Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
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Le
mardi 31 mai 2022
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Vol. 46 N° 36
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives
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9 h (version non révisée)
(Neuf heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Provençal)
:Bonjour à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 38, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Madame la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président : M. Asselin (Vanier-Les Rivières) est remplacé par M. Jacques
(Mégantic); Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) par Mme Hébert (Saint-François);
M. Tremblay (Dubuc) par Mme Dorismond (Marie-Victorin); Mme Sauvé
(Fabre) par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); et M. Arseneau
(Îles-de-la-Madeleine) par Mme Hivon (Joliette).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ce matin, nous débuterons
par les remarques préliminaires, puis nous entendrons par visioconférence les
personnes et groupes suivants : le Collège des médecins du Québec, la
Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer et l'Association québécoise pour
le droit de mourir dans la dignité. Comme la séance a débuté à 9 h 22,
y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux, si besoin, au-delà de l'heure
prévue, soit jusqu'à 12 h 10? Consentement. Merci beaucoup.
J'invite maintenant M. le ministre de la
Santé et des Services sociaux à faire ses remarques préliminaires. M. le
ministre, vous disposez de 5 min 34 s
M. Dubé : Je vois déjà que le
docteur Gaudreault est en ligne, mais je le saluerai après les remarques
préliminaires. Alors, je suis vraiment très heureux qu'on puisse commencer
aujourd'hui les consultations particulières sur ce projet de loi qui est très
important. C'est une autre étape qu'on franchit aujourd'hui pour l'évolution de
notre loi concernant les soins de vie ainsi que l'accès à l'aide médicale à
mourir. En fait, c'est un message fort que nous lançons aujourd'hui en tenant
ces consultations qui abordent la question de la demande anticipée.
J'aimerais aussi profiter de l'occasion
pour remercier la Commission spéciale pour son travail essentiel qui nous a
menés ici aujourd'hui et tous les députés qui en faisaient partie. Avec la
charge de l'agenda législatif et celle de notre commission santé, le ministère
a, malgré tout, fait un travail titanesque dans les délais qu'on avait pour
faire un projet de loi et le déposer avant la fin de la session. Maintenant,
les défis sont énormes sur un sujet qui est aussi important et délicat. Et c'était
essentiel pour nous de faire ce projet de loi et de donner suite au rapport de
la commission spéciale. C'était une demande des parlementaires et nous avons
livré, nous avons déposé le projet de loi.
On sait tous par contre que le temps est
compté, mais on veut bien faire des choses et on va prendre le temps d'écouter
les parties prenantes et étudier adéquatement le projet de loi. Par contre, on
a dû faire aussi des choix qui sont déchirants, autant pour les consultations
particulières afin de respecter notre échéancier, je pense, entre autres que
plusieurs autres intervenants auraient aimé être avec nous, mais on a dû faire
aussi des choix sur les sujets que l'on doit mettre de côté par manque de
consensus. Maintenant, il reste à savoir si nous pourrons le voter dans les
délais qui nous sont imposés, mais je reste confiant.
À la suite du dépôt du projet de loi de la
semaine dernière, on a bien entendu les préoccupations qui ont été soulevées
par les partis d'opposition par rapport à l'ajout du handicap neuromoteur. Par
contre, je comprends les préoccupations du Collège des médecins, on va d'ailleurs
les entendre dans les prochaines minutes. C'est eux, il faut le rappeler, ce
sont eux qui sont sur le terrain, qui administrent l'aide médicale à mourir et
qui auront à gérer un flou juridique qu'ils nous expliqueront. Je rappelle que
cet aspect avait d'ailleurs été amené lors des consultations de la commission,
mais n'a pu être traité parce que ce n'était pas dans le mandat de la
commission. Mais j'ai bien entendu les préoccupations des oppositions et notre
priorité est de ne pas compromettre l'adoption du projet de loi qui porte
principalement sur les décisions anticipées et sur l'inaptitude. On va...
M. Dubé : ...déposé, lors
de l'étude détaillée, deux amendements pour retirer les dispositions sur le
handicap neuromoteur, qu'on pourra discuter à ce moment-là.
J'ai dit qu'il y avait plusieurs des
défis, mais un des défis est le temps qu'il nous reste, M. le Président. Un
autre défi est que le projet de loi soit applicable sur le terrain. Et on le
sait, on le sait, M. le Président, sur un sujet aussi délicat, le diable est
souvent dans les détails. D'ailleurs, durant les consultations, s'il y a
d'autres éléments qu'on doit ajouter ou enlever, on est prêts à s'ajuster
rapidement, tant que c'est cohérent avec l'esprit du projet de loi, ce que nous
avons fait jusqu'à maintenant. Donc, c'est pour ça qu'on veut que les
intervenants, lors des consultations particulières des deux prochains jours,
nous disent ce avec quoi ils sont inconfortables ou confortables pour qu'on
puisse s'ajuster dans le temps qui nous est imparti et atteindre notre
consensus.
En conclusion, M. le Président, je le
répète, on est très heureux qu'on puisse discuter ce matin, commencer ce matin
les consultations particulières et entendre le plus de groupes possible. Dans
les prochains jours, nous avons l'occasion de franchir une autre étape dans
l'aide médicale à mourir avec les demandes anticipées. Mais, je le résume, nous
avons trois défis, trois défis. On a un temps qui est limité. On doit avoir un
consensus sur les décisions... les recommandations de la commission. Et le
projet de loi doit être bien applicable sur le terrain. Trois défis. Je peux
vous assurer que nous allons tout faire pour réussir à aller de l'avant, mais,
si jamais on voit que ça ne fonctionne pas, on aura tous essayé ensemble, comme
on l'a déjà fait dans d'autres circonstances. Mais je le répète, je pense qu'on
peut réussir. Je suis certain qu'on va avoir la collaboration de tout le monde.
On doit bien faire des choses pour les Québécois. C'est un sujet qui est trop
important et c'est une étape, encore une fois, importante. Merci, M. le
Président, et bonne journée à tous.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le Ministre.
J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de
D'Arcy-McGee à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3
min 43 s. À vous la parole.
M. Birnbaum : Mes
salutations, M. le Président, M. le Ministre, son équipe et l'équipe du
ministère, mes collègues députés du côté ministériel, mes collègues qui ont
travaillé fortement avec moi et autres sur la commission, les députés de
l'opposition.
Je reconnais... Premièrement, j'apprécie
l'ouverture du ministre et la façon qu'il encadre notre travail. Je me permets
de reconnaître le travail de notre commission, de sa présidente qui nous a
dirigés de façon humaine et efficace, et mes collègues du comité directeur
ainsi que les collègues de la commission qui ont confié quelque 200 heures
de façon ardue, transparente et responsable pour produire un rapport signé par
chaque membre de façon unanime et transpartisane, ce n'est pas rien.
• (9 h 30) •
La question devant nous est la plus
solennelle et importante. Nous avons une responsabilité à la fois d'aider le
public à comprendre où nous sommes rendus... on n'est pas devant un vacuum.
L'aide médicale à mourir est légale au Québec. Le débat est sur l'élargissement
et sur les paramètres d'un mandat qui a été assez clair. Alors, je crois qu'on
va écouter avec grande attention les témoins de ces deux journées en dedans des
paramètres du projet de loi devant nous. Je prends très au sérieux l'engagement
du ministre, malgré le fait qu'on va écouter comme il faut, que l'élargissement
pour les handicapés atteints des problèmes neuromoteurs ne feraient pas partie
du projet de loi qu'on va mettre de l'avant. Je le dis clairement. Sans oublier
que nous aurions la grande responsabilité d'écouter comme il faut et peut-être
de signaler qu'un débat sur ce sujet tellement important doit se faire dans un
avenir peut-être assez proche.
On est devant un paradoxe, le ministre a
fait référence. Nous avons l'obligation solennelle de faire notre travail de
façon diligente, d'équiper les 125 députés à faire une décision éclairée
et responsable, à la fois, on a la responsabilité de faire tout notre possible
afin de présenter pour un vote...
9 h 30 (version non révisée)
M. Birnbaum : ...à nos
collègues de l'Assemblée nationale un projet de loi étoffé, clair, implantable,
et réaliste, et compatissant. Et là, dans leur sagesse, les 125 députés
vont trancher là-dessus. Moi, je partage la confiance du ministre qu'on peut
arriver à atteindre ces objectifs de façon honorable, transparente et non
partisane. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député.
J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député
de Rosemont à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 56 secondes.
M. Marissal : Oui,
merci. De toute façon, ça ne sera pas plus long que ça. De un, je perds la
voix. De deux, on a beaucoup discuté de ça, on en est à l'étape finale. Moi, je
pense que c'est faisable, puis on ne refera pas l'histoire, mais il aurait été
préférable d'arriver avec ça avant parce que, là, on sent un petit peu la
baïonnette dans le dos, ce n'est pas idéal pour adopter ce genre de choses.
Alors, allons-y, allons-y rondement. Mais je crois, comme mon collègue de
D'Arcy-McGee, que la question qui avait été rajoutée, un peu dernière minute,
sur handicap neuromoteur, on ouvre une tout autre porte, là, dont on n'a pas
discuté de façon exhaustive, ce qu'on a fait avec les autres sujets. Alors,
cela dit, je suis là pour écouter, puis, dans un monde idéal, adopter ça d'ici
le 10 juin.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député.
J'invite maintenant la porte-parole du troisième groupe d'opposition et députée
de Joliette à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 56 secondes.
Mme Hivon : Alors,
merci. Heureuse de retrouver les collègues de la commission. Écoutez, M. le
Président, j'ai beaucoup de choses à dire, je vis beaucoup d'émotions, et tout
ça en 56 secondes, donc c'est un défi. On est dans la salle
Pauline-Marois. Juste un petit clin d'oeil à Pauline Marois parce que, quand je
lui étais arrivée avec l'idée initiale de créer une commission sur le sujet,
elle m'a écoutée, elle m'a entendue et puis elle m'a soutenue. Alors, petit
clin d'œil à elle.
Écoutez, oui, c'est une amorce d'une autre
étape fondamentale pour concrétiser cette demande, je pense, d'une grande
partie de la population, d'avoir la possibilité d'une demande anticipée. C'est
un principe qui est fort, qui est très consensuel, mais le diable va être dans
les détails. Il faut que ce soit solide pour un enjeu aussi complexe et sensible.
Et moi, je veux juste rappeler que je me sens investie d'une grande
responsabilité parce qu'à l'époque on avait dit aux opposants, parce qu'il y
avait beaucoup de réticences pour le principe même, qu'il y aurait toujours un
pacte avec la population, qu'à chaque fois qu'il y aurait une nouvelle avancée
possible, un nouveau débat, il y aurait une large discussion pour être sûr
qu'il y aurait un consensus. Je pense que ça doit continuer à nous guider.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. Merci
pour ces remarques préliminaires. Nous allons maintenant débuter les auditions.
Je souhaite la bienvenue aux représentants du Collège des médecins du Québec.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Je
vous cède la parole, messieurs.
M. Gaudreault
(Mauril) :Merci. Je suis Mauril
Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec.
Ça me fait plaisir d'être avec vous ici ce
matin. M. Provençal, députés membres de cette même commission, M. le
ministre Christian Dubé également, merci d'entendre aujourd'hui la voix du
Collège des médecins du Québec. Même si la voix de son président est un peu
éraillée et enrouée, étant... ayant été testé COVID positif hier matin, j'ai un
peu de toux et un peu de congestion nasale, je m'en excuse.
Je suis accompagné du directeur général du
collège, le Dr André Luyet, psychiatre, qui a participé à l'élaboration de
notre positionnement. Et je souligne aussi l'importante contribution chez nous
de notre direction des affaires juridiques.
La mission de notre ordre professionnel
est de protéger le public en offrant une médecine de qualité, en offrant des
soins de qualité. Et l'aide médicale à mourir, au sens proprement médical, est
un soin, un soin qui s'inscrit dans les choix offerts aux personnes lorsque
leur souffrance devient intolérable et sans fin, une souffrance à laquelle des
personnes préfèrent la démarche de fin de vie. En toutes circonstances, jusqu'à
la fin, le médecin est là, auprès de son patient, à remplir son devoir éthique
et déontologique.
Le projet de loi no 38 a été déposé
mercredi dernier. Un amendement majeur survenait le lendemain. Nous voici,
moins d'une semaine plus tard, à étudier ce projet de loi. Les choses vont
vite, je suis d'accord avec vous, elles se bousculent, mais nous composons avec
la situation. Cependant, pour nous, la fenêtre est là, ouverte à un
élargissement de l'aide médicale à mourir au profit des personnes handicapées,
que l'on songe à la disparition du critère de fin de vie, à l'autorisation
donnée aux infirmières praticiennes spécialisées d'administrer l'aide médicale
à mourir et la sédation palliative continue, à la demande anticipée d'aide
médicale à mourir ou à l'élargissement de celle-ci à toutes les maisons de
soins palliatifs. C'est pourquoi notre mémoire est...
M. Gaudreault
(Mauril) :...et aborde les points que
nous estimons ici essentiels. Nous tenons... je tiens vraiment à souligner
l'écoute du ministre Dubé à l'endroit du Collège et son ouverture face à nos
propositions, mais nous ne doutons aucunement de celle des membres de cette
commission. Nous tenterons de convaincre l'ensemble des parlementaires du
bien-fondé des avancées du projet de loi sur le plan médical et formulerons des
recommandations sur certains aspects.
Voilà bientôt 20 ans que le Collège des
médecins participe à l'évolution de l'aide médicale à mourir, en contribuant
notamment activement à la réflexion ayant mené à l'adoption de la Loi
concernant les soins de fin de vie. En 2015, le collège publiait déjà trois
guides d'exercice afin d'aider les médecins qui accompagnent les personnes en
fin de vie. Prochainement, des changements seront apportés au guide d'exercice
sur l'aide médicale à mourir par l'ajout d'une référence aux protocoles
pharmacologiques produits par l'INESSS. Il sera aussi mis à jour pour donner
suite éventuellement aux ajustements qui pourraient être apportés au Code
criminel.
Nous dirons ici les choses franchement,
toujours dans le sens médical et dans l'intérêt des personnes. Au Québec, les
personnes disposent actuellement de moins d'options de soins de fin de vie que
les autres Canadiens. Pour nous, le Collège des médecins, cela est
inacceptable. Nous devons offrir aux personnes aux prises avec une condition de
santé grave, une maladie ou un handicap accompagné de souffrances intolérables
et inapaisables la même panoplie d'options que celles offertes à l'ensemble des
citoyens canadiens.
Hors du Québec, une personne souffrant
d'un handicap entraînant des souffrances physiques et psychiques intolérables a
librement accès à l'aide médicale à mourir en vertu du Code criminel. Au
Québec, il lui faut en plus être atteinte d'une maladie grave et incurable. Si
cette même personne vivait à Ottawa plutôt qu'à Gatineau, elle ne passerait pas
le reste de sa vie à souffrir et à attendre la mort. Il ne peut y avoir deux
lois pour une même souffrance.
Pour le Collège des médecins, aborder
l'aide médicale à mourir strictement sous le spectre de la trajectoire de fin
de vie ou de la maladie incurable occulte toute la dimension de la souffrance
intolérable associée à des handicaps et à laquelle doivent se résigner les
personnes. C'est ici que se confrontent les approches médicales et politiques
de l'aide médicale à mourir. L'une tente de distinguer l'origine d'un handicap,
tandis que l'autre s'attarde à la souffrance intolérable et irréversible de la
personne, peu importe les circonstances. Cette situation distincte au Québec
engendre de la confusion. Elle engendre également un certain malaise, un fort
malaise même pour les médecins qui doivent évaluer l'admissibilité d'une
personne à l'aide médicale à mourir.
Lors du dépôt du projet de loi n° 38, le
collège a perçu comme une avancée pour les personnes l'ajout du handicap
neuromoteur comme critère d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Nous en
avions d'ailleurs fait la recommandation dans le rapport de votre groupe... de
notre groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir que nous avions rendu
public. Son retrait du projet de loi a été justifié par le fait que les
parlementaires n'avaient pas étudié en profondeur ce volet. Nous respectons
cela totalement, bien sûr, mais au nom des patients, il importe que cet examen
se déroule dans les meilleurs délais. Le ministre de la Santé et des Services
sociaux en a pris formellement l'engagement. Nous comprenons que ce n'est que
partie remise.
• (9 h 40) •
C'est pourquoi nous réclamons à nouveau
une harmonisation des lois québécoises et fédérales touchant l'aide médicale à
mourir. Les Québécois souffrant d'un handicap, affligés de souffrances
intolérables qui ne peuvent être soulagées, doivent, comme tous les Canadiens,
avoir librement droit à ce soin. Et nous insistons pour que la loi québécoise
soit formulée de manière à ce que le qualificatif «neuromoteur» ne soit pas
plus limitatif que ce que prévoit le Code criminel au sujet du handicap. C'est
une question d'équité envers toutes les personnes. Je vous le redis : Il
ne peut y avoir deux lois pour une même souffrance.
Et on ne peut pas parler ici
d'acceptabilité sociale ou de politique lorsqu'il s'agit de priver les Québécois
de certains soins prévus d'un océan à l'autre dans le Code criminel. Il faut
éviter que ce soit les personnes touchées qui fassent valoir leurs droits
devant les tribunaux. La cohabitation de deux législations fait jouer le rôle
de professeurs de droit aux médecins. Chaque semaine, des médecins, des
familles nous relatent comment des personnes...
M. Gaudreault
(Mauril) :...se sont laissées mourir de
faim, se sont suicidées faute d'accès à l'aide médicale à mourir auxquelles
elles ont pourtant légalement droit en vertu du Code criminel. D'autres sont
même allés obtenir ce soin à l'étranger. Il est grand temps pour nous de tenir
compte de l'intérêt des Québécois sur cette question. Je demande maintenant au
Dr Luyet d'aborder la question des demandes anticipées et d'autres dispositions
du projet de loi.
M. Luyet (André) : Merci, Dr
Gaudreault. Le projet de loi n° 38 autorisera désormais les demandes anticipées
d'aide médicale à mourir. Les personnes atteintes d'une maladie grave et
incurable, menant à l'inaptitude à consentir aux soins, pourront présenter une
demande anticipée d'aide médicale à mourir.
Cependant, cela n'est pas encore possible
au Canada. On ne peut présenter pareille demande, car le mécanisme n'est pas
prévu au Code criminel, mais on sait que les demandes anticipées font
actuellement l'objet d'un examen par le gouvernement fédéral.
Le collège estime que cette disposition du
projet de loi n° 38, bien qu'inapplicable actuellement, constitue un gain pour
la société québécoise et est le reflet de son acceptabilité.
Nous recommandons donc que le législateur
prévoie déjà la formulation du décret nécessaire pour une entrée en vigueur
immédiate de cette disposition, une fois que le Code criminel le permettra.
Nous recommandons aussi que soit dès
maintenant élaboré le formulaire dans lequel il est prescrit que soit consignée
chaque demande anticipée afin que la mise en application de cette nouvelle
disposition ne souffre aucun délai.
Sur la question de la santé mentale
maintenant, le projet de loi est clair sur son exclusion en matière de maladie
grave et incurable. Il en va de même pour le Code criminel, du moins, jusqu'en
mars 2023. Mais le gouvernement fédéral étudie aussi cette question.
Si le projet de loi n° 38 est adopté sans
disposition prévoyant une harmonisation immédiate, advenant une modification en
ce sens du Code criminel, nous placerions les patients, les médecins et les IPS
en situation de porte-à-faux. À nouveau, les Québécois disposeraient de moins
de choix en matière d'aide médicale à mourir. Cela n'a aucun sens pour nous.
Mais nous reconnaissons toute la
sensibilité de cette question que le collège a étudiée pendant de longs mois
avec des cliniciens dont l'expertise est reconnue dans la sphère médicale et
juridique.
On constate que le niveau de souffrance
élevé engendré par certains problèmes de santé mentale est aussi inapaisable
que celui rencontré dans tout autre problème de santé.
Dans le rapport de notre groupe de
réflexion...
Le Président (M. Provençal)
:Je vais vous demander de conclure,
s'il vous plaît.
M. Luyet (André) : Dans le
rapport de notre groupe de réflexion, nous proposons des balises claires pour
guider les cliniciens. Nous recommandons donc au gouvernement d'accélérer sa
réflexion sur l'admissibilité à l'aide médicale à mourir des personnes
souffrant d'un trouble mental et de prendre en considération les balises
proposées par le collège dans ces cas.
Et nous saluons enfin l'ajout des IPS
comme professionnels pouvant administrer l'aide médicale à mourir et la
sédation palliative continue. Mais le texte de loi proposé précise que cela ne
vaut que pour les IPS exerçant leur profession dans un centre exploité par un
établissement public. Le lieu d'administration du soin ne devrait pas être
limité. Et je cède maintenant la parole au Dr Gaudreault.
Le Président (M. Provençal)
:Maintenant, on va... Je m'excuse,
votre temps est écoulé. Nous allons procéder à la période d'échanges avec les
membres de la commission et je vais faire une suggestion que le temps résiduel
soit réparti, avec votre consentement, aux membres de l'opposition.
Consentement Merci. Alors, nous allons débuter cette période d'échanges avec M.
le ministre. Je vous cède la parole pour les 15 min 15 s
M. Dubé : Oui. M. le
Président, tout d'abord, je voudrais faire deux choses, remercier le docteur
Gaudreault et le docteur Luyet pour leurs commentaires. Je sais que ce n'est
pas une situation facile pour le Collège des médecins. Je pense qu'on l'a dit que...
et d'ailleurs ma collègue, députée de Joliette, a bien dit que c'était une
question d'applicabilité sur le terrain, puis nos médecins sont sur le terrain,
puis c'est eux qui sont souvent dans cette situation-là inconfortable.
J'aimerais dire que je salue beaucoup la position qu'il vient prendre, là, en
disant qu'il comprend la décision que nous avons prise de retirer la question
des handicaps neuromoteurs, même si ce n'est pas leur préférence, de comprendre
qu'il est important d'avoir un consensus. Alors, docteur Gaudreault et votre
collègue, j'apprécie cette précision importante que vous faites en début de...
M. Dubé : ...de cette
consultation-là, c'est tout à votre honneur. Mon deuxième point, c'est que j'aimerais
donner toute la place, M. le Président, non seulement à notre député de
Roberval, mais il faut rappeler que c'est quand même, là je me permets de
l'appeler par son prénom, je ne sais pas si je vais avoir le droit de faire ça,
mais c'est quand même, Mme Guillemette, Nancy, qui conduit avec les autres
députés cette commission-là qui a passé, comme vous l'avez dit, M. le député,
plus de 200 heures. Alors, je pense qu'il serait tout à fait respectueux de ma
part et de notre part de donner toute la place aux députés qui ont fait ce
travail-là et particulièrement à madame Guillemette.
Alors, je vous laisse aller avec vos
questions que vous pouvez avoir pour le Collège des médecins.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, M.
le ministre, et je partage ce moment-là avec les collègues et les collègues de
la banquette en avant de moi également. Donc, on l'a fait ensemble et on va le
mener ensemble jusqu'au bout. Merci, messieurs, d'être avec nous ce matin.
J'apprécie vraiment encore qu'on puisse rediscuter de ce sujet qui est
tellement important, mais aussi tellement sensible. On entend bien votre
message pour l'harmonisation, également pour la santé mentale, pour le handicap
neuromoteur. Je souhaite remercier votre ouverture que vous avez eue pour nous
tendre la main pour la suite des choses et que vous comprenez bien la situation
et ce qui a été discuté avec les collègues en commission. On sait que, pour
vous, ce n'est pas la situation idéale et on souhaite tous vous rendre la chose
plus facile.
Par contre, ce matin, on va discuter de la
demande anticipée de l'aide médicale à mourir, et, dans ce sens-là, j'aimerais
savoir : Est-ce qu'il est possible d'évaluer objectivement la souffrance
d'une personne, avec des troubles cognitifs majeurs, qui est devenue inapte?
M. Gaudreault
(Mauril) :Dr Luyet, je vous laisserais
répondre.
M. Luyet (André) : Je pense
qu'il est bien important qu'au moment de donner un consentement libre et
éclairé dans une demande, qu'on puisse examiner vraiment tous les cas de figure
possibles, toutes les éventualités, les choses qui sont susceptibles de
subvenir pour que ce soit bien clair pour la personne qui donne son
consentement. Maintenant, dans le cours de l'évolution, c'est sûr que c'est
cette possibilité-là d'exprimer verbalement, adéquatement sa souffrance peut
être entachée par l'évolution de la maladie, mais la souffrance, la douleur, ça
s'exprime à travers toutes sortes de postures, de crispation, de faciès,
d'agitation au plan psychomoteur, de troubles de sommeil. Enfin, il y a
plusieurs indices qui nous permettent d'avoir une idée du niveau de souffrance
vécu par la personne. Est-ce que c'est aussi précis, aussi bien déterminé que
si la personne avait pu l'exprimer elle-même? Non, mais il y a quand même des
voies alternatives, là, pour évaluer cette souffrance-là.
Mme Guillemette : La personne
a conscience qu'elle souffre physiquement ou mentalement, là. C'est certain que
la souffrance mentale est plus difficile à évaluer, à ce moment-là, que la
souffrance physique, mais la personne a conscience qu'elle souffre.
M. Luyet (André) : Oui, oui.
• (9 h 50) •
Mme Guillemette : Dans votre
rapport sur l'aide médicale à mourir, publié en décembre dernier, il est
mentionné que dans les situations où la personne est en situation d'inaptitude,
seul le refus catégorique s'opposerait à l'administration de l'aide médicale à
mourir. Qu'est-ce qui est, pour vous, le refus catégorique et pouvez-vous me donner
des exemples? On a eu un exemple d'une situation qui s'est produite en Europe.
Et qu'est-ce que c'est, pour vous, le refus catégorique? Quelqu'un qui va être
inconfortable, qui va tasser son bras, est-ce que c'est, pour vous, un refus
catégorique, pour nous permettre de bien baliser cet aspect-là?
M. Luyet (André) : Bien,
encore une fois, c'est des situations qui sont extrêmement complexes, mais le
problème ne se posera pas uniquement ce jour-là. Je pense qu'il faut déjà
réunir les conditions pour permettre, là, de prendre les meilleures décisions.
Alors, encore une fois, au moment de prendre la décision, une fois le
diagnostic posé, alors que la personne est encore apte d'explorer les
différentes évolutions, les différents cas de figure, les différentes
complications qui peuvent survenir, de pouvoir dire précisément quels sont...
M. Luyet (André) : ...volonté
de pouvoir communiquer cette décision-là très clairement à ses proches et en
particulier à la personne ou au tiers désigné aussi, c'est important. Et au
moment d'administrer l'aide médicale à mourir, selon l'évolution, je pense que
là aussi la communication est importante. Il ne faut pas aller vers une
opposition, mais essayer de partager l'actualisation d'une décision qui aurait
été prise et exprimée clairement par la personne alors qu'elle était en état de
le faire. Et ça, ça devrait être la chose qui est la plus... la balise la plus
la plus cardinale, la plus importante à respecter, les volontés clairement
exprimées par la personne.
M. Gaudreault
(Mauril) :Et, vous savez, en complément
de réponse, si je peux me permettre, le médecin, il n'est pas seul dans
l'évaluation de telles situations si complexes, et ça se passe beaucoup en
interdisciplinarité également avec d'autres personnes qui interviennent dans
les soins et pour lequel les opinions de toutes et chacune sont partagées par
rapport à la difficulté, la complexité d'évaluer le degré de souffrance
intolérable et inapaisable pour un individu. Nommons seulement les infirmières,
mais aussi d'autres intervenants qui participent, là, à l'échange, à la
question et au plan de traitement qui est par la suite adopté ou partagé. Donc,
c'est complexe, mais le médecin n'est pas seul pour évaluer cela correctement.
Mme Guillemette : O.K. Et
dans le cas d'un refus catégorique, est-ce que la personne pourrait noter dans
son formulaire, pour être certaine de ne pas avoir de refus, qu'elle veut une
sédation palliative avant le grand moment ou c'est exclu?
M. Luyet (André) : Bien, en
fait, ça fait partie de toutes les choses qu'il faudra explorer. Ce n'est pas
quelque chose qui va se signer superficiellement, sans avoir toute
l'information nécessaire là. Quand je parlais de tous les cas de figure qu'il
faut discuter avec la personne pour avoir un consentement vraiment éclairé sur
la façon dont les choses vont se dérouler... est extrêmement importante. Et ça,
je pense que la question se pose aussi, de dire : Bien, arrivé dans une
situation comme celle-là, et c'est une évolution possible, c'est quelque chose
qui pourrait arriver, comment vous voudriez qu'on procède à ce moment-là?
Comment vous voudriez qu'on puisse concilier ce que vous nous dites maintenant
avec ce qui pourrait être exprimé à ce moment-là? Et si les choses sont claires
dès le départ, je pense qu'on va dissoudre un grand nombre de complications,
là, qu'on va raconter autrement.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres questions?
M. Dubé : ...je voudrais
continuer dans le même sens, puis je vais offrir à mes autres collègues aussi
s'ils ont des questions. Mais peut-être que je reviendrais sur un des points
que j'ai soulevés, docteur Gaudreault. Étant donné votre grande expérience, là,
sur le terrain, si on met de côté les troubles neuromoteurs, qu'est-ce que dans
le projet de loi, là, qui... On pourrait avoir de votre part les enjeux qu'on
doit régler rapidement pour être sûrs que c'est le plus applicable possible.
Parce que là, maintenant qu'on se concentre sur des décisions anticipées, étant
donné votre grande expérience, qu'est-ce que vous nous dites, là, qu'on doit
prendre... Parce qu'on a quand même le temps d'ajuster, je l'ai offert, je l'ai
offert à mes collègues de l'opposition. Y a-t-il d'autres choses, selon vous,
qui sont importantes qu'on devrait s'assurer dans... Parce que c'est
toujours... on l'a bien dit, là. Il y a la loi, puis il y a le terrain. Et
vous, vous allez appliquer la loi sur le terrain. Est-ce qu'il y a des choses
qui vous préoccupent en ce moment qu'on devrait peut-être tenir compte? Parce
qu'on a toute une équipe, là, de légistes ici qui ont fait un travail
extraordinaire de faire, je dirais, quelque chose qui est très bon à 90 %.
Mais je l'ai dit, pas parce qu'ils n'ont pas fait l'effort, mais la loi souvent
puis le terrain, ce n'est pas pareil. Est-ce qu'il y en a, des éléments, qui
vous sautent aux yeux qu'on devrait tenir compte dans les prochains jours?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, écoutez, M. le ministre,
ça va vous décevoir, ma réponse, là, mais c'est comme toujours la même réponse,
je veux dire, c'est difficile pour des médecins d'appliquer... en fait, de
soulager les souffrances d'un individu le plus possible avec deux lois, deux
lois par rapport à l'admissibilité de ces personnes-là. C'est difficile pour
les médecins sur le terrain, c'est difficile... C'est pour ça que j'ai utilisé
l'expression «professeur de droit».
M. Dubé : Mais ça, je...
Mais, docteur Gaudreault, on a décidé, puis je le dis, là, très clairement, on
a décidé qu'on mettait cet imbroglio-là...
M. Dubé : ...de côté.
Vous l'avez bien dit, vous acceptez qu'on va revenir cet aspect-là. Ça, je
comprends ça. Mais il y a-tu, à l'intérieur de ce cadre-là, que vous
acceptez... J'ai salué votre ouverture de l'accepter, parce que c'est une étape
que l'on fait aujourd'hui. Ça ne veut pas dire qu'on ne reviendra pas, autant
sur la santé mentale que... La commission l'avait dit, ce n'était pas dans leur
mandat.
Mais ce que je veux savoir de votre
part...puis je sais que ce n'est pas facile, ce que je pose comme question,
mais il y a-tu des choses qu'on devrait savoir aujourd'hui qui vont nous
permettre, lorsqu'on va rentrer dans le détail de la loi, de faciliter... Puis,
si vous voulez le faire un petit peu plus tard dans les prochains jours,
j'aimerais qu'on le sache, parce que je pense que tout le monde ici comprend
que ce n'est qu'une autre étape. La députée de Joliette l'a bien dit, il y a
une grosse étape qui a été faite en 2015. On s'est ajustés, suite à votre demande
en 2019... Quand est-ce qu'on s'est ajustés pour... 2021, il y a eu un
ajustement qui avait été fait. Là, on en fait un qui est majeur, sur les
demandes anticipées. Et je suis certain que ça va continuer d'évoluer dans la
tête des Québécois puis dans la tête des parlementaires. Mais ce que je voulais
savoir... puis je ne veux pas trop prendre de temps, mais est-ce qu'il y a
d'autres choses... vous vous dites: Il y a quelque chose qui nous titille, là,
à part le fédéral, je vais dire ça comme ça, qu'on pourrait modifier dans le
projet de loi? Votre micro, votre micro.
Une voix : Mauril, on ne vous
entend pas.
M. Gaudreault
(Mauril) :Je vais répéter qu'on est
contents par rapport à ce qui est actuellement, par rapport aux demandes
anticipées possibles, à la disparition du critère de fin de vie, à
l'autorisation donnée aux IPS puis à l'élargissement aux maisons de soins
palliatifs. Ça, c'est un pas dans la bonne direction. Je vous le dis, on va
continuer à travailler avec vous, les parlementaires, vous, M. le ministre,
mais aussi tous les parlementaires, pour voir comment on pourrait aller plus
loin, pour faire en sorte d'harmoniser cela avec le fédéral. Mais je pense
qu'il faut se préparer. Il faut se préparer, à mon avis, aussi, à un élargissement
possible du gouvernement fédéral au cours de l'année 2023. Donc, ce que
j'aimerais, c'est que, oui, vous allez, dans toute votre sagesse, recommander
ce qu'il va falloir, à la suite de ces deux jours d'auditions, mais se préparer
dès, je dirais, l'élection d'un prochain gouvernement pour revenir là-dessus.
M. Dubé : Je n'ai rien à
voir là-dedans, mais...
M. Luyet (André) : ...
complément de réponse, si vous le permettez.
M. Dubé : Oui, allez-y,
Dr Luyet.
M. Luyet (André) : Bien,
en fait, des points d'amélioration, là, concernant les IPS, on comprend, là,
que, dans une perspective de contrôle de la qualité, là, on limite aux IPS qui
exercent en milieu hospitalier ou un en établissement, mais ça nous embête
quand même un peu qu'une infirmière qui pourrait être engagée auprès d'un
patient, qui établirait une relation de suivi avec elle, ne puisse pas
l'accompagner aussi au moment où elle formule une demande d'aide médicale à
mourir et qu'elle doive, à ce moment-là, s'en remettre à un autre
professionnel. Alors, tout ça pour assurer le contrôle de la qualité de
l'exercice, mais il y aurait certainement une exploration à faire sur comment
on pourrait trouver un lien de rattachement entre ces infirmières-là et une
structure d'évaluation de l'acte. Puis structure d'évaluation de l'acte, pour
ce qui concerne les médecins, ça se passe beaucoup autour des CMDP puis du
Collège des médecins, mais on pourrait aussi explorer comment on pourrait le
faire conjointement avec les infirmières aussi avec...
M. Dubé : C'est le genre
de demande concrète, Dr Luyet... Puis il y a une chose que je voudrais dire,
là, j'apprécie... parce que c'est un petit peu ça qu'on cherche, là, d'avoir
ces discussions-là dans les prochains jours. Puis, vu qu'il me reste juste
quelques secondes, M. le Président, ce que je voudrais aussi que les gens
comprennent, c'est qu'on aura le choix, et c'est déjà prévu au projet de loi
qu'on pourra discuter, quelle est la date d'entrée en vigueur de certaines
mesures, justement, pour essayer de minimiser certains détails, certains flous
qui sont là en ce moment. Mais on pourra revenir sur ce point-là. En attendant,
encore une fois, vous deux, merci pour votre contribution. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le ministre. Maintenant, je
cède la parole au député de D'Arcy-McGee. Vous disposez de 11 min 42 s.
• (10 heures) •
M. Birnbaum : Merci
beaucoup, M. le Président. Et j'apprécie que notre temps, quand il en reste, va
être partagé avec les formations de l'opposition. Merci, le Dr Gaudreault et Dr
Luyet. Et surtout le Dr Goudreault, dans les circonstances personnelles
difficiles, j'espère que ça se règle dans un court, court délai.
Écoutez, évidemment, on apprécie beaucoup
votre intervention. Je crois que nous sommes ensemble en...
10 h (version non révisée)
M. Birnbaum : ...en comprenant
que la cible de tout ce qu'on fait, c'est le bien-être des personnes et surtout
des gens qui risquent d'être touchés par ce projet de loi.
Mais, en deuxième lieu, pour réaliser
notre premier objectif, on doit être satisfaits que vous et vos membres sont
équipés pour donner suite à cet éventuel projet. Alors, on vous écoute avec
grande attention. Avant d'évacuer la question... le ministre ne pouvait pas
être plus clair, et vous aussi, qu'on ne va pas, au sein de ce projet de loi,
parler des problèmes neuromoteurs atteints par les personnes handicapées. Avant
d'évacuer la question, il y a deux choses qui me préoccupent dans vos
revendications là-dessus, et j'aimerais passer au moins quelques secondes
là-dessus. Vous parlez beaucoup de la concordance avec la loi actuelle fédérale
et des changements qui risquent de venir ainsi que le Code criminel. Vous serez
les premiers à comprendre qu'au Québec dans ce dossier, de façon légale, ainsi
que dans tout dossier qui touche la santé, pour ne pas parler de toutes sortes
d'autres juridictions, vos membres, à juste titre, ont à se réconcilier avec la
façon de faire chez nous. Alors, je ne vous cache pas que surtout de l'entente
des médecins, ça a l'air d'être une grande, grande préoccupation, cette
concordance.
Et je reviens à ma préoccupation de votre
rôle primordial, pouvez-vous m'expliquer comment cette préoccupation risque de
compromettre la capacité de vos membres d'implanter, dans les délais qui vont
être prescrits par l'Assemblée nationale... d'un projet de loi, éventuellement,
réalisé? Comment c'est un obstacle à votre capacité d'agir sur l'éventuel
projet de loi?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, pour moi, un élément de
réponse, ce n'est pas un obstacle, en fait. En fait, c'est une difficulté, c'est
les médecins qui sont... Des médecins, quand on parle des médecins, c'est nos
membres, les médecins, mais souvent c'est une équipe de soins qui sont
vis-à-vis un patient ou de patiente qui présente de telles souffrances, veulent
faire tout ce qu'ils peuvent pour les soulager. Donc, ce n'est pas un obstacle,
dans le sens que c'est un soin qui serait disponible pour eux, mais qui,
légalement parlant, ne le sera pas, exemple. Donc, les médecins, ils composent
avec ça, là.
Mais, en passant, il y a 25 000 membres
du Collège des médecins du Québec, il n'y a pas 25 000 médecins qui
administrent l'aide médicale à mourir, il y en a 200 qui font de façon
régulière. De plus en plus, c'est difficile pour eux, le fait de devoir à
envisager deux lois pour une même souffrance. Mais Je ne reviendrai pas
là-dessus, vous avez compris notre position, là.
Mais ce n'est pas un obstacle, là, c'est
une difficulté que vivent les médecins sur le terrain, cette situation-là. C'est
pour ça qu'on revient souvent là-dessus. Je m'en excuse, là, mais ce n'est pas
Mauril Gaudreault qui décide ça ou André Luyet, là, c'est vraiment les membres
qui le demandent, mais c'est notre public aussi dans les sondages qu'on a
faits.
M. Birnbaum : Mais justement
je crois que, si je peux, tout le monde qui s'implique dans ce dossier depuis
longue, longue date comprenne l'importance d'un aspect pédagogique. Une loi ne
marche pas si ce n'est pas compris... ni encadrée de façon très transparente. C'est
dans cette optique que je pose ces questions. Et surtout vos membres doivent
être en mesure de comprendre et de clarifier quand il y a des ambiguïtés. Mais
une deuxième chose qui me trouble, une autre fois, parce que ça touche au débat
qui va se poursuivre en études détaillées, et c'est le constat rapporté dans la
presse que... si on écarte, comment on va faire pour l'instant, le débat
primordialement important sur les problèmes de neuromotricité. Vous avez fait
le constat que le collège craint que des médecins choisiraient de ne plus
administrer l'aide médicale à mourir dans cette situation où on va se trouver.
Ça m'étonne et ça m'inquiète au plus haut point. Est-ce que vous pouvez
élaborer là-dessus?
M. Gaudreault (Mauril) :Mais ça aussi, c'est le cas maintenant, mais c'est le cas
depuis un bon bout de temps. En raison des difficultés, puis des critères d'admissibilité,
puis le fait que certains patients, de l'avis d'un médecin, devraient pouvoir
bénéficier de ce soin-là ne le peuvent pas, bien, certains d'entre eux, puis
ça, ce n'est pas depuis hier, cessent d'administrer le soin en raison de la
difficulté de...
M. Gaudreault
(Mauril) :...admissibilité et des
critères difficiles. Donc, oui, il y en encore puis il y en aura toujours, là,
il ne faut pas craindre cela. Mais, quand même, le fait que des médecins qui
l'administraient... l'administrer à cause de la complexité, bien, ça nous
préoccupe et ça devrait, tous ensemble, nous préoccuper.
M. Luyet (André) : Je
rajouterais qu'ils sont préoccupés des avis qu'ils reçoivent dans ces
contextes-là de la Commission des soins de fin de vie.
M. Birnbaum : Donc, ce qui
s'imposerait, une obligation que... je crois que le ministre accepte et nous
tous, c'est la clarté, transparence et l'obligation, comme je dis, d'une grande
pédagogie suite à un éventuel élargissement. Moi, j'ai deux autres questions si
je peux, sur la question de demande anticipée qui est, en quelque part, le nœud
de l'affaire, et vous vous êtes prononcés là-dessus, sur la temporalité de ça.
Je veux m'assurer que j'ai bien compris une de vos précisions. Est-ce qu'à vos
yeux, vous n'êtes pas des avocats, vous êtes des médecins, mais j'ai cru
comprendre que, de votre lecture, l'actuel état du Code criminel ne
reconnaîtrait pas ou laisserait une zone grise, en ce qui a trait à une
adoption immédiate possiblement de l'accès à l'aide médicale à mourir par
demande anticipée dans les cas dont on parle, est-ce que j'ai bien compris?
M. Luyet (André) : Oui, c'est
notre compréhension, les directives anticipées d'aide médicale à mourir ne sont
pas encore permises au niveau fédéral.
M. Birnbaum : Étonnant pour
en dire au moins. Dernière question de mon côté, parce que voilà une autre
question qui a été soulevée et qui est dans le projet de loi actuellement, et
c'est à que les établissements de soins palliatifs soient assujettis à
l'obligation de fournir ces services, que je nous rappelle, sont à un bout du
continuum de soins de santé. Plusieurs de vos membres font leur travail, au
sein de ces établissements-là, qui vont exprimer, devant nous, quelques
inquiétudes que cette obligation risque de compromettre leur mission très
sacrée aussi. Comment vous positionnez vis-à-vis cette question sur l'élargissement
de l'obligation au centre de soins palliatifs?
M. Gaudreault
(Mauril) :C'est un soin, c'est un soin
qui est disponible parmi l'ensemble des choix possibles pour un patient. Un
soin, on va convenir, là, qui est comme de dernier recours, hein, après avoir
développé tout ce qu'on peut développer, en 2022, pour soulager un patient et
que ses souffrances demeurent inapaisables. Ce soin-là devrait être considéré
et, à notre avis, il devrait être considéré dans toutes les maisons de soins
palliatifs.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Je cède
maintenant la parole au député de Rosemont. Vous disposez de 4 minutes 30
secondes.
• (10 h 10) •
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Drs Gaudreault et Luyet, merci d'être là, encore une fois, on remet
ça. Je comprends votre insistance sur handicap neuromoteur, mais comprenez la
nôtre, notre hésitation là-dessus. Vous parlez beaucoup, et ce n'est pas un
reproche, là, vous parlez beaucoup de l'inconfort des médecins, soit, ça existe
probablement, mais nous là, notre job de législateur ici, à moins que je ne me
trompe, là, c'était d'assurer le confort de la population. Et ce qu'on a
compris de plus d'un an de consultation avec vous, puis avec bien d'autre
monde, c'est qu'on n'était pas rendu là, ce pourquoi, ce n'est pas dans le
rapport d'ailleurs, pas plus que les troubles mentaux.
Alors, est-ce qu'on n'est pas, dans ce
cas-ci, plus proche de quelque chose qui ressemble à du suicide assisté? Puis
c'est correct, hein, la Commission des droits de la personne nous a dit :
Vous devriez commencer à réfléchir à ça. Moi, je suis tout à fait d'accord à
réfléchir à ça, mais comme je l'ai dit souvent, en matière d'aide médicale à
mourir, les fleurs ne poussent pas plus vite quand on tire dessus, on va
attendre les consensus et on voit les cultiver, parlant de fleurs justement.
Alors, votre argument de dire : Le fédéral le fait, donc on devrait le
faire, honnêtement, ça ne me convainc pas, et je pense qu'on y reviendra, on y
reviendra, notamment pour la question du handicap neuromoteur et des troubles
mentaux aussi. Alors, je ne sais pas si vous voulez essayer de me convaincre
une autre fois, je suis parlable.
M. Gaudreault
(Mauril) :Dans un premier temps, puis je
laisserai la parole à André, là, dans un premier temps, M. Marissal, je ne suis
pas là pour vous convaincre, je suis là pour partager, avec vous, des
difficultés, partager avec vous comment on pourrait faire en sorte de mieux
soulager les personnes qui présentent des souffrances, qui sont inapaisables...
M. Gaudreault
(Mauril) :...qui sont importants et pour
lequel les soins n'ont pas permis de les soulager. Ce n'est pas du suicide
assisté, ça, c'est un soin. Et bien sûr, quand on voit que c'est disponible
dans d'autres provinces du Canada, puis c'est un indépendantiste qui parle en
plus, là, ça, ça nous trouble. Ça fait que moi, c'est ça. Mais ce n'est pas...
on est l'ensemble, là, pour faire évoluer la société. Je n'essaie pas vous
convaincre, simplement de faire en sorte qu'on offre toutes les panoplies
d'options, de choix à nos citoyens quand ils sont dans de telles situations.
André...
M. Luyet (André) : Si je peux
me permettre de compléter, ce n'est pas du tout la défense pour le retour au
confort des médecins, ce n'est pas du tout de ça qui est notre propos.
L'inconfort des médecins vient du fait qu'il y a des droits qui sont reconnus
pour l'ensemble des Canadiens et qui ne sont pas reconnus pour les Québécois, face
à la souffrance. C'est ça qui est embêtant. Et, dans un handicap neuromoteur,
qu'il soit inné par une malformation sévère ou qu'il soit acquis par un
traumatisme, on se retrouve souvent, en fin d'évolution, avec des modifications
posturales, avec des spasmes musculaires, des troubles respiratoires, une
dépendance complète, aucune mobilité, une perte de dignité, des douleurs, et de
ne pas pouvoir offrir cette option-là aux personnes qui le demandent, c'est ça
qui rend les médecins dans une position inconfortable. Ce n'est pas... Le noeud
de l'affaire n'est pas le confort des médecins, c'est la réponse aux besoins
exprimés par la population qui souffre.
M. Marissal : Je comprends,
Dr Luyet. Vous savez, par contre, si on fait le parallèle avec le fédéral, le
fédéral ne permet pas la demande anticipée, nous, on s'apprête à le permettre.
Alors, ce n'est pas parfaitement symétrique cette affaire-là, là, puis on a
toujours pris les décisions ici, entre nous, sur la base de notre consensus
ici. Le fédéral, il a erré aussi à l'occasion dans ce dossier-là ou, en tout
cas, il s'est cherché. Nous, on fait avec nos consensus ici.
Vous dites par ailleurs qu'il faudrait
prévoir dans le projet de loi n° 37 un mécanisme d'harmonisation immédiat si
d'aventure le fédéral ouvrait aux troubles mentaux. Encore là, est-ce que ce
n'est pas en contradiction avec l'approche qu'on a prise ici? Puis elle n'est
pas religieuse, l'approche-là, je veux dire, je ne suis pas le pape puis je ne
veux pas des bulles, là. Ce n'est pas ça, la question, c'est juste qu'on a
décidé de fonctionner comme ça. Vous vous dites d'emblée : Prévoyez le
déclencheur si le fédéral va vers les troubles mentaux.
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, je dirais, prévoir de se
rasseoir à nouveau puis de voir comment on pourrait aller plus vite dans ce
sens-là.
M. Luyet (André) : ...il y a
des travaux qui sont menés au niveau fédéral, on sait qu'il y a une date... il
y a une échéance qui est prévue, on sait que les travaux se déroulent
actuellement. Alors, déjà, envisagez l'exploration de tête de pont, là, pour
essayer de réunir ces deux univers là dans la mesure du possible, là, pour
clarifier les choses.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Je vais
céder maintenant la parole à la députée de Joliette. Vous disposez vous aussi
de trois... excusez, 4 min 30 s
Mme Hivon : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour à vous deux. Je dois vous dire que moi, j'aurais aimé
vous entendre beaucoup plus en détail sur la demande anticipée. Par exemple,
quelques éléments, 29.2, la description à l'avance dans le plus grand détail
possible des souffrances, est-ce que c'est réaliste? Si par exemple la personne
vit une souffrance quand elle est rendue inapte, mais qui n'avait pas été prévue,
qu'est-ce qu'on fait avec ça? Je pense, c'est une question importante.
