Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mercredi 31 janvier 2024
-
Vol. 47 N° 63
Mandat d’initiative visant à étudier les moyens facilitant le don d’organes ou de tissus, notamment l’instauration de la présomption du consentement
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, bonjour à tous. Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques dans le cadre
du mandat d'initiative visant à étudier les moyens facilitant le don d'organes
ou de tissus, notamment l'instauration de la présomption du consentement. Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Caron (La Pinière) est remplacée par Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey).
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Nous entendrons ce matin les
témoins suivants : Transplant Québec et la Pre Mélanie Bourassa-Forcier.
Est-ce que j'ai le consentement pour qu'on puisse déborder de l'horaire? Parce
que je veux vraiment qu'on prenne le temps d'entendre nos gens. Ça va? Merci.
Je souhaite donc la bienvenue aux
représentants de Transplant Québec. Vous aurez 10 minutes pour votre
présentation, et, par la suite, nous procéderons aux échanges. Alors, je vous
cède la parole, madame et messieurs.
Mme Bouchard (Martine) : Bonjour,
M. le Président. Je me présente, Martine Bouchard.
(Interruption)
Mme Bouchard (Martine) : C'est
bon, on peut continuer? Je me présente, Martine Bouchard, je suis la directrice
générale chez Transplant Québec, mandatée depuis... l'organisme qui a été
mandaté depuis 1991 par le ministère de la Santé et des Services...
Mme Bouchard (Martine) : ...sociaux
pour prendre en charge la coordination de l'ensemble du processus du don
d'organes au Québec. Je suis accompagnée par Dr Matthew Weiss, directeur
médical en don d'organes, et par Dr Prosanto Chaudhury, directeur médical
transplantation d'organes. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de
venir échanger avec vous dans le cadre de ses travaux.
Chez Transplant Québec, c'est un moment
que nous attendions depuis fort longtemps, et nous en sommes très heureux. Il
s'agit pour nous d'un premier pas, significatif certes, mais le premier qui
nous permet d'entamer une discussion collective et qui ouvrira, nous le
souhaitons, la porte aux changements qui sont nécessaires. Pour Transplant
Québec, il est clair que pour sauver davantage de vies, le Québec doit se doter
d'une loi spécifique et complète sur le don d'organes et la transplantation.
C'est notre recommandation phare, celle qui rendra tout le reste possible.
Chaque jour, nous sommes témoins de la réalité des donneurs, des familles, des
professionnels de la santé. Nous sommes aux premières loges de la complexité du
processus, mais aussi et surtout du miracle et de l'humilité humaine qui permettent
la poursuite de cette chaîne de vie. Aujourd'hui, nous formulons les
recommandations qui nous semblent incontournables parce que nous croyons
sincèrement que nous avons le devoir de faire mieux, parce que nous savons
qu'il est possible de faire mieux.
Le processus du don et de la
transplantation d'organes est éminemment complexe. Pour l'illustrer, je vous
présente Chantal, 37 ans, mère de deux jeunes garçons. Elle habite à
Prévost. Son histoire est évidemment fictive, mais elle est basée sur des données
statistiques de Transplant Québec. Comme 92 % de la population, Chantal
est favorable au don d'organes. Pour elle, c'est un geste qui est louable, en
phase avec ses valeurs et celles de ses proches. Chantal revient du travail un
mardi soir de décembre où il neige. Elle s'apprête à retrouver son conjoint et
ses deux fils, la routine pour beaucoup de Québécois et de Québécoises.
Malheureusement, c'est l'urgence de l'hôpital qui sera son ultime destination.
Sa voiture a été emboutie par un autre véhicule. La gravité de l'accident
laisse peu de doute, la voiture est en miettes. À l'hôpital, le personnel
médical fait tout pour la sauver, absolument tout, mais on se rend compte que
c'est trop grave, que c'est trop tard. Son pronostic est malheureusement irréversible.
C'est ainsi que d'accidentée grave de la route, Chantal deviendra une donneuse
potentielle d'organes.
Dans les faits, seulement 1 % des
décès en milieu hospitalier sont admissibles au don d'organes. C'est donc à ce
moment précis qu'il est crucial de renforcer l'obligation pour tous les
établissements hospitaliers de notifier le plus tôt possible Transplant Québec
lors de la mort imminente ou récente de toute personne. Il faut que
l'identification des patients qui sont... qui ont un très sombre pronostic soit
faite par les équipes soignantes en place pour qu'elles puissent communiquer
l'information rapidement à Transplant Québec. Même si Chantal a été transportée
dans un établissement de santé sans personnel dédié au don d'organes, elle
s'inscrit dans les 71 % des donneurs potentiels qui sont référés. Et
heureusement l'hôpital a eu le réflexe de contacter immédiatement Transplant
Québec pour notifier Chantal comme donneuse potentielle, parce que près d'une
personne sur trois... sur trois... trois, excusez, n'est pas référée à
Transplant Québec. Nous sommes alors informés de la situation de Chantal, et
nos équipes s'empressent de vérifier son admissibilité et son consentement.
Surprise, Chantal est comme 27 % des Québécois qui n'ont pas fait valoir leur
intention de faire don de leurs organes en signant par exemple l'endos de leur
carte d'assurance maladie. Elle avait une certaine hésitation à se commettre
officiellement, ça la rendait inconfortable. Pour faciliter l'expression du
consentement, Transplant Québec recommande que la loi prévoie un guichet
unique, convivial, accessible à tous et en ligne, permettant à la population de
faire connaître son consentement ou son refus. Le but, c'est que l'ensemble des
informations soient consignées à un seul endroit, accessible 24 heures sur
sept... 24 heures sur 24, sept jours semaine, et que ce soit facile
d'utilisation tant pour la population que pour les professionnels de la santé,
contrairement à la situation actuelle. Peu importe le mode de consentement, Transplant
Québec rappelle avec insistance que les experts, la littérature scientifique et
les expériences mondiales les plus concluantes témoignent qu'un élément est
essentiel : on ne sauvera encore plus de vies qu'en combinant plusieurs
mesures concrètes. Si le changement du mode de consentement est un outil pour
atteindre de meilleurs résultats, il n'en est pas le seul déterminant ni le
même... ni même le principal. Chantal n'avait donc pas signifié son
consentement au don d'organes. Elle accordait beaucoup de considération à
l'impact émotif sur sa famille. Elle préférait leur laisser le dernier mot. Ça
ne change rien qu'en toutes circonstances Transplant Québec déploie un plan
d'intervention pour accompagner sa famille qui, dans ce cas-ci, aura à porter le
poids....
Mme Bouchard (Martine) : ...une
lourde décision. Ils sont tous là. Son conjoint, ses deux enfants, ses parents.
Ils vivent l'impensable. Le temps s'est arrêté. C'est l'état de choc. Pour les
professionnels de la santé, c'est aussi le moment le plus difficile. Les
médecins doivent annoncer la mort imminente d'une mère, d'une épouse, d'une
fille. Entre l'annonce du pronostic et l'approche du don, on laisse à la
famille le temps d'accuser le coup de la nouvelle. Cette étape est fondamentale
puisque nous savons qu'une approche inadéquate peut avoir des implications
considérables, comme un refus de la famille. Ensuite, si la famille manifeste
de l'intérêt au don, Transplant Québec entrera en contact avec elle. Voilà
pourquoi Transplant Québec recommande qu'une formation obligatoire sur le don
d'organes et la transplantation soit prévue pour les professionnels de la santé
dans les obligations de formation continue et dans la formation initiale des
futurs professionnels de la santé.
• (11 h 30) •
Le personnel soignant explique à la
famille de Chantal qu'elle est admissible au don d'organes, mais qu'elle
n'avait pas fait connaître son consentement. On leur demande alors si elle en
avait déjà parlé. Chantal s'inscrit dans les 19 % des Québécois qui n'ont
jamais parlé de don d'organes avec leur famille. C'était pour elle un sujet
sensible. Ça aurait impliqué de parler de sa mort avec ses proches et cela la
rendait émotive. On leur demande alors si c'est pour eux une possibilité
d'envisager de le faire, de donner les organes de Chantal pour que cette chaîne
de vie se poursuive. C'est la réalité. La décision finale revient à sa famille.
Sous le coup de l'émotion, faute de connaître les intentions de la personne, la
famille refusera souvent de valider le consentement. C'est pourquoi Transplant
Québec recommande qu'une nouvelle loi précise les motifs permettant de ne pas
donner suite aux dernières volontés enregistrées d'une personne, et ce, afin
d'en favoriser le respect et de mieux accompagner ses proches.
Son conjoint, d'abord réfractaire, se
remémore la grande générosité dont elle a... dont elle a fait preuve toute sa
vie, et ça tombe sous le sens d'accepter. Dans le drame et l'urgence, l'espoir
renaît pour possiblement huit autres Québécois. Dès lors, en tout respect de la
famille, on planifie le transfert de Chantal dans un hôpital spécialisé. On
s'est assuré d'effectuer une batterie de tests sanguins, sérologiques et de
compatibilité. On procède à l'évaluation des organes de Chantal et à leur
attribution à des gens qui sont sur la liste d'attente gérée par Transplant
Québec. Le cœur, le foie, les poumons et les reins de Chantal vont permettre à
cinq autres personnes de poursuivre leur petit bout de chemin. On planifie le
transfert de Chantal vers le bloc opératoire tout en surmontant les enjeux aux
salles, de la disponibilité des équipes de prélèvement et des chirurgiens. Nos
équipes accompagnent la famille à travers cette épreuve chargée d'émotion. Au
bloc opératoire, avant de débuter, l'équipe observe systématiquement une minute
de silence, un témoignage de respect pour Chantal qui pose un geste de
générosité incommensurable, le cadeau de la santé, la vie.
Au même moment, on coordonne les
transports des cinq organes vers les différents centres de transplantation et
les équipes médicales qui procéderont aux transplantations. On réfléchit à
comment on va le faire. Dans quelle région? Au Québec? En Ontario? En
Colombie-Britannique? Doit-on utiliser le transport terrestre, aérien? Combien
de véhicules, de vols doit-on noliser? Quels sont les délais pour permettre une
synchronisation de tous les acteurs et des organes à transplanter? Toute cette
symphonie se déroule rapidement et ça demande un synchronisme exemplaire de la
part de tous les intervenants impliqués.
L'histoire de Chantal est fictive, mais
toutes les informations qui sont présentées concernant son expérience sont bien
réelles chez Transplant Québec. Chantal représente bel et bien près d'un
Québécois sur cinq. Toute cette symphonie dans laquelle une seule fausse note
pourrait tout faire dérailler, alors qu'il n'y a aucun chef d'orchestre pour en
assumer la responsabilité. Transplant Québec propose de remédier à cette
situation par la désignation officielle d'un organisme responsable de l'ensemble
du processus de don d'organes et de transplantation et de lui attribuer tous
les leviers nécessaires pour veiller à son respect. Grâce à son expertise
unique de pointe, forte de plus de 50 ans, Transplant Québec, pionnier au
Canada, propose d'assumer pleinement cette mission. Chez Transplant Québec,
nous sommes portés par la conviction...conviction que, tous ensemble, nous
avons non seulement le pouvoir, mais également la responsabilité collective de
tout faire pour sauver davantage de vies. C'est donc rempli d'espoir que nous
vous invitons à poursuivre votre réflexion, que nous nous dotions un cadre
législatif moderne qui rendra le Québec plus performant, pour tous ces patients
encore en attente d'un organe, pour toutes les Chantal qui sont malheureusement
décédés, pour nous, pour eux, nous avons le devoir de faire mieux parce qu'il
est possible de faire mieux pour sauver plus de vies. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup...
11 h 30 (version non révisée)
Le Président (M. Provençal)
:...alors on va débuter immédiatement
avec la députée de Bonaventure.
Mme Blouin : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Merci aussi de
nous avoir illustré le cas concret, en fait, de Chantal, je pense que ça nous
explique vraiment le processus, en fait, que vous coordonnez à partir du moment
où vous êtes notifié. Il y a une question qui me venait en tête : Est-ce
que la famille doit déjà se prononcer en faveur avant d'être contactée par
Transplant Québec? Est-ce que c'est...
Mme Bouchard (Martine) : Excusez-moi,
ça a toussé, en arrière? Est-ce que quoi?
Mme Blouin : Est-ce que la
famille doit déjà s'être prononcée en faveur du don d'organes avant d'être
contactée par Transplant Québec?
Mme Bouchard (Martine) : La
famille est approchée, puis je demanderais à Matthew... à Dr Weiss,
excusez-moi, d'y aller plus... davantage, parce qu'il est coordonnateur, mais
aussi intensiviste au CHUQ du Québec, mais, oui, la famille doit être informée
d'abord. Matthew?
M. Weiss (Matthew) : Merci de
l'occasion, oui. Merci. En fait, le processus qu'on explique aux équipes
traitantes, c'est de mentionner que Transplant Québec va rentrer dans le
dossier. C'est sûr que c'est... on appelle ça, exactement, la mention, donc,
ils vont... pour que Transplant Québec n'arrive pas de nulle part, mais que la
famille a le temps de comprendre qu'est-ce qui est les prochaines étapes des
processus.
Mme Blouin : Merci. Et on
parle beaucoup, là, de chef d'orchestre qui est manquant, en fait, dans la
structure actuelle. Ce seraient quoi, les mesures qui pourraient être
envisagées pour consolider le rôle de Transplant Québec dans le domaine du don
d'organes? Qu'est-ce qu'on pourrait faire?
Mme Bouchard (Martine) : Bien,
d'abord, d'avoir une loi qui est encadrante. Il n'y a aucune loi qui existe
présentement. Il y a quelques articles qui sont éparpillés à l'intérieur du
Code civil et de la LSSSS, comme vous le savez, mais d'avoir une loi qui
enchâsse le don d'organes, mais également qui donne les pouvoirs à un organisme
qui est responsable, serait une des actions qui seraient intéressantes. Je ne
sais pas si vous voulez rajouter quelque chose, messieurs.
M. Weiss (Matthew) : Oui. Je
peux ajouter que c'est... là, actuellement, dans la loi, oui, il y a la
référence obligatoire, mais il n'y a pas un mandat clair, qui va enforcer ou
vérifier la performance des hôpitaux d'assurer que la référence obligatoire
soit faite.
Mme Blouin : Donc, il n'y a
pas de responsabilité, et Transplant Québec pourrait être l'organisme qui
chapeaute tout ça.
Mme Bouchard (Martine) : Tout
à fait.
Mme Blouin : O.K. Est-ce que
vous pouvez nous dire comment Transplant Québec se compare à d'autres organismes
du genre au Canada, par exemple?
Mme Bouchard (Martine) : Oui,
bien, je vous dirais que, par rapport au nombre de donneurs, si on regarde le
nombre de donneurs par million d'habitants, donc, nous sommes en queue de
peloton par rapport à nos voisins et même en queue de peloton par rapport à l'Espagne
ou d'autres juridictions hors mer. Et donc, oui, on se... on a déjà été très
performants, on ne l'est plus. Prosanto, tu veux-tu rajouter quelque chose?
M. Chaudhury (Prosanto) : Oui,
juste pour dire que, dans les autres juridictions, souvent, il y a une loi
encadrant, justement, qui qui désigne l'organisme en dons et en
transplantation, avec les pouvoirs nécessaires pour assurer pleinement leur
mandat, leur rôle.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Changement... Hier, on a beaucoup entendu parler, entre autres, que l'adoption
du consentement présumé, on s'entend pour dire que ça ne réglerait pas tout,
nécessairement, mais j'aimerais vous entendre sur les principales mesures qui
devraient être mises en place dans l'éventualité où il y aurait un régime de
consentement présumé qui s'instaurerait au Québec. Qu'est-ce qu'on doit avoir
dans l'angle mort?
Mme Bouchard (Martine) : D'abord,
je vous dirais d'entrée de jeu que le consentement présumé, c'est une portion.
Vous nous avez souvent entendus dire ça, une portion dans une loi encadrante
qui est nécessaire. Il y a plusieurs éléments qui devraient s'imbriquer à l'intérieur
de cette loi encadrante là. On parle ici de formation, on parle de sensibilisation,
on parle de mandater un organisme responsable. Et puis c'est important de dire
que, dans les juridictions qui ont été performantes ou qui sont performantes,
toujours, la portion de consentement présumé est une portion, mais on regarde l'ensemble
des éléments. Et il y a surtout un autre élément hyperimportant, c'est de faire
en sorte qu'il y ait une discussion avec la société pour aller valider quelles
sont les valeurs, quels sont les obstacles à un consentement présumé avant même
de mettre de l'avant cette notion.
Mme Blouin : Vous avez
mentionné aussi le transport, tout à l'heure, dans... Je suis curieuse, en
fait, de savoir un peu... Je sais qu'on va rencontrer, demain, l'organisme qui
chapeaute le transport, puis tout ça, mais comment ça fonctionne, le transport
des organes, au Québec, actuellement?
Mme Bouchard (Martine) : Actuellement,
c'est avec un organisme sans but lucratif, donc... que vous allez rencontrer,
qui fonctionne avec des policiers bénévoles. C'est un organisme qui fonctionne
sous l'égide d'une personne depuis les 37 dernières années, qui fait en sorte
que les organes sont transportés dans des véhicules qui sont attitrés, lettrés
à cet effet, et qui transportent également les équipes médicales. Prosanto,
veux-tu rajouter quelque chose?
M. Chaudhury (Prosanto) : Juste
pour dire qu'en tant que transporteur, je voyage souvent avec eux et les
organes aussi, et c'est vraiment...
M. Chaudhury (Prosanto) : ...un
joyau de notre système, ce système de bénévoles. Non seulement les bénévoles
sont extrêmement reconnaissants du rôle qu'eux autres, ils jouent dans le
processus de don d'organes, ils prennent une fierté inestimable, mais aussi, il
n'y a aucune autre juridiction au Canada où c'est fait de la même façon par des
bénévoles. Souvent, c'est des taxis, des limousines qui sont pris. Ici, on a
des meilleurs conducteurs, on est plus formés dans la conduite de nuit de haute
vitesse pour assurer le transport sécuritaire de nos organes et de nos équipes,
et on en est très fiers.
• (11 h 40) •
Mme Blouin : Donc, ça repose
quand même sur une équipe de bénévoles, c'est ce qu'on comprend.
M. Chaudhury (Prosanto) : Tout
à fait.
Mme Blouin : Est-ce que ça
peut arriver que l'organe ou... soit un peu... une transplantation ou un
prélèvement, plutôt, puisse être compromis dans le transport actuellement?
Est-ce qu'on peut voir ça?
M. Chaudhury (Prosanto) : Actuellement,
à part la météo, il n'y a pas grand-chose qui nous empêche.
Mme Blouin : Super. Autre
piste intéressante, en fait, qui était... je vous l'avoue, là, avant-hier, avec
les consultations qu'on a eues, qui n'était pas nécessairement dans notre
radar, c'est les données, l'accès aux données, notamment, et j'aimerais savoir,
à votre avis, ce serait quoi, les données qui pourraient être colligées, là,
pour avoir un meilleur suivi de la performance.
Mme Bouchard (Martine) : Dr
Weiss va répondre.
M. Weiss (Matthew) : Oui.
C'est sûr que, si on regarde le bassin des donneurs et le nombre des donneurs
qui seraient éligibles, c'est sûr que c'est important que l'organisme qui gère
le don et les transplantations, notamment Transplant Québec, ait accès à ces
données dans les hôpitaux pour tous les donneurs potentiels, ça veut dire tous
les gens qui décèdent aux soins intensifs ou aux urgences dans les
circonstances, que ces gens soient référés ou non. Donc, ça, c'est très
important. Et, côté transplantations, pour le suivi après les greffes des
organes aussi, ça prendrait une coordination pour définir les indicateurs de
qualité qui sont importants à corriger par les programmes et aussi de comparer
les programmes entre eux.
Mme Blouin : Merci. Je pense
que...
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Député de Saint-Jérôme.
M. Chassin :Merci, M. le Président. Et merci à vous de cette
présentation, parce qu'effectivement, comme ma collègue le disait, d'avoir un
cas concret, pour des gens qui... Puis là, en toute modestie, je m'intéresse au
don d'organes et à la transplantation pas mal pour la première fois aussi de ma
vie. Donc, il y a une réflexion là-dedans. Évidemment, je m'identifie beaucoup
à Chantal, parce que ma mère me dit toujours qu'il faut que je fasse mon
testament, dans le cas où, puis je ne le fais pas, puis peut-être que c'est un
peu les mêmes raisons, et Chantal vient de Prévost, moi, je suis député de
Saint-Jérôme, ce n'est pas très loin.
Ça fait que là, permettez une question.
Puis là, j'imagine qu'elle a donc été transférée à l'hôpital régional de
Saint-Jérôme dans l'histoire. Vous parlez du fait qu'il y a certains endroits
où il n'y a pas nécessairement de personnel dédié. De ce que j'en comprends,
c'est qu'il y a quand même le DSP qui a une responsabilité, à tout le moins
pour la vérification du consentement, mais peut-être pas nécessairement pour la
responsabilité de l'identification. Est-ce que c'est... C'est ça que je
comprends, il y a comme un peu un vide là-dedans?
Mme Bouchard (Martine) : En
fait, il faut savoir qu'il y a 30 coordonnateurs médicaux qui sont répartis
dans l'ensemble des CISSS et CIUSSS de la province du Québec qui travaillent
conjointement avec des infirmières de liaison et des infirmières-ressources.
Puis pour le reste, dans l'applicabilité, Dr Weiss ou Dr Chaudhury pourrait
vous répondre.
M. Weiss (Matthew) : Bien,
moi, je peux parler du processus avant la référence. Mais c'est sûr, comme on a
vu dans le cas de Chantal, souvent, les donneurs, c'est suite à un choc, un
gros choc émotif évidemment pour la famille, mais même pour les travailleurs de
la santé au chevet. Et parfois, la non-identification de donneurs potentiels
comme Chantal, ça arrive. On a fait des sondages avec les médecins, et ils
disent : Parfois, on ne réfère pas, parce qu'on assume... de même demander
la possibilité de dons, ce serait trop pour une famille qui est sous le choc.
Donc, évidemment, c'est une assomption sur la part des professionnels de santé
qui peut être erronée, peut-être cette famille aurait dit oui. Mais... Donc,
ça, ça prend la nécessité d'avoir un organisme comme Transplant Québec, qui est
outillé pour former les professionnels de santé, oui.
M. Chassin :Et justement la formation, peut-être, parce que c'est... à
la limite, ça peut être aussi la façon dont on aborde la question, qui n'est pas
nécessairement évidente pour tous les professionnels de la santé. Ça fait
partie d'une formation?
M. Weiss (Matthew) : Exactement,
et c'est pour ça que, comme Mme Bouchard a mentionné, d'avoir de... un
programme d'éducation pour les travailleurs de la santé obligatoire pour les
gens qui travaillent aux soins intensifs ou aux urgences, qui sont possiblement
en contact avec les donneurs potentiels, c'est très important, parce que de
l'avoir vécu, oui, c'est des conversations qui peuvent être très délicates avec
des familles qui sont dans un moment... bien, c'est le pire moment de leur vie,
souvent. Donc, ce n'est pas tout le monde qui est prêt à aborder le sujet.
M. Chassin :...combien de temps, il me reste, M....
Le Président (M. Provençal)
:6 minutes.
M. Chassin :Ah! quand même... là, évidemment, j'entends parler beaucoup
de l'Espagne. Je ne sais pas si on va avoir une mission d'observation, M. le
Président, en Espagne bientôt, mais ceci étant dit, c'est un cas particulier de
succès, je pense, en tout cas, en termes de taux de dons puis de
transplantations. Vous en... vous avez énuméré un peu les différentes parties
qu'on entend maintenant, depuis quelques présentations, sur les raisons... en
tout cas, les facteurs qui font qu'ensemble ça devient un succès. Puis je
trouvais ça intéressant de voir que, pour Transplant Québec, vous êtes un
pionnier, mais, en même temps, dans un endroit où on est en queue de peloton.
Est-ce que vous avez l'impression qu'on s'est fait dépasser? Parce que ces
facteurs de succès ont été implantés, par exemple, dans votre province, ou
est-ce que c'est simplement qu'il y a, je ne sais pas, moi, des conversations
sociales plus vives, puis aujourd'hui, on résout un peu en partie ce
problème-là au Québec avec la commission parlementaire d'aujourd'hui?
Mme Bouchard (Martine) : ...un
peu des deux. On s'est fait dépasser pour toutes sortes de raisons. Le fait
qu'on n'ait pas de loi, ça a été mentionné un petit peu plus tôt, le fait que
les différentes juridictions ont accordé des ressources financières vraiment
supplémentaires à ce que nous avons ici, au Québec, par rapport à qu'est-ce qui
est... qu'est-ce qui est octroyé comme organisation en don d'organes. Puis vous
parliez de l'Espagne, mais hier, il y a eu aussi docteur Frédéric d'Aragon qui
a mentionné que, oui, ils sont en avance, ils sont maintenant les chefs de
file, mais ça leur a pris quand même un certain temps pour y arriver. Et
c'était pour faire en sorte qu'il y ait une multitude d'éléments qui soient en
place.
Je trouve ça intéressant de parler de
l'Espagne, mais je... Puis, d'entrée de jeu, j'ai oublié de vous le dire, je
suis assise avec deux experts qui présentent internationalement,
internationalement, de façon régulière, donc ils sont considérés comme des
experts ici, ici aussi. Ils sont trop humbles pour vous le dire, mais moi,
je... moi, je souhaite le signifier parce que c'est quand même un savoir assez
important. Puis, dans le fond, je ne sais pas si vous voulez rajouter quelque chose
en lien avec... avec l'Espagne, puis qu'est-ce qui nous manque ici. mais...
M. Weiss (Matthew) : Mais je
dirais juste que, quand on parle avec nos collègues en Espagne, et c'est la
chose qu'ils martèlent tout le temps, c'est la formation de professionnels de
la santé, les professionnels qui travaillent aux soins intensifs, et la
capacité de vérifier les performances, particulièrement en référence et
identification des donneurs potentiels. Ça, c'est des choses sur lesquelles ils
sont le plus fort.
M. Chassin :Juste en terminant, parce qu'effectivement on en a entendu
parler. Des fois, on voit finalement, dans les résultats d'audit, un an trop
tard, quels sont les donneurs potentiels qui n'ont pas été identifiés. Puis
donc, vous, ce que vous dites, c'est non seulement que, bon, évidemment, on va
les identifier, mais il faut aussi avoir cette espèce de reddition de comptes
puis cette comparaison pour identifier, dans le fond, les bonnes pratiques ici.
Mme Bouchard (Martine) : ...de
référencement obligatoires, je pense que... peut-être Dr Chaudhury va parler.
M. Chaudhury (Prosanto) : ...
mais en temps réel aussi, l'accès aux données est important en temps réel.
Donc, il faut instaurer un mécanisme de notification obligatoire de tout décès pour
qu'on puisse faire la rétroaction en temps réel. Il faut faire un feed-back
pour... pour les équipes, rapide.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Bonaventure.
Mme Blouin : Oui. Vous êtes
quand même intervenus dans les médias dans le contexte de l'aide médicale à
mourir. Et, pendant l'étude du projet de loi, il y a les membres qui se
posaient des questions, à savoir de quelle manière on doit aborder ce sujet-là.
Il y a des témoins qui sont passés puis qui racontaient avoir été peut-être
brusqués quand on les abordait. Il y en a d'autres qui se sont sentis apaisés,
qui ne connaissaient pas cette option-là. J'aimerais savoir : En ce
moment, quand quelqu'un fait une demande d'aide médicale à mourir, qui est
admissible, qu'est-ce qui se passe pour la discussion sur le don d'organes?
Comment ça fonctionne?
Mme Bouchard (Martine) : Nous
avons l'expert, docteur Weiss, qui a publié un article tout récemment et qui
revient de la Suisse justement pour parler de ça, donc.
M. Weiss (Matthew) : Bien, en
fait, ce qui est très important, c'est de clarifier que Transplant Québec n'a
rien à voir avec les décisions de poursuivre ou non l'AMM, O.K.? Ça, c'est une
décision qui ne nous appartient pas. On ne va jamais encourager l'AMM pour avoir
d'accès aux organes. Jamais, jamais. Ce qui est important, c'est que... Encore,
c'est une question de formation. Donc, c'est... le médecin qui va administrer
l'AMM soit formé que, quand il y a un patient qui est admissible, en gros,
c'est un patient qui n'a pas de cancer... parce qu'on ne va jamais transmettre
un cancer d'un donneur à un à un receveur, O.K, mais, si on a ce patient-là qui
a finalisé la décision de poursuivre de l'AMM, là, ce qu'on recommande, que le
médecin mentionne la possibilité. Peut-être qu'il va poser des questions :
Avez-vous votre... Avez-vous signé votre carte dedans? Et si la personne dit
non : Oui, pourquoi, est-ce que c'est une possibilité? Parce qu'on ne veut
pas exclure les donneurs potentiels de la possibilité de donner juste parce
qu'ils ne savaient pas que c'était...
M. Weiss (Matthew) : ...possibilités.
On veut être sûrs qu'ils sont au moins informés, mais jamais, jamais une
coercition ou un encouragement. On veut juste qu'ils soient informés et que le
sujet soit abordé.
Mme Blouin : ...fonctionne
bien? Est-ce qu'il y a des choses qui devraient être améliorées dans ce
processus-là où vous trouvez que c'est...
• (11 h 50) •
M. Weiss (Matthew) : Bien,
je dirais qu'encore là, parce que la référence n'est pas obligatoire dans un
contexte de don d'après AMM, je ne peux pas dire à quel point c'est abordé ou
non. Il n'y a pas de statistique que je peux citer qui dit qu'autant de
personnes avaient la mention de don d'après l'aide médicale à mourir ou non.
C'est quelque chose que c'est... C'est quelque chose que j'aimerais bien qu'on
développe, la capacité de faire une reddition de comptes sur ça, mais qui
n'existe pas actuellement.
Mme Blouin : Parfait.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. Je
vais céder la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M.
le Président. Merci au collègue de Pontiac d'avoir inversé nos tours de parole,
là, pour des raisons de... d'embouteillage d'horaire. Merci surtout à vous
d'être là. Bonjour ou rebonjour, parce qu'on s'est parlé, je pense qu'il faut
le dire en... en toute transparence. Vous faites un travail de sensibilisation
aussi. Alors, on s'est parlé au cours des dernières années et plus récemment
encore, ce qui m'amène la première question. Recommandation 2, cette loi
devrait prévoir la désignation officielle de Transplant Québec comme organisme
responsable. Si je ne vous connaissais pas, là, je dirais : Bah! C'est
vraiment intéressé, là. Vous prêchez vraiment pour votre paroisse, là, mais ce
n'est pas ça que je pense. Dites-nous pourquoi il faut que ce soit Transplant
Québec qui soit...
Mme Bouchard (Martine) : Franchement,
concrètement, on est comme un sous-traitant. Ce qu'on souhaite, c'est être un
chef d'orchestre de l'ensemble du processus du don de la transplantation.
M. Marissal : C'est déjà
de facto le cas, si je comprends bien. Puis tout le monde parle de vous de
toute façon depuis hier, puis Transplant Québec, ça revient tout le temps. Vous
êtes devenu comme le joueur, mais avec pas vraiment les moyens et le statut.
C'est ce que je comprends.
Mme Bouchard (Martine) : En
fait, on coordonne le processus, mais il y a plusieurs responsables qui sont
attitrés à faire toutes sortes de choses. Ce qu'on souhaite avec cette loi
encadrante là, c'est de faire en sorte qu'on soit un organisme qui ait
l'ensemble des leviers nécessaires pour s'occuper du don, mais également de la
transplantation.
M. Marissal : En ce
moment, vous avez l'expertise de toute évidence, mais vous n'avez peut-être pas
les moyens. Et je parle notamment des moyens financiers.
Mme Bouchard (Martine) : Exactement,
au niveau des moyens financiers. Puis je vous dirais, si on se compare même
avec nos voisins ontariens dans le fonds pour l'organisme Trillium, en date de
2020, leur budget d'opération était trois fois supérieur au nôtre.
M. Marissal : C'est à
dire en termes de chiffres? Je n'ai aucune idée, là.
Mme Bouchard (Martine) : 60 millions.
M. Marissal : Alors que
vous avez...
Mme Bouchard (Martine) : Nous,
nous avons un budget opérationnel de 9,5 millions.
M. Marissal : O.K. Quand
même... O.K. Si on fait la répartition en fonction de la population...
Mme Bouchard (Martine) : Exact.
M. Marissal : ...il vous
faudrait autour de 40 millions. Quoi? Vous l'avez chiffré ou pas?
Mme Bouchard (Martine) : On
ne l'a pas encore chiffré au moment où on se parle, mais dans le fond, si on se
compare avec Trillium, il me semble qu'on pourrait avoir sensiblement la même
chose par rapport au nombre d'habitants. C'est quand même important de dire que
je ne vois pas pourquoi on a une différence entre provinces par rapport au
financement pour un travail qui est similaire.
M. Marissal : Je
comprends bien. Moi, si je demande l'aide médicale à mourir parce que j'ai une
maladie terminale, ma famille peut avoir bien de la peine, mais il n'y a
personne qui va pouvoir se mettre dans le chemin du cathéter. Si je dis que je
veux donner mes organes, que je meure puis que quelqu'un dans ma famille dit
non, il ne peut pas faire ça, on ne veut pas faire ça, là, à ce moment-là,
c'est la famille qui a le veto. J'ai... Je n'ai pas un malaise avec ça. Je
comprends ce que vous me dites, mais pouvez vous me l'expliquer pourquoi il
faudrait laisser ce veto dans une décision finale de quelqu'un qui en a fait sa
dernière volonté.
