Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
(Onze heures quarante-neuf minutes)
Le Président (M. Provençal)
:Bonjour à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte.
La commission est réunie afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi
concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Blais. Abitibi-Ouest est remplacée par Mme Dorismod,
Marie-Victorin; M. Tremblay, Dubuc par M. Jacques Mégantic; M. Derraji,
Nelligan par Mme Maccarone, Westmount-Saint-Louis; Mme Sauvé, Fabre par M.
Birnbaum, D'Arcy-McGee et M. Arseneau, Îles-de-la-Madeleine par Mme Hivon,
Joliette.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Avant de débuter les
remarques préliminaires, je dépose le mémoire reçu, depuis la fin des
auditions, de la part de la Maison Victor-Gadbois. Nous débutons avec les
remarques préliminaires. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux,
vous disposez de 20 minutes, alors je vous cède immédiatement de la
parole.
• (11 h 50) •
M. Dubé : Oui. Bonjour,
M. le Président. Ça ne sera pas 20 minutes, mais je pense, c'est important
d'indiquer qu'on entreprend maintenant l'étude détaillée du p.l 38. Il y a
vraiment eu un consensus social, au Québec, pour élargir l'accès à l'aide
médicale à mourir pour les situations de personnes qui sont en situation d'inaptitude.
Maintenant, au-delà de ce consensus-là, M.
le Président, je pense qu'il est important, puis on l'a entendu dans les
derniers jours, de s'assurer de l'applicabilité de cette avancée-là sur le
terrain, ça, c'est quelque chose qu'on a entendu beaucoup. Et je pense que pour
nous, comme parlementaires, c'est un élément central pour la suite des choses.
On va déposer, là, dans les prochaines minutes, un plan de travail pour
organiser nos prochaines journées, pour s'assurer qu'on maximise le temps qui
est déplacé.
Je veux profiter, là, de cette minute-là
pour remercier, entre autres, les équipes du ministère, les juristes qui ont
fait un travail titanesque depuis plusieurs semaines pour en arriver là aujourd'hui,
et ça va nous aider dans cette étude de l'article par article. Et je veux aussi
saluer le travail de l'opposition depuis plusieurs semaines pour en arriver, je
dirais, à finaliser tout ce travail-là. D'ailleurs, les partis de l'opposition
nous avaient demandé, il y a quelques semaines, de faire tout pour déposer et
adopter les dispositions. Je le sais que l'agenda législatif a été très chargé
dans cette session, mais je pense que là, on a livré la marchandise, maintenant
on peut en débattre, et c'est là que nous sommes rendus.
J'aimerais rappeler aux Québécois, puis je
termine là-dessus, que le Québec est l'une des seules juridictions dans le
monde, une des seules dans le monde, à être allé aussi loin dans ses
réflexions...
M. Dubé : ...en lien avec
l'aide médicale à mourir et particulièrement sur les demandes anticipées. Et
c'est important de noter, M. le Président, que la plupart des membres actuels
de la présente commission et plusieurs intervenants du secteur que nous avons
entendus au cours des derniers mois travaillent sur cette modification-là, sur
cette prochaine étape depuis plus de trois ans. On a, je pense, un devoir pour
tous ceux qui sont ici, qui ont travaillé là-dessus de faire le maximum pour
livrer la marchandise pour que les Québécois qui pourraient avoir besoin de
cette avancée-là en termes de soins de vie puissent l'exercer au bon moment au
cours des prochaines années.
Et je termine en disant, je vous avais
promis que c'était rapide, je demeure confiant qu'avec toute l'information que
l'on a reçue, le travail qui a été fait, que les conditions sont réunies pour
poursuivre les travaux et relever ce grand défi pour les parlementaires pour le
bénéfice de tous les Québécois. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le ministre. Et je
voudrais mentionner que le plan de travail est sur le Greffier, donc il est
disponible autant la version courte que la version longue. J'invite maintenant
le député de D'Arcy-McGee à nous faire ses remarques préliminaires. Vous aussi,
vous disposez de 20 minutes.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Bon, nous sommes ici avec l'obligation très solennelle de poursuivre
un travail collectif, un travail, jusqu'à date, qui a impliqué nos
concitoyennes et citoyens de façon sérieuse depuis, comme le ministre vient de
dire, plus que trois ans même, et qui, jusqu'à date, aurait fait en sorte que,
de façon responsable, sur les questions littéralement de la vie et la mort,
nous n'avons jamais épargné une étape pour assurer la diligence et l'humanité
dans nos délibérations. Et je crois qu'on est ensemble en disant qu'on ne va
pas épargner de tous ces efforts cette fois-ci.