J'aurais aimé vous entendre sur tout le
rôle que les médecins ont... le professionnel compétent, ça peut être l'IPS
aussi, à 29.11. Nous, on avait prévu que c'était le tiers de confiance qui
agitait le drapeau pour dire : Je pense, par exemple, que ma mère est
rendue au stade qu'elle avait prévu puis qu'elle semble souffrir, pouvez-vous
amorcer le processus d'évaluation? Ce qui est suggéré à 29.11, c'est que c'est
vraiment le professionnel, donc le médecin, l'infirmière, qui a la charge de
voir à ça et il ne fait que consulter et aviser le tiers. Est-ce que c'est un
trop gros fardeau qu'on met sur les médecins?
Une autre disposition, ça exige du
médecin, au moment deux de l'évaluation, pour l'éventuelle administration, de
consulter le médecin du moment un, qui aurait signé, contresigné le formulaire
de la personne qui l'aurait demandé peut-être 3-4 ans avant. Est-ce que
c'est réaliste qu'on puisse encore mettre en contact ces deux médecins là?
Est-ce que c'est une charge trop grande?
Donc, moi, j'aimerais vraiment vous
entendre sur ces éléments-là très concrets. Mais je sais que vous, vraiment,
votre passion, c'est la question de l'harmonisation. Alors, je veux quand même
dire un mot là-dessus, parce que ça... je trouve qu'il faut faire vraiment
attention avec ça. Premièrement, si on avait attendu après le fédéral au
Québec, alors...
Mme Hivon : ...on a toutes les
compétences en matière de santé et en matière de lois professionnelles, on
n'aurait jamais bougé au Québec, puis on n'aurait pas été les précurseurs qu'on
a été, puis on n'aurait pas influencé l'ensemble du Canada pour la suite.
Deuxième chose, on les a, les compétences
pour la demande anticipée. Je suis très surprise d'entendre ce que vous dites
aujourd'hui. Toute la question de l'inaptitude, du consentement d'une personne
inapte, c'est dans le Code civil, c'est en matière de droit civil, on les a,
ces pouvoirs-là. Donc, je suis très surprise que vous vouliez mettre ça à la
remorque du fédéral avec l'enjeu de l'harmonisation.
Puis je veux pousser plus loin sur la
question du handicap, même si... Et je salue vraiment le geste du ministre
parce que c'est un débat. On s'est engagés, au Québec, à ce que chaque fois
qu'on ouvrirait une autre potentialité, on ferait un débat avec la population
et les experts. Donc, je pense que vous comprenez l'inconfort que moi, je peux
avoir, parce que j'ai fait ce pacte-là avec les gens, notamment avec les
opposants, qu'on n'arriverait pas avec quelque chose comme ça, sans débat
préalable.
Mais juste pour entendre, là, tantôt vous
nous avez dit : Oui, handicap neuromoteur, il faudrait que ça soit
interprété comme le handicap dans la loi fédérale parce qu'au fédéral on ne dit
pas «neuromoteur». Moi, on me dit qu'au fédéral une personne qui est aveugle,
une personne qui est sourde, ce sont des handicaps qui peuvent se qualifier, en
théorie, si les autres critères sont remplis. Est-ce que c'est ça que vous avez
en tête? Il y a l'affection aussi. Quelqu'un qui a très mal à une hanche, ce
n'est pas une maladie grave et incurable. Là, est-ce que ça veut dire que
l'harmonisation, il faut aller jusque là sans faire un gros débat au Québec?
Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Gaudreault
(Mauril) :Un, pour ce qui est de
l'harmonisation, bien, vous avez compris que l'expert parmi nous deux, pour les
demandes anticipées, c'est le Dr Luyet. Donc, je vais lui demander de répondre
à votre première question. Mais pour l'harmonisation, là, ce n'est pas quelque
chose qu'on prend à la légère, c'est quelque chose de très sérieux, puis on va
vouloir continuer à travailler avec vous dans le sens d'améliorer les soins à
des patients souffrants, pour quelque raison que ce soit, que ça soit un
handicap, une affection ou une maladie, des patients souffrants qui sont
inapaisables. C'est toujours, toujours à ça que je reviens. Et nous serons là,
madame Hivon. Merci pour toute la contribution, d'ailleurs, que vous avez eue
là-dedans. Mais nous serons là pour continuer à réfléchir avec vous pour aller
de l'avant dans ces situations-là.
André, pour ce qui est des demandes
anticipées...
M. Luyet (André) : En fait,
ce qui est de vraiment souhaité, c'est la clarté. Il y a une zone d'inconfort, là,
entre les deux lois, puis on sait que la vérité est quelque part dans une
mitoyenneté avec les articles de l'un et les articles de l'autre, les plus
contraignants étant ceux qui s'appliquent. Alors, ça devient difficile, des
fois, dans la prise de décision quotidienne entre une personne qui demande
l'aide médicale à mourir et les soignants et les médecins dans l'administration
du soin. Donc, c'est cet inconfort-là qu'on essaye de souligner puis le besoin
de clarté à ce niveau-là pour éclairer la prise de décision pour rendre le soin
le plus approprié possible.
Maintenant, c'est sûr qu'une surdité
partielle ne sera pas un handicap. On parle de quelque chose de grave et
incurable, là, qui s'accompagne de grandes souffrances. Puis la souffrance,
bien, c'est quelque chose qui est beaucoup plus large qu'un simple constat de
juste du concept de douleur, là. C'est toutes sortes d'autres dimensions qu'il
faut prendre en compte aussi. Mais toute l'atteinte à l'autonomie, toute la
dépendance extrême, toutes les interventions médicales requises, etc., il y a
beaucoup de choses qui peuvent être incluses dans le grand chapitre, là, de la
souffrance, qui est beaucoup plus que la douleur, encore une fois.
Le Président (M. Provençal)
:La députée de Joliette voudrait
ajouter un petit point. Mme la députée.
• (10 h 20) •
Mme Hivon : Est-ce que mon
temps est écoulé pratiquement?
Le Président (M. Provençal)
:Il était écoulé, mais je pense que
vous...
Mme Hivon : C'est vraiment
gentil. Je veux juste dire : Si vous avez des commentaires sur la question
de la demande anticipée, parce que c'est vraiment le cœur du projet de loi et
de nos travaux, je serais vraiment heureuse de les entendre sur les articles en
détail, notamment en lien avec les questions que je vous ai posées. Je sais que
vous êtes revenus encore sur le handicap, c'est correct, mais on aimerait
vraiment vous entendre là-dessus. C'est vos médecins qui allez appliquer ça sur
le terrain.
Puis je veux juste dire, en terminant, si
on y va juste sur le critère de la souffrance pure, pas de maladie, pas de...
vous réalisez qu'il y a des gens qui vont nous dire : Moi, je vis un deuil
pathologique, moi, j'ai une déprime de vivre, j'ai un isolement social, je
souffre atrocement, et j'aimerais qu'on le considère. Donc, il faut juste être
conscients que, quand on sort des éléments du projet de loi, ça nous amène dans
tout autre débat. Et je pense qu'on ne peut pas prendre ça à la légère. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Je vous remercie...
Le Président (M. Provençal)
:...je remercie les représentants du
Collège des médecins du Québec pour leur contribution à nos travaux.
Je suspends des travaux quelques instants
afin que nous puissions accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup de votre
présence ce matin, messieurs.
M. Gaudreault
(Mauril) :Merci à vous. Merci à vous tous
et toutes.
M. Luyet (André) : Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 22)
(Reprise à 10 h 27)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue aux représentantes de la Fédération québécoise des
sociétés Alzheimer. Je vous rappelle, mesdames, que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, après quoi, nous procéderons à la période...
Le Président (M. Provençal)
:...l'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Merci
beaucoup.
Mme Grenier (Sylvie) : Bonjour,
tout le monde. Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui.
Donc, je suis Sylvie Grenier, directrice
générale de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer.
Et c'est avec... C'est très favorablement
que la fédération accueille le dépôt du projet de loi no 38, qui vise à
étendre l'accès à l'aide médicale à mourir de manière anticipée aux personnes
atteintes de maladies neurocognitives majeures, telles que la maladie
d'Alzheimer, et ce, en cas d'inaptitude.
Ce projet de loi était attendu, surtout
suite aux recommandations de la commission des soins... et de l'avis de
plusieurs experts sur l'acceptabilité sociale de la société québécoise, qui est
largement en faveur de cet élargissement. On déplore, par contre, le processus
législatif qui est mis en place pour permettre aux personnes inaptes d'avoir
accès à l'AMM en fin de session parlementaire, avec un risque de ne pas avoir
le temps de réflexion sur le processus à mettre en place.
La fédération avait déjà pris part aux
consultations de la Commission des soins de fin de vie à la fin du mois d'août
dernier, et plusieurs points abordés par la fédération ont été entendus, soit
que la demande anticipée d'aide médicale à mourir soit envisagée uniquement une
fois le diagnostic de maladie incurable, telle la maladie d'Alzheimer ou encore
un autre TNCM, ait été formulé, que le processus soit enclenché par un tiers
significatif, et non pas par un tiers externe, donc, par exemple, le Curateur
public, et de la possibilité qu'un autre tiers suppléant puisse être inscrit
dans la loi, et que le processus soit notarié, au besoin, qu'une tentative
d'harmonisation soit envisagée entre les juridictions provinciales et fédérales
afin que le processus permet... inclut et permet des infirmières praticiennes
spécialisées, et que la demande d'aide médicale à mourir soit consignée dans le
registre, qui sera mis en place, pour des directives médicales anticipées.
C'est, en gros, l'introduction qu'on voulait vous faire. Certains autres processus
sont d'ordre plus technique, et tout ça. Et je laisserais... je donnerais la
place, à ce moment-ci, à ma collègue Nouha de vous en faire l'exposé.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Bonjour, MM. les députés. En effet, d'autres
articles du projet de loi nécessitent cependant plus de précisions pour mieux
encadrer l'administration d'une demande anticipée d'AMM. Tout d'abord, par
rapport au processus de suivi, qui va certainement être trop contraignant pour
les professionnels compétents, que ce soient les médecins ou les IPS et qui
vont avoir un rôle majeur à jouer à chaque étape du processus, si on les
dénombre, c'est... ça va de l'information sur la demande anticipée, l'évolution
de la maladie, les traitements potentiels, les effets bénéfiques et néfastes de
la médication, s'assurer également que la personne ne subit pas de pression
extérieure, rappeler les intervalles réguliers et raisonnables, la possibilité
de modifier ou de retirer la demande anticipée, d'accompagner le professionnel
compétent s'il est différent lors de l'administration de l'aide médicale à
mourir. Alors, la pandémie nous a montré à quel point l'accès à un médecin de
famille ou à un spécialiste pouvait être compliqué et difficile. Et ce
processus va nécessiter des temps de consultation et de suivi beaucoup plus
importants.
• (10 h 30) •
Bien sûr, la Fédération se réjouit de
cette approche, qui sera plus axée sur le patient et non pas sur la maladie,
mais est-elle réaliste dans le contexte actuel? On vous pose la question.
L'implication également d'autres professionnels de la santé, qui interviennent
déjà auprès des personnes atteintes, serait peut-être aussi à envisager pour
entamer et poursuivre la discussion, notamment par rapport au processus à mettre
en place pour effectuer une demande d'AMM.
Également, dans l'article 29.2 de la
loi, il y a des... également, des... donc, des... conditions qui pourraient
mener à l'AMM. Il est mentionné que la demande anticipée sera accordée en
présence de souffrances médicalement reconnues et que celles-ci doivent être
spécifiques d'un déclin avancé et irréversible, qui soit objectivable par un
professionnel compétent. Or, les personnes atteintes décèdent rarement de la
maladie d'Alzheimer, mais plutôt des complications médicales qui peuvent
survenir durant leur parcours. Alors, il serait, à ce moment-là, pertinent,
justement, de donner plus de précisions. Est-ce qu'on fait référence à une
pneumonie, des infections urinaires à répétition lorsque la maladie sera avancée?
Fait-on référence à des pertes langagières, mnésiques, à des difficultés de
nutrition ou encore à l'incapacité de s'habiller ou effectuer des soins
personnels? Il y a des échelles d'autonomie qui sont validées, qui sont
disponibles, et elles devraient être utilisées...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...justement
pour mieux encadrer et définir les critères de souffrance insoutenable. Et puis
dans le cadre, justement, des directives médicales anticipées, les critères d'accès
ont bien été définis dans la loi, avec l'énoncé de quatre soins qui sont soit à
accepter ou à refuser par la personne. La question donc se pose, quant au
processus qui sera suivi ou encore le contenu du formulaire qui sera mis à la
disposition des personnes, est-ce que la personne aura à cocher une multitude
de cases ou à décrire par elle-même les douleurs qu'elle assume insoutenables?
Et puis, bien, ce processus demande à la personne de se projeter dans un avenir
incertain avec la maladie, dont l'évolution est différente d'une personne à l'autre
et dépend de plusieurs facteurs, alors que celle-ci doit, d'abord, comprendre,
accepter et vivre avec le diagnostic qu'elle vient de recevoir.
Également, dans l'article 29.1, il y a
certains comportements qui sont associés à l'évolution des troubles
neurocognitifs majeurs qui sont associés à des troubles mentaux et qui sont
qualifiés...que vous connaissez peut-être donc les SCPD. C'est le cas notamment
de symptômes dépressifs, de l'anxiété, d'états psychotiques qui sont associés à
un delirium, des idées délirantes ou encore des hallucinations, et ces
comportements déroutants amènent une souffrance psychique à la personne
atteinte, son entourage et les professionnels de la santé. Or, ces troubles
mentaux ne sont pas reconnus comme des causes pouvant mener à l'accès à une
demande anticipée d'AMM.
Également, le rôle du tiers qui est
mentionné dans l'article 29.4, il faudrait... il nous semble que les mêmes
conditions qui sont attribuées à une demande contemporaine soient appliquées
également à une demande anticipée, et que le tiers significatif, bien sûr, ne
soit pas un mineur, qui ne soit pas un majeur inapte, mais aussi qu'il n'y ait
pas d'intérêts financiers dans le patrimoine de la personne, tel que déjà
mentionné dans le projet de loi pour la demande contemporaine. Et également le
second tiers, quant à lui, on pense qu'effectivement il devrait agir dans des
situations où le premier tiers est rendu inapte, ou encore lorsque celui-ci est
dans l'incapacité de soutenir la personne atteinte, en raison d'un décès et non
pas parce qu'il refuse tout simplement pour des valeurs personnelles de
soutenir la personne. Et les conditions qui sont mentionnées dans le projet de
loi pourraient mener à des situations complexes, difficiles au sein des membres
d'une famille, entre ceux qui ont à cœur le bien-être de la personne et ceux
qui vont plutôt mettre leurs valeurs personnelles pour prolonger la vie.
Également, l'article 29.12, où là on voit
s'il y a un changement au niveau du libellé... au niveau de l'article 29.3, le
personnel compétent se doit, à notre opinion, et non pas, le cas échéant,
informer les membres de l'équipe, le tiers de confiance, le professionnel
compétent. C'est important de miser sur le travail multidisciplinaire et les
compétences variées dans une équipe pour justement statuer sur une décision
aussi lourde de sens, et, enfin, les articles 29.15 et 30.2, dans lesquels on
voit une contradiction qui va à l'encontre du principe d'autodétermination de
la personne, lorsqu'elle a formulé une demande d'aide médicale à mourir, alors
qu'elle était apte à consentir aux soins.
Alors, merci, justement de nous donner
cette opportunité de prendre la parole aujourd'hui avec vous. Alors, en dépit
du large consensus qui entoure l'élargissement de l'aide médicale à mourir, il
ne faudrait pas que les demandes anticipées d'AMM deviennent la solution de
facilité à l'incapacité de notre système de santé et des services sociaux à
prendre soin et à accompagner adéquatement les personnes les plus vulnérables
de notre société jusqu'à la fin de vie. Il ne faudrait pas non plus qu'en
raison de préjugés, de stigmates ou encore d'expériences négatives
personnelles, on accélère la mort des personnes atteintes, alors qu'on devrait
plutôt les soutenir pour qu'elles puissent avoir une meilleure qualité de vie.
Et le dernier rapport de la Vérificatrice générale dresse un portrait accablant
de la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Alors, on se doit de
faire mieux pour nos grands-parents, nos parents, nos conjoints, conjointes et potentiellement
pour nous tous. Merci à vous.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous débutons cette période d'échange avec M. le ministre. À vous.
M. Dubé : Je vais être assez
bref dans mes commentaires, encore une fois, là, pour laisser la place à mes
collègues. Mais il y a deux choses que je voudrais vous mentionner à toutes les
deux, premièrement, vous avez répondu exactement à la question que j'ai posée,
en donnant cette grande liste de questions que vous avez. Je vous demanderais,
parce que je n'ai pas vu encore de mémoire puis je sais que vous n'avez pas eu
beaucoup de temps, est-ce que ça serait possible de nous faire parvenir ces
questions-là, parce que je vous dirais que, comme parlementaires, c'est exactement
ce qu'on cherche? Je vois mes collègues du ministère qui étaient là comme...
M. Dubé : ...des petites
fourmis à prendre des notes, mais je pense que ça nous aiderait beaucoup pour
la préparation de l'article par article d'avoir un... de l'avoir par écrit pour
qu'on puisse à l'avance, avec les légistes qu'on a et l'équipe qui se penche
sur ça. Ça fait que, un, je veux vous remercier, premièrement.
M. le Président, je veux juste aussi... ça
a un rapport avec l'autre présentation, mais je ne peux pas m'empêcher de vous
dire que je demanderais à la députée de Joliette, je ne peux pas la nommer, de
nous faire parvenir ses questions qu'elle a données aux médecins tout à l'heure
de la même façon, parce que c'était des questions très précises, puis je pense
qu'on pourrait les envoyer. Alors, je fais juste dire : Focussons sur être
capables d'avoir des questions précises pour que, quand on sera rendus, on aura
eu la chance de poser ces questions-là. Ça fait que merci, Mme la députée.
Puis j'aimerais ça préparer à l'avance,
puis là je ne veux pas enlever la question à mon collègue le député de
Rosemont, mais il m'a dit tout à l'heure quelque chose, il m'a dit... il ne m'a
pas dit «M. le ministre», il a dit : Christian, est-ce qu'on sait c'est
quoi, la statistique du nombre de personnes qu'on prévoit qui vont être
atteints d'Alzheimer dans les prochaines années? Puis j'aimerais ça que vous
nous en parliez un petit peu, avant que je passe la question, ou si vous aimez
mieux répondre à la question de mon collègue. Mais je vous dirais que ça, pour
les Québécois, ça serait intéressant de vous entendre aujourd'hui, de combien
on pense qu'on a de personnes qui sont atteintes de l'Alzheimer. On sait qu'on
en a beaucoup dans nos CHSLD. Mais j'aimerais ça voir de votre association
qui... c'est votre vie, là, c'est votre raison d'être... nous parler un petit
peu de combien de personnes cette maladie-là peut aller atteindre d'autres
Québécois au cours des prochaines années. Parce que je trouvais que la question
que le député me posait... puis je n'étais pas en mesure de lui répondre.
Alors, si vous pouvez le faire tout de suite ou attendre que ça soit son
intervention. Mais préparez-vous à cette question-là parce que je la trouve
importante. Pourquoi les Québécois voient qu'on se concentre là-dessus
aujourd'hui?
C'est ça, la demande anticipée. Les
principaux bénéficiaires vont être les gens qui sont atteints de la maladie,
qui auraient un diagnostic. Puis, en plus, je retiens le dernier élément de
votre intervention, il faudra que ça soit toujours un choix. C'est une option
qu'on donne à quelqu'un. Ça veut dire que quelqu'un peut prendre le risque de
dire : Même moi, si j'ai eu le diagnostic, je vais vivre avec. Alors, je
veux juste qu'on se comprenne bien. Aujourd'hui, ce qu'on en train de discuter,
c'est de donner un choix, ce n'est pas une obligation d'aller vers là, à
quelqu'un qui aurait le diagnostic.
Alors, si vous avez la chance de nous en
parler un petit peu, de combien de personnes on parle. Puis, si vous n'êtes pas
prêts à le faire tout de suite, je vous donnerai un peu... Mais là, peut-être
que je poserais la... je passerais la parole à mes collègues, là, du côté
gouvernemental.
Le Président (M. Provençal)
:Ça va. Mme la députée de Roberval?
Mme Guillemette : Merci.
M. Dubé : Peut-être...
Le Président (M. Provençal)
:Oui, est-ce que vous êtes en mesure
de répondre à la question de M. le ministre? Alors, je vais vous demander de
nous donner la réponse, et, par la suite, la députée de Roberval va poursuivre
l'échange.
Mme Grenier (Sylvie) : Merci,
M. le ministre, de votre question. Je vais y répondre partiellement, puis Nouha
vous donnera les chiffres plus exacts parce qu'effectivement on les a. C'est un
petit peu même épeurant. Je peux juste vous dire... De mon côté, je vais vous
dire que d'ici dix ans il y aura plus de personnes atteintes de la maladie
d'Alzheimer ou d'un autre trouble cognitif majeur qu'il y a de personnes
atteintes de problèmes cardiaques et de cancers réunis. Donc, voilà. Ça peut
faire une image. Mais Nouha, elle, si vous voulez qu'elle réponde, on a aussi
toutes les... selon la courbe démographique, tout ce qu'on peut prévenir...
prévoir présentement au niveau des cas.
• (10 h 40) •
Mme Ben Gaied (Nouha) : Donc,
effectivement, on compte actuellement plus de 163 000 Québécois qui sont
atteints de la maladie d'Alzheimer. Et ça, c'est des estimés. Si on regarde les
chiffres de l'INSPQ, effectivement, les chiffres sont plus bas parce que c'est
associé à des données administratives. Donc, si on regarde l'évolution de la
maladie, on considère que ce nombre va plus que doubler d'ici moins de dix ans.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Roberval.
M. Dubé : Merci. Merci beaucoup
à vous deux.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup, M. le ministre. C'est assez impressionnant comme chiffre, évidemment,
effectivement.
Merci d'être avec nous ce matin pour
répondre à nos grandes questions, là, pour faire avancer ce projet de loi là.
Vous parliez du processus puis de faire en sorte que les gens soient
vraiment... une décision libre et éclairée. Est-ce qu'il y a des choses dans le
projet de loi qu'on peut mettre en place présentement pour faire en sorte
qu'on...
Mme Guillemette : ...soit sûrs
que les gens soient libres et éclairés lors de cette décision-là?
Mme Grenier (Sylvie) : Bien,
en fait, je pense que ça va être justement... il faudrait... Nous, ce qu'on
dit, c'est que ça prend d'abord un diagnostic, parce que pour pouvoir faire un
choix éclairé... Et ce qu'on demande, c'est vraiment qu'il y ait vraiment un
diagnostic qui soit posé. On sait que, dans la maladie d'Alzheimer, les
médecins ont souvent tendance à retarder l'annonce ou ne pas annoncer
réellement que c'est une maladie d'Alzheimer, mais parce qu'à ce moment-ci on
dit : On n'a pas de médicament, donc à quoi ça sert? Mais il faut vraiment
qu'il y ait eu un diagnostic qui soit confirmé pour la maladie d'Alzheimer ou
un autre trouble neurocognitif. Et, à partir de là, bien, prévoir, justement,
un accompagnement, informer des gens comme il faut, comme c'est dit dans le
projet de loi actuel.
Mme Guillemette : Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...
Mme Grenier (Sylvie) : Si tu
veux rajouter, Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui.
Si je peux rajouter également, il faudrait vraiment que les gens connaissent
aussi les différentes options qui s'offrent à eux. Actuellement, la loi
actuelle, bien, on a beaucoup parlé d'aide médicale à mourir, mais on a très
peu entendu... en fait, les directives médicales anticipées, alors
qu'effectivement les personnes atteintes ont déjà été incluses dans le
processus législatif. Donc, on a beaucoup mis l'accent sur l'aide médicale à
mourir, alors qu'il y avait aussi une autre option qui leur était offerte.
Donc, miser aussi sur des campagnes de
sensibilisation, d'information pour justement donner l'information, d'une part,
et que par la suite le médecin ou le professionnel compétent prenne le temps,
c'est ça qui va être important. Il faudra prendre le temps d'expliquer,
justement, les différentes options, les options médicamenteuses, donc les
traitements, surtout que, bien, on l'espère que, d'ici quelques années, il y
ait d'autres options médicamenteuses, là, qui soient proposées pour les
personnes atteintes. Mais aussi il va falloir expliquer le processus, à quoi
est-ce qu'il va falloir s'attendre ou quelles sont, finalement, les différentes
évolutions de la maladie auxquelles il faudra penser en termes de perte d'autonomie,
de perte de dignité, pour que justement la personne puisse prendre ce choix
éclairé.
Il faut juste garder en tête également que
malheureusement, à date, le diagnostic est posé à un stade modéré à avancé chez
plus de la moitié des personnes qui reçoivent un diagnostic. Et donc la fenêtre
d'aptitudes est quand même assez faible, elle est assez limitée. Et donc est-ce
qu'il faudra miser sur, justement, faire valoir cette option d'aide médicale à
mourir anticipée versus une qualité de vie, des soins à domicile? C'est un
choix qu'il faudra faire.
Et puis passer aussi le temps que les
professionnels devront prendre pour que, justement, les personnes et
l'information désirée... surtout qu'avec le diagnostic vient de la peur, du
déni, le rejet, de la colère. Et donc, bien, comment balancer ça? Comment
parler de l'aide médicale à mourir de manière anticipée au bon moment? Ça ne
peut pas se faire au même moment que le diagnostic, c'est impossible. Il y a
énormément d'émotions qui sont associées au diagnostic, pour ne pas tout de
suite aborder la question de l'aide médicale à mourir, même si, pour certaines
personnes, ça va être un choix très rapide à faire.
Mme Guillemette : Puis là
j'ai une question. Notre discussion m'amène à une question. On sait qu'il y a
l'équipe de soins autour, mais est-ce que vous en tant qu'organisation pourrez
être en mesure d'accompagner certains patients? Puis là on sait que vous allez
y aller selon vos moyens, mais est-ce que vous pourriez être mis à profit pour
accompagner certains patients, justement, pour démystifier tout cet aspect-là?
Mme Grenier (Sylvie) : Vas-y,
Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Bien,
en fait, on le fait déjà. On le fait déjà, justement, parce qu'on reçoit
énormément de questions par rapport à l'aide médicale à mourir. Est-ce qu'elle
est disponible pour ma mère, pour mon père qui vit avec la maladie
actuellement? Et donc, oui, effectivement, on a un rôle de sensibilisation,
d'information par rapport au processus mis en place. Et puis, bien, ça, effectivement,
on le soumet comme une option, qu'il y ait d'autres professionnels qui soient
impliqués dans ce processus-là, parce que, bien, veux veux pas, le médecin ne
pourra pas passer autant de temps à expliquer le processus et à donner les
choix. Donc, faire appel à d'autres professionnels, et pourquoi pas, aussi la
société Alzheimer pourrait être impliquée dans ce processus.
Mme Guillemette : Parfait,
merci. Le processus proposé par le projet de loi est-ce qu'il vous semble
suffisant, est-ce qu'il vous semble suffisant avant, pendant mais aussi après
pour accompagner la famille ou les proches de la personne? Est-ce qu'il y a des
choses que vous voudriez porter des...
Mme Guillemette : ...éléments
que vous voudriez porter à notre attention sur le processus, là, où on devrait
porter une attention particulière.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui,
c'est surtout, en fait, à la fin du projet de loi, les articles 29.15 et
30.2, qui, pour nous, vont, en fait, à l'encontre du processus d'autodétermination
de la personne. On parle que «le refus de recevoir l'aide médicale à mourir
doit être respecté et qu'il ne peut d'aucune manière y être passé outre». À la
suite, on dit: «Le professionnel compétent doit s'assurer que la demande est
radiée dans les plus brefs délais.» Là se pose la question: Bien, combien de
tentatives seront nécessaires pour radier une demande? Et justement on y voit
là, en fait, vraiment deux libellés qui vont l'un à l'encontre de l'autre.
Est-ce qu'effectivement, parce qu'une personne aura refusé l'aide médicale à
mourir au moment où finalement... parce qu'elle aura répondu aux critères et
donc, bien, qu'elle pourra y accéder, puis, bien, que veux, veux pas, elle
refuse, elle se débat, elle... et qu'il y ait une réaction, finalement, de
protection à ce moment-là, oui, on arrête, mais est-ce qu'on revient? Est -ce
qu'on... finalement, on se donne comme objectif de respecter la volonté de la
personne, qu'elle aura effectivement libellée dans sa demande anticipée? C'est
ça, toute la question. Combien de fois est-ce qu'on va tenter l'aide médicale à
mourir avant de se dire: Bien non, maintenant, ça suffit, on va radier la
demande? Donc...
Mme Guillemette : O.K.,
parfait. Je vais céder la parole à mes collègues, je crois que ma collègue de
Saint-François a une question, peut-être ma collègue de Soulanges aussi. Puis
je reviendrai par la suite si... Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Saint-François.
M. Dubé : Il reste
combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
:2 min 46 s.
Mme Ben Gaied (Nouha) : O.K.,
O.K.
Mme Hébert : Merci, M.
le Président. Merci, mesdames, pour votre intervention. Et vous venez de poser
une excellente question, que j'ai notée.
Dans l'article 29.4, on parle du
tiers de confiance qui peut être désigné dans la demande. On parle aussi que
cette personne-là doit consentir à sa désignation. Elle doit apposer sa
signature aussi, qui vient mettre un engagement. Moi, je voulais savoir: Est-ce
que vous trouvez qu'en mettant un tiers de confiance on devrait, justement, lui
donner un petit peu plus de pouvoir? Parce que, présentement, c'est plus
l'équipe médicale, dans le projet de loi, qui a du pouvoir. Mais pensez-vous
qu'on devrait porter une attention particulière à ce tiers de confiance, qui
connaît très bien aussi la personne? Souvent, c'est quelqu'un qui est très
près, soit de la famille, une amie proche, et qui a vécu tout ce processus-là,
souvent peut-être même lors de l'annonce de la maladie. Donc, j'aimerais avoir
votre point de vue là-dessus.
• (10 h 50) •
Mme Grenier (Sylvie) : En
fait, pour ce qui est du tiers de confiance, bien, encore là, ça laisse place à
beaucoup d'ouverture, mais je pense que c'est aussi celui ou celle qui va
accompagner la personne jusqu'à la fin, donc avoir un jugement à ce propos.
Nous, on préconise qu'il devrait y avoir deux tiers de confiance qui
accompagnent la personne, on ne sait pas, en cas de décès ou encore en cas de...
Et parce que les gens n'ont pas tous non plus les mêmes valeurs. Donc... Et,
par rapport au droit de décision, je pense qu'il y a un pouvoir d'influence
aussi sur les décisions qu'il y aura à prendre, mais on sait que c'est le corps
médical qui va aussi dire si la personne est, oui ou non, rendue à ce point-là.
La personne aura aussi, dans ses directives médicales anticipées, eu le... ou
sa demande d'AMM, spécifié, aussi, probablement, jusqu'à quel point elle veut
se rendre. Et, sur ce, nous, on dit que les balises ne sont pas claires. Parce
que, est-ce que c'est basé sur nos expériences personnelles d'avoir accompagné
une personne puis se dire: Bien, moi, je ne veux pas me rendre là? Ou... Puis
je vous donne un exemple, si je suis incontinente, je ne veux pas continuer,
mais, quand on est rendu là, peut-être que c'est différent aussi. Donc, la
personne tiers aurait certainement, oui, un rôle important à jouer aussi à
travers de ça. Je ne sais pas si tu veux ajouter, Nouha...
Mme Ben Gaied (Nouha) : Puis
on lui donne quand même un certain pouvoir à la personne tiers puisque c'est
elle qui enclenche le processus. L'équipe soignante a quand même un rôle
majeur, là, dans ce processus puisque c'est elle qui doit évaluer des critères
de la souffrance. Il faut... Et puis, bien là, c'est important, justement,
d'avoir le professionnel compétent qui va prendre cette... qui va avoir ce
regard médical pour, effectivement, évaluer, bien, la pertinence de l'aide
médicale à mourir ou pas. C'est pour ça que je vous demande...
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...je
vous disais aussi, dans nos remarques d'ouverture, qu'il doit être impliqué
dans toutes les étapes, que ce soit lors de, je veux dire, pour enclencher le
processus lors justement de... donc de la signature du formulaire, par la
suite, pour accompagner la personne dans la maladie lorsque c'est possible,
mais aussi lorsque les conditions sont réunies pour administrer l'aide médicale
à mourir. Il doit être là, mais comme comme on l'a spécifié également, il ne
doit pas... le fait qu'il y ait le tiers de confiance numéro deux, bien, la
première personne doit vraiment, lorsqu'elle a signé, respecter les valeurs de
la personne et non pas mettre ses valeurs à elle de l'avant. Puis,
généralement, là, quand on fait confiance à une personne pour signer un
formulaire comme celui-ci, on s'assure que nos valeurs à nous vont être
respectées. Je pense qu'il y a aussi un pacte de confiance à établir avec le
tiers de confiance, parce que sinon, bien, ce ne sera pas lui, tout simplement.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre maintenant cet échange avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames, pour cette présentation tellement pertinente et
utile à nos réflexions. Je tiens à souligner une de vos mises en garde à la fin
de vos remarques préliminaires où, si j'ai bien compris, vous êtes en train de
dire que l'idée d'élargir l'accès possible à l'aide médicale à mourir ne peut
jamais, mais jamais être un prétexte pour ralentir sur l'obligation de l'état
du système de soins de santé et services sociaux à veiller aux soins de vie,
parce que vous parlez du choix qui est primordial dans ce projet de loi, que...
soit le plus clair. On parle de se prévaloir de l'option, aucunement, mais
aucunement l'obligation implicite ou explicite, mais aucunement, donc toute
l'importance... et je crois que tous, chacun des intervenants, intervenantes,
au sein de système de santé, en conviennent que jamais, mais jamais nos discussions
soient un prétexte pour ralentir notre obligation, pas toujours rejoindre la
meilleure façon, admettons-le, de donner les soins de vie. Parce que vous allez
comprendre, et ça faisait sujet de plusieurs discussions que nous aurions eues,
on veut le moins que possible, si on peut l'éliminer, que le choix de la
personne apte, devant un diagnostic, ne soit pas alimenté par une
réflexion : Le système n'est pas en mesure de m'aider, alors voilà
l'option. Ce n'est pas ça, ce n'est pas de ça qu'on parle ou qu'on veut parler.
Alors, je tenais à donner suite à votre mise en garde tellement, tellement
pertinente.
Sur les choses très spécifiques, vous avez
parlé d'un paradoxe, en quelque part, qui nous touchait tout au long de nos
discussions, l'importance d'assurer aucun dérapage et que le consentement libre
et clair soit compris, que les conditions soient énumérées, tout ça. L'autre
côté du paradoxe, vous l'avez souligné et j'aimerais que vous pouvez élaborer
là- dessus, est-ce que le suivi prescrit risque d'être trop contraignant? Vous
partagez, avec nous, une grande préoccupation, je suis sûr, sur
l'équitabilité... la nature équitable de cette éventuelle offre en région
éloignée comme dans les grandes métropoles. Alors, je vous invite d'élaborer,
vous avez fait quelques précisions, mais quand vous parlez de votre inquiétude
que le suivi prescrit risque d'être trop contraignant, est-ce que vous pouvez
nous guider un petit peu plus à ce sujet-là?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Effectivement,
notre dernière mise en garde dans notre énoncé d'ouverture, c'était que notre
préoccupation que les personnes qui auront accès à l'aide médicale à mourir de
manière anticipée versus ceux qui, finalement, sont déjà dans le système de
santé, qui vivent avec la maladie d'Alzheimer et qui peut-être n'ont pas les
services, les soins nécessaires à leur condition par manque... pour différentes
raisons. Et donc, c'est pour ça que, oui, c'est un choix, mais il ne faut pas
également oublier toutes les personnes qui n'auront pas fait ce choix-là et
qui, elles, nécessitent d'avoir de l'attention particulière pour avoir la
meilleure qualité de vie, que ce soit par de la formation au niveau des
professionnels, que ce soit par un changement au niveau des ratios dans les
milieux d'hébergement, que ce soit par une approche centrée sur la personne et
non pas sur la maladie. Donc, c'est tout cet ensemble-là qui doit être revu
pour...
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...les
personnes qui n'ont pas fait ce choix-là.
Vous mentionnez, également, le choix libre
et éclairé de la personne, et puis, bien, comment le respecter tout au long,
là, et les suivis qu'il va falloir faire. On voit quand même, là,
effectivement, que le suivi va être assez contraignant pour les professionnels
compétents, parce qu'on leur demande d'être là du début jusqu'à la fin. Même
si, lors de, finalement, de l'aide médicale à mourir, lorsqu'elle sera donnée,
il se peut que ce soit un autre professionnel compétent, mais on demande quand
même à ce professionnel d'être là à des étapes charnières de la personne. Et
puis, bien, je veux dire, actuellement, oui, si elle refuse d'administrer
l'aide médicale à mourir, elle doit se référer à un autre professionnel
compétent.
Donc, on veut aussi s'assurer qu'il y ait
une continuité dans l'aide médicale à mourir anticipée puis qu'elle soit
finalement donnée à la personne qui en aura fait le choix. Mais ça va être un
processus compliqué, sachant qu'actuellement la situation actuelle, les
personnes... pardon, les médecins peinent à faire un suivi avec les personnes
atteintes lorsqu'elles reçoivent un diagnostic. Généralement, ce n'est pas le
même médecin qui, en milieu d'hébergement... et puis la relation, ou le
contact, ou le suivi se fait très peu, voire il est quasi inexistant, avec le
médecin qui a posé le diagnostic.
Donc, c'est toute cette dynamique-là pour
laquelle, en fait, on se questionne. Et puis, bien, dans la praticabilité, dans
la réalité des faits, ça va être finalement un enjeu, et il ne faudrait pas que
ce processus-là soit un frein aux personnes pour avoir accès à l'aide médicale
à mourir.
M. Birnbaum : Bon, en quelque
part, un diagnostic très important. Si vous avez à la... d'autres prescriptions
pour résoudre ces difficultés, il serait évidemment très apprécié. Si j'ai bien
compris, dans votre énumération de préoccupations et de questions touchant à
l'article 29, qui était très intéressante, vous avez soulevé la dynamique
devant des diagnostics, des symptômes de maladies graves de nature
dégénérative. Il y a souvent des symptômes très importants de l'ordre
comportemental et mental, dépression jusqu'à, si j'ai bien compris, je crois
que c'est la vérité, des épisodes psychotiques.
Très important. Vous êtes au courant du
fait que la commission recommande... et le projet de loi, devant nous, prend
note, qu'on n'aborde pas les questions très, très sérieuses qui touchent aux
gens atteints des troubles mentaux de l'ordre grave. Un autre débat qui doit se
poursuivre probablement. Est-ce que votre compréhension, quand on parle de l'évaluation
de souffrances dans les cas qui sont... qui pourraient être assujettis selon le
projet de loi devant nous, compte tenu qu'on évaluerait, le cas échéant,
quelqu'un devant une maladie neurodégénérative, tous les symptômes dont même
des symptômes de l'ordre mental, si vous voulez... Autrement dit, est-ce que
vous n'êtes pas satisfaites ou y aurait-il une suggestion, sinon, que, dans
l'évaluation de souffrances, aux deux étapes, là, que les symptômes de
manifester... de l'ordre, en quelque part, mentaux puissent faire partie de
l'évaluation légitime des cas assujettis au projet de loi devant nous?
• (11 heures) •
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
en fait, les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence sont...
Il y a toujours des causes déclencheurs, il y a toujours un élément qui va
faire que la personne va, effectivement, faire de l'errance, qu'elle va avoir
de l'anxiété et qu'elle va avoir des idées délirantes. Il y a bien sûr des
facteurs qui sont associés à la maladie elle-même, ça peut également être dû à
des interactions médicamenteuses, mais il y a d'autres causes qui, elles, sont
inhérentes à l'environnement dans le cas de la personne, et ça peut être de la
surstimulation comme de la sous-stimulation, ça peut être également l'approche
qui est menée par les personnes qui l'entourent. Et puis, bien, il y a des
éléments de l'histoire de vie de la personne. Donc, ces symptômes-là, pour
nous, oui, elles font partie, effectivement, des symptômes psychologiques
associés aux troubles cognitifs majeurs, mais, dans l'approche des sociétés
Alzheimer, ce sont des causes qui sont tout à fait modifiables et pour
lesquelles on peut agir. Donc, on comprend parfaitement, effectivement, ces
deux débats qui sont tout à fait différents...
11 h (version non révisée)
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...entre
des personnes qui sont atteintes de troubles mentaux versus une personne
atteinte qui aurait des comportements psychologiques associés à un trouble
neurocognitif majeur. Mais c'est ça, malheureusement, qui fait que les personnes
ne veulent pas se projeter à la fin de vie parce que, bien, veux, veux pas, c'est
des symptômes, c'est des comportements qui vont aller en augmentant avec l'évolution
de la maladie. Et c'est ça qui fait peur.
Donc, oui, ce ne sont pas des troubles
mentaux, mais c'est des conséquences de la maladie qu'il faudra effectivement
penser. Et c'est pour ça que les conditions de souffrance insoutenable pour la
personne, bien, c'est là qu'on doit l'amener, en fait. C'est à se projeter face
à ces comportements-là, c'est de se dire : Bien, dans une situation où,
effectivement, il y a des idées délirantes, il y a des hallucinations qui sont
parfois, comment dire, très... qui peuvent être justifiées, justifiables et sur
lesquelles on peut agir, mais il faut les projeter là. Et malheureusement, c'est
quelque chose qu'on ne peut pas prédire, de comment la personne va évoluer avec
la maladie.
Donc, il va falloir, en fait, avoir, bien,
une meilleure approche d'accompagnement des personnes face aux comportements psychologiques
et de comportement des troubles neurocognitifs majeurs pour que ce ne soit pas
effectivement le fait de se dire : Bien, je ne veux pas aller là, qui fait
que les personnes refusent l'aide médicale... acceptent, pardon, l'aide
médicale à mourir.
M. Birnbaum : Merci. Il ne me
reste qu'une minute. Le projet de loi fait référence à un éventuel refus de l'aide
médicale à mourir par une personne qui l'aurait... lorsqu'elle aurait été apte,
en bonne et due forme, indiqué ses intentions et, à cet instant de passer à l'acte,
aurait aussi autrement rempli toutes les conditions. Par contre, le projet de
loi parle d'un refus sans grande clarification là-dessus. Est-ce que vous avez
des inquiétudes en tout ce qui a trait à cette instance-là, où un refus est
manifesté, de quelle façon, avant de passer à l'acte, et que ça va nuire à la
possibilité de passer à l'acte? Comment vous réagissez à ça?
Le Président (M. Provençal)
:30 secondes pour votre réponse.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Bien,
tout à fait. La personne peut voir l'administration de l'aide médicale à mourir
comme une agression, donc elle peut se débattre, elle peut crier, elle peut
frapper, elle peut... Je veux dire, il va y avoir une réaction, veux, veux pas.
Il va y avoir une réaction étant donné... Puis ça a été... je veux dire, c'est
quelque chose qu'on a vu avec une personne atteinte de troubles neurocognitifs
en fin de vie, en Belgique, où, bien, l'aide... enfin, en l'occurrence, là-bas,
c'était l'euthanasie, n'a pas pu être donnée parce que la personne s'est
débattue.
Donc, à ce moment-là, bien, c'est quoi,
les recours? C'est quoi, les options qui s'offrent aux professionnels
compétents, aux professionnels de la santé qui accompagnent la personne, aux
tiers? Et est-ce qu'on réessaye? Est-ce qu'on revient à la charge ou on se
dit...
M. Birnbaum : ...je peux,
est-ce que vous avez des...
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...Bien,
il y a eu un premier refus...
M. Birnbaum : S'il vous
plaît, est-ce que vous avez des réponses à nous écrire sur la question? Là,
vous posez la question comme moi. On aimerait entendre votre réponse là-dessus.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Vous nous ferez parvenir les
questions que vous avez. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Oui, merci, M.
le Président. Merci, mesdames, d'être là. J'ai comme trois questions et demie.
Si je fais ça en une minute, il va vous rester trois minutes. On essaie ça.
L'alzheimer, contrairement à d'autres
maladies neurodégénératives, a des stades, c'est l'échelle de Reisberg, là, que
vous connaissez certainement, là. Est-ce qu'on devrait s'y référer? C'est 1 à
7. Je comprends que 1, c'est le tout début. 7, c'est le terminus. Est-ce qu'on
devrait s'y référer? Ça a été suggéré.
Vous dites que les diagnostics arrivent
souvent au stade modéré ou avancé. Comment alors on peut réconcilier le fait,
si c'est modéré ou avancé, qu'il n'y a pas beaucoup de temps et qu'on n'a pas
le droit de faire la promotion de l'aide médicale à mourir? Comment on réconcilie
ça, en s'assurant que la personne a quand même l'option et que l'option lui est
présentée, mais que ce n'est pas de la vente à pression?
Qu'est-ce qu'on fait avec la démence
heureuse? Vous en avez parlé un peu tout à l'heure. Je pense que ce serait
peut-être le moment non pas d'en finir, parce qu'on n'en finira jamais, mais de
revenir là-dessus.
Et, pour terminer, vous avez parlé de ces
cas, peut-être assez rares, cela dit, là, de gens qui se débattent. Il y a eu
un cas, je crois, aux Pays-Bas, où l'équipe médicale a dû, en tout cas, c'était
une très mauvaise idée, là, recourir à la contention, ce qui est vraiment une
mauvaise idée, là. Est-ce qu'on devrait préciser ça ici? Est-ce qu'on devrait
aussi préciser...
M. Marissal : ...l'usage
ou non de calmants avant l'administration de l'aide médicale à mourir. Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
En fait, l'échelle de Reisberg, on l'avait mentionnée lors de la Commission
des soins de fin de vie. Donc, effectivement, on considère que de se fier à
l'évolution de la maladie, parce qu'elle est associée également à une perte
d'autonomie, à une perte de dignité de la personne, donc, à partir du stade
cinq, ça nous apparaît légitime de penser à une aide médicale à mourir. Il y a
également d'autres échelles de perte d'autonomie qui sont également utilisées
dans le réseau, qui, elles, sont plus associées aux activités de la vie
quotidienne, donc les échelles... Effectivement, là aussi, ça nous paraît
important de se fier à des échelles validées pour pouvoir définir le moment.
Vous avez mentionné la démence heureuse.
Bien, la démence heureuse va à l'encontre des critères, actuellement, de la
demande anticipée de l'aide médicale à mourir, à savoir que la personne ne vit
pas de souffrance physique ou psychique. Et on considère que, lorsqu'une
personne vit une démence heureuse, c'est parce qu'elle est encadrée, qu'elle a
le soutien nécessaire parce que, tout simplement, elle a une certaine qualité
de vie en dépit de la maladie. Donc, la démence heureuse, finalement, ne
rentrerait pas dans le cadre du projet de loi actuel. Est-ce que j'ai oublié
quelque chose dans vos questions?
M. Marissal : Préciser
l'utilisation de calmants...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Oui... la contention.
M. Marissal : ...contention,
oui.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Alors, bien... si on regarde du côté de l'approche ou de la philosophie des
sociétés Alzheimer, ça fait... ça va totalement à l'encontre de notre approche,
que ce soit par l'utilisation de contention physique ou médicamenteuse. Après,
bien, on laissera quand même le libre choix à l'équipe soignante qui évalue la pertinence
du recours à des calmants, le cas échéant.
M. Marissal : Rapidement,
sur la démence heureuse, parce, aïe! on a eu des heures et des heures de débat
là-dessus, puis je suis sûr que vous aussi. C'est un concept philosophique plus
que médical, on s'entend, là, parce que c'est dans l'œil de la personne qui
regarde la personne démente, et non pas la personne elle-même, qui n'est plus
capable de se prononcer sur elle-même. Vous êtes persuadée que, dans un cas où
l'équipe médicale établit... je pense qu'on ne peut même pas l'établir, prétend
qu'il y a démence heureuse, la loi ne pourrait s'appliquer. Donc, l'application
de l'aide médicale à mourir ne pourrait avoir lieu. C'est ce que vous dites.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Parce qu'effectivement il faut qu'il y ait des souffrances physiques et
psychiques. Dans le cas d'une démence heureuse, la personne est bien. C'est
parce qu'elle est accompagnée. C'est parce qu'elle a... Le proche aidant a du
répit. C'est parce que la communication est toujours établie avec la personne.
On considère qu'avec l'évolution de la maladie la communication verbale devient
inexistante. Tout passe par du non-verbal. Et donc, bien, lorsque la
personne...
• (11 h 10) •
M. Marissal : Bien,
c'est pour ça que je vous dis que c'est purement philosophique.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...tout à fait.
M. Marissal : Si un
arbre dans la forêt, à 1 000 lieues de toute terre habitée, est-ce
que l'arbre fait du bruit en tombant dans la forêt? On ne le saura jamais.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Mais la souffrance...