Mme Bouchard (Martine) : C'est
justement pour ça que je ne vous parlerais pas nécessairement de l'aide
médicale à mourir, je vous parlerais de qu'est ce qui se passe à l'intérieur
des CISSS et CIUSSS actuellement. Puis la notion de veto familial est présente.
Il n'y a pas un DSP, il n'y a pas un intensiviste, il n'y a pas un P.D.G. qui
va aller à l'encontre de... le souhait de la famille. Pour plusieurs raisons.
Vous comprenez, on l'a expliqué tantôt, c'est une question de douleur, une
question de moments intenses, un deuil important. Et on n'est pas dans une
culture au Québec où on va aller à l'encontre de la famille, se présenter en
cour pour faire respecter la volonté de la personne décédée. Ça, dans un
contexte régulier. Pour un contexte d'aide médicale à mourir, Dr Weiss pourrait
peut-être compléter.
M. Weiss (Matthew) : Bien,
je pense que la plus grande différence entre le don d'organes et l'aide
médicale à mourir, c'est qu'en AMM la personne est compétente jusqu'à la fin,
est capable de vérifier ou non son désir jusqu'à la fin. Dans le contexte de
don d'organes, comme on a vu dans le cas de Chantal, au moment où on confirme
le consentement, bien, la personne est dans un coma ou déjà dans un décès
neurologique. Donc, cette personne-là ne peut...
M. Weiss (Matthew) : ...par
exemple, aïe!, il y a trois mois, j'ai changé mon idée, mais je n'ai pas... j'ai
oublié de changer mon registre, qui pourrait être vrai, et, moi, comme
personne... qui va connaître cette réalité plus que la famille? Donc, je vais
aborder le sujet avec la famille.
Et de revenir... On a parlé de l'Espagne,
tantôt, l'Espagne qui a le consentement présumé, mais eux autres, ils n'aiment
pas quand on parle de consentement présumé, en Espagne, parce qu'eux autres,
ils disent : On va toujours vérifier avec la famille. Si la famille dit
non, on va le respecter. Mais c'est tellement une fierté nationale, en Espagne,
que les familles ne disent pas non parce qu'elles veulent... savent que le don
d'organe... le bénéfice que ça fait. Donc, c'est ça, l'équilibre... il faut
avoir.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, sur ce, je
vais céder la parole au député de Pontiac.
M. Fortin :Merci, M. le Président. Bien, bonjour, merci d'être là. Et
merci pour votre mémoire, mais je veux que vous sachiez à quel point, parmi les
témoignages qu'on entend cette semaine, là, votre témoignage, il porte un poids
important dans les délibérations qu'on aura par la suite, là. Vous êtes, pour
nous et pour la grande majorité des Québécois qui s'intéressent à cette
question-là, l'organisme qui... expert, disons, en la matière, alors votre
témoignage compte énormément.
Je veux peut-être poursuivre dans la même
lancée que le député de Rosemont a terminé, là, en parlant du respect des
dernières volontés, qui est un chapitre que peu de gens ont abordé jusqu'à
maintenant, en détail, du moins, dans le niveau de détail que vous amenez.
Votre recommandation, et je vais la lire pour le bénéfice, là, des gens qui
nous écoutent : «Cette loi devrait préciser», parlant de la fameuse
loi-cadre, «devrait préciser les motifs permettant de ne pas donner suite aux
dernières volontés enregistrées d'une personne avant son décès, et ce, afin de
favoriser le respect des dernières volontés et de mieux accompagner les
proches.» Donc là, je vous écoute, Dr Weiss, et vous nous dites, tu sais :
On respecte, et la plupart des juridictions le font comme ça, on respecte les
dernières volontés de la famille, mais là, ici, vous nous faites une
recommandation que ce n'est pas à tout prix, là, si je comprends bien.
Mme Bouchard (Martine) : En
fait, au moment où on se parle, dans la loi, c'est les motifs impérieux qui
sont définis, et les motifs impérieux, pour avoir parlé à plusieurs
personnes... pas tout à fait clair. Ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait des
précisions davantage, mais vous avez raison, par rapport à la famille, nous
n'irons pas à l'encontre de la famille. Je vois difficilement comment
Transplant Québec pourrait se présenter puis être le porte-étendard, aller à
l'encontre des volontés de la famille. Dr Chaudhury, vous voulez rajouter
quelque chose?
M. Chaudhury (Prosanto) : Non,
mais un exemple, ce serait d'encadrer dans la loi qu'on va respecter les
volontés de la famille.
M. Fortin :O.K.
M. Chaudhury (Prosanto) : Ça
pourrait être ça, la disposition législative. Parce que, présentement, comme
vous avez eu avec Dr D'Aragon hier, on est dans une zone grise, actuellement,
en pratique.
M. Fortin :O.K., parce que... Mais la raison pour laquelle je veux que
vous le précisiez, c'est parce que vous vous y connaissez pas mal plus que nous
tous ici, là. Alors, si vous nous dites : Précisez les motifs, ça veut
dire ce que vous venez de nous dire, essentiellement, là, respecter la volonté
de la famille, on... Disons que c'est plus clair que nous autres qui essaie de
trouver des motifs puis de bien comprendre, ça pourrait être quoi, là? Ça va de
ce côté-là.
M. Weiss (Matthew) : Et
aussi... pour juste ajouter aussi... rajouter, excusez, c'est sûr qu'il y a des
raisons, peut-être... peut-être une personne a vraiment changé d'idée, mais
aussi des raisons comme a un peu mentionné Mme Bouchard, c'est la réalité
d'enforcer un consentement qui est signé quand la famille n'est pas d'accord.
Mais, quand je parle... Il y a quelques juridictions aux États-Unis qui font
ça, et, quand je parle avec eux autres, la réponse est comme : Si la
famille dit non, on ne va pas procéder, mais ils donnent le... de l'hôpital,
avec l'avocat de l'hôpital, ils disent : Bonne chance, O.K.?
Écoutez, là, ça, c'est un choix de
société. Si on pense que les Québécois veulent vivre dans une société où il
faut porter plainte contre l'hôpital pour empêcher le prélèvement des organes,
ça, c'est une décision qui appartient à la société québécoise. Ce n'est pas à
nous, à Transplant Québec, de décider ça, mais je peux dire que, pratico-pratique,
ça serait très, très difficile d'encourager les médecins coordonnateurs, les
médecins au chevet d'enforcer un consentement signé dans un registre d'une
telle façon qu'on dit : Bonne chance, on va prélever les organes demain à
5 heures, vous avez jusque-là de... trouver un avocat.
Mme Bouchard (Martine) : M.
le Président, j'irais jusqu'à dire également que ça passe aussi par la
sensibilisation. Donc, on a parlé de la sensibilisation, donc, on a beaucoup,
pendant plusieurs années, discuté de signer votre carte, etc., mais il faut
aller une coche plus loin et justement de discuter avec la famille, ses
partenaires, ses proches pour dire : Respectez, je souhaite que vous
respectiez les volontés...
Mme Bouchard (Martine) : ...que
je vous informe, et puis ça, ce n'est pas nécessairement fait dans l'ensemble
des familles au moment où on se parle.
• (12 heures) •
M. Fortin :Je vais changer de registre deux petites secondes, en fait,
aller vers le registre. Vous avez parlé d'un guichet unique. Là, en ce moment,
les gens peuvent signifier leur volonté de trois façons différentes, là,
notamment la carte de l'assurance maladie, le registre de la RAMQ et la Chambre
des notaires. Vous avez parlé d'un guichet unique, accessible, convivial. Je suis
d'accord avec vous, là, il faut que ce soit accessible, il ne faut pas que ce
soit compliqué, il faut que ça... Alors, avez-vous quelque chose... y a-tu un
modèle, en quelque part, qui fonctionne à merveille, qui fonctionne bien, pour
que les gens puissent signifier leur... dépendamment du modèle, là, leur
consentement ou leur refus?
Mme Bouchard (Martine) : Oui.
Puis je vais passer la parole à Dr Chaudhury, mais juste avant, la notion du
24/7 est hyperimportante, la notion aussi... Il y a deux volets. Il y a le
volet d'accessibilité par rapport aux gens qui veulent s'inscrire, et il y a...
ou refuser ou... bon, et il y a aussi le volet pour les professionnels de la
santé pour aller valider, dans le fond, le consentement de la personne défunte.
Alors, c'est un élément que je voulais vous dire. Et puis on souhaite, puis ça
fait partie de nos recommandations, sincèrement, qu'il y ait un seul, où on
soit capables de voir le refus, mais également le consentement pour la
personne.
Dr Chaudhury.
M. Chaudhury (Prosanto) : Mais
il existe des registres, dans d'autres juridictions, qui sont en ligne, qui
sont accessibles, qui ne demandent pas qu'on reçoive un papier, qu'on le
renvoie. C'est assez simple. On peut... Le registre aux États-Unis, Donate
Life, on peut le faire de son iPhone rapidement. Alors, il me semble que nous
avons les technologies pour rendre ça faisable rapidement.
M. Fortin :Très bien. Des questions sur votre financement, parce que
vous avez commencé votre allocution en disant qu'on est l'organisme, à
Transplant Québec, qui est en charge de la coordination du processus des dons
d'organes, mais ça veut dire que, si vous n'avez pas le financement nécessaire,
ça ne marche pas comme ça devrait fonctionner non plus, là. Alors, est-ce qu'on
se... et corrigez-moi si j'ai tort, j'espère que j'ai tort, est-ce qu'on se
prive de dons d'organes au Québec parce que Transplant Québec ne reçoit pas le
financement à la hauteur nécessaire?
Mme Bouchard (Martine) : Je
pense qu'on pourrait faire mieux. Je pense qu'il est... Il y a des... Il y a
certainement des occasions qui sont ratées, pour toutes sortes de bonnes
raisons. On parlait de la sensibilisation, on parlait de l'encadrement tantôt,
on parlait des moyens de financement. Mais ce qui est surtout important de
dire, c'est que, si on regarde le financement juste de la portion de Transplant
Québec et on s'assure que les ressources nécessaires soient octroyées, il faut
également aller à l'autre bout de la... à l'autre bout de la chaîne et regarder
toute la notion de transplantation... aussi. Donc, ça ne peut pas être
uniquement à l'intérieur d'un centre ou d'une organisation en dons d'organes,
il faut que le financement soit pour l'ensemble de la boucle pour s'assurer que
tout le monde soit disponible et accessible.
M. Fortin :Très bien. Je vais peut-être prendre le temps qui reste, M.
le Président... Sur la question du consentement présumé, là, vous indiquez
essentiellement et, en fait, vous l'indiquez dans votre mémoire, vous l'avez
redit ici d'entrée de jeu, que c'est une portion d'un... d'une loi-cadre qui
est nécessaire. Donc, ça fait partie de... des... de ce qui pourrait être mis
en place pour faciliter le don d'organes avec un... toutes les autres mesures
que vous mettez de l'avant. Moi, je suis d'accord avec vous là-dessus. En fait,
je vais vous le dire comme ça, puis peut-être que... On serait fous de ne pas
prendre votre mémoire et de dire : Bien, voici une marche à suivre. Et
c'est un message que je passe à mes collègues, entre autres, là. Il n'y a
personne de mieux placé que vous pour nous dire c'est quoi, les meilleures
pratiques, comment ça fonctionne en ce moment, qu'est-ce qu'on peut faire de...
qu'est-ce qu'on peut faire de mieux et qu'est-ce qu'on a besoin comme organisme...
organisme avec une charge si importante. Alors, j'encourage mes collègues à
vraiment, lors de nos délibérations, là, se fier sur le document que vous nous
soumettez. Parce que, comme vous l'avez dit, les experts internationaux qu'on a
au Québec, là, sont ici autour de la table avec vous. Merci énormément de votre
présentation et du travail que vous faites à tous les trois.
Mme Bouchard (Martine) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. C'est bon?
Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, s'il vous plaît.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Je bénéficie de combien de temps pour...
Le Président (M. Provençal)
:Trois minutes 18.
M. Arseneau : Trois minutes
18. Heureusement qu'on s'est déjà parlé, effectivement, Mme Bouchard, Dr Weiss
et Dr Chaudhury. Moi, je voudrais aborder un élément qu'on a pu lire dans Le
Devoir hier ou avant-hier concernant une tournée, une consultation qui pourrait
s'apparenter à ce qu'on a fait pour le processus, là, d'adoption d'une loi sur
l'aide médicale à mourir...
12 h (version non révisée)
M. Arseneau : ...est-ce que c'est,
pour vous... Parce qu'on a parlé de sensibilisation, on a parlé du fait qu'il y
a quand même des questions très, très sensibles. Puis, même si on change le
cadre de la loi, si la population n'est pas nécessairement sensibilisée à toute
la question, il va manquer un élément. Est-ce que vous voyez ça comme une étape
préalable, l'idée... Là on a un mandat d'initiative aujourd'hui qui porte
principalement sur la présomption de consentement. Vous nous aviez dit :
Il faut élargir le débat, il faut un nouveau cadre législatif. Une consultation
élargie, ça se situe où, selon vous?
Mme Bouchard (Martine) : Bien,
d'abord, je vous dirais, le mandat d'initiative, c'est sur le don d'organes en
général, et la commission... ou le mandat d'initiative aujourd'hui, d'entendre
une multitude d'experts et plusieurs personnes. Et suite à un dépôt de loi, où
il y aura probablement une autre commission parlementaire, sera sur une
occasion de rêve de consulter les gens. Et ce qu'on dit, nous, c'est que, oui,
la portion du consentement présumé, c'est un élément qui est important, mais on
doit entendre les gens, ce que vous êtes en train de faire. Alors, je ne sais
pas si Prosanto... Dr Chaudhury ou Weiss, si vous voulez rajouter.
M. Weiss (Matthew) : Non, je
pense que c ‘est...
M. Arseneau : Mais, en fait,
ma question plus précisément, c'est que moi, je ne sais pas si c'est une
impression que vous partagez, c'est qu'on a encore du chemin à faire dans la
sensibilisation à l'importance du don d'organes et que ça devienne presque un
réflexe, et justement qu'on en arrive à une situation comme en Espagne, où les
gens ne se posent pas la question, c'est la chose à faire. Et mon
questionnement, c'est : Comment est-ce qu'on peut, au-delà du mandat d'initiative
qui dure deux jours, deux jours et demi, s'assurer que, pendant un certain
temps, il y ait une espèce de dialogue social, une espèce de permanence de ces
échanges-là au delà du cadre de la commission, pour qu'on en discute dans les
médias, qu'on en discute dans les chaumières puis qu'éventuellement que le
projet de loi vienne réponde à cette espèce d'aspiration des Québécois de faire
mieux?
Mme Bouchard (Martine) : Si
on se fie à l'exemple ou l'expérience de la Nouvelle-Écosse, dans le fond, au
niveau de la sensibilisation, ça a été porté par le gouvernement en place, qui
a fait une sensibilisation massive auprès de la population, avec des
discussions, avec la notion de consentement présumé, soit, mais la notion de discussion
sur une période de pratiquement deux ans. Donc, cette notion de sensibilisation
là, auquel on fait référence d'ailleurs dans le mémoire, est hyperimportante,
et ça pourrait être une avenue aussi à regarder.
M. Arseneau : Et vous voyez
ça comme une démarche parallèle, ou préalable, ou concurrente à l'adoption...
au processus d'adoption de la loi.
M. Weiss (Matthew) : Mais c'est
ça que je dirais que, plus que la loi soit alignée avec les valeurs de la
société, plus que la loi va être cohérente et applicable après. Donc, c'est sûr
que plus ce qu'on sait sur les désirs et les connaissances et les volontés de
la population en général, mais mieux on va être capable de créer une loi qui
corresponde à ces valeurs.
M. Arseneau : Oui, la volonté,
voire les réticences aussi, ou les préjugés, ou les idées reçues.
M. Weiss (Matthew) : Et les
populations vulnérables aussi, parce que c'est sûr que les... on a quand même
une population qui est multiculturelle, donc c'est sûr qu'il y a peut-être des
populations qui sont, plus ou moins, d'accord avec un changement de régime de
consentement.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Et
merci surtout aux représentants de Transplant Québec pour, d'une part, votre
présentation et, d'autre part, pour la qualité des échanges qu'on vient d'avoir
avec vous.
Sur ce, je vais suspendre temporairement
les travaux pour permettre aux prochains groupes de prendre place. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 09)
(Reprise à 12 h 12)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, bienvenue à vous. Pour votre
présentation, vous avez 10 minutes et, par la suite, nous allons procéder
aux échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Merci.
Merci, M. le Président. Merci à la commission pour l'invitation. Donc, je suis
Mélanie Brassard Forcier, professeure titulaire à la Faculté de droit de
l'Université de Sherbrooke et Fellow au CIRANO. Je suis accompagnée de Luna
Altarbouch, qui est une de mes anciennes étudiantes et pharmacienne ainsi que
chargée de cours à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, et
Me Nicholas Hébert-Gauthier, aussi un ancien étudiant de la Faculté de
droit de l'Université de Sherbrooke. Les deux personnes qui m'accompagnent sont
co-auteurs du rapport dont nous allons parler aujourd'hui.
Donc, je vais vous guider, parce que je ne
peux partager le PowerPoint, donc je vais vous guider avec la présentation que
vous avez en main. Donc, la première diapo... en fait, je vous présente le
rapport que l'on a préparé à l'aide d'un financement... et c'est un rapport
CIRANO. Donc, on a abordé quatre thèmes — ce rapport est disponible
aussi sur Internet — donc le consentement, le rôle et l'influence de
la famille et des proches du défunt, la formation des médecins et autres
professionnels de la santé et la sensibilisation du public et l'organisation et
la procédure des thèmes qui ont été abordés afin d'évaluer comment on pouvait,
au Québec, optimiser le don d'organes. On a étudié 10 juridictions, donc
l'Australie, la Croatie, l'Espagne, la France, la Pennsylvanie, le Royaume-Uni,
la Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec.
Donc, la prochaine diapo porte sur le
constat qui découle de cette étude qui est quand même volumineuse. Donc, notre
constat, c'est qu'à après étude des différentes juridictions où il y a un
consentement présumé ou un consentement explicite, il est impossible de
conclure que l'un ou l'autre mode de consentement mène, lui seul, à une
augmentation des dons... du don d'organes. Le Royaume-Uni, en fait, a
récemment, comme vous le savez, adopté un modèle de consentement présumé. Il y
a différentes études qui portent sur l'impact de l'adoption de ce modèle-là,
ici, je vous en cite une, et c'est très difficile de déterminer si le
consentement présumé mène ou pas à une augmentation du don d'organes. Et parmi
les facteurs, en fait, qui ont un impact sur le nombre de dons, on identifie
évidemment, là, la pandémie, la pratique organisationnelle, la formation des
professionnels, les croyances, la religion, la peur qu'on ne fasse pas les
efforts pour garder en vie — ça, c'est quand même quelque chose qu'on
voit ressortir dans différentes études — la méconnaissance,
évidemment, de la volonté du défunt, la procédure relative au don qui est
méconnue puis qui peut s'avérer complexe pour pour la famille du défunt et
aussi le sentiment de don forcé. Donc, c'est ce qui ressort de cette...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...mais
aussi de d'autres types d'études.
Lorsque vous lisez notre rapport, on a
différentes recommandations et on a décidé d'axer ici sur six recommandations
principales, mais de vous parler de deux de ces recommandations, compte tenu
des présentations qui ont eu lieu devant la commission pour éviter de répéter
ce qui a déjà été dit. Donc, parmi les six... bien, en fait, les six recommandations
aujourd'hui sur lesquelles on souhaite attirer votre attention, il y a celle de
créer une loi spécifique sur le don d'organes regroupant l'ensemble des
modalités propres au don d'organes au Québec — donc Transplant Québec
y a fait référence — créer un registre — ça aussi, on y a
fait référence — donc facilement accessible, permettant l'inscription
d'un consentement ou d'un refus, créer une formation obligatoire sur le don
d'organes pour les professionnels de la santé et accroître la sensibilisation
du public, sensibiliser et consulter les familles, notamment pour éviter le
veto, ce sur quoi on va axer aujourd'hui, exiger un référencement systématique
et obligatoire par les établissements de santé et de tous les donneurs
potentiels dont le décès est imminent ou survenu, et créer des audits
s'inscrivant dans un processus d'évaluation continu, et enfin, entreprendre une
réflexion... une réflexion, pardon, de société sur le sujet du consentement
présumé, recommandation sur laquelle nous allons aussi axer aujourd'hui.
Donc, pour vous guider, je suis maintenant
à la diapo 5 du PowerPoint que vous avez devant les yeux. Donc, comme je
vous disais, nous allons axer sur la recommandation qui concerne la
sensibilisation et la consultation des familles pour éviter le veto. Je suis
très heureuse, on a eu l'occasion, là, de brièvement entendre Transplant Québec
quand nous étions dans un test de son, donc on n'a pas tout entendu, mais on a
abordé plus spécifiquement ce sujet. Donc, c'est important de mentionner que, dans
toutes les juridictions étudiées, donc que l'on soit en présence d'un modèle de
consentement explicite ou de consentement présumé, donc dans toutes les
juridictions, la pratique médicale est celle de respecter, en fait, la volonté
de la famille, que le proche ait ou non... en fait, que le proche ait
manifesté, par exemple, un consentement au don ou, en fait, qu'il n'y ait pas
de consentement ou de refus d'inscrits.
On l'a mentionné, au Québec, le Code civil
du Québec prévoit qu'il est important de respecter la volonté du défunt, et
cette volonté du législateur s'inscrit d'ailleurs dans une volonté de
reconnaître le droit à l'autonomie décisionnelle. Et c'est vraiment... on est
présentement dans une ère du respect du droit à l'autonomie décisionnelle. Par
contre, on apporte une exception dans le code civil et qui concerne
l'expression «motif impérieux». On l'a indiqué plus tôt, Transplant Québec vous
l'a indiqué, la définition d'un motif impérieux n'est pas fournie, donc ça peut
être difficile de déterminer ce que veut dire l'expression «motif impérieux».
À la diapo 7, je vous indique ici le
taux de refus, en fait, des familles qui émane, en fait, du rapport 2022
de Transplant Québec. On voit quand même qu'il y a un taux de refus qui se
rapproche de 24 %... donc de 25 % par les familles. Et il faut savoir
que ce refus-là, par les familles, de procéder au don, c'est un refus qui peut
découler du fait qu'on ne connaissait pas la volonté du défunt ou que le défunt
a consenti, mais parce que la décision de consentir au don est trop difficile.
Lors, par exemple, du décès, la famille va choisir d'opter pour le refus, en
fait, le refus du respect du consentement. Par ailleurs, on note qu'il y a
quand même 80 % des Québécois qui jugent que la famille ne devrait pas
aller à l'encontre de la volonté de leurs proches.
Lorsqu'on regarde plus spécifiquement ce
que pourrait impliquer la définition de «motif impérieux» — là, je
suis à la diapo 8 — et qu'on regarde la littérature et même les
débats parlementaires, il y a... en fait, c'est plutôt anémique en termes de
discussion sur le sujet. Ma collègue, Louise Bernier, a publié un article qui
porte notamment sur l'expression «motif impérieux», et elle y indique, en fait,
que, de façon générale, dans la doctrine, on va considérer qu'un motif
impérieux va plutôt s'associer à une question d'ordre public. Donc, par
exemple, le refus de la famille de respecter le consentement du défunt parce
que le choc était trop important, si on s'en tient à une définition stricte de
l'expression «motif impérieux», ça ne devrait pas être un motif, en fait, de
respect du véto de la famille. Ceci dit, toujours ma collègue allègue le fait
que le fait de ne pas respecter le véto de la famille peut s'avérer non éthique
dans les circonstances. Et d'ailleurs, on vous l'a mentionné, Transplant Québec
vous l'a mentionné, ça peut être particulièrement difficile pour les cliniciens
de ne pas respecter...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...la
volonté de la famille qui s'avère contraire à la volonté du défunt.
• (12 h 20) •
Ici, je tiens... je tiens à porter à votre
attention, en fait, un... En fait, c'est deux droits qui s'entrechoquent, et on
a parfois tendance, souvent dans notre formation juridique ou même lorsqu'on
est formé en éthique clinique, à voir un côté du droit ou de l'éthique et non
pas l'autre côté. Donc, lorsqu'on est... lorsqu'on est formé en droit, on va
regarder... ou en éthique clinique, on va regarder le droit de la personne qui
est devant nous, donc, par exemple, le droit ou le respect des droits de la
famille qui est devant nous comme médecin, c'est vraiment un réflexe que l'on
a, et on oublie les gens qui sont de l'autre côté, donc qui sont en attente
d'un don et qui pourraient décéder du fait qu'on pourrait refuser de procéder
au don et de... et de respecter, en fait, le consentement du défunt au don.
Donc, ça, c'est très important de toujours garder ces deux... ces deux
perspectives en tête pour s'assurer de prendre une bonne décision au niveau
éthique et même légal. Donc, je vous dis ici, dans la diapo, là, lorsqu'on
refuse, par exemple, de suivre le consentement du défunt, on répond à quel
droit par rapport à l'impact de ce refus-là pour, par exemple, jusqu'à huit
personnes qui pourraient bénéficier du don d'organes dans certaines situations.
J'ai voulu de me concentrer sur l'ampleur
du respect du droit à l'autonomie décisionnelle ici, au Québec, et c'est la
raison pour laquelle, à la diapo 10, je vous réfère, en fait, à ce qu'on fait
en termes de soins de fin de vie et d'aide médicale à mourir, où, en fait,
on... de plus en plus, on axe sur cette importance de respecter l'autonomie
décisionnelle de la personne, son choix de fin de vie. Donc, je tenais à porter
cet élément-là à votre attention.
À la diapo 11, j'ai creusé encore plus
loin pour évaluer dans quelles circonstances on pouvait aller à l'encontre des
droits, par exemple, de la personne décédée afin de respecter, par exemple, la
famille ou se... afin de s'impliquer plus dans un processus de réflexion
éthique pour que cette famille-là vivent mieux avec le décès. Et je vous réfère
ici, donc, à la diapo 11, au sujet de l'accès aux renseignements personnels du
défunt. Et c'est... En fait, c'est la Commission d'accès à l'information qui
nous dit qu'«un organisme public peut communiquer un renseignement personnel
concernant une personne décédée à son conjoint ou à l'un de ses proches. Il
faut cependant que ce renseignement soit susceptible d'aider cette personne
dans son processus de deuil. De plus, si la personne décédée a consigné par
écrit son refus d'accorder ce droit d'accès, l'organisme public ne peut pas
donner suite à la demande des proches.» Donc, c'est à garder en tête.
Finalement, il faut se poser aussi la
question. Lorsqu'on refuse, en fait, de faire droit au... à la volonté du
défunt parce qu'on réalise que c'est trop difficile pour la famille d'accepter
finalement le don d'organes, est-ce qu'on se penche sur le bien-être de la
famille au moment présent ou sur le bien-être de la famille dans un... dans...
par exemple, dans un moment futur, par exemple, dans les prochaines années?
Qu'en est-il si la famille, plus tard, a besoin, elle, d'un don d'organes?
Qu'en est-il si la famille, elle, réalise qu'elle aurait pu sauver des vies?
Donc, il faut garder ça dans l'équation. Puis c'est pour ça que ça va être très
important de sensibiliser les familles.
Dernière recommandation sur laquelle on
souhaite axer, c'est entreprendre une réflexion de société sur le sujet du
consentement présumé. Donc, ce qui est très important, puis je pense que ça
ressort des présentations, c'est l'importance de donner confiance. On a ici,
là, la même discussion qu'en lien avec le partage des données personnelles, par
exemple cette crainte de certaines personnes à l'effet que peut-être que des
soins ne seraient pas donnés parce qu'on voudrait utiliser leurs organes. C'est
vraiment toute une question de confiance sur laquelle on doit travailler, puis
c'est la raison pour laquelle c'est important de travailler avec les parties
prenantes et avec les... la population.
Consulter les communautés autochtones. Je
n'ai vu personne représentant les communautés autochtones invité à la
commission et je pense que c'est capital parce qu'on voit dans ces communautés
un entrechoquement, en fait, de valeurs, beaucoup entre les différentes
générations. Le rapport par rapport au corps est particulier. Donc, c'est
important de s'assurer de consulter les communautés. Par exemple, dans
certaines communautés, il y a tout un processus, un rituel qui est mis en place...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...lorsqu'un
enfant est mort-né, et donc c'est peut-être un rituel qui doit être mis en
place lorsqu'il s'agit de pouvoir procéder aux dons.
Enfin, c'est important d'avoir un
registre, comme je le disais, un seul registre qui va faciliter en fait
l'inscription du consentement ou du refus. Je ne peux pas m'empêcher de dire:
Évitez l'exemple de la SAAQ, s'il vous plaît. C'est quelque chose qui est fort
complexe. Je trouve difficile, j'ai fait le test avec mes étudiants et
étudiantes, c'est difficile d'enregistrer son consentement. Mon consentement
n'est pas enregistré à la RAMQ, parce que c'est trop complexe. Donc, il faut
penser à un registre qui est facile d'accès et peut-être envisager différentes
options aussi, par exemple la possibilité de consentir à donner tous ses
organes ou seulement certains. Donc, il faut penser à différentes modalités,
modalités qui pourraient permettre en fait d'accroître la confiance des
individus envers le don d'organes.
Donc, voilà. Je vous remercie, ça conclut
la présentation. J'ai fait vite, parce que je sais que la commission est en
retard. Donc, on est disponibles.
Le Président (M. Provençal)
:Et je me suis permis de vous laisser
aller sur votre présentation grâce à la collaboration de la députée de
Bonaventure, parce que c'était important d'avoir votre présentation au complet.
Alors, sur ce, Mme la députée de Bonaventure, allez-y.
Mme Blouin : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci à vous de votre temps aujourd'hui. Merci aussi de nous
emmener ailleurs avec vos réflexions, avec votre expertise, c'est vraiment
intéressant.
Bien, en fait, vous venez d'en parler,
Transplant Québec aussi, j'ai envie de vous emmener tout de suite sur le fait
de préciser dans la loi les motifs impérieux. Je me demande: Ça ressemblerait à
quoi? Comment on peut faire ça?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Vous
savez...
Mme Blouin : C'est une grande
question.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) :
Oui. Bien, en fait, quand j'écoutais Transplant Québec, je réfléchissais en
même temps, j'ai apprécié qu'on ait posé la question aussi, mais je crois que
c'est M. Fortin qui a posé la question. Normalement, comme... lorsqu'on
construit les lois, on va tenter de faire en sorte qu'elles ne nous limitent
pas dans le temps. Donc, il faut quand même les construire pour qu'elles
puissent évoluer avec l'évolution des pratiques, tu sais, dans un contexte
contemporain pour qu'on ne soit pas toujours obligé d'aller modifier la loi, ce
qui est un processus complexe, on le sait, avec ce qui se passe là, donc,
aujourd'hui, notamment. Donc, il faut faire attention si on prévoit des motifs
spécifiques, en fait, de refus pour s'assurer que la loi puisse toujours être
valide dans le temps. Je ne sais pas si... En fait, là, la difficulté, c'est...
Mon interprétation personnelle, c'est que la pratique clinique où on respecte
le refus de la famille, et donc qu'on ne respecte pas le consentement du
défunt, selon moi, c'est une pratique qui est contraire à la loi. Donc, il y a
une problématique là avec la loi actuelle, le Code civil, parce qu'on n'a pas
une.... en fait, on va utiliser un terme technique, là: on n'a pas une
réflexivité de la norme dans la pratique médicale, et c'est problématique.
Donc, il faut soit permettre le respect du refus des familles... Je n'irais pas
jusqu'à préciser dans quelles situations, parce qu'il faut qu'il y ait une
certaine malléabilité du droit. Mais peut-être qu'une des façons de nous rendre
à tous et à toutes la tâche plus facile, avec tout ce qui a été dit au niveau
de la sensibilisation, c'est, en plus, de s'assurer que, pour chaque individu
au Québec, il y ait soit un consentement ou un refus, qu'il n'y ait pas de case
vide, là, ou que, s'il n'y a ni consentement ni refus, que la case qui prévoit,
par exemple: Je souhaite que ce soit ma famille qui décide à ma place lors de
mon décès... Donc, c'est peut-être une des façons. Mais j'aurais une réticence
à prévoir des motifs spécifiques de refus dans la loi comme telle.
Mme Blouin : Et, si on
inscrit dans la loi le veto familial, est-ce que ça pourrait aussi risquer
peut-être de décourager certaines personnes de s'inscrire au registre de
consentement?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Vous
voulez dire: Le fait qu'on prévoie une possibilité d'exercer un véto, ça
pourrait décourager...
Mme Blouin : Bien, en fait,
s'ils se disent: Bien, c'est ma famille qui va avoir le dernier mot de toute
façon. À quoi ça sert que je m'inscrive au registre?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien,
en fait, dans la mesure où on avait l'obligation de s'inscrire, peu importe
qu'on consente, qu'on refuse ou qu'on dise: C'est à ma famille de décider, il y
aurait cette obligation-là d'emblée. Peut-être que ça pourrait se faire lors du
renouvellement de permis de conduire. Puis en plus, ça serait périodique. À ce
moment-là, on pourrait s'assurer que ce soit à jour comme information. Donc,
peut-être que... Je ne sais pas, Mme Altarbouch ou Me Hébert-Gauthier, si vous
voulez ajouter au niveau des propositions. C'est les deux personnes qui ont
fait les études spécifiques dans chacune des juridictions. Donc, peut-être que
vous avez quelque chose à ajouter.
Mme Altarbouch (Luna) : J'ajouterais
à ce que vous avez dit, Me Forcier, c'est avoir certains contextes avec le
consentement. C'est difficile pour une famille de prendre une décision, n'ayant
pas le contexte un peu plus complet du...