Je tiens à noter, dans un premier temps,
ça a été dit, mais notre déception qu'on se trouve devant un échéancier très,
très restreint. Le projet de loi aurait pu être... je le dis comme ça
respectueusement, aurait pu être déposé de façon plus précoce. Nous avons une
responsabilité, maintenant, comme je dis, de faire tout notre possible afin
qu'on soit en mesure de déposer un projet de loi sur cette proposition centre
d'élargir l'aide médicale à mourir devant les 125 législateurs de notre
Assemblée nationale qui seraient appelés à trancher, finalement. Je ne peux pas
être plus clair. Je partage, notre formation partage détermination de
collaboration totale, de transparence totale et de n'épargner aucun effort.
Qu'on le dise, ça se peut. Selon cette obligation solennelle, on n'arrive pas à
déposer un projet de loi. Voilà le défi devant nous.
En ce qui a trait à nos discussions, il y
a une liste de questions parmi d'autres, évidemment, on doit faire notre
diligence sur chaque article du projet de loi. Mais il y a des questions de
l'ordre très complexe et profond sur lesquelles on va avoir à nous pencher.
Bon, le noeud de l'affaire : la demande anticipée de l'aide médicale à
mourir dans les circonstances d'un diagnostic de maladie grave et incurable de
l'ordre neurodégénératif. Comment assurer cet aspect, qui est assez important
et nouveau, est traité de façon fidèle à l'autonomie de la personne en question
et son autodétermination? Et comment, à la même fois, assurer les intérêts
collectifs et légaux de l'État en ce qui a trait à la deuxième étape, le
déclenchement de la réalisation de ce souhait en termes pour les... Comment
assurer un arrimage là-dessus sur le plan temporel, même sur le plan moral,
éthique, déontologique et légal? Voilà le noeud de l'affaire, et nous avons des
discussions devant nous.
D'autres questions d'une importance
presque aussi marquante : des conditions qui peuvent encadrer un refus
d'une personne qui...
M. Birnbaum : ...à l'étape où
la question se pose, est inapte, une grande, grande question. Des questions qui
vont au cœur de l'avenir d'une telle loi adoptée, comment ça... à terre, sur le
terrain. Est-ce que les médecins, les autres professionnels de la santé ont les
outils nécessaires pour décharger de ce qui serait en quelque part leurs
obligations? On peut... mais leurs obligations collectives. Est-ce que
l'information est au rendez-vous pour que... de façon équitable, et je
concentre sur ce mot-là, équitable, partout au Québec, l'information est au
rendez-vous pour que les personnes, qu'on se rappelle, devant ces
circonstances, devant la possibilité de mourir... Est-ce qu'ils ont tout ce
qu'il faut pour faire des choix libres et éclairés? Je comprends qu'on n'écrit
pas tout ça dans une loi, mais on encadre la préoccupation et nos intentions
comme législateurs dans un projet de loi. Alors ça, c'est une autre chose, de
mon avis, qui est très importante.
Dernière chose, et surtout, compte tenu du
sujet devant nous, qui est loin d'être une petite chose administrative, c'est
l'entrée de date en vigueur. On ne veut pas, si le tout se faisait comme il
faut, et il y avait un vote, une éventuelle adoption donne loi, on ne veut pas
d'être dans une position où on aurait signé en quelque part, j'exagère un tout
petit peu, une lettre morte. On ne veut pas être devant une loi qui est
implantée dans une date qui n'est aucunement connue, dans une date qui serait
saisie par décret et selon des circonstances qui n'auraient pas été même
énumérées dans un projet de loi. Alors, voilà, M. le Président, quelques-unes
de nos grandes préoccupations et notre façon de voir le travail tellement
important devant nous. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Nous
allons poursuivre les remarques préliminaires avec le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Je serai très bref parce que les remarques préliminaires, elles ne
sont pas de moi et de nous, je crois, elles sont de la population qu'on a
entendue. Les remarques préliminaires, on les entend depuis une quinzaine
d'années, plus précisément depuis un an, et même 18 mois, avec la commission
spéciale.