M. Marissal : C'est
peut-être la même chose pour des gens qui ont une démence heureuse, mais qui
ont néanmoins... De toute façon, on ne refera pas ça aujourd'hui, là. J'en
conviens, mais je suis heureux de vous avoir entendue là-dessus.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Je vais céder
maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci
infiniment. C'est tellement percutant. Je vous entendrais pendant des heures,
mais j'ai quatre minutes.
Donc, vous êtes... vous avez soulevé le
point que je soulevais tantôt. On exige dans le projet de loi que le médecin,
au moment deux, le moment deux, c'est l'évaluation pour l'éventuelle
administration, consulte le médecin du moment un, quand la demande en toute
aptitude a été faite. Est-ce que c'est réaliste, selon vous? Est-ce que vous
pensez qu'on devrait ne pas se retourner vers le médecin du moment un, qui,
normalement, a bien accompagné la personne? Je vous les donne, moi aussi, puis,
après, vous aurez le temps de répondre.
Ensuite, il y a toute la question... Dans
notre rapport, on parlait que ce qui devait est prévu dans la demande
anticipée, c'était les manifestations dans l'état et dans... l'évolution de
l'état de la personne qui pourraient donner ouverture, puis la personne pouvait
aussi décrire les souffrances qu'elle pouvait anticiper, mais le coeur n'était
pas aussi détaillé qu'à l'article 29, tout le détail des souffrances.
Est-ce que vous aimez mieux l'approche du projet de loi, le détail de toutes
les souffrances? Est-ce que tous les médecins peuvent accompagner adéquatement
une personne? Les généralistes, par exemple, qui vont arriver au diagnostic,
est-ce qu'ils peuvent accompagner pleinement une personne, se projeter? Est-ce
qu'ils ont...
Mme Hivon : ...ont tous
l'expertise pour pouvoir prévoir les souffrances ou ça va être quelques types
de médecins? S'il y a un autre type de souffrance qui n'avait pas été anticipé,
par exemple, la personne, elle a en plus un cancer qui la fait souffrir,
évidemment, elle n'a pu prévoir ça il y a quatre ans, est-ce qu'on la
considère, cette souffrance-là ou on considère juste les souffrances
anticipées? Et puis le poids sur les professionnels, un peu du déclenchement...
je l'ai dit tantôt, là, mais le déclenchement du processus, verser la demande
au dossier, est-ce que c'est le bon dosage ou est-ce que ça risque de tomber
entre les craques parce que les médecins vont dire : On en a tellement sur
les épaules, on ne peut pas se mettre à évaluer? Puis c'est vraiment le tiers
qui devrait avoir le rôle ou vous trouvez qu'on a atteint le juste équilibre
dans le projet de loi?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Effectivement,
le fait que... Vous posez plusieurs questions qui peuvent être regroupées par
rapport au rôle du professionnel compétent entre, effectivement, celui qui
était présent au début versus celui qui va donner l'aide médicale à mourir,
l'expertise des médecins ou encore, bien, le rôle qu'ils vont avoir pour le
déclenchement. Actuellement, avec le Plan Alzheimer Québec, les médecins ont
été formés à effectuer le repérage, poser un diagnostic et assurer le suivi.
Ils sont outillés, oui, certes, à donner le diagnostic, mais c'est quelque
chose qui n'est pas encore largement effectué. Il y a une absence au niveau du
repérage et un suivi qui est de qualité médiocre. Donc, ça, c'est la réalité
actuelle.
Alors, demander à ces médecins-là de
prendre en charge ou d'accompagner les personnes atteintes jusqu'au moment de
l'aide médicale à mourir, pour nous, nous paraît irréaliste. Il faudrait que ce
soit... enfin, l'équipe soignante qui est au chevet de la personne au moment
où, effectivement, les critères de l'aide médicale à mourir sont remplis pour
pouvoir donner le soin en question parce que, veux veux pas, ils auront aussi
développé une relation de confiance et puis ils auront aussi développé une
meilleure connaissance de la personne. Parce que 80 % des personnes vont
mourir en CHSLD. Donc, il y a une équipe, là, habilitée à accompagner les
personnes, et puis, bien, cette équipe est là depuis un certain nombre
d'années, voire plus que ça. Donc, ils ont les compétences pour dire :
Bien, on a évalué la personne, elle répond aux critères, on administre l'aide
médicale à mourir. Le fait qu'il y ait un deuxième professionnel compétent qui
soit aussi impliqué dans le processus, bien, nous apparaît aussi important pour
justement éviter de revenir vers le premier professionnel compétent. Ça, c'est
quelque chose qui est déjà inclus dans la loi.
Mme Hivon : Et puis
l'approche focuser uniquement... bien, ça peut être très bien, là, mais sur les
souffrances, dans le détail, objectivable, ce qu'on... versus l'évolution de
l'état jumelée au moment... aux souffrances, votre préférence par rapport à ça?
Parce qu'il y a une distinction entre le rapport puis la loi?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Tout
à fait. Bien, pour nous, c'est important d'avoir le détail. Comme ça a été fait
pour les directives médicales anticipées où, effectivement, les personnes doivent
cocher les soins qu'elles acceptent ou qu'elles refusent, il faut que le
formulaire pour la demande anticipée d'aide médicale à mourir soit autant
précis que possible pour éviter, en fait, des jugements de valeur qui
pourraient survenir par la suite.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour cet échange,
Mesdames. Alors... Oui.
M. Dubé : Est-ce que je
pourrais faire un commentaire de deux secondes?
Le Président (M. Provençal)
:Oui, allez-y, M. le ministre.
M. Dubé : J'aimerais juste
qu'on apprécie tous la qualité de l'intervention qui vient d'être faite par
madame Grenier et par madame Gaied. Je pense que c'est extraordinaire toute la
connaissance que vous avez que vous venez de partager dans peu de temps. Mais
je voulais souligner la qualité de vos réponses et des questions que vous nous
posez. Alors, je me permets de faire le messager de mes collègues ici. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Et vous me permettrez de vous
rappeler que vous avez formulé quand même plusieurs questions sur les
dispositions particulières aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
Alors, les membres de la commission sont très intéressés à recevoir vos
questions pour que nous puissions vraiment approfondir ces dernières. Alors, je
tiens à vous remercier de votre présence et pour l'ensemble des réponses que
vous nous avez données. Merci beaucoup.
Et je suspends pour accueillir le prochain
groupe.
(Suspension de la séance à 11 h 17)
(Reprise à 11 h 19)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue au Dr Georges L'Espérance, de l'Association québécoise
pour le droit de mourir dans la dignité. Vous aurez 10 minutes pour votre
présentation, et, par la suite, nous procéderons à une période d'échange.
Alors, je vous invite à vous représenter et à débuter votre exposé. Je vous
cède la parole.
M. L'Espérance (Georges) : Merci,
M. le Président, Mmes, MM. les députés de l'Assemblée nationale, l'Association
québécoise pour le droit de mourir dans la dignité tient d'abord à vous
remercier pour l'invitation à cette commission d'étude.
Mon nom est Georges L'Espérance, président
de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité.
À titre de président, là, qui représente
notre conseil d'administration, mon propos sera marqué par trois sources:
toutes les questions du public et des patients que je reçois quotidiennement,
les questionnements des médecins prestataires et ma propre expérience comme
neurochirurgien et médecin prestataire de l'aide médicale à mourir.
• (11 h 20) •
En guise d'introduction, je tiens à
souligner le remarquable travail du groupe transpartisan qui a produit le
rapport sur l'évolution de la loi et à remercier du fond du cœur le ministre
Dubé et son équipe d'avoir rapidement proposé ce projet de loi, qui respecte
les recommandations du rapport. Je remercie aussi tous les députés qui ont
accepté de siéger sur cette commission et de faire un travail législatif de
fond pour que l'élargissement de la loi devienne réalité. Et je tiens à
rassurer M. le ministre ainsi que son équipe de petites fourmis, à l'arrière,
que mon mémoire a été adressé hier vers 18 heures, donc vous avez tous les
aspects que vous voulez. N'étant ni législateur ni juriste, j'insisterai sur
les aspects médicaux et pratiques en trois sections: les notes explicatives,
les articles du projet de loi et une réflexion essentielle sur la question du
handicap. J'ai bien compris tout ce que vous avez dit au début sur la question
du handicap.
Les notes explicatives. Nous sommes
totalement en accord avec l'exclusion temporaire des problématiques de santé
mentale. Bien que les troubles de santé mentale représentent une maladie réelle
qui amène des souffrances réelles, parfois intolérables et résistantes à tout
traitement. Le gouvernement fédéral a introduit l'exclusion de la santé mentale
par C-7 avec une clause dite crépusculaire, qui prend fin au 18 mars 2023.
Il faudra donc y revenir dans les prochains mois et élaborer, avec les experts
- pardon - les patients et les familles, les critères médicaux nécessaires pour
l'aide médicale à mourir chez les personnes aux prises avec un problème de
santé mentale grave, récidivant et résistant à toute thérapeutique.
J'ajoute qu'il est essentiel de...
M. L'Espérance (Georges) : ...un
interdit absolu et définitif sur les personnes vivant avec un déficit
intellectuel qui ne leur permet pas d'exercer leur libre arbitre.
Deuxième point, l'inclusion des
infirmières praticiennes spécialisées. Nous nous réjouissons au plus haut point
de cette modification qui haussera les Québécois au même niveau d'accessibilité
que tous les Canadiens, non seulement en région éloignée, mais aussi en plein
centre-ville de Montréal. Et il y a aussi les IPS en pratique extérieure, comme
dans les organisations de soins palliatifs du Grand Montréal, pour donner un
exemple. Je crois qu'elle devrait être incluse et non pas simplement limitée
aux infirmières, aux IPS qui travaillent uniquement en milieu hospitalier.
Enfin, l'inclusion des maisons de soins
palliatifs. Nous sommes très heureux de cette précision du ministre qui corrige
ainsi une anomalie de la loi 2, introduite en 2014, pour faciliter l'adoption
de la loi. Plusieurs maisons de soins palliatifs ont depuis révisé leur
position, et c'est heureux. L'aide médicale à mourir est un acte médical et
doit être reconnu comme tel par les maisons de soins palliatifs, dont la
plupart, sinon la totalité, bénéficie d'un financement public de l'ordre de 70 %
selon les données disponibles, ce qui en fait des établissements publics. Et,
comme plusieurs de mes collègues, j'ai eu à évaluer des patients en maisons de
soins palliatifs et j'ai dû expliquer au demandeur et à sa famille que nous
devions le sortir le jour ou la veille du soin, mourant ou très détérioré,
parfois en hiver, souvent, et le transporter en ambulance à l'hôpital, loin des
soignants qui l'avaient soutenu pendant des semaines.
Je passe maintenant aux articles du projet
de loi, et mes commentaires seront en référence à la numérotation des articles
du projet de loi n° 38. Il est implicite que ne sont pas mentionnés les
articles avec lesquels nous sommes en accord complet.
Donc, l'article 9, maisons de soins
palliatifs. Nous proposons de donner six mois de délais aux administrateurs et
au personnel soignant pour actualiser.
Article 13. (Interruption)
Excusez-moi. Modification aux articles 26
et 27 de la loi 2. À 26, troisième, garder l'inclusion du terme «handicap
neurolocomoteur». J'y reviendrai à la fin. 27 et 27.1. Le tiers signataire qui
indique ne peut avoir un intérêt financier dans le patrimoine. Nous avons
parfois affaire à des personnes seules ou des couples seuls, sans enfant ni
famille. Cela peut être un problème pour nos patients. Rares sont les personnes
qui ont un patrimoine très important et souvent le demandeur n'a qu'une
personne qui hérite de ses biens, la plupart du temps modestes, tels un
appartement, une petite maison ou un chalet et un restant de bilan financier.
Je ne suis pas juriste, mais pourquoi ne pas ajouter le terme, ouvrez les
guillemets, «intérêt financier significatif». Tout clinicien et juriste pourra
comprendre ce que signifie le terme «significatif».
L'article 15 du projet de loi,
modification de l'article 29. Encore une fois, «handicap», je vais y revenir un
peu.
Article 16 du projet de loi, ajout à
l'article 29 de la loi 2. Nous suggérons de faire deux sections distinctes afin
de clarifier l'énoncé de la loi, tant pour les médecins que pour les
demandeurs. Première section : dispositions en regard de la formulation de
demande anticipée, les articles 29.1 à 29.10. Et deuxième section :
dispositions en regard de la mise en œuvre de la demande anticipée des autres
articles.
Nous proposons aussi quelques commentaires
sur les articles de cette section. 29.2, deuxième alinéa. Nous sommes d'accord
avec cette formulation, et ça répond un peu aux questions des intervenants
précédents. La liste des symptômes ou signes ou conditions que le demandeur
pourrait suggérer devra relever d'un guide de pratiques et non pas être dans la
loi, un guide de pratiques à élaborer par un comité ad hoc de médecins, IPS,
travailleurs sociaux, représentants de demandeurs, par exemple la Société
Alzheimer. Ce guide ne devrait servir que de feuille de route, en quelque
sorte, afin d'aider nos patients. Le reste de 29.2 est impeccable au plan
clinique et facilement gérable.
Je comprends de 29.4 que le ministre se
veut moins catégorique que le rapport du comité transpartisan et n'oblige pas à
la nomination d'un tiers de confiance. Cela répond à des objections faites par
des membres de l'association, même si cet intermédiaire paraît souhaitable, en
ce qui me concerne, et ce, afin de veiller aux intérêts exprimés du demandeur.
29.6. Si cet article, et là c'est vraiment
parce que...
(Interruption)
Pardon? C'est vraiment parce que je ne
suis pas juriste. Si cet article signifie qu'il n'y a pas d'obligation d'acte
notarié mais seulement une déclaration devant témoins, je suis d'accord, car la
question des coûts d'un notaire revient régulièrement dans les renseignements
qu'on me demande. Et la même remarque que je faisais plus haut sur les tiers
avec intérêt financier significatif s'appliquerait ici aussi.
29.15, deuxièmement. Afin d'éviter toute
ambiguïté, plusieurs membres du conseil d'administration suggèrent d'ajouter la
précision suivante au début de la phrase. Ajouter «Dans le cas d'une personne
encore apte, virgule, tout refus de recevoir, etc.» Tout le reste de cette...
M. L'Espérance (Georges) : ...cet
ajout de 29 apparaît très pertinent et satisfaisant. À une seule interrogation
près : je comprends que le tiers de confiance avertit l'équipe soignante
et c'est très bien. Par contre, s'il n'y a pas de tiers de confiance, le mandat
de vérification revient aux professionnels de la santé, ce qui revient à placer
dans les mains d'un seul intervenant une décision éminemment personnelle. Il y
a ici un risque d'aveuglement volontaire.
Afin de protéger les droits du demandeur,
nous suggérons d'ajouter que la demande anticipée d'aide médicale à mourir
versée au registre soit obligatoirement revisitée aux six mois par deux
professionnels de la santé, indépendants l'un de l'autre, bien sûr, s'il n'y a
pas de tiers.
Article 17 : Substitution de la loi
30. À 30.1, nous suggérons de clarifier ce point en ajoutant à la fin de la
phrase... et la phrase se termine par «du refus de recevoir cette aide
manifestée par la personne encore apte». On suggère d'ajouter «encore apte»
ici. Ne pas indiquer cette précision reviendrait, dans certains cas, à nier la
demande anticipée.
30.2, faire une précision s'il s'agit d'un
refus chez une personne encore apte et, l'autre situation, d'une personne qui
est devenue inapte. Auquel cas, la modification suivante viendrait s'ajouter,
c'est-à-dire qu'à 30.2 nous suggérons d'ajouter ici l'équivalent de l'article
241.2 (3.3) du Code criminel canadien sur le renoncement au consentement final,
ce qui revient aussi à une discussion précédant, qui est cet article qui dit :
«Précision.
«Il est entendu que des paroles, des sons
ou des gestes involontaires en réponse à un contact ne constituent pas une
manifestation de refus ou de résistance pour l'application».
Dernier point, l'article 23, les
modifications de l'article 39 qui porte sur la Commission des soins de fin de
vie, honnêtement, je me demande qu'est-ce qui justifie l'ajout de deux membres
de plus à la commission? Et pourquoi ne pas plutôt réduire la Commission des
soins de fin de vie à des cliniciens actifs seulement, même s'ils sont
retraités, médecins et IPS, et à du personnel administratif compétent en
statistiques? Et en plus il y a une question de coûts.
Les articles 24 à 36 du projet de loi n°
38 ne sont pas de notre ressort. Je prends quelques minutes pour faire un peu
de pédagogie, comme disait monsieur Marissal. Je tiens ici à remercier, pour la
question de la maladie, handicap et affection, je remercie sincèrement le
ministre d'avoir été à l'écoute des demandes de l'ensemble des médecins
prestataires, à l'ensemble de mes collègues prestataires et aussi de quelques
appels que j'ai reçus du public. Je ne peux que déplorer le retrait de cette
modification.
Et je fais ici quelques mots... je m'en
tiendrais à quelques précisions, et à titre de médecin, et particulièrement de
neurochirurgiens, car ce sont souvent ces cas qui ont été mis de l'avant comme
exemple, l'argument avancé que la question du handicap n'a pas été discutée ne
correspond pas à la réalité. En tout respect et avec égards, je m'inscris en faux
contre cette affirmation pour des raisons factuelles élaborées dans le même
mémoire.
• (11 h 30) •
Toute maladie peut conduire à un handicap,
temporaire ou permanente. Mais à l'inverse : tout handicap provient d'une
maladie, que ce soit in utero, à l'accouchement, pendant l'enfance, suite à un
traumatisme. Et l'exemple qui est souvent donné est celui du blessé médullaire,
quadriplégique ou paraplégie, mais qui a souffert par définition d'un
traumatisme ostéomédullaire avec compression de la moelle et ischémie
subséquente, souvent hémorragique et constitutionnelle, donc c'est une maladie
ischémique, comme un infarctus.
Alors, je reprendrai aussi, à titre
d'exemple, le paragraphe 310 de la décision Baudoin où Mme la juge écrivait que
M. Truchon et Mme Gladu désirent qu'on leur reconnaisse le choix de décider
pour eux-mêmes : «Agir autrement peut conduire à discriminer les personnes
handicapées compte tenu de leur seul handicap.»
Je vous...
Le Président (M. Provençal)
:C'est beau, Docteur.
M. L'Espérance (Georges) : ...et
je suis disposé à répondre à vos questions avec plaisir et au meilleur de ma...
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé, Dr
L'Espérance. Alors, M. le ministre.
M. Dubé : Écoutez, vous
n'êtes pas légiste, mais vous êtes très clair. Je vais vous dire, votre
allocution qui fait le point sur plusieurs des articles, je pense, c'est
exactement ce qu'on a demandé ce matin. Ce qui m'apparaît très clair... puis je
veux que les Québécois comprennent bien, il y a eu une commission qui a passé
plus de 200 heures pour arriver à des grandes conclusions. Le défi de nos
légistes, ça a été de mettre ça dans un projet de loi. Puis là vous arrivez, à
un moment donné, vous dites : Je veux juste m'assurer que nos objectifs
qu'on avait dans la commission sont bien reflétés dans le projet de loi. C'est
exactement ce que vous venez de faire. On a une petite différence sur la
question des handicaps. Je ne m'y attarderai pas, mais je pense que, ce matin,
on a clarifié la raison pour laquelle ça a été fait, je pense qu'on a besoin
d'avoir un consensus. Ce n'est qu'une autre étape. Je veux juste faire ce
commentaire-là, parce que je suis d'accord...
11 h 30 (version non révisée)
M. Dubé : ...l'essentiel
de ce que vous venez de dire. Puis une précision que je ferais : ce n'est
pas ma commission, ce n'est pas mes recommandations personnellement, c'est tout
le travail qui a été mis ensemble par toute cette équipe-là. Puis j'apprécie
vos points, mais c'est tout le travail de tout le monde. Alors, merci beaucoup
d'avoir eu la rigueur de faire ce que vous venez de faire. J'apprécie beaucoup.
Maintenant, je vais passer la parole à la députée de Roberval. M. le Président,
si vous êtes d'accord.
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée.
Mme Guillemette : Merci,
M. le ministre. Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Dr l'Espérance, d'être
avec nous ce matin. Votre discours est très, très porteur, pour nous, pour la
suite des choses, pour nous et pour les gens, là, qui auront et qui
demanderont, dans les prochains mois, dans les prochaines années,
l'administration de l'aide médicale à mourir. On entend bien votre demande pour
la suite des choses et on espère aussi, là, en tant que groupes
parlementaires... vous savez, c'était une commission transpartisane, et cet
aspect-là est très important. C'est le reflet de notre société. Donc, on va
continuer à travailler sur cet aspect-là.
Maintenant, en quoi la proposition du
projet de loi quant aux demandes anticipées vous permet-elle d'envisager une
mort digne pour les gens qui auront accès à l'aide ou qui demanderont l'accès à
l'aide médicale à mourir anticipée?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
en fait, la réponse vient de ce que demande la population puis certainement les
gens que vous allez entendre, à savoir qu'à partir du moment où un diagnostic
est donné, et ça, c'est une condition sine qua non, en tout cas, en ce qui me
concerne... et donc les gens savent comment évolue leur maladie. C'est vrai
pour l'Alzheimer, avec les stades qui ont été décrits, mais c'est tout aussi
vrai pour les autres pathologies neurodégénératives. Parkinson, généralement,
c'est un peu plus long, les démences... les démences vasculaires, c'est souvent
un petit peu fluctuant et plus long, mais on sait toujours très bien où ça va
aller, où est-ce que ça va aboutir. Et, bon, le temps peut être plus ou moins
long. Mais c'est ça que les gens ne veulent pas, et je suis convaincu qu'il n'y
en a aucun de vous qui est autour de la table, là, ou dans votre salle Marois,
qu'il n'y a aucun de vous qui veut se voir couché en chien de fusil dans un lit
à la fin de ses jours sans savoir où est-ce qu'il est. Et c'est à ça qu'il faut
répondre, c'est à ça... la dignité.
Actuellement, les gens qui ont un tel
diagnostic, vous le savez, peuvent obtenir l'aide médicale à mourir, on en a
tous fait quelques-uns, mais ils sont encore aptes, comme Mme Sandra
Demontigny, qui est dans les médias. Alors, Sandra, elle pourrait avoir l'aide
médicale à mourir maintenant, mais va perdre quelques mois ou même une année ou
deux de vie encore intéressante avec ses proches. Et c'est ça qu'est la
dignité, c'est-à-dire de savoir que, lorsque je ne serai plus apte, je ne veux
plus vivre dans un état... je ne veux pas vivre dans un état de déchéance qui,
de toute façon, va se produire, parce que c'est comme ça qu'évolue la maladie,
particulièrement l'Alzheimer, mais les autres types de démence aussi.
Donc, la dignité, elle est là, pas souvent
dans les souffrances physiques... Parce que c'est souvent aussi un des
arguments qu'on entend : Bien, comment on va faire pour évaluer la
souffrance physique? Il n'y en a pas beaucoup. Il peut y en avoir, par exemple,
des plaies de lit, etc., mais c'est surtout la souffrance existentielle qui
vient auparavant. J'ai vécu pendant 70, 75, 80 ans avec ma propre
personnalité, avec mon éclairage, avec ma famille, mes proches, avec mon projet
de vie et je ne veux pas que les cinq, six, sept dernières années de ma vie, je
sois devenu une autre personne qui n'a plus du tout la même personnalité que
j'ai eue pendant toute ma vie. Et c'est ça, la dignité, je ne veux pas me
retrouver dans cet élément-là. Et ça, c'est une souffrance existentielle, qui, bien
entendu, est anticipée. Elle est faite avant que la personne devienne inapte.
Et là on entre, encore une fois, dans tout
le débat de la soi-disant démence heureuse. Je pense que vous le savez, vous
avez tous été dans la commission auparavant, on en a parlé aussi, je ne suis
pas du tout... je ne crois pas que ça existe, la démence heureuse, pas plus que
certains neurologues qui sont versés là-dedans. Mais c'est... Toute la question
de la dignité, c'est la question de savoir : Qui étais-je ou qui ai-je été
pendant toute ma vie et qu'est-ce que je ne veux pas vivre dans mon existence
en bout de ma vie parce que je ne serai plus moi-même? La question est là, et
la dignité, elle est là, à mon avis.
Mme Guillemette : Donc,
pour vous, la démence heureuse, si la personne le définit bien, il n'y a pas
d'enjeu à avoir accès à l'aide médicale à mourir?
M. L'Espérance (Georges) : Non.
Il y a même Me Jocelyn Downie, qui travaille beaucoup avec la CAMAP au Canada
anglais, avait dit : Bien, pourquoi simplement ne pas indiquer dans les
critères, par exemple : Bien, si on me donne un diagnostic de démence
heureuse, je veux tout de même obtenir l'aide médicale à mourir? Ça pourrait
très bien faire partie des critères.
Et je reviens aussi, parce que, là, ça a
été la question...
M. L'Espérance (Georges) : ...quels
vont être les critères? Je ne pense pas du tout que ça doit partir... être dans
un projet de loi, ça doit être dans un guide de pratique. Et ça, ça pourrait
très bien faire partie... Par exemple, article numéro 25 du guide
pratique : Si tout le monde s'entend pour dire que le patient est dans une
démence, non, moi, je coche ça, je ne veux pas même me rendre à la démence
heureuse, ça pourrait être un exemple.
Mme Guillemette : Et un guide
de pratique qui serait élaboré par un groupe de médecins? J'aimerais vous
entendre plus sur, justement, ce guide de pratique là.
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
on est obligés d'aller vite en commission, mais c'était écrit dans le
mémoire : guide de pratique, médecins, IPS, travailleurs sociaux, qui sont
très, très impliqués, et des gens comme la société d'Alzheimer. Madame Gaied
est... je la connais, je l'ai vue quelquefois, là, elle est très pertinente. Et
pourquoi pas aussi peut-être des gens de votre honorable assemblée? Mais, en
fait, des gens qui sont habitués de travailler dedans et faire un guide de
pratique. Ça peut être relativement simple : Lorsque je ne serai plus
capable de vivre seul, ou lorsque je ne serai plus capable de me laver
moi-même, ou etc., tout ce qui a déjà été dit. Mais la démence heureuse
pourrait faire partie de ce type de critères, et je l'appuie, là-dessus,
j'appuie... beaucoup.
Mme Guillemette : O.K. Une
dernière question avant de passer la parole à mes collègues pour moi. On a
entendu, tout à l'heure, qui pourrait avoir une difficulté sur le terrain,
parce qu'en pratique aussi sur le terrain, il faut voir comment ça sera
applicable. Il pourrait y avoir une difficulté sur le terrain versus le médecin
numéro un qui soigne et qui traite le patient versus le médecin numéro deux qui
va administrer l'aide médicale à mourir. Vous voyez ça comment, ce
processus-là, entre les deux médecins?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
écoutez, on fonctionne déjà comme ça, hein? Il y a des médecins traitants, par
exemple, dans les unités de soins palliatifs ou les unités de gériatrie et il y
en a qui transmettent la demande d'aide médicale à mourir, mais qui ne veulent
pas s'impliquer, c'est parfait, moi, je le fais très régulièrement avec des
gens de soins palliatifs, et donc on rencontre le patient. Alors, en ce qui
concerne les patients avec une altération de leurs facultés cognitives, à mon
avis, le processus revient au même, c'est-à-dire que le médecin prestataire,
lui, pourra prendre connaissance du dossier et rencontrer le médecin traitant
qui s'occupe du patient, que ce soit en CHSLD, que ce soit n'importe où, et
puis, par la suite, procéder, bien sûr, après avoir rencontré la famille, s'il y
en a, ou les proches, s'il y en a.
Sincèrement, pour moi, ça ne pose pas un
gros problème. Le problème, c'est... je crois qu'il y a un article de loi, mais
je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Je ne suis pas juriste, encore une
fois. Il ne faut pas mettre en lien la demande d'aide médicale à mourir
anticipée faite par le médecin, à ce moment-là, en lien obligatoire avec le
moment de l'aide médicale à mourir, parce que, là, ça peut être trois ans,
quatre ans, cinq ans plus tard. Un moyen... D'abord, premièrement, c'est un
écrit, donc un écrit a quand même valeur. Puis, deuxièmement, il y a aussi une
suggestion qui a été faite d'utiliser les moyens vidéographiques, et pourquoi
pas, avec le médecin qui évalue le patient lorsqu'il est apte, qui sert de
genre de témoignage ou de testament pour plus tard. Parce que ce médecin-là qui
a évalué le patient au départ, il a peut-être pris sa retraite, il est
peut-être parti ailleurs, il est peut-être décédé. Je ne sais pas si je réponds
à votre question.
• (11 h 40) •
Mme Guillemette : Oui, oui,
parfaitement. Merci. En tant que neurochirurgien, là, est-ce qu'il y a des
personnes souffrantes, présentement, au Québec, qui ne sont pas admissibles
pour recevoir l'aide médicale à mourir, mais qui, selon vous, devraient l'être
pour la suite des choses?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
il y en a... tous les patients qui ont des pathologies comme l'encéphalopathie
néonatale. Mais honnêtement c'est là où le Collège des médecins et nous tous,
on a le même malaise, c'est que le Code criminel le permet et le Collège des
médecins nous a tous assurés, nous, les médecins prestataires, que, si on suit
le Code criminel, bien, de toute façon, on n'aura pas d'ennuis avec le collège.
Mais il reste que, pour des plus jeunes médecins, moi, je suis un vieux, pour
les plus jeunes médecins et puis pour ceux qui sont un petit peu plus frileux,
disons, bien là, ils se sentent coincés et ils ont peur d'avoir une lettre de
la Commission des soins de fin de vie. Et c'est pour ça qu'on nous demande de
régler cette histoire-là d'harmonisation entre maladie, handicap et affections.
Mais sinon, honnêtement, il y a des patients qui ne sont pas acceptés,
dépendant du médecin qui va les voir, et d'autres qui vont être acceptés.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Je vais passer la parole à mes collègues. J'aurai d'autres questions,
là, si jamais, mais je passe la parole à mes collègues. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Allez-y.
Mme Picard : Merci, M. le
Président. Docteur L'Espérance, votre exposé, au départ, était
hyperintéressant. J'aimerais juste que vous nous réexpliquez, que vous élaborez
davantage par rapport... Vous avez fait certaines distinctions quant au refus,
vous avez fait deux distinctions si le patient fait... démontre une résistance.
Pouvez-vous juste nous... élaborer un petit peu...
Mme Picard : ...ou bien
nous expliquer votre cheminement?
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
ça m'a été amené par des membres du conseil d'administration qui étaient
craintifs que, lorsque l'on parle du refus, bien, finalement, on ferme le
dossier puis... Alors, c'est pour ça que j'ai parlé d'avoir deux
sections : lorsque le patient est apte, toute la mise en place des
demandes anticipées, puis deuxièmement, lorsque le patient, c'est le temps de
la mettre en application. Et là, forcément, si on fait ça comme ça, dans cette
deuxième section, les articles de loi s'adresseront à des patients qui sont
devenus inaptes. Si le patient est devenu inapte, il ne peut plus refuser, par
définition. La seule façon de refuser, à ce moment-là, c'est par des gestes,
par des refus, etc. Et ça... Et c'est pour ça que je dis, moi : Pourquoi
est-ce qu'on ne prend pas la clause d'exclusion du Code criminel, qui dit,
lorsqu'on approche un patient, bien, qu'un bruit, qu'un grognement ou qu'un
mouvement ne veut pas dire que le patient refuse l'aide médicale à mourir?
Parce que c'est ça qu'on fait face chez les patients qui... pour le moment, là,
chez les patients qui n'ont plus leur conscience. Par contre, si le patient
refuse et qu'il est encore apte, bien, la question ne se pose pas, il est
encore apte, donc c'est son droit de refuser. Si le patient refuse, mais qu'il
n'est plus apte, bien, on retourne dans le carreau numéro un, à savoir que,
s'il n'est plus apte, c'est pour ça qu'il a fait sa demande anticipée.
Donc, je trouvais qu'il y avait ici un peu
une... disons... je ne suis pas trop comment dire ça... il y a un petit peu un
imbroglio dans les articles de la loi, de la façon dont ils sont décrits et,
honnêtement, de la façon dont je les comprends. Peut-être que je les comprends
mal.
Mme Picard : Ça m'amène
à une petite question. Advenant où un patient fait... manifesté un refus, qu'il
est apte. Est-ce que, selon vous, on devrait réouvrir la possibilité dans un
certain temps, ou à un certain moment, ou on le garde fermé?
M. L'Espérance (Georges) : J'ai
bien compris que votre question, vous dites : Si le patient est apte.
Mais, si le patient est apte et qu'il refuse, bien, ça s'arrête là, sauf si le
patient redevient... revient plus tard en disant : Bien, écoutez,
finalement, j'ai, encore une fois, changé d'idée puis je le redemande, bien
oui. Mais, une fois que le patient... Si le patient est apte et qu'il refuse,
c'est son droit le plus strict de fermer les dossiers. De la même façon
qu'actuellement un patient peut nous dire : Bien, écoutez, moi, l'aide
médicale à mourir, j'ai prévu ça pour le 24 juin cette année puis le 22,
il m'appelle puis il dit : Bien non, écoutez, savez-vous, je vais passer
l'été. Ça m'est arrivé puis c'est arrivé à d'autres collègues. Et puis, bien,
voilà, c'est comme ça qu'on fait. On garde la demande ouverte. Mais, si le
patient dit, alors qu'il est apte : Je ne veux plus faire ça, parfait, très
bien, on ferme le dossier.
Mme Picard : Merci. Je
n'ai plus de questions.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Oui,
merci. On va... Je voudrais vous entendre sur l'obligation que les maisons de
soins palliatifs auront d'offrir l'aide médicale à mourir. On sait qu'il y a un
contexte où, présentement, on a une trentaine de maisons de soins palliatifs.
Il y en a qui, de façon volontaire, ont accepté d'administrer l'aide médicale à
mourir. Il y en a d'autres qui n'acceptent pas d'administrer l'aide médicale à
mourir pour plein de raisons. J'aimerais vous entendre sur cette obligation-là,
parce qu'on sait qu'il y en a qui ont des contraintes. J'aimerais vous m'en
dites un peu plus là-dessus.
M. L'Espérance (Georges) : Oui.
Au tout début, la grande majorité des maisons de soins palliatifs ont refusé
parce qu'elles faisaient partie de l'Alliance des soins palliatifs. Soyons
clairs, je suis chirurgien, on va être précis, c'est beaucoup le lobby religieux
catholique, et de un. Et de deux, plusieurs de ces maisons-là... et entre
autres, je souligne que la Maison Aline-Chrétien, qui a ouvert à Shawinigan
juste après le début de la loi, a d'emblée accepté l'aide médicale à mourir.
D'autres maisons l'ont fait progressivement et même, cette année, la Maison
Michel-Sarrazin à Québec, qui est un peu un chef de file. Certains nous disent
que des médecins sont mal à l'aise, ça peut être vrai. Certains nous disent que
c'est les administrateurs, ça peut être vrai. On sait, par en dessous, que
c'est beaucoup en question du financement, qui vient parfois, sinon souvent, de
communautés religieuses.
Je vais vous donner un seul exemple,
l'unité de Marie-Clarac, qui est une magnifique unité de soins palliatifs, tenu
par des religieuses, qui, au départ, étaient favorables, mais qui ont eu un
ordre d'en haut — choisissez, en haut, qui vous voulez, là — de
ne pas offrir l'aide médicale à mourir. Et donc, ça, je trouve ça inadmissible,
ne serait-ce que pour un point de vue d'équité du public. Toutes ces maisons-là
reçoivent... et j'ai fait mes petites recherches, ce que ça vaut, comme ils
disent, sur l'Internet, et à peu près... toutes les maisons ont à peu près
70 % de financement public. Mais, dans mon esprit à moi, 70 % de
financement public, ça en fait un établissement public, exactement comme...
M. L'Espérance (Georges) : ...écrit
dans la loi.
Et l'autre élément, puis, je dirais, le
plus important, et je vais vous dire, je me suis fait dire la même chose par
des médecins et du personnel soignant à Marie-Clarac pas plus tard que la
semaine dernière, c'est, je vais choisir un bon terme, inhumain de sortir des
patients en plein cœur de janvier pour avoir... obtenir l'aide médicale à
mourir, les amener dans une petite chambre d'hôpital, à 24 h d'avis, en
jaquette, alors qu'ils étaient dans une chambre spacieuse, confortable, avec du
personnel qu'ils connaissaient, avec lequel ils étaient habitués. Et je l'ai
fait à quelques reprises. Je ne suis pas seul, d'autres l'ont fait. Et c'est
inadmissible du point de vue du patient. Alors, non. Puis c'est un soin.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. L'Espérance (Georges) : Pardon?
Mme Guillemette : Merci
beaucoup, docteur L'Espérance.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de D'Arcy-McGee. C'est à
vous, la parole.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, le docteur L'Espérance. Votre présentation a été
aussi éclairante et importante que lorsque vous étiez devant notre commission
spéciale. Alors, je vous remercie beaucoup.
J'avais des questions sur le soin
palliatif, mais compte tenu de vos réponses, je vais tout simplement noter
l'importance et la pertinence de vos réponses. Ils vont nous aider dans nos réflexions
en étude détaillée, j'en suis sûr.
Lors de vos interventions sur l'article 13
de la loi qui touche à 26 et 29, vous avez parlé d'une question qui me
préoccupe aussi, la possibilité d'écarter des tiers aux causes d'un intérêt
financier conflictuel en quelque part. Vous allez comprendre, j'imagine, que
d'aborder la question, c'est pour assurer d'une autre façon, mais très
nécessaire, un dérapage possible, un membre d'une famille non bienveillant,
etc. Il y a des risques, je crois qu'on va en convenir.
Par contre, je partage votre
préoccupation, surtout quand on veut parler de l'équité de l'offre, si je peux
me permettre le mot, à l'accès à l'aide médicale à mourir. Et il y a des gens
en situation très difficile, où même d'identifier un tiers va être pas facile.
Alors, l'idée d'écarter des tiers, sauf pour des raisons très, très
nécessaires, serait problématique. Je vous suis là-dessus.
À part... vous avez suggéré un petit
libellé, le mot «significatif», est-ce que vous avez d'autres suggestions pour
assurer qu'on fait le pont entre l'idée d'écarter la possibilité d'un dérapage
pour une raison... mais de protéger l'accès à un tiers pour tout le monde en
région, mal fortuné, qui vit seul, et tout ça? Est-ce que vous avez d'autres
choses à nous proposer à ce sujet-là?
• (15 h 50) •
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
écoutez, on peut tourner ça dans tous les sens, mais si on prend, par
exemple... Et merci beaucoup de votre question. D'ailleurs, ça me fait plaisir
de vous revoir, ainsi que vos collègues Marissal et madame Hivon. On peut
tourner ça dans tous les sens, mais si on prend un soignant, bien, on pourrait
dire aussi qu'il y a un intérêt. Mais, par exemple, en CHSLD, je ne vois pas du
tout quel conflit d'intérêts pourrait avoir une aide-soignante ou un
aide-soignant qui s'occupe de la personne depuis des mois, et de temps en
temps, on les voit signer comme témoin. Maintenant, c'est permis.
La question de la personne avec un
intérêt, c'est sûr, je comprends très, très bien les difficultés. Mais
honnêtement, là, tous les gens qu'on voit, là, il n'y en a pas beaucoup qui ont
des millions en banque pour, disons, susciter une demande d'aide médicale à
mourir. Sincèrement, c'est mon expérience à moi, mais je suis pas mal certain
que c'est la même chose pour plein d'autres. Le patrimoine de ces gens-là est
la plupart du temps très restreint. C'est pour ça que j'ai mis «significatif».
Écoutez, depuis 2014... 2015, plutôt,
2016, on a fonctionné avec le terme de «mort naturelle raisonnablement
prévisible» sans que personne sache ce que voulait dire «raisonnablement» puis
on s'est accommodés de cela. C'est pour ça que j'ai pris le terme
«significatif».
Mais je n'ai pas d'autres idées qui me
viennent en tête pour ça. Est-ce qu'on pourrait dire «une personne
significative d'intérêt»? Honnêtement, je dirais que ça appartient peut-être
plus à des législateurs ou à des juristes de faire ça. Mais dans la majorité
des cas, on a affaire à des gens qui n'ont pas beaucoup de proches ou, quand
ils en ont, il n'y a pas d'intérêt financier. Écoutez, je vais mourir, puis je
laisse mon appartement ou mon chalet, bon...
M. Birnbaum : ...pour
revisiter brièvement la question de refus, qui est en quelque part presque un
oxymoron de dire à une personne inapte : Je vous suis, que je refuse de
façon éclairée le traitement que j'ai demandé quand j'étais apte, je vous suis
là-dessus. Est-ce que vous avez des inquiétudes en ce qui a trait à
l'applicabilité de notre projet de loi dans cette instance-là, et je parle du
comportement des médecins qui vont se trouver peut-être devant quelqu'un qui
manifeste un refus? Précision, je comprendrais que de passer à l'acte, il y
aurait un premier genre d'injection antianxiolytique qui pourrait peut-être
pallier une réaction qui est tout simplement réflexive.
Alors, est-ce que vous avez des
inquiétudes sur le plan implantation et sur la capacité de chaque médecin
obligé de passer à l'acte de poursuivre l'affaire si ce refus se manifeste, en
quelque part?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
s'il y a un refus très fort, effectivement, il y a la question d'une sédation
par la bouche. Je suis, je suis, dans le sens de «suivre», tout à fait d'accord
avec ce qu'avait dit Monsieur Marissal tout à l'heure, que les contentions,
non, ça, ça serait un peu trop, là, mais une sédation par la bouche, comme ça
se fait d'ailleurs tous les jours dans tous les CHSLD, dans les unités de
gériatrie, pourrait très bien être acceptable. La question de savoir :
Est-ce que des médecins seraient mal à l'aise de procéder devant une personne
qui réagit dans tous les sens? Oui, je crois que oui, mais, avec une sédation,
la problématique se pose beaucoup moins, une sédation, la problématique se pose
moins.
La question qui se pose un peu plus,
c'est... peut-être qu'elle vous a été posée, c'est : Est-ce que plusieurs
médecins seraient mal à l'aise de procéder à l'aide médicale à mourir chez un
patient qui a fait ses demandes médicales anticipées et qui arrive, à un moment
donné, où il n'est plus apte, et on n'est plus devant une personne qui peut
nous regarder dans les yeux? Mais plusieurs de mes collègues, lorsque nous
discutons sur le forum médical confidentiel, là, se disent tout à fait à l'aise
avec ça. C'est vrai qu'il y a probablement des médecins qui seraient moins à
l'aise, mais je pense qu'on est tous là pour nos patients. Et nous tous qui
faisons la promotion de ces demandes anticipées pour des raisons que tout le
monde connaît, là, bien évidemment, nous devons, excusez-moi, faire suivre les
babines avec les bottines ou le contraire, faire suivre les bottines avec les
babines, de savoir qu'il faut qu'on... si on accepte ça, qu'il faut le faire,
bien, il faut procéder en toute compassion, en toute empathie chez un patient
qui est devenu complètement inapte, qui n'est plus du tout la même personne
qu'elle était lorsqu'elle a fait sa demande.
M. Birnbaum : Merci. En ce
qui a trait à votre recommandation, que la demande anticipée soit revalidée et
rediscutée avec l'équipe ainsi qu'avec l'individu, l'individu apte qui aurait
fait la demande, est-ce que vous n'avez pas des préoccupations, une autre fois,
sur le plan implantation, que ça reste difficile, pas, j'imagine, pour la
personne devant un diagnostic, où l'horizon risque d'être restreint, et on risque
que d'avoir... selon ses vœux, passer à l'acte dans une période de même 8 à
12 mois? Mais est-ce que c'est réalisable, de votre avis, pour quelqu'un
où l'horizon peut durer jusqu'à 10 ans, même plus, entre la demande et la
nécessité de passer à l'acte?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
peut-être que je me suis mal exprimé, je m'en excuse. La question de la
révision aux six mois, c'est lorsque la personne est devenue inapte ou qu'elle
est beaucoup moins apte, mais qu'elle n'a pas encore atteint tous les degrés
qu'elle avait indiqués au départ. Par exemple, elle n'est pas encore
complètement incontinente, je vous donne un exemple, mais elle est devenue
inapte et qu'elle n'a pas de tiers... elle n'a pas un tiers significatif pour
avertir l'équipe traitante, à ce moment-là, la décision revient à l'équipe
traitante et donc à un médecin qui va évaluer le patient puis qui peut très
bien dire : Bon, bien, le patient n'est pas rendu à l'étape qu'il disait.
Et c'est là où je parle de règlement volontaire. Il peut très bien poursuivre
cette négation-là pendant longtemps. Et c'est pour ça que je dis, enfin, je
suggère que, dans une telle condition, un patient qui est devenu inapte, mais
qui n'a pas encore atteint tous les stades qu'il avait mis au départ et qui n'a
pas de tiers significatif pour faire la précision, c'est-à-dire... bien là, il
faudrait que la demande soit revisitée ou aux trois, quatre mois, six mois, là.
J'ai mis six mois parce que c'est rare que ça se détériore à toute vitesse...
M. Birnbaum : Merci. Je
comprends les précisions qui sont assez... ce n'est pas une petite nuance. Mais
ma question, donc, va se poser quand même. Est-ce que vous avez des inquiétudes
sur le plan faisabilité dans les conditions que vous venez de clarifier?
M. L'Espérance (Georges) : Que
la demande soit revisitée?
M. Birnbaum : Que ça
soit faisable de façon équitable partout au Québec, que ça soit revisité à
chaque trois, six mois dans les conditions que vous venez de clarifier.
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
en général, on s'entend que les patients rendus à ce stade-là sont vraiment...
soit sont en institution ou encore ils ne sont plus chez eux. Faisabilité?
Oui... sincèrement, bien, je ne vois pas la difficulté, mais peut-être qu'il y
a quelque chose que je ne vois pas bien, là, mais je ne vois pas trop, trop la
difficulté. De la même façon qu'actuellement tout patient qui arrive à
l'urgence, le médecin a l'obligation d'aller voir dans le DSQ si le patient n'a
pas fait ses directives médicales anticipées. C'est une obligation légale.
M. Birnbaum : Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. Nous allons
poursuivre avec le député de Rosemont.
M. Marissal : Oui,
merci, M. le Président. Dr L'Espérance, c'est un plaisir réciproque de vous
revoir et de vous entendre. C'est toujours aussi clair. Est-ce que vous iriez
aussi loin que de dire qu'une maison de soins palliatifs qui est financée, à
une hauteur x ou y de fonds publics, devrait nécessairement offrir le soin, à
défaut de quoi elle perdrait son financement public? C'est ce que vous dites?
M. L'Espérance (Georges) : C'est...
Oui, allons-y directement, oui. Avec un... pour qu'ils puissent s'installer,
là.
M. Marissal : Avec quoi?
M. L'Espérance (Georges) : Avec
un délai pour que la la maison de soins palliatifs puisse changer ses règles au
conseil d'administration et parmi les soignants.
M. Marissal : J'en
prends bonne note pour la suite de nos travaux. Je ne suis pas à la même place
que vous sur la question de l'intérêt financier de la personne tierce. Il y a
un problème très évident que je vois là-dedans, c'est qu'une personne, qu'elle
soit très, très riche ou pauvre comme Job, peut avoir dans son entourage une
seule ou deux seules personnes qui seront d'accord pour jouer ce rôle. Bien,
s'il se trouve que c'est son conjoint ou sa fille, nécessairement, il y a un
lien financier, il n'y a pas nécessairement un intérêt financier. Je suis comme
vous, je prends en note que vous suggérez quelques façons de contourner ça,
mais vous avez donné quelques suggestions tout à l'heure.
Par ailleurs, puis je reviens sur un sujet
dont on a parlé avec le groupe juste avant vous, les sociétés d'Alzheimer du
Québec, vous avez une position divergente à la leur concernant la démence
heureuse. Comment on règle ça, nous, dans un projet de loi? Parce que vous
dites: On ne le met pas dans le projet de loi, on le met dans un guide de
pratiques. Il faudrait juste qu'on s'assure qu'il n'y ait pas des contestations
judiciaires à l'infini. Parce qu'on n'y arrivera pas, à définir ça existe-tu ou
ça n'existe pas, là. Ça, c'est le secret de la Caramilk, là, on ne le trouvera
pas aujourd'hui. Alors, comment on fait ça, nous autres?
• (12 heures) •
M. L'Espérance (Georges) : Je...
Bien, honnêtement, la réponse courte, à mon avis, là, c'est de ne pas du tout
parler de démence heureuse dans le projet de loi, et ce sera au... Parce que ça
n'appartient pas au législateur de parler de démence heureuse, et ce, je dis ça
en tout respect, là, ce n'est pas du tout péjoratif, ce que je dis, là. C'est
une question, vraiment, clinique. Alors, il y en a qui... Et vous avez... je
pense, c'est vous qui avez dit ça tout à l'heure, que la démence heureuse,
c'est dans les yeux de la personne qui regarde l'autre, et ce n'est pas la
personne qui est démente qui pense ça. Et je pense qu'il faut tous aller revoir
l'extraordinaire témoignage de Judes Poirier lors de votre commission.