Mme Altarbouch (Luna) : ...ou
du refus de la personne concernée. Alors, si on peut amener à un certain
contexte, comme vous avez mentionné, Me Forcier, consentement partiel
écrit, mais aussi dans quelles circonstances, dans quels moyens qu'on voit...
dans quelles circonstances qu'on pourrait prendre la décision au nom du défunt.
C'est vraiment une conversation qu'on devrait amener avec la famille pour leur
amener à mieux comprendre la volonté initiale du défunt. Puis la majorité des
cas, quand il y a cette compréhension là, la famille est plus encline à
respecter la volonté initiale du défunt. Ça fait que c'est ce qu'on a vu un
peu.
• (12 h 30) •
Puis il y a certaines juridictions aussi
qui prévoient un refus. Par exemple, la France, si je prends l'exemple, il y a
un registre de refus et c'est un système de consentement présumé, qui est un
système juste... donc pour inscrire son refus dans un registre national. C'est
le seul moyen généralement qui est possible pour exprimer son refus, mais on...
la loi prévoit aussi des modalités d'expression de refus qui sont fixées par
les dispositions réglementaires, notamment... non seulement le registre de
refus, mais il y a aussi un document écrit qui pourrait être écrit de la main
même de la personne décédée. Alors, ça, amène des éléments, du contexte et plus
d'appui pour la famille pour faciliter leur choix, pour aller vers le don. Ou
si le proche, s'il veut exprimer la volonté qui a été dite verbalement par
cette personne-là, bien, ils peuvent le documenter, mais ça doit être écrit et
par témoins à l'hôpital. Donc, la volonté de la famille, oui, elle est prise en
considération, mais elle devrait démontrer... selon la volonté du défunt.
Alors, c'est celle qu'on recherche, à avoir un lien à la famille, donc
respecter la volonté initiale de la personne concernée.
Mme Blouin : Le temps file.
J'ai encore plusieurs questions, mais est-ce qu'on devrait peut-être définir
qui sont les proches à qui s'adresser lors de nos dernières volontés? Est-ce
qu'on devrait définir qui est la famille ou prévoir à l'avance des personnes?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bon,
on pourrait s'inspirer de plein de choses, en fait, pour déterminer... pour
bien circonscrire qui est la famille. Ça pourrait être... par exemple, on
pourrait suivre ce qui se fait au niveau du droit des successions. Donc, il y a
différents modèles dont on pourrait s'inspirer, peut être que de bien
circonscrire qui est la famille, parce qu'on voit, là... il y a d'ailleurs
des... il y a un litige en lien avec... à qui appartiennent les cendres d'un
défunt. Donc, à qui est-ce que ça va? À l'ex-conjointe, à la mère, au frère?
Donc, oui, ce serait quand même pertinent de peut être circonscrire qui est la
famille, bien cibler.
M. Hébert-Gauthier (Nicholas) : Ce
serait peut-être un élément... si vous me permettez. Je pense effectivement que
peut être dans le cadre du registre unique, si on était capables de permettre
aux gens d'identifier une personne qui pourrait avoir préséance à leur décès
pour prendre la décision, peut être que ça réglerait la question. Parce qu'en
ce moment, au Québec, c'est l'article 15 qui prévoit, là, la hiérarchie,
là, peut-être souple, de qui peut consentir ou non, là. Comparé à d'autres
juridictions, c'est une hiérarchie établie, je pense à l'Ontario où c'est une
hiérarchie établie par la loi. Donc, on va aller à tel individu, puis
l'individu qui prend la décision, c'est lui qui a préséance, puis s'il n'existe
pas, on va en dessus et en dessous. Donc, peut être de permettre à la personne
identifiée déjà à l'avance une personne cible en quel elle a le plus confiance
pour prendre cette décision-là, on pourrait, là, lui laisser. Et sinon, à
défaut... règles supplétives de la hiérarchie à suivre. Ça peut être une
direction, mais je ne l'ai pas vu dans les autres juridictions qu'on a
étudiées, ce genre de ciblage, là, préalable.
Mme Blouin : Merci beaucoup
pour la précision. J'aimerais parler aussi maintenant des personnes qui vont
être inaptes à consentir. Et supposons, en fait, qu'une personne, de façon
éclairée, a consenti de façon officielle aussi, que ce soit avec la Chambre des
notaires, par la RAMQ, peu importe, et que, là, elle est rendue inapte,
qu'est-ce qui se passe?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien,
en fait, en principe... puis là vous me ramenez dans mes principes de droit que
j'ai étudié il y a longtemps, maintenant, je fais du droit de la santé, droit
public de la santé, j'aurais tendance à dire que la personne, lorsqu'elle a
consenti, est ce qu'elle était apte, en fait, à consentir? Ce serait le réflexe
que j'aurais. Ceci dit, là, on pourra... tu sais, c'est des choses qui
pourraient se préciser, là, dans la loi, là, certaines modalités, mais j'irais
avec ce... tu sais, quand elle a consenti, était-elle apte? Puis c'est ce qui
est important. Si elle est apte, on respecte son consentement.
Mme Blouin : On parle
beaucoup aussi de la nécessité d'avoir juste un registre. En fait, est-ce que
vous pouvez nous expliquer un peu qu'est-ce que... de quelle manière ça
viendrait aider?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...bien,
en fait, on fait sortir différents éléments, là, le fait d'avoir deux
registres... bien, d'une part, il y a le registre de la RAMQ, où on peut
consentir, il y a la Chambre des notaires, en fait, où on peut consentir ou
refuser. Il y a une duplication d'information, c'est difficile d'accéder, même,
à l'un et à l'autre de ces registres-là. Il pourrait y avoir une confusion
aussi, hein, on a consenti il y a longtemps à la RAMQ puis là on va voir son
notaire puis on dit autre chose. Donc, ça peut créer de la confusion.
Donc, d'avoir l'information regroupée dans
un seul registre, c'est quelque chose qui... c'est juste plus efficient, en
fait. Et aussi, comme vous le disait Transplant Québec, cette... l'information
pourrait aussi avoir un registre avec deux volets, un volet où l'information
peut être aussi consultée par Transplant Québec, pour faire, par exemple, des
études sur la performance, et tout ça, là. Donc, d'avoir tout concentré en un
seul endroit, ce serait l'idéal.
Mme Blouin : On sait aussi à
quel point c'est... Oui, allez-y, Mme.
Mme Altarbouch (Luna) : Je
voulais juste ajouter le point aussi... avoir la facilité, pour la personne qui
change d'avis, que ça soit pour pouvoir enlever son consentement ou son refus,
le modifier, avoir une seule place où est-ce qu'on devrait faire ça, pour
enlever l'élément de confusion. Et un élément de convivialité, que ça soit plus
rapide, qu'on puisse le consulter. Il y a beaucoup de gens qui ne sont même pas
capables, ils sont... ils ne s'en rappellent même pas, s'ils ont fait l'enregistrement,
ça fait très longtemps. Et, au niveau de la validité du consentement, est-ce
que ça pourrait être plus répétitif et périodique?
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. M. le
député de Pontiac, vous prenez la suite.
M. Fortin :Oui. Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Merci.
Merci d'être avec nous, de nous partager votre expertise, expérience, et votre
recherche. Mme Forcier, vous avez mentionné le registre de la RAMQ comme étant
particulièrement complexe. Je pense que vous nous avez dit, vous-même, là, vous
n'êtes pas enregistrée sur le registre de la RAMQ, mais, dans les données qu'on
a... puis vous n'êtes pas la seule, je le dis ouvertement, moi non plus, là,
moi non plus. Ma carte est signée, je suis enregistré à la Chambre des
notaires, mais pas au registre de la RAMQ. Mais, pourtant, quand on regarde les
chiffres qui nous sont fournis, la... on semble indiquer qu'il y a... j'ai vu,
quoi, 3 millions de personnes inscrites sur le registre de la RAMQ. Comment ces
gens-là ont réussi, si vous, moi puis la moitié du monde autour de la table ne
l'a pas fait?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien,
en fait, je pense que ça dépend de plusieurs facteurs. Il y a le facteur temps.
Je suis certaine que je pourrais être enregistrée si je prenais le temps et si
j'avais la patience. Parce que c'est toute la question du code SECUR, puis là
tu te renvoies ça, puis ça... quand on a un horaire chargé, on n'a pas le
temps. Je serais curieuse de savoir c'est... qui est la population, qui sont
ces 3 millions, parce que, pour avoir fait le test, j'ai... lorsque j'enseigne,
lorsque je donne mon cours où j'aborde le sujet du don d'organes, à chaque
année, mes étudiants et étudiantes sont dans la classe, elles veulent... les
étudiantes veulent aller s'inscrire, et ça ne fonctionne pas. Donc, elles... tu
sais, ils et elles abandonnent, là. Donc, il y a une problématique. Et on parle
de gens qui ont un niveau supérieur de scolarité.
M. Fortin :Et d'où ma question. Je peine à comprendre qui sont ces 3
point quelques millions de Québécois, là. Effectivement, il y a peut-être une
petite validation à faire de ce côté-là pour comprendre qui ils sont.
Vous êtes les premières personnes à nous
mentionner la possibilité de vouloir donner certains organes. Est-ce que vous
pouvez spécifier un peu? Est-ce que c'est fait, ailleurs, est-ce que c'est...
est-ce que ça fonctionne bien? Est-ce que... Disons que vous avez piqué ma
curiosité.
M. Hébert-Gauthier (Nicholas) : Mélanie,
si je peux me permettre. En Nouvelle-Écosse... en Nouvelle-Écosse, ils
permettaient, à l'époque, on n'a pas fait les mises à jour, mais avant la
réforme de 2021, ils permettaient, là, de désigner certains organes, le cœur,
entre autres, le coeur est souvent un organe sensible, pour certaines
communautés, entre autres, religieuses où c'est un organe qu'ils ont moins
tendance à vouloir donner. Ça fait que, des fois, ça peut être un frein à
vouloir consentir au reste des organes si on sait que celui-là pourra être
donné.
Et aussi j'ajouterais un autre élément, il
y a le consentement des organes spécifiques. On ne l'a pas vu dans d'autres
juridictions, de mémoire, mais il y a aussi le don dirigé. En Pennsylvanie, la
loi permet qu'on peut donner une sorte de droit de premier refus ou, du moins,
une priorité, là... ce n'est pas le bon terme, pardon, envoyer l'organe à un
individu spécifique, et, s'il y a compatibilité, il pourrait avoir priorité sur
les autres, et, ensuite, si on ne peut pas l'utiliser, bien là,
obligatoirement, il doit pouvoir être utilisé à d'autres fins, là. Donc, la
personne ne peut pas juste désigner une personne, et non. Donc, c'est d'autres
avenues qui sont envisagées, et on voit quand même que la Pennsylvanie ont des
bons taux...
M. Hébert-Gauthier (Nicholas) : ...je
ne pense pas que c'est nécessairement l'élément clé, mais ça en fait partie et
ça ne semble pas avoir freiné non plus le... leur taux de dons d'organes.
M. Fortin :Mais, quand ils ont fait leur changement, là, vous avez
mentionné la Nouvelle-Écosse, par exemple, quand ils ont fait leurs
changements, récemment, ils ont enlevé cette possibilité-là?
• (12 h 40) •
M. Hébert-Gauthier (Nicholas) : On
n'a pas... je n'ai pas le souvenir s'ils l'ont fait. Non, je n'ai pas vu le
formulaire entre temps. Le rapport est sorti, en fait, avant l'entrée en
vigueur de la loi, et il y a beaucoup de choses qui ne sont pas précisées à
même la loi, c'est à même la pratique... les formulaires qui sont faits par
l'équivalent de Transplant Québec en Nouvelle-Écosse.
M. Fortin :O.K. J'aimerais vous entendre davantage sur la notion des
communautés autochtones. Et vous nous rappelez à l'ordre correctement, là, sur
ces... sur ces questions-là, peut-être une grave omission de notre part pour
cette phase-ci, disons, de ce discours sociétal qu'on a. Mais vous semblez
connaître certaines des... peut-être des notions spécifiques à certaines
communautés autochtones. Alors, j'aimerais ça vous entendre davantage
là-dessus, si c'est possible.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui,
juste avant, pour terminer, sur votre question précédente, c'est important de
garder en tête que la question du choix, de pouvoir choisir quels organes on
donne, ça... ça crée quand même des... une certaine résistance. Donc, il ne
faut pas oublier... donc, à certains égards, il y a un accroissement de la
confiance, parce qu'on sait qu'on peut juste choisir les organes qu'on souhaite
donner, mais, d'un autre côté, il y en a qui voient ça plus négativement. Donc,
juste, je tenais à le préciser.
Oui, pour les communautés autochtones, en
fait, on réalise même un projet sur le sujet du consentement présumé dans les
communautés. Et c'est un projet que j'ai beaucoup de difficulté à faire parce
que c'est un sujet très délicat à aborder dans les communautés. Et, jusqu'à
présent, lorsque j'ai réussi à aborder ce sujet-là avec des représentants de
certaines communautés, et ça... et la perception est différente aussi d'une
communauté à une autre. C'est... c'est... comme les soins de fin de vie,
d'ailleurs, c'est deux sujets extrêmement délicats. Et les discussions que j'ai
eues, c'était... Vraiment, c'est qu'il y a un rapport au corps qui est particulier
dans plusieurs des communautés, mais il y a vraiment un entrechoquement de
valeurs. C'est que, d'une part, dans beaucoup de communautés, on va devoir
bénéficier de dons, notamment au niveau du rein, du foie. Donc, il y a ce
besoin-là de dons, mais, d'un autre côté... puis là, là, je suis moins...
c'est... vraiment, là, je vous inviterais à parler à des gens de communautés,
mais au niveau, par exemple, des croyances puis des rituels lors du décès, dans
certains cas, c'est important, par exemple, d'être enterré dans son entier.
Donc, il y a... il y a un entrechoquement de valeurs, mais il semble que les
dernières générations soient beaucoup plus ouvertes à ces sujets-là, dons
d'organes, soins de fin de vie, que les plus vieilles générations. Donc, c'est
pour ça que c'est important, pour susciter l'adhésion des communautés, mais de
leur population, de travailler avec... avec elles pour bien faire les choses,
puis que ça soit finalement acceptable, là, d'un point de vue sociétal.
M. Fortin :Très bien, je vous remercie. Je pense que ma collègue avait
peut-être quelques questions également. Merci, Mme Forcier.
Mme Lakhoyan Olivier : Merci.
Merci, M. le Président. Merci d'être ici. Entre hier et aujourd'hui, à vous
écouter, on voit qu'il y a beaucoup de... il y a beaucoup de lacunes pour avoir
une meilleure... un meilleur système, disons. Et puis, dans vos
recommandations... et les autres groupes, ils nous ont beaucoup mentionné
des... l'acceptabilité sociale. Donc, pendant que nous faisons ceci, il faudra
comme commencer à faire jaser et parler de ce sujet-là afin que, lorsque... si,
un jour, on aura une loi qui améliore ce système-là, que ça soit mieux accepté.
Dans votre opinion, qu'est-ce que vous suggérez afin que ça soit bien... bien
entendu par les Québécois?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien,
en fait, c'est une de mes expertises, là, je travaille de plus en plus sur la
participation des parties prenantes dans l'élaboration des politiques pour
favoriser leur acceptabilité. Donc, votre question est tout à fait appropriée.
Mes travaux démontrent que, pour qu'une loi... tu sais, pour qu'il y ait une
réceptivité à une nouvelle loi, par exemple, à une nouvelle norme, les travaux
de la commission sont parfaits, mais c'est des experts qui présentent
présentement. Donc, il faut aller vers la population. Et, pour le faire...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...il
faut des... il faut, par exemple, faire des sondages, faire des ateliers de
travail, des séances de discussion ouverte avec le public. Puis c'est fou,
hein, même si on ne modifiait pas le Code civil, par exemple, en bout de ligne
ou on n'adoptait pas de loi en bout de ligne, le simple fait de faire cela
représenterait en fait une façon d'accroître le don, parce que les gens ne...
on ne parle pas du don. Moi, je serais curieuse de savoir aujourd'hui qui a
déjà vu une promotion sur le don d'organes de Transplant Québec. Lorsqu'on
regarde, par exemple, les vidéos YouTube où on parle du don d'organes, le
nombre de vues est particulièrement limité.
Donc, c'est vraiment un incontournable
d'aller vers la population puis de travailler avec la population parce que
c'est quelque chose qui devient même irrationnel en termes de raisonnement.
Donc, il faut que les gens comprennent ce que ça implique, le don, qu'on ne va
pas aller... on ne va pas éviter de soigner des gens pour pouvoir aller
chercher les organes. Donc, il faut... il faut créer de la confiance puis il
faut voir... il faut que les gens puissent voir le potentiel de... du don pour
sauver d'autres vies. Et on ne... on ne parle pas assez de cet autre volet là,
quelles sont ces vies-là qui sont sauvées à cause du don d'organes.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Le temps est écoulé,
Mme la députée. Alors, M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci. À mon tour de vous... de vous remercier d'être là.
Merci pour l'apport plus qu'utile.
Vous avez dit tout à l'heure, Me Forcier,
qu'il faudrait qu'on ait une sensibilité particulière pour les communautés
autochtones, les Premières Nations. Je suis d'accord. Je ne suis pas
anthropologue, je ne sais pas trop comment faire ça, mais je suis d'accord à y
porter attention. Qu'en est-il des communautés culturelles autres?
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : La
même chose. C'est... Il faut faire... C'est exactement... Il faut faire ce
travail-là, travailler avec les communautés marginalisées. Lorsqu'on a réalisé
l'étude, on a bien réalisé que, dans certains pays où on avait adopté le
consentement présumé, il y avait eu même une baisse en termes du nombre de
dons, et c'était lié beaucoup à une résistance de la population, des
populations parfois très religieuses, où on sentait qu'on leur enlevait le
droit de consentir, qu'on leur imposait quelque chose, puis ça a créé ce
phénomène-là de refus au don. Donc, c'est un incontournable. Il faut travailler
avec les communautés marginalisées, toutes les communautés marginalisées.
M. Marissal : O.K., je vous
entends bien. Je parle aux deux avocats... bien, je vous parle à vous trois,
mais en particulier pour... je crois qu'il y a deux avocats devant moi, là,
sur... sur le... dans la réunion. Motifs impérieux. Je ne suis pas avocat non
plus. Je ne suis ni anthropologue ni avocat. Dans ce que j'ai devant moi, là,
ce que vous avez ressorti comme... comme... ce n'est pas de la jurisprudence,
c'est de la littérature là-dessus, je vois... je vois ce que vous... on réfère
par exemple au caractère... caractère impropre des organes, l'absence de receveur,
ça, ça va de soi, à la preuve d'un changement de volonté du défunt avant son
décès, ça, ça va de soi aussi, à des raisons de santé publique ou à
l'expression de volontés qui seraient discriminatoires ou autrement contraires
à l'ordre public. Là, pardonnez-moi, là, je ne suis pas avocat, je l'ai dit,
là, je ne vois pas là-dedans quelque chose qui ressemble à «veto familial».
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Tout
à fait.
M. Marissal : Mais je peux
me... je peux me tromper.
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Non,
vous lisez la même chose que moi. Et j'ai... je suis retournée aussi dans les
débats pour voir si on n'avait pas souhaité respecter la volonté de la famille,
et ce n'est nulle part. Ça, en fait, c'est... il n'y a pratiquement rien sur
cette expression dans les débats qui ont mené à l'adoption de la disposition.
Donc, c'est vraiment dans la pratique médicale. Puis je pense que vous l'avez,
là, compris, quand Transplant Québec a présenté, cet... ce malaise, cet
inconfort des médecins, puis de Transplant Québec. C'est... Ça serait vraiment
une très grosse responsabilité que de porter cette responsabilité sur ses
épaules. Donc, c'est ce qui explique le fait qu'on respecte la volonté des
familles et que c'est contraire au Code civil. Selon moi, ce n'est pas une
pratique qui est légale.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup...
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Est-ce
que c'est éthique? Ça, c'est une autre chose.
Le Président (M. Provençal)
:Merci.
M. Marissal : Merci. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Merci, Mme Fortier... Forcier, pardon, et vos collègues. La deuxième... non, la
quatrième diapo présente vos recommandations. Moi, je les... je les classe de
deux ordres...
M. Arseneau : ...il y a ce qui
peut se faire sur le plan légal, sur le plan de l'organisation, sur le plan
même médical, et tout ça me semble à la portée des... de l'État du Québec. La
question de la sensibilisation du public, par contre, la sensibilisation et la
consultation des familles, ça, ça ne peut pas se faire par l'adoption d'une
loi.
Et je reviens là-dessus, j'en ai parlé
avec Transplant Québec tout à l'heure, comment vous voyez la séquence de la
mise en oeuvre des... de vos principales recommandations pour qu'on arrive à
l'objectif que nous partageons, que les lois soient au diapason de l'état
d'esprit et d'ouverture de la population du Québec face à ces enjeux-là qui
sont parfois évidemment délicats?
• (12 h 50) •
Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien,
en fait, personnellement, puis si mes collègues veulent intervenir, il n'y a
aucun problème, donc, personnellement, je recommanderais l'adoption d'une loi qui
regroupe tout ce qui concerne le don d'organes, la réglementation qui est
beaucoup plus facilement modifiable, le cas échéant, un plan d'action. Donc,
dans le plan d'action, on prévoit la sensibilisation, l'intégration des
formations, des formations dès le primaire pour nos enfants, pour que les
enfants en discutent, de ce sujet-là, avec leur famille dès le primaire, pour
que ça se poursuive au secondaire et, par la suite, formation obligatoire dans
les cursus, notamment au niveau de la formation médicale et infirmière et
accroissement du financement dans le plan d'action, parce que ça, lorsqu'on
compare le financement, puis là je n'ai pas les chiffres avec moi, mais
lorsqu'on compare le financement à Transplant Québec, Héma-Québec, par exemple,
c'est sans commune mesure, là. Et, au niveau du financement attribué pour des
campagnes de sensibilisation gouvernementales, moi, je n'en ai pas vu. Puis on
a vu dans nos juridictions, dans les juridictions qu'on a étudiées, que là où
il y a un fort taux de dons, cela vient avec un investissement massif en termes
de formation et de promotion, promotion menée par les gouvernements. Donc, je
ne sais pas si Luna ou Nicholas voulait intervenir pour ajouter à ce sujet-là.
M. Hébert-Gauthier (Nicholas) : J'ajouterais
juste, dans certaines juridictions, bien, ça rentre moins dans la
sensibilisation, là, la formation continue obligatoire des... certains
intervenants de la santé dans différentes unités, là, des hôpitaux. Au niveau
de la sensibilisation, on voit aussi, dans certains États où il y a des
mandats, là, spécifiques aux organismes pour valoriser la sensibilisation, en
Pennsylvanie, qui est vraiment un état où le don d'organes est bon, le
ministère de l'Éducation a comme responsabilité, entre autres, de créer un programme
pour les étudiants, là, qui peut être implanté à l'école pour parler du don
d'organes. Dans les prisons, il y a aussi des discussions, il y a une formation
des employés du... des DMV, qui est l'équivalent de la SAAQ ici, où les
employés sont formés pour parler du don d'organes. Donc, quand les gens
viennent renouveler leur permis de conduire, le commis, quand vient le temps,
là, de cocher cette case-là, parce qu'eux peuvent le faire à même leur
renouvellement de permis de conduite, peut discuter de ces éléments-là. Donc,
il y a une sensibilisation à plusieurs niveaux, à l'école, au niveau des
organismes publics. Et ensuite il y a les... la question, là, de donner des...
du financement, là, à Transplant Québec et/ou un autre organisme pour la publicité.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je vous remercie énormément de
votre collaboration, de votre contribution à nos travaux.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures. Encore merci de votre présence.
(Suspension de la séance à 12 h 53)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 heures)
Le Président (M. Provençal)
:À l'ordre, s'il vous plaît! La
Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux... Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative
visant à étudier les moyens facilitant le don d'organes ou de tissus, notamment
l'instauration de la présomption du consentement.
Cet après-midi, nous entendrons les
témoins suivants : le Collège des médecins du Québec, la Fédération des
médecins spécialistes du Québec, le Barreau du Québec et finalement des
représentants d'une famille de donneurs, conjointement avec M. Sylvain Bédard.
Dans un premier temps, comme je l'ai
mentionné, nous recevons... et je souhaite la bienvenue aux représentants du
Collège des médecins du Québec. Je vous rappelle que vous aurez 10 minutes pour
votre présentation, et, par la suite, nous allons procéder à un échange avec
les membres de la commission. Alors, sur ce, je vous cède la parole.
M. Gaudreault (Mauril) :Merci. Bonjour à tous et toutes. M. le Président de la
Commission de la santé et des services sociaux, membres de la commission, merci
de nous recevoir. Je suis Mauril Gaudreault, médecin de famille et président du
Collège des médecins du Québec depuis maintenant un peu plus de cinq ans. Je
suis accompagné du directeur général du collège, Pierre Gfeller, lui aussi
médecin de famille.
La mission du Collège des médecins est la
protection du public par une médecine de qualité. Nous sommes portés par des
valeurs d'engagement, de rigueur, de collaboration, d'intégrité et de respect.
Et c'est en vertu de ces valeurs humaines que nous avons réfléchi à la délicate
et sensible question du consentement présumé au don d'organes et de tissus.
Les dons d'organes contribuent à sauver
des vies, personne ne remet cela en question, mais est-ce que tout le monde
sait les choses suivantes : qu'au terme du décès et en attente du
prélèvement le défunt doit être maintenu en vie plusieurs jours aux soins
intensifs? Qu'il existe la mort cérébrale et la mort cardiocirculatoire et que
c'est en cas de mort cérébrale que le don d'organe s'exerce? Que malgré le
consentement présumé d'un défunt, les juridictions qui appliquent cette règle
permettent malgré tout aux proches d'exercer un veto? Est-ce que tous savent
aussi que l'organisation actuelle du réseau de la santé rend incertaine la
disponibilité de lits de soins intensifs et de salles d'opération, et ce, au
moment du prélèvement ou de la transplantation des organes ou tissus issus d'un
don? Que les médecins sont en compétition pour les lits à l'unité des soins
intensifs pour y maintenir en vie quelques jours un patient décédé qui est
donneur identifié et tout autre patient victime d'un trauma ou dont la vie est
en danger? Est-ce que tous savent que les établissements de santé n'ont pas
tous des procédures d'identification et de référencement uniforme et
systématique des donneurs potentiels? Que les professionnels de la santé n'abandonnent
pas plus rapidement les soins sous prétexte que les patients ont consenti au
don d'organes ou de tissus et, enfin, que le prélèvement d'organes ou de tissus
n'est pas incompatible avec la disposition de la dépouille?
Au Collège des médecins, on est bien loin
d'être convaincu que tout le monde sache tout ça. Et, pourtant, pour adhérer
pleinement au don d'organes et de tissus, il faut savoir ces choses-là. Pour le
collège, le consentement présumé n'est pas central à l'augmentation du nombre
de dons d'organes ou de tissus. En Espagne, par exemple, où le consentement
présumé est en vigueur depuis 1979, le nombre de dons avait chuté. Il a fallu
la mise en place d'une série d'autres mesures, 10 ans plus tard, pour que ce
pays rejoigne le peloton de ceux comptant le plus grand nombre de donneurs.
Avant cela, l'Angleterre et les États-Unis dépassaient l'Espagne sans avoir à
imposer le consentement présumé. Autre exemple, au Chili, le consentement
présumé a fait carrément chuter le don d'organes parce que la population
comprenait mal la loi, et, au Brésil, le gouvernement a dû abandonner le
consentement présumé parce que son implantation a engendré un vaste mouvement
de protestation.
En clair, un plus grand bassin de donneurs
ne se traduit pas nécessairement par une augmentation du nombre de dons réels.
Et même si le consentement présumé entraînait une augmentation...
M. Gaudreault
(Mauril) :...du nombre de donneurs
potentiels, cela ne signifierait pas pour autant que le nombre d'organes disponibles
et transplantés augmenterait, et il y a là un risque à prélever plus d'organes
que l'on peut en greffer. Le risque de gaspiller des organes, on n'a pas ce
luxe-là. Ce qui nous fait dire que, pour accroître de manière responsable le
taux de dons et le pourcentage de greffes, il faut que plusieurs mesures
d'optimisation soient déployées d'un bout à l'autre du Québec. Le don et la
transplantation d'organes ou de tissus, c'est l'affaire de toutes et tous, du
personnel soignant en première ligne jusqu'au chirurgien spécialisé, des
patients, de leurs proches et du grand public.
Pour tendre vers plus d'efficacité en
matière de don d'organes ou de tissus, il faut donc, à notre avis, agir sur
trois axes. Le premier, premier axe sur lequel il faut agir, c'est l'adhésion.
Le consentement présumé soulève des enjeux éthiques. Pour l'instaurer, il faut
que la majorité des citoyens y adhère. La population doit donc être consultée
pour dégager, s'il y a lieu, un large consensus. Il faut aussi implanter un
registre unique visant à simplifier les démarches pour le public et pour le
personnel soignant afin d'identifier les donneurs. La multiplication des
registres oblige que des recherches soient faites à plusieurs endroits, ce qui,
malheureusement, peut mener à des incohérences dans les volontés exprimées.
Avez-vous déjà tenté, vous, d'inscrire votre volonté de faire un don d'organes
à votre décès sur le site de la RAMQ? Vous devriez essayer ça, c'est toute une
aventure. Et il y a plusieurs étapes, c'est un véritable parcours du
combattant. C'est effectivement beaucoup plus simple de s'inscrire au registre
des consentements au don d'organes et de tissus de la Chambre des notaires.
Mais pour ça, il faut faire affaire avec un notaire. Bref, signifier son
consentement ou son refus au don d'organes et de tissus au Québec, ça n'a rien
de bien convivial, et ce serait à mon avis encore plus problématique si le
consentement devenait présumé. Avant de s'aventurer sur cette voie-là, donc il
faut que la procédure soit simplifiée et qu'elle soit très largement
médiatisée.
Le deuxième axe sur lequel on doit agir, à
notre avis, c'est l'optimisation. Il faut que des équipes financées et dédiées
aux dons et greffes soient en place dans les établissements de santé
24 heures par jour, sept jours sur sept pour identifier les donneurs
potentiels, les prendre en charge et fournir du soutien à leurs familles. Il
faut aussi mettre fin à cette compétition en limitant l'accès aux blocs
opératoires et aux unités de soins intensifs au moment du don d'organes ou de
tissus et de leur transplantation. Dans les faits, les... des médecins doivent
argumenter pour déterminer si un patient décédé, dont les organes sont destinés
à sauver une vie ou améliorer l'existence de quelqu'un, doit avoir préséance pour
un lit de soins intensifs ou un accès au bloc opératoire sur un patient victime
d'un grave accident de la route, dont la vie est en péril. Des lignes
directrices s'imposent donc, et un protocole de priorisation des cas de
donneurs doit être élaboré. Nous croyons par ailleurs que dans le cadre de la
mise en place d'une procédure de référencement, la personne responsable
d'identifier un donneur potentiel devrait jouir d'une certaine indépendance et
ne pas être impliquée dans les soins du patient visé. On éviterait par exemple
qu'un médecin ait la tâche délicate d'aborder la question du don d'organes avec
un patient ayant réclamé l'aide médicale à mourir et laisser l'impression qu'il
cherche à influencer la décision du patient ou à accélérer le processus afin de
recueillir le plus d'organes possible.
Et finalement le troisième axe sur lequel
on doit agir, c'est l'information. Il est essentiel pour nous de diffuser au
public des données claires, objectives et bien vulgarisées. Pourquoi? Pour
permettre à tout le monde de mieux comprendre le processus de dons et de
greffes et ouvrir la conversation avec les proches autour du don de nos organes
à notre décès et ainsi respecter les volontés du défunt.
• (15 h 10) •
Le mémoire que nous déposons aujourd'hui
devant la Commission de la santé et des services sociaux comporte des pistes de
solution qui, à notre avis, permettraient d'optimiser la mécanique de
prélèvement de greffes d'organes ou de tissus et de favoriser l'adhésion d'un
plus grand nombre de personnes au don d'organes ou de tissus. Selon nous, il
faut mettre en place un registre unique de consentement ou de refus au don
d'organes, déployer des campagnes gouvernementales d'information, offrir une
formation au personnel soignant, établir des lignes directrices pour encadrer
l'accès aux blocs opératoires et aux unités de soins intensifs, dédier et
financer correctement des ressources exclusives aux dons, à la prise en charge
des donneurs et de leur famille...
M. Gaudreault
(Mauril) :...et finalement mandater Santé
Québec pour rendre les établissements davantage imputables quant au signalement
de donneurs potentiels. Pour concrétiser ces actions, une fois un large
consensus populationnel obtenu, le Collège des médecins du Québec collaborera
avec le gouvernement, ainsi qu'avec toutes les organisations œuvrant à
l'amélioration du processus actuel de prélèvement et de greffe. Merci de votre
attention, Dr Gfeller et moi sommes prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre... pour
votre exposé. Alors, nous allons initier cette période d'échange avec la
députée de Bonaventure.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Bonjour à vous. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'aimerais d'abord vous
entendre sur l'obligation de notifier les organismes qui sont responsables, en
fait, de coordonner les dons. On en a beaucoup parlé, depuis hier, puis j'ai
une question peut-être en deux temps pour vous. C'est-à-dire que, d'abord,
est-ce que vous considérez que le faible taux de référencement, c'est dû au
fait que les professionnels ne vont pas nécessairement faire l'exercice
d'identifier à savoir si la personne est un donneur potentiel, ou c'est le
référencement qui n'est pas fait? Est-ce que...
