pour nous faire rêver un peu, combien d'heures par jour vous êtes ouvert puis combien de jours-semaine.

M. Dubrovsky (Sasha) : So, on s'est basé sur un modèle sept jours sur sept, 12 heures par jour d'opération, voulant dire... les parents peuvent prendre des rendez-vous entre huit et huit, 365 jours par année, peu importe. Les opérations, quand les parents rentrent à 8 heures, ça prend encore 1 heure, 1 h 30 min à les soigner. So, on est opérationnel pour un 13 h 30 min par jour.

M. Dubé : 13 h 30 min. Puis juste avant, parce que je ne sais pas si... je ne veux pas prendre tout le temps de mes collègues, là, mais parlez-moi un peu de vos ressources humaines. Parce qu'on parle beaucoup des médecins, vos collègues pédiatres. Maintenant, vous me... vous avez même des gens qui... il n'y a pas juste les médecins de famille comme vous, il y a beaucoup de spécialistes qui sont là en consultations, vous, vous êtes un spécialiste en pédiatrie. Mais parlez-moi de comment vous faites pour avoir cet esprit d'équipe là dans vos équipes. Moi, j'ai vu ça, là, tout le monde a un beau petit chandail noir avec UP, là, puis se sentent vraiment dans l'équipe. Comment... Comment vous avez bâti cet esprit-là qui fait tellement grande différence pour les patients, là, pour les familles qui arrivent là, là?

M. Dubrovsky (Sasha) : So, ça prend un leadership fort, ça prend une vision, ça prend une mission commune. Pour assurer l'esprit d'équipe, la fluidité, la qualité de nos soins, nous demandons à nos professionnels un engagement minimal à chaque semaine de 2 à 3 jours-semaine, des heures défavorables, 30 à 40 week-ends par année et nous ne recrutons pas d'occasionnel, il faut comprendre ça. So, nos professionnels...

M. Dubrovsky (Sasha) : ...ils arrivent avec la conviction pour offrir ces soins. Et, quand ils arrivent chez nous, ils savent, on va livrer ça. Et, à la fin de la journée, on va sentir qu'a vraiment prodigué les soins qu'on arrivait même avant d'avoir appliqué en soins infirmiers ou médecin.

Et on mesure nos résultats heure par heure dans nos installations. Et, quand tu mesures tes opérations heure par heure, et c'est sur un tableau que, et les parents peuvent voir, et nos infirmières, et nos médecins, nos résidents,  nos stagiaires en soins infirmiers, quand tout le monde voit : Ah! là on dévie un petit peu, un caucus, on s'en parle, et là, c'est un travail d'équipe. Et, un travail d'équipe, il n'y a rien plus motivant dans le monde.

M. Dubé : Je vais revenir sur p.l. 83. Parce qu'une des raisons pour lesquelles vous avez été invité, c'est pour vous demander aussi. Parce qu'on... Je l'ai dit, il y a deux perceptions, là, qu'est-ce qu'on fait avec le privé-public. Vous, vous êtes très confortable dans votre position de dire qu'on doit continuer le privé-public en autant qu'on ait cette facturation-là, qui est gratuite pour le patient. Pour moi, c'est clair. Cette obligation-là, qu'on met dans le projet de loi, vous avez bien dit, puis je veux juste bien vous entendre, vous êtes confortable avec cette position-là?

M. Dubrovsky (Sasha) : «So», si le projet de loi n° 83... qui va augmenter le nombre de médecins dans le public, c'est difficile d'être contre. Je comprends aussi les différentes perspectives des parties prenantes et je renomme tout ce que tout le monde a dit aujourd'hui. C'est... Je suis très impressionné avec ce gouvernement et ce ministère... continuent à faire avec les efforts considérables déployés pour restructurer notre système de santé. Et je crois fortement que c'est l'ensemble de ces améliorations qui vont rendre notre réseau solide, fluide et accessible. Ça, oui, je suis confortable.

M. Dubé : Vous êtes confortable avec ça. Dans les... Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?

Le Président (M. Provençal) :Il reste cinq minutes juste pour vous.