Et moi, c'est sûr que, comme
neurochirurgien, je suis un peu biaisé, je suis très organiciste, là, mais la
démence heureuse, pour moi, là, c'est une vue de l'esprit. Ce qu'on veut dire,
c'est que c'est un patient qui est calme, qui est souriant puis qui... bon,
bien, c'est ça. Mais ce n'est plus la même personne que cette personne a été
pendant 50, 60, 70 ans. C'est ça qui est le plus important. Et je m'appuie
beaucoup sur Jocelyn Downie, qui est une grande avocate, là, et qui a dit:
Écoutez, faites simplement écrire démence heureuse dans les critères, puis ça
va régler le problème de... le problème philosophique. Bien, peut-être pas
philosophique, mais, en tout cas, le problème légal.
M. Marissal : C'est tout
pour moi. Merci, Dr L'Espérance.
M. L'Espérance (Georges) : Merci,
M. Marissal.
Le Président (M. Provençal)
:Nous complétons cet échange avec la
députée de Joliette.
Mme Hivon : Bonjour, Dr
l'Espérance. Merci beaucoup pour votre présentation. On va continuer là-dessus.
Écoutez, vous n'avez pas assisté à toutes nos délibérations, qui ont duré des
dizaines et dizaines...
12 h (version non révisée)
Mme Hivon : ...des centaines d'heures,
en fait, sur ce sujet-là notamment.
Je vous amène un petit pas plus loin.
Vous, en fait, votre logique, vous aviez été clair aux auditions, vous estimez
que la souffrance anticipée, elle est suffisante et qu'il n'est pas nécessaire
d'avoir une souffrance contemporaine au moment de l'administration de l'aide
médicale à mourir au moment deux. Vous me corrigerez si j'erre dans l'interprétation.
L'enjeu avec ça, si on suit cette philosophie-là, c'est que les critères sont
moins exigeants pour une demande anticipée que pour une demande contemporaine.
On ne serait plus obligés d'avoir une présence de souffrance au moment de l'administration,
alors qu'on l'exige pour une personne qui a un cancer, pour une personne qui a
une SLA. Comment peut-on réconcilier ça philosophiquement, alors qu'on devrait
être encore plus vigilant pour une personne qui n'est plus apte à nous
témoigner comment elle se sent?
Je pense que c'est vraiment un élément
avec lequel on a eu extrêmement de mal, et c'est ce qui fait en sorte que la
souffrance contemporaine est toujours un critère dans la loi. Moi, je vous
soumettrai que je pense que c'est une bonne orientation parce que je ne vois
pas comment on ne pourrait pas avoir les mêmes critères pour la demande
anticipée.
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
vous avez raison, mais, à mon avis, tout le... si je peux me permettre, la
réponse... Et d'abord, bonjour, madame Hivon. La réponse, c'est dans l'aptitude.
On demande que le patient exprime une souffrance physique, psychologique ou
existentielle lorsqu'il est apte dans le cadre actuel de l'aide médicale à
mourir. Mais, bien évidemment, lorsque le patient n'est plus apte, il ne pourra
pas exprimer sa souffrance existentielle. Il pourra exprimer une souffrance
physique, que ce soit par des plaies de lit, que ce soit par tout ce que vous
voudrez, ça a déjà été discuté. Mais la problématique se rencontre, et c'est
relativement étroit chez les patients qui n'ont pas de souffrance physique
évidente ou objectivable. Mais on ne peut certainement pas évaluer leur
souffrance existentielle, ils sont devenus inaptes.
Et c'est pour ça que dans les demandes
médicales anticipées, le patient peut dire : Moi, je ne veux pas vivre ça,
parce que ça, c'est son existence, c'est sa dignité à lui. Et, bien évidemment,
lorsqu'il est devenu inapte, on ne peut plus évaluer ça. Là-dessus, je vous
suis complètement. Sauf qu'on va se retrouver avec un régime où n'aurait droit
à l'aide médicale à mourir chez les patients devenus... avec une maladie
neurodégénérative que ceux qui ont une souffrance physique que l'on pourrait
objectiver, alors qu'ils ne pourront pas objectiver ou ils ne pourront pas
décrire leur souffrance psychologique ou existentielle.
Bon, l'autre chose. Si un patient pleure
toute la journée dans son lit puis qu'il se balance, on va dire : Ah!
bien, lui, il a une souffrance existentielle. On va dire : Bien non, il
pleure, il est peut-être juste déprimé. On ne le sait pas. Il est devenu
inapte. Et c'est pour ça que, pour moi, c'est l'aptitude qui est le cœur de
tout ça, l'aptitude lorsque le patient était lui-même ou elle-même, là, les
deux s'englobent.
Mme Hivon : En tout cas, je
ne referai pas le débat qu'on a fait pendant des heures. Mais il y en a qui
nous disent que l'errance, l'agressivité, l'agitation incontrôlable, ce sont
des signes de souffrance qui peuvent être physiques, mais qui peuvent être de
différents ordres. Donc, il y en a qui nous disent que c'est tout à fait
possible d'évaluer, même avec une personne qui est non-verbale, les
manifestations de souffrance.
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
bien, c'est exactement ce que je vous ai dit avant. Il y a des choses qui sont
objectivables, quelques... Mais la personne qui est dans le fond de son lit ou
de son fauteuil, qui est souriante, qui a de l'incontinence, dont la vie n'a
plus de signification pour elle-même par rapport à ce qu'elle est avant, on ne
peut pas le savoir, si elle a une souffrance existentielle. Par définition,
elle est devenue inapte. Si elle n'a pas de souffrance physique, est-ce qu'on
va lui refuser l'aide médicale à mourir parce qu'elle n'a pas de souffrance
physique évidente ou, en tout cas, objectivable, alors qu'elle a une souffrance
existentielle? Mais on ne peut pas le savoir, si elle a une souffrance
existentielle, parce que ce n'est plus la même personne qu'elle était
auparavant lorsqu'elle a fait sa demande anticipée. Mais je comprends qu'au
point de vue philosophique...
Mme Hivon : Oui, mais c'est
ça, mais il faut aussi se questionner : Est-ce qu'il y a des limites? Je
veux dire, on veut faire l'avancée. Mais est-ce qu'en même temps, il n'y a pas
des choses qui, par essence même, sont des limites puis qu'on ne pourra pas
tout à fait inclure? En tout cas, je pense, c'est une question pour nous à
vraiment débattre, là. J'avais 1 000 autres questions, puis je n'ai plus de
temps, très techniques. Donc...
Le Président (M. Provençal)
:Malheureusement, Mme la députée...
Mme Hivon : ...je les poserai
à d'autres médecins. Mais merci infiniment.
M. L'Espérance (Georges) : Ça
me fera plaisir de répondre. Mais une barrière finale, le déficit intellectuel
sans aptitude. Ça, c'est...
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Dr L'Espérance, pour
votre contribution à nos travaux. La commission suspend ses travaux jusqu'à 16
h 25. Merci beaucoup.
M. L'Espérance (Georges) : Merci
à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 07)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 h 28)
Le Président (M. Provençal)
:...à la Commission de la santé et des
services sociaux.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi no 38, Loi modifiant la loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Cet après-midi, nous entendrons par
visioconférence les personnes et groupes suivant : l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec et Me Nicole Filion, conjointement avec le professeur
Jocelyn Maclure.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de l'Ordre des infirmiers et des infirmières du Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi,
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Je vous cède
maintenant la parole.
M. Mathieu
(Luc) :Merci. Merci, M. le Président. M.
le ministre, Mesdames et Messieurs les parlementaires, je suis Luc Mathieu,
président de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Je suis
accompagné de deux collègues de l'ordre : Mme Caroline Roy,
directrice déléguée, Relations avec les partenaires externes, et de Mme Pénélope
Fortin, avocate.
Alors, nous vous remercions de votre
invitation à émettre nos commentaires sur le projet de loi n° 38,
concernant la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives. Nous accueillons très favorablement la volonté du
gouvernement du Québec d'élargir l'accessibilité à l'aide médicale à mourir
pour la population du Québec en permettant notamment aux personnes atteintes de
maladies graves et incurables, menant à l'inaptitude à consentir aux soins, de
formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir.
L'ordre ne peut que saluer également la
reconnaissance des infirmières praticiennes spécialisées et les infirmiers
praticiens spécialisés, que je nommerai les IPS, à titre de professionnels
compétents pour tout le processus d'aide médicale à mourir et pour la sédation
palliative continue. Soulignons aussi la possibilité pour les infirmières, les
infirmiers du Québec de constater le décès d'une personne.
Le droit de mourir dans la dignité est un
enjeu de société de première importance. Nous sommes à même de constater que
les échanges soutenus entre le ministère de la Santé et des Services sociaux, l'Office
des professions du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et
avec nos collègues du Collège des médecins du Québec, auront contribué à
permettre aux IPS de participer activement à ces soins sensibles et délicats
dans une perspective d'accessibilité et d'interdisciplinarité. ...énonce des
recommandations visant à bonifier le projet de loi déposé, lesquelles
rejoignent l'objectif de maximiser l'accès aux soins de fin de vie tout en s'assurant
de la qualité des actes posés par les professionnels, pour le plus grand
bénéfice de la population québécoise. Plus particulièrement, nos
recommandations portent sur le moment de l'entrée en vigueur des dispositions
entourant le constat de décès, sur l'exclusion des IPS exerçant leur profession
au privé ainsi que sur la disparité des mécanismes mis en place pour procéder à
l'évaluation de la qualité de l'acte.
• (16 h 30) •
Nos recommandations sont formulées dans
une perspective de maximiser l'accessibilité aux soins de fin de vie et dans un
souci d'assurer un arrimage cohérent relativement aux mécanismes entourant l'évaluation
de la qualité de l'acte. Nous saluons les modifications apportées notamment au
Code civil du Québec et à la Loi sur la santé publique, visant à permettre aux
82 000 infirmières et infirmiers du Québec de constater le décès d'une personne
et de dresser le constat de décès. Depuis plus d'une décennie, l'ordre et le
Collège des médecins militent pour ce changement. Cette avancée avait été
rendue possible par arrêté ministériel, pendant l'urgence sanitaire, mais n'avait
pas été pérennisée. Ceci a eu pour effet de provoquer plusieurs défis
organisationnels ainsi que des délais significatifs pour les familles
endeuillées. Il est donc primordial que ces mesures entrent en vigueur le plus
tôt possible.
Notre première recommandation est donc que
l'ensemble des dispositions relatives au constat de décès entre en vigueur
immédiatement. Rappelons qu'avec l'entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi
sur les infirmières et les infirmiers et d'autres dispositions, afin de favoriser
l'accès aux services de santé, en janvier 2021, les IPS sont désormais
autorisés à diagnostiquer des maladies et à déterminer des traitements
médicaux. Ces activités, en plus des autres activités qui leur sont réservées,
leur permettent ainsi...
16 h 30 (version non révisée)
M. Mathieu (Luc) :...exercer, selon leur classe de spécialité, les activités
professionnelles nécessaires à l'évaluation de l'admissibilité à l'aide
médicale à mourir, à sa prescription et à son administration ainsi qu'à l'administration
de la sédation palliative continue.
Le projet de loi vient restreindre l'administration
de la sédation palliative continue et de l'aide médicale à mourir uniquement
aux IPS qui exercent leur profession dans un centre exploité par un
établissement public. Pour l'ordre, cette limitation n'est pas souhaitable pour
plusieurs raisons. Premièrement, cette limitation perpétue l'écart avec les
autres provinces canadiennes. À l'heure actuelle, la majorité des provinces
canadiennes autorisent les IPS à administrer l'aide médicale à mourir, et ce,
sans égard à leur lieu d'exercice. Du point de vue de la protection du public,
mission première des ordres professionnels, nous sommes soucieux de nous
assurer de la conformité du processus ainsi que de la qualité de l'acte posé,
et ce, sans égard ni au professionnel qui pose cet acte ni au lieu où il est
posé. Il importe de préciser que le risque de préjudice est associé à l'acte
posé, et non au lieu où il est dispensé.
Selon le deuxième rapport annuel sur l'aide
médicale à mourir au Canada, de 2020, les principaux milieux de prestations de
l'aide médicale à mourir étaient les résidences privées, pour 47,6 %, et
les hôpitaux, pour 28 %. Les établissements de soins palliatifs
représentent 17,2 %. Toujours selon ce rapport, la prévalence des soins de
fin de vie ira en augmentant, notamment dans les maisons de soins palliatifs,
ainsi que dans les centres d'hébergement de soins de longue durée. Il importe
de préciser que ces milieux ne sont pas toujours des centres exploités par un
établissement public. Malgré certaines ententes établies avec le réseau public,
ces centres sont à même de pouvoir embaucher leurs propres professionnels.
Notre deuxième recommandation est donc que tous les IPS soient reconnus à titre
de professionnels compétents pour prodiguer la sédation palliative continue,
ainsi que l'aide médicale à mourir, pour assister une demande anticipée, sans
égard à leur lieu d'exercice.
Nous souhaitons maintenant aborder la
question de l'évaluation de la qualité des soins fournis. La compétence
professionnelle est l'une des valeurs fondamentales du code de déontologie des
infirmières et infirmiers. Elle constitue l'un des éléments essentiels à la
qualité des soins et des services. Dans un contexte aussi délicat et éthique
que le processus d'aide médicale à mourir, l'évaluation de la qualité des soins
prodigués prend une ampleur particulière, et nécessite que nous y accordions la
plus grande importance. Pour l'ordre, il ne fait aucun doute que, grâce à leurs
connaissances et compétences cliniques avancées, les IPS sont des
professionnels tout indiqués pour accompagner les patients, ainsi que leur
famille, en leur permettant de mourir dans la dignité.
Toutefois, à titre d'ordre professionnel,
nous sommes soucieux de nous assurer que les mécanismes visant à assurer l'évaluation
de la qualité des soins soient déployés indistinctement du professionnel qui l'effectue,
de manière harmonisée, et dans une perspective de collaboration
interprofessionnelle. Dans cet esprit, l'OIIQ tient à manifester des
préoccupations à l'égard du projet de loi, qui prévoit des mécanismes d'évaluation
différents en fonction du professionnel visé et du lieu de prestation de
services. À l'heure actuelle, ce sont les conseils des médecins, dentistes et
pharmaciens des établissements qui procèdent à l'évaluation de la qualité de l'acte
pour les médecins qui administrent l'aide médicale à mourir ou la sédation
palliative continue dans le secteur public. Ils évaluent notamment le respect
des normes cliniques, et peuvent émettre un signalement au Collège des
médecins, le cas échéant.
Pour ce qui est de l'aide médicale à
mourir ou de la sédation palliative continue administrée à un médecin dans le
secteur privé, le Collège des médecins est l'organisme qui évalue la qualité de
cet acte, via le Comité sur les soins de fin de vie. Celui-ci évalue également
le respect des normes cliniques, puis pourrait permettre un signalement, le cas
échéant. Il faut également souligner que la Commission sur les soins de fin de
vie peut aussi faire un signalement au Collège des médecins si elle a un doute
sur la qualité de l'acte d'un médecin qui administre un de ces soins.
Le projet de loi prévoit que, dans le cas
des IPS, l'évaluation de la qualité de l'acte sera effectuée par le directeur
des soins infirmiers de l'établissement. Il y aura alors présence de trois
mécanismes distincts pour procéder à l'évaluation d'un même acte, en fonction
des mêmes critères. Alors, considérant les mandats premiers des conseils des
infirmières et des infirmiers et des conseils des médecins, dentistes et
pharmaciens, nous recommandons que soient institués des comités conjoints,
regroupant ces instances, pour procéder à l'évaluation de la qualité de soins
fournis pour la sédation palliative continue...
M. Mathieu (Luc) :...et l'aide médicale à mourir. Nous sommes d'avis qu'un
tel mécanisme harmonisé permettrait de démontrer la transparence du processus
et de favoriser la confiance du public à l'égard de la législation sur l'aide
médicale à mourir et de son application.
Notre troisième recommandation est donc la
suivante : Que les instances concernées explorent la possibilité que les
mécanismes visant à l'évaluation de la qualité des soins fournis relativement à
la sédation palliative continue et à l'aide médicale à mourir soient harmonisés
pour l'ensemble des professionnels compétents, et ce, sans égard au fait qu'ils
exercent dans un établissement public ou dans un établissement privé. Alors,
nous vous remercions. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
présentation. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre pour les
quinze minutes quinze secondes qui suivent. À vous la parole.
M. Dubé : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, Monsieur Mathieu, Madame Marois, Madame Fortin, encore une
fois, je sais qu'on voit souvent dans les commissions parlementaires depuis
quelques mois. À chaque fois vous prenez le temps nécessaire de vous préparer
puis je veux vous remercier parce qu'on vous a vu quand même assez souvent dans
les derniers mois et c'est très apprécié, je pense, de tous les membres, ici,
de la commission.
Vous avez été très clairs dans les trois
recommandations puis c'est un petit peu ce qu'on a demandé ce matin, de dire...
pour que notre personnel, nos légistes et personnels du ministère puissent,
après ces deux jours de consultations, arriver avec des recommandations très
claires de ce que vous suggérez qu'on devrait modifier ou ajuster notre projet
de loi. Moi, je... avant de passer la parole à ma collègue, ici, la députée de
Roberval, il y en a une qui me chicote un petit peu de ce matin, puis je dois
dire que je ne connais pas toute la dynamique. Je veux juste bien comprendre.
Prenons l'exemple extrême d'une personne
qui est dans une RPA, puis on en a beaucoup de gens qui sont dans des
résidences pour personnes âgées, qui sont vues comme des résidences privées,
hein, ce sont des résidences privées. Quand... Donc, je vais vous parler des
RPA. Deuxièmement, vous dites qu'il y a à peu près 80 IPS qui sont... qui
ne sont pas dans le public. Alors, je veux juste voir si, par exemple, je
faisais un amalgame puis je disais : Est ce qu'en ce moment une IPS qui a
le droit de pratiquer l'aide médicale à mourir ne pourrait pas pratiquer l'aide
médicale à mourir dans une RPA? Première question, parce que si c'est ça, je
voudrais qu'on se questionne par rapport à ce fait là, parce que si on a une
vision de mieux traiter nos gens dans leur environnement, il y a quand même
plus de, je ne sais pas, presque 1 million de personnes qui sont dans des
RPA puis qu'un jour, si jamais c'était leur choix d'aller vers l'aide médicale
à mourir, qui aimeraient être traitées dans leur lieu de résidence. Hein, on le
voit déjà à Verdun, il y a cette philosophie-là qui est en train d'être
développée. Alors je veux juste bien comprendre parce que 80 IPS ça ne
semble pas beaucoup, mais ce matin on entendait du collège des médecins qu'à
peu près seulement 200 médecins sur 25 000 qui font de l'aide
médicale à mourir. Alors moi je veux juste bien comprendre puis aidez-moi parce
que vous connaissez bien vos infirmières, est-ce que ces 80 infirmières
qui travaillent dans un contexte privé et... puis là, j'essaye de faire le lien
avec les RPA. Est-ce que je suis clair dans ma question, Monsieur Mathieu, ou
peux être vos deux collègues? Parce que j'aimerais qu'on réfléchisse à ça dans
les prochains jours pour bien comprendre où on veut aller avec ça, là. Et...
• (16 h 40) •
M. Mathieu (Luc) :Je vais demander à ma collègue de vous répondre, à votre
question.
M. Dubé : Oui.
Mme Roy (Caroline) : Oui,
bien, en fait, effectivement, M. le ministre, les IPS qui ont été déclarées,
qui n'exerçaient pas au sein du réseau, et ces IPS-là pourraient effectivement
être à l'embauche d'une résidence privée pour aînés ou d'un autre secteur, là,
oui, qui ne sont pas... et ils ne relèvent pas d'un établissement public. Donc,
ce qui fait que la façon dont la définition d'un professionnel compétent a été définie
au projet de loi, c'est que ça vient restreindre le fait que l'IPS doit être
rattachée à un établissement public. Donc, celle qui serait, par exemple,
embauchée par une résidence privée pour aînés ne pourrait pas, à ce moment-là,
dispenser, va devoir transférer le patient, là, dans un établissement public,
là, pour qu'une IPS puisse procéder à ce moment-là.
M. Dubé : Puis, même si la
RPA, en quelque sorte, a une certaine... un certain attachement avec un
établissement de santé ou un CISSS ou un CIUSSS, où c'est réputé comme un
établissement privé, donc le lien que je faisais en ce moment ne permettrait
pas à cette IPS de faire... Et il y en a combien, selon vous, d'IPS, aujourd
hui, qui sont dans ce contexte...
M. Dubé : ...là, qui seraient
en mesure ou qui font déjà de l'aide médicale à mourir.
Mme Roy (Caroline) : À
l'heure actuelle, nous, on n'a pas d'infirmières praticiennes spécialisées, là,
qui possèdent... On n'a pas ce détail-là. On pourrait effectivement peut-être
vous transmettre ces données ultérieurement, là, mais à ce stade-ci, on n'a pas
spécifiquement où est-ce qu'elles exercent. On sait juste qu'ils n'ont pas de
lien d'attache, là avec un établissement public du réseau, là, parmi les 80.
Donc, dans le potentiel des 80, il y en a qui déclarent différents lieux
d'exercice, là. Il faudrait extraire manuellement. Donc, on pourrait vous
donner l'information. Mais à ce stade-ci, nous, ce qu'on a, c'est un bassin
d'infirmières praticiennes spécialisées qui ne relèvent pas du réseau public,
là, qui sont à l'embauche d'un autre...
M. Dubé : Je ne me
souviens pas du nom de la présidente, là, qui est venue, elle aussi, en
différentes commissions. Si vous étiez capable assez rapidement d'obtenir ça,
parce que ça peut sembler pas beaucoup, 80, mais quand je comprenais qu'il y a
200 médecins qui en font, bien, 80, c'est quand même un gros... un gros
nombre. Alors, c'est un peu ma question. Puis moi, je... je discuterai avec les
collègues de l'opposition dans les prochains jours. L'importance de bien servir
nos Québécois dans leur lieu de résidence. Parce que je donne l'exemple, puis
je vous donne cet exemple-là, le CIUSSS de... j'allais dire de Verdun, mais du
Centre-Sud, a fait des soins à domicile qu'on appelle des soins intensifs à
domicile, d'aide médicale à mourir sur... dans la résidence des gens. Et c'est
un principe qui a été énormément accepté. Peut-être même ma collègue pourra en
parler.
Donc, je veux juste qu'on ait cette
vision-là de dire pourquoi... Le pour et le contre de le faire dans un
environnement privé, première question. Puis deuxième question, quelle devrait
être la, comment je dirais, la couverture ou l'assurance que c'est bien fait?
Parce que c'est ça qui semble être, M. Mathieu, votre préoccupation. Alors,
est-ce que ça doit être fait par l'Ordre des infirmières? Est-ce que ça doit
être fait... En tout cas, c'est un débat, mais je voulais vous entendre. Donc,
vous le recommandez, que ça se fasse au privé. C'est ça que j'ai bien compris
de votre recommandation. Puis une RPA pourrait se qualifier, selon vous. C'est
une demande que vous pourriez faire? Est-ce que... Je ne veux pas vous mettre
dans la bouche, là, mais je veux juste bien comprendre votre question ou votre
recommandation. Est-ce que ça va?
M. Mathieu
(Luc) :Oui, tout à fait. Il y a des RPA
puis il y a aussi... Dans certains cas, ça pourrait être des maisons de soins
palliatifs aussi, qui sont autonomes ou qui n'ont pas de lien, là, qui peuvent
engager leur propre personnel. Ça pourrait être un autre cas de figure.
M. Dubé : O.K. Et
Mme Roy ou Mme Fortin, vous avez une question?
Mme Roy (Caroline) : Peut-être
juste en complément de ce que M. Mathieu a dit, nous, en fait, ce qu'on
souhaiterait, c'est qu'il n'y ait pas de restriction à l'égard de l'IPS, donc
que l'IPS... que tout IPS soit reconnu comme un professionnel compétent sans
égard au lieu où est dispensé le...
M. Dubé : O.K. Là, je
pense, ça met ça très clair. O.K. C'est beau. Je vais laisser, M. le Président,
notre députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci,
M. le ministre. Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui pour
faire un complément d'information pour la suite des choses. Pour nous, ce sera
très important. Je vous attendais sur les RPA et les maisons de soins
palliatifs. Vous pensez quoi de... du fait qu'on va... qu'on... en tout cas,
qu'on regarde pour obliger les maisons de soins palliatifs à administrer l'aide
médicale à mourir? Est-ce que vous avez une opinion là-dessus ou...
M. Mathieu
(Luc) :Bien, je pense que les soins, que
ce soit l'aide médicale à mourir ou la sédation palliative continue qui est
offerte dans le réseau de la santé, bien, ça devrait... Ça devrait couvrir
aussi les maisons de soins palliatifs parce que sinon on discrimine en fonction
de certains lieux et puis au niveau de la fluidité des services, là. Ça fait
qu'on est assez d'accord avec cette... cette obligation-là, là.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Très instructif. À titre de professionnel qui pourra éventuellement, là,
administrer les demandes anticipées, pensez-vous que le projet de loi, il
fournit assez d'indications aux fins de l'administration de l'aide médicale à
mourir, notamment à l'égard de la souffrance objectivable?
M. Mathieu
(Luc) :Bien, peut-être Caroline, ma
collègue Caroline Roy peut vous répondre là-dessus.
Mme Roy (Caroline) : C'est
certain que le caractère objectif quand on travaille avec l'humain, il y a
toujours un flou qu'on doit considérer. Puis à titre de professionnels de la
santé, les infirmières, infirmiers et les IPS sont habitués aussi de conjuguer
des réalités où est-ce qu'on doit mettre en profit... mettre à profit les
outils cliniques pour objectiver le plus possible, mais aussi le jugement
clinique pour reconnaître chez les patients qui... qui ont soit des déficits
cognitifs ou quoi que ce soit, pour reconnaître les signes de souffrance et
tout ça. Donc, nos professionnels sont formés pour ça. C'est certain que...
Est-ce qu'on va arriver avec des critères absolument objectivables? Je ne crois
pas que c'est possible, mais je pense que les balises sont là. Et surtout en
misant sur la collaboration interprofessionnelle, je pense que ça ne repose pas
uniquement sur les épaules d'un seul professionnel et qu'on vienne mettre à
profit, là, les autres professionnels de la santé, mais y compris d'autres
professionnels compétents, là, pour regarder...
Mme Roy (Caroline) : ...les
demandes médicales anticipées seraient un ajout pertinent.
Mme Guillemette : Merci.
Vous parliez, tout à l'heure... Bien, M. le ministre parlait, tout à l'heure,
de l'harmonisation des soins IPS versus l'équipe de soins, puis j'ai entendu,
vous parliez d'un comité conjoint. Est-ce que c'est à ce comité-là où on
pourrait s'asseoir ensemble puis uniformiser les pratiques et les façons de
faire, les processus sur le terrain?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
en fait, oui, effectivement, si on fait du pouce sur l'idée, là, de la
commission Mourir dans la dignité, là, qui a été présentée, plus tôt ce matin,
effectivement, ça pourrait être un comité tout à fait pertinent, là, qui
comprend à la fois des médecins, des infirmières, mais aussi tout autre acteur
expert, là, qui pourrait aider à rendre les critères les plus objectifs
possibles. Ça pourrait être une piste intéressante, là, pour, entre autres,
c'est ça, accompagner les professionnels, mais aussi les familles, là, dans ce
processus qui peut ne pas être... comme on l'a dit, qui est sensible et
délicat. Donc, ça pourrait être une belle avenue de travailler avec les
conseils des infirmières et les CMDP.
Mme Guillemette : Et
rapidement, si ça vous vient, là, tout autre professionnel pertinent, ça
pourrait être qui? À part les IPS, les médecins, travailleuses sociales, vous
verriez qui sur ce comité conjoint là?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
en fait, ça pourrait être aussi... Là, c'est sûr qu'il y a des IPS, mais les
infirmières aussi sont partie prenante de la démarche des soins palliatifs, les
travailleurs sociaux, certainement, mais là...
M. Mathieu
(Luc) :Les pharmaciens.
Mme Roy (Caroline) : C'est
ça, je ne veux pas en oublier. Mon président me souffle aussi «les
pharmaciens». Donc, c'est certain que ça serait l'équipe multi qui a affaire
avec les besoins du patient, qui devrait être présent pour discuter de tous les
tenants et aboutissants, une équipe de soins au complet qui pourrait être mise
à profit.
Mme Guillemette : Mais
en fait chaque territoire, de ce qu'on m'a dit, de RLS a une équipe de soins
palliatifs. Donc, ça pourrait être cette équipe-là qui soit mise à profit, là,
au niveau d'un comité conjoint, si ce n'est que peut-être ajouter un ou deux
titres de professionnels. Mais est-ce que ça pourrait être ce comité qui est
déjà en place, là, pour ne pas multiplier les structures?
Mme Roy (Caroline) : Tout
à fait. En fait, oui, ça pourrait être les professionnels qui sont déjà en
place, qui connaissent bien cette réalité de soins palliatifs et qui pourraient
tout à fait être mis à contribution avec les experts cliniques.
Mme Guillemette : Avant
de passer la parole à mes collègues, dans votre mémoire déposé en commission
spéciale, vous mentionnez que les proches aidants, ils font souvent le fardeau
des décisions difficiles. Qu'est-ce que vous pensez de la proposition du tiers
de confiance? Et j'aimerais vous entendre un peu sur le tiers de confiance.
M. Mathieu
(Luc) :Caroline.
Mme Roy (Caroline) : Oui.
Bien, en fait, c'est certain que ce n'est pas un choix facile non plus pour les
familles d'accompagner. Donc, je pense que les tiers de confiance font partie
quand même de la solution qui doive être mise à profit. Est-ce que... Donc, je
pense qu'ils doivent être partie prenante de la décision, on doit les
accompagner au même titre que la personne qui décide de procéder par le biais
de l'aide médicale à mourir. Donc, qu'il y ait un tiers de confiance, qu'il y
en ait deux, je pense que c'est des avenues intéressantes qui doivent
effectivement figurer à la loi.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Je crois que j'ai ma collègue de Soulanges... ma collègue de
Marie-Victorin, M. le Président, qui aurait...
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Mme la députée de Marie-Victorin,
à vous la parole.
Mme Dorismond : M. le
Président, merci. M. le ministre, bonjour, monsieur et madame de l'OIIQ. Ma
question, ce serait : Est-ce que vous pensez vraiment que le projet de
loi, dans sa forme actuelle, est applicable sur le terrain?
• (16 h 50) •
M. Mathieu
(Luc) :Bien, on pense que oui. Avec les
commentaires que, nous, on fait, puis d'autres collègues, là, que vous avez
entendus, au cours de la journée puis d'ici la fin de la journée, oui, ça va
pouvoir être applicable. Il faut se donner les moyens, l'accompagnement pour la
mise en place de cette loi-là.
Mme Dorismond : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Maintenant, qui a la... Nancy -
excusez - Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Vous
êtes chanceux, je réponds aux deux noms.
Le Président (M. Provençal)
:...
Mme Guillemette : En
fait, vous parliez, tout à l'heure, de formation, dans une autre question, vous
avez abordé cet aspect-là. Est-ce que toutes les infirmières praticiennes
spécialisées sont formées en aide médicale à mourir pour administrer puis tout
le processus, on imagine avant, pendant et après, là, ou est-ce que c'est une
formation spécifique qu'il y a au niveau des IPS?
M. Mathieu
(Luc) :Bien, je peux commencer, puis tu
pourras compléter, Caroline. C'est que les IPS... Je vais commencer par dire
lesquelles, il y a plusieurs spécialités d'IPS, là, en première ligne...
M. Mathieu (Luc) :...soins aux adultes. Actuellement, là, avec ce qui est
prévu, ce sont ces IPS là, dans ces spécialités-là, qui pourraient le faire.
Celles en santé mentale, par exemple, soins en pédiatrie, bien, ça ne pourrait
pas être possible, là, compte tenu de la teneur, là, de ce qu'on retrouve dans
le projet de loi. Alors, ça, c'est pour les spécialités des IPS. Ensuite,
concernant la formation, bien, la formation des infirmières praticiennes
spécialisées est assez costaude, au Québec, par rapport aux autres provinces
canadiennes, c'est une des plus larges, mais je pense qu'il est recommandé
qu'il y ait une formation, là, d'appoint dans les programmes de formation.
Bien, je pense que c'est le Comité de la formation des IPS, là, qui a suggéré
ça. Je ne sais pas si c'est ça. Caroline, là, peut compléter, vous me
corrigerez, là, le cas échéant.
Mme Roy (Caroline) : Bien,
effectivement, il y a quelques mois déjà, on a saisi notre comité de la
formation des infirmières praticiennes pour qu'ils puissent se positionner sur
la question de la formation des infirmières praticiennes spécialisées. On a
reçu un avis favorable, là, qu'effectivement il y avait des notions qui étaient
abordées dans les contenus de formation initiale. Il recommandait, par exemple,
qu'on ait aussi un ajustement, parce que ça fait quand même quelques années que
les IPS dispensent des soins palliatifs, l'aide médicale à mourir, et en raison
des contours juridiques, éthiques, et tout ça, il y avait une suggestion, là,
d'introduire un certain nombre d'heures, à la fois, à la formation initiale, et
de rendre disponible la formation continue, ce qu'on s'engage à faire, là, à
l'Ordre des infirmières, de faire le nécessaire pour que nos membres aient les
connaissances et les compétences requises pour pouvoir exercer. Donc, on est en
lien aussi avec le Bureau de coopération interuniversitaire, là, pour s'assurer
de l'arrimage avec les programmes de formation.
Mme Maccarone : Parfait,
merci.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre.
M. Dubé : Bien, peut-être
juste... Puis si jamais vous n'avez pas le temps de répondre... rapidement ma
question, M. Mathieu, puis vos collègues. Sur le... Je reviens sur les
résidences privées, parce que ça me préoccupe beaucoup, cette affaire-là, et je
voudrais savoir si vous avez des recommandations spécifiques sur ce qui devrait
être l'encadrement nécessaire pour que ça puisse arriver dans les résidences
privées, comme, par exemple, les RPA. Et si vous n'avez pas le temps de
répondre aujourd'hui... Parce que, je vous dis, quand je fais... Je compare, à
l'exemple de Verdun, ce qui se fait actuellement. Ça se fait dans des
résidences privées, de l'aide médicale à mourir, mais ça se fait une
combinaison d'une infirmière avec un médecin. C'est habituellement l'infirmière
du CLSC qui travaille conjointement avec un médecin. C'est un peu la formule de
Verdun a prise. Alors, si vous pensez que l'ordre, que l'OIIQ peut faire office
de surveillant, je vais le dire comme ça, je voudrais juste que... si vous
n'avez pas le temps de répondre, parce que je dois laisser de la question aux
autres... j'aimerais comprendre ce que vous suggéreriez pour que ça se fasse
dans un environnement correct, je n'ai pas d'autre mot, là. Ça va-tu?
Le Président (M. Provençal)
:...que le temps d'échange est
terminé. Si vous avez une réponse à formuler, vous pourrez l'envoyer au
secrétariat de la commission, et on fera parvenir votre réponse à l'ensemble
des membres de la commission. Merci beaucoup. Maintenant, c'est le député de
D'Arcy-McGee qui prend la suite, pour 10 min 10 s.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. M. Mathieu, Mmes Roy et Fortin, bienvenue et merci pour vos
remarques. J'aimerais vous inviter... moi, j'aurai d'autres questions sur le
même phénomène, mais... de poursuivre votre réponse. On est dans l'esprit de
maximiser nos efforts ensemble, et pour bonifier comme il faut le projet de
loi. Alors, je vous invite d'offrir quelques précisions sur la question du
ministre. Et je risque d'avoir d'autres questions sur le même sujet, ainsi que
d'autres.
M. Mathieu (Luc) :Bien, je peux commencer un élément de réponse, qui
mériterait un peu plus de réflexion de notre part. Parce que comment sont
arrivés... Là, on tombe dans l'organisation des soins et des services, puis là
ce n'est plus nécessairement de notre ressort à nous. C'est au niveau du
réseau, alors il faudrait voir, là, dans les territoires de CISSS et de CIUSSS,
avec les médecins qui sont disponibles, les IPS, comment ça peut se faire. Là,
je ne sais pas quel type d'entente qu'il y a actuellement avec les... Parce que
tantôt, M. le ministre parlait qu'il y a certaines ententes, des fois, entre
les établissements du réseau et des RPA, mais là est-ce qu'il faudrait bonifier
ces ententes-là ou prévoir d'autres mécanismes, là? C'est ça qu'il faudrait
voir pour faire en sorte que, si c'est ça, la volonté, là, que des IPS puissent
prodiguer l'aide médicale à mourir puis la sédation palliative continue, là,
dans les résidences pour personnes âgées. Je ne sais pas si, Caroline, tu
voulais jeter quelque chose par rapport à ça?
Mme Roy (Caroline) : Bien, en
fait, c'était tout à fait l'objet de notre troisième recommandation, qui était
qu'on réfléchisse, justement, avec les instances concernées pour permettre
cette évaluation-là par les établissements, un peu comme le proposait le
Collège des médecins plus tôt ce matin, de s'assurer que les IPS qui
travailleraient, par exemple, au privé puissent également se référer aux
instances locales, là, comme les ..., par exemple, qu'on nommait tout à
l'heure, que c'est leur mission première, avec les CMDP, donc de voir comment
on pourrait favoriser ce rattachement-là, là, de l'évaluation de la qualité de
l'acte qui soit faite par les conseils des infirmières et infirmiers, en
collaboration avec les CMDP, considérant que c'est le même acte, le même...
donc qu'on ne le fasse pas indistinctement des professionnels, mais qu'on le
fasse conjointement, de manière harmonisée, et qu'il y ait le lien aussi...
Mme Roy (Caroline) : ...avec
les soins dispensés au privé. Donc, ça pourrait être une avenue, là, de miser
sur les conseils des infirmières et infirmiers, les CMDP.
M. Birnbaum : Votre
préoccupation est claire sur les modalités, les façons de faire. Si votre
implication dans l'aide médicale à mourir a été... pourrait être étendue à
votre rôle dans les établissements privés, voyez-vous des problèmes ou des
questions de l'ordre logistique, déontologique? Je peux imaginer quelques
avantages. J'imagine qu'actuellement, c'est impossible, souvent, de passer à
l'acte dans ces établissements parce qu'il n'y a pas de médecins de présents.
Mais pouvez-vous, si on jugeait intéressant de passer à l'acte sur votre
recommandation, pouvez-vous réfléchir avec nous maintenant, un tout petit peu,
sur les genres d'adaptations qu'il y aurait à faire, peut-être? Y a-t-il des
enjeux en ce qui a trait aux médecins et leur appui pour un éventuel amendement
de cette sorte-là? La question de... que les services soient équitables à
travers le Québec, est-ce qu'il y a des enjeux là dessus? Je vous invite d'en
parler davantage sur votre recommandation sur le terrain et ce qu'il y aurait à
faire si nous étions pour l'implanter.
M. Mathieu (Luc) :Vous voulez dire d'implanter pour que les IPS puissent
prodiguer, là, l'aide médicale à mourir puis la sédation palliative continue,
c'est ça?
M. Birnbaum : Justement, et
dans les établissements de toutes sortes, là où vous êtes des fois là en
l'absence d'un médecin, c'est-à-dire des résidences privées de toutes sortes de
qualité.
M. Mathieu (Luc) :Oui, bien dans les résidences... Ça dépend du type
d'établissement, puis tantôt, n'hésitez pas, là, Caroline ou Pénélope, à
intervenir. Dépendamment du type d'établissement, quand c'est des
établissements publics, il y a déjà l'infrastructure d'organisation, du
soutien, parce que le soutien, là, si on va de l'avant avec le projet de loi...
discuter cette semaine avec les gens de la Commission sur les soins en fin de
vie, il faudrait qu'il y ait un encadrement, un certain coaching, là, pendant
un certain temps, pour les IPS qui vont pouvoir administrer l'aide médicale à
mourir puis la sédation palliative continue.
• (17 heures) •
Après ça, à l'intérieur des établissements
publics, il y a des mécanismes de surveillance, là, de la... qui relèvent des
directions de soins infirmiers. Nous, à l'ordre, c'est nos mécanismes de
surveillance habituels, là, l'inspection professionnelle, par exemple. Et si, à
un moment donné, il y a des problèmes, il y a des gens qui peuvent faire des
signalements à l'ordre, au bureau du syndic, par exemple. Alors ça, on est
organisés quand ça concerne des établissements publics. Puis il y a même... je
parle des CHSLD privés conventionnés, il y a cette structure-là qui ressemble à
ça aussi. Mais les établissements privés conventionnés, si je reviens à la
question, à la recommandation que ce ne soit pas seulement dans le public,
parce que dans les CHSLD privés conventionnés, il y en a un certain nombre, et
puis là il y aurait des IPS qui seraient appelées à intervenir dans ces milieux
là. Mais là encore, il y a des directrices de soins. C'est dans les milieux de
résidences pour personnes âgées ou les maisons de soins palliatifs où là il
faudrait réfléchir davantage au niveau de l'encadrement, quoiqu'il y a des gens
qui sont responsables des soins infirmiers, là, je pense plus particulièrement
aux maisons de soins palliatifs. Mais dans le cas des RPA, là, c'est là qu'il
faudrait voir avec les organisations des CISSS et CIUSSS comment ça peut
actualiser. Puis nous, qui a le mandat de protéger le public avec nos
mécanismes de protection du public, bien, comment on peut s'articuler avec le
réseau là-dessus. Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question, ou je ne
sais pas si Caroline, tu voulais...
M. Birnbaum : Merci. Je
trouve que ça nous aide à comprendre les paramètres d'une question sérieuse et
peut être avec des implications très intéressantes en termes de l'accès partout
au Québec. Alors merci pour ça.
Vous avez parlé aussi d'une préoccupation
avec les mécanismes pour l'évaluation de l'acte et de l'implication et que ça
vous semble... problématique qui est de système d'évaluation de proposé, trois
systèmes finalement, et on peut comprendre que c'est compliqué. Est-ce que vous
ne pouvez pas imaginer que la qualité, pas d'évaluer, mais la nature de vos
interventions en tant qu'infirmiers et infirmières et IPS aussi, des fois va se
différencier des interventions du médecin, donc peut être nécessité d'une
évaluation un petit peu distincte. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Deuxième chose, parce que vous avez l'air
d'être convaincu de...
17 h (version non révisée)
M. Birnbaum : ...qu'on
est devant un problème, là - pouvez-vous nous parler peut-être un petit peu des
conséquences sérieuses si tout ça n'était pas réglé ou simplifié, alors les
deux aspects de cette question-là?
M. Mathieu (Luc) :Je vais commencer un début de réponse puis après, Caroline,
je vais te laisser. On le mentionne, puis tantôt, je pense, Mme Roy l'a
mentionné, on est dans... C'est les mêmes actes, hein, la sédation palliative
continue, que ce soit fait par un médecin, une IPS, c'est le même acte, la même
chose pour l'aide médicale à mourir. Et puis ce que je voulais faire valoir
surtout, avant de passer la parole à ma collègue, c'est qu'on est dans l'ère de
la collaboration professionnelle. Ça fait que si c'est le même acte qui est
fait par des professionnels différents... Puis les IPS puis les médecins, on le
sait, hein, ils travaillent très étroitement. Ce rôle-là, professionnel des IPS
a été fait pour ça, notamment travailler en étroite collaboration avec les
médecins avec lesquels elles travaillent.
Alors, ça, c'est le premier volet de la
réponse. Puis pour aller poursuivre, là, je vais laisser ma collègue, Mme Roy
poursuivre.
Mme Roy (Christine) : En
fait... Puis l'importance pour lequel on veut miser sur des mécanismes, bien,
harmonisés d'évaluation de la qualité de l'acte, c'est pour éviter des
disparités. On ne voudrait pas que, par exemple, des soins qui sont... une
évaluation de la qualité de l'acte qui est effectuée, par exemple, au Saguenay
soit différente d'une autre... d'un milieu à l'autre.
Alors, pour ça, on voulait miser à acte
égal que l'évaluation soit la même. C'est sûr que le rôle des infirmières
praticiennes spécialisées n'est pas le même que le médecin en général, mais,
dans le cadre de l'aide médicale à mourir, de la sédation palliative continue,
les actes qui sont autorisés aux IPS sont les mêmes que ceux des médecins.
Donc, pour ça... C'est pour ça qu'on considère que ça serait une avenue à
privilégier d'assurer un mécanisme d'évaluation de la qualité de l'acte qui
soit harmonisé. Le Collège des médecins aussi, on a eu des échanges avec eux,
ils sont ouverts à cette discussion-là. On avait aussi ouvert la porte avec le
ministre de la Santé pour qu'on puisse discuter avec l'Association des conseils
des infirmiers et infirmières et l'Association des CMDP pour qu'on puisse
justement trouver cette voie-là et avoir un regard commun sur l'évaluation de
la qualité de l'acte qui est faite. Et, comme M. Mathieu le mentionnait, c'est
sûr qu'à titre d'ordre professionnel, nos mécanismes vont s'appliquer, là,
pour... quand il y a dérogation, et tout ça, on va continuer de jouer un rôle.
Mais on pense que localement, au niveau des établissements, il y aurait un
avantage à ce que ce soit harmonisé, qu'il n'y ait pas trois mécanismes
différents.
M. Birnbaum : Merci.
Alors, M. le Président, je vous invite à ajouter mes quelques secondes qui
restent à mes collègues. Merci beaucoup. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. Nous poursuivons
avec le député de Rosemont, à vous.
M. Marissal : Merci, M.
le Président. Il y a combien d'IPS au Québec - j'ai manqué le début?
M. Mathieu (Luc) :Actuellement…
Mme Roy (Christine) : ...
M. Marissal : Je n'ai
pas bien compris.
Mme Roy (Christine) : Environ...
M. Marissal : Eh boy, ça
coupe. Autour de 1 000.
Mme Roy (Christine) : Oui,
plus que... Oui, près de...
M. Marissal : O.K.
Combien de ces IPS sont spécialisés en géronto, mais en maladies
neurodégénératives puisque, dans le cas de la demande anticipée, c'est le
bassin visé, pour ne pas dire exclusif, là, mais c'est le bassin visé.
M. Mathieu (Luc) :On l'a par spécialité, là, je ne sais pas si...
Mme Roy (Christine) : En
fait, il y a cinq classes de spécialités d'infirmières praticiennes
spécialisées. Actuellement, il y a les IPS en soins de première ligne, les IPS
en soins aux adultes... Certaines IPS en soins aux adultes, là, pourraient
avoir développé une expertise à cet égard-là, mais... les IPS en soins de
première ligne qui pourraient assurer le suivi de ces clientèles-là. Donc,
combien, en termes de spécialités, là? On pourrait vous le dire en tranches de
spécialités. Je n'ai pas les chiffres devant moi malheureusement, mais on pourrait
vous les nommer en termes de spécialités.
M. Marissal : On va
faire quelque chose, si vous voulez bien, parce que j'ai très, très peu de
temps, comme dans très, très peu de temps. Vous pouvez nous envoyer ça par
écrit, ça sera utile pour la suite de nos travaux.
Moi, il y a une chose que je veux vérifier
néanmoins, c'est : Est-ce que les IPS ont, comme les médecins, le droit de
refuser de pratiquer? Ça, avez-vous l'assurance de cela, de pratiquer l'AMM, de
un. De deux, puisqu'il a été beaucoup question, ce matin, du tiers, de la
tierce personne qui accompagnera la personne qui est visée par l'AMM, est-ce
que vous êtes à l'aise avec l'idée que, dans le cas où cette personne n'a pas
de tiers, c'est l'équipe soignante qui prend la suite? Et il est fort possible
que, dans plusieurs cas, ce soit donc l'IPS qui hérite de cette tâche, je
présume qu'il faudrait qu'elle soit d'accord. Mais êtes-vous à l'aise avec
cette façon de fonctionner?
M. Mathieu (Luc) :Votre première question, M. Marissal, c'est que, oui,
une infirmière, une IPS, là, comme n'importe quelle infirmière, peut refuser de
donner, de prodiguer l'aide médicale à mourir, ça, c'est possible.
Pour le deuxième volet de la question, je ne sais
pas si c'est Pénélope ou Caroline qui pourrait répondre.
Mme Fortin (Pénélope) : Oui.
En fait, par rapport à votre question, à savoir si une IPS peut également refuser
de fournir l'aide médicale à mourir, en fait... Bien, j'imagine que vous faites
référence...
Mme Fortin (Pénélope) : ...l'objection
de conscience, qui est, en fait, pour nous, un concept, bon, moral, juridique,
éthique que l'infirmière a la possibilité d'invoquer lorsqu'elle octroie des
soins, y compris l'aide médicale à mourir. Et dans le cadre du projet de loi
n° 38, la disposition 31... en fait, l'article 31 est venu modifier
l'article 50 de la Loi concernant les soins de fin de vie, où il est
expressément mentionné, là, qu'un professionnel compétent peut refuser
d'administrer l'aide médicale à mourir, et le professionnel compétent inclut
donc l'IPS et le médecin. Alors, ça, c'est prévu spécifiquement dans la Loi
concernant les soins de fin de vie. Il faut savoir aussi qu'il y a une
disposition à cet effet, là, dans le Code criminel, du côté fédéral, mais plus
spécifique à la loi québécoise, c'est, effectivement, prévu, là. Donc, de ce
côté-là, la réponse est oui, une IPS peut refuser de... à ce niveau-là.
M. Marissal : Comme j'ai eu
deux fois la réponse à la même question, est-ce que je peux néanmoins avoir une
réponse à la deuxième question, s'il vous plaît?