M. Gaudreault (Mauril) :Bien, nous, pour nous, c'est plus global que ça, je
pense... je pense que c'est là... quand on parle d'adhésion du public, de la
confiance du public, de faire connaître que cela est possible. C'est en même
temps aussi la sensibilisation de toute la communauté médicale à cela. Ça fait
que ce n'est pas dans le sens d'un référencement inadéquat. À mon avis, c'est
une discussion de toute la société québécoise par rapport au fait que le don
d'organes, c'est important, ça peut sauver des vies, et d'expliquer comme il
faut comment on veut que ça se produise. Et, quand je parle d'adhésion du
public, c'est la confiance du public. Il faut que le public sache comment on
fait ça, donc, toute notre façon d'organiser les soins, c'est important que ça
soit clairement identifié afin de faire en sorte que le public y adhère.
Mme Blouin : Je comprends,
mais est-ce que vous... vous pensez quand même que cette obligation-là serait
mieux respectée si la responsabilité était attribuée aux professionnels?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, à des équipes dédiées,
c'est pour ça qu'on parle d'équipes dédiées, pas à tous les professionnels, pas
à tous les médecins du Québec nécessairement non plus. Et, quand il est
question d'aborder cela avec la famille et les proches du défunt, je pense
qu'il faut que ce soient des personnes qui ont été formées et sensibilisées à
cette question-là qui s'adressent à eux à ce moment-là.
Mme Blouin : J'ai aussi
quelques questions au sujet de la relève médicale. Je comprends que votre rôle
est différent de celui de l'autre groupe qu'on va voir, avec les médecins
spécialistes, mais est-ce que vous remarquez un certain désintérêt chez vos
membres devant la spécialité de transplanteur?
M. Gaudreault
(Mauril) :Pas un manque d'intérêt, je
pense, je dirais : Peut-être une sensibilisation accrue pour laquelle on
serait responsables d'améliorer cela. Je pense que les médecins... comme tout
professionnel, est plus confortable avec quelque chose qu'il connaît bien. Et,
si on fait en sorte d'offrir de la formation, quand on parlait de formation,
offrir de la formation non pas obligatoire, mais aux professionnels qui sont
intéressés à s'impliquer plus à ce niveau-là, ça serait plus payant dans ce
sens-là.
M. Gfeller (Pierre) : Peut-être
pour répondre plus précisément à votre question. À l'heure actuelle, puis j'ai
fait quelques téléphones hier pour m'enquérir sur ce sujet-là, il semble que ça
va relativement bien pour trouver des coordonnateurs locaux de greffe dans les
établissements. C'est ce qu'on m'a dit. Par contre, du point de vue de la
relève des chirurgiens transplanteurs, il semble qu'il y a des nuages à
l'horizon. Plus tard, vous allez recevoir la Fédération des médecins
spécialistes, qui seront peut-être en mesure de répondre à ces questions-là,
puisqu'ils sont le syndicat qui représente les médecins spécialistes qui sont
impliqués dans votre question.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Vous avez émis quelques bémols, dans les médias, concernant le consentement
présumé. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu sur ce qu'on doit garder
en tête comme parlementaires quand on va rédiger le rapport, par exemple, sur
ce sujet-là, précisément?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, merci pour votre
question. Ça me permet d'aborder ça, mais, dans le mémoire, on a abordé la
question, puis c'est vrai que j'ai répondu à des médias de l'information au
cours des dernières 24 heures, mais pour nous ce n'est pas suffisant, ça
ne marchera pas, à notre avis, ça ne fonctionnera pas. Les risques qu'on échoue
sont plus grands si on y va seulement avec le consentement présumé. Ce n'est
pas qu'on n'est pas d'accord avec ça, là, c'est que ce n'est pas suffisant. Il
faut avoir, en plus de ça, une optimisation du fonctionnement. C'est ça que je
veux dire aussi quand je dis : Il va falloir démontrer à la population
québécoise et au public, pour qu'ils adhèrent à cela, qu'on est bien organisés
pour faire ça comme il faut, et non pas se limiter au consentement présumé...
Mme Blouin : ...je pense qu'il
y a le collègue de Saint-Jérôme qui avait une question. Ça se peut-tu? Oui.
M. Chassin :...si vous me permettez, M. le Président, vu la température
tropicale. Sentez-vous bien à l'aise, d'ailleurs. Merci beaucoup de votre
présentation. Alors, j'avoue en toute humilité qu'au départ il y a en effet un
peu douche froide, là, dans votre représentation, on se dit : Oui, O.K.,
finalement, ils ne seront pas trop en faveur, mais, quand on vous écoute, dans
le fond, vous le formulez à la négative, mais beaucoup de gens nous ont dit
exactement la même chose, c'est-à-dire qu'on serait en faveur d'un
consentement, dans le fond, présumé, mais ce n'est pas suffisant, et mais il y
a aussi d'autres mécanismes à mettre en place. Finalement, en somme, je trouve
qu'on rejoint beaucoup ce qu'on a entendu sur certaines balises, sur certains
éléments à mettre en place, sur certaines limites organisationnelles actuelles,
soyons clairs.
Mais, en même temps, là, j'ai une
question, tu sais, un peu plus sur la contribution des médecins, mais... en
quelque sorte, là, mais est-ce que, quand on parle de formation... on parle de
ceux qui sont intéressés, on ne veut pas que ce soit nécessairement
obligatoire, mais les gens qui travaillent aux urgences puis aux soins
intensifs, forcément, ils vont être confrontés à des cas. Est-ce que ceux qui
travaillent dans ces services-là devraient être formés?
M. Gaudreault
(Mauril) :À notre avis, oui, mais ce
n'est pas dans le sens obligatoire du terme. Moi, je n'aime pas ça, tu sais...
Mais je pense que oui, il faut favoriser, chez les personnes qui travaillent
déjà soit aux urgences soit aux soins intensifs ou dans des salles d'opération,
d'aller chercher... puis de se montrer disponible pour avoir la formation en
question.
M. Chassin :O.K. Puis est-ce que... puis là j'imagine, vraiment, c'est
une question... dans le fond, là, je suis tout à fait ignorant des protocoles
actuels de priorisation des cas, mais, pour l'accès au bloc opératoire, est-ce
qu'il n'y a pas déjà, à l'heure actuelle, des réflexions sur qui y a accès,
compte tenu de, bon, je ne sais pas, moi, de l'imminence, tu sais, d'une mort
où il faut absolument que l'intervention soit très, très, très rapide, versus
tel autre cas, quand il y a congestion? J'imagine qu'il y a déjà des protocoles
puis j'imagine que, dans ces protocoles-là, on ne regarde pas juste la personne
qui est, par exemple, en état de mort cérébrale, comme étant... bon, bien, on
ne peut plus faire grand chose pour lui, on voit aussi ceux qui, derrière, pourraient
profiter des transplants?
M. Gaudreault
(Mauril) :Dr Gfeller est avec nous depuis
un an, il était haut gestionnaire, auparavant, d'établissement, je vais lui
demander de répondre question-là.
M. Chassin :Bien, une belle expérience, absolument.
M. Gfeller (Pierre) : Disons
que ce qu'on entend du terrain, c'est qu'il existe des tensions entre des
équipes qui sont différentes, ceux qui... les équipes qui s'occupent des
personnes qui se présentent à la salle d'urgence ou qui sont hospitalisés et
qui ont besoin d'une chirurgie d'urgence qui va... qui est nécessite par leur
condition clinique, et les activités de prélèvements, et aussi de greffe, hein,
parce que le prélèvement et la greffe, ça ne se fait pas en même temps. Le
chirurgien transplanteur vient faire son prélèvement, retourne dans son centre
hospitalier, et là il est en attente pour une deuxième salle d'opération.
Donc, dans un système qui est sous
tension, où il manque des effectifs, où il y a des salles d'opération qui sont
fermées, qui a passé à travers trois années de COVID, c'est clair que les
ressources sont étirées, et donc que ça va générer des tensions entre les
différents besoins des différentes clientèles, entre autres, d'un côté les donneurs
et puis les personnes qui pourraient bénéficier d'un organe, et l'autre...
d'autres clientèles qui nécessitent des soins urgents.
À l'heure actuelle, à ce que je sache, il
n'existe pas de protocole généralisé pour arbitrer ces cas-là. Je veux juste
vous rappeler que, durant la COVID, on a craint, à un moment donné, que notre
capacité de soins intensifs soit dépassée par les patients souffrant de COVID
et nécessitant un soutien ventilatoire. Vous vous souviendrez peut-être qu'on a
un protocole provincial qui a été adopté, qui a été transmis aux
établissements. Ça a été mal reçu dans certains milieux parce qu'ils
disaient : C'est un bris éthique, on ne va pas commencer à choisir qui va
montrer, qui va vivre, mais la question que je pose, c'est : Est-ce que
c'est plus éthique de ne pas faire des choix au moment où les ressources sont
limitées?
M. Chassin :De ne pas le prévoir, c'est ça, exactement.
M. Gfeller (Pierre) : Donc,
je prendrais ça comme exemple, en vous disant qu'on devrait, si la situation
actuelle perdure, où on n'a pas de ressources dédiées, on devrait peut-être
mettre sur pied des protocoles comme ça. L'alternative à ça, c'est d'avoir des
ressources dédiées au don et à la greffe, des équipes dédiées à ces
activités-là, avec une salle d'opération réservée, un anesthésiste réservé, un
inhalothérapeute réservé, etc., et un lit de soins intensifs.
• (15 h 20) •
M. Chassin :Je ne veux pas vous interrompre, Dr Gfeller, il y a une
autre question, d'ailleurs, qui s'en vient, mais c'est simplement... est-ce que
les tensions proviennent du fait que ce n'est pas prévu ou est-ce qu'on essaie
de prévoir, mais c'est que ce n'est pas possible de prévoir dans tous les cas?
Oui et non, là...
M. Gaudreault
(Mauril) :...réfléchi, discuté et a fait
l'objet de consensus.
M. Gfeller (Pierre) : Donc,
il y a plus... Vous savez, il n'y a pas beaucoup de choses... par exemple, pour
avoir fait 22 ans de salle d'urgence, on ne sait pas vraiment ce qui va se
présenter dans notre porte ce soir-là, qui va avoir besoin de chirurgie, qui va
avoir besoin de soins intensifs, un enfant, un adulte, une personne âgée. On ne
le sait pas, là, c'est une Black box, là, ce qui va arriver, et donc on ne peut
pas tout prévoir. Puis pour les dons, les donneurs potentiels, c'est un peu la
même chose. Une mort cérébrale va survenir dans un ciel clair. Un anévrisme du
cerveau qui éclate chez une jeune personne ou un autre type de pathologie, ce
n'est pas prévu, ce n'est pas attendu. Donc, il y a... Par contre, on a la
capacité de garder ces gens-là dans un lit de soins intensifs un
24 heures, un 48 heures, on a l'expertise pour faire ça, même si
c'est pas toujours facile, mais il n'empêche que ça, ça consomme des ressources
dans un système qui est déjà à sa limite.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Dorismond : Bonjour.
Merci. Merci pour votre présentation. Vous mettez beaucoup l'accent sur
sensibiliser la population. Ça, ça vient beaucoup me chercher parce que je me
dis : C'est clair qu'il y a un travail en amont à faire, mais il y a déjà
eu quand même des campagnes de sensibilisation juste pour signer la carte de la
RAMQ. Je me questionne. Est-ce que ça a augmenté plus de signataires à la RAMQ?
Puis là, vous avez parlé aussi du cheminement qui est très difficile en
informatique, mais ce n'est pas tout le monde non plus qui a accès à
l'informatique. Ça fait que, pour moi, c'est clair qu'il y a un travail en
amont à faire. Puis le fait aussi que vous mettez beaucoup l'accent là-dessus,
je me pose la question... Votre mission première, c'est de protéger le public.
Donc, je me pose comme question : Est-ce que vous avez eu beaucoup de
plaintes en lien avec le processus de don d'organes, le consentement? Vous avez
parlé aussi qu'il faudrait avoir un médecin spécialisé ou un professionnel de
la santé spécialisé pour... comment approcher les familles au moment d'avoir...
de poser la question pour aller chercher le consentement. Ça fait que je me
pose la question. Avez-vous eu des plaintes en lien avec tout ça? Et si oui,
combien?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, ce n'est pas... La
question, ce n'est pas d'avoir eu des plaintes par rapport à tout cela, c'est
d'avoir eu des discussions avec des experts de la chose au Québec et avoir fait
des recherches sur ce qui se passe ailleurs dans le monde. Et par rapport à ça,
l'idée, c'est vraiment de faire en sorte que, si on veut aller chercher la
confiance de la population puis du public par rapport à notre façon de faire,
il faut bien informer sur comment on va faire ça. C'est ça qui va faire en
sorte qu'à mon avis ça va être un succès. Et ce n'est pas parce que le collège
a reçu des plaintes à ce sujet là nécessairement, c'est beaucoup par rapport
à... Notre mission, c'est de protéger le public, mais en offrant une médecine
de qualité et en démontrant que la médecine de ce type de patient là puis de ce
type de soins est de qualité et est bien organisé.
M. Gfeller (Pierre) : Puis
peut être pour ajouter un élément, peut-être, qui n'est pas connu de tout le
monde, c'est que, ce qui se passe au bureau du syndic, dans les ordres
professionnels, la direction des enquêtes, ce sont des processus confidentiels.
Alors, moi, je ne connais pas la réponse à votre question parce que je suis
seulement le directeur général du collège, et le syndic... la syndic chez nous,
et ça peut sembler particulier, mais c'est le Code des professions qui veut ça,
elle travaille avec sa direction. Puis, dans le fond, on entend parler des
plaintes quand elles aboutissent à des sanctions ou c'est publié. Parce
qu'avant ça, c'est comme un peu une boîte noire, on ne sait pas trop ce qui se
passe là-dedans. À ce que je sache, puis, quand même, ça fait 25 ans que
je suis cadre dans le réseau, moi, je n'ai jamais vu une plainte qui est venue
de ce secteur-là dans les établissements que j'ai dirigés, que ce soit auprès
de la Commissaire aux plaintes et à la qualité des services, aux médecins
examinateurs. Je n'ai jamais été exposé à ça en 25 ans.
M. Gaudreault
(Mauril) :Et pour répondre de façon... On
a-tu le temps de répondre encore un peu plus?
Le Président (M. Provençal)
: ...
M. Gaudreault
(Mauril) : Oui, merci. C'est toujours la confiance de la
population, je vous le dis, là, par rapport aux familles. Parce qu'il arrive,
plus fréquemment qu'on pense, que le patient a signé ou a démontré sa volonté
de donner des organes et que, tout à coup, lors du décès, les proches refusent
cela. Ils refusent ça par toutes sortes de mythes ou de croyances, et ça, ça
fait partie du... à mon avis, d'une méconnaissance de la façon de faire puis de
ce qui se passe.
Mme Dorismond : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Bellechasse.
Mme Lachance : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Messieurs. J'ai d'abord aimé beaucoup la
façon dont vous avez commencé en disant : Saviez-vous que, saviez-vous
que. Parce qu'effectivement, quand on parle de sensibiliser la population, il
faut que la population sache. Un consentement...
Mme Lachance : ...éclairé,
c'est lorsqu'on sait, un consentement présumé, on peut avoir de certaines
ambiguïtés. Et quand on parle, parce que vous l'avez bien nommé, «mythe ou
croyance», je pense que ça va bien au-delà de ça. Parce que vous l'avez
mentionné, on doit maintenir 24 ou 48 heures, un patient en état de mort
cérébrale, pour le maintien de ses organes en vue de. Mais il y a une famille
derrière ce patient-là, donc là on est dans l'aspect sensible de la chose.
Est-ce que vous pensez que, bon, avec tout
ce que vous avez nommé comme sensibilité puis comme amélioration de la pratique
qui est... qui est souhaitable, dont un registre unique, est-ce que vous pensez
qu'on est vraiment rendu à la... Pensez-vous que la présomption, le
consentement va signifier plus de dons et plus... surtout plus de vies sauvées,
ou vraiment qu'on doit travailler en amont de cela encore beaucoup?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, je vais répondre en
disant que, souvent, le patient, il y a une mort cérébrale, son cœur, il bat encore,
tu sais. Puis il y a les proches, si cela n'a pas été sensibilisé puis bien
expliqué auparavant, pour eux, ils ne sont pas morts. Ça fait que la mort
cérébrale seulement, ce n'est pas, à mon avis, tant que ça, la majorité des
Québécois qui sont familiers avec cette notion-là. Donc, pour ça, l'éducation,
l'information à la population au préalable, avant d'aller plus loin là-dedans,
il faut... il faut que ça soit dans un tout puis bien expliqué dans ce sens-là.
Mme Lachance : Et...
Le Président (M. Provençal)
:...c'est terminé. Alors, M. le député
de Pontiac.
M. Fortin :Merci, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, Dr
Gaudreault, Dr Gfeller. Je vous remercie de votre présentation. Puis avant
d'entrer dans la notion stricte du consentement présumé, je vais aller dans les
conditions que vous associez au succès potentiel d'une mesure comme celle-là,
qui sont nombreuses, et, de façon appropriée, selon nous, qui sont nombreuses,
les conditions.
D'abord, je vais commencer par la
procédure de référencement. Vous avez... Vous êtes le premier groupe à nous en
parler, la notion nécessaire d'indépendance au niveau des professionnels de la
santé. Pouvez-vous nous spécifier un peu davantage ce que vous voulez dire?
Parce qu'il y a des enjeux avec le processus de référencement en ce moment, là,
on l'a entendu de plusieurs, mais là, si vous avez une recommandation
particulière, j'aimerais bien la comprendre.
M. Gaudreault
(Mauril) :Pour moi, il est important de
partager les responsabilités au niveau des soignants par rapport à ça, puis au
niveau des médecins, médecins traitants notamment et... pour pour ne pas créer,
je dirais, de questionnements chez les familles, chez les personnes proches du
patient par rapport au fait de l'indépendance du soignant et non pas... C'est
beaucoup dans ça, mais je ne pense pas qu'il y en ait, là, ce n'est pas ça, il
n'y en a pas. Mais il peut y avoir des perceptions des soignants, des proches
du patient à l'effet qu'il peut y avoir eu une préférence de la part du médecin
dans sa prise en charge, dans sa conduite de traitement par rapport aux
patients en question. C'est dans ce sens-là que l'indépendance, pour nous, est
importante. Veux-tu rajouter quelque chose?
M. Gfeller (Pierre) : Bien,
ce que je rajouterais, c'est que ça dépend aussi des milieux... Le
référencement, c'est vraiment un problème, entre autres, dans les régions
éloignées. Vous êtes dans Pontiac, moi j'ai fait ma carrière dans les
Hautes-Laurentides, c'est des régions qui se ressemblent. C'est que pour
l'urgentologue qui reçoit un patient en mort cérébrale, la possibilité de
transférer rapidement ce patient-là vers un lit de soins intensifs, qui va le
prendre en charge et qui va permettre éventuellement le don d'organes, ce n'est
pas si facile que ça peut sembler. On peut avoir à faire plusieurs téléphones
avant de trouver un endroit où ils vont accepter, parce qu'ils ont un lit de
disponible, surtout, à l'heure actuelle, où il y a des lits de fermés, des
salles d'opération de fermées. À l'intérieur d'un hôpital régional ou d'un
centre universitaire, la séparation, elle, se fait de façon naturelle.
Si, par exemple, vous avez une équipe
traitante qui s'occupe d'un patient en neurologie, par exemple, la condition se
détériore, on a une mort cérébrale. Ce ne sont pas les neurologues qui vont
procéder au prélèvement d'organes, mais ça va être une équipe qui s'occupe de
ces patients-là aux soins intensifs. Souvent, c'est des intensivistes, parce
qu'on doit maintenir ces gens-là en vie jusqu'à tant que le chirurgien
transplanteur vienne chercher les organes. Chaque chirurgien transplanteur a sa
méthodologie, sa technique. Il veut savoir comment il va préparer son cœur, ses
poumons, c'est sa façon, puis l veut le faire lui-même. Des fois, il va venir
de Toronto en avion. Il peut venir de Québec, il peut venir de Montréal.
• (15 h 30) •
Donc, tout ça, c'est des... ce sont des
obstacles. Puis, en même temps, honnêtement, pour une...
15 h 30 (version non révisée)
M. Gfeller (Pierre) : ...urgentologue
occupé dans un hôpital périphérique, au moment où ça déborde complètement, que
les lits sont occupés à 300 %, ce n'est peut-être pas évident qu'il est
prêt à passer deux ou trois heures... puis ce n'est pas par mauvaise volonté ou
parce qu'il ne peut pas le faire, mais c'est juste le flot des opérations.
Donc, oui, il y a... problème de référencement, mais il y a une partie de ça
qui peut être améliorée par la formation, puis il faut revenir là-dessus. On en
a fait à une certaine époque, il faut revenir, formation du personnel,
éducation de la population. Parce que même si on avait un consentement
implicite présumé, il n'y a pas un médecin qui va entrer dans une salle et dire :
Je vous annonce que votre membre de famille est en mort cérébrale, on va
prélever ses organes, puis vous n'avez rien à dire parce que le consentement au
Québec est implicite et présumé. Ça n'arrivera pas ça.
M. Fortin :De la même façon qu'aujourd'hui, même si quelqu'un a signé,
on ne dit pas ça au patient.
M. Gfeller (Pierre) : Jamais.
M. Fortin :Oui.
M. Gfeller (Pierre) : Puis on
va dire : Écoutez, il y a... La situation est telle qu'elle est, c'est une
mort cérébrale probable. On a une possibilité peut-être d'en faire un donneur d'organes.
Je constate dans le registre national, le jour où on aura un seul registre, et
ça, ça va aller avec le consentement implicite, que votre membre de famille
désirait donner ses organes. Est-ce que vous me permettez... Voulez-vous en
discuter? Qu'est-ce qu'on fait avec ça, avec cette situation-là? Puis par la
suite, bien, on doit référer et transférer le patient.
Alors, c'est... ce sont tous des problèmes
de référencement, mais, bien entendu, ça prend plus de formation du personnel.
Vous avez mentionné tantôt l'urgence, les soins intensifs. C'est sûr, ces
gens-là sont aux premières loges. Aussi, les gens qui sont impliqués
directement dans les activités de dons et de greffes d'organes.
M. Gaudreault
(Mauril) :Et de là...
M. Fortin :Allez-y.
M. Gaudreault
(Mauril) :... la nécessité que... quelqu'un
ou quelqu'une, comme médecin, qui a été impliqué beaucoup dans les semaines qui
ont précédé ou dans les heures qui ont précédé comme équipe soignante et que ça
soit quelqu'un d'indépendant. C'est pour ça qu'on parle d'indépendance, de
référencement.
M. Fortin :Non, mais c'est un enjeu de confiance du public. C'est ce
que... c'est ce que vous venez nous partager.
M. Gfeller (Pierre) : L'enjeu
éthique aussi, quand on regarde la littérature, ce qui s'est passé au Brésil,
dans certains pays latins d'Amérique du Sud, vous savez que, dans ces pays-là,
il y a du trafic d'organes, hein, il y a des gens qui vendent un rein pour des
raisons économiques, et tout ça. Donc, les gens ont vu «bar open» quand ils ont
vu le consentement implicite, c'est ça qui s'est passé au Brésil.
Alors donc, il faut vraiment garder la
confiance du public, la confiance des familles, puis une conduite éthique
irréprochable.
M. Fortin :Mais c'est intéressant, puis je vous rassure sur la... Vous
avez dit, Dr Gfeller, que le registre unique vient avec le consentement
implicite, le consentement présumé. Tout le monde nous a dit la même affaire.
Alors, e serait particulier qu'on prenne une autre tangente, là, parce que tout
le monde, de A à Z, a dit la même chose que le registre unique doit faire
partie d'une telle... d'un tel changement.
M. Gaudreault
(Mauril) :Et il faut...
M. Fortin :Pardon?
M. Gaudreault
(Mauril) :Il faut que le refus aussi, il
soit facilement exprimable.
M. Fortin :Oui, oui. Bien, en fait, vous avez entièrement raison
là-dessus. Tu sais, je pense que c'est une grande partie de l'objectif derrière
tout ce qu'on est en train de faire ici, c'est d'augmenter le nombre de dons et
de transplantations au Québec, mais de donner un mécanisme clair aux gens d'exprimer
leur refus également, là.
M. Gfeller (Pierre) : C'est
ça, oui.
M. Fortin :Je ne sais pas si vous avez entendu le docteur D'Aragon
hier s'exprimer sur la question, mais essentiellement il a dit qu'une partie de
ce qu'il nous a présentée, c'était que le fameux discours de : C'est
toujours le patient qui a besoin d'une chirurgie oncologique versus le patient
qui a besoin d'une transplantation. Ce discours-là n'est pas nécessairement
productif ou le meilleur à avoir, parce que, quand on regarde au net, bien, il
y a un avantage sur le réseau de la santé à avoir davantage de
transplantations, c'est des soins qui sont peut-être en dialyse ou ailleurs,
qui sont sauvés. Sauf que ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que ça
a beau ne pas être la discussion la plus productive, il y a des conflits comme
ça sur le terrain en ce moment.
M. Gaudreault
(Mauril) :C'est pour ça qu'on dit que ça
prend un protocole, ça prend des lignes directrices pour faciliter la décision
puis la relation entre les soignants puis entre les médecins de ce côté-là.
M. Gfeller (Pierre) : Parce
que disais... des tensions...
M. Fortin :Oui, d'accord.
M. Gfeller (Pierre) : ...je n'ai
pas vu personne se battre dans le milieu hospitalier. Mais dans le sens où il y
a certainement des tensions entre la réponse aux besoins de deux clientèles qui
ont des besoins différents avec des ressources limitées.
M. Fortin :Oui. La question des équipes 24/7 est intéressante, parce
que dans le... Il y a, bien évidemment, un enjeu de ressources. Vous avez parlé
des petits hôpitaux en région, tu sais, souvent, il y en a un urgentologue.
Puis on en a parlé que ça arrive souvent, des dons potentiels, ça peut arriver
la nuit, ça peut arriver... Si on parle d'accident de voiture, de suicide, peu
importe, là, ça n'arrive pas toujours à des moments... à 3 heures de l'après-midi,
un mardi, là. Donc, la... Mais les équipes que vous proposez d'avoir, c'est
des gens qui, bien évidemment, là, sont occupés à faire autre chose, là. On ne
pourrait pas dire : O.K. Il faut garder ce monde-là juste pour ça. C'est
sûr qu'il y a la notion des salles d'opération, mais, encore là, la salle, je
ne pense pas, corrigez-moi si j'ai tort... Comme j'ai.
M. Fortin :...ce n'est pas nécessairement ça l'enjeu principal, des
salles d'opération, il y en a de disponibles dans la plupart des hôpitaux, mais
c'est tout ce qui vient avec, là. Est-ce qu'on a les ressources en ce moment
pour avoir les équipes que vous proposez?
M. Gaudreault
(Mauril) :Ce sera... Si on va... si on va
dans ce sens-là, le réseau devra s'organiser en ce sens correctement. Et
comment on l'a fait pour les chirurgies cardiaques, il n'y en a pas dans tous
les hôpitaux du Québec, des chirurgies cardiaques, selon la démographie, selon
l'ampleur du centre... de l'établissement en question. Donc, ça, on le sait, il
n'y aura pas des équipes dédiées comme ça partout, mais il va y avoir des
équipes dédiées, hein? Je me tourne vers le gestionnaire tout le temps, là,
mais il y aura des équipes dédiées dans certains établissements du Québec qui
seront facilement, je dirais, rejoignables puis qui pourront facilement se
rendre dans les endroits nécessaires pour procéder, tu sais.
M. Gfeller (Pierre) : Quand
on prend des décisions d'organisation de services en santé, il y a deux choses
qui comptent... en fait, pas seulement en santé, dans les services publics en
général, la démographie et la géographie, O.K.? Alors, tu n'établiras pas un
centre de prélèvement d'organes à Mont-Laurier ou... ce n'est pas là que ça va.
Tu vas mettre ça dans un grand centre où il y a des équipes suffisamment en
grand nombre pour pouvoir avoir des équipes de garde qui vont pouvoir
intervenir si jamais un donneur est signalé et est transféré.
Il y a eu une expérience comme ça au
Québec, qui a duré de 2013 jusqu'à 2019. Il y a un établissement qui a ouvert
un centre de prélèvement d'organes, et pendant l'ouverture de ce centre, il y a
eu une augmentation très importante des organes disponibles dans le bassin de
population qui était desservi par ce centre...
M. Fortin :Absolument.
M. Gfeller (Pierre) : ...pour
des raisons que je ne connais pas parce que j'avais quitté à l'époque, c'était
à Sacré-Coeur, j'étais le D.G. quand on a ouvert ce centre-là. J'étais rendu au
CUSM, ce centre-là a fermé en 2019. Alors, on a déjà une expérience où il y
avait une équipe dédiée. Des salles d'opération, on en a en masse qui sont...
qui sont libres, mais aussi celles qui sont staffées, qu'on peut utiliser, il
n'y en a pas tant que ça, mais on peut avoir une salle d'opération de côté, un
anesthésiste de garde, un inhalo de garde pour que le chirurgien préleveur
puisse venir prélever ces organes et retourner rapidement les transplanter.
Donc, c'est pour ça qu'on parle de ressources dédiées qui, à notre avis,
doivent être considérées et financées, bien entendu.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, nous allons
maintenant procéder à l'échange avec le docteur... le député, excusez, de
Rosemont.
M. Marissal : Merci. Je...
Merci. Merci d'être là. Bonjour, rebonjour. Je suis d'accord avec le député de
Saint-Jérôme que vous, vous ne manifestez pas le plus grand enthousiasme en
faveur du consentement présumé, puis ce n'est pas un reproche, vos points sont
sont valables, sont parfaitement valables, puis peut-être que vous le dites
juste différemment de ce qu'on nous a dit aussi, ne serait-ce que par le fait
que ça ne sert à rien de récolter des organes si on est pour en disposer
autrement que... où est-ce que... pour les donner à quelqu'un d'autre.
Vos recommandations, par contre, là, de
faire plus de sensibilisation, de mieux former le personnel, d'avoir un code de
priorisation, je ne suis pas sûr que c'est au législateur à décider ça, puis je
ne suis pas là pour... vous connaissiez le secteur mieux que moi, là, j'en suis
certain, là. Mais le travail qu'on fait ici, là, pour... dans le jargon, ça
s'appelle un mandat d'initiative, la commission discute, hein? Je le dis aussi
pour les gens qui nous écoutent, qui ne connaissent peut-être pas notre jargon.
Là, on n'étudie pas un projet de loi, on discute d'une situation, dans ce cas-ci,
à l'initiative de notre collègue de Pontiac, pour favoriser la transplantation
au Québec de dons, prélèvements et transplantations, ça va de soi.
Mais moi, j'ai quand même en tête mon
travail, qui est celui de législateur. Idéalement, ça va aboutir en un projet
de loi. Et là on redébattre, puis vous reviendrez, j'espère, puis on va... on
va redébattre de tout ça dans le menu détail. Mais je ne suis pas sûr que je
vois là-dedans vraiment la voie qui nous mènerait vers des articles de loi avec
une loi à la fin. On est qui, nous autres ici, pour écrire des articles de loi,
pour dire : Vous allez prioriser patient A ou patients b? En tout cas,
moi, je ne me sens pas la compétence de faire ça, puis par ailleurs peut-être
que mon collègue des Îles l'aurait, mais pas moi. Et par ailleurs, il y a déjà
des trucs dans la loi, par exemple l'obligation de référer, puis ça ne se fait
pas. Ça fait que je vais finir sur une maxime célèbre ici à l'Assemblée
nationale : le législateur ne parle pas pour ne rien dire, puis je ne suis
pas... je ne dis pas que c'est ça qu'on est en train de faire, mais c'est parce
que, si on débat de quelque chose qui ne peut pas se traduire en un projet de
loi, ce n'est pas ici que ça va se régler, c'est sur le terrain, c'est avec des
meilleurs moyens, faire de Transplant Québec la société d'État qui va s'occuper
de ça. Bon, à la fin, ça va prendre un projet de loi, mais ça va avoir deux
articles...
M. Marissal : ...je ne
sais pas si vous voyez où je m'en vais là-dedans, que... nous, comme
législateurs, qu'est-ce qu'on fait avec vos recommandations? Je ne suis pas
certain que c'est le cadre légal qui règle ça.
• (15 h 40) •
M. Gaudreault
(Mauril) :...réflexion, O.K., c'est
vous...
M. Marissal : Je n'ai
pas compris le début.
M. Gaudreault
(Mauril) :En tout respect, on fait ces
recommandations pour alimenter votre réflexion. C'est vous qui... Vous l'avez
dit, c'est vous, les législateurs. Ce n'est pas nous.
M. Marissal : Et vous
alimentez notre réflexion. Absolument. Vous venez de me faire réfléchir au fait
que ce n'est peut-être pas dans un projet de loi que tout ça irait. Vous voyez
comme...
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, peut-être pas.
M. Marissal : Vous voyez
comme vous m'avez fait cheminer, quand même.
M. Gaudreault
(Mauril) :Oui. Peut-être pas, mais, pour
nous, le seul consentement présumé qui serait dans une loi, exemple, ne nous
amènera pas à ce que ça soit un succès. On pense que ça ne marchera pas si, en
même temps, il n'y a pas d'autres conditions qui vont faire en sorte
d'optimiser cette direction-là que le Québec va prendre.
