Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mardi 30 janvier 2024
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Vol. 47 N° 62
Mandat d’initiative visant à étudier les moyens facilitant le don d’organes ou de tissus, notamment l’instauration de la présomption du consentement
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures cinquante minutes)
Le Président (M. Provençal)
:À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé des
services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, et très heureux de
vous revoir. J'espère que vous avez passé une belle période des fêtes. Et je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat
d'initiative visant à étudier les moyens facilitant le don d'organes ou de
tissus, notamment l'instauration de la présomption de consentement.
(Interruption)
Le Président (M. Provençal)
:...si je suis déjà ramené à l'ordre,
ça ne commence pas bien. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Alors, Mme Caron (La Pinière) est remplacée par Mme Lakhoyan
Olivier, députée de Chomedey, pour le reste du mandat.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous débuterons ce
matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons les témoins
suivants : la docteur Marie-Josée Hébert, cofondatrice du programme de
recherche en dons et transplantation du Canada, Dr Frédéric d'Aragon, membre
des Médecins coordonnateurs du Québec et cofondateur de la Chaire de recherche
Justin Lefebvre en dons d'organes, et la Fondation canadienne du rein...
Le Président (M. Provençal)
:...on peut dire que c'est agaçant pas
à peu près. Habituellement, je suis de bonne humeur, mais là.
J'invite maintenant la porte-parole du
groupe parlementaire formant le gouvernement et député de Bonaventure à faire
ses remarques préliminaires. Mme la députée, vous disposez de cinq minutes. La
parole est à vous.
Mme Blouin : Merci beaucoup,
M. le Président. D'abord, bonjour à vous. Bonjour également à tous les
collègues des deux côtés de la table. Très heureuse de reprendre les travaux
avec vous aujourd'hui, d'autant plus que l'exercice parlementaire qu'on
s'apprête à débuter aujourd'hui est extrêmement important à mes yeux. Et je
tiens aussi à saluer, évidemment, le collègue député de Pontiac, là, qui est à
l'origine de ce mandat d'initiative qui nous réunit tous ici, aujourd'hui.
Le don d'organes et tissus, c'est un sujet
qui revient périodiquement dans l'actualité au Québec, particulièrement sous
l'angle de la sensibilisation. Il y a plusieurs organismes, des professionnels,
des familles qui nous rappellent, année après année, qu'il est important de
discuter de dons d'organes avec nos proches, de leur faire connaître nos
volontés et de signer l'autocollant au dos de notre carte d'assurance maladie
si, bien sûr, on souhaite faire don de nos organes après notre décès.
Alors, aujourd'hui, on s'apprête à avoir
une discussion beaucoup plus englobante... beaucoup plus englobante, oui,
pardon, sur le sujet, et j'ai envie de vous dire : Il était temps. Je suis
persuadée que notre société est mûre pour ce type de discussion là, de
réflexion, et qu'on serait en mesure d'améliorer significativement la situation
actuelle, et ce à différents niveaux. On sait que le Québec s'est révélé être
une société progressiste sur ce type de sujet. On est capable de mener une
réflexion collective avec tout le respect et la profondeur que ça requiert. Le
mandat qui nous a été confié comme parlementaire, c'est d'étudier de quels
moyens le Québec peut se doter pour être plus performant en matière de don
d'organes et de tissus. Ça va nous permettre de comprendre comment on peut
faire mieux, comprendre comment on peut faire plus pour le don d'organes.
Pour ce faire, on va pouvoir compter bien
sûr sur la participation de plusieurs groupes qui viendront démystifier et
mettre en lumière les obstacles qui nous empêchent de répondre aux besoins des
personnes qui sont en attente d'un don. Et rapidement, au fil des lectures,
j'ai eu l'occasion de me rendre compte de plusieurs aspects qui sont ressortis
comme étant des champs d'action qui pourraient venir faciliter toute cette
organisation-là, et je suis certaine qu'on en aura l'occasion d'approfondir ces
pistes de solutions pendant nos travaux. C'est un sujet tellement important
puisqu'on parle non seulement d'améliorer la qualité de vie de plusieurs personnes,
mais de carrément sauver la vie de certaines personnes. Oui, on va parler du
consentement, mais on devra avoir une discussion encore plus large que ça. On
va devoir parler de prévention, de sensibilisation, d'organisation de travail,
de formation des professionnels. Ce sont tous des éléments auxquels on va
s'intéresser pendant nos travaux. On aura notamment l'occasion d'en discuter
avec les différents groupes qui vont venir nous visiter pendant les prochains
jours.
Et je reviens sur un élément qui est
extrêmement important dans notre mandat, qui est celui d'étudier les effets que
pourrait avoir l'adoption du consentement présumé au don d'organes. On se
souvient que juste de mentionner ça lors de l'adoption de la motion en octobre
dernier, ça a fait beaucoup réagir. Certains accueillent cette perspective avec
enthousiasme, mais d'autres avec méfiance. Alors, notre devoir, ce n'est pas
d'encourager une polarisation de ce débat qui est important et très sensible.
Je me permets de mentionner par contre que j'ai une extrême confiance dans
l'équipe de parlementaires qui se trouve autour de la table aujourd'hui, et de
dire que les parlementaires qui siègent à l'Assemblée nationale ont déjà fait
preuve de leur capacité à étudier des sujets sensibles et chargés
émotionnellement, de manière transpartisane et en gardant à l'esprit l'intérêt
supérieur des Québécoises et des Québécois. Évidemment, je pense notamment,
bien sûr, aux travaux de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie, qui a été présidée par ma collègue la
députée de Roberval, qui a fait un travail de longue haleine pour en arriver à
des recommandations étoffées, qui reflètent les consensus existants dans la
société québécoise.
Alors, à l'instar des travaux de cette
commission spéciale, les parlementaires ont ensuite étudié le projet de loi n° 11, qui a été présenté par la ministre responsable des
Aînés et ministre déléguée à la Santé. Et ces parlementaires là ont fait preuve
d'une grande diligence et ont su bonifier ce projet de loi sans jamais le
politiser. On en est ressorti avec un projet de loi qui a su refléter les
consensus et l'avancement de notre société sur la question des soins de fin de
vie et de l'aide médicale à mourir. D'ailleurs, la ministre a déjà annoncé
qu'elle allait suivre de près nos travaux et qu'elle allait s'inspirer de nos
constats et recommandations pour élaborer un projet de loi facilitant le don
d'organes et de tissus.
Alors, je nous invite à répéter l'exercice
dans le mandat que nous débutons aujourd'hui. Je suis persuadée que les
réflexions et les discussions qui vont entourer notre travail vont se dérouler
avec bienveillance et rigueur et de façon non transpartisane. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée...
Le Président (M. Provençal)
:...député. J'invite maintenant le
porte-parole de l'opposition officielle et député de Pontiac à nous présenter
ses remarques préliminaires pour une durée de trois minutes. La parole est à
vous.
M. Fortin :Merci, M. le Président. Bonjour, chers collègues. Heureux
de vous revoir ici, à l'Assemblée. D'abord, je veux commencer par remercier les
collègues des différentes formations politiques, là, qui nous permettent... qui
nous permettent d'étudier l'ensemble des façons dont on... par lesquelles on
peut améliorer le don d'organes au Québec.
Juste nous rappeler, M. le Président,
pourquoi on est ici. On est ici à faire cet exercice-là parce qu'il y a 47
personnes qui sont décédées cette année en attendant un don d'organes au
Québec. On est ici, en ce moment, parce qu'il y a 913 personnes qui attendent
et qui, au quotidien, se posent la question, à savoir est-ce qu'ils vont
pouvoir obtenir les organes dont ils ont besoin pour soit survivre ou pour
améliorer leur qualité de vie. Puis on est ici, M. le Président, parce qu'on
est loin d'être les premiers de classe, au Québec, en matière de don d'organes,
et ça, ça me peine énormément, de devoir faire ce constat-là. Quand on regarde
des juridictions voisines, quand on regarde ce qui se passe outremer, on voit,
entre autres, par exemple, qu'on a... qu'on identifie, année après année, très
peu de donneurs potentiels, par exemple, comparativement à l'Ontario.
Ce qu'on ce qu'on doit mesurer, à partir
de maintenant, c'est comment on fait, comment on s'y prend pour améliorer les
choses, pour donner une chance supérieure de survie ou d'amélioration de
qualité de vie à tous ces gens-là. On a fait la proposition, au Parti libéral,
on a fait la proposition il y a quelques années, on l'a refaite encore l'an
dernier, sur la question du consentement présumé, pour potentiellement
augmenter le bassin de donneurs potentiels au Québec. Mais on est pleinement
conscients, M. le Président, que, si c'est fait de façon unilatérale, ça
n'atteindra pas les résultats souhaités, tout comme si on fait des
améliorations unilatéralement à certaines façons de faire internes mais qu'on
ne discute pas ici de la question du consentement présumé. Alors, pour nous, ça
fait partie d'un ensemble de mesures qui doivent être mises de l'avant. Et
c'est pour ça qu'on est content d'amorcer les travaux aujourd'hui, pour pouvoir
mesurer de façon pointue, de façon spécifique, ici, au Québec, quelles mesures
on doit mettre de l'avant pour faciliter le don d'organes.
J'apprécie la comparaison qui a été faite
avec les travaux de l'aide médicale... sur l'aide médicale à mourir, parce que
c'est un dossier qui a été porté de façon, oui, transpartisane, au cours des dernières
années, mais il y a plusieurs années de ça, et le Québec s'est montré, à ce
moment-là, à l'avant-garde, effectivement, des meilleures pratiques, mais s'est
aussi porté à l'écoute de ce que les Québécois voulaient, ce que les Québécois
avaient besoin. Et je pense qu'on a besoin de refaire cet exercice-là pour ce
dossier éminemment délicat, mais qui, comme on l'a déjà dit, peut avoir un
impact énorme. La discussion qu'on va avoir au cours des prochains jours, on la
doit aux Québécois, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député.
J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député
de Rosemont à nous faire part de ses remarques préliminaires pour une durée
d'une minute. Je vous cède la parole.
M. Marissal : Oui. Merci, M.
le Président. Content d'être de retour. Content de vous retrouver ici, là.
Donc, je n'ai pas beaucoup de temps, je ne redirai pas ce qui a été dit,
notamment par le député de Pontiac puis la députée de Bonaventure, qui ont
raison, on peut faire mieux, au Québec. Puis, souvent, on dit : Quand il y
a un problème, ça prend une solution. On a un problème avec des gens qui
attendent un organe qui pourrait leur sauver la vie. La solution se trouve dans
les gens qui pourraient faire le don. Alors, dit comme ça, c'est supersimple.
Dans la réalité, c'est un peu plus compliqué. C'est ça qu'on va étudier ici.
Moi, j'ai eu le plaisir de travailler
pendant six ans avec un jeune homme qui a eu une transplantation du foie, qui était
un de mes attachés pendant six ans dans Rosemont. Je le salue, d'ailleurs,
Kenny. Il va bien, aujourd'hui, à l'aube de la trentaine, parce qu'il a eu un
foie puis ça lui a sauvé la vie.
• (10 heures) •
Je finis sur une note un peu plus légère.
Vous savez probablement, M. le Président, que je me suis fait remplacer les
deux hanches récemment. Et je parlais avec un petit garçon, dans ma famille,
dans le temps des fêtes, puis je lui expliquais : Je me suis fait changer
les hanches. Puis son premier réflexe, ça a été de dire : Oui, mais,
Vincent, qui c'est qui t'a donné les hanches? Elles viennent d'où les hanches?
Alors, il y a de l'espoir, chez les jeunes, je pense que l'idée du don, pas
d'organe, dans ce cas-ci, là, parce qu'on ne donne pas des hanches à quelqu'un,
mais, dans ce cas-ci, ça semble avoir fait son petit bonhomme de chemin, en
tout cas, dans la tête de Jérémie, neuf ans. Alors, il y a de l'espoir.
Le Président (M. Provençal)
:...M. le député. Ayant terminé les
remarques préliminaires, nous allons maintenant débuter les auditions. Je
souhaite la bienvenue à la Dre Hébert. Je vous rappelle, Mme, que vous aurez 10
minutes pour votre présentation, et, par la suite, nous aurons notre échange.
Alors, je vous cède immédiatement la parole.
Mme Hébert (Marie-Josée) : Merci,
M. le Président. Est-ce que vous m'entendez bien?
Le Président (M. Provençal)
:Très bien.
Mme Hébert (Marie-Josée) : Alors,
merci à tous. Je me présente, je suis donc ici à titre...
10 h (version non révisée)
Mme Hébert (Marie-Josée) : ...Donc,
Marie-Josée Hébert, néphrologue spécialisée en transplantation et chercheuse au
CHUM, professeure titulaire à la Faculté de médecine de l'Université de
Montréal et aussi cofondatrice du Programme de recherche don et en
transplantation du Canada.
Et quelques mots sur le programme de
recherche. C'est un programme qui est actif d'un océan à l'autre, qui regroupe
plus de 300 chercheurs, professionnels de la santé et patients partenaires
qui sont engagés vers un but commun, s'assurer que la transplantation d'organes
offre une guérison définitive en permettant à tout patient qui a besoin d'une
transplantation de la recevoir rapidement et d'avoir une qualité de vie et une
espérance de vie qui sont normales après la greffe.
Alors, j'aurai quatre messages clés. Je
vais les énoncer tout de suite, et par la suite, j'approfondirai ce qui m'amène
à ces conclusions.
Alors, le message numéro un, c'est que le
don d'organes n'est pas une fin en soi, il... ça vaut la peine de le rappeler.
Le don d'organes sauve des vies, si et seulement si il se traduit dans les
meilleurs délais par une transplantation d'organes. Et on ne doit pas prendre
ça pour acquis. Donc, oui, il faut augmenter le don, mais il faut augmenter le
don qui se traduira de la manière la plus efficace possible par une
transplantation d'organes. Et donc, tout changement, qu'il soit législatif,
organisationnel ou les deux, tout changement doit s'assurer de renforcer la
chaîne du don vers la transplantation.
Deuxième message clé, la transplantation d'organes,
c'est la solution thérapeutique qui offre la meilleure espérance de vie et la
meilleure qualité de vie aux patients avec insuffisance d'organes, nous en...
je crois que nous en sommes tous convaincus ici. Ce qui est moins connu, c'est
que la transplantation d'organes est aussi l'option thérapeutique la plus
économique et qui représente un moyen de réduction des coûts de soins de santé
pour l'ensemble de la société québécoise, pour les patients souffrant d'une
insuffisance d'organes.
Troisième élément clé, des changements
législatifs qui seraient uniquement focalisés sur le consentement présumé ne se
traduiront pas nécessairement par une augmentation du nombre de
transplantations. Ils pourraient, s'ils n'étaient pas accompagnés d'une réelle
discussion et acceptation sociétale... des changements législatifs focalisés
pourraient fragiliser le lien de confiance avec la population.
Quatrième élément clé, une approche de
gouvernance holistique à portée provinciale qui couvrirait et optimiserait l'ensemble
des étapes du don et de la transplantation, qui serviraient à planifier le
besoin et le recrutement de personnel hautement qualifié dans l'ensemble de ce
cycle, qui appuieraient la recherche et l'innovation pour le développement. Et
l'adoption de pratiques exemplaires devrait être une priorité et être
considérée comme une urgence.
Alors, rapidement, l'impact d'abord, l'impact
potentiel du don présumé. Alors, vous êtes au courant que différents pays ou
régions dans le monde, qu'on pense à l'Espagne, la France, le Pays de Galles ou
le Chili, pour en nommer quelques-uns, ont opté pour un consentement présumé.
Les impacts sur le nombre d'organes disponibles pour la transplantation ont été
variables dans ces différentes juridictions, et donc il ne faut pas conclure qu'une
posture de consentement présumé se traduit nécessairement par un nombre
croissant de dons. Alors, l'acceptabilité du don présumé peut varier en lien
avec d'autres éléments dans l'ensemble de l'organisation, mais aussi peut
varier, cette acceptabilité-là, avec certaines postures, croyances,
appartenances à différentes communautés, qu'elles soient culturelles ou
historiquement sous-représentées. Et vous l'avez déjà souligné, mais je pense
qu'il est important de souligner que, si cette posture-là est adoptée, eh bien,
il doit y avoir une discussion avec l'ensemble de la société, et qu'on s'assure
que le projet législatif est globalement accepté et qu'il ne fragilise pas le
lien de confiance de la société face à l'organisation du don et de la
transplantation.
Le Programme de recherche en don et en
transplantation a travaillé avec Transplant Québec pour organiser à l'automne 2021
un Forum international sur le don et la transplantation. Nous avions mis sur
pied une méthodologie rigoureuse, on a revu l'ensemble de la littérature
internationale, des experts locaux et internationaux ont participé aux travaux.
Il y a des conclusions.
D'ailleurs, dans le document que j'ai fait
parvenir, certaines... vous aurez accès à ces conclusions-là. Alors, je cite
une des conclusions, je vais la lire telle qu'elle a été publiée, donc c'est en
anglais : «We recommend that the choice of consent model for a jurisdiction
be guided by a broad public consultation between...
Mme Hébert
(Marie-Josée) :
...stakeholders and the general public that includes the following:
consideration of prevailing values and culture of that jurisdiction, existing
donations and health laws, organ transplantation and donation infrastructure,
and the commitment to support a model with the needed resources that will
maximize donation and transplantation activity. Donc, nécessité d'une
discussion large, transpartisane, à ce sujet, nécessité d'un programme
intensif, si ça va de l'avant, de sensibilisation, éducation et communication
pour l'ensemble de la population, mais aussi le développement d'outils
efficaces de sensibilisation et de discussion pour le personnel soignant.
Maintenant, j'aimerais revenir à... le
deuxième élément, qui est la notion que le don d'organes n'a de sens que s'il
se traduit par une transplantation, et que tout changement doit prendre en
compte pas seulement le volet don, mais aussi le volet transplantation. Il n'y
a, actuellement, pas de structure de gouvernance provinciale, au Québec, qui
supervise à la fois l'ensemble des activités de don d'organes et de
transplantation, et c'est... le cas dans d'autres provinces. Par exemple, la
Colombie-Britannique a une gouvernance provinciale pour l'ensemble du cycle.
Alors, à mon avis, ce type de structure est absolument nécessaire pour
s'assurer une gestion efficace et optimale de l'ensemble des activités et
s'assurer que tout don mène à une transplantation ou, idéalement, à plusieurs
transplantations.
La gestion des actifs de transplantation
est faite au sein de chaque hôpital, actuellement, actif. La priorité accordée
à l'activité de transplantation est établie localement. Il y a des enjeux
d'effectifs médicaux, qu'ils soient au niveau chirurgical, médical et personnel
hautement qualifié, personnel soignant, et il n'y a pas de vision globale ou de
planification globale de la gestion de ces effectifs, avec des éléments qui
sont urgents dans le domaine, particulièrement de la chirurgie du... de
transplantation rénale et pancréatique, avec une moyenne d'âge de nos
chirurgiens transplanteurs qui dépasse largement 55 ans.
L'absence d'une gestion centralisée
efficace, l'accès au plateau technique, est aussi un frein à une gestion
efficace du don qui se traduira en transplantation, et donc la gestion de
l'accès, de l'organisation, de la priorisation de l'accès à ces plateaux, mais
aussi des équipes multidisciplinaires qui sont nécessaires à faire opérer ces
plateaux... et, dans les plateaux, on parle de la salle d'opération, des soins
intensifs, pour n'en nommer que quelques-uns... est absolument essentielle. Et
j'aimerais souligner que cette difficulté d'accès aux plateaux techniques peut
mettre un frein à la transplantation, comme on l'a vu, récemment, en Alberta.
La rémunération des médecins et
chirurgiens spécialisés et dédiés à la transplantation au Québec est, souvent,
inférieure à la moyenne générale de la spécialité. Ça amène des difficultés de
recrutement et de rétention du personnel hautement spécialisé. Et, comme je
l'ai déjà mentionné, un don qui ne se traduit pas en transplantation
représente, bien sûr, un risque vital pour les patients sur la liste. Ça
représente aussi des dépenses excédentaires pour la société québécoise. Des
patients qui restent sur la liste de transplantation requièrent des soins de
santé qui sont beaucoup plus coûteux que la transplantation elle-même. Et j'ai
joint, à ma... au mémoire que j'ai déposé, une étude qui avait été faite par
l'INESSS et qui concluait que, même si les différentes mesures pour accroître
la disponibilité de reins exigeaient des investissements, ils seront rapidement
compensés par les économies résultant de l'augmentation du nombre annuel de
greffes.
• (10 h 10) •
Et donc je vais conclure en vous
mentionnant qu'investir en dons et en transplantations au Québec ça sauverait
des vies, mais ça réduirait aussi les coûts de santé. Et, dans mon mémoire,
j'ai illustré les composantes essentielles d'une gouvernance provinciale du don
et de la transplantation, donc, une structure qui permet la gestion du
personnel hautement qualifié et une planification des effectifs, une
rémunération adéquate, des accès prioritaires aux plateaux techniques, un
registre centralisé unique collectant les données normalisées d'indicateurs du
don et de la transplantation d'organes et de tissus et les indicateurs de
succès de transplantation, et le suivi et l'appui aux activités de recherche et
d'innovation, qui permettent d'augmenter le nombre de dons et de
transplantations, d'améliorer les résultats de la greffe en opérationnalisant
des pratiques exemplaires. Alors, je conclus là-dessus et je vous remercie de
m'avoir invitée.
Le Président (M. Provençal)
:C'est nous qui vous remercient, docteure,
d'être présente avec nous. Alors, sur ce, je vais maintenant céder la parole à
la députée de Bonaventure...
Le Président (M. Provençal)
:...pour initier cette période
d'échange. 16 minutes.
Mme Blouin : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour, Docteure Hébert. Merci beaucoup de votre temps avec
nous aujourd'hui. Vous avez soulevé une foule d'éléments intéressants, donc on
va tenter d'y revenir. J'ai envie de vous entendre parler, d'abord, de la
relève médicale en transplantation. Il en manque pour. Pourquoi ce n'est pas
attrayant, à votre avis? Vous avez énuméré certaines choses, mais j'aimerais
vous entendre davantage, si possible.
Mme Hébert (Marie-Josée) : Alors,
M. le Président, ça va me faire plaisir de répondre à cette question-là.
Quand... Vous savez que la formation universitaire pour former un chirurgien ou
un médecin spécialisé en transplantation, elle est minimalement de 12 ans, elle
peut aller de 12 à 16 ans universitaires. Donc, elle est une formation qui est
prolongée. Par la suite, force est d'admettre que, lorsque les activités ne
sont pas gérées d'une manière centralisée, il va y avoir beaucoup d'enjeux de
prévisibilité de l'activité, et donc une activité qui doit se faire souvent de
nuit, les fins de semaine. Donc, une qualité de vie, par exemple, pour nos
collègues chirurgiens... donc, moi, je suis néphrologue, mais je parle aussi...
je vois mes collègues chirurgiens, eh bien, souvent, à ce moment-là, les
horaires erratiques, la longue formation et une rémunération qui est en dessous
de la moyenne de la spécialité entraînent une difficulté d'attirer des
nouvelles recrues, puis, après ça, de les retenir dans la pratique.
Finalement, je vous dirais aussi que nous
avions avant, au Québec, un outil qui s'appelait les plans d'effectifs médicaux
spécialisés pour la transplantation. Et donc on pouvait, avec ces plans
d'effectifs médicaux qui étaient en dehors de la comptabilisation moyenne de
chacune des spécialités, faire des recrutements ciblés, souvent à l'international,
pour attirer des personnes qui sont rares, là, en termes d'expertise, hautement
qualifiés. Et, en 2014, à l'horizon 2014-2015, ces plans d'effectifs médicaux
ont été abolis, ce qui a accentué aussi la difficulté de recrutement.
Mme Blouin : En ce moment,
est-ce qu'on est en déficit de ressources de médecins transplanteurs?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Alors,
nous sommes, en ce moment... avec le nombre de dons d'organes que nous avons,
oui, nous sommes en déficit, et ce déficit-là pourrait s'accroître, pour
minimalement deux facteurs. Première chose, comme je vous le mentionnais, la
moyenne d'âge vieillissante de l'ensemble des spécialistes qui oeuvrent dans le
domaine de la transplantation, mais avec, d'une manière aiguë, là, des enjeux
autour des spécialités chirurgicales, et où, là, on a des moyennes d'âge qui
sont largement au-dessus de 55 ans, qui frisent le 60 ans, dans certains
groupes. Et donc vous pouvez vous imaginer que, bien, dans ce contexte-là, il y
a des retraites à l'horizon, avec des difficultés de recrutement. Alors, ça,
c'est dans le volume actuel.
On souhaite tous avoir plus d'organes à
transplanter puisqu'on a de plus en plus de patients qui ont, malheureusement,
besoin de don d'organes. Et donc, si, par contre, les dons d'organes augmentent
et qu'on n'a pas plus de personnel pour s'occuper de cohortes croissantes de
patients, là, on va avoir une augmentation de la pénurie qu'on observe déjà.
Puis j'aimerais aussi souligner le fait
que c'est un contrat. Les équipes médicochirurgicales de transplantation, ce
sont des équipes multidisciplinaires, et nous suivons nos patients pour toute
la vie durant. Donc, ce n'est pas seulement une histoire d'une chirurgie puis,
après ça, on vous oublie. Il y a des patients que, moi, j'ai connus quand
j'étais résidente, dans les années 90, et que je vois encore à mes cliniques de
transplantation au CHUM. Puis pourquoi qu'ils doivent être suivis par des... un
personnel, une équipe multidisciplinaire spécialisée, c'est que les
complications associées à l'immunosuppression à long terme peuvent se présenter
tout au long des cours de la vie avec un greffe et doivent être anticipées,
mesurées, prévenues par des équipes qui sont spécialisées. Et c'est dans ce
contexte-là qu'on aura non seulement la meilleure qualité de vie, mais la
meilleure espérance de vie avec une transplantation.
Mme Blouin : Ça semble un
domaine assez fascinant. On a parlé tout à l'heure de rémunération, on a parlé
aussi de plans d'effectifs médicaux. Sinon, qu'est-ce qu'on fait pour rendre
cette profession-là un peu plus attrayante, à votre avis, quelles sont les
mesures qu'on doit mettre en place?
Mme Hébert (Marie-Josée) : C'est
clair que, si on a une gouvernance qui est intégrée au niveau provincial et
qu'on ajoute de la prévisibilité dans l'activité...
Mme Hébert (Marie-Josée) : ...et
qu'on s'assure aussi d'investir dans les équipes multidisciplinaires qui sont
là, avant la greffe, au moment du don, mais aussi de la préparation des
patients qui attendent la greffe pour qu'il soit le plus en forme possible au
moment de la greffe. Alors, un organe qui est dans... de bonne qualité au
moment de la greffe, avec un patient qui n'est pas trop malade au moment de la
greffe, ça facilite l'étape initiale, ça diminue les coûts de la
transplantation, les coûts chirurgicaux de la transplantation comme telle, mais
ça fait aussi une meilleure espérance de vie à la fois du patient qui va être
transplanté, puis de fonction de l'organe à long terme.
Donc, ça, ça veut dire qu'il faut qu'on
investisse dans les équipes multidisciplinaires à toutes les étapes, incluant
les étapes de suivi au... après la transplantation, et qu'on le fasse avec...
donc meilleure prévisibilité, meilleure gestion des ressources puis, je dirais,
approches innovantes aussi pour le suivi de nos patients pour l'ensemble de la
province de Québec. Alors, un patient qui habite aux Îles-de-la-Madeleine ne
devrait pas avoir à se déplacer dans un centre de transplantation, mais il
devrait, avec la technologie qu'on a de nos jours, être capable de voir
régulièrement, potentiellement virtuellement, ses médecins spécialisés en
transplantation qui, eux, doivent être en contact... en contact avec le
personnel soignant partout au Québec pour s'assurer que, bien, les diagnostics
qui doivent être évoqués, là, chez les patients qui sont greffés, qui n'ont pas
nécessairement les mêmes diagnostics... on doit avoir un diagnostic
différentiel qui est différent, là, chez les patients transplantés. Mais on
peut travailler avec l'ensemble du personnel soignant au Québec pour s'assurer
de la meilleure qualité de soins, où qu'on soit sur le territoire.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Et, quand je vous entends parler d'approches un peu plus structurantes, de
vision globale, tout ça, il faudrait implanter une certaine structure. Qui
devrait superviser ça, à votre avis, est-ce que c'est le gouvernement?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Bien,
oui, je vous réponds... M. le Président, je réponds à Mme la députée de
Bonaventure : Oui, absolument. Et donc il y a des exemples qui existent.
Et, bien sûr, ces exemples-là doivent être personnalisés sur les besoins de la
population québécoise, mais, si on regarde juste au niveau canadien, un
exemple, c'est BC Transplant, qui supervise l'ensemble des activités de don et
de transplantation, qui, donc, permet une gestion adéquate des effectifs pour
l'ensemble du cycle et qui permet aussi de collecter des indicateurs pour voir
si ce qu'on fait ça marche, pour améliorer nos pratiques, pour développer des
pratiques exemplaires. Et donc c'est clair qu'on est capable de faire quelque
chose comme ça au Québec.
Mme Blouin : Et, si je
reviens sur la création de plans d'effectifs médicaux en transplantation, de
quelle manière ça peut aider à améliorer l'offre de services de transplantation
au Québec, à votre avis?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Si
vous n'avez pas de chirurgien, vous n'aurez pas de transplantation, tu sais. Il
y a un moment donné où est-ce que... il faut qu'elle soit là, cette personne-là,
et puis, à quelque part, vous avez aussi besoin d'un chirurgien pour le don.
Par contre, des fois, on oublie, vous allez avoir besoin d'un chirurgien, mais,
si l'anesthésiste n'est pas là, bien, ça ne marchera pas non plus. Vous... Dans
le document que j'ai déposé, je vous ai mis une petite référence sur ce qui
s'est passé récemment, en Alberta, où la manque d'anesthésistes a fait en sorte
que les... qu'ils n'ont pas pu participer à la chaîne de dons pancanadienne en
dons vivants. Et donc il y a des patients en Alberta qui, actuellement,
attendent, ont des délais prolongés, pas parce qu'ils manquaient de
chirurgiens, mais parce qu'ils manquaient d'anesthésistes. Et donc il faut
s'assurer qu'on planifie l'ensemble des composantes essentielles du cycle, mais
l'ensemble des composantes essentielles qui font fonctionner les plateaux
technologiques qui sont essentiels aux différentes étapes, que ce soit aux
soins intensifs, que ça soit à la salle d'opération. Et donc ce n'est pas juste
un chirurgien, mais c'est aussi un anesthésiste, des infirmières qui sont
spécialisées, par exemple, en salle d'opération ou en soins intensifs, c'est
des inhalothérapeutes. Alors, il faut que... et il faut que ces personnes-là,
ces équipes-là, bien, puissent elles-mêmes, non seulement être disponibles mais
avoir une priorité d'accès aux plateaux techniques pour que l'activité puisse
se faire.
• (10 h 20) •
Mme Blouin : Et juste avant
de passer la parole aux collègues, en matière de consentement présumé, il n'y a
pas de corrélation directe à faire avec l'augmentation du don d'organes. Est-ce
que vous voulez nous en dire un petit peu plus là-dessus, sur peut-être les
éléments positifs aussi, donc, peut-être élaborer un peu?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Oui.
Je suis certaine qu'il va y avoir d'autres...