M. Dubé : Alors, je vous offre encore, Catherine... Est-ce que... Oui. Allez-y.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de Bonaventure.

M. Dubé : J'ai peut-être pris trop de temps.

Mme Blouin : Ah non, pas du tout, pas du tout. Je voulais être certaine. Mais, en fait, dans les... Bonjour. Bien, c'était vraiment intéressant. J'absorbe vos paroles, hein? Là, je vais... je vais... je vais revenir.

Vous répondez quoi, en fait, à ceux qui sont venus nous dire plusieurs fois qu'on devait miser tout sur le public puis délaisser complètement le privé? Il y a même je pense que c'est l'APTS, tantôt, qui disait que le privé, ce n'est pas complémentaire au public, c'est un compétiteur au public. Ça ne m'apparaît pas être votre position. Est-ce que vous pouvez développer là-dessus?

M. Dubrovsky (Sasha) : «So», en premier, notre centre est inspiré par le modèle GMF, mais avec une offre de service très élevée comparable aux soins niveau hospitalier. De plus, à l'image des modèles acceptés pour les GMF en société, nos centres sont aussi majoritairement détenus par des médecins pleinement engagés dans le système public. Les régions dans lesquelles nous opérons ont toujours le dernier mot sur les soins que nous fournissons et notre existence même. «So», nos services sont gratuits, nos médecins sont tous affiliés à la RAMQ. Beaucoup contribuent également sans relâche dans les hôpitaux et les GMF de la région, ce que nous encourageons pleinement. Nous offrons un plateau technique leur permettant de compléter leur pratique habituelle.

Jeudi, je crois, le président de l'Association des dermatologues a mentionné que ses membres recherchaient souvent des... plateaux techniques hors hôpitaux. Nous avons recruté deux dermatologues, contribuant ainsi à les retenir dans le public, plutôt que de les voir partir vers le privé, et, en plus, en région.

Notre modèle repose sur la mission de créer une capacité additionnelle. Et ça, c'est clé, c'est additionnel et complémentaire, sans jamais dégarnir ou nuire aux installations existantes. Les régions où le centre... implanté a connu une résurgence de confiance et intérêt pour les soins pédiatriques. Ils concentrent mieux leur propre mission grâce en partie à l'allègement de la pression de leur établissement. Et, en fait, mon cerveau fonctionne avec la fonction «et» et pas «ou». C'est ensemble, nous pouvons.

Mme Blouin : Merci. C'est vraiment intéressant. Je pense que ma collègue de Fabre avait une question.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée.

Mme Abou-Khalil : Bonjour.

M. Dubrovsky (Sasha) : Bonjour.

Mme Abou-Khalil : Merci d'être venu ici pour jaser avec nous de ce sujet qui nous touche tous.

Moi, je vais vous demander une question côté technique...

Mme Abou-Khalil : ...vous avez dit que vous avez vos softwares que vous avez développés pour la prise de rendez-vous.

M. Dubrovsky (Sasha) : Nous utilisons des fournisseurs indépendants. On a choisi nos fournisseurs qui allaient innover avec nous pour un modèle comme le nôtre.

Mme Abou-Khalil : O.K., et ce modèle là, j'assume que c'est comme ça que vous gérez vos KPI, pour s'assurer que... il reste combien d'appels en urgence, en attente... O.K., c'est bon. Merci.

M. Dubrovsky (Sasha) : Une exigence, si je peux me permettre, qu'on a donné à tous... à nos deux fournisseurs, une, c'est le Dossier médical électronique Omnimed, et l'autre, c'est un fournisseur de prise de rendez-vous, c'est qu'ils doivent nous exporter nos données en temps réel, à toutes les heures, et on a créé un BI en conséquence.

Mme Abou-Khalil : Parfait, merci.