M. Gfeller (Pierre) : En
même temps, tu sais, on... ça nous fait vraiment plaisir d'être ici
aujourd'hui. On vous remercie de nous accueillir, mais on ne connaît pas vos
intentions du point de vue législatif, puis ça n'a pas nécessairement besoin de
passer par le législatif. On va avoir la naissance d'une nouvelle entité, Santé
Québec, très bientôt. Ces activités-là que vous décrivez, puis dont on parle
depuis tantôt, ça se déroule dans des établissements du réseau de la santé et
des services sociaux qui dépendent pour l'instant du ministère de la Santé et
des Services sociaux. Puis il y a un organisme qui s'appelle Transplant Québec,
qui est financé par le gouvernement, qui a un rôle de coordination. Ça fait
qu'en termes de gouvernance, pour nous, oui, ce n'est pas notre préoccupation
principale. On est venus vous parler aujourd'hui de l'organisation de services,
puis comment ça se passe sur le terrain. Alors, mais c'est à vous de... de
décider et de discuter de la forme de gouvernance ou de la structure
organisationnelle qui vous semblera la plus intéressante. Si c'était le sujet
de discussion, ça nous ferait plaisir de revenir puis d'en discuter avec vous.
Vous avez compris
M. Gaudreault
(Mauril) :Et vous aurez compris que ce
qui nous interpelle beaucoup, c'est la confiance du public. Oui.
M. Marissal : Oui. On
est d'accord.
Le Président (M. Provençal)
:Je vais céder la parole au député des
Îles-de-la-Madeleine parce que le député de Rosemont a quand même eu une longue
introduction...
M. Arseneau : Donc, je
comprends que j'ai le droit à une longue introduction, moi aussi. Merci, M. le
Président. Merci d'être là. Je résumerais un peu parce que je vais essayer de
voir, justement, comment on peut utiliser toute l'information que vous nous
donnez du terrain, là. Vous nous dites : Analysez ce qui s'est fait
ailleurs, notamment en Nouvelle-Écosse, avant d'agir. Un registre, tout le monde
ou à peu près est d'accord. Le consentement présumé, si on ne fait que ça, ça
ne change pas grand-chose ou, du moins, il y a des... il y a des éléments qu'il
faudra corriger. Autre que cela, le protocole, lignes directrices, équipes
dédiées, ressources, formation, financement, imputabilité des établissements,
sensibilisation. Moi, ma crainte, puis vous avez un peu ouvert la porte à ça,
c'est qu'on essaie de régler cette question-là à la pièce en agissant peut-être
un peu sur le financement puis peut-être un petit peu développer un registre,
mais qui va être peut-être pas achevé ou complet. Une formation, mais pas pour
tout le monde, puis un peu... Vous voyez un peu où je veux venir? Est-ce que
vous croyez qu'il faut réformer ou avoir une vision d'ensemble, se donner un
plan de match? Transplant Québec parlait d'une loi, une espèce de loi-cadre.
Parce que vous avez dit : Peut-être pas par le processus législatif. En
fait, je veux savoir si vous partagez un peu le point de vue qu'on est rendus
peut-être à un... un point où... dans l'histoire où il faut vraiment voir ça de
façon globale plutôt qu'il y aller à la pièce.
Le Président (M. Provençal)
:M. le Président.
M. Gaudreault
(Mauril) :Oui. Vous aurez compris que,
pour nous, là, tu sais, ça va marcher, je vais m'exprimer comme ça, là, si
c'est clair, si le public comprend comme il faut comment ça va fonctionner,
comment on va faire ça, comment on va s'occuper de leur proche qui est défunt,
mais qui veut donner des organes, qu'on fait ça correctement? Les organes, ils
vont aller chez quelqu'un ou quelqu'une. Donc, il faut que ce soit clair. C'est
pour ça... La confiance, la protection du public, la confiance du public,
aussi, en nous comme société qui se dirigeons là-dedans.
M. Gfeller (Pierre) : Je
dirais qu'à problème complexe il n'y a pas de solution unique. Donc, il va
falloir aborder différents côtés. En même temps, on est à un moment important
historiquement, on a un virage qui s'en vient avec un nouvel établissement qui
va s'appeler Santé Québec, qui va avoir, qui va être... avoir des
préoccupations de niveau tactique et opérationnel, entre autres, d'organisation
de services, dont le principal mandat, puis on... ceux qui ont lu, là, la
description du poste de P.D.G., c'est la coordination des services, un meilleur
accès pour les Québécois. Puis les discussions qu'on a aujourd'hui sur la
greffe puis le don d'organes...
M. Gfeller (Pierre) : ...on
est dans l'accès, là, aux services pour les Québécois. Donc, c'est le temps de
réfléchir. C'est... Moi, j'ai vu l'encart publicitaire de Transplant Québec
dans La Presse en fin de semaine, j'étais tout à fait à l'aise avec ça. J'ai
félicité ma collègue de tantôt, on est des collègues qui se connaissons depuis
un certain... un certain nombre d'années, ça m'a fait plaisir de la revoir.
Mais il me semble qu'on est enligné, peut-être, pour agir, là, puis on va
sortir des suites pandémiques. À un moment donné, on va réouvrir nos salles
d'opération, on va remobiliser notre personnel, du moins, je l'espère. Puis c'est
le temps de donner un coup, puis peut-être de prendre des mesures, puis de
mettre de l'avant des mesures qui vont améliorer l'accès dans cette... dans
cette branche-là de la médecine et des soins de santé.
Une voix : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je vous remercie surtout de
votre représentation, des échanges qu'on a eus avec vous.
Et, sur ça, je vais suspendre brièvement
les travaux pour laisser place au prochain groupe. On recevra la Fédération des
médecins spécialistes du Québec. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 46)
(Reprise à 15 h 50)
Le Président (M. Provençal)
:Nous recevons maintenant la
Fédération des médecins spécialistes du Québec. Alors, je vous mentionne que
vous avez 10 minutes pour votre présentation et, par la suite, nous
procéderons aux échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.
M. Oliva (Vincent) : Merci,
Monsieur le président, Mmes et MM. les parlementaires. Je suis Dr Vincent
Oliva, radiologiste d'intervention et président de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec. Je suis accompagné du Dr Serge Legault, chirurgien
général et vice-président de la Fédération, ainsi que Me Marie Rouillard,
avocate à la fédération.
Je tiens à remercier la Commission pour
l'opportunité de participer à cette discussion cruciale parce qu'elle permet de
sensibiliser un grand nombre de citoyens québécois à ce sujet d'une haute
importance. Chaque occasion de parler publiquement du don d'organes est un gain
en soi. La fédération, c'est 11 000 médecins spécialistes répartis en
35 associations et représentant 59 spécialités de toutes les disciplines,
tant médicales, chirurgicales, d'imageries que de laboratoires. Considérant la
fine pointe de l'expertise de nos membres, nous avons consulté ceux qui sont
impliqués en dons d'organes et de tissus avant de nous présenter à vous.
Le thème central de notre débat, soit
l'amélioration de notre système de don d'organes et de tissus, est une question
qui nous touche particulièrement comme médecins. Notre rôle est celui de
soigner, de sauver des vies. Il est essentiel de réaliser qu'une seule personne
a le potentiel de donner jusqu'à huit organes, de sauver ou améliorer jusqu'à
huit vies, sans parler des bénéfices majeurs découlant des dons de divers
tissus, incluant la cornée. Malheureusement, le Québec est en queue de peloton
en matière de don d'organes parmi les pays développés.
D'entrée de jeu, nous croyons que c'est un
ensemble de mesures, incluant la sensibilisation, une meilleure organisation et
davantage de ressources dédiées, qui permettront au Québec d'améliorer sa
situation. Notre point de vue est que de changer le modèle de consentement
n'est pas une stratégie probante. Parlons du modèle de consentement.
À l'heure actuelle au Québec, la pratique
du don d'organes s'appuie sur un modèle de consentement explicite. Malgré un
régime où les volontés exprimées par une personne en matière de don d'organes
devraient primer, on observe un écart sur le terrain entre le contexte
législatif et la réalité pratique. Une chose qui est vraiment importante que
les gens comprennent, c'est que les familles jouent un rôle déterminant. La
décision finale d'autoriser le prélèvement d'organes ou de tissus revient souvent
aux proches du donneur potentiel, que ce dernier ait consigné ou non ses
volontés. L'importance de cette réalité est indéniable et nos membres insistent
sur le besoin d'une relation de confiance et de collaboration continue avec les
familles des défunts.
La proposition de migrer vers un système
de consentement implicite ou présumé, bien qu'elle puisse sembler être une
solution attrayante s'avère en réalité plus complexe et potentiellement
problématique. Les exemples du Brésil et du Chili illustrent notamment les
risques associés à un tel changement relativement à la perte de confiance de la
société envers le système, soulignant l'importance d'une approche mesurée et
bien réfléchie. Dans les faits, la littérature actuelle ne permet pas de
conclure que le modèle de consentement est un facteur décisif concernant la
performance générale en matière de don d'organes. En revanche, on remarque que
les juridictions qui excellent en la matière ont opté pour des stratégies plus
globales, en mettant l'emphase sur des structures et des ressources adéquates
pour faciliter la transplantation d'organes.
L'amélioration de notre système de don et
multifactoriel. Nous allons vous faire une énumération de quelques moyens que
nous jugeons essentiels en vue de faciliter le don d'organes. D'abord, la
création d'une loi spécifique au don d'organes. Nous pensons qu'une loi
exclusivement dédiée au don d'organes et de tissus doit être débattue et
adoptée afin, notamment, d'arrimer le cadre juridique à la réalité terrain lié
au rôle souvent crucial des proches dans le processus de prise de décision. Ce
changement législatif pourrait également s'opérer afin d'instaurer un
référencement systématique et obligatoire des donneurs par les établissements
de santé, de manière à obtenir une meilleure identification des donneurs
potentiels.
La création d'un registre unique. Cette
réforme pourrait aussi être une occasion pour fusionner les différents
registres de consentement existants en un seul système simplifié, rendant ainsi
la prise de décision plus transparente pour les professionnels de la...
M. Oliva (Vincent) : ...santé,
comme pour les citoyens. Ce registre unique devrait être facilement accessible
et permettre aux individus de renouveler ou de retirer leur consentement de
manière simple et directe. En effet, pourquoi ne pas envisager un registre qui
recense clairement aussi bien les consentements que les refus, de manière
explicite? Cela allégerait significativement le fardeau administratif, tout en
clarifiant les directives pour les familles en deuil.
Le manque de ressources. En effet, le
manque criant de ressources dans le réseau de la santé, qu'il s'agisse de la
pénurie accrue de personnel, les difficultés d'accès aux blocs opératoires, le
manque de lits pour les patients, tout ça constitue un défi énorme et a des
contrecoups majeurs sur tout l'écosystème du don. À titre d'exemple, il n'y a
pas d'équipes multidisciplinaires dédiées, et, nécessairement, la
transplantation entre en compétition avec les activités régulières. On sait que
l'absence de préleveurs et de transplanteurs en garde territoriale ou nationale
sont des facteurs qui font que des occasions sont manquées. Nous croyons que
les ressources allouées en matière de don d'organes sont intimement liées à son
amélioration. Il est essentiel que le gouvernement s'y attarde.
La sensibilisation et la promotion. La
question de l'allocation adéquate des ressources en sensibilisation et en
promotion du don d'organes doit également être réfléchie, tant en termes de
campagnes de communication, et doit inclure la notion d'équipe dédiée. Il est
crucial que la sensibilisation soit continue et systématique. Il faut
comprendre que le processus de don, s'étalant parfois sur près de 72 à 96
heures, doit prévoir des ressources pour soutenir les proches. Des programmes
spécifiques de sensibilisation et d'éducation sont nécessaires pour préparer
les familles à prendre des décisions souvent difficiles et pour garantir que
les volontés des donneurs soient respectées. Il est impératif de renforcer la
formation des professionnels en santé oeuvrant en matière de don d'organes, en
particulier ceux qui travaillent dans des contextes sensibles, tels que l'aide
médicale à mourir. Ces formations devraient se concentrer sur l'accompagnement
des proches dans ces moments critiques, afin d'outiller les professionnels de
la santé et les citoyens à passer à travers ce processus au meilleur de leurs
capacités.
La collecte des données et les audits.
Finalement, un portrait de la situation actuelle en matière de don d'organes
est indispensable pour agir efficacement. Pour ce faire, il est essentiel que
le ministre, le ministère, Santé Québec et les organismes concernés aient la
capacité de compiler les données, d'effectuer des audits et des analyses
critiques, afin d'apporter les corrections nécessaires pour s'améliorer
continuellement. Il est également crucial d'identifier et de reproduire les
pratiques qui fonctionnent bien dans certains établissements et se doter
d'indicateurs et de cibles. Nous savons le ministre particulièrement sensible à
cette question.
En conclusion, la progression vers un
système de don d'organes plus efficace au Québec exige un engagement collectif
et une approche globale. C'est un débat qui doit se faire en collaboration,
sans partisanerie, et de manière bienveillante. Plutôt que de changer le régime
de consentement, nous devons réformer, de manière globale, notre cadre
juridique, l'organisation des soins et, également, notre approche sociétale, en
matière de sensibilisation et d'éducation, sur l'importance vitale du don
d'organes. Nous insistons pour que les ressources nécessaires soient allouées
et utilisées. Chaque pas que nous faisons dans cette direction a le potentiel
non seulement de sauver des vies, mais aussi d'améliorer significativement la
qualité de vie de nombreuses familles québécoises.
Au nom de tous les médecins spécialistes
du Québec, je tiens à vous remercier pour avoir initié cette réflexion capitale
et pour votre engagement continu dans cette cause essentielle. Votre
contribution et votre soutien à cette initiative peuvent véritablement faire la
différence. Merci, et nous sommes maintenant disposés et ouverts à répondre à
vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, Dr Oliva, pour votre
présentation. J'invite maintenant la députée de Bonaventure à...
• (14 heures) •
Mme Blouin : Merci beaucoup,
monsieur.... Merci, M. le Président. Bonjour à vous. Merci de votre temps avec
nous aujourd'hui. Je pense qu'on ne peut pas vous avoir devant nous sans vous
parler de l'enjeu de la relève médicale. En fait, ça a été soulevé à
différentes reprises depuis hier, puis je pense qu'on a bien compris qu'on a
beau vouloir augmenter le nombre de dons d'organes - et ça a été dit, je pense,
de façon explicite aussi - ça ne sert à rien si on n'a pas quelqu'un pour faire
la transplantation. Donc, il y a plusieurs facteurs qui ont été mis de l'avant
depuis hier. Notamment, entre autres, il y a l'enjeu de la rémunération qui a
été soulevé. En fait, on nous dit que les médecins transplanteurs reçoivent une
rémunération qui est...
16 h (version non révisée)
Mme Blouin : ...qui est
moindre, en fait, que celle des autres médecins spécialistes? J'aimerais vous
entendre à ce sujet-là. D'abord, est-ce que vous êtes en accord avec ces
affirmations-là de ces enjeux-là?
M. Oliva (Vincent) : Bien
oui, je suis d'accord avec beaucoup de choses que vous avez dites, bon. L'enjeu
de la rémunération, effectivement, est... doit toujours être considéré, là, et
c'est assez complexe, et c'est souvent le cas quand c'est des activités de
niche comme celle-là, parce que ça concerne une minorité d'individus, et la
pratique, souvent, évolue, puis la... disons que la rémunération ne suit pas
nécessairement toujours. Mais, oui, on est très conscients de ça. Il y a des
milieux, effectivement, où les médecins sont moins intéressés, parce que, non
seulement c'est une activité qui est plus complexe, qui nécessite un
investissement, qui nécessite une formation très poussée... évidemment, quand
la rémunération n'est pas au rendez-vous, bien, c'est un facteur additionnel.
Mais ça, c'est des enjeux qu'on a sur notre radar et puis qu'on... Il y a une
année de négociation qui s'en vient, alors on va certainement regarder ces
questions-là.
Puis, sur l'enjeu de la relève, vous avez
tout à fait raison. Ce n'est pas égal d'une spécialité à l'autre, mais en
général, effectivement, il y a un nombre insuffisant de médecins spécialistes
au Québec, donc. Et il faut dire qu'il y a à peu près un tiers des médecins
spécialistes qui ont plus que 50 ans. Alors, ça, il faut le regarder aussi,
effectivement. Alors, il faut qu'on garde cette... disons, cette profession
attrayante.
Mme Blouin : Bien, justement,
en fait, outre la rémunération, ce serait quoi, les autres mesures qu'on peut
mettre en place justement pour attirer de nouveaux spécialistes, à votre avis?
M. Oliva (Vincent) : Bien, en
fait, c'est que... puis c'est un peu... ça s'applique de façon plus large qu'au
don d'organes, mais c'est vrai particulièrement pour ça, en fait, c'est tout l'environnement
pratique qui... de pratique qui est rendu lourd. On a des listes d'attente qui
débordent, on a un réseau qui est sur les genoux, on a une pénurie de
personnel, donc c'est... la pratique médicale est rendue lourde, et
particulièrement dans des niches comme ça, où il faut qu'on joue du coude, les
médecins doivent se battre un petit peu parce que, dans le fond, le manque de
ressources, tu sais, c'est des vases communicants, donc les médecins doivent
jouer du coude, dans le fond, pour faire ces activités-là.
Puis le manque de ressources dédiées. Le
médecin a bien beau être très motivé, mais ça prend un écosystème autour, ça
prend du personnel de support, ça prend d'autres professionnels, toute l'infrastructure.
Alors, peut-être que Dr Legault pourrait compléter, parce que, comme chirurgien,
il sait très bien de quoi il s'agit. Peut-être, Serge, tu pourrais dire
quelques mots.
M. Legault (Serge) : Oui,
mais très brièvement, je suis d'accord avec ce que Dr Oliva a dit. En même
temps, dans une perspective plus heureuse, la transplantation, c'est un geste
extraordinaire, au point de vue médical, au point de vue humain, c'est presque
chevaleresque. Mais c'est effectivement quelque chose de niche, qui est très
niché. La transplantation hépatique, la transplantation de foie, la
transplantation cardiaque, pulmonaire, c'est des chirurgies qui sont
spectaculaires, c'est des chirurgies aussi qui attirent la jeunesse
chirurgicale.
Le problème, ce n'est pas tant la
formation ou d'approcher quelqu'un pour tenter de rejoindre l'équipe, le
problème, c'est les ressources en place. Vous n'êtes pas sans savoir que les
transplanteurs qui récoltent et transplantent les organes, c'est des petites
équipes qui sont étiolées, à travers d'autres activités médicales, pour qu'ils
puissent gagner la vie adéquatement. Mais le fait de transplanter, c'est
quelque chose d'extraordinaire. C'est fait dans des centres tertiaires et
quaternaires. Donc, la relève, ce n'est pas vraiment un enjeu. L'enjeu, c'est
plus l'organisation des soins et puis le soutien des équipes en dédiant des
ressources. Ça, c'est un enjeu majeur pour perpétrer la continuité et la
pérennité des programmes.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Autre point qui a été largement soulevé, je pense, par presque tous les
intervenants qui sont passés, c'est l'enjeu de formation. Et je me demande, à
votre niveau, en fait, est-ce que vous considérez que les médecins spécialistes
sont assez sensibilisés ou ont assez de connaissances en matière de don d'organes
et de transplantation?
M. Oliva (Vincent) : C'est à
dire que le volet médical, oui, parce que, pour faire de la transplantation, il
faut aller se surspécialiser, hein, dans des grands centres, et puis ça...
M. Oliva (Vincent) : ...c'est
fait donc toute, toute la... évidemment, la connaissance évolue, mais mais,
mais la formation médicale technique, elle est au rendez-vous. Ce n'est pas un
enjeu. Puis peut être que vous le savez, mais on a des problèmes d'accès au
Québec, mais pas vraiment de problème de qualité généralement, dans le sens où
les médecins sont très bons, ils sont très bien formés. Alors, de ce côté-là,
il n'y a pas d'enjeu.
Quand on parle de formation, on parle de
tout ce qui est autour, de l'encadrement de la famille. On parle de... parce
que, dans le fond, le geste de transplanter, c'est une chose, mais souvent les
gens ne sont pas conscients que le patient décède, mais le temps d'organiser
tout ce... le prélèvement d'organes et de les transplanter, il y a souvent
trois à quatre jours qui s'écoulent pendant lesquels, bien, il faut qu'on...
qu'on explique à la famille pourquoi ça prend, ça prend autant de temps que ça.
Souvent les familles sont frappées par ça, puis dire : Bien, moi, je
pensais que le... que mon proche décédait, puis qu'on prélevait les organes.
Mais non, c'est tout un processus, puis l'encadrement des familles, puis ça, on
a insisté là-dessus. Ce qui est frappant, c'est que, malgré ce que le défunt
a... disons, voulait, ses volontés, la famille, c'est elle qui... qui doit, qui
doit supporter cette décision-là, puis de dire : Dans le fond, est-ce que
c'est vraiment ça ce qu'il voulait? Est-ce qu'il avait compris ce à quoi il
avait consenti? Donc, il faut embarquer les familles là-dedans et tisser des
liens de confiance très, très solides. Et c'est cet encadrement-là, la prise en
charge des familles, qui nécessite, disons, la formation, parce que ça va
au-delà des enjeux techniques.
Mme Blouin : Je pense que la
relation de confiance a été nommée aussi assez souvent. Je me permets de vous
emmener ailleurs avant de passer la parole à mon collègue, puis c'est un autre
collègue autour de la table qui le faisait remarquer un petit peu plus tôt
cette semaine, oon parle très rarement du don de tissus. En fait, est-ce qu'à
votre niveau, vous pouvez nous parler un peu de la situation actuelle ou voir
s'il y a des choses à améliorer? Comment on pourrait faire mieux?
M. Oliva (Vincent) : Peut-être
je pourrais solliciter mon collègue. Dr Legault, sur cet enjeu-là. Serge,
peux-tu dire quelques mots?
M. Legault (Serge) : Bien,
c'est sûr qu'il y a des améliorations à apporter. Il y a aussi les réflexes des
équipes traitantes. Tu sais, je parle de dons de cornées, je n'ai pas les
statistiques individuelles de chaque don, mais effectivement, ça fait partie
autant que toutes les autres transplantations beaucoup plus spectaculaires
qu'on doit viser à améliorer. Mais encore là, les spécialistes sont à l'ouvrage
pour prélever ces tissus-là, puis le don de cornée, c'est vraiment quelque
chose d'assez impressionnant, les résultats sont, sont... sont... sont très,
très probants. Je ne pourrais pas vous en dire plus long, mais ça fait partie
de la grande famille de la... des enjeux de la transplantation au Québec.
M. Oliva (Vincent) : Si je
peux me permettre juste d'ajouter quelque chose? Le parallèle qu'on peut
tracer, c'est des donneurs, il y en a. Le problème, c'est de les faire. Puis il
y a un ophtalmologiste qui nous expliquait : Bien, il y en a beaucoup qui
donnent leurs cornées, mais on n'est pas capable de les faire parce qu'on n'a
pas l'infrastructure puis on n'a pas les capacités de tous les faire. Alors,
c'est pour ça que, dans le grand débat, puis je pense que le consentement
présumé a fait beaucoup jaser, on n'en a pas parlé, mais le goulot
d'étranglement n'est pas là. Le goulot d'étranglement, c'est vraiment de faire
les transplantations des donneurs qui nous sont... qui nous sont présentés.
C'est vraiment ça.
Mme Blouin : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Saint-Jérôme.
M. Chassin :Bonjour à vous trois. Effectivement, là, c'est un peu
ironique, là, on commence à parler du consentement. C'est notre mandat
d'initiative effectivement. Je voulais juste revenir, peut-être avant de vous
donner la parole là-dessus, sur l'aspect formation, parce qu'effectivement la
formation, ce n'est pas tant sur... comment dire, la procédure chirurgicale que
sur, par exemple, l'approche des familles ou l'identification des donneurs,
parce qu'il y en a, mais encore là, il faut les identifier. Il n'y en a pas
tant que ça. Est-ce que sur la formation, on peut penser que les professionnels
de la santé qui travaillent, par exemple, aux urgences et aux soins intensifs,
puis là, je pense tant aux médecins qu'aux infirmières, par exemple, devraient
avoir une formation, même relativement courte peut-être, mais obligatoire
compte tenu du fait que c'est probablement eux qui vont voir, en particulier,
là, des gens qui pourraient être donneurs et qui pourraient décéder.
M. Oliva (Vincent) : Oui,
vous avez raison. En fait, les... ceux qui sont intimement liés, qui font les
transplantations, ce n'est pas nécessairement eux qui ont... qui ont besoin
d'être... bien, ils ont besoin d'être formés, mais ils le sont, mais pas besoin
d'être... Disons, tous ceux qui... qui... qui doivent amener...
M. Oliva (Vincent) : ...disons,
ou qui sont peut-être moins familiers, effectivement, la première ligne des
urgences, etc. Il y a de la sensibilisation, certainement, mais de la formation
aussi, effectivement, parce que la relation de confiance avec la famille
s'établit dès les premiers moments. Donc, c'est vraiment là qu'il faut les
prendre. Ça fait que vous avez raison, oui, puis, quand on parle de formation,
on ne parle pas juste des médecins, là, on parle de formation, évidemment, des
équipes en général. Et, oui, je pense qu'il faudrait qu'il y ait un standard
minimal de formation... d'accord avec vous.
• (16 h 10) •
M. Chassin :Et j'aimerais ça... parce que, là, justement, sur le
consentement, il y a le cas... puis vous le mentionniez, pourquoi ne pas avoir,
par exemple, un registre tant pour les consentements que pour les refus, puis,
à la limite, parce qu'on a eu cette réflexion-là avec d'autres intervenants, de
donner du choix, notamment, par exemple, on parlait de cornée, mais peut-être
que j'aurais un malaise ou éventuellement ça pourrait évoluer... On parle des
fois de greffes de visage, mais là c'est peut-être un peu choquant si on n'a
pas d'information, peut-être que je ne suis pas prêt à donner un consentement
là-dessus. J'aurais tendance à avoir un refus pour l'instant, mais consentir
pour le reste. Donc, est-ce que ça, vous verriez... c'est sûr que ça rajoute un
peu de complexité, là, mais est-ce que vous verriez qu'un registre bien tenu
pourrait donner ce choix-là? Je... je ne sais pas si, Docteur Legault, vous
avez...
M. Legault (Serge) : Bien, si
vous me permettez, c'est complexe, puis, en même temps, ce n'est pas complexe.
Si on part avec la prémisse, c'est trop complexe, ça n'arrivera jamais. Il y a
plusieurs façons de rejoindre l'électorat au Québec. Ça peut être par le permis
de conduire, ça peut être par les immatriculations, ça peut être par des
rapports d'impôt ou on peut se permettre de poser quelques questions connexes.
Le patient vivant peut décider de choisir de donner tel ou tel organe, le
patient vivant peut aussi décider, pour des raisons religieuses, de ne pas
donner tel ou tel organe. Ces banques de données là éventuelles que
fourniraient ces renseignements-là sont essentielles, selon moi, pour un
programme qui... qui va se maintenir dans le temps, puis on va pouvoir raffiner
la façon avec laquelle on crée le réflexe populationnel de dire : Bien, tu
sais, le consentement explicite, là, le consentement implicite, là, le... il y
a une discussion familiale qui, des fois, est évacuée. Je ne signe pas mon
permis de conduire. Donc, on... de façon implicite, je donne mes organes, ça
peut donner lieu à des situations dramatiques, là, au point de vue familial,
des déchirements qui ne sont pas nécessaires, surtout en fin de vie, la fin de
vie, c'est un deuil, là. Donc...
M. Chassin :Absolument. Puis, même, à la limite, certains, dans la
famille, particulièrement, et d'autres peut-être au contraire seraient
favorables, puis là, il peut y avoir des tensions dans l'entourage, à la
limite, là.
M. Legault (Serge) : Justement,
puis de favoriser cette discussion-là, ça ne peut être que bénéfique.
M. Chassin :Est-ce que... est-ce que... puis là je vous pose une dernière
question, mais c'est... c'est par rapport au fait qu'on a une responsabilité
déjà du DSP pour... bien, en fait, s'assurer que le consentement a été validé,
là. C'est un petit peu plus dans la loi, les aspects législatifs, là, mais il
n'y a pas nécessairement de responsabilité peut-être claire quand on voit, par
exemple, les audits sur le fait qu'il y a des patients potentiels... des
donneurs... des donneurs potentiels, pardon, n'ont pas été identifiés. Puis,
woups! on voit plus tard que, malheureusement, on en a peut-être laissé passer.
Est-ce que... Est-ce que, là-dessus, il y aurait, de votre part, une réflexion
sur qui pourrait être, finalement, le promoteur à l'interne, là, d'un centre
hospitalier, par exemple, ou d'un établissement?
M. Oliva (Vincent) : Bien, je
pense que c'est... tu sais, quand on parlait de... tantôt, d'équipes dédiées,
c'est un peu ça, c'est que c'est tellement niché. Je pense qu'il faut qu'il y
ait effectivement une équipe qui soit... qui soit dédiée à ça puis... dont ce
soit l'activité principale, puis qu'il puisse y avoir une coordination. Si on
veut que les choses se passent, il faut nommer des gens qui soient... qui
soient responsables, qui soient imputables puis qui soient mandatés, qui soient
motivés. Je pense que ça prend ça. Tu sais, le... quand il y a des porteurs de
ballon, là, c'est la meilleure façon d'amener... de compter des buts, hein?
S'il n'y a pas de porteur de ballon, puis on se fit sur... si c'est le problème
de tout le monde, c'est le problème de personne, O.K? Donc, je pense que...
puis, tu sais, les milieux où ça fonctionne bien, là, il y a des gens investis,
dédiés et qui font... qui pensent juste à ça puis qui font juste ça. Ça, c'est
l'idéal.
M. Chassin :Est-ce que dédié, ça veut dire à l'exclusion de toute autre
fonction? Non...
M. Chassin :...j'imagine que c'est plus... ils sont désignés, mais ils
vont faire d'autres choses aussi.
M. Oliva (Vincent) : Non, pas
nécessairement, parce que, tu sais, je veux dire, ils ne transplantent pas
24 heures sur 24, mais, autrement dit, ils sont mandatés. Puis, voilà.
M. Chassin :Super.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, je vais céder
maintenant la parole au député de Pontiac.
M. Fortin :Oui. Merci, M. le Président. Merci, Dr Oliva, Dr Legault...
en fait, merci à vous trois d'être là, d'être là avec nous aujourd'hui. Je vais
me permettre de peut-être vous challenger un peu. Dr Legault, en partant, vous
venez de dire : Des fois, si c'est trop compliqué, ça n'arrivera pas. Oui,
à preuve inverse, le registre de la RAMQ, en ce moment, qui a l'air pas mal,
pas mal, pas mal compliqué puis qui est en place. Il y a des choses... Des fois,
on se complexifie la vie nous-mêmes sans bonne raison. Mais je suis d'accord
avec... puis je suis content, Dr Oliva, que vous avez commencé en parlant de la
sensibilisation, de l'importance de... qu'on est en train d'en faire, de la
sensibilisation, en ce moment, que les gens de Transplant Québec qui étaient
dans les médias cette semaine en font, de la sensibilisation, autour du don
d'organes, que le fait qu'on en parle, là, ça aide. À preuve, moi, quand j'ai
quitté l'Outaouais lundi, je pense que c'est la première fois en neuf ans de
parlementarisme que ma fille me demande : Qu'est-ce que tu t'en vas faire
à Québec cette semaine? Puis ça nous a menés à une discussion sur le don
d'organes puis sa volonté à elle. Donc, juste d'avoir ces discussions là, c'est
probablement la plus grande avancée, là, qu'on est capable d'avoir à très,
très, très court terme.
Je vais rentrer dans le vif du sujet parce
que, sur le consentement présumé, vous allez quand même plus loin que plusieurs
des autres groupes qui nous ont parlé aujourd'hui, qui nous ont essentiellement
dit : Oui, mais il faut le faire avec un paquet d'autres affaires. Vous,
vous êtes un petit peu plus direct sur cette question-là. Mais je me demande,
la comparaison que vous avez fait, Dr Oliva, avec le Brésil, le Chili, où on a
appris tantôt que, tu sais, la confiance du public, elle est mince, mince,
mince en partant parce qu'il y a des systèmes de revente illégale d'organes,
etc. Est-ce que la comparaison est vraiment appropriée dans le contexte
québécois où les gens ont pas mal plus confiance aux professionnels puis au
réseau de la santé?
M. Oliva (Vincent) : Vous
avez raison que le contexte est très différent. Mais il faut savoir quand même
qu'on est une société très libérale. Je pense qu'il faut être fier de ça. On
est une société très libérale. Et puis si j'image un peu, ça peut être un peu
choquant de se faire dire : Bien, on a besoin de vos organes, ça fait que,
par défaut, ils nous appartiennent. C'est un petit peu ça, le consentement
présumé. Alors, je caricature mais, ce que je veux dire, c'est qu'il y a toutes
sortes de questions qui sont soulevées. C'est quand on consent à ça, est ce que
les patients savent vraiment ce que ça implique, ce que ça implique pour
l'entourage? Le décès, c'est quoi? Souvent les familles arrivent, puis le
patient est décédé, mais tout circule, le cœur bat, etc., c'est une mort
cérébrale, mais est ce qu'ils ont vraiment compris c'était quoi? Alors, ils
sont un peu surpris par ça.