Mme Hébert (Marie-Josée) : ...intervenants
qui vont élaborer longuement là-dessus dans les jours qui viennent. Ce que je
pourrais vous dire, c'est que ce n'est pas en soi une mauvaise idée ou une
bonne idée, tout est dans la manière de le faire, tout est dans la
communication, mais aussi la discussion avec l'ensemble de la société. Je pense
qu'on a déjà des bases intéressantes au Québec pour que ça puisse se faire, ma
mise en garde, c'est qu'il ne faudrait pas y voir une panacée. Et donc, si on
ne s'occupait que de ça et qu'on n'a pas une approche holistique de l'ensemble
des étapes don et transplantation, j'insiste vraiment beaucoup, et
transplantation, eh bien, il pourrait y avoir des effets pervers à toute
initiative qui ne s'occuperait qu'à un des points du cycle. Et donc,
consentement présumé, c'est la même chose, là. Alors, il faut la discussion et
plan de communication, mais après ça, si on a plus d'organes, de quelque
manière que ce soit, il faut être sûrs qu'on va être capables de les
transplanter. Il faut... sûrs de faire... de rendre utile ce don incroyable,
là, dont nous sommes, nous, les membres des équipes multidisciplinaires de
transplantation, dont nous sommes les fiduciaires.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Saint-Jérôme, je
pense que vous aviez... vous vouliez vous adresser, alors je vous cède la
parole.
M. Chassin :Merci, M. le Président. Bonjour, docteure Hébert.
Évidemment, vous mentionniez... puis je continue un peu sur le... la ligne de
pensée de ma collègue, mais vous mentionniez que d'autres pourraient peut-être
nous parler, effectivement, de... des autres éléments à mettre en place autour
du consentement présumé. Évidemment, je serais quand même curieux, parce que
vous l'avez mis dans vos quatre points remarquables, qu'on retient, évidemment.
C'est sûr que c'est très intime comme décision, et en même temps, je pense que
d'avoir un débat public comme on le fait aujourd'hui, finalement, ça permet
aussi d'avoir, bien, des réflexions, des articles de journaux, etc. Mais c'est
sûr que ça, c'est un élément que nous, comme représentants élus, on a peut-être
effectivement un certain... comment dire, une possibilité de communication.
Est-ce que vous avez des éléments, que ce
soit pour la Colombie-Britannique, que ce soit peut-être pour la
Nouvelle-Écosse aussi, qui a l'air d'être une belle histoire... est-ce qu'il y
a des éléments qui vous semblent particulièrement présents, là, dans votre
approche holistique, au-delà de simplement la partie médicale?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Alors,
juste pour être certaine que je comprends bien votre question. Alors... Parce
que je peux faire des commentaires sur le don présumé ou l'approche holistique,
ce n'est pas clair, qu'est-ce que vous voulez comme...
M. Chassin :Oui. Bien, alors, c'est ça, j'essaie de placer un peu. Mais
quand vous dites : il faut avoir une approche holistique, il faut avoir
une bonne communication, est-ce que, dans ce que vous voyez ailleurs, outre le
consentement, qu'est-ce... qu'est-ce qui doit l'accompagner, d'avoir un
consentement présumé, par exemple?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Bon.
Alors, pour le consentement présumé, précisément, si on allait dans cette
direction-là, alors il faut... la base de ce que l'on fait ici est absolument
essentiel, il faut une discussion sociale et sociétale, mais qui est aussi très
attentive aux postures des groupes qui ont été historiquement marginalisés ou
qui pourraient avoir des vues différentes sur la présomption présumée. Puis ça
aussi, c'est documenté dans les documents, là, que je vous ai envoyés, dans les
annexes, là. Et donc, ce n'est pas seulement une discussion avec la majorité,
hein? C'est aussi une discussion qui est attentive aux positions qui pourraient
être différentes de certains groupes qui ont une histoire ou un historique ou
une relation avec ou bien le gouvernement ou avec le système de santé, ou un
cadre de valeurs qui est distinct de la majorité. Et donc, on ne peut pas faire
l'économie de cette discussion-là puis de ce dialogue-là. Puis je pense qu'il
faut le faire, qu'on doit le faire.
Alors, moi, ma mise en garde, c'est il y a
peut-être d'autres changements qui, eux, pourraient être plus rapides et à
portée de main, qui apporteraient des changements significatifs et rapides
pendant qu'on fait la discussion sociale, sociétale, diverse. Et ces
changements-là sont des changements organisationnels et structurels, mais qui
devraient être faits dans les semaines, jours, mois qui viennent de passer.
Donc, il y a une urgence. J'aimerais vous transmettre un sentiment d'urgence
autour des changements de gouvernance du don et de la transplantation, et qui
permettent de gérer le personnel hautement qualifié, d'accroître le personnel
hautement qualifié, qui est nécessaire aux activités actuelles de don et
transplantation, et qui permettraient en soi...
M. Chassin :...en quelque sorte...
Mme Hébert (Marie-Josée) : ...en
soi d'être prêt pour une augmentation, quelle qu'elle soit. Si on augmente le
don puis qu'on n'est pas capable de transplanter après, croyez-moi, nous allons
fragiliser le lien de confiance que nous avons avec la population.
M. Chassin :Tout à fait. Puis le lien est bien établi. Je pense que
j'ai ma collègue qui a une question pour vous.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Bellechasse, il
reste une minute 10.
Mme Lachance : Mon doux
seigneur! Une minute, c'est beaucoup trop bref. Merci, docteure Hébert, d'être
là. Si je comprends bien, puis c'est ce que vous venez de dire, le don, ce
n'est pas la fin en soi. La fin en soi, c'est la transplantation puis
d'augmenter la qualité de vie. Et je comprends, en lisant ce que vous avez
marqué, que, lors de... du forum de 2021, une des recommandations, entre autres,
c'est que la prémisse essentielle au consentement présumé, ce serait une
consultation publique, mais aussi une analyse rigoureuse de nos infrastructures
et des... de la structure de service. Donc, ça, c'est vraiment, selon... selon
ce qui ressort, essentiel à la mise en place de toute autre action qui pourrait
suivre pour favoriser le don d'organes. Est-ce que je comprends bien?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Dans
le contexte du don présumé, et... mais il y a des actions de gouvernance qui
peuvent être faites tout de suite. Alors donc, ce que je ne suis pas en train
de vous dire, c'est qu'on doit complètement revoir la gouvernance sans faire
quoi que ce soit d'autre et puis attendre. Ce que je dis, c'est que de
s'assurer qu'on recrute, qu'on retient notre personnel hautement qualifié dès
maintenant, qu'on ramène un plan d'effectifs médicaux et multidisciplinaires en
don et en transplantation et qu'on l'active dans les semaines qui viennent...
parce qu'actuellement on en a, là, des chirurgiens qui souhaiteraient
travailler avec nous puis on n'est pas capables de les recruter parce qu'on n'a
pas ce... cet outil-là qu'on avait avant. Donc, si on ne peut pas réactiver ça
rapidement, bien, même avec les dons qu'on pourrait avoir maintenant, on ne
pourra pas les traduire en transplantation puis on ne pourra pas sauver des
vies. Donc, ces outils-là, on en a besoin tout de suite.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
Mme Hébert (Marie-Josée) : Et
de les avoir tout de suite, ça nous permet de maintenir la confiance de la
population puis de faire par la suite la discussion pour mettre de l'avant,
potentiellement, si telle est la conclusion, un système de dons présumés.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, docteure Hébert. On
sent votre passion, là, dans vos réponses. Je vais céder la parole au député de
Pontiac pour 13 minutes.
M. Fortin :Oui, merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Dre Hébert.
Merci d'être... d'être parmi nous aujourd'hui puis de nous partager votre expertise,
votre analyse, votre travail sur cette question-là. J'ai l'impression, M. le
Président, qu'en commençant avec la présentation ou l'échange avec Docteure
Hébert, on y va un peu à contre-courant du... disons, du cours temporel d'un
don et d'une transplantation d'organes. On commence avec une... vraiment
quelqu'un qui nous dit, là : Commençons par la transplantation, commençons
par parler de ça, parce que le don... le don ne sert à rien si on ne peut pas
le... si on ne peut pas l'utiliser sur un patient à la fin de la journée.
Alors, je vais commencer par, disons,
votre point principal, là, l'amélioration du réseau, des processus, des
procédés, de l'expertise pour qu'on... pour qu'on puisse vraiment faire un
maximum de transplantations. Vous avez... Vous avez mentionné l'importance ou,
en fait, vous avez mentionné la difficulté s'il n'y a pas, disons, de manière
centralisée, de manière organisée, là, vraiment un mécanisme qui permet la
transplantation. Vous avez cité BC Transplant en exemple, je pourrais dire en
modèle, je ne veux pas mettre des mots dans votre... dans votre bouche, mais
qu'est-ce qui fait en sorte que, par exemple, le modèle de BC Transplant
fonctionne bien et qui pourrait, disons... de quoi on pourrait s'inspirer du
modèle de BC Transplant?
• (10 h 30) •
Mme Hébert (Marie-Josée) : Bien,
comme je le mentionnais, la gestion de l'ensemble du cycle, mais la gestion des
effectifs et des points critiques dans l'ensemble du cycle. Donc, si on manque
de coordonnateurs, par exemple, pour faire plus de dons à partir de donneurs
décédés, bien, c'est clair qu'on n'aura pas assez d'organes. Si, par contre, on
n'outille pas assez le nombre d'infirmières spécialisées pour faire du don
vivant puis faire les évaluations avec les médecins spécialisés pour les
donneurs vivants... parce qu'on ne souhaite pas augmenter le nombre de donneurs
décédés, mais ne pas être performant aussi en don vivant. Et, quand on se
compare avec les autres provinces canadiennes, on s'est améliorés en don
vivant, mais il y a encore vraiment place à l'amélioration. Et donc c'est
l'ensemble de ces activités-là qui vont nous permettre de greffer plus de
personnes. Il y a le moment de la greffe aussi, là. Donc, ça, il faut
l'ensemble du personnel hautement spécialisé, j'en ai parlé. Puis...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Hébert (Marie-Josée) : ...il
faut éviter que nos patients agressés reviennent sur la liste de
transplantation parce que le... n'a pas duré longtemps. Dans certains types d'organes,
c'est 30 % des patients qui sont sur la liste d'attente qui sont une regreffe.
Donc une seule greffe devrait amener une guérison à long terme sur plusieurs
décennies. Mais pour ça, il faut aussi avoir un cycle qui nous permette de
valider ce qu'on fait dans le long terme après la greffe pour être sûr que ça
fonctionne. Ça fait que, ça aussi, il faut des... je dirais, du personnel
hautement spécialisé. Ça fait que c'est pour ça, je le mentionnais, il faudrait
un registre unique aussi. Donc, il faut une structure de gouvernance qui gère l'ensemble
de ces effectifs-là puis qui s'assure que les financements sont en rendez-vous
pour l'ensemble de ces actifs là, mais aussi un registre qui nous permet de
valider : Est-ce qu'on fait la bonne chose? Puis si on fait... si on prend
les bonnes décisions au moment de la transplantation, ça devrait avoir des
impacts positifs, 15, 20 ans après sur l'espérance de vie puis la fonction
de nos patients que l'on greffe. Mais ça, on doit pouvoir le mesurer. Si on n'a
pas un outil qui est centralisé et normalisé, bien, on ne pourra pas le mesurer
puis on ne pourra pas s'améliorer efficacement.
M. Fortin :O.K. Je veux peut-être juste pousser votre analyse sur le
modèle de BC Transplant, parce que ce n'en est pas un, je vous avoue bien
candidement, que j'ai étudié jusqu'à maintenant. Alors, je suis content de vous
entendre sur cette question-là. Mais à la question de la députée de
Bonaventure, vous avez dit que c'est le gouvernement qui devrait vraiment
chapeauter cet ensemble de mesures là. Eux, BC Transplant, c'est un organisme
gouvernemental, ce n'est pas, disons... Comme ici, on a des organismes comme
Héma-Québec, comme Transplant Québec qui sont des organismes où il y a un
certain financement, mais il n'y a pas... ce n'est pas un organisme
gouvernemental comme tel. Alors, j'aimerais ça comprendre la différence de
dynamique, là, entre nos organisations et la leur.
Mme Hébert (Marie-Josée) : Je
pense que c'est une vaste question puisqu'il y a une autre variable qui va être
aussi comment ceci se traduirait dans le nouvel environnement qui va être Santé
Québec. Et donc il y a l'environnement actuel puis il y a l'environnement de
transition. Je pense qu'il faudrait regarder les différents modèles et comment
ils peuvent s'articuler avec Santé Québec. Et comme Santé Québec est encore en
construction, je pense que vous me permettrez de vous dire qu'il y a certaines
variables dans l'équation qui sont encore... qui ne permettent pas de résoudre
l'équation. Mais on doit évaluer un modèle de gouvernance qui regarde l'ensemble.
Est-ce que le modèle de gouvernance doit rester au sein du ministère de la
Santé et des Services sociaux? Est-ce qu'il doit être distinct, mais rendre des
comptes au ministère de la Santé et des Services sociaux ou à Santé Québec? Je
pense qu'il faut regarder les pour et les contre. Mais il doit y avoir un
organisme à quelque part qui répond de l'activité de don et de transplantation
pour la population québécoise.
M. Fortin :Je suis d'accord avec vous, Dre Hébert, sur cette question-là.
Vous avez mentionné la question de la regreffe, et je crois, là, de mémoire, le
chiffre que vous avez utilisé, c'est 30 % des greffes au Québec sont des
regreffes. Ça, essentiellement, ça veut dire un patient qui a déjà eu une
greffe, que ça n'a peut-être pas donné les résultats escomptés au fil du temps,
ou peu importe, qui reçoit une deuxième greffe, là, mais ça fait en sorte qu'il
y a des patients qui attendent toujours pour leur première greffe pendant ce
temps là. Alors, est-ce qu'on est pire qu'ailleurs? Il y a-tu quelque chose qu'on
ne fait pas adéquatement, qu'on doit améliorer pour diminuer ce pourcentage-là,
ce 30 %-là, de regreffes, ou si c'est juste le cours naturel des choses,
puis il n'y a rien à faire de ce côté-là?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Le
risque de regreffe est un risque que tous les pays industrialisés ont et dû à
différents facteurs. La qualité de l'organe initial au moment de la
transplantation, les facteurs de risque du receveur, la présence de rejet ou
non après la transplantation, rejet qui peut être précoce, mais qui peut aussi
être tardif, d'où la nécessité de suivre ces patients-là dans le long terme. Et
donc c'est un problème généralisé. Mais c'est clair que ce problème-là est plus
grand lorsqu'on n'a pas une bonne qualité au moment de la greffe où on ne
répare pas les organes de la même manière au moment de la greffe, puis lorsqu'on
n'est pas capable de suivre adéquatement dans le long terme. Le Québec n'est
pas pire à ce niveau-là que le reste du Canada, mais, collectivement, nous
pouvons tous faire mieux.
M. Fortin :Je vous entends. Merci pour cette précision. Dans votre
mémoire, vous avez une longue et détaillée étude de l'INESSS qui, entre autres,
fait référence au fait que les soins, souvent, à long terme, là, sont plus
coûteux que...
M. Fortin :...la transplantation. Une des choses qu'on entend beaucoup
ces jours-ci autour de cette question-là, puis entre autres de l'augmentation
des transplantations, bien, c'est est ce qu'on a les ressources pour le faire?
Est-ce qu'on a les ressources humaines, par exemple, pour augmenter le nombre
de transplantations au Québec? Dans cette étude, là, où on a analysé les coûts,
disons, des soins à long terme versus la transplantation, est-ce qu'on a aussi
analysé l'utilisation des ressources humaines? Parce que, par exemple, un
patient qui est en dialyse pendant des années, des années, des années, bien, ça
a un coût au niveau des ressources humaines également, là, ça veut dire qu'il y
a des infirmières qui s'occupent de lui jour après jour. Alors, est-ce qu'il y
a un avantage à, disons, à augmenter notre nombre de transplantations au niveau
de l'utilisation des ressources humaines?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Alors,
la réponse est oui. D'ailleurs, il y avait... Il y a une analyse pharmacoéconomique,
qui n'est pas la seule, hein, il y en a plusieurs dans la littérature, là. J'ai
donné celle-là, même si elle date un peu parce qu'elle s'applique vraiment à la
population québécoise. Mais on sait que les patients, si on compare quelque chose
que je connais bien, là, les patients greffés rénaux par rapport à des patients
qui sont dialysés, et les patients greffés rénaux, après la première année,
consomment beaucoup, beaucoup moins de services de la part du système de santé
par rapport à un dialysé qui demande une utilisation de plateau technique mais
aussi de personnel hautement qualifié d'une manière qui est beaucoup plus
intensive dans la durée. Puis en plus, c'est associé avec une moins bonne
qualité de vie, la dialyse, puis avec une moins bonne espérance de vie à long
terme. Moi, je n'en connais pas beaucoup, là, de domaines où est-ce que de
faire la meilleure chose pour chaque individu, c'est aussi ce qui coûte le
moins cher à la collectivité, là. Je n'en connais vraiment pas beaucoup. Ça,
c'est comme la... l'exception qui confirme la règle. Mais cette exception-là,
on peine encore à la financer à sa pleine capacité. Puis donc, collectivement,
ça nous coûte plus cher de ne pas investir en transplantation et donc de ne pas
donner des soins optimaux à l'ensemble des patients qui ont une insuffisance
d'organe au Québec.
M. Fortin :Bien, je vous remercie de nous... je ne veux pas dire de
nous rappeler à l'ordre, là, mais de nous rappeler ce constat-là que
l'augmentation des transplantations, là, c'est... ça a une amélioration sur,
comment dire, les finances, peut-être, publiques, ça a une amélioration sur le
niveau d'utilisation de ressources dont on a besoin pour s'occuper des
patients, puis ça a une amélioration sur la qualité de vie des patients, là.
C'est un... C'est ce qu'on appelle un win-win-win, là. Il y a... Il y a très
peu de, disons, de scénarios où on perd là-dedans. Je veux... Je veux
terminer...
Mme Hébert (Marie-Josée) : Qualité
de vie et espérance de vie.
M. Fortin :Oui, absolument. Je veux terminer peut-être notre
intervention, M. le Président, sur la question du consentement présumé. Et je
pense qu'on s'entend tous, là, pour dire que c'est un des outils qu'on a parmi
plusieurs autres. Et vous avez parlé des outils à très, très, très court terme,
ou même à moyen terme, que le gouvernement peut mettre en place, ce qui ne nous
empêche pas d'avoir la... d'avoir la réflexion, la discussion, la décision,
peut-être même, sur le consentement présumé. Vous avez mentionné qu'au Québec
on a des bases, je veux vous citer correctement, là, «on a déjà des bases
intéressantes» pour le consentement présumé. Qu'est-ce que vous voulez dire par
ça, déjà.... «on a déjà des bases intéressantes»?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Bien,
on a déjà ce que vous faites, cette approche transpartisane, neutre et
objective. Je vous dirais que ce qui a déjà été fait pour l'aide médicale à
mourir démontre qu'on est capables d'animer une... sereinement, d'aborder
sereinement des sujets difficiles et sensibles. Puis je vous dirais aussi qu'on
a l'expertise, en termes de recherche multidisciplinaire et de leadership
international, pour être capables d'outiller cette réflexion-là, j'en veux pour
témoin le Forum international qu'on a organisé. L'organisation de recherche que
j'avais cofondée, là, le Programme de recherche en don et en transplantation du
Canada, avec Transplant Québec, mais c'est les meilleurs experts internationaux
qui ont été là et qui ont cosigné avec nous les recommandations, et le leadership
venait du Québec. Donc, on a tout ce qu'il faut pour faire ce qu'il y a à
faire.
M. Fortin :Oui. Très bien.
• (10 h 40) •
Le Président (M. Provençal)
:50 secondes.
M. Fortin :Juste en terminant, en terminant, M. le Président, je veux
peut-être rappeler aux parlementaires et à ceux qui nous écoutent, aux groupes
qui sont ici, là, l'importance de ce que docteure Hébert a mentionné, qui moi,
est quand même venu me rejoindre, là. Elle a cité justement certains des constats
suite au forum de 2021 et des recommandations...
M. Fortin :...recommandations, elle l'a dit en anglais tout à l'heure,
là, mais la considération des valeurs prévalentes et de la culture de la
juridiction, là. Il me semble que dans notre débat, ici, effectivement, la
notion de la culture et des valeurs québécoises doit faire partie de nos
discussions, absolument. J'apprécie que vous ayez amené ce point-là, Dre
Hébert.
Mme Hébert (Marie-Josée) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Nous
allons poursuivre maintenant avec le député de Rosemont. Quatre minutes, M. le
député.
M. Marissal : Merci. Avant de
partir le chronomètre, je présume, M. le Président, que dans votre grande
magnanimité, vous avez réparti le temps d'un collègue qui, malheureusement, ne
peut pas être ici. Je comptais sur vous là-dessus. Merci, M. le Président, pour
ça.
Dre Hébert, bonjour, merci d'être là. Vous
avez entendu, j'ai quatre minutes, donc je vais couper court aux salutations,
même si elles sont sincères et distinguées. Vous avez dit essentiellement dans
votre mémoire: Il n'y a pas de structure de gouvernance provinciale
actuellement qui supervise à la fois les activités de don d'organes et de
transplantation d'organes. Vous dites aussi plus loin qu'il n'y a plus de plan
d'effectifs médicaux spécialisés en transplantation. Moi, je suis critique en
santé depuis près de trois ans, là, puis j'ai compris une affaire: c'est que,
pour que quelque chose marche ou pour qu'on puisse penser que ça pourrait
marcher, il faut que ce soit une priorité. Là-dessus, le ministre de la Santé
et moi, on s'entend, puis je pense que tout le monde s'entend là-dessus. Est-ce
que c'est une priorité, le don d'organes, au Québec en ce moment?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Le
don peut être une priorité. Il n'y a pas une bonne compréhension que don puis
la transplantation, ça va ensemble puis que ça doit être organisé tout
ensemble. Et donc ça, c'est un des freins, puis la manière dont par exemple le mandat
d'initiative a été intitulé, «moyens qui facilitent le don d'organes et de
tissus»... Mais c'est-tu en fonction de.... Il faut que ça se traduise par une
transplantation. Puis ça, on l'a pris pour acquis, et, parce qu'on l'a pris
pour acquis, on n'a pas structuré la gouvernance de telle sorte qu'on couvre
tout ça et on s'est départi d'outils qu'on avait avant, dont les plans
d'effectifs médicaux spécialisés dans le domaine de la transplantation, qui
font qu'actuellement, ce qui a été pris pour acquis pendant des décennies, soit
la transplantation, bien, ce n'est plus une priorité, et donc le don d'organes
est demeuré une priorité, mais aux dépens de la transplantation. Et moi, ce que
je vous dis, c'est que la transplantation d'organes, elle doit redevenir une
priorité.
M. Marissal : O.K. Bien, vous
faites bien de nous le dire, parce qu'à première vue ça semble tout à fait
logique et normal, là, sauf que la chaîne... une chaîne est toujours aussi
forte que son maillon le plus faible, là, et là il y a un problème dans un des
maillons qui mènent vers la transplantation, c'est bien compris. Puis c'est
vrai qu'on l'avait intitulé «pour faciliter le don d'organes et de tissus»,
mais je pense que tout le monde ici a bien compris votre point.
Vous dites par ailleurs qu'ils sont moins
bien payés, les médecins spécialistes qui font ça. Comment on explique ça? Je
comprends mal la mécanique et la logique de ça.
Mme Hébert (Marie-Josée) : C'est
complexe, je ne pourrai pas vous répondre en moins de quatre minutes. Mais ce
que je peux vous dire, c'est que les rémunérations sont en général gérées par
les différentes associations, donc par exemple néphrologues, chirurgiens
généraux, chirurgiens thoraciques. La représentation des spécialistes qui sont
surspécialisés en transplantation à l'intérieur de ces associations-là, elle
est infime, tu sais. Donc, c'est rare que ça arrive au-dessus de la pile, et
donc il faut que le volet transplantation soit extrait de la vision de chaque
sous-spécialité pour que ça devienne une priorité en soi, là, en dehors de...
donc pas pris à la pièce puis fragmenté, mais, vraiment, qu'est-ce qu'il nous
faut pour tout faire ça ensemble.
M. Marissal : Je comprends
bien. Peut-être un dernier point, s'il me reste du temps, là. Vous dites «des
accès prioritaires préétablis aux plateaux techniques et au personnel hautement
qualifié nécessaire pour le don de transplantation». Est-ce que c'est possible
en ce moment? Il semble qu'il y ait déjà un embouteillage dans... sur nos plateaux,
dans les blocs opératoires. Quand il n'y a pas d'embouteillage, c'est parce
qu'il n'y a pas de personnel, donc il n'y a pas d'embouteillage, mais il n'y a
pas d'activité non plus. Ça, en ce moment, est-ce que ça serait possible de le
faire, ou ça demande effectivement une réorganisation majeure?
Mme Hébert (Marie-Josée) : Ça
demande une réorganisation, mais c'est possible, puis on a le devoir de le
faire, puis c'est si on travaille ensemble qu'on va trouver une manière de le
faire. Il pourrait y avoir une pénurie au CUSM, puis il n'y en a pas à
Maisonneuve-Rosemont; il pourrait y avoir une pénurie à Québec, mais il y en
a... ou à Sherbrooke, puis il n'y en a pas à Montréal, puis à ce moment-là, la
transplantation, elle va se faire, si tout est fait pour qu'on sache où on s'en
va. Parce que, quand on nous offre l'organe, on n'a pas trois jours devant
nous, hein, il faut que les décisions se prennent rapidement, ça fait qu'il
faut qu'on sache où on peut aller, puis nous, on est...
Mme Hébert (Marie-Josée) : ...des
gens d'équipe, un travail d'équipe. Il faut qu'on soit sûrs que tout ce qu'on a
besoin pour le faire, puis le bien faire, ça soit disponible et qu'après ça,
bien, qu'on accède le plateau technique. Tout ça, ça se planifie. Mais, si on
le fait à la pièce, bien, la planification, elle va être sous-optimale. Puis, à
ce moment-là, la pénurie, le risque de pénurie va être multiplié par toutes
les... par tous les endroits où il y a des prises de décisions à la pièce.
M. Marissal : O.K. C'est tout
le temps que j'ai. Je vous remercie, Dre Hébert.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Dre Hébert, pour
votre contribution à nos travaux.
Je vais suspendre ceux-ci pour quelques
minutes, le temps de procéder et de permettre à... au docteur D'Aragon de venir
s'installer. Alors, merci beaucoup, c'est grandement apprécié.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
(Reprise à 10 h 49)
Le Président (M. Provençal)
:Nous revenons en ondes. Je souhaite
maintenant la bienvenue au Docteur D'Aragon. Et je vous rappelle, docteur, que
vous aurez 10 minutes pour votre... pour votre exposé, excusez-moi, et par
la suite, nous allons procéder à la période d'échange. Alors, je vous cède
immédiatement la parole.
M. D'Aragon (Frédérick) : Merci
beaucoup. Tout d'abord, j'aimerais, en fait, remercier mes collègues qui m'ont
gentiment libéré aujourd'hui pour être présent parmi vous. Je remercie les
membres de la commission, là, pour cette invitation.
Donc, je me présente, je suis Frédérick
D'Aragon. Je suis anesthésiologie et médecin spécialiste en médecine des soins
intensifs ainsi que médecin coordonnateur en don au CIUSSS de l'Estrie CHUSet,
bon, finalement, je suis professeur agrégé à l'Université de Sherbrooke. Depuis
2017, je suis clinicien chercheur du Fonds de recherche du Québec en santé, et
récemment, j'ai eu le privilège d'être nommé titulaire de la toute première
chaire québécoise et canadienne de recherche en don d'organes, soit la chaire
de recherche Justin Lefebvre sur le don d'organes de l'Université de
Sherbrooke.
Pendant ma formation complémentaire, j'ai
eu l'opportunité de faire une maîtrise en don d'organes et prélèvement ainsi
qu'un certificat en transplantation de l'Université de Barcelone en Espagne.
Ces formations m'ont permis d'observer les différentes pratiques entourant le
don d'organes dans ce pays reconnu pour ses pratiques exemplaires.
• (10 h 50) •
Au Québec, 92 % de la population est
favorable au don d'organes, alors qu'environ 60 % consentira au don le
moment venu. Les besoins criants en transplantation combinés à cet écart entre
la volonté d'être un donneur et celle d'être un... de devenir donneur
alimentent les discussions à l'égard du consentement présumé au don. C'est dans
ce contexte que je souhaite partager avec vous mon expérience à titre de
médecin coordonnateur ainsi que mes connaissances scientifiques entourant les
moyens facilitant le don d'organes et tissus au Québec et la place du
consentement présumé.
En 2022, 913 Québécois étaient en
attente d'une transplantation. La majorité, en fait, était en attente d'une
greffe rénale, alors que 483 patients, eux, ont bénéficié d'une
transplantation, et malheureusement, 47 patients sont décédés sur les
listes d'attente. Au cours de cette même année, 171 patients sont devenus
des donneurs décédés et ont permis la transplantation de 548 organes. Le
Québec se situe au quatrième rang des provinces canadiennes avec
19.6 donneurs par million d'habitants, tout juste derrière l'Ontario.
Au Québec, le don d'organes est...
M. D'Aragon (Frédérick) :
...possible dans trois circonstances : le don d'organes après décès
neurologique, le don d'organes après décès circulatoire, et, finalement, le don
vivant. Le don d'organes après décès neurologique, mieux connu sous l'expression
de mort cérébrale, survient lorsqu'un patient subit une perte irréversible de
l'ensemble des fonctions cérébrales, soit, en fait, la capacité de respirer
spontanément et même l'état de conscience, tout simplement, et ça suit, en
fait, une catastrophe neurologique sévère. Dans pareilles circonstances, le
décès neurologique sera confirmé par un examen physique et un test clinique par
deux médecins indépendants. Un donneur d'organes après décès neurologique peut
donner jusqu'à huit organes et donc sauver ou améliorer la vie d'autant de
receveurs. Certains patients admis aux soins intensifs et sous thérapie de
maintien de fonctions vitales, lire ici ventilation mécanique, médicaments pour
augmenter la tension artérielle ou pour fouetter le cœur, auront une
catastrophe neurologique sévère sans perte complète des fonctions cérébrales.
Lorsque les chances de guérison sont faibles, les familles peuvent choisir de
retirer, par compassion, les thérapies de maintien des fonctions vitales,
sachant qu'un décès circulatoire, soit l'absence des battements cardiaques et
de pression artérielle ainsi que la respiration, suivra.
Si un patient est susceptible de mourir
quelques heures après le retrait des thérapies de maintien de fonctions
vitales, il peut y avoir une opportunité de don d'organes. C'est ce qu'on
appelle en fait le don d'organes après décès circulatoire, et on peut donner
jusqu'à cinq organes. Au Québec, un donneur vivant peut donner un rein ou une
partie de leur foie. Malheureusement, le don vivant est relativement rare au
Québec. En effet, plus de 70 % des organes prélevés proviennent des
donneurs décédés. Considérant que je ne suis pas un expert du tout en don
vivant et que des représentants du Programme québécois de don vivant seront
avec vous dans les prochaines heures, le reste de ma présentation portera sur
les donneurs décédés.
Le processus de don débute par
l'identification d'un patient pouvant devenir un donneur potentiel.