M. Dubé : D'ailleurs, pour les Québécois qui seraient intéressés, on a ajouté, il y a quelques semaines, des statistiques des deux cliniques dans nos données d'urgence... ça baisse un peu notre temps, M. le député, ça ça aide la moyenne, ça aide la moyenne, je voulais juste le dire. Juste parce qu'il me reste, je pense, une minute, vous avez dit quelque chose tantôt. Ça, je ne le savais pas, mais je veux juste être sûr que j'ai compris. Est-ce que vos... la plupart des médecins ou du personnel est à temps plein? Est-ce que c'est ça que vous avez dit? Parce que...

M. Dubrovsky (Sasha) : Ils doivent travailler un minimum de deux jours semaine.

M. Dubé : O.K., un minimum de deux jours. Donc, vous avez... c'est pour ça que vous disiez : Vous avez des médecins ou même des infirmières qui sont peut-être dans d'autres cliniques ou qui sont à l'hôpital, mais chez vous, vous demandez un minimum de deux jours, c'est ça?

M. Dubrovsky (Sasha) : En fait, nos exigences sont des fois même plus lourdes que ceux qui sont dans les établissements. Souvent, quand on est en région, en discussion...

M. Dubé : O.K. Bien, ce qui me titille un peu, c'est : Comment vous faites pour équilibrer avec les heures favorables et défavorables? On parle souvent de ça. Comment vous faites ça?

M. Dubrovsky (Sasha) : C'est nommé à l'avance. Tout le monde qui contribue à cette mission-là doit contribuer à l'accès populationnel, heures défavorables, 50 %...

M. Dubé : Ils doivent faire les deux.

M. Dubrovsky (Sasha) : Tout le monde... Il n'y a pas un choix.

M. Dubé : O.K., Parfait. Bien, écoutez, là, j'ai étiré mon temps, mais moi, je veux juste vous dire, au nom des Québécois, là, un gros merci à vous deux d'avoir eu cette vision-là il y a quelques années. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :M. le député de Pontiac.

M. Fortin :Oui. Merci, M. le Président. Merci d'être là. Bonsoir à vous deux. Je vais... Là, je vais essayer... Bien, d'abord, félicitations pour vos résultats. Effectivement, je pense que M. le ministre comprend à quel point ce n'est pas simple d'arriver à 90 minutes d'attente. Donc, je vous je vous lève mon chapeau. Puis moi aussi, j'intégrerais des résultats à vos tableaux de bord, à votre place.

• (19 heures) •

Bon, là, j'essaie de comprendre, sur le projet de loi n° 83 spécifiquement, là, je comprends que vous êtes... je pense que le terme que vous avez utilisé, c'est «confortable», là, avec le projet de loi, mais là, dans la façon... dans la catégorie dans laquelle vous tombez, là, c'est ce que le ministre appelle le privé public. Donc, tout est remboursé par la RAMQ, mais le «ownership», là, disons, il est privé. Je ne me trompe pas? O.K. Alors, dans le modèle du projet de loi n° 83, les médecins, lors de leurs cinq premières années, ne pourraient pas aller pratiquer chez vous.

M. Dubrovsky (Sasha) : Bien, de ce que j'ai compris, à cause que nos médecins sont tous affiliés à la RAMQ, ce projet de loi va, en fait, nous aider.

M. Fortin :O.K., alors... Mais est ce que, si je pousse l'idée plus loin, là, c'est un peu comme celle que le Collège des médecins a... l'idée qu'il amorcé ce matin-là, c'est-à-dire, encore là, c'est, disons, à plus grande échelle, les médecins qui ne sont pas participants, bien, ça pourrait avoir un impact positif, ça aussi, chez vous, si... de façon générale, là... pas juste pour les cinq premières années, mais de façon générale, là. Parce que ce sont des gens qui ont quitté aussi le réseau public, parce qu'ils étaient peu ou pas satisfaits de la façon d'y travailler, peut-être, là.

M. Dubrovsky (Sasha) : En principe, oui, absolument. En pédiatrie... la spécialité de pédiatrie et les urgentologues pédiatriques, on est... je ne crois pas qu'on est vraiment nombreux dans le privé privé, ce qu'on nomme, mais, oui, les médecins de famille qui... s'ils reviennent dans le public, un modèle comme le nôtre, ça se peut que ce soit très attirant pour eux autres et peut-être c'est une place pour qu'ils puissent venir nous aider à donner un coup de main et offrir plus d'accès à la population à proximité.