L'autre chose, la question, c'est que si
on présume que le consentement est donné, est-ce qu'il y en a qui sont aptes à
consentir? Hein? Il y a ça, l'aptitude à consentir. Ça fait que ce qu'on dit en
gros, c'est que complexe, plus qu'on pense, puis ce n'est pas qu'on s'oppose au
consentement présumé, c'est qu'on dit scientifiquement, quand on regarde les
méta-analyses, ce qu'on nous dit, c'est que ce n'est pas un facteur
déterminant. Ça fait qu'à partir du moment où ce n'est pas un facteur
déterminant, c'est une question qui dépasse l'opinion d'un groupe de médecins,
c'est une question qui revient à la société. Est-ce qu'on veut? Si moi, j'avais
des évidences qui disaient : Regarde, on augmente... on prend un
consentement présumé, puis, bang, on augmente le nombre de dons, là, je vous
dirais : Bien, moi, mon opinion d'expert, c'est qu'il faut faire ça, mais
on n'a pas ça, on n'est pas capable de le recommander parce que,
scientifiquement, on n'a pas de preuve.
Donc, moi... ce qu'on a fait comme
réflexion, c'est... bien, étant donné que ce n'est pas un facteur décisif,
prenons donc le temps de regarder cet élément-là. De toute façon, ce n'est pas
ça, le goulot d'étranglement. Le goulot d'étranglement, c'est qu'on n'est pas
assez organisé, on n'a pas toutes les conditions gagnantes pour faire toutes
les transplantations qu'on pourrait faire. Alors, commençons par ça. Puis le
consentement, c'est une question qui est beaucoup plus délicate. Puis, pour
l'instant, ce n'est pas prouvé que ça va augmenter la... améliorer la
situation.
• (16 h 20) •
M. Fortin :La question de l'Espagne est intéressante sur cet enjeu-là,
parce que, si j'ai bien compris, là...
M. Fortin :...collège des médecins qui était ici tantôt, qui nous ont
fait un peu le... la ligne du temps, disons, de leur évolution à ce niveau-là,
si j'ai bien compris, en 1979, ils ont introduit la... le consentement présumé
et ils n'ont pas vu d'énormes changements, là, ou... d'une façon ou d'une
autre, jusqu'à ce qu'ils fassent le reste des mesures en gardant le consentement
présumé, et c'est là qu'ils ont vu un énorme changement, alors... puis ça on
l'a entendu de plusieurs, plusieurs, plusieurs groupes, là : Vous pouvez
le faire, mais faites-le avec d'autres affaires, sinon ça ne donnera pas les
résultats escomptés. Alors, je vous entends.
Sur les... sur l'écart entre le contexte
législatif et la réalité. Il y en a un écart, là. Aujourd'hui, là, on ne suit
pas le contexte législatif exact, puis je ne parle pas juste de la question
de... du référencement, là, lors du, disons, du processus pour le don
d'organes, là, avec la famille. Est-ce que vous êtes d'accord avec la
proposition qui nous a été faite, à savoir qu'on doit mettre dans le cadre
légal la décision familiale?
M. Oliva (Vincent) : Oui, je
pourrais peut-être laisser Me Rouillard... qu'on a la chance d'avoir une
avocate avec nous. Peut-être elle pourrait dire deux mots sur ça.
Mme Rouillard (Marie) : Oui.
Bien, en fait, vous avez tout à fait raison, là, en ce moment, qu'est-ce qu'on
observe, c'est que les volontés du défunt dans le... dans le contexte
législatif doivent primer. Puis c'est dans les cas où est-ce que la volonté est
méconnue ou où est-ce qu'il n'a pas donné son consentement qu'on consulte les
proches, là, du défunt. Dans la réalité, puis quand on a consulté, là, le...
nos membres, en fait, c'était tout autre, ils sentaient vraiment un besoin de
consulter les familles puis ils trouvaient ça même primordial pour valider
le... les volontés exprimées du défunt. Donc, la réflexion se pose, parce que
si on observe une certaine dichotomie entre qu'est-ce qu'on écrit, qu'est-ce
que le législateur écrit dans la loi puis... dans... en la réalité pratique,
c'est tout autre parce que les équipes médicales ressentent un certain malaise
de passer outre. Je pense qu'effectivement on doit se poser la question si on
n'inclut pas explicitement la décision familiale et si même si on ne doit pas
préciser les motifs qui permettraient de passer outre le consentement du
défunt, donc c'est vraiment des questions importantes qu'il faut se poser. Puis
même, ça permettrait de clarifier au sein d'un peu les équipes médicales, au
sein d'un peu de la population, qu'est-ce qui pourrait être permis ou non, là.
Donc, oui, c'est important.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Chomedey.
Mme Lakhoyan Olivier : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup. Merci d'être présent. On est
vraiment choyés de vous avoir parmi nous et nous éclairer pour prendre les
meilleures décisions. Ça se répète un peu, les besoins, comment procéder et de
faire attention pour respecter les défunts et la famille des défunts. Vous
parlez de... et tous les groupes parlent d'un registre commun et fluide, plus
facile à accéder. Bien sûr, le côté marketing d'informer la population et de
les préparer. Donc, l'un ne va pas sans l'autre.
Ma question pour vous, c'est que nous
avons déjà un système en place et puis, d'après ce qu'on entend, ça va bien. En
général, ça va bien, malgré tous les bémols que tous les groupes ont apportés,
que ça soit le choix d'hôpital, le temps, tout ça, là, le décès, et tout ça,
ils nous disent que ça va bien, donc... mais vous parlez tous d'un registre
commun et puis tous les bémols qui existent. Puisque ça va bien maintenant,
c'est quoi qui fait qu'on est inquiets avec toutes ces étapes-là?
M. Oliva (Vincent) : Bien,
écoutez, ce n'est pas... tu sais, je ne pense pas que le registre soit
l'élément principal, là, puis l'essence de notre message, là, je pense que
c'est vraiment le fait d'avoir des ressources dédiées, d'avoir des équipes
dédiées, de mieux organiser toute l'infrastructure, tout l'écosystème. Je pense
que c'est la sensibilisation, je pense que c'est vraiment là que ça se joue. Le
registre, c'est un élément de plus. Si on...
M. Oliva (Vincent) : ...un
registre qui est plus facilement accessible. Puis on pose... on discute de la
question du consentement. Je pense que, si on avait un registre avec plus de
données, des données plus granulaires, plus d'informations, on serait peut-être
capable de répondre mieux à ces questions-là, est-ce que le consentement fait
une différence, parce qu'on aurait plus d'informations. Donc, c'est un petit
peu dans ce sens-là. Je ne sais pas, Marie... Me Rouillard, si tu as des choses
à ajouter sur le registre?
Mme Rouillard (Marie) : Bien,
en fait, essentiellement, comme Dr Oliva le dit, c'est sûr que ce n'est pas la
pierre angulaire, là. Je veux dire, c'est plusieurs facteurs, là, qui
permettent d'améliorer le don d'organes, mais le registre... En fait, si on
unifie les trois manières, les trois outils pour donner son consentement, c'est
clair qu'aux yeux de la population c'est plus simple, c'est : il y a un
endroit sur lequel on peut consentir ou non, tout dépend, là, mais, en fait,
c'est vraiment ça, c'est la clarté, c'est la simplicité de la chose, autant
retirer que de donner son consentement. C'est comme ça que, nous, on le voyait,
puis je pense que, si on prévoyait une certaine réforme législative, on pense
que ça s'inscrirait bien, là, dans cette modification-là.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. Oliva (Vincent) : ...ça
fonctionne, mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas l'améliorer.
Le Président (M. Provençal)
:Excellent. Merci beaucoup. M. le
député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous trois. Il y a pas mal de terrain qui a été couvert,
là, puis vous avez dit des choses qu'on a entendues, mais juste pour être sûr,
là, si j'avais à vous classer, là, pour ou contre le consentement présumé,
j'aurais tendance à mettre mon x dans la colonne contre.
M. Oliva (Vincent) : Oui, on
est plutôt contre. On n'est pas nécessairement contre le principe, mais on
n'est pas... disons, on vous inciterait à de la prudence, autrement dit, on
vous dirait... on... ce n'est pas nécessaire de faire ce débat-là, parce qu'il
n'est pas critique. Donc pour nous, ce n'est pas crucial d'avancer dans cette
direction-là.
M. Marissal : Je comprends
bien.
Mme Rouillard (Marie) : En
fait, si je peux ajouter quelque chose sur les propos de Dr Oliva, c'est qu'on
pense qu'on peut faire plusieurs autres choses avant de changer notre modèle.
Il y a... Comme qu'on a énuméré dans notre discours, on pense qu'il y a
plusieurs moyens qui permettraient de faciliter et d'améliorer le don
d'organes, puis même avec le modèle de consentement explicite. Donc, je pense
qu'on pourrait miser sur ces moyens-là.
Puis c'est quand même... c'est quand même
une réflexion sociétale, également, donc il faut faire attention, puis je pense
que qu'est-ce que Dr Oliva a dit, d'être prudent là-dedans, c'est très
important.
M. Marissal : C'est clair. On
vous comprend bien. Le registre, de toute façon, là, un vrai registre qui
marche puis qui n'est pas une chasse au trésor, là, comme en ce moment, là, ça
ferait office de consentement explicite, en quelque sorte. Là-dessus, vous
rejoignez le Collège des médecins?
M. Oliva (Vincent) : Oui.
M. Marissal : Bon. Ce qui
n'enlèverait pas, par ailleurs, le veto familial, puisque, vous l'avez
expliqué, vous aussi, il y a des circonstances qui ne permettraient pas,
jamais, de s'approprier les organes de quelqu'un qui est mort, même s'il avait
d'emblée acquiescé à ça.
M. Oliva (Vincent) : Bien,
c'est un veto fonctionnel, c'est un veto éthique. C'est-à-dire que, tu sais,
premièrement, est-ce qu'on est bien, bien sûr que le défunt, c'est vraiment ça
qu'il voulait dire. Dans le contexte où la famille serait très défavorable,
est-ce qu'il voudrait s'embarquer dans une opération aussi délicate, dans la
controverse. Sur le terrain, les médecins nous disent : Sans le support
des familles, là, en pratique, là, c'est très difficile de procéder parce que
c'est trop sensible, là, on a besoin de collaboration... Serge, tu voulais parler,
je te laisse...
• (16 h 30) •
M. Legault (Serge) : En fait,
si je peux me permettre, là, le registre, c'est une occasion d'en parler. Pour
nous, la discussion est importante. Vous savez, je donne un exemple, je dis
n'importe quoi, là, quand on envoie notre chèque pour payer nos impôts, là, on
chiale un peu au souper, puis là... disent : En même temps, ils me
demandent si je veux donner mon cœur. Bien, ça peut animer une discussion qu'on
n'a jamais eue avant parce qu'on n'a jamais eu le réflexe d'en parler. Plus on
en parle, plus on se pose des questions, plus on réfléchit, plus on est prêt
quand le moment fatidique arrive.
C'est important d'affiner les réflexes de
la transplantation, autant au point de vue des équipes traitantes, autant au
point de vue des équipes qui reçoivent les patients via l'urgence ou à
l'hospitalisation, les médecins de famille qui parlent avec leurs patients.
Plus on en parle, plus on est au courant, plus le réflexe est là, mieux on va
être. Et puis l'Espagne l'a prouvé, ce n'est pas le...
16 h 30 (version non révisée)
M. Legault (Serge) : ...implicite
qui fonctionne, c'est tout le reste.
M. Marissal : Oui. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Je vais céder la parole au député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci à vous d'être là. Merci de votre présentation. J'ai à la fois
la chance d'être le dernier, pour résumer ce qui s'est passé, puis, en même
temps, le désavantage de... d'avoir peut-être à faire de la redite. Alors, je
vais vous demander, si le point de départ de notre rencontre, c'est de dire que
le Québec sous-performe par rapport à d'autres juridictions, puis qu'on a déjà
été en tête de peloton, puis qu'aujourd'hui, là, bien, on n'est pas forts, dans
les propositions que vous faites, là, dans quel ordre faut-il procéder si on
élimine la question du consentement? Parce que vous semblez dire que ce n'est
pas l'élément clé. La création d'une loi, le registre, ça ne semble pas être la
question clé non plus. Le manque de ressources, sensibilisation et, disons,
collecte de données et audits. On commence comment? On procède comment? Puis la
question des ressources, surtout, là, est-ce que ça explique tout ou c'est un
facteur beaucoup plus large, organisationnel, formation, sensibilisation, et
tout ça? En deux minutes.
M. Oliva (Vincent) : Bien,
si... Vous me demandez d'abord... il y a beaucoup de questions, mais vous me
demandez de mettre dans l'ordre, alors je vous dirais sensibilisation, je vous
dirais formation, organisation des soins. Oui, il manque de ressources, mais,
avec les ressources qu'on a, on pourrait faire mieux.
M. Arseneau : Bon, c'est ça.
M. Oliva (Vincent) : Puis ça,
c'est vrai... c'est vrai dans le réseau en général. Je pense qu'il y a une
pénurie de personnel, on le sait tous, mais, avec les ressources qu'on a, on
pourrait faire mieux. Ça fait que dans cet ordre-là. Puis après ça, bien, le
cadre législatif qui vient... qui vient encadrer ça, le registre, puis le
consentement, pour nous, ce n'est même pas qu'il est en dernier, c'est que ce n'est
pas un facteur pour nous.
M. Arseneau : D'accord. Bien,
merci...
M. Oliva (Vincent) : Donc, je
les ai mis dans l'ordre.
M. Arseneau : Oui, bien,
merci, c'est très clair, puis vous me rassurez aussi parce qu'on pourrait facilement,
comme on le fait dans certaines urgences de région comme à Rivière-Rouge, dire :
Bien, on n'a pas de ressources, on ferme. Moi, je ne voudrais pas qu'on ferme l'idée
de la transplantation, là, puis de... du don d'organes. Et puis la présentation
que nous a faite tout à l'heure le Collège des médecins était effrayante. On se
coltaille pour avoir un espace pour un soin de lit intensif puis on choisit qui
va mourir puis qui va survivre. Vous n'êtes pas aussi dramatiques que ça. Je
caricature un peu, là. Mais on peut faire mieux avec les ressources qu'on a,
moi, ça me rassure.
M. Oliva (Vincent) : Je pense
qu'il ne faut pas être dramatique. On sait qu'il y a des enjeux d'organisation.
Les patients qui sont très malades sont bien traités, les patients qui ont des
urgences sont bien traités. On pourrait faire mieux pour l'accès. Je ne pense
pas que le don d'organes soit menacé, mais on peut faire beaucoup mieux, puis
il faut faire beaucoup mieux.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je vous remercie beaucoup pour
votre présence et pour avoir alimenté notre réflexion sur ce sujet.
Sur ce, je vais suspendre les travaux
quelques minutes pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci
beaucoup à vous trois. Bonne fin de journée.
(Suspension de la séance à 16 h 33)
(Reprise à 16 h 40)
Le Président (M. Provençal)
:Nous recevons maintenant Me Claveau
et Me Guay, les représentantes du Barreau du Québec. Merci beaucoup de votre
présence. Vous avez 10 minutes pour votre présentation et, par la suite, nous
allons réaliser un échange avec les membres de la commission. Je vous cède la
parole.
Mme Claveau (Catherine) : Merci
beaucoup. M. le Président, Mesdames...
Mme Claveau (Catherine) : ...Mmes,
MM. les députés, je suis Catherine Claveau, bâtonnière du Québec, et je suis
accompagnée de Me Hélène Guay, qui est membre de notre groupe d'experts en
droits de la personne. Le Barreau du Québec vous remercie de l'avoir invité à
participer aux consultations de la Commission de la santé et des services
sociaux dans le cadre de ce mandat d'initiative visant à étudier les moyens
facilitant le don d'organes ou de tissus, notamment par l'instauration de la
présomption du consentement. Nous saluons l'initiative de l'Assemblée nationale
d'étudier les moyens facilitant le don d'organes et de tissus. Il s'agit d'une
grande question de société, et le Barreau du Québec est heureux de pouvoir
contribuer à la réflexion sur celle-ci.
Le mandat de la commission est salutaire
en cela qu'il intervient à un moment où la question centrale du consentement
doit être étudiée et, s'il le faut, mise à jour. Nous formulons ainsi certains
commentaires afin de donner aux législateurs des outils qui garantiront le
respect des droits fondamentaux qui ont trait au don d'organes et de tissus,
notamment les droits à l'autodétermination de la personne, à l'intégrité, à
l'inviolabilité de la personne et le droit à la libre disposition de son corps.
Comme vous le savez déjà, il existe deux motels... deux modèles actuellement de
consentement au don d'organes, soit le consentement explicite et le
consentement présumé. Au Québec, le modèle de consentement explicite est
actuellement en vigueur, impliquant que la personne doit clairement exprimer sa
volonté de faire don de ses organes à son décès pour que le consentement soit
valide. D'où l'existence, sur toutes les cartes émises par la RAMQ, du fameux
encart accueillant les signatures des donneurs potentiels.
Le consentement présumé, pour sa part,
suppose que toute personne est présumée consentante au don de ses organes après
sa mort, sauf si elle est... elle a expressément manifesté son refus au don...
son refus au don de son vivant. Ce concept repose sur l'idée que la
disponibilité des organes pour sauver des vies est si importante que la
présomption de consentement est établie par défaut, à moins que la personne n'ait
indiqué son refus de manière formelle. Certaines juridictions, comme la France
et la Nouvelle-Écosse, ont adopté ce modèle afin de susciter l'intérêt et
l'engagement des donneurs et ainsi augmenter le nombre d'organes disponibles à
des fins de prélèvement. La consultation qui nous réunit aujourd'hui prend sa
source le 26 avril 2023, soit lorsque le porte-parole de l'opposition
officielle en matière de santé, M. André Fortin, a présenté à l'Assemblée
nationale le projet de loi no 194 intitulé Loi instaurant une présomption
de consentement au don d'organes ou de tissus après le décès.
Dans notre mémoire, nous avons formulé nos
observations concernant les enjeux entourant l'instauration d'une présomption
de consentement au don d'organes ou de tissus en nous basant sur les articles
modifiés par le projet de loi no 194. Plus précisément, ce projet de loi
propose de modifier le Code civil afin de prévoir que le majeur est présumé
avoir consenti au don d'organes ou de tissus. Sauf en cas d'urgence et d'espoir
sérieux de sauver une vie humaine ou d'en améliorer sensiblement la qualité,
celui qui demande le prélèvement devra alors prendre les mesures raisonnables
pour s'assurer auprès des proches du défunt que ce dernier n'a pas... que ce
dernier n'a pas exprimé son refus par quelque moyen que ce soit.
D'emblée, le Barreau du Québec salue la
proposition de renverser la présomption légale actuelle, mais il propose
d'ajouter certaines modalités afin d'éviter que l'objectif visé par le projet
de loi ne soit pas atteint. Tout d'abord, nous soumettons que le don présumé au
décès, sans autre forme de modalité de protection, s'apparente à une imposition
légale ou étatique qui ne concorde pas avec les droits fondamentaux de notre
société. Ces droits militent, rappelons-le, en faveur du droit à un
consentement libre et éclairé dans la prise des décisions d'ordre médical,
comme le soulignait la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Carter.
De plus, les résultats de recherche sur
les sujets révèlent un enjeu important qui est à l'origine du ralentissement en
pratique des impacts d'une telle présomption de consentement sur l'augmentation
réelle du nombre de dons d'organes ou de tissus dans les juridictions dotées
d'une politique ou d'une législation relative aux dons présumés aux décès. Ce
manque d'effet constaté semble être lié au respect des refus exprimés par la
famille du défunt. Ainsi, le Barreau du Québec suggère l'ajout de modalités
additionnelles de protection, comme l'instauration d'un registre de refus
volontaire, de même que le maintien des campagnes concertées de sensibilisation
du public. En outre, le projet de loi n° 194 modifie le Code civil dans le
but de prévoir que l'autorisation, comme le refus au don d'organes ou de
tissus...
Mme Claveau (Catherine) : ...exprimé,
soit verbalement devant deux témoins, soit par écrit, et qu'il puisse être
révoqué de la même manière. Ainsi, selon l'article amendé, même si le
consentement au don est présumé, la famille pourrait toujours exprimer son
opposition. Pour éviter cela, nous sommes d'avis que le législateur devrait
prévoir qu'une autorisation ou un refus de consentement exprimé, soit
verbalement devant deux témoins, soit par écrit, devront être respectés, et ce,
même si l'urgence de la situation permet de les outrepasser ou que les proches
du défunt les refusent. Ceci n'empêcherait pas les professionnels de la santé
d'expliquer, d'exposer et de tenir informer les proches du choix du défunt et
de leur devoir légal de respecter ce choix.
Par ailleurs, un autre moyen facilitant le
don d'organes ou de tissus serait l'instauration d'un régime de déclaration
obligatoire qui établirait un mécanisme en vertu duquel toute personne apte à
consentir, qui s'inscrit à la RAMQ devra obligatoirement faire un choix et
décider si elle désire faire don de ses organes. Cette avenue pourrait
possiblement empêcher les familles d'affirmer... d'infirmer la décision du
donneur potentiel, ce qui augmenterait le nombre d'organes et de tissus
disponibles.
Comme nous l'avons mentionné précédemment,
le Barreau du Québec considère essentiel que des campagnes de sensibilisation
auprès du public soient renforcées et effectuées en continu, surtout si le
législateur décide d'aller de l'avant avec l'instauration d'une présomption de
consentement au don d'organes ou de tissus pour les majeurs. Les campagnes
auprès du public favoriseront la connaissance de chaque citoyen de leurs
options. De plus, ces campagnes aideront les Québécois dans leur décision
personnelle sur cet enjeu et pourraient ainsi cimenter la solidarité nationale
à l'égard des personnes en attente d'une greffe d'organes ou de tissus.
En terminant et en résumé, le Barreau du
Québec tient à réitérer qu'il salue la volonté de l'Assemblée nationale
d'ouvrir le débat sur cette question fondamentale. Mais le Barreau est
toutefois d'avis que si le législateur décide d'instaurer une présomption de
consentement au don d'organes et de tissus, les droits fondamentaux doivent
être pris en considération dans la rédaction du texte de loi, soit le droit à
l'autodétermination de la personne, le droit à l'intégrité de la personne, le
droit à l'inviolabilité de la personne et le droit à la libre disposition de
son corps. Ainsi, le Barreau suggère d'ajouter une modalité de protection,
comme un registre de refus volontaire, afin de réduire les risques de porter
atteinte à ces droits fondamentaux. D'autres commentaires se trouvent dans
notre mémoire. Nous vous remercions encore une fois pour cette invitation à
comparaître devant vous et nous sommes disponibles pour la poursuite de notre
échange.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Me Claveau. Nous
débutons avec la députée de Bonaventure.
Mme Blouin : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être avec nous.
Une voix : Merci.
Mme Blouin : On a parlé ce
matin avec Me Bourassa Forcier d'une obligation soit de répertorier quelque
part, soit un consentement, un refus ou encore de laisser le choix à la
famille, par exemple. Et vous, dans votre mémoire, vous parlez d'instaurer un
régime de déclaration obligatoire. J'aimerais ça vous entendre sur ce sujet-là,
savoir comment... comment vous voyez ça. Comment on peut obliger des gens à se
prononcer?
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
Je vais laisser ma collègue, Me Guay, répondre à cette question.
Mme Guay
(Hélène) :Oui. Bonjour. Donc, merci. Bien, c'est une
excellente question. Comment on peut obliger... En fait, la suggestion qui est
faite s'inscrit dans un... dans une situation tout à fait nouvelle pour notre
système de droit, à savoir qu'on va changer les règles complètement. On va...
La proposition, c'est de... plutôt que de partir d'une façon... de la façon
habituelle, c'est-à-dire obtenir le consentement de la personne, on va plutôt
instaurer un système qui va faire qu'il va falloir se désengager. Cette
autorisation-là explicite... cette hypothèse-là que toute personne consent au
prélèvement... à ce moment-là, il va falloir certainement... on crée
certainement une situation où les gens doivent être non seulement informés, mais
doivent aussi devoir participer à leur choix. Donc, c'est un peu ça l'idée
d'avoir un registre et d'avoir un système avec déclaration obligatoire pour que
les citoyens puissent véritablement exercer leur... de leur volonté. Donc, je
pense que ça devient nécessaire d'avoir un tel... un tel devoir finalement de
participer à l'exercice de déterminer quelles sont mes volontés.
• (16 h 50) •
Mme Blouin : Lorsqu'on est...
Mme Blouin : ...obligé de se
prononcer comme ça, est-ce qu'on peut vraiment assumer que la décision, elle
est prise de façon éclairée? Si on est obligé de se prononcer, est-ce qu'on
prend vraiment le temps de s'attarder puis qu'on a vraiment une réflexion
approfondie sur le sujet?
Mme Guay
(Hélène) :Bien, le projet tel qu'il est formulé présentement,
c'est de dire, bon, on présume que toute personne consent, on présume que toute
personne autorise de manière explicite... de manière implicite. Ce qu'on veut
faire, on veut changer d'un consentement exprès, explicite à une autorisation
implicite. Alors, on n'a pas le choix, je pense, de fournir les informations
nécessaires pour que chacune et chacun, toute personne puisse exercer sa
volonté, son droit. Donc, il faut comprendre qu'on change... on change les
règles d'un bout à l'autre. Alors, il faut bien... il faut nous donner les
outils pour ça. Puis, effectivement, on se questionne : Est-ce que la
personne est informée? Parce qu'on a toujours travaillé avec un... dans un
système où le consentement comporte une autorisation éclairée, avec
l'information nécessaire, avec la capacité... Alors, oui, on a besoin d'avoir
des balises, des moyens de protection, mais, entre autres, il est important que
la personne soit informée avant de choisir et qu'elle puisse choisir de refuser
l'imposition qui serait faite de manière légale.
Mme Blouin : Vous mentionnez
aussi dans votre mémoire qu'on devrait enlever dans la loi la référence au
motif impérieux. On a aussi tenté ce matin, là, toujours avec la même équipe,
de Me Bourassa Forcier, de voir si c'était pertinent de les définir, ces
motifs-là. Mais vous, vous proposez carrément d'enlever cette référence-là.
Est-ce que vous pouvez nous exprimer un peu votre position?
Mme Guay
(Hélène) :Bien, vous savez, la notion de motif impérieux,
c'est au singulier actuellement dans notre Code civil, bien, ça a été introduit
à la fin des années 80, quand on a réformé le Code civil. La compréhension
qu'on devait en avoir, selon nous, c'est que c'étaient des motifs qui se
rattachaient au prélèvement d'organes, au don des organes, au don des tissus, à
savoir des motifs qui seraient... qui seraient de nature à ce que les organes
ou les tissus ne soient pas... ou ne soient pas possible de transplantation.
Ça, ça nous apparaît à être des motifs impérieux. Progressivement, on
s'aperçoit que ce n'est pas la qualité des organes qui semble être... en
partie, qui n'est pas seulement la seule raison qui est invoquée. On comprend,
et je pense que les parlementaires l'ont entendu également depuis hier, on comprend
qu'il y a une réticence, voire un protocole de la part des instances, peut-être
Transplant Québec, à l'effet que, Lorsque la famille s'oppose, on va considérer
que ce sera un motif impérieux, et je pense qu'on le souligne dans le mémoire
du Barreau, que vous avez... dont vous avez pris connaissance. Alors, pour
nous, ce motif... c'est de faire une place large pour la famille, mais c'est
aussi de dénaturer, parce qu'on pourra revenir à la question... de la famille,
mais c'est de dénaturer la notion de motif impérieux, selon nous. Alors, c'est
pour ça qu'on propose de revoir, parce que, oui, il était déjà existant puis,
oui, on le reprend encore dans le 44 tel que modifié, tel que proposé.
Mme Blouin : On a bien
entendu, je pense que vous êtes... vous avez été à l'écoute vous aussi, entendu
plusieurs recommandations en lien avec l'information, avec la sensibilisation,
puis on comprend bien aussi que, si on y va avec le consentement présumé, ça ne
fait pas foi de tout. Mais, on s'imagine, on se projette, supposons qu'on
informe adéquatement la population, que les professionnels sont bien formés,
que leur référencement va mieux aussi, qu'on a un registre qui est accessible,
est-ce que vous pensez qu'au Québec on devrait, dans quelques années, avec tout
ça mis en place, opter pour le consentement présumé?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
je pense que l'exercice qu'on fait actuellement est très important. On a une
base. On désire tous... évidemment, on peut... Tu sais, on est tous en accord
que... avec le principe que, si on peut sauver plus de vies possibles ou rendre
la qualité de vie des gens vivant la meilleure possible au Québec, c'est bien,
tant mieux. Mais on constate, comme tous les autres interlocuteurs aussi, que,
si on change la loi pour créer une présomption, ça prend vraiment, vraiment,
vraiment une campagne d'information et de sensibilisation. Il faut aussi
toujours avoir en tête qu'il faut respecter les volontés de la personne avant
celle de sa famille, entre guillemets, là. Donc, vraiment s'assurer que tout ça
soit clairement exprimé. Je pense vraiment que... C'est vraiment intéressant,
là, qu'on ait cette conversation-là où est-ce...
Mme Claveau (Catherine) : ...quand
je pense que tous les partis sont unanimes pour dire : Il faut améliorer
les choses, bien, nous, on s'offre, Barreau, pour... On a fait quelques
commentaires, parce que c'est quand même à l'ébauche, pour travailler avec
vous, pour voir, de façon la plus optimale possible, comment on pourrait
améliorer la situation. Et si ça va vers un changement de présomption, mais
s'assurer que ça se fasse avec des conditions gagnantes puis qu'on soit
organisé pour qu'on atteigne nos objectifs.
On entendait le président de... du Collège
de médecins, notamment, dire qu'il faut aussi penser à l'organisation
matérielle, à la disposition. Il y a plein, plein, plein d'éléments qu'il va
falloir considérer pour atteindre cet objectif-là. Puis merci, encore une fois,
de nous aider... de nous avoir invités à participer à cette réflexion-là, puis
on s'offre évidemment pour la continuer avec vous.
Mme Blouin : Bien, merci à
vous,d'abord. Autre notion intéressante de votre mémoire, vous parlez aussi du
consentement des personnes mineures, matures ou des mineurs émancipés. Là, je
ne sais pas jusqu'à quel point je m'avance trop loin dans notre réflexion,
mais, quand même, je trouvais que c'était un élément intéressant. Puis
j'aimerais savoir si, selon vous, toujours... supposons qu'on adopte le
consentement présumé, est-ce que ce serait plus prudent d'exclure tout
simplement les personnes mineures? Comment vous voyez cette réalité-là?
Mme Claveau (Catherine) : Je
ne sais pas, Me Guay... À ce stade-ci, ce qu'on suggère, c'est de continuer la
réflexion pour avoir... On ne s'est pas encore prononcé, mais, je pense, c'est
vraiment... c'est un sujet important de se pencher sur cette situation-là.
Donc, je pense que ça mérite vraiment une profonde réflexion. Je vais vous
laisser continuer, Me Guay.
Mme Guay
(Hélène) :Oui, mais il y a un élément qu'il faut retenir,
c'est que pourquoi on a souligné la question du mineur émancipé, c'est que le
mineur émancipé, c'est une personne qui finalement est reconnue. L'émancipation
va rendre le mineur capable, à tous égards, de la même façon qu'un majeur.
Alors donc, à ce moment-là, ce qu'on peut penser, c'est qu'à partir de 16 ans,
un mineur qui serait émancipé, parce que c'est l'âge à partir duquel on peut
émanciper un mineur... Ça, émancipé, à ce moment-là, il a les mêmes droits
qu'une personne majeure. Donc, on estime qu'il faudrait évaluer cette
situation-là pour l'inclure également dans le fait qu'il serait également, au
même titre que toute personne majeure, susceptible d'être dans une situation où
on présume de son consentement.
Mme Blouin : Et j'aimerais...
J'ai posé aussi la question ce matin ou hier là, concernant les personnes
inaptes, prenons, par exemple, une personne qui souffre d'Alzheimer. De quelle
manière on pourrait... Est-ce qu'on va présumer de son consentement? Est-ce
qu'on peut dire qu'elle avait tout ce qu'il faut pour annoncer un refus?
Comment... Comment on traite ce type de personne là?
Mme Guay
(Hélène) :C'est certain que la loi, présentement, ne prévoit
pas que ces personnes-là puissent consentir. Je veux dire, c'est clair que, de
ce côté là, il y a une réflexion à faire aussi. Mais, d'entrée de jeu, les
mineurs et les personnes inaptes à consentir aux soins ou représentés
légalement par un mandataire ou un tuteur, c'est clair que ces personnes-là
devraient nécessairement être exclues de la situation qu'on discute, à savoir
qu'il y aurait présomption de leur consentement au prélèvement. Parce qu'il
arrive que, dans la représentation de ces personnes-là qui sont inaptes à
consentir ou à décider pour elles-mêmes, bien, il y a un représentant légal. À
ce moment-là, il faudrait certainement s'arrêter à savoir... à ce moment-là,
qu'on va élargir et quelle réflexion on aurait, à ce niveau-là, pour les... qui
sont inaptes.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:...de Saint-Jérôme.
M. Chassin :Merci, M. le Président. Bien, bonjour, mesdames. Et j'ai
une petite question, je ne pense pas que ce soit juridique, mais j'aimerais
vous entendre là-dessus. Est-ce qu'un consentement présumé peut être éclairé
dans le sens où on a entendu différents intervenants nous parler de
sensibilisation du public, de pouvoir avoir un certain débat à la limite de
société? Est-ce qu'on peut penser que, bien qu'il soit présumé, ce
consentement-là puisse quand même être éclairé?
Mme Guay
(Hélène) :Si je peux me permettre. C'est une distinction ici
qu'on doit faire entre autorisation et consentement. Dans notre système de
droit, tant common law que le droit civil, le consentement, c'est quand on a obtenu
les informations nécessaires et l'opportunité de poser les questions qu'on
avait la capacité. Puis on a compris, puis on consent, c'est ça que ça veut
dire...