M. Mathieu (Luc) :Oui, c'était pour vous amener... Oui, bien, l'IPS, oui,
pourrait être amenée, dans le cas que le... ce que vous mentionnez, là, que le
tiers... je ne sais pas comment on l'appelle, là, j'ai oublié l'expression...
pourrait intervenir. Bien, l'IPS, oui, elle peut intervenir, mais elle ne le
fera pas... ce qu'on anticipe, elle ne le fera pas seule, là, elle va le faire
avec ses collègues médecins, là, l'équipe qu'il y a autour. Ce n'est pas une
décision qui appartient uniquement à elle, là, même si de par ce que la loi lui
permettrait de faire, elle pourrait le faire.
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, nous allons poursuivre
avec la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci beaucoup,
bonjour à vous trois, merci de votre présentation. Écoutez, je pense qu'il va
falloir absolument trouver un moyen, là, ça me frappe, mais d'entendre les IPS
elles-mêmes, là. Je pense aussi que j'aurais mille questions, parce
qu'évidemment, il y a tellement d'enjeux, on aurait pu faire une autre heure
avec vous. Parce que, là, vous êtes beaucoup sur la pratique professionnelle, l'ouverture
à votre réalité, mais évidemment, les IPS vont avoir les deux mains dedans,
donc ce serait vraiment intéressant de les entendre sur tous les aspects très
concrets.
Je vous amène sur deux choses. Évidemment,
maintenant, les IPS auraient le pouvoir d'administrer l'aide médicale à mourir,
la sédation palliative. Ça, c'est une chose. Mais à 29.2, elles sont aussi le
professionnel compétent qui pourrait assister et accompagner la personne qui
est toujours apte, qui a son diagnostic, pour prévoir, par exemple, les
souffrances, pour prévoir le détail de comment les choses pourraient se
concrétiser. Comment ça, ça pourrait... Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça?
Puis comment ça pourrait se faire concrètement, là, au-delà de l'expertise
d'être capable de prévoir les souffrances dans le détail? Mais est-ce qu'on
peut imaginer des bureaux d'IPS qu'on irait consulter pour faire une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, dans le concret?
Puis mon autre question. Moi aussi, j'ai
très peu de temps. À 29.11, deuxième alinéa, on dit à la fin : «De plus,
et elle avise - c'est le professionnel compétent - tout tiers de confiance
désigné dans la demande du fait qu'il a constaté l'inaptitude de la personne.»
Ça, je veux juste être sûre que ce n'est pas un acte réservé au médecin, le
constat d'inaptitude. Formellement, est-ce que les IPS peuvent faire ça aussi?
M. Mathieu (Luc) :Veux-tu répondre, là, Caroline? Il y a deux questions, là.
• (17 h 10) •
Mme Roy (Caroline) : Oui,
bien, pour votre première question, à savoir si les IPS sont à l'aise...
Effectivement, les IPS sont des professionnels qui sont formés pour être en
mesure d'accompagner la personne qui reçoit un diagnostic, par exemple, de
troubles cognitifs majeurs, et qui est en mesure de lui proposer des
alternatives. Avec les nouvelles activités qui ont été autorisées, les IPS sont
en mesure de voir venir... et de pouvoir expliquer à la personne, là, le
cheminement, et de tout ce qui est prévisible, et des signes et symptômes.
Donc, elles sont en mesure d'accompagner les personnes qui voudraient,
effectivement, faire une demande médicale anticipée.
Puis là pour ce qui est... Puis là je vais
peut-être laisser, après, la parole à ma collègue Me Fortin, là, pour ce qui
est de l'inaptitude. En fait, c'est sûr que l'IPS est en mesure de déterminer
l'aptitude à consentir aux soins, qui était une différence à apporter, versus
l'inaptitude. Et là je vais peut-être lancer la balle à ma collègue Me Fortin,
là, pour ce qui est du concept d'inaptitude, là, de manière plus large.
Mme Fortin (Pénélope) : En
fait, au niveau de l'inaptitude à consentir aux soins, de l'aptitude et de
l'inaptitude à consentir aux soins, il faut savoir que tous les professionnels,
en fait, sont appelés à déterminer quotidiennement, dans leur pratique, à
savoir si la personne qui est en face d'eux, leur client, leur patient est apte
à consentir à leurs soins. Alors, à ce niveau-là, ce n'est pas... pour répondre
à votre question, ce n'est pas une activité réservée. Donc, l'IPS est très bien
en mesure de déterminer, là, si son client est apte ou inapte à consentir à ces
soins, ce qu'elle fait, là, dans sa pratique, là, au quotidien, là. Donc, ce
n'est pas une activité réservée.
Mme Hivon : O.K. Et toute la
question, là... C'est ça, dans le concret de l'affaire, là, maintenant, c'est
vraiment l'IPS ou le médecin qui aurait la responsabilité de s'assurer que la
personne qu'elle traite est rendue à un stade qui est celui qui était prévu
dans sa demande anticipée, donc à aller voir au registre...
Mme Hivon : ...à les
commencer, dire, je pense que les circonstances, on les a atteintes. Est-ce que
vous trouvez que ça, ça devrait vous revenir ?
Il y a une question un peu semblable, là, mais d'approfondir ça à vous comme professionnel,
d'avoir le fardeau de dire on est rendu au moment prévu avant, ou vous seriez
plus confortable que ce soit le tiers de confiance qui agite le drapeau. Puis
après, ça implique que vous commenciez l'évaluation... de penser que vous allez
avoir le temps de le faire pour tous les patients.
Mme Roy (Caroline) : Bien,
en fait, je pense que le tiers de confiance, c'est vraiment un partenaire de
premier choix aussi, qui connaît bien la personne. Mais je pense que les
professionnels compétents sont aussi habilités à pouvoir le faire et pouvoir
accompagner la personne, le cas échéant. Donc, est-ce ça pourrait revenir aux
deux ? À mon avis, quand
il y a un tiers, je pense que c'est toujours la personne qui connaît mieux la
personne visée qui est bien placée pour le faire. Mais les professionnels de la
santé sont aussi formés pour le faire et être en mesure de détecter le moment à
partir de ce qui a été écrit. C'est sûr que ça nécessite que les... aient accès
au régime pour pouvoir justement s'assurer de tout ça et voir que la demande a
bel et bien été faite et que la personne rencontre les critères. Mais encore
une fois, ça s'appuie sur des grilles qui seraient utilisées, ça s'appuie sur
le jugement clinique du professionnel, ça s'appuie sur le comportement de la
personne aussi et tout ça. Donc, je pense que nos professionnels sont formés
pour pouvoir être en mesure de faire ce type d'accompagnement des familles et
de la personne.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons compléter
cet échange avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Bonjour à tous. Bonjour à vous trois. Merci d'être
là avec nous. D'entrée de jeu, bon, je n'ai pas beaucoup de temps, mais
simplement vous dire je pense qu'effectivement il faudra clarifier la question
de la pratique en lieu privé, là. Je suis retourné voir l'article notamment
21.1. Il y a peut-être certaines ambiguïtés ou un certain vide, mais moi, je
suis très sensible aux commentaires que vous avez soulevés, que vous avez
soulevés là-dessus, sachant effectivement qu'on a de plus en plus d'aînés qui
non seulement vivent en résidence privée, mais qui souhaiteront probablement
aussi finir leurs jours dans leur maison. Et donc il faut favoriser certainement
l'accès à des professionnelles en ce sens-là.
Je voulais revenir. Vous avez... D'entrée
de jeu, dans votre présentation, vous avez mentionné que vous êtes revenue sur
le tiers. Puis je vais rebondir sur la question qui a été posée par le député de
Rosemont. Vous souligniez que c'était important d'avoir un tiers de confiance
d'impliqué dans le processus. Puis on sait qu'on est dans une société
vieillissante où il y a beaucoup de gens, nous, on le voit dans nos
circonscriptions tous les jours, où il y a des gens malheureusement qui sont
seuls, qui sont, qui sont isolés. Est-ce que... Puis vous répondiez que oui,
vos membres, les infirmiers et infirmières, pourraient être impliqués comme
dans ce lien-là pour remplacer. Mais est-ce que vous croyez que ce
professionnel-là doit nécessairement avoir un lien avec la personne ou on
pourrait par exemple faire référence ou interpeler quelqu'un qui a une
spécialisation justement en soins de fin de vie, qui serait à même de faire une
évaluation, là ?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
dans un cas comme dans l'autre, là, je crois que ça pourrait être aussi
pertinent que ce soit quelqu'un qui a une expertise en particulier ou la
personne, le professionnel qui est compétent pourrait aussi être celui qui
est... C'est prévu dans le projet de loi aussi, mais aussi l'équipe de soins,
là, qui pourrait être en mesure d'alerter. Donc, ça, ces aspects-là sont
prévus. Mais ça pourrait aussi être quelqu'un d'expert, là. On n'a pas
d'objection à cet égard-là.
Mme Montpetit : Parfait.
Et rapidement aussi, sur la question, vous l'avez souligné, là, toute la
question du mécanisme d'évaluation sur la qualité de l'acte, les enjeux qui
sont soulevés par le fait d'avoir les trois mécanismes. Vous soulignez des
préoccupations, mais aussi j'aimerais ça revenir sur la question qui vous a été
posée vraiment pour bien comprendre vos préoccupations par rapport à ça. Quand
vous dites qu'il pourrait avoir un impact d'avoir deux ou trois types
d'évaluation de la qualité de l'acte différentes, comment... Qu'est-ce que ce
seraient les conséquences de ce maintien-là et de ne pas avoir un seul
mécanisme en place ?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
en fait, c'est sûr que ça fait en sorte qu'il y a des regards qui sont posés,
que le geste, pour nous, que le geste soit posé par un médecin ou par une
infirmière praticienne spécialisée, peu importe le lieu où il est donné, c'est
important qu'il y ait un regard constant et qu'on n'ait pas des normes ou des
critères qui seraient différents à l'un, à l'autre. Donc, on voudrait vraiment
avoir au niveau de la population aussi, qu'il puisse avoir un regard harmonisé
sur la qualité de l'acte et que les critères soient les mêmes et que, comme on
dit, c'est que l'acte est la même chose. Donc, pour nous, c'est important qu'il
n'y ait pas, par exemple, un regard qui soit posé sur la pratique médicale qui
ne soit pas le même pour l'IPS, parce que c'est le même geste qui va être posé
auprès de la clientèle au final. Donc, on voudrait vraiment s'assurer que c'est
harmonisé et qu'on puisse bénéficier de l'expertise de l'un et de l'autre aussi
parce qu'on le sait, les IPS, c'est nouveau dans la pratique des IPS, donc, de
pouvoir compter aussi sur l'expertise, là, des médecins qui, depuis quelques
années, le font. Donc, on pense que c'est essentiel d'avoir ce mécanisme
conjoint là pour avoir un regard harmonisé et éviter les disparités.
M. Mathieu
(Luc) :Puis si je peux me permettre un
complément, c'est que les constats qui seraient faits, si on regarde la façon
de faire actuelle, c'est que comment on pourrait faire une synthèse des
différentes évaluations...
M. Mathieu (Luc) :...qui sont faits, parce qu'on évalue le même acte, là,
c'est fait par des professionnels. Alors l'idée, c'est de mettre ça en commun
pour s'assurer que d'exercer une vigie, que ce soit pour la sédation palliative
continue ou pour l'aide médicale à mourir, faire une vigie, puis s'il y a des
ajustements à faire dans la pratique des professionnels, bien, qu'on puisse le
faire. Parce qu'autrement, bien, là, il faut s'organiser pour trianguler, là,
les différentes évaluations qui sont faites par différentes instances.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
contribution et votre participation à nos travaux. Je suspends quelques
instants pour qu'on puisse faire place au prochain groupe. Merci beaucoup de
votre disponibilité et de votre contribution.
M. Mathieu (Luc) :Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président (M. Provençal)
:Je souhaite maintenant la bienvenue à
Maître Nicole Filion et au professeur Jocelyn Maclure. Pour cette période
d'échanges, vous disposez de dix minutes et par la suite nous procéderons à un
échange avec les membres de la commission. Je vous cède la parole
immédiatement.
Mme Filion (Nicole) : Bonjour
à tous. À titre de co-présidents du Groupe d'experts sur la question de
l'inaptitude à l'aide médicale à mourir, nous sommes heureux, le professeur
Maclure et moi, de pouvoir participer aux consultations entourant le projet de
loi n° 38. Rappelons que ce groupe d'experts là avait été constitué à la
demande du ministre de la Santé et des Services sociaux en 2017 et était
composé de treize experts issus du domaine de la médecine, de la pharmacie, des
sciences infirmières, de la psychologie, du travail social, de la philosophie,
du droit et de la défense des droits des usagers.
Le mandat général du groupe d'experts
était le suivant, c'est-à-dire d'examiner la possibilité qu'il y ait des
amendements apportés à la loi concernant les soins de fin de vie, après avoir
évalué des enjeux tant cliniques, éthiques que juridiques. Évidemment, on nous
demandait de déposer ensuite un rapport qui faisait état de nos
recommandations. Alors les travaux se sont déroulés sur une période de
18 mois, de décembre 2017 à juin 2019. Et au terme de ces travaux-là, il y
a eu un rapport intitulé L'aide médicale à mourir pour les personnes en
situation d'inaptitude, le juste équilibre entre le droit à
l'autodétermination, la compassion et la prudence. Ce rapport a été déposé le
29 novembre 2019. Il fait état de quatorze recommandations, dont,
évidemment, la possibilité de rédiger une demande anticipée d'aide médicale à
mourir après l'obtention d'un diagnostic de maladie grave et incurable et
pendant que, évidemment, la personne est toujours apte.
D'entrée de jeu, j'aimerais préciser que
M. Maclure et moi, à titre de coprésidents, nous ne pouvons pas exprimer des
opinions sur le projet de loi n° 38 au nom des experts qui ont constitué
le groupe, puisqu'évidemment le mandat de ce groupe est terminé et le groupe a
été dissous. Toutefois, à la lumière des recommandations émises, on...
Mme Filion (Nicole) : ...on
peut certainement affirmer que le projet de loi, qui traite particulièrement de
la demande anticipée d'aide médicale à mourir, est généralement en adéquation
avec les conclusions auxquelles en sont venus le groupe en 2019.
Puisque notre temps est limité, j'invite
les membres de la commission à prendre connaissance des pages 2 à 5 de
notre mémoire, qui sera déposé sous peu, où nous avons réalisé un exercice de
concordance avec les articles proposés au projet de loi n° 38 et les
recommandations émises par le groupe en 2019. Puisque nous n'avions pas eu
l'occasion de le faire, nous nous permettons de saluer le projet de loi
n° 83 adopté le 10 juin 2021, qui a amendé l'article 29, en
permettant désormais aux personnes en fin de vie de renoncer à donner un
consentement final avant de recevoir l'aide médicale à mourir. On croit que
l'amendement mérite d'être souligné car il constitue une avancée en matière de
respect des droits, de la dignité des personnes, et le groupe d'experts
d'experts en avait d'ailleurs fait sa première recommandation au ministre.
Alors, sur ce, je cède la parole à M. Maclure.
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
beaucoup. Bonsoir à tout le monde. Comme Me Filion l'a dit, on accueille
favorablement les dispositions du projet de loi qui concernent les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir, en particulier pour des personnes qui ont
eu un diagnostic d'une maladie neurocognitive dégénérative qui va mener
éventuellement à l'inaptitude. Et donc c'est sur ces aspects là qu'on commente
le projet de loi.
Donc, de façon générale, on est très
heureux de cette proposition contenue dans le PL 38. Il nous semble
toutefois qu'il y a deux problèmes importants avec la formulation actuelle du
projet de loi, dont un, un problème qui est majeur, hein, qui devrait être
corrigé avant l'adoption éventuelle du projet de loi. Donc je passe en revue
ces deux problèmes.
Le premier est contenu dans
l'article 17 du projet de loi n° 38. J'attire votre attention sur la
modification qui serait apportée à l'article 30.2 de la Loi concernant les
soins de fin de vie. Donc, dans le PL 38 on lit ceci : Lorsqu'un
professionnel compétent conclut qu'il ne peut administrer l'aide médicale à
mourir à une personne qui a formulé une demande anticipée en raison du refus de
recevoir cette aide manifestée par la personne, il doit s'assurer que la
demande est radiée dans les plus brefs délais du registre établi. Donc, cette
disposition nous semble entièrement en porte à faux avec la logique
justificative qui a mené à la recommandation, donc, d'intégrer les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir à la Loi sur les soins de fin de vie. Cette
idée de radier la demande après ce qui est perçu comme un refus, donc, ce
n'était pas dans le rapport du groupe d'experts. À notre connaissance ce
n'était pas non plus dans le rapport de la commission spéciale qui a mené des travaux
en 2001. Donc, on ne sait pas exactement d'où vient cette proposition, mais ce
n'est pas de ces rapports importants.
Rappelons que l'application d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir ne peut se faire, hein, qu'au moment où la
personne qui a rédigé la demande anticipée est devenue en situation
d'inaptitude, hein, et qu'elle se trouve en situation de souffrance constante
et insupportable, une souffrance qui ne peut pas être apaisée de façon
satisfaisante. Donc, une hypothèse, hein, est que cet article modifié, 30.2,
là, vient peut être de cas comme celui qu'on a constaté aux Pays-Bas, dont on
fait mention dans notre rapport, où une personne a semblé résister, hein, à
l'administration de ce qui est là-bas appelé l'euthanasie, une personne qui
n'était plus apte, hein, à consentir à ces soins, mais qui avait fait de façon
répétée... en demander, donc une... qui avait fait une demande anticipée. Et il
se peut, hein, tout à fait, qu'une personne plutôt confuse, en situation de
souffrance, qui ne comprend pas la situation dans laquelle elle est, qu'elle
manifeste, hein, des comportements qu'on peut associer à un refus, en tout cas
qu'elle résiste, hein, qu'elle est agitée, elle semble récalcitrante, hein, et
il faut prendre ça tout à fait au sérieux. Mais comment interpréter cette
résistance? Comme je le disais, la personne n'est plus apte, hein, à
comprendre, hein, la situation dans laquelle elle se trouve. Évidemment, elle
ne comprend plus les enjeux entourant entre autres, hein, la demande anticipée.
Mais c'est très difficile de dire, hein, ce à quoi elle résiste à ce moment-là,
hein. Est-ce qu'elle est souvent récalcitrante lorsque vient le temps de lui
prodiguer des soins? Est-ce qu'elle a vu l'aiguille, est-ce qu'elle...
M. Maclure (Jocelyn) :
...est-ce que la peur de l'aiguille est en jeu? Est-ce qu'elle est dans un état
de confusion? Mais on sait en tout cas que, si on est prêt à administrer l'aide
médicale à mourir, hein, c'est que la personne est dans un état de mal-être,
hein, constant et que ses souffrances sont importantes. Donc, clairement, il
nous semble à tout le moins que cette notion de refus, hein, doit être
clarifiée dans le projet de loi, peut-être même remplacée, parce qu'il n'est
pas évident que la personne est capable de refuser rationnellement, hein, un
soin qu'elle a demandé dans le passé, à cette étape-là.
Évidemment, hein, il faut être clair
là-dessus, tant que la personne est apte à consentir à ces soins, elle peut
changer d'idée, réviser ses choix, radier une demande anticipée d'aide médicale
à mourir. Donc, ça, c'est tout à fait important.
Mais notre recommandation, là, est que la
résistance à l'administration de l'AMM, hein, pour une personne qui est devenue
inapte ne devrait pas mener systématiquement et purement et simplement à
l'abrogation de la demande anticipée d'AMM, hein, à sa radiation donc du
registre, parce qu'une abrogation de la demande, hein, ne pourrait
vraisemblablement qu'être définitive, hein, parce que la personne ne
retrouverait probablement pas l'aptitude, hein, pour faire une nouvelle
demande, hein? Donc, si on la radie purement et simplement, bien, ça fait en
sorte, hein, que sa volonté antérieure va tout simplement être ignorée, balayée
du revers de la main.
Et, quand je disais que cette disposition
est en porte-à-faux avec les raisons fortes qui ont mené à la proposition
d'intégrer les demandes anticipées, hein, c'est qu'on veut favoriser, hein,
l'autonomie de la personne. Lorsqu'elle délibère au sujet de la fin de vie
qu'elle se souhaite, se sachant atteinte d'une maladie neurodégénérative, c'est
important que sa volonté, hein, si on ne la respecte pas à un moment ou un
autre, au moins qu'on prenne en considération, hein, sa demande, hein? Donc, la
résistance peut mener à un report, hein, de la procédure, mais la demande,
hein, doit rester, et l'état de la personne doit être réévalué à un moment ou à
un autre dans le temps. Donc, ça, c'est notre recommandation principale.
Je vois que le temps file. On avait une
autre, aussi, bon, réflexion sur l'idée que la personne doive décrire, hein, ce
qu'elle considère de son propre point de vue comme étant des souffrances
insupportables. On pourra y revenir, si vous le souhaitez, si vous nous
interrogez là-dessus dans la période de questions. Pour les dernières secondes,
je laisse la parole à Nicole.
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement, le temps est écoulé pour la présentation,
il reste... vous aviez 10 minutes. Alors, M. le ministre, je vous invite à
débuter l'échange.
M. Dubé : Bien, écoutez,
encore une fois, là, j'apprécie la qualité de votre présentation, puis surtout
de toutes les réflexions que vous avez, votre groupe d'experts, et vous deux en
particulier, là, depuis toutes ces années. Alors, moi, je bois vos paroles aujourd'hui,
je dois vous dire, là. C'est très important pour nous tous de bien comprendre
votre point de vue.
• (17 h 30) •
Donc, sur votre premier, vous êtes un peu
au même endroit, je vais le dire comme ça dans mes mots, que le Dr.
L'Espérance, un peu, ce matin, qui disait que ce n'est peut-être pas un refus
comme ça de quelqu'un qui n'est plus... inapte qu'on devrait prendre du revers
de la main puis de radier, là. C'est un peu... Vous êtes un peu en accord avec
ce que j'entendais du docteur L'Espérance un peu plus tôt aujourd'hui.
J'aimerais ça, vous donner du temps
justement pour que vous me parliez de votre deuxième point, parce que, s'il est
aussi important que le premier, j'aimerais bien ça, vous entendre.
M. Maclure (Jocelyn) : Très
bien. Merci beaucoup, M. le ministre...
M. Dubé : ...mon temps, ça
sera sur le temps de notre groupe, ici. Là, je pense que c'est important de
vous donner tout le temps nécessaire.
M. Maclure (Jocelyn) : En
fait, je vais être...
M. Dubé : M. le Président,
êtes-vous d'accord avec ça?
Le Président (M. Provençal)
: Oui.
M. Maclure (Jocelyn) : Je
vais être bref, et Me Filion pourra compléter. Le deuxième point est important,
moins déterminant que le premier, mais important aussi. Il y a un accent très
fort qui est mis sur l'idée que la personne qui fait une demande anticipée,
qu'elle doive décrire dans la demande ce qu'elle considère comme étant des
souffrances qu'elle juge, elle, insupportables, hein, et on comprend cette
volonté-là, hein, de bien comprendre la position de la personne. Le problème
potentiel, là, est qu'il est fort possible que les personnes décrivent, hein,
des symptômes ou des indicateurs qui ne correspondent pas aux critères
habituels et généraux d'admissibilité à l'aide médicale à mourir, hein? Ce
qu'on a beaucoup entendu, nous, c'est que des personnes disent: Si je ne
reconnais plus mes proches, c'est à ce moment-là que je voudrais avoir accès à
l'aide médicale à mourir, ou: Si ma perte d'autonomie fait en sorte que je dois
être placé en centre d'hébergement de longue durée...
17 h 30 (version non révisée)
M. Maclure (Jocelyn) : ...c'est
à ce moment-là que je voudrais que la procédure soit appliquée aussi. Il y a un
fardeau pour les proches aussi. Je deviens par exemple en situation d'incontinence
et ainsi de suite. Donc, on comprend la détresse qui est... qui peut être
vécue. Mais il est par ailleurs possible, hein, que des personnes vivent ces
symptômes, hein, qui sont causés par la maladie, mais qu'elles soient par
ailleurs, hein, dans un état de bien-être quand même constatable, qu'elles
soient dans une phase de la maladie qu'on appelle souvent, là, sans l'idéaliser,
la démence plutôt paisible et heureuse, hein? C'est possible de ne plus
reconnaître ses proches, mais quand même d'avoir de nouveaux petits plaisirs.
On a acquis de nouveaux intérêts. On ne se souvient plus évidemment de notre
volonté antérieure, mais il y a une certaine qualité de vie. Et le rapport,
hein, notre orientation principale, c'est qu'il faut équilibrer le droit à l'autodétermination
des personnes par rapport aux choix en fin de vie et la protection des
personnes vulnérables que sont les personnes qui sont devenues inaptes.
Et notre crainte, ici, c'est qu'en mettant
beaucoup d'importance à cette description des souffrances, qu'on n'en vienne qu'à
administrer trop tôt l'aide médicale à mourir parce qu'on constate, bon, voici
ce qu'elle a décrit. Donc, allons-y. Mais par ailleurs, la personne est
encore... a encore une certaine qualité de vie. Et nous, en tout cas, la
position du groupe, c'était il faut vraiment constater la souffrance, là, qu'elle
soit objectivable et que vraiment la personne est dans une situation de
mal-être et qu'il faut vraiment la libérer de ses souffrances. Donc, l'idée
étant qu'il ne faudrait pas que cet acte, cette insistance, mène à des
administrations, disons, hâtives de l'aide médicale à mourir.
M. Dubé : O.K. Je ne
suis pas certain que je comprends tout ce que vous venez de dire parce que ça
devient très délicat, là. Si la personne, dans sa liste d'étapes, dit :
Moi, c'est ça qui me rend inconfortable puis que je voudrais procéder, là, vous
me dites qu'il faut la requestionner. Ça devient... Ça devient très délicat,
là. Je comprends très bien votre point, mais... Et je me demande, est-ce que c'est
dans le guide qu'on pourrait le faire? En tout cas, je vais me questionner, là.
Je vais laisser peut-être les autres personnes poser les questions, mais votre
commentaire rend ça et un petit peu plus difficile de requestionner le jugement
de la personne qui, elle, à l'avance, parce que, je pense, c'est ça, le
principe d'une demande d'aide anticipée, c'est de déterminer à l'avance quel
est le taux. Puis quand vous dites de souffrance, là, vous avez entendu la
discussion qu'on a eue un peu plus tôt aujourd'hui sur la démence joyeuse,
heureuse. Ça devient très délicat, là, très difficile à juger.
Mais en tout cas, je pense que je
comprends votre point, mais on pourra y revenir. Moi, vous ne l'avez pas
mentionné, mais étant donné votre expertise, il y en a un autre qui me
préoccupe, c'est le fameux tiers, là, le tiers de confiance. Est-ce que ça ne
pourrait pas justement, en lien avec votre deuxième point, d'augmenter un peu
le rôle de ce tiers de confiance là dans le jugement final ou l'application
finale de l'aide médicale à mourir? Parce qu'en ce moment, c'est vrai, puis je
pense qu'on l'a entendu de quelques... de quelques invités, c'est qu'en ce
moment, la pression est plus sur le médecin que sur le tiers de confiance. Si
le tiers de confiance a participé à l'élaboration de la liste de ce que le patient
veut voir comme aide médicale à mourir, quels sont les symptômes qui le
justifieraient de passer à l'acte? Est-ce qu'on pourrait donner un rôle plus
grand qui est dans le projet de loi? Ça, je veux votre expertise là-dedans par
rapport au tiers de confiance. Puis en ce moment il y en a juste un. Est-ce ça
pourrait aider d'en avoir un deuxième? Comme le dit souvent le député en face
de moi, là, je voudrais vous entendre là-dessus parce que, je pense, c'est
important de... Je comprends que, vous, vous n'agissez pas pour le groupe qui
était en place en 2019, mais... en 2017, pardon, là, mais je voudrais vous
entendre sur ce point-là parce que, moi, la question du tiers de confiance me
préoccupe un petit peu, là.
Mme Filion (Nicole) : Si
je peux me permettre, M. le ministre, dans le cadre de nos travaux, nous avions
aussi prévu l'implication d'un tiers de confiance. Et son rôle se limitait
vraiment... Ce n'est pas un rôle de mandataire, de tuteur ou de curateur. Son
rôle... Il ne donnait pas un consentement substitué, là. Son rôle était plutôt
à titre de gardien de la volonté de la personne qui a fait une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, un peu... un peu à titre de porte-voix, là.
Il ne choisit pas...
Mme Filion (Nicole) : ...pour
la personne, mais ce qu'il fait, c'est qu'il rappelle aux professionnels
compétents l'existence du formulaire et il doit s'assurer que la demande va
être consultée et considérée. Et souvent, vous allez avoir des tiers de
confiance qui sont aussi des proches. Alors, les proches sont en mesure, et je
fais une parenthèse ici, on a... Je constate que dans le projet de loi
no 38 les proches ne sont pas beaucoup présents. Je les vois simplement à
l'article 29.3, alinéa un d. Ailleurs, ils n'y sont pas. Bien sûr, il
appartient à la personne de dire : Est-ce que je veux ou non une
implication d'un proche ?
Parce que ça pourrait être son souhait de ne pas vouloir l'implication d'un
proche dans une démarche pour toutes sortes de raisons. Mais je pense que ce
n'est pas une raison pour évacuer l'implication de proches si c'est
effectivement le soin de la... le souhait de la personne. Pourquoi ? Parce qu'un proche est en
mesure de témoigner de l'histoire de la personne, ses valeurs, les facettes de
son existence, rapporter son vécu et aussi, peut-être informer le personnel,
l'équipe soignante, des volontés que cette personne-là déjà exprimées par le
passé alors qu'elle était apte, sa conception d'une mort digne pour elle.
Et souvent, ces proches-là aussi apportent
des soins quotidiennement. Ils accompagnent la personne dans la maladie. Alors,
ils sont à même de décoder des signaux de souffrance chez la personne. Et là,
on ne parle pas juste de souffrance physique, mais je parle aussi de souffrance
psychologique existentielle qui pourrait être liée à une détresse, à une
anxiété, à une peur. Alors, on déplore, M. Maclure et moi, que les proches
ne sont pas suffisamment présents dans le projet de loi si telle est la volonté
de la personne malade.
M. Dubé : Me Filion,
là, j'apprécie beaucoup votre commentaire parce que c'est peut-être une façon
de trouver l'équilibre entre le commentaire de Pr Maclure sur comment on
respecte la demande versus la participation ou soit d'un proche ou en tout cas
du tiers. Je pense que je vais laisser mes autres collègues, mais ça va me
faire réfléchir, là, à un peu le... les deux points de vue que vous venez
d'amener, là. Je pense qu'on peut combiner peut-être ces deux éléments là.
Alors, je vais laisser, M. le Président, peut-être à mes collègues, le... Il
nous reste du temps de toute façon.
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée. Mme la députée,
vous voulez poser une question ?
Allez-y.
Mme Guillemette : Oui.
Il nous reste quelques minutes, M. le Président ?
Le Président (M. Provençal)
:Il vous reste cinq minutes.
Mme Guillemette : Merci.
M. Dubé : J'ai donné...
• (17 h 40) •
Mme Guillemette : Ça va.
Merci beaucoup, Me Filion et Pr Maclure, d'être avec nous aujourd'hui. On vous
a entendu en commission, mais il y a quand même des points à éclaircir. Et je
ferais un peu la suite de ce que M. le ministre vous a posé comme question. On
a des gens qui sont venus témoigner et ils nous disent que le tiers de
confiance ne devrait pas avoir de lien, ne serait-ce que, bon, monétaire ou peu
importe. Mais si on veut que la personne connaisse bien la personne qui demande
l'aide médicale à mourir, on réconcilie ça comment, ces deux aspects là ? Et est-ce que c'est
réconciliable ?
Mme Filion (Nicole) : Écoutez,
de mon avis, la personne qui va faire sa demande anticipée d'aide médicale à
mourir pourrait très bien désigner un tiers de confiance qui pourrait être sa
fille, son épouse, son époux, son conjoint, peu importe, un frère ou une sœur.
Et il reste que, qu'on le veuille ou non, il y aura un lien monétaire. Je pense
qu'il faut laisser exprimer une volonté à cet égard-là. Maintenant, vous
m'ouvrez la porte sur quelque chose parce que nous avions, comme membres du
groupe d'experts, exprimé une préoccupation pour le sort des personnes qui sont
totalement isolées, qui ne reçoivent pas des soins en continu et qui ne sont
pas en mesure de désigner un tiers de confiance. Alors, je pense qu'il nous
importait au niveau du groupe de répondre aux besoins de ces personnes isolées
et que l'impossibilité de désigner un tiers de confiance ne doit pas pour
autant compromettre le droit à...
Mme Filion (Nicole) : ...l'autodétermination
de ces personnes-là qui ont rédigé les demandes anticipées d'aide médicale à
mourir. Et par ailleurs le groupe d'experts recommandait qu'en l'absence de
tiers qu'il y ait une autorité neutre qui puisse agir un peu comme porte-voix,
et que cette autorité neutre là aurait pour rôle que d'attirer l'attention des
soignants sur l'existence de la demande anticipée.
Alors, c'est important de ne pas laisser
de côté les personnes qui sont totalement isolées et qui n'ont pas
nécessairement des soins continus dispensés par le réseau.
Mme Guillemette : Parfait.
Je vous remercie. Comme il nous reste deux minutes, je céderai, M. le
Président, la parole à ma collègue de Saint-François.
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée, allez-y.
Mme Hébert : Merci, M.
le Président. Je vais être rapide, je veux revenir sur la résistance. Vous avez
parlé d'une personne qui serait plus apte, mais qui aurait une certaine
résistance. Je suis contente que vous parliez du tiers de confiance parce que
justement, ce tiers de confiance là connaît bien la personne. Donc, advenant
qu'il y ait une résistance, et que ce tiers-là en est témoin, il va dire :
Je connais la personne, puis elle ne veut pas, là. Tu sais, elle est capable de
donner cet indice-là.
Moi, je veux savoir, vous parliez de
report de procédure, ça va en prendre combien de reports de procédure pour
arrêter la procédure, que peut-être que la personne finalement, on n'ira pas
avec l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est une possibilité?
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
de votre question, Mme la députée. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut
exclure complètement a priori, hein? Je pense qu'il faut garder en tête qu'il
s'agit, là, dans les cas atypiques de maladies qui sont dégénératives, hein,
donc l'état n'est pas stable, hein, l'état se dégrade progressivement. Et ce
que les experts, là, qui ont accompagné des personnes, entre autres, aux prises
avec l'Alzheimer, montrent que, bon, dans l'évolution d'un stade à l'autre,
hein, il y a évidemment un impact important sur la qualité de vie aussi, hein?
Il y a un moment dans l'évolution où la souffrance, hein, devient constante,
hein, où la personne semble toujours en situation de mal être, semble souffrir
énormément. Et c'est pour ce genre de situation là, hein, dans ces cas-là où on
se dit : Bien là, l'aide médicale à mourir est véritablement un soin parce
que la personne n'a plus de qualité de vie, il n'y a plus rien qui donne un
sens à ces journées. Et je pense qu'il faut réévaluer, hein, l'état de la
personne si on constate, hein, une résistance importante à un moment x. Il faut
voir, plus tard, est-ce que là, vraiment ça viendrait la soulager, et c'est une
évaluation qu'il faut faire périodiquement. Mais l'important, c'est qu'on ne
doit pas radier, hein, la demande qui a été faite, hein? Lorsqu'elle était encore
apte, hein, elle a réfléchi rationnellement sur la fin de vie qu'elle se
souhaitait, elle a dit : Bien, j'aimerais ça avoir l'aide médicale à
mourir, hein, lorsque je serai en situation de souffrance. Eh bien, il faut
réévaluer son état et voir si on ne doit pas procéder justement à un autre
moment à cette procédure, oui.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. Nous
poursuivons maintenant l'échange avec le député de D'Arcy-McGee...
M. Birnbaum : Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Provençal)
:...pour 10 min 10 s.
M. Birnbaum : Merci.
Merci beaucoup. Mme Filion et M. Maclure. Vous étiez présent et vous
restez présent de façon essentielle à ce débat-là. Alors, je vais faire de mon
mieux pour essayer de laisser un petit peu plus de temps à mes collègues aussi,
parce que votre implication, depuis le début, est tellement importante. J'ai
quelques questions, mais je vais essayer de laisser un petit peu de temps à mes
collègues aussi.
Je vous écoute sur les deux problèmes
majeurs, mais je vous écoute aussi, je vous entends quand vous vous dites que
généralement le projet de loi devant vous et nous est en adéquation avec votre
apport au début et les paramètres qui ont été suivis par nous dans nos
délibérations en commission spéciale.
Sur l'article 17, là, vos
élaborations juste tantôt, M. Filion, pour moi, je crois comprendre qu'on
est dans l'enjeu très important évidemment du moment de déclenchement de
l'acte. Et évidemment il y a toutes sortes de balises actuellement qui
gouvernent ça, et que ça soit établi de façon la plus fidèle et complète que,
dans un premier temps, on est en alignement avec l'éventuelle loi ainsi que les
vœux tels qu'exprimés lors de la demande. Mais ici on parle aussi - et vous
étiez assez clair là-dessus - de la possibilité d'une manifestation...
M. Birnbaum : ...de refus de
quelqu'un qui est inapte et on est devant, en quelque part, une contradiction.
Mais si je vous ai bien suivi, même là-dessus, votre langage a été un petit peu
conditionnel. Vous avez dit que ça ne devrait pas, un tel refus, emmener de
façon systématique à un désistement de l'acte, ce qui suggère que vous pouvez
imaginer des conditions où il faut que ce refus exprimé par quelqu'un inapte
doit avoir des conséquences, c'est-à-dire qu'on ne passe pas à l'acte. Est-ce
que vous pouvez décrire une telle situation ou comment, souvent, vous croirez
que ça risque de se manifester?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui.
Merci beaucoup, M. le député, pour votre question. Je pense que ce qui a frappé
l'imagination, hein, c'est ce cas néerlandais d'une personne, hein, qui avait
demandé à répétition, hein, l'euthanasie dans ce contexte et qui, au moment
venu, a résisté, s'est débattue, était agitée. Et l'une des grandes leçons
qu'il faut tirer de ce cas-là, c'est que ça prend un protocole médical très
clair à suivre, hein, lorsqu'on administre une AMM à une personne qui est
devenue en situation d'inaptitude, hein. C'est un geste extrêmement délicat,
hein, et on pense qu'il y a de bonnes raisons de le faire, de le permettre,
mais il faut que ça soit extrêmement bien balisé et le protocole médical doit
être clair et l doit être élaboré par des experts cliniciens, là. Mais il faut
savoir comment on s'y prend. Est-ce qu'on utilise la sédation modérée ou pas,
et ça, donc, ça devrait être, je pense, établi dans un guide de pratique, là.
Mais si la résistance est claire, hein, je pense qu'il ne faut pas procéder à
l'aide médicale à mourir. Si on a bien suivi le protocole établi, il faut... il
n'y a pas de problème, hein, à réévaluer la situation plus tard. Et je... si,
encore là, une fois qu'un protocole médical a été clairement établi, l'idée
étant qu'on réévalue, hein, périodiquement où en est la personne. Et comme il
s'agit de maladies qui sont dégénératives, encore une fois, hein, l'état de
santé se dégrade et les souffrances deviennent très importantes. Donc, je pense
que l'idée, c'est de... et les proches et le personnel soignant, de réévaluer
périodiquement l'état de la personne.
• (17 h 50) •
M. Birnbaum : Je me permets
de vous inviter de nous proposer même, par la suite, un libellé qui risque de
nous aider à réconcilier ces aspects un petit peu conflictuels parce que vous
soulevez une assez grande question.
Votre deuxième grande question, vous
parlez de la difficulté d'assurer que les descriptions des conditions offertes
par un individu dans leur demande d'accès à l'aide médicale à mourir peuvent
être discordantes avec la situation actuelle au moment où ils auraient prescrit
qu'on passe à l'acte. Une autre fois, là, il y a des balises, il y a toutes les
choses qui doivent déclencher l'acte. Mais pouvez vous élaborer un petit peu
comment on réconcilie ces choses, et y a-t-il un risque qu'on met un fardeau
trop ouvert, trop difficile sur l'équipe médicale à l'instant où l'aide
médicale à mourir est pour être déclenchée?
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
merci. C'est aussi une question importante. Lorsque... en contexte, disons,
normal d'aide médicale à mourir, hein, ce qui importe au plus haut point, ce
sont les critères d'admissibilité. Hein, et maintenant, la fin de vie a été
retirée, donc c'est essentiellement, bon, maladie grave et incurable, déclin
avancé et irréversible des capacités et souffrance vraiment persistante, hein,
et qui ne peut pas être apaisée de façon jugée acceptable, hein. Je pense que
c'est ça les plus... les critères les plus importants.
La problématique que je soulève, c'est que
dans la description, hein, antérieure de ce qui constitue des souffrances
insupportables, on sait que les personnes n'ont pas envie de devenir
dépendantes d'autrui, de se penser comme étant un fardeau, de ne plus
reconnaître les proches. Mais ce qui est important de remarquer, là, c'est
qu'on peut se trouver dans ces états tout en n'étant pas... en étant en
situation de grande souffrance, là. Et en réponse aussi au ministre, tout à
l'heure, pour avoir accès à l'aide médicale à mourir, dans tous les cas, la
souffrance doit être contemporaine, hein. Ça doit être la souffrance de la
personne malade et non pas la souffrance...
M. Maclure (Jocelyn) : ...anticipée
de la personne qui s'imagine devenir un fardeau pour ses proches. Et donc le
point, ici, c'est qu'il faut le plus possible objectiver cette souffrance-là.
Et, bon, je sais que certaines personnes n'ont pas envie de devenir dépendantes
d'autrui, hein, mais ça peut tous nous arriver. Et si la personne a, par
ailleurs, une certaine qualité de vie, je vous invite à revoir le cas de
Margot, discuté dans notre rapport, qui a acquis des nouveaux plaisirs, des
nouveaux intérêts. Bien, notre message, ici, c'est : il ne faut pas
procéder trop tôt à l'aide médicale à mourir. Il faut attendre, hein, que l'état
de santé se dégrade, et que les souffrances soient objectivables.
M. Birnbaum : Merci.
Troisième question, brièvement. Vous avez recommandé, en quelque part, qu'une
place accrue soit accordée, dans le projet de loi, aux proches. Pas facile.
Envisagez-vous des problèmes possibles s'il y a une discordance entre deux
proches, si les proches n'auraient pas été identifiés de façon claire par la
personne en question? N'y a-t-il pas, dans un premier temps, une façon de
nommer un de ses proches comme tiers? Voyez-vous des problématiques, dans votre
recommandation, qu'une place plus grande soit accordée aux proches?
Mme Filion (Nicole) : Je ne
vois pas de hiérarchie en ce qui a trait à l'importance des proches.
C'est-à-dire que je pense que c'est une... les proches sont une mine
d'informations qu'il ne faut pas négliger. C'est assez étonnant que, par
exemple... qu'on lit, par exemple, dans le projet de loi n° 38, que les
proches ne sont pas informés des conclusions du professionnel concerné avant
d'administrer l'aide médicale à mourir. Alors, les proches ne sont pas informés
non plus au terme de l'examen effectué par le professionnel. Qu'en est-il? M.
Maclure et moi sommes d'avis qu'il y a une place prépondérante, quand même, à
faire aux proches, toujours sous réserve de la volonté de la personne, qui,
comme je le disais plus tôt, pourrait ne pas vouloir impliquer ses proches dans
la démarche d'aide médicale à mourir. Alors, je pense que l'équipe soignante ne
devrait pas se priver de l'apport de proches dans des situations aussi graves
et importantes que l'administration de l'aide médicale à mourir à une personne
inapte.
M. Birnbaum : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, nous allons poursuivre
maintenant avec le député de Rosemont. Vous disposez de
2 min 37 s.
M. Marissal : Avec le
consentement des collègues, M. le Président, je transférerais mon temps à la
collègue de Joliette cette fois-ci.
Le Président (M. Provençal)
:Consentement?
Des voix : Consentement.
Mme Hivon : Merci infiniment
à mon collègue, je vais lui revaloir ça. Donc, merci beaucoup. J'ai beaucoup de
questions pour vous, donc je vais vous les présenter. J'ai à peu près cinq
minutes maintenant, grâce à ce don, et donc vous pourrez voir l'ampleur des
questions.
Un, je pense que vous venez de faire
ressortir qu'on peut dire qu'on ne veut pas être incontinent, qu'on ne veut pas
vivre en CHSLD, ce n'est pas parce qu'on aurait dit ça que ça veut dire qu'on
va avoir une souffrance. Donc, il faut être vraiment clairs sur les
souffrances. Nous, dans notre rapport, on avait comme un entre-deux. On parlait
de signifier à l'avance les manifestations de l'état qu'on ne souhaitait pas
voir survenir, par exemple, qui pourraient être plus larges, et, par exemple,
d'indiquer aussi les souffrances. Et puis ensuite, au moment deux, là, il faut
vraiment être sûrs qu'il y a des souffrances contemporaines, objectivables, et
tout ça. Mais pour avoir une meilleure idée de ce que la personne envisage dans
son parcours, on parlait plus largement, pas juste des souffrances, mais des
manifestations de son état. J'aimerais vous entendre là-dessus.
L'autre chose, les souffrances, le déclin
avancé irréversible, vous avez bien fait ressortir... c'est un des critères fondamentaux
de l'article actuel, 26... lui, il ne se retrouve plus dans les critères au
moment deux de l'administration, c'est-à-dire qu'on n'est plus obligés de
constater en temps réel le déclin avancé irréversible. Il ne se retrouve, à
moins que j'erre... mais juste à 29.2, via les souffrances qui vont être
décrites, et qui doivent être liées à un déclin avancé irréversible. Mais, je
ne sais pas si vous me suivez, au moment deux, moi, je pense qu'il faut encore
être sûrs qu'on est dans ça, pas juste quand on le prévoit. Je vois une légiste
qui hoche de la tête, donc peut-être qu'il m'a manqué quelque chose, donc. Mais
je voulais vous entendre là-dessus.
Ensuite de ça, le tiers de confiance,
c'est vraiment... on doit vous rendre à César ce qui est à César, ça provient
de votre rapport qu'on est amenés... on a amené cette idée-là. Mais maintenant,
quand vous regardez dans le projet de loi, à 29.11, deuxième...
Mme Hivon : ...la demande, là,
ce n'est pas le tiers de confiance qui agite le drapeau. C'est vraiment la
responsabilité du professionnel. Je veux savoir ce que vous pensez de ça.
Est-ce que c'est trop lourd de demander ça? Et est-ce que ça pourrait figer les
professionnels parce qu'ils n'auront pas le goût de s'embarquer là-dedans,
puis, donc, laisser des gens entre deux chaises. Et finalement, j'en aurais
plein d'autres, mais le refus, votre solution, est ce que c'est la sédation?
Est ce que c'est la personne qui le dirait à l'avance, si je refuse, je veux
quand même l'avoir. Est-ce que c'est un recours au tribunal, et est-ce qu'on ne
devrait pas parler de refus catégorique parce que c'est déjà présent, ça, dans
le Code civil pour la personne inapte, la notion de refus catégorique. Donc,
voilà.
Est-ce qu'une autre souffrance, qui
arriverait en fin de parcours : Vous êtes inapte, vous avez l'Alzheimer,
mais vous avez un cancer, en plus, qui vous fait souffrir. Est-ce qu'on exclut
ces souffrances-là parce qu'ils doivent absolument être liées à la maladie
d'Alzheimer ou on les considère?
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
beaucoup pour ces excellentes questions. Donc, je vais essayer modestement de
répondre à certaines d'entre elles. Par rapport à la première question, je
pense que le sens de notre recommandation ici n'est pas de dire qu'on devrait tout
simplement exclure la possibilité, hein, de rédiger ou de décrire, hein, ce qui
est pour nous, hein, des souffrances insupportables.
Je pense que c'est le statut donné à cette
réflexion et moi, je pense qu'on devrait plutôt voir ça comme un témoignage,
hein. C'est un témoignage, la personne qui témoigne de ce qu'elle juge comme
étant des souffrances insupportables, un témoignage qui a pour but d'aider le
personnel de la santé à bien comprendre cette personne-là. Mais dans le projet
de loi, me semble-t-il, on trouve une espèce d'exigence, là, d'adéquation entre
les souffrances décrites et la situation contemporaine. Et c'est ça qui nous
semble peut-être excessif, mais en temps... un peu comme une espèce de schème
interprétatif, là, qui nous aide à mieux comprendre une personne qui est
devenue inapte, ça peut avoir une importance considérable, mais ce qui est
vraiment déterminant, ce sont les autres critères, là, dont vous avez parlé. Et
ça m'avait échappé, là, que le déclin avancé, irréversible, n'était pas
mentionné, là. Je ne suis pas un juriste, encore moins un légiste, mais si
c'est le cas, ça pose effectivement un problème. Mais c'est ça il faut plutôt
s'assurer que ce déclin est bel et bien là et que les souffrances, hein,
objectivement, on est capables de constater que la personne, hein, souffre et
c'est ce qui est... le plus important.