M. Fortin :Je ne sais pas si vous l'avez entendu, le Dr Gaudreault ce matin, là, mais il disait essentiellement qu'il fallait aussi...


 
 

19 h (version non révisée)

M. Fortin :...limiter le privé public, là, c'est-à-dire le privé remboursé par la RAMQ, parce qu'on a atteint un certain seuil, là, parce qu'il y a quand même, à certains endroits au Québec, des proportions importantes, des soins qui sont donnés par le privé public, et que ça peut, jusqu'à un certain point, venir amputer la capacité du public. J'ose croire, parce que vous avez parlé d'expansion potentielle dans certains marchés, que vous êtes en désaccord avec sa proposition.

M. Dubrovsky (Sasha) : Je ne suis pas... Je n'ai pas nécessairement compris cet aspect-là quand j'ai écouté le Collège des médecins du Québec ce matin.

M. Fortin :...la même interprétation que moi ou vous n'avez pas compris le propos?

M. Dubrovsky (Sasha) : Je ne suis pas confortable à répondre sans avoir une réflexion plus approfondie de son témoignage. Nous sommes une... Notre modèle où les partenariats public privé que notre modèle représente aujourd'hui, c'est pareil comme tous les GMF du Québec, c'est pareil comme tous les centres radiologiques du Québec hors hôpital, c'est pareil comme les CMS qui sont intégrés dans le système des hôpitaux pour faire les chirurgies payées par la RAMQ. Nos résultats sont nos résultats. On est là pour les patients, pour la population. S'il n'y avait pas un besoin populationnel, si le ministère de Santé ne pense pas que notre résultat ou nos... notre comment est approprié, ils vont... ils vont fermer la machine. Et c'est cette gouvernance-là que je crois que les Québécois ne réalisent pas que le gouvernement continue à avoir le pouvoir total sur l'avenir de ces systèmes qui évoluent ensemble. Le public privé, ce n'est pas une méchante affaire, les... toutes les compagnies technologiques, le TI, le IA, et tout, et tout ce qu'on parle dans le système du Québec pour améliorer, ça se fait en partenariat. Le mot qu'on devrait utiliser au lieu d'utiliser le langage de privé, c'est travaillons en partenariat. C'est quoi les solutions qui vont livrer les résultats? Tenons-nous imputables des résultats. Si on ne livre pas les résultats, on ferme les clés.

M. Fortin :Pouvez-vous nous dire pourquoi... pourquoi vous pensez qu'un modèle comme le vôtre pourrait attirer les médecins de l'Ontario?

M. Dubrovsky (Sasha) : Je viens de revenir, la semaine dernière, d'un congrès national en recherche, des urgentologues pédiatriques du Canada, un réseau qui s'appelle PERC, sur lequel je siège ça fait 15 ou 20 ans. Et on a débuté un projet d'agrandir pour un projet à Vaudreuil-Soulanges et aussi, peut-être, un projet à Gatineau. On discute ça avec les médecins partout au Canada. Et les médecins à Ontario, mes collègues, beaucoup de ces médecins étaient mes résidants à Québec, Montreal Children's, qui ont quitté la province il y a... au fur des dernières 10 à 15 ans, ils veulent revenir à Québec. Je vous le nomme : ils veulent revenir au Québec. Le modèle A, ça les attire. Et sans nécessairement... Je suis un médecin qui hait faire des comparatifs à d'autres places. Mais je vous le nomme, j'étais là pendant cinq jours de temps en recrutement : Quand est-ce que tu vas ouvrir projet Gatineau? Pour eux, ils restent là-bas et personne ne veut... toute leur famille pour... Mais un pont, c'est facile. Même au Brossard et à Laurentides, beaucoup de nos médecins restent à Montréal. Ils conduisent 30 à 40 minutes sur un pont. Je vous le nomme. Moi, je reste à Montréal. Ce n'était pas évident pour moi. Je reste à cinq minutes du Children's, même je parle à pied. Mais les médecins au Québec... C'est pourquoi on est rentré dans ce métier, c'est pour des... le service à la population. Et moi, je n'en connais pas autour de moi. Je n'en veux pas autour de moi qui ne sont pas pour le système accessible, universel et gratuit. Et c'est ça qu'UP offre. Et si UP était un petit peu plus dans le réseau, il y aura des médecins d'autres provinces qui vont... qui sont très intéressés par ce modèle. Et ça, c'est ma... je pense, c'est ma réponse.