L'identification repose sur des critères cliniques suivants : l'atteinte
neurologique sévère, un patient qui est sous thérapie de maintien de fonctions
vitales et pour lequel un arrêt de ces thérapies-là est envisagé. Actuellement,
nous ne sommes pas en mesure d'identifier en temps réel les donneurs
potentiels. Le tout doit se faire via une analyse rétrospective annuelle. De
manière conservatrice, nous pouvons estimer qu'entre 10 à 20 % des
donneurs potentiels ne sont pas identifiés. Une fois identifié, le dossier du
patient est référé par un membre de l'équipe soignante ou par du personnel
dédié en dons, infirmières ressources, par exemple, à Transplant Québec. La
référence permet principalement de vérifier l'inscription du patient au
registre et, de manière secondaire, de déterminer s'il y a la présence de
contre indication absolue au don d'organes. Je tiens à mentionner que les
contre-indications absolues sont excessivement rares.
Actuellement, le Code civil du Québec
oblige le directeur des services professionnels d'un centre hospitalier à
référer tous les donneurs potentiels à Transplant Québec ou Héma-Québec. Une
fois la référence acceptée, l'équipe traitante et/ou le personnel dédié de
Transplant Québec approche la famille pour l'obtention du consentement au don.
En présence d'un consentement, l'étape qui comprend l'évaluation et la prise en
charge du donneur suit. Pendant cette étape une série d'examens paracliniques
et interventions pharmacologiques ou des actions techniques seront réalisés
afin d'évaluer la qualité des organes et optimiser la fonction de ceux-ci. Le processus
se termine par l'étape du prélèvement.
Le prélèvement des donneurs d'organes
après décès neurologique est réalisé dans un des centres de prélèvement
d'organes dédiés au Québec, alors que le prélèvement des donneurs d'organes
après décès circulatoire sera réalisé dans le centre hospitalier où le donneur
est situé. Environ trois jours se seront écoulés entre le moment du
consentement au don et le prélèvement des organes. La durée de prise en charge
est en augmentation, à un point tel où elle serait la raison principale
invoquée par les familles pour refuser le don. Il faut dire que la durée de
prise en charge du donneur s'ajoute déjà à quatre à cinq jours
d'hospitalisation aux soins intensifs qui ont précédé le consentement au don
d'organes.
L'article 43 du Code civil stipule qu'un
individu peut autoriser sur son corps le prélèvement d'organes post-mortem et
que ses volontés doivent être respectées, sauf motif... impérieux, pardon. Dans
les faits, la grande majorité, si ce n'est pas l'entièreté de mes collègues,
vont respecter la décision de la famille, car nous ne sommes pas ceux qui
devront vivre avec le deuil, et un patient, en fait, pourrait avoir changé ses
volontés sans avoir fait modification au registre de la carte... au registre
disponible ou sur sa carte d'assurance maladie.
En fait, c'est dans ce contexte qu'un
modèle de consentement présumé pourrait être perçu comme étant souhaitable. Le
consentement présumé est un modèle où nous supposons que le patient donne son
accord tacite au don d'organes. Ce modèle, utilisé majoritairement en Europe,
repose sur les arguments suivants : il y a des pertes d'organes aux décès,
le manque d'opportunités, en fait, pour signaler l'intention d'un patient de
devenir donneur, les vetos familiaux, et une population qui est généralement
favorable au don. Or, les évidences supportant les bénéfices d'un modèle de
consentement présumé sont contradictoires. Des 32 études répertoriées étudiant
le bénéfice associé au modèle de consentement présumé par rapport au consentement...
M. D'Aragon (Frédérick) : ...explicite,
une seule a démontré le bénéfice direct entre le consentement présumé et le
nombre de donneurs et d'organes prélevés. À l'opposé, les auteurs de la
majorité des études n'étaient pas capables de distinguer l'effet du
consentement des autres facteurs pouvant expliquer une hausse du nombre de
donneurs, tels que : les budgets d'organismes aux dons d'organes,
l'éducation du public, le nombre de donneurs potentiels par année, le nombre de
centres de transplantation, le produit intérieur brut par habitant et les
religions.
À cet effet, la croyance populaire veut
que le succès de l'Espagne repose sur la présence du consentement présumé. Dans
les faits, chaque famille de donneur est approchée pour l'obtention d'un
consentement, et le taux de consentement en Espagne se situe entre 70 et
80 %. En Espagne, la loi sur le consentement présumé a été adoptée en
1979. À ce moment, le nombre de donneurs par million d'habitants était autour
de 12. Ce nombre est demeuré relativement inchangé jusqu'en 1989, l'année où
l'OMT, donc l'organisme chapeautant les activités de don en Espagne, a été
créé. Depuis, le nombre de donneurs par million a constamment augmenté, pour
atteindre 41 donneurs par million en 2021. Dans les faits, le succès du modèle
espagnol repose sur six éléments. Tout d'abord, il y a l'OMT, comme telle, qui
gère l'ensemble des activités de don et transplantation dans le pays.
L'ensemble des décisions prises par l'OMT est approuvé par une commission de la
transplantation du conseil interterritorial de la santé. Cette commission
regroupe l'ensemble des parties prenantes impliquées dans les activités de don
et transplantation. À titre informatif, au Québec, les réseaux québécois de don
et transplantation d'organes jouent un rôle essentiellement comparable à celui
de la commission de la transplantation.
La présence d'un coordonnateur en
transplantation dans chacun des hôpitaux du pays constitue l'élément central du
modèle. En plus de réaliser des activités de sensibilisation, il est
responsable de développer et systématiser les processus d'identification des
donneurs, de procéder à la référence à l'organisme de don, d'obtenir le
consentement, de faire la prise en charge en fonction des guides de pratiques
en place et d'organiser le prélèvement des organes, le tout en soutenant les
familles de donneurs. Il est nommé par le directeur médical de l'hôpital et
relève directement de lui. Plus de 60 % des médecins sont... des
coordonnateurs sont des médecins ayant une spécialité en médecine des soins
intensifs et la très grande majorité ont une pratique à temps partiel. La
création des postes de médecin coordonnateurs au Québec et son augmentation
récente représente clairement une avancée pour les activités de don dans notre
province.
Le troisième facteur clé du modèle
espagnol est le programme d'assurance qualité. Chaque centre hospitalier doit
procéder, sur une base annuelle, à un audit interne. De plus, ces hôpitaux sont
audités par des membres externes, de manière aléatoire. La formation des
professionnels de la santé représente un autre élément phare du modèle
espagnol. Tous les professionnels de la santé, directement ou indirectement
impliqués dans le don d'organes, reçoivent une formation portant sur les
grandes étapes du processus de don. Des formations additionnelles avancées sont
ouvertes aux professionnels de la santé directement impliqués dans les
activités de don.
Finalement, l'ouverture de l'OMT aux
médias et le système de remboursement hospitalier en place dans les autres...
sont les autres facteurs qui contribuent au succès du don en Espagne.
Sans égard au type de modèle de
consentement préconisé, un système doit être en mesure d'améliorer ses
pratiques. Au cours des dernières années, un intérêt grandissant pour la
recherche sur les donneurs est survenu. Cette recherche a pour but d'augmenter
l'identification des donneurs, le consentement ainsi que la quantité et la
qualité des organes prélevés. Malheureusement, les progrès sont lents, voire
pratiquement inexistants. Dans les nouvelles lignes canadiennes sur la prise en
charge des donneurs d'organes aux soins intensifs, seulement deux des 36
recommandations s'appuient sur des études randomisées contrôlées, soit le plus
haut niveau d'évidence scientifique. La majorité des recommandations, en fait,
reposent sur des avis d'experts. Le processus de consentement à la recherche
est particulièrement complexe, et la recherche en don implique des
considérations additionnelles et surtout... Par exemple, pour chaque donneur
randomisé, il y aura... inclus dans une étude, pardon, il y aura trois à quatre
receveurs d'organes correspondants pour lesquels un consentement à la recherche
sera requis.
Le Président (M. Provençal)
:...vous demander de conclure parce
que votre temps est écoulé.
• (11 heures) •
M. D'Aragon (Frédérick) :
Parfait. Donc, je vais conclure en disant que, sans égard à la... En fait, tout
d'abord, je crois qu'une discussion sur un débat de société doit être réalisée
sur le consentement présumé, préalablement à son implantation. Dans mon
mémoire, vous pourrez voir une série de suggestions que je fais pour améliorer,
en fait, le processus de don. Je vous remercie de votre attention, et désolé
d'avoir dépassé le temps. Quand je me suis pratiqué, ça rentrait dans 10
minutes.
Le Président (M. Provençal)
:Pas de problème. Je vais céder la
parole à la députée de Bonaventure pour le début de l'échange.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
D'abord, bonjour, Docteur D'Aragon. Merci de votre présence parmi nous. Merci
aux collègues aussi qui vous ont libéré, ils semblent nombreux, avec tout ce
que vous faites. Est-ce que vous voulez terminer votre... Avez-vous autre chose
à ajouter?
M. D'Aragon (Frédérick) : Ça
va, merci.
Mme Blouin : Bon. Parfait.
Vous avez travaillé en Espagne. On sait que c'est une des juridictions les plus
performantes. Vous en avez parlé un petit peu. J'aimerais vous entendre
davantage, justement, sur comment ça fonctionne, les bonnes pratiques...
11 h (version non révisée)
Mme Blouin : ...lesquels on
devrait s'en inspirer au Québec. Est-ce que vous pouvez nous en parler un peu
davantage?
M. D'Aragon (Frédérick) : Bien,
en fait, oui, clairement. Bien, en fait, ça part complètement d'en haut, du
système. Tout le monde, je parlais de la commission tout à l'heure, mais tout
le monde se parle. Vous avez noté il y a plusieurs acteurs impliqués dans le
don et la transplantation, que ce soit du côté des soins intensifs, que ce soit
des équipes de transplantation qui sont situées dans différents milieux
hospitaliers, donc à distance géographique. Il y a Transplant Québec aussi qui
est impliqué, là-dedans, bref, plusieurs acteurs. Et tout le monde est à la
même table pour prendre des décisions sur les conduites à adopter. Ça, c'est
un. Deux, ensuite, de ça, il y a des coordonnateurs cliniques en don qui sont
libérés, en fait, pour faire que des activités de don, sensibiliser, puis aussi
aider les collègues sur le terrain. Ça, c'est un élément qui est absolument
important.
En fait, le troisième, je dirais, c'est la
formation. En fait, c'est la formation à plusieurs niveaux, ce n'est pas
nécessairement de la formation au niveau de la population en général, mais
surtout au niveau des professionnels de la santé. Elle est obligatoire, et ça
favorise une culture positive, en fait du don d'organes. On ne voit pas le don
comme un fardeau, mais on voit ça comme une plus-value pour l'hôpital et la
société en général.
Mme Blouin : Bien justement,
on va poursuivre avec la formation. Ici, au Québec... bien, deux questions, en
fait: Comment on peut l'améliorer, cette formation-là professionnelle? Et
j'entends, peut-être que je me trompe, mais j'entends que la formation est
vraiment diffusée à un sens large, donc pas juste aux professionnels qui sont
ciblés. Pourquoi? C'est quoi, les impacts positifs de ça?
M. D'Aragon (Frédérick) : En
fait, il y a tellement de personnes qui sont impliquées dans un processus de
don, même des techniciens en radiologie, et ainsi de suite, je pourrais en
parler pendant des heures. Mais, à l'heure actuelle, ce qui devrait être fait
comme formation, en fait, pour, entre autres, les corps de métier qui sont
directement impliqués, que ce soit les médecins en médecine des soins
intensifs, inhalos, infirmières, il devrait y avoir une formation obligatoire
pour ces professionnels-là. Maintenant, le véhicule de comment le faire et
qu'est-ce que ça doit contenir est probablement un peu secondaire.
Mais elle devrait être obligatoire, cette
formation-là pour justement décrire c'est quoi, le processus pour sensibiliser
les gens à la... un, à la rareté des organes, deux, à la complexité du
processus. Et le fait qu'on manque un donneur, c'est un donneur manqué de trop.
Vous savez, il y a une règle qu'on utilise, là, c'est environ 1 % des
décès dans un hôpital qui vont se qualifier au don.
Donc, au final, là, il ne faut pas manquer
ce donneur-là parce que la prochaine fois, ça risque d'être dans plusieurs
semaines, voire mois, et on aura manqué une opportunité importante.
Mme Blouin : ...des donneurs,
des donneurs, oui, vous dites qu'on en échappe plusieurs, mais comment est-ce
qu'on peut mieux les identifier puis comment on peut ne pas les échapper, si on
veut?
M. D'Aragon (Frédérick) : Bien,
premièrement, je pense qu'on devrait avoir... L'obligation de référence ne
devrait pas être via le directeur des services professionnels pour quelque
raison, mais vraiment, pratico-pratique, une grande partie des activités de don
d'organes ont lieu à des heures défavorables. C'est la fin de semaine, c'est le
soir, c'est pendant le congé des fêtes, bref, ainsi de suite, ce qui fait en
sorte que les professionnels ne se sentent pas toujours responsables de devoir
procéder à la référence. Si la référence reposait sur une obligation des
professionnels, je crois que, déjà là, on pourrait augmenter le taux de
référence, même avant ça, d'avoir un processus d'identification.
On parle qu'on a des processus
d'identification, je pense que les centres hospitaliers, où est-ce qu'il y a
des activités de prélèvement plus importantes, ont des processus
d'identification. Mais moi, je parle des hôpitaux comme dans ma région, les
Granby de ce monde, les Cowansville de ce monde, doivent avoir des procédures
d'identification des donneurs, parce qu'il y a des donneurs qui sont là qu'on
manque à l'heure actuelle, puis on n'est pas capable de le savoir en temps
réel. En fait, je le sais l'année suivante, difficile d'intervenir, à ce moment-là,
pour améliorer les choses.
Mme Blouin : On va prendre un
moment pour absorber. Je vais changer de sujet, même si c'est très intéressant.
Je suis certain que les autres collègues... certaine que les autres collègues
auront des questions sur le sujet aussi. Vous avez dit que, dans la pratique,
il y a le respect de la volonté des familles. J'imagine que, si on allait pour
le consentement présumé, ça serait la même chose, ce serait une pratique qui demeurerait.
M. D'Aragon (Frédérick) : En
fait, oui, en fait, de la manière... En fait, la vaste majorité des modèles de
consentement présumé continuaient à approcher les familles, et donc les vétos
familiaux doivent continuer à s'appliquer, d'où je pense l'importance de
sensibiliser la population et les professionnels de la santé, ainsi de suite,
pour justement travailler sur ce qu'on dit être les vétos familiaux. Parce que
le consentement présumé, comme on le propose à l'heure actuelle, ne va pas corriger,
en fait, ce véto familial là, selon ce que j'ai lu, parce que les familles vont
continuer encore d'être approchées.
Et, vous savez, pour un médecin, c'est
...lorsqu'on fait la... Dans la vie de tous les jours, pour tout l'ensemble des
soins qu'on offre, lorsque notre patient, il n'est pas apte à consentir parce
qu'il y a une altération, exemple, l'état de conscience, bien, on se rabat sur
la famille pour leur demander leur autorisation, oui, non. Et là, dans un
modèle de consentement, il y aurait cette différence-là que là on ne le
demanderait pas...
M. D'Aragon (Frédérick) : ...je
pense que ça serait très difficile. La deuxième chose, c'est que ça génère
beaucoup d'émotions fortes de la part des familles, lorsqu'on arrive dans un
contexte de don, et, des fois, le fait pourrait... en fait, le fait d'aller
vers le don pourrait, en fait, accentuer leur détresse psychologique, et je
dirais bien, pourrait accentuer, parce qu'on ne l'a pas mesuré.
Et la troisième des choses, même si on
allait, exemple, à l'encontre des volontés des familles, une famille pourrait
décider de ne pas répondre au questionnaire physique de l'organisme de don, et,
à ce moment-là, le processus de don pourrait ne pas...en fait, ne continuerait
pas parce qu'on ne pourrait pas évaluer les risques de transmission de maladie,
et ainsi de suite, et donc le dossier pour le donneur potentiel serait fermé.
Mme Blouin : Merci. Si on
parle de données, ce seraient quoi, les modifications législatives qu'on
pourrait faire, qu'on pourrait apporter, en fait, pour faciliter l'accès aux
données médicales puis sur les donneurs potentiels et sur les patients
transplantés aussi. Qu'est-ce qu'on peut faire pour ça?
M. D'Aragon (Frédérick) : Bien
là, je vous avoue ne pas avoir du tout d'expertise légale. De ce que je
comprends, en fait, depuis mon début d'aventure dans la recherche en don,
transplant Québec est souscrit à un régime de loi particulier, ce qui fait en
sorte que, pour eux, la transmission des données, en fait, à un tiers doit
souscrire à des normes particulières, et ils sont pris avec ça. Puis je
pourrais vous parler de mon expérience à la Commission d'accès à l'information,
ça m'a pris deux ans et demi à obtenir des données anonymisées pour faire de la
recherche en don. Tu sais, à un moment donné, ça reste qu'on veut améliorer la
pratique. Donc, je pense que ça, ce serait un aspect, probablement, de voir
comment on peut moduler, cette portion-là de la loi pour faciliter l'accès à
ces données-là et surtout faciliter la possibilité de lier les données entre
les donneurs et les receveurs, pour une raison particulière : en fait, les
gens pensent que, bon, il pourrait y avoir de la coercition parce qu'un donneur
pourrait identifier un receveur, mais, au niveau de la recherche, il y a des
moyens de faire des liens entre donneur et receveur. Parce que, vous savez, en
ce moment, ce qu'on administre au donneur, on ne sait pas si ça fonctionne ou
pas, à peu de choses près, on ne sait pas si on crée des préjudices à un organe
puis c'est bénéfique à l'autre organe. On ne le sait pas parce qu'on ne le
mesure pas. Si on nous donne les moyens de le faire, ce serait... je pense que
ce serait déjà un pas dans la bonne direction avec les donneurs qu'on a déjà,
entre autres, là.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Je crois que j'ai des collègues qui avaient des questions.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Bellechasse.
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci d'être parmi nous. J'ai plusieurs questions. La
première, c'est que vous avez suscité mon intérêt quand vous avez dit :
Dans la pratique, on a de la difficulté, dans les plus petits milieux, à
identifier, avec l'identification des donneurs. Là, je veux vous entendre puis
je... parce que vous avez mentionné : Je le sais l'année d'après. Je ne
comprends pas. On ne sait pas qui pourrait être un donneur potentiel dans un
hôpital, qui est en mort cérébrale?
M. D'Aragon (Frédérick) : En
temps réel, non, on ne le sait pas, en fait. On sait qu'en fait la... il va y
avoir des patients qui vont décéder dans un milieu, dans un centre hospitalier,
et ces patients-là... dans le fond, via des audits annuels, de manière
rétrospective, où on révise l'ensemble des décès, c'est comme ça qu'on va
savoir si un patient aurait, selon certains critères, pu devenir un donneur
potentiel ou pas.
Il y a une autre partie, par contre, des
donneurs, comme vous faites mention, là, pour les donneurs après décès
neurologique. Souvent, ces donneurs, ces patients-là, en fait, avant d'être
donneurs, vont être pris... vont être transférés dans un autre centre
hospitalier pour traiter la catastrophe neurologique. Puis, bon, quand on n'est
pas capable de traiter ça, ils vont évoluer vers le décès neurologique, mais
ces patients-là nous sont transférés. Mais, moi, je parle des patients qui ne
nous sont pas transférés, pour lesquels il y aura eu un arrêt de soins dans un
hôpital x, y, et que, là, bien, dans le fond, dans cet hôpital-là, il n'y a pas
de procédure d'identification des donneurs pour faire la référence qui est...
et faire la référence, pardon.
Mme Lachance : Donc,
actuellement, il n'y a pas de processus d'identification des donneurs partout,
dans tous nos hôpitaux au Québec.
• (11 h 10) •
M. D'Aragon (Frédérick) : En
fait, il y a des processus d'identification, mais ils sont locaux. Donc, nous,
on en a un, exemple, dans notre hôpital, mais je n'ai pas... je ne sais pas si,
exemple, à l'hôpital x, y, je ne nommerai pas de nom, ils en ont un. Je pense
qu'une des manières justement qu'on pourrait, c'est que Transplant Québec
puisse avoir un certain pouvoir pour obliger les centres hospitaliers à avoir
la même procédure d'identification de donneur, peu importe de quel type de
centre hospitalier on parle.
Mme Lachance : O.K., donc,
quand on parle du nombre de donneurs actuel, il y a une cause importante là de
sa faiblesse, si on veut, ça va au-delà du nombre de donneurs qui pourraient le
faire : on ne les identifie pas. O.K.
Vous avez parlé des vetos familiaux en
Espagne, puis là je vous avoue que j'ai été un peu perdue parce qu'on dit que
le don...
Mme Lachance : ...est présumé
en Espagne depuis 1979, et à l'époque, il y avait 12 donneurs par million,
puis qu'on... c'est seulement en 1989 qu'on est passés à 41 donneurs par
million. Le veto familial, comment ça fonctionne en Espagne?
M. D'Aragon (Frédérick) : C'est
ça. Donc, en fait, en Espagne, tout donneur potentiel va être approché par un
coordonnateur en don pour l'obtention du consentement. En fait, même si la loi,
elle est en place, elle n'est pas appliquée. Le seul élément que la loi
espagnole permet de faire, c'est un type de don d'organes qu'on ne fait pas au
Québec, en fait, qui s'appelle le don d'organes après décès circulatoire non
contrôlé. Donc, ce sont, en fait, des interventions qu'on va faire, qui, on
sait, ne vont rien changer sur le devenir d'un patient qui est en arrêt
cardiocirculatoire, mais qui vont préserver les options du don d'organes. Donc,
la loi permet de faire ça, mais elle n'est pas... Pour l'ensemble des donneurs,
exemple, les donneurs les plus communs, là, les donneurs après décès neurologique,
chaque famille est approchée. Et, s'ils refusent, on ne va pas de l'avant avec
le don.
Mme Lachance : Merci. Vous
avez parlé des questionnaires physiques. Donc, dans le fond, même si le
consentement est présumé, il y a des étapes qui permettent de pouvoir utiliser
les organes d'un donneur potentiel. Et une de... Si je comprends bien, une de
ces étapes-là, c'est le questionnaire physique. Or, le donneur ne peut pas
répondre. C'est essentiel que des membres de la famille puissent... ou des proches
puissent répondre. Est-ce que c'est bien ce que je dois comprendre?
M. D'Aragon (Frédérick) : Oui,
vous avez bien compris.
Mme Lachance : O.K. Bien,
merci, merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Député de Saint-Jérôme.
M. Chassin :Combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
:Deux minutes 15 s.
M. Chassin :Ah! formidable, ça devrait suffire. Merci, Dr D'Aragon.
J'ai une question, parce que, vraiment, dans ce que vous soulevez, je pense
qu'il y a un enjeu, où implicitement, vous laissez entendre que tant qu'il n'y
aura pas une certaine uniformité en termes de procédure pour l'identification,
pour la consultation, si on a des questions aussi délicates que de consulter
une famille, puis vous avez l'exemple espagnol comme référent, mais est-ce
qu'on est, à l'heure actuelle, outillés pour le faire? Et, si on change, dans
le fond, la présomption de consentement, bien, ça ne va pas changer le fait que
dans les petits centres hospitaliers, peut-être que ce n'est pas la priorité,
peut-être qu'on est débordés, qu'il manque de... de... de formation là-dessus.
Ça fait que là, j'essaie de voir, là, mais j'ai l'impression que vous nous
envoyez un message de : voici une étape préliminaire à tout le reste.
M. D'Aragon (Frédérick) : Oui.
En fait, je pense que les outils sont disponibles, là. C'est ce qu'on
appelle... en fait, Transplant Québec produit des procédures types qui sont...
en fait, c'est le langage qui est utilisé, qui est adapté en fonction du type
de centre hospitalier. En fait, le type de centre hospitalier, c'est la
présence ou pas de ressources dédiées. Moi, je pense que... Mais l'application
de ces procédures-là, elle est à la... Je ne me ferai pas d'amis, elle est
probablement à la discrétion locale de l'institution. Donc, à ce moment-là, il
y a... il y a de la variabilité interétablissements, alors que c'est à la
discrétion de l'établissement de le faire ou pas. Je pense que ça devrait être
implanté, obligatoire, audité, ainsi de suite. Juste là, je vous le dis, je
pense qu'on pourrait aller chercher des donneurs de plus.
M. Chassin :Sachant qu'il va peut-être y avoir, par exemple, dans un
milieu, un certain coût, là. On affecte certaines ressources, une priorité
entre autres, mais certaines ressources à ça.
M. D'Aragon (Frédérick) : Clairement.
Puis je pense, comme je faisais mention, le fait que le programme des médecins
coordonnateurs est récemment d'ailleurs augmenté, là, je pense qu'on est rendu
autour de 30, 32, je pense que c'est justement un pas... un pas dans la bonne
direction pour justement implanter ça. Mais on dirait que, des fois, hein,
quand... Il y a le volontariat puis la théorie du bâton puis de la carotte, je
pense, ça prend un petit peu d'imposition.
M. Chassin :Puis, en terminant, est-ce que vous...
Le Président (M. Provençal)
:...terminé, M. le député.
M. Chassin :Ah...
Le Président (M. Provençal)
:Je vais céder la parole au député de
Pontiac. Merci beaucoup.
M. Fortin :Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, docteur D'Aragon.
Merci d'être parmi nous. Juste pour peut-être terminer sur cet enjeu-là, puis
je ne sais pas si c'est la même question que vous... que le député de
Saint-Jérôme voulait poser, là, essentiellement, ce que vous êtes en train de
nous dire, là, c'est si, moi, j'ai un accident de la voiture, et on m'amène au
CHU de Sherbrooke, j'ai peut-être des meilleures chances de devenir un donneur
que si on m'amène à l'hôpital de Cowansville, c'est... O.K. Et ça, c'est à
cause que... vous avez mentionné la procédure, là, mais est-ce que c'est parce
que l'hôpital de Cowansville a peut-être de la difficulté à savoir si je me
suis autoidentifié comme donneur potentiel ou est-ce que c'est parce qu'il n'a pas
les procédures en place pour savoir si je remplis toutes les caractéristiques
potentielles, physiques, là, d'une personne apte à donner...
M. Fortin :...mes organes?
M. D'Aragon (Frédérick) : Les
deux plus le fait que des fois on ne devient pas nécessairement... Il va
s'écouler un certain temps avant de pouvoir... avant de dire qu'on va devenir
un donneur d'organes, là. Il y a la lésion aiguë, là... qu'on essaie de sauver,
dans le fond, la vie du patient, puis après ça, il y a le don. Mais oui, vous
avez raison pour les deux motifs... vous avez mentionnés.
M. Fortin :
...deux motifs. O.K. Vous avez entendu la Dre Hébert avant vous, là, elle
nous a parlé d'une espèce de système centralisé, là, disons, donc... Et vous,
dans votre... je pense, c'est en réponse aux questions tantôt, vous avez parlé
de la possibilité que Transplant Québec puisse avoir... puisse imposer un
certain processus aux hôpitaux qui peut-être n'en ont pas ou à ceux qui ont des
processus qui ne sont plus d'actualité, ou du jour, ou peu importe. Le système
centralisé qu'imagine la Dre Hébert, là, je comprends que vous êtes
également en faveur de quelque chose comme ça?
M. D'Aragon (Frédérick) : En
fait, je veux juste être certain... Parce que des fois, on utilise le système
centralisé pour dire exemple qu'un hôpital... on va concentrer les activités,
donc, dans un établissement, là.
M. Fortin :...comme ça, là.
M. D'Aragon (Frédérick) : O.K.
Parfait. Ça fait que... En fait, oui, je suis d'accord... oui, je suis d'accord
avec Dre Hébert que, dans le fond, il doit y avoir une centralisation des
procédures de dons répartis dans l'ensemble des hôpitaux. En fait, on devrait
pouvoir faire des activités de dons dans chacun des hôpitaux de la province,
peu importe où on est situé.
M. Fortin :Très bien. Très bien et noté. Bon, vous êtes médecin
coordonnateur, vous êtes... chaire de recherche sur le don d'organes, alors
vous, vous comprenez et vous connaissez, là, le processus de... à partir,
disons, du décès jusqu'au... jusqu'à la transplantation, là, sur le bout de vos
doigts, je vais en profiter. Tantôt, vous avez dit : La grande majorité
des médecins avec qui je travaille ne procéderont pas, s'ils n'ont... s'ils
n'ont pas l'accord de la famille, là. Par «très grande majorité», vous voulez
dire tous les médecins, là, si je comprends bien, là? Ça ne se passe pas...
Aujourd'hui au Québec, ça ne se passe pas sans l'accord de la famille?
M. D'Aragon (Frédérick) : Ça
ne se passe pas sans l'accord de la famille.
M. Fortin :Est-ce qu'il y a une juridiction à travers le monde où ça
se passe sans l'accord de la famille? Parce que c'est quand même une... Puis je
vais me permettre de mettre un petit peu de contexte, là, c'est une des
questions qu'on entend régulièrement : Pourquoi ma famille devrait avoir
un veto sur ma décision personnelle? Et là, je ne suis pas en train de militer,
là, pour une chose ou une autre, j'essaie de comprendre, parce que les gens...
Il y a quand même un certain point derrière ça, et on le voit à travers
notamment l'aide médicale à mourir. On le voit à travers... Ça arrive des
membres de la famille qui ne sont pas d'accord avec... que ma mère utilise
l'aide médicale à mourir, que mon frère l'utilise pour toutes sortes de raisons.
Alors, pourquoi dans ce... dans ce dossier-ci, il y aurait un veto quand sur
l'aide médicale à mourir, il ne l'a pas? Et j'aimerais connaître votre
perspective peut-être plus globale, à savoir, ailleurs... Est-ce que c'est
partout pareil?
M. D'Aragon (Frédérick) : La
vaste majorité des pays. Où il y a un consentement présumé, ils vont quand même
autoriser le veto des familles. Je sais, par contre, qu'il y a des pays qui ne
le font pas, là. C'est ce qu'on appelle, en fait, le consentement présumé dur
versus le consentement présumé souple. Donc, le consentement présumé dur,
c'est : même si on veut... même si les familles expriment leur veto, en
fait, il ne sera pas reconnu, et on va aller de l'avant vers le don. En fait,
Singapour en est... de mémoire en est un, là. D'ailleurs, le rapport Cirano,
vous avez probablement entendu parler, le décrit plus en détail. Donc, oui, ça
se fait dans certains pays. Maintenant, la vaste majorité des pays, ça ne se
fait pas, là. Puis, bon, comme je vous mentionnais... je crois que c'est
tellement une question sensible... lorsqu'on arrive à cette étape-là, les
familles sont sous le choc. Il y a des éléments, comme je vous disais, qui
peuvent avoir changé. En fait, le patient peut avoir changé ses volontés, mais
ne l'a juste pas modifié dans... au registre de la RAMQ, qui est une... quand
même un effort colossal, là, de s'inscrire sur le registre de la RAMQ. Donc,
juste là, tu sais, ça devient un... c'est un enjeu, puis nous, bien, on est
pris avec cette situation-là. Donc, je pense qu'il n'y a pas de... il n'y a
pas... la vaste majorité de mes collègues n'iront pas... puis la preuve en est,
je ne pense pas qu'au Québec un docteur à ce jour est allé à l'encontre des
volontés de la famille.