Je vais laisser Nicole par rapport aux
tiers de confiance. Sur le refus, bon, je pense que la question est ce qu'on
procède à la sédation, c'est une des grandes questions. Ce n'est pas... le
groupe d'experts interdisciplinaire, là, on n'a pas été dans le fin détail sur
le protocole, ce que j'appelais le protocole médical, mais ça doit absolument
être fait. Et je pense qu'on pourrait s'appuyer sur comment on utilise la
sédation dans d'autres contextes, y compris avec des personnes qui ne sont plus
aptes à consentir à leurs soins, hein. Il y a déjà des protocoles dans d'autres
types de cas et on pourrait s'appuyer là-dessus. Et j'aime beaucoup cette idée
que dans le fond, au moins pour réfléchir, là, est ce qu'on devrait demander
aux personnes d'autoriser à l'avance l'usage de la sédation? Ça, ça me semble
parfaitement conforme à l'esprit des recommandations en faveur des déclarations
anticipées d'aide médicale à mourir. Donc, je pense que c'est une proposition à
prendre très au sérieux. Nicole.
• (18 heures) •
Le Président (M. Provençal)
:Rapidement, parce que le temps est
écoulé. Mais je veux quand même avoir... vous laisser la parole, madame.
Mme Filion (Nicole) : Oui, je
vais être brève. Je pense que la personne qui a pris la peine de faire une
demande d'aide médicale à mourir en prévision de son inaptitude souhaite au
plus profond de son cœur que ses volontés soient respectées ou à tout le moins
considérées dès le moment venu. Donc, on ne devrait pas se priver de toute
personne qui pourrait, comme vous dites, madame Hivon, agiter le drapeau et
signaler, que ce soit le professionnel, le tiers de confiance, un proche, mais
de signaler à l'équipe soignante qu'ils ont observé des souffrances, et donc,
pouvez-vous considérer la demande de mon proche en conséquence? Et je pense que
ça, ça vient respecter l'objectif du respect à l'autodétermination et la
dignité de la personne. Voilà.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, merci. Nous allons terminer
cette période d'échanges avec la députée de Maurice Richard pour les deux
minutes 20 secondes qui restent.
Mme Montpetit : Je vous
remercie M. le Président. Bonjour à tous les deux...
18 h (version non révisée)
Mme Montpetit : ...Peut-être...
Je pense qu'il manquait peut-être une petite réponse à la dernière question que
ma collègue a posée sur, si une maladie... Advenant qu'une maladie impliquant
des souffrances arrivait en fin de parcours et il ne faisait pas partie, dans
le fond, du corpus de maladie du départ, comment vous envisagez ça? Je pense, c'est
une question fort pertinente, là.
M. Maclure (Jocelyn) : Oui,
tout à fait, et c'est tout à fait possible, hein, en fin de vie que ça
survienne. Mais, comme je le disais, ce sont les souffrances contemporaines,
hein, qui sont déterminantes. S'il y a des souffrances non anticipées qui
surviennent, je pense que ça fait tout à fait partie, hein, de l'état de santé
et des souffrances objectivables de la personne. Donc, oui, ça pourrait
déclencher, donc, l'application d'une demande anticipée, même si c'est lié à
une autre maladie ou à un autre état de santé.
Mme Montpetit : Merci
pour la précision. J'ai très peu de temps malheureusement, moi aussi j'aurais
beaucoup de questions, mais je voudrais vraiment revenir sur la question. Tu
sais, vous avez émis des réserves quand même assez importantes sur certains
éléments, dont sur la question du refus, là, qui a été abordée aussi par mes
collègues. On le sait, là, les personnes souvent justement qui ont des troubles
cognitifs vont avoir de la résistance à certains soins. Puis je comprends vos
réserves par rapport à ça, là, de ne pas faire une adéquation entre cette
résistance-là et le refus. Mais comment vous verriez... Quelle pourrait être la
réponse à ça? Est-ce que c'est de revenir par... d'encadrer ça par un refus
répété, ou peut-être d'impliquer aussi le jugement professionnel... le jugement
du professionnel davantage aussi dans le projet de loi?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui.
Bon, une bonne part de la réponse s'en tient à ce qui va être décidé par
rapport à l'usage de la sédation, hein? Parce qu'évidemment, si on n'utilise...
on fait un usage de la sédation, la personne va être dans un état plus calme.
Mais, bon, on n'a pas besoin de reporter une procédure comme celle-là, hein, il
n'y a pas... ce n'est pas une catastrophe, hein, comme ce sont des maladies
dégénératives, à un moment, l'état de santé va se dégrader. Et je pense que,
pour l'ensemble des intervenants, il va être clair que la personne n'a
absolument plus aucune qualité de vie, et que c'est le temps, là, de respecter
sa demande.
Donc, je pense que c'est avec les proches
et les professionnels de réévaluer, dans le temps, l'état de la santé de la
personne.
Mme Montpetit : ...
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup à vous deux pour votre
contribution et votre participation à nos travaux, surtout de votre
disponibilité.
La commission va suspendre ses travaux
jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 18 h 5)
19 h (version non révisée)
(Reprise à 19 h 31)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, bienvenue à la Commission de
la santé et des services sociaux. La commission est réunie afin de poursuivre
les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 38,
Loi modifiant la loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives. Ce soir, nous entendrons par visioconférence les
personnes et groupes suivants : Le Barreau du Québec, conjointement avec
la Chambre des notaires, l'Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec et le docteur David Lussier. Excusez-moi.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants du Bureau... du Barreau du Québec, excusez-moi, et de la Chambre
des notaires du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de dix minutes pour
l'ensemble de vos deux groupes, après quoi nous procéderons à la période d'échanges
avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à débuter
votre exposé. Je vous cède la parole.
Mme Claveau (Catherine) : Alors,
M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, alors je
suis Catherine Claveau, Bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée de Me Sylvie
Champagne qui est notre directrice des affaires juridiques. Le Barreau du
Québec vous remercie de l'avoir invité à participer aux consultations
particulières entourant ce projet de loi important. Compte tenu des délais
extrêmement courts entre le dépôt du projet de loi et notre comparution...
19 h 30 (version non révisée)
Mme Claveau (Catherine) : ...nous
avons besoin de quelques jours avant de vous transmettre notre mémoire.
Le Barreau a participé à la réflexion
entourant l'aide médicale à mourir avec grand intérêt, et ce, dès mai 2010,
soit lors de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité.
L'accès à l'aide médicale à mourir soulève des questions juridiques
importantes. Une grande partie de ces questions a été réglée par la Cour
suprême du Canada en 2015, alors qu'elle a établi le régime juridique légal en
matière d'aide médicale à mourir, en tenant compte des principes fondamentaux
suivants : le droit à l'autodétermination, à la vie et à la dignité de la
personne; le droit à l'accès aux soins de fin de vie et à l'aide médicale à
mourir; le droit à l'égalité, droit incontournable lorsque vient le temps de
réaliser pleinement le droit à la vie et le droit à l'autonomie de chaque
personne apte à consentir à l'aide médicale à mourir; et enfin, la protection
contre la discrimination, plus particulièrement en évitant de perpétuer les
stéréotypes visant les groupes de personnes considérées vulnérables, en
concluant, d'entrée de jeu, à leur incapacité à pleinement consentir à l'aide
médicale à mourir.
C'est dans ce contexte que nous souhaitons
vous faire part de certains commentaires concernant quatre aspects du projet de
loi n° 38. Premièrement, nous réitérons la nécessité de suivre les
enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Carter. Dans cet arrêt,
la Cour suprême a reconnu que l'aide médicale à mourir devrait être accessible
selon les conditions suivantes, et je cite : «la prohibition de l'aide d'un
médecin pour mourir à une personne - donc, l'aide médicale à mourir - est
nulle, dans la mesure où elle le prive de cette aide; un adulte capable, dans
le cas où, un, la personne touchée consent clairement à mettre fin à ses jours,
et, deux, la personne est affectée de problèmes de santé graves et
irrémédiables, y compris une infection, une maladie ou un handicap lui causant
des souffrances persistantes, qui lui sont intolérables au regard de sa
condition.». Actuellement, la Loi concernant les soins en fin de vie ne se
conforme pas à cet arrêt, puisqu'elle ne reconnaît pas le handicap comme seul
motif d'accès aux soins de vie, et maintient l'exigence d'un déclin avancé et
irréversible des capacités de la personne. Afin d'établir un régime clair,
égalitaire et bienveillant en matière d'accessibilité à l'aide médicale à
mourir, en 2019, la Cour supérieure abonde dans le même sens dans la décision
Truchon, de la Cour supérieure.
Le deuxième aspect, qui ne peut demeurer
sous silence, est l'absence d'harmonisation du Code criminel et de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Le Québec a été la première province à
légiférer sur cette question. Toutefois, depuis 2015, il y a une valse de
projets de loi qui font en sorte qu'il est difficile, voire périlleux pour les
juristes, patients et médecins de s'y retrouver. En effet, il est primordial
pour la protection du public et les professionnels compétents qui auront à
administrer l'aide médicale à mourir que les conditions soient claires,
précises et surtout qu'elles ne soient pas contradictoires.
Cet aspect est interrelié à notre prochain
commentaire qui touche les nouvelles dispositions particulières concernant les
demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Pour l'instant, le Code criminel
ne prévoit que deux exceptions ou l'aide médicale à mourir peut être prodiguée
sans le consentement contemporain de la personne, à savoir la renonciation au
consentement final est permise pour la personne dont la mort est
raisonnablement prévisible et lorsque la personne a commencé l'autoadministration
et perd conscience lors de l'autoadministration de l'aide médicale à mourir.
Nous estimons que cette disposition ne devrait pas entrer en vigueur avant une
modification du Code criminel. Autrement, cela ne favoriserait pas l'accès pour
les demandes anticipées en raison de crainte justifiée de poursuites
criminelles pour les professionnels compétents autorisés à poser cet acte
médical.
Quant à la possibilité que les formulaires
soient signés en présence d'un médecin, de deux témoins ou devant notaire, sous
forme d'un acte notarié en minute, nous nous interrogeons sur l'opportunité de
quantifier ce document par voie notariée, procédure plus coûteuse et
inutilement formaliste.
Puisque le diable est dans les détails,
plusieurs aspects du projet de loi sont présentement étudiés par nos experts.
Nous réitérons qu'il nous fera plaisir de vous soumettre d'autres commentaires
dans notre mémoire que nous vous transmettrons dans les prochains jours. Nous
vous remercions encore une fois pour cette invitation et nous sommes prêtes à
recevoir vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, est-ce que les gens de la
Chambre des notaires ont une présentation à faire?
M. Lambert (Jean) : Certainement,
M. le Président. Alors, tout d'abord m'accompagne...
M. Lambert (Jean) : ...Me
Brunelle, directeur général de la Chambre, et moi, mon nom, Jean Lambert,
ex-président de la Chambre et responsable du dossier de l'aide médicale à
mourir à la Chambre depuis plus de dix ans.
Alors, tout d'abord, je voudrais remercier
et féliciter le ministre d'être d'allé de l'avant avec un projet de loi sur un
sujet aussi complexe et sensible. Et d'avance, aussi, je remercie les
parlementaires de l'opposition d'agir dans un cadre non partisan pour le
bénéfice de nos citoyens tel que ce dossier a connu depuis 2013-2014.
Pourquoi imposer l'acte notarié? Alors,
c'est une question de confiance. Comme l'a soulevé le Conseil canadien des
académies, il y a un haut degré d'incertitude et d'anxiété qui entoure ces
questions. Confiance. Depuis plus de 40 ans, les sondages indiquent que la
confiance du public envers les notaires les situe en haut de la liste avec les
médecins. Et un sondage CEFRIO du ministère de la Justice de mai 2019 classe le
notaire au premier rang au plan de la confiance du public avec 84 %.
Le notaire est une distinction du Québec,
la véritable selon moi, je reconnais que je suis biaisé, mais dans le cadre des
discussions identitaires que nous avons, le notariat ne se retrouve nulle part
ailleurs au Canada, alors qu'on parle français ailleurs. Il y a des lacs, des
sapins ailleurs qu'au Québec. Donc, nous sommes vraiment une distinction. Et
pourquoi? Parce que le droit civil privilégie la prévention, donc le
législateur, en accordant le statut d'officier public au notaire a voulu que
certains écrits de l'ordre privé soient d'une fiabilité et d'une sécurité à toute
épreuve et donc accorde une force probante qu'aucun autre écrit n'a, les situe
au rang de l'État.
Niveau d'incertitude chez la personne,
chez les soignants, chez le tiers de confiance s'il y a lieu, donc ce
professionnel du droit particulier qu'est le notaire, dans sa plus grande
tradition de son devoir de conseil, voit à ce que les choses soient bien dites,
bien rédigées, avec rigueur, et surtout que les personnes qui ont un
consentement à donner le donnent en toute clarté et connaissance de cause, après
avoir été bien informées. Et pour les soignants, qu'il y ait la garantie
certaine de l'identité de la personne qui aura signé, que son consentement aura
été donné d'une façon tout à fait éclairée et surtout qu'il y ait assurance que
tous les prés requis et les formalités préalables soient satisfaites et chez le
tiers de confiance, évidemment, qu'il y ait une bonne compréhension de
l'étendue de ses obligations et aussi de l'importance du maintien d'une
relation avec la personne qui formule la demande, évidemment, pour qu'on
puisse, le moment venu, s'assurer que la personne avait toujours conservé ces
valeurs et maintenu sa volonté. Et à l'occasion, le notaire recommandera au
tiers de confiance de consulter une ressource psychosociale face à la charge
émotive qu'il aura à vivre lorsque le moment sera venu.
• (19 h 40) •
Le Code criminel, à son
article 241.2, demande que le témoin soit indépendant et clarifie très
clairement que le personnel soignant, donc le professionnel compétent, ne peut
pas être seul témoin. Alors, par acte notarié, le notaire sera définitivement
ce témoin indépendant, et parce qu'il est bien que le législateur québécois
prévoie aussi l'engagement précis et présence du professionnel compétent.
Les obligations déontologiques, la formation,
tout comme ce fut le cas lors des procédures devant notaire pour l'ouverture
d'un régime de protection et l'homologation de mandats, alors, les notaires
auront probablement une accréditation si tel le veut le législateur, mais ce
qui est certain, c'est que le notaire ne peut s'aventurer dans une matière dont
il ne connaît pas et dont il n'a pas la formation appropriée. Alors, l'acte
notarié technologique pourra aussi faciliter les choses en cas de difficultés
de déplacement.
Et je termine en disant qu'il s'agit ici
du rôle social de la profession, il n'est pas question ici d'un enrichissement
en vue et probablement que le législateur...
M. Lambert (Jean) : ...pourra
prévoir que les frais et l'honoraire du notaire, comme tous les autres
professionnels impliqués, soient assumés par l'État selon une tarification
réglementée. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup à vos deux groupes
pour la présentation. Nous allons débuter la période d'échange avec M. le
ministre, à vous la parole.
M. Dubé : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, Me Claveau, Me Champagne, je vais commencer par vous.
Encore une fois, comme je l'ai dit à d'autres aujourd'hui, on s'est vus pas mal
souvent dans les derniers mois. Merci encore. Puis je le sais que le temps a
été court pour vous aider à... donner le temps à préparer une bonne
présentation. Mais merci beaucoup d'être là, encore une fois.
Moi, je vais me... Parce que vous avez...
On a discuté, je pense, amplement jusqu'à maintenant la question de
l'harmonisation avec le fédéral, là, puis je pense qu'on a... on comprend votre
position. Mais j'aimerais mieux, moi, me concentrer sur la demande anticipée
parce que je pense que du côté... puis je pense que les Québécois le comprennent
bien, là, c'est qu'en ce moment, ce n'est pas de savoir si on rattrape ou pas
le fédéral. Je pense, ce point-là a été amplement discuté. Mais ce que
j'aimerais savoir, c'est : Si on va plus loin que le fédéral, ce qui est
le cas de la demande anticipée pour le moment, qu'est-ce qu'on peut faire en
attendant?
Vous, vous recommandez... puis je ne veux
pas vous mettre les mots dans la bouche, ça fait que je vais vous demander de
peut-être préciser si j'ai bien compris. Vous pouvez dire : Oui, vous devriez
attendre que le fédéral ait pris position pour ne pas remettre encore une
couche qui ferait qu'il y aurait un besoin d'harmonisation. Mais j'aimerais
vous entendre que cette espèce de leadership là qui a été pris par le
gouvernement du Québec, là, dans les années 2015 et suivantes, même si ça a été
rattrapé par le fédéral, j'aimerais ça voir comment vous pensez que légalement,
parce que c'est votre rôle, au Barreau, puis on a beaucoup confiance dans vos
opinions, comment ça pourrait se faire.
Un, nous, l'option qu'on pouvait peut-être
considérer, c'est d'avoir une date d'application qui est différée, du projet de
loi. Ça peut être une façon de faire, mais il y a d'autres façons. Est-ce qu'on
peut s'entendre avec les procureurs qu'il n'y aurait pas de mesures qui
seraient appliquées, de contraventions au Code criminel? Alors, moi, je vous
dis, en prenant l'hypothèse que nous allons passer le projet de loi qui donne
ça, comment on peut aider ce leadership-là québécois, tout en répondant à la
loi? Vous me suivez? Parce que...
Une voix : C'est très clair.
M. Dubé : O.K. Alors, est-ce
que vous avez des suggestions, à part une date différée?
Mme Champagne (Sylvie) : Mais,
en fait, nous, ce qu'on pense, c'est que vous pouvez adopter si vous voulez
effectivement avoir le leadership. Parce que dans le Code criminel, comme vous
l'avez dit, il n'y a pas la possibilité de faire une demande d'aide médicale
anticipée. Par contre, si vous mettez une date d'entrée en vigueur qui va être
un peu plus loin, il faut savoir qu'on n'a pas évidemment de boule de cristal
puis on ne sait pas à quel moment le Code criminel va être modifié. Donc, il
faudrait quand même le mettre assez loin.
On sait qu'il y a une date au fédéral. Le
fédéral doit se repencher sur la question de l'aide médicale à mourir pour
notamment réglementer ceux qui souffrent de trouble mental. Et donc, peut-être
qu'à ce moment-là, s'ils voient le leadership du Québec, ils pourront regarder
aussi les demandes anticipées. Mais il faudrait la mettre assez loin.
Ou une autre façon que nous, on
privilégie, c'est d'attendre d'être prêts, que tous les formulaires soient
prêts, mais d'attendre que le Code criminel soit modifié et d'y aller par
décret.
M. Dubé : ...la partie que
j'aime moins, mais ça, c'est ma partie personnelle, là. Mais ce que j'aimerais
vous demander, c'est qu'il y a deux... Bien, je pense qu'il y a plus qu'une
façon. On peut mettre une date très loin ou on peut dire que cette date-là sera
décidée par décret. Hein, ça peut être ça aussi. Parce que, je veux dire, on
n'a pas besoin de s'entendre sur une date, mais de dire simplement que ça
pourra être voté par un gouvernement en place au moment où il juge bon le
faire. Mais le projet de loi, lui, a pu être adapté conditionnellement à une
date qui serait décrétée plus tard.
Le deuxième point, c'est qu'est-ce qu'il y
a eu des cas où, puis là je vous demande à l'expertise du Barreau, puis, pour
moi, elle est importante... d'avoir de ces cas-là où on a décidé qu'il pouvait
y avoir une discussion avec les différents procureurs pour dire : Écoutez,
pour régler l'enjeu des médecins qui se retrouvent un peu en porte-à-faux entre
ces deux lois-là, de ne pas agir...
M. Dubé : ...est-ce qu'il y a
déjà eu des espèces de gel de poursuite jusqu'à tant que le différend soit
réglé? Est-ce que vous avez eu connaissance qu'il y a des cas comme ça ou des
discussions qui auraient déjà eu avec les procureurs pour éviter que ces
inconforts-là soient mis devant les médecins?
Mme Champagne (Sylvie) : Pas
à notre connaissance. Mais, vous savez, le Barreau, ça fait longtemps qu'on
demande l'harmonisation. Et, à ma connaissance, il n'y a pas eu de directives
publiques, là, d'émises par le Directeur des poursuites criminelles et pénales.
Alors, si vous voulez aller dans ce sens-là, je pense qu'il faudrait que ça
soit très transparent et que le DPCP fasse une directive puis qu'elle soit
affichée avec toutes les autres directives pour que les médecins et,
maintenant, si le projet de loi est adopté, les infirmières...
M. Dubé : ...les demandes
anticipées. Moi, ma préoccupation c'est pour les demandes anticipées. Mais
étant donné votre grande connaissance... Puis ce que je voudrais, c'est que, si
vous étiez au courant de cas semblables où ça a été appliqué, comme vous allez
nous aider dans les prochains jours, puis je pense qu'on va encore en parler
pendant encore au moins quelques jours, si vous pouviez nous donner cette
information, moi, ça m'aiderait, parce que je voudrais voir s'il y a d'autres
façons de contourner le problème.
Mme Claveau (Catherine) : On
l'a pris en note.
M. Dubé : Pour ce qui est
de... puis je vais laisser mes collègues, là, mais pour ce qui est des actes
notariés, je comprends votre opinion que vous trouvez que ça... peut-être
alourdir le processus, mais je vais en a profiter pendant qu'on a Me Lambert et
Me Brunelle qui sont là. Me Brunelle, dites-moi donc... donnez-moi donc
d'autres exemples de cas où... Parce qu'ici, dans le projet de loi, pour que
les Québécois comprennent bien, puis c'est peut-être moi qui n'a pas compris,
mais on donne le choix aux Québécois de faire deux choses, ou bien cette
entente-là va être signée avec deux témoins, ou bien on va donner le choix
d'aller chez le notaire. Je pense que, si je résume, là, c'est peut-être
sursimplifié, mais est-ce que... Premièrement, est-ce que ma compréhension est
bonne? Puis, deuxièmement, est-ce qu'il y a d'autres cas d'inaptitude ou
d'autres mandats qui sont donnés où on donne ce choix-là aux Québécois,
c'est-à-dire de s'entendre devant témoins ou d'enregistrer avec un notaire à la
Chambre des notaires? Parce que l'important c'est d'avoir un registre à
quelques pas. J'aimerais juste ça vous l'entendre. Parce que c'est quand même
un acte très important qu'on est en train de définir là, c'est un acte où on
demande l'aide médicale à mourir. Je voudrais vous entendre. Est-ce qu'il y a
d'autres cas que des cas d'aide médicale à mourir où on donne aux Québécois le
choix de soit convenir entre eux ou de le donner à un notaire, par exemple?
M. Brunelle (Stéphane) : Bien,
un des choix simples, c'est le mandat en cas d'inaptitude, hein, qui pourrait
être fait devant témoins, mais les gens vont préférer... puis la preuve, on en
a 3 500 000 dans les registres des testaments et mandats, des mandats notariés,
où les gens vont préférer s'en remettre à un notaire qui va leur donner un
conseil éclairé sur la portée des engagements qu'ils vont confier à un
mandataire. Et, sur la suite, bien, je vais lancer le relais à Me Lambert qui
est vraiment, là, notre expert de contenu.
M. Dubé : C'est exactement ce
que j'avais en tête, mais je voulais vous entendre pour être sûr que j'avais la
bonne compréhension, que c'est peut-être comparable. Mais je vous laisse peut-être,
Me Lambert, compléter.
M. Lambert (Jean) : M. le
ministre, il y a également l'ouverture des régimes de protection où ça peut...
• (19 h 50) •
M. Dubé : Excusez-moi, je
n'ai pas compris.
M. Lambert (Jean) : L'ouverture
des régimes de protection, mandats, les personnes curatelles, etc. Ça peut être
fait devant notaire. Avant l'an 2000, ce n'était pas possible. Depuis l'an
2000, ça peut être fait, et le notaire fait la procédure d'un bout à l'autre,
et dépose ses conclusions au greffe de la cour qui s'assure que la procédure a
été suivie, mais ne touche pas le fond de ce qui s'est fait par le notaire, ou
les gens peuvent aller voir un avocat, ou aller voir quelqu'un dans une
clinique populaire pour faire la procédure devant notaire... devant le
tribunal. Donc, il y a déjà là aussi un choix. Depuis l'ouverture des
procédures devant notaire, la majorité se font devant notaire parce que c'est
beaucoup plus facile, plus simple pour les gens, c'est... le délai est beaucoup
plus court.
M. Dubé : Puis pour ce qui
est du registre, parce que je pense qu'il est important, lorsqu'une entente
comme ça est faite puis que le diagnostic... je vais donner un exemple très
simple, et serait porté sur une maladie d'Alzheimer, disons, aujourd'hui, et
que les signes qui justifieraient l'acte, comme tel, serait 10 ans plus
tard, puis qu'on n'a pas le bon médecin ou que le médecin a pris sa retraite,
tout les cas qu'on a entendus depuis quelque heures, l'avantage du notaire,
c'est que tous vos actes notariés devant...
M. Dubé : ...Dans le
registre ou de la Chambre des notaires, là, je ne sais pas comment exactement
l'appeler, mais il n'y aurait pas...
M. Lambert (Jean) : ...
M. Dubé : oui, pardon?
M. Lambert (Jean) : Non,
allez-y, poursuivez, j'interviendrai après.
M. Dubé : ...de voir
c'est quoi, l'équivalent de ça. Ou que, si c'est deux Québécois qui décident de
s'entendre pour l'aide médicale à mourir, est-ce qu'il y aurait un registre
aussi de la même façon? Quel est... en tout cas, je vous pose la question, mais
je vous entendre, c'est quoi la différence entre l'avoir au registre des
notaires versus à un registre d'aide médicale à mourir où on peut s'assurer
qu'on fait un suivi? C'est quoi, l'avantage, si avantage il y a?
M. Lambert (Jean) : L'avantage
de l'acte notarié n'est pas au niveau des registres, M. le ministre, parce que
le notaire, comme dans le cas des directives médicales anticipées, il fait
l'inscription au registre de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Donc,
au niveau des registres, là, il n'y a pas de problème. L'avantage de l'acte
notarié, c'est qu'il est conservé; les actes notariés, ce sont les seuls écrits
privés qui doivent être conservés par la loi. Et quand le notaire cesse
d'exercer, c'est un autre notaire ou le greffe de la Cour supérieure qui les
prend, donc c'est des documents qui sont conservés continuellement.
Mais les avantages de l'acte notarié se
situent ailleurs pour les demandes d'aide médicale à mourir. Je ne sais pas si
vous voulez poursuivre là-dessus, mais voilà.
M. Dubé : Bien, c'est
clair.
M. Lambert (Jean) : Je
dois dire... Oui?
M. Dubé : Mais je suis
agréablement surpris qu'il y ait trois point 5 millions de Québécois qui
ont signé un acte notarié pour des mandats d'inaptitude, c'est... ça me
surprend.
M. Lambert (Jean) : Vous
savez, M. le ministre, le notaire, c'est le juriste des familles :
naissances, mariages, acquisition d'une maison, planification de sa succession,
testament et règlement de succession, vous retrouvez le notaire d'un bout à
l'autre de cette chaîne. Et particulièrement au niveau, par exemple, du choix
des mandataires, il y a une discussion qui est tout à fait semblable à celle
que le notaire aura avec la personne qui veut formuler une demande anticipée
quant au choix du tiers de confiance. Il s'agit de s'assurer que c'est une
personne qui va être capable d'être à la hauteur, alors, et ça, c'est à la
discussion. On le voit souvent, les gens nous arrivent pour désigner un
mandataire et on dit : Votre fils, là, bardé de diplômes en finance, il
va-t-u avoir la sensibilité, lorsqu'il va agir comme protecteur à la personne,
ou s'il n'y a pas quelqu'un d'autre dans votre famille qui serait mieux? Et là,
les gens disent : Savez-vous, vous avez raison, notaire, c'est vrai, je
n'avais pas pensé à ça, mon garçon, il est bien bon, mais il ne saura pas si
j'ai tout ce qu'il faut à mon lit à l'hôpital, lui, il va être dans les
Finances. Alors donc, on voit qu'ici le rôle de conseil du notaire, il est clé.
M. Dubé : ...vous qui
lui dites ça plutôt que le parent, mais ça, c'est bien correct, de votre part,
de prendre cette chaleur-là.
M. Lambert (Jean) : Bien,
c'est notre rôle.
M. Dubé : Non, non.
O.K., bien, moi, ça répond à mes questions. Puis merci, ça fait du bien de rire
un peu ce soir, là. Alors, je vais laisser mes collègues continuer, mais merci
au barreau parce que... Et la chambre des notaires, j'ai beaucoup apprécié vos
interventions.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Roberval, 2 min 30
s.
Mme Guillemette : Merci,
M. le Président. Moi... sur le tiers de confiance parce qu'on a cet aspect-là
dans notre projet de loi. Puis il y a deux écoles de pensée, en fait, et il y
en a une qui dit que le tiers de confiance ne devrait pas avoir de lien
significatif, là, au niveau financier ou bien quelconque. Qu'est-ce que vous
pensez de ça? Parce que dans votre pratique, vous avez dû en voir, là, des
vertes et des pas mûres, là, à ce niveau-là, du tiers de confiance, qui devra
dire, à ce moment-là : Bien, je crois que Monsieur ou madame X ou mon père
ou ma mère est devenu... Et au moment où il souhaiterait partir. Est-ce qu'il
peut y avoir un danger là?
Des voix : ...
M. Lambert (Jean) : Est
-ce que c'est moi qui... Non, c'est toi qui...
Une voix : Il est ouvert.
M. Lambert (Jean) : Ah
bon. Excusez-moi, je vais... je pense que l'aiguilleur n'était pas trop certain
à qui vous adressiez la question, alors est-ce que vous vous adressez à nous,
les notaires?
Mme Guillemette : Oui.
M. Lambert (Jean) : Si
c'est à nous, je vous dirais que, oui, effectivement, il y a une possibilité de
danger. Et déjà, le Code criminel dit que, si une personne peut penser qu'elle
pourrait avoir un avantage successoral, bon, alors c'est certain qu'on
conseillerait peut-être... en fait, pas peut-être, on conseillerait,
définitivement, de voir à rechercher une autre personne qui n'a pas ce lien-là.
Alors, ça, ça fait partie, effectivement, là, de la discussion dont je parlais
sur le choix du tiers de confiance.
Maintenant, il y a une question, si vous
me permettez, subsidiaire qui est arrivée à savoir, si la personne a un
mandataire efficace, le mandat a été homologué, ou un curateur, bien...
M. Lambert (Jean) : ...ça, je
pense que ça va disparaître, là, mais l'assistant de la nouvelle loi sur le
Curateur public et le tiers de confiance, lequel des deux va l'emporter?
Alors, je pense que, comme pour les
mandats, pour les directives médicales anticipées, où on dit qu'elles prévalent
sur les dispositions d'un mandat, je pense qu'on pourrait établir la même
prévalence pour le tiers de confiance, par rapport à un mandataire ou un
protecteur, selon la loi du Curateur public.
Mme Champagne (Sylvie) : Est-ce
que vous me permettez de compléter? C'est terminé?
Le Président (M. Provençal)
:C'est terminé, mais allez-y donc. Une
petite minute, peut-être?
Mme Champagne (Sylvie) : Oui,
je veux juste dire qu'il faut faire attention, que le tiers de confiance, ça ne
sera pas un mandataire. Ce n'est pas un consentement substitué. Donc, il faut
faire vraiment attention pour ne pas faire des raccourcis, ici, parce que le
tiers de confiance ne donnera pas le consentement pour l'aide médicale à mourir,
il va seulement lever un drapeau. Alors, ce n'est vraiment pas le même rôle
qu'il aura à jouer qu'un mandataire.
Le Président (M. Provençal)
:...précision.
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:Non, je m'excuse. Maintenant, je dois
céder la parole au député de D'Arcy-McGee. M. le député.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames messieurs, pour vos interventions assez importantes
pour nos délibérations.
Écoutez, je m'adresse, dans un premier
temps, à Me Lebon, mais, me Champagne, ce n'est pas une mince affaire. Vous
êtes en train, si j'ai bien compris, de nous dire que la recommandation de
notre commission spéciale, le nœud du projet de loi devant nous, en quelque
part, je le dis comme ça, devrait être lettre morte jusqu'à tant, que... vous
n'êtes pas en mesure de prédire, que le Code criminel soit amendé de la bonne
façon. Pas du tout une mince affaire. Vous êtes, comme moi, sans reconnaître
qu'on est dans un champ où il y aurait de la jurisprudence en pleine évolution,
chaque six mois, chaque année.
Je veux dans un premier temps comprendre
si votre recommandation est assez inconditionnelle, dans un premier temps, et
plus important, dans un deuxième temps, de comprendre vraiment, dans l'état
actuel où se trouve notre Code criminel aujourd'hui. C'est quoi? De façon
spécifique... On veut être responsable, comme législateurs, on a l'obligation
de l'être, de comprendre les conséquences, de procéder, comme le Québec, dans
ce dossier-là, a été pionnier déjà et a procédé dans les zones grises, pour en
dire le moins, jusqu'à date. Pouvez-vous, comme je dis, nous clarifier sur ces
deux aspects de question? Est-ce que votre recommandation est inconditionnelle?
Et, si oui, les conséquences que vous jugez très néfastes si on était pour
procéder avec une date identifiée et prescrite avant que le Code criminel soit
amendé de la façon que vous jugez nécessaire.
• (20 heures) •
M. Chamberland (Sylvain) : Je
pense, pour répondre à votre question, il faut faire un petit rappel
historique. Rappelez-vous, quand le Québec a légiféré puis a adopté la loi sur
les soins de fin de vie, il n'y avait pas de disposition, dans le Code
criminel, sur l'aide médicale à mourir. Il y avait comme un vide. Et la loi a
été adoptée, mais elle est entrée en vigueur beaucoup plus tard, c'est-à-dire
en décembre 2015, pour permettre aux professionnels de se préparer. Et, entre
temps, donc en février 2015, il y a eu l'arrêt Carter.
Aujourd'hui, on n'est plus dans la même
situation, c'est-à-dire que le Code criminel a des dispositions qui décrit très
clairement l'exception, dans le fond, qui est reconnue pour l'aide médicale à
mourir, que ça ne sera pas un crime. Et, si on regarde le Code criminel, je
peux vous donner les dispositions précises où il y a la possibilité d'y aller
sans le consentement. Il y a deux cas très précis, que Mme la bâtonnière vous a
mentionné tout à l'heure, c'est lorsque la personne va avoir consenti puis
entre le deuxième moment, où le deuxième médecin va rendre son opinion, va
perdre son aptitude. Il y a une possibilité, là, si elle avait dit, dans son
entente, qu'elle était prête à recevoir quand même l'aide médicale à mourir. Et
ça, c'est l'article 241.2, 3.2 a, qui le prévoit, et 241.2, 3.5 si elle fait
une auto-administration puis elle perd conscience. Outre ça, dans le Code
criminel présentement, il n'y a pas de possibilité de...
20 h (version non révisée)
Mme Champagne (Sylvie) : ...d'administrer
une aide médicale à mourir sans le consentement contemporain. Maintenant, je
pense, comme on vous l'a dit, c'est que le Québec, on est encore en avant pour
les demandes anticipées, et je pense que c'est important de regarder et de
faire l'exercice de bonifier le projet de loi et d'être prêt quand le Code
criminel sera permissif du côté de la demande anticipée.
M. Birnbaum : Donc, je
veux être clair sur ma deuxième question. C'est quoi l'enjeu exact puis précis?
Admettons que, si le gouvernement du Québec a identifié une date pour entrer en
vigueur de la possibilité légale d'agir sur une demande anticipée, est ce que c'est
qu'aux yeux du Code criminel, ça serait illégal ou que ce n'est pas prescrit,
mais c'est une zone grise? Est-ce que c'est votre lecture que ça serait un acte
illégal de permettre dans... Québec avec une date dans un proche avenir?
Mme Champagne (Sylvie) : Mais,
si le Code criminel n'est pas changé, c'est sûr que les médecins ou les
infirmières praticiennes spécialisées, c'est eux, dans le fond, qui vont
administrer l'aide médicale à mourir, et ça va les poser dans une zone très
inconfortable sachant que le Code criminel n'est pas amendé. Donc, vous avez eu
le Collège des médecins, ce matin, qui vous ont dit que pour eux, leur
interprétation était que ça ne serait pas permis. Et placez-vous à la place des
professionnels compétents s'ils sont, comme vous dites, dans une zone en grise
et qu'ils sont passibles de commettre un acte criminel, là, qui n'est pas rien,
qui peut entraîner de la prison, ce n'est pas la situation idéale pour donner
accès aux personnes à l'aide médicale à mourir anticipée. Donc, je pense qu'il
faut... c'est des situations qui sont sensibles, qui sont complexes et je pense
qu'il faut avoir toutes les conditions gagnantes pour permettre, là, tant aux
citoyens d'avoir accès à l'aide médicale anticipée, mais aussi aux
professionnels.
M. Birnbaum : Si je peux
parce que le temps est très limité et je veux vous challenger.
Le Président (M. Provençal)
:Et Me Lambert voulait vous répondre
aussi.
M. Birnbaum : Est ce que
je peux offrir une précision à ma question afin de vous laisser répondre de
façon la plus claire que possible? Vous avez, dans un temps parlé d'une zone
grise, d'une autre fois de long temps, affirmer qu'on parlerait d'un acte peut
être criminel. C'est deux choses différentes. Est-ce que c'est votre lecture
que, comme je dis, si le gouvernement du Québec a déclenché, avec une date
précise, la possibilité de donner suite à une demande anticipée, ça serait de
votre lecture, un acte criminel aux yeux du code d'aujourd'hui?
Le Président (M. Provençal)
:Me Lambert puis, après ça, on va
redonner...
M. Lambert (Jean) : Très
rapidement, très rapidement, la Chambre est tout à fait d'accord avec la
position du Barreau. S'il n'y avait pas eu la demande très claire de la
sénatrice Pamela Wallin qui s'est fait refuser. Donc, si on regarde... parce
que, quand on interprète une loi, on regarde toujours des travaux du
législateur. Or, ça a été mis de côté. Donc, ça renforce le fait que ce qu'on a
devant nous, dans notre projet de loi actuellement, ça serait extrêmement
dangereux. Et je pense que ce que le ministre disait tantôt d'une mise en
vigueur par arrêté en conseil plutôt que d'une date, ça serait vraiment l'approche
sage.
M. Birnbaum : Merci. Je
vais le laisser le temps qu'il reste à mes collègues. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, M. le député
de Rosemont, au départ, vous avez 2 min 37 s, on ajustera en
fonction. Allez-y.
M. Marissal : O.K.
Merci, M. le Président. Il me semble, là, quand on s'égare un petit peu. Que le
Québec traîne devant sa juridiction, ce n'est pas inusité. Ce n'est pas inusité.
Puis de toute façon, on le sait qu'il y aura des contestations. Ça a évolué de
contestation en contestation. Je pense qu'on peut vivre avec ça. Mais là, si je
comprends bien, on irait de l'avant avec...
M. Marissal : ...handicap
neuromoteur par souci d'harmonisation avec le fédéral, mais on mettrait sur
pause demande anticipée d'aide médicale à mourir. C'est complètement le
contraire de ce qu'on a discuté ici. Puis, à ce moment-là, bien, on peut
déménager à Ottawa aussi, peut-être, puis attendre qu'ils nous donnent leurs
directives, là. Mais je pense qu'on s'en va dans un cul-de-sac, là, avec ça. Je
comprends, je comprends votre point de vue, là, légaliste, je le comprends.
Mais, pour une fois que, là, tout le monde s'entend là-dessus, là, même nos
amis libéraux avec qui, des fois, on ne s'entend pas tout le temps sur les
juridictions puis le rôle de l'un et de l'autre, là, c'est une discussion
québécoise qu'on a ici, là. Je ne veux pas faire de la politique, là, mais il
se trouve qu'on fait ça pareil ici, là.
Je vois mal comment on pourrait retarder,
d'autant que la raison pour laquelle on a déposé le projet de loi là, là, puis
qu'on veut l'adopter avant la fin de la session, c'est parce qu'on pense qu'on
peut le faire puis qu'il y a des gens qui attendent, puis on s'est, comme,
engagé à faire ça. Alors, faire un projet de loi avec... C'est le contraire
d'une date de péremption, c'est une date d'entrée en vigueur, là, pour
dire : On va peut-être faire ça dans trois ans. Supposons que les
conservateurs prennent le pouvoir à Ottawa puis qu'ils décident que ce n'est
pas du tout dans leurs priorités, le consensus québécois vient de voler en
éclats puis de passer à travers les volontés d'Ottawa. Ottawa qui s'est cherché
aussi un peu, là, là-dedans, là. Je ne les blâme pas, c'est un dossier
complexe. On a passé des centaines d'heures, nous, ici, à étudier la chose.
Mais, à moins que vous trouviez un autre
argument, en tout cas, moi, je ne suis absolument pas de l'avis politique, mais
je ne suis pas avocat puis je ne suis pas membre du Barreau, là, qu'il faut
aller de l'avant avec votre suggestion.
Mme Claveau (Catherine) : Si
vous me permettez, je veux juste vous rappeler que le Barreau a comme mission
principale, là, la protection du public. Et, lorsqu'on intervient pour
commenter des projets de loi, on lève des drapeaux rouges, on éclaire les
parlementaires sur les impacts légaux issus de la jurisprudence, la tendance...
la différence entre un Code criminel et une loi québécoise. Alors, c'est notre
rôle. Évidemment, on n'est pas ici pour prendre position, et je vous le
rappelle, c'est bien important. Mais malheureusement, dans l'état actuel des
choses, il y a des risques. Et on peut réitérer que ce que l'Ordre des médecins
vous a dit ce matin, pour les professionnels de la santé, c'est une situation
très inconfortable.
M. Marissal : ...mais je
comprends votre point de vue, là. Je comprends le rôle que vous jouez aussi,
puis on apprécie, là, prenez-le pas mal, on apprécie vos lumières. Cela dit,
est-ce qu'il est possible d'avancer puis de faire avancer cette législation, de
mettre, je vais le dire comme ça parce que je n'ai pas beaucoup la finesse, là,
pour faire de la finesse, là, mais de mettre la balle au jeu puis d'y aller
avec le consensus du Québec avec une loi au Québec? Est-ce que c'est possible
de le faire?
• (20 h 10) •
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
nous, notre proposition, c'est d'aller de l'avant, donc, de tout préparer,
d'être prêts, pas attendre un an et demi ou deux ans, là, que le Code criminel
soit... Mais déjà prendre les devants puis tout faire... tu sais, mettre en
place ces systèmes-là pour que, lorsque, finalement, la loi aura été modifiée,
le moment que ça sera en vigueur, bien, on sera prêts à... qu'on soit prêts,
que ça ne soit pas été retardé.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, je vais céder
la parole à la députée de Joliette pour 3 min 17 s.
Mme Hivon : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci beaucoup à vous deux. Un, sur un aspect très, très
factuel à la suite de la question du ministre, juste se rappeler qu'à l'époque
de l'adoption québécoise, vu qu'il y avait ces craintes-là qui étaient énoncées
par les médecins, il y avait eu une approche ceinture et bretelles. On était
dans nos champs de compétence. Ça a été confirmé par la Cour d'appel
d'ailleurs. Plusieurs nous disaient qu'on n'était pas dans nos champs de
compétence à l'époque, quand on a fait la première loi sur les soins de fin de
vie. La Cour d'appel l'a confirmé, en décembre 2015, que notre compétence,
elle, était bien correcte, malgré le fait que le Code criminel n'avait pas
bougé. Mais il y avait eu une approche ceinture et bretelles de la procureure
générale de l'époque, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, qui avait
envoyé, donc, une orientation pour instruire les procureurs de ne pas
poursuivre, pour envoyer un message très clair que, s'il y avait une confusion,
c'était très clair. Et donc, à leur tour, le DPCP envoyait cette directive au
procureur en chef. Juste pour qu'on s'en rappelle. Je viens d'aller vérifier,
puis l'orientation ministérielle, elle est toujours, là...
Mme Hivon : ...sur le
site du DPCP, donc elle pourrait être ajustée éventuellement. Mais, comme on
l'avait dit à l'époque, c'était vraiment ceinture de bretelles parce qu'on
était tout à fait convaincu qu'on était dans notre champ de compétence. Et là,
moi, je dois vous dire humblement soumis, comme on dit dans un langage
juridique, que, là, je pense qu'on l'est toujours avec la demande anticipée
parce qu'on est vraiment dans le domaine du Code civil. L'inaptitude, tout ce
qui est ce qu'une personne inapte peut faire, ne pas faire. Donc, on pourrait
avoir un grand débat constitutionnel, là, j'en conviens, puis il pourrait y
avoir plusieurs avis différents. Ce n'est pas le but ce soir. Mais je pense que
c'est important que, nous, on soit conscient aussi qu'on a nos compétences en
droit civil, en santé, en lois professionnelles. Et ça ne veut pas dire que ça
ne simplifierait pas la vie de tout le monde que tout soit parfaitement pareil.
Mais, si le Québec avait attendu ça, on serait resté les deux pieds dans le
ciment puis on n'aurait jamais été les précurseurs qu'on a été, qui ont
influencé le reste du Canada. Je pense, c'est un peu ce qui nous anime pour la
demande anticipée parce qu'on ne voit pas ça à l'horizon au fédéral. Et je
pense qu'ici, au Québec, il y a vraiment une grande réflexion puis un grand
consensus là-dessus. Donc, je voulais juste mettre ça dans le contexte.
Sur la question de l'acte notarié, je
voulais vous entendre les deux. Évidemment, vous avez des positions un peu
différentes. Quelqu'un nous dit : Tout le temps notarié. Le Barreau nous
dit : Jamais notarié. La proposition, dans la loi, c'est un peu comme les
directives médicales anticipées, c'est de dire : La personne a le choix.
Donc, si elle veut être certaine, puis qu'elle est bien accompagnée par un
professionnel du droit, elle va chez le notaire, mais on permet, comme pour les
directives médicales anticipées, un formulaire qui fait en sorte qu'une
personne n'est peut-être pas accompagnée de la même manière, mais, si elle se
sent, elle, outillée, c'est plus accessible. Bon, je ne suis pas ent train de
dire que vous avez des honoraires prohibitifs, mais on se comprend qu'il n'y a
pas d'honoraires. Est-ce que c'est un compromis, autant la Chambre des notaires
que le Barreau, avec lequel vous pouvez vivre, notamment à la lumière de
l'expérience pour les directives médicales anticipées? Je ne sais pas qui veut
se lancer.
Une voix : ...
Mme Hivon : Les
notaires, oui, parfait.
M. Lambert (Jean) : Alors,
le choix, bien sûr, c'est mieux que rien. Mais je pense qu'on est ici à un
niveau ou le degré de certitude, de fiabilité est très élevé. Et vous parliez
tantôt de le... et vous savez l'admiration que j'ai pour vous, que le rôle de
précurseur, mais il faut comprendre qu'à l'époque on traitait de personnes qui
étaient conscientes, aptes jusqu'à la fin. Ce qui n'est pas le cas, et ça change
beaucoup la donne. Et c'est pourquoi je m'interroge, moi, malgré la directive
qui peut être donnée par le ministère de la Justice au DCP, qu'est ce qui
arriverait si un citoyen, pas heureux que ce ne soit pas assez dans sa famille,
décide de porter plainte directement? Alors, comment ça va être traité? Et je
pense que la date de mars 2023 au fédéral pour accoucher, on devrait penser que
ça va... à ce moment-là, que ça devrait régler la question. D'après nos
informations, ça serait ça. Donc, l'entrée en vigueur par décret, ça serait
parfait. Et contrairement à ce que M. Marissal penche, vous ne faites pas
œuvre inutile, bien au contraire, vous allez encore une fois exprimer le
leadership, vous allez mettre de la pression pour que ça aille de l'avant. Et
quand ça va arriver, nous, au Québec, on va être prêts.
Le Président (M. Provençal)
:Je vais passer la parole maintenant à
la députée de Maurice-Richard. Vous cédez votre temps?
Mme Montpetit : Je peux
céder mon temps à la députée de Joliette, oui.
Le Président (M. Provençal)
:Alors...
Mme Hivon : Il y a
tellement de magnanimité ici, c'est extraordinaire. Donc, je veux juste dire
oui. Mais, 2023, c'est les troubles mentaux., hein? Il n'y a rien dans le Code
criminel. Je veux dire, il n'y a pas de discussion. Il y a une discussion
générale sur la demande anticipée, mais il n'y a pas de clause crépusculaire
par rapport à ça, contrairement aux troubles mentaux.
Je reviens donc actes notariés ou pas.
Donc le Barreau va vouloir me répondre. Je vais vous écouter. Puis mon autre
question parce que, même si ma collègue est super généreuse, il me reste juste
deux minutes. C'est que, dans la loi, ça prévoit que, si on travaille avec un
notaire, il faut à la fois avoir la personne qui fait la demande, le notaire,
le médecin qui l'accompagne et le témoin. Ma question a 1 000 $ :
Est-ce réaliste de réunir tout ce monde-là? Avec la réalité de chacune de ces
professions-là, est-ce qu'on devrait être plus flexible? Donc voilà.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, on commence par madame.
Mme Champagne (Sylvie) : Sur
l'acte notarié, je vous dirais qu'également le projet de loi prévoit que le
formulaire doit être annexé à l'acte notarié, donc c'est un formalisme qui est
très exigeant qu'une personne...