On se retrouve ici, cela dit, dans un
espace-temps restreint qu'on ne pourra pas vraiment allonger à l'infini. Et le
ministre a fait référence tout à l'heure à notre demande que nous avions faite,
conjointement, de déposer un projet de loi. C'est un peu, comme les Anglais
disent : Faites attention à ce que vous souhaitez parce que vous pourriez
l'obtenir. Cela dit, on ne l'a pas fait pour nous, ce n'était pas un caprice,
ce n'était pas un caprice de député, c'était pour faire œuvre utile parce qu'on
fera oeuvre utile avec ce projet de loi. Je crois toujours que c'est possible
de l'adopter. Mais on a une obligation de résultat et on a un devoir de ne pas
se tromper. Alors, j'ai reçu, comme les autres collègues ce matin, la feuille
de route. Je vais donc me taire ici et maintenant pour qu'on puisse passer le
plus rapidement au travail. Puis on se souhaite bonne chance, tout le monde.
Avec le consentement, on peut tout faire, puis avec la bonne volonté, c'est
encore mieux. Allons-y.
• (12 heures) •
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Mme la
députée de Joliette à vous pour les remarques préliminaires.
Mme Hivon : Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, je suis très heureuse qu'on en soit rendus à cette
étape de commencer l'étude formellement de ce très important projet de loi n°
38 sur l'évolution, oui, de la Loi sur les soins de fin de vie, mais d'abord et
avant tout sur cette avancée, je pense qu'on convient tous que ce serait une
avancée notable, très significative pour la population québécoise de pouvoir
permettre une demande anticipée d'aide médicale à mourir pour apaiser des
souffrances, pour apaiser des détresses, pour apaiser des situations absolument
intolérables. Et je pense que c'est ce que commande l'humanité et notre rôle,
quand on veut l'exercer le mieux possible.
On a une grande force, au Québec, c'est
qu'on peut s'inspirer de la première loi, mais de comment on a fait la première
loi. Au Québec, je pense qu'on peut être très fiers de ne pas avoir attendu que
les tribunaux nous dictent la voie. Et c'est encore ce que nous faisons
aujourd'hui en étant les précurseurs à peu près mondiaux pour trouver la voie,
comme dirait mon collègue de Rosemont, à tracer dans la jungle pour arriver à
permettre cette avancée de la demande anticipée avec toutes les difficultés que
ça comporte, mais vu toute l'importance que ça comporte aussi, de tout mettre en
œuvre pour essayer d'y arriver. C'est donc une grande charge qu'on se donne,
parce que c'est très complexe, on en a débattu, nous, dans le cadre de la
commission spéciale...
Mme Hivon : ...pendant des
centaines d'heures, avec, je pense, un résultat heureux dans nos
recommandations. Et je pense qu'on voit juste, depuis quelques jours, depuis le
début du projet de loi, à quel point la complexité, elle, est extrêmement présente.
Mais l'importance de l'enjeu commande qu'on fasse face à cette complexité-là et
qu'on fasse tout en notre pouvoir pour trouver la voie malgré la complexité.
Très rapidement, quelques éléments qui
font en sorte que tout le monde se réjouit du projet de loi et du principe,
mais qui font en sorte qu'on a encore énormément de travail devant nous :
bien sûr, les principes qui doivent nous guider, le respect de la personne dans
son individualité, mais aussi la protection des personnes vulnérables, l'apaisement
des souffrances humaines, le travail par consensus, de manière transpartisane,
et aussi le soutien du maintien du consensus avec la population du Québec pour
qu'elle sente qu'on avance avec elle et pour elle, au rythme dans lequel elle
peut se reconnaître. Même chose pour les équipes qui vont être sur le terrain
et qui vont devoir recevoir cette nouvelle charge. Il ne faut jamais les
oublier, parce qu'on n'est pas juste dans une relation personnelle, on implique
une tierce partie, qui est le médecin, ou l'IPS, et toute l'équipe soignante
autour de la personne, et on leur en met pas mal sur les épaules. Donc, il faut
s'assurer que quand ça va atterrir concrètement sur le terrain, ça va être
praticable. Et je pense que moi, c'est mon plus gros souci. On s'entend sur
cette idée-là, on s'entend sur le principe, sur cette avancée-là. Il ne faut
pas que ce soit un droit ou une réalité théorique, qu'on crée, il faut que ce
soit quelque chose qui va être porteur d'espoir, mais pour de bonnes raisons,
parce que l'espoir va pouvoir être concrétisé de la manière la plus simple,
efficace et prévisible possible pour tout le monde impliqué. C'est l'énorme
défi qui est devant nous.