• (11 h 20) •
M. Fortin :O.K. À travers les nombreuses discussions qu'on a eues sur
le sujet, là, au cours des derniers mois, dernières années, là, j'ai cru
comprendre quelque chose qui va à l'encontre de ce que vous nous présentez ici
dans votre mémoire, alors j'aimerais votre perspective là-dessus, là. Ce que
vous nous décrivez comme processus, c'est essentiellement... on valide à savoir
si la personne est un donneur de... si elle est inscrite au registre de la
RAMQ, si elle a signé sa carte, peu importe...
M. Fortin :...on valide ça et, après ça, on va voir la famille. Moi,
j'ai cru comprendre qu'au Québec, ce n'était pas toujours comme ça, que même
des gens qui ne se sont pas auto-identifiés, là, et donc qui ne sont pas sur le
registre de la RAMQ, qui ne sont pas au registre de la Chambre des notaires,
qui n'ont pas signé leur carte... que, pour ces gens-là, si on voit un donneur
en eux, un donneur potentiel, on va quand même voir la famille. Est-ce que
c'est le cas?
M. D'Aragon (Frédérick) : Oui,
absolument, là.
M. Fortin :O.K.
M. D'Aragon (Frédérick) : Vous
avez raison. Je m'excuse de la mauvaise compréhension, là, même...
M. Fortin :Non, non, c'est peut-être moi, là.
M. D'Aragon (Frédérick) : Non,
non, non. En fait, même si les gens n'ont pas signalé leur volonté d'être
donneur d'une quelconque manière, ils sont approchés. En fait, le fait qu'ils
soient inscrits au registre, c'est un outil qu'on va utiliser puis qu'on va
partager avec les familles lors de la rencontre, parce qu'on sait que le fait
que les... quand les familles sont au courant des volontés du donneur, bien,
généralement, ça l'aide à prendre une décision favorable vers le don, là,
mais...
M. Fortin :...la décision, là, aujourd'hui, là, dans le contexte
actuel, là, elle revient essentiellement toujours à la famille, là?
M. D'Aragon (Frédérick) : Oui.
M. Fortin :Toujours?
M. D'Aragon (Frédérick) : Oui.
M. Fortin :Donc, la volonté du patient décédé, là, elle n'a... puis je
ne le dis pas... je le dis... je constate ce que vous êtes en train de dire,
là, jusqu'à un certain point, elle n'a que très peu de valeur. Parce qu'il y a
des gens qui vont se dire... Dans le système actuel, O.K., de consentement
qu'on a, il y a des gens qui vont se dire : Moi, ma façon de dire non,
c'est de ne pas signer ma carte. Donc, il y a des gens qui, leur volonté
personnelle étant non aujourd'hui, croient qu'ils... en ne signant pas leur
carte, leurs organes ne seront pas utilisés, mais qui peuvent l'être quand même
s'ils n'ont pas eu la discussion familiale nécessaire.
M. D'Aragon (Frédérick) : Vous
avez raison.
M. Fortin :O.K. Alors, si on inverse la présomption, pour ces gens-là,
par exemple, qui ne veulent rien savoir, là, on pourrait dire qu'il y a presque
une... pour eux, il y a presque une protection additionnelle, là, c'est-à-dire,
s'ils ont pris le temps de signifier leur non-consentement, bien là, ça devient
plus difficile d'aller... d'aller voir la famille puis de dire : Oui, il a
signé sa... il a signé sa carte pour dire non, mais... L'argument devient plus
difficile, donc.
Tu sais, il y a des gens qui sont inquiets
de la présomption de consentement, là, il y a des gens qui sont inquiets du
fait que... puis je l'entends, là, dans les mémoires qui nous sont présentés
également, qui nous disent : Bien, faites attention, il pourrait y avoir
un enjeu de confiance envers le système avec le consentement présumé. Mais moi,
je me pose la question : Est-ce qu'il n'y a pas une protection
additionnelle pour les gens qui sont vraiment, vraiment, vraiment opposés à ça
puis qui prennent le temps de le dire?
M. D'Aragon (Frédérick) : Effectivement,
je dois admettre, c'est un point qui, en fait, est tout à fait valide, là. Ça
pourrait être un moyen d'effectivement exprimer sa volonté de manière encore
plus rigide, oui, oui.
M. Fortin :Parce qu'on a raison de s'inquiéter du... de ce que ça
pourrait vouloir dire, le consentement présumé, là, sur la confiance envers le
système. Puis on le voit encore dans l'aide médicale à mourir. Il y a encore
des gens dans notre société, là, qui pensent que les hôpitaux vont aller
chercher ou vont vous pousser vers une certaine décision ou une autre, il y a
des gens qui pensent ça dans notre société, même avec toutes les barrières,
avec toutes les protections, avec toutes les restrictions qui ont été mises de
l'avant, qui sont, selon moi, tout à fait convenables, là, mais il y a des gens
qui pensent ça. Alors, je pense que c'est... on a un devoir quand même de
rassurer des gens qui ont une opposition à ça. Moi, personnellement, j'y vois
une certaine forme de protection, tout en s'assurant qu'on a un bassin
additionnel.
Mais je vous entends, là. Tu sais, vos
sept recommandations sont quand même claires, sont quand même à l'effet qu'il y
a beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail à faire dans tout le reste pour
s'assurer qu'on... qu'on améliore le système. Alors, moi, je les prends, là,
telles quelles, vos recommandations, puis, quand on fera le tour ensemble,
entre collègues, je pense qu'ils méritent tous et toutes une vraie discussion.
Je vous remercie. Moi, M. le Président, ça
va de mon côté. Je ne sais pas si ma collègue a quelque chose.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, je vais céder
la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour, docteur D'Aragon. Merci d'être... d'être là. Vous parlez
beaucoup des moyens d'accroître le nombre de dons puis vous regrettez en
quelque part que certains hôpitaux ou en tout cas certains établissements sont
peut-être moins proactifs puis que, bon... peut-être pas les moyens non plus,
ou peu importe les raisons, bref. Mais la témoin qu'on a entendue juste avant
vous, docteure Hébert, que vous connaissez puis que vous avez... dont vous avez
entendu le témoignage, nous disait : Faites attention parce qu'en ce
moment accroître le nombre de dons, là, c'est probablement nous... puis je vais
paraphraser ce qu'elle a dit, là, c'est probablement nous condamner à sacrifier
des organes qu'on aura... qu'on aura pris de donneurs parce qu'on ne sera pas
capables de compléter la chaîne jusqu'aux récepteurs...
M. Marissal : ...vous êtes
d'accord avec ça?
M. D'Aragon (Frédérick) : Absolument.
Il y a un enjeu du côté de la transplantation qui est majeur.
M. Marissal : Mais je
comprends néanmoins que vous voudriez accroître le nombre de dons, là, puis
ça... puis c'est probablement ça, le but de l'objectif ici aussi, mais Dre
Hébert a quand même sonné deux, trois cloches, là, dans notre esprit, en
disant : Bien, ne faites pas ça maintenant, comme ça, ne vous garrochez
pas là-dedans, autrement dit, et encore une fois, je la paraphrase. Parce qu'il
y a des familles qui vont consentir, ils vont faire des efforts, puis à la fin,
c'est plate, mais on va les jeter, les organes, parce que c'est ça, à la fin,
là, c'est crument dit, là, mais c'est ça ainsi. Donc, dans l'ordre, il faudrait
d'abord, je crois, si je comprends bien, s'assurer que la chaîne est solide et
que ça fonctionne. O.K., on s'entend bien là-dessus.
Vous dites, par ailleurs, dans votre
recommandation numéro trois : «Renforcer la loi actuelle sur l'obligation
de référer un donneur potentiel à Translant Québec en mettant l'obligation sur
les professionnels de la santé en opposition au directeur des services
professionnels, afin d'identifier les donneurs potentiels en temps opportun».
Quand vous dites : «En opposition», en fait, c'est que vous faites
référence à ce qui est prévu en ce moment dans le Code civil. C'est bien ça que
je comprends, là, pas une opposition physique sur le terrain, c'est qu'en ce
moment, le Code civil dit : Le directeur médical doit... a la
responsabilité légale, puisque c'est dans le Code civil, mais ça donc ça ne
marche pas ou si ce n'est pas... ce n'est pas optimal.
M. D'Aragon (Frédérick) : Non,
ce n'est pas optimal.
M. Marissal : Pourquoi ce
n'est pas optimal? Parce que... comme... c'est une responsabilité légale de
quelqu'un qui est nommé en autorité dans un hôpital ou dans... par son établissement
de santé. Il me semble, ce n'est pas optionnel là, si tu acceptes cette
responsabilité là, il faut le faire, là.
M. D'Aragon (Frédérick) : En
fait, je pense que le directeur des services professionnels a beaucoup d'autres
choses à faire et surtout, il n'est pas sur le terrain lorsqu'on a un donneur
potentiel aux soins intensifs. Bon, il peut... il peut faciliter le processus
d'identification, etc. Mais d'où pourquoi je pense que ça doit être aux gens
qui sont sur le terrain, qui doivent faire la référence et non pas seulement
s'en remettre à un tiers. Donc, on devient par défaut plus imputable
directement comme individu et non pas sur un tiers qui n'est pas là en fait
dans la prestation des soins.
M. Marissal : Je comprends
bien, puis, à votre, donc, recommandation trois, vous dites : Les
professionnels de la santé, vous pensez exclusivement aux médecins ici, aux
spécialistes ou à peu importe dans l'équipe quelqu'un qui ferait la référence?
M. D'Aragon (Frédérick) : Surtout
pas, surtout pas les médecins... en fait, pas juste les médecins, je devrais
dire, les infirmières, les inhalos, tout le monde.
M. Marissal : O.K., en ce
moment, est-ce que c'est possible de le faire dans le système actuel?
M. D'Aragon (Frédérick) : Oui,
ça se fait à l'heure actuelle, même, en fait, dans notre centre hospitalier,
les infirmières vont faire des des références à... au personnel dédié en dons,
parce qu'on a le privilège d'avoir une ressource en dons, et ainsi de suite.
Donc, oui, ça se fait.
M. Marissal : O.K., donc de
facto, là, ce qui est dans le Code civil puis la responsabilité du directeur
des soins... des soins... des soins médicaux, on a déjà une autre façon plus
rapide de le faire et plus directe. C'est ça que vous me dites?
M. D'Aragon (Frédérick) : Exact.
Puis je pense qu'on pourrait... il y a... les autres centres hospitaliers
pourraient aussi faire ça, là, je...
M. Marissal : O.K. Donc, ça,
ce n'est pas un immense problème, là, ça pourrait se faire. Vous dites qu'il
faut développer une culture positive du don. Moi... moi, j'avais comme
l'impression que dans le milieu médical, et en particulier milieu hospitalier,
il y avait déjà une culture positive du don.
M. D'Aragon (Frédérick) : Écoutez,
je pense qu'il y a une culture positive du don à plusieurs égards, mais ce
serait faux de dire que c'est généralisé, ne serait-ce que pour les enjeux
d'accès au bloc opératoire et le prélèvement. Souvent, les... exemple, les
commentaires qu'on pourrait me mentionner, c'est : Bien là pourquoi qu'on
va aller prélever des organes quand j'ai des patients qui sont sur une liste
d'attente pour des chirurgies pour un cancer. C'est de l'opposition qu'on...
vous voyez, on nous met dans une espèce de dualité qui... puis ça, bien, ça
fait en sorte que ça... Quand je parle de culture, là, positive du don, bien,
voici... en voici un contre exemple, là. Tu sais, je veux dire, on va sauver
des vies aussi, en fait, on va vraiment sauver quatre vies, trois vies en
faisant le prélèvement. C'est probablement parce qu'on ne le voit pas, exemple,
de manière concrète, mais on va sauver des vies comme on va sauver des vies
pour des chirurgies oncologiques. Je trouve qu'on met ça en opposition, alors
que ça n'a pas lieu d'être. Donc, voici un exemple.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Provençal)
:Deux minutes.
M. Marissal : Deux minutes.
Vous dites qu'on échappe entre 10 et 20 %, là, vous donniez l'exemple que
s'il y a un hôpital en région en échappe un, bien, avant qu'il y en ait un
autre, ça pourrait prendre des semaines je présume, ou je ne sais trop. 10 à
20 %, ça représente combien de donneurs, selon vous, qu'on échappe, là,
dans vos calculs?
M. D'Aragon (Frédérick) : Écoutez,
vite comme ça, là, 10 à 20 %. Je vous dirais facilement... on
additionnera... 160...
11 h 30 (version non révisée)
M. D'Aragon (Frédérick) : ...11
donneurs par année, probablement alentour d'une vingtaine, là, plus qu'une
vingtaine de donneurs réalisés, là.
M. Marissal : O.K. Très bien.
Dernière question. Vous voulez faciliter l'accès aux données à la recherche. J'ai
bien compris votre frustration tout à l'heure quant à l'accessibilité. Puis on
a eu des débats ici, là, dans cette pièce et dans cet immeuble, assez souvent,
sur l'accessibilité et la circulation des données, là, on n'est pas tous d'accord
sur toutes les façons de le faire, mais j'avais cru comprendre, néanmoins, de
la dernière législature et celle-ci, qu'on a quand même adopté deux ou trois
lois qui favorisaient ça. Et là mon esprit est gravement perturbé par l'expérience
du p.l. n° 15 qui nous a occupés pendant quasiment un an ici, là, mais on
a quand même fait le p.l. n° 11, le p.l. n° 37, je croyais que nous
avions quand même tenté d'améliorer la situation pour des chercheurs comme
vous.
M. D'Aragon (Frédérick) : Écoutez,
je vous avoue, là-dessus, c'est possible... c'est possible que j'aie manqué
des... la modification des articles de loi, en toute franchise, là.
M. Marissal : Faites-vous-en
pas, j'étais là puis je ne me souviens pas de tout, ça que, tu sais.
M. D'Aragon (Frédérick) : Tant
mieux. Tant mieux s'il y a eu des modifications, je suis content de l'apprendre,
là.
M. Marissal : Bien, je vous
invite quand même à aller regarder. Je le vais faire aussi, retourner à mes
devoirs là, mais p.l. n° 11 notamment, p.l.... mes collègues me
corrigeront, là, 37, ou, en fait, je les mélange, là, parce qu'on en a... Mais
il y a eu... il y a eu des... certaines avancées, en tout cas, théoriques, là,
qui restent à confirmer sur le terrain. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Dr D'Aragon, pour
votre participation à nos travaux. Sur ce, je vais suspendre les travaux pour
permettre aux prochains groupes de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 33)
(Reprise à 11 h 35)
Le Président (M. Provençal)
:Nous allons poursuivre maintenant
cette séance de consultations particulières avec les représentants de la
Fondation canadienne du rein. Alors, je vous rappelle que vous aurez 10 minutes
pour votre présentation et je vous cède immédiatement la parole.
Mme Desjardins (Elsa) : Merci,
M. le Président. Et bonjour à tous les élus présents aujourd'hui. Je me
présente, Elsa Desjardins, la toute nouvelle directrice générale de la
Fondation du rein. Aujourd'hui, avec vous, notre équipe est très heureuse de
prendre part à ces consultations, car la question du don d'organes, notamment
le don du rein, sont des sujets de grande importance pour l'ensemble des
Québécoises et des Québécois.
Il faut se rappeler qu'un Québécois sur 14
est atteint d'insuffisance rénale ou à risque de l'être. Puisque nous sommes
maintenant 9 millions d'habitants au Québec, la Fondation du rein...
Mme Desjardins (Elsa) : ...la
voix de 643 000 Québécois. Au Québec, comme c'est le cas ailleurs dans le monde,
le rein est l'organe le plus demandé sur la liste d'attente pour une
transplantation. À la fin de l'année 2022, 72 % des Québécois est
atteint d'une transplantation... était en attente d'une transplantation, ont
besoin d'un rein. Toujours en 2022, seulement 266 personnes ont reçu ce
don vital. À moins d'avoir une greffe de rein réussie, une personne en
attente... pardon, une personne atteinte d'une maladie rénale peut passer un
minimum de 1 000 heures
en dialyse par année, ce qui représente quatre à 5 heures par jour, trois
jours par semaine, lundi, mercredi, vendredi en dialyse pour le restant de leur
vie. Le sujet que nous abordons aujourd'hui est d'une importance capitale, don
d'organes au Québec, un appel urgent à l'action de la Fondation du rein pour
sauver des vies. Nous sommes ici pour une action, pour transformer ces chiffres
en espoir, ces attentes en vies sauvées.
Je termine en vous confirmant que la
Fondation du rein et l'ensemble de son écosystème, de sa communauté est prête à
travailler avec vous... est prête à travailler avec vous, à collaborer
activement à cet important chantier.
Je cède maintenant la parole à Francine
Labelle, la directrice générale sortante de la Fondation du rein, qui vous
présentera nos constats et nos recommandations. Merci.
Mme Labelle (Francine) : Merci,
Elsa. Bonjour à toutes et à tous. Ça me fait vraiment plaisir d'être ici
aujourd'hui. J'ai un plaisir très, très spécial en ce moment. Alors, pour
respecter le temps alloué, je vais vous résumer de façon très succinte, parce
qu'on est plusieurs, les constats et les recommandations de la Fondation du
Rein. Mes collègues et moi pourrons ensuite, lors de la période d'échange, vous
donner plus de détails. Alors, le mémoire de la Fondation comporte au total six
constats et huit recommandations. Notre premier constat porte sur les progrès
réalisés et ce qu'il reste à faire en matière de don et de transplantation
d'organes. Alors, certains progrès ont été réalisés au cours des
10 dernières années, notamment le temps d'attente des personnes
transplantées de rein a diminué de 60 %. C'est une bonne nouvelle.
Néanmoins, il subsiste des obstacles majeurs. Alors, à ce sujet, notre première
recommandation est d'optimiser l'identification et l'évaluation des donneurs
potentiels ainsi que le prélèvement des organes partout au Québec. Nous
recommandons l'instauration dans chaque centre hospitalier d'un programme de don
d'organes avec des ressources dédiées, des cibles à atteindre et une reddition
de comptes. Le but est vraiment de responsabiliser les équipes afin d'éviter la
perte d'organes.
Toujours concernant ce premier constat,
notre deuxième recommandation est d'investir dans une campagne provinciale de
sensibilisation et d'éducation de la population afin de conscientiser tant les
jeunes que les moins jeunes. Deuxième constat : le manque de
référencement. Alors, en comparaison avec les autres provinces canadiennes, la
performance des hôpitaux du Québec quant au nombre de donneurs d'organes
potentiels identifiés et référés est faible. Alors, à titre d'exemple, en 2021,
seulement 724 donneurs potentiels ont été référés, alors que la moyenne...
la moyenne de référencement annuel de l'Ontario se situe entre 5 000 et 6000. Sur ce point,
notre recommandation est d'accroître la formation sur l'identification des
donneurs potentiels et sur l'importance du don d'organes auprès de tous les
professionnels de la santé. Les résultats le démontrent, une meilleure
identification des donneurs potentiels mène à une augmentation du nombre de
dons d'organes.
• (11 h 40) •
Passons à notre troisième constat, les
avantages et les difficultés de la greffe provenant d'un donneur vivant, du
point de vue d'une personne souffrant d'insuffisance rénale. Parmi les
avantages de la greffe provenant d'un donneur vivant, elle représente
généralement le meilleur traitement. Le taux de survie est de près de 90 %
après cinq ans. Le greffon demeure fonctionnel en moyenne de 15 à 20 ans.
Les principales difficultés, la démarche des donneurs vivants est lourde et
longue. Le soutien financier est déficient. En premier lieu, nous recommandons
de présenter l'option du don...
Mme Labelle (Francine) : ...à
tous les patients admissibles à la greffe rénale et d'attribuer les ressources
nécessaires pour réaliser ces transplantations rapidement. Deuxièmement, nous
recommandons d'accroître les ressources financières permettant le soutien des
donneurs vivants potentiels en bonifiant le programme de remboursement des
dépenses, qui a été mis en place en 2011. Les résultats enregistrés en
Nouvelle-Zélande sont particulièrement éloquents à ce sujet.
Quatrième constat, le refus des familles
de donneurs décédés. Sur ce plan. Toute augmentation de dons d'organes
provenant de donneurs décédés représente, pour les milliers de personnes en
attente d'une greffe, un espoir de survie et de meilleure qualité de vie. Nous
recommandons donc de sensibiliser et de soutenir les familles des donneurs
décédés pour que leurs volontés soient respectées. L'Alberta, avec le programme
qu'elle a instauré en 2021, peut être un bon exemple à suivre.
Notre cinquième constat, le coût de
l'hémodialyse comparativement à celui de la greffe rénale. Je vous rappelle
qu'à la fin de 2022 72 % des Québécoises et des Québécois sur la liste des
personnes en attente d'un don d'organes avaient besoin d'un rein. La greffe
rénale peut engendrer des économies substantielles pour le système de santé. En
comparant les coûts de l'hémodialyse et de la greffe rénale, nous estimons que
les économies, sur 10 ans, peuvent dépasser les 100 millions de
dollars. Je vous invite d'ailleurs à consulter le tableau qui paraît dans le
mémoire. Notre recommandation est de mieux soutenir la pratique de la greffe
rénale. L'étude réalisée pour le compte de la fondation démontre clairement que
celle-ci est optimale à plusieurs points de vue.
Enfin, notre sixième et dernier constat,
le consentement présumé. En Nouvelle-Écosse, où une loi prévoyant le régime de
consentement présumé en matière de don d'organes et de tissus est en vigueur
depuis 2021, une première en Amérique du Nord, on observe, cependant, que la
méconnaissance de la loi soulève des enjeux éthiques auprès de la population.
Étant donné qu'il y a d'autres facteurs qui jouent un rôle dans l'augmentation
des dons d'organes et de tissus, la fondation recommande d'étudier sérieusement
les expériences qui sont en cours ailleurs, et d'explorer également les autres
solutions qui permettent d'augmenter le nombre de donneurs, et qui ont connu
des résultats probants dans d'autres pays.
En conclusion, il reste un important
travail à faire sur le don d'organes et de tissus au Québec et, par le fait
même, la transplantation. Pour les Québécoises et les Québécois, le don
d'organes et de tissus est associé à un potentiel de vie sauvée, et la
fondation du rein souhaite vraiment, et vivement, que ses recommandations
contribuent à sauver plus de vies.
En terminant, je vous présente ma collègue,
Hélène Boisvert, directrice des programmes et services aux patients à la
fondation, qui se joindra à nous pour répondre à vos questions lors de la
période d'échange. Je cède maintenant la parole à Sylvie Charbonneau, une
grande bénévole de la fondation, qui témoignera brièvement de son expérience
comme donneuse vivante. Merci beaucoup de votre attention.
Mme Charbonneau (Sylvie) : Merci,
Francine. Quand mon fils était dans la mi-vingtaine, il a reçu un diagnostic de
maladie rénale terminale, ce qui allait, nécessairement, le mener vers la
dialyse ou la greffe d'organe. Mon coeur de maman a parlé rapidement, j'ai levé
la main et j'ai demandé qu'est-ce que je devais faire pour devenir une donneuse
vivante. À ce moment-là, ce que je ne savais pas, c'est que j'allais
m'embarquer dans un processus long et irritant. Long, parce que, dans un
premier temps, la fonction rénale de mon garçon était à 25 %, et j'ai dû
attendre qu'elle baisse jusqu'à 15 %, donc que sa santé se détériore, pour
que mon évaluation démarre. Longue et irritante, parce que, quand j'ai commencé
mon évaluation, j'ai été très, très bien traitée, mais j'ai dû appeler,
insister, pousser pour faire céduler mes examens et pour avoir mes résultats.
Ça a pris 12 mois avant que je sois qualifiée comme donneur, et, par la suite,
j'ai... on a dû attendre quatre mois pour avoir une date d'opération, parce
qu'on avait un manque de ressources, et il n'y avait pas de salle d'opération
disponible. Alors, Benoît a vécu avec ce rein-là pendant une dizaine d'années
et, bien, il fait partie des 30 % qui ont eu un rejet, alors on est
retournés à la case départ 10 ans plus tard. Mon mari et ma soeur se sont
proposés...
Mme Charbonneau (Sylvie) : ...comme
donneurs, même s'ils n'étaient pas compatibles. Ils ont accepté d'embarquer
dans le programme canadien de don croisé, mais on s'est retrouvés à la même
place. L'évaluation de mon mari a pris 15 mois. Pendant ce temps, mon garçon
était en dialyse.
Alors, j'aimerais vous laisser avec trois
questions. La première : Si c'était un de vos êtres chers, et que vous
aviez accepté de lui donner un rein, accepteriez-vous ces délais-là? Si c'était
votre enfant qui attendait un rein, est-ce que vous accepteriez qu'il soit
obligé d'aller en dialyse parce qu'on n'a pas les ressources et on n'a pas les
salles d'opération pour faire une greffe? Et enfin, si c'était votre enfant,
est-ce que vous accepteriez qu'on mette en péril sa qualité de vie et sa survie
parce qu'on n'a pas référé à un donneur décédé? Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Mme la députée de
Bonaventure.
Mme Blouin : Un immense merci
pour ce partage-là, vraiment. Salutations à vous toutes, et félicitations, Mme
Desjardins, pour votre nomination, félicitations à la directrice sortante
également. Très touchée par votre partage. En fait, c'était en lien avec mes
premières questions. Je voulais qu'on parle un peu... que vous nous expliquiez
c'est quoi, le quotidien d'une personne qui vit avec une insuffisance rénale.
On a parlé beaucoup des délais administratifs. Peut-être quelques mots sur le
quotidien, ça ressemble à quoi. Mais aussi, j'aimerais savoir qu'est ce que ça
change pour un donneur vivant. En quoi sa vie est changée après avoir donné un
rein? Est-ce qu'il y a des impacts?
Mme Charbonneau (Sylvie) : Il
y a beaucoup de choses dans votre question. La première chose que j'aimerais
vous dire, c'est que Benoît va bien aujourd'hui, il a, finalement, eu une deuxième
greffe d'un donneur décédé qui venait de l'Ontario, un jeune qui est décédé
dans un accident à 28 ans, mais dont les parents ont accepté de respecter la
volonté.
Le quotidien d'une personne qui est en
insuffisance rénale, c'est... En fait, les maladies rénales, c'est des maladies
silencieuses. Quand on se rend compte qu'on a une maladie rénale, il est,
souvent, très tard. Les premiers symptômes, c'est de l'immense fatigue, des
maux de coeur, des maux de tête, de l'irritation de la peau, du froid. On a
toujours froid, froid au point, là, où mon garçon portait une veste chauffante
l'été, alors, une veste chauffante de ski l'été. Il y a des gens qui sont
incapables de continuer à travailler. Mon garçon a toujours eu la fierté de
continuer à travailler, mais... il allait travailler. Il suivait un régime
extrêmement sévère, il avait droit à sept onces de protéines par jour. Il
mesure 6 pi 1 po, il pesait 200 livres. La dernière année
avant la greffe, il a perdu 40 livres. Il était de plus en plus fatigué, de
moins en moins d'énergie. Et c'est un nageur, puis il n'avait plus l'énergie
pour faire son sport. C'était un nageur d'assez haut niveau. Donc, c'est comme
des pertes un peu partout, hein, c'est plein de moments de la vie qu'on doit
abandonner.
De mon côté, c'est sûr qu'il y a l'année
où j'ai été évaluée, où j'ai eu des... où j'ai eu à m'absenter du bureau parce
que j'avais à passer des examens, mais, outre ça, aujourd'hui je considère que
je suis en meilleure santé qu'avant d'avoir donné un rein, parce que ça m'a
permis de réaliser à quel point la santé, c'est un don précieux. Mon garçon,
après sa greffe, a participé aux jeux mondiaux des greffés. Il m'a poussé à
participer avec lui, donc je me suis entraînée depuis. J'ai 67 ans, je ne
prends aucun médicament et je n'ai aucun régime spécial. J'ai fait une
convalescence d'un mois, c'est tout.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Vraiment, je pense qu'on est tous touchés par ce témoignage-là ici. Ce serait
quoi, les moyens, à votre avis, pour faire connaître davantage le don vivant du
rein auprès de la population québécoise?
Mme Charbonneau (Sylvie) : C'est
sûr que ça prend tout un programme, je pense, d'éducation, d'éducation auprès
de la population, mais ça prend aussi un programme d'éducation auprès du... des
professionnels de la santé, qui, aujourd'hui, n'osent pas nécessairement
parler, à un patient qui est en dialyse ou un patient qui est en prédialyse,
que le don vivant est une option.
On a parlé de la Colombie-Britannique
tantôt. En Colombie-Britannique, il y a un programme où, quand quelqu'un est
identifié comme étant un potentiel receveur de rein, on va l'aider, en lui
donnant une formation, à se trouver un donneur vivant, alors qu'ici au Québec,
ça ne se fait pas. Et, en plus, au Québec, quand on est un donneur vivant, il
faut appeler pour émettre, énoncer notre volonté, puis il faut appeler pour
s'assurer qu'on va commencer la démarche. Moi, je suis une tête dure, là, mais,
je vais vous dire, quelqu'un qui n'est pas une tête dure, ça va prendre du
temps avant qu'il soit évalué comme donneur vivant.
• (11 h 50) •
Mme Blouin : Ce serait quoi,
les améliorations qui pourraient être apportées au programme de remboursement
des dépenses pour les donneurs vivants, justement? Puis qu'est-ce qui est fait?
On a parlé de la Nouvelle-Zélande tout à l'heure. Qu'est-ce qui est fait
là-bas? Qu'est-ce qu'on peut faire?
Mme Labelle (Francine) : Bien,
en fait, la Nouvelle-Zélande a instauré un système où 100 % des frais sont
remboursés aux donneurs vivants, et, en trois ans, si ma mémoire est bonne, le
nombre de donneurs vivants a triplé...
Mme Labelle (Francine) : ...alors,
c'est un exemple. Comme je le disais tout à l'heure, le système... le
programme, ici, a été instauré en 2011. Juste de l'actualiser, ça pourrait être
une belle amélioration. Mais le programme actuel, il est vraiment un programme
de dernier recours, parce que les dépenses sont remboursées une fois qu'on a
utilisé toutes les autres sources de revenus possibles, puis on parle d'à peu
près 400 $, là par semaine. Alors, on ne va pas loin avec 400 $ par
semaine aujourd'hui.
Mme Charbonneau (Sylvie) : J'aimerais
compléter. Quand on est un donneur vivant, c'est sûr qu'il y a des journées
d'absences pour les tests. Ce n'est pas tous les employeurs qui couvrent ces
journées d'absences là, ce n'est pas tous les employeurs qui vont couvrir la
période de convalescence. Puis il y a des dépenses afférentes. Si on est
dans... en Abitibi puis on doit se déplacer à Québec pour aller faire ses examens,
ce n'est pas juste une absence du travail d'une journée, il y a du déplacement,
etc. Et je veux rajouter un point. Les donneurs vivants, c'est des gens qui
sont en excellente santé. On ne peut pas se mettre à risque pour sauver la vie
de quelqu'un d'autre. Il y a des compagnies d'assurances qui, aujourd'hui,
refusent d'assurer des donneurs vivants pour de l'assurance invalidité long
terme, de l'assurance vie et de l'assurance voyage parce qu'ils ont donné un
rein, alors que c'est des gens qui viennent de passer un examen médical
approfondi et qui sont en excellente santé.
Mme Blouin : Merci beaucoup.
Je pense que ma collègue de Bellechasse...