M. Chassin :...choses qui nous sont présentées.
• (17 heures) •
Mme Guay
(Hélène) : Alors, un consentement à des soins, un consentement,
donc, tu sais, on parlait d'une personne inapte, elle ne peut pas consentir
parce qu'elle n'a pas l'aptitude. Je n'ai pas les informations, bien, je ne
fournis pas un consentement éclairé. Alors, comme je disais tout à l'heure, on
transforme ici en disant... On suggère qu'on ait une autorisation... au don
d'organes, au prélèvement des organes ou des tissus, plutôt que d'avoir...
17 h (version non révisée)
Mme Guay
(Hélène) :...consentement au don, un consentement express...
donc, on change complètement. Est-ce que c'est... là vers ce qu'on va? Bien, si
on va vers ça pour des raisons humanitaires ou pour des raisons de bien
collectif, soit, c'est une décision, mais il faut voir que ce qui va être
important, ça va être que les personnes puissent avoir accès aux outils
nécessaires pour exprimer leur refus. Alors, c'est pour ça qu'on suggère
fortement que ce soit au renouvellement de la carte d'assurance maladie, pour
qu'elle puisse, à ce moment-là, recevoir avec... probablement de la RAMQ, les
informations nécessaires pour leur expliquer quels sont les choix possibles.
Et les volontés, on a toujours pu les
exprimer, c'est écrit dans le Code civil, c'est les volontés exprimées. Donc on
a toujours pu... exprimer une volonté de : Oui, je le souhaite, ou je ne
le souhaite pas. Le souhaitons-nous? Alors donc, je pense que ce sera là qu'il
sera... ce sera nécessaire de s'assurer que les citoyens ont cette possibilité-là,
bon.
Là, après ça, il y a des enjeux de comment
bien faire circuler l'information, la bien divulguer, mais, vous savez, on a
fait des exercices au cours des dernières années. Les directives médicales
anticipées qui ont été élaborées entre 2014 et 2015, après l'adoption de la loi
sur les soins de fin de vie, on a élaboré les formulaires puis on a fourni des
informations. Ce formulaire-là est extrêmement bien fait. Les gens peuvent
adhérer, peuvent demander le formulaire, le lire, le compléter, le retourner.
Donc, il me semble que ça devient possible, dans la réflexion, de travailler
dans la direction que voudrait prendre le gouvernement.
M. Chassin :Et à l'heure actuelle, effectivement, on reçoit de l'information
sur... bien, en fait, lors du renouvellement, par exemple, de notre carte d'assurance
maladie, avec le petit autocollant, entre autres. Peut-être peu d'information,
mais, à tout le moins, on a conscience que ça existe.
Certains intervenants nous ont suggéré de
peut-être le faire avec... dans le fond, par exemple, le permis de conduire. Alors,
évidemment, il y a des gens qui ne conduisent pas, ce n'est pas nécessairement
universel, mais, néanmoins, c'est souvent une occasion, puis là, évidemment, à
une certaine fréquence, de revenir sur le sujet, et généralement, bien, en
personne, parce qu'il faut retourner prendre notre photo avec une certaine
fréquence, justement. Est-ce que ça présente pour vous un certain avantage ou
non par rapport à la RAMQ? Avez-vous des réflexions là-dessus?
Mme Guay
(Hélène) :Si je peux me permettre, il était un temps, il me
semble, qu'on signait la carte... notre permis de conduire, sauf erreur. Là, on
est rendu dans une autre étape, là, de... beaucoup plus technologique, hein?
M. Chassin :Quand même.
Mme Guay
(Hélène) : D'ailleurs, moi... oui, il y a même des gens qui me
disent : Moi, j'aimerais ça, recevoir par Internet, mais moi, je n'ai pas
d'ordinateur chez moi, alors comment je vais faire pour recevoir mon formulaire
de directives médicales anticipées, Me Guay? Vous me suggérez, mais je ne peux
pas le recevoir. Bien, écoutez, il y a non seulement les personnes qui n'ont
pas de permis de conduire, il y a les personnes qui sont isolées, les personnes
qui n'ont pas d'ordinateur, celles qui ne lisent pas le français ni l'anglais,
celles qui sont immigrantes, celles qui sont isolées, celles qui n'ont pas de
famille puis de proches. Alors, vous savez, il y a... on... il faut penser à
tout ça, je pense, avant de choisir qu'on aurait peut-être une autre formule
que... Nous autres, il nous est apparu qu'une formule avec la RAMQ serait
probablement la meilleure à envisager... le registre existe déjà. Parce qu'on
fait une suggestion aussi d'avoir un seul registre. Vous savez, je pense qu'il
y a plusieurs personnes qui ne savent pas qu'il y a une autre façon de s'enregistrer
que de signer la carte de la RAMQ. Il y a probablement des citoyens qui
ignorent l'existence d'un registre à la RAMQ. Ceci étant, il faut travailler
là-dessus, oui, pour pouvoir bien expliquer aux citoyens l'exercice de leurs
droits, que ce sont des droits fondamentaux, oui.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député de
Pontiac, on prend la relève.
M. Fortin :Oui. Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'avoir
analysé sous plusieurs angles différents, là, la proposition qui est devant
nous aujourd'hui. J'ai cru comprendre que vous avez pu suivre une bonne partie
de nos travaux jusqu'à maintenant, mais, sinon, là, je... voici ce que, moi, j'en
retiens après deux jours de délibérations, au niveau du consentement : il
y a essentiellement, vous l'avez dit d'entrée de jeu... il y a deux modèles. Il
y a le modèle de consentement explicite, où on doit indiquer qu'on veut donner
nos organes au moment de notre décès, et il y a le consentement présumé, ce qui
est suggéré ici, là. Dans la pratique, au Québec, ce qui se passe, en ce
moment, et ça...
M. Fortin :...on nous l'a expliqué hier, là, quelqu'un qui n'a pas, de
façon explicite, indiqué son souhait, donc quelqu'un qui n'a pas, par exemple,
signé un ou l'autre des registres, quelqu'un qui n'a pas signé la carte de la
Régie de l'assurance maladie, on va quand même, au moment de son décès, s'il
est un donneur éligible de par sa physionomie, de par son... ses... son corps,
on va quand même demander à la famille s'ils souhaitent procéder avec le don
d'organes. Alors, est-ce que, dans ce modèle-là qu'on utilise en ce moment, là,
est-ce qu'en vérité on a déjà un consentement présumé?
Mme Guay
(Hélène) :Bien, c'est... J'aurais tendance à vous dire que la
façon dont on regarde ça, pour atteindre l'objectif d'adhérer au consentement
présumé... Je ne peux pas vous... Je pourrais vous dire que ce n'est... C'est
une supposition, que la personne consentirait. Je ne crois pas qu'on est en
mesure de conclure qu'une supposition qu'elle consent ou le fait qu'elle n'a
pas exprimé son choix... Le code est ainsi fait qu'on permet au professionnel
de se tourner vers la famille pour, eux, consentir. Donc, on travaille plutôt
sous l'angle de... du consentement substitué aux soins, c'est-à-dire qu'il y a
des substituts qui existent, on se tourne vers eux. On a un ordre. Cet ordre-là
est très succinct, cet ordre-là, on s'en sert dans plusieurs autres situations
qui deviennent parfois très litigieuses, je pourrais vous en parler, mais cet
ordre-là existe. Donc, je pense que ça serait un peu tordu d'arriver à dire que
la supposition ou l'hypothèse que la personne consent, parce que c'est ça, une
présomption, hein, on suppose qu'elle est... qu'elle consent, qu'aujourd'hui on
a... on a cette hypothèse-là en place dans notre droit actuel. Je crois que ça
serait erroné, d'arriver à cette conclusion.
M. Fortin :Est-ce que, par exemple, dans le contexte où il y a des
gens, on leur dit, là : le consentement, au Québec, c'est un consentement
explicite, alors vous devez l'indiquer, tu sais, ça prend un consentement
explicite, vous devez le faire, est-ce qu'il y a des gens, naturellement, qui vont...
qui vont être portés à croire que, s'ils ne le font pas, c'est leur façon de
s'opposer à... au consentement? C'est-à-dire, si je ne signe pas ma carte de la
RAMQ, je m'oppose à ce qu'on utilise mes organes. Est-ce... Alors, est-ce qu'il
y a, du point de vue légal ou même éthique, là, peut-être, là... selon vous,
est-ce qu'il y a un enjeu à ce que quelqu'un qui ne signe pas, on aille quand
même voir sa famille pour... Parce que ça suppose que des gens,
essentiellement, là, qui ne souhaitent pas donner leurs organes, qui pensent
qu'ils ont refusé de donner leurs organes, mais qu'à la fin de la journée, si
la famille consent, ils peuvent le faire quand même.
Mme Guay
(Hélène) :Oui. Mais avec le projet, tel que je le comprends ou
qu'on le comprend, c'est que vous souhaitez élargir le bassin, puis on se
dit : créons cette... Puis, je veux dire, la Grande-Bretagne vient de le
faire il y a deux ans, il y a beaucoup de juridictions, là, qui ont... qui ont
été dans ce sens-là. Puis on est d'accord pour travailler là-dessus, mais
l'autorisation... Il va falloir que ce soit clair, pour les... pour toute
personne, qu'à défaut de remplir votre devoir légal, de nous informer que vous
refusez, vous serez présumé avoir autorisé le prélèvement. C'est ça qu'il va...
c'est là où ça va être très important. Parce que, vous savez, dans toute
matière, je veux dire, que ce soit l'aide... je vais prendre des exemples très
simples, accepter un traitement dentaire, accepter une chirurgie, accepter
l'aide médicale à mourir, accepter... notre système de droit est fait qu'on
adhère à. Des directives médicales anticipées... exemple, je trouve, le plus
proche, si on ne les remplit pas, qu'est-ce qui arrive? Si on... si on se
retrouve devant une personne dans une situation de fin de vie et qu'on se
questionne sur le maintien des moyens respiratoires, bien, on se tourne vers
qui? On se tourne vers la famille. Donc, on a... on a un vide, là. On n'a pas
d'expression de volonté. On ne présume pas de la volonté de la personne, on se
tourne vers les substituts. Mais là, à ce moment-là, il faut... Donc, je pense
que, qu'est-ce qu'on essaie... semblerait que ça pourrait se traduire par une
sorte de devoir, une obligation, ça devient un devoir légal. Mais là où on a
notre préoccupation, nous, c'est de faire prévaloir le droit moral de la
famille sur le devoir légal...
Mme Guay
(Hélène) :...de toute personne d'aviser et voudra qu'on
informe correctement toute personne qui est inscrite à la RAMQ, qu'elle a ce
choix-là, qu'elle a de la place pour décider qu'elle refuse le prélèvement de
ses organes à son décès.
• (17 h 10) •
M. Fortin :Mais c'est...
Mme Guay
(Hélène) : Ça nous reviendra, nous, comme citoyens. Oui.
M. Fortin :Oui. Et c'est là que ça, c'est là que ça devient intéressant,
parce qu'essentiellement, et vous avez raison, ce qu'on... ce qu'on souhaite
faire en partie, c'est élargir le bassin de donneurs potentiels. Mais en même
temps, il faut s'assurer, comme vous le dites, qu'il y a un registre de refus
pour que les gens puissent clairement exprimer leur refus. C'est une question
de confiance envers le système, c'est une question de volonté de... du patient
ou de la personne décédée. La question qu'on se pose, c'est : Est-ce que
le système d'enregistrement de refus, en fait, ça permettrait presque aux gens
qui refusent de l'exprimer encore plus clairement qu'en ce moment?
Mme Guay
(Hélène) :Mais clairement parce que vous aurez à ce... il y
aurait, à ce moment-là, une attestation. Mais vous savez, on aura toujours des
gens qui ne vont pas l'exprimer, puis on...
M. Fortin :Absolument. Oui.
Mme Guay
(Hélène) :...comme aujourd'hui. On aura toujours... Alors, on
se projette dans l'incertitude. Est-ce que les gens qui refusent aujourd'hui et
qui ne signent pas seraient susceptibles, à ce moment-là, de manifester leur
refus par écrit, être certains? C'est une question de détermination, d'exercice
d'une volonté. C'est difficile à tirer une conclusion là-dessus.
M. Fortin :Oui.
Mme Guay
(Hélène) :Mais je pense que si l'idée c'est... c'est qu'en
créant cette obligation là, nous, on suppose que vous donnez vos organes,
l'État suppose que vous donnez, qu'on peut prélever vos organes, on en fera ce
qui est nécessaire pour la société. À vous d'exercer votre... C'est que c'est
un grand changement.
M. Fortin :Oui.
Mme Guay
(Hélène) :C'est extrêmement important de bien, bien outiller
les gens à ce niveau-là.
M. Fortin :Oui. On est d'accord là-dessus sur le... outiller les gens,
sur la sensibilisation, et ça, je pense que tout le monde... tout le monde qui
était ici nous l'a... nous l'a répété. Je pense que ma collègue avait peut-être
une question pour vous.
Mme Lakhoyan Olivier : O.K.
Bonjour, merci d'être présents et nous... nous éclairer sur le côté légal. Vous
avez mentionné que le les mots les motifs... «pour les motifs impérieux», que
les familles ne puissent pas s'opposer, d'enlever cette partie-là afin que la
décision de l'individu soit respectée, si je comprends bien. Parce qu'à la fin
et même à la conclusion où vous dites le droit de l'autodétermination de la
personne, l'intégrité, le droit à l'intégrité de la personne, le droit à
l'inviolabilité, le droit à la libre disposition de son corps. Au décès,
certains vont vous dire : C'est la famille qui va souffrir, ce n'est pas
l'individu qui est mort. C'est la famille qui va pleurer son mort. Puis, si on
enlève le motif... «pour des motifs impérieux», que les familles puissent
s'opposer, leur douleur, vous ne pensez pas ça va être plus et ça va être très
comme décisif. Est- ce que vous ne trouvez pas qu'avoir cette partie-là ça
aiderait à atténuer le chagrin des familles qui doivent vivre avec ça? Parce
que... parce qu'il y a les communautés autochtones, il y a les Québécois en
général qui peuvent ne pas être en accord pour toutes sortes de raisons, et il
y en a et il y a des communautés pour des raisons religieux, culturelles. Donc
on n'est pas tous au même niveau d'ondes. Donc, ce mot-là, le mot «pour des
motifs impérieux», est-ce que vous... vous ne pensez pas qu'on devrait peut
être la garder dans ce projet de loi?
Mme Guay
(Hélène) :Bien, on pourra toujours regarder de plus près, puis
vous avez raison d'identifier certaines collectivités qui ont peut être
effectivement des préoccupations autres ou plus importantes, puis vous faites
référence aux communautés communautés autochtones. J'étais au Nunavik pendant
12 jours plus tôt ce mois-ci et je vous suis tout à fait là-dessus.
Ceci étant, ce qu'il faut savoir, c'est
que la place que prend la famille dans des décisions comme celle-ci, elle est
particulière...
Mme Guay
(Hélène) :...et puis on a... et puis on semble lui donner un
droit moral très important comparativement au... à la volonté exprimée par la personne,
dans sa décision personnelle, ce qui est le droit à l'inviolabilité,
l'autodétermination, l'intégrité. Or, ce qui surprend ici encore plus, c'est
qu'on est en matière, justement, de dispositions corporelles. Le Cour suprême
nous a dit : Disposition corporelle revient à la personne, c'est elle qui
décide, c'est elle qui choisit, c'est elle qui veut avoir accès à l'aide
médicale à mourir, c'est elle qui veut avoir accès à l'avortement. C'est très
important dans notre système de droit, et ça, c'est surprenant qu'on se
dise : Rendu à un moment donné, bien, c'est la famille qui va décider. Or,
en matière de soins, lorsqu'une personne, même inapte, refuse des soins, on ne
va pas demander l'opinion de la famille, on demande l'opinion de la personne,
même inapte. Ce n'est pas la famille qui va décider... ce sera le tribunal qui
devra décider à un moment donné.
Et je vous dirai même plus, lorsqu'il est
question de biens, une personne fait un testament, elle décide qu'elle va
donner à... à ses... à des fondations plutôt qu'à ses enfants. Le notaire qui a
instrumenté le testament, si elle se faisait demander ou il se faisait
demander : Savez-vous, notaire, j'aimerais ça que vous changiez les
volontés de mes parents, de mon père, parce qu'il me semble que je ne suis pas
tellement favorisé. Alors, c'est un peu ça que ça donne comme impression
également... et nous questionne : Comment se fait-il qu'on se retrouve à
invalider une volonté valablement exprimée par une personne, que ce soit un
refus ou une autorisation de prélèvement, alors qu'en matière... eu égard aux
biens, la question ne se pose pas?
Mme Lakhoyan Olivier : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
Mme Guay
(Hélène) :Ça fait plaisir.
Le Président (M. Provençal)
:Je vais passer la parole au député
des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci de votre présentation, de vos explications. C'est très,
très intéressant, sur le plan légal, effectivement, ce que vous venez d'expliquer.
Les dernières volontés normalement exprimées par voie notariale sur la
disposition des biens, c'est respecté en tout temps à ce que je sache et
légalement reconnu. Mais, pour disposer de ses organes... et là c'est la
famille qui peut intervenir selon un motif impérieux. Mais ce que je comprends,
à l'heure actuelle, c'est que n'importe quel motif... En fait, on n'a même pas
besoin d'exprimer de motif, on a une ouverture, une brèche qui est interprétée
de façon très, très large, à l'heure actuelle, pour accommoder la famille. La
notion de motif impérieux, en fait, c'est sans motif, on peut le refuser, si je
comprends bien, dans la pratique, vous vous dites : Ça ouvre une brèche
pour que n'importe quelle raison puisse être invoquée pour invalider le
consentement de la personne ou la volonté de la personne.
Mme Guay
(Hélène) :Tout à fait. On a utilisé cette expression-là, comme
vous dites bien, on a ouvert une brèche, une brèche significative,
significative eu égard aux dernières volontés exprimées par la personne,
surtout quand elle l'exprime. Alors, il faut... il faut garder ça en tête, de
voir, alors, si on en fait une autorisation implicite, il faut garder en tête,
justement, qu'il faut... il faudrait respecter cette volonté-là jusqu'au bout. Déjà,
aujourd'hui, bien, on... à la limite, ça peut être même considéré comme illégal
de ne pas respecter des volontés... un cas rapporté depuis... depuis ces
dernières années, tout simplement... de ne pas avoir respecté les volontés, les
dernières volontés exprimées. Donc, je pense que... c'est ce flou-là qu'on a
étendu. Il y a certainement des politiques, des processus, des modus vivendi
qui ont été adoptés par les... les institutions qui, justement, veillent autour
du don et de la transplantation et du prélèvement.
M. Arseneau : Bien, c'est...
c'est ce qu'on nous dit, en fait, c'est qu'à partir du moment où cette
brèche-là est créée, les gens qui sont responsables, là, de... de prélever les
organes ou qui sont dans l'équipe ne vont jamais d'aucune façon engager une
discussion, un débat, essayer de convaincre et... ou quoi que ce soit, ou de
valider si le motif est véritablement valable ou impérieux. En fait, c'est...
il n'y a même pas cet espace-là parce qu'on est dans l'urgence, parce qu'on ne veut
pas, justement, augmenter la détresse ou la... accentuer, là, la... je dirais,
la situation de deuil, là, qui est vécue par la famille. D'où l'idée...
• (17 h 20) •
Mme Guay
(Hélène) : Bien, il y a deux choses... Oui, d'où l'idée, mais
il y a deux choses là-dessus... On a vu des histoires quand même extrêmement
heureuses, puis je pense que c'était le docteur D'Aragon aussi, quand il était
chez Transplant, il a fait certaines vidéos pour...
Mme Guay
(Hélène) :...avec une mère d'un jeune décédé qui subitement,
lors d'un accident, a eu la possibilité de donner tous ses organes, et donc ils
ont autorisé le prélèvement. Alors, c'était comme vous disiez, dans l'urgence.
Alors, je pense qu'il y a des belles histoires, mais il y a l'autre élément
aussi quand on parle des professionnels de la santé. M. Arseneau, vous
disiez : Bien, les professionnels se gênent. On peut comprendre la
difficulté, ce n'est pas ça, on n'a pas de problème avec ça, la difficulté d'en
discuter avec la famille, mais notre proposition, tu sais, ce n'est pas de
consulter les familles, c'est de l'informer.
M. Arseneau : Mais
préalablement, j'imagine que... vous avez parlé de sensibilisation, il faut que
les gens, dans la société en général, sachent quel est le cadre légal pour,
justement, qu'on s'y attende toujours, sans jamais vouloir que ça nous arrive.
Mme Guay
(Hélène) :Oui, mais je parlais de la situation de l'urgence,
puis je disais, pour une professionnelle, l'idée c'est informer plutôt que de
consulter...
M. Arseneau : D'accord.
Mme Guay
(Hélène) :...et respecter la volonté exprimée.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Me Claveau et Me
Guay, pour votre exposé premièrement, mais surtout pour votre présence et votre
collaboration dans la réflexion de nos travaux. Alors, sur ce, je suspends les
travaux pour permettre au prochain groupe de nous... de venir prendre place.
Encore merci de votre présence et encore merci de votre contribution.
Une voix : Avec plaisir.
Merci. Bonne fin de journée.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. On suspend.
(Suspension de la séance à 17 h 22)
(Reprise à 17 h 29)
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons nos travaux, et nous
allons conclure notre journée en souhaitant la bienvenue aux représentants
d'une famille de donneurs et à M. Sylvain Bédard. Vous aurez chacun cinq
minutes pour votre présentation, et par la suite nous allons procéder à la
période d'échange. Alors, je cède la parole à la famille des donneurs.
• (17 h 30) •
Mme X : Bonjour, M. le
Président. Merci à tous de nous accueillir. Je suis avec mon mari, ici, et,
comme vous le savez, on ne peut pas divulguer nos noms, étant donné la
confidentialité du processus de don.
Alors, merci de ce droit de parole, parce
que les familles... on entend parler des familles parce qu'elles refusent,
25 % qui refusent, des familles qui vont à l'encontre du consentement qui
a été donné par la personne qui est décédée. Alors...
17 h 30 (version non révisée)
Mme X : ...j'aimerais ça vous
expliquer notre vécu tout simplement pour que vous compreniez un peu pourquoi
on peut arriver à refuser. Et on pourra voir si c'est des croyances, des
limites, de l'émotion tout simplement, ou si ça peut être plus profond que ça.
Alors, si on parle de notre histoire de
don d'organes, on a une belle histoire à partager avec vous parce que d'abord
notre fille avait fait son choix de façon autonome à l'âge de 20 ans pour
son don d'organes. Ensuite, nous, quand on a été consultés après la
confirmation de sa mort cérébrale suite à un accident de vélo, traumatisme
crânien, on a dit oui tout de suite, sans aucune question. Pour nous, c'était
clair, elle avait un coeur très en santé, un corps en santé, et on croit
beaucoup à... à la... au devoir, même, de faire partager cette santé-là. Moi,
je fais un peu le parallèle avec notre obligation sur le bord de la route de
prêter assistance. Mais, pour nous, c'est ça, prêter assistance. C'est de
permettre le don d'organes.
Par contre... Donc, c'est ça. Donc, on a
dit oui tout de suite. Et l'histoire se finit qu'on apprend que c'est un jeune
papa qui a hérité du cœur de notre fille, avec trois enfants. Alors, je peux
vous dire que, quand on apprend cette nouvelle-là, ça nous fait un bien vraiment
énorme. Parce que quand on perd quelqu'un comme ça, tout ce qu'on veut, c'est
que la vie se poursuive, que le lien qu'on a avec la personne qui n'est plus là
continue. Alors, vous pouvez anticiper que de savoir que son cœur continue à
battre encore aujourd'hui, pour nous, c'est une vie, sa vie à elle, qui se
poursuit. Et donc ça nous a fait un bien énorme. Alors, ça, c'est le bon côté
de notre histoire.
Maintenant, ç'a été un processus
extrêmement éprouvant de passer à travers tout ça. D'abord parce qu'on a été un
peu mal accompagnés. On a été bien accompagné par des personnes, mais il y a
tellement de personnes qui interviennent dans notre dossier qu'on ne réussit
pas à créer une relation de confiance avec une personne avec qui on peut
discuter des vraies affaires. L'autre élément, c'est qu'on est mal informés. On
ne sait pas que ça va prendre trois à quatre jours, comme les médecins vous l'ont
dit aujourd'hui, on ne sait pas... Moi, la pire tragédie que j'ai vécue dans
ça, c'est que quand on confirme la mort cérébrale, on vous donne deux options,
soit qu'on dit adieu à notre enfant tout de suite parce qu'elle est morte
cérébralement ou soit qu'on attend après le prélèvement pour lui dire adieu.
Alors ça, ça implique qu'on continue à la veiller à l'hôpital, mort cérébrale,
mais on voit... Bien, on nous avait dit que son corps allait se déformer. Son
cerveau est engagé. En tout cas, on nous décrit le portrait de façon pas très
belle, ce qui fait qu'on nous recommande de quitter.
Alors, quand on quitte notre enfant à qui
on a dit adieu parce qu'elle a une mort cérébrale, puis les médecins vous l'ont
dit, là, c'est quoi une mort cérébrale, ce n'est vraiment pas facile à
comprendre, une mort cérébrale, surtout qu'elle était pareille à la journée 6
qu'elle l'était à la journée 10. Pour nous, il n'y a pas de différence.
Elle est encore sur le moniteur, elle respire encore, elle est gavée, elle est
monitorée pour assurer le don d'organes. Et donc ce n'est pas évident. Mais on
a écouté les recommandations avec très peu de discussion parce qu'on est dans l'urgence,
parce qu'on parle à des médecins qui n'aiment pas parler de la mort et parce qu'on
ne nous dit pas non plus qu'est-ce qui va se passer dans la période intérimaire
où on attend que le prélèvement soit fait.
Alors, moi, j'étais chez moi avec mon mari
et j'étais incapable de rester là à ne rien faire, à attendre le prélèvement.
Et ça a duré six jours dans notre cas. Il y a une moyenne de trois ou quatre,
hein? Ce qui est un peu désolant, c'est que Dr Daragon disait que le nombre de
jours augmentait. Mais nous, dans notre cas, en tout cas, ç'a été six jours.
Mon mari avait beau essayer de me convaincre rationnellement qu'elle était
morte, mort cérébrale, mais, pour moi, ce n'était pas du tout, du tout ce que
je vivais.
Alors, ce qu'on veut faire, ce qu'on
propose, en fait, c'est que, même si on était prêts, nous, de façon très claire
à, oui, faire un don d'organes, je pense qu'il y a des vécus qui font en sorte
qu'on...
Mme X : ...plus capables.
Même, moi, j'ai dit au médecin... bien, à mon mari, qui a parlé au médecin,
après cinq jours : On n'est plus capables, on arrête tout, on arrête le
processus, on enlève le ventilateur, et c'est fini. Finalement, on a... il nous
a fait attendre une journée de plus, qui a permis le don du cœur de notre
fille. Et aujourd'hui, évidemment, c'est un beau geste. Ça nous a fait
énormément de bien. Mais c'est pour vous expliquer que, même si on est d'abord
consentants, on ne peut pas anticiper ce qu'on va vivre comme famille. Personne
ne peut nous juger, je pense, si on avait arrêté le processus. Qui qui peut
nous juger? C'est-tu un motif impérieux? Tu sais, pour moi, ça se situe...
c'est intime, on est allés au maximum qu'on pouvait parce qu'on voulait
respecter la... le choix de notre fille, alors... Mais ce qu'il faut, c'est...
bien, consentement présumé ou pas, on pourra y revenir, mais c'est clair qu'il
faut un meilleur accompagnement. Il faut de la transparence aussi. Il faut que
ceux qui décident de donner leurs organes, ils soient au courant. Et j'étais
bien contente d'entendre les docteurs Weiss et Oliva confirmer qu'il faut que
la famille puisse intervenir dans la décision parce que c'est eux qui le
vivent. Puis ce n'est pas pour rien que, dans toutes les juridictions qu'on
nous dit, là, dans le rapport CIRANO, il n'y a personne qui le... même ceux qui
ont dans la loi qu'il faut... on ne doit pas tenir compte de la famille, bien,
ils en tiennent compte. Et il y a une raison à ça.
Alors, moi, j'incite une réflexion sur
pourquoi il y a tant de refus. Moi, j'ai des informations à l'effet qu'il y a
beaucoup de refus parce que le processus est long puis il y a beaucoup de refus
parce que la famille demande d'enlever le ventilateur. Mais qu'est-ce qu'il y a
derrière ça? Pourquoi ils n'en peuvent plus ou pourquoi ils décident d'enlever
le ventilateur? On n'a pas beaucoup d'information sur les refus. Ce qu'on a
beaucoup entendu, c'est croyances, mythes, émotions, et je pense que c'est plus
profond que ça.
Le Président (M. Provençal)
:Je vais céder la parole à M. Bédard.
M. Bédard (Sylvain) : Ouf!
«Tough act to follow.» Écoutez, je m'appelle Sylvain Bédard, j'ai 56 ans.
Si je suis encore ici aujourd'hui, c'est que... je suis encore vivant à cause
que j'ai reçu deux transplantations grâce à deux donneurs et deux familles de
donneurs. Alors, vous comprendrez que je suis un peu troublé par ce que je
viens d'entendre. Ça donne encore plus de signification. J'ai donc été
transplanté la première fois en 2000, après quatre ans et demi d'attente, ça
faisait déjà sept semaines que j'étais aux soins intensifs, et on va dire in
extremis, la deuxième fois, ça a été en 2018, par rejet chronique. J'ai deux...
pas deux, j'en ai amené deux. J'ai cinq garçons de 21 ans à 31 ans.
Ça fait 37 ans que, bien malgré moi, je suis impliqué fortement dans le
don d'organes. J'ai participé, j'ai collaboré avec plusieurs comités, forums,
rencontres, promotions, etc. Les gens ici à côté font partie quasiment de la
famille. Tout le monde que vous avez vu, vous... ils m'appellent tous par le
nom Sylvain. Appelez-moi pas Sylvain... M. Bédard aujourd'hui, s'il vous plaît,
c'est le patient. J'ai monté des montagnes, 4 800 mètres,
6 000 mètres, pour faire la promotion du don d'organes. Je me suis
mis à risque parce que, pour moi, en sachant que j'ai une maladie héréditaire
que mes fils peuvent avoir, c'était ma seule façon et ma façon de m'assurer que
peut-être un jour, si mes fils ont besoin d'une greffe, papa va avoir
sensibilisé assez de monde et qu'ils vont passer à travers.
L'attente d'une greffe, c'est très
difficile. C'est quand même particulier de penser qu'il faut que quelqu'un
meure pour que toi, tu puisses survivre. C'est aussi troublant pour la famille.
Le mot qui me revient toujours en tête quand on parle d'une attente de greffe,
c'est l'impuissance complète. Tu sais comment que ça commence et tu sais trop
comment que ça pourrait finir.
• (17 h 40) •
Histoire. Je suis en attente de ma
deuxième transplantation. Ça commence à être... mal aller. Je suis avec mon
fils Ulysse dans la voiture. Ulysse, de ses 16 ans, me demande tout
bonnement et simplement : Papa, si tu n'as pas de cœur, qu'est-ce qui va
arriver? Je ne savais pas quoi répondre...
M. Bédard (Sylvain) : ...je
n'ai pas été capable de répondre. Je me suis mis à pleurer. Par chance, je
n'étais pas loin de la maison, je n'ai pas pleuré trop longtemps. Mais c'est ça
aussi.
Le jour de ma seconde transplantation,
quand on m'a appelé... Je veux juste dire que j'ai été chanceux. J'ai été...
j'ai reçu ma transplantation le jour de ma fête. Oui, ce n'est pas arrangé avec
les gars des vues, le jour de ma fête. Au moment où j'attendais ma greffe,
j'étais à l'Institut de cardiologie et j'ai vu devant l'institut stationné le
véhicule de l'ACDO... qui font le transport des organes. J'ai compris à ce
moment-là qu'il y a quelque chose qui se passait. Je savais... Excusez... je
savais avec émotion que quelque part au Québec, il y avait une famille qui
était en train de vivre des choses épouvantables, mais que malgré tout, ils
acceptaient de le faire. Et je savais aussi en même temps qu'il y avait 30,
40 personnes à travers le Québec qui était en train d'être mobilisées pour
faire le transport, pour gérer tout ce qu'il y a à gérer, là. Vous l'avez
entendu un peu, là, bien, plus tout le personnel qui s'arrangeait pour que, je
vais le dire en anglais, «making it happen», se rendre du don d'organe à la
transplantation. Et ça prend des gens dévoués qui y croient et qui ont les
ressources pour ça. Et je vais vous dire que... le sentiment que j'ai quand
j'écoute tout ce qui se passe, ça tient quasiment du miracle que ça se passe.
Alors, merci, «guys». Je vous le dis à tout le monde.
Je veux aussi parlé de... J'ai eu la
chance de visiter... Bien, je vais appeler ça le centre de tissus, de... de
tissus. La fois que j'ai visité ça, j'ai pogné quelque chose, excusez-moi de le
dire comme ça, en voyant que les organes, les valves, les cartilages, la peau,
tout ça, tout ce que ça pouvait changer comme vie pour une personne, pour
beaucoup de personnes, excusez-moi. Alors, quand on parle de tout ça... on a
parlé beaucoup de don d'organes. Moi, je me souviens d'une discussion que j'ai
déjà eue avec Mélanie, dire : Eh! on parle beaucoup de don d'organes, elle
est où la banque de tissus là-dedans? J'ai dit : Vous n'êtes pas ensemble?