Donc, quelques éléments bien sûr :
bien déterminer le moment un, l'accompagnement optimal pour pouvoir prévoir,
dans sa demande anticipée, avec le plus de discernement possible, ce qui doit
être prévu. Le moment deux, où on va devoir procéder à l'agitation du drapeau,
comment on va faire ça pour enclencher le processus d'évaluation, pour s'assurer
de la constance des souffrances et d'un niveau de confort pour l'administration
de l'aide médicale à mourir, y compris la notion du refus. Le rôle du tiers de
confiance, évidemment. Le réalisme, comme je le disais, par rapport à l'état
des lieux sur le terrain, le rôle des médecins, des IPS et de tous les
professionnels impliqués, comme les travailleurs sociaux, notamment.
Donc, moi, il y a une question qu'on pose
énormément depuis mercredi dernier c'est : Allez-vous y arriver? Allez-vous
y arriver, allez-vous réussir à l'adopter avant le 10 juin? Ma réponse est,
très honnêtement et de manière très transparente : je ne le sais pas. Mais
ce que je sais et ce que je veux, c'est qu'on fasse tout pour y arriver, pour
mettre toutes les chances d'y arriver, de porter cet espoir-là et de le
concrétiser. Alors, mettons-nous au travail et soyons à la hauteur de l'espoir
que les gens ont mis en nous.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. Au
niveau des remarques préliminaires, je vais céder la parole à la députée de
Mille-Îles.
Mme Charbonneau : Merci, M.
le Président. Je me permets ce luxe. Je sais qu'on dit qu'on va aller vite, je
vais le faire rapidement, mais puisque c'est la dernière fois en 13 ans et
quelques mois que je prends la parole pour faire des remarques préliminaires et
c'est sur un dossier qui, en 2009, m'a rappelé c'est quoi, être une députée, j'ai
le goût de vous dire deux, trois affaires.
Je joins ma voix à celles de mes
collègues. Je souligne le travail que j'ai fait avec ma collègue de Joliette et
le chemin parcouru. On a des défis, mes collègues vous en ont fait part. Je ne
crois pas que c'est un caprice de député de commencer ce projet de loi et
vouloir le mener à terme. Je ne crois pas qu'on a de la poudre de perlimpinpin
pour inventer du temps, parce que si on en avait, ça fait longtemps que je l'aurais
pris pour passer autant de temps avec ma famille que j'en ai passé avec vous.
Mais ça sera notre défi. Le temps restera notre défi, M. le Président. Par
contre, on ne fera pas l'économie des mots et des débats pour s'assurer que le
dépôt de cette loi soit, comme la dernière fois, le meilleur projet, la
meilleure vision et la voix de l'ensemble des Québécois et Québécoises qui nous
ont dit : On a besoin d'aller un pas de plus. Ce n'est pas un concours de
popularité. Et je dis à tous les gens qui nous entendent : On n'essaie pas
d'aller plus loin, plus fort juste pour être bons. On le fait parce que vous l'avez
demandé. On le fait parce que la démence et les maladies inquiètent la
population. Et vous le savez, M. le Président, vous et moi, je n'inclus pas les
autres, je vais dire vous et moi, à chaque année, on prend une année de plus et
on veut voir des politiques qui nous ressemblent...
Mme Charbonneau : ...qui fait
en sorte qu'on fait les meilleures décisions. Donc, M. le Président, moi, je ne
nous dirai pas bonne chance, je vais nous dire bon succès, parce que ça dépend
de l'ensemble des gens qui sont alentour de la table, ceux qui sont élus et
ceux qui ne le sont pas. Donc, merci d'avance pour le travail, et on lève nos
manches puis on y va, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Moi, je vous dirais
que j'ai confiance aux membres de la commission. Alors, sur ce, compte tenu
qu'on nous a parlé d'un plan de travail, je vais suspendre les travaux pour
qu'on puisse vraiment s'approprier le plan de travail et les étapes qui sont
proposées par M. le ministre et son équipe.
Alors, on va suspendre les travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 7)