Le Président (M. Provençal)
:...
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Merci pour votre présence, mesdames. Votre témoignage, Mme, est très
touchant. Votre histoire est éloquente, il faut le dire. J'aimerais revenir sur
ce que vous avez mentionné, parce qu'évidemment on commence cette commission
puis on n'a pas toutes les connaissances, que vous avez déjà, probablement, a
priori. Vous avez parlé que votre fils avait pu bénéficier d'un donneur de
l'Ontario. Donc, ça veut dire qu'actuellement il y a une coordination qui se
fait avec les autres provinces.
Mme Charbonneau (Sylvie) : Il
y a une coordination aussi qui se fait avec les autres provinces dans les cas
de ce qu'on appelle les hyperimmunisés, c'est-à-dire que, quand on a eu une
première greffe et qu'on fait un rejet, ça veut dire que notre corps a
développé des anticorps additionnels, et ce que ça fait, c'est que trouver un
donneur compatible devient extrêmement difficile, dans certains cas, ça prend
presque un jumeau identique. Alors, pour augmenter la chance de ces gens
hyperimmunisés à se trouver un donneur, il y a une liste pancanadienne qui est
partagée. Parce que, sinon, si on restait dans la province, les gens
hyperimmunisés auraient très, très peu de chances de se faire greffer. Le
néphrologue de mon garçon lui avait dit quand il a fait son rejet :
Attends-toi à faire de la dialyse au moins cinq ans. Et finalement, parce qu'il
y a ce programme-là pancanadien pérennisé, il a reçu un don après sept mois.
Mme Lachance : D'accord. Vous
avez aussi mentionné un peu les dédales ou la difficulté que vous avez eue à
faire un don de votre vivant et, précédemment, une des médecins qui est venue
nous rencontrer à cette commission nous mentionnait que le don d'organes
n'était pas une fin en soi, et on comprend que ce qui est important, c'est la
greffe. Dans votre témoignage, ce que vous mentionnez, quand vous mentionnez
les étapes fastidieuses auxquelles vous avez été confrontées, ça nous remet
évidemment une réalité qui est bien difficile, c'est l'organisation en amont
pour les transplantations. Auriez-vous des recommandations... de partager par
votre vécu, à faire pour l'organisation? Qu'est-ce qui faisait que c'était
aussi fastidieux?
Mme Charbonneau (Sylvie) : En
fait, ce qui fait que... Je veux d'abord vous parler d'une de mes réactions
quand j'étais dans ce processus-là. J'ai longtemps dit à mon mari quand...
surtout quand on était dans la période d'attente pour la chirurgie, parce que
j'avais été acceptée, je lui disais : Je n'ai jamais eu de pensées
suicidaires, mais, si je mourais ce soir, Benoit serait greffé dans les prochains
48 h. Parce que je suis en santé, je ne le sais pas, quand est-ce que ça
va se passer. Puis ça s'est passé quatre mois plus tard. Puis je peux vous dire
que cette période-là, elle est anxiogène parce qu'on ne veut pas tomber malade,
on ne veut pas se blesser parce que ça remet tout en question. Dans le
processus d'évaluation, ce qui est difficile, c'est qu'on cédule un examen, on
attend les résultats. Puis là, moi, j'appelais pour avoir mes résultats parce
qu'on ne me rappelait pas. Puis là, après, si les résultats sont bons, on
cédule le deuxième examen. Ça fait que c'est des tests de sang, des tests
d'urine, un cardiogramme avec effort, une radio des poumons, et là, etc. Donc,
à chaque fois, il y a un délai. Si on... par exemple, on disait : Quand on
a un donneur vivant, on prend un certain... on prend une journée complète pour
faire les tests de base, mais, au lieu d'être appelé à l'hôpital six...
Mme Charbonneau (Sylvie) : ...je
suis là une journée, puis on passe les tests de base. Donc, ça, ce serait des
moyens qui permettraient de faire en sorte que l'évaluation du donneur se fait
beaucoup plus rapidement. Puis, honnêtement, là, nous autres, on est passé
minuit moins une, la première fois, le néphrologue de mon garçon lui avait
dit : Si vous n'êtes pas greffé avant Noël, tu passes en dialyse en
janvier. Donc, il faut améliorer la capacité d'évaluer les donneurs beaucoup
plus rapidement que ce qu'on fait aujourd'hui. Je ne sais pas si j'ai répondu à
votre question.
Mme Lachance : Oui, vous
répondez à ma question, et vous aviez aussi mentionné qu'il devenait sur une
liste après avoir atteint une certaine incapacité rénale, oui, 25, 15...
pouvez-vous me réexpliquer?
Mme Charbonneau (Sylvie) : Oui.
Alors, quand... quand le néphrologue de mon garçon lui a dit : Il va
falloir que tu aies une greffe ou que... tu passes en dialyse, sa fonction
rénale fonctionnait à 25 %. Pour que la... pour que la greffe dure le plus
longtemps possible, on atteint de greffer quand la fonction rénale baisse en bas
de 15 et parfois même de 10. Cela dit, il y a des provinces qui, même si le
receveur est à 25 %, vont commencer l'évaluation du donneur à ce moment-là
pour faire en sorte que, quand le receveur arrive à 15 %, le donneur est
prêt. Donc, on... on diminue les délais et en plus on évite beaucoup plus la
dialyse. La dialyse, c'est dur sur la santé, c'est dur sur le corps.
Mme Lachance : Merci
beaucoup, Mme.
Mme Charbonneau (Sylvie) : Ça
fait plaisir.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Dorismond : Bonjour. Dans
la même continuité, moi, j'étais vraiment surprise, pourquoi attendre que le
rein soit efficace à 15 %? C'est qui, qui établit ces critères-là?
Mme Charbonneau (Sylvie) : C'est
une bonne question. Ma compréhension, c'est que c'est la majorité des personnes
qui travaillent en transplantation qui... en tout cas, pour le rein, qui arrive
à la conclusion que moins de 15 ou de 10 % de fonction rénale, là, une
personne a de la difficulté à fonctionner au quotidien. Jusque-là, on peut
toujours continuer à fonctionner. Il y a beaucoup de fatigue, des maux de cœur,
des maux de tête, rendu là. Mais plus on greffe tard, plus la personne a de
chance de vivre plus vieille avec la greffe actuelle.
Mme Dorismond : C'est une
question médicale?
Mme Charbonneau (Sylvie) : C'est
une question d'espérance de vie. C'est ce que... c'est comme ça qu'on me l'a
expliqué.
Mme Dorismond : Puis vous,
vous croyez vraiment que... on pourrait débuter le processus avant d'attendre.
Mme Charbonneau (Sylvie) : Bien,
tout au moins de débuter le processus du donneur, parce que, quand... si on
commence à évaluer le donneur au moment ou le receveur est prêt à recevoir, on
a perdu du temps. On aurait pu évaluer le donneur avant pour que le jour où le
receveur est à 15 %, la greffe se fait là.
Mme Dorismond : O.K., je
comprends. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Autres questions? C'est beau. M. le
député de Pontiac.
M. Fortin :Merci, M. le Président. Bonjour, Bonjour à vous quatre.
Nous aussi, ça nous fait quelque chose de pouvoir discuter de ces enjeux-là
aujourd'hui puis de pouvoir faire, on l'espère, là, évoluer le Québec sur ces
questions-là. Mme la directrice générale, je dois dire que, pour une nouvelle
directrice, vous avez su très, très bien vous entourer dès le début.
J'aimerais... je vais commencer sur la question des donneurs potentiels. Vous y
faites référence, là, dans votre mémoire, vous avez parlé de la difficulté de
référencement au Québec, entre autres comparativement à l'Ontario. Et les
chiffres sont... sont... je ne veux dire pas surprenant, mais éloquent, disons,
là. Je vais quand même me permettre de les répéter. En 2021, seulement
724 donneurs potentiels ont été référés par les hôpitaux de la province,
en Ontario, la moyenne annuelle se situe entre 5 000
et 6000. L'Ontario est plus gros que le Québec, mais pas tant que ça. Qu'est-ce
qui... qu'est-ce qui, selon vous, là, fait en sorte que cette situation-là se
produit et qu'est-ce qu'on peut faire à court, moyen terme, là, pour y
remédier?
Mme Labelle (Francine) : Bien,
ça revient un peu à ce qu'on mentionnait dans le premier constat, tout part de
l'identification et de l'évaluation des donneurs potentiels, puis dans le
deuxième constat aussi de la formation des professionnels de la santé pour que
tout le monde soit toujours sur le bout des orteils, pour être prêt justement à
référencer un donneur potentiel puis éventuellement passer à la transplantation.
• (12 heures) •
M. Fortin :O.K. J'imagine que, quand vous parlez de la formation, là,
c'est surtout beaucoup en accompagnement des familles, là, on parle de donneurs
décédés, là, mais une grosse partie de ce que vous nous avez présenté et des
discussions que vous avez eues jusqu'à maintenant portent sur la question du
don vivant. Il y a quelque chose que vous avez dit d'entrée de jeu qui...
12 h (version non révisée)
M. Fortin :...qui est venu nous chercher, là. On n'en parle pas aux
patients, de cette possibilité-là, c'est-à-dire, on dirige essentiellement le
patient vers la dialyse en attendant un don d'organe éventuel, un don de rein
éventuel, là, d'un donneur décédé. Pourquoi ça reviendrait au patient et
pourquoi, vous pensez... selon votre expérience comme fondation, là, pourquoi
on n'en parle pas aux patients de cette possibilité-là?
Mme Charbonneau (Sylvie) : C'est
une bonne question. Je pense que ça ne se fait pas partout. Il y a des
néphrologues qui, systématiquement, vont parler du don vivant. Moi, j'ai déjà
entendu des gens dire : On ne devrait pas opérer quelqu'un qui n'est pas
malade. Donc, il y a certaines... il y a, dans certains cas, une réticence à
opérer un donneur vivant, parce que cette personne-là n'est pas malade. Je
pense aussi que, dans certains cas, on connaît les limites du système, puis,
bien, évaluer un donneur vivant, c'est des examens supplémentaires, c'est des
ressources qui doivent être là pour faire l'évaluation du donneur, qui se
rajoutent. Alors que, quand on a un donneur cadavérique, bien, la personne,
elle est là, elle est décédée, on va aborder la famille, il va se faire
quelques tests, notamment le test de compatibilité, bien sûr, mais le processus
est beaucoup plus restreint. Alors, je pense qu'il y a une question de
disponibilité de ressources.
M. Fortin :Bien, c'est intéressant. Puis je sais que vous avez entendu
les intervenants avant vous, là, nous dire, essentiellement : Il fait
faire attention à la question de ressources, parce que quelqu'un qui passe des
heures, et des heures, et des heures, et des jours, et des semaines en dialyse,
ça occupe des ressources, ça aussi. Alors, il y a un équilibre à faire dans cet
argument-là, qui peut-être n'est pas compris de tous. Et peut-être que vous
avez raison, la formation de nos professionnels de la santé peut peut-être
mener à davantage de sensibilisation sur cette question-là.
Vous avez dit, je crois, de mémoire, que c'est
en Colombie-Britannique, là, où on demande aux patients... où on forme les
patients pour se trouver leur propre donneur. L'avez-vous étudié un peu, l'avez-vous
regardé, puis je... point de vue... point de vue de la famille d'un patient,
là, ce n'est pas nécessairement à vous de le faire, mais si vous pouvez nous
aider là-dessus, ce serait apprécié.
Mme Charbonneau (Sylvie) : En
fait, ils vont aborder le patient pour lui parler du don vivant et lui donner
des arguments ou des façons de faire pour communiquer sa situation, pour que
son entourage connaisse sa situation et que la personne se sente à l'aise de
parler du don vivant. Si je vous parle de mon garçon, mon garçon jouait dans
une équipe de water-polo et quand il a... on néphrologue lui a dit d'arrêter de
jouer parce qu'il n'avait plus l'énergie, il a dit à ses collègues : Je me
suis blessé. Il n'y a aucun de ses collègues qui savait qu'il attendait une
greffe. Il ne savait pas comment en parler.
Alors, je pense que ce qu'ils font en Colombie-Britannique,
c'est de donner aux receveurs potentiels des façons d'aborder le sujet tout en
enlevant cette espèce de malaise à aborder des donneurs potentiels. Mon garçon
m'a dit pendant un an, à chaque fois que j'allais passer un test : Maman,
tu n'es pas obligée de faire ça. Alors, il y a... parce qu'il y a... j'imagine
qu'il y a une forme aussi de culpabilité de dire : Je fais passer... je te
fais passer à travers tout ça. Donc, si le receveur potentiel n'a pas non plus
du soutien puis de la formation pour être confortable avec sa situation,
confortable à parler du don d'organes, bien, il y a un autre morceau du
casse-tête qui manque.
M. Fortin :Oui. J'apprécie. J'apprécie votre perspective, énormément,
sur cette question-là. Pensez-vous que... Sur le don d'organes pour le patient
décédé, là, je pense que les gens, de façon générale, de façon générale, on s'entend,
pas tout le monde, là, mais comprend qu'il peut signer sa carte, puis c'est
chose faite, là, il est donc réputé être un... sa volonté est donc exprimée.
Sur le don vivant, moi, je soumets l'hypothèse qu'il y a beaucoup, beaucoup de
gens qui pourraient être inscrits, vous avez parlé du programme canadien, tantôt,
là, qui pourraient être inscrits mais qui ne le sont pas, simplement parce qu'ils
ne connaissent pas comment ça marche. Ils n'ont aucune espèce d'idée. Et ce n'est
pas simple, comme processus.
Avez-vous, comme fondation, une
recommandation à faire au gouvernement à ce niveau-là, à savoir comment est-ce
qu'on peut maximiser le don vivant simplement en disant aux gens comment s'y
prendre? Il y a des gens qui seraient probablement, malgré toutes les
contraintes, malgré ce que vous avez parlé qui est complètement absurde, des
compagnies d'assurance qui pourraient vouloir refuser, refuser un client... Qu'est-ce
que le gouvernement peut faire...
M. Fortin :...pour que plus de gens participent à un programme comme
celui-là.
Mme Charbonneau (Sylvie) : Moi,
je pense que, quand on parle du don vivant, on parle que c'est possible, mais
on ne parle pas des impacts. Moi, j'ai souvent fait des témoignages sur notre
histoire familiale, et le nombre de fois où je me suis fait demander, quel a
été l'impact sur ma vie, quels ont été... quels sont les impacts sur ma santé,
c'est quoi, mon régime alimentaire, combien je prends de médicaments, et mes
réponses, c'est: Je suis en parfaite santé. J'ai été en convalescence un mois.
Je ne prends pas de médicaments. Je n'ai pas de régime alimentaire spécial. Les
gens sont estomaqués de voir ça.
Donc, les conséquences... les impacts, je
devrais dire, sur la santé du donneur vivant sont méconnus, et donc il y a des
gens qui n'oseront pas s'avancer parce qu'ils ne savent pas. Il y a aussi des
situations où les personnes ne peuvent pas se permettre de manquer des journées
de travail sans être payées, ne peuvent pas se permettre d'aller passer des
examens à Québec, parce que je je suis en région, je n'ai pas les moyens. Donc,
il ne faudrait pas que le don vivant devienne la possibilité des personnes plus
en moyen que moins en moyen. Donc, je pense que ça aussi, c'est un facteur. Et
quand Francine parlait des remboursements, puis on veut... Quand on parle de
ça, il faut être très prudent. Il ne faudrait pas que les gens soient payés pour
donner un organe, mais il faut que ce soit à finances neutres, neutralité
financière, de telle sorte que ce soit accessible pour tous.
M. Fortin :Peut-être deux commentaires de ma part, monsieur le
Président, avant de passer la parole à ma collègue. Votre point sur des
compagnies d'assurance n'est pas tombé dans l'oreille de sourds, je pense qu'on
a un travail à faire à ce niveau-là, parce que cette pratique-là, elle est, je
vais le dire, pour ma part, complètement, mais complètement inacceptable. Et
dernière chose, très très, très heureux de savoir que Benoît se porte bien. J
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de Rosemont, vous prenez la relève...
Excusez. Madame la députée de Chomedey, excusez-moi.
Mme Lakhoyan Olivier : Merci,
monsieur le Président. C'est beau. Pas de problème. Bonjour. Merci d'être
présents ici. J'apprécie d'entendre vouloir collaborer à améliorer notre
système, et votre témoignage, c'est sûr, c'est très important. J'ai des amies,
deux amies d'ailleurs une, son mari a fait la dialyse, et puis j'ai une copine
au travail qui avait reçu une transplantation. Donc, je comprends ça. En vous
lisant, et en vous écoutant, et en écoutant les autres, je remarque, on dirait,
on est en retard au Québec. Ça me rend jalouse, parce que, tu sais, on se sent,
on est au Québec, puis on est dans la meilleure province, dans le meilleur pays
du monde. Et puis de voir qu'on a tellement de rattrapage à faire avec les
autres provinces, avec d'autres pays tels que... Colombie-Britannique... les
chiffres le démontrent. C'est quoi, votre opinion là-dessus?
Mme Labelle (Francine) : Bien,
moi, je pense que le gouvernement du Québec a une superbe opportunité de
démontrer son leadership, de démontrer sa volonté de faire ce rattrapage-là
puis d'améliorer les conditions, peu importe à quel niveau. Je pense que toute
amélioration, je le disais tout à l'heure, pour les personnes en attente d'une
greffe, toute possibilité d'augmenter le nombre de dons d'organes est une façon
d'améliorer la qualité de vie de cette personne-là et même de lui permettre de
survivre. Alors, ce n'est pas rien, là, quand on parle de ça, on parle de
sauver plus de vies.
Alors, je pense que c'est une très belle
opportunité, puis c'est tellement beau de vous voir tous ici aujourd'hui, puis
e suis tellement fière d'être avec vous pour parler de ça, que je pense qu'on
s'en va dans la bonne direction. Mais il s'agit vraiment de... d'adopter des
mesures puis d'être vraiment rigoureux, vigilant pour que tout cela soit
appliqué puis contribue à améliorer la situation.
• (12 h 10) •
Mme Lakhoyan Olivier : Chaque
don est important, chaque vie est importante. Avec le système que nous avons en
ce moment, je sais qu'il y en a qui a lieu, mais sommes-nous prêts aux
changements qu'on veut voir un jour? Est-ce qu'on va pouvoir fournir avec notre
système?
Mme Labelle (Francine) : Bien,
il faut se donner les conditions de succès nécessaires pour être capable,
justement, de gérer tout ça. Je pense qu'il y a, je le mentionnais tout à
l'heure... Tout à.
Mme Labelle (Francine) : ...des
exemples probants, ailleurs au pays, ailleurs dans le monde, qui fonctionnent
très bien. Alors, je pense qu'il faut peut-être commencer à regarder de ce
côté-là, puis tirer les leçons aussi qui s'adaptent à la situation du Québec,
puis se retrousser les manches, puis de mettre le système dont on a besoin en
application. Puis, bon, il y a plein de gens, dans le milieu de la santé, je
suis sûre, qui ne demandent pas mieux que de collaborer. On le voit, on siège à
de nombreux comités justement pour essayer de faire avancer les choses, puis et
il y a toujours des gens qui veulent contribuer. Alors, il s'agit vraiment de
rassembler tout ça avec... avec un projet. Je pense que c'est un énorme projet,
un énorme chantier qui nous attend, un énorme défi aussi en même temps. Mais je
pense que, si on veut changer le cours... vraiment le cours des choses, il
faut... il faut s'y attaquer.
Mme Lakhoyan Olivier : ...
Le Président (M. Provençal)
:C'est terminé.
Mme Lakhoyan Olivier : Oh!
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Rosemont, vous allez
compléter cette période d'échange.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Merci à vous quatre d'être là. Merci, Mme Charbonneau. C'est
touchant, votre témoignage, mais il faut que ça soit plus que touchant.
D'ailleurs, je suis assez impressionné par votre sérénité là-dedans, malgré
tout, et votre force de caractère surtout. Vous avez dit qu'il y a des gens qui
vous ont déjà dit dans le réseau, vous l'avez entendu : Bien, on ne va pas
opérer quelqu'un qui est en santé, là, on... Puis D'Aragon, tout à l'heure,
nous disait, juste avant vous, que parfois les gens dans le réseau
disent : Bien, regarder, quelqu'un qui a le cancer, on ne peut pas
l'opérer, parce qu'on n'a pas de ressources, on ne va pas opérer quelqu'un, à
plus forte raison, qui est en santé. Donc, il y a une résistance. Vous
appelleriez ça une résistance ou c'est une méconnaissance?
Mme Charbonneau (Sylvie) : Je
pense que, dans certains cas, c'est une certaine résistance puis, dans d'autres
cas, c'est probablement une question de surcharge. On est surchargé avec
tellement de patients qu'il faut faire des choix. Puis là, bien, on a quelqu'un
qui doit être évalué mais qui est en santé. Donc, l'évaluation du donneur
vivant n'est peut-être pas toujours une priorité. Une des conséquences de ça,
je vous dirais, c'est que moi, j'ai eu à refaire des examens, parce qu'il y a
une date de péremption sur des examens médicaux, et donc j'ai passé, par
exemple, deux fois une... voyons, une radio des poumons parce que ma première
était périmée, mais j'ai pris la place de quelqu'un qui en avait vraiment
besoin. Bien, moi, c'est comme ça que je me sentais parce que, si on avait fait
mon évaluation plus rapidement, je n'aurais pas eu besoin de la deuxième
radiographie des poumons.
M. Marissal : Oui, je
comprends. Vous avez dit aussi que... je pense que vous avez dit que vous avez
la tête dure, donc je peux le répéter, là, mais...
Mme Charbonneau (Sylvie) : Oui,
oui, vous pouvez...
M. Marissal : En tout cas,
vous êtes visiblement une battante, puis vous êtes éduquée, vous êtes capable
de naviguer dans le système, là, mais vous n'avez pas eu beaucoup
d'accompagnement. Vous, dans votre perception, c'est... il y a bien des gens
qui n'auront pas la force ou les capacités de mener cette bataille-là, même si
d'aventure ils voulaient donner un rein de son vivant.
Mme Charbonneau (Sylvie) : Il
y a des gens qui vont abandonner parce que ça prend trop de temps. Il y a des
gens qui vont juste laisser aller le processus parce qu'ils sont mal à l'aise
d'appeler puis dire : Le résultat de mon examen, il est où? Moi, je peux
vous dire que, quand j'appelais à l'hôpital ou au département où j'étais
évaluée, je n'avais plus besoin de me nommer.
M. Marissal : Ça, ce n'est
pas toujours garant d'un meilleur service, cela dit.
Mme Charbonneau (Sylvie) : Non,
mais... Non, mais ça démontre à quel point j'ai appelé souvent, par exemple.
M. Marissal : Oui, je suis
sûr que oui. Puis souvent, quand on a des témoignages de gens qui ont donné un
de leur rein, de leur vivant nécessairement, à un proche, parce que c'est souvent
le cas, c'est toujours présenté comme quelque chose d'héroïque puis de
totalement héroïque, puis je n'essaie certainement pas de minimiser le don qui
est, effectivement, généreux, en tout cas, c'est le moins qu'on puisse dire.
Vous, vous dites : Bien, je n'ai pas de régime particulier, je suis en
santé. Finalement, est-ce qu'on pourrait dédramatiser le fait de donner de son
vivant? Parce que moi, en tout cas, j'ai toujours l'impression que c'est comme
presque jouer à pile ou face : Je vais donner un rein, je vais peut-être
mourir, il va peut-être y avoir deux morts au lieu d'un. Tu sais, il y a une
méconnaissance, je pense, généralisée puis on dramatise peut-être beaucoup la
chose.
Mme Charbonneau (Sylvie) : C'est
un très beau sujet. Moi, je pense que non seulement il faut dédramatiser le don
vivant, mais il faut... il faut parler de l'expérience humaine. Parce que ça,
je ne vous en ai pas parlé. Mais le matin où mon garçon est venu me voir, le
lendemain de la chirurgie, juste pour me dire : Merci, maman, et la
première...
Mme Charbonneau (Sylvie) : ...fois
où je l'ai vu reprendre un verre de jus de pomme après trois ans de privation
de jus de pomme, où il a juste pris une gorgée puis il a fait : Ah! que
c'est bon, ce feeling-là, excusez-moi l'expression, ce sentiment-là, de l'acte
qu'on vient de faire, moi, je ne me sentais pas héroïque. Je me sentais à la
fois reconnaissante que la vie m'ait permis de faire ça et je me sentais aussi
un peu égoïste parce que je l'ai fait pour retrouver mon garçon. La semaine
après la greffe, ce que j'ai... ce que j'ai trouvé, là, j'ai retrouvé mon
garçon.
M. Marissal : Oui. C'est
tout. C'est tout. C'est tout. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
contribution, votre participation, surtout votre témoignage, Mme. C'est
vraiment touchant.
Et sur ce, je vais suspendre les travaux
jusqu'après les affaires courantes. On se revoit cet après-midi.
La Secrétaire : ...
Le Président (M. Provençal)
:Après les avis touchant les affaires.
Merci, Mme la secrétaire. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 17)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 40)
Le Président (M. Provençal)
:À l'ordre, s'il vous plaît! La
Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative
visant à étudier les moyens facilitant le don d'organes ou de tissus, notamment
l'instauration de la présomption du consentement.
Cet après-midi, nous entendrons les
témoins suivants : le Programme québécois de don vivant de rein et
Héma-Québec. Considérant que notre séance commence à... on a 25 minutes de
retard, alors j'ai besoin de votre consentement pour qu'on poursuive 20 minutes
plus... de plus, pour s'assurer qu'on va avoir de bons échanges avec les gens
qui se sont déplacés. Ça va? Consentement? Merci beaucoup.
Je débute maintenant notre après-midi de
travail et je souhaite la bienvenue au Dr Pâquet, directeur médical du
Programme québécois...
Le Président (M. Provençal)
:...de don vivant de rein. Je vous
rappelle que vous allez disposer de 10 minutes, et, par la suite, nous allons
procéder à nos échanges. Alors, je vous cède la parole, et merci de la patience
que vous avez eue. Allez y.
M. Pâquet (Michel R.) : Merci,
M. le Président. Mesdames, messieurs les députés, membres de cette
commission, merci de l'invitation que vous m'avez faite pour parler d'un sujet
qui, évidemment, m'est... me tient... très cher et qui est très important pour
moi et, je pense, pour tous nos patients, la greffe rénale ou la
transplantation rénale avec le rein prélevé chez un donneur vivant. Moi, mon
nom, c'est Michel Pâquet, je suis néphrologue au Centre hospitalier
universitaire de Montréal et, comme vous l'avez mentionné, directeur médical du
Programme québécois de don vivant de rein. Vous avez tous reçu, je crois, de
façon électronique, le petit document que j'avais préparé. C'est en format PDF,
mais c'est des... page par page de ce que je vais présenter, donc vous pouvez
peut-être le parcourir au fur et à mesure que je vais parler.
J'aimerais juste aborder le sujet des
différents types de donneurs d'organes. Alors, c'est sûr que la commission se
concentre, pas exclusivement, mais en bonne partie, sur les organes prélevés
chez les donneurs décédés, puis, comme vous l'avez constaté, je suis ici pour
parler des donneurs vivants. Les donneurs décédés, il y en a de différents
types... ça aussi, là, je n'élaborerai pas longtemps là dessus... les patients
qui sont décédés qu'on dit en décès neurologique, les donneurs qui sont
décédés, mais après un arrêt circulatoire, les donneurs - c'est plus récent,
mais vous en avez beaucoup entendu parler - par décès après l'aide médicale à
mourir, et, dans une catégorie, là, tout à fait différente, les donneurs
vivants.
Juste parler brièvement de la greffe
rénale avec un rein prélevé chez un donneur vivant. Alors, la meilleure façon
de l'expliquer, c'est que... je ne le souhaite à personne, mais, si jamais un
de vos proches avait une maladie rénale grave, au point où les reins ne
fonctionnent plus ou presque plus, cette personne-là a besoin de ce qu'on
appelle une thérapie de remplacement de la fonction rénale. Il y a différentes
thérapies de remplacement, l'hémodialyse, la dialyse péritonéale, la transplantation,
la transplantation avec un rein d'une personne décédée, la transplantation avec
le rein d'une personne vivante. Ça, ce sont toutes des options qui s'offrent
aux personnes qui ont la maladie rénale grave.
Alors, si vous me demandiez conseil sur un
de vos proches qui avait la maladie rénale grave et vous me demandiez :
Quel est le meilleur traitement que mon proche, mon frère, ma sœur, mon enfant,
mon conjoint, ma conjointe a besoin de technique de remplacement de la fonction
rénale? Mais la réponse, ce n'est pas moi qui l'a dit, mais c'est la
littérature médicale, puis la réponse, elle est très, très claire, c'est la
transplantation rénale avec le rein prélevé chez un donneur vivant. Pour la
personne qui a la maladie rénale, c'est le meilleur traitement. Ce sont des
reins qui offrent une meilleure efficacité de fonctionnement. Ce sont des reins
qui durent plus longtemps, en moyenne, que les reins qui sont prélevés chez une
personne décédée. C'est la seule façon, pour une personne qui a besoin de cette
thérapie-là, d'avoir accès à la greffe plus rapidement.
Quelqu'un qui attend un rein, sur la liste
d'attente, pour le rein d'une personne décédée, peut attendre deux ans, trois
ans, quatre ans, cinq ans pour recevoir sa greffe. Si quelqu'un a un donneur vivant
parmi ses proches, alors c'est une greffe qu'on peut faire très rapidement. Et
même, dans certains cas, on peut faire la transplantation avant même que la
personne commence la dialyse, c'est-à-dire éviter la dialyse complètement. Je
mentionnerais évidemment le côté sécuritaire pour la personne qui donne un
rein. Alors, s'il y a des questions à ce sujet-là, ça fera plaisir d'y répondre
à la période de questions. Mais évidemment notre responsabilité, comme équipe
de... qui évalue les candidats potentiels au don vivant, c'est de s'assurer que
c'est sécuritaire pour la personne qui donne un rein, sécuritaire au moment où
la personne fait le don, et sécuritaire pour vivre le restant de sa vie avec un
seul rein plutôt que deux reins.
Je mentionnerais évidemment l'économie
significative, je pense que ça a déjà été mentionné, que la transplantation
rénale offre par rapport aux traitements de dialyse. Différentes études ont été
faites, globalement, on estime à l'économie annuelle de 50 000 $ par année
pour chaque patient qui a une greffe rénale et qui n'est pas en dialyse.
Évidemment, cette économie-là, elle est vraie, que le rein provienne d'une
personne décédée ou d'une personne vivante, sauf que celui qui a reçu le rein
d'une personne vivante, la durée de sa greffe est beaucoup plus longue. Donc,
cette économie-là se perpétue beaucoup plus longtemps. Une comparaison avec le
nombre de donneurs vivants au Québec, à comparer au nombre de donneurs vivants
ailleurs au Canada...