Pourquoi le monde vous... travers? Alors, dans vos recommandations, je vous
demande. S'il vous plaît, mettez les deux, parce que c'est aussi, sinon plus
important. Je viens d'ailleurs d'apprendre que je pourrais donner mes rétines
si jamais quelque chose se passe, alors au moins je n'aurai rien perdu.
Améliorer le don d'organe pour moi, c'est
impératif. À vrai dire, je dirais même, c'est une responsabilité sociale. Et ne
pas faire ce qu'il faut pour le faire, ça frise l'irresponsabilité. Quand
j'écoute tout ce qui s'est passé aujourd'hui... Et là, des fois, vous allez
voir que je ne fais pas dans la dentelle, mais je parle tout le temps avec mon
grand cœur ou mes grands cœurs, comme vous voulez l'interpréter. Quand je
regarde tout ce qui se passe, chacun des paliers, les lois, les organisations,
les protocoles... J'ai été déjà gestionnaire d'un projet... de plusieurs gros
projets et ça me tente de dire à tout le monde : Eh, gang, parlez-vous.
Mettez-vous tous à table, organisez-vous, demandez ce qu'il y a à faire et,
s'il vous plaît, «make it happen». Qu'il y ait des refus, qu'il y ait des gens
qui peut-être ont refusé parce que les délais étaient trop loin, ce n'est pas
acceptable pour moi. Alors, en regardant tout ce qui se passe, j'ai fait une
petite statistique... Parce que même hier j'entendais, je crois que l'année
passée, il y a 48 personnes qui sont décédées en attente de greffe ou
quelque chose comme ça. Selon... Selon Québec Transplant, entre 2002 et 2021,
il y a 909 personnes qui sont décédées en attente de greffe. Je vous ai
dit que j'en ai vu des affaires depuis 1987. Ça, c'est juste ceux que j'ai pu
calculer là. C'est 909 personnes. Ça, ça ne compte pas les personnes qui ont
été délistées parce qu'ils étaient trop malades. Quand tu es trop malade pour
être greffé, on te déliste, et ça ne calcule pas... dans les statistiques.
Alors, je ne sais pas c'est quoi, l'idée. Et c'est aussi 909 familles,
amis, et tout ça. Je veux vous présenter Ulysse et Auguste... Ulysse,
21 ans, Auguste, 26 ans. Ulysse est né après ma greffe. Je vous...
M. Bédard (Sylvain) : ...ça
change la vie des gens, ça améliore la vie, ça améliore la qualité de vie. Moi,
je vais vous faire changer encore vos propos : ça redonne aussi la vie.
Félix Leclerc disait : C'est beau, la mort, c'est plein de vie dedans.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Catherine.
Mme Blouin : Merci, M. le
Président. C'est un beau mandat. Je vais commencer par vous saluer et vous
remercier sincèrement d'être avec nous aujourd'hui. J'admire votre courage et
votre générosité, vraiment, d'être avec nous.
Plusieurs questions me viennent en tête.
Je pense qu'on pourrait passer la soirée ensemble. Je vais... On voit que ça
change plusieurs choses dans une vie. Peut-être commencer par nous parler de
votre implication, et je vais commencer par monsieur... par Sylvain, et ensuite
je vais poser la même question à la famille, c'est-à-dire de nous parler de vos
implications auprès des différents organismes, justement, comme Transplant
Québec, votre cheminement à la suite de ça.
M. Bédard (Sylvain) : Écoutez,
on pourrait en parler longtemps. Transplant Québec, je sais que je suis
ambassadeur de Transplant Québec. Je pense qu'aussi, à un certain moment donné,
j'ai été quand même un peu porte-parole de Transplant Québec. J'ai aussi
travaillé au... pendant... avec Marie-Josée Hébert, donc j'ai travaillé à
l'implémentation de patients partenaires, de citoyens, de donneurs et de
familles, donneurs vivants, on s'entend, dans des projets, tout ça.
Comme je disais, souvent, quand on parle
de don d'organes, bien, Bédard n'était pas... souvent pas très loin. Alors,
pour moi... J'ai été aussi là quand... Mon Dieu! J'ai présenté devant Robert
Bourassa, en 1987, Jean Chrétien, je ne me souviens plus quelle année, je
remplaçais... j'avais remplacé à pied levé le député Cusano, qui était député
libéral et transplanté cardiaque. J'ai présenté à plusieurs choses, mais, pour
moi, il n'y en a jamais assez. J'aime qu'on en parle, il faut en parler. Et ça
me permet de dire que, depuis un an et demi, j'ai pris un recul beaucoup sur
tout ce qui se passe pour des raisons de santé. Et c'est drôle, je n'entends
pas grand-chose sur le don d'organes.
Merci d'en faire un sujet aujourd'hui.
J'aurais aimé que la salle soit pleine de journalistes, tout le temps, mais
merci d'en parler, parce que ça fait... le don d'organes, on le sait aussi,
vous l'avez entendu, c'est économique, en passant, et ça guérit des cancers,
des insuffisances. C'est un des... aussi une des grandes façons de régler
beaucoup de problèmes de santé chroniques.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Bien, on nous a beaucoup parlé de sensibilisation, c'est ce que vous êtes en
train de faire. Donc, merci. Maintenant, la famille?
Mme X : Oui. Bien, en fait,
moi je suis sur le C.A. de Transplant Québec depuis le mois de mai 2023, alors
c'est récent, et je suis là pour représenter les familles de donneurs, pour
être certain qu'on n'oublie pas les familles, parce que c'est certainement un
monde très médicalisé, beaucoup de médecins autour de la table, mais on veut bien
prendre soin de nos familles.
Puis un autre mot que je veux ajouter,
c'est qu'on a été accompagnés, après la décision de donner les organes de notre
fille, par une coordonnatrice exceptionnelle avec laquelle on a encore certains
échanges. Alors, je pense que, si on ne l'avait pas eue, on aurait renoncé,
même avant le cinquième jour.
Mme Blouin : Et, à votre
avis, comment on peut améliorer le soutien aux familles endeuillées? Qu'est-ce
qu'on peut faire de mieux pour vous aider?
Mme X : Bien, de façon
certaine, avoir une continuité dans la relation? Parce que, nous, les deux
jours où il fallait prendre les décisions critiques, ça a été trois personnes
qui s'occupaient du don d'organes dans l'hôpital qui apparaissaient une après
l'autre. Donc, c'est très difficile d'établir une relation. Puis, quand je
vivais l'enfer, la torture, chez moi, pendant la semaine, en fait, je ne savais
pas qui appeler, parce que le médecin intensiviste était humain, était très
gentil, mais on sait qu'ils sont trop occupés, on ne voulait pas les déranger.
Alors, je sais qu'on a recommandé d'avoir des médecins puis qu'il y ait des
formations, mais je me dis : Si on a des travailleuses sociales, des
coordonnatrices qui ont cette humanité-là, tout en ayant les compétences
techniques, ils sont un peu plus disponibles, moi, je pencherais plus pour un
accompagnement continu par ces personnes-là.
• (17 h 50) •
Mme Blouin : Quelqu'un qu'on
peut appeler. Oui.
M. X : Je voudrais rajouter
que tant que...
M. X : ...tu n'as pas repris
possession du corps de ton défunt, de ton proche. Dans notre cas, notre enfant,
ton deuil, il n'est pas commencé encore. Tu commences à faire ton deuil quand
tu es tout seul chez toi, parce que tu n'as jamais vu le corps. Et la notion du
deuil est vraiment importante. C'est ça qui est important pour la famille, de
pouvoir faire son deuil et dans l'intimité de la chose. Mais, comme mon épouse
vient de le dire, ça prend une équipe coordonnée. Et puis ce n'est pas un chef
intensiviste qui s'occupe de ses résidents, qui s'occupe de tout son personnel,
qui a une charge de travail astronomique... ça lui prend vraiment une unité de
coordination, ça lui prend un bras droit puis du monde qui sont sensibilisés à
la douleur humaine. Parce que, quand tu vois décéder ta fille en avant de toi,
qu'elle est sur un ventilateur, puis tu vois toute la ribambelle de moniteurs.
Puis, tu le sais, j'ai été 42 ans dans le système de santé à différents
niveaux, donc, même à donner des formations à des médecins. Ça fait que je le
sais que le médecin, il n'est pas en cause, mais le système fait qu'il n'a pas
eu la formation, il n'a pas eu tout le côté psychologique qu'il faut pour
pouvoir supporter les familles.
Mme Blouin : Bien, justement,
comment... là, je pense que ça peut être difficile, mais comment ça s'est passé
pour vous quand on a... les premières discussions qu'on a eues auprès de vous?
Est-ce que vous avez d'abord été méfiants? Est-ce qu'on a dû vous... vous rassurer
au sujet du don d'organes?
Mme X : Pas du tout. Pour
nous... puis j'entends qu'il faut une adhésion sociale, mais, en même temps, je
regarde les sondages, je connais la population québécoise, je me demande
pourquoi c'est si compliqué. Je comprends que... puis on est tellement
différents de l'Amérique du Sud, que je connais bien, je comprends la méfiance
là-bas. Pour moi, bien, il faut expliquer... il faut bien expliquer les
processus, les choses, comme je vous ai dit. Nous, on a trouvé qu'on aurait pu
être plus transparent dans le processus, qui implique une souffrance et des
délais. Ça, j'aurais beaucoup aimé ça savoir. Puis peut-être que je n'aurais
même pas appelé, au cinquième jour, dire : Je n'en peux plus. Mais le fait
de ne pas avoir les bonnes informations font en sorte qu'on a le goût de
débarquer.
M. X : Quand on te parle,
évidemment, la personne qui est aux soins intensifs se bat pour sa vie, combat
pour rester en vie. Et on distribue des dépliants sur la réhabilitation, parce
que votre fille, quand elle va sortir, là, elle va être quadriplégique, elle ne
sera plus apte à travailler, elle ne sera plus apte à rien. Mais parlez-nous
aussi de la mort, c'est tout aussi important, parce qu'après ça tu prends une
décision puis tu te dis : Mon Dieu! Je suis... je suis poussé dans le dos,
puis, dans le fond, tu es poussé dans le dos pour prendre une décision, puis ça
va prendre une semaine avant qu'ils fassent le prélèvement. Donc, il y a tout
cet aspect-là qu'il faut... il faut donner de la formation autant aux familles
qu'au personnel traitant.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Bellechasse.
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Mme, M., il y a deux choses sur lesquelles je veux revenir. Puis
d'abord, évidemment, M., vous venez de mentionner : Tu es poussé dans le
dos, tu dois prendre une décision. Ce n'est pas facile, là, on s'entend, il n'y
a pas de facilité là. Si la carte de votre fille n'avait pas été signée, est-ce
que ça aurait été la même chose? Comment vous vous sentiriez?
Mme X : Oui... en fait, ça...
ça a été un petit velours de savoir qu'elle avait fait ça si jeune, là, on
était fiers, mais ça n'aurait absolument rien changé à notre décision. Pour
nous, c'est...
Mme Lachance : Ça allait de
soi.
Mme X : C'est évident qu'il
faut faire ça.
Mme Lachance : Mais vous
comprenez pourquoi les gens ne le font pas?
Mme X : Non...
Mme Lachance : Pas du tout?
Mme X : Bien, peut-être pour
des raisons religieuses, mais je pense que c'est beaucoup parce qu'ils sont mal
accompagnés puis qu'on les accompagne à la dernière minute, trop tard.
Mme Lachance : Dans un
mouvement qui est rapide et qui...
Mme X : C'est ça.
Mme Lachance : O.K. Je
comprends. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Saint-Jérôme, une
minute 38.
M. Chassin :O.K., on va essayer d'y aller vite. Bien, d'abord, merci,
hein, pour... vraiment, je pense qu'on avait besoin de l'entendre puis de
comprendre. Est-ce que... Vous l'avez peut-être mentionné, là, mais je... La
coordonnatrice, elle venait d'où?
Mme X : Transplant Québec.
M. Chassin :Transplant Québec. Et donc c'est Transplant Québec qui se
charge, par exemple...
M. Chassin :...cette personne-là. Comme vous le mentionniez dans votre
témoignage, il y a beaucoup de gens impliqués puis ça devient lourd, est-ce que
la coordonnatrice est arrivée trop tard dans le processus, ou elle est arrivée
assez tôt? Mais il y a quand même beaucoup de gens pareil.
Mme X : En fait, c'est qu'un,
on n'est pas en personne, hein, on est au téléphone, puis ça commence avec un
long interrogatoire pour connaître les habitudes de vie de notre enfant. Donc,
ça prend quand même un certain temps.
Je pense que, dans les hôpitaux de
Montréal, ils ont la même personne depuis le début, mais moi, j'étais à... en
était à Sherbrooke. Alors malheureusement, ce n'est pas ça qui s'est passé.
M. Chassin :Puis est-ce que vous avez l'impression, Sylvain, que la
famille, pour vous, était accompagnée, même si vous étiez, je veux dire, vous
êtes là puis... mais vous êtes en attente? Puis votre famille est-ce qu'elle
est accompagnée ou pas du tout?
M. Bédard (Sylvain) : Ma
famille est accompagnée?
M. Chassin :Oui. Parce que vous, vous êtes en attente, mais...
M. Bédard (Sylvain) : Oui, il
y a quand même une équipe extraordinaire, là, à l'Institut de cardiologie. À
vrai dire, je vais corriger, on accompagne beaucoup le patient et tout est
traité autour du patient. Alors, ma conjoint ou... ma conjointe ou mes enfants,
eux autres, on leur demandait : Comment tu vas faire pour supporter
Sylvain? Mais je peux vous dire que je ne me sentais pas... je pense, mes enfants...
on a une relation assez particulière, très directe, nous autres, la mort, c'est
comme parler «prends-tu des chips?» à la maison, il n'y a pas vraiment de tabou
là-dessus, ça fait que c'était assez clair puis... Mais c'est sûr que est-ce
qu'on a besoin d'être accompagné? Oui, mais je pense que c'est aussi la... ça
renforcit, en tout cas, certaines familles. Du côté de ma famille, je pense, ça
nous a renforcis énormément.
M. Chassin :Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. M. le député de Pontiac.
M. Fortin :Merci, M. le Président. Bien, monsieur, madame, merci.
Sylvain, merci. C'est arrivé à quelques reprises, là, au cours des deux
derniers jours ou pour nous, là, qui ne discutons pas de cet enjeu-là à tous
les jours, c'est des enjeux émotionnels puis ça a remonté, mais jamais autant
que lors de vos témoignages, puis je pense qu'on a besoin de ça aussi, de
sentir l'humanité derrière cette... ce que vous avez vécu puis que vous
continuez de vivre en même temps.
Moi, je prends dans vos... si j'ai une
chose à retenir de vos témoignages, là, c'est le «make it happen», que je
traduirais librement, là, en «grouillez-vous le derrière», là, tu sais, faites
de quoi, arrangez-vous pour que ça arrive, pour qu'on améliore le système, pour
qu'il y ait plus de ressources, pour que ça fonctionne mieux, que ça marche,
puis qu'on ne parle plus du Québec comme étant en queue de peloton, là, dans
l'écosystème mondial de dons d'organes.
J'ai votre mémoire, Sylvain, entre les
mains, là, puis vous demandez la question si... Parce que, quand on lit votre
mémoire, là, il y a une certaine frustration qui ressort de ça du fait qu'on ne
bouge pas assez vite, que ça fait plusieurs fois qu'on en parle collectivement,
mais qu'il n'y a rien qui s'améliore, à part les efforts qui sont faits, là,
par les nombreuses personnes qui sont ici avec nous. Vous soumettez l'hypothèse
qu'il y a trop de paternalisme, de conservatisme dans les organismes, les
paliers de gouvernement, qu'est-ce que vous voulez dire? On n'ose pas prendre
des risques, on n'ose pas essayer des nouvelles méthodes, on n'ose pas...
Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce que vous sentez?
M. Bédard (Sylvain) : Veut
dire tout ça. C'est drôle, hein, j'étais là, c'est DCD... les noms, les
donneurs, j'étais dans la salle quand, je ne me souviens plus, Québec
Transplant... et je me souviens de la réaction de plusieurs médecins, il y en
avait même un qui était sorti de la salle parce qu'il disait : Ça ne se
peut pas. Alors, les gens ont peur au changement.
• (18 heures) •
Il y a plein de choses. On en a entendu
parler, là, le Collège des médecins : Non, on va faire ça, mais là on va
attendre ci, on va entendre ça. On dirait qu'il n'y a personne qui ose avancer,
s'organiser, et c'est ça que j'appelle du paternalisme. L'éthique, excusez, je
vais en revenir mais on a les statistiques, ça fait 37 ans qu'on en parle,
le public est d'accord à 80 %, pourquoi encore on va encore reconsulter et
reconsulter? À chaque fois, c'est... en 2001... 2021, on va reconsulter, mais
on est encore en 2024 puis on reparle encore des mêmes affaires. Alors, c'est
pour ça qu'un petit peu je suis... je suis tanné, je suis triste de voir que
d'autres pays ont été capables de le faire, que d'autres...
18 h (version non révisée)
M. Bédard (Sylvain) : ...provinces
ont été capables de le faire, puis nous autres, bien, ce n'est pas arrivé. Ça
fait que, que ceux qui pensent qu'ils sont paternalistes se regardent un petit
peu et dire : «Go, gas!» Excusez, je vais... «Make it happen.» Excusez, c'est...
C'est moi, ça.
M. Fortin :Oui. Non, non, c'est...
M. Bédard (Sylvain) : C'est
clair.
M. Fortin :Il faut qu'on l'entende, ça aussi, ça...
M. Bédard (Sylvain) : C'est
ça.
M. Fortin :Ça nous fait du bien puis ça nous donne peut-être la
poussée dans le dos, là, pour le dire gentiment, qu'on a collectivement besoin.
M. Bédard (Sylvain) : Oui.
M. Fortin :Je me tourne vers vous, puis, en entendant la réaction de
Sylvain à votre histoire, là, c'est encore un petit peu plus prenant, parce que
d'entendre l'autre bout de la chose... Puis je suis certain que vous l'avez
entendu au fil du temps, que ce n'est pas toujours simple pour les familles des
donneurs. Vous nous avez quand même pris le temps... Vous avez pris le temps de
faire des recommandations assez claires. Vous êtes en faveur du consentement
présumé, vous nous dites que les décideurs doivent être accompagnés, mes
collègues en ont parlé. Mais vous nous dites aussi, là, que cette personne-là
que vous voyez, qui manquait à votre expérience, elle doit être avec vous dès
le début, donc avant même que la mort soit imminente. Qu'est-ce que vous
recherchez dans cette personne-là? Vous l'avez vécu, vous avez vu les différentes
personnes qui étaient avec vous, là, ce qu'elles amenaient, ce qui manquait. Qu'est-ce
que ça prend, cette personne-là qui peut vous accompagner?
Mme X : De l'humanité, de la
sensibilité, du temps, parce que le problème de contacter des médecins... Ils
vont me rappeler, là, mais on sent qu'il faut toujours faire vite, vite, vite,
puis c'est des moments vitaux pour nous, évidemment, donc. Puis avoir un
minimum de connaissances techniques. Mais, tu sais, si je pense soit à la
travailleuse sociale, elle était reliée aux soins intensifs, donc elle pouvait
amener l'expertise technique quand elle voulait. Puis c'est la coordonnatrice
de Transplant Québec... Elle avait déjà aussi, elle, l'expertise technique.
Donc, c'est...
M. X : Je pense que ce qu'il
est important de regarder, c'est l'expérience. Une famille qui a passé à
travers toute cette expérience-là a du vécu. C'est un vécu qui est perdu, parce
qu'on ne l'utilise pas après. Nous, heureusement, on est à la retraite, donc on
a possibilité de donner du temps à des organismes, de participer avec d'autres
organismes aussi. Mais de demander à des familles qui ont déjà vécu ça,
certaines vont dire : Oh non! Moi, je ne revivrai pas ça, c'est vraiment
dur. Juste de mon cas, moi, je voulais être premier répondant quand je prenais
ma retraite, puis j'ai pris ma retraite, puis cinq mois après ma fille
décédait. Ça fait qu'aujourd'hui, quand j'entends des sirènes d'ambulance, je
peux vous dire que ça me revire à l'envers.
Mais, pour revenir à notre sujet, avoir l'accompagnement
des familles qui ont vécu ça, qui sont prêtes, en support. Puis les familles
vont vous donner du temps, elles en ont, du temps.
M. Fortin :Donc, une personne attitrée, 24 «on call», là, un peu, là,
qui est toujours à votre disponibilité... Parce que j'imagine que... J'essaie
de... deux secondes de me mettre dans votre peau, là. Les questions viennent à
des moments inattendus, peut-être, on ne sait jamais quand on a besoin de cette
personne-là. Alors, un peu... Tu sais, on parlait des équipes 24/7 à l'hôpital,
là, mais vous, vous avez vraiment besoin d'une personne à votre disponibilité.
Mme X : Peut-être pas 24/7,
là.
M. Fortin :Non, on s'entend, mais...
M. X : Parce que c'est un
processus qui est quand même assez long. Tu as quelques jours, tu as plusieurs
heures avant de dire que le corps est apte à pouvoir être transplanté, donc, ou
prélever les organes. Donc, il y a quand même du temps. Il faut impliquer les
familles.
M. Fortin :Merci. Puis je veux juste prendre deux petites secondes
avant que ma collègue prenne la parole. Je veux vous remercier de vous
impliquer. Ce n'est pas simple, vous avez à revivre des événements difficiles à
chaque fois que vous prenez la parole. Alors, je vous remercie de le faire.
Vous avez parlé de l'importance de la sensibilisation. Non, il n'y a pas
personne de mieux placé que vous pour sensibiliser le public. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée.
Mme Lakhoyan Olivier : Merci,
M. le Président. Ouf! Oui, c'est quelque chose, vous écouter. C'est important,
votre présence, vraiment, puis qu'est-ce que mon collègue a dit, bravo de
partager votre expérience, vraiment.
Si votre fille n'avait pas signé la...
Mme Lakhoyan Olivier : ...carte
médicale, et qu'on ne vous a pas suggéré d'offrir ses organes. Est-ce que vous
l'aurez offert?
Mme X : Oui.
Mme Lakhoyan Olivier : Pour
vous, c'était naturel, dans votre chagrin?
Mme X : Oui, parce que, comme
je vous l'ai expliqué, pour nous, on cherche une continuité. Ça fait que, si on
parle de mutilation de corps... Pour nous, ça ne nous a même pas effleuré
l'esprit. Pour nous, ce qu'on cherche, c'est la continuité de sa vie. Tu sais,
on dit que les parents, on cherche des coeurs, on cherche des papillons, on
cherche des animaux, puis qu'on pense que c'est notre enfant ou notre chair qui
vient nous parler, bien, imaginez le fait que... Et c'est pour ça que... Tu me
remercies, mais je te remercie aussi, parce que, pour nous, c'est la continuité
de savoir qu'il y a un ou plusieurs de ses organes qui sont dans des êtres
humains.
M. X : Le coeur de notre
fille continue de battre, et dans le corps de Sylvain, il y a un coeur d'un
autre donneur qui bat, qui va donner l'espoir à sa famille et à lui, et, pour
nous, c'est ça, c'est la continuité. On a fait plein d'autres affaires
alentour, mais de savoir qu'elle a donné ses organes puis qu'elle... Consciente
ou pas, elle avait 20 ans, puis elle est allée au registre. Je ne sais pas
comment ce qu'elle a fait, parce que moi, j'y ai été deux, trois fois puis je
n'ai jamais été capable de m'inscrire, ça fait que j'ai signé ma carte. Mais
elle s'est enregistrée au registre électronique. Il faut croire que les jeunes
sont meilleurs que les vieux en informatique. Mais c'est ça, c'est la
continuité de savoir qu'elle progresse dans le corps d'un autre.
Mme Lakhoyan Olivier : Je
comprends, je comprends.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. M. le député de
Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. On n'a pas gardé le plus facile pour la fin, mais, en tout respect
pour les autres témoins, peut-être le plus utile pour la fin, parce que vous
êtes des cas réels et vivants. Ça nous fait du bien, ici, de revenir sur le
plancher du réel à l'occasion. Sylvain, par contre, je dois dire que je suis un
peu jaloux de vous. Je suis allé vous «stalker», là, puis vous avez quand même
monté le Mont-Blanc puis le mont Sajama, en Bolivie. Alors, bravo pour ça,
bravo pour ça, c'est extraordinaire comme accomplissement.
J'ai une question pour vous, monsieur et
madame, là. Votre fille, à part d'avoir réalisé l'exploit technique ou
informatique de remplir sa demande sur le site mystérieux, elle l'a fait à 20
ans. En aviez-vous parlé? C'est-tu quelque chose que vous...
Mme X : Non.
M. Marissal : Moi, j'ai
quatre enfants puis... conjointe. Je ne me souviens pas qu'on ait... J'essaie
de me rappeler depuis tantôt. Je ne me souviens pas qu'on ait jamais parlé de
ça. On parle de plein d'affaires, là. C'est des ados. La plus vieille a 21 ans.
On parle de bien des affaires, parfois, de politique, même, mais je ne me
souviens pas qu'on ait parlé de ça. Donc, vous dites que vous n'en aviez... Ça
ne vient pas d'une discussion familiale ou d'un milieu familial où il aurait
été question de ça?
Mme X : Non. On n'a jamais su
pourquoi elle l'avait fait. En fait, on ne sait pas.
M. X : Mais c'était une fille
qui avait des qualités... Elle était inclusive, elle donnait beaucoup de son
temps, elle était généreuse. Moi, ça ne me surprenait pas que les gens de
l'hôpital nous ont averti qu'elle avait... qu'elle était au registre. Puis,
pour nous, c'était juste de continuer.
M. Marissal : Parce qu'on a
beaucoup parlé de sensibilisation, puis du fait d'en parler davantage. Puis
c'est vrai, vous avez raison, Mme, que, quand on regarde les sondages, il y a
une immense majorité de gens, au Québec, qui sont plutôt favorables «à». Bon,
ça, c'était dans l'absolu, puis, en théorie, là, après, quand il arrive
l'affaire, c'est peut-être plus compliqué, là. Mais comment on ferait pour
ouvrir la discussion, le dialogue davantage, que ça rentre dans les foyers,
qu'on en parle davantage?
• (18 h 10) •
M. X : Ça peut peut-être
commencer par parler de la mort. Ce n'est pas un sujet qui est jojo, hein,
parler de la mort, mais c'est un sujet qui est indéniable, parce qu'on naît
pour mourir. On va mourir un jour. De quelle façon, et quand, on ne le sait
pas. Puis c'était la dernière affaire qu'on pensait quand notre fille est venue
chez nous pendant la pandémie, qu'à cinq minutes de chez nous elle se
planterait en bicycle. Elle avait un casque qui était ajusté, je l'avais ajusté
avec elle, puis elle a juste fait une embardée. Pourquoi? On ne le sait pas...
M. X : ...mais c'est sûr qu'il
y a une éducation avec nos jeunes, parce que, j'en parlais tantôt, à l'époque,
grand-papa mourait, son corps était dans le salon puis on commençait à veiller
le corps. Puis les petits enfants étaient là, tout le monde était là.
Aujourd'hui, on n'en parle plus. Bon, c'est correct, on a décroché tous les
artifices qu'il fallait décrocher. Mais la mort, ce n'est pas un artifice,
c'est quelque chose qu'on va devoir passer à travers. Donc, de quelle façon? Je
ne sais pas, M. Marissal. Vous avez quatre enfants. Je suis certain que
c'est plus le fun de parler de hockey, au pire de parler de politique, mais
peut être que, dans nos écoles, en quelque part, il y a des cours où il y aurait
une parenthèse qui pourrait se faire sur un sujet de réflexion. Mais, chez
nous, on n'en a pas parlé, puis, chez nous, il nous reste un garçon, il a
encore ses quatre grands-parents. Donc, c'est difficile, mais il l'a vécu avec
nous. Donc...
M. Marissal : Bien, un gros
merci à vous trois. Merci.
M. X : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci à vous pour vos témoignages respectifs, qui sont émouvants,
qui sont bouleversants, mais qui sont vrais, qui sont humains, qui nous
ramènent au sens du travail qu'on veut faire ici, donc qui donnent un sens à
nos travaux, en sus de toutes les informations techniques ou légales qu'on a pu
avoir jusqu'à présent.
Je vais commencer avec M. et Mme. Vous
parlez d'un accompagnement qui est absolument essentiel, impératif, nécessaire,
et tout. Au début de votre témoignage, Mme, j'avais l'impression que vous nous
disiez : Il faut conserver le veto des familles et les accompagner pour
qu'elles acceptent. Est-ce que c'est bien ce qu'il faut comprendre? Donc, vous
seriez contre l'idée qu'on accompagne, mais qu'on accompagne pour l'acceptation
du don de la personne qui, lui, ne serait pas révocable? Vous comprenez? Parce
qu'il y a un dilemme.
Mme X : Je ne suis pas
sûre...
M. Arseneau : C'est parce
que, tout à l'heure, on avait le Barreau qui nous disait : On devrait
enlever le motif impérieux et simplement dire que les volontés doivent être
respectées. Est ce que vous pourriez considérer, compte tenu de l'expérience
douloureuse que vous avez vécue, que l'accompagnement se fasse pour les
familles, pour qu'elles acceptent la volonté et...
Mme X : Non. Selon moi, ça
doit être un accompagnement libre, parce que, pour moi, les familles doivent
toujours garder la décision finale. Puis par rapport à ce que le Barreau
disait, moi, c'est clair que ma fille de 20 ans, quand elle a fait son
choix, là, ce n'était pas un consentement éclairé, tu sais, elle ne savait pas...
bien, elle savait qu'elle, elle voulait donner ses... bien, elle autorisait le
prélèvement d'organes, hein, c'est une autorisation de prélèvement. Donc, pour
moi, c'est une intention de départ. Mais elle n'était pas connaissante de
comment ça allait se faire, du processus par lequel nous, on aurait à passer.
Et je peux vous garantir que si elle avait su la souffrance que j'ai vécue,
qu'elle ne l'aurait même pas fait, son consentement.
M. Arseneau : Je sais que
c'est difficile, le genre de question que je pose, mais est ce que vous ne
pensez pas que le fait que vous ayez un veto rendait la chose encore plus
pénible pour vous parce que la décision vous revient, donc c'est déchirant? Si
la décision est prise par l'autre et qu'on vous accompagne dans le processus
pour l'accepter, et vivre votre deuil, et ainsi de suite, que ça pourrait
changer la perspective.
Mme X : Bien, non, parce que
quand on a le lien qu'on a, qu'on avait, qu'on a avec notre fille, il n'y a pas
de doute que nous, on agit dans son meilleur intérêt. Et donc qu'on aille
contre sa volonté, si on a tout, tout, tout donné puis qu'on est face à un mur,
elle l'aurait compris avant beaucoup d'autre monde puis elle l'aurait respecté.
M. Arseneau : Et donc, est-ce
que je peux conclure que, pour la présomption, enfin, le consentement présumé,
vous êtes aussi contre, j'imagine, ou pas?
Mme X : Non, je suis tout à
fait pour parce que ça simplifie. Puis moi, je crois la règle du 80/20 et
soyons efficace. Par contre, j'associe ça qu'il faut qu'il y ait un veto des
familles avec ça.
M. Arseneau : Donc, présumé,
mais qui peut être renversé par la famille, par don.
Mme X : C'est ça.
M. Arseneau : D'accord. Je
vous remercie. Est-ce que j'ai du temps pour...
M. Arseneau : ...petite
question.
Le Président (M. Provençal)
:...
M. Arseneau : Juste une
petite intervention. Merci, M. le Président. Je sais que j'ai passé un peu mon
temps mais je n'ai pas encore dépassé celui de mon collègue, ça fait que...
Sylvain, merci de votre témoignage, puis
merci de partager un peu de façon courtoise votre colère aussi. Moi, j'ai
remarqué dans votre commentaire qu'il faut agir, bien entendu, il faut se
parler, et tout ça, mais surtout, que le système est en crise. Moi c'est ce que
je retiens, ici, il y a une crise, puis qu'on a un pouvoir, c'est celui d'agir.
Alors, je ne sais pas si vous voulez commenter, mais je retiens ça de votre
témoignage, en plus de toute la... toute l'expérience que vous avez partagée avec
nous.
M. X : M. le Président, je
voudrais juste terminer en disant : ça n'arrive pas juste aux autres.
Quand ça t'arrive, tu es dans le tourbillon, puis il faut que tu agisses, donc
il faut avoir les idées claires, il faut être bien conseillé. Puis je pense que
vous avez tout ce qu'il faut en main pour pouvoir écrire une loi qui va aller
dans le bon sens. On vous fait confiance, vous travaillez fort.
Le Président (M. Provençal)
:Un mot, monsieur, madame?
M. Bédard (Sylvain) : Écoutez,
je veux vous dire merci. J'ai le goût de dire : enfin, on en parle, et
comme j'ai écrit, j'espère que ça va être pour la bonne fois, cette fois-là.
Rappelez-vous, s'il vous plaît, que, quand vous demanderez et... vous
dire : On va y penser, on va étudier, et tatati et ta, ta, ta, il y a
encore du monde qui attend, il y a encore des familles qui sont bouleversées,
qui sont barouettées, excusez-moi, là, on va dire le mot, «barouettées» dans
toutes les émotions. Et il y a quelque chose qu'il faut qui soit fait là, là,
alors donnez tous les moyens, je ne sais pas comment que ça coûte, je ne sais
pas ce qu'il faut, mais il faut que ça se fasse. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Au nom des membres de la commission,
on vous remercie énormément de votre présence et votre témoignage.
Sur ce, la commission de ces travaux au
jeudi 1er février après les avis touchant les travaux des commissions vers
11 h 15. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 17)