M. Fortin :Très bien. Moi, je n'ai plus d'autres questions. Je vous remercie puis j'espère qu'avec le temps Zacharie a pu obtenir des meilleurs soins.

Le Président (M. Provençal) :M. le député de Rosemont...

Le Président (M. Provençal) :...s'il vous plaît.

M. Marissal : Oui. Merci, M. le Président. Bonsoir. Merci d'être là. Effectivement, vous êtes les derniers d'une très, très longue journée.

Vous avez fait une comparaison, tout à l'heure, avec les CMS. Vous dites : On est comme un GMF ou comme un CMS. Je n'ai pas toujours réussi à avoir tous les chiffres quand je les ai demandés, là, malgré de nombreuses demandes d'accès à l'information, mais les CMS ont une prime sur leurs contrats avec le gouvernement, c'est codifié, là, c'est par contrats. On a parlé de 10 %. On a déjà parlé de 15 %. Est-ce que la comparaison se fait aussi avec UP? Autrement dit, une otite, chez vous, ça coûte-tu le même prix qu'une otite à Sainte-Justine?

M. Dubrovsky (Sasha) : «So», je crois. Je n'ai pas les données pour... comparatives. Je n'ai pas accès à être capable de comparer les soins prodigués chez UP versus les soins prodigués chez Sainte-Justine. Je peux le dire, j'ai déjà travaillé dans les deux milieux, et mes observations du gaspillage dans les systèmes de santé réguliers, toutes les étapes, tous les coûts, toutes les infrastructures où les choses ne sont pas simplifiées aux actes, aux gestes médicaux, c'est très coûteux. «So», je serai... je crois fortement qu'un patient vu à UP coûte beaucoup moins qu'un patient vu dans les hôpitaux aujourd'hui.

M. Marissal : Vos contrats avec le gouvernement sont-ils publics?

M. Dubrovsky (Sasha) : Qu'est-ce que vous voulez dire par publics?

M. Marissal : Bien, à livre ouvert, publics, qu'on peut les consulter, qu'on peut les... publics, là, je ne peux pas être plus clair que ça, là.

M. Dubrovsky (Sasha) : Ils sont... Ils sont confidentiels selon mes compréhensions de ces contrats.

M. Marissal : O.K. Vous dites, par ailleurs, que vous avez des commentaires... Et tant mieux si ça marche bien, là. Je veux dire, moi, si... Les gens sont tellement désespérés de se faire soigner puis de faire soigner leurs enfants. Puis j'en ai eu quatre, moi, je sais c'est quoi, un enfant qui braille, là, pendant 24 heures, là. Et je ne vous fais pas de procès d'intention, là. C'est juste que, moi, ça m'agace quand on dit qu'on n'est pas capable de faire ça au public. Bon, vous avez votre vision, vous avez travaillé, je respecte votre vision, votre professionnalisme, là. Je ne suis pas toubib, moi, je ne le sais pas. Mais vous dites que vous voudriez... qu'il y a des gens qui voudraient que ça se replique partout... ça se réplique partout. Est-ce que c'est vraiment réplicable partout, dans le quartier Saint-Michel, dans Hochelag, dans le Centre-Sud, ici, en basse-ville de Québec? Est-ce que c'est un modèle qui est réplicable partout?

M. Dubrovsky (Sasha) : «So», il faut clarifier un aspect que j'ai dit. J'ai dit que notre modèle UP est un modèle qui peut être... aller dans des régions... autres régions avec des besoins très... avec des besoins populationnels et où les autorités locales, comme les CISSS locaux, comme le CISSS d'Outaouais, croient qu'il y a un besoin.