M. Pâquet (Michel R.) : ...alors
ce n'est pas la meilleure façon ou ce n'est pas la seule façon, mais ce qu'on
utilise souvent, c'est le taux de donneurs par million de population. Donc, on
équilibre un peu selon les populations des différentes provinces. Alors, au
Québec, avant qu'on mette le programme que je vais vous décrire tantôt, au
Québec, le taux de dons vivants au Québec était entre cinq et six donneurs
vivants par million de population. C'était la moyenne, à peu près, des 10
années avant qu'on commence le projet. La moyenne canadienne, elle n'est pas de
cinq ou six donneurs vivants par million de population, mais elle est de 13,
donc on était à peu près à la moitié de la moyenne canadienne. Encore une fois,
je pourrais rentrer dans les détails et les raisons, peut-être plus tard, dans
la période de questions. Puis je mentionnerais aussi que certaines provinces
canadiennes ont un taux évidemment supérieur à la moyenne, puisque la moyenne,
c'est 13. Il y a des provinces où le taux de don est autour de 20 donneurs
vivants par million de population. Donc, on était loin de la moyenne.
Et c'est pour cette raison-là qu'on a
discuté puis qu'on a mis sur place et qu'on a mis sur pied un programme pour
augmenter le nombre de donneurs vivants au Québec. Le but était d'augmenter le
don partout au Québec, dans chacun des cinq centres où se fait l'évaluation des
donneurs vivants. Il y en a cinq, au Québec, un à Québec, un à Sherbrooke et
trois à Montréal. Et le but de notre projet, c'était, à tout le moins,
d'atteindre la moyenne canadienne, soit de 13 donneurs vivants par million de
population, et, éventuellement, de dépasser cette moyenne-là. Comment? Grâce à
ce programme-là, bien, on voulait améliorer, évidemment, l'accès à la greffe
pour les personnes souffrant de la maladie rénale, réduire les délais d'attente
pour la greffe, améliorer la durée de vie des reins greffés et, de façon très
importante, là, améliorer la qualité de vie des personnes recevant la greffe et
améliorer leur espérance de vie. On sait que les personnes qui reçoivent une greffe
vivent plus longtemps que la même personne si elle restait en dialyse.
Alors, le programme québécois, il y a un
projet pilote qui a été débuté en 2016. Après présentation auprès d'un, et de
deux, et de trois ministres de la Santé différents, j'ai réussi à convaincre de
mettre sur pied ce programme-là, puis l'annonce a été faite au mois d'août 2018
par le ministre de la Santé et des Services sociaux, à ce moment-là. Il y a un
budget qui a été accordé aux cinq centres où se fait le don vivant au Québec.
L'annonce... Le budget a été accordé en 2019, et puis l'embauche de personnel
dans chacun des centres s'est faite en 2020.
Le programme québécois se résumait en cinq
axes différents, qui, on l'espérait, feraient la différence pour augmenter le
don vivant au Québec. Cette recette-là, je ne l'ai pas inventée. J'ai parlé à
mes collègues canadiens, j'ai parlé à mes collègues qui sont dans des centres
qui sont performants puis je leur ai dit : Qu'est-ce que vous faites? Et
puis j'ai : Faisons ça ici aussi puis adaptons-le à la réalité québécoise.
Donc, premièrement, c'était d'augmenter
l'information, la sensibilisation auprès de beaucoup de monde. Premièrement,
les professionnels de la santé qui s'occupent des patients qui ont la maladie
rénale, on parle des infirmières, des néphrologues, des médecins qui s'occupent
de ces patients-là, si possible, avant même qu'ils doivent commencer la dialyse
ou une fois qu'ils ont commencé la dialyse, les sensibiliser à cette option-là
qui, je le répète, est la meilleure option pour un patient souffrant de la
maladie rénale grave. Également, sensibiliser les patients qui ont cette
maladie-là, qui sont dans le processus d'une diminution progressive de leurs
fonctions rénales, de leur en parler à eux et à leurs proches pour s'assurer
qu'ils connaissent cette option-là. Parce que, surprenamment, on entend des
histoires où les gens sont en dialyse depuis un certain temps et ne savaient
même pas que cette option-là existait.
On a développé des activités pour
optimiser le processus d'évaluation des candidats au don vivant. On me dit
qu'il y a eu un témoignage ce matin d'une personne qui a fait un don vivant
dont le parcours avait été un petit peu compliqué. J'ose espérer que ce n'est
plus le cas dans la majorité des cas, présentement.
• (15 h 50) •
On a standardisé des outils de formation
et les formulaires cliniques utilisés dans chacun des cinq centres, on a
déployé un système d'information pour suivre le parcours des candidats au don
vivant à partir de leurs manifestations, au début, comme candidats potentiels,
tout au cours de l'évaluation, jusqu'au don, et on a mis sur place une
gouvernance provinciale.
L'autre diapositive, pour ceux qui
suivent, donne un peu nos statistiques récentes suite à la mise en place du
Programme québécois de don vivant. La première ligne, c'est le volume de
premiers contacts. Ça, c'est le nombre de fois que le téléphone sonne...
M. Pâquet (Michel R.) : ...on
reçoit un email d'une personne qui se propose comme un donneur éventuel. Donc,
d'année en année, on voit que le nombre de premiers contacts a augmenté. Puis
la deuxième ligne, bien, c'est le nombre de néphrectomies. Ça, c'est le terme
qu'on utilise pour prélever un rein chez quelqu'un, donc le nombre de fois
qu'une personne s'est rendu jusqu'au bout et on a prélevé le rein. Alors, en 2019‑2020,
58 donneurs au cours de l'année au Québec, l'année 2020‑2021, bien,
je ne vous cache pas que c'est l'année de la pandémie et puis qu'on a fermé les
programmes de dons vivants au Québec pendant plusieurs mois, donc une baisse.
Et puis ensuite 78 et 67 pour la dernière année comptabilisée sur ce
tableau-là. Si on l'exprime par donneurs vivants, par million de population, on
voit en 2021‑2022 neuf donneurs vivants par million de population. Alors,
on le compare à cing, à six qu'on avait avant notre programme, et l'année
suivante, 7,7. Donc, dépendamment de quelle année on choisit, on a quand même
observé une augmentation de 40 % à 50 % du nombre de donneurs vivants
au Québec suite à la mise en place du programme. Encore une fois, on n'a pas
atteint notre objectif parce que notre objectif, c'est de rejoindre la moyenne
canadienne et de la dépasser.
Le Président (M. Provençal)
:Je vais vous demander de conclure,
s'il vous plaît.
M. Pâquet (Michel R.) : Bon.
Alors, si je conclus, je vais simplement aller à l'avant-dernière diapositive
qui mentionne le fait que le don vivant... Pardon. La chaîne est très complexe
entre l'organe qu'on veut prélever ou le donneur et qui a l'organe qu'on veut
prélever et la transplantation. Plusieurs étapes entre tout ça. Il y a
d'identification d'une personne qui veut donner, puis tout ce que je dis
présentement, ça s'applique aux dons vivants et aux dons décédés,
l'identification, le... prélever l'organe, faire la transplantation et suivre
les patients qui ont eu la transplantation. Comme on le sait tous, chaque
chaîne est aussi faible que son maillon le plus faible. Alors, on parle ici
d'augmenter le don d'organes et de tissus. Je ne mentionnerai pas le consentement
pour l'instant, mais si, clairement, on augmente le don d'organes au Québec
puis on le double rapidement, il faut aussi s'assurer que ceux qui suivent,
qu'on ait les ressources nécessaires pour faire des prélèvements, faire les
transplantations et faire le suivi. Alors, le nom de la commission, c'est
d'augmenter ou faciliter le don d'organes et de tissus, mais il ne faut pas
oublier qu'il y a la transplantation à l'autre bout puis que, si on augmente à
un bout, il faut s'assurer que les ressources soient présentes tout le long.
La dernière diapositive, c'est les
recommandations que j'ai faites. Elles ne sont pas numérotées parce qu'il n'y
avait pas d'ordre particulier. Vous pourrez les lire et me poser des questions
à ce sujet là. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Bonaventure.
Mme Blouin : Oui.
Bonjour, Dr Pâquet. Merci d'être avec nous aujourd'hui. En fait, je vous
offre l'opportunité de terminer, si vous voulez y aller, avec vos
recommandations, s'il y a des diapositives que vous avez sautées ou que vous
voulez nous partager.
M. Pâquet (Michel R.) : C'est
à dire que, brièvement, les recommandations, ça résume un peu ce que j'ai dit,
là. Vous les avez peut-être toutes reçues, là. Ça va répéter ce que j'ai
mentionné. Alors, je vais préférer peut-être répondre aux questions.
Mme Blouin : En fait, on
a reçu ce matin, je pense que vous le savez, la Fondation canadienne du rein
qui nous a soulevé qu'en ce moment on attend que le patient, le passion... le
patient arrive à une capacité de 10 % à 15 % de fonction rénale avant
d'enclencher le processus au niveau du donneur. Pourquoi est ce qu'on ne
commence pas avant? En fait, ça, a suscité beaucoup de réactions autour de la
table. Donc, on voulait vous entendre.
M. Pâquet (Michel R.) : Bon,
il y a une grande stratégie à savoir quand... Là, on parle de commencer le
bilan du donneur. Alors, évidemment, si on a une personne qui a la maladie
rénale, puis la fonction de ses reins décline progressivement, on exprime ça,
pour vulgariser un petit peu, là, en pourcentage. Il y a des moments clés, mais
15 %, c'est un moment clé parce qu'à partir de 15 %, on peut inscrire
cette personne-là sur la liste d'attente pour une transplantation, puis cette
personne-là est une candidate à la transplantation. Pour que cette personne-là
soit une candidate à la transplantation, il y a un bilan qui doit être fait
pour cette personne-là, la personne qui va recevoir de la greffe. Il faut
s'assurer qu'il n'y a pas d'infection. Il faut s'assurer qu'il n'y a pas de
cancer. Il faut s'assurer que la santé cardiovasculaire permette une
transplantation. Donc, il y a tout un bilan d'évaluation qui est fait chez la
personne qui reçoit. Avant d'inscrire quelqu'un sur la liste ou avant
d'envisager de la greffer, il faut que ce bilan-là soit fait et complet.
Parallèlement, si on parle du don vivant,
là, il faut décider quand est-ce qu'on commence le bilan pour la personne qui a
l'intention de donner un rein à la personne souffrant de la maladie rénale. Il
faut que quelqu'un se manifeste, mais présumons que quelqu'un s'est manifesté
pour... pour mon patient. Alors, commencer trop tôt, ce n'est pas
nécessairement avantageux, si la fonction rénale n'a pas suffisamment décliné
jusqu'à 15 % ou plus bas. Puis on ne veut pas la commencer trop tard non
plus. Dans le monde idéal...
M. Pâquet (Michel R.) : ...il
y a des conditions qui peuvent être réunies, puis on les réunit souvent, pas
assez souvent à mon goût, mais on les réunit assez souvent, où le bilan de
personne qui reçoit est fait, puis la fonction rénale sera quelque part entre
10 et 15 %. Le bilan de la personne qui fait... est complété, puis on
peut faire de la greffe avant même que la personne doive débuter la dialyse,
c'est-à-dire que cette personne-là va éviter la dialyse pour avoir une
transplantation, pourra faire de nombreuses années sans avoir fait de dialyse.
Bon, ça c'est des situations qu'on rencontre, mais, comme j'ai dit, pas assez
souvent.
Donc, il y a plein de facteurs qui
rentrent en ligne de compte, comme j'ai dit, commencer le bilan du donneur, si
le receveur est loin, loin d'être prêt, puis c'est un bilan compliqué, parce
que peut-être que c'est un patient qui a plein de comorbidités puis, peut-être,
des comorbidités cardiovasculaires, puis on n'est même pas certain si cette
personne-là est une candidate à la greffe. Mais on ne veut pas investir trop de
temps et d'énergie pour un bilan d'un donneur, pour une greffe qui ne se fera
peut-être pas ou qui sera peut-être, seulement, que plus tard. Donc, il y a
vraiment une combinaison entre les deux pour savoir quand initier le bilan et
de la personne... de la personne qui a l'intention de donner un rein. Dans les
cas simples, ça se fait, on peut coordonner le tout, mais évidemment, il y a
des exceptions un peu dans chacun des patients.
Mme Blouin : On comprend que
c'est assez complexe. Vous parlez de donneurs qui se manifestent, en fait.
Est-ce que vous croyez que de donner une certaine formation aux patients qui sont
en insuffisance rénale pour les aider à parler de leur situation puis à trouver
un donneur potentiel, est-ce que... est-ce que ça fonctionne bien ou est-ce que
ça alourdit un peu la vie de ces gens-là?
M. Pâquet (Michel R.) : Alors
là, je n'utiliserais pas le mot «formation», mais j'utiliserais le mot
«information». Alors, la personne qui a la maladie rénale, nous, notre
responsabilité, c'est de s'assurer que cette personne-là est au courant de
toutes ses options. Au tout début, j'ai parlé des différentes formes de dialyse
de la transplantation avec un rein de personne vivante ou décédée. Donc, il
faut que cette personne-là soit au courant, soit bien informée des différentes
options. Mais on peut tous concevoir que ce n'est pas simple pour une personne,
au souper du samedi soir, de dire : J'ai besoin d'un rein. Qui veut me
donner un rein? Ce n'est pas facile pour cette personne-là. Donc elle a besoin
d'accompagnement.
Donc, dans notre programme, un des
éléments importants que je n'ai pas mentionnés, on a une travailleuse sociale
dans chacune des équipes, dans les cinq centres de don vivant, qui travaille à
temps plein pour le programme de don vivant et dont la responsabilité, c'est de
rencontrer des personnes en attente avec la maladie rénale, soit avant le stade
de dialyse ou peu après le moment où ils ont commencé des traitements de
dialyse, pour les aider et les accompagner dans l'identification de candidats
potentiels à l'arrivée. Alors, évidemment, on ne met pas de pression sur
personne, mais de s'assurer que, s'ils ont besoin d'aide, s'ils ont besoin
d'information, s'il y a des pamphlets d'information, maintenant, il y a des
méthodes électroniques pour que les proches soient au courant de cette de cette
option-là. Puis, s'ils ont des questions, à ce moment-là, où les receveurs ou
les donneurs potentiels peuvent nous contacter, puis là on peut donner
l'information à toutes ces personnes-là.
Mme Blouin : Est-ce que ça
existe un genre de registre de donneurs vivants au Québec? On a-tu accès...
M. Pâquet (Michel R.) : Non,
il n'y a pas un registre de donneurs vivants. Puis j'ai mentionné brièvement,
évidemment, le consentement. Il n'est pas question, je vous rassure tous, de
consentement présumé pour le don vivant. Donc, il n'y a pas de... il n'y a pas
de registre. Alors, c'est de parler aux proches, de parler aux patients et à
leurs proches de cette option-là, de leur parler des avantages pour la personne
qui recevrait la greffe. Si c'est le rein d'une personne vivante, de leur parler
des risques, ils sont bas, mais ils ne sont pas nuls pour la personne qui donne
un rein et de les laisser décider et nous contacter à ce moment-là. Il y a des
personnes qui décident de donner un rein, qui ne connaissent personne dans leur
entourage, qui a besoin de transplantation. On les appelle les donneurs non
dirigés. C'est... Le meilleur exemple qu'on peut donner, c'est comme une
personne qui va donner du sang. Alors, quand on va donner du sang, on sait
qu'on aide une, des personnes, on ne sait pas qui.
• (16 heures) •
Alors, il y a des personnes qui sont
prêtes à donner un rein comme ça, puis ces donneurs-là sont présentement en
augmentation au Québec. Mais, pour que ça soit connu, parce que c'est peu connu
du grand public, clairement, il y a besoin d'une sensibilisation, sans doute
grand public, pour que cette option-là de donner un rein de son vivant à un
proche ou à une personne qu'on ne connaît pas, pour que ce phénomène soit bien
connu.
Mme Blouin : Et comment ça
fonctionne, justement, si on veut donner un rein à quelqu'un qu'on ne connaît
pas, comment...
M. Pâquet (Michel R.) : Vous
m'appelez.
Mme Blouin : On vous appelle
directement, c'est vous... Bien, justement, ça m'emmène à parler... Bien, en
fait, je vous laisse élaborer là-dessus...
16 h (version non révisée)
Mme Blouin : ...je
parlerais de relève médicale après, si vous voulez.
M. Pâquet (Michel R.) : Oui.
Alors, il y a cinq centres de dons vivants au Québec, un à Sherbrooke, un à
Québec, trois Montréal, Maisonneuve-Rosemont, le CUSM et le CHUM. Alors, les
coordonnées de chacune de ces cinq équipes là, à don vivant, sont bien connues,
sont publiées, sont sur le site du ministère de la Santé. Alors, une personne
qui serait intéressée doit savoir quoi faire. Mais la première démarche, c'est
de contacter un de ces cinq centres là.
Mme Blouin : Ils peuvent
nous donner de l'information. Justement, on parlait ce matin aussi des enjeux
en matière de relève médicale. Qu'est-ce qu'on fait pour rendre ça plus
attrayant? Est-ce que vous avez des pistes de solutions?
M. Pâquet (Michel R.) : Bon.
Alors, mon biais, c'est que c'est une pratique passionnante, que je ne
comprends pas pourquoi on a de la difficulté à recruter. Il y a plein de
raisons logistiques. Je vais laisser à mes collègues, entre autres de la FMSQ,
qui vont... qui viennent de présenter demain, de parler un peu de ces enjeux
là. Puis moi, je ne suis pas chirurgien, je suis néphrologue. Alors je ne veux
pas parler au nom des chirurgiens. Il y en a un derrière moi. Ça fait que, lui,
il pourrait parler beaucoup mieux que moi à ce sujet là. Mais c'est sûr que,
là, je parle de la transplantation en général, pas de toutes les
transplantations, mais plusieurs sont faites à des heures qui ne sont pas des
heures normales de jour. Ce n'est pas une pratique où on peut facilement
attirer des candidats, mais il y a moyen de rendre ça plus attrayant. Mais
encore une fois, je laisserais mes collègues de la FMSQ, lorsqu'ils vont
présenter demain, peut-être répondre à ces questions-là.
Mme Blouin : Et d'ici
là, est-ce qu'on peut avoir votre position sur le consentement présumé.
M. Pâquet (Michel R.) : Bon.
Alors, encore une fois, moi, je suis venu ici pour parler du don vivant. Il n'y
aura jamais de consentement présumé pour le don vivant. Une réponse pour ce qui
est du don chez les personnes décédées, je pense que c'est une réponse que vous
avez eue à plusieurs reprises, puis je suis du même avis, le don, le
consentement présumé est une... une intervention parmi de nombreuses,
nombreuses, nombreuses autres interventions qui peuvent être faites pour
augmenter le don d'organes, et le don de tissus au Québec, et la
transplantation. Personnellement, cette unique mesure là en soi, je ne pense
pas que ça ne ferait aucune différence. Mais il faut penser à tout ce qui...
qui doit venir autour.
Mme Blouin : Merci
beaucoup. Je pense qu'il y a...
Une voix : ...
Mme Lachance : Bonjour, M..
Merci d'être là. Il y a une question qui me... qui me turlupine, si je peux m'exprimer
ainsi, parce que vous êtes quand même... Ça fait quelques... quelques personnes
qu'on rencontre en consultation, et je me demande pourquoi les interventions de
greffe ont-elles tout le temps lieu le soir ou le week-end? Parce qu'on nous
mentionne que ce n'est jamais sur les heures de travail.
M. Pâquet (Michel R.) : Elles
n'ont pas tout le temps lieu en dehors des heures normales de travail. Ça
arrive à l'occasion, que ce soit pendant les heures de travail. En don vivant,
ce dont quoi je suis venu parler ici, c'est toujours pendant les heures de
jour, parce que c'est cédulé à l'avance. On a un donneur qui est prêt, on a un
receveur qui est prêt, on regarde le calendrier, on regarde la disponibilité au
bloc opératoire et des chirurgiens puis on dit telle date, telle heure, on va
faire la greffe. Ça, ça se fait de jour, sauf exception, pour des raisons que
je ne rentrerai pas dans les détails, mais en majorité, ça se fait de jour.
Pour des greffes faites avec un organe prélevé sur une personne décédée, alors
là, il y a toute une question de coordonner, comme vous l'avez... je suis
certain que vous l'avez entendu parler, coordonner, comme je l'ai dit, une
longue chaîne d'événements qui commence par l'identification d'un donneur
décédé, puis qui se termine par une transplantation. Donc, il y a plein, plein
plein d'enjeux. Si le rein arrive dans la glacière à 11 heures le soir au
bloc opératoire, bien, c'est une greffe qui va sans doute se faire de nuit ou
tard dans la nuit. Si le rein arrive arrive à 8 heures le matin, ça peut
être différent, mais encore une fois, c'est des questions plus d'ordre
chirurgical et il y a des chirurgiens qui vont être capables de répondre à vos
questions de façon plus précise. Mais vivant, c'est presque toujours de jour.
Mme Lachance : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Il reste une minute. Oui, M. le
député de Saint-Jérôme.
M. Chassin :Très rapidement, puis vraiment parce que je suis néophyte,
là, on s'informe. Les dons dirigés versus les dons non dirigés dans les dons
vivants de rein, ça représente à peu près quoi comme proportion peut-être?
M. Pâquet (Michel R.) : La
très, très grande majorité des dons vivants, ce sont des dons dirigés, donc, à
un proche croisé. Le don croisé, c'est un phénomène un petit peu différent. Donc,
si une personne est prête à donner un rein à son proche, le bilan est complet
puis la personne peut donner. Le bilan est complet. La personne peut recevoir,
mais ils ne sont pas compatibles. Soit le groupe sanguin est différent ou soit,
pour d'autres raisons immunologiques, il n'y a pas de compatibilité. On a
mis... Mais moi et mes collègues du Canada...
M. Chassin :En proportion, c'est... En proportion, c'est-tu important ou...
M. Pâquet (Michel R.) : En
proportion...
M. Pâquet (Michel R.) : ...c'est-à-dire
que là, on... là on parle de dons croisés, donc on a mis sur pied un registre
canadien pour permettre à ces paires-là de donner à quelqu'un d'autre pour que
lui reçoive une greffe d'une personne compatible. Ça, c'est du don croisé. Mais
encore une fois, ça, ce n'est pas nécessairement des donneurs non dirigés.
En réponse à votre première question, la
proportion, je dirais moins de 10 %. Entre cinq % et 10 % des
donneurs vivants présentement, au Québec, ce sont des donneurs non dirigés.
Plus 5 % que 10 %, oui.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Je vais céder
maintenant la parole au député de Pontiac.
M. Fortin :Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être avec nous, docteur,
et de nous partager votre point de vue sur spécifiquement la question du don
vivant, là, qui est... qui est celle pour laquelle vous êtes vraiment un des
grands experts québécois.
Donc, la dernière statistique que vous
venez de mentionner, là, aux députés, le 5 % à 10 % qui sont des dons
non dirigés... il me semble, là, ça, c'est parce que la plupart des gens qui
choisissent de s'inscrire pour faire un don potentiel le font fort probablement
parce qu'ils ont un proche qui est dans une situation difficile, disons, là.
Mais il n'y a pas de... il n'y a pas de campagne plus large que ça pour inciter
les gens à vouloir faire un don, nécessairement. Est-ce que ce serait utile
d'avoir, tu sais, une approche plus large pour dire : Est-ce qu'il y a des
gens ici, il y a peut-être des gens qui nous écoutent, qui diraient :
Bien, moi, je ne connais pas personne qui est dans cette situation-là, mais je
suis ouvert à ça, faire un don? Est-ce que... est-ce qu'il y aurait moyen de...
de... de... d'agrandir la tarte un peu, là, pour m'exprimer ainsi?
M. Pâquet (Michel R.) : Donc,
il n'y a pas de campagne de ce type-là à date, mais je pense que ça aiderait
énormément. Mais pour faire ce genre de campagne... Parce que, quand on parle
de don vivant aux proches des personnes qui ont besoin d'une greffe, on peut
les identifier relativement facilement. On connaît les patients, on sait où ils
sont, à la clinique de prédialyse ou à l'unité d'hémodialyse, on peut les
rencontrer puis rencontrer leurs proches. On peut cibler notre information plus
facilement. Si on parle de donneurs non dirigés, bien là, c'est la population
en général. Alors, pour faire de la sensibilisation grand public, ça prend des
moyens qu'on n'a pas présentement. Mais la réponse à votre question, c'est oui,
ça serait un ajout important, puis je suis certain que ça aiderait.
De façon... Comme anecdote, lorsqu'une
personne fait un don de ce type-là, puis on en a eu quelques-uns dans la...
dans les... dans la dernière année chez nous, certaines de ces personnes-là
choisissent d'aller dans les médias. Alors, c'est leur choix. Quand ces
personnes-là vont dans les médias, par la suite, le téléphone sonne. Il y a des
personnes qui disent : J'ai entendu le reportage à la radio, j'ai vu tel
article dans... dans... dans... sur les médias sociaux ou dans un journal, et
puis moi, je serais intéressé à faire ça. Parce que la personne n'avait jamais
pensé que c'était possible. Donc, clairement, quand on en parle dans les
médias, il y a une réaction, puis on a des personnes qui se manifestent par la
suite. Tu sais, clairement, ça aiderait.
M. Fortin :Alors, il y a un potentiel. Est-ce que... est-ce qu'il y a
par exemple d'autres juridictions qui le font? Est-ce qu'ailleurs au Canada...
Ça fait partie peut-être du... de la raison pour laquelle on a des taux
supérieurs au Québec? Est-ce... est-ce que ça se fait, des campagnes à plus
grande échelle? Parce que, de toute évidence, ça fonctionne, la
sensibilisation.
M. Pâquet (Michel R.) : Oui,
ça fonctionne. Ça ne se fait pas de façon formelle, je dirais. Mais comme je
viens de mentionner, dans les autres provinces, les personnes qui ont fait ce
geste-là, là, on parle d'un don non dirigé, souvent, elles vont aller dans les
médias, parfois, sont peut-être encouragées par les équipes médicales,
certaines le font spontanément, mais clairement, à chaque fois que c'est fait,
il y a un impact.
• (16 h 10) •
M. Fortin :Très bien. J'essaie de comprendre vos statistiques par
rapport aux résultats que vous avez jusqu'à maintenant, là. Et dans votre
présentation, vous parlez d'une augmentation de 40 % à 50 % du don
vivant de rein au Québec. Je regarde le volume de néphrectomies, on passe de 58
à 67 au cours des quatre dernières années, là. C'est quoi votre... le besoin,
c'est quoi, d'après vous?
M. Pâquet (Michel R.) : Bon.
Alors, 58, c'était l'année 2019-2020, la moyenne des 10 années
précédentes, c'était autour de 50 par année, alors, si on atteint
70 donneurs par année, ça fait 40 % d'augmentation. Une année qu'on a
fait un petit peu plus, ça frôlait le 50 %.
Encore une fois, votre question, elle est
excellente. Posez-la aux personnes en dialyse, combien que ça en prend, ils
vont dire : le plus possible. Il faut comprendre aussi qu'il y a des
personnes qui n'en auront jamais, de donneurs vivants, pour plein de raisons.
Mais il y en a qu'il y a des donneurs, qu'il y a des candidats potentiels
autour d'eux, bien, eux, ils ne le savent pas, puis les donneurs potentiels ne
le savent pas non plus. Donc là, on a une intervention...
M. Pâquet (Michel R.) : ... Il
faut aussi comprendre que plus on fait de greffes avec donneur vivant, plus on
vide la liste d'attente, puis ça fait de la place sur la liste d'attente pour
avoir accès à la greffe à ceux qui n'ont pas de donneur vivant. Donc, non
seulement on aide ceux qui ont un donneur vivant, on aide ceux qui n'en ont
pas, parce qu'on réduit ce qu'on va appeler la compétition pour une greffe sur
la liste d'attente.
M. Fortin :Vous avez mentionné tantôt les cinq équipes qu'on a au
Québec, trois à Montréal, Québec, Sherbrooke, si je ne me trompe pas. Mais la
dialyse, là, par exemple, on en fait partout, là, on en fait à Shawville, à
Maria, je pense... Je pense qu'il y en a à Maria, de la dialyse, si je ne me
trompe pas. Oui? Non, mais en fait dans plusieurs hôpitaux ruraux, régionaux au
Québec. Ce matin, on a entendu des gens de la Fondation canadienne du rein.
Souvent, les patients ne se font pas proposer le don vivant comme option, ils
vont direct à la dialyse.
M. Pâquet (Michel R.) : Oui.
M. Fortin :Est-ce que c'est un enjeu en milieu rural ou... Shawville
puis Maria, c'est loin de Montréal ou de Québec, là. Alors, est-ce qu'on ne le
propose pas parce qu'on est loin, parce que, simplement pas... ce n'est pas
dans notre quotidien, on ne le voit pas, ou est-ce qu'il y a une réticence à le
proposer par des professionnels?
M. Pâquet (Michel R.) : Il y
a peut-être déjà eu de la réticence. Je pense que cette réticence-là, elle est
vraiment moins présente qu'avant. Mais, encore une fois, j'ai parlé de
sensibiliser les professionnels de la santé, les infirmières qui travaillent
auprès des patients avant la dialyse ou lorsqu'ils sont en dialyse, les
médecins, les néphrologues qui s'occupent de ces patients-là. La
sensibilisation, j'ai... ça fait quelques années que je tente de la faire, mais
je me rends compte que ça n'a pas atteint le niveau. Je ne pense pas que c'est
une question de régions. Le néphrologue qui couvre Maria, s'il est bien
sensibilisé à la notion de la greffe et à la... et au don vivant, va en parler
à ses patients. Ce n'est pas parce que c'est loin que ça ne peut pas se faire,
les donneurs de Maria vont se faire évaluer par l'équipe de Québec. Une bonne
partie du bilan peut se faire localement, à Maria, la partie finale puis la
chirurgie vont se faire à Québec. Mais ce n'est pas nécessairement... Les
patients n'ont pas besoin de venir dans le grand centre pour l'évaluation au
complet.
M. Fortin :L'accès aux blocs opératoires, vous en parlez dans vos
recommandations, là, vous dites qu'il faut faciliter l'accès aux blocs
opératoires. Je suis entièrement d'accord avec vous. Les blocs opératoires au
Québec, là, on les utilise à peu près... il y a 47 % des blocs opératoires
qui sont utilisés, là, de mémoire. Donc, il y a effectivement de la place pour
faciliter l'accès. Est-ce que vous sentez qu'on vous limite dans votre... dans
vos transplantations possibles à cause d'enjeux de bloc opératoire en ce
moment?
M. Pâquet (Michel R.) : Oui. Là,
je ne connaissais pas la statistique de 47 % des blocs qui sont utilisés.
Mais ce n'est pas tant la salle qui n'est pas disponible que le personnel qui
doit venir avec. Je pense que l'enjeu est vraiment là.
Alors, en réponse à votre question, c'est
variable d'un hôpital à l'autre. Certains hôpitaux, certains centres, le don
vivant va avoir certains enjeux pour une partie du bilan d'évaluation, un autre
programme de don vivant pourra avoir des enjeux à une autre partie de
l'évaluation, et certains vont avoir des enjeux au niveau du bloc opératoire.
Donc, oui, ça peut être un enjeu. Ce n'est pas un enjeu dans chacun des
centres, mais c'est un petit peu une déception si le donneur est prêt, le
receveur est prêt, on cherche une date puis on n'en trouve pas, puis on a
dit : Peut-être dans quatre mois, puis peut être dans six mois, ou peut
être dans un an. Ça s'est déjà produit, c'est une situation qui a été corrigée.
Mais c'est sûr que c'est un enjeu. Alors, pour la personne qui attend la greffe
et qui poursuit sa dialyse pendant plusieurs mois ou un an, c'est... de lui
dire que c'est parce qu'on n'a pas d'accès au bloc opératoire, c'est une
réponse qu'ils ont de la difficulté à entendre.