Mme Champagne (Sylvie) : ...choisissent
d'aller chez le notaire pour le faire, c'est une chose, mais que la loi dise
qu'on doit aller chez le notaire ou le faire par témoin, c'est le doit qui
est... C'est un ou l'autre, alors c'est comme si on... et qu'une fois qu'on va
chez le notaire avec l'acte notarié, on est obligé, comme vous avez dit, de
déplacer tous ces gens ou de concilier tous les agendas. Et il y a aussi toutes
les questions, lorsque la personne va vouloir retirer sa demande anticipée ou
qu'elle va vouloir la modifier... Il ne faut pas oublier que si ça a été fait
par acte notarié, bien, on n'aura pas le choix de retourner chez le notaire.
Donc, pour nous, ça complexifie, alors que
les formulaires permettraient, parce que les formulaires vont être bien faits,
comme les DMA, aux personnes de le faire avec un formalisme moins grand.
Le Président (M. Provençal)
:30 secondes, Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : Avec
respect, le retrait n'a pas besoin d'être notarié. Je pense que le formulaire
de la RAMQ, du registre va suffire. Par ailleurs, au niveau des honoraires, si
on élimine la question des honoraires, vous pouvez être certain que les gens
vont choisir d'aller notarier. Maintenant, il y a une chose, c'est qu'aujourd'hui,
sur le plancher de l'Assemblée nationale, il y a eu le dépôt du projet de loi
n° 40, qui va rendre permanent l'acte notarié technologique où là les gens
n'ont pas à se déplacer, il s'agit qu'ils soient en présence. Et on l'a fait,
c'est de même qu'on ait réglé de nombreux milliers de cas pendant la pandémie.
Tellement que, maintenant, le législateur, vous avez devant vous un projet pour
rendre ça permanent tellement que ça a été utile et facilitateur.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour cette qualité des
échanges. Alors, je vous invite, si vous avez d'autres documents à nous faire
parvenir, à nous les faire parvenir.
Et, sur ce, nous allons suspendre pour
faire place au prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 20)
(Reprise à 20 h 24)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des travailleurs sociaux et
des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je vous rappelle que vous
disposez de dix minutes pour votre exposé et, par la suite, il y aura un
échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et,
par la suite, à débuter votre exposé. Je vous cède maintenant la parole.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Bonjour, M. le Président. Mon nom est Pierre-Paul Malenfant et je suis
président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et
familiaux du Québec. M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les
députés, je suis accompagné ce soir par Madame Marie-Lyne Roc, travailleuse
sociale et directrice des affaires professionnelles à l'Ordre des travailleurs
sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec ainsi qu'avec
M. Alain Hébert, conseiller principal au sein de cette même équipe.
Je tiens tout d'abord à vous remercier de
nous avoir invités à prendre part à ces consultations particulières sur le
projet de loi no 38, loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de
vie et d'autres dispositions législatives. Malgré le court préavis qui n'a pas
permis à l'ordre de faire une analyse aussi approfondie qu'à l'habitude
j'espère que les préoccupations soulevées ce soir pour voir en écho auprès de
vous et permettront de vous éclairer dans votre rôle de législateur.
D'entrée de jeu, l'analyse du projet de
loi nous a permis de constater la cohérence entre ce dernier et les
recommandations figurant au sein du rapport de la Commission spéciale sur
l'évolution de la loi concernant les soins de fin de vie déposé en décembre
dernier. Le projet de loi prévoit en effet la possibilité de formuler une
demande anticipée d'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'une
maladie grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins dans la
mesure où elle répond aussi aux autres critères prévus à la loi. L'Ordre
comprend la volonté du gouvernement et des différents partis d'opposition de
tabler sur les consensus pour procéder à une adoption rapide du projet de loi,
mais nous estimons qu'il faudra plus tôt que tard se pencher sur la possibilité
de permettre l'aide médicale à mourir pour les personnes avec un handicap
neuromoteur grave et incurable ainsi que celles vivant avec un trouble mental
réfractaire.
Les quelques observations présentées
ci-après sont d'une part le fruit des réflexions de L'Ordre depuis plusieurs
années. Elles sont également le reflet de l'expérience professionnelle de nos
membres, travailleurs sociaux et travailleuses sociales qui, depuis l'entrée en
vigueur de la loi, jouent un rôle important au sein des équipes
interdisciplinaires. Les travailleurs sociaux accompagnent les personnes qui
ont fait une demande d'aide médicale à mourir en les informant des différents
soins et services de fin de vie possibles, ils discutent des enjeux qui y sont
reliés tout en les soutenant, au besoin, dans leur prise de décision. Ils
apportent aussi un soutien émotionnel à la personne et à ses proches, que ce
soit en amont, avant le soin d'aide médicale à mourir, ou après, pour
accompagner les proches dans le deuil. Enfin, par leur évaluation du
fonctionnement social, ils contribuent à contextualiser la demande d'aide
médicale à mourir formulée par la personne. Dans le cas des demandes
anticipées, l'implication du travailleur social est d'autant plus pertinente alors
que le Code des professions le reconnaît comme le seul professionnel du domaine
de la santé mentale et des relations humaines pouvant procéder à l'évaluation
psychosociale d'une personne majeure en situation d'inaptitude.
Pour l'essentiel, l'ordre est d'accord
avec les nouvelles dispositions prévues au projet de loi no 38. Soulignons
particulièrement, dorénavant, l'obligation pour les établissements de
constituer un groupe interdisciplinaire de soutien. L'Ordre souhaite toutefois
attirer l'attention des...
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...parlementaire
et faire part de ses préoccupations sur certains points majeurs. Premièrement,
le rôle du tiers, l'évaluation des souffrances et la nécessité d'une garantie
procédurale. Deuxièmement, l'organisation des services et l'évaluation de
l'implantation des nouvelles dispositions. Enfin, la poursuite des réflexions
pour l'admissibilité des personnes présentant un handicap neuromoteur et celles
vivant avec un trouble mental réfractaire.
Dans son mémoire, l'ordre soulignait le
rôle majeur de l'ensemble des professionnels engagés auprès de la personne et
réitérait l'implication indispensable des médecins qui se voient confier la
lourde responsabilité de dispenser l'aide médicale à mourir. D'ailleurs, nous
accueillons favorablement le partage de cette responsabilité dorénavant avec
les infirmières praticiennes spécialisées dans les dispositions du projet de
loi. Toutefois, l'ordre rappelle ici, comme il le faisait dans son mémoire,
l'importance que ce soin ne devienne pas strictement une affaire de
professionnels. Dans cet esprit, nous nous inquiétons des responsabilités quasi
exclusives accordées aux professionnels compétents sans contrepartie tierce
nécessaire dans le processus de traitement d'une demande anticipée d'aide
médicale à mourir. En ce sens, nous recommandons d'inclure, dans le projet de
loi, la recommandation 8 formulée dans le rapport Filion-Maclure en 2019, à
savoir :
«Qu'en l'absence d'un tiers désigné, ou
dans l'éventualité d'un refus, désistement ou empêchement de sa part, la
demande de traitement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir se fasse
par une personne démontrant un intérêt pour le patient ou, à défaut, par une
autorité externe impartiale, dont le mandat serait de protéger la volonté du
patient et d'agir dans son meilleur intérêt.»
Dans une perspective de protection du
public et d'intérêt supérieur de la personne, le rôle du tiers de confiance
ainsi bonifié permettrait d'assurer une garantie procédurale. En outre, devant
le refus d'administrer le soin d'aide médicale à mourir, le tiers de confiance
devrait être en mesure, sur la base de motifs sérieux, d'en appeler à une
instance appropriée et impartiale pour adresser une demande de révision.
L'ordre reconnaît le droit absolu de
refuser, en tout temps, un soin, particulièrement dans un contexte d'aide
médicale à mourir. Toutefois, l'ordre est préoccupé par l'actualisation des
dispositions relatives au refus de la personne inapte lors de l'administration
de ce soin, alors qu'elle en avait fait la demande anticipée. Ce sujet devrait
être amplement discuté, avec toute la considération voulue, lors de la
formulation de la demande anticipée.
• (20 h 30) •
L'ordre souhaite également porter à
l'attention des parlementaires les difficultés de mise en œuvre que posent les
articles 29.7 à 29.10 dans le contexte actuel des services de santé et des
services sociaux. En effet, ces articles réfèrent à un idéal, malheureusement,
bien loin des réalités vécues et rapportées par nos professionnels ainsi que
par les usagers eux-mêmes. Les nouvelles dispositions supposent l'existence
d'une équipe de soins stable autour de la personne avec une continuité de
services qui perdurent dans le temps. Or, il appert, selon plusieurs
observations et constats, que l'existence de ces conditions est pour le moins
inégale dans le réseau de la santé et des services sociaux, constituant un
obstacle majeur à la mise en œuvre de la loi d'un point de vue de protection du
public. Ainsi, il nous apparaît quasi impossible d'assurer une prestation de
services optimale à la hauteur des désirs et responsabilités des
professionnels, et des souhaits et des droits de la population.
Force est de constater que les nouvelles
dispositions pour permettre aux personnes inaptes d'obtenir le soin d'aide
médicale à mourir poseront des défis et des enjeux majeurs. En ce sens, l'ordre
recommande d'intégrer au mandat de la Commission sur les soins de fin de vie
celui de procéder à une recherche évaluative de leur implantation au cours des
prochaines années. Cela permettrait d'apporter les ajustements nécessaires dans
un esprit d'amélioration continue et d'accès aux services.
Par ailleurs, dans son mémoire, en août
dernier, l'ordre mentionnait s'expliquer mal les raisons de restreindre la
possibilité de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir aux seules
personnes ayant reçu un diagnostic de maladie dégénérative, incurable. En vertu
du principe d'autodétermination de la personne, nous sommes d'avis que les
personnes qui le souhaitent devraient pouvoir faire une telle demande en
prévision de toute situation médicale se caractérisant par un déclin avancé et
irréversible de la capacité ainsi que le fait d'éprouver des souffrances
insupportables, incluant la survenue d'un accident. En ce sens, l'idée de
permettre aux personnes vivant avec un handicap neuromoteur de demander l'aide
médicale à mourir est accueillie favorablement par l'ordre dans la mesure où
les critères prévus à la loi s'appliquent. Nous sommes... nous demeurons tout
aussi d'avis que les personnes vivant avec un trouble mental...
20 h 30 (version non révisée)
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...puisse
y avoir accès. Cependant, nous comprenons qu'il n'y a pas consensus
suffisamment large sur cette question et qu'un dialogue social doit se
poursuivre afin de pouvoir l'intégrer à la loi éventuellement.
En terminant, vu le délai très court dans
lequel se déroule l'étude de ce projet de loi extrêmement sensible, je me
permets de formuler une mise en garde. Au cours de la dernière semaine, nos
échanges avec les travailleurs sociaux sur le terrain soulèvent des
préoccupations par rapport à l'accès aux demandes anticipées et à la stabilité
des équipes de soins. Dans la mesure où, au cours des consultations
particulières demain, vous en veniez à la conclusion que plusieurs voient trop
d'enjeux quant aux modalités d'élargissement de... à l'aide médicale à mourir
ont été soulevées par les groupes entendus, nous croyons qu'il faudrait alors
faire preuve de prudence, de sagesse et considérer l'option de poursuivre la
réflexion au-delà du 10 juin. Je vous remercie de votre attention, et nous
sommes maintenant prêts à échanger avec vous.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous allons initier cette période d'échange avec M. le ministre. Alors, c'est à
vous la parole.
M. Dubé : Oui, très bien.
Monsieur Malenfant, entre autres, et vos deux collègues, là, Madame Roc et
Monsieur Hébert. M. Malenfant, j'ai eu la chance de vous rencontrer la semaine
dernière dans une rencontre où tous les ordres professionnels étaient là, et
vous m'avez bien dit de faire attention, lorsque je référais au réseau de la
santé, de bien dire au réseau de la santé et des services sociaux. Alors, donc,
je me suis forcé depuis une semaine à respecter vos désirs. Puis on me portait
comme attention que, dans l'article 29.11, on a peut-être une précision à
apporter dans le dernier paragraphe, parce qu'on parle ici du... «professionnel
informe de l'existence de la demande des autres professionnels de la santé» et
on devrait lire «et des travailleurs sociaux». Alors, je veux juste être
certain que nous allons faire cette correction-là, parce que je pense qu'il est
important de référer au ministère, je dirais, dans toutes ses lettres de
noblesse, et vous en faites partie. Et je m'excuse de ne peut-être pas avoir
été à la hauteur de ça dans les dernières semaines. Je m'en excuse. Je vais
corriger.
Vous venez de dire quelque chose que je
trouve très important, là, par rapport aux délais et au travail immense qu'on
fait dans une dizaine de jours. J'ai bien expliqué ce matin que jamais, au
grand jamais, nous n'allons demander aux parlementaires de procéder si les gens
ne sont pas à l'aise avec l'avancement des travaux. Je pense que la qualité des
discussions qu'on a avec les différents experts, comme vous, entre autres, aujourd'hui,
me font penser qu'il sera possible de le faire. Mais je ne veux pas présupposer
des conclusions. On est à notre première journée de consultations.
Mais ce que j'aimerais vous demander, un
peu ce que j'ai demandé à tous les autres, là... Puis là je n'ai pas eu la
chance... Je regardais pour voir si vous avez publié un mémoire. Le mémoire
dont on parle, est-ce que c'est celui que j'ai devant moi? Est-ce que le
mémoire qui vient d'être déposé, là, qui a été déposé dans la journée et qui
fait référence aux trois points... Attendez une minute, là. Je suis juste en
train de regarder. Parce que je vous écoutais puis je regardais les points. Qu'est-ce
qui, selon vous... Je vais vous le demander autrement. Qu'est-ce qui, selon
vous, aujourd'hui, ferait qu'on ne serait pas en mesure de procéder la semaine
prochaine? S'il y a quelque chose, là, qui est important pour vous, pour votre
ordre à vous, qu'est-ce qui est important de régler ou de s'assurer qu'il y ait
un consensus sur un ou deux points, là, que vous venez de discuter?
Parce que, moi, ce que j'entends, je vous
donne un exemple, j'entends qu'il y a des aires communes ou des thèmes communs
où tout le monde a l'air de s'entendre ou pas aujourd'hui. On a déjà commencé à
voir des thèmes où on dit : Ça, il faut faire une correction sur, par
exemple, la dernière volonté, s'il y avait une hésitation du patient. Ça a été
soulevé plusieurs fois. Bon, je vous donne cet exemple-là, là. Mais il y en a
sûrement d'autres.
Pour vous, en tant qu'ordre professionnel
des travailleurs de la santé et des services sociaux, c'est quoi qui vous
préoccupe le plus? Est-ce que c'est le tiers indépendant? Est-ce que... Je veux
juste vous entendre là-dessus pour qu'on puisse préciser, lorsqu'on fera l'article
par article, des éléments. On dit : Ça, quand on a écouté cet ordre
professionnel là, c'est ça qu'ils nous ont soulevé. Est-ce que je peux vous
demander de me revenir avec un ou deux points?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bon,
la question, bien entendu, des pairs aidants, je ne sais plus comment qu'on l'appelle
exactement... des tiers, je pense que c'est très important...
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...qu'on
le précise et à la question également de la disponibilité des services dans la
continuité...
M. Dubé : Excusez-moi, je ne
veux pas vous couper. Continuez, je reviendrai. Excusez-moi.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...il
y a toute la question de la disponibilité des services. Quand on parle des
équipes qui vont suivre, au fil du temps, la personne pour pouvoir assurer les
services, il s'agit juste de s'imaginer la différence de service qui peut
exister dans une région comme Montréal ou, bien non, sur la Basse-Côte-Nord, ou
encore en Gaspésie, ou en Abitibi, où on voit qu'il y a déjà une pénurie de
personnel, de professionnels, alors d'assurer une continuité à partir du moment
que la personne, elle a signé cette demande anticipée, aller jusqu'à
l'application, il reste d'avoir un roulement de personnel qui fait en sorte que
ça va être difficile d'assurer, à un moment donné, une cohérence entre la
demande anticipée et l'application au moment venu. Et je pourrais peut-être
laisser mon collègue Alain Hébert compléter.
M. Dubé : O.K. On va écouter.
M. Hébert (Alain) : Oui, puis,
en fait, c'est ça, c'est que, dans l'effort que nous avons fait de présentation
ce soir, dans le fond, auprès de vous, les éléments importants, on les a
vraiment ciblés dans... vous disiez, le mémoire, effectivement, en fait, c'est
l'allocution de ce soir, qui est présentée, on faisait allusion à un mémoire
qu'on a présenté l'été dernier, au mois d'août, dans le cadre des travaux de la
commission, là, c'est de ça qu'on voulait parler par mémoire.
Maintenant, c'est sûr que ce qu'on trouve
comme points majeurs dans ce qu'on vous présente ce soir, ce sont, pour nous,
les éléments de vigie qu'on vous soulève comme préoccupation. Comme vous voyez,
on est d'accord sur le fond, tout à fait, et on comprend très bien et on s'est
prononcé à ce sujet-là déjà, à différentes reprises. Mais les points de vigie
par rapport au tiers de confiance, par rapport à la question de l'actualisation
du refus de la personne, la question d'une évaluation d'implantation par
rapport aux nouvelles dispositions relatives aux demandes anticipées d'aide
médicale à mourir, ce sont vraiment des éléments importants, là, en complément
de ce que M. Malenfant vous apporte. Je ne sais pas, Marie-Lyne, si tu
souhaitais compléter.
M. Dubé : Je vois très bien,
tout à l'heure, c'est parce que j'étais mêlé à celui que vous aviez déposé
l'automne dernier versus celui qui est daté du 31 mai, là, mais avec votre
précision, je le vois très bien, je n'aurai pas besoin d'autre commentaire,
c'est très clair ce que vous avez fait. Puis, encore une fois, j'apprécie que
vous l'ayez déposé dans presque un temps record, je vais le dire comme ça.
Alors, merci beaucoup. Puis sur la question de cette tierce personne là, est-ce
que votre ordre professionnel permettrait qu'un membre de votre ordre puisse
agir comme tiers, je ne me souviens jamais du non, de tiers de confiance,
merci, est-ce que votre ordre professionnel le permettrait?
• (20 h 40) •
Mme Roc (Marie-Lyne) : En
fait, nous n'avons pas pensé que le tiers de confiance serait un professionnel,
en fait, ce qu'on a pensé, c'est plus de s'assurer que le tiers, au contraire,
serait un proche de la personne, une personne qui l'a vu évoluer, qui était
présente lors de la mesure anticipée... De la demande anticipée. Effectivement,
l'évaluation du travailleur social serait une évaluation indépendante, là, du
tiers de confiance. Effectivement, le tiers de confiance pourrait... le
travailleur social pourrait consulter le tiers de confiance dans le processus
pour bien s'assurer qu'effectivement on est... on respect les volontés de la
personne et la souffrance qu'elle anticipait vivre, on est capable
effectivement de la contextualiser. C'est dans cet esprit-là... donc on voyait
que c'était quand même deux personnes indépendantes, là.
M. Dubé : Très bien. O.K.
Bien, j'aurais d'autres questions, mais, si jamais... je vais aller du côté de
mes collègues. Bien, écoutez, c'est parce que, s'il n'y a pas de question pour
le moment, je peux y aller encore, Nancy, oui. Bien, c'est parce que j'essaie
de... Bon. Vous me dites : Le travailleur social ne devrait pas être le
tiers, mais, en même temps, comment important il est dans cette analyse-là,
parce qu'on parle beaucoup du rôle du médecin ou de l'IPS, mais on n'a pas...
moi, je n'ai pas beaucoup entendu parler du rôle du travailleur social dans un
cas où, peut-être, par défaut ou par préjugé, je pense plus à santé mentale
quand je pense à un travailleur social, alors que ce n'est peut-être pas juste
ça qu'il faut penser. Alors, expliquez-nous, pour qu'on réfléchisse, comment
est important le rôle du travailleur social dans cette évaluation-là, dans un
contexte où on ne parle pas de santé mentale ici...
M. Dubé : ...on l'a bien dit,
même si un jour peut-être qu'on sera rendus là, comme le dit si bien la députée
de Joliette, mais on n'en est pas là aujourd'hui. Quel est le rôle que vous
voyez du côté du travailleur social dans cette première ou cette deuxième phase
là qu'on est en train de faire?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : M.
Dubé, écoutez, j'aime ça vous entendre quand vous dites : Bien, on a
souvent l'image du travailleur social, la travailleuse sociale en santé
mentale. En fait, souvent, nous, on trouve des fois qu'on ne parle pas assez du
rôle des travailleurs sociaux en santé mentale. Alors, oui, on est en santé mentale,
mais on est dans tous les secteurs de la société, qu'on travaille en protection
de la jeunesse, qu'on travaille avec la petite enfance, partout, on est
partout, donc. Puis, comme, aussi, quand qu'il est question d'évaluation
psychosociale pour l'ouverture d'un régime de protection, alors c'est un acte
qui est réservé exclusivement à notre profession. Alors, c'est, je dirais, dans
notre ADN de faire ce travail-là. Et on est impliqué dans les équipes
interdisciplinaires que ce soit pour l'aide médicale à mourir ou que ce soit
pour d'autres problèmes sociaux. On joue un rôle très important parce qu'il est
de notre mandat, de notre acte, je dirais, de base d'assurer l'évaluation du
fonctionnement social de la personne dans son environnement.
M. Dubé : Je veux juste
peut-être être plus précis dans ma question. Jusqu'à maintenant, ce que moi,
j'ai entendu, ça devient assez évident d'écouter le médecin ou l'IPS pour
parler des aspects cliniques, des aspects de souffrance physique, ça m'apparaît
assez clair. Quand on arrive avec le travailleur social, puis lorsqu'on
définissait quels étaient les stades... Puis là est-ce que je peux parler de
démence heureuse, est-ce que je peux penser de différents concepts qui sont
plus, pour moi, de... Puis là je veux faire attention parce que ce n'est pas de
santé mentale, on veut le mettre de côté. Mais je veux vous entendre
là-dessus : Comment vous pouvez aider quelqu'un qui va avoir à faire sa
liste de dire : Moi, c'est à ce moment-là que je voudrais... je suis peut-être
rendu, au niveau clinique, au stade 5 d'alzheimer, mais en termes de
comment je me sens, la dépendance par rapport à des proches, tout ce qu'on a
discuté un peu aujourd'hui? Je pense que vous pouvez, à ce moment-là, les
travailleurs sociaux peuvent apporter beaucoup de valeur. C'est ça que je veux
entendre. Comment vous êtes importants dans ce processus-là, alors que, même,
on ne parle pas spécifiquement de santé mentale? J'espère que je suis clair
dans ma question, c'est sur ça que je veux vous entendre.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : J'inviterais
mon collègue Alain à préciser.
M. Hébert (Alain) : Bien,
pour nous, comme ordre, on voit... Le travailleur social, ce qu'il fait, c'est
une évaluation du fonctionnement social, c'est ça, son champ d'exercices. Et,
pour nous, on voit, comme ordre, que cette évaluation du fonctionnement social
peut être contributive, apporter un éclairage aux professionnels compétents, on
va dire, maintenant, avec le projet de loi, au médecin ou l'infirmière
praticienne spécialisée qui va avoir le rôle de déterminer l'admissibilité à
l'aide médicale à mourir et le rôle aussi, au départ, d'assister la personne
pour formuler une demande anticipée, là. Il n'est pas nécessairement prévu que
le travailleur social soit formellement présent au moment de la formulation de
la demande. Il pourrait l'être comme membre de l'équipe interdisciplinaire au
moment où il paraît y avoir des souffrances qui pourraient nécessiter une
évaluation de la situation de la personne pour déterminer si on est parvenu au
moment où elle correspond aux critères pour recevoir cette aide médicale à
mourir comme elle en a formulé la demande.
Mais il n'est pas du tout exclu que le
travailleur social, à cette première étape, puisse agir comme, premièrement,
aide à une décision de la personne, aider la personne à prendre une décision.
Est-ce que je vais faire une demande anticipée ou pas de façon complémentaire
aux professionnels compétents? Le travail social, ce qu'il va voir avec la
personne, sa réflexion va porter sur le fonctionnement social de la personne,
c'est-à-dire sur comment elle pense répondre à ses besoins, comment elle exerce
ses rôles sociaux, c'est quoi, son projet de vie, quelles sont ses aspirations,
ses relations avec les autres, avec son environnement. Et, à ce moment-là, ce
qu'elle va regarder, c'est à quel moment la personne va estimer que son
fonctionnement social va être entravé par ses souffrances et les critères pour
recevoir l'aide médicale à mourir de façon suffisante pour justifier sa demande,
pour aider la personne à faire cette réflexion-là. Quoique ce n'est pas
nécessairement le rôle du travailleur social dans le projet de loi de faire ça.
Mais, pour nous, on ne peut pas enlever
les responsabilités aux professionnels compétents de faire ça, là, soyez
rassurés. Mais simplement on pourrait être un professionnel qui contribue par
son évaluation à ceci. Même chose au moment où le médecin ou le professionnel
compétent, je devrais dire, est prévu dans le projet de loi comme pouvant... comme
ayant le mandat d'évaluer la situation de la personne pour déterminer si on est
parvenu au moment de lui administrer l'aide médicale à mourir. Le projet de loi
prévoit une discussion et un échange avec les professionnels, les membres de
l'équipe interdisciplinaire...
M. Hébert (Alain) : ...Lorsqu'ils
sont présents lorsqu'il y a un suivi, à ce moment-là, le travail social peut
être contributeur en termes d'éclairage dans cette prise de décision par le
médecin, comme membre de l'équipe interdisciplinaire.
M. Dubé : Pour moi,
c'est très clair. O.K., c'est beau, merci beaucoup. Je vais laisser
peut-être...
Le Président (M. Provençal)
:1 minute, Mme la députée.
Mme Guillemette : 1 minute.
Merci, M. le ministre. Merci d'être avec nous ce soir. Très, très rapidement,
j'aimerais vous entendre, parce que, oui, accompagner la personne qui demande
l'aide médicale à mourir, mais vous êtes en mesure, également, d'accompagner le
tiers qui aura à vivre, après, avec le fait qu'il a déclenché la demande d'aide
médicale à mourir. Donc, je pense qu'on ne peut pas, bien, je dis abandonner...
On ne peut pas le laisser... On aura un suivi à faire avec cette personne-là et
je pense que l'Ordre des travailleurs sociaux serait en mesure d'accompagner
pour un certain temps cette personne-là pour qu'elle soit à l'aise avec la
situation qu'elle aura vécue.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Effectivement,
on est vraiment au cœur, là, de ce que font les travailleurs sociaux. Vous
savez, il y a une grande partie, c'est de travailler avec la personne et son
environnement; son environnement, on entend les proches, son environnement
immédiat, son environnement qu'on appelle sociétal, donc toutes les parties
prenantes qui gravitent autour de cette personne-là. Donc, notamment, la
personne qui aura à prendre cette décision-là et, à tout le moins, de lever le
drapeau pour dire : Bien, ma personne chère avait fait une demande
anticipée d'aide médicale à mourir et je crois que je veux... En respect de ses
volontés, je souhaite déclencher ça, effectivement, ça va susciter toutes
sortes d'émotions. Et le travailleur social est vraiment une personne clé qui
peut accompagner la personne, on est formés pour ça et puis on le fait déjà.
C'est-à-dire, pour les personnes, les proches qui accompagnent une personne qui
demande l'aide médicale à mourir, on sait que la suite est souvent très
difficile parce qu'on doit traverser un deuil, et on est tout à fait formés
pour accompagner les personnes en ce sens.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
Mme Guillemette : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Nous allons poursuivre cet échange
avec le député de D'Arcy-McGee pour dix minutes 10 s.
• (20 h 50) •
M. Birnbaum : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, madame Roc, monsieur Malenfant,
M. Hébert, pour votre exposé aussi éclairant cette fois-ci que ce l'était
devant notre commission spéciale. Vous avez, en quelque part, justement, une
perspective privilégiée et très intéressante sur le terrain et en vertu, En
quelque part, de votre rôle, je me permets de le dire comme ça, généraliste,
c'est une perspective très intéressante et très importante. Nous, on doit, à
chaque seconde, je l'espère, penser et réfléchir sur la façon que tout ça va
atterrir et comment d'assurer que ça soit fait de façon compatissante et très
équitable sur le terrain et que, quand on parle des choix libres et éclairés,
et tout ça, est-ce que ça se manifeste, une autre fois, de façon équitable et
claire sur le terrain.
Et là-dessus, compte tenu de l'expérience
de vos membres, j'aimerais vous entendre sur l'état actuel de l'échange
d'information avec des personnes, la compréhension du rôle des intervenants. Et
ce que j'entends par ça, il y a... on le sait, il y a des options, dont l'aide
médicale à mourir n'est qu'une : il y a les soins palliatifs, il y a la
sédation palliative continue, il y a des directives médicales, tout ça, c'est
des options, un, qu'il n'y a pas au dépens de l'autre, et aucune qui devrait se
classer au deuxième plan suite à une loi qu'on risque de faire adopter. De
votre lecture actuelle, parce que vous avez parlé aussi des inégalités
possibles en ce qui a trait à la mise en œuvre d'une éventuelle loi là-dessus,
de votre expérience, où est-ce qu'on est rendus? Est-ce que les personnes sont
bien accompagnées en tout ce qui a trait aux options devant eux en situation de
fin de vie?
M. Hébert (Alain) : Oui,
bien, écoutez, c'est... On s'entend, puis on est en contact avec des dizaines,
voire des centaines de travailleurs sociaux, là, annuellement, dans le cadre de
nos activités comme ordre professionnel sur toutes sortes de sujets, on n'a pas
nécessairement de recherche, là, évaluative pour, tu sais, documenter...
M. Hébert (Alain) : ...de
façon certaine, par exemple jusqu'à quel point les personnes sont bien
accompagnées ou plus ou moins bien accompagnées à travers la connaissance de
l'ensemble des options qui s'offrent à elle. On a quand même quelques
indicateurs.
On s'entend que c'est quand même assez
complexe. Et le premier devoir qu'on a comme professionnel qui conçoit, c'est
d'informer la personne sur les différentes options possibles. Et c'est la
perspective dans laquelle on voit ces nouvelles dispositions pour permettre à
des personnes survenant leur inaptitude ave... dans les critères qui sont
énoncés dans le projet de loi, c'est une absence supplémentaire aux personnes,
mais ça ne doit pas être, on s'entend toujours, ce n'est pas une obligation,
c'est une offre, c'est une possibilité, c'est une option qui s'ajoute. Mais les
autres options, force est de constater qu'à cause de leur complexité, pas
nécessairement à cause de défauts dans les informations données par les
professionnels, mais elles sont peut-être... gagnent peut-être encore à être mieux
connues par la population.
Alors les professionnels qui informent les
personnes, c'est un canal de communication. On pourrait se poser la
question : Socialement, est-ce qu'il n'y a pas d'autres canaux de
communication qui pourraient être privilégiés en fonction de l'intéressé ou
aussi des différents groupes de la population et en particulier pour des
personnes pour qui les connaissances en santé sont un petit peu moins... un
petit peu plus défaillantes, un petit peu moins fournies? Alors, on a peut-être
un devoir comme société de tenter de joindre ces personnes dans une perspective
d'égalité et d'équité, pour les informer davantage sur l'éventail de
possibilités qui s'offrent à elles. Ça constitue effectivement un enjeu, et on
pense sincèrement à voir des recherches bien documentées qu'il y a quand même
du chemin à faire à ce niveau là, puis notre propos n'est pas pour mettre en
infraction les professionnels, le système et tout. Mais je pense que,
socialement, il y a un devoir d'aller un petit peu plus loin en termes
d'information, surtout à cause de la complexité des options et de la
distinction entre les différentes options qui parfois ne sont pas claires même
pour certains professionnels.
M. Birnbaum : Merci. Et
comme dit M. Malenfant, vous avez fait une mise en garde sur, en tout cas,
ce qui a trait à vos inquiétudes d'une... comme je dis, d'une mise en oeuvre
égale. Vous avez noté vos préoccupations. Est-ce vous pouvez élaborer un petit
peu? Parce que vous dites qu'en général le projet de loi est conforme à votre
lecture des recommandations de notre commission et avec vos orientations.
Pouvez-vous élaborer brièvement sur vos inquiétudes en ce qui a trait à la
nécessité d'une offre égale de services dans tout ce qui a trait à l'aide
médicale à mourir?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Mais, de façon générale, je pense que c'est important de bien comprendre.
Vous savez, ce n'est pas nouveau pour personne, il y a une pénurie de
personnel. Il y a eu, j'oserais dire, de la négligence au niveau du déploiement
des services sociaux un peu partout. Vous savez, il y a des listes d'attente
dans plusieurs programmes, et c'est le cas, entre autres, pour les services à
domicile. Donc, les équipes, dans le réseau de la santé et des services
sociaux, les équipes ne sont pas en nombre suffisant pour être capables de
répondre à l'ensemble des besoins. Donc, quand on arrive avec la situation
d'une demande d'aide médicale à mourir anticipée, il faut bien comprendre que
si on est dans un secteur plus éloigné, plus isolé, ça va être difficile de
pouvoir compter sur une équipe qui va pouvoir faire. L'équipe qui va être en
place, qui est en place va faire le mieux qu'il peut. Mais c'est difficile de
voir le roulement. Vous savez, dans des régions éloignées, par exemple, une
équipe par rapport à une personne qui a fait une demande aujourd'hui, bien,
dans 10 ans, dans... peut être dans cinq ans, la situation va avoir évolué
et probablement que les personnes qui... les professionnels qui sont dans le
service ne seront peut être plus les mêmes enfin dans...
Je profiterai peut être de l'occasion
aussi pour mentionner le fait que le commissaire sur les soins de fin de vie a
demandé une rencontre avec moi en fait pour me faire part que la commission
devait refuser régulièrement des demandes de personnes âgées, de personnes qui
présentent des problèmes de santé importants, et ces personnes là, leur demande
est refusée parce que c'est vraiment dans la catégorie de la détresse sociale,
de l'isolement social, du désœuvrement social en fait. Donc, il faut absolument
éviter, en fait, que ça soit une option pour ces personnes-là qui n'ont pas
accès aux services, qui n'ont pas accès à un réseau d'entraide dans leur
communauté. Et je pense que Mme Roc pourrait aussi apporter certains éléments.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Oui,
en fait, la préoccupation, comme on disait dans notre allocution, c'est
vraiment au niveau de la mise en œuvre par rapport au fait que les dispositions
telles qu'elles sont libellées, bien, réfèrent à finalement un idéal de
contexte de soins qu'on observe.
Mme Roc (Marie-Lyne) : ...qui
n'est pas tout à fait à point actuellement, du moins, c'est ce qu'on observe et
c'est ce qu'on nous rapporte. En fait, on prévoit, finalement, que ça sera une
équipe de soins stables continus dans le temps, puis on sait très bien
qu'actuellement ce n'est pas le cas. Alors, à l'annonce d'un diagnostic, on
peut rencontrer un professionnel. Vu que la personne à qui on a diagnostiqué
une maladie dégénérative ne va pas nécessairement nécessiter des soins
continus, il y aura nécessairement, et la plupart du temps, c'est ce qu'on
observe, des interruptions. Et donc supposer que l'équipe est capable de suivre
la personne dans le temps, l'accompagner dans l'évolution de sa maladie,
l'accompagner en l'informant, bien, c'est un idéal qu'on souhaite tous, mais,
dans le contexte actuel, on voit bien que ce n'est pas ça qui se passe. Donc,
on dit : Bien, à ce moment-là, il ne faudrait pas que les dispositions
soient aussi strictes pour finalement limiter l'accès aux personnes. Alors,
c'est ça qu'on veut quand même alerter le législateur.
M. Birnbaum : Merci. Donc,
petit temps qu'il me reste, j'aimerais aborder la question du refus en tout
temps. Et, si je vous ai bien compris, vous êtes à l'aise avec ça, ce qui
m'étonne un petit peu, avec tout respect, vous avez noté que les travailleurs
sociaux et sociales, qu'ils sont les experts en évaluation d'inaptitude. Dans
un premier temps, comment on peut assurer qu'on respecte les vœux de cette personne
lorsqu'elles auraient fait une demande anticipée pour l'aide médicale à mourir
et constater de façon crédible un refus de cet même individu en état
d'inaptitude?
Une voix : M. Hébert.
M. Hébert (Alain) : Oui. En
complément, là, je vous invite à peut-être réitérer une sous-question. Je vais
essayer de voir si j'ai bien saisi votre question. Mais, pour nous, la
préoccupation au niveau du refus qu'on énonçait tantôt, elle est d'ailleurs en
lien avec ce que ma collègue et M. le Président de notre ordre disaient tantôt,
c'est au niveau de la mise en œuvre, c'est-à-dire qu'on comprend... évidemment,
comme ordre, on est extrêmement sensibles au fait qu'une personne en tout temps
peut refuser un soin, n'importe quel soin, et évidemment l'aide médicale à
mourir.
Maintenant, la façon avec laquelle on voit
les libellés par rapport au refus dans le projet de loi nous préoccupe dans le
sens où ça dégage, pour nous, à notre lecture, à notre compréhension, une
impression que sur refus simple, une fois, d'une personne inapte de recevoir
l'aide médicale à mourir, alors qu'elle en a fait la demande de façon
anticipée, mettrait fin, en quelque sorte, au processus.
Et nous, pour nous, le refus, il doit être
évalué aussi dans le temps jusqu'à un certain point, il demande du temps, on
doit rencontrer la personne à un certain nombre de reprises. Parce que, là, on
parle des personnes avec quand même une maladie dégénérative importante, et il
ne faut pas confondre un réflexe mécanique de refus avec un refus réel manifesté
de façon stable dans le temps.
• (21 heures) •
Alors, ça demande quand même des
conditions de mise en œuvre pour bien respecter le refus d'une personne, mais,
en même temps, sa volonté de recevoir l'aide médicale à mourir formulée de
manière anticipée, du temps pour observer ce refus-là, et possiblement des
discussions avec les membres de l'équipe interdisciplinaire, et possiblement
aussi avec les proches et des membres de la famille qui sont, à notre point de
vue... on n'en a pas nécessairement beaucoup parlé dans nos notes d'allocution,
mais assez peu présents dans le projet de loi par rapport, par exemple, à
d'autres rapports, le rapport de la Commission sur l'évolution de la Loi sur
les soins de fin de vie et celui aussi de Filion-Maclure.
Alors, on le voit un petit peu moins,
cette notion-là, dans le projet de loi actuel. Et on vous a parlé tantôt, comme
travailleurs sociaux, on a une vision systémique des choses. Donc, pour nous,
il y a une importance des proches et de la famille, pas à tout prix si ce n'est
pas voulu, mais, quand même, ces personnes-là devraient être mises à
contribution aussi pour qu'on puisse bien évaluer est-ce qu'il s'agit bien d'un
refus qu'on a en face de nous. Parfois, on utilise la notion de refus
catégorique, mais...
Le Président (M. Provençal)
:Je dois vous interrompre. Merci
beaucoup. Je vais céder maintenant la parole au député de Rosemont pour
2 min 37 s
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Madame Roc, Monsieur Hébert, M. Malenfant, merci de votre
présentation. Je vais y aller avec vous, M. Malenfant, ou ça peut être qui vous
voulez. Supposons, là, qu'on dise que les personnes seules, très seules, qui
n'ont pas de personne tierce de confiance, doivent se tourner vers quelqu'un
dans l'équipe soignante, puis mettons qu'on dit : Il y a un match naturel
avec les TS, pour les raisons que vous avez expliquées. Quand on considère le
nombre de gens que ça peut toucher dans les prochaines années, surtout avec la
demande anticipée, qui va tripler...
21 h (version non révisée)
M. Marissal : ...peut-être
quintupler le nombre de gens admissibles. Est-ce que vous avez assez de monde?
Puis ça vous tente-tu, d'abord? Professionnellement, c'est-u quelque chose que
vous voudriez prendre à bras le corps? Parce qu'il a été dit, puis c'est vrai
qu'en fréquentant un peu le milieu de la santé, il y a quelque chose là d'à peu
près organique. Ce n'est pas le médecin spécialiste qui a nécessairement le
plus de temps et de disponibilité pour accompagner quelqu'un là-dedans. On se
retournerait naturellement, puis c'est peut-être un cliché de ma part, vous me
le direz, là, auquel cas je changerai de registre, mais c'est presque organique
de la part des TS d'occuper ce rôle-là. Mais vous avez parlé de pénurie de
main-d'oeuvre. Êtes-vous suffisamment nombreux et nombreuses pour prendre une
tâche comme celle-ci?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bien,
écoutez, je pense qu'on n'est pas suffisamment nombreux. Ça fait quand même un
bon bout là, qu'on suggère, qu'on recommande d'augmenter les admissions dans
les universités. Juste pour vous dire en passant, il rentre 800 TS dans le
système professionnel par année et il y a 5 000 demandes d'admission dans
les programmes d'université. Donc, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de jeunes
qui veulent faire le métier.
Maintenant, votre question, c'est une
question qui est quand même très délicate. Je pense que la question du tiers de
confiance, effectivement, il y a des gens qui sont seuls, ils sont très isolés.
Est-ce qu'on doit regarder du côté d'un professionnel de confiance? Maintenant,
c'est le lien significatif, hein, et créer un lien de confiance, ça demande du
temps, ça demande du doigté, ça demande la persistance. Et je ne le sais pas,
on ne s'est pas penchés sur cette question-là de façon précise. Mais est-ce qu'on
devrait le regarder en lien avec un professionnel de confiance ou toute autre
personne de confiance? C'est une bonne question. Je ne sais pas si mes
collègues... Marie-Lyne Roc, peut-être, pour aborder un point là-dessus.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien,
effectivement, vous avez raison quand vous dites qu'on se tourne souvent vers
le travailleur social, la travailleuse sociale. De par nos façons de faire, on
a des pratiques de proximité, on est souvent dans l'environnement de la
personne, on est capables de témoigner de sa situation, on fait souvent son
histoire sociale. Donc, de par notre formation, c'est vrai qu'on a tendance à
avoir recours au travailleur social.
Par contre, ce que dit notre président est
extrêmement important. Le rôle de personnes qui sont près de la personne qui
souhaite se prévaloir de l'aide médicale à mourir, puis dans des questions
anticipées encore plus, bien, on doit voir qui est la personne la mieux
désignée pour pouvoir justement, à tout le moins, faire valoir les volontés de
cette personne-là parce qu'elle la connaît. Donc, utiliser le travailleur
social juste parce que c'est lui qui est là, ce n'est pas la bonne mesure à
prendre.
Je pense que le travailleur social peut
contribuer. Je pense qu'on doit, dans notre société, justement, comme disait
mon collègue monsieur Hébert, avoir vraiment une sensibilité par rapport à ces
questions-là, des connaissances. Je pense que tout le personnel soignant doit
être au courant des mesures possibles.
Et finalement, la personne la plus
désignée est celle qui accompagne. Alors, ça pourrait être l'infirmière,
infirmière auxiliaire. On ne peut pas prétendre que seuls les travailleurs
sociaux pourraient faire ça. Mais effectivement on peut être contributifs.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre réponse.
Alors, je vais céder maintenant la parole à la députée de Joliette pour deux
minutes.
Mme Hivon : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci de votre présentation, très éclairant. Et donc je vais renchérir
sur ce que le ministre a dit. Comme ex-ministre des Services sociaux, c'est
très important de ne jamais oublier les services sociaux.
Donc, écoutez, moi, là, je vous rejoins
parfaitement quand vous avez noté 29.7 à 29.10 : C'est bien beau en théorie,
mais est-ce réaliste? Moi, ma crainte... On veut tous que la demande anticipée
devienne réalité, mais justement, on veut que ça soit applicable. Et moi, ma
pire crainte, ce serait qu'on crée un beau droit théorique, mais qu'il y ait
impossibilité de l'appliquer, soit parce qu'il n'y a pas les ressources ou
parce que nos dispositions ne sont pas ancrées dans la réalité. Donc, je pense,
c'est très pertinent quand vous nous soulevez ça.
Je veux savoir. 29.10, on dit qu'une fois
que la demande est faite, «le professionnel compétent qui a prêté assistance à
la personne doit, tant qu'elle est apte à consentir aux soins, lui rappeler, à
des moments différents et espacés par un délai raisonnable compte tenu de l'évolution
de son état, qu'elle peut retirer ou modifier sa demande». Est-ce que ça ne va
pas un peu contre le principe de l'autodétermination? Parce que, la personne,
on l'a renseignée. Est-ce qu'il faut vraiment renchérir tout le temps? Est-ce
réaliste de penser...
Mme Hivon : ...qu'il va y avoir
un professionnel qui va se donner comme mission, à chaque six mois, de dire à
quelqu'un : Êtes-vous toujours sûr de votre demande anticipée? La personne
est toujours apte. Première chose.
29.11, je la pose souvent, celle-là, mais
elle me hante un peu, là, deuxième alinéa, ce n'est vraiment pas le tiers de
confiance, contrairement au rapport Maclure puis à notre rapport, qui agite le
drapeau, c'est une responsabilité qui revient au professionnel compétent.
Est-ce que, selon vous, c'est réaliste que le professionnel compétent va se
mettre lui-même dans cette situation-là? Est-ce que ça peut entraîner des
demandes qui n'aient pas de réponse?
Finalement, j'aurais aimé mille autres
questions. Quand vous dites : Le rôle du tiers, s'il n'y a pas de tiers, vous
aimeriez ça qu'on puisse désigner par une autorité externe. Vous pensez à qui?
Le Curateur public? Avez-vous quelque chose en tête?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : J'inviterais
mon collègue, monsieur Hébert.
M. Hébert (Alain) : Bien,
écoutez, oui, ça fait écho, Mme la députée, aux propos que nous avions tantôt,
là, sur le contexte dans lequel aussi va se vivre concrètement le projet de
loi. Peut-être un point qui va permettre de répondre ou d'apporter un éclairage
aux trois questions ou des éléments de réponses aux trois questions. Pour nous,
comme ordre, ce qu'on voit, c'est qu'on voit une responsabilité partagée, dans
ce domaine-là, entre, oui, les professionnels compétents, l'équipe de soins et
de services, le tiers, oui, qui agit comme porte-parole de la personne et les
proches et la famille. C'est comme s'il doit y avoir, idéalement, l'ensemble de
ces entités. Et, lorsqu'on... il a été question, tantôt, on a discuté de
personnes isolées, c'est pour ça qu'on ramène cette recommandation du rapport Filion-Maclure,
de réfléchir parce qu'on ne la trouve pas dans le projet de loi tel qu'il est
formulé actuellement, mais on estime qu'il serait important qu'on puisse faire
appel à une autorité externe. Malheureusement, dans les délais impartis, on a
évoqué certaines possibilités, là, mais pas suffisamment, aujourd'hui, comme
ordre, pour en faire une recommandation nécessairement formelle. Mais on pense
qu'on doit identifier le meilleur acteur, instance sociale pour agir comme
étant cette autorité externe impartiale, qui pourrait, elle aussi, déclencher
le processus d'évaluation pour permettre l'obtention de l'aide médicale à
mourir à une personne qui est devenue inapte.
Au niveau du rappel, bien, c'est sûr, ça
suppose des nuances. Ça doit être des rappels salutaires en des moments
opportuns et non pas des rappels mécaniques selon une certaine fréquence pour,
comment dire, faire de l'acharnement auprès de la personne, pour lui rappeler
ceci. Ça doit être vraiment des moments particuliers. Puis, au niveau du réalisme,
bien, il faudrait peut-être voir, en tout cas, nous, on apporte le
questionnement : Est-ce qu'il n'y aurait pas eu lieu que cette
responsabilité soit partagée entre le professionnel compétent et les membres de
l'équipe? Déjà, on aurait un bassin un petit peu plus large de personnes qui
pourraient agir de la sorte auprès de la personne, mais, évidemment, on
s'entend ça, sans acharnement. Alors, c'est peut-être des éléments de réponse
qu'on pourrait vous amener, là, pour le moment.
• (21 h 10) •
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je vais maintenant compléter
cette période d'échanges avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Merci à tous les trois d'être là à cette heure
relativement tardive. C'est très, très apprécié de vous rendre disponible pour
répondre à nos nombreuses questions. J'ai assez peu de temps. Mais je voyais
que vous aviez quand même plusieurs mises en garde dans le document que vous
nous avez fourni, notamment sur le contexte, sur la stabilité des équipes, sur
l'accès aux demandes anticipées, j'imagine, stabilité, pénurie, également,
main-d'oeuvre, et tout. Et ce que... Vous ne l'avez pas énormément élaboré,
mais c'est quand même un parapluie à l'ensemble du projet de loi. Donc,
j'aurais aimé ça vous donner l'opportunité d'élaborer davantage sur votre mise
en garde, sur comment on doit la recevoir, puis comment on doit en tenir compte
à la lumière des articles du projet de loi.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Mme
Roc, s'il vous plaît.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien,
en fait, cette mise en garde, c'est justement, si, à la fin des consultations
actuelles, on voit qu'il y a encore trop d'enjeux soulevés, on dit :
Est-ce que, finalement, il n'est pas trop tôt pour procéder et peut-être,
justement, de déborder après le 10 juin pour pouvoir bien asseoir les
choses et pouvoir, vraiment, adopter un projet de loi qui est plus réaliste
dans sa mise en oeuvre? C'était un de nos premiers éléments.
Et puis évidemment, bien, ce qu'on ne
souhaiterait pas, c'est que, finalement, parce qu'on souhaite qu'il y ait
beaucoup de... En fin de compte, ce qu'on devrait vraiment s'assurer, c'est que
le principe d'autodétermination doit primer? Et on comprend...