• (19 h 10) •

Maintenant, les principes avec lesquels UP opère, oui, c'est «scalable» dedans... à l'intérieur des établissements courants et ailleurs. Qui qui peut dire que faire un design d'un système conçu pour l'expérience patient comme priorité numéro un peut être pas positif dans tout le réseau du Québec?

M. Marissal : Je suis assez d'accord. Je ne peux pas juste accepter, fatalement, qu'on n'est pas capable de faire ça dans le public.

Le Président (M. Provençal) :M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Oui. Merci, M. le Président. Merci, M. Dubrovsky, pour votre présentation. C'est fort instructif. Puis j'avais un peu le même type de questions. Est-ce que je comprends que, si vous avez lancé votre projet, c'est que vous jugiez que votre objectif ne pouvait pas être atteint dans le système de santé public, au Children's ou à Sainte-Justine? Et, si oui, pourquoi, selon vous? Pouvez-vous élaborer un peu sur le fait qu'on n'arrive pas à être aussi efficace, arriver à 90 minutes d'attente, être concentré sur les besoins des parents et, évidemment, des enfants?

M. Dubrovsky (Sasha) : Une hypothèse que j'ai, basée sur mes principes que j'y crois fortement, ce qui veut dire le Lean Six Sigma, selon Sasha, selon comment je les interprète, ces principes-là... parce qu'on n'est... je ne suis pas dans le manufacturier pour les autos avec Lean Six Sigma, j'utilise les principes qui décident de dire...

M. Dubrovsky (Sasha) : ...on va prioriser l'expérience-patient et on va enlever tous les gaspillages, même avant d'ajouter des ressources. Quand j'étais à l'hôpital et je travaillais des projets organisationnels très larges, les réflexes que j'ai vécus dans mes expériences, c'était : Ah! On a besoin x, on va acheter un nouveau verre d'eau, on a besoin d'une autre chose, on va acheter une autre ressource des infirmières. C'est très dur dans un système complexe de dire : Ah, qu'est-ce qu'on peut enlever? Parce que, souvent, j'entends que le système de santé, on n'a pas assez de ressources, et... je ne dis pas que ce n'est pas vrai, je dis juste mes observations, mes expériences... nos premiers réflexes, on doit simplifier, enlever, enlever la paperasse. Des fois, pour améliorer l'accès, améliorer les performances, peut-être qu'on doit réorganiser. Et ça, j'étais.. j'avais la difficulté à le faire à l'intérieur d'une très large machine. Et, quand c'est une organisation plus petite, c'est beaucoup plus facile d'utiliser des technologies, les meilleures pratiques de gestion pour avoir un résultat comme on a, avec 120 000 visites, urgence, vues en 90 minutes, 365 jours par année.

M. Arseneau : J'aurais une petite question complémentaire. Parce que les... si les médecins ne sont pas des affiliés, ceux qui sont dans votre clinique, je comprends que le personnel infirmier, tout ça, sont tous des affiliés du secteur public, ils sont des employés de votre entreprise privée. Vous leur donnez des conditions qui, j'imagine, sont supérieures au régime... au réseau privé... public, pardon.

M. Dubrovsky (Sasha) : Je...Non, nos... Moi, je suis un médecin qui a juste ouvert une boîte pour offrir des soins populationnels. Et, quand on a débuté ce projet, on a... on va vraiment... on avait... Je suis... être un médecin, je n'avais pas besoin d'ouvrir un nouveau projet, j'avais une job, j'avais une job, une carrière très, très riche en dedans de toutes les choses que je travaillais. Sauf, quand on a ouvert Up à Brossard, non, nos infirmières sont... sont payés moins que dans le réseau public. Pourquoi ils viennent chez nous? C'est... ils viennent chez nous parce qu'il y a une mission inspirante. «So»... Je ne connais pas assez ce mot désaffilié, affilié pour les infirmières, c'est des infirmières pour l'accès public gratuit aux patients. Ils travaillent fort, ils sont... du soir, mais toujours avec un petit sourire.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :M. le député de Saint-Jérôme, vous allez conclure.