M. Fortin :Bien, effectivement. Puis c'est une espèce de cercle, cette
affaire-là : on lui dit qu'on n'a pas accès au bloc opératoire parce qu'on
n'a pas de personnel, mais en même temps on va être obligé de mettre du
personnel sur sa dialyse pendant je ne sais pas combien de mois. Alors,
j'espère que les gens du ministère ou de notre future agence qui nous écoutent
vont comprendre cette dynamique-là, et vous l'avez bien expliquée d'ailleurs en
disant qu'il y a un coût, là, c'est quoi, 50 000 $ par année qu'une
transplantation peut sauver versus quelqu'un qui fait de la dialyse. Alors,
j'apprécie que vous ayez chiffré cette donnée-là, c'est... On espère que le
réseau de la santé ne se base pas toujours sur les coûts, mais, quand c'est
avantageux comme ça, il faut le savoir et il faut en tenir compte. Alors, je
vous remercie. Je pense que ma collègue avait peut-être une ou deux questions.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Mme la députée de Chomedey.
Mme Lakhoyan Olivier : Merci.
Alors, merci d'être venu nous expliquer votre point de vue en tant que
spécialiste. Moi, je me demande, concernant les... ceux qui font le don vivant,
qui ont une vie, un travail...
Mme Lakhoyan Olivier : ...mais
qui n'ont pas d'argent, mais ils veulent vraiment sauver leur fils ou leur mari
ou leur femme. Dans votre... un de vos points, vous dites «programme de
remboursement des dépenses des donneurs vivants au cours de l'évaluation et du
don vivant». Donc, les... concernant les particularités, qu'est-ce que vous
voulez dire par là?
M. Pâquet (Michel R.) : Oui.
Alors, au Québec, jusqu'à relativement récemment, les donneurs vivants devaient
payer pour donner un rein, pas directement, mais indirectement. Alors, s'il y a
six voyages à l'hôpital pour l'évaluation au don, il y a l'auto, il y a le
stationnement, il y a le repas du midi. Il y a des patients qui viennent de
loin, qui doivent loger à l'hôtel un soir, deux soirs, pour l'évaluation. Il
retourne chez lui. Il se fait opérer pour donner un rein, mais vu qu'il reste
loin, il reste à l'hôtel trois, quatre nuits avant de retourner dans son coin,
il payait de sa poche. Donc, les donneurs vivants devaient payer, hein,
certains peu, d'autres beaucoup. Il y a une période de convalescence après
avoir donné un rein, une absence au travail. On leur disait : Bien, pas de
problème, prends ton temps de vacances pour cette période-là. Une belle façon
de passer ses vacances. Bref, les patients devaient payer.
On a mis sur pied, avec la collaboration
du ministère de la Santé, un programme de remboursement de dépenses encourues
par les candidats au don vivant. Il faut bien se comprendre qu'on ne paie pas
de monde pour donner un rein, il faut que ça soit bien clair, mais qu'on
rembourserait... qu'on remboursait les dépenses encourues. On a mis ce
programme-là sur pied en 2009, si je me souviens bien, 2010. Ce programme-là a
besoin d'une mise à jour, parce qu'il est passé, sans rentrer dans les détails,
il y a des éléments de ce programme-là qui ne sont vraiment pas à jour. Et la
plupart des personnes qui veulent donner un rein sont tellement convaincues de
donner un rein qu'ils vont le faire quand même, mais il y a des personnes pour
qui c'est un obstacle, il y en a pour qui c'est un obstacle mineur, il y en a
pour qui c'est un obstacle important. Puis il y a peut-être des personnes qui
ne se présentent jamais pour cette raison-là, mais ça, je ne le sais pas, parce
qu'ils ne se présentent jamais, puis je ne les vois pas.
Donc c'est sûr que, par justice, mais,
encore une fois, cette mesure-là, pour moi, ce n'est pas une mesure pour
augmenter le don vivant, mais c'est une mesure de justice envers ces
personnes-là qui font un geste si généreux de donner un rein à un proche ou à
un inconnu, que ça soit le plus possible financièrement neutre pour eux et non
pas négatif.
Mme Lakhoyan Olivier : Donc
c'est ce que je pensais, c'est un obstacle.
M. Pâquet (Michel R.) : Ça
peut être un obstacle.
Mme Lakhoyan Olivier : Ça
peut être un obstacle, le côté monétaire, parce qu'en travaillant, bien, il y a
un revenu qui rentre, donc on est capable de vivre bien. Mais, quand on veut
sauver quelqu'un, un membre de notre famille, bien là, ça peut causer des
troubles, ne pas être à l'aise monétairement. Donc, un remboursement, ce n'est
pas pratique, je pense, pour certains.
M. Pâquet (Michel R.) : C'est
ça. Donc, c'est clairement indiqué, comme j'ai dit, on a mis sur pied un
programme. Évidemment, il y avait différentes catégories de dépenses, il y
avait un plafond pour chaque catégorie. Ce n'était pas le Ritz-Carlton, cinq
nuits... Mais là, je pense, encore une fois, il y a une mise à jour qui est
clairement due. Une des faiblesses du programme, c'était pour compenser la
perte financière ou la perte de revenus pendant l'évaluation ou pendant la
période de convalescence ou de récupération après. C'était une des parties
faibles de notre programme qu'on devait mettre à jour.
Mme Lakhoyan Olivier : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je vais céder la parole au député de Rosemont.
• (16 h 20) •
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour, Dr Pâquet. Merci, merci d'être là. Juste pour continuer
là-dessus, je crois que la compensation financière, en ce moment, est autour de
1 500 $, ou quelque chose comme ça.
M. Pâquet (Michel R.) : Alors,
un patient qui utilisait tout ce qui était possible puis atteignait de plafond
dans chacune des catégories, ça pouvait aller jusqu'à 3 500 ou à peu près, je
n'ai pas le chiffre précis en date. Je ne connais pas beaucoup de patients qui
ont atteint ce maximum-là, mais la distribution des catégories n'était pas
idéale. Juste... J'ai mentionné que, parfois, le donneur n'est pas compatible
avec le receveur. On participe aux dons croisés à travers le Canada. Avant la
pandémie, on demandait au donneur de se déplacer dans la ville où avait lieu la
transplantation. Donc, j'ai des donneurs qui sont allés à Vancouver, à Halifax,
à Toronto. Non seulement c'est une ville étrangère pour plusieurs d'entre eux,
c'est une langue qu'ils ne parlent pas où ils allaient. Il y a un lien de
confiance qui s'établit avec l'équipe localement. Ils vont voir des
infirmières, des médecins, des chirurgiens qu'ils n'ont jamais rencontrés, puis
c'est là qu'ils vont être traités. Donc... Mais, à ce moment-là, les donneurs
devaient voyager dans une autre ville, puis on remboursait...
M. Pâquet (Michel R.) : ...jusqu'à
un plafond les dépenses de ces personnes-là.
Maintenant, depuis la pandémie, on a mis
sur pied un programme où ce sont... ce ne sont plus les donneurs qui voyagent
pour aller donner un rein, dans le contexte du don croisé, mais les reins sont
prélevés localement, puis on envoie les reins par avion. Donc, ça, ça a changé.
Mais tout ça pour dire que la catégorie, au total, ça pouvait aller, je crois,
jusqu'à peu près 3 500 $. Mais, comme j'ai dit, le maillon faible de
cet... de ce programme-là était la compensation, je dirais, inadéquate ou
presque absente pour la perte de revenu pendant cette période-là.
M. Marissal : O.K.
Effectivement, ça pourrait faire partie de nos recommandations, de nous assurer
qu'il y ait une compensation juste et équitable et réaliste de gens qui, par
exemple, viennent de l'Abitibi, doivent venir à Montréal ou ailleurs pour
donner un rein puis qu'ils soient compensés, qui ne perdent pas, peut-être même
prévoir une période de temps x, pas sur leur banque de temps de vacances, vous
avez raison, mais sur autre chose. Moi, en tout cas, moi, j'en prends... j'en
prends note. Ça m'a été mentionné aussi.
Il y a eu des histoires aussi qui ont
couru un moment, et ça ne fait pas longtemps, là, il y a à peu près un an, vous
êtes cité dans cet article-là de Radio-Canada d'ailleurs, c'est l'histoire
d'une dame qui a lancé un appel dans l'univers, sur Facebook, qui cherchait un
rein. Elle en a trouvé un, tant mieux pour elle. Elle a été soignée d'ailleurs
à Maisonneuve-Rosemont. Je dis tant mieux pour elle, dans ce cas-là, «whatever
it takes», comme on dit en anglais, là, elle était désespérée, elle dit qu'elle
n'aurait pas voulu faire ça. La dame qui lui a donné n'a pas voulu être payée
pour ça. Mais il y a des gens, dont Mme Labelle, qui était ici ce matin,
là, de la Fondation du rein, qui disent qu'il y a comme un danger, en tout cas,
elle le dit dans cet article-là, qu'il y a un danger qu'un... le développement
d'un marché noir, si on laisse aller ça, notamment sur les réseaux sociaux. Les
gens sont tellement désespérés, et je ne les jugerai jamais, là, je veux dire,
moi, je n'ai pas ce type de problème de santé, mais j'imagine ce que c'est, là.
Comment on fait pour éviter ça? Parce qu'il semblerait qu'il y a déjà eu
transaction ou il y a eu des cas du genre, là.
M. Pâquet (Michel R.) : Moi,
je n'ai jamais eu connaissance qu'il y a eu transaction, mais il pourrait y en
avoir eu, puis je n'en aurais pas eu connaissance réellement.
Ce que vous décrivez, c'est la
sollicitation publique d'un rein. Ça a mené à plusieurs débats à différents
niveaux au Québec, au Canada. La Société canadienne de transplantation, une
société scientifique à laquelle je suis membre, a un comité d'éthique, et qui
se sont penchés sur la question. Puis, après avoir étudié ça, ils se sont
proposés... qu'ils n'étaient pas en défaveur de la sollicitation publique.
Il y a des conséquences à la sollicitation
publique, il y a des répercussions qui peuvent être positives, il peut y avoir
des événements qu'on ne souhaite pas. Puis évidemment, payer pour obtenir un
rein, donc une espèce de marché noir du rein, c'est un acte criminel au Canada.
Alors, dans la loi canadienne, c'est un crime. Alors, un patient qui participe
à ça, un médecin qui participe à ça, un chirurgien qui participe à ça, où il y
a échange d'argent, c'est un crime. Alors, c'est une... c'est une raison assez
importante quand même d'y réfléchir à plusieurs reprises avant de s'embarquer
dans ça. À ma connaissance, ça n'a pas lieu au Canada, mais comme je dis, ça
pourrait avoir lieu sans que je le sache. Il y a des pays où on sait où ça se
fait. Donc, il y a une façon de l'encadrer.
Moi, dernièrement, il y a une personne,
une jeune femme, qui avait besoin d'une greffe, qui est allée dans les réseaux
sociaux, dans les médias, puis qui a raconté son histoire. Il y a eu à peu près
10 ou 12 personnes qui se sont manifestées pour lui donner un rein, pour
toutes sortes de raisons. Sur les 10, 12, il y en a plusieurs que ce n'était
clairement pas des candidats qui n'auraient jamais pu donner un rein, mais il y
en a qui pouvaient donner un rein et puis on a évalué plusieurs de ces personnes-là.
Une d'entre elles lui a donné un rein. Certaines d'entre elles ont dit :
Bon. Parfait. Elle a eu un rein. Tant mieux pour elle. Certaines qui ne la
connaissaient pas. Puis il y en a qui la connaissaient plus ou moins
personnellement. Certaines qui ne la connaissaient pas ont dit : Elle a eu
son rêve. Moi, l'idée m'a trotté dans la tête, puis je voulais faire un don de
rein, bien, je vais faire un don de rein non dirigé, à ce moment-là. Donc, ce
n'est pas juste du négatif, mais cette personne-là a choisi d'aller dans les
médias. Nous, on ne peut pas contrôler ce que des patients font, mais on
peut... ce qu'on fait avec tous les donneurs, surtout dans ces situations-là,
c'est de les informer face à face, c'est illégal au Canada, tout échange de
biens, de services, d'argent pour le don de rein, c'est illégal, c'est un crime
au Canada, vous ne pouvez pas faire ça. Donc, moi, je ne peux pas aller
fouiller dans les comptes en banque de tout le monde voir qu'est-ce qui se
passe, mais c'est de l'information qu'on peut donner. Puis, comme je vous dis,
pour les...
M. Pâquet (Michel R.) : ...cas
où il y a eu de la sollicitation publique de ce type-là. Moi, je n'ai jamais eu
l'impression qu'il y avait quoi que ce soit de... d'inquiétant de ce côté-là.
Est-ce qu'il y a potentiel «pour»? Évidemment, comme dans tout le reste de la
société, j'imagine.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup de cet échange.
Alors, je vais suspendre, quelques
minutes, les travaux pour permettre au prochain groupe, groupe qui est
Héma-Québec, de s'asseoir à la table. Encore merci pour votre collaboration et
votre participation.
(Suspension de la séance à 16 h 27)
(Reprise à 16 h 31)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Et nous
allons recevoir maintenant les deux représentants d'Héma-Québec, le Dr Germain
et Me Gignac. Alors, comme je le mentionnais, vous avez 10 minutes pour votre
exposé, et, par la suite, on procède à la période d'échange. Alors, je vous
cède la parole.
M. Germain (Marc) : Merci, M.
le Président. Merci aux membres de la commission de nous recevoir aujourd'hui.
Alors, mon nom est Marc Germain, je suis vice-président aux affaires médicales
et à l'innovation à Héma-Québec. Je suis médecin microbiologiste de formation
et puis, depuis 2003 jusqu'à encore aujourd'hui, j'ai été impliqué de près dans
les activités des tissus humains à Héma-Québec. C'est d'ailleurs un secteur qui
est encore sous ma responsabilité. Je suis accompagné aujourd'hui de Me
Sébastien Gignac, qui est vice-président au secrétariat général, aux risques et
aux audits. Bien, tout d'abord, on voudrait vraiment saluer l'initiative de la
commission de vouloir chercher à améliorer...
16 h 30 (version non révisée)
M. Germain (Marc) : ...le
système de dons d'organes et de tissus au Québec et on est vraiment très
contents de pouvoir partager avec vous nos idées à ce sujet. Alors, je pense
que probablement que la majorité, sinon la totalité d'entre vous connaissez Héma-Québec
pour son rôle en tant que fournisseur de produits sanguins. Par contre, je
pense que ce qui est beaucoup moins bien connu, et puis là, je ne pense pas me
tromper beaucoup en disant ça, c'est le rôle qu'on joue dans le prélèvement, la
transformation et la distribution de tissus humains destinés à la greffe. En
fait, ce qu'il faut savoir, c'est qu'au Canada Héma-Québec, c'est la plus
importante banque de tissus humains, autant par la variété des produits que le
nombre de tissus qui sont distribués.
Alors, le don d'organes, on en a entendu
parler toute la matinée et puis vous en aviez entendu parler avant, mais,
encore une fois, je pense que le don de tissus, c'est beaucoup moins connu.
Alors, je voulais passer quelques minutes à vous expliquer de quoi on parle au
juste quand on parle de tissus, sans vouloir aller dans les détails non plus.
Alors, par exemple, les greffes de cornée. Les greffes de cornée sont
effectuées pour restaurer la vision. Seulement pour les greffes de cornée, au
Québec, à chaque année, c'est plus de 800 personnes qui reçoivent ce type
de greffe là. La greffe de peau, qui est utilisée pour le traitement des grands
brûlés, en fait, dans ces situations-là, assez souvent, ça va littéralement
leur sauver la vie, leur permettre de passer au travers la phase aiguë de ce
traumatisme majeur, évidemment. Les valves cardiaques, qui sont utilisées,
entre autres, pour corriger les malformations congénitales chez les enfants,
mais aussi, de plus en plus souvent, chez les adultes. Les greffes d'os et de
tendons, qui sont largement utilisés en orthopédie. D'ailleurs, ça m'a fait
sourire ce matin, avec l'anecdote du député de Rosemont qui parlait de ses
tribulations dans le système de santé et de remplacement de hanche. Non, les
hanches ne sont pas des tissus humains. Par contre, dans ce type de chirurgie
là, il arrive assez souvent qu'on va utiliser la greffe d'os pour consolider la
greffe. Alors, je pense que la question qui vous avait été... qui vous a été
posée n'était pas totalement impertinente.
Alors donc, c'est toute une panoplie de
tissus qui sont utilisés dans le système de santé. En fait, on parle, à chaque
année, au Québec, de plus de 5 000 greffes de tissus qui sont effectués au
Québec. Alors, là aussi, vous mentionnez que le prélèvement et la préparation
des tissus, c'est un domaine d'expertise qui est très pointu, tout à fait
unique. En fait, tout ça, c'est réalisé par du personnel dédié à Héma-Québec,
on parle d'environ 70 personnes au total, dont c'est vraiment la tâche au
quotidien, de faire ce travail-là, avec tout un programme de formation très
élaboré qui est monté et administré par nos équipes. Tout ça, ça doit se faire
dans des installations très spécialisées, ce qu'on appelle communément des
salles blanches, incluant pour le prélèvement, en passant. Et ça, c'est dans le
but d'assurer la plus grande qualité et la plus grande sécurité possible des
greffes de tissus.
Aussi, si on fait la comparaison avec le
don d'organes... d'organes... en fait, la majorité des donneurs d'organes sont
aussi des donneurs de tissus, c'est pour ça qu'on travaille en étroite
collaboration avec nos collègues de Transplant Québec. Mais, par contre, c'est
qu'il faut savoir que... Il faut savoir que la grande majorité des donneurs de
tissus ne sont pas des donneurs d'organes, en fait, ne pourraient pas être des
donneurs d'organes. Vous avez peut-être entendu, ces derniers jours, nos
collègues, à Transplant Québec, expliquer que, par exemple, dans le cadre de l'aide
médicale à mourir qui se fait à domicile, le prélèvement d'organes n'est pas
possible parce qu'on doit prélever les organes presque immédiatement après l'arrêt
de la circulation sanguine, ce qui n'est pas présentement possible à domicile.
Dans le cas du don de tissu, on peut se permettre de prélever les tissus jusqu'à
plusieurs heures après l'arrêt de la circulation sanguine, de sorte que, pour
ceux qui choisissent l'aide médicale... l'aide médicale à mourir à domicile, il
est encore possible de faire le don de tissus. Puis en fait, c'est le cas
aussi, pour la majorité des décès qui surviennent, que ce soit à l'hôpital ou
ailleurs, qui ne sont pas potentiellement éligibles au don d'organes, beaucoup
de ces personnes-là vont quand même être éligibles au don de tissus. Il y a
aussi le fait que les critères d'admissibilité pour le don de tissus sont
parfois différents de ceux du don d'organes, en particulier, pour certains
types de tissus, on peut accepter le don effectué par des personnes qui ont des
cancers au moment du décès.
Donc, vous aurez compris qu'il y a
beaucoup plus de donneurs potentiels pour les tissus comparativement aux
organes. Mais en même temps, les besoins en nombre de donneurs sont aussi
beaucoup plus grands, de sorte qu'à Héma-Québec, on doit consacrer beaucoup d'efforts
pour assurer l'identification et le...
M. Germain (Marc) : ...des
donneurs de tissus. Pour vous donner un exemple, là, il a fallu établir, on a
décidé d'établir un partenariat avec le Bureau du coroner, un partenariat par
lequel tous les décès qui passent par le bureau du coroner sont signalés à
Héma-Québec, et Héma-Québec a la tâche ensuite d'identifier les donneurs
potentiels, de faire l'approche aux familles et ensuite d'enclencher le
processus de don. C'est une entente qui a eu un très grand succès, mais
malheureusement, ce n'est pas suffisant. Il faut continuer à déployer beaucoup
d'efforts pour identifier le nombre qui... de donneurs, en particulier les
décès qui surviennent à l'hôpital, mais aussi à l'extérieur de l'hôpital. En
fait, on parle d'un besoin de 800 à 1 000 donneurs de tissus par
année qu'on doit identifier et prélever. La bonne nouvelle, c'est que, pour la
plupart des tissus, on réussit, malgré le défi, à suffire à la demande.
Par contre, pour certains types de tissus,
les besoins ne sont pas complètement rencontrés, et même pour les tissus pour
lesquels on en a suffisamment en nombre, la qualité du système pourrait être
améliorée, de sorte que la qualité des tissus eux-mêmes et la qualité du... de
la... des patients ou enfin le bien-être des patients pourrait être amélioré si
le système de don était amélioré.
On pense que les pistes d'amélioration
qu'on veut vous présenter aujourd'hui pourraient bonifier grandement la
situation actuelle, sûrement pour le don de tissus, mais on pense aussi pour le
don d'organes. Et là, je voulais tout de suite modérer vos attentes, parce que
la plupart des recommandations qu'on veut vous faire, vous les avez entendues
ce matin, en particulier de la part du docteur Hébert et du docteur D'Aragon.
Premièrement, il faudrait faire en sorte
que les hôpitaux puissent se conformer à leur obligation de notifier les
organismes responsables du don, donc Transplant Québec et Héma-Québec,
lorsqu'un donneur potentiel est identifié. C'est une obligation qui est prévue dans
la loi, mais il y a clairement un manque de moyens pour que cette obligation-là
soit respectée. Vous avez peut-être vu dans le mémoire que c'est seulement
7 % à 8 % des décès qui sont déclarés à Héma-Québec.
Deuxièmement, permettre à Héma-Québec, Transplant
Québec d'avoir un accès direct au dossier médical du patient pour pouvoir
identifier très tôt et immédiatement les donneurs potentiels et alléger la
tâche du personnel dans le réseau hospitalier, procéder directement à
l'approche aux familles, ce qui augmente les opportunités d'obtenir un
consentement et ainsi améliorer l'efficience du processus.
Le consentement présumé, puisqu'évidemment
c'est au cœur des discussions, là non plus, vous ne serez pas surpris
d'entendre notre position, qui est très semblable à ce que vous entendu ce
matin. On n'a pas d'objection. Par contre, en soi, on ne pense pas que ce soit
une solution suffisante pour améliorer le... le système actuel. Et, en fait, on
pense que, si on devait aller vers un consentement présumé, ça devrait
s'accompagner de plusieurs autres dispositions pour faire en sorte que ce soit
au minimum sans impact négatif sur le système et idéalement une amélioration
pour le système de don.
En particulier, un élément crucial à un
système de consentement présumé, vous l'avez entendu aussi ce matin, c'est le
fait d'avoir un registre qui soit d'abord un registre unique, qui soit
facilement accessible par les citoyens qui désirent signifier leur refus. On
pense que la robustesse d'un tel système de consentement, c'est essentiel pour
conserver la pleine confiance du public. D'ailleurs, il y a des pays où on a
démontré que lorsque ce n'était pas fait correctement, ça pouvait nuire à la
cause du don d'organes et de tissus. Et en passant, on pense que, peu importe
le système de consentement, d'avoir un seul registre au Québec, ce serait aussi
un grand avantage pour le système.
• (16 h 40) •
Et finalement, une autre recommandation
que vous avez entendue ce matin, c'est de mettre sur pied un système pour
évaluer la performance du don et de la greffe d'organes et de tissus, donc pas
seulement le processus de don, mais toute la chaîne de don jusqu'à la
transplantation. Par exemple, évaluer les occasions manquées, pas tellement
pour simplement évaluer la performance, mais aussi identifier les pistes de
solutions pour améliorer le système. Et ça, ça va jusqu'à la transplantation
elle-même, d'avoir une meilleure idée de... de la... de l'avenir à long terme
des patients qui reçoivent les greffes. C'est vrai pour les organes, mais c'est
vrai aussi pour certains types de tissus. Et ce genre d'évaluation de la
performance là pourrait mener à moyen, long terme à une amélioration
significative du système de don et de transplantation au Québec.
Alors, ça fait le tour des principaux
messages qu'on voulait vous passer aujourd'hui. Merci pour votre écoute. Et
puis, évidemment, ça nous fera plaisir de...
M. Germain (Marc) : ...de
répondre à vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre présentation.
Alors, Mme la députée de Bonaventure.
Mme Blouin : Oui. Bonjour à
vous et merci d'être avec nous aujourd'hui. Je reviens sur un point. En fait,
vous débutez votre mémoire avec ça et vous venez de le soulever, là, vous dites
que, "pour améliorer de façon significative le système actuel, il faudrait
d'abord s'assurer que les hôpitaux et les autres organismes impliqués se
conforment à leur obligation de notifier les organismes responsables des dons
lorsqu'un donneur potentiel est identifié dans le réseau". Et là on voit
qu'il y a un très, très faible pourcentage. Comment ça se passe? C'est quoi, la
procédure? En fait, j'ai plein de questions. Pourquoi on ne se conforme pas?
M. Germain (Marc) : Bien,
ça, il faut voir, c'est très dépendant de chaque milieu. D'abord, la loi ne
s'applique qu'aux hôpitaux, donc il n'y a pas d'obligation de déclarer un décès
si le décès survient, par exemple, à domicile, ce qui arrive de plus en plus
souvent. Donc, nous, il faut prendre entente avec les organisations qui
s'occupent de ces situations-là pour les convaincre de nous signaler les
donneurs potentiels.
À l'hôpital, oui, c'est une obligation
légale, mais il faut comprendre que la vocation première d'un centre
hospitalier, c'est de prendre soin des patients, donc des patients vivants.
C'est assez complexe, toute la logistique, présentement, pour identifier les
donneurs potentiels et ensuite contacter les agences de dons. C'est pour ça que
les premières recommandations qu'on fait tiennent au fait que, le plus tôt
possible, on voudrait que le fardeau de faire l'approche aux familles,
identifier les donneurs potentiels, ce soit plutôt fait par les organismes de
dons, et non pas par les hôpitaux, parce que, honnêtement, ils ont d'autres
chats à fouetter.
Par contre, il y a des modèles où on a
réussi à avoir des bons succès, en termes d'identification de donneurs dans les
hôpitaux, par exemple, on a un exemple en tête où un hôpital a décidé de passer
par le service d'admission. Parce que, souvent, ou, enfin, dans la plupart des
hôpitaux, les décès sont rapidement signalés à l'admission. Alors, dans ce
contexte-là, il y a eu entente au fait qu'à partir du moment où le décès est
signalé à l'admission, que le consentement avait été vérifié ou obtenu de la famille,
à ce moment-là, nous, on prend le relais pour procéder avec l'évaluation du
donneur et le don, s'il y a lieu de faire le don.
Mme Blouin : Et ce matin,
entre autres, il y avait... on soulevait, en fait, de mettre... l'idée de
mettre la responsabilité, par exemple, sur une personne comme le DSP à
l'hôpital. Est -e que vous pensez que ça serait une bonne façon d'améliorer le
taux?
M. Germain (Marc) : Bien, je
ferais écho à ce qui a été dit ce matin, ce n'est pas, là... évidemment, ce
n'est pas le DSP lui-même qui peut faire la tâche que de référer les donneurs.
C'est sûr que le DSP peut donner l'impulsion à son équipe de faire ce qu'il
faut pour respecter cette obligation-là, encore faut-il qu'il ait les moyens
puis qu'il y ait la volonté sur place pour aller de l'avant avec ce genre de
système de notification aux organismes de dons.
Mme Blouin : Vous parliez
aussi qu'il y a actuellement les deux registres de consentement, celui de la
RAMQ, celui de la Chambre des notaires, vous disiez que ce serait plus simple
s'il y en avait un seul. En fait, c'est quoi, les difficultés que ça occasionne
d'en avoir deux?
M. Germain (Marc) : Bien,
pour nous, de... bon, c'est une difficulté, vous allez dire, qui est mineure,
c'est que ça nous oblige à consulter les deux registres pour s'assurer qu'il
n'y a pas refus dans le Registre des notaires, par exemple, parce que le refus
des notaires permet d'inscrire un refus, alors que, pour la RAMQ, ce n'est
qu'un consentement. Donc, ça, ça duplique la tâche pour ce qui est de la
consultation des registres, mais je pense que, de façon plus importante, auprès
de la population en général, ce serait beaucoup plus simple, beaucoup plus
évident d'avoir affaire à un seul registre. Et ça, bien, je l'ai mentionné, là,
mais c'est clair que si on s'en va vers un système de consentement présumé, il
faut que ce soit un seul registre, très bien identifié, connu de tous,
facilement accessible. Mais je pense que, peu importe le modèle de
consentement, un registre unique, ce serait un pas dans la bonne direction pour
un meilleur système de dons.
Mme Blouin : Merci. Et ce
seraient quoi, à votre avis, les moyens à mettre en place pour améliorer
l'accès aux dossiers médicaux des donneurs potentiels?
M. Germain (Marc) : Je vais
peut-être passer la parole à mon collègue, Me Gignac, pour les aspects un peu
plus techniques, là, légaux de la chose. Il y a probablement certaines
modifications, peut-être pas à la loi, mais, en tout cas, certaines
dispositions qu'il faudrait prendre pour nous permettre l'accès, là. Ça a été
fait dans d'autres contextes, là. Il y a des choses à faire, ce ne serait pas
terriblement compliqué, mais je vais laisser Me Gignac, peut-être, commenter à
ce sujet-là.
M. Gignac (Sébastien) : Bien,
comme vous le savez, il y a une grande sensibilité à tout ce qui porte sur
l'accès aux renseignements personnels, en particulier les dossiers de patients.
C'est certain qu'on a réussi à développer, à travers des ententes avec des
centres hospitaliers... on peut désigner un ou une employée qui va travailler
sur place et qui est sous la responsabilité immédiate de l'hôpital. Dans ce
cas-là, ça facilite l'accès aux données parce que la responsabilité du centre
hospitalier est vraiment limitée aux employés de l'hôpital ou ceux qui sont
directement sous la responsabilité de l'hôpital. Donc, on peut, à...
M. Gignac (Sébastien) : ...des
moyens contractuels ou légaux, au-delà de la loi, met en place des mécanismes.
Mais c'est quand même assez compliqué, je vous dirais, de façon générale, puis
ça dépend de la volonté de chaque centre hospitalier. Donc, c'est un petit peu
inégal, si je peux dire, de le faire de façon systématique. C'est certain que
ce serait préférable, donc, à travers une loi ou règlement... que vous savez,
la nouvelle loi sur les données en santé offre des avenues prometteuses, mais
on n'a pas encore eu un régime en place qui nous permet de dire si ça va
faciliter ou non, parce que c'est une loi qui est en partie habilitante et qui
permet au gouvernement de prendre des règlements. Puis ce régime est en train
d'être développé, là, par le ministre de la Santé et son ministère. Alors,
c'est certain qu'on va voir ce que ça va donner, mais, pour le cas spécifique
de l'accès aux données pour les dons d'organes et de tissus, on estime qu'il
pourrait y avoir un régime plus particulier qui favoriserait, pour les
organismes comme Héma-Québec ou Transplant Québec, d'avoir un accès plus en
amont, qui serait plus spécifique, qui permettrait une meilleure planification.
Alors, on n'a pas une suggestion particulière à faire quant aux dispositions
législatives que ça supposerait, là, mais je suis sûr qu'avec les juristes du
ministère de la Justice, on pourrait arriver à des dispositions qui seraient
tout à fait pertinentes.
Mme Blouin : Et est-ce que
vous êtes en mesure de donner des exemples? Par exemple, on parlait, là,
justement de l'accès aux données, mais pour mesurer, est -e que vous êtes en
mesure de donner des exemples de ce qui devrait être colligé comme informations
pour pouvoir mesurer la performance?