Mme Roc (Marie-Lyne) : ...On
souhaite mettre à profit des professionnels compétents puis qu'on veut que tout
le monde, finalement, ait une vigie, mais l'autodétermination de la personne
doit être au cœur de la décision. Puis ça aussi, c'est un élément qui nous
apparaît extrêmement important, nous, c'est ce qui nous guide, c'est l'élément
majeur qui nous guide dans nos positions, puis nous assurer de l'accès aussi.
Et l'accès, pour nous, c'est extrêmement important et on ne voudrait surtout
pas qu'un projet de loi ait tellement de particularités et puis que c'est
tellement difficile de le mettre en œuvre que, finalement, ça ne permet pas
l'accès. Or, le projet de loi veut, finalement, élargir l'accès, alors il ne
faudrait pas oublier cette finalité qui était visée à prime abord.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
participation, votre collaboration. Et comme le disait Mme la députée, malgré
l'heure tardive, vous avez pris le temps de répondre à l'ensemble des questions
qui vous ont été posées, nous vous en remercions.
Sur ce nous allons suspendre les travaux
pour faire place au prochain intervenant. Merci beaucoup, bonne fin de soirée.
Une voix : Merci beaucoup de
nous avoir accueillis.
Une voix : Merci, au revoir.
Une voix : Merci.
(Suspension de la séance à 21 h 14)
(Reprise à 21 h 19)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je vais maintenant souhaiter
la bienvenue au Dr David Lussier, médecin gériatre, et je vous rappelle,
docteur, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite,
nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors. Je vous invite
à vous représenter et à initier votre exposé.
M. Lussier (David) : Daccord.
Merci, M. le Président, merci de me recevoir. C'est un vrai plaisir d'être ici
en cette heure tardive, là, pour parler d'aide médicale à mourir. Donc,
quelques minutes pour me, la présenter. Je suis gériatre. Je pratique à
l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Puis, en plus de ma
résidence en gériatrie, j'ai fait une formation, là, en douleur et en soins
palliatifs au début des années 2000. Mais, depuis le début de pratique, je ne
pratique pas en soins palliatifs. Ma pratique actuellement est presque
exclusivement en clinique de gestion de la douleur chronique pour les personnes
âgées.
• (21 h 20) •
Je m'intéresse à l'aide médicale à mourir
depuis le début de la réflexion sur le sujet. Moi, durant les mois entre
l'adoption de la loi et son entrée en vigueur, j'ai fait partie d'un comité
interdisciplinaire du ministère qui a établi le processus de cheminement d'une
demande d'AMM et qui a entre autres créé les groupes interdisciplinaires de
soutien qu'on appelle les GIS qui n'étaient pas prévus dans la loi, mais qui
sont ajoutés dans le projet de loi.
Depuis décembre 2015, je suis aussi membre
de la Commission sur les soins de fin de vie du Québec, dont un des mandats est
de s'assurer du respect de la loi en analysant tous les formulaires de
déclaration d'AMM. Et donc, depuis le 10 décembre 2015, à la commission de
plus de 10 000 formulaires de déclaration d'AMM. Je tiens à préciser,
là, que je suis ici en mon nom personnel et non au nom de la commission.
En fait, je pratique des aides médicales à
mourir entre cinq et 10 par année habituellement - cette année, ça va être
certainement beaucoup plus que ça- donc dans les milieux de soins différents,
à domicile, dans les hôpitaux, dans les CHSLD. Et suis aussi un peu l'expert
des cas complexes à cause de mon expertise sur le sujet. Et enfin, j'ai fait
partie du groupe d'experts pour la politique et le plan d'action pour
l'hébergement et les soins de longue durée qui a été déposé récemment.
Donc, pour passer au projet de loi de
façon plus spécifique, premièrement, je crois que c'est assez évident que le
projet de loi répond à une demande exprimée par la population. Il y a un
consensus social assez large au sein de la population québécoise et du corps
médical. Cependant, le projet de loi ou l'introduction de l'aide médicale à
mourir par demande anticipée représente aussi un changement important pour les
soignants qui sont impliqués auprès des patients âgés, et particulièrement ceux
avec des troubles cognitifs. Donc, je crois qu'il ne faut pas non plus négliger
cet aspect-là quand on va vouloir mettre en application le projet de loi parce
que c'est un changement de culture assez important, là, pour plusieurs
personnes.
Je vais me concentrer maintenant sur les
points les plus importants. Vous avez eu, dans le document que j'ai déposé, là,
une discussion article par article qui répond un petit peu à mon trouble
obsessif compulsif où j'ai pris chaque article et j'ai fait quelques
recommandations de changement, mais ce serait assez fastidieux, là. Donc, je
vous laisse en prendre connaissance et poser des questions si vous le voulez
et je vais me concentrer sur les points les plus importants.
Donc, premièrement, je répète souvent que
le Québec a la meilleure législation puis la meilleure approche au monde pour
l'aide médicale à mourir parce que l'aide médicale à mourir est considérée
comme un soin, un soin qui s'inscrit dans un continuum de soins offerts à la
personne, mais aussi parce que la loi... ou l'aide médicale à mourir est
encadrée par une loi dont l'un des premiers articles, le quatrième, dit :
«Toute personne dont l'État le requiert a le droit de recevoir des soins de fin
de vie.» Selon moi, c'est l'article le plus important de la loi n° 2.
Et quand on dit «soins de fin de vie», si on...
M. Lussier (David) : ...soins
palliatifs en fin de vie et AMM. Cet article-là est important, parce qu'il
offre l'assurance que l'AMM ne soit pas choisie par défaut d'avoir accès à des
soins de fin de vie. Par contre, un des grands problèmes rencontrés avec les
personnes en fin de vie, c'est que les soins palliatifs arrivent souvent trop
tard dans évolution de leur maladie. Donc, je crois que plutôt que de dire
«toute personne a le droit de recevoir des soins de fin de vie», ce serait
hautement préférable de dire que «toute personne a le droit de recevoir des soins
palliatifs et de fin de vie» pour inclure les soins palliatifs plus tôt dans le
cheminement de la personne.
Par ailleurs, il faudrait que le même
esprit soit présent pour les patients qui souffrent d'une maladie grave et
incurable, mais ne sont pas en fin de vie, incluant ceux avec des troubles
neurocognitifs. Donc, pour ces personnes, donc pour celles en fin de vie, l'AMM
ne doit pas être un soin qu'elles choisissent par défaut d'avoir accès à des
soins de qualité et adaptés à leurs conditions. Donc, à cet effet, je
suggérerais d'ajouter, à l'article 4, «toute personne, avec une maladie grave
et incurable, incluant une maladie menant à l'inaptitude, a droit à des soins
de qualité adaptés à sa condition, à ses objectifs de soins». Je crois que cet
ajout-là rassurerait beaucoup la population, ça rassurerait aussi les personnes
atteintes et leurs proches, mais ça rassurerait surtout plusieurs cliniciens
qui sont impliqués dans les soins aux aînés, qui craignent que des aînés
choisissent l'AMM parce qu'ils ne reçoivent pas les soins nécessaires.
L'autre élément important à considérer,
c'est que le projet de loi, s'il est adopté, seulement une étape, encore, il va
falloir avoir un guide de pratique qui soit très détaillé pour guider les
médecins et aussi une guidance et un accompagnement des médecins qui vont
pratiquer ce soin. Si on y va un peu plus en détail, quand un patient fait une
demande anticipée... ou, attendez un petit peu, oui, quand un patient demande
anticipée, on dit qu'il doit être assisté d'un professionnel compétent. À
l'article 29.10, on demande que le professionnel compétent, qui a prêté
assistance à la personne, lui rappelle à des moments différents et espacés par
un délai raisonnable qu'elle peut retirer ou modifier sa demande.
À mon avis, c'est peu probable qu'au moins
au début, il y ait beaucoup de cliniciens de première ligne qui se sentent
aptes à accompagner les patients pour faire des demandes. Donc, ça va
probablement surtout revenir aux professionnels qui sont dans des cliniques de
deuxième et troisième ligne. Et, souvent, ces personnes ne suivent pas les
personnes de façon longitudinale durant plusieurs années, donc ça pourrait être
assez difficile que le même professionnel compétent refasse l'évaluation et
rappelle à la personne qu'elle peut retirer sa demande. Et s'ajoute à ça,
évidemment, le problème si le professionnel compétent prend sa retraite ou
change de milieu de pratique. Donc, ce serait probablement préférable de dire
que «la personne doit être rencontrée à des moments différents par un
professionnel compétent, plutôt que le même qui l'a assisté depuis le début,
parce que ce professionnel-là, sinon, a un rôle qui dure pendant plusieurs
années, ça peut être lourd et pourrait décourager des personnes de s'impliquer
dans le soin.
Un autre élément qui m'a frappé, c'est
que, selon l'article 29.15, l'évaluation de la présence des souffrances
décrites par la personne, pour recevoir l'AMM, se fait seulement une fois pour
la considérer admissible. Je crois que, comme pour la demande contemporaine, ce
serait préférable que les souffrances soient persistantes, donc il faudrait
exiger plusieurs évaluations à des moments différents, une fois que la personne
est devenue inapte, plutôt qu'une seule évaluation, pour la considérer admissible.
Encore, à l'article 29.15, on retrouve le problème le plus important, je crois
qu'il a déjà été dit aujourd'hui, qui est la notion de refus, quand on dit que
«tout refus de recevoir l'AMM, manifesté par la personne, doit être respecté et
ne puisse, d'aucune manière, y être passé outre. Même qu'à l'article 30.2, on
dit que «la demande doit être radiée en cas de refus». On comprend évidemment
la rationnelle, puis on ne peut pas imposer un soin si la personne le refuse,
mais je crois qu'il faut vraiment préciser la notion du refus, est-ce que ça
implique qu'il faut demander à la personne si elle accepte de recevoir l'AMM
et, si elle refuse, on annule la demande? Je crois qu'on va parler plutôt
parler de refus catégorique, il faudrait le préciser. Donc, le refus
catégorique est une manifestation de volonté qui ne laisse aucun doute quant à
sa signification, dans les faits, c'est souvent une personne qui le débat.
Par contre, il y aura aussi là un problème
qui a aussi été évoqué, que les patients qui ont des troubles neurocognitifs
assez avancés présentent souvent ce qu'on appelle des symptômes comportementaux
psychologiques de la démence, le SCPD dans notre jargon. Puis ces personnes,
souvent, ne veulent simplement pas être touchées, donc il y a une résistance
aux soins, il y a une résistance à aller prendre un bain. Donc, on peut penser
qu'une personne qu'on voudrait simplement emmener, pour recevoir l'AMM,
opposerait cette résistance. Est-ce qu'on doit considérer ça alors comme un
refus catégorique? Si c'est le cas, on va se retrouver à refuser d'administrer
l'AMM à un très, très, très grand nombre de personnes qui souhaitaient...
M. Lussier (David) : ...donc
iIl faudrait peut-être prévoir un peu plus de latitude laissée au jugement
clinique du professionnel qui sera présent à ce moment-là, soit en essayant à
plusieurs reprises s'il y a un refus catégorique la première fois, ou en
permettant une légère sédation, puis encore là, ça devrait sûrement être
impliqué, être inclus dans un guide de pratique.
Puis enfin, il y a un élément dans la
pièce, je sais qu'il a déjà été évoqué ici, pas un élément, mais un éléphant
dans la pièce, puis cet éléphant, c'est le Code criminel. Évidemment, je n'ai
aucune compétence constitutionnelle ni juridique, mais, si le projet de loi est
adopté et que le Code criminel n'est pas modifié pour permettre
l'administration de l'AMM par demande anticipée, il faudra expliquer clairement
aux professionnels compétents pourquoi et comment ils seront protégés contre
des poursuites en vertu du Code criminel parce que, si les professionnels ne
sont pas suffisamment rassurés sur ce fait, ils vont refuser de s'impliquer,
car ils vont avoir peur de poursuites criminelles. Donc, s'il n'y a pas de
risque de poursuite criminelle, il faudra bien l'expliquer et bien les
convaincre. Donc, voilà.
Si l'article par article, il y a plusieurs
éléments qui sont aussi importants, donc si vous en avez pris connaissance et
vous voulez en discuter, là, plus en détail, je serai évidemment heureux de le
faire.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Alors M. le ministre, on débute de cette période d'échange.
M. Dubé : À cette heure
tardive pour...
Le Président (M. Provençal)
:À cette heure tardive.
M. Dubé : Dr Lussier,
j'ai l'impression que je rencontre une star des réseaux sociaux aujourd'hui. Je
dois vous dire que depuis que je suis à la Santé, je vous suis sur les réseaux
sociaux et je dois vous dire que vous faites, avec quelques autres médecins une
job extraordinaire de vulgarisation, et j'en profite parce que c'est moins
drôle quand on parle d'aide médicale à mourir, mais le travail que vous avez
fait durant la pandémie jusqu'à maintenant est exemplaire, puis je tiens à vous
remercier. J'en profite pour pouvoir le faire parce que vous faites un travail
extraordinaire. Puis votre présence ce soir à cette heure en est un autre
exemple.
Deuxième exemple, c'est la qualité de
votre mémoire. Moi, je les lis depuis tout à l'heure. On m'a noté... Moi, j'ai
l'impression qu'on peut prendre ça, là, puis donner ça à nos légistes, puis
dire : Réglez-nous ces problèmes-là d'ici jeudi prochain, puis on est un
business. C'est assez clair, je...
Une voix : ...
• (21 h 30) •
M. Dubé : Hein? Non,
mais je ne sais pas, mais je veux juste vous dire, Dr Lussier, là, c'est
tellement clair ce que vous dites que, moi, je n'ai pas vraiment de questions
en. J'ai essayé tout à l'heure de me dire : Vous êtes clair, ça prend un
guide par rapport à... On ne pourra pas tout mettre ça dans une loi, vous
reconnaissez. Là, j'y vais en rafale, puis si j'en oublie des importants, à
part le fait qu'effectivement on a un leadership dans la loi qu'il ne faut pas
perdre, puis je pense qu'on y reviendra avec votre éléphant dans la pièce.
J'aime beaucoup votre... le guide, je l'ai dit.
Je passe à un autre point. Vous dites que
la personne doit être rencontrée à des moments différents par un professionnel
plutôt que par la même personne qui a assisté. Je pense que, quand on entendait
tout à l'heure les gens qui sont venus, notamment des travailleurs sociaux,
dire : Ça va être difficile parce qu'il manque de personnel en ce moment.
Je pense que cette multidisciplinarité ou cette flexibilité va nous permettre
au début, parce que c'est un changement de paradigme qu'on fait, d'être
capables de ne pas être pris avec un seul professionnel, un peu comme on a
fait. Là, je ne veux pas faire de la publicité pour P. L. n° 11,
mais c'est un peu ça, de rendre plus large qui peut faire de la prise en
charge. Je pense que c'est un peu ça que vous dites ici. À moins que
j'interprète mal votre...
Vous avez été clair... puis là, vous... En
fait, le seul défaut que je vous dirais, c'est qu'elles ne sont pas numérotées,
vos pages. Je suis ne suis pas capable de les suivre, mais ce n'est pas grave.
Si c'est le seul défaut de la soirée, ce n'est pas grave Dr Lussier. Je dirais
que vous de faire le commentaire sur refus catégorique, je vais laisser mes
collègues parce que votre expertise, vous venez de le dire, là, il y a des
signes clairs pour un professionnel qui est capable de reconnaître que
quelqu'un, ce n'est pas vraiment un refus, mais c'est un réflexe normal de
quelqu'un qui est dans cet état-là. Bon.
L'éléphant dans la pièce, j'aime beaucoup
ce que vous dites parce que je ne veux pas critiquer les commentaires du
Barreau, mais c'est très facile de dire qu'on ne suit pas la loi alors qu'on
dit qu'est ce qu'on peut faire en attendant pour rendre nos professionnels à
l'aise parce qu'il est important de trouver une solution. C'est un peu ça que
vous dites, c'est qu'est ce qu'on peut dire qui va permettre à nos
professionnels d'être à l'aise de faire le travail, même si peut être
l'environnement légal n'est pas parfait. Je dis souvent que le mieux est
l'ennemi du bien, mais en ce moment, ce qu'on a besoin, c'est d'être mieux et
non d'avoir le bien parfait. Alors donc, je pense que votre commentaire à cette
page est important.
L'article 20...
21 h 30 (version non révisée)
M. Dubé : ...c'est
intéressant, je n'avais pas vu ça, ça. Vous avez dit... vous dites ici :
«Or, toute personne peut formuler une demande, qu'elle soit admissible ou non,
c'est suite à la demande formulée.» Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus
parce que...
M. Lussier (David) : En fait,
je crois que c'est probablement une coquille, là, où ce qui est dit, c'est qu'une
personne peut formuler une demande contemporaine si elle satisfait aux
conditions suivantes. Et là les conditions suivantes, c'est les conditions d'admissibilité.
C'est comme que si on implique que, pour faire une demande, il faut déjà être
admissible, ce qui n'est évidemment pas le cas, il faut...
M. Dubé : ...qui était
souhaité. O.K., je comprends.
M. Lussier (David) : C'est
ça, je crois que c'est pour ça, c'est probablement une coquille, là, qui a
échappé aux gens qui ont écrit le projet de loi.
M. Dubé : Bon, pour la
question du tourisme médical, là, je pense que c'est important qu'on le traite.
On l'a fait avec les enfants immigrants puis on a trouvé une façon, je crois,
dans je ne me souviens pas c'est quoi, le projet de loi, le numéro du projet de
loi. C'est-u 83, ça? Mais on y reviendra parce que vous vous soulevez une question
là-dessus, puis... Et je pense que c'est tout. Mais le bon professionnel,
plutôt que d'être spécifique aux médecins, puis manque de personnel, on en a
parlé.
M. Lussier (David) : Il y
avait peut-être un autre élément, si je peux me permettre, là, où quand on dit
que le professionnel de la santé qui constate que les souffrances sont
présentes quand la personne est devenue inapte, on dit qu'elle doit aviser un
professionnel compétent. Moi, je crois que ça devrait être le professionnel
compétent qui est en charge de la personne pour qu'on reste dans l'équipe de
soins, parce que, sinon, on va aller... on peut aller chercher des spécialistes
de l'AMM qui vont arriver seulement pour faire l'AMM, et ça, c'est ce qu'on ne
veut pas, je crois. Donc, ça serait préférable que ça reste dans l'équipe de
soins.
M. Dubé : En tout cas, pour
quelqu'un qui ne voulait pas faire l'article par article, ce que vous dites à
votre début, bien, vous l'avez fait. Ça fait que, merci beaucoup, parce que je
ne sais pas quand est-ce vous avez fait ça, là, mais c'est très aidant. Merci
beaucoup. Je vais laisser à mes collègues...
M. Lussier (David) : C'était
la nuit dernière.
M. Dubé : La nuit dernière?
En tout cas, un énorme merci, Dr Lussier.
Mme Guillemette : Merci, Dr
Lussier, d'être avec nous ce soir. On parle des rencontres avec les
professionnels pour évaluer une douleur persistante, parce que ça devra être
une douleur persistante. Qu'est ce qui serait acceptable comme délai ou comme
comme momentum, là, combien de fois, qui, comment, pour bien évaluer la douleur
persistante? Sur un an, sur deux ans, aux trois mois?
M. Lussier (David) : Est-ce
que vous voulez dire une fois que la personne est devenue inapte, là, au moment
où on évalue l'admissibilité? Je crois que, pour avoir beaucoup travaillé avec
la loi, là, depuis le début, je crois que le plus on laisse de latitude au
jugement clinique de la personne, le médecin ou l'infirmière praticienne, le
mieux c'est. J'aime beaucoup l'article de la loi actuelle qui dit : «un
délai raisonnable compte tenu de l'évolution de son état ou de sa maladie.» Je
crois que ça, ça nous laisse beaucoup de latitude et de jugement clinique.
Donc, ça pourrait être quelque chose de semblable, là, pour s'assurer qu'on
évalue la présence de souffrance, là, pas seulement à une reprise.
Mme Guillemette : Merci. Vous
parlez également d'un guide de pratiques très détaillé. Qu'est-ce qu'on aurait
besoin dans un guide de pratiques? Et qui pourrait élaborer ce guide de
pratiques là, ou qui devrait élaborer?
M. Lussier (David) : Bien, le
guide de pratiques, je faisais surtout référence au guide de pratiques des
ordres professionnels qui existe déjà, qui est un peu la bible pour les
médecins actuellement, qui veulent devenir aussi, là. On l'appelle parfois le
guide de pratiques du Collège des médecins, mais c'est tous les ordres
professionnels qui le font de façon conjointe. Vous avez posé la... Je n'ai pas
beaucoup écouté aujourd'hui, mais j'ai beaucoup aimé votre première question,
ce matin, au Collège des médecins, quand vous demandiez comment évaluer la...
décrire, la souffrance objectivable. Je crois que, ça, c'est quelque chose qui
doit se retrouver dans un guide de pratiques. Parce que moi-même qui connaît très
bien le domaine, j'ai de la difficulté actuellement, si je voulais conseiller
quelqu'un à décrire ses souffrances, à lui donner des exemples de souffrances
qui pourraient être incluses dans les demandes anticipées, les souffrances qui
seraient objectivables. Donc, je crois que ça, ça doit... on ne peut pas écrire
ça dans la loi, quelles souffrances pourraient être incluses, mais je crois qu'il
faut que ce soit un guide de pratiques. Absolument.
Mme Guillemette : Si on
avait, demain matin, bon, on dit...
Mme Guillemette : ...la loi
est prête, on administre sur le terrain, concrètement, pour les gens qui vont
avoir à administrer ou administrer, mais aussi à tout le continuum avant le
processus. Est-ce qu'il y a des choses, dans le projet de loi, qu'il
faudrait... que vous voyez, là, que c'est incohérent avec ce qui se passe sur
le terrain, là, selon votre expérience?
M. Lussier (David) : Bien,
j'ai déjà nommé tantôt, on a déjà discuté le fait que le professionnel qui
assiste la personne dans sa demande ne peut pas évaluer à des intervalles
réguliers, parce que le délai moyen, là, entre le moment du diagnostic et la
déclaration d'inaptitude, ça va être entre trois et 10 ans, probablement. On ne
peut pas s'attendre à ce que quelqu'un réévalue la personne parce que ça
apporterait une charge beaucoup dans les cliniques. Puis on ne peut pas non
plus, je crois, imposer aux cliniques secondaires et tertiaires de devoir
revoir des personnes, exprès pour ça, il faut que ça soit dans le processus de
soins. Donc, ça, c'est un élément, je crois, qu'il ne faudrait pas que ce soit
réévalué toujours par la même personne.
Un autre élément qui fait problème, selon
moi, aussi, c'est quand le professionnel compétent évalue l'admissibilité, on
dit qu'il doit discuter avec le professionnel qui a assisté la personne quand
elle a fait sa demande. Mais donc, ça, c'était... il y a un délai de trois,
cinq, 10 ans entre les deux. Ce n'est pas du tout réaliste qu'on va aller retrouver
la personne et la contacter et aussi que, premièrement, si on a déjà des
souffrances décrites par la personne, ce n'est pas pertinent, je crois, de
reparler à ce professionnel-là. Moi, je pense que ça, il faudrait enlever cet
élément-là, parce que ça va seulement être un obstacle finalement, là, inutile.
Il y a un autre élément que j'avais noté
qui est un détail, mais on demande ce qui s'est fait devant témoin, on demande
qu'il y ait deux témoins. Je ne voyais pas bien pourquoi deux témoins, parce qu'on
a déjà des professionnels compétents, on a déjà le tiers de confiance, on a un
témoin, donc pourquoi avoir deux témoins. On a eu la mauvaise expérience avec
la loi fédérale où il fallait trouver deux témoins. C'est très, très, très
difficile, ça va peut-être être différent, parce que ça va être dans un milieu
de soins, mais trouver un témoin indépendant en pratique, ce que c'est, quand
c'est fait à domicile, c'est le voisin, le facteur, le laitier, parce que ça ne
doit pas être dans l'équipe de soins, ça ne doit pas être quelqu'un qui est un
héritier. Donc, on va prendre des gens qui, finalement... on se retrouve
parfois à briser la confidentialité, sinon, il faut emmener un professionnel
qui n'est pas dans l'équipe de soins, mais d'emmener une infirmière juste pour
être témoin, ce n'est pas une bonne utilisation des ressources. Donc, je crois
qu'un témoin, ça devrait être vraiment suffisant, là, comme on a déjà plusieurs
personnes et, déjà, de réunir tous ces gens-là, c'est beaucoup.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup, Dr Lussier. C'est très éclairant, ce soir, pour la suite des choses,
pour nous, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour, Dr Lussier. J'avais une question pour vous :
Est-ce que c'est possible pour les professionnels d'évaluer la souffrance
psychologique, la souffrance physique d'une personne, avec des troubles
cognitifs majeurs, et inapte, selon vous?
• (21 h 40) •
M. Lussier (David) : Oui,
c'est une excellente question. La souffrance physique, c'est assez ce que je
fais tous les jours, là, c'est souvent la douleur qu'on va considérer comme une
souffrance physique, et il y a des façons de l'évaluer. Donc, pour la
souffrance physique, on a même des échelles qui ont été validées, qui ne sont
pas parfaites, évidemment, parce que la douleur ou même la souffrance est
subjective, donc c'est toujours très difficile de faire une hétéroévaluation,
d'évaluer la souffrance de quelqu'un d'autre, c'est très difficile.
Actuellement, avec la demande contemporaine, quand je fais des formations, je
dis que c'est le plus facile à évaluer, la personne dit qu'elle souffre, elle
souffre, on arrête là, mais quand c'est une personne inapte, c'est beaucoup
plus difficile. Donc, pour la souffrance physique, c'est possible de le faire,
on a des échelles, on est capable de former des gens pour le faire.
Pour la santé psychologique, c'est
beaucoup plus difficile parce qu'il faut se référer à ce que la personne
considérait comme une souffrance psychologique avant de perdre son aptitude.
Et, de là, tout... je n'en ai pas parlé, mais j'ai trouvé que le projet de loi
traitait bien le concept de ce qu'on appelle, je n'aime pas appeler ça comme
ça, mais c'est comme ça qu'on l'appelle, la démence heureuse, c'est-à-dire des
gens qui ne réalisent pas qu'ils ont des problèmes cognitifs, qui sont heureux
ici et maintenant. Je crois qu'en demandant qu'il y ait une souffrance
objectivable, je crois qu'on vient un peu enlever le problème ou le malaise que
les gens avaient à dire qu'on va donner l'AMM à quelqu'un qui semble heureux,
là, dans le quotidien. Donc, pour la souffrance psychologique, comme je le
disais, c'est beaucoup plus difficile, donc il va falloir vraiment y aller avec
ce que la personne a décrit elle-même comme étant une souffrance. Et, comme je
le disais un peu aussi, c'est que, souvent, je crois que ça va être... ce qui
va être décrit comme une souffrance, ça va être l'agitation...
M. Lussier (David) : ...ça va
être l'agressivité. Ça va être la résistance aux soins. La personne ne voudra
pas vivre cette étape-là ou faire vivre ça aux autres, à ses proches. Donc, il
faudra que ça soit bien décrit, que ça soit bien encadré. Puis raison de plus,
quand je parlais du refus catégorique, là, de faire attention à ça, parce que
ça peut être même une souffrance qu'on interprète comme un refus.
Mme Picard : Et il ne me
reste pas beaucoup de temps, je crois.
Le Président (M. Provençal)
:Une minute.
Mme Picard : Une minute.
J'aimerais savoir, selon vous, sur le terrain, comment va se manifester la
personne qui lève le drapeau, là, le professionnel ou le tiers de confiance.
Est-ce que vous pensez, en fait, que ça devrait plus être le tiers de confiance
ou bien le professionnel qui joue ce rôle-là de lever le drapeau du bon moment?
M. Lussier (David) : Moi, je
crois qu'un ou l'autre. Maintenant, on donne le choix un peu. On dit que c'est
un professionnel de la santé, donc, ce n'est pas nécessairement un
professionnel compétent, là, c'est un professionnel de la santé. Et s'il ne le
fait pas, c'est le tiers de confiance. Donc, je crois qu'en le faisant, on se
donne toutes les chances pour que ça ne passe pas inaperçu.
Mme Picard : Merci beaucoup,
Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Avec
plaisir.
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons avec le député de
D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Merci, Dr Lussier, pour vos interventions rigoureuses, lucides,
pragmatiques et claires, tellement utiles.
Entre autres, il me semble que vous nous
proposez des arguments incontournables en ce qui a trait à l'idée de produire
un guide de pratique et que le projet de loi peut aller jusqu'à un certain
point pour encadrer un tel guide, mais que le travail resterait à faire pour
vraiment faciliter le travail sur le terrain des intervenants.
Est-ce que je peux comprendre quand on
parle de l'importance d'assurer surtout les médecins sur le terrain qui ne sont
pas vulnérables sur le plan légal? Je prends pour acquis, vous allez me dire si
je me trompe, que vous êtes à l'aise que le législateur procède et identifie
une date, je présume, là, la plus vite que possible pour l'implantation d'un
éventuel projet de loi advenant un code criminel qui ne se prononce pas
nécessairement de façon si claire sur l'affaire. Est-ce que je comprends bien?
M. Lussier (David) : Je vais
dire que je crois qu'il faut prendre pour acquis que le Code criminel ne sera
pas amendé dans un avenir prochain, donc, à moins qu'on veuille retarder
l'adoption ou la mise en application de ça pendant plusieurs années, ça va être
fait sans une modification du Code criminel. Mais les médecins en général,
c'est sûrement la même chose pour les infirmières praticiennes, sont plutôt
peureux quand il est question, surtout tout le médicolégal, mais encore plus
quand c'est question de criminel. Donc, les gens ne voudront pas aller contre
le Code criminel, à moins qu'on les ait rassurés de façon certaine qu'ils
n'encourent pas de risque. Et ce qu'on nous disait avant, parce qu'on a déjà
vécu, là, on a déjà joué dans ce film-là quand la loi a été adoptée en 2015 et
que le Code criminel n'avait pas encore été modifié, on nous disait : Bon,
on va donner la directive à nos procureurs généraux de ne pas poursuivre des
médecins pour cette raison. Pour les médecins autour de moi, ce n'est pas
suffisant parce qu'on change de gouvernement, et le nouveau gouvernement change
d'idée ou il y a une plainte privée qui arrive d'un groupe opposé, parce qu'il
y en a des groupes opposés. Donc, il y a beaucoup de travail à faire, je crois,
pour ça, et évidemment ce n'est pas mon expertise. Mais je crois qu'il faut
être très convaincant pour convaincre les médecins d'embarquer dans ça parce
que plus c'est complexe, plus les médecins... je dis les médecins, mais on
entend aussi les IPS, là, maintenant, si c'est dans le projet, mais il faut
travailler très fort pour les garder parce que plus c'est complexe et plus ils
hésitent à s'embarquer dans ça, ce qui est très demandant au niveau temps,
émotion, planification. Et donc, il faut vraiment les aider le plus possible et
les rassurer.
M. Birnbaum : Oui, je
comprends, c'est un enjeu réel. Les médecins doivent être équipés pour agir.
Comment... est-ce que vous avez quelques
suggestions de comment concrétiser cette assurance? Et y aurait-il un aspect de
cette obligation qui se manifesterait dans le projet de loi comme tel ou dans
la suite? Est-ce que vous avez des suggestions concrètes à nous offrir?
M. Lussier (David) : Mais en
fait, ce n'est pas du tout, du tout mon expertise. Mais si le législateur
québécois est convaincu qu'il peut aller de l'avant avec la loi...
M. Lussier (David) : ...avec
les demandes anticipées sans modification du Code criminel, il faut qu'il en
convainque les médecins avec des arguments convaincants. Et je n'ai aucun doute
que c'est le cas, que le législateur québécois croit qu'il peut aller de
l'avant, mais il faut en convaincre les médecins avec des arguments que moi, je
ne possède pas, là.
M. Birnbaum : Merci.
Bon, j'ai une autre question et je laisserai le temps, si vous me permettez, M.
le Président, à mes collègues, le temps qui me resterait. Je comprends vos
précisions très intéressantes sur l'idée que le refus soit catégorique. On
parle quand même, comme vous avez bien dit, et d'autres, que c'est une personne
inapte, à ce point-là, qui agit, en quelque part, au nom d'elle-même comme
personne quand elle était apte... voulait passer à l'acte dans les conditions
actuelles. Alors, en quelque part, tout un paradoxe. Même avec le mot
«catégorique», comment vous êtes satisfait qu'il y a un refus crédible, je me
permets le mot, offert par une personne qui est inapte?
M. Lussier (David) : Mais,
encore là, il faut le baliser. Je ne suis pas certain que ça puisse être fait
dans une loi, mais que c'est plus, plutôt, une bonne pratique médicale de
pouvoir identifier un refus catégorique. Est-ce qu'on pourrait donner une
légère sédation, quelque chose pour... pas pour empêcher le refus catégorique,
évidemment, mais pour calmer cette agitation ou cette résistance à tout soin
qu'on voit souvent chez ces personnes-là? Et, après ça, on pourrait procéder,
s'il n'y a pas d'agitation, de refus catégorique. Ce qu'on veut éviter,
évidemment, c'est de restreindre la personne pour lui faire une injection
intraveineuse, parce que c'est très traumatisant pour tout le monde, je crois
que ça ne doit pas être fait. Mais on doit trouver des façons de pouvoir
respecter la volonté de cette personne-là, finalement, qu'elle a exprimée
auparavant, mais sans aller jusque là. Et ça, selon moi, ça relève plus de la
pratique médicale que de la loi. Donc, ça pourrait être encadré dans un guide
de pratique.
M. Birnbaum : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous allons poursuivre avec
député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M.
le Président. Dr Lussier, merci d'être de garde pour nous. Vous pourrez aller dormir
après, maintenant que vous avez fait vos devoirs la nuit dernière. On aimerait
ça que vous soyez en forme demain pour faire votre journée. Blague à part,
merci d'être là.
Vous dites, tout à l'heure: Une personne
qui se débat, en général, c'est parce que... la personne se débat, c'est ça qui
est perçu comme un refus ou, en tout cas, une rebuffade, ça, c'est sûr.
Mettons, là, les patients Alzheimer, stade cinq, six, sept, là... mettons six,
sept, quel est le pourcentage de ces gens, dans votre expertise, là, qui
réagissent assez mal si on doit les manipuler? Je ne parle pas de leur peigner
un petit cheveu de travers, là, de les manipuler pour préparer l'aide médicale
à mourir. Quel est le pourcentage de ces gens-là qui risquent de gigoter?
• (21 h 50) •
M. Lussier (David) : C'est
plus les cinq, six, en fait, parce que les sept sont grabataires et ils ne
bougent pas. Donc, les sept, ce n'est pas un problème. Je crois que, souvent,
les gens s'imaginent que l'AMM va être administré au stade sept, mais de la
façon dont on décrit ici, ça va être de façon plus précoce, parce qu'ils
deviennent inaptes autour du stade cinq, donc... Et dans les stades... Ça
dépend beaucoup. Il y a des gens qui... Ça serait difficile de mettre un
pourcentage, mais le pourcentage est... peut être très élevé. Moi, je dirais
que c'est plus que 50 % des gens en stade cinq ou... qui va être, selon
moi, la majorité de ceux qui vont recevoir l'AMM, cinq ou début de six, qui...
c'est la majorité qui voudront... qui vont le sentir comme une agression, le
fait qu'on veuille faire quelque chose. Parce que c'est comme si nous, on ne
réalise pas ce qui se passe, on ne réalise pas l'objectif de la personne. Ils
viennent nous chercher, puis encore plus pour mettre une intraveineuse, c'est
très difficile, ils vont l'arracher, donc ce n'est pas facile. Donc, ça va être
un très, très haut pourcentage. Donc, le projet de loi, comme il est
maintenant, selon moi, ce ne sera presque jamais administré, si on laisse le
refus comme ça.
M. Marissal : C'est clair. Et
ce n'est pas le but, là, on s'entend. Le but serait de permettre à ces
personnes d'obtenir la mort qu'elles ont voulue. Donc, je pense qu'il n'y a
personne qui aime ça parler de ça, là, mais on est... on ne peut pas évacuer et
faire l'économie du débat sur le sédatif, là. On exclut la contention, là, qui
est vraiment barbare. Mais le sédatif, je ne vois pas trop comment on peut ne
pas en parler, là. Peut-être pas dans le projet de loi. C'est peut-être que ça
va dans vos pratiques...
M. Marissal : ...soit,
mais la moitié, faites le calcul en considérant le pourcentage de gens atteints
de maladie... et là je ne parle que d'Alzheimer, ça fait pas mal de monde.
M. Lussier (David) : Moi,
je crois qu'on ne peut pas éviter... en pratique, on ne pourra pas éviter de
donner un sédatif quelconque à plusieurs de ces personnes-là si on veut
pouvoir... On donne des sédatifs pour donner un bain à la grande majorité des
gens. Quand on veut leur donner un bain, on leur donne un sédatif dans le bain.
Si on veut installer une intraveineuse parce qu'il a une pneumonie, il faut
donner un sédatif. Donc, pour faire une aide médicale à mourir, à un très très
grand nombre, il va falloir donner un sédatif si on veut procéder. À ce
moment-là, si on veut comme société ne pas procéder, c'est correct. Mais, si on
veut procéder, ce que je crois qui est légitime parce qu'on veut respecter les
volontés exprimées par la personne peut être qu'on pourrait dans la demande
anticipée, il pourrait y avoir un élément ou la personne accepte ou non de
recevoir un sédatif. Peut-être que ça va nous rassurerait, ça nous légitimerait
de dire : J'accepte de recevoir un sédatif si c'est nécessaire pour
pouvoir recevoir l'AMM à ce moment-là.
M. Marissal : ...ça,
vous voyez ça dans vos guides de pratique et pas nécessairement dans un article
de loi.
M. Lussier (David) : Encore
là, vous êtes plus expert que moi dans ce qui doit être dans une loi, mais je
crois que ça pourrait être bien encadré dans un guide biais de pratique. Mais
probablement que, pour que ce soit clair que c'est possible, il faudrait mettre
quelque part dans la loi que le médecin peut un sédatif si c'est jugé
nécessaire.
M. Marissal : Je vous
remercie, c'est vraiment très éclairant. Merci de votre temps puis de votre
expérience terrain. Ça nous aide beaucoup. Merci.
M. Lussier (David) : Avec
plaisir.
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons avec la députée de
Joliette pour les quatre minutes qui suivent.
Mme Hivon : Merci
beaucoup. Merci, Dr Lussier. Extrêmement utile et apprécié. J'ai plein de
questions. Justement pour ce qui est de la sédation, tantôt, on évoquait cette
idée-là que, dans la demande anticipée, la personne le prévoit, ce qui pourrait
donner un niveau de confort à l'équipe soignante plus grand.
Très, très techniquement, là, les
personnes qui sont rendues à ces stades-là, qu'en leur donnant un sédatif pour
le bain, par exemple, c'est quelle forme de sédatif? Est-ce que c'est quelque
chose qui se dissout? Est-ce que c'est une injection? Est-ce que... donc, juste
pour savoir si... donc, ça, ça va m'intéresser. Je vous fais ma nomenclature de
question puis dans mon gros quatre minutes. Bon.
Vous avez... Moi, j'ai une petite question
très technique entre le 29.4 et le 29.11. Vous l'avez soulevé, mais le 29.4
vient dire à quoi va servir le tiers de confiance qui est d'aviser un
professionnel compétent lorsqu'il pense que la personne éprouve les
souffrances, donc d'agiter le drapeau. Mais, quand on arrive à 29.11, au temps
réel, au moment deux de l'évaluation, moi je trouve que le tiers de confiance,
il y a comme plus le rôle. Là, c'est vraiment le professionnel qui prend en
charge. Donc j'aimerais ça que vous nous disiez si on pourrait clarifier ça, ou
si, selon vous, c'est cohérent. Moi, j'avais peur que si on met trop le poids,
là, juste sur le professionnel, il y ait plein de professionnels qui
disent : C'est trop de trouble. Ce n'est pas vrai que c'est moi qui vais
enclencher toute l'affaire. Donc j'avais peur que les demandes tombent entre
deux chaises. Vous, vous amenez une autre perspective, vous dites : Bien,
il y a peut-être une sécurité supplémentaire. Il y a le tiers puis il y a le
professionnel, comment on harmonise tout ça?
Et dans ce que vous nous avez dit. 29.2,
l'accompagnement puis décrire les souffrances à l'avance, là, vous avez
dit : Ça va être essentiellement des personnes de deuxième et de troisième
ligne qui vont pouvoir faire ça. Parce que j'imagine que vous présupposez qu'il
faut une très grande expertise pour pouvoir décrire à la personne les
souffrances qu'elle pourrait vivre. Réalistement, là, est ce qu'on va pouvoir?
Est-ce que les gens vont pouvoir avoir accès à ces experts de deuxième et de
troisième ligne? Voilà.
M. Lussier (David) : Je
vais prendre votre la troisième question parce que je vais avoir de la
difficulté à me souvenir des deux premières. Donc, je dis tout ce qui allait
avec la troisième. Et je crois que ce que j'ai dit, ce n'est pas nécessairement
que c'est eux qui ont l'expertise, mais je crains que les gens de première
ligne, au début, ne se sentent pas à l'aise. Peut-être que, dans 10 ans,
ça va être entré dans les normes et dans la pratique. Mais, au début, je crois
qu'ils ne se sentiront pas à l'aise. Moi, je crois que ça va relever beaucoup
des deuxième et troisième lignes donc des spécialistes comme les gériatres. Et
ce qui est intéressant ou inquiétant, c'est que quand on regarde les médecins
qui pratiquent l'aide médicale à mourir actuellement, c'est 87 % des
médecins de famille et 13 % des médecins spécialistes. C'est dans le
rapport annuel de la Commission des soins de fin de vie de 2020-2021. Donc, il
faut augmenter l'intérêt des médecins spécialistes.
Et on avait une rencontre de l'Association
des gériatres du Québec en fin de semaine, et j'ai....
M. Lussier (David) : ...des
gériatres. Et de façon assez étonnante, je dirais, il y en avait jusqu'à... sur
80 personnes présentes, il y en avait presque la moitié qui se sentaient à
l'aise d'accompagner le patient pour faire la demande d'AMM. Donc, je crois
que... sauf que ces 40 personnes, s'il y en a 400 par année, on voit tout
de suite puis il faut les suivre. Puis il n'y a personne qui va vouloir en
faire sa pratique principale. Donc, c'est pour ça, je crois, qu'il ne faut pas
surcharger ces services-là.
Vos autres questions, pour le sédatif
qu'on donne, ça peut être de différentes façons. On peut le donner qui se
dissout dans la bouche, on peut le donner oralement, si on a du temps. On évite
habituellement les injections, là, comme intramusculaires parce que c'est plus
traumatisant. Donc, c'est plus facile.
Et le tiers de confiance, j'ai aussi un
peu la même observation que vous, dans le sens où un perd un peu le tiers de
confiance dans l'histoire. Au début, on pense qu'il va avoir un rôle majeur
dans notre histoire, mais après ça, c'est un peu décevant, le rôle qu'on lui
donne, dans le sens où il devient un peu seulement là pour une assurance et
pour être consulté. Donc, le tiers de confiance devient un peu un représentant
pour aider ou pour aider s'il n'y a personne qui va aller signaler la présence
des souffrances. Sauf que, comme je le disais tout à l'heure, si on peut le
voir seulement comme l'assurance, selon moi, ça peut aider aussi, parce que le
tiers de confiance peut avoir changé, peut être décédé. Tu sais, il y a
beaucoup d'années, là, entre ça. Je crois, c'est ça qu'on ne réalise pas tout à
fait, c'est qu'on est entre trois et dix ans entre le moment de la signature
puis le moment de l'administration. Donc, il peut arriver plusieurs choses avec
le tiers de confiance entretemps. Donc, je crois que, oui, on comprend plus ou
moins son rôle vers la fin, mais si on le voit comme une aide ou quelqu'un...
une assurance, je crois que ça pourrait aller.
Mme Hivon : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Nous allons compléter notre séance
d'échange avec la députée de Maurice Richard.
Mme Montpetit : Merci, M. le
Président. Bonsoir, Dr Lussier. Merci d'être avec nous ce soir. Contente de
vous revoir. J'ai deux questions. Je vais faire comme un collège, je vais vous
les poser et je vais vous laisser le temps pour vous y répondre, comme j'ai
assez peu de temps. Vous nous mettez en garde, comme plusieurs l'ont fait, sur
la question du refus, qu'un refus entraînerait l'abandon de la demande. Je
pense qu'effectivement, quand on est familier avec toute la question des SCPD,
je pense que, tu sais, en connaissant la réalité puis les réactions qu'ils
peuvent avoir, l'agressivité, le refus de soins, je pense que c'est bien de
mettre en garde là-dessus. Vous ouvrez... vous faites comme proposition que
peut-être qu'en fait, la réponse à ça pourrait être un nombre de tentatives,
donc faire confiance au jugement du clinicien, du professionnel, un nombre de
tentatives raisonnable, qu'il juge raisonnable. Comme nous, ici, il faudra,
évidemment, libeller des amendements ou voir comment on peut faire fonctionner
ça, je voulais vous entendre sur vous, comme praticien, ce que vous entendez
par un nombre raisonnable et dans quel contexte.
Et aussi, très rapidement, bon, je sais
que vous êtes un expert, justement, des cas complexes où l'admissibilité n'est
pas toujours claire. L'objectif de ce projet de loi là, évidemment, est d'améliorer
l'accès. Est-ce que vous nous mettez en garde aussi sur certains éléments sur
la complexité ou sur certaines choses qui pourraient désengager, ou en tout
cas, ne pas favoriser l'accès, sur l'attractivité pour les médecins ou sur les
sur des médecins qui pourraient se désengager ou simplement ne plus souhaiter
faire des soins de fin de vie, de l'aide médicale à mourir?
• (22 heures) •
M. Lussier (David) : C'est
deux excellentes questions. Pour la première, sur le nombre raisonnable, je
crois qu'il faut éviter probablement de mettre un nombre, parce que ce n'est
pas... on n'est pas au baseball, là, où on a droit à trois prises. Donc, on
pourrait y aller... c'est pour ça qu'on laisse le jugement avec le nombre
raisonnable. C'est la première fois qui m'a frappé en lisant le projet de loi,
c'est qu'après un refus, on radie la demande du registre. Donc, c'est comme si
on déchire le papier que la personne a mis tant de soins à écrire puis à
rediscuter, à revalider plusieurs fois, et elle refuse une fois et on annule
tout ça. Selon moi, c'est vraiment aller contre les volontés de la personne,
qu'elle avait d'exprimées. Donc, le nombre raisonnable selon le jugement
clinique, moi, je trouve que ça nous guide assez bien, là, pour savoir quoi
faire, plutôt que de dire trois, quatre, cinq ou six, là, ce qui serait tout à
fait arbitraire.
Et pour votre autre question, évidemment,
je l'ai oubliée, je m'excuse. C'était sur, oui, si ça va décourager certaines
personnes. Donc, plus c'est complexe, évidemment, plus on risque de se
décourager des gens. Il y a des... chaque médecin qui participe à l'aide
médicale à mourir a une ligne qu'il a tracée, qui est sa ligne personnelle
d'objection de conscience, et qui dit : Moi, je ne traverserai pas cette
ligne-là. Pour certains, c'est, par exemple, si c'est ouvert aux troubles...
22 h (version non révisée)
M. Lussier (David) : ...un
certain moment, ils ne traverseront jamais ça. Pour d'autres, c'est si la
personne n'est pas en fin de vie. Donc, c'est certain qu'il va y avoir des gens
qui ne voudront pas le faire par demande anticipée. Et il faut aussi voir, ce
je trouve ça assez fascinant, pour le vivre actuellement dans les milieux de
soins de longue durée, c'est que les milieux de soins de longue durée vivent
exactement ce que les soins palliatifs ont vécu au début de la loi, c'est-à-dire
qu'ils se sentent menacés par l'arrivée de l'AMM. Et là ce n'est même pas pour
les demandes anticipées. On parle de patients qui font des demandes
contemporaines pour un trouble cognitif, là, pour lequel ils sont admissibles
maintenant. Ils se disent : Est-ce que c'est parce que vous trouvez que je
ne fais pas bien mon travail que vous voulez donner l'aide médicale à mourir à
mes patients, à mes résidents? Donc, il faut rassurer ces gens-là.
Et, oui, ça va décourager peut-être
certaines personnes, mais si on les encadre bien, qu'on les accompagne bien...
On parle, depuis le début, d'avoir un téléphone rouge où le médecin qui a des
questions peut prendre le téléphone rouge, puis appeler, puis consulter quelqu'un.
Ce n'est pas une approbation préalable, mais c'est une guidance claire dans un
cas précis. Ça, ça rassurerait beaucoup et ça pourrait éviter de perdre des
personnes impliquées, je crois.
Mme Montpetit : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Dr Lussier, pour votre
contribution à nos travaux. Surtout d'avoir accepté ces échanges alors que nous
sommes... Je peux vous dire que c'est apprécié par l'ensemble des membres de la
commission.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux
au mercredi 1ᵉʳ juin après les affaires courantes, où elle poursuivra son
mandat. Merci et bonne fin de soirée à tous.
(Fin de la séance à 22 h 4)