M. Chassin :Avec 2 min 20 s?

Le Président (M. Provençal) :Non, 2 min 12 s.

M. Chassin :Parfait. J'essayais d'étirer... M. le Président, vous me voyez venir. Merci de la présentation, c'est notre dernier, mais c'est tellement rafraîchissant. Puis j'avoue que moi je ne le vois peut-être pas comme du privé public, là, c'est des partenaires, mais c'est très public, public. Est-ce que vous... tu sais, est-ce que vous auriez fait ce projet-là sans avoir, par exemple, Montérégie-Centre, qui était là pour vous dire : Nous, on va... on embarque, on va référer, on va... Donc, tu sais, le partenaire public, il est là dès le moment zéro.

M. Dubrovsky (Sasha) : C'est notre sandbox pour dire : Il y a un projet, c'est en partenariat avec le CISSS. Si ça n'existe pas, ça ne va pas marcher, parce qu'on doit être intégrés, on doit être partie... On est ensemble. Et on... comme ça, quand on a des problèmes, le CISSS a des problèmes, on parle, on règle. Quand la pandémie est arrivée, personne ne voulait voir les enfants dans les hôpitaux, Up a vu 60 000 patients par année avec le COVID, quand tout le monde fermait leur boîte et faisait la télésanté, on voyait les patients en présentiel avec le COVID quand tout le monde courait avec des masques partout. Et ça, c'est parce qu'on était en partenariat.

M. Chassin :Avec une équipe qui se réunissait, puis qui... Puis, tu sais, moi, j'ai l'impression un peu d'avoir Willy Wonka en commission parlementaire, parce que vous irez voir ça l'air de quoi, tu sais, c'est ça aussi, quand on arrive, M. le ministre parlait souvent... tu sais, on a l'impression d'arriver comme un peu dans un CPE avec, tu sais, des modules, puis c'est pensé pour des enfants. Puis je pense que c'est Cindy qui me disait : Tu sais, de voir une infirmière au triage derrière une vitre pare-balle à l'urgence, ce n'est pas comme superinvitant. Là, ce n'est pas ça, là, on se fait recevoir avec le sourire... désamorcer peut-être une attitude un peu confrontante, c'est un peu naturel, c'est très humain en fait.

M. Dubrovsky (Sasha) : «A system is designed to get the result it gets», on dit en anglais, excuse-moi pour mon anglicisme, mais le système était conçu pour dédramatiser les soins. Dès que tu dédramatises les soins...

M. Dubrovsky (Sasha) : ...de soins, tout le monde est collaborateur, les parents, les patients, les médecins, les infirmières. En passant... vous avez tous des enfants, j'imagine. Quand il a attendu neuf heures dans l'urgence à Sainte-Justine pour voir le médecin, c'est très difficile. Vous venez chez nous, des «high five», la musique, des plantes partout, des livres québécois sur les murs, aucun écran. Les parents viennent me voir, c'est des «high five». On fait le... Son bras est cassé? L'autre jour, j'ai revu un bras cassé. L'enfant riait tout le long. Imaginez-vous, pas de sédation. Il riait avec un bras cassé. Je peux vous montrer la photo. Mon collègue, Dr Barbarian, a drainé un pneumothorax en cabinet externe. Imaginez-vous qu'est ce qu'on est capable de faire quand on pense autrement sur le débat sur le privé? Pour moi, ce n'est pas le bon débat. Le débat, c'est en partenariat avec le gouvernement pour l'accès accessible, universel et gratuit pour tous. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, Dr Dubrovsky. Alors, avant de conclure des auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Et je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Je lève la... la séance, excusez-moi. Et la commission ajourne ses travaux au mercredi 12 février 2025, après les avis touchant les travaux des commissions, où elle entreprendra un autre mandat. Merci beaucoup. Bonne soirée et bon souper.

(Fin de la séance à 19 h 19)


 
 

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