M. Germain (Marc) : Bien, je
mentionnais, puis c'est mentionné aussi dans le mémoire, faire une analyse plus
diligente des occasions de dons manqués. Ça, c'est vrai... probablement plus
pour le don d'organes, mais aussi pour le don de tissus. Évaluer les taux de
consentement assez... de façon assez surprenante, on n'a pas une bonne idée du
véritable taux de consentement quand l'approche est faite auprès des familles
par exemple. Et ça, le taux de consentement, il est très variable selon dont...
selon la façon dont on approche les familles et qu'on explique le processus de
don. Alors ça, je pense que c'est un des indicateurs. À l'autre bout de la
chaîne de transplantation, si je parle plus spécifiquement des tissus, je vous
parlais des greffes de cornée. On n'a pas de registre de patients qui reçoivent
des greffes de cornée pour savoir à long terme comment ils vont, ces
patients-là. Les greffes, est-ce qu'elles survivent un an, deux ans, cinq ans?
Qu'est-ce qui fait qu'une greffe de cornée va survivre mieux qu'une autre
greffe? Est-ce que c'est en raison de l'âge du donneur, de conditions
sous-jacentes? On n'a pas ces données-là. D'un point de vue purement
académique, c'est intéressant. Mais au-delà de l'intérêt académique, ce serait
très important d'avoir une meilleure vision sur les critères qui font que nos
greffons sont de meilleure ou de moins bonne qualité pour pouvoir améliorer la
performance du système globalement. Il y a d'autres exemples, les valves
cardiaques, ça en est un autre exemple. Il y a d'ailleurs des discussions à
l'effet de mettre sur pied des registres comme ça, il y a une volonté, il
manque encore les moyens.
Le Président (M. Provençal)
:...député de Saint-Jérôme.
M. Chassin :...combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
:Il vous reste six minutes.
M. Chassin :D'accord, s'il y a d'autres questions... Alors, évidemment,
je trouve ça fascinant parce qu'on s'intéresse d'abord au consentement, puis tout
à coup on se rend compte de toutes sortes d'aspects assez... particuliers puis
certaines difficultés, on ne se le cachera pas. Dans la partie... puis là je
vous pose une question très pointue sur ce que vous venez de dire, là, avec ma
collègue, vu que c'est une loi habilitante puis qu'on est en train de
développer un cadre dans le fond pour... pour tout ce qui fait partie, dans le
fond, de l'accès des données ou des dossiers, j'imagine que vous avez déjà des
contacts puis que vous... vous réfléchissez, vous et passez aussi vos
recommandations. Ça, ça, c'est une partie qui se fait déjà.
• (16 h 50) •
M. Gignac (Sébastien) : On
est étant en contact régulier avec le ministère de la Santé, des Services
sociaux et les fonctionnaires attitrés justement à préparer ce régime
réglementaire. Alors, oui, on a communiqué nos préoccupations ou sinon ce qu'on
souhaiterait voir, et on est en interaction. Là, on n'a pas encore de
conclusion, mais on travaille généralement en bonne intelligence avec le
ministère et les fonctionnaires du ministère.
M. Chassin :Puis, pardonnez mon ignorance, particulièrement en termes
de données,là, ma collègue a beau me l'expliquer, ma collègue de Fabre, mais
essentiellement un registre, finalement, c'est des données de différents
individus, mais sous un aspect, là, on regarde par exemple les différents...
les différentes données de différents individus, puis on ne dit pas : Ah!
mais par exemple, justement, on va suivre des gens qui ont reçu une greffe de
cornée parce que dans leur dossier, c'est indiqué qu'ils ont reçu une greffe,
c'est juste que ce n'est pas...
M. Chassin :...intégré, j'imagine, ce n'est pas consultable.
M. Germain (Marc) : Exact.
M. Chassin :O.K. Ça fait que c'est ça, la difficulté essentiellement
pour la partie registre, là.
M. Gignac (Sébastien) : Exactement.
On n'a pas accès au...
M. Germain (Marc) : Et
évidemment, nous, comme organisme de don, on n'a surtout pas accès à ces
données-là. Mais même dans le réseau, ceux qui font la greffe dans leur
pratique, ils ont accès au dossier de leurs patients, mais ils n'ont pas la
vision globale. Il n'y a pas de registre intégré pour... pour le suivi de
l'ensemble de ces personnes-là qui reçoivent des greffes, là.
M. Chassin :Puis là j'ai une question un peu pointue, mais c'est une
question de gouvernance, là, mais le fait que vous ne soyez pas dans le réseau
puis que vous n'êtes donc pas des employés du réseau facilite certains
processus. Le fait que vous ne soyez pas dans le réseau complique certains
processus. Est ce qu'il y a... Est ce qu'il y a... Je veux dire, il y a quand
même un peu les deux aspects, là, dans ce que... dans ce que vous avez dit
précédemment? Est-ce que... Est-ce que vous pensez que l'indépendance, dans le
fond, par exemple, d'Héma-Québec, est globalement un avantage? Par exemple, si
ce serait vraiment le gouvernement qui avait la responsabilité d'un registre,
c'est une chose. D'avoir un organisme un peu indépendant qui tient un registre,
est-ce que vous avez une évaluation, disons, de la confiance que ça peut
générer ou pas, peut-être?
M. Gignac (Sébastien) : Comme
vous le savez sans doute, Héma-Québec ne serait-ce qu'au niveau des dons de
sang, gère des données extrêmement sensibles en termes de renseignements
personnels. On est habitués, on a une vue sur l'orientation sexuelle, les
voyages, les maladies, je veux dire, tu sais, c'est même plus souvent que ce
qu'on trouve dans les dossiers patients et...
M. Chassin :...réputation est très importante, là. Vous avez travaillé
là-dessus énormément.
M. Gignac (Sébastien) : La
réputation est fondamentale, parce que si nos donneurs s'inquiètent le
moindrement de la façon dont on gère leurs données de façon problématique, ça
affecte automatiquement leur capacité à les donner. Pour nous, notre mission,
c'est de prélever auprès des donneurs pour donner aux patients. Alors, si on
applique le principe qu'on va toujours s'inquiéter de façon maximale, si on
veut, d'une protection adéquate, c'est certain que ces principes
s'appliqueraient aussi à l'accès aux données qu'on aurait dans d'autres
contextes, que ce soit les... les tissus humains ou autres. Ce que je veux dire
par là, c'est que le fait qu'Héma-Québec soit indépendant, je ne pense pas que
ça crée nécessairement un problème. On ne fait pas partie du réseau comme tel,
mais on est un partenaire stratégique distinct de Santé. Et je crois qu'on
travaille en général bien avec le système de santé.
Pour ce qui est spécifiquement de l'accès
aux... aux dossiers des patients, ce n'est pas qu'on n'y ait pas accès comme
tel, et puis on comprend très bien pourquoi au départ c'est le cas, mais il y
aurait peut-être, dans certains cas, et on... D'ailleurs, on est en discussion
avec le ministère de la Santé là-dessus, il y a des cas qui justifient qu'on
n'ait plus accès. Il y a aussi des façons, si on prend plus le point de vue
de... une compréhension plus systématique des enjeux, d'avoir des données
anonymisées qui nous permettent d'avoir une lecture, bon, ça c'est une autre partie,
mais de la problématique. Donc, il y a différentes façons de voir la chose. Je
pense qu'on peut très bien arriver avec des solutions pragmatiques et qui
tiennent compte néanmoins, là, des intérêts de part et d'autre, là, que nous,
on a tout aussi à cœur que...
M. Chassin :La confiance.
M. Gignac (Sébastien) : Oui,
voilà, exactement.
M. Germain (Marc) : ...peut-être,
rajouter...
Le Président (M. Provençal)
:...
M. Germain (Marc) : ...concernant.
Parce que si on plaide pour la mise en place de ces registres-là, on ne plaide
pas nécessairement le fait que les registres devraient être sous la gouverne
d'Héma-Québec ou de quiconque, là. Je pense que l'important c'est de mettre en
place ces registres-là. La gouvernance, l'imputabilité et tout ça... Ça, c'est
une autre histoire. Il y a des analogies à faire. Par exemple, pour ce qui est
des produits sanguins, il y a des bases de données sur les patients transfusés
à l'hôpital qui ne sont pas sous notre gouverne, mais il y a moyen de faire des
liens. Par exemple, lorsqu'il y a des effets indésirables, il y a un système
d'hémovigilance qui est en place. Donc, il y a des modèles qui existent où ce
n'est pas nécessairement Héma-Québec qui est en charge du registre lui-même,
mais il y a un registre. Puis il est accessible, puis il y a une gouvernance
claire établie autour de ces registres-là. C'est ça qu'on plaide, là,
principalement.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, M. le député
de Pontiac.
M. Fortin :Merci. Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci
d'être, d'être avec nous, d'être parmi nous aujourd'hui. Vous allez me
permettre, M. le Président, si mes collègues sont d'accord, je vais prendre
deux petites minutes d'entrée de jeu, là, pour... pour vous poser une question
hors sujet peut-être pour aujourd'hui, mais qui est au cœur de votre mandat. Il
semble qu'on vous a vu beaucoup dernièrement à travers de la publicité ou autre
chose, là, parler du niveau de la banque de sang, là. Comment ça va? On est
rendu où? Est-ce que ça s'améliore? Est-ce que ça a porté fruit? Qu'est-ce qui
se passe?
M. Germain (Marc) : Ça
va, je dirais, ça va très bien. En fait, c'est hier qu'on a envoyé un avis aux
hôpitaux pour leur dire qu'on revenait en situation tout à fait normale en
termes de ce qu'on appelle le niveau d'allocation pour les produits sanguins...
M. Germain (Marc) : ...on a eu
une période un peu plus, je ne dirais pas, difficile, mais un peu hasardeuse,
où on a préféré être proactifs et demander aux hôpitaux de faire un peu plus
attention. Dans notre jargon, on appelle ça «allocation B». C'est expliqué
par... Bon, on sort de la période des fêtes. Évidemment, c'est toujours une
période un peu plus difficile, mais je dois dire que cette année, ça a été
franchement mieux qu'à l'habitude. Mais, par prudence, on a demandé aux
hôpitaux, pendant un certain temps, de faire plus attention pour certains
groupes sanguins, mais, dès hier, on est revenus à une situation plus
normale... bien, en fait, tout à fait normale.
M. Fortin :Excellent. Bonne nouvelle.
M. Gignac (Sébastien) : J'ajouterais
peut-être, si vous me permettez, que, si on se compare aux autres agences ou
banques de sang, que ce soient la Société canadienne du sang, pour le reste du
Canada, ou aux États-Unis, ou en Europe, c'est certain qu'après la pandémie
toutes les agences ou banques de sang ont expérimenté des difficultés,
c'est-à-dire une baisse. Mais Héma-Québec se démarque, en ayant été capable de
rétablir un niveau tout à fait acceptable. On est même au-delà de notre seuil
critique depuis un bon moment déjà. Comment on l'explique? C'est certain que la
diligence qu'on met à faire notre travail d'admission y est sans doute pour
quelque chose, mais il y a quand même quelque chose de systémique, qui s'est
appliqué à l'ensemble des banques et agences de sang, qui fait qu'on retrouve
cette situation, pratiquement, chez tous les autres, mais pas à Héma-Québec. On
a rétabli le niveau à un niveau très acceptable.
M. Fortin :Le... Je vous ramène à nos moutons, disons, là. Vous avez
mentionné tantôt, là, que, pour plusieurs types de tissus, ça va bien, mais
qu'il y a certains types ou c'est peut-être plus difficile à rencontrer nos
objectifs ou les besoins, à tout le moins, là. Pouvez-vous peut-être élaborer,
là? Quels types de tissus, et qu'est ce qui se passe? Pourquoi on en est là?
M. Germain (Marc) : L'exemple
le plus criant, présentement, ce sont les valves cardiaques, que... Je
mentionnais que les valves cardiaques, c'est utilisé en chirurgie pédiatrique,
pour les malformations congénitales. Ça a toujours été, puis ça va toujours
l'être, je pense... au moins, quelques décennies. Ça, c'est un besoin qui sera
toujours difficile à combler, pour la bonne raison qu'évidemment des donneurs
en âge pédiatrique, ce n'est pas fréquent, heureusement. Donc, ça, ce sera
toujours un défi. Par contre, il y a une demande grandissante pour des valves
adultes, parce qu'il y a un engouement, qui va en augmentant, pour faire des
chirurgies, plutôt que d'utiliser des prothèses mécaniques, pour remplacer les
valves aortiques, en particulier.
Il y a certains chirurgiens, et de plus en
plus de chirurgiens, qui vont se tourner vers la greffe de valve pulmonaire.
C'est une procédure qu'on appelle procédure de Ross... en tout cas... avec des
avantages clairs pour le patient. Il n'a pas besoin de recevoir
d'anticoagulants. Semble-t-il que la valve peut durer plus longtemps. Donc, la
demande augmente. Il y a, évidemment, une seule valve pulmonaire par donneur.
Pour d'autres types de tissus, on peut fabriquer plusieurs types de tissus
osseux, par exemple, à partir d'un même donneur. Un donneur, une valve. Donc,
ça, c'est un défi, pour nous, d'avoir des valves de bonne qualité, et il faut
que les donneurs répondent à certaines caractéristiques, absence de certaines
pathologies, évidemment, cardiaques, l'âge, etc. Donc, ça, c'est un défi sur
lequel on a planché et on continue de plancher. Ça va mieux. On tente, par
exemple, de compenser en allant chercher des produits sur le marché américain,
mais on veut, autant que possible, demeurer autosuffisants. Donc, ça, c'est un
exemple de produit où, vraiment, il y a encore un peu de boulot, là, de ce
côté-là, et c'est pour ça que l'identification des donneurs potentiels pour
trouver ce genre de donneurs là, là, c'est encore un défi pour nous, là.
• (17 heures) •
M. Fortin :O.K. Je vais profiter de l'occasion... Vous êtes le premier
groupe, là, aujourd'hui... je suis certain qu'il y en aura au cours des prochains
jours, là, mais qui, vraiment, fait une mention particulière de l'aide médicale
à mourir, et de l'impact que ça a sur le don d'organes, le don de tissus. Tu
sais, on a vu les chiffres dernièrement, là, qui... et ça nous apparaît
assez... lecture de l'extérieur, là, mais ça nous apparaît assez clair que
quelqu'un qui se prépare à avoir recours à l'aide médicale à mourir, bien, a la
chance d'avoir une discussion avec ses proches sur ses derniers souhaits, a le
temps de mettre en place ses dernières volontés et de les partager. Et donc ça
peut mener à, disons, une préparation aussi, peut-être, du système hospitalier
à recevoir les organes et les tissus de ce patient-là. Est-ce qu'il y a une
discussion... En ce moment, à votre connaissance, là, est-ce qu'il y a une
discussion automatique, disons, régulière, presque systématique, des
professionnels de la santé qui administrent l'aide médicale à mourir, avec le
patient avant que le jour vienne, disons?
M. Germain (Marc) : C'est,
évidemment, ce qu'on cherche à faire, là. Maintenant, le niveau... je vais
utiliser un terme commercial... le niveau de pénétration de cette action-là, il
faudra que je consulte mes collègues. Mais je sais que mes collègues qui sont
au quotidien là-dedans ont déjà pris contact avec les équipes qui...
17 h (version non révisée)
M. Germain (Marc) : ...qui
font de l'aide médicale à mourir, il y a des formulaires qui ont été développés
pour que ça fasse partie du processus d'évaluation. Donc, c'est présenté à la
personne à un moment donné. Est-ce que c'est fait systématiquement dans tous
les cas? Je n'ai pas la réponse à ça, mais c'est certain qu'on tend vers ça,
là, autant que possible, parce que c'est évidemment une occasion qu'il ne faut
pas manquer, là, autant pour le don d'organes, évidemment, que pour le don de
tissus.
M. Fortin :O.K., très bien. Bien, on pourra y revenir avec certains de
vos collègues aussi, là.
Sur la question du consentement présumé,
là, on a bien lu votre mémoire. Je vais le résumer, dites-moi si j'ai bien
compris ce que vous avancez, là. Vous dites que vous n'êtes pas contre, que, si
on va dans cette avenue-là, qu'il faut le faire correctement, avec les balises
nécessaires, notamment, et c'est la première que vous mettez de l'avant, là, le
fait qu'il y ait un registre, un seul registre, vous dites un, et facilement
accessible. Je vous pose la question : est-ce que le registre, en ce
moment, il est facilement accessible, le registre de la RAMQ?
M. Germain (Marc) : Bien là,
ça, c'est relatif. Je pense que la bonne question, c'est : est-ce qu'il
est suffisamment accessible pour permettre un système de consentement présumé?
Ma compréhension, c'est que non. Maintenant, il faudrait voir, là. Si on décide
d'aller vers un consentement présumé, est-ce qu'on pourrait y aller via le
registre actuel, le registre de la RAMQ? Si oui, quelles seraient les
améliorations? Moi, je pense, le rejet, c'est une chose, c'est surtout l'éducation
du public. Ça a été dit de nombreuses fois ce matin-là, oui, ça prend un bon
registre, mais il faut que les gens connaissent l'existence du registre, savent
qu'ils ont l'opportunité de refuser, si c'est ça, qu'ils veulent le faire.
Alors, ça, c'est la clé de voûte, là, de ce système-là.
Et, bon, là vous avez commencé en disant
qu'on n'avait pas d'objection. Vous aurez compris qu'on n'est pas non plus
superenthousiastes, là. En soi, on ne pense pas que ça va être suffisant, ce n'est
peut-être même pas nécessaire pour avoir un meilleur système de don ou même un
système de don optimal au Québec. Là, je m'avance peut-être un peu plus que ce
qui est inscrit dans le mémoire, mais quand on parle aux experts du domaine,
quand on regarde les délibérations suite au symposium en 2021, c'est loin d'être
convaincant que ça va aider énormément à améliorer la situation.
M. Fortin :Oui. Quand on lit les... quand on lit effectivement les
résultats du symposium, là, tout le monde met un peu certaines balises, disent
qu'il faut le faire en conjonction ou en... avec un paquet d'autres mesures,
mais c'est justement ce qui... ce qui fait en sorte que c'est difficile de
mettre le doigt sur quelle est la... l'impact d'une telle mesure. Parce que les
juridictions qui l'ont fait avant nous, qui se sont... qui ont choisi de se
positionner l'ont toujours fait avec d'autres mesures. Si je regarde, par
exemple, la Nouvelle-Écosse, là, au cours des dernières années, qui a... oui, a
choisi de le faire, où il a choisi de prendre le temps aussi de... d'avoir
cette conversation-là avant que ce soit en vigueur, mais pendant ce temps-là,
ils ont fait un paquet d'autres mesures qui ont été suggérées.
Donc, tu sais, nous, on le voit aussi
comme ça, là, comme un... une partie d'un ensemble de mesures qui doivent être
mises, soit des mesures législatives ou des mesures, disons, gouvernementales,
qui doivent être mises de l'avant par le ministère. Mais, parce que c'est
votre... c'est votre... disons, le point principal que vous mettez avec la
question du consentement présumé, là, est-ce qu'il y en a, des registres
ailleurs, est-ce qu'il y a d'autres juridictions ailleurs qui font un registre
convenable, disons, ou approprié, qui est effectivement plus facile, plus
facile d'accès pour la population en général?
M. Germain (Marc) : Moi,
personnellement, je n'ai pas la réponse à cette question-là. Je n'ai pas étudié
en détail le fonctionnement des systèmes de consentement présumé ailleurs. Bon,
pour les raisons que je viens d'expliquer, on n'a jamais pensé que c'était la
panacée, donc on ne s'est pas nécessairement intéressés de très près. Je pense
qu'il faut regarder ça. Puis je commencerais à regarder plus proche que plus
loin. Puis, bon, on a... on n'a pas eu le témoignage de nos collègues de
Nouvelle-Écosse, mais je pense que ça, ça va être une expérience à surveiller
de très près. Moi, je suis prêt à accepter l'idée que ce sera peut-être une
piste d'amélioration. Je pense qu'il faut se fier aux faits, à l'expérience que
va vivent ceux qui ont adopté un système comme ça, bien comprendre pourquoi ça
a bien marché ou pourquoi ça a mal marché en l'occurrence. Il faut rester
ouvert à cette... à cette possibilité-là. Présentement, de ce qu'on en lit et
de ce qu'on en sait, c'est loin d'être évident encore. Et...
M. Fortin :Puis effectivement, là, ce n'est pas parce qu'on n'a pas essayé
d'avoir des gens de la... de la Nouvelle-Écosse, je pense qu'il y a un...
M. Fortin :...enjeu d'horaire qui a fait en sorte que ça n'a pas pu
fonctionner. Mais de ce qu'on comprend des commentaires publics du docteur...,
en Nouvelle-Écosse, là, c'est... lui, il croit au consentement présumé et il
croit à l'approche qu'ils prennent en ce moment pour l'amélioration. Cependant,
c'est vrai qu'il y a des enjeux éthiques qui ont été soulevés, en
Nouvelle-Écosse, mais le système actuel, pour nous, là, et vous me direz si
c'est la même chose... il y a des enjeux éthiques aussi, dans le système actuel
de consentement, disons, plus explicite, là. Ce n'est pas exactement ce qu'on
fait aujourd'hui, parce qu'on va quand même voir la famille dans les cas où la
personne n'a simplement pas d'indication. Alors, il y a un enjeu éthique aussi
à une personne qui pense avoir signifié son opposition, qui pourrait terminer
en donnant ses organes, là. C'est vrai qu'il n'y en a pas, de système parfait,
là, je suis d'accord avec vous là-dessus, mais je pense qu'il faut le regarder,
effectivement, là, de... probablement... ça mérite une analyse plus penchée sur
les résultats de ce qui se passe en Nouvelle-Écosse de notre part.
M. Germain (Marc) : Oui, puis
je pense qu'un système dans lequel on a des meilleures mesures de performance,
je parlais des taux de consentement, justement, ce genre de situation là...
Moi, honnêtement... pour moi, présentement, ça relève de l'anecdote. On n'a pas
de chiffres, on ne sait pas. Est-ce que ça arrive une fois par semaine ou une
fois par année? Il faudrait avoir des meilleures données pour comprendre si
vraiment ça se produit, ce genre de situation là, et là on verra comment on
peut améliorer ça. Parce qu'évidemment c'est embêtant d'aller contre les
volontés du défunt, mais, si ça arrive une fois par année, peut-être que c'est
un faux problème, si ça arrive plus souvent que moins, bien là, on pourra s'y
attaquer.
M. Fortin :C'est là où c'est... c'est là où question devient
intéressante, c'est que c'est presque impossible de le mesurer. C'est presque
impossible de le savoir parce qu'on ne peut plus le demander au défunt, tu
sais, il est un peu... il est trop tard, là, donc.
M. Germain (Marc) : Bien,
c'est-à-dire que, si le défunt a signifié son consentement au don dans un
registre et que la famille s'y oppose, ça, il faudrait, il faudrait... on est
capable de le mesurer. Et moi, c'est ce genre de situation là, là, comme je
vous dis, pour moi, c'est plus de l'anecdote que du domaine des faits. Alors,
je pense que ça mériterait d'être mesuré, ça.
M. Fortin :Oui, tout à fait. Bien, je veux... moi, je vous remercier,
là, pour votre analyse de la question et je pense que vous nous soulevez
certains enjeux qui méritent d'être étudiés, d'être approfondis... d'entendre
les groupes au cours des prochains jours. Mais, moi, je comprends que
l'objectif principal, là, ici, là, c'est... entendre ce que la docteure Hébert
a dit ce matin, oui, il faut améliorer la transplantation, tout le processus
qui part du don puis qui va à la transplantation, mais il faut aussi améliorer
notre bassin de donneurs potentiels au Québec, tout en s'assurant que les gens
qui sont opposés à ça puissent avoir un véhicule clair pour s'exprimer ainsi.
Je ne suis pas sûr que c'est ça qu'on a en ce moment. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, M. le député
de Rosemont, vous allez être la conclusion de cet échange.
M. Marissal : Merci. Merci,
M. le Président. Bonjour. Bonjour, messieurs, merci d'être là. J'avoue que le
prélèvement et le don de tissus, c'est quelque chose, je pense, qui est moins
connu, là, en tout cas, de moi, certainement, là, un peu profane. Alors, vous
allez être indulgents avec mes questions si elles vous paraissent un peu
profanes, j'avoue, je ne suis pas très familier avec ça.
Quand on regarde votre tableau, là, dans
votre... à la page 6, là, de votre mémoire, comment on explique que la moyenne
canadienne est près du double, dans le pourcentage des donneurs potentiels
recommandés? C'est près du double. C'est énorme. Qu'est-ce qu'ils font de si
bien qu'on ne fait pas?
• (17 h 10) •
M. Germain (Marc) : Je ne
connais pas en détail les systèmes dans toutes les provinces. Je sais que, dans
certaines provinces de l'Ouest, il y a des mécanismes beaucoup plus
automatiques pour notifier les organismes de dons lorsqu'il survient un décès.
Puis, en fait, il y a des centres d'appels qui reçoivent ces notifications-là
de façon systématique, il y a des ententes claires avec les hôpitaux, qui sont
tenus de faire ces déclarations-là. Je pense qu'il existe des lois aussi pour
obliger les hôpitaux à se conformer à cette obligation-là. Il semble que la loi
est un peu mieux suivie dans ces provinces-là.
M. Marissal : ...
M. Germain (Marc) : Oui. Par
contre, le taux de déclaration, ça ne dit pas grand-chose sur le taux de succès
global, hein, parce qu'il faut... encore faut-il prélever les donneurs, les
qualifier, transformer les tissus. Et ça, je pense que, malgré que notre taux
de déclaration est... soit moitié moindre, on a quand même une très belle
performance, en termes d'être capable de supporter la demande, pour la majorité
des...
M. Germain (Marc) : ...ce qui
est... ce qui n'est pas aussi facile dans la plupart des autres provinces
ailleurs au Canada, là. Puis je mentionne en passant que le Canada, puis le
Québec ne fait pas exception, là, on se fie encore beaucoup sur un
approvisionnement... pour certains types de tissus, en particulier ceux qui
sont plus transformés, ça vient des États-Unis. Et globalement, là, c'est au
moins 60 % des tissus transplantés au Canada qui viennent des États-Unis.
M. Marissal : Ce sont des
tissus humains, là.
M. Germain (Marc) : Des
tissus humains.
M. Marissal : Pas
synthétiques.
M. Germain (Marc) : Non, non,
non, je parle des tissus humains pour la greffe.
M. Marissal : On achète des
tissus humains américains, essentiellement.
M. Germain (Marc) : Oui, qui
sont prélevés sur les donneurs américains, transformés par des compagnies
américaines qui les revendent sur le marché canadien. Alors, ça, c'est une
situation qui existe partout au Canada, et on fait des gros efforts pour
essayer d'augmenter notre autosuffisance, puis de prélever... non seulement
prélever les tissus ici, mais aussi de pouvoir les transformer en des produits
qui sont requis par les chirurgiens. Parce qu'il y a des étapes de
transformation qui sont assez complexes pour lesquelles on n'a pas encore
pleine capacité, mais on est en train de réfléchir et de plancher là-dessus
aussi.
M. Marissal : Ça fait que
j'ai peut-être du tissu osseux d'un gars du Minnesota puis je ne le sais pas,
là.
M. Germain (Marc) : C'est
très possible. Si vous avez reçu une greffe d'os, là, je ne vous dis pas que
vous en avez une, là.
M. Marissal : Je ne le sais
pas, je ne suis pas allé dans le menu détail jusque-là, mais...
M. Germain (Marc) : Ils vous
en auraient parlé. Ils vous en auraient parlé.
M. Marissal : J'en avais
assez. J'en sais assez. J'en ai su assez. Mais question de même : Parce
qu'il y a trop de tissu aux États-Unis ou c'est parce que c'est payant de le
vendre ailleurs? Je suis curieux. C'est comme un trafic humain ou presque, là,
de... en tout cas, de quelque chose d'humain, là.
M. Germain (Marc) : Bien, ils
ont un surplus, là. Le don de tissus aux États-Unis, c'est volontaire non
rémunéré, là, comme le don de sang, mais par contre il y a des compagnies parfois
à profit, qui transforment les tissus puis qui les revendent. Et oui, il y a
des surplus puis ça leur permet d'exporter à l'extérieur des États-Unis en
grande quantité, en fait. Oui.
M. Marissal : O.K. Et la
majorité de ce qu'on a ici vient de l'achat?
M. Germain (Marc) : Pour
certains types de tissus, oui, en particulier les... certains types de tissus
osseux qui sont hautement transformés, ils viennent assez majoritairement des
États-Unis, oui.
M. Marissal : O.K. Dites-moi,
en 2018-2019, vous avez eu de meilleures performances de donneurs potentiels
recommandés... bon, c'est un peu à la marge, mais on part de tellement loin
que... on est passés de 8 à 11, par exemple, puis après ça on est retombé à 7.
Qu'est-ce qui s'est passé en 2018-2019?
M. Germain (Marc) : Bien, il
y a eu... pandémie a eu un effet assez majeur, là, sur les recommandations,
parce qu'encore une fois la majorité des recommandations se font par les
hôpitaux. On se souvient que...
M. Marissal : 2018-2019, il
n'y avait pas de pandémie, docteur.
M. Germain (Marc) : Non, je
comprends.
M. Marissal : Je comprends la
diminution en 2020, là, parce que là c'était la pandémie, mais en 2018-2019 on
n'était pas encore en pandémie.
M. Germain (Marc) : Oui, je
n'ai pas l'explication pour la diminution. Il y a des variations d'année en
année, là. Je n'ai pas l'explication pour ça.
M. Marissal : O.K. C'est
tout? Rapidement, peut-être, vous avez parlé d'une entente avec les bureaux du
coroner. Pouvez-vous faire rapidement pour ne pas que le président me chicane
puisque je n'ai plus de temps? Mais allez-y, je pense que vous pouvez répondre
en une minute.
M. Germain (Marc) : Mais en
fait, comme je vous le... il y a beaucoup de... bien, il y a certains décès qui
vont être déclarés par obligation au bureau du coroner. Parfois des décès qui
surviennent, et c'est ça, l'intérêt, à l'extérieur de l'hôpital, les morts
violentes, etc. Et ça, on les échappait évidemment parce que nous, on mettait
nos efforts dans les hôpitaux. Là, on a carrément pris entente avec le bureau
du coroner qui a été assez généreux pour nous permettre d'avoir... et là il y a
eu des, évidemment, des dispositions de nature légale pour nous permettre
d'avoir accès à leurs informations, de sorte que là on a carrément des employés
d'Hema-Québec qui sont... bien, qui étaient sur place physiquement, là, ça se
fait plus à distance depuis la pandémie, mais qui ont un accès direct aux décès
qui sont rapportés au coroner, ça nous permet de, à ce moment-là, de
dire : Ah, ça pourrait être un donneur potentiel. On peut faire l'approche
aux familles puis ensuite procéder avec le don.
M. Marissal : Très bien,
c'est clair. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup de votre contribution,
de votre participation.
La commission ajourne ses travaux au
mercredi 31 janvier, après les avis touchant les travaux des
commissions vers 11 h 15.
Alors, merci à tous les groupes qui ont
contribué à enrichir notre réflexion aujourd'hui. Merci beaucoup. Bonne fin de
journée.
(Fin de la séance à 17 